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N° 5040

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 février 2022.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

sur le secteur coopératif dans le domaine agricole

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Fabien Di Filippo et M. Stéphane Travert

Députés

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(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

 

La mission d’information sur les plateformes numériques est composée de : MM. Fabien Di Filippo et Stéphane Travert, co-rapporteurs, et de Mmes Graziella Melchior et Bénédicte Taurine, MM. Thierry Benoit, Yves Daniel, Luc Lamirault, Jérôme Nury, Dominique Potier, Richard Ramos et Pierre Venteau, membres.


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SOMMAIRE

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Pages

SynthÈse des propositions

Introduction

PremiÈre partie :  LES FORCES DU MODÈLE COOPÉRATIF FRANÇAIS ET SON POSITIONNEMENT HISTORIQUE AU SERVICE DE LA MODERNISATION DE L’AGRICULTURE DE NOTRE PAYS

I. LES COOPÉRATIVES AU CŒUR DU PROCESSUS HISTORIQUE DE MODERNISATION DE L’AGRICULTURE FRANÇAISE AU XXÈME SIÈCLE

A. Les coopÉratives, « filles de la misÈre » et hÉritiÈres d’un modÈle trÈs ancien de mise en COMMUN DES MOYENS DE PRODUCTION AGRICOLE

B. LA STRUCTURATION DU MODÈLE AU SERVICE DE LA MODERNISATION AGRICOLE FRANÇAISE DES TRENTE GLORIEUSES

1. Au travers, notamment, de la création des CUMA, les coopératives se sont affirmées comme des outils au service de la modernisation de l’agriculture française

2. L’émergence de groupes coopératifs d’envergure au cours des années 1950-1970 traduit la dynamique fordiste du développement agricole des Trente Glorieuses

II. les forces d’un modÈle dont les fondements sont plébiscitÉs et dont le poids Économique et social est considÉrable

A. un statut juridique atypique articulÉ autour de grands principes fédérateurs

1. Le modèle coopératif : un modèle original irrigué par des principes inspirés de l’économie sociale

a. La reconnaissance du statut coopératif

b. L’affirmation des principes coopératifs

c. Une gouvernance démocratique

d. Des modalités de rémunération particulières

e. Un statut original, justifiant des avantages fiscaux et une régulation spécifique

B. un rôle Économique, social et territorial majeur pour le modÈle agricole Français

1. Un poids économique considérable

2. Un rôle social et territorial déterminant

Deuxième partie :  le modÈle coopÉratif est aujourd’hui confrontÉ À des mutations et À des dÉfis nouveaux À l’origine de questionnements sur sa lÉgitimitÉ et son efficience

I. Le processus de concentration et d’internationalisation des coopÉratives agricoles françaIses sous l’effet des profondes mutations des marchÉs

A. l’agriculture française et ses coopÉratives face À un environnement Économique et social de plus en plus tendu

1. Dans un environnement international compétitif, l’agriculture française paraît aujourd’hui de plus en plus sur la défensive

2. Le déficit de compétitivité de notre agriculture vaut plus pour les échanges intraeuropéens qu’avec le reste du monde

3. La multiplicité des injonctions sociétales peut freiner les agriculteurs français dans leur repositionnement économique

B. LES Évolutions EN COURS DU secteur coopÉratif agricole : CONCENTRATION ET FILIALISATION

1. Les coopératives françaises sont engagées depuis 20 ans dans un processus de concentration qui a tendance à s’accélérer

2. La filialisation croissante des grandes coopératives françaises conduit à atténuer leur spécificité vis-à-vis des sociétés commerciales

II. un modÈle confrontÉ au risque de distension du lien de confiance entre les associÉs coopÉrateurs et leurs coopÉratives

A. une DOUBLE CRISE DE participation et de reprÉsentation subie par le modÈle coopÉratif, en dÉpit d’un rÉel attachement des agriculteurs

1. Une crise de la participation en assemblée générale

2. Les conseils d’administration peinent à se renouveler et à susciter des vocations

B. un sentiment diffus chez certains associÉs coopÉrateurs de déconnexion entre leurs intÉrÊts et ceux de la coopÉrative

1. Une gouvernance parfois déséquilibrée

2. Des tensions autour de la relation unissant l’associé coopérateur à sa coopérative, qui risquent à terme de fragiliser le modèle coopératif

TroisiÈme partie :  agir pour l’avenir du modÈle coopÉratif agricole : GARANTIR UNE GOUVERNANCE VERTUEUSE,  UNE RÉgulation efficace et renforcer l’attractivitÉ et la compÉtitivitÉ du modÈle

I. CONSOLIDER le lien de confiance entre les associÉs coopÉrateurs et leur coopÉrative À travers l’affirmation d’une gouvernance vertueuse

A. INFORMER et impliquer davantage les associÉs coopÉrateurs

1. Garantir le respect du droit à l’information des associés coopérateurs

a. Des obligations considérablement renforcées ces dernières années

b. Une mise en œuvre à poursuivre

2. Favoriser les instances de dialogue et la participation locale

3. Renforcer l’attractivité de l’assemblée générale

B. renforcer l’efficacitÉ et la reprÉsentativitÉ du conseil d’administration

1. Rendre le conseil d’administration davantage représentatif

2. Généraliser la formation des administrateurs

3. Systématiser dans les grandes coopératives les comités spécialisés pour accompagner le travail du conseil d’administration

4. Porter une attention particulière à la question de la filialisation

C. AccroÎtre la place des salariÉs dans la gouvernance pour diffuser « l’esprit coopÉratif »

D. promouvoir le modÈle coopÉratif auprÈs des jeunes agriculteurs

II. Garantir Le respect des principes coopÉratifs au travers de mÉcanismes de rÉgulation externe plus efficace

A. Faire du Haut conseil de la coopération agricole (HCCA) une autoritÉ de rÉgulation À part entiÈre

1. Les missions actuelles du HCCA

a. Son rôle

b. Sa gouvernance

c. Un pouvoir renforcé depuis l’ordonnance du 24 avril 2019

2. Ériger le HCCA en véritable autorité de régulation en renforçant ses moyens et ses garanties d’indépendance

B. MIEUX FAIRE CONNaître LE mÉdiateur de la coopÉration agricole

1. Un rôle de médiation consacré par le législateur

2. Un médiateur encore trop méconnu dont la visibilité doit être accrue

III. pÉrenniser le modÈle coopÉratif français au travers de son attractivité et de sa capacité À créer de la valeur

A. Introduire une certaine souplesse au sein d’une relation coopÉrative prÉservÉe dans ses fondements

1. La spécificité du contrat coopératif doit être maintenue, notamment au titre de la rémunération des apports

2. Une certaine souplesse pourrait être introduite dans les modalités de mise en œuvre de l’engagement coopératif

3. La limite du recours à des tiers non-coopérateurs devrait également être légèrement relevée dans une optique de diversification d’activités

B. rÉaffirmer le rÔle historique d’accompagnement des exploitants agricoles assurÉ par les coopÉratives

1. L’impact du mécanisme de séparation de la vente et du conseil instauré par la loi EGALIM devrait faire l’objet d’une évaluation parlementaire

2. Le rôle d’accompagnement par les CUMA des agriculteurs dans leurs stratégies de mécanisation doit être conforté

3. La reconnaissance d’une provision pour aléas agricoles dans le plan comptable des coopératives serait de nature à renforcer leur positionnement social au profit des associés coopérateurs

C. GARANTIR LA CRÉATION DE VALEUR AU TRAVERS DE MOYENS NOUVEAUX et d’un Élargissement du champ d’activitÉ des coopÉratives

1. La question de la rémunération des associés coopérateurs ne saurait être abordée en dehors de toute stratégie de captation de valeur

a. Capter la création de valeur à l’international

b. Capter la valeur sur les marchés nationaux à travers des stratégies de montée en gamme

2. Le déblocage des activités des CUMA doit permettre à ces coopératives particulières de se positionner sur des projets innovants

3. De nouvelles voies de financement sur fonds propres doivent être trouvées afin d’aider les coopératives agricoles à se développer

IV. renforcer la légitimité des coopératives agricoles en les incitant à s’inscrire pleinement dans une logique de responsabilité sociétale

A. Encourager les groupes coopératifs à doter leurs filiales du statut de société à mission

B. Étendre aux groupes coopératifs agricoles les obligations tenant au « devoir de vigilance » des sociétés-mères

EXAMEN EN COMMISSION

annexe : Liste des personnes auditionnÉes


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   SynthÈse des propositions

Proposition n° 1 : Garantir le droit à l’information des associés coopérateurs, en particulier sur les obligations tenant à l’information sur les prix, découlant des lois EGALIM 1 et 2. Renforcer les contrôles du Haut conseil de la coopération agricole (HCCA) en ce sens.

Proposition n° 2 : Développer les outils d’une démocratie de proximité au sein des coopératives et, à cette fin, favoriser le développement des mécanismes d’animation territoriale au sein des coopératives agricoles, notamment dans le cadre des assemblées de section.

Proposition n° 3 : Améliorer l’attractivité et le taux de participation en assemblée générale.

Étudier les conditions de dématérialisation partielle des assemblées générales des grandes coopératives et les possibilités de vote électronique.

Développer des mécanismes incitatifs pour encourager la présence des associés coopérateurs en assemblée générale.

Proposition n° 4 : Favoriser le renouvellement et la représentativité des conseils d’administration.

Mettre en place au sein des coopératives des stratégies pour renouveler et améliorer la représentativité du conseil d’administration, avec un travail de diagnostic qui doit être rendu systématique.

Encourager les coopératives à développer le mécanisme de mentorat et d’administrateurs stagiaires. Dans ce cadre, prendre en compte la question de la représentation féminine pour faciliter l’accès des agricultrices aux fonctions d’administratrice.

Accroître la part des femmes agricultrices au sein des conseils d’administration en instaurant des mécanismes de représentation à due proportion du nombre d’agricultrices parmi les associés coopérateurs. Rendre ces mécanismes obligatoires pour les coopératives dépassant les seuils prévus à l’article R. 525-9-1 du CRPM.

Proposition n° 5 : Généraliser la formation des administrateurs

Instaurer une obligation de formation pour les coopératives qui atteignent une taille critique.

Encourager la formation des administrateurs dans l’ensemble des coopératives agricoles, quelle que soit leur taille.

Proposition n° 6 : Généraliser la mise en place de comités spécialisés dans les grandes coopératives.

Proposition n° 7 : Donner au conseil d’administration les moyens de contrôler efficacement les filiales du groupe coopératif

Prévoir une représentation systématique des administrateurs au sein des filiales.

Suivre les bonnes pratiques du Haut Conseil de la coopération agricole (HCCA) qui recommande d’inscrire systématiquement les questions relatives aux filiales à l’ordre du jour des conseils d’administration et de prévoir que le directeur du groupe ayant autorité sur les filiales soit le directeur de la coopérative.

Proposition n° 8 : Accroître la place des salariés dans la gouvernance des coopératives agricoles.

Favoriser la levée de l’option des associés non coopérateurs afin d’améliorer la représentation des salariés. À terme, envisager une obligation de représentation des salariés au-delà de certains seuils, dans le prolongement des obligations fixées par la loi PACTE.

Développer les accords de participation et d’intéressement. Permettre aux salariés d’acquérir des parts sociales avec la totalité des sommes recueillies sur le plan d’épargne de l’entreprise.

Proposition n° 9 : Développer les mécanismes d’accompagnement auprès des jeunes associés coopérateurs pour favoriser l’installation. Assurer une communication suffisante autour de l’existence de ces dispositifs.

Proposition n° 10 : Renforcer l’attractivité du modèle coopératif auprès des futurs agriculteurs, à travers des partenariats animés localement par les fédérations de coopératives, les chambres d’agriculture et les établissements de formation agricole.

Proposition n° 11 : Faire du HCCA une autorité de régulation du secteur coopératif à part entière

Consacrer le pouvoir de sanctions du HCCA, mieux faire connaître son rôle auprès des associés coopérateurs, simplifier ses modalités de saisine.

Prévoir des plans de contrôle stratégiques permettant de cibler les coopératives les plus sensibles.

Renforcer ses moyens financiers et humains et son indépendance. 

Proposition n° 12 : Mieux faire connaître le rôle du médiateur de la coopération agricole.

Proposition n° 13 : Ne pas réintroduire dans la loi les dispositions de l’ordonnance du 24 avril 2019 visant à appliquer le mécanisme de garantie contre les « prix abusivement bas » aux coopératives agricoles.

Proposition n° 14 : Assouplir légèrement la contrainte liée à la durée d’engagement dans la coopérative agricole au travers d’une durée limite d’engagement initial et du plafonnement des sanctions pour retrait anticipé.

Proposition n° 15 : Porter à 33 %, au lieu de 20 %, du chiffre d’affaires le seuil en deçà duquel une coopérative peut offrir ses services à des tiers non-coopérateurs.

Proposition n° 16 : Suggérer la mise en place dès la rentrée parlementaire de 2022 d’une mission d’information au sein de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale visant à effectuer un bilan complet de la séparation entre les activités de vente et de conseil instaurée par la loi EGALIM.

Proposition n° 17 : Inciter les agriculteurs à recourir de manière plus systématique aux CUMA dans la mise en place de stratégies de mécanisation et, à cette fin, inscrire cette mission de conseil à l’article R. 521-1 du CRPM.

Proposition n° 18 : Modifier le CRPM de façon à permettre à la coopérative de constituer une provision comptable destinée à la couverture des aléas agricoles. Si cette option devait ne pas être retenue au sein du projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, il conviendrait de s’appuyer sur un autre véhicule législatif.

 

Proposition n° 19 : Inciter, y compris financièrement, les coopératives à investir dans la recherche de valeur sur les marchés extra-européens.

Proposition n° 20 : Mettre en place une charte élaborée par la Coopération agricole en lien avec les pouvoirs publics afin de fixer filière par filière des objectifs et une trajectoire pour la montée en gamme du secteur coopératif, notamment dans la perspective de répondre aux quotas de la commande publique fixés par la loi EGALIM.

Proposition n° 21 : Permettre l’élargissement des activités des CUMA au-delà de leurs missions historiques et, au besoin, reprendre tout ou partie des dispositions de la loi EGALIM sur l’agriculture de groupe.

Proposition n° 22 : Favoriser le financement des coopératives via les titres participatifs en instaurant une exonération d’impôt sur le revenu sur tout ou partie des gains ou en invitant l’État à garantir les investisseurs durant une période probatoire à déterminer.

Proposition n° 23 : Encourager les groupes coopératifs à doter leurs filiales du statut de société à missions et élargir aux groupes coopératifs, au-delà d’un certain seuil en termes d’associés coopérateurs, le « devoir de vigilance » appliqué aux sociétés commerciales.


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   Introduction

En 1888, la première coopérative agricole laitière voit le jour dans le village de Chaillé, situé en Charente maritime. Alors que le vignoble français a été décimé par la crise du phylloxéra, les paysans charentais-maritimes sont nombreux à se convertir à l’élevage laitier pour survivre. L’un d’entre eux, Eugène Biraud, devenu depuis une figure locale, réussit à convaincre d’autres paysans de l’intérêt de mettre en commun leur capital et leur production. Une quinzaine d’années plus tard, la région compte près d’une centaine de coopératives.

Ce détour historique illustre un point essentiel auquel il faut revenir lorsque l’on cherche à évaluer le modèle des coopératives agricoles : celles-ci sont le fruit des solutions trouvées par les paysans pour surmonter les crises. Le modèle coopératif est dès lors animé par des principes de solidarité et de mutualisme, mais aussi par un souci d’efficacité économique

Les principes coopératifs ont été consacrés par le législateur, avec la loi n° 47‑1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. Ils figurent aujourd’hui dans le code rural et de la pêche maritime pour ce qui concerne spécifiquement les coopératives agricoles. Le législateur a ainsi posé le cadre d’un statut juridique original, imprégné des grands principes de l’économie sociale. Les règles qui régissent le modèle coopératif dessinent une relation faites d’obligations réciproques entre l’agriculteur et sa coopérative. Celle-ci appartient à l’ensemble des agriculteurs qui la composent. Les règles de rémunération sont également particulières et diffèrent des principes de contractualisation qui peuvent lier un agriculteur à une entreprise privée. La gouvernance de la coopérative est régie par une règle démocratique, celle d’un homme égal une voix : chaque agriculteur est placé sur un pied d’égalité, indépendamment du volume de participation apporté à la coopérative et vote les décisions qui régissent la vie de la coopérative lors des assemblées générales. Le principe démocratique des coopératives agricoles se traduit également par un équilibre des pouvoirs, entre les trois organes de gouvernance de la coopérative que sont l’assemblée générale, le conseil d’administration et le bureau.

Tout au long du XXème siècle, le modèle coopératif a accompagné et stimulé la modernisation et les évolutions du modèle agricole français. Aujourd’hui, trois agriculteurs sur quatre adhèrent à au moins une des 2 200 coopératives agricoles présentes sur l’ensemble territoire français. Elles représentent 40 % du chiffre d’affaires de l’agroalimentaire français et 190 000 emplois salariés. Par le rôle qu’elles jouent sur les marchés agricoles et dans la structuration des filières, les coopératives sont essentielles au modèle agricole de notre pays. Leur rôle social et territorial occupe également une place primordiale dans le monde rural.

Pour autant, le modèle doit faire face à des défis nouveaux et aux mutations du monde agricole.

Alors que les équilibres commerciaux sont en pleine recomposition et que l’agriculture française perd des parts de marché, les coopératives sont confrontées à des difficultés de compétitivité parfois plus fortes que celles des sociétés privées, en raison des spécificités de leur statut. Elles ont considérablement évolué pour tenter de s’adapter, avec un vaste mouvement de concentration et de filialisation, qui a entraîné des bouleversements importants, tantôt salués, tantôt critiqués. 

Le modèle coopératif n’est pas à l’abri de la crise de défiance qui traverse nos sociétés contemporaines. Le lien entre les associés coopérateurs et les coopératives se distend, en particulier dans les grandes coopératives. La faible participation en assemblée générale et le déficit de représentativité et de formation des conseils d’administration traduisent ces difficultés. La question de la création et de la répartition de la valeur au sein des coopératives suscite des tensions, dans un contexte plus global où l’ensemble du monde agricole est traversé par un problème de rémunération insuffisante des agriculteurs. Certaines crises médiatisées ont contribué à abimer l’image du modèle coopératif. Ces dérives marginales, mais bien réelles, nuisent à l’image de la coopération dans son ensemble.

Afin de nourrir ce constat et d’identifier des pistes d’action, vos rapporteurs ont entendu de nombreux acteurs, parmi lesquels les organisations professionnelles agricoles, les représentants du monde coopératif, les administrations compétentes ainsi que des universitaires. Deux déplacements de terrain en Moselle et dans le Calvados ont également été menés pour enrichir ces réflexions. Au terme de leurs travaux, vos rapporteurs formulent dans le présent rapport 23 propositions visant à consolider et moderniser le modèle coopératif, afin de lui donner des armes pour renforcer son attractivité et sa compétitivité. Les propositions formulées s’orientent autour de trois grands axes. 

Il s’agit d’abord de consolider les liens de confiance entre les agriculteurs et leur coopérative à travers un effort de modernisation de la gouvernance. Vos rapporteurs appellent ainsi à informer et impliquer d’avantage les associés coopérateurs, à renforcer l’efficacité et la représentativité des conseils d’administration et à promouvoir le modèle coopératif auprès des jeunes agriculteurs.

Ensuite, il est essentiel de s’assurer du respect des principes coopératifs. Pour cela, les mécanismes de régulation externe doivent être rendus plus efficaces. Vos rapporteurs souhaitent que les pouvoirs, les moyens et l’indépendance du Haut conseil à la coopération agricole (HCCA) soient renforcés, afin d’en faire une véritable autorité de régulation du secteur. Il est également nécessaire que le rôle du médiateur de la coopération agricole soit mieux connu, pour que son efficacité soit renforcée.

Enfin, le troisième axe vise à renforcer l’attractivité du modèle auprès des agriculteurs ainsi que sa compétitivité sur les marchés. Cela passe par trois leviers d’actions :

 Vos rapporteurs souhaitent insuffler davantage de souplesse dans le modèle coopératif. Ainsi, les modalités de mise en œuvre de l’engagement coopératif pourraient être modifiées pour mieux encadrer sa durée et, ainsi, réduire les risques contentieux pour les exploitants. En parallèle, vos rapporteurs préconisent également d’élargir la possibilité pour les coopératives d’avoir recours aux services de tiers non coopérateurs, dans une optique de diversification des activités et de renforcement de la compétitivité ;

 Le rôle historique d’accompagnement des exploitants agricoles assurés par les coopératives doit être réaffirmé. Dans ce cadre, il apparaît notamment essentiel de conforter le rôle d’accompagnement des CUMA en matière de mécanisation. Vos rapporteurs ont également pris note des réserves exprimées par de nombreux acteurs sur le mécanisme de séparation de la vente et du conseil en matière de produits phytopharmaceutiques instauré par la loi EGALIM et appellent à la mise en place dès la rentrée parlementaire de 2022 d’une mission d’information consacrée à cette seule question ;

 Enfin, la création de valeur reste la mère des batailles. Pour cela, vos rapporteurs appellent les coopératives agricoles à mettre en place des stratégies de captation de valeur plus affirmées, à la fois sur les marchés locaux et internationaux.  En complément, de nouvelles voies de financement de fonds propres doivent être mises en place avec l’aide des pouvoirs publics, pour favoriser le développement des coopératives.


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   PremiÈre partie :
LES FORCES DU MODÈLE COOPÉRATIF FRANÇAIS ET SON POSITIONNEMENT HISTORIQUE AU SERVICE DE LA MODERNISATION DE L’AGRICULTURE DE NOTRE PAYS

I.   LES COOPÉRATIVES AU CŒUR DU PROCESSUS HISTORIQUE DE MODERNISATION DE L’AGRICULTURE FRANÇAISE AU XXÈME SIÈCLE

La coopération agricole n’est nullement le fruit du hasard. Il s’agit d’une construction historique qui plonge ses racines dans un contexte local, social et économique très particulier et s’est trouvée au cœur des revendications des agriculteurs soucieux de survivre dans un environnement de crises répétées. La consolidation des principes coopératifs à l’issue de la Seconde Guerre mondiale a donné à la France un outil à la mesure des enjeux de modernisation de son agriculture.

A.   Les coopÉratives, « filles de la misÈre » et hÉritiÈres d’un modÈle trÈs ancien de mise en COMMUN DES MOYENS DE PRODUCTION AGRICOLE

Au titre d’une approche historique, il est difficile de situer précisément le lieu et l’époque d’émergence des premières structures coopératives dans le milieu agricole. Aux yeux des acteurs institutionnels contemporains, il est courant de considérer le phénomène coopératif comme « une des conséquences de la révolution industrielle » ([1]) et donc d’estimer que l’histoire des coopératives agricoles françaises se résume aux 150 dernières années ([2]). C’est également l’approche des deux personnalités qui, parmi celles auditionnées par la mission, ont souhaité adopter un point de vue historique (M. Philippe Chalmin, président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires et M. Laurent Duplomb, sénateur).

Cela ne signifie pas pour autant que les coopératives agricoles seraient nées ex nihilo au XIXème siècle. Dès le Moyen-Âge, on trouve dans le Jura des associations d’éleveurs mettant leur lait en commun pour fabriquer un fromage de garde.

 

 

Selon l’historien Alain Mélo, certaines transcriptions écrites datant du XIIIème siècle font état de ces associations, dénommées « fruitières » à partir du latin fructus désignant le système où une personne tire des revenus à partir d’un bien appartenant à autrui ([3]).

La fruitière de village, qui s’est progressivement répandue sur l’ensemble du massif du Jura et de l’avant-pays savoyard sous l’Ancien régime, se caractérisait par des modes de fonctionnement communautaires qui, à bien des égards, se rapprochaient des coopératives actuelles et ont été célébrés par les théoriciens du mouvement coopératif : apport significatif de la production de lait par chaque associé, achats et ventes en gros au nom du groupement, répartition « équitable » des revenus aux associés après rémunération du « fruitier » sur une base salariale, accompagnement des familles les plus démunies, direction par un comité élu par les associés.

Le fouriérisme, promoteur du modèle proto-coopératif en France au XIXème siècle

Dans son numéro de 1839, La Phalange, journal de la science sociale ([4]) fondé par Charles Fourier, le Jurassien Wladimir Gagneur décrit le fonctionnement des fruitières :

« Dans un bâtiment construit ou loué à frais communs […], chaque associé apporte soir et matin le lait de ses vaches pour être converti en beurre, fromage et serai [fromage à pâte fraîche]. Un seul maître de l’art, un seul fruitier, suffit pour […] fabriquer, un, deux, trois fromages, et leur donner la salaison et les soins convenables. Aux époques favorables, les ventes s’opèrent en gros et les produits s’enlèvent par convois. Une comptabilité admirablement simple prélève les frais, répartit strictement les dépenses et les profits selon l’apport journalier et total de chacun. Enfin, un comité élu par les associés décide de tous les cas prévus et imprévus […] » (pages 1 et 2).

L’auteur de l’article fait l’éloge de ces structures, estimant que « toute industrie se prêterait avec de grands avantages aux mécanismes des fruitières ». Les vertus que cet homme politique prête aux fruitières sont :

– la réduction des coûts et l’optimisation des ventes grâce aux transactions en gros ;

– l’amélioration de la qualité de la production grâce au contrôle collectif ;

– la « charité sociale » offerte aux familles « trop pauvres pour avoir une vache » ;

– surtout, le caractère démocratique de leur fonctionnement :

« L’élection annuelle préside à toute l’organisation. Le comité délibère sans appel. Mais n’ayez garde qu’il se trompe ! […] Comme contrepoids encore, chaque associé nonfaisant partie du comité conserve le droit de provoquer la visite du lait et des écuries et d’y assister en personne » (page 12).

 

Au-delà des cercles du fouriérisme, le principe même de la coopération comme mode de survie économique commence à émerger à l’époque de la révolution industrielle. Comme l’expliquait l’universitaire Jacques Lockhart dans un travail d’analyse historique sur la coopération agricole effectué en 1967 pour la Commission européenne ([5]), la coopération « est apparue [en Europe] de manière empirique comme un remède aux conséquences de crises provoquées par le fonctionnement sans correctif du libéralisme économique ([6]) ».

La première grande date du mouvement coopératif international, souvent citée par les instances officielles ([7]), est celle du 24 octobre 1844, où fut créée à Rochdale, dans le Nord de l’Angleterre, la Société des « Équitables Pionniers » qui est, encore aujourd’hui, considérée comme la première coopérative moderne. Plusieurs principes de fonctionnement mis en place à l’époque perdurent toujours : liberté d’adhésion à la coopérative (principe de la « porte ouverte »), égalité stricte entre associés (« un homme, une voix »), répartition des bénéfices entre associés en fonction du seul produit des ventes et, consécutivement, rémunération limitée du capital.


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Le modèle des « Équitables Pionniers » de Rochdale

Dans les années 1840, la ville anglaise de Rochdale, centre de production de flanelle, est frappée par une baisse conjoncturelle des débouchés de tissu. Face au refus des grandes industries d’augmenter les salaires, plusieurs tisserands influencés par les idées du socialisme utopique de Robert Owen et le « chartisme », mouvement politique ouvrier d’inspiration progressiste, décident de se regrouper dans une structure sociétaire d’un genre nouveau. La société ainsi formée va au-delà du groupement de producteurs et vise à mettre à la disposition des associés des biens de consommation courante, essentiellement alimentaires, à des prix abordables. Le capital originel était constitué de 28 livres sterling, soit 1 livre sterling par membre fondateur.

Dans les statuts déposés, il est précisé que :

– toute personne désireuse de participer peut devenir membre à quelques conditions d’ordre procédural (article 13) ;

– la répartition des bénéfices s’effectue tous les 4 mois en fonction de la « proportion des achats effectués » dans la coopérative (article 22).

Le principe « un homme, une voix » a été introduit dans les statuts ultérieurement (août 1845).

La société de Rochdale croît très rapidement (600 membres dès 1850) et devient un modèle de développement pour le monde coopératif britannique, puis international. Le congrès de l’Alliance coopérative internationale (ACI), qui s’est tenu à Paris du 6 au 9 septembre 1937, consacre les « sept principes coopératifs universels » qui reprennent en grande partie les « principes de Rochdale » :

1/ Adhésion volontaire et ouverte ;

2/ Contrôle démocratique exercé par les membres (« un homme, une voix ») ;

3/ Répartition des bénéfices en fonction des ventes effectuées par la coopérative ;

4/ Rémunération limitée du capital ;

5/ Indépendance politique et religieuse ;

6/ Transactions au comptant ;

7/ Rôle d’éducation et de formation vis-à-vis des membres.

Source : The meaning of Rochdale (Brett Fairbairn, Université canadienne de Saskatchewan, 2009).

L’application du modèle coopératif au secteur agricole en France s’inscrit, comme à Rochdale, dans un contexte de malaise économique. C’est à Chaillé, un petit village près de Surgères (Charente-Maritime), que naît la première coopérative laitière à l’initiative d’un modeste cultivateur (Eugène Biraud). La vallée de l’Aunis, spécialisée dans la culture de la vigne, subit de plein fouet la crise du phylloxera, qui décime au cours des années 1880 la moitié du vignoble du département, estimé à environ 170 000 hectares en 1875 ([8]).

Selon les sources historiques, le cultivateur aurait entendu parler du modèle des fruitières jurassiennes chez des voisins, autrefois mobilisés dans l’armée du général Bourbaki en 1871 ([9]) et aurait eu l’idée de l’appliquer à la production de lait dans son village. Comme à Rochdale, l’entreprise est un succès rapide : de 12 sociétaires à sa création, le 13 janvier 1888, la Laiterie coopérative de Chaillé passe à 162 associés moins d’un an plus tard. À la suite de cette réussite, les coopératives laitières essaiment dans la région (Charente-Inférieure, Deux-Sèvres, Vendée) : on en dénombre 95 en 1900 ([10]). Dans le domaine vitivinicole, c’est, une fois encore, une situation économique difficile spécifique au département de l’Hérault qui aboutit à la création de la coopérative des « Vignerons libres de Maraussan » le 23 décembre 1901.

Le développement du phénomène coopératif dans le domaine agricole se poursuit au début du XXème siècle ([11]) sans être le produit d’un plan préétabli : on peut noter qu’il a fallu attendre la loi du 5 août 1920 pour avoir un premier cadre juridique applicable à la coopération agricole, au demeurant dans l’optique d’une affiliation aux « caisses locales de crédit agricole » (article 22 de la loi). À chaque fois, cette évolution est la conséquence de circonstances difficiles et du besoin ressenti par les agriculteurs de s’associer pour faire face aux difficultés de leur métier. Pour reprendre les termes employés par M. Philippe Chalmin lors de son audition par les membres de la mission d’information, « la coopérative est la fille de la misère ».

