N° 5130

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 février 2022

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 6, du Règlement

PAR le comitÉ d’Évaluation et de contrÔle des politiques publiques

 

sur l’évaluation de l’alimentation saine et durable pour tous

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Julien DIVE et Mme Marie TAMARELLE–VERHAEGHE

Députés

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  SOMMAIRE

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Pages

PROPOSITIONS des rapporteurs

SYNTHÈSE

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE – UNE CONSOMMATION ALIMENTAIRE AUX RESSORTS MULTIPLES ET INSUFFISAMMENT ÉQUILIBRÉE

I. LES HABITUDES ALIMENTAIRES DES FRANÇAIS : DES DÉSÉQUILIBRES ET DES DISPARITÉS

A. UNE ALIMENTATION MARQUÉE PAR DES DÉSÉQUILIBRES

1. Une consommation alimentaire riche et variée

2. Une évolution du contenu de l’assiette des Français

a. Plus de produits transformés, trop de sel et de sucre

b. Une consommation de fruits et légumes en augmentation mais toujours pas assez de fibres

3. Une alimentation fortement dépendante des importations

B. UNE ALIMENTATION MARQUÉE PAR DE FORTES DISPARITÉS

1. Des habitudes alimentaires genrées et qui évoluent au cours de la vie

a. Des différences de consommation marquées entre les hommes et les femmes

b. Des habitudes alimentaires qui évoluent au cours de la vie

2. Une alimentation qui varie selon l’origine sociale et géographique

a. Des inégalités sociales marquées

b. D’importantes différences entre les territoires

c. Un recours croissant à l’aide alimentaire et le facteur prix

C. DANS L’ASSIETTE DES FRANÇAIS : DES ÉVOLUTIONS DE FOND ET L’APPARITION DE NOUVELLES TENDANCES

1. Végétarisme, véganisme : une réalité très différente de son écho médiatique

2. L’inégale évolution de l’alimentation en produits bio et locaux pendant la crise sanitaire

a. Des approvisionnements et modes d’alimentation modifiés par la crise sanitaire

b. Une offre de produits locaux qui bouscule le bio

D. L’ALIMENTATION, UN PROCESSUS AU CŒUR DE PROBLÉMATIQUES MULTIPLES ET PAR CONSÉQUENT COMPLEXE À FAIRE ÉVOLUER

II. UNE CONSOMMATION EXCESSIVE D’ALCOOL ET SES CONSÉQUENCES : UN PROBLÈME ALIMENTAIRE À PART ENTIÈRE

A. UNE CONSOMMATION D’ALCOOL PARMI LES PLUS ÉLEVÉES D’EUROPE ET QUI IMPACTE PARTICULIÈREMENT LES JEUNES

B. LES CONSÉQUENCES DE LA CONSOMMATION D’ALCOOL SUR LA SANTÉ

III. SURPOIDS, OBÉSITÉ, MALADIES CHRONIQUES : DES ÉVOLUTIONS PRÉOCCUPANTES FAVORISÉES PAR DE MAUVAISES HABITUDES ALIMENTAIRES

A. SURPOIDS ET OBÉSITÉ : UNE ÉPIDÉMIE MONDIALE QUI FRAPPE INÉGALEMENT NOS TERRITOIRES

B. UNE ALIMENTATION DÉSÉQUILIBRÉE FACTEUR DE SURPOIDS, D’OBÉSITÉ ET QUI FAVORISE LE DÉVELOPPEMENT DE MALADIES CHRONIQUES

1. Le surpoids et l’obésité terreaux de développement de maladies chroniques invalidantes

a. Des maladies chroniques qui progressent

b. Des populations et des territoires plus affectés que d’autres par certaines pathologies

2. Le diabète : une maladie insidieuse, mal connue, tardivement détectée et très invalidante

a. Une pathologie grave qui continue de progresser

b. Une prévalence inégale

c. Une pathologie souvent évitable

C. LES LOURDES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES DES MALADIES CHRONIQUES ÉVITABLES

DEUXIÈME PARTIE – DONNER DU SENS ET DE LA COHÉRENCE À LA PRODUCTION ALIMENTAIRE

I. UN ENVIRONNEMENT DONT LES CITOYENS SE PRÉOCCUPENT DE PLUS EN PLUS

A. L’IMPACT DE L’ENVIRONNEMENT SUR LES PROBLÉMATIQUES ALIMENTAIRES

1. La contribution de notre système alimentaire aux émissions de gaz à effet de serre et aux pollutions

2. Le défi climatique et la transition des systèmes agricoles

3. Évaluer les coûts de la chaîne complète d’une production agricole

4. Une bonne alimentation : quels coûts économiques et sociaux évités ?

B. DE GRANDS ÉQUILIBRES À MODIFIER, AVEC DES PRIORITÉS

1. La préservation de l’environnement comme les recommandations nutritionnelles appellent l’évolution des habitudes alimentaires

2. Réduire la consommation de produits d’origine animale et réduire l’élevage intensif

3. Diversifier et végétaliser l’alimentation quotidienne

4. Éviter le plus possible les importations de déforestation et produire des légumineuses

5. La polyculture  élevage extensif à l’échelle du territoire : un modèle à retrouver

6. Un usage des pesticides très encadré et poussé vers le déclin sans que les solutions alternatives ne soient toujours disponibles

II. ACCOMPAGNER L’ÉVOLUTION VERS L’AGROÉCOLOGIE AFIN DE DONNER UN AVENIR À NOS AGRICULTEURS

A. RÉMUNÉRER LES SERVICES ENVIRONNEMENTAUX D’INTÉRÊT GÉNÉRAL RENDUS PAR LES AGRICULTEURS

1. Mieux valoriser les pratiques agroenvironnementales dans la déclinaison nationale de la PAC

a. Prendre des mesures plus efficaces au plan national

b. Réorienter la PAC audelà de 2027 ?

2. Promouvoir des financements complémentaires valorisant les pratiques vertueuses pour l’environnement

B. MOBILISER L’EFFORT DE RECHERCHE AFIN DE METTRE À DISPOSITION DES AGRICULTEURS DES SOLUTIONS PLUS RÉSILIENTES

1. Le travail sur les variétés végétales : privilégier la recherche partenariale

2. Accompagner les agriculteurs dans leur évolution

3. Les déséquilibres de la production agricole nationale s’accroissent

4. La recherche de la souveraineté alimentaire passe par l’attractivité des métiers du vivant

a. Identifier et soutenir les filières les plus stratégiques et les plus fragilisées

b. Les difficultés de l’agriculture biologique, sujette à une vive concurrence étrangère et dont le prix ne reflète pas les coûts de production

c. Revaloriser le rôle de l’agriculteur

d. Assurer de justes conditions de concurrence aux agriculteurs et entreprises

e. Les enjeux de la rémunération des agriculteurs

f. Mieux faire connaître les métiers du vivant et renforcer les actions de formation

III. REDONNER UN ANCRAGE TERRITORIAL AU SYSTÈME ALIMENTAIRE

A. LA PRODUCTION LOCALE ET LES CIRCUITS COURTS : PÉRENNISER L’ENGOUEMENT NÉ DE LA CRISE SANITAIRE

1. Un engouement pour les produits locaux

2. Renforcer les obligations européennes d’affichage de l’origine géographique des produits

B. LE SUCCÈS DE LA DÉMARCHE DES PROJETS ALIMENTAIRES TERRITORIAUX : UNE MOBILISATION DES ACTEURS, UN FONCTIONNEMENT À AMÉLIORER

1. Soutenir la création des projets alimentaires territoriaux afin qu’ils soient présents sur l’ensemble du territoire

2. Renforcer la définition des objectifs des PAT et l’évaluation de leur action

3. La part d’achat de produits agricoles locaux par la restauration collective publique estelle en progression ?

a. L’apport de la loi EGalim et de la loi « Climat et résilience »

b. Mieux informer et former les acteurs de l’achat public

IV. RÉDUIRE La consommation d’ALIMENTS À PROFIL NUTRITIONNEL DÉFAVORABLE ou ULTRATRANSFORMÉS ET le recours aux ADDITIFS

A. LES ALIMENTS AU PROFIL NUTRITIONNEL DÉGRADÉ : INCITER À LA REFORMULATION DES RECETTES ?

B. DES EXPERTS PRÉCONISENT LE RECOURS À LA FISCALITÉ COMPORTEMENTALE POUR RÉDUIRE LA CONSOMMATION DE PRODUITS TROP GRAS, TROP SALÉS OU TROP SUCRÉS