B.   LA STRUCTURATION DU MODÈLE AU SERVICE DE LA MODERNISATION AGRICOLE FRANÇAISE DES TRENTE GLORIEUSES

1.   Au travers, notamment, de la création des CUMA, les coopératives se sont affirmées comme des outils au service de la modernisation de l’agriculture française

La France émerge de la Seconde Guerre mondiale avec la prise de conscience de ses vulnérabilités économiques et sociales. L’impératif de modernisation s’impose dans le domaine agricole, comme l’exprime de manière explicite l’ingénieur agronome René Dumont en 1946 : « sur la tendance générale, nous n’hésitons pas : une agriculture instruite, équipée, modernisée, productive prospérera dans un cadre adapté à l’économie d’abondance. Une agriculture routinière, repliée dans une position autarcique et malthusienne, conduirait à la ruine du pays tout entier ([12]) ». La « révolution silencieuse » qui se produit alors dans les campagnes s’appuie sur la volonté d’inciter les agriculteurs à se regrouper ([13]).

La forme coopérative paraît alors comme un des principaux vecteurs de cette modernisation. Au cours des premiers mois qui suivent la libération du territoire national, le choix de la coopération est loin d’être dénué de toute influence idéologique. Le ministre chargé de l’agriculture dans le Gouvernement provisoire de la République française, François-Tanguy Prigent (cfinfra), insiste sur les « quatre piliers » consubstantiels à l’amélioration de la condition paysanne, parmi lesquels figure la coopérative ([14]).

L’exposé des motifs de l’ordonnance n° 45-2325 du 12 octobre 1945 relative au statut juridique de la coopération agricole, qui constitue l’une des premières grandes réformes portées par le nouveau ministre, fait du mouvement coopératif « l’une des manifestations les plus fécondes de l’organisation professionnelle agricole française » et « un facteur déterminant de notre production agricole ([15]) ». Bien qu’il fût avant tout motivé par le désir de mettre un terme au corporatisme agricole promu par le régime de Vichy, le texte constitue, avant la codification opérée par la loi n° 47‑1775 du 10 septembre 1947 (cf. infra), la première forme de statut complet applicable aux coopératives agricoles : compétences, procédures de constitution, instances de fonctionnement, usage du capital social, contrôle administratif ([16]) et dissolution.

François-Tanguy Prigent (1909-1970), le « paysan-ministre »

Né dans le Finistère, François-Tanguy Prigent, fils d’agriculteur, est lui-même exploitant agricole et militant politique au sein de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO). Maire et conseiller général (1935), puis député (1936), il agit comme résistant au cours de l’Occupation.

Hostile au corporatisme agricole, il se fait l’avocat du modèle coopératif pendant la guerre. Dès 1944, il publie dans La Résistance paysanne, le bulletin clandestin de la Confédération générale agricole ([17]) un programme en cinq points de redressement agricole. Parmi ces cinq points figure le « développement de la coopération et de la mutualité agricoles ». À sa réélection au conseil général le 23 septembre 1945, il affirme vouloir « assurer dans l’ordre, dans l’harmonie, par la Loi, le remplacement désormais inévitable d’un régime capitaliste par un régime coopératif […] sur le plan national ».

Nommé ministre de l’agriculture par le général de Gaulle en septembre 1944, il reste en fonction jusqu’en octobre 1947 (cabinet Ramadier). Il joue un rôle actif dans la rédaction de l’ordonnance de 1945 sur la coopération agricole et contribue à l’adoption de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.

L’une des principales innovations apportées par l’ordonnance fut la possibilité pour des agriculteurs de créer des coopératives dont l’objet est de « mettre à la disposition de leurs sociétaires pour leur usage exclusif du matériel, des machines et outils agricoles » (article 2 c). Ces dispositions ont permis l’émergence des coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA), qui se structurent au sein d’une fédération nationale ([18]) dès le 30 décembre 1945.

Ce mode d’organisation a rencontré un grand succès auprès des agriculteurs, soucieux de bénéficier d’un outillage plus performant et séduits par les facilités qui s’attachent à la constitution de la société coopérative ([19]). La mise en œuvre du Plan Marshall, à compter de 1947, a également incité au développement des CUMA au titre de l’accès aux matériels importés des États-Unis. Selon la fédération nationale, la France dénombrait 8 000 CUMA sur son territoire en 1949. Au milieu des années 1960, on recensait plus de 11 000 CUMA en France selon l’étude précitée adressée à la Commission européenne ([20]).

D’un point de vue général, comme les représentants de la fédération nationale l’ont rappelé à l’appui d’une contribution écrite adressée à la mission d’information, « les CUMA ont participé de cette révolution agricole en permettant une mécanisation de l’agriculture » et aidé la France à « répondre à l’immense défi de production et de relance économique du secteur agricole ».

La CUMA au cœur des « combines » pour avoir un tracteur : le vécu d’un agriculteur mayennais ([21])

Dans son édition du 13 avril 1985, l’Avenir agricole, revue éditée sur les départements de la Loire-Atlantique, du Maine-et-Loire, de la Mayenne et de la Sarthe, publie les propos d’un agriculteur de Mayenne qui évoque les conditions de mise en place de sa CUMA, en 1945 :

[…]

« Au lendemain de la guerre, j’allais chercher des prisonniers à Evron pour refaire les chemins ruraux. En passant à Laval, nous avions vu les nouveaux tracteurs McCormick aux Établissements David. Nous étions emballés par le tracteur qui coûtait 108 000 francs de l’époque. Mais il fallait trouver la combine pour avoir le tracteur… ». Âgé de 34 ans, [l’exploitant] se souvient de l’ingénieur du génie rural qui, lors de cette démonstration, lui a soufflé la « combine » : la coopérative d’outillage ou la Cuma.

C’était pratiquement le seul moyen d’avoir une priorité à l’achat. Tout était distribué au compte-gouttes. Le nombre de tracteurs en France était à l’époque inférieur au nombre actuel de tracteurs dans les exploitations mayennaises. C’est dans ce contexte qu’un grand nombre de Cuma dites de « circonstances » se sont créé entre 1946 et 1950 sous l’impulsion de la direction des services agricoles.

Mais il n’y avait pas uniquement de l’opportunisme : « Nous voulions vraiment avoir du matériel en commun et le mettre à disposition d’un groupe d’agriculteurs. » 

[…]

 Selon les données fournies à l’appui de son audition par la fédération nationale, le nombre de CUMA s’élevait à 11 740 en 2017, un chiffre stable par rapport aux années 1960, mais en hausse par rapport aux années 1980 (9 700 en 1984). Au cours des dernières années, le modèle des CUMA semble de nouveau séduire les agriculteurs : 50 % d’entre eux sont aujourd’hui membres d’une CUMA, contre 30 % il y a dix ans ([22]).

Comme à l’origine, les CUMA restent des structures de taille relativement réduite : elles regroupent en moyenne 23 associés pour un chiffre d’affaires de 60 000 euros ([23]).

 

 

2.   L’émergence de groupes coopératifs d’envergure au cours des années 1950-1970 traduit la dynamique fordiste du développement agricole des Trente Glorieuses

Au cours des années 1950-1970, le processus de modernisation de l’agriculture française se poursuit sous l’effet d’un modèle de développement « fordiste » d’accumulation et de concentration ([24]). La production agricole est multipliée par 3,75 entre 1950 et 1974 tandis que le nombre d’exploitations est divisé par deux (1950 : 2,31 millions ; 1979 : 1,26 million, soit - 45 %) ([25]).

Les mutations profondes du monde agricole de cette période n’affectent que partiellement le secteur coopératif, qui reste attractif : on dénombre encore près de 6 000 coopératives de production dans les années 1960 (5 717 en 1965) et leur nombre, qui commence à décroître dans les années 1970, se maintient au-delà des 4 000 (4 141 en 1978) ([26]). La contribution des coopératives à l’effort productif national est, à cet égard, significative : dans une partie consacrée à l’analyse statistique des coopératives agricoles françaises par l’étude précitée effectuée pour la Commission européenne ([27]), il est indiqué que les coopératives laitières françaises avaient réalisé 52 % de la production nationale durant la campagne 1962‑1963, le ratio étant porté aux deux tiers pour le colza et le tournesol et à 82 % pour la collecte de blé. Dans le domaine vitivinicole, les caves coopératives avaient assuré à elles seules 33 % de la production totale.

L’augmentation des capacités productives des coopératives passe souvent par un double phénomène d’extension d’activités et de spécialisation par filière.

Au titre du premier mouvement se constituent des coopératives polyvalentes, dont le développement s’est appuyé sur la diversification des productions et l’acquisition d’un outil industriel adapté. L’exemple type est la Coopérative de Saint-Mars-la-Jaille (Loire-Atlantique), créée en 1932 afin d’assurer le stockage des céréales, renommée « Coopérative agricole - La Noëlle Ancenis » (CANA) en 1952 après s’être positionnée sur la filière laitière et devenue dans les années 1990 un groupe à forte polyvalence (produits laitiers, bovins, porcs et poulets, alimentation du bétail) et dotée d’infrastructures de transformation (fromageries, beurreries, abattoirs, etc.).

 

La CANA, de la ville de Saint-Mars-la-Jaille jusqu’au groupe Terrena

L’histoire de la CANA est emblématique des logiques qui animent la création des coopératives et traversent leur développement ultérieur.

Cette coopérative naît dans une petite ville de Loire-Atlantique (Saint-Mars-la-Jaille, bourg de 1 500 habitants) en 1932, c’est-à-dire au moment de la « crise du blé », et répond à un impératif de survie économique : il s’agissait alors, par le stockage du blé en commun, d’assurer le meilleur des prix possible dans un contexte de baisse des cours.

Alors qu’elle transfère son siège à Ancenis, dans le même département, en 1952, la CANA s’est déjà positionnée sur la filière laitière en reprenant plusieurs laiteries locales. À la fin des années 1950, la coopérative produit 40 millions de litres de lait en rythme annuel (trois fois plus en 1966) et se développe également dans le secteur de la viande. En 1967, elle prend le contrôle d’une société nantaise spécialisée dans la distribution de conserves de viandes, de poissons et de légumes avant de la revendre quelques années plus tard ([28]).

Lors de sa fusion avec la Coopérative agricole Vienne-Anjou-Loire (CAVAL) pour donner naissance au groupe Terrena le 1er janvier 2000, la CANA était devenue, avec un chiffre d’affaires annuel de plus de 10 milliards de francs et un effectif salarié de 4 500 personnes, un groupe polyvalent incontournable dans la région nantaise ([29]).

Au titre de la logique de spécialisation, la coopérative choisit d’exploiter les avantages comparatifs qu’elle tire de son domaine de production pour étendre son ancrage territorial, qui devient progressivement national, voire international. Le succès foudroyant de l’union Sodima ([30]), créée en 1964 par six coopératives laitières régionales, illustre parfaitement ce type de développement. En 1965, l’union crée la marque Yoplait ([31]) pour les produits frais et laisse ses adhérents collecter, transformer et revendre les produits de la marque en s’appuyant sur leur propre réseau territorial. Dès 1969, Sodima contrôle 20 % du marché français des produits frais et Yoplait s’affirme déjà comme la deuxième marque de yaourts du pays, après Gervais-Danone. C’est à cette époque que le groupement met également en place un système de franchise à l’international qui lui permet d’être présent sur tous les continents (y compris au Japon) dix ans plus tard ([32]).

 Au-delà des histoires individuelles, les Trente Glorieuses permettent au mouvement coopératif de se structurer autour de plusieurs « champions » nationaux qui, même s’ils sont aujourd’hui intégrés dans de plus grands ensembles, dominent encore le marché français.

Quelques champions nationaux parmi les coopératives mises en place dans les années 1950-1970

– L’Union des coopératives agricoles d’aliments du bétail (UCAAB) ([33]) est née dans l’Aisne en 1951 ;

– Limagrain, coopérative céréalière basée en Auvergne depuis 1965, dépose son premier brevet de semence de maïs en 1970 ;

– Cooperl et la Centrale coopérative agricole bretonne (CECAB) ([34]), coopératives de viande, naissent respectivement en 1966 et en 1968.

Les coopératives, initialement conçues à l’aune de l’amélioration du bienêtre paysan, se sont progressivement affirmées comme l’une des vitrines de l’excellence française de l’agroalimentaire.

II.   les forces d’un modÈle dont les fondements sont plébiscitÉs et dont le poids Économique et social est considÉrable

A.   un statut juridique atypique articulÉ autour de grands principes fédérateurs

1.   Le modèle coopératif : un modèle original irrigué par des principes inspirés de l’économie sociale

a.   La reconnaissance du statut coopératif

Les coopératives agricoles se caractérisent par leur statut atypique et les principes qui les régissent. Sociétés à capital variable au statut sui generis, elles forment une catégorie spéciale de sociétés, distinctes des sociétés civiles et des sociétés commerciales. Le cadre légal applicable aux coopératives agricoles repose aujourd’hui principalement sur la loi n° 47‑1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, évoquée supra, ainsi que sur le titre II du livre V du code rural et de la pêche maritime (CRPM), consacré spécifiquement aux coopératives de nature agricole (articles L. 521-1 à L. 529-6).

La loi n° 471775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération fixe un certain nombre de principes applicables à l’ensemble des coopératives. Dans le contexte de l’essor pris par le modèle coopératif durant l’entre‑deux‑guerres, cette loi illustre la volonté du législateur d’harmoniser le cadre juridique applicable à l’ensemble des coopératives, quel que soit le secteur d’activité concerné. La loi définit en son article 1er les coopératives comme les structures exerçant leur activité « dans toutes les branches de l’activité humaine » et respectant les principes suivants : « une adhésion volontaire et ouverte à tous, une gouvernance démocratique, la participation économique des membres, la formation desdits membres et la coopération avec les autres coopératives ». Il s’agit là d’une reprise substantielle des principes dits de « Rochdale » (cf. point I supra).

Le CRPM pose le cadre légal spécifique aux coopératives agricoles. L’article L. 521-1 prévoit ainsi que ces dernières « ont pour objet l’utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou accroître les résultats de cette activité ». Le code fixe également les grands principes du modèle coopératif, qui se déclinent ensuite dans les modèles de statuts approuvés par arrêté du ministre chargé de l’agriculture et dans les règlements intérieurs des coopératives.

b.   L’affirmation des principes coopératifs

Les principes du modèle coopératif sont imprégnés des idéaux de l’économie sociale. Ils dessinent une relation faite d’obligations réciproques entre les coopératives et les associés coopérateurs. L’article L. 521-3 liste les principales règles du modèle coopératif, que l’on retrouve ensuite dans la partie réglementaire du code ainsi que dans les modèles de statut précités. Les coopératives doivent impérativement se conformer à ces principes pour bénéficier d’un agrément, nécessaire à leur fonctionnement.

Tout agriculteur adhérent à une coopérative dispose de la double qualité d’associé et de coopérateur. En tant qu’associé, l’agriculteur détient des parts sociales de la coopérative. Il est détenteur d’un droit de vote et d’un droit de regard sur son fonctionnement. En tant que coopérateur, l’agriculteur utilise les services de la coopérative.

Les trois types de coopératives agricoles prévus à l’article R. 521-1 du CRPM

Coopératives de collecte et de vente (assurent ou facilitent la production, l’écoulement ou la vente des produits agricoles ou forestiers provenant exclusivement des exploitations des coopérateurs, sauf dérogations temporaires) ;

Coopératives d’approvisionnement (assurent l’approvisionnement des seuls associés coopérateurs en leur procurant les produits, les équipements, les instruments et les animaux nécessaires à leurs exploitations ou à leurs immeubles forestiers) ;

Coopératives de services (fournissent à leurs seuls associés coopérateurs et pour l’usage unique de leurs exploitations tous services nécessaires : matériel, moyens d’entretien et réparation, formations professionnelles…).

Les « coopératives polyvalentes » peuvent regrouper plusieurs types d’activités.

La relation qui lie l’associé coopérateur à la coopérative diffère de celle liant un fournisseur à une société privée. Elle n’a pas la nature d’un contrat commercial et comporte des obligations réciproques :

 L’associé coopérateur s’engage à livrer tout ou partie de sa production (selon la règle d’apport total ou partiel, défini dans le statut de la coopérative ([35])) et à s’approvisionner ou se fournir en services auprès de la coopérative (selon l’objet de ladite coopérative, voir l’encadré ci-dessus). C’est le principe de l’engagement d’apport.

Cet engagement est fixé pour une durée déterminée, prévue par le statut de la coopérative. Le droit ne prévoit pas de durée d’engagement maximale. En revanche, lorsqu’il s’agit d’un renouvellement d’engagement, le droit prévoit que la durée fixée ne peut alors dépasser cinq ans. Les conditions de rupture du contrat avant terme sont strictement encadrées. Pour quitter sa coopérative, l’associé coopérateur doit signaler sa volonté au président du conseil d’administration, 3 mois au moins avant le terme de l’engagement. À défaut, le renouvellement de l’engagement s’effectue par tacite reconduction. En cas de départ en cours de période d’engagement, l’associé coopérateur s’expose à des pénalités financières, correspondant à l’indemnisation de la coopérative pour les apports non collectés et à des sanctions définies par le statut (cf. troisième partie infra). Toutefois, comme prévu à l’article L. 521-3-3 du CRPM, issu de l’ordonnance n° 2019-362 du 24 avril 2019 relative à la coopération agricole, si le départ est justifié par un changement du mode de production permettant l’obtention d’un label, la conversion en agriculture biologique, d’une mention « issu d’une exploitation de haute valeur environnementale » et si la coopérative n’est pas en mesure de justifier de la prise en compte de la valeur supplémentaire générée par ce changement du mode de production dans la rémunération des apports, le montant des éventuelles sanctions et le délai de réponse du conseil d’administration sont réduits. Une période probatoire d’un an peut être mise en place pour les jeunes agriculteurs ;

– En retour, la coopérative s’engage à collecter la production, quelle que soit la capacité d’absorption du marché. Elle a le devoir de collecter et fournir les services, de traiter équitablement les associés coopérateurs, de mettre en œuvre des procédures permettant d’assurer l’information des associés coopérateurs, de garantir la transparence et de valoriser au mieux leur production.

La coopérative ne peut réaliser d’opérations qu’avec ses associés coopérateurs. L’article L. 522-5 du code rural et de la pêche maritime permet néanmoins à des tiers non-coopérateurs, lorsque les statuts le prévoient, de bénéficier des services d’une société coopérative agricole ou d’une union dans la limite de 20 % du chiffre d’affaires annuel.

Pour citer le Haut Conseil de la coopération agricole (HCCA), il s’agit là d’une spécificité forte du modèle coopératif : « la recherche du profit n’est pas la finalité. La réalisation d’excédents est pensée comme un levier pour développer le projet coopératif, renforcer la résilience face aux aléas, augmenter la capacité de se saisir des opportunités ; en d’autres termes, pour conforter la pérennité de la structure coopérative et celle des exploitations agricoles ([36]) ».

Des règles spécifiques encadrent l’affectation du résultat et la répartition des excédents annuels, en application des articles L. 521-3, L. 521-3‑1 et L. 524-2-1 du CRPM (cf. infra). Le remboursement des parts sociales est réalisé à leur valeur nominale. L’intérêt versé au capital souscrit par les associés coopérateurs est limité. Il ne peut dépasser un taux au plus égal au taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées (publié par le ministère de l’économie).

 Un principe de territorialité

En vertu de l’article L. 521-2 du code rural et de la pêche maritime, les statuts des coopératives déterminent une « circonscription territoriale », ce qui fonde le principe de territorialité. Toutefois, ce principe s’atténue avec les phénomènes d’agrandissement des sociétés coopératives : les unions de sociétés coopératives agricoles ont pour circonscription territoriale l’ensemble des circonscriptions des sociétés coopératives adhérentes.

c.   Une gouvernance démocratique

Les principes coopératifs imposent une gouvernance spécifique reposant sur le principe « un homme égal une voix ». Les associés coopérateurs, qui siègent à l’assemblée générale, disposent du pouvoir souverain. Le principe démocratique des coopératives agricoles se traduit également par un équilibre des pouvoirs entre les trois organes de gouvernance que sont l’assemblée générale, le conseil d’administration ([37]) et le bureau.

L’assemblée générale réunit l’ensemble des associés coopérateurs, ou le cas échéant, leurs représentants pour les grandes coopératives qui choisissent souvent un modèle faisant intervenir des assemblées de section ([38]), elles-mêmes en charge d’élire leurs représentants pour l’assemblée générale. L’assemblée générale vote les orientations stratégiques de la coopérative, élit et révoque les administrateurs qui siègent au conseil d’administration, valide les comptes et contrôle les décisions du conseil d’administration. Le principe d’un homme égal une voix est affirmé par l’article L. 524-4 du CRPM, qui prévoit que chaque associé dispose d’une voix à l’assemblée générale. À la différence des sociétés de droit privé, chaque associé coopérateur est placé sur un pied d’égalité, indépendamment du volume de participation de chaque associé au capital de la coopérative. L’article L. 524-4 du CRPM prévoit toutefois une atténuation de ce principe en permettant aux statuts de prévoir une pondération des voix en fonction de l’importance des activités ou de la qualité des engagements de chaque associé au sein de la coopérative, dans une limite d’un vingtième des voix. Il faut aussi relever que depuis 1972 ([39]), au côté des associés coopérateurs, les coopératives peuvent comprendre, si leur statut le prévoit, des associés non-coopérateurs. Leur droit de vote est limité à 20 % des voix à l’assemblée générale et ils ne peuvent représenter plus d’un tiers des sièges du conseil d’administration ([40]). En pratique, cette disposition est mobilisée pour permettre aux anciens associés coopérateurs de rester dans la coopérative. Elle permet aussi de favoriser la prise de participation des salariés et d’accroître les fonds propres de la coopérative (voir infra).

Le conseil d’administration est l’organe de gestion de la coopérative. Il est composé d’administrateurs élus par l’assemblée générale des associés coopérateurs ou le cas échéant leurs représentants, dans le cas des assemblées de section. Il définit la stratégie de la coopérative, élit le président, nomme le directeur, surveille la mise en œuvre de la stratégie par l’équipe dirigeante et affecte le résultat. Le conseil d’administration exerce un contrôle sur les actions conduites par le pouvoir exécutif et rend compte devant l’assemblée générale. En vertu de l’article R. 524-2 du CRPM, les administrateurs sont nommés pour deux, trois ou quatre ans et renouvelables par moitié, tiers ou quart tous les ans. Les statuts fixent la durée de leur mandat et le rythme de leur renouvellement. Selon ce même article, tout membre du conseil d’administration peut être révoqué à tout moment par l’assemblée générale. Au carrefour de l’expression du pouvoir souverain de l’assemblée générale et du pouvoir exécutif, le conseil d’administration occupe un rôle stratégique.


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Les comités spécialisés en appui du conseil d’administration

Le conseil d’administration peut, pour préparer et faciliter son travail sur certaines thématiques, s’appuyer sur :

– un comité stratégique pour l’approfondissement du plan à long terme ;

– un comité d’audit et des risques ;

– un comité des nominations des principaux cadres de direction et des mandataires sociaux dans les filiales ;

– un comité des rémunérations pour le directeur et ses proches collaborateurs ;

– un comité responsabilité sociale et environnementale (RSE) pour l’analyse des performances extra-financières et des responsabilités en matière sociale, sociétale et environnementale ;

– des commissions produits ou filière ;

– des commissions transversales (vie coopérative, développement durable, RSE, jeunes).

Source : Guide des bonnes pratiques du Haut Conseil à la coopération agricole (HCCA)

Le bureau est l’organe exécutif de la coopérative. Il est composé au minimum d’un président, d’un vice-président, d’un secrétaire et d’un trésorier. Son rôle n’est pas spécifiquement défini dans le droit. Il est directement contrôlé par le conseil d’administration et est chargé de la mise en œuvre de la stratégie de la coopérative. Il peut s’appuyer sur un directeur ou le cas échéant une équipe de direction. Notons que la rémunération du directeur est arrêtée par le conseil d’administration ou un comité des rémunérations. Le rapport de l’Observatoire de la gouvernance des coopératives agricoles ([41]) indique que 62 % des coopératives font fonctionner leur bureau, composé en moyenne de 6 membres, et se réunissant en moyenne 10 fois par an. Ce pourcentage varie en fonction de la taille (50 % pour les coopératives de moins de 75 millions d’euros de chiffre d’affaires ; 86 % pour celles de plus de 75 millions d’euros).

Le schéma ci-dessous récapitule l’articulation en droit entre les trois organes de pouvoir de la coopérative.

Source : Coopération agricole.

d.   Des modalités de rémunération particulières

La rémunération versée à l’associé coopérateur est régie par le principe dit d’équité en fonction de l’apport. La rémunération de l’apport se décompose en trois parties :

– un acompte, versé par la coopérative à la livraison du produit ;

– un complément de prix, versé lors de la vente de la production ;

– une ristourne, calculée à partir des résultats de la coopérative et versée au prorata de l’apport. En effet, comme le prévoit la loi de 1947 sur le statut coopératif, en fin d’année, après avoir constaté des éventuels excédents annuels disponibles, « les excédents de la coopérative sont prioritairement mis en réserve pour assurer son développement et celui de ses membres. » La part des excédents non mise en réserve est intégralement redistribuée à l’associé coopérateur.

En vertu de l’article L. 521-1-3 du CRPM, le conseil d’administration définit les modalités de détermination et de paiement du prix des apports de produits, des services ou des cessions d’approvisionnement, notamment les acomptes et s’il y a lieu, les compléments de prix. Il propose le mécanisme de répartition des excédents annuels, qui est décidé en assemblée générale.

La rémunération de l’apport est complétée, le cas échéant par la rémunération des dividendes des filiales et du capital social, selon les modalités décrites dans le schéma ci-dessous.

ReprÉsentation schÉmatique de la rÉmunération de l’associÉ coopÉrateur

Source : Contribution écrite du ministère de l’agriculture et de l’alimentation

Il faut noter qu’au côté du prix, la coopération rend également un certain nombre de services à l’associé coopérateur, tel que le conseil, l’accompagnement et la garantie des débouchés. Ces services sont difficilement quantifiables. En conséquence, certains acteurs entendus en audition ont souligné que l’approche par le prix était incomplète. Le HCCA a insisté sur ce point en considérant que « la rémunération doit s’analyser sur une longue période en prenant en compte la création de valeur et la sécurisation des débouchés ; c’est l’atout des coopératives que de pouvoir lisser les extrêmes en décidant en particulier d’aider les agriculteurs dans les moments difficiles ([42]) ». Dans le prolongement de ces réflexions, le HCCA mène actuellement dans le cadre d’une convention sur trois ans avec la chaire de recherche « Lyon 3 Coopération » des travaux pour « explorer une nouvelle méthodologie permettant d’identifier l’apport des coopératives à leurs associés coopérateurs ».

e.   Un statut original, justifiant des avantages fiscaux et une régulation spécifique

Si les principes précédemment décrits font la spécificité et la force du modèle coopératif, ils posent également un cadre juridique contraignant pour le développement économique des coopératives agricoles, dans un contexte de concurrence exacerbée avec des sociétés privées qui ne sont pas soumises aux mêmes règles. Certaines souplesses de gestion existent pour les coopératives, telles que celles qui permet la participation des associés non-coopérateurs à hauteur de 20 % du capital social, ou la possibilité laissée aux coopératives de proposer ses services à des tiers non-coopérateurs dans la limite de 20 % de leur chiffre d’affaires annuel. Mais celles-ci ne permettent pas de compenser entièrement les sujétions particulières qui pèsent sur le modèle coopératif.

En contrepartie des règles contraignantes qui régissent le modèle coopératif et en ce qu’elles sont considérées comme le prolongement de l’exploitation, les coopératives agricoles bénéficient d’un régime fiscal particulier. Ainsi, elles ne sont pas redevables de l’impôt sur les sociétés (IS), en application des 2° et 3° du 1 de l’article 207 du code général des impôts. À noter tout de même que ce régime dérogatoire ne s’applique qu’aux relations entre la coopérative et ses coopérateurs et donc ni aux opérations effectuées avec des non‑associés au sein de la coopérative, ni aux revenus hors relation avec les associés (revenus financiers, revenus exceptionnels), ni aux filiales des coopératives. Le coût de cette exonération à l’IS, qui s’applique aux coopératives des secteurs agricoles, artisanal et du transport, est estimé à 115 millions d’euros pour 2022 ([43]).

Selon les dispositions combinées des articles 1450 et 1451 du code général des impôts, les sociétés coopératives agricoles et leurs unions bénéficient également d’un régime particulier avantageux pour la cotisation foncière des entreprises. Ainsi, celles qui emploient au plus trois salariés ou qui se consacrent à l’électrification, à l’habitat ou à l’aménagement rural, à l’utilisation de matériel agricole, à l’insémination artificielle, à la lutte contre les maladies des animaux et des végétaux, au conditionnement des fruits ou légumes, à l’organisation de ventes aux enchères et à la vinification ([44]) sont entièrement exonérées de la cotisation foncière des entreprises (CFE). Les autres bénéficient d’une réduction de moitié de leur base d’imposition ([45]).

Enfin, l’exonération permanente de la taxe foncière prévue en faveur des bâtiments qui servent aux exploitations rurales bénéficie également aux bâtiments des sociétés coopératives agricoles, dans lesquels sont effectuées des opérations de nature à entrer dans les usages normaux de la pratique agricole ([46]).

Les CUMA et les coopératives d’insémination artificielles peuvent en outre bénéficier d’exonérations sur la taxe d’apprentissage ou les droits d’enregistrement.

Le régime fiscal spécifique des coopératives agricoles a été reconnu à plusieurs reprises par l’Union européenne comme proportionné aux contraintes juridiques auxquelles elles sont soumises.

La spécificité et la légitimité du modèle coopératif ont été pleinement reconnues au niveau européen. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a ainsi eu l’occasion de se prononcer concernant la conformité des règles du droit de la concurrence et des aides d’État avec le régime coopératif. Dans un arrêt du 8 septembre 2011, Ministerio dell’Economia e delle finance c/ Paint Graphose.a., la CJUE a considéré que l’application uniforme du droit de la concurrence peut exercer un effet de discrimination à rebours au détriment des coopératives. Le législateur national peut en conséquence édicter des règles spécifiques, notamment fiscales, destinées à compenser certains handicaps propres au modèle coopératif, notamment dans l’accès aux marchés de capitaux. La CJUE a ainsi confirmé la possibilité pour les États membres, en l’espèce, l’Italie, de prévoir un régime fiscal spécifique pour les coopératives agricoles, sans que celui-ci soit considéré comme une aide d’État.

Le régime particulier des coopératives agricoles et le cadre fiscal qui leur est applicable justifient un contrôle des pouvoirs publics. Ainsi, les coopératives agricoles ont pour particularité de faire l’objet d’une procédure d’agrément, conduite sous l’égide des pouvoirs publics. Depuis la loi d’orientation agricole n° 2006-11 du 5 janvier 2006, cet agrément est délivré par le Haut Conseil à la coopération agricole (HCCA). Les coopératives doivent adopter des statuts avec des modèles fixés par arrêtés et homologués par le ministère chargé de l’agriculture. Au côté de cette procédure d’agrément, les coopératives sont également soumises à une obligation de révision et doivent transmettre annuellement un dossier de contrôle, comportant les éléments permettant aux autorités de vérifier que la coopérative fonctionne conformément aux règles posées par le droit ([47]).

B.   un rôle Économique, social et territorial majeur pour le modÈle agricole Français

1.   Un poids économique considérable

Les coopératives agricoles sont un acteur incontournable de l’agriculture et du secteur agroalimentaire français. Selon la Coopération agricole, trois agriculteurs sur quatre adhèrent à au moins une des 2 200 coopératives présentes sur l’ensemble territoire. Les coopératives agricoles jouent un rôle clé en termes d’emploi sur les territoires avec un total de 190 000 emplois salariés ([48]).

Avec un chiffre d’affaires consolidé de 86,6 milliards d’euros en 2019 ([49]), les coopératives représentent 40 % du chiffre d’affaires de l’agroalimentaire français ([50]). À titre d’exemple, un tiers des marques alimentaires appartiennent à des coopératives ([51]) et une bouteille de vin sur deux est issue de caves coopératives ([52]).

Source : Observatoire économique et financier du HCCA.

Si certaines coopératives sont comparables à de grandes entreprises, à l’image des six coopératives françaises présentes dans le classement des vingt premières coopératives européennes – Agrial, InVivo, Sodiaal, Tereos, Terrena et Vivescia – 93 % d’entre elles sont des TPE et PME. Un petit nombre de coopératives est donc responsable d’une part importante du chiffre d’affaires consolidé de la coopération : les cinq plus grandes coopératives françaises sont responsables de 30 % du chiffre d’affaires consolidé, les dix premières de 44 % et les cent premières de 85 % ([53]). D’après le HCCA, le chiffre d’affaires moyen par entité juridique s’élève à 68 millions d’euros. Seules trois coopératives ont un chiffre d’affaires supérieur à 5 milliards d’euros en 2019 : Agrial, InVivo et Sodiaal.

Par le rôle qu’elles jouent sur les marchés agricoles et dans la structuration des filières, les coopératives sont essentielles au modèle agricole français. Elles sont présentes dans presque toutes les filières agricoles. Selon la Coopération agricole, on trouve des coopératives dans 18 filières différentes de production agricole : miel, lait, tabac, vin, insémination et nutrition animale, lin, aviculture, forêt et bois, plantes aromatiques, alcool et distillerie, bétail et viande, betterave et sucre, fruits et légumes, électricité, grains, luzerne et approvisionnement. Dans le classement des 100 premières coopératives, on trouve principalement des coopératives céréalières, polyvalentes, laitières, sucrières et de production de viande. Pour certaines filières, les coopératives occupent une position dominante sur les marchés avec 100 % du marché du tabac, 92 % de la luzerne, 90 % de l’approvisionnement en porc, 85 % de la transformation betterave-sucre, 60 % de la production avicole et d’aliments composés ou 55 % de la collecte de lait, d’après la Coopération agricole. Les coopératives sont également un outil majeur de la chaîne de production en amont, car elles sont responsables de 70 % de l’approvisionnement agricole (engrais, semences, alimentation animale, etc.) ([54]). Les coopératives constituent un atout important pour structurer les filières et rééquilibrer les rapports de force entre l’amont et l’aval des filières.

La coopérative Unicoolait, un exemple du rôle joué par les coopératives dans la structuration des filières

Créée en 1947 dans la région de Sarrebourg, la coopérative laitière Unicoolait a dû s’adapter aux profonds bouleversements qui ont traversé l’économie laitière depuis les années 1980, en lien avec les évolutions des politiques publiques concernant les quotas laitiers. Aujourd’hui, Unicoolait récolte annuellement 160 millions de litres de lait auprès de 250 producteurs. La coopérative compte 35 salariés. Le lait collecté par le groupe Unicoolait est vendu au groupe Lactalis. Ce modèle permet de donner du poids aux agriculteurs, via la coopérative, dans la négociation des prix avec l’aval industriel.

La coopérative Unicoolait montre également le rôle que les coopératives agricoles peuvent jouer pour le développement de certains segments de marché à valeur ajoutée, telle que l’agriculture biologique. La coopérative a été un précurseur dans les années 90 pour le développement du bio. Aujourd’hui, près d’un quart de la production laitière récoltée par Unicoolait est en bio (pour 71 producteurs) et la coopérative est le principal fournisseur en lait bio de Lactalis.

Les coopératives jouent également un rôle économique non négligeable à l’export : d’après les données de l’Observatoire économique et financier du HCCA ([55]), en 2019, les 1 264 coopératives analysées au travers de dossiers annuels de contrôle réalisaient en moyenne 25,58 % de leur chiffre d’affaires à l’international.

Le modèle coopératif est enfin un atout face aux aspirations sociétales contemporaines. Leur ancrage territorial apporte des réponses face aux attentes croissantes des consommateurs français pour les circuits de proximité. Elles accompagnent également les transitions. Selon la Coopération agricole, un quart des coopératives est engagé dans les filières agricoles et agroalimentaires biologiques et les coopératives sont responsables de 70 % de la collecte de produits issus de l’agriculture biologique en grandes cultures et de 40 % de la collecte de lait biologique.

 

2.   Un rôle social et territorial déterminant

Le maillage territorial des coopératives est dense et couvre l’ensemble du territoire : 74 % des sièges sociaux se trouvent en zone rurale ([56]) et parmi les 100 premières coopératives françaises, 96 % ont un siège social en dehors de l’Île‑de‑France. Les coopératives sont particulièrement présentes et développées dans le Nord et l’Ouest de la France.

GÉOGRAPHIE DE LA COOPÉRATION AGRICOLE SELON LES SIÈGES SOCIAUX

Une image contenant carte

Description générée automatiquement

Source : HCCA, Observatoire économique, 2021

Par cette présence importante dans les territoires, les coopératives sont un outil d’aménagement du territoire et un levier majeur du dynamisme économique et social des zones rurales. Selon la Coopération agricole, les coopératives sont même le premier employeur privé des territoires ruraux ([57]). Non délocalisables, elles fixent et développent l’activité dans les territoires où elles sont implantées et elles créent des emplois directs et indirects en structurant les filières agroalimentaires, parfois de la production à la transformation en produits finis.

Les coopératives constituent un rempart contre la dévitalisation des zones rurales. Leur stratégie s’inscrit dans le temps long et la protection du territoire agricole. Elles demeurent ainsi actives dans des zones abandonnées par les entreprises privées par manque de rentabilité. C’est le cas notamment dans la filière laitière : les coopératives sont parfois les dernières à collecter le lait lorsque les conditions de collecte deviennent trop onéreuses ou quand le faible nombre de producteurs ne permet plus l’optimisation des outils de transformation, comme en zones de montagne. En maintenant une activité économique dans les zones rurales, les coopératives contribuent à la conservation de savoir-faire et participent indirectement à la survivance de services fondamentaux et d’une vie collective.


—  1  —

   Deuxième partie :
le modÈle coopÉratif est aujourd’hui confrontÉ À des mutations et À des dÉfis nouveaux À l’origine de questionnements sur sa lÉgitimitÉ et son efficience

I.   Le processus de concentration et d’internationalisation des coopÉratives agricoles françaIses sous l’effet des profondes mutations des marchÉs

Les marchés agricoles ne sont plus aussi prévisibles qu’autrefois. Les équilibres commerciaux sont en pleine recomposition, avec l’émergence d’une demande mondiale, l’intensification de la concurrence intra-européenne et l’apparition de nouvelles exigences de la part du consommateur. Dans ce contexte, les coopératives françaises se sont engagées dans un vaste mouvement de concentration et d’extension territoriale, visant à capter de la valeur sur des marchés de plus en plus éloignés.

A.   l’agriculture française et ses coopÉratives face À un environnement Économique et social de plus en plus tendu

1.   Dans un environnement international compétitif, l’agriculture française paraît aujourd’hui de plus en plus sur la défensive

L’agriculture française, autrefois dominante et conquérante, est aujourd’hui à un tournant de son histoire. La plupart des personnes auditionnées par la mission d’information ont confirmé les enjeux liés à la compétitivité de la France par rapport à ses partenaires européens et ses concurrents internationaux. La question de la compétitivité est devenue centrale dès lors que, pour reprendre les termes utilisés par M. Philippe Chalmin lors de son audition, « les prix français et même européens sont de plus en plus des prix mondiaux ». L’objectif fixé par les accords de Marrakech conclus le 15 avril 1994 dans le cadre du GATT ([58]), à savoir « l’établissement d’un système de commerce des produits agricoles […] équitable et axé sur le marché » à partir de la réduction progressive des « restrictions et distorsions touchant les marchés agricoles mondiaux » est, d’une certaine façon, atteint.

Selon les données fournies par M. Vincent Chatellier, économiste au laboratoire de recherche SMART-LERECO (INRAe), le 2 décembre dernier, le commerce mondial de produits alimentaires a triplé en valeur entre 2000 et 2019, ce qui témoigne d’une intensification de la concurrence internationale en matière agricole.

LE COMMERCE MONDIAL* EN PRODUITS AGROALIMENTAIRES (MILLIARDS D’EUROS COURANTS, 2000-2019)

Source : Vincent Chatellier (SMART-LERECO).

Dans cet environnement plus concurrentiel, de récents travaux parlementaires, qu’il s’agisse de ceux effectués en 2019 par le sénateur Laurent Duplomb ([59]) ou, l’an dernier, par la mission d’information de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur l’autonomie alimentaire de la France ([60]), ont établi que la France restait une « puissance agricole de premier plan » mais que cette puissance « s’érodait ».

Les marqueurs de cette érosion sont connus :

1/ Tout d’abord, la production agricole française, qui avait poursuivi sa croissance au cours des années 1980 et 1990, a cessé d’augmenter au début des années 2000 et stagne depuis lors ;

LA PRODUCTION AGRICOLE EN VOLUME EN FRANCE (AU PRIX DE BASE)
ET LES CONSOMMATIONS INTERMÉDIAIRES (BASE 100 = 1980)

Source : Vincent Chatellier (SMART-LERECO).

2/ La France subit parallèlement une réduction de son appareil productif : la surface agricole consacrée à l’agriculture dans notre pays a diminué de 17 % depuis 1961, alors que celle de la Chine et le Brésil s’est accrue de 50 % et de 90 % sur la même période ([61]) ;

3/ Compte tenu de la faible dynamique de la production nationale alors que la demande mondiale augmente, la France n’a cessé de perdre des parts de marché au niveau international : notre pays est ainsi passé du rang de deuxième pays exportateur derrière les États-Unis au début des années 2000 à celui de sixième depuis 2015, se faisant dépasser successivement par les Pays-Bas, l’Allemagne et le Brésil ([62]) ;

4/ Les importations de produits alimentaires ont doublé entre 2000 (27,5 milliards d’euros courants) et 2020 (55 milliards d’euros) ([63]) et notre pays affiche aujourd’hui un taux de dépendance alimentaire global de 20 % ([64]).

Encore aujourd’hui, la balance commerciale agricole de la France reste excédentaire (8,2 milliards d’euros courants en 2019), mais elle est inférieure à son niveau du début de la décennie 2010 (12,4 milliards d’euros en moyenne pour la période 2011-2013) et, surtout, elle serait déficitaire sans le conséquent excédent commercial (13,25 milliards d’euros en 2019) constaté sur les boissons (vins et spiritueux) ([65]).

L’agriculture française apparaît clairement sur la défensive dans un environnement extrêmement concurrentiel.

2.   Le déficit de compétitivité de notre agriculture vaut plus pour les échanges intra‑européens qu’avec le reste du monde

Sans qu’il soit nécessaire de revenir dans le détail sur les raisons d’une telle érosion, longuement exposées dans les deux rapports parlementaires précités, on rappellera que le déficit de compétitivité dépend énormément du type de filière. En 2019, la France affichait un solde commercial :

– positif dans les filières laitières (+ 3,85 milliards d’euros) et céréalières (+ 6,14 milliards d’euros) ainsi que dans la branche des boissons (cfsupra) ;

– quasiment équilibré dans les filières sucrières (+ 0,88 milliard d’euros), porcine (- 0,03 milliard d’euros) et avicole (- 0,10 milliard d’euros) ;

– déficitaire dans la filière des fruits et légumes (- 6,66 milliards d’euros) et la filière piscicole (- 4,33 milliards d’euros([66]).

Les secteurs les plus impactés sont ceux qui sont intensifs en facteur travail. Or, c’est sur ce point que la France souffre d’un handicap non négligeable vis-à-vis de ses partenaires européens. Selon une note de Trésor-Éco datant de 2018, le coût horaire des salariés français dans les industries agroalimentaires s’est accru de 58 % entre 2000 et 2017 contre une hausse de 34 % en Allemagne ([67]). Dans son rapport précité, le sénateur Laurent Duplomb note qu’une heure de maraîchage en France coûte 1,7 fois plus cher qu’en Espagne ([68]).

Dès lors, il n’est pas étonnant que la détérioration du solde extérieur se soit d’abord effectuée vis-à-vis des autres États membres de l’Union européenne et non des pays tiers. En 2019, le solde de la balance commerciale agricole française s’est dégradé avec les pays européens par rapport à 2017, mais s’est sensiblement amélioré vis-à-vis du reste du monde.

Évolution de la balance commerciale agricole française (2017-2019)

 

2017

2019

Solde commercial agricole France - UE27

- 2,6 milliards d’euros

- 3,1 milliards d’euros

Solde commercial agricole France - pays tiers

+ 8,8 milliards d’euros

+ 11,3 milliards d’euros

Solde commercial agricole total

+ 6,2 milliards d’euros

+ 8,2 milliards d’euros

Source : SMART-LERECO

Une analyse fine des filières de production animale montre, pour l’année 2020, une filière porcine exportatrice vers la Chine (+ 492 milliards d’euros) mais importatrice d’Espagne (- 640 milliards d’euros) et d’Allemagne (- 206 milliards d’euros). La filière avicole, moins dynamique, reste légèrement excédentaire avec certains pays tiers (Arabie saoudite, Royaume-Uni) mais s’avère fortement déficitaire s’agissant de la Pologne (- 266 milliards d’euros) et des Pays-Bas (- 138 milliards d’euros) ([69]).

Comme l’a indiqué en audition M. Chatellier, « les dynamiques de croissance se font aujourd’hui plus à l’international que sur les marchés européens » : selon lui, les coopératives françaises peuvent aider la France à tirer son épingle du jeu en se positionnant sur ces nouveaux marchés (cf. troisième partie infra).

3.   La multiplicité des injonctions sociétales peut freiner les agriculteurs français dans leur repositionnement économique

Appelé à évoluer, le monde agricole français est soumis à des injonctions sociétales très diverses, parfois contradictoires, qui peuvent freiner son repositionnement économique. La première de ces injonctions a trait à la qualité même du produit. Dans la lignée du slogan « Bien manger, c’est l’affaire de tous » ([70]), l’article L.1 du code rural et de la pêche maritime introduit par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAF) met au cœur des politiques publiques agricoles l’accès de la population « à une alimentation sûre, saine, diversifiée [et] de bonne qualité ». Ce discours politique se traduit de plus en plus par la volonté affirmée des consommateurs français, et retracée dans les sondages d’opinion fréquemment réalisés sur ce thème, de « manger sain et équilibré ([71]) ».

Dans le même temps, comme l’ont noté les membres de la mission d’information sur l’autonomie alimentaire précitée, les habitudes alimentaires des consommateurs français ont tendance à se modifier au détriment des viandes et au bénéfice des alternatives aux produits d’origine animale, notamment des légumineuses ([72]). Dans la même logique, la dimension environnementale devient une préoccupation de plus en plus forte chez les Français et s’impose comme une nouvelle injonction sociétale pour les producteurs. Dans une enquête de l’institut de sondage BVA parue en mai dernier, 59 % des personnes interrogées perçoivent les agriculteurs comme des défenseurs d’une « agriculture raisonnée » et 58 % comme des acteurs soucieux de préserver la biodiversité ([73]).

Logiquement, comme l’indiquaient les représentants de la FNSEA au cours de leur audition par les membres de la mission d’information, les agriculteurs eux‑mêmes se sont mis en tête de répondre à ces demandes sociétales. Une « mue culturelle » serait à l’œuvre et les jeunes exploitants seraient désormais plus en quête de valeur que de volume. La forte progression de l’agriculture biologique est l’un des moyens mis en œuvre par les producteurs pour prendre en compte ces nouvelles attentes. Le « bio » cumule, en effet, l’avantage d’être plus vertueux d’un point de vue environnemental et de favoriser le potentiel de revenu au travers d’une « montée en gamme ». Selon l’Agence Bio, une exploitation française sur dix serait certifiée « bio » en 2019, contre une sur cent au début des années 2000. La progression serait spectaculaire au cours des années 2010, le nombre d’exploitations engagées dépassant les 53 000 en 2020, soit un quintuplement par rapport à 2005, pour une surface certifiée supérieure à 2,5 millions d’hectares ([74]) (cf. infra).

ÉVOLUTION DE L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE

Source : Agence Bio

Cette « montée en gamme » n’est pas sans risque, comme en témoignent les difficultés rencontrées actuellement par la filière laitière biologique, confrontée à un tassement de la demande et à un surplus de production de 250 millions de litres de lait en 2021 ([75]). Les coopératives laitières auditionnées par la mission ont indiqué qu’une part importante, estimée à 20 %, du lait biologique produit avait dû être reversée dans la filière conventionnelle, faute de mieux et que de nombreux projets de conversion avaient été abandonnés.

Plus fondamentalement, une telle stratégie ne résout qu’imparfaitement les problèmes de compétitivité de l’agriculture française dans la mesure où elle peut amener à détourner certains pans de la production française des marchés à moyenne gamme, pourtant prépondérants dans la restauration hors domicile. Comme l’indiquait la Coopération agricole dans sa contribution aux travaux de la mission d’information sur l’autonomie alimentaire précitée ([76]), « la labellisation a permis de préserver des parts de marché en poulet frais (plus de 80 % des poulets vendus en supermarché sont produits en France). Mais ce n’est pas le cas sur le secteur le plus dynamique, le poulet « ingrédient » utilisé dans les sandwichs ou la restauration rapide (charcuterie de poulet, nuggets). Sur ce segment, les importations représenteraient 70 % du marché français ». Rappelons enfin que la France est loin d’être auto-suffisante en produits « bio » et importe 33 % de sa consommation ([77]).

Sans pour autant délaisser les segments de marché qualitativement élevés, l’agriculture française est appelée à mieux profiter des débouchés offerts par la demande mondiale en forte croissance.

 

B.   LES Évolutions EN COURS DU secteur coopÉratif agricole : CONCENTRATION ET FILIALISATION

1.   Les coopératives françaises sont engagées depuis 20 ans dans un processus de concentration qui a tendance à s’accélérer

Les forces du modèle coopératif, en particulier le contrôle systématique de la société par ses associés coopérateurs, ne rendent pas pour autant les coopératives insensibles aux contraintes de l’économie de marché et ne les exonèrent nullement de rechercher de la valeur. L’exemple de l’Union laitière normande (ULN), coopérative emblématique de l’après-guerre avec ses marques Elle & Vire et Mamie Nova le montre bien. Celle-ci a ainsi été rachetée par le groupe Bongrain en 1992 à la suite de difficultés financières ([78]). Une coopérative mal gérée peut ainsi disparaître.

Face à l’intensification de la concurrence internationale, et notamment européenne, les coopératives françaises se sont logiquement engagées dans les années 2000 et 2010 dans un processus de concentration. Cette stratégie leur assure des avantages concurrentiels en termes d’économies d’échelle, de renforcement du pouvoir du producteur sur le marché, d’accroissement des capacités en termes de recherche et développement.

À titre d’exemple, la fusion opérée en 2001 entre, d’une part, l’Union nationale des coopératives agricoles d’agrofournitures (UNCAA) ([79]) et, d’autre part, de l’Union nationale des coopératives de collecte céréalière Sigma, a donné naissance à InVivo qui, fort de ses 192 coopératives sociétaires, s’est affirmé dès les années 2000 comme le deuxième groupe coopératif français et l’était encore en 2019, avec 5,24 milliards d’euros de chiffre d’affaires, derrière Agrial ([80]). Cette dernière, elle‑même issue de la fusion de trois coopératives en 2000 ([81]), a su se développer autour du principe de « multi-spécialité » comme l’indiquait son directeur général, M. Ludovic Spiers en 2021 ([82]). Au cours de leur entretien au siège de la coopérative, à Caen, avec une délégation de la mission d’information le jeudi 20 janvier dernier, les dirigeants d’Agrial ont confirmé la solidité de leur modèle, qui leur permet de s’appuyer sur des branches dynamiques lorsque les autres subissent les contrecoups de fluctuations conjoncturelles.

Agrial, de la petite coopérative du Cotentin au groupe de dimension mondiale

Agrial naît en 2000 de la fusion de trois coopératives, dont l’une d’entre elles (AGRALCO) est issue d’une ancienne coopérative d’élevage créée en 1912 à Coutances dans le Cotentin (Manche) : la coopérative d’approvisionnement et de services des agriculteurs de la Manche (CASAM).

Lors de la visite des membres de la mission d’information au siège de la coopérative, le 20 janvier 2022, les instances dirigeantes ont fait état d’un groupe de dimension mondiale, avec un chiffre d’affaires annuel d’environ 6 milliards d’euros et 21 200 salariés implantés dans 11 pays (Europe, Afrique, États-Unis).

La coopérative gère 57 marques réparties dans 5 branches sectorielles : agricole, lait, légumes et fruits frais, viandes et boissons. Le graphique ci-dessous illustre la croissance du groupe autour de la diversification de ses activités.

Source : Agrial (rapport 2019)

Les cas d’Agrial et d’InVivo sont loin d’être uniques. Les deux dernières décennies ont été marquées par une multiplication des fusions et des alliances entre coopératives. Le tableau ci-après récapitule l’ensemble des mouvements constatés entre 2006 et 2019 sur les principales coopératives françaises en termes de chiffre d’affaires.


—  1  —

L’ÉVOLUTION DES PRINCIPALES COOPÉRATIVES AGRICOLES FRANÇAISES (2006-2019) ([83])

Nom

Activité(s)

Rang 2006

Rang 2019

Mouvements notables sur la période

Agrial

Polyvalente

6

1

Fusion avec la coopérative laitière EURIAL en 2016.

InVivo

Céréales, semences, vins

2

2

Partenariat avec Vinadéis (vin) en 2015, finalement intégré en 2021.

Acquisition de Gamm Vert et Jardiland (jardinerie) en 2017.

Sodiaal

Lait

4

3

Fusion avec la coopérative 3A (lait) en 2013.

Terrena

Polyvalente

1

4

Acquisition du groupe Doux (poulet) en 2016.

Tereos

Sucre

3

5

Fusion avec la coopérative Sucreries et Distilleries des Hauts-de-France en 2005

Vivescia

Céréales, approvisionnement, meunerie

N’existait pas

6

Née de la fusion entre Champagnes céréales et Nouricia en 2012.

Axereal

Céréales, approvisionnement, meunerie, malterie

N’existait pas

7

Née de la fusion entre Épis - Centre et Agralys en 2008.

Cooperl

Viande

13

8

Fusion avec la coopérative ARCA (porcs) en 2008.

Even

Lait

15

9

Fusion avec la coopérative L’Armoricaine Laitière en 2015.

Les Maîtres Laitiers

Lait

Non connu

10

Acquisition de la fromagerie Réaux en 2016.

Champagne Céréales

Céréales

10

Fusionné

Intégrée dans Vivescia en 2012.

Épis - Centre

Céréales, malterie, meunerie

14

Fusionné

Intégrée dans Axereal en 2008.

Agralys

Céréales, approvisionnement

20

Fusionné

Intégrée dans Axereal en 2008.

Le processus de concentration s’accélère depuis 20 ans, provoquant à la fois une élévation importante du chiffre d’affaires global des coopératives (2000 : 64,8 milliards d’euros ; 2018 : 84,4 milliards d’euros, soit + 30 %) et une diminution tout aussi significative du nombre de coopératives (2000 : 3 700 ; 2018 : 2 400, soit - 35 %).

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE COOPÉRATIVES ET DU CHIFFRE D’AFFAIRES CUMULÉ EN FRANCE (1965-2018)

(EN MILLIONS D’EUROS)

Source : Xavier Hollandts (audition du 12 janvier 2022).

Le secteur coopératif agricole est aujourd’hui de plus en plus concentré entre les mains des groupes dominants. Comme indiqué supra, les cent premières coopératives agricoles représentent environ 85 % du chiffre d’affaires de l’ensemble des coopératives françaises (71,5 milliards d’euros pour les 98 premières coopératives en 2018 ([84])).

Source de « pérennité » ([85]) pour les uns, « prise de position dominante » ([86]) pour les autres, un tel gonflement du chiffre d’affaires moyen reste encore en deçà de ce que pratiquent nos concurrents étrangers. La première coopérative au monde (la japonaise Zen-Noh) réalise un chiffre d’affaires annuel de plus de 40 milliards de dollars et la performance moyenne des coopératives françaises figurant dans le classement des 100 premières coopératives européennes reste inférieure à ce qu’affichent nos partenaires allemands ou néerlandais (cf. graphique infra).

 

LES VENTES DES COOPÉRATIVES FRANÇAISES SE SITUENT EN DESSOUS
DE LA MOYENNE DU TOP 100 EUROPÉEN

Source : Xavier Hollandts (audition du 12 janvier 2022).

Le monde coopératif français entre donc dans une logique d’économies d’échelle issue de contraintes de nature économique. Au vu des performances réalisées par nos concurrents européens, on peut raisonnablement penser que le stade de développement de nos champions nationaux est encore loin d’être parvenu à son terme.

2.   La filialisation croissante des grandes coopératives françaises conduit à atténuer leur spécificité vis-à-vis des sociétés commerciales

Les stratégies de développement ne s’appuient pas uniquement sur la fusion des sociétés coopératives entre elles : celles-ci peuvent également souhaiter diversifier leurs activités ou s’implanter à l’étranger par l’acquisition de filiales, à l’image d’une société commerciale de droit commun. Ainsi, Agrial a pu renforcer son pôle « viandes » en 2012 au travers de la prise de contrôle de la société Maître Jacques, société commerciale historiquement implantée à Rennes depuis 1964. InVivo, pour sa part, a acquis en 2017 la société néerlandaise Baarsma Wine, spécialisée dans la distribution de produits vitivinicoles, afin d’accroître son chiffre d’affaires en Europe. D’un point de vue global, 55 % des coopératives présentes dans la base de données de l’Observatoire économique du HCCA détiennent au moins une filiale ([87]).

Ces opérations financières ont été favorisées par une série d’évolutions législatives et réglementaires intervenues entre le début des années 1970 et le début des années 2000 en faveur de la « filialisation ».

Après de nombreuses hésitations liées, notamment, à la volonté du législateur de ne pas « dénaturer » le caractère coopératif des sociétés concernées, l’article L. 124-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001‑420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (article 64), reconnaît la possibilité pour les coopératives d’exercer « directement ou indirectement pour le compte de leurs associés » la prise de « participations même majoritaires dans des sociétés […] exploitant des fonds de commerce ». Au niveau de l’Union européenne, il est même expressément reconnu pour la « société coopérative européenne » le droit de « mener ses activités par l’intermédiaire d’une filiale ([88])».

La reconnaissance très progressive par la France du droit des coopératives à acquérir des filiales commerciales

La loi nº 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée ne précise pas si une coopérative peut (ou non) prendre des participations dans des sociétés commerciales.

Une première brèche s’entrouvre au travers de la loi n° 72-516 du 27 juin 1972 ([89]), qui, au V de son article 5, évoque la « prise de participation » des coopératives agricoles dans des « personnes morales dont l’activité principale n’est pas identique à l’activité de la société participante ». Un dispositif de contrôle s’assure, toutefois, que ces opérations « ne dénaturent pas le caractère coopératif de la société en cause ». Lorsque la loi n° 92‑643 du 13 juillet 1992 relative à la modernisation des entreprises coopératives a ouvert la possibilité pour toutes les coopératives, agricoles ou non, d’ouvrir une partie de leur capital à des associés non-coopérateurs, certains juristes en ont conclu que ces dispositions interdisaient de facto aux coopératives le mouvement inverse ([90]).

Les réformes intervenues en 2001 (France) et en 2003 (Union européenne) sont venues donner un cadre juridique clair aux pratiques mises en œuvre depuis longtemps par les coopératives elles-mêmes.

La multiplication des structures et des ramifications aboutit à la constitution d’organigrammes complexes, en définitive peu différents de ceux des firmes multinationales (cf. exemple infra).

 

ORGANIGRAMME DU GROUPE INVIVO (AVANT LE RACHAT DU GROUPE SOUFFLET)

Source : InVivo.

Le rachat par InVivo du groupe Soufflet, finalisé le 9 décembre 2021, constitue pour le groupe une nouvelle étape dans sa croissance, puisque le nouvel ensemble devrait représenter plus de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel (contre 5,1 milliards d’euros en 2019) et permettre au groupe d’apparaître comme le deuxième groupe coopératif européen en matière agricole ([91]).

Soufflet : un géant français de l’agroalimentaire

La société Soufflet, créée à Nogent-sur-Seine (Aube) en 1900, est entrée dans les années 1960 et 1970 dans une phase de forte croissance, devenant le premier collecteur français de céréales en 1978. Le groupe s’internationalise à partir des années 1970 tout en diversifiant ses activités : meunerie (marque Baguépi), boulangerie industrielle, restauration rapide (Pomme de Pain), malterie, riz et légumes secs.

En 2015, le groupe s’étendait dans 19 pays (y compris le Kazakhstan) et comptait 7 400 collaborateurs.

La constitution de grands ensembles, tant nationaux qu’internationaux, paraît difficile à concilier avec le principe de territorialité qui, logiquement, assigne chaque coopérative au territoire des agriculteurs qui la composent ([92]).