C. LA DÉMARCHE DE CORÉGULATION SUIVIE PAR LE GOUVERNEMENT

D. LES ALIMENTS ULTRATRANSFORMÉS : UN IMPACT NÉGATIF SUR LA SANTÉ CONSTATÉ MAIS ENCORE MAL EXPLIQUÉ

E. LES EFFETS DES ADDITIFS ALIMENTAIRES ET DES PESTICIDES SONT INSUFFISAMMENT DÉCRITS : AUX ÉTATS MEMBRES D’ÊTRE VIGILANTS

1. L’exigence européenne pourrait être renforcée

2. Engager une trajectoire de baisse des additifs au plan national

TROISIÈME PARTIE – UNE LISIBILITÉ ET UN SUIVI DES POLITIQUES PUBLIQUES À AMÉLIORER

I. UNE PROFUSION DE PLANS ET D’OBJECTIFS SANS PRIORITÉS IDENTIFIÉES

A. LE QUATRIÈME PLAN NATIONAL NUTRITION SANTÉ (PNNS 4) : 5 AXES DÉCLINÉS EN 24 OBJECTIFS ET 56 ACTIONS

B. LE TROISIÈME PROGRAMME NATIONAL POUR L’ALIMENTATION : 3 AXES ET 2 LEVIERS DÉCLINÉS EN 30 ACTIONS DONT LE CONTENU EST PARFOIS PEU ADAPTÉ À L’OBJECTIF

C. LE PROGRAMME NATIONAL DE L’ALIMENTATION ET DE LA NUTRITION (PNAN), SYNTHÈSE DES PNNS ET PNA ET BIENTÔT STRATÉGIE NATIONALE POUR L’ALIMENTATION, LA NUTRITION ET LE CLIMAT

D. D’AUTRES PLANS RECOUVRENT DES PROBLÉMATIQUES VOISINES

II. UNE GOUVERNANCE POUR CHAQUE PLAN ET UN IMPÉRATIF DE COORDINATION

A. LE PNAN

B. LE PNA 3

C. LE PNNS 4

III. DES OUTILS DE SUIVI ET DE MESURE D’IMPACT À PRÉCISER

A. LES DIFFICILES SUIVI ET ÉVALUATION D’UN PNNS FOISONNANT

B. LE PNA : DES INSTANCES PLURALISTES DE DÉBAT ET DE SUIVI, UNE ÉVALUATION À COMPLÉTER

IV. SIMPLIFIER LA PLANIFICATION ET IDENTIFIER DES PRIORITÉS POUR MIEUX LES METTRE EN ŒUVRE

QUATRIÈME PARTIE – INFORMATION ET MARKETING : DES OUTILS À COMPLÉTER ET UNE PROTECTION DES CONSOMMATEURS À RENFORCER

I. LES CONSOMMATEURS DE PLUS EN PLUS OUTILLÉS POUR CONNAÎTRE LES PRODUITS ALIMENTAIRES

A. DE NOMBREUX LABELS ET APPLICATIONS QUI PEUVENT CRÉER UNE CERTAINE CONFUSION

1. Les méthodologies de classement et de notation trouvent une limite lorsque l’innocuité ou la dangerosité n’est pas scientifiquement établie

2. La réponse ambigüe des industriels aux notations

B. ENRICHIR L’INFORMATION SUR LES PRODUITS ALIMENTAIRES

1. Le NutriScore : un outil imparfait mais simple et qui montre son efficacité

a. L’impact du score sur les habitudes alimentaires

b. Généraliser le NutriScore au plan national et européen

2. Les perspectives d’ajout d’autres informations sur le produit alimentaire

a. L’information sur le degré de transformation du produit : l’ajout d’un indice de transformation intégré ou non au NutriScore

b. L’approche européenne : l’étiquetage de la durabilité, du bienêtre animal sont envisagés

3. Enrichir l’information nutritionnelle sur l’alcool pour dissuader plus efficacement la consommation excessive

a. Des travaux favorables à une taxation plus dissuasive des boissons alcoolisées

b. Appliquer la loi Evin et promouvoir l’action « Janvier sobre »

c. Promouvoir au plan européen un étiquetage nutritionnel sur les contenants de produits alcoolisés

C. DES LACUNES DANS LE DISPOSITIF D’INFORMATION NUTRITIONNELLE

II. L’EXPOSITION AU MARKETING EST TOUJOURS PRÉGNANTE, NOTAMMENT EN DIRECTION DES JEUNES

A. FAIRE ÉVOLUER LES RESSORTS DE LA COMMUNICATION DE PRÉVENTION

1. Rendre les communications de prévention plus informatives et plus réalistes

2. Le recours excessif aux allégations de santé

B. LA PUBLICITÉ : FAUTIL SE CONTENTER DES ENGAGEMENTS VOLONTAIRES ?

1. L’impact déjà positif mais encore insuffisant de la Charte alimentaire de 2020

2. Atteindre les plateformes et les réseaux sociaux

3. Des approches différentes en Europe

CINQUIÈME PARTIE – l’éducation au cœur de la problématique alimentaire

I. LA PRISE EN COMPTE DE L’ALIMENTATION SAINE ET DURABLE DANS LE CADRE SCOLAIRE

A. L’ORGANISATION DE L’ÉDUCATION À L’ALIMENTATION

1. Une éducation transversale multiforme

a. Des textes récemment enrichis

b. Des outils pour mettre en œuvre des actions transversales

2. Une éducation qui nécessite la mobilisation de nombreux acteurs et difficile à évaluer

a. La démarche des Écoles promotrices de santé

b. Les Comités d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement

B. UNE ÉDUCATION À L’ALIMENTATION QUI SE DÉVELOPPE EN MILIEU SCOLAIRE

1. Une mise en œuvre portée par des initiatives locales

a. Un foisonnement d’initiatives très variées

b. Une démarche encadrée mais difficile à évaluer

2. La restauration scolaire à l’épreuve du terrain

a. Un levier puissant, mais une fréquentation inégale et de nombreuses injonctions

b. Les dispositions en vigueur concernant la restauration scolaire

c. Les leviers des collectivités territoriales et des PAT pour développer une alimentation plus saine et durable dans la restauration scolaire

d. Le dispositif du petit déjeuner

II. L’ÉDUCATION À L’ALIMENTATION DOIT SE VIVRE

1. Un enseignement transversal qui doit être le plus concret possible et associer l’activité physique

2. Un enseignement qui doit associer toute la communauté scolaire…

a. Un besoin de formation de tous les acteurs

b. La nécessaire association de tous les acteurs dans le cadre d’interventions où les élèves sont actifs

3. … mais aussi inclure l’organisation et l’environnement scolaire

a. Favoriser la question alimentaire dans les aménagements scolaires

b. Un lien avec les collectivités territoriales à conforter

4. Mieux utiliser le programme européen de distribution de fruits, légumes et produits laitiers à l’école

a. Un programme sousconsommé

b. Un programme peu connu et difficile à mettre en œuvre sur le terrain

c. Un programme porteur amené à évoluer

EXAMEN PAR LE COMITÉ

ANNEXE : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

CONTRIBUTION DE FRANCE STRATÉGIE


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   PROPOSITIONS des rapporteurs

Proposition n° 1 :

Réaliser une étude sur l’ensemble des activités et pratiques agricoles et sylvicoles qui pourraient être incluses dans les critères d’éligibilité de la vente de crédits carbone, afin d’inciter plus largement au développement du travail agricole favorable à la préservation de l’environnement et des milieux naturels.

Proposition n° 2 :

Dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne, entreprendre la révision du règlement sur l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires de 2011 (INCO) afin de rendre obligatoires les informations relatives à l’origine géographique des produits alimentaires.

Proposition n° 3 :

Assortir les projets alimentaires territoriaux (PAT) d’un référentiel d’évaluation mesurant l’atteinte des objectifs formulés lors de la création du PAT, au moyen d’indicateurs de réalisation et d’impact.

Proposition n° 4 :

Établir un calendrier de négociation et une méthode permettant de mettre en œuvre rapidement les engagements volontaires sur des seuils limite de nutriments, en prévoir les indicateurs d’évaluation et en cas d’échec, introduire une règlementation des seuils de sucre, de sel et de gras dans les produits agroalimentaires.

Proposition n° 5 :

Renforcer la recherche sur l’impact des aliments ultra‑transformés (AUT) sur la santé, afin de mieux les définir et de satisfaire aux engagements du PNNS 4 (action 4 de l’axe 1), lequel instaure un objectif d’amélioration des pratiques industrielles de transformation et d’ultra-transformation, afin d’atteindre une réduction de la consommation des aliments ultra‑transformés de 20 % au terme de sa durée.

Proposition n° 6 :

Développer l’effort de recherche au plan national sur les impacts sur la santé des pesticides, des additifs et des produits alimentaires ultra‑transformés ; fixer un délai d’aboutissement afin de statuer sur leur nocivité éventuelle et prendre les mesures réglementaires en conséquence.


Proposition n° 7 :

Fusionner les Plan national nutrition santé et Programme national pour l’alimentation et les intégrer dans la Stratégie nationale de santé en établissant des priorités, des objectifs chiffrés et des indicateurs de suivi et d’évaluation.

Proposition n° 8 :

Réaliser une véritable évaluation du Nutri‑Score intégrant des indicateurs et en particulier les catégories de consommateurs qui s’y réfèrent, leur répartition territoriale, sa diffusion par produits ;

Évaluer la qualité alimentaire des produits passés de la notation D/E à A/B, dans le cadre d’une sélection aléatoire annuelle.

Proposition n° 9 :

Prévoir l’affichage du Nutri‑Score dans les distributeurs automatiques de produits alimentaires.

Proposition n° 10 :

Mettre en œuvre l’action « Janvier sobre » en 2023 avec le soutien des pouvoirs publics et de Santé publique France.

Proposition n° 11 :

Évaluer la mise en œuvre de la Charte d’engagements responsables relative à la vente d’alcool signée en 2019 par la Fédération du commerce et de la distribution ; tirer les conséquences de cette évaluation avec des mesures renforcées de contrôle du respect de l’article L. 3353‑3 du code de la santé publique interdisant la vente d’alcool aux mineurs.

Proposition n° 12 :

Promouvoir une initiative, au plan européen, visant à soumettre les boissons alcoolisées aux mêmes exigences d’étiquetage nutritionnel que les produits alimentaires.

Proposition n° 13 :

Étendre le Nutri‑Score à la restauration collective et commerciale, conformément à la préconisation de l’action 7, objectif 2 du PNNS 4.

Proposition n° 14 :

Réviser les messages sanitaires associés aux annonces publicitaires selon les préconisations formulées par Santé publique France en 2019, en améliorant la qualité des messages (être simples, délivrer des informations pratiques, éviter les injonctions imprécises) et leur adaptation aux destinataires ;

– intégrer les messages sanitaires en amont du passage des publicités ;

– imposer l’insertion des messages sanitaires aux nouvelles techniques de publicité digitales.

Proposition n° 15 :

Renforcer les campagnes de prévention de l’alcoolémie par une communication sur la dimension alimentaire de l’alcool, en y soulignant notamment la proportion de sucre et le risque lié de diabète et d’autres maladies.

Proposition n° 16 :

Renforcer le pilotage de la politique publique de santé scolaire et en particulier des dispositifs de promotion de la santé afin de favoriser une approche globale et cohérente et éviter la démultiplication des dispositifs.

Proposition n° 17 :

Évaluer la participation des industries agroalimentaires dans les dispositifs d’éducation à l’alimentation.

Proposition n° 18 :

Prévoir, chaque fois que possible, la présence d’un interlocuteur chargé de la restauration scolaire lors des réunions de parents d’élèves de rentrée scolaire afin de favoriser la transmission d’informations.

Proposition n° 19 :

Associer l’ensemble de la communauté scolaire (en particulier les personnels encadrant les pauses méridiennes et les agents territoriaux) aux actions d’information et de formation portant sur l’alimentation.

Proposition n° 20 :

Prévoir chaque fois que possible des points d’accès à l’eau et des aménagements de la restauration scolaire favorisant la limitation du gaspillage (distribution de pain à la demande, limitation des portions, possibilité de se resservir...).

Proposition n° 21 :

Remplacer la justification individuelle demandée dans le cadre du programme européen « Fruits et légumes, lait et produits laitiers à l’école » par une référence au programme scolaire d’éducation alimentaire afin de limiter la lourdeur administrative liée à ce programme.

 


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   SYNTHÈSE



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   INTRODUCTION

Lors de sa réunion du 21 octobre 2020, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a inscrit à son programme de travail une évaluation sur l’alimentation saine et durable pour tous demandée par le groupe La République en marche (LaREM), et a désigné M. Julien Dive (LR) et Mme Marie Tamarelle‑Verhaeghe (LaREM) comme rapporteurs.

Au cours de cette réunion, le comité a sollicité l’assistance de France Stratégie, sur le fondement de l’article 3 du décret n° 2013‑333 du 22 avril 2013 portant création du Commissariat général à la stratégie et à la prospective.

Le commissaire général de France Stratégie, M. Gilles de Margerie, a présenté au CEC, lors de sa réunion du 22 septembre 2021, la contribution de son institution sous la forme d’un rapport intitulé « Pour une alimentation saine et durable – Analyse des politiques de l’alimentation en France ».

Les rapporteurs souhaitent en premier lieu le remercier ainsi que ses équipes pour la qualité du travail fourni et la disponibilité dont ils ont fait preuve à l’occasion de cette nouvelle coopération avec le CEC.

La problématique de l’alimentation saine et durable pour tous permet de faire le point sur un sujet au centre des besoins fondamentaux de l’individu mais aussi au cœur de différentes politiques publiques déterminantes : l’éducation, la santé, la consommation, l’information, la production agricole et industrielle.

Plusieurs travaux de notre Assemblée et du Sénat, du Conseil économique, social et environnemental (CESE), de la Cour des comptes, de structures publiques et privées sont venus nourrir le débat public. Vos rapporteurs ont, pour leur part, présenté des travaux sur l’autonomie alimentaire de la France et de ses territoires, et sur la prévention en santé publique ([1]).

Dans ce contexte, les problématiques agricoles, industrielles et environnementales ne seront traitées que de manière connexe et en faisant largement référence aux récents travaux publiés sur ces questions.

Après avoir présenté la problématique de la consommation alimentaire (I), les rapporteurs insisteront sur l’évolution de l’offre et de la demande dans le contexte de la crise sanitaire (II), sur la façon dont sont conduites et suivies les politiques publiques de l’alimentation (III), sur le développement foisonnant de l’information alimentaire, sur les inégalités qui marquent cette problématique centrale et sur l’impact du marketing sur les consommateurs (IV) ; enfin, ce rapport s’attardera sur la question fondamentale de l’éducation à l’alimentation dans le cadre scolaire (V).


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   PREMIÈRE PARTIE – UNE CONSOMMATION ALIMENTAIRE AUX RESSORTS MULTIPLES ET INSUFFISAMMENT ÉQUILIBRÉE

L’alimentation des Français, comme celle des pays développés, est trop riche et comporte des déséquilibres favorisant le développement de pathologies chroniques qui pourraient être évitées. Pour des raisons de santé publique, il est nécessaire de modifier certains comportements alimentaires… comme il est indispensable d’avoir une activité physique quotidienne ([2]).

Pour autant, l’alimentation est au cœur de problématiques multiples (accès aux produits, contraintes économiques, culture, habitudes alimentaires, sédentarité…) ce qui rend complexe toute action visant à la faire évoluer.

I.   LES HABITUDES ALIMENTAIRES DES FRANÇAIS : DES DÉSÉQUILIBRES ET DES DISPARITÉS

Si le régime alimentaire français, varié et structuré autour de trois repas, est considéré comme plutôt équilibré, cette appréciation très générale masque des excès en termes de consommation d’alcool, de sucre et de sel, des disparités selon l’origine sociale, géographique, selon les âges de la vie…

A.   UNE ALIMENTATION MARQUÉE PAR DES DÉSÉQUILIBRES

1.   Une consommation alimentaire riche et variée

Le rapport établi par France Stratégie présente des données contrastées sur les habitudes alimentaires dans notre pays.