À cet égard, une étude statistique réalisée en 2014 sur 624 coopératives agricoles françaises par l’unité de recherche SMART‑ LERECO ([93]), a montré qu’en 2011, 98 coopératives (près de 16 %) réalisaient au moins 60 % de leur chiffre d’affaires sur une zone géographique extérieure à leur département d’implantation et à ses départements limitrophes.

À l’époque, les coopératives françaises paraissaient peu internationalisées, dans la mesure où seules 3 d’entre elles sur les 624 ciblées réalisaient à l’étranger plus de 20 % de leur chiffre d’affaires. Le nouveau cycle de développement qui semble s’ouvrir pour le secteur devrait mécaniquement accroître cette part. Cette évolution a été confirmée par l’Observatoire économique et financier du HCCA ([94]). Comme indiqué supra dans le rapport, en 2019, 25,58 % du chiffre d’affaires des coopératives françaises est réalisé à l’international. Ce ratio monte à 28 % pour les coopératives réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 500 millions d’euros ([95]). S’agissant d’InVivo, il s’élevait déjà à 28 % avant le rachat de Soufflet et devrait vraisemblablement progresser au cours des prochaines années.

Pour autant, la multiplication de telles opérations aboutit inévitablement à brouiller quelque peu les frontières tracées en 1947 entre le monde coopératif et les sociétés commerciales de droit commun. Si, d’un point de vue juridique, la maison mère d’un groupe reste bien une union de coopératives agricoles, peut-on encore parler de « groupe coopératif » dans la mesure où l’une des branches de l’ensemble, qui représente la moitié du chiffre d’affaires, est une ancienne multinationale commerciale ?

Sollicité sur ce point, le HCCA, qui vérifie l’adéquation entre les activités des coopératives et les principes qui leur sont applicables au travers de la procédure d’agrément ([96]), note que « les groupes coopératifs agricoles se développent vers l’aval et l’industrie au travers de filiales », mais que « la coopérative mère reste positionnée sur les activités en amont : collecte, approvisionnement, services aux associés coopérateurs, stockage, conditionnement, première transformation » ([97]). Dans les faits, quasiment aucune coopérative française ne dispose d’agrément de portée géographique nationale ([98]) et encore moins internationale ([99]).

Le principe de territorialité reste donc d’actualité, mais il n’en demeure pas moins fragilisé par la multiplication des fusions et l’extension croissante des activités des groupes coopératifs bien au-delà de leur zone territoriale de référence.

II.   un modÈle confrontÉ au risque de distension du lien de confiance entre les associÉs coopÉrateurs et leurs coopÉratives

A.   une DOUBLE CRISE DE participation et de reprÉsentation subie par le modÈle coopÉratif, en dÉpit d’un rÉel attachement des agriculteurs

Les auditions conduites par vos rapporteurs ont permis de constater un attachement unanime aux principes du modèle coopératif. L’attachement des associés coopérateurs à leur coopérative n’est pas remis en cause dans sa globalité. Ainsi, selon une récente étude conduite par la Coopération agricole, près des trois quarts des associés coopérateurs interrogés (72 %) se disent personnellement attachés au système coopératif, 79 % des associés coopérateurs interrogés recommanderaient à un jeune agriculteur de rejoindre une coopérative et 80 % des associés coopérateurs déclarent avoir confiance dans leur coopérative.

Pour autant, cet attachement de principe ne saurait masquer un certain nombre de difficultés, qui émergent principalement dans les grandes coopératives et fragilisent le pacte de confiance entre les associés coopérateurs et leur coopérative.

Ainsi, le modèle coopératif n’est pas à l’abri de la crise de défiance qui traverse nos sociétés contemporaines et qui touchent de nombreux domaines de la vie publique, qu’elle soit politique, économique et sociale. Ces tensions se matérialisent notamment par une double crise de participation et de représentation.

1.   Une crise de la participation en assemblée générale

Cette fragilisation du lien entre les associés coopérateurs et leur coopérative se traduit par une crise de la participation. Une récente étude conduite par la Coopération agricole montre que seuls 40 % des associés coopérateurs ont participé aux assemblées générales statutaires obligatoires sur les 12 derniers mois. Ce phénomène est particulièrement marqué dans les grandes coopératives. Il doit dès lors être rapproché de la dynamique d’agrandissement des coopératives, qui accroît le sentiment d’éloignement et de complexité pour l’associé coopérateur. Dans les coopératives agricoles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 300 millions d’euros, le taux de participation moyen est de l’ordre de 20 %. Les coopératives réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 15 millions d’euros atteignent un taux moyen de participation légèrement supérieur à 50 %, ce qui reste tout de même peu satisfaisant. Ces chiffres témoignent d’un désintérêt préoccupant pour l’avenir de la démocratie coopérative.

TAUX DE PARTICIPATION EN ASSEMBLÉE EN FONCTION
DE LA TAILLE DE LA COOPÉRATIVE

Source : Observatoire de la gouvernance des coopératives agricoles, Association nationale de la révision,juin 2021

2.   Les conseils d’administration peinent à se renouveler et à susciter des vocations

Les auditions ont permis de mettre en avant les difficultés que rencontrent les coopératives à renouveler leur vivier d’administrateurs et à susciter des vocations. Plusieurs acteurs auditionnés ont ainsi souligné les difficultés à trouver des candidats pour devenir administrateur, une fonction qui nécessite un investissement conséquent pour la vie de la coopérative, en plus de la gestion quotidienne d’une exploitation. À cette difficulté de renouvellement s’ajoute celle de la représentativité : les conseils d’administration reflètent insuffisamment la diversité des associés coopérateurs, ce qui altère leur légitimité.

Les administrateurs des coopératives agricoles sont à 90,3 % des hommes, dont l’âge moyen est de 51 ans. Bien que la démographie agricole se caractérise par une population en majorité masculine et plus âgée que la moyenne, ces chiffres ne reflètent pas la réalité du monde agricole, qui compte 24,4 % de femmes avec une moyenne d’âge de la population agricole de 49 ans. Si le pourcentage de femmes dans les conseils d’administration est en augmentation continue, l’âge moyen des administrateurs a plutôt tendance à croître, ce qui témoigne notamment des difficultés de renouvellement évoquées.

 

 

 

Évolution de la représentation des femmes et de la moyenne d’âge des membres des conseils d’administration

Déc 2017

Déc 2018

Déc 2019

Juin 2021

Féminisation des conseils d’administration ou de surveillance

8,4 %

8,6 %

9,1 %

9,7 %

Âge moyen des élus des coopératives agricoles

49,9

50,5

50,6

51

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : la Coopération agricole, à partir des données de l’Observatoire de la gouvernance des coopératives agricoles précité

La fonction d’administrateur souffre également d’une image parfois élitiste, puisque seuls 48 % des associés coopérateurs interrogés pensent que la fonction d’élus au sein de la coopérative est accessible à tous sans distinction ([100]).

B.   un sentiment diffus chez certains associÉs coopÉrateurs de déconnexion entre leurs intÉrÊts et ceux de la coopÉrative

1.   Une gouvernance parfois déséquilibrée

Dans certaines coopératives, la gouvernance ne garantit plus un fonctionnement équilibré entre les différents organes de pouvoir. L’universitaire Xavier Hollandts a exposé aux membres de la mission trois types de gouvernance dégradée :

– la domination sociétariale, qui risque de conduire à une gestion centrée sur la satisfaction des besoins immédiats ;

– la domination managériale, avec un conseil d’administration dominé par le directeur général ;

– un modèle dit d’autocratie des gouvernants, avec une collusion entre le directeur général et le conseil d’administration, au détriment des associés coopérateurs.

Les travaux de la mission ont permis de souligner le risque, particulièrement présent dans les grandes coopératives, de « décrochage » des administrateurs par rapport aux fonctions administratives de direction. Certains syndicats agricoles vont jusqu’à déplorer « une prise de pouvoir ([101]) » par les directeurs et l’exécutif.

Ce risque de déconnexion s’explique en partie par des compétences parfois lacunaires des administrateurs, qui découlent d’une formation encore largement insuffisante. Le nombre de formations délivrées apparaît très bas. 43 % des administrateurs n’en ont jamais suivies. Seules 39 % des coopératives ont organisé au moins une formation des administrateurs au cours des trois dernières années (taux qui atteint 89 % dans les coopératives ayant un chiffre d’affaires de plus de 75 millions d’euros), formations qui durent en moyenne un jour par an (1,7 jour pour les coopératives avec plus de 75 millions d’euros de chiffre d’affaires ([102])).

Certaines crises médiatisées ont contribué à abîmer l’image du modèle coopératif. Ces dérives marginales, mais bien réelles, nuisent à l’image du modèle coopératif dans son ensemble. C’est particulièrement le cas de la crise de gouvernance traversée pendant plus de deux ans par le groupe Tereos, qui a mis en avant les risques de mauvaise gestion conduisant à des niveaux d’endettement excessifs, des difficultés d’accès à l’information pour les associés coopérateurs, ainsi que des défaillances dans les processus démocratiques aboutissant à des élections considérées comme manipulées par l’actuel président du groupe M. Gérard Clay, entendu en audition. La crise a également mis en évidence la problématique de la régulation du secteur, le président Gérard Clay ayant déploré lors de son audition ne pas avoir eu d’interlocuteurs vers qui se tourner à l’époque et le peu de soutien obtenu.


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La crise de gouvernance du groupe coopératif Tereos

Entre 2018 et 2020, la coopérative sucrière Tereos a été touchée par une grave crise de gouvernance qui a illustré certaines dérives du modèle coopératif et abouti au renouvellement de la direction du groupe.

Tereos est un acteur majeur du monde coopératif français et mondial, structuré autour des métiers de la transformation de matières agricoles en sucre, amidon et alcool. Avec un chiffre d’affaires de 4,3 milliards d’euros en 2020 et une présence sur les marchés de l’agroalimentaire, la chimie, la pharmacie, les énergies vertes et le papier, Tereos est le deuxième groupe sucrier mondial ([103]) et la quatrième plus grande coopérative française ([104]). Elle rassemble 1 200 coopérateurs, emploie 25 000 salariés dans le monde et possède 46 usines dont 30 en Europe ([105]).

En 2018, dans un contexte économique difficile marqué par la fin des quotas sucriers, une surproduction et une baisse des prix, des tensions naissent entre la direction du groupe, incarnée par le président du directoire Alexis Duval – dont le père et le grand‑père ont occupé précédemment la fonction – et certains associés coopérateurs en désaccord avec les méthodes de gouvernance et la stratégie du groupe, basée sur une politique de diversification des activités et d’implantation à l’étranger via un fort endettement. Ces associés coopérateurs ont remis en cause le fonctionnement du conseil de surveillance et ont demandé l’activation des comités d’audit et des rémunérations en septembre 2018 ([106]). L’un d’entre eux, Gérard Clay, auditionné par vos rapporteurs, a dénoncé l’opacité du pilotage de la coopérative et le fait qu’il était notamment impossible à l’époque d’avoir accès aux comptes des filiales. Les administrateurs à l’initiative de cette demande ont été exclus de Tereos, puis réintégrés à la suite d’une décision de justice. Comme indiqué en audition, sur avis du HCCA, ils ont ensuite réuni 2 500 signatures pour provoquer une assemblée générale, mais cette démarche n’a pas abouti.

Le 18 décembre 2020, une décision du tribunal judiciaire de Senlis a ordonné la tenue d’un conseil de surveillance au cours duquel la direction a finalement été renversée. Alexis Duval a été remplacé par Philippe de Raynal au poste de président du directoire après huit ans d’exercice et Gérard Clay a pris la tête du conseil de surveillance ([107]). La nouvelle équipe dirigeante entreprend depuis janvier 2021 de diminuer l’endettement du groupe et de passer d’une stratégie de volumes et de croissance externe à une stratégie de marges. Elle a mis en place un comité d’audit et un comité des risques au sein du conseil de surveillance, ainsi qu’un comité rémunérations qui établit les rémunérations des 20 premiers cadres du groupe ([108]).

Cette crise a illustré un certain isolement des élus, une forte asymétrie d’informations et un dysfonctionnement des mécanismes de contrôle du groupe coopératif.

2.   Des tensions autour de la relation unissant l’associé coopérateur à sa coopérative, qui risquent à terme de fragiliser le modèle coopératif

Parmi les récriminations des associés coopérateurs à l’encontre de leur coopérative qui ont été portées à la connaissance de la mission d’information, les critiques qui sont revenues le plus souvent sont les suivantes : une masse d’informations difficiles à décrypter, des choix de gestion parfois incompris et des modalités de contrat considérées comme trop asymétriques, qu’il s’agisse tant de la rémunération offerte que des règles d’apport ou des conditions d’engagements.

La question de la création et de la répartition de la valeur au sein des coopératives suscite des tensions dans un contexte plus global où l’ensemble du monde agricole est traversé par un problème de rémunération insuffisante des agriculteurs. Le modèle coopératif ne fait pas exception et la question de la rémunération des associés coopérateurs peut susciter une certaine forme de défiance dans le cadre coopératif, malgré les obligations renforcées concernant la transparence de la rémunération dans le sillage de la loi EGALIM (voir infra). Au‑delà des questions de transparence sur la formation des prix, la capacité des coopératives à créer de la valeur et à la répartir équitablement est également parfois remise en cause. Un certain nombre d’associés coopérateurs peuvent avoir le sentiment d’être mieux traités dans le cadre d’une relation commerciale avec un fournisseur ou un négoce, qui garantit également une relation plus libre (modalités plus souples de résiliation du contrat, pas de règles d’apport total) mais aussi plus incertaine (pas d’engagement de collecte, perte de l’ensemble des bénéfices propres au modèle coopératif).

Le rapporteur de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018, dite « EGALIM 1 », M. Jean-Baptiste Moreau, analysait déjà cette dynamique, en alertant dans son rapport rendu en première lecture sur ledit projet de loi sur le « rejet de ce type d’organisation de la part d’une partie des producteurs ». Si le statut n’est pas en lui-même contesté, le rapporteur soulignait que « nombre de coopérateurs se plaignent de l’insuffisance du lien de coopération avec la structure dont ils sont membres. (…) Le coopérateur juge ce statut trop sclérosé et trop bloqué. Le problème est plus aigu au niveau de certaines grandes coopératives qui deviennent parfois des multinationales au sein desquelles la coopérative n’est plus au service d’une meilleure valorisation de la production de ses adhérents. Au contraire, c’est l’adhérent qui, malheureusement, est au service de la coopérative ».

Ces problématiques peuvent conduire certains agriculteurs, et notamment les plus jeunes, à préférer d’autres modes de commercialisation que le modèle coopératif, en particulier dans un contexte de l’essor pris par certains modèles, comme C’est qui le Patron ou la Laiterie de SaintDenisdel’Hôtel, qui privilégient un lien plus direct avec les distributeurs et mettent en œuvre de nouveaux modèles visant à revaloriser la rémunération des agriculteurs.

Cette crise de défiance risque à terme de fragiliser le modèle coopératif lui-même. L’Observatoire de la gouvernance des coopératives agricoles montre que, si 26 % des administrateurs considèrent que l’attachement des coopérateurs à la coopérative est une force, 35 % des administrateurs considèrent au contraire que le niveau d’attachement actuel est plutôt une faiblesse. 75 % des administrateurs considèrent que l’engagement et le renouvellement des adhérents constituent un risque moyen à fort pour l’avenir de la coopérative. Cet enjeu paraît d’autant plus prégnant face au défi actuel de renouvellement des générations agricoles, dans un contexte où un agriculteur sur deux devrait prendre sa retraite d’ici 2030.

EnquÊte conduite par l’observatoire des coopÉratives agricoles, rÉponses apportÉes par des administrateurs

Source : Observatoire de la gouvernance des coopératives agricoles, rapport précité


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   TroisiÈme partie :
agir pour l’avenir du modÈle coopÉratif agricole : GARANTIR UNE GOUVERNANCE VERTUEUSE,
UNE RÉgulation efficace et renforcer l’attractivitÉ et la compÉtitivitÉ du modÈle

La spécificité du droit coopératif français doit être conservée car il constitue l’une des forces de notre modèle agricole. Le modèle observé dans certains États, notamment du Nord de l’Europe, d’assimilation du modèle coopératif avec les entreprises commerciales n’est pas un chemin à prendre : les atouts du modèle coopératif doivent être mis en avant grâce à la conservation du statut et la réaffirmation des principes coopératifs. Le modèle n’en est pas moins confronté à des défis nombreux. La rénovation de la gouvernance et des outils de régulation, d’une part, et le renforcement des outils au service de l’attractivité et de la compétitivité du modèle, d’autre part, sont nécessaires pour assurer la pérennité du modèle coopératif, essentiel à notre agriculture.

I.   CONSOLIDER le lien de confiance entre les associÉs coopÉrateurs et leur coopÉrative À travers l’affirmation d’une gouvernance vertueuse

Insuffler davantage de dynamisme dans la vie démocratique de la coopérative est une nécessité pour renforcer la confiance dans le modèle et assurer son avenir à moyen terme. Cela passe par l’accès à une information claire et complète, une attractivité renouvelée de l’assemblée générale, une plus grande représentativité du conseil d’administration ainsi que par la mise en place d’outils de gouvernance proches du terrain. L’amélioration de la gouvernance nécessite également un partage des tâches clair et équilibré entre les différents organes de pouvoir de la coopérative.

A.   INFORMER et impliquer davantage les associÉs coopÉrateurs

1.   Garantir le respect du droit à l’information des associés coopérateurs

a.   Des obligations considérablement renforcées ces dernières années

La bonne information des associés coopérateurs est essentielle pour les éclairer sur leurs droits et devoirs ainsi que sur leurs décisions.

Comme dans d’autres domaines de la vie collective, les obligations de transparence pesant sur les coopératives ont été considérablement renforcées ces dernières années, sous l’impulsion du législateur. L’encadré figurant ci‑après récapitule l’ensemble des règles garantissant le droit à l’information des associés coopérateurs.

En 2014, ces obligations ont été rehaussées dans le cadre de la loi n° 2014‑1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, dite loi « LAAF ». Celle-ci a notamment permis la mise en place du document unique récapitulatif (DUR), document mis à la disposition de chaque associé coopérateur, qui récapitule la situation individuelle et les engagements de l’associé coopérateur (article L. 521-3 du CRPM). La loi LAAF a également précisé le droit pour chaque associé d’obtenir sur demande les statuts, le règlement intérieur, les comptes annuels, les rapports aux associés et procès-verbaux d’assemblée générale des trois dernières années. Elle a également enrichi le contenu du rapport de gestion prévu à l’article L. 524-2-1 du CRPM, qui doit être présenté par le conseil d’administration ou le directoire lors de chaque assemblée générale ordinaire.

Ces obligations d’information et de transparence ont encore été renforcées dans le cadre de l’ordonnance prise en application de l’article 11 de la loi EGALIM ([109]). Celle-ci a permis de renforcer la transparence non seulement sur le fonctionnement de la coopérative mais aussi sur la formation du prix et le prix payé aux associés coopérateurs. Ainsi, l’article L. 521-1-1 a été complété afin que l’associé coopérateur reçoive, dès son adhésion, « une information sur les valeurs et les principes coopératifs, ainsi que sur les conditions de fonctionnement de la coopérative à laquelle il adhère et les modalités de rémunération qu’elle pratique ». Le document unique récapitulatif est complété d’une information sur les modalités de retrait de la coopérative à l’article L. 521-3, pour renforcer la transparence relative à la gouvernance en lien avec la question des filiales, de nouvelles dispositions ont été instaurées pour que la question de la gouvernance soit abordée dans un chapitre distinct du rapport annuel (article L. 524-2-1 du CRPM). L’article L. 522-1 prévoit la communication aux associés coopérateurs du nom des filiales, de leurs administrateurs et des rapports des commissaires aux comptes de ces filiales. Les informations relatives aux prix ont été renforcées, à travers plusieurs modifications apportées à l’article L. 521-3-1. En lien avec les nouvelles obligations de clauses dans les contrats commerciaux fixées par la loi EGALIM (voir l’encadré ci-dessous), l’article L. 521-3-1 prévoit que l’organe chargé de l’administration de la coopérative transmette des informations claires et synthétiques en amont de l’assemblée générale afin d’éclairer la prise de décision relative à la rémunération des associés coopérateurs. Il prévoit également la transmission, après l’assemblée générale, d’informations sur la rémunération globale de l’associé coopérateur.

Les obligations contractuelles des lois EGALIM 1 et 2 et les coopératives agricoles

La loi EGALIM 1, complétée par la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs (dite « EGALIM 2 »), a apporté des modifications substantielles aux règles de contractualisation dans le cadre des relations commerciales agricoles. La spécificité du modèle coopératif, qui diffère du modèle du contrat commercial, a conduit le législateur à écarter les coopératives de ces nouvelles obligations, à condition que les règles régissant les coopératives (statuts, règlement intérieur), produisent des « effets similaires » à ceux prévus par les nouvelles clauses contractuelles obligatoires (clauses mentionnées au III de l’article L. 631-24). La conformité à la contractualisation telle que prévue dans la loi EGALIM 1 s’est traduite par plusieurs modifications prévues dans l’ordonnance du 24 avril 2019. L’obligation de mise à jour des statuts du règlement intérieur a été fixée par l’ordonnance au mois de juin 2020 ([110]).

La loi EGALIM 2 est venue renforcer les obligations des coopératives dans le cadre des effets similaires à la contractualisation. Elles sont en particulier concernées par la pondération des indicateurs dans leur rapport avec leurs associés.

L’article L.521-3-2 du CRPM précise que le règlement intérieur de la coopérative doit contenir les critères et modalités de détermination et de révision du prix des apports, comprenant les modalités de prise en compte des indicateurs mentionnés à l’article L. 631-24 choisis pour calculer ce prix. Comme le ministère l’a confirmé à vos rapporteurs, la mention de ces critères et modalités de détermination et de révision du prix des apports doit être la plus précise possible mais elle n’emporte pas l’obligation pour les coopératives de prévoir une formule de prix dans leur règlement intérieur en raison de la spécificité du fonctionnement coopératif. En revanche, à la fin de la campagne, les associés coopérateurs doivent recevoir une information précise sur leur rémunération détaillant concrètement la manière dont les indicateurs figurant dans le règlement intérieur ont été pris en compte. Ainsi l’obligation de préciser la pondération des indicateurs intervient en fin de campagne. Les coopératives doivent s’assurer de respecter leurs obligations via les effets similaires au plus tard un an après l’entrée en vigueur de ces dispositions pour les contrats en cours.

Plus précisément, en application de la loi EGALIM, le conseil d’administration doit :

 diffuser en amont de l’assemblée générale un document présentant la part des résultats de la société coopérative qu’il propose de reverser aux associés coopérateurs à titre de rémunération du capital social et de ristournes ainsi que la part des résultats des filiales destinées à la société coopérative, en expliquant les éléments pris en compte pour les déterminer (II de l’article L. 521-3-1 du CRPM) ;

  communiquer en amont de l’assemblée générale un document indiquant les écarts entre les prix effectivement payés aux associés coopérateurs pour leurs apports et, d’une part, les prix annoncés lors de la précédente assemblée générale et, d’autre part, les différents indicateurs relatifs aux coûts de production et aux prix des produits agricoles et alimentaires « éventuellement pris en compte dans le règlement intérieur pour fixer les critères et modalités de détermination du prix des apports, ou, à défaut, tous indicateurs disponibles relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur les marchés sur lesquels opère la coopérative. Ce document précise que la coopérative engage sa responsabilité si ces informations ne sont pas sincères » (III de l’article L. 521-3-1 du CRPM) ;

 transmettre à chaque associé coopérateur après l’assemblée générale, une information sur la rémunération définitive globale liée aux apports de l’associé coopérateur, incluant le prix des apports versé sous forme d’acompte et de compléments de prix et les ristournes ;

– communiquer aux associés coopérateurs, selon la fréquence mentionnée dans le règlement intérieur, l’évolution des indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur les marchés sur lesquels la coopérative opère.

Le droit à l’information des associés coopérateurs

À l’adhésion, la coopérative remet à l’associé coopérateur ses statuts, la liste de ses dirigeants et des référents, une information concernant les valeurs et principes coopératifs, le fonctionnement de la coopérative et les modalités de rémunération pratiquées. La coopérative transmet également son règlement intérieur, qui intègre obligatoirement :

 les règles de composition, de représentation et de remplacement des membres, de quorum, les modalités de convocation, d’adoption et de constatation des délibérations de l’organe chargé de l’administration et le cas échéant des autres instances, statutaires ou non statutaires, mises en place par la coopérative ;

 les critères et modalités de détermination et de révision du prix des apports, comprenant, le cas échéant, les modalités de prise en compte des indicateurs ;

 la fréquence de la communication par l’organe de gestion sur l’évolution des indicateurs ;

 les modalités pratiques de retrait de l’associé coopérateur ;

 les modalités du remboursement des parts sociales, qui intervient de droit dans le délai maximal prévu par les statuts ;

 les modalités de recours à la médiation et, le cas échéant, à tout autre mode de règlement des litiges ;

Avant chaque assemblée générale (AG), la coopérative met à disposition :

 ses comptes sociaux et ses comptes consolidés ;

 son rapport annuel comprenant une partie sur la gouvernance de la coopérative et décrivant toutes les branches d’activité de la coopérative ;

 son rapport annuel consolidé sur toutes les branches d’activité du groupe coopératif ;

 les rapports du ou des commissaire(s) aux comptes ;

 le document sur les écarts de prix entre N-1 et N ainsi que les écarts entre le prix effectivement payé aux associés coopérateurs et les différents indicateurs choisis.

Avant chaque AG, la coopérative envoie avec la convocation :

 l’ordre du jour mentionnant la mise à disposition de l’ensemble des documents tenus à disposition avant l’AG ;

 le document établi par l’organe de gestion présentant la part des résultats de la coopérative qu’il propose de reverser aux associés coopérateurs à titre de rémunération du capital social, des ristournes, ainsi que la part des résultats des filiales destinée à la coopérative en expliquant les éléments pris en compte pour les déterminer ;

 l’attestation du (ou des) commissaire(s) aux comptes sur la sincérité du document précédent.

Après chaque AG (un mois maximum après), la coopérative met à disposition :

 un courrier individuel donnant une information sur la rémunération effectivement versée à chaque associé coopérateur en collecte vente au cours du dernier exercice clos, incluant les acomptes, les compléments de prix et les ristournes votées en AG ;

 le document unique récapitulatif (DUR), qui doit être envoyé à chaque modification et au moins une fois par an après l’AG. Il mentionne la situation individuelle de chaque associé coopérateur faisant figurer son volume d’activité (engagement en quantité et caractéristiques des produits à livrer), le capital social souscrit corrélativement, ainsi que la durée et la date d’échéance de son engagement coopératif. Sont également rappelées sur le DUR les modalités de retrait et les modalités de détermination du prix qui figurent dans le règlement intérieur.

À n’importe quel moment, sur demande, la coopérative doit fournir aux associés coopérateurs :

 les statuts et le règlement intérieur ;

 les comptes annuels sociaux, le cas échéant, les comptes consolidés ou combinés sur les trois derniers exercices ;

 les rapports aux associés coopérateurs du conseil d’administration et des commissaires aux comptes soumis à l’assemblée sur les trois derniers exercices ;

 les procès-verbaux d’assemblées générales ordinaires et extraordinaires sur les trois derniers exercices ;

 la liste des filiales et sociétés localisées en France et à l’étranger contrôlées par la coopérative ;

 la liste des administrateurs des organes d’administration desdites filiales et sociétés contrôlées, ainsi que, le cas échéant ;

 les rapports des commissaires aux comptes qui ont été soumis aux assemblées générales de chaque filiale sur les trois derniers exercices.

Par ailleurs, le conseil d’administration doit communiquer, selon la fréquence mentionnée dans le règlement intérieur, l’évolution des indicateurs relatifs au prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur les marchés sur lesquels la coopérative évolue.

Source : La Coopération agricole

b.   Une mise en œuvre à poursuivre

Une analyse du droit montre que les obligations légales d’information des associés coopérateurs paraissent aujourd’hui complètes. Les renforcer pourrait engendrer des charges administratives excessives pour les coopératives agricoles et s’avérer contre‑productif, en nuisant à l’objectif de clarté et de lisibilité des informations disponibles.

La priorité doit aujourd’hui porter sur la bonne mise en œuvre de ces obligations. Les auditions ont mis en avant un enjeu important de clarté et de lisibilité des informations disponibles pour les associés coopérateurs. Ces objectifs d’accessibilité et de clarté de l’information disponible doivent être poursuivis par l’ensemble des coopératives agricoles. Cette préoccupation témoigne plus globalement d’un déficit d’appropriation par les associés coopératifs des spécificités du modèle coopératif, qui est l’un des facteurs d’explication du désintérêt, voire de la défiance que certains peuvent éprouver. L’accessibilité et la lisibilité de l’information doivent dès lors aller de pair avec la nécessité de formation de l’ensemble des associés coopérateurs aux spécificités du modèle coopératif.

Il est également primordial d’assurer la pleine application de ces obligations d’information, en particulier celles concernant le prix payé à l’associé coopérateur. En effet, la mise à jour des statuts et du règlement intérieur des coopératives pour répondre aux nouvelles obligations fixées par l’ordonnance de 2019 prise en application de la loi EGALIM reste aujourd’hui encore insatisfaisante. En 2021, sur l’ensemble des coopératives ayant envoyé leur dossier annuel de contrôle (DAC) au HCCA ([111])  :

– 72,6 % des coopératives ont transmis les documents représentant la part des résultats reversés aux associés coopérateurs ;

– 47 % ont envoyé leurs documents présentant des informations sur les écarts de prix par rapport à l’année précédente ;

– 37 % ont donné des indicateurs de référence.

Les données concernant les 200 premières coopératives en termes de chiffre d’affaires sont les suivantes :

– 92 % des coopératives ont transmis les documents représentant la part des résultats aux associés coopérateurs ;

– 68 % ont envoyé leurs documents présentant des informations sur les écarts de prix et les indicateurs.

Le HCCA a également mené une analyse qualitative, portant sur un échantillon de 33 coopératives représentant un chiffre d’affaires de 53 milliards d’euros. Sur l’ensemble de ces coopératives, le HCCA note les résultats suivants :

– 1 coopérative n’a pas envoyé ses statuts modifiés à la suite de la loi EGALIM ;

– 2 coopératives n’ont pas envoyé leur règlement intérieur avec mention des indicateurs ;

– 2 coopératives n’ont pas transmis le document d’affectation du résultat ;

– 11 coopératives n’ont pas donné d’informations sur les prix payés ;

– 16 coopératives n’ont pas donné d’indicateurs de référence pour la construction des prix.