Selon une étude de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) des Nations Unies, le régime alimentaire français est plutôt équilibré :

UN BILAN ÉQUILIBRÉ

Part dans le bilan alimentaire, en %

Source : FAO, infographie Le Figaro

Mais ces données générales, qui se traduisent par des indices moyens de masse corporelle inférieurs à de nombreux pays européens, cachent d’importantes disparités.

Les Français consomment en moyenne, chaque jour, 2,9 kg d’aliments et de boissons, soit environ 2 200 kcal, les enfants de moins de 10 ans, 1,6 kg d’aliments et de boissons et les 11‑17 ans, 2,2 kg. Les boissons représentent plus de la moitié de ces apports et l’eau, la moitié des boissons consommées.

Selon l’étude INCA 3 ([3]), les produits céréaliers, les produits laitiers, les viandes, poissons et œufs, et les fruits et légumes représentent environ 55 % de l’apport énergétique, quel que soit l’âge. Les viennoiseries, pâtisseries, gâteaux sucrés représentent 10 à 17 % des apports énergétiques selon l’âge, les sandwiches, pizzas, tartes, biscuits salés 5 % à 9 % et sont parmi les premiers contributeurs des apports en glucides, protéines et lipides. Les produits laitiers, viandes, poissons, œufs représentent quelque 60 % des apports protéiques.

Source : Étude INCA 3

2.   Une évolution du contenu de l’assiette des Français

a.   Plus de produits transformés, trop de sel et de sucre

Le régime alimentaire des Français a évolué vers une plus grande quantité énergétique combinée à une consommation croissante d’aliments transformés, cette évolution devant être mise en parallèle avec l’évolution de nos modes de vie de plus en plus sédentaires.

Selon l’étude INCA 3, la part des produits transformés dans l’assiette des Français est estimée à plus de 30 %, une part de sel (en moyenne 9 g/j pour les hommes et 7 g/j pour les femmes) supérieure aux repères du Programme national nutrition santé (PNNS) respectivement établis à 8 et 6,5 g/j.

Enfin, en 2018, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) constatait que 20 à 30 % des Français avaient des apports en sucre (hors lactose et galactose, sucres naturellement présents dans les produits laitiers) supérieurs aux 100 g/j (comprenant les sucres contenus dans les fruits et légumes) recommandés par l’agence.

b.   Une consommation de fruits et légumes en augmentation mais toujours pas assez de fibres

Selon une publication du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CRÉDOC) ([4]) les Français végétalisent progressivement leur alimentation notamment avec un apport croissant de fruits et légumes : ainsi, entre 2010 et 2019, la consommation de fruits et légumes des enfants comme des adultes s’est sensiblement accrue après des années de baisse.

consommation moyenne de fruits, légumes, soupes et jus de fruits

(en g/j)

Source : Enquêtes CCAF 2010 et 2019, CRÉDOC

Chez les enfants, ces données correspondent à une hausse de consommation de compotes tandis que diminue celle de jus de fruits et de nectars.

Pour autant, les apports quotidiens en fibres représentent en moyenne 20 g chez les adultes, très en deçà des recommandations nutritionnelles de 30 g.

3.   Une alimentation fortement dépendante des importations

Sans revenir sur notre dépendance à l’extérieur traitée par votre rapporteur dans le cadre de sa mission d’information sur l’autonomie alimentaire de la France et au sein de ses territoires ([5]), le rapport de France Stratégie rappelle qu’un fruit et légume sur deux consommés en France est importé, en incluant les fruits et légumes exotiques, et que deux tiers des poissons consommés par les Français sont importés.

De même, la consommation des ménages en aliments issus de l’agriculture biologique représente 178 euros par an et par habitant ; or, en 2019, la production française de produits bio ne couvrait que 67 % de la demande nationale en volume.

La France est aussi dépendante de l’extérieur dans le domaine des protéines végétales : les légumes secs (lentilles, pois chiches, etc.) représentent 300 000 tonnes d’importations, soit 70 % de la consommation ; le « Plan protéines végétales » de 100 millions d’euros prévu pour la période 2021‑2022 dans le Plan de relance ayant vocation à inverser la tendance.

Ces données doivent naturellement être prises en compte dans la perspective d’une évolution de notre alimentation.

B.   UNE ALIMENTATION MARQUÉE PAR DE FORTES DISPARITÉS

Les données générales sur les produits alimentaires consommés par les Français masquent d’importantes disparités en fonction de l’âge, du sexe, de l’origine sociale, du niveau d’études ou encore du territoire.

1.   Des habitudes alimentaires genrées et qui évoluent au cours de la vie

a.   Des différences de consommation marquées entre les hommes et les femmes

À tout âge, les hommes ont une consommation énergétique supérieure aux femmes à hauteur de 10 % chez les garçons de moins de 10 ans, de 17 % chez les adolescents (11 à 17 ans) et de 38 % chez les plus de 18 ans.

L’étude INCA 3 ([6]) menée en 2014‑2015 indique que les hommes favorisent les produits céréaliers raffinés (pâtes, riz), le fromage, les viandes et charcuteries, ou encore les crèmes dessert quand les femmes privilégient yaourts, fromages blancs, compotes, volailles, soupes, boissons chaudes et sont, en général, plus soucieuses de leur alimentation et de leur apparence physique. L’ouvrage « Sociologie de l’alimentation » ([7]) dont les rapporteurs ont entendu une des auteurs le souligne : les femmes sont davantage soumises à l’injonction de la minceur et font, le plus souvent des régimes, à leur initiative alors que les régimes engagés par les hommes viennent plus souvent d’une injonction médicale.

b.   Des habitudes alimentaires qui évoluent au cours de la vie

L’enquête précitée du CRÉDOC relève que les plus jeunes consomment quatre fois moins de fruits et légumes que les plus âgés. Cette évolution est à rapprocher de l’évolution des modes de vie, la simplification des repas et la diminution du temps consacré à leur préparation conduisant par exemple à supprimer les entrées et les desserts. Toutefois, la part des moins de 34 ans consommant moins de 3,5 portions (de 80 g) de fruits et légumes quotidiennes a baissé entre 2010 et 2019 en raison de leur consommation lors d’en-cas, d’apéritifs ou de petits déjeuners.

Les jeunes adultes nés entre la fin des années 1980 et le début des années 2000 sont plus conscients que leurs aînés au même âge, du lien entre alimentation et santé comme ils sont plus soucieux de l’environnement, ce qui les conduit à davantage végétaliser leur alimentation et à réduire les produits carnés.

La plus forte augmentation de légumes et la substitution des fruits frais par des fruits secs et des graines sont le marqueur des plus de 65 ans, lesquels consomment davantage d’aliments faits maison.

Les plus âgés sont, quant à eux, sujets au risque de dénutrition ; on relèvera que le 4ème Programme national nutrition santé (PNNS 4) prévoit de réduire de 30 % la proportion des plus de 80 ans en état de dénutrition, situation par ailleurs mal connue et qui exigerait une étude spécifique.

Enfin, la qualité de l’alimentation impacte également la mère et l’enfant dès le début de la vie : l’exposition de la future mère au stress ou au déséquilibre alimentaire peut impacter l’équilibre hormonal de l’enfant et son alimentation ; dès la naissance, son mode d’alimentation va influer sur le microbiote intestinal.

2.   Une alimentation qui varie selon l’origine sociale et géographique

a.   Des inégalités sociales marquées

Plusieurs études et l’ouvrage précité, relèvent que les régimes varient selon le milieu social ; de même, les individus de catégories socio‑professionnelles supérieures ont tendance à percevoir les régimes comme préventifs alors que les personnes les moins insérées dans la vie active ne se préoccupent de la question du poids et des pratiques alimentaires que lorsque des problèmes de santé apparaissent.

Selon les travaux de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ([8]), la part de la consommation alimentaire dans le budget des ménages varie – logiquement – selon le niveau de revenu ; les 20 % des ménages les plus modestes consacrent ainsi environ 22 % de leurs dépenses au logement, l’alimentation arrivant au second rang avec 18 % des dépenses.

 

STRUCTURE DE CONSOMMATION SELON LE NIVEAU DE VIE EN 2017

* Hors impôts, gros travaux, remboursements de prêts et prélèvements effectués par l’employeur, transferts financiers entre ménages.

Source : Budget des familles – INSEE, 2017

Ces marqueurs concernent également le niveau d’étude : les individus ayant un niveau d’étude supérieur ou égal à Bac + 4 consomment ainsi davantage de fruits et deux fois moins de boissons rafraîchissantes sans alcool.

Toutefois, des évolutions ont tendance à atténuer certaines différences comme en témoigne la progression du nombre de très petits consommateurs de fruits et légumes (moins de 2 portions quotidiennes) chez les enfants de parents diplômés.

POURCENTAGE DE TRÈS PETITS CONSOMMATEURS DE FRUITS ET LÉGUMES
(MOINS DE 2 PORTIONS PAR JOUR) CHEZ LES ENFANTS (317 ANS)

Selon le niveau d’études du chef de ménage (en %)

Source : Enquêtes CCAF 2010 et 2019, CRÉDOC

Une des spécialistes entendues par les rapporteurs a, pour sa part, souligné que le marketing alimentaire via les réseaux sociaux avait aussi tendance à écraser les différences sociales.

Sur cet aspect de la problématique alimentaire comme dans d’autres, il apparaît donc que les ressorts des comportements sont multiples et interagissent différemment selon les groupes de populations.

b.   D’importantes différences entre les territoires

Ces différences concernent tant les catégories de territoire que leur localisation géographique.

Ainsi, les habitants des grandes agglomérations consomment plus de poissons, confiseries, chocolat et jus de fruits que dans les zones rurales (plus de charcuteries, de légumes et de fromages) ([9]) par exemple.

Selon l’enquête déjà citée du CRÉDOC, les différences de consommation de fruits et légumes entre le nord et le sud de la France se sont amplifiées en dix ans. La proportion des enfants consommant moins de deux portions par jour a diminué dans toutes les régions du sud, alors que dans la moitié nord, cette proportion a diminué uniquement en région parisienne et dans l’ouest du bassin parisien. Le nombre d’adultes qui consomment moins de 3,5 portions de fruits et légumes par jour a augmenté dans le nord de la France et en région parisienne.

Selon les auteurs, ces différences régionales peuvent s’expliquer par la répartition des zones de production des fruits, plus nombreuses dans le sud de la France que dans le nord. Elles s’expliquent aussi par un héritage culturel et économique propre à chacune des régions.

POURCENTAGE DE FAIBLES CONSOMMATEURS DE FRUITS ET LÉGUMES
SELON LES RÉGIONS

Enfants

Très petits consommateurs : moins de 2 portions par jour

Bassin parisien ouest regroupe les départements : HauteNormandie, BasseNormandie et Centre.

Bassin parisien est regroupe les départements : ChampagneArdenne, Picardie et Bourgogne.

Source : Enquêtes CCAF 2010 et 2019, CRÉDOC

pourcentage de faibles consommateurs de fruits et légumes
selon les régions

Adultes

Petits consommateurs : moins de 3,5 portions par jour

Bassin parisien ouest regroupe les départements : HauteNormandie, BasseNormandie et Centre.

Bassin parisien est regroupe les départements : ChampagneArdenne, Picardie et Bourgogne.

Source : Enquêtes CCAF 2010 et 2019, CRÉDOC

La situation des territoires ultramarins est également marquée par des spécificités préoccupantes avec une surconsommation constatée de produits gras et sucrés ainsi qu’une consommation en fruits et légumes et produits laitiers très inférieure aux recommandations (faible apport en fibres et calcium). Les produits transformés proposés aux habitants ont longtemps été plus sucrés qu’en métropole ; l’arrêté du 9 mai 2016 portant application de la loi n° 2013‑453 du 3 juin 2013 visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en outre‑mer a mis fin à cette situation.

c.   Un recours croissant à l’aide alimentaire et le facteur prix

 Un recours croissant à l’aide alimentaire

Plusieurs travaux ont relevé un recours croissant à l’aide alimentaire qui a doublé en dix ans ; une situation qui s’est aggravée avec la crise sanitaire, sujet sur lequel nos collègues Nathalie Sarles et Sylvie Tolmont se sont penchées dans le cadre d’une mission connexe du CEC ([10]) et que, par conséquent, nous ne traiterons pas dans le présent rapport même si, naturellement, elle participe de la question de l’accès à une alimentation saine et durable pour tous.

Le rapport de France Stratégie le rappelle : l’aide alimentaire atteignait près de 1,5 milliard d’euros en 2017 dont quelque 465 millions de financement public. Le quart de la nourriture distribuée dans ce cadre est acheté par le Fonds européen d’aide aux plus démunis (Fead), financé à hauteur de 85 % par l’Union européenne (UE) et doté de 587 millions d’euros pour la période 2014‑2020. En réponse à la crise actuelle, la dotation française a été portée à 869 millions d’euros pour 2021‑2027.

Les denrées sont distribuées par quatre associations habilitées : la Croix rouge française, la Fédération française des banques alimentaires, les Restos du cœur et le Secours populaire.

Selon une étude de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ([11]), 335 000 tonnes de nourriture ont été distribuées à 5,5 millions de personnes en 2018 ; l’enquête européenne SILC de 2019 faisait, pour sa part, apparaître que 7,6 % de la population française ne pouvait pas s’offrir un repas comportant de la viande, du poulet ou du poisson (ou un équivalent végétarien) un jour sur deux, contre 6,9 % dans l’Union européenne.

 Une aide nécessaire pour aider les plus modestes à s’alimenter sainement

Plusieurs interlocuteurs des rapporteurs l’ont souligné, au‑delà de la préoccupation des citoyens de manger plus sainement, le prix reste un levier important et les produits de qualité représentent souvent un coût plus élevé.

Dans son Observatoire des prix de grande consommation publié le 21 janvier dernier, l’association Familles rurales constate une hausse de 9 % des prix des fruits et légumes depuis 2019. Dans ce contexte, respecter les prescriptions du Plan national nutrition santé coûte entre 450 euros (panier premiers prix avec une moindre variété de produits) et 1 148 euros (panier composé de produits bio avec une plus grande variété de produits) par mois pour une famille de 4 personnes ; panier qui, outre‑mer, coûte près de 50 % plus cher qu’en métropole.

L’association demande donc la mise en place d’un chèque « fruits et légumes » afin de ne pas détourner les familles aux budgets modestes des aliments nécessaires à une alimentation saine.

Recommandée par la convention citoyenne pour le climat, la création d’un chèque alimentaire pour permettre aux plus modestes d’accéder à une alimentation durable est prévue par la loi du 22 août 2021 relative à la lutte contre le dérèglement climatique.

L’importance de l’accompagnement des bénéficiaires

Vos rapporteurs ont entendu sur ce sujet, la présidente de l’association Solidarité des producteurs agricoles et des filières alimentaires (SOLAAL) dont l’objet est de faciliter les dons alimentaires en proposant aux donateurs de se charger de la répartition de leurs produits vers les associations dédiées.

En 2020, l’association a presque doublé les dons alimentaires (plus de 4 100 tonnes dont plus de 80 % étaient constitués de fruits et légumes auxquels les personnes précaires ont peu accès) et issus de près de 200 producteurs donateurs soucieux de répondre à la montée sans précédent de la précarité alimentaire mais aussi de trouver des débouchés à leurs invendus, à la suite de la fermeture des restaurants et des cantines.

La présidente de l’association a également insisté sur l’importance de l’humain dans ce type de démarche qui, en premier lieu, permet une mise en relation de deux mondes qui souffrent (les agriculteurs et les associations d’aide alimentaire) et qui, ainsi, donnent concrètement du sens à leur action respective.

Elle a souligné l’importance de l’accompagnement des personnes les plus précaires : par exemple, donner du fenouil et du céleri branche suppose aussi d’échanger avec les bénéficiaires sur la manière de cuisiner les denrées alimentaires.

De fait, l’absence de disponibilité des bénévoles pendant la crise sanitaire avait eu un effet très négatif sur les dons alimentaires dont une part a été gaspillée, faute de pouvoir transmettre des indications sur les façons de cuisiner les denrées distribuées.