Concernant la nature des indicateurs, le HCCA indique qu’il y a autant d’indicateurs que de secteurs d’activité : indicateurs relatifs à l’évolution des coûts de revient (production et transformation) ; indicateurs de l’évolution des prix de marché ; indicateurs de coûts de production. Les indicateurs utilisés sont généralement des indicateurs de marché (Euronext ou prix cadran) ou des indicateurs de l’évolution des coûts.

Ce constat fait donc apparaître un taux de mise en œuvre des obligations de la loi EGALIM qui n’est aujourd’hui pas satisfaisant. Les organisations professionnelles agricoles entendues en audition déplorent cette mise en œuvre trop partielle et appellent à la pleine application des lois EGALIM 1 et 2. Selon le HCCA, qui a effectué un certain nombre de relances auprès des coopératives ne s’étant pas encore mises en conformité, le retard constaté « s’explique pour l’essentiel par les perturbations du printemps 2021 liées à la pandémie. Mais les choses rentrent progressivement dans l’ordre et nous pouvons affirmer que les coopératives en 2020 ont dans une très grande majorité mis en place les nouveaux documents prévus par les dispositions de la loi EGALIM ».

Notons que les coopératives ne respectant pas ces obligations s’exposent à une demande de contrôle du HCCA et, in fine, à ne plus relever des dérogations à la contractualisation écrite prévue à l’article 1er de la loi EGALIM (article L. 631‑24‑3 du CRPM). Vos rapporteurs appellent donc à une vigilance particulière concernant l’application des obligations d’information découlant des lois EGALIM 1 et 2. Un renforcement des contrôles conduit en ce sens par le HCCA pourrait être pertinent.

Proposition n° 1 : Garantir le droit à l’information des associés coopérateurs, en particulier sur les obligations tenant à l’information sur les prix, découlant des lois EGALIM 1 et 2.

Renforcer les contrôles du HCCA en ce sens.

2.   Favoriser les instances de dialogue et la participation locale

Pour répondre au sentiment d’éloignement et de perte de contrôle des associés coopérateurs, plusieurs actions peuvent être conduites par les coopératives, notamment à travers le développement d’instances intermédiaires et de proximité. La vie démocratique des coopératives ne saurait se résumer à son assemblée générale. La nécessité de créer des espaces de dialogue paraît d’autant plus nécessaire au sein des grandes coopératives.

Les coopératives agricoles doivent poursuivre leurs efforts pour développer les outils d’une démocratie décentralisée. Des conseils locaux peuvent être mis en place à l’échelle des territoires, notamment dans le cadre de la mise en place des assemblées de section. Selon l’analyse de la FNSEA, « la taille d’une coopérative n’est pas systématiquement synonyme de distanciation entre l’associé coopérateur et la prise de décision, à la condition que les sections jouent le rôle de manière efficace ». Le rôle des assemblées de section pourrait gagner en ampleur, ces dernières se limitant aujourd’hui souvent à la simple élection du délégué. Une réflexion pourrait également être conduite pour resserrer les liens entre les associés coopérateurs d’une section et leur délégué, éventuellement en introduisant une possibilité de révocation, sur le modèle de la possibilité qui existe déjà pour l’assemblée générale de révoquer un administrateur.

Les assemblées de section

En vertu de l’article 10 de la loi de 1947, les coopératives de grande taille peuvent s’organiser en sections : les statuts de la coopérative « peuvent également décider que les associés seront répartis en sections délibérant séparément dont les délégués formeront l’assemblée générale de la coopérative ». Pour les coopératives agricoles, c’est le décret du 5 août 1961 modifiant celui du 4 février 1959 qui introduit la possibilité de recourir à des assemblées de section, sous certaines conditions (dispositions aujourd’hui codifiées à l’article R. 524-16 du CRPM).

Cette option a été créée pour pallier l’éloignement géographique susceptible de dissuader les associés coopérateurs de participer à l’assemblée générale, avec comme conséquence l’impossibilité de réunir le quorum.

Vos rapporteurs souhaitent insister sur la nécessité de développer ces instances de dialogue, qui nécessitent une animation territoriale forte.

Proposition n° 2 : Développer les outils d’une démocratie de proximité au sein des coopératives et, à cette fin, favoriser le développement des mécanismes d’animation territoriale au sein des coopératives agricoles, notamment dans le cadre des assemblées de section.

3.   Renforcer l’attractivité de l’assemblée générale

Comme détaillé supra, le taux de présence en assemblée générale atteint des niveaux anormalement bas, qui rendent nécessaires une réflexion sur les moyens à disposition des coopératives pour renforcer l’attractivité de l’assemblée générale. Il s’agit là d’un levier important pour favoriser l’adhésion au modèle coopératif, comme le montre l’étude détaillée dans l’encadré ci-dessous qui illustre le lien entre la participation à l’assemblée générale et la confiance dans la coopérative.

Redonner de l’attractivité à l’assemblée générale nécessite un effort global pour intéresser les associés coopérateurs à la vie de la coopérative, ce qui passe notamment par la qualité de l’information transmise, la formation, l’animation locale et la préparation en amont des assemblées générales (questions écrites, échanges préalables, etc.).

Un lien entre le niveau de participation en assemblée générale et la confiance dans la coopérative

Une récente étude conduite par la Coopération agricole tend à montrer une corrélation entre le taux de confiance dans la coopérative et le niveau de participation en assemblée générale :

– en moyenne 65 % des associés coopérateurs interrogés jugent que les choix stratégiques de leur coopérative sont clairs. Ce chiffre monte à 77 % pour ceux qui déclarent avoir participé aux assemblées organisées les 12 derniers mois contre 58 % pour ceux qui déclarent n’avoir participé à aucune assemblée ;

– les 2/3 des associés coopérateurs interrogés (66 %) sont satisfaits de la valorisation de la production de leur coopérative sur les marchés. Ce chiffre monte à 73 % pour ceux qui déclarent avoir participé aux assemblées organisées les 12 derniers mois contre 62 % pour ceux qui déclarent n’avoir participé à aucune assemblée ;

– 58 % des associés coopérateurs se déclarent satisfaits de la transparence de la gestion de leur coopérative. Ce chiffre monte à 72 % pour ceux qui déclarent avoir participé aux assemblées organisées les 12 derniers mois contre 48 % pour ceux qui déclarent n’avoir participé à aucune assemblée.

En plus de ce travail de fond, d’autres outils peuvent être mis en place par les coopératives pour renforcer l’attractivité de l’assemblée générale. La crise de la covid-19 a ainsi conduit certaines coopératives à mettre en place des assemblées générales en partie virtuelle. Ces expériences font l’objet d’un bilan contrasté, avec pour certaines coopératives des taux de participation inégalés et un renouvellement des modalités de participation, et pour d’autres, une crainte de voir s’accroître le sentiment d’éloignement avec les associés coopérateurs.

Vos rapporteurs considèrent que la dématérialisation partielle des assemblées générales et les modalités de vote électronique méritent d’être encouragées dans les grandes coopératives ([112]) pour toucher davantage d’associés coopérateurs. Ces outils pourraient être conçus comme complémentaires et non alternatifs des réunions en présence. Vos rapporteurs souhaitent ainsi voir aboutir rapidement les travaux lancés par la Coopération agricole, qui travaille sur cette thématique. Ces travaux pourraient également être l’occasion de mener une réflexion sur la façon dont le numérique peut plus globalement être mis au service du rapprochement des liens entre l’associé coopérateur et sa coopérative.

Il revient également au secteur coopératif de développer des outils incitatifs, à même de rendre l’assemblée générale plus attractive.

Proposition n° 3 : Améliorer l’attractivité et le taux de participation en assemblée générale

Étudier les conditions de dématérialisation partielle des assemblées générales des grandes coopératives et les possibilités de vote électronique.

Développer les mécanismes incitatifs pour encourager la présence des associés coopérateurs en assemblée générale.

B.   renforcer l’efficacitÉ et la reprÉsentativitÉ du conseil d’administration

1.   Rendre le conseil d’administration davantage représentatif

Comme indiqué supra, le conseil d’administration souffre d’une double difficulté de représentativité et de renouvellement. Vos rapporteurs considèrent qu’il est aujourd’hui primordial d’agir sur ces deux leviers.

Certains critères d’activité et d’âge existent déjà en droit. Ainsi, les élus doivent être actifs pour se présenter au mandat d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance (sauf dans le cas où la coopérative a levé l’option Associés non‑coopérateurs puisque dans ce cas de figure, des associés inactifs peuvent composer le conseil, dans la limite d’un tiers de ses membres maximum). L’article L 524-2 du CRPM prévoit que « la limite d’âge est librement fixée par les statuts ainsi que le pourcentage des administrateurs et de leurs représentants auxquels elle s’applique. Il est aussi possible de fixer une limite d’âge pour la totalité des administrateurs. Si les statuts ne prévoyaient aucune disposition touchant l’âge limite des administrateurs et de leurs représentants, le nombre des administrateurs ayant dépassé l’âge de soixante-dix ans ne pourrait être supérieur au tiers des membres en fonction ». Selon la Coopération agricole, de plus en plus de coopératives fixent comme âge limite 62 ans.

Vos rapporteurs invitent les coopératives agricoles à mettre en place une stratégie pour favoriser le renouvellement et la diversification des conseils d’administration. La mise en place d’une stratégie de renouvellement nécessite au préalable un travail de diagnostic de l’identification du sociétariat par la coopérative agricole. En effet, comme le relève le guide des bonnes pratiques du HCCA, « le développement de structures juridiques telles que les GAEC ou les EARL, voire de SA ou SAS, peut complexifier l’identification des associés coopérateurs ». Un juste équilibre doit être recherché dans les outils mobilisés par les coopératives (par le statut ou le règlement intérieur) : des limitations du nombre de mandats, d’âge, ou du temps passé dans une même fonction peuvent favoriser le renouvellement. Le syndicat des Jeunes agriculteurs (JA) plaide en ce sens, en demandant une limite d’âge d’éligibilité à 60 ans, une limite à 10 ans de durée maximale d’un administrateur à chaque niveau de responsabilité (administrateur, membre du bureau et président) ainsi qu’une limite du cumul des responsabilités. Dans le même temps, les fonctions d’administrateur s’inscrivent dans la durée et des mesures trop coercitives en matière de renouvellement risqueraient d’être contre-productives.

D’autres efforts peuvent être conduits pour susciter des vocations parmi les plus jeunes, notamment en développant les systèmes de mentorat. La formule de l’administrateur stagiaire, qui ne dispose pas du droit de vote mais qui est intégré au conseil d’administration, mis en place dans plusieurs coopératives, constitue une piste intéressante à développer, qui permet de vérifier la motivation et de faciliter la compréhension de l’organisation de futurs administrateurs. Plusieurs des coopératives entendues par vos rapporteurs ont mis en place de tels systèmes. À titre d’illustration, la coopérative polyvalente Lorca, qui compte 620 salariés et 1 700 adhérents actifs, met en place des projets d’accompagnement de jeunes associés coopérateurs avec une promotion d’une quinzaine de membres tous les deux ans. La coopérative propose ensuite de nommer deux administrateurs stagiaires au conseil d’administration qui compte 18 administrateurs, de préférence parmi les membres de cette promotion.

Vos rapporteurs souhaitent également attirer l’attention du monde coopératif et des pouvoirs publics sur la place des femmes au sein des conseils d’administration des coopératives. Pour mémoire, la loi Copé-Zimmermann ([113]) a fixé un quota de 40 % de femmes au sein des conseils d’administration des grandes entreprises. Cette règle s’applique depuis le 1er janvier 2020 à l’ensemble des entreprises de plus de 250 salariés avec un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (article L. 225-18-1 du code de commerce). Les coopératives agricoles ne sont pas soumises à cette réglementation. Si l’application de la loi CopéZimmermann peut sembler mal adaptée aux spécificités du modèle coopératif et aux caractéristiques de la démographie agricole, il reste essentiel de chercher des leviers pour assurer une meilleure représentation des femmes au sein du conseil d’administration. A minima, les pouvoirs publics doivent sensibiliser les coopératives agricoles à cette question et les encourager à mettre en place des règles plus représentatives, comme le suggère le guide de bonnes pratiques du HCCA. Une solution complémentaire pourrait être de prévoir une obligation de représentation de femmes dans les conseils d’administration, en proportion du nombre de femmes parmi les associés coopérateurs. Vos rapporteurs considèrent que cette solution doit être retenue, à l’exception des plus petites coopératives pour lesquelles cela pourrait se traduire par des difficultés importantes de mise en œuvre. Le seuil à partir duquel s’appliquerait cette obligation pourrait être fixé en référence à l’article R. 52591 du CRPM ([114]). Seraient ainsi concernées les coopératives répondant à au moins deux des trois critères suivants : regrouper au moins 50 associés, avoir un bilan total d’au moins 1 million d’euros et enregistrer un chiffre d’affaires hors taxe d’au moins 2 millions d’euros. Il convient également de prendre en compte la question de la représentation féminine dans le cadre de la nomination des administrateurs stagiaires, afin d’identifier de potentielles futures administratrices pour le conseil d’administration.

Proposition n° 4 : Favoriser le renouvellement et la représentativité des conseils d’administration

Mettre en place au sein des coopératives des stratégies pour renouveler et améliorer la représentativité du conseil d’administration, avec un travail de diagnostic qui doit être rendu systématique.

Encourager les coopératives à développer le mécanisme de mentorat et d’administrateurs stagiaires. Dans ce cadre, prendre en compte la question de la représentation féminine pour faciliter l’accès des agricultrices aux fonctions d’administratrices.

Accroître la part des femmes agricultrices au sein des conseils d’administration en instaurant des mécanismes de représentation à due proportion du nombre d’agricultrices parmi les associés coopérateurs. Rendre ces mécanismes obligatoires pour les coopératives dépassant les seuils prévus à l’article R. 525-9-1 du CRPM.

2.   Généraliser la formation des administrateurs

L’équilibre du modèle coopératif entre les différents organes de pouvoir et les impératifs de bonnes gestions font de la formation des administrateurs aux enjeux de gestion et de stratégie des coopératives agricoles un objectif majeur.

Depuis la loi LAAF, des obligations ont été introduites par le législateur à l’article L. 524-3-1 du CRPM, qui prévoit que « les administrateurs ou les membres du conseil de surveillance et du directoire se voient proposer les formations nécessaires à l’exercice de leurs missions lors de la première année de chaque mandat. L’assemblée générale ordinaire mentionnée à l’article L. 524-2-1 approuve le budget nécessaire à ces formations ». Toutefois, en pratique, le déficit de formation des administrateurs a été formulé à de nombreuses reprises au cours des auditions. Celle-ci apparaît pourtant essentielle, dans les grandes comme dans les petites coopératives. Pour citer l’un des administrateurs de la coopérative du groupement des producteurs de blé entendu lors du déplacement de la mission d’information en Moselle – coopérative qui compte 210 associés coopérateurs
actifs, « on ne dirige pas une coopérative comme on dirige une exploitation agricole ». Les syndicats agricoles demandent de façon unanime le renforcement de la formation. Les chiffres corroborent ce constat, avec, comme cela a déjà été indiqué supra, 43 % des administrateurs n’ayant reçu aucune formation. Cette lacune constitue un risque important pour les coopératives agricoles et peut conduire au dévoiement des modes de gouvernance avec un déséquilibre prononcé donnant un pouvoir disproportionné aux équipes dirigeantes salariées.

Face à ces risques, comme l’indique le guide de bonnes pratiques du HCCA, certaines coopératives ont rendu obligatoires les cursus de formation pour les administrateurs de moins de trois ans. Vos rapporteurs considèrent qu’une nouvelle étape pourrait être franchie en généralisant ce principe, via l’instauration d’une obligation de formation des administrateurs dans les coopératives qui atteignent une taille critique. Cette formation doit être assurée tout au long du mandat. Un budget spécifique doit être alloué à ces questions pour que les administrateurs puissent participer aux formations sans pénaliser leurs exploitations. La formation doit également être promue dans l’ensemble des coopératives agricoles, toute taille confondue.

Proposition n° 5 : Généraliser la formation des administrateurs

Instaurer une obligation de formation pour les coopératives qui atteignent une taille critique.

Encourager la formation des administrateurs dans l’ensemble des coopératives agricoles, quelle que soit leur taille.

3.   Systématiser dans les grandes coopératives les comités spécialisés pour accompagner le travail du conseil d’administration

La mise en place de comités thématiques est une pratique à encourager dans les grandes coopératives, voire à rendre obligatoire, comme le suggère la FNSEA, qui propose de systématiser les comités « éthique », « rémunération », « nominations » et « audit » dans lesquels siègent des agriculteurs qui garantissent la transparence et contrôlent, au nom des agriculteurs, la bonne marche de la structure. L’objectif de ces comités est d’éviter les dérives de gestion et le respect des orientations votées par le conseil d’administration et l’assemblée générale des associés coopérateurs.

Proposition n° 6 : Généraliser la mise en place de comités spécialisés dans les grandes coopératives.

4.   Porter une attention particulière à la question de la filialisation

Les difficultés actuelles de gouvernance des coopératives et le sentiment de défiance éprouvé par certains associés coopérateurs sont en partie liés au développement de la filialisation. Si la filialisation constitue potentiellement un atout pour une coopérative, en lui permettant de diversifier son activité, de créer de la valeur et de gagner en souplesse, elle doit s’accompagner de règles de gouvernance strictes et transparentes. Le renforcement des obligations tenant à la comptabilité (mise en place de comptabilité consolidée) va dans le bon sens. Sur le plan de la gouvernance, il paraît nécessaire que les administrateurs soient systématiquement représentés au sein des filiales (et le cas échéant au sein des holdings). Ce principe est notamment fortement recommandé par le HCCA, son président ayant insisté sur ce point au cours des auditions de la mission. Les modalités de contrôle par les administrateurs sont essentielles pour assurer une bonne compréhension des activités des filiales, dans l’intérêt de la coopérative et des associés coopérateurs. Vos rapporteurs souhaitent également relayer les recommandations formulées par le HCCA dans son guide des bonnes pratiques, visant à inscrire systématiquement les enjeux ayant trait aux filiales à l’ordre du jour des réunions du conseil d’administration. Il apparaît également souhaitable que le directeur du groupe ayant autorité sur les filiales soit également directeur de la coopérative. À défaut, le conseil d’administration doit avoir autorité sur lui.

Proposition n° 7 : Donner au conseil d’administration les moyens de contrôler efficacement les filiales du groupe coopératif

Prévoir une représentation systématique des administrateurs au sein des filiales.

Suivre les bonnes pratiques du HCCA qui recommandent d’inscrire systématiquement les questions relatives aux filiales à l’ordre du jour des conseils d’administration et de prévoir que le directeur du groupe ayant autorité sur les filiales soit le directeur de la coopérative.

C.   AccroÎtre la place des salariÉs dans la gouvernance pour diffuser « l’esprit coopÉratif »

Améliorer la gouvernance des coopératives agricoles nécessite également de conduire une réflexion sur la place faite aux salariés. Ces derniers participent à la vie de la coopérative et de leur implication dépend la performance de la coopérative. Pour citer le guide des bonnes pratiques du HCCA, « de même qu’il est important pour les salariés d’avoir une bonne connaissance du monde agricole, il est aussi nécessaire de favoriser la compréhension par les associés coopérateurs du rôle et des responsabilités des salariés ».

Comme c’est le cas pour les sociétés relevant du droit commercial, les salariés des coopératives élisent leurs représentants au sein du comité social et économique (pour les entreprises de plus de 11 salariés). Dès lors que le nombre de salariés est supérieur à 50, le comité social et économique désigne des représentants au conseil d’administration de la coopérative. Ces derniers assistent au conseil d’administration, disposent d’un droit à l’information et d’un devoir de confidentialité, mais n’ont pas de droit de vote.

Une façon plus forte d’impliquer les salariés dans la gouvernance des coopératives agricoles passe par l’élection d’administrateurs salariés. L’intégration d’administrateurs salariés au sein du conseil d’administration nécessite de lever l’option permettant aux salariés d’être membres du collège des associés non-coopérateurs. Lorsque cette option est levée, les administrateurs salariés sont élus par les salariés associés non-coopérateurs. Ils détiennent en conséquence des parts sociales et peuvent percevoir l’intérêt aux parts sociales et les dividendes éventuellement votés en assemblée générale. Administrateurs à part entière, ils participent à l’ensemble des travaux du conseil d’administration et aux prises de décision. Les associés non-coopérateurs sont représentés au conseil d’administration dans la limite d’un tiers du nombre des administrateurs en exercice.

Si certaines grandes coopératives ont levé cette option (Terrena, Sodiaal) elle reste en majorité trop peu utilisée comme le constate le HCCA qui invite à développer ces modes de représentation. Si certains acteurs ont montré une forme de réticence au développement de la représentation des salariés ([115]), la majorité des acteurs entendus en audition (notamment la Coopération agricole et la FNSEA) se sont exprimés en faveur de cette évolution. Les syndicats représentatifs des salariés auditionnés par vos rapporteurs ont aussi appelé à renforcer la place des salariés dans la gouvernance.

Vos rapporteurs se prononcent également pour une intégration plus forte des salariés au sein de la gouvernance des coopératives, qui sans remettre en cause la gouvernance de l’outil, permet de les associer davantage aux orientations stratégiques et au développement de la coopérative. Notons que la loi PACTE a renforcé les obligations de présence des administrateurs salariés dans les entreprises : les entreprises qui comportent plus de 1 000 salariés en France (ou 5 000 dans le monde) et dont le conseil d’administration est supérieur à 8 membres doivent obligatoirement inclure deux administrateurs salariés. Une réflexion pourrait être conduite pour étudier l’opportunité d’étendre et d’adapter cette règle aux coopératives agricoles les plus grandes.


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« Quelle place pour les salariés dans la gouvernance des coopératives agricoles ? » L’analyse de M. Bertrand Valiorgue, professeur de stratégie et gouvernance des entreprises et de M. Xavier Hollandts, professeur de stratégie et d’entreprenariat

« La présence des salariés dans la gouvernance des coopératives agricoles présente (…) autant d’arguments en sa faveur qu’en sa défaveur. Pour ce qui est des aspects positifs, la présence des salariés peut sembler justifiée car les salariés sont souvent présentés comme l’un des principaux leviers de la création de valeur. Certains travaux relèvent également que leur présence permet d’améliorer la qualité des débats et des décisions prises lors des conseils d’administration car ils ont la capacité de témoigner d’éléments tangibles sur les stratégies envisagées ou mises en œuvre.

« Toutefois, la présence de salariés n’est pas naturelle dans des coopératives agricoles dont la gouvernance se fonde sur l’association, plus ou moins harmonieuse, de représentants des agriculteurs et des dirigeants (salariés). Ce tandem classique pourrait se retrouver perturbé par l’arrivée d’une troisième catégorie de “gouvernants”. En outre, la présence de salariés pourrait être perçue comme moins légitime que celle des agriculteurs par exemple, car ces derniers sont très engagés dans la coopérative en étant à la fois fournisseurs, clients et usufruitiers.

« C’est cette spécificité en termes de gouvernance qui expliquerait que les coopératives agricoles soient restées à l’écart des principales évolutions des pratiques observées dans les entreprises privées. Pourtant, la représentation des salariés reste possible. Certaines coopératives ont en effet modifié leurs statuts afin d’ouvrir une section d’associés noncoopérateurs pour leurs collaborateurs salariés. C’est le cas de Limagrain, Terrena, Triskalia ou encore de Acolyance qui comptent un à deux administrateurs salariés au sein de leur conseil. »

Extrait d’un article paru sur le site internet The conversation, 24 novembre 2018

Un moyen complémentaire pour renforcer l’esprit coopératif passe par le développement des accords de participation et d’intéressement ([116]), qui constituent un outil intéressant pour renforcer l’esprit coopératif, améliorer le pouvoir d’achat des salariés et renforcer les fonds propres de la coopérative. Vos rapporteurs appellent au développement de ce type d’accord, y compris dans les petites coopératives. Sur cette question, une évolution législative pourrait être envisagée, sur les suggestions de la Coopération agricole, pour encourager les salariés agricoles à acquérir des parts sociales de l’entreprise au travers des gains perçus au titre d’un plan d’épargne d’entreprise. En effet, l’article L. 523‑13 du CRPM prévoit que les salariés agricoles peuvent acquérir des parts sociales à hauteur de seulement 50 % des avoirs investis sur le plan d’épargne d’entreprise, alors que ce plafond ne s’applique pas aux salariés travaillant pour des sociétés de droit commercial. La levée de ce plafond de 50 % rendrait le mécanisme pleinement attractif.

Proposition n° 8 : Accroître la place des salariés dans la gouvernance des coopératives agricoles

Favoriser la levée de l’option des associés non-coopérateurs afin d’améliorer la représentation des salariés. À terme, envisager une obligation de représentation des salariés au-delà de certains seuils, dans le prolongement des obligations fixées par la loi PACTE.

Développer les accords de participation et d’intéressement. Permettre aux salariés d’acquérir des parts sociales avec la totalité des sommes recueillies sur le plan d’épargne de l’entreprise.

D.   promouvoir le modÈle coopÉratif auprÈs des jeunes agriculteurs

Comme le relève le HCCA, « La pyramide des âges du sociétariat est déséquilibrée et le nombre d’associé coopérateurs décroît rapidement, fragilisant l’ensemble du modèle. L’un des enjeux majeurs pour l’avenir du modèle de la coopération agricole est de favoriser la transmission et le renouvellement des générations ([117]) ». L’accompagnement des nouveaux associés coopérateurs doit être érigé comme une priorité, pour conserver l’attractivité du modèle coopératif. Selon la dernière étude de la Coopération agricole, seule la moitié des associés coopérateurs interrogés indiquent être satisfaits de l’accompagnement de leur coopérative pour aider les jeunes à s’installer. Dans le même temps, la Coopération agricole indique que les trois quarts des coopératives mènent des actions d’accompagnement (soutien financier, aide à la maîtrise des techniques de production, mise en relation avec les cédants, facilitation des démarches administratives). Toujours selon la Coopération agricole, 73 % des coopératives proposent des aides financières (entre 1 000 et 10 000 euros par jeune). Ce paradoxe doit conduire la Coopération agricole à mener un travail d’enquête pour étudier si l’accompagnement proposé répond aux demandes et aux besoins des jeunes associés coopérateurs. Un travail de communication autour des outils existants doit également être réalisé et ces derniers doivent se généraliser.

Des actions en ce sens paraissent d’autant plus indispensables que certaines entreprises privées prévoient des modules de formation des jeunes particulièrement efficaces. Vincent Chatellier a exprimé ce point de vue lors de son audition, en citant l’exemple de la Laiterie de Saint-Denis-de-l’Hôtel (LSDH) où « les jeunes ont deux jours de formation laitière et rencontrent le directeur général ».

Proposition n° 9 : Développer les mécanismes d’accompagnement auprès des jeunes associés coopérateurs pour favoriser l’installation. Assurer une communication suffisante autour de l’existence de ces dispositifs.

L’attractivité du modèle coopératif auprès des jeunes agriculteurs passe également par la promotion de ce modèle auprès de la jeunesse. Ainsi, il paraît essentiel de mieux sensibiliser les futurs agriculteurs et agricultrices aux grands principes et atouts du modèle coopératif, dans le cadre de leur formation initiale. Seul un jeune installé sur trois aurait reçu une information spécifique sur le modèle coopératif au cours de sa formation ([118]).

Vos rapporteurs appellent donc à la mise en place de partenariats animés localement entre les fédérations de coopératives, les chambres d’agriculture et les établissements de formation agricoles (lycées agricoles notamment) pour sensibiliser les jeunes aux spécificités et avantages du modèle coopératif.

Proposition n° 10 : Renforcer l’attractivité du modèle coopératif auprès des futurs agriculteurs, à travers des partenariats animés localement par les fédérations de coopératives, les chambres d’agriculture et les établissements de formation agricole.

II.   Garantir Le respect des principes coopÉratifs au travers de mÉcanismes de rÉgulation externe plus efficace

A.   Faire du Haut conseil de la coopération agricole (HCCA) une autoritÉ de rÉgulation À part entiÈre

1.   Les missions actuelles du HCCA

a.   Son rôle

La loi d’orientation du 5 janvier 2006 a transformé le Conseil supérieur d’orientation de la coopération agricole en Haut Conseil de la coopération agricole (HCCA). Garant de l’application des textes réglementaires, le HCCA veille à la bonne application des principes coopératifs. Son rôle est précisé à l’article L. 528-1 du CRPM qui donne à cet établissement public pour mission :

– de délivrer et retirer l’agrément coopératif aux sociétés coopératives agricoles et à leurs unions ;

– de contribuer à la définition, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques publiques en matière de coopération agricole ;

– d’être le garant du respect des textes, règles et principes de la coopération agricole ;

– d’assurer le suivi de l’évolution économique et financière du secteur de la coopération agricole ;

– de définir les principes et d’élaborer, approuver et publier les normes de la révision, ainsi que de suivre et de contrôler leur mise en œuvre. Ces missions peuvent être déléguées dans les conditions prévues par le CRPM.

La révision coopérative

Définie par l’article 25-1 de la loi de 1947, introduit en 2014, la révision coopérative est un contrôle « destiné à vérifier la conformité de leur organisation et de leur fonctionnement aux principes et aux règles de la coopération et à l’intérêt des adhérents, ainsi qu’aux règles coopératives spécifiques qui leur sont applicables et, le cas échéant, à leur proposer des mesures correctives ». Depuis 1967, les coopératives répondant aux critères de seuil mentionnés à l’article R. 525-9-1 du CRPM doivent obligatoirement faire l’objet d’une révision. Celle-ci a lieu tous les cinq ans. Sont ainsi concernées les coopératives répondant à au moins deux des trois critères suivants : regrouper au moins 50 associés coopérateurs, avoir un chiffre d’affaires hors taxes supérieur à 2 millions d’euros et un bilan supérieur à 1 million d’euros. La révision est également obligatoire au terme de trois exercices déficitaires ou si les pertes d’un exercice s’élèvent à la moitié au moins du montant le plus élevé atteint par le capital social de la coopérative. La révision coopérative est de droit lorsqu’elle est demandée par le dixième des associés, un tiers des administrateurs, l’autorité habilitée à délivrer l’agrément ou le ministre compétent. À noter que la révision s’applique automatiquement pour certaines modifications statutaires, telles que la levée de l’option des tiers non associés ou pour certaines opérations importantes, telles que les fusions (article L. 526-4), ou les opérations de revalorisation du capital (article L. 523-1).