L’importance de l’accompagnement des personnes en difficulté a également été souligné par Mmes Frédérique Moy, diététicienne‑nutritionniste, et Brigitte Ballendras, psychologue clinicienne à la Direction de l’action sociale de l’enfance et de la santé de Paris (DASES), les personnes souffrant d’obésité et en situation précaire étant confrontées à un environnement et à des contraintes rendant particulièrement complexe la mise en œuvre de préconisations alimentaires adaptées.

C.   DANS L’ASSIETTE DES FRANÇAIS : DES ÉVOLUTIONS DE FOND ET L’APPARITION DE NOUVELLES TENDANCES

Santé publique France (SPF) le rappelle : nutrition et activité physique sont deux déterminants majeurs d’amélioration de l’état de santé de la population et des enjeux essentiels des politiques de santé publique.

Afin de limiter les risques de maladies chroniques, SPF recommande donc :

– d’augmenter les fruits et légumes, les légumes secs, les fruits à coque non salés, le fait maison, l’activité physique ;

– d’évoluer vers une consommation de pain complet ou aux céréales, de pâtes, de riz et de semoule complets ;

– de réduire l’alcool, les produits sucrés et les boissons sucrées, les produits salés, la charcuterie, la viande (porc, bœuf, veau, mouton, agneau, abats), les produits avec un Nutri‑Score D et E ;

–  de réduire le temps passé assis.

Ces recommandations doivent être appréhendées à la lumière des évolutions de pratiques alimentaires – réelles ou souhaitées – de nos concitoyens.

1.   Végétarisme, véganisme : une réalité très différente de son écho médiatique

Au‑delà des incertitudes liées à son contenu, le végétarisme (qui correspond à l’absence de chair animale mais parfois avec d’autres restrictions) tient une place inversement proportionnelle à son écho médiatique : selon l’enquête INCA 3 de 2015, 1,8 % des adultes déclare suivre un régime végétarien et cette pratique concerne essentiellement les classes supérieures urbaines.

En 2020, FranceAgriMer a confié à l’institut Ifop la réalisation d’une étude ([12]) sur les pratiques alimentaires végétariennes. Celle‑ci a établi que seuls 2,2 % des Français interrogés déclarent avoir adopté un régime sans viande tandis que 24 % limitent volontairement leur consommation de viande et se classent parmi les flexitariens.

Ces deux catégories sont majoritairement des femmes, citadines, appartenant aux catégories socio‑professionnelles supérieures et diplômées au‑delà du secondaire. On y compte aussi beaucoup de célibataires et de jeunes.

Les adeptes des régimes sans viande disent se soucier avant tout du bien‑être animal, les flexitariens (qui limitent leur consommation de viande) évoquant, en premier lieu, une motivation de santé. Sont également évoqués par ceux qui limitent la consommation de viande : son prix et l’impact environnemental de la production de viande.

Pour autant, malgré une réalité très en deçà de l’écho donné à ces nouvelles pratiques alimentaires, une tendance de fond s’amorce comme en témoigne un très récent sondage Ifop ([13]) selon lequel les deux tiers des Français se disent prêts à consommer moins de viande et de poisson et, lorsqu’ils le font, à privilégier les produits labellisés ; ils sont aussi près de la moitié à considérer que leur consommation de végétaux a augmenté au cours des deux dernières années.

QUESTION :

Personnellement, êtes‑vous prêt à diminuer votre consommation de protéines animales
en choisissant de manger moins de viande et de poisson et en privilégiant pour la viande et le poisson
des produits de meilleure qualité environnementale et gustative (produits labellisés) ?

QUESTION :

Globalement, au cours de ces deux dernières années, diriez‑vous que votre consommation de produits végétaux (fruits et légumes, céréales…)… ?

Même peu répandus, les régimes alimentaires qui suppriment toutes sortes de protéines animales ne doivent pas aboutir à une alimentation carencée qui, comme une alimentation trop riche, présente des risques pour la santé. La pratique alimentaire végétarienne et végan gagnerait à être étudiée avec attention pour en évaluer, sur le long terme, la réalité concrète et les conséquences.

2.   L’inégale évolution de l’alimentation en produits bio et locaux pendant la crise sanitaire

Si la part des produits bio consommés par les Français a augmenté au cours des années récentes pour représenter 13 milliards d’euros d’achats en 2020, soit le double qu’en 2015, la crise sanitaire a surtout boosté l’attrait des productions locales.

a.   Des approvisionnements et modes d’alimentation modifiés par la crise sanitaire

La crise sanitaire et les confinements qui en ont résulté ont fortement modifié les habitudes de consommation des Français, notamment en réduisant les possibilités de prendre ses repas à l’extérieur. Les légumes et les fruits étant peu consommés hors domicile (seulement 10 % contre 23 % pour le riz par exemple), ils ont été privilégiés pendant la crise et les Français ont, plus souvent, fait la cuisine. Les ventes pour l’alimentation à domicile de légumes en conserve, surgelés ou frais, ont fortement augmenté sur l’année 2020 tandis qu’ont augmenté les achats de produits locaux et auprès des petits commerces et du drive.

Cette situation a, selon une des spécialistes entendus par les rapporteurs, augmenté les inégalités entre ceux qui ont pu confectionner chez eux des produits de qualité et ceux occupant des emplois peu qualifiés sans télétravail possible et dont la qualité de l’alimentation est restée médiocre.

b.   Une offre de produits locaux qui bouscule le bio

Alors que la demande de produits locaux ou régionaux est en plein essor, les ventes de produits alimentaires bio ont régressé de 1,7 % au cours des dix premiers mois de l’année ([14]). En 2021, une diminution des ventes de 3 % en valeur a été constatée avec des baisses importantes pour la farine, le beurre, le lait ou les œufs ([15]). Cette situation a aussi été relevée par plusieurs interlocuteurs des rapporteurs.

Pour autant, les produits locaux ou bio ne sont globalement pas prisés par le même public : selon une enquête du CRÉDOC, les produits locaux attirent des consommateurs entre 45 et 60 ans, davantage préoccupés par des questions de protectionnisme de produits français ; le bio intéresse, quant à lui, des populations plus jeunes et moins sensibles aux enjeux économiques.

L’enjeu concerne aussi le prix : au‑delà de la qualité recherchée par les consommateurs de produits locaux, ces derniers sont plus abordables que les produits bio. Plusieurs grandes enseignes proposent désormais une offre de produits locaux et densifient leur réseau de fournisseurs.

Des commerces spécialisés dans le circuit court se sont donc développés également, proposant des fruits et légumes de saison, souvent bio et récoltés le jour même.

Un récent sondage ([16]) confortait cet engouement pour la production locale :

QUESTION :

Si dans votre région une marque alimentaire et agricole régionale était créée pour toute une série de produits alimentaires, est-ce que vous privilégieriez cette marque dans vos achats ?

Dans le même temps, un ralentissement de la demande de bio a été constaté créant le doute chez certains producteurs. Des surplus de lait bio ont ainsi dû être déclassés et vendus au prix du lait conventionnel tandis que les ventes d’œufs « 0 » issus de structures plus vertueuses ont légèrement fléchi sur les deux tiers de l’année 2021. Les données relatives aux débouchés des productions doivent être prises en compte sous peine, selon l’expression d’interlocuteurs des rapporteurs, « d’envoyer les agriculteurs dans le mur ».

Le sondage précité confirme cette tendance…

QUESTION :

Vous personnellement, vous arrive‑t‑il d’acheter des aliments « Bio » ?

… ainsi que les freins au développement du bio à savoir le prix et, dans une moindre mesure, la variété des produits proposés :

QUESTION :

Pour chacune des propositions suivantes, dites‑moi si vous êtes tout à fait d’accord, plutôt d’accord, plutôt pas d’accord ou pas d’accord du tout ?

D.   L’ALIMENTATION, UN PROCESSUS AU CŒUR DE PROBLÉMATIQUES MULTIPLES ET PAR CONSÉQUENT COMPLEXE À FAIRE ÉVOLUER

Dans leur ouvrage de 2019 « Sociologie de l’alimentation », les sociologues Philippe Cardon, Thomas Depecker et Marie Plessz (entendue par vos rapporteurs), mettent en lumière les très nombreux ressorts des comportements alimentaires et donc les différents éléments à prendre en compte pour faire changer les habitudes.

L’alimentation est ainsi un marqueur social qui mêle enjeux identitaires, symboliques, économiques. Elle renvoie aussi à l’organisation domestique et à l’évolution de la place des femmes qui, dans la plupart des pays industrialisés, prennent en charge la majorité des activités autour de l’alimentation.

temps consacré à la préparation des repas par les hommes et les femmes dans les enquêtes françaises « emploi du temps » de 1975 à 2010

Source : Sociologie de l’alimentation, Philippe Cardon, Thomas Depecker, Marie Plessz, Armand Colin, collection U

Selon les auteurs, les femmes, plus attentives aux enjeux de santé, privilégient une alimentation du ménage plus en adéquation avec les normes nutritionnelles ; pour autant, la tâche des femmes qui préparent les repas familiaux est rendue complexe car devant tenir compte des préoccupations de santé mais aussi de concorde familiale. L’implication des pères dans la préparation culinaire oriente davantage les enfants vers une alimentation plus ludique. Les enfants sont, par ailleurs, des acteurs essentiels dans les choix des menus.

Au sein des jeunes couples, l’organisation alimentaire repose sur un principe d’égalité… même si la réalité peut être différente. Les envies de chacun peuvent aboutir à la confection de plats séparés. L’origine migratoire a également un impact sur l’organisation alimentaire.

Chez les personnes plus âgées dont l’une est dépendante, la prise en charge des activités alimentaires (par le conjoint ou par un tiers) modifie l’alimentation du ménage. Dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), l’alimentation doit prendre en compte de nombreuses problématiques de santé (pas trop de sel, de sucre, pas de risques d’étouffement, pouvoir manger seul...) ce qui nuit notamment au plaisir de s’alimenter ; tandis que – relevait une interlocutrice des rapporteurs –, les moyens simples d’améliorer un plat par exemple en y ajoutant un peu de crème, sont peu connus des personnels dédiés.

Au‑delà des conditions de distribution, du marketing, des contraintes économiques et sociales des individus, de nombreux acteurs interviennent dans le processus alimentaire : l’école, le cadre professionnel, les acteurs de la prise en charge des personnes âgées (auxiliaires de vie, EHPAD…). C’est donc tout un environnement complexe qu’il convient de prendre en compte pour faire évoluer les habitudes alimentaires.

Des travaux de recherche sur la sociologie de l’alimentation ont par exemple souligné qu’en situation de précarité, l’absence de budget pour réaliser des sorties de loisir, conduit les parents à acheter des produits alimentaires de marque, seul luxe possible et permettant de se sentir « bon parent » ; or, ce comportement de compensation ne va pas dans le sens des recommandations de santé publique.

Plusieurs interlocuteurs de vos rapporteurs l’ont aussi souligné, la qualité de l’alimentation est directement liée au temps disponible pour répondre à ce besoin fondamental. Proposer des modes de préparation des aliments économes en temps constitue incontestablement un levier important pour modifier les pratiques alimentaires. Parallèlement, il a été suggéré de redonner une importance à l’acte de se nourrir.

Mme Marie Plessz a insisté sur la nécessité de réfléchir à des actions qui ne nécessitent pas trop d’efforts et qui peuvent – à l’image du tri sélectif – être mises en œuvre sans réfléchir ; il faut donc qu’une évolution de comportement soit facile à mettre en œuvre.

Faire évoluer des comportements suppose par exemple, pour les populations les plus précaires, de renforcer l’estime de soi, de rompre l’isolement social. À ce titre, toutes les initiatives qui associent une chaîne d’acteurs locaux, intégrant la culture des produits alimentaires au plus proche de lieux de consommation, facilitent le partage des recettes… se révèlent bénéfiques pour favoriser une alimentation plus saine et durable.

En définitive, selon l’ouvrage précité, trois traits caractérisent les pratiques alimentaires :

– elles ne sont pas simplement individuelles – l’alimentation devient une affaire de coordination et de socialisation. L’espace marchand, les prescriptions publiques et les cultures alimentaires impactent la consommation alimentaire ;

– l’alimentation est imbriquée dans de nombreuses autres pratiques sociales (travail, éducation, santé, régulation des pratiques industrielles et commerciales). La consommation alimentaire reste aux prises avec d’autres logiques, comme le temps, le budget, la santé, le désir de faire plaisir… ;

– si les pratiques alimentaires changent sans cesse, il est difficile de les faire évoluer durablement. À l’inverse, si la structure du ménage change, elle peut entraîner une évolution de l’alimentation.

L’alimentation contribue à dessiner une frontière entre groupes sociaux ; elle renvoie à des différenciations culturelles, sociales, de genre et se situe au croisement d’enjeux sociétaux multiples. Le fait alimentaire est donc au cœur d’un ensemble de problématiques qui interagissent et le faire évoluer durablement nécessite d’actionner de nombreux leviers.

II.   UNE CONSOMMATION EXCESSIVE D’ALCOOL ET SES CONSÉQUENCES : UN PROBLÈME ALIMENTAIRE À PART ENTIÈRE

Le rapport de France Stratégie qualifie la consommation d’alcool d’angle mort de la politique de l’alimentation alors même que les années en bonne santé perdues du fait de la consommation d’alcool dépassent celles liées au régime alimentaire. Ainsi, le mot « alcool » ne figure pas dans le 3ème Plan national pour l’alimentation (PNA 3), ni dans le bilan à mi‑parcours du 4ème Programme national nutrition santé (PNNS 4).

Certes, la lutte contre la consommation excessive d’alcool est traitée dans le cadre de plans de lutte contre les drogues et les pratiques addictives pilotés par le ministère de la santé mais elle est peu traitée sous l’angle nutritionnel alors même que sa consommation entraîne d’importants apports en sucre (en termes calorique boire un verre de vin de 10 cl revient à absorber trois morceaux de sucre).

A.   UNE CONSOMMATION D’ALCOOL PARMI LES PLUS ÉLEVÉES D’EUROPE ET QUI IMPACTE PARTICULIÈREMENT LES JEUNES

Même si la tendance de la consommation de boissons alcoolisées s’inscrit à la baisse sur le long terme, la France fait partie des pays européens où la consommation d’alcool est la plus élevée alors même qu’avec plus de 11 litres d’alcool pur par an et par habitant de plus de 15 ans en 2016, l’UE élargie est, elle‑même, la région du monde où la consommation d’alcool est la plus élevée ([17]).

Dans ce domaine, les études se suivent et se ressemblent parmi lesquelles de très récents travaux de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) ([18]).

S’appuyant sur les données du Baromètre santé 2017, ce dossier indique que 10 % des Français boivent tous les jours (15,2 % des hommes et 5,1 % des femmes) et que 10 % des 18‑75 ans représentent à eux seuls 58 % de l’alcool consommé.

Selon les services du ministère de la santé, en 2020, environ un quart des adultes – soit 10 millions – dépassaient les repères de consommation d’alcool préconisés pour limiter les risques à savoir : ne pas consommer plus de dix verres d’alcool par semaine, pas plus de deux verres quotidiens avec des jours hebdomadaires sans consommation d’alcool. Pour les jeunes, toute consommation peut être nocive.

Or, si le vin reste de loin la boisson la plus consommée en particulier par les plus âgés, la consommation d’alcool débute le plus souvent à l’adolescence avec la bière et les prémix (boissons alcoolisées, sucrées et aromatisées).

En 2017, plus de 85 % des adolescents de 17 ans déclaraient avoir déjà bu de l’alcool et près d’un sur 10 en buvait au moins 10 fois par mois. L’âge moyen de la première ivresse était alors d’à peine plus de 15 ans et un jeune de 18‑24 ans sur cinq déclarait au moins dix ivresses au cours des 12 derniers mois.

Ces chiffres sont à rapprocher de la « mode » du binge drinking qui consiste à atteindre l’ivresse le plus rapidement possible en buvant au moins six verres en moins de deux heures pour une fille et ou au moins sept verres pour un garçon. Dans les faits, les consommations sont généralement beaucoup plus importantes. La moitié des jeunes de 17 ans a été concernée par cette pratique au cours des trente jours précédant l’enquête et ce phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur, notamment chez les filles ([19]).