L’audit est mené par un réviseur coopératif (article L. 527-1-3 du CRPM). Ce contrôle de conformité dépend à la fois du HCCA chargé d’élaborer, d’approuver et de publier les normes de la révision, ainsi que de l’Association nationale de révision (ANR), qui assure la mise en œuvre et le suivi de la révision.

Les normes de la révision prévoient de laisser un délai (maximum un an) pour mettre en place des mesures correctives si des dysfonctionnements ont été constatés par le réviseur. Si les mesures correctives n’ont pas été mises en place dans le délai imparti, le rapport de révision remonte au HCCA. Sur l’année 2021, une dizaine de dossiers sont remontés au comité directeur du HCCA. Ce dernier a mis en demeure les coopératives. À ce jour, toutes les coopératives ont respecté les demandes imposées par le comité directeur.

b.   Sa gouvernance

Les sociétés coopératives agricoles et leurs unions sont tenues d’adhérer au HCCA. Celles-ci lui versent une contribution obligatoire qui assure son financement.

Le HCCA se compose de trois sections, portant respectivement sur les questions économiques, juridiques et de révision. Il est administré par un comité directeur composé de 12 membres, dont 7 sont issus des coopératives et 5 sont des personnalités qualifiées nommées par le ministère. Leur mandat est de 4 ans, renouvelable une fois. S’ajoutent à chaque réunion deux commissaires du Gouvernement. Depuis l’ordonnance n° 2019-362 du 24 avril 2019 précitée, une commission consultative composée de représentants des organisations professionnelles agricoles, de représentants de sociétés coopératives agricoles et de leurs unions et, le cas échéant, de personnalités qualifiées est constituée au sein du haut conseil.

Comme le prévoit l’article L. 528-1 du CRPM, les statuts et le budget du Haut Conseil de la coopération agricole (HCCA) sont soumis à l’approbation de l’autorité administrative compétente.

Le Haut Conseil établit une charte d’éthique et de déontologie visant à prévenir et traiter les conflits d’intérêts dans le cadre de son activité.

c.   Un pouvoir renforcé depuis l’ordonnance du 24 avril 2019

Un contrôle complémentaire à la révision a été créé à l’article L. 527-1-4 du CRPM. Ce contrôle peut être déclenché par saisine d’un cinquième des membres de la coopérative ou en cas d’absence de mise à disposition des documents devant être remis aux associés coopérateurs. Il peut également s’effectuer par auto‑saisine, si le HCCA l’estime nécessaire au regard de l’instruction des pièces qui doivent lui être transmises annuellement ou sur saisine d’agents publics. Il donne lieu à un rapport du réviseur, dont une copie est transmise au HCCA.

Un nouveau mécanisme de sanctions graduées a également été introduit par l’ordonnance précitée, à l’article L. 528-2 du CRPM. Lorsqu’il reçoit d’un réviseur un rapport démontrant des carences, le HCCA en informe le ministre et met la coopérative en demeure de prendre les mesures correctives. Si les mesures ne sont pas prises dans les délais impartis, le HCCA peut demander au conseil d’administration de convoquer une assemblée générale. Si ce n’est pas respecté au-delà de deux mois, le HCCA peut convoquer lui-même l’assemblée générale. Si dans un délai de six mois, le fonctionnement normal de la coopérative n’a pas été rétabli, le HCCA peut demander au président du tribunal d’enjoindre sous astreinte les organes d’administration ou de direction de se conformer aux principes et règles de la coopération méconnus.

En outre, le rapport de révision, prévu à l’article L. 527-1-3, est désormais systématiquement transmis au HCCA en cas de non-conformité. Le HCCA est également tenu d’établir un bilan annuel des mises en demeure effectuées et d’élaborer un guide des bonnes pratiques à destination des coopératives agricoles.

Enfin, le HCCA peut être sollicité par des agents publics pour vérifier que les statuts d’une société, son règlement ou les règles et décisions prises comportent des dispositions produisant des effets similaires à ceux des clauses mentionnées au III de l’article L. 631-24 et qu’un exemplaire de ces documents est remis aux associés coopérateurs. Dans l’hypothèse où il conclut que les conditions ne sont pas remplies, il en informe les agents qui l’ont sollicité.

2.   Ériger le HCCA en véritable autorité de régulation en renforçant ses moyens et ses garanties d’indépendance

Les contrôles conduits par le HCCA jouent un rôle primordial pour assurer la bonne régulation du secteur.

Outre la révision quinquennale, les coopératives doivent transmettre annuellement au HCCA un dossier annuel de contrôle (DAC), qui permet au HCCA de vérifier la conformité du fonctionnement de la coopérative aux principes coopératifs. Le HCCA peut le cas échéant, enclencher un contrôle en cas d’anomalie.

Concernant les contrôles des DAC, le HCCA est aujourd’hui confronté à un nombre important de retards dans la transmission, liés aux reports d’assemblée générale engendrés par la covid-19. Une relance a été effectuée par le HCCA auprès de 771 coopératives (hors délais). Une action ciblée a été entreprise en courriers recommandés pour demander l’envoi de règlement intérieur et statuts à jour auprès de 53 coopératives figurant dans les 200 premières de France en 2021. Certaines coopératives n’ont transmis aucun document depuis plus de trois ans (DAC et cotisations). En novembre 2021, 310 coopératives étaient concernées par des anomalies : 243 ont reçu un rappel du HCCA pour des révisions non effectuées ; 49 pour un problème d’affectation comptable ; 14 coopératives ont reçu un courrier du HCCA pour plusieurs DAC manquants ; 4 pour nombre d’associés insuffisant.

Interrogé par vos rapporteurs sur la mise en œuvre des nouveaux pouvoirs qui lui sont conférés depuis l’ordonnance du 24 avril 2019, le HCCA a indiqué s’être saisi à trois reprises de la possibilité de diligenter un contrôle complémentaire à la révision sur le fondement de l’article L. 527-1-4. Dans ces trois dossiers, une révision est intervenue. En revanche, le HCCA n’a jamais mis en place la procédure de sanctions graduées, les mises en demeure s’étant avérées suffisantes.

Les auditions ont fait remonter un besoin de régulation important du secteur. Un certain nombre d’acteurs se sont exprimés en faveur d’un renforcement des pouvoirs et de l’indépendance du HCCA. La FNSEA a notamment, lors de son audition, cité l’exemple de la crise du groupe Tereos, pour regretter la faiblesse actuelle du HCCA. Lors de son audition, l’actuel président de Tereos a également insisté sur le besoin important de régulation du secteur et la nécessité de faire évoluer le HCCA vers une autorité de régulation à part entière. Ce point de vue est également celui défendu par l’universitaire Xavier Hollandts selon qui « il faut absolument (…) qu’une menace réellement crédible de sanction par un organisme de régulation (HCCA ?) existe sans quoi il n’est pas impossible que de nouveaux cas similaires à Tereos se produisent à l’avenir ([119]) ». Plusieurs acteurs auditionnés ont également pointé le besoin de renforcer l’indépendance du HCCA, la Coordination rurale allant jusqu’à dénoncer « un organe dirigé par Coop de France où les coopérateurs ne sont pas suffisamment entendus ni même représentés ». Les travaux de la mission ont également permis de souligner une certaine méconnaissance autour du rôle et des missions du HCCA, en particulier chez les associés coopérateurs.

Face à ce constat, vos rapporteurs appellent à la constitution d’une autorité dotée des pouvoirs nécessaires, qui puissent intervenir en cas de graves dysfonctionnements d’une coopérative. Vos rapporteurs considèrent en ce sens que les pouvoirs du HCCA méritent d’être accrus. Cette évolution nécessite de renforcer l’indépendance du HCCA, de mieux faire connaître son rôle dans le monde coopératif, et notamment auprès des associés coopérateurs, de faciliter ses modalités de saisine et de consacrer son pouvoir de sanctions. À terme, il paraît pertinent que le HCCA évolue vers une autorité de régulation indépendante, comme cela existe pour d’autres secteurs de l’économie.

Vos rapporteurs invitent également le HCCA à mettre en place des plans de contrôle stratégiques permettant de cibler plus particulièrement les grandes coopératives, pour lesquelles le principe de la révision quinquennale n’est pas toujours suffisant pour assurer un contrôle et une régulation adéquats.

Enfin, les missions pédagogiques du HCCA pourraient être développées, afin d’aider les coopératives à mettre en place les orientations et directives. Ces missions pourraient également consister en un accompagnement plus poussé de la mise en place du guide de bonnes pratiques, dont les coopératives doivent aujourd’hui se saisir davantage.

Les moyens du HCCA et les conditions de son indépendance doivent être rehaussés. En effet, comme le Gouvernement l’a indiqué à vos rapporteurs, le HCCA ne dispose pas de moyens en personnel en propre, hormis son délégué général et sa responsable administrative. Il bénéficie en revanche de la mise à disposition d’une partie du personnel de l’ANR et de l’expertise juridique de la Coopération agricole. Son budget en 2021 s’élève à 1,5 million d’euros, lequel comprend notamment une dotation de 0,8 million d’euros au bénéfice de l’ANR pour l’exercice de ses missions relatives à la révision. Ses ressources sont constituées des cotisations obligatoires des sociétés coopératives agricoles et leurs unions ce qui en fait un modèle particulier d’autocontrôle. La réforme du HCCA préconisée par vos rapporteurs doit aller de pair avec un renforcement de ses moyens financiers et humains et de ses conditions d’indépendance. Ses moyens doivent être augmentés et il pourrait être pertinent d’envisager leur budgétisation dans le budget de l’État. Sa gouvernance doit également évoluer pour assurer sa pleine indépendance vis-à-vis des coopératives agricoles qu’il a la charge de contrôler.

Proposition n° 11 : Faire du HCCA une autorité de régulation du secteur coopératif à part entière

Consacrer le pouvoir de sanction du HCCA, mieux faire connaître son rôle auprès des associés coopérateurs, simplifier ses modalités de saisine.

Prévoir des plans de contrôle stratégiques permettant de cibler les coopératives les plus sensibles.

Renforcer ses moyens financiers et humains et son indépendance.

B.   MIEUX FAIRE CONNaître LE mÉdiateur de la coopÉration agricole

1.   Un rôle de médiation consacré par le législateur

Instauré par le législateur à l’occasion de la loi LAAF de 2014, le médiateur de la coopération agricole mentionné aux articles L. 528-3 et R. 528-16 du CRPM peut être saisi de tout litige relatif aux relations entre :

– un associé coopérateur et la coopérative agricole à laquelle il adhère ;

– entre coopératives agricoles ;

– entre une coopérative agricole et une union ;

– ou entre unions.

Le médiateur de la coopération agricole peut être saisi par un associé coopérateur, par une coopérative agricole ou une union, par le Haut Conseil de la coopération agricole ou par le ministre chargé de l’agriculture. Il prend toute initiative de nature à favoriser la résolution amiable du litige entre les parties. La médiation est réalisée de façon gratuite et confidentielle et nécessite l’accord des deux parties.

Depuis l’ordonnance du 24 avril 2019 précitée et dans l’objectif de renforcer l’indépendance du médiateur, ce dernier est nommé par l’État et non plus par le HCCA.

L’ordonnance de 2019 a permis de clarifier l’articulation des missions entre le médiateur de la coopération agricole et le médiateur des relations commerciales agricoles. Ainsi, lorsque les litiges entre l’associé coopérateur et sa coopérative portent sur des stipulations des contrats d’apport relatives aux prix et aux modalités de détermination et de révision des prix, ainsi qu’aux volumes, et lorsque les litiges sont relatifs au calcul ou paiement d’indemnités financières dues à la suite du départ d’un associé coopérateur avant la fin de sa période d’engagement, le médiateur des relations commerciales agricoles mentionné à l’article L. 631-27 du CRPM instruit le litige et transmet son avis au médiateur de la coopération agricole pour permettre à ce dernier d’effectuer la médiation.

2.   Un médiateur encore trop méconnu dont la visibilité doit être accrue

La médiation reste encore trop peu connue des coopératives et des associés coopérateurs, comme vos rapporteurs ont pu le constater au cours des auditions et comme en témoigne le faible nombre de sollicitations.

Le précédent médiateur de la coopération agricole a été saisi de 2016 à 2020 de 33 dossiers portant principalement sur les relations entre les adhérents et leur coopérative ou entre les coopératives et leurs unions. En 2021, l’actuel médiateur de la coopération agricole (nommé par décret le 15 décembre 2020) a été saisi de 18 dossiers, dont 4 dossiers se sont révélés en dehors du champ de ses compétences et six ont été clos par refus de la médiation ou par abandon de la partie requérante. Les dossiers concernent principalement les secteurs laitiers et viticoles. Les litiges sont de natures diverses, allant des conditions de rupture des engagements d’apport à celles concernant les modes de production, en passant par des sujets plus généraux de gouvernance. Aucun dossier n’a concerné des contestations relatives aux indicateurs que les coopératives doivent adopter et utiliser dans le cadre de la loi EGALIM. Les demandes de médiation sont opérées majoritairement par des associés coopérateurs et non par des coopératives et aucun dossier ne concerne des CUMA.

Ce succès trop limité peut se comprendre par la réticence de certaines coopératives à entrer en médiation, ou par des craintes de répercussions négatives pour les associés coopérateurs. Il témoigne également d’une connaissance trop faible du dispositif, notamment par les associés coopérateurs.

Face à ce constat, vos rapporteurs considèrent qu’un important travail de communication et de promotion doit être mené pour mieux faire connaître le rôle du médiateur auprès des coopératives et des associés coopérateurs. Le médiateur pourrait utilement aller à la rencontre des coopératives sur le terrain, notamment en mobilisant le réseau territorial de la coopération agricole et des services déconcentrés de l’État, afin de promouvoir la médiation comme alternative appropriée à la judiciarisation des conflits. Les réviseurs peuvent aussi participer à la communication autour de l’existence du médiateur.

Proposition n° 12 : Mieux faire connaître le rôle du médiateur de la coopération agricole


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III.   pÉrenniser le modÈle coopÉratif français au travers de son attractivité et de sa capacité À créer de la valeur

Comme l’indiquait M. Vincent Chatellier au cours de son audition, « il n’y a pas de plan B à la coopération agricole en France. On peut la critiquer ou la moderniser mais on ne peut pas s’en passer ». Les rapporteurs partagent ce constat et estiment nécessaire de pérenniser le modèle en renforçant son attractivité au travers d’une amélioration de la relation coopérative, des capacités d’accompagnement des associés et des modalités de création de valeur.

A.   Introduire une certaine souplesse au sein d’une relation coopÉrative prÉservÉe dans ses fondements

1.   La spécificité du contrat coopératif doit être maintenue, notamment au titre de la rémunération des apports

Aucun des acteurs auditionnés par la mission d’information, même ceux qui étaient les plus critiques ([120]), n’a remis en cause la spécificité fondamentale du secteur coopératif par rapport aux entreprises commerciales. Alors que les relations entre un fournisseur et un client sont marquées par le principe de liberté des relations commerciales, celles entre un agriculteur et sa coopérative sont réglementées, tant au titre de l’adhésion que de l’exclusion ou du retrait. Comme l’a rappelé la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans l’arrêt du 8 septembre 2011 déjà cité ([121]), les sociétés coopératives « obéissent à des principes de fonctionnement particuliers qui les distinguent nettement des autres opérateurs économiques », tant au titre de leur « finalité », c’est-à-dire le « bénéfice mutuel » de l’ensemble de leurs membres « qui sont en même temps des utilisateurs, des clients ou des fournisseurs », que des conditions d’adhésion ou de départ applicables à leurs associés.

Dès lors, il paraît difficile de vouloir appliquer aux coopératives des principes de fonctionnement issus du droit commercial sans porter atteinte, d’une façon ou d’une autre, aux principes coopératifs. La question de la rémunération du producteur à un « prix abusivement bas », soulevée à l’occasion des États généraux de l’alimentation en 2017 et appliquée initialement aux coopératives par l’ordonnance du 24 avril 2019 dans le cadre de la loi EGALIM, illustre parfaitement cette difficulté.

L’application contrariée du principe d’interdiction des « prix abusivement bas » aux coopératives agricoles

La loi EGALIM autorisait, en son article 11, le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions dans le domaine de la loi afin, notamment, « d’améliorer la lisibilité et la transparence par les associés coopérateurs des modalités de détermination du prix et de la répartition des résultats de la coopérative [agricole] au travers de l’élaboration de documents appropriés » (2°). Une seconde ordonnance était également prévue par la loi en son article 17 afin d’interdire l’inscription d’un prix « abusivement bas » dans les contrats commerciaux de produits agricoles (dispositions figurant aujourd’hui à l’article L. 442-9 du code de commerce).

Sur ce fondement, le Gouvernement a intégré dans une ordonnance n° 2019-362 du 24 avril 2019 un mécanisme de mise en cause de la responsabilité des coopératives qui fixeraient pour leurs associés coopérateurs « une rémunération des apports abusivement basse au regard [de certains] indicateurs [de prix] » (article 1er).

Saisi par la Coopération agricole, le Conseil d’État a, dans un arrêt du 24 février 2021 ([122]), supprimé l’article 1er de l’ordonnance au motif, purement formel, que ces dispositions allaient au-delà du champ de l’autorisation donnée par le législateur au Gouvernement dans le cadre de l’article 38 de la Constitution.

Interrogés sur l’opportunité de réintroduire ces dispositions à l’occasion d’un autre « véhicule législatif », tous les acteurs du monde coopératif et même un syndicat agricole ([123]) ont exprimé leur hostilité à l’encontre d’un tel mécanisme. Les arguments fréquemment invoqués ont tous trait à la spécificité des relations entre une coopérative et ses associés, à savoir :

– l’interdiction pour une coopérative de refuser l’entrée (ou le maintien) d’un producteur en vertu du principe de la « porte ouverte » si celui-ci respecte ses engagements coopératifs ;

– l’impossibilité pour une coopérative de refuser les apports d’un associé coopérateur, même en cas de surproduction, ou de s’approvisionner, sauf exceptions limitativement énumérées, auprès de tiers en vertu du principe de l’exclusivisme.

On peut préciser que la rémunération des apports (acomptes, compléments de prix et ristournes) ne constitue qu’une part de la rémunération de l’associé coopérateur et que tout dispositif consistant à « rigidifier » cette part dans un contexte tendu sur les marchés risquerait de porter atteinte à l’autre volet de la rémunération du producteur (dividendes des filiales et intérêts sur les parts sociales), voire de fragiliser à plus ou moins long terme la pérennité financière de la coopérative. Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation estime, pour sa part, peu opportun de « réintroduire ce dispositif complexe à mettre en œuvre au sein des coopératives compte tenu du schéma de rémunération particulier ([124]) ».

Les rapporteurs partagent cette analyse et jugent qu’une telle mesure serait contraire à la réaffirmation des principes coopératifs qu’ils jugent prioritaire.

Proposition n° 13 : Ne pas réintroduire dans la loi les dispositions de l’ordonnance du 24 avril 2019 visant à appliquer le mécanisme de garantie contre les « prix abusivement bas » aux coopératives agricoles.

2.   Une certaine souplesse pourrait être introduite dans les modalités de mise en œuvre de l’engagement coopératif

Pour le moment, l’environnement réglementaire applicable à la relation coopérative n’est guère favorable au retrait anticipé d’un associé coopérateur si celui‑ci devait être insatisfait des modalités de rémunération offertes par sa coopérative. Comme le rappelait M. Xavier Hollandts lors de son audition, « une fois qu’on est entré dans une coopérative, on ne peut pas sortir du jour au lendemain ».

En effet, conformément à la logique de solidarité entre les membres d’une même coopérative et en application de l’article R. 522-4 du code rural et de la pêche maritime, les statuts prévoient une durée d’engagement de tout nouvel adhérent. Aucune limite n’est actuellement portée à cette durée : le HCCA recommande une période minimale de trois ans ([125]), mais cette durée n’est qu’indicative. Les seules limites apportées au droit contractuel sont les suivantes :

– la durée initiale ne peut excéder « la durée moyenne » d’une « vie professionnelle » (critère fixé par la jurisprudence de la Cour de cassation qui, en 1973, avait annulé une durée d’engagement de 99 ans ([126])) ;

– la durée de reconduction de l’engagement ne peut, en tout état de cause, être supérieure à 5 ans, quelle que soit celle de l’engagement initial ([127]).

Les conséquences du non-respect par l’associé de cette durée d’engagement peuvent être importantes pour l’intéressé, car la coopérative peut lui réclamer le versement de « pénalités », qui peuvent s’avérer particulièrement dissuasives et donnent généralement lieu à de lourds contentieux devant les juridictions judiciaires.

 

 

 

 

Les pénalités applicables en cas de retrait anticipé

Les statuts prévoient généralement des indemnités correspondant à la participation de l’associé aux frais fixes dont il ne se sera pas acquitté vis-à-vis des autres membres ([128]) ainsi que des « sanctions » définies par les statuts (art. R. 522-3 du code rural et de la pêche maritime). Ces pénalités ne sont pas appliquées en cas de « force majeure » ou pour un « motif valable » « si le départ de l’associé coopérateur ne porte pas préjudice au bon fonctionnement de la coopérative » (article R. 522-4 du même code).

Le HCCA précise dans son modèle de statut que les sanctions peuvent consister en un pourcentage de la valeur des quantités qui auraient dû être livrées ou du chiffre d’affaires qui aurait dû être fait par la coopérative. Il est, par ailleurs, possible de prévoir qu’en cas de récidive, les sanctions peuvent être doublées, sans préjudice de l’exclusion.

Dans sa contribution écrite adressée à la mission d’information le 16 décembre 2021, la Coordination rurale indique que le taux de sanction peut, dans certaines coopératives, s’élever à un maximum de 10 % du chiffre d’affaires réalisé par l’associé au cours des 12 mois précédant son départ anticipé.

Le mécanisme de sanction, destiné à renforcer la portée des principes coopératifs, peut toutefois donner aux associés l’impression d’être « cadenassés » dans un système qu’ils ne maîtrisent pas si la coopérative ne prend pas suffisamment en compte leurs intérêts ou s’ils sont en désaccord frontal avec les orientations stratégiques fixées par le conseil d’administration.

Pour cette raison, une première brèche a été ouverte par la loi EGALIM qui, en son article 11 (4°) habilitait le Gouvernement à fixer par ordonnance des dispositions de nature législative permettant à un associé de bénéficier d’une réduction des indemnités de départ anticipé lorsque son retrait est motivé par un changement de mode de production permettant l’obtention d’un « signe d’identification de la qualité et de l’origine » (SIQO) au sens de l’article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime ou de la mention « issu d’une exploitation de haute valeur environnementale ». Par ailleurs, quel que soit le motif du retrait, les indemnités doivent être désormais clairement « proportionnées aux incidences financières de ce retrait pour la coopérative » ([129]).

Sans aller jusqu’à donner à l’associé un droit au départ anticipé, ce qui aurait pour effet de remettre en cause les perspectives de développement des coopératives sur le long terme, il pourrait être envisagé d’aller plus loin dans l’assouplissement de cette contrainte statutaire. Parmi les pistes à explorer figurent :

– l’inscription dans le code rural et de la pêche maritime d’une durée limite d’engagement initial (10 ans, par exemple) ;

– le plafonnement des sanctions ([130]) susceptibles d’être appliquées en cas de retrait anticipé de façon à donner aux parties concernées une meilleure visibilité sur l’impact financier de l’opération.

Proposition n° 14 : Assouplir légèrement la contrainte liée à la durée d’engagement dans la coopérative agricole au travers d’une durée limite d’engagement initial et du plafonnement des sanctions pour retrait anticipé.

3.   La limite du recours à des tiers non-coopérateurs devrait également être légèrement relevée dans une optique de diversification d’activités

Le développement de la filialisation au sein des groupes coopératifs (cfsupra) constitue un moyen d’éviter certaines contraintes de gestion imposées par le statut coopératif. Outre le principe de territorialité, qui limite en théorie le déploiement d’activités au-delà d’une certaine circonscription, une coopérative peut également, dans une optique de diversification d’activités, souhaiter s’affranchir partiellement de l’obligation de s’approvisionner auprès de ses associés coopérateurs, qui dérive du principe d’exclusivisme. La constitution d’une filiale commerciale, par nature non assujettie à ce principe, permet ainsi de retrouver une marge de manœuvre.

La filialisation reste, toutefois, un mécanisme susceptible d’accroître la complexité organisationnelle des grands ensembles. On peut ajouter que toutes les coopératives, en particulier les quelque 90 % réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 100 millions d’euros par an, ne disposent pas de l’envergure suffisante pour déployer un réseau de filiales et ne peuvent, dès lors, bénéficier de la souplesse offerte par cette facilité d’organisation. Afin d’inciter les coopératives de petite et moyenne taille à diversifier leurs circuits de collecte, y compris à l’extérieur de leur territoire de référence, il pourrait être envisagé d’assouplir dans des proportions mesurées le principe de l’exclusivisme.

Depuis la loi n° 72-516 du 27 juin 1972 précitée, les statuts peuvent autoriser des « tiers non-coopérateurs » à « bénéficier des services » d’une coopérative « dans la limite de 20 p. 100 du chiffre d’affaires annuel ([131]) ». Ce seuil pourrait être porté à 33 % pour toutes les coopératives sans que l’esprit de la coopération en soit affecté.

On notera, à cet égard, que ce seuil de 33 % était celui retenu initialement en son article 6 par l’ordonnance n° 67-813 du 26 septembre 1967 relative aux sociétés coopératives agricoles, à leurs unions et aux sociétés mixtes d’intérêt agricoles. Ce texte, précisément réformé par loi de 1972, avait pour vocation de doter les coopératives de « modes de gestion modernes et efficaces » « sans renier les principes coopératifs ([132]) ».

Proposition n° 15 : Porter à 33 %, au lieu de 20 %, du chiffre d’affaires le seuil en deçà duquel une coopérative peut offrir ses services à des tiers noncoopérateurs.

B.   rÉaffirmer le rÔle historique d’accompagnement des exploitants agricoles assurÉ par les coopÉratives

1.   L’impact du mécanisme de séparation de la vente et du conseil instauré par la loi EGALIM devrait faire l’objet d’une évaluation parlementaire

L’accompagnement des associés par la formation fait partie des missions centrales des coopératives depuis la consécration des principes « universels » de la coopération par la loi n° n° 47-1775 du 10 septembre 1947 (cf. première partie). Le « conseil » technico-commercial découle naturellement de cet impératif : il s’agit d’aider le cultivateur à prendre les meilleures décisions possibles parmi l’éventail des solutions qui s’offrent à son exploitation et d’utiliser au mieux les outils mis à sa disposition. Selon les données fournies à l’occasion d’une étude réalisée conjointement par les ministères en charge de l’écologie et de l’agriculture ([133]), les coopératives agricoles avaient mis à la disposition de leurs adhérents un réseau de 7 500 conseillers technico-commerciaux en 2013. Cette activité de conseil se cumule souvent avec celle de la vente : la coopérative fournit ainsi à l’agriculteur une assistance à l’utilisation des équipements ou des produits qu’il a acquis auprès d’elle. En ce sens, on peut aisément comprendre que les perspectives de mise en place d’une séparation des deux activités concernant les produits phytopharmaceutiques, annoncée lors des États généraux de l’alimentation (EGA) en 2017, aient suscité des réserves de la Coopération agricole (anciennement Coop de France) ([134]).

Le principe de la réforme, motivée par la volonté de limiter les conflits d’intérêts dans l’accompagnement des agriculteurs dans la réduction de l’usage de tels produits, a finalement été inscrit dans la loi EGALIM dans son article 88, qui habilite le Gouvernement à rendre par voie d’ordonnance « l’exercice des activités [de vente] incompatible avec celui de l’activité de conseil à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques ». L’ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 prise sur ce fondement fixe les modalités de mise en œuvre de cette interdiction, applicable depuis le 1er janvier 2021 avec séparation capitalistique.

Le dispositif de séparation applicable depuis le 1er janvier 2021

L’ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 définit deux types d’activités de conseil rendues incompatibles avec la distribution : le conseil « stratégique » portant sur l’établissement d’un « diagnostic » des modalités de gestion des bioagresseurs (art. L. 254-6-2 du code rural et de la pêche maritime) et le conseil « spécifique » consistant à apporter des « recommandations » particulières dans l’usage d’un produit phytopharmaceutique (art. L. 254-6-3 du même code). Tout utilisateur professionnel de produits phytopharmaceutiques devra être en mesure de justifier de la délivrance de deux conseils « stratégiques » par période de 5 ans avec un intervalle d’au moins 2 ans et de 3 ans maximum entre les deux.

Au titre de la séparation capitalistique, l’ordonnance précise qu’une entité exerçant l’une des deux activités ne peut détenir plus de 10 % du capital d’une entité exerçant l’autre activité incompatible. Ce seuil de 10 % s’applique également aux associés communs susceptibles de détenir du capital dans l’une et l’autre de ces entités (art. L.254-1-1 dudit code).

S’il est encore un peu tôt pour effectuer un bilan exhaustif de la réforme, on peut, d’ores et déjà, constater qu’elle est loin de susciter l’adhésion des acteurs entendus par la mission d’information. La Coopération agricole, sollicitée par la mission d’information, a de nouveau formulé de fortes réserves. Trois des syndicats agricoles auditionnés (FNSEA, Coordination rurale et Jeunes agriculteurs ([135])) ont exprimé la même opinion.

Tous font valoir que la réforme a conduit l’immense majorité des coopératives à ne conserver que les activités de vente et, dès lors, à délaisser leurs activités de conseil. Pour les exploitants agricoles, qui bénéficiaient dans le cadre de leur coopérative d’un conseil souvent gratuit, l’obligation de se tourner vers d’autres acteurs (chambres d’agriculture, entreprises commerciales, etc.) pourrait pénaliser les moins dotés.

Parmi les autres critiques souvent formulées figure le manque de clarté du dispositif : en effet, il paraît difficile de distinguer la « recommandation » à l’usage d’un produit phytopharmaceutique, activité relevant du conseil « spécifique » et donc rendue incompatible, de la « fourniture des informations appropriées » en vue de l’utilisation d’un produit phytopharmaceutique, qui fait expressément partie des opérations de vente (art. L. 254-7 du code rural et de la pêche maritime) ([136]). Enfin, la FNSEA et la Coopération agricole s’inquiètent des difficultés rencontrées par les autres acteurs du conseil, notamment les chambres d’agriculture, à pallier le retrait des coopératives du marché, notamment dans la fourniture de conseils « stratégiques » ([137]).

 

Les rapporteurs, prenant acte des difficultés soulevées et des réserves formulées par l’ensemble des acteurs, estiment nécessaire de mettre en place dès la rentrée 2022 une mission d’information parlementaire chargée d’effectuer un bilan complet de la mesure, y compris sur ses aspects capitalistiques. Les travaux de cette mission d’information auront vocation à être distincts de ceux engagés en cette fin de législature sur l’évaluation de la loi EGALIM ([138]).

Proposition n° 16 : Suggérer la mise en place dès la rentrée parlementaire de 2022 d’une mission d’information au sein de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale visant à effectuer un bilan complet de la séparation entre les activités de vente et de conseil instaurée par la loi EGALIM.

2.   Le rôle d’accompagnement par les CUMA des agriculteurs dans leurs stratégies de mécanisation doit être conforté

Dans un rapport adressé en avril 2021 au ministre de l’agriculture et de l’alimentation, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a appelé l’attention des pouvoirs sur les enjeux liés à la mécanisation des activités agricoles, notamment au regard de la compétitivité des exploitations ([139]). Compte tenu de la diminution constante de la démographe agricole et de l’émergence de thématiques nouvelles autour de l’agroécologie, le choix d’un agroéquipement adapté permet à une exploitation de se doter d’un avantage comparatif non négligeable.

Le rapport met, toutefois, en avant les contraintes liées à un marché des agroéquipements largement ouvert à l’international ([140]) et dominé par quelques grands acteurs, essentiellement américains, néerlandais, allemands et japonais ([141]). Face à cette puissance de marché, les agriculteurs français « peinent à établir un rapport de force » et sont de facto confrontés au renchérissement de leurs charges de mécanisation, évaluées à 30 % de l’ensemble des charges supportées par la filière du blé, soit 464 euros par hectare en 2018-2019 ([142]).

Parmi ses recommandations, le CGAAER suggère de « développer le conseil en agroéquipement dans une démarche stratégique » visant à optimiser la prise de décision de l’agriculteur. Avec son réseau de coopératives, et notamment les CUMA, qui ont précisément pour rôle d’accompagner les exploitants dans leurs acquisitions de matériels agricoles (cf. supra), la France dispose d’un atout non négligeable en termes de conseil et même d’aide à la réduction des charges de mécanisation.

Dans sa contribution écrite adressée à la mission d’information, la FNCUMA rappelle que l’accompagnement apporté par leur réseau de coopératives, en particulier par la mutualisation des achats, permet de diminuer les charges de mécanisation jusqu’à un maximum de 50 euros par hectare. Sur ce point, le CGAAER se félicite des récentes initiatives mises en œuvre par la fédération pour mettre en place une centrale d’achats nationale en septembre 2020 (CAMACUMA).

Au-delà des seuls aspects purement financiers, les rapporteurs estiment qu’il convient de conforter les CUMA dans leur rôle de conseil stratégique à l’achat d’agroéquipements, au besoin par la reconnaissance expresse de cette mission dans la partie du CRPM qui définit les missions des coopératives de service (c de l’article R. 521-1 précité).

Proposition n° 17 : Inciter les agriculteurs à recourir de manière plus systématique aux CUMA dans la mise en place de stratégies de mécanisation et, à cette fin, inscrire cette mission de conseil à l’article R. 521-1 du CRPM.

3.   La reconnaissance d’une provision pour aléas agricoles dans le plan comptable des coopératives serait de nature à renforcer leur positionnement social au profit des associés coopérateurs

L’accompagnement social des associés coopérateurs constitue un rôle consubstantiel à l’identité des coopératives, évoqué dès les premières formes proto‑coopératives (fruitières). Vos rapporteurs ont déjà insisté supra sur la nécessité de renforcer l’accompagnement des jeunes.

Une piste complémentaire pour renforcer l’attractivité des coopératives serait de positionner les coopératives sur des activités nouvelles de soutien aux exploitants en difficulté, en particulier lorsque ceux-ci sont confrontés à des imprévus climatiques. Sur ce point, M. Dominique Chargé, président de la Coopération agricole, a évoqué en audition ([143]) l’utilité qui s’attacherait à ce que les coopératives puissent affecter une partie de leur résultat à la constitution d’un fonds de soutien des associés face aux aléas agricoles. Outre les catastrophes climatiques, dont l’actualité se fait fréquemment l’écho ([144]), le dispositif aurait vocation à couvrir les imprévus de nature sanitaire ou biologique ainsi que les aléas liés à la volatilité des prix (prix sur les marchés de produits agricoles, prix des intrants, etc.).

Une telle opération apparaît, pour le moment, impossible pour des raisons comptables tenant à l’enregistrement de la provision au bilan des coopératives.

Les provisions dans le plan comptable des coopératives agricoles

La comptabilité des coopératives agricoles fait l’objet d’un traitement distinct par l’Autorité des normes comptables (ANC), qui rappelle dans sa dernière décision portant mise à jour du plan comptable (règlement n° 2021-02 du 7 mai 2021) que « certaines des particularités du fonctionnement des coopératives agricoles prévues par le code rural et de la pêche maritime ainsi que les modèles de statuts impliquent d’être traduites au niveau comptable ».

Ces particularités se reflètent, notamment, au niveau des modalités d’affectation du résultat. Contrairement aux sociétés commerciales, qui disposent d’une marge de manœuvre dans l’affectation de leur résultat, les coopératives doivent se conformer à un mécanisme de répartition du résultat qui leur est propre et qui intègre des dotations à des réserves improprement qualifiées de « provisions ». Le détail du circuit de répartition est fixé par le CRPM en son article L. 524-2-1. Après prise en compte du report à nouveau et constitution des réserves obligatoires, la coopérative procède :

– au versement de l’intérêt servi aux parts sociales ;

– à la distribution, le cas échéant, des dividendes issus des filiales ;

– à la répartition des ristournes aux associés coopérateurs ;

– à la constitution d’une éventuelle réserve pour parfaire l’intérêt servi aux parts sociales ou les ristournes aux associés.

À ce jour, les seules provisions susceptibles d’être enregistrées par une coopérative agricole en déduction du résultat préalablement à la clôture des comptes sont les provisions réglementées (provisions pour hausse des prix, participation des salariés aux résultats ou amortissements dérogatoires), à vocation essentiellement fiscale.

Saisi sur ce point par la Coopération agricole en mai dernier, l’ANC a confirmé que le cadre juridique en vigueur ne permettait pas d’intégrer une nouvelle provision pour aléas agricoles dans le plan comptable et que l’affirmation générale des principes de solidarité et de mutualisation était, en elle-même, insuffisante.

Les rapporteurs estiment qu’une telle initiative serait de nature à conforter la spécificité de l’accompagnement coopératif dans un secteur économique sujet à de nombreux aléas. Ils appellent à la reconnaissance de cette « provision » dans le code rural et de la pêche maritime, tant au titre des obligations générales s’imposant aux coopératives (art. L. 521 -3) que des opérations autorisées dans le règlement intérieur (art. L. 521-3-2).

Vos rapporteurs se félicitent en ce sens des évolutions apportées au projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture ([145]). Celui-ci a été modifié en première lecture à l’Assemblée nationale à la suite de l’adoption d’un amendement du rapporteur, M. Frédéric Descrozaille, en séance publique visant à introduire la possibilité du mécanisme de provision pour aléas dans le règlement intérieur (article L. 521-3-2).

Amendement de M. Frédéric Descrozaille (n° 238) sur le projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture

Cet amendement, adopté en séance publique à l’Assemblée nationale le 12 janvier 2022, insère après l’article 5 un article 5 bis qui :

– fait de la fourniture de services « correspondant aux activités pour lesquelles ils se sont engagés » une obligation pour les coopératives agricoles (b du I de l’article L. 521-3 du CRPM) ;

– autorise expressément le règlement intérieur des coopératives agricoles à prévoir la constitution d’une « provision […] pour engagement de soutien des coopérateurs face aux aléas agricoles » (art. L. 521-3-2 du CRPM).

Vos rapporteurs souhaitent que cette disposition soit maintenue dans le texte qui sera finalement adopté.

Proposition n° 18 : Modifier le CRPM de façon à permettre à la coopérative de constituer une provision comptable destinée à la couverture des aléas agricoles. Si cette option devait ne pas être retenue au sein du projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, il conviendrait de s’appuyer sur un autre véhicule législatif.

C.   GARANTIR LA CRÉATION DE VALEUR AU TRAVERS DE MOYENS NOUVEAUX et d’un Élargissement du champ d’activitÉ des coopÉratives

1.   La question de la rémunération des associés coopérateurs ne saurait être abordée en dehors de toute stratégie de captation de valeur

Pour répartir équitablement les richesses, un préalable essentiel est celui de la création de la valeur. Cet impératif a été souligné à de nombreuses reprises au cours des auditions conduites par vos rapporteurs. Ainsi, si les sujets de gouvernance et de positionnement des coopératives sont importants, la question « centrale » reste « la création de valeur » selon les termes employés par M. Vincent Chatellier lors de son audition. C’est bien le problème de la « juste rémunération » du producteur qui a sous-tendu la plupart des travaux de la mission d’information. Cette notion est d’autant plus difficile à cerner que les coopératives entretiennent avec leurs associés des relations particulières fondées sur le principe de l’exclusivisme et constituées de nombreux flux allers-retours (acomptes, ristournes, compléments, etc.).

Au travers de leurs auditions et de leurs déplacements, les rapporteurs ont acquis la conviction que les débats entourant la fixation du « prix rémunérateur » dépassent largement le seul cadre des coopératives et ne font que refléter les difficultés rencontrées par l’agriculture française face à ses concurrents européens. Comme le souligne M. Xavier Hollandts dans sa contribution écrite du 12 janvier dernier ([146]), ce sont ces difficultés qui génèrent « une tension croissante dans et autour des coopératives agricoles pour qu’elles créent suffisamment de valeur ». À l’inverse, la création de valeur par une coopérative judicieusement positionnée « sur une niche ou un marché porteur » sera de nature à assurer aux adhérents d’une coopérative des « prix » rémunérateurs ([147]).

Vos rapporteurs considèrent que le modèle coopératif doit aujourd’hui s’orienter vers les segments de marché créateurs de valeur : en adoptant une stratégie de conquête des marchés internationaux les plus porteurs, mais également en investissant certains segments du marché national en misant sur la montée en gamme. Sur ce dernier point, les obligations prévues par la loi EGALIM concernant la restauration collective constituent à une opportunité forte, que le secteur coopératif pourrait davantage exploiter.

a.   Capter la création de valeur à l’international

Les deux coopératives visitées par la mission d’information le 20 janvier dernier (Agrial et Isigny-Sainte-Mère) ont montré une situation apaisée entre les instances et les administrateurs. Le niveau de rentabilité obtenu du fait du succès des choix stratégiques opérés est loin d’être étranger à cette sérénité. De l’aveu même des représentants du personnel d’Agrial rencontrés ce jour-là, l’intégration de la coopérative EURIAL en 2016 s’est globalement bien passée, car les salariés et les associés avaient conscience qu’Agrial « rémunérait bien ». Une satisfaction analogue a pu être constatée chez Isigny-Sainte-Mère, qui a pu afficher en 2020 un taux de rentabilité nette ([148]) de 5 %, ce qui est une performance remarquable au regard de la moyenne des coopératives françaises (0,47 % en 2019, selon le HCCA ([149])).


—  1  —

« De la fourchette à la fourche » : l’exemple d’Agrial

Le circuit de répartition du chiffre d’affaires d’Agrial constaté en 2020 a été présenté par les instances de la coopérative aux représentants de la mission d’information le 20 janvier dernier. Ce circuit laisse apparaître clairement la boucle entre la rémunération des apports initiaux (1,5 milliard d’euros) et la redistribution du résultat net aux associés (20 millions d’euros).

On peut noter :

– le caractère non négligeable des impôts et taxes (150 millions d’euros), les activités non coopératives d’Agrial étant fiscalisées ;

– le niveau du résultat net (69 millions d’euros), soit un taux de rentabilité nette de plus de 1,1 %.

 Source : Agrial

Dans les deux cas, c’est bien l’internationalisation des activités de la coopérative qui a permis d’aboutir à de tels résultats. Au cours de leur entretien du 20 janvier, les instances d’Agrial ont indiqué à la mission d’information que le taux d’excédent brut d’exploitation (EBE) ([150]) à l’international (5 % en 2020) était supérieur à celui constaté en France (3,6 %).

Isigny-Sainte-Mère, pour sa part, a su redresser sa situation au cours des dernières années par la mise en place d’un partenariat étroit ([151]) avec une entreprise chinoise de Hong Kong (H&H) spécialisée dans la transformation et la distribution de produits et de compléments alimentaires destinés aux enfants (en particulier le lait infantile). La coopérative réalise aujourd’hui 60 % de son chiffre d’affaires à l’international, ce qui correspond à peu près à la part du chiffre d’affaires consacrée à la poudre de lait infantile (65 %).

Les rapporteurs appellent les pouvoirs publics à inciter les coopératives françaises à chercher la valeur là où elle se trouve, c’est-à-dire à l’international, et plus particulièrement sur les marchés extraeuropéens. Cet accompagnement pourrait prendre la forme d’aides à l’investissement couplées à des actions de sensibilisation.

Proposition n° 19 : Inciter, y compris financièrement, les coopératives à investir dans la recherche de valeur sur les marchés extra-européens.

b.   Capter la valeur sur les marchés nationaux à travers des stratégies de montée en gamme

L’internationalisation ne prive pas pour autant les coopératives de la possibilité de se positionner sur des niches à forte valeur ajoutée sur le marché national. C’est ce que démontre la coopérative de noisettes Unicoque, basée dans le Lot-et-Garonne, qui peut afficher un chiffre d’affaires de plus de 30 millions d’euros par an par la mise en place de partenariats avec de grandes marques internationales de l’agroalimentaire (Nestlé, Ferrero) tout en orientant sa production vers l’obtention du label « Haute valeur environnementale » (HVE). Selon les éléments fournis en audition par M. Thierry Descazeaux, président d’Unicoque, la qualification « HVE » générerait par elle-même une plus‑value de 10 centimes par kilogramme de noisette.

Le secteur coopératif doit jouer pleinement son rôle pour impliquer le monde agricole dans la transition agroécologique et la montée en gamme des productions. Les obligations prévues dans la loi EGALIM constituent une opportunité importante en la matière. D’ici le 1er janvier 2022, les personnes morales de droit public qui ont la charge d’un service de restauration collective devront proposer aux usagers une offre comprenant au moins 50 % en produits de qualité et durables, dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique ou en conversion. Ces obligations seront étendues à la restauration collective privée à partir du 1er janvier 2025, en vertu de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Il s’agit là d’un levier important pour favoriser la montée en gamme des productions et notamment les signes d’identification de qualité et d’origine (SIQO), qui favorisent la consommation de produits français. Les coopératives agricoles, par leur implantation territoriale et leur rôle en matière de structuration des filières sont en première ligne sur ces questions. Vos rapporteurs préconisent en ce sens la mise en place d’une charte, élaborée par la Coopération agricole, en lien avec les pouvoirs publics, qui pourrait fixer – filière par filière  des objectifs et une trajectoire pour la montée en gamme du secteur coopératif, notamment dans la perspective de répondre à la commande publique et aux quotas fixés par la loi EGALIM.

 

 

 

Proposition n° 20 : Mettre en place une charte élaborée par la Coopération agricole en lien avec les pouvoirs publics, afin de fixer – filière par filière  des objectifs et une trajectoire pour la montée en gamme du secteur coopératif, notamment dans la perspective de répondre aux quotas de la commande publique fixés par la loi EGALIM.

2.   Le déblocage des activités des CUMA doit permettre à ces coopératives particulières de se positionner sur des projets innovants

Bien qu’elles ne relèvent pas des mêmes enjeux que les coopératives de production, les CUMA ont fait l’objet d’une attention particulière de la part des membres de la mission d’information eu égard au rôle historique joué par ces structures au sortir de la Seconde Guerre mondiale (cf. supra) et à l’image positive qu’elles suscitent, encore aujourd’hui, auprès des exploitants. Selon une enquête menée sous l’égide de la Fédération nationale des CUMA (FNCUMA) entre septembre et novembre 2021 ([152]), 91 % des agriculteurs interrogés se félicitent de la « taille humaine » de ces coopératives et souhaitent préserver cet état d’esprit tout en utilisant cette forme coopérative pour progresser dans la transition agroécologique (74 %) et accompagner les jeunes agriculteurs dans leur installation (77 %).

Le poids financier des CUMA, évalué à 624 millions d’euros au total en 2017 pour 11 740 entités, reste, certes, bien en deçà des performances réalisées par les coopératives de production. Mais l’activité ne cesse de progresser depuis une dizaine d’années, le chiffre d’affaires étant proche de 500 millions d’euros en 2011 ([153]). Au cours de leur audition, le 11 janvier dernier, les représentants de la FNCUMA ont évoqué des pistes de création de valeur autour de la mise en place via les CUMA d’activités annexes aux installations de production agricole (production d’énergie photovoltaïque, par exemple).

Un tel élargissement est, pour l’instant, interdit par l’objet même des CUMA qui relèvent toujours de la définition fixée en 1945, à savoir la « mise à disposition de leurs sociétaires pour leur usage exclusif du matériel, des machines et outils agricoles ([154]) ». Ces coopératives, qui relèvent du statut général de la coopération de 1947, demeurent des coopératives de services au sens de l’article R. 521-1 du CRPM, ce qui les exclut de certains dispositifs, en particulier financiers, applicables aux coopératives de collecte et de vente. On notera que, dans le code rural et de la pêche maritime, les seules dispositions évoquant explicitement les CUMA ont trait à des points spécifiques de leurs activités (seuil minimal de coopérateurs, possibilité d’effectuer des travaux agricoles ou d’aménagement rural ([155])) et ne renvoient pas à une catégorie particulière de coopérative en vertu d’une logique « d’unicité » du statut coopératif ([156]).

Les CUMA sont donc dans une situation paradoxale dans la mesure où elles sont des coopératives de droit commun « à objet bloqué ».

Eu égard au potentiel élevé de ce type de structures, très répandues dans le monde agricole, les rapporteurs souhaitent qu’une réflexion soit mise en œuvre afin de faciliter l’extension des activités des CUMA au-delà de leur « cœur de métier ». Une telle extension pourrait s’effectuer, soit au travers de la création d’une catégorie particulière de coopératives au sein du titre II du livre V du code rural et de la pêche maritime ou, à défaut, de la mise en place d’outils flexibles de mutualisation des activités agricoles.

Sur ce dernier point, la notion d’agriculture de groupe a été évoquée comme piste de réflexion lors de l’audition et reprise par la FNCUMA dans sa contribution écrite adressée le 12 janvier dernier. Ce statut intermédiaire, qui avait été inscrit dans la loi EGALIM, a été censuré par le Conseil constitutionnel pour des raisons procédurales et pourrait utilement être repris dans le cadre d’un nouveau « véhicule législatif ».

Proposition n° 21 : Permettre l’élargissement des activités des CUMA au-delà de leurs missions historiques et, au besoin, reprendre tout ou partie des dispositions de la loi EGALIM sur l’agriculture de groupe.

 

L’agriculture de groupe et la loi EGALIM

L’article 21 de la loi EGALIM adoptée définitivement le 2 octobre 2018, contenait les dispositions suivantes, introduites par l’amendement CE1986 de M. Dominique Potier en première lecture en commission des affaires économiques :

« I. – En application du 15° du I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, l’agriculture de groupe est définie par des collectifs composés d’une majorité d’agriculteurs, lesquels ont pour vocation la mise en commun de façon continue et structurée de connaissances ainsi que de ressources humaines et matérielles.

« II. – Ces collectifs sont des personnes morales qui poursuivent un but d’utilité sociale ou d’intérêt général. Ils s’appuient sur une gouvernance démocratique, collégiale et contractuelle, fondée sur un droit égal de vote pour chacun des cocontractants.

« III. – De façon complémentaire à l’action des chambres consulaires, ils sont au service de la triple performance économique, sociale et environnementale de l’agriculture, notamment par une maîtrise des charges de production et par l’optimisation de l’organisation du travail. Ils sont des acteurs de l’innovation et contribuent à l’effort de recherche et de développement.

« IV. – Partenaires des acteurs publics et privés des territoires ruraux et périurbains, ces collectifs concourent par leur savoir-faire à la réussite de la transition agroécologique, alimentaire et énergétique. L’agriculture de groupe est facteur d’intégration pour les nouveaux entrepreneurs du monde rural et favorise le renouvellement des générations d’actifs agricoles. »

Le dispositif a finalement été censuré comme constituant un « cavalier » législatif par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-771 DC du 25 octobre 2018, car son objet n’avait aucun lien, même indirect, avec un article du texte du projet de loi déposé, ce qui contrevenait aux dispositions de l’article 45 de la Constitution.

3.   De nouvelles voies de financement sur fonds propres doivent être trouvées afin d’aider les coopératives agricoles à se développer

La captation de valeur sur des marchés extérieurs suppose, de la part des coopératives, une capacité d’investissement dont elles ne disposent pas toujours en raison des spécificités qui s’attachent à leur structure capitalistique. En vertu du principe de l’a-capitalisme, le capital social de la coopérative est, en principe, centré sur les seuls adhérents. Il s’agit là d’une différence essentielle par rapport aux sociétés commerciales, qui peuvent ouvrir librement leur capital à des tiers.

Il en résulte une difficulté consubstantielle pour la coopérative à se constituer des fonds propres et, dès lors, à obtenir des financements bancaires d’envergure. Les données fournies par le HCCA au travers de son Observatoire économique et financier confirment cette fragilité structurelle : la capacité d’autofinancement des coopératives, c’est-à-dire l’excédent brut d’exploitation (EBE) dégagé à partir du chiffre d’affaires, s’élevait à seulement 2,28 % en 2019 (2,22 % en 2018) ([157]).

Dans sa contribution écrite du 22 décembre 2021, la Coopération agricole observe, par ailleurs, la baisse lente, mais progressive, du ratio de financement propre ([158]) des coopératives françaises, ce qui laisse entrevoir une dégradation à plus ou moins long terme de la capacité des coopératives à couvrir leur actif par leurs fonds propres et, dès lors, à être autonomes financièrement.

ÉVOLUTION DU RATIO DE FINANCEMENT PROPRE* DES COOPÉRATIVES AGRICOLES

Source : Observatoire économique, HCCA

Cette faiblesse des fonds propres fait partie des questions récurrentes entourant le droit des coopératives avant même que le statut général de la coopération ne soit adopté en France. L’économiste Georges Lasserre, spécialiste de la coopération durant l’après-guerre, en avait même fait l’un des thèmes de la thèse qu’il avait soutenue à Lyon en 1927 ([159]). Lors des débats entourant l’adoption de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947, le sujet a été exclu car il s’agissait alors de conforter les grands principes de la coopération et l’a-capitalisme figurait alors en bonne place.

Les besoins d’agrandissement de plus en plus pressants des principales coopératives françaises ont amené les pouvoirs publics à mettre en place des dispositifs dérogatoires en trois temps. La filialisation, conçue comme une solution alternative à l’ouverture directe du capital, s’est imposée progressivement avant d’être officialisée en 2001 (cf. deuxième partie supra). Les deux autres points de réforme ont consisté à autoriser les coopératives à introduire des associés noncoopérateurs à leur capital en 1972 puis à émettre des titres participatifs en 1983.

Les réformes de 1972 et de 1983 : associés non-coopérateurs et titres participatifs

1/ La loi n° 72-516 du 27 juin 1972 amendant l’ordonnance n° 67‑813 du 26 septembre 1967 relative aux sociétés coopératives agricoles, à leurs unions, à leurs fédérations, aux sociétés d’intérêt collectif agricole et aux sociétés mixtes d’intérêt agricole autorise expressément en son article 14 la participation d’associés non-coopérateurs dans des proportions fixées par les statuts, étant précisé que ceux-ci ne peuvent représenter plus de 20 % des voix à l’assemblée générale et plus d’un tiers des sièges au conseil d’administration. Ces dispositions sont toujours en vigueur aux articles L. 522-4 et L. 524-1 du CRPM.

2/ La loi n° 83-1 du 3 janvier 1983 sur le développement des investissements et la protection de l’épargne autorise expressément les coopératives à émettre des titres « participatifs » offrant une rémunération à l’investisseur ainsi qu’un droit d’information et de consultation sans droit de vote. Le mécanisme, repris au code de commerce en ses articles L. 228-36 et L. 228-37, emprunte à la fois à la logique de l’obligation et de l’action.

En dépit des avantages offerts par le mécanisme des titres participatifs, les coopératives y ont eu peu souvent recours en raison des contraintes procédurales et, surtout, du risque d’assujettissement à l’impôt sur les sociétés et à la cotisation foncière des entreprises (CFE). En effet, les dispositions du code général des impôts (CGI) prévoient le retour des coopératives dans le régime fiscal de droit commun pour leurs émissions de titres sur le « marché réglementé » (assujettissement à la CFE ([160])) ainsi que pour leurs opérations ne relevant pas des activités qui leur sont assignées par le code rural et de la pêche maritime (assujettissement à l’impôt sur les sociétés ([161])). Saisie à ce sujet par la Coopération agricole en 2020, la direction de la législation fiscale a répondu ([162]) que l’émission de titres participatifs, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas représentatifs de parts de capital social (pas de droit de vote), était insusceptible de remettre en cause le régime d’exonération des coopératives agricoles.

Ces incertitudes étant désormais levées, il convient de rendre ce mécanisme de financement plus attractif pour les épargnants.

À ce jour, aucun régime fiscal spécifique ne s’applique aux titres participatifs : les revenus tirés de ces investissements sont donc assujettis à l’impôt sur le revenu ou au prélèvement forfaitaire unique ([163]). L’une des premières mesures pourrait consister à instaurer un mécanisme d’exonération d’impôt sur le revenu à l’expiration d’un certain délai, à l’instar de ce qui a été mis en place, par exemple, pour les plans d’épargne en actions (PEA).

La Coopération agricole évoque également l’intérêt qui s’attacherait à la mise en place, sous conditions, d’une garantie de l’État destinée à rassurer l’investisseur au cours d’une période « probatoire ».

Les rapporteurs appellent l’État à donner à cet outil toute l’attractivité nécessaire à la constitution des fonds propres des coopératives soucieuses de se développer sur de nouveaux marchés.

Proposition n° 22 : Favoriser le financement des coopératives via les titres participatifs en instaurant une exonération d’impôt sur le revenu sur tout ou partie des gains ou en invitant l’État à garantir les investisseurs durant une période probatoire à déterminer.

IV.   renforcer la légitimité des coopératives agricoles en les incitant à s’inscrire pleinement dans une logique de responsabilité sociétale

Les principes constitutifs de la « responsabilité sociétale des entreprises » (RSE), en particulier la création d’une communauté de valeurs pour les propriétaires ainsi que pour les autres parties prenantes et l’ensemble de la société, sont similaires à ceux défendus par les « Équitables pionniers » de Rochdale (cf. première partie supra). Dans la définition officielle qu’elle a donnée en 2011, la Commission européenne précise que les coopératives « sont dotées de structures de propriété et de gouvernance qui peuvent être particulièrement propices à un comportement responsable » ([164]).

Lors de son audition, M. Antoine Détourné, président d’ESS France, indique que, bien que les intéressées ne se revendiquent pas aisément de l’économie sociale et solidaire (ESS), on peut considérer que, dans ses fondements, la coopération agricole « appartient » au monde de l’ESS.

Compte tenu de la tendance actuelle à la complexification et à la filialisation des groupes coopératifs, vos rapporteurs estiment souhaitable que ceux-ci s’inscrivent plus clairement dans une démarche de RSE qui renforcera la légitimité de leurs interventions sur les marchés.

A.   Encourager les groupes coopératifs à doter leurs filiales du statut de société à mission

La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) a introduit dans notre corpus juridique les notions de raison d’être de l’entreprise (article 1835 du code civil) et de société à mission, définie à l’article L. 210-10 du code de commerce.

L’article L. 521-7 du code rural et de la pêche maritime prévoit spécifiquement que les statuts de la coopérative peuvent « préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société coopérative agricole ou l’union de coopératives agricoles se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ».

L’article L. 210-10 du code de commerce sur le statut de société à mission

Une société peut faire publiquement état de la qualité de société à mission lorsque les conditions suivantes sont respectées :

Ses statuts précisent une raison d’être, au sens de l’article 1835 du code civil ;

2° Ses statuts précisent un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité ;

3° Ses statuts précisent les modalités du suivi de l’exécution de la mission mentionnée au 2°. Ces modalités prévoient qu’un comité de mission, distinct des organes sociaux prévus par le présent livre et devant comporter au moins un salarié, est chargé exclusivement de ce suivi et présente annuellement un rapport joint au rapport de gestion, mentionné à l’article L. 232-1 du présent code, à l’assemblée chargée de l’approbation des comptes de la société. Ce comité procède à toute vérification qu’il juge opportune et se fait communiquer tout document nécessaire au suivi de l’exécution de la mission ;

4° L’exécution des objectifs sociaux et environnementaux mentionnés au 2° fait l’objet d’une vérification par un organisme tiers indépendant, selon des modalités et une publicité définies par décret en Conseil d’État. Cette vérification donne lieu à un avis joint au rapport mentionné au 3° ;

5° La société déclare sa qualité de société à mission au greffier du tribunal de commerce, qui la publie, sous réserve de la conformité de ses statuts aux conditions mentionnées aux 1° à 3°, au registre du commerce et des sociétés, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État.

Les membres de la mission d’information considèrent qu’il s’agit là d’une opportunité dont les grandes coopératives pourraient davantage se saisir pour affirmer leurs principes et renforcer leur attractivité. Cette possibilité offerte par le législateur paraît d’autant plus pertinente pour les groupes coopératifs comportant plusieurs filiales. Doter les filiales d’un groupe coopératif d’un statut de société à mission est un outil utile pour renforcer la transparence du fonctionnement des filiales et s’assurer que celles-ci agissent en cohérence avec les principes coopératifs portés par la coopérative « mère ».

Certains groupes se sont d’ores et déjà engagés dans cette direction. Dès juin 2018, le conseil d’administration d’InVivo a validé la volonté de transformer en société à mission l’ensemble des filiales du groupe. Au mois d’octobre 2020, le conseil d’administration a entériné la modification des statuts d’InVivo groupe. La raison d’être inscrit dans les statuts d’InVivo Group est  ainsi de « favoriser la transition agricole et alimentaire vers un agrosystème résilient, en déployant des solutions et des produits innovants et responsables, en ligne avec les principes de l’agriculture régénératrice, au bénéfice des agriculteurs et des consommateurs ([165])».

B.   Étendre aux groupes coopératifs agricoles les obligations tenant au « devoir de vigilance » des sociétés-mères

Le conflit qui a marqué le groupe Tereos entre 2018 et 2020 était lié, pour une large part, à l’opacité qui entourait les flux des filiales à l’international et l’une des accusations qui ont été au cœur de la procédure judiciaire intentée contre les coopérateurs « frondeurs » portait précisément sur des soupçons de livraison de sorbitol, un édulcorant dérivé du sucre, au groupe terroriste Daesh ([166]). Au-delà de ce cas particulier, le déploiement des groupes coopératifs sur des territoires étrangers parfois très lointains (Maroc et Sénégal pour Agrial, Hong Kong pour Isigny-Sainte-Mère, Brésil pour Tereos, etc.) amène à s’interroger sur la capacité de ces groupes à garantir que leurs activités internationales ne sont pas contraires aux exigences éthiques, sociales ou environnementales.

S’agissant des sociétés commerciales, le législateur français avait déjà abordé la question de la surveillance « éthique » des filiales au travers de la loi n° 2017‑399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. En application de l’article L. 225‑102-4 du code de commerce introduit par la loi, les entreprises d’au moins 5 000 salariés en cas de filiales établies en France ou d’au moins 10 000 salariés en cas de filiales établies à l’étranger doivent désormais établir un « plan de vigilance » comportant les mesures « propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement ».

Le contenu du « devoir des vigilance » des sociétés commerciales

Le plan de vigilance de l’article L. 225-102-4 du code de commerce comprend :

        une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ;

        des procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs ;

        des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ;

        un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements ;

        un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d’évaluation de leur efficacité.

Le non-respect du « devoir de vigilance » met en jeu la responsabilité civile de la société‑mère, qui peut se voir condamner par les tribunaux civils pour réparation du préjudice éventuellement causé (art. L. 225-102-5 du code de commerce).

Vos rapporteurs observent que le champ d’action de l’article L. 225-102-4 du code de commerce se limitent à des sociétés de droit commercial, c’est-à-dire à des sociétés dont se distinguent les coopératives agricoles selon la définition donnée par le CRPM en son article L. 521-1 supra. Les groupes coopératifs aux ramifications internationales pourraient avoir intérêt à profiter également de ce dispositif pour prévenir les prises de contacts ou la conclusion de partenariats susceptibles d’être considérés comme litigieux au regard des atteintes aux droits humains ou à l’environnement. Bien évidemment, un tel élargissement ne s’appliquerait qu’aux coopératives disposant de filiales et dont le nombre d’associés coopérateurs dépasserait un certain seuil à déterminer.

Proposition n° 23 : Encourager les groupes coopératifs à doter leurs filiales du statut de société à missions et élargir aux groupes coopératifs, au-delà d’un certain seuil en termes d’associés coopérateurs, le « devoir de vigilance » appliqué aux sociétés commerciales.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 16 février 2022, la commission a examiné, le rapport d’information de M. Stéphane Travert et Fabien Di Filippo sur le secteur coopératif dans le domaine agricole.

Ce point de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/CqnylC.

La commission a approuvé la publication du présent rapport d’information.

 


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   annexe :
Liste des personnes auditionnÉes

(par ordre chronologique)

 

M. Vincent Chatellier, ingénieur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe), directeur-adjoint de l’unité mixte de recherche SMART-LERECO, président de la Société française d’économie rurale (SFER).

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) * 

M. Yannick Fialip, président de la commission Économie

M. Franck Sander, vice-président de la commission Économie

M. Antoine Suau, directeur du département Économie et développement durable

M. Guillaume Lidon, responsable des affaires publiques

La Coopération agricole * 

Mme Marine Nossereau, directrice des affaires juridiques et fiscales

Mme Muriel Tinal adjointe à la directrice des affaires juridiques et fiscales

M. Thibault Bussonnière, responsable des affaires publiques

Table ronde des syndicats agricoles :

Coordination rurale * 

M. Bernard Lannes, président

Confédération paysanne *

M. Martin Dauvergne, membre du comité national

Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF) national * 

M. Raymond Girardi, vice-président

Haut Conseil de la coopération agricole

M. Daniel Chéron, président

M. Stéphane Neck, directeur général

Mme Anne Vittu, directrice adjointe

 

Les Jeunes Agriculteurs * 

M. Pierre Meyer, membre du conseil d’administration

M. Thomas Debrix, chef du service communication et affaires publiques

Mutualité sociale agricole (MSA)

M. Pascal Cormery, président

M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

ESS France

M. Antoine Détourné, délégué général

La Coopération agricole *

M. Dominique Chargé, président

Mme Florence Pradier, directrice générale

Mme Mélodie Deneuve, directrice de la communication et des relations extérieures

La Coopération agricole * - pôle animal :

M. Bruno Colin, président du pôle animal de La Coopération agricole, vice‑président du groupe coopératif CAL

M. Jacques Poulet, directeur du pôle animal de La Coopération agricole

La Coopération agricole * - Vignerons Coopérateurs :

Mme Anne Haller, directrice des Vignerons Coopérateurs

M. Joël Bouielh, président des Vignerons Coopérateurs de France, administrateur et ancien président de l’union de caves coopératives de Plaimont

La Coopération agricole * - filière fruits et légumes et horticulture :

Fédération française de la coopération fruitière, légumière et horticole (FELCOOP)

Mme Caroline Ducourneau, directrice

Mme Céline Sageaux, directrice adjointe

Coopérative Unicoque

M. Thierry Descazeaux, président

Fédération nationale des coopératives d’utilisation de matériel agricole (FNCUMA)

M. Luc Vermeulen, président

M. Christophe Perraud, secrétaire général

Mme Lucie Suchet, cheffe du pôle engagement et influence

Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires

M. Philippe Chalmin, président

La Coopération agricole * - La Coopération laitière :

– M. Damien Lacombe, président de La Coopération laitière, président de la coopérative SODIAAL *

– Mme Carole Humbert, directrice de La Coopération laitière

– M. Pascal Lebrun, secrétaire général de La Coopération laitière et président de la branche lait d’Agrial

– M. Arnaud Fossey, membre du bureau de La Coopération laitière et président d’Isigny Sainte-Mère

La Coopération agricole * - Métiers du grain :

– M. Antoine Hacard, président de La Coopération agricole Métiers du grain, président de la coopérative CERESIA

– Mme Catherine Matt, directrice de La Coopération agricole Métiers du grain

– Mme Gaëtane Le Breuil, chargée de mission Agrofourniture et Environnement à La coopération agricole Métiers du grain

M. Xavier Hollandts, professeur associé à « KEDGE Business School »

Coopérative Les Maîtres laitiers du Cotentin

M. Christophe Levavasseur, président du conseil d’administration,

M. Guillaume Fortin, directeur général

Audition conjointe :

 M. Thierry Dahan, nouveau médiateur des relations commerciales agricoles au ministère de l’agriculture

 M. Robert Deville, ancien médiateur des relations commerciales agricoles

– M. Gilles Vanackere, médiateur de la coopération agricole

InVivo *

M. Philippe Mangin, président

M. Jérôme Calleau, président délégué

TEREOS *

M. Gérard Clay, président du conseil de surveillance

M. Claude Risac, directeur Groupe des relations extérieures

M. Laurent Duplomb, sénateur

Audition conjointe :

Cabinet de M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation

Mme Carole Ly, conseillère économie agricole et agroalimentaire

Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)

M. Serge Lhermitte, chef du service compétitivité et performance environnementale

Mme Martine Leguille-Balloy, députée

Coopérative Lorifruit

M. Florent Germon, directeur

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

Mme Virginie Beaumeunier, directrice générale

Mme Annick Biolley-Coornaert, sous-directrice « Produits et marchés agroalimentaires »

M. Jean-Jérôme Jung, chef du bureau 4D « Marchés des produits d’origine animale »

Table ronde des représentants des principaux syndicats de salariés des coopératives agricoles :

Fédération CFTC de l’agriculture CFTC – AGRI

M. Emmanuel Cuvillier, président

Mme Marilène Gomes, conseillère technique

Syndicat national de la coopération et de la transformation agricoles (SNCOA) – Fédération CFE CCG AGRO

M. Stéphane Larget, secrétaire général

Fédération nationale agroalimentaire et forestière (FNAF) de la Confédération générale du travail (CGT)

M. Julien Huck, secrétaire général

Fédération nationale des producteurs laitiers (FNPL)

M. Ghislain de Viron, premier vice-président

Mme Solenne Levron, responsable juridique et des relations institutionnelles

Déplacement dans le Calvados (20 janvier 2022)

 Agrial

Membres du conseil d’administration :

M. Arnaud Degoulet, agriculteur en Sarthe et président

M. Bernard Guillard, agriculteur dans la Manche et 1er vice-président

M. Jean-Luc Duval, agriculteur dans l’Orne et 2ème vice-président

M. Pascal Le Brun, agriculteur dans le Calvados et 3ème vice-président

M. Sébastien Chevalier, agriculteur en Mayenne et 4ème vice-président

M. Philippe Potier, agriculteur en Sarthe et secrétaire du conseil d’administration

M. Mickaël Lamy, agriculteur dans le Maine-et-Loire et trésorier du conseil d’administration

Mme Sonia Boudet-Guth, agricultrice dans le Calvados et membre du Bureau

M. Fabrice Fortin, agriculteur dans la Manche et membre du Bureau

M. Philippe Marie, agriculteur dans le Calvados et membre du Bureau

M. Bruno Martel, agriculteur en Ille-et-Vilaine et membre du Bureau

Membres de la direction générale :

M. Ludovic Spiers, directeur général

Mme Sarah Deysine, directrice du projet coopératif, de la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) et de la communication.

Représentants du personnel :

Mme Marie-Alice Riblier (CFDT)

Mme Sandrine Faveris (CFDT)

Mme Bénédicte Mary (CFDT)

M. Sébastien Desjouy (CFE-CGC)

M. Pascal Leloup (CFE-CGC)

 

 Isigny-Sainte-Mère

Membres du conseil d’administration :

M. Arnaud Fossey, président

M. Patrick Hennequin, vice-président

M. Jean-François Milet, vice-président

M. Christophe Mauger, trésorier

Membres de la direction générale :

M. Gérald Andriot, directeur général adjoint

M. Nicolas Courtier, directeur des ressources humaines

Représentants du personnel :

M. Dominique Baloche (CFDT)

M. Emmanuel Dufays (CFDT)

M. Bertrand Deladune (CFE-CGC)

Déplacement en Moselle (4 février 2022)

 Lorca

M. Christian Sondag, président du conseil d’administration

M. Jean-Paul Defloraine, premier vice-président

M. Xavier Lerond, membre du bureau et président de la section élevage, président de la chambre d’agriculture de la Moselle

 Groupement des producteurs de blé

M. Jean-Marie Guerber, président du conseil d’administration

M. Francis Leclerc, premier vice-président

M. Marc Prison, trésorier  

M. Pierre Jacquin, directeur

 Unicoolait

M. Jean-Luc Jacobi, président du conseil d’administration

M. Gilles Becker, vice-président

M. Marc Hoenen, directeur

 

Contributions écrites

Eureden

Fédération nationale bovine (FNB) *

Fédération nationale Entrepreneurs des territoires (FNEDT) *

Fédération nationale des industries laitières (FNIL) *

Organisations de producteurs de la région Grand Ouest

Even

SICA St-Pol de Léon

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


([1]) Termes repris de la revue l’Économie rurale (n° 184-186, mars-août 1988, page 116) : Émergence, développement et rôle des coopératives agricoles en France (Philippe Nicolas, Institut national de la recherche agronomique).

([2]) C’est la durée reprise par La Coopération agricole (section régionale Auvergne-Rhône-Alpes) sur son site Internet : https://www.cdf-raa.coop/la-cooperation-agricole/historique.

([3]) Fruitières comtoises : De l’association de voisins au district agro-industriel : une histoire montagnarde ? (Alain Mélo, Revue de géographie Alpine, 2015)

([4]) https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k11937111/f2.item

([5]) La coopération agricole dans la CEE (Étude n° 21, Série agriculture)

([6]) op. cit. (page 17).

([7]) Exemple : site de l’Alliance coopérative internationale (ACI).

https://www.ica.coop/fr/coop%C3%A9ratives/histoire-du-mouvement-cooperatif

 

([8]) La recherche perpétuelle de l’excellence au travail : l’exemple des fondateurs de la coopérative laitière d’Échiré (1894-1914) (Éric Kocher-Marboeuf, Actes du 127ème congrès national des sociétés historiques et scientifiques, 2002)

([9]) Armée qui, pendant la guerre franco-prussienne, fut contrainte de se replier vers la Suisse.

([10]) Op. cit.

([11]) Le nombre de coopératives agricoles est estimé entre 6 000 et 7 000 en France en 1939 (André Hirschfeld, Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale n° 57 : Le mouvement coopératif agricole sous l’Occupation)

([12]) René Dumont Le problème agricole français. Esquisse d’un plan d’orientation et d’équipement, Les Éditions nouvelles, 1946

([13]) Dans son ouvrage La révolution silencieuse dans les campagnes (1964), Michel Debatisse, président du Centre national des Jeunes agriculteurs, appelle explicitement les agriculteurs à « renoncer à un style de vie individualiste » et à « conduire la révolution technique [..] au sein de groupes adaptés à l’économie moderne » (page 17).

([14]) Discours prononcé à Bourges le 27 janvier 1945. Les autres « piliers » sont le syndicat, la mutuelle et la caisse de crédit agricole.

([15]) Premier alinéa de l’exposé des motifs.

([16]) L’ordonnance reprend le dispositif d’agrément des coopératives par le ministre chargé de l’agriculture qui avait été mis en place dans les années 1930 par un décret-loi du 8 août 1935.

([17]) Syndicat clandestin créé en réaction à la Corporation agricole mise en place par le régime de Vichy.

([18]) La FNCUMA, auditionnée par la mission d’information le 11 janvier dernier

([19]) Le seuil de constitution fixé par l’ordonnance de 1945 est alors de 7 sociétaires

([20]) La coopération agricole dans la CEE (op.cit.), page 96

([21]) https://www.aveniragricole.fr/actualite/article/cetait-lavenir-il-fallait-trouver-la-combine-pour-avoir-le-tracteur

([22]) Données fournies par la FNCUMA le 12 janvier 2022

([23]) Idem

([24]) Gilles Alaire (Le modèle de développement agricole des années 1960 - Economie rurale n° 184-186 - mars-août 1988)

([25]) INSEE

([26]) Les coopératives agricoles, un atout pour la pérennité de l’agriculture dans la mondialisation (René Mauget, revue RECMA, n° 307, février 2008, page 47)

([27]) La coopération agricole dans la CEE (op.cit.), page 95

([28]) L’essor des coopératives agro-alimentaires dans les années 1970 en France (Jean-Pierre Peyon, Economie rurale n° 184-186, mars-août 1988)

([29]) Les Échos, 10 novembre 1999

([30]) Union devenue Sodiaal en 2007

([31]) Contraction de deux marques anciennes Yola et Coplait. Une deuxième marque (Candia) naît le jour en 1971 pour le lait de consommation.

([32]) Les coopératives face à la mondialisation : le cas de la franchise Yoplait (Lionel Bobot, Marché et organisations, 2010/1)

([33]) Aujourd’hui intégrée dans InVivo

([34]) Aujourd’hui intégrée dans Eureden

([35]) Lorsque la coopérative est reconnue organisation de producteurs, l’associé coopérateur doit respecter les règles d’apports minimum définies par les dispositions réglementaires spécifiques au secteur.

([36]) Extrait du guide des bonnes pratiques du HCCA, publié en 2021

([37]) Notons que les coopératives peuvent dans certains cas choisir une gouvernance avec un conseil de surveillance et un directoire.

([38]) Le modèle des assemblées de section est détaillé dans la troisième partie du présent rapport.

([39]) Loi n° 72-516 du 28 septembre 1972 amendant l’ordonnance n° 67-813 du 26 septembre 1967 relative aux sociétés coopératives agricoles, à leurs unions, à leurs fédérations, aux sociétés d’intérêt collectif agricole et aux sociétés mixtes d’intérêt agricole (article 14)

([40]) Articles L. 522-4 et L. 524-1 du CRPM

([41]) Document publié par l’Association nationale de révision, publié en juin 2021

([42]) Extrait de la contribution écrite faite par le HCCA

([43]) Donnée issue du projet annuel de performances de la mission budgétaire « Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales »

([44]) Les coopératives vinicoles sont imposables pour leurs activités de commercialisation, quelles que soient les modalités de vente, lorsqu’elles emploient à cet effet plus de trois salariés.

([45]) Sont toutefois exclues de cet avantage fiscal les sociétés coopératives agricoles, leurs unions et les SICA qui procèdent à une offre au public de titres financiers, les SICA dans lesquelles plus de 50 % du capital ou des voix sont détenus par des associés non agriculteurs, les coopératives et SICA qui ne fonctionnent pas conformément aux règles qui les régissent, les sociétés mixtes d’intérêt agricole.

([46]) Toutefois, des dispositions spécifiques sont prévues pour les locaux où sont effectués des opérations de transformation ou de manipulation susceptibles de modifier la nature des produits agricoles. En effet, ces locaux ne peuvent bénéficier de l’exonération que si les manipulations ou transformations rentrent dans les usages habituels et normaux de l’agriculture par leur nature et ne présentent pas un caractère industriel par les moyens tant matériels qu’humains mis en œuvre.

([47]) Pour une explication plus détaillée des mécanismes de régulation du secteur des coopératives agricoles, se reporter à la troisième partie du présent rapport

([48]) Coopération agricole, rapport d’activité 2021

([49]) HCCA, Observatoire économique et financier, 5e édition, 2021

([50]) Coopération agricole, rapport d’activité 2021

([51]) Ibid

([52]) Coopération agricole, « une réussite économique et sociale », 2022

([53]) CoopFr, « Les 100 plus grandes entreprises coopératives françaises », 2020

([54]) McKinsey, Quel avenir pour le modèle coopératif agricole français, chiffres 2018, 2019

([55]) Observatoire économique et financier du HCCA – clôture 2019 (5ème édition - novembre 2021)

([56]) Coopération agricole, rapport d’activité 2021

([57]) Coopération agricole, « Une réussite économique et sociale », 2022

([58]) General Agreement on Tariff and Trade – cycle de l’Uruguay

([59]) Rapport d’information du sénateur Laurent Duplomb, n° 528 (2018-2019) – 28 mai 2019 – La France, un champion agricole mondial : pour combien de temps encore ?

([60]) Rapport d’information de Mme Pascale Boyer et M. Julien Dive, députés, sur l’autonomie alimentaire de la France et au sein de ses territoires (n° 4786 – 8 décembre 2022).

([61]) Rapport de M. Laurent Duplomb (op.cit.), page 7

([62]) Rapport de Mme Pascale Boyer et M. Julien Dive (op.cit.), page 24

([63]) Vincent Chatellier (SMART-LERECO)

([64]) Chiffre issu du rapport « Pour une alimentation saine et durable » publié par France Stratégie pour l’Assemblée nationale en septembre 2021 (page 27)

([65]) Vincent Chatellier et Thierry Pouch (Le commerce agroalimentaire de l’UE-27 et de la France entre 2000 et 2020 – 15èmes Journées de recherches en sciences sociales, Toulouse, 9 et 10 décembre 2021), page 18

([66]) Vincent Chatellier et Thierry Pouch (op.cit.)

([67]) Trésor-éco, « Comment expliquer la réduction de l’excédent commercial agricole et agro-alimentaire ? », n° 230, O. Touze, F. Dauba & X. Ory, Octobre 2018 (page 6)

([68]) Rapport de M. Laurent Duplomb (op.cit.), page 11

([69]) Vincent Chatellier et Thierry Pouch (op.cit.)

([70]) Dispositif mis en place en 2010 dans le cadre des Programmes nationaux pour l’alimentation (PNA)

([71]) Dans une enquête publiée le 15 décembre 2020 pour la Fondation Nestlé France, l’institut IPSOS note que 70 % des personnes interrogées reconnaissent que « manger sain et équilibré » est une « préoccupation majeure ».

([72]) Rapport de Mme Pascale Boyer et M. Julien Dive (op.cit.), page 38

([73]) https://www.reussir.fr/sondage-les-francais-ont-une-bonne-image-de-leur-agriculture-et-sy-interessent

([74]) AGRESTE, Graph’ Agri 2021

([75]) Les Échos, 29 décembre 2021

([76]) Rapport de Mme Pascale Boyer et M. Julien Dive (op.cit.), page 42

([77]) Op.cit. (page 43)

([78]) L’ULN a été créée en 1945 sous la forme d’une coopérative beurrière. Elle devient une union en 1962. En 1970, le groupe coopératif réalise un chiffre d’affaires de 1 milliard de francs et assure à elle-seule 12 % de la collecte de beurre nationale.

([79]) Union qui avait déjà absorbé l’UCAAB en 1992 (cf. supra)

([80]) HCCA – Observatoire économique et financier (septembre 2021)

([81]) ORCAL, COOP CAN et AGRALCO.

([82]) « La recette d’Agrial pour résister à la crise » (L’Usine nouvelle, 12 avril 2021)

([83]) Les coopératives agricoles, un atout pour la pérennité de l’agriculture dans la mondialisation (René Mauget, revue RECMA, n° 307, février 2008, page 49) et HCCA - Observatoire économique et financier (septembre 2021)

([84]) HCCA – Observatoire économique et financier (op.cit.)

([85]) L’un des 4 slogans d’Agrial

([86]) Termes employés en audition par M. Raymond Girardi (Mouvement de défense des exploitants familiaux – MODEF) lors de son audition du 8 décembre 2021

([87]) Contribution écrite adressée le 28 janvier 2022 par le cabinet du ministre de l’agriculture et de l’alimentation

([88]) Règlement (CE) n° 1435/2003 du Conseil du 22 juillet 2003 relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC) – point 3 de l’article 1er

([89]) Loi qui est venue modifier l’ordonnance n° 67-813 du 26 septembre 1967 prise pour réformer le statut des coopératives agricoles mis en place par l’ordonnance n° 45-2325 du 12 octobre 1945 précitée

([90]) De Vendeuil (1992), « Les entreprises coopératives se modernisent », JCP. 1992, nº 39

([91]) Après l’allemand BAYWA, dont le chiffre d’affaires était de 14,9 milliards d’euros en 2015 selon le HCCA

([92]) Les dispositions du code rural et de la pêche maritime en son article L. 521-2 obligent les statuts de chaque société coopérative agricole à « fixer » la circonscription territoriale de cette société.

([93]) Nina Latouille, Karine Latouche, Samira Rousselière. Internationalisation des coopératives agricoles françaises (Laboratoire de recherche SMART-LERECO de l’INRAe Nantes – 2014)

([94]) Observatoire économique et financier du HCCA - clôture 2019 (5ème édition – novembre 2021)

([95]) Le 20 janvier dernier, Agrial a confirmé devant les membres de la mission d’information qu’il réalisait également 25 % de son chiffre d’affaires à l’extérieur du territoire français.

([96]) Agrément donné lors de la constitution de la coopérative (art. L. 521-1 du code rural et de la pêche maritime) et en cas d’extension de sa circonscription territoriale ou de son objet social (art. R. 525-4 du même code).

([97]) Contribution écrite adressée par le HCCA le 7 janvier 2022

([98]) À de très rares exceptions près (Sodiaal, par exemple)

([99]) Il n’existe aucune coopérative multinationale en France à l’instar d’Arla Foods, coopérative basée au Danemark regroupant des agriculteurs de différents pays.

([100]) Ibid

([101]) La Confédération paysanne, contribution écrite

([102]) Observatoire de la gouvernance des coopératives agricoles, Association nationale de la révision, juin 2021

([103]) Tereos, site du groupe, 2022

([104]) Terre-net, Xavier Hollandts, « Crise de gouvernance chez Tereos : un épisode final riche d’enseignement », 2021

([105]) Tereos, site du groupe, 2022

([106]) Audition de M. Claude Risac, directeur groupe et M. Gérard Clay, président du conseil de surveillance, 19 janvier 2022

([107]) Les Échos, « Tereos : quatre questions sur un géant du sucre en pleine révolution », 2020

([108]) Audition de M. Claude Risac, directeur groupe et M. Gérard Clay, président du conseil de surveillance, 19 janvier 2022

([109]) Ordonnance n° 2019-362 du 24 avril 2019 relative à la coopération agricole

([110]) Au 1er juillet 2022 pour les sociétés coopératives agricoles ou leurs unions qui ont exclusivement pour objet l’approvisionnement ou les services et dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 200 000 € hors taxes

([111]) Pour mesurer la mise œuvre de la loi EGALIM, le HCCA peut s’appuyer sur les dossiers annuels de contrôle des coopératives qu’il reçoit chaque année et qui doivent comprendre les nouveaux documents introduits par l’ordonnance. Le HCCA a reçu 1 293 dossiers annuels de contrôle pour 2019 et 896 pour 2020 sur un total d’environ 2 000 coopératives. Le retard dans la réception des dossiers s’explique lui-même par les retards des assemblées générales en raison de la crise sanitaire.

([112]) Le seuil retenu pourrait être le seuil de droit commun du code de commerce, rendant obligatoire la déclaration de performance extrafinancière, qui s’applique également aux coopératives agricoles en vertu de l’article L. 523-2-1 du CRPM : 100 millions d’euros pour le total du bilan ou le montant net du chiffre d’affaires et 500 pour le nombre moyen de salariés.

([113]) Loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle

([114]) Cet article concerne l’obligation pour les coopératives de se soumettre à la révision coopérative.

([115]) Ce fut le cas de la Coordination rurale.

([116]) Les accords de participation sont obligatoires pour les entreprises de plus de 50 salariés. Le reste des dispositifs d’épargne salariale reposent sur la négociation collective.

([117]) Extrait du guide des bonnes pratiques du HCCA

([118]) https://www.terre-net.fr/actualite-agricole/politique-syndicalisme/article/prete-pour-repondre-aux-nouveaux-defis-apres-une-annee-de-mutation-205-165652.html

([119]) Extrait de la contribution écrite transmise par M. Hollandts

([120]) Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF), Confédération paysanne et Coordination rurale

([121]) Ministero dell’Economia e delle Finanze et Agenzia delle Entrate contre Paint Graphos Soc. Coop. Arl (C‑78/08), 8 septembre 2011. Paragraphe 55 à 58

([122]) CE, 24 février 2021, n° 430261 (Association Coop de France)

([123]) La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) : contribution du 15 décembre 2021

([124]) Contribution écrite adressée par le cabinet du ministre le 28 janvier dernier

([125]) Guide des formalités auprès du HCCA (page 16)

([126]) Cass. civ., 3 juillet 1973, n° 72-10.001, Menthon c/ Société coopérative laitière agricole de Viuz-La-Chiesaz

([127]) Article R. 522-4 précité

([128]) Principalement des charges de fonctionnement : services extérieurs, taxes, charges de personnel, etc.

([129]) Art. L. 521-3-3 du code rural et de la pêche maritime introduit par l’ordonnance n° 2019-362 du 24 avril 2019 précitée.

([130]) Proposition de la Coordination rurale en date du 16 décembre 2021

([131]) III de l’article 6 de la loi de 1972 (dispositions aujourd’hui reprises à l’art. L. 522-5 du CRPM)

([132]) Rapport au Président de la République précédant l’ordonnance de 1967

([133]) Conséquences de la séparation des activités de conseil et de vente de produits phytopharmaceutiques (Rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux et du Conseil général de l’environnement et du développement durable - octobre 2018)

([134]) « Vente et conseil ne doivent faire qu’un » (la France agricole, 21 décembre 2017)

([135]) Contributions écrites adressées respectivement le 15 décembre 2021, le 16 décembre 2021 et 18 janvier 2022

([136]) Contribution écrite adressée par la Coopération agricole le 22 décembre 2021

([137]) Contributions écrites de la FNSEA et de la Coopération agricole précitées

([138]) Rapport d’évaluation qui sera présenté en février 2022 devant la commission des affaires économiques en application de l’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée nationale

([139]) La charge de mécanisation des exploitations agricoles

([140]) 70 % des machines produites en France sont exportées et 65 % des machines vendues en France sont importées (page 10 du rapport du CGAAER).

([141]) Les principaux groupes sont John Deere et AGCO (USA), Claas (Allemagne), CNH (Pays-Bas) et Kubota (Japon).

([142]) Page 26 du rapport du CGAAER précité

([143]) Audition du 5 janvier 2022

([144]) La dernière calamité agricole au fort impact économique et médiatique fut le gel d’avril 2021, qui a endommagé les plantations de vigne et les récoltes en arboriculture dans plusieurs départements du Sud de la France.

([145]) Projet de loi n° 4758, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 12 janvier 2022

([146]) Note de synthèse communiquée en audition

([147]) Contribution écrite adressée par M. Hollandts le 14 janvier 2022

([148]) La rentabilité nette se définit comme le ratio entre le résultat net et le chiffre d’affaires.

([149]) Observatoire économique et financier du HCCA – clôture 2019 – publié en septembre 2021

([150]) L’EBE correspond grosso modo au résultat après impôts (mais avant amortissement).

([151]) H&H détient 49,9 % du capital social de la coopérative. La société n’a qu’un siège au conseil d’administration (un seul vote).

([152]) http://www.cuma.fr/actualites/les-agriculteurs-defendent-lavenir-de-leurs-cooperatives-de-proximite

([153]) CUMA - chiffres clefs (publiés en 2019)

([154]) Art. 2 c) de l’ordonnance n° 45-2325 du 12 octobre 1945

([155]) Art. R.522-1 et L. 522-6 du code rural et de la pêche maritime

([156]) Réponse du ministère de l’agriculture et de l’alimentation à une question posée par M. Jean-Marie Morisset, sénateur (JO Sénat du 02/05/2019 – page 2373)

([157]) Observatoire économique et financier - clôture 2019 (op.cit.)

([158]) Le ratio fonds propres sur le total du bilan est un indicateur central de la capacité de financement propre d’une entreprise.

([159]) Georges Lasserre, Des obstacles au développement du mouvement coopératif, thèse, Lyon, 1927

([160]) Article 1451 du CGI

([161]) Article 207 (2° et 3° du 1) du CGI

([162]) Courrier du 8 juillet 2021

([163]) https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/732-PGP.html/identifiant%3DBOI-RPPM-RCM-10-10-10-20120912

([164]) Communication du 25 octobre 2011 de la Commission européenne – Responsabilité sociale des entreprises : une nouvelle stratégie de l’UE pour la période 2011-2014 (COM/2011/0681 final)

([165]) Site internet d’InVivo

([166]) « Après avoir été accusé de complicité avec Daesh, un sucrier français contre-attaque devant la justice » (site bfmtv.com, 5 juin 2019)