Une étude de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) relève en outre une « omniprésence » de l’alcool dans l’entourage des jeunes (familial, scolaire, amical et social), dans leur quartier et aux abords des établissements scolaires ou par les images auxquelles ils sont exposés au quotidien.

L’étude remarque, pour sa part, qu’« audelà de son caractère festif, le rapport à l’alcool est marqué par une injonction à consommer qui apparaît comme une norme à laquelle il est difficile de se soustraire », constat corroboré par la Fédération française des Diabétiques (FFD), entendue par les rapporteurs qui déplore une vraie culture de la consommation d’alcool chez les jeunes, dont il n’est pas rare que les fêtes soient sponsorisées par des alcooliers, ceux qui ne boivent pas étant stigmatisés. De plus en plus de jeux sont associés à la consommation d’alcool notamment via des applications…

B.   LES CONSÉQUENCES DE LA CONSOMMATION D’ALCOOL SUR LA SANTÉ

La consommation d’alcool est responsable, directement ou indirectement, d’une soixantaine de maladies et atteintes diverses et de 41 000 décès (30 000 chez les hommes et 11 000 chez les femmes) : telles sont les données récemment publiées par l’INSERM qui souligne que toute consommation d’alcool présente un risque pour la santé, en particulier pour les jeunes en raison de la vulnérabilité accrue du cerveau en développement. En perturbant le développement normal du cerveau, la consommation d’alcool peut augmenter le risque de dépendance chez les jeunes tandis que l’exposition prénatale à l’alcool peut avoir des effets dramatiques et permanents ; l’alcoolisation fœtale est la première cause de handicap non génétique en France.

L’INSERM le relève : contrairement aux idées reçues, une faible consommation d’alcool n’est pas bénéfique pour la santé et les faibles niveaux de consommation contribuent largement aux nouveaux cas de cancers détectés en France en 2015. La réduction de la consommation d’alcool même lorsque les niveaux sont déjà faibles à modérés permettrait d’éviter un nombre non négligeable de décès et de diminuer l’incidence de certaines pathologies.

À titre d’exemple, la consommation d’alcool est en effet responsable, directement ou comme facteur de risque, de plusieurs maladies hépatiques, de quelque 8 % des nouveaux cas de cancer tandis que le risque de développer la maladie d’Alzheimer est doublé chez les gros consommateurs d’alcool.

Le rapport de France Stratégie relève en outre que, dans l’UE, la part des décès imputables à l’alcool ne dépasserait le niveau français qu’en Allemagne et en Estonie.

Mortalité pour 100 000 habitants principalement imputables à l’alcool

Source : Rapport précité de France Stratégie pour le CEC

Selon un très récent rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ([20]), mettre fin à la consommation nocive d’alcool (établie en France à plus de 10 verres par semaine) permettrait de gagner environ un an d’espérance de vie au cours des 30 années à venir, pourrait réduire les dépenses de santé annuelles d’environ 2,8 milliards d’euros et permettrait de réaliser un gain économique de 267 euros par habitant et par an sous l’effet de la hausse de la participation au marché du travail et de la productivité, ce qui équivaut à 10,6 milliards d’euros par an.

Entendue par les rapporteurs, la Direction générale de la santé (DGS) du ministère des solidarités et de la santé a rappelé les initiatives de politique publique destinées à limiter la consommation d’alcool.

Ainsi, en 2018, dans le cadre du premier plan « Priorité prévention » et des priorités du plan national de mobilisation contre les addictions pilotées par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et conduites addictives (MILDECA), plusieurs actions ont été conduites :

– la diffusion de repères de consommation à moindre risque, permettant de porter un discours équilibré, et de concilier le risque de santé publique au risque acceptable pour un individu ;

– la sensibilisation aux risques de la consommation d’alcool pour les femmes enceintes, la systématisation des partenariats entre établissements scolaires du secondaire et consultations pour les jeunes consommateurs d’un même territoire ainsi que des interventions en faveur de la prévention des usages nocifs d’alcool.

À l’appui du dernier rapport d’expertise de l’INSERM actualisant les connaissances sur les effets de l’alcool et proposant des stratégies de prévention et d’accompagnement efficace, des mesures seront prises pour compléter les précédentes et faire face aux évolutions récentes des modes de consommation.

En novembre dernier, plusieurs supports de campagne ont été déployés, au‑delà des spots déjà connus. L’objectif était d’augmenter le recours à l’« alcoomètre », dispositif en ligne d’évaluation de sa consommation qui permet une prise de conscience individuelle des risques.

Une campagne spécifique intitulée « Amis aussi la nuit » est déployée depuis trois ans par SPF, visant à réduire les risques et dommages liés aux consommations d’alcool et de cannabis chez les jeunes.

La Fédération française des Diabétiques relève toutefois que ce type de messages axés sur la prévention des accidents occulte l’aspect nutritionnel pourtant fondamental de la consommation d’alcool et les conséquences aussi graves que mal connues, de pathologies comme le diabète, favorisées par la consommation d’alcool.

Enfin, la très récente expertise collective de l’INSERM ([21]) constate qu’il ressort de la littérature scientifique sur les impacts des augmentations des prix des boissons alcoolisées, que, collectivement, les individus se révèlent très sensibles aux variations des prix des spiritueux, sensibles aux variations du prix du vin et un peu moins à celles des prix des bières, mais, malgré ces différences, les individus consomment moins lorsque les prix augmentent. L’élasticité‑prix de la demande d’alcool diffère néanmoins selon les individus ; ainsi, les consommateurs intensifs contournent les augmentations de taxes par exemple en diminuant la qualité des alcools achetés.

Mais, ajoute l’expertise de l’INSERM, « Que certaines catégories de population soient nettement moins sensibles que d’autres aux augmentations de prix ne disqualifie certainement pas l’outil fiscal en tant que politique de santé publique. » Il relève ainsi que les études internationales montrent que « les politiques fondées sur un prix plancher et en particulier l’imposition d’un prix minimum par unité d’alcool sont enclines à réduire la consommation et la morbimortalité associée à l’alcool, aussi bien en population générale que chez les populations jeunes et celles dont l’usage d’alcool est intensif ».

Quelles que soient les solutions retenues, il est nécessaire de réduire la consommation d’alcool de nos concitoyens a fortiori dans un contexte où la pandémie de Covid‑19 a conduit 17 % des sondés – 28 % chez les 18‑24 ans et 30 % chez les personnes buvant davantage que les recommandations – à augmenter leur consommation d’alcool ([22]).

III.   SURPOIDS, OBÉSITÉ, MALADIES CHRONIQUES : DES ÉVOLUTIONS PRÉOCCUPANTES FAVORISÉES PAR DE MAUVAISES HABITUDES ALIMENTAIRES

Ce fait est établi de longue date : l’alimentation déséquilibrée et le manque d’activité physique favorisent le développement de maladies chroniques. Ainsi, les principaux facteurs de risques des trois grandes pathologies chroniques que sont les cancers, maladies neurocardiovasculaires (NCV) et diabète sont le tabac, l’alcool et l’obésité. La question alimentaire – au sein de laquelle il convient d’intégrer l’alcool – occupe donc une place importante. Pour mémoire, la prévention en santé sous l’angle de l’activité physique a fait l’objet d’un rapport du CEC présenté en juillet dernier par votre rapporteure ([23]).

A.   SURPOIDS ET OBÉSITÉ : UNE ÉPIDÉMIE MONDIALE QUI FRAPPE INÉGALEMENT NOS TERRITOIRES

Si la situation française est plus favorable que la moyenne des pays de l’OCDE, le surpoids et l’obésité, en particulier chez de trop nombreux jeunes qui, en grandissant, risquent de voir leur situation s’aggraver, sont des phénomènes connus que les confinements ont replacés sur le devant de la scène.

Le récent rapport de la Cour des comptes sur la prévention en santé ([24]) le souligne : « La nécessité de prévenir l’obésité pour mieux en limiter les effets est d’autant plus justifiée que l’obésité est associée à de nombreuses pathologies, dont les principales sont le diabète de type 2 (dans 80 % des cas associés à une obésité), l’hypertension artérielle, l’excès de lipides dans le sang, les atteintes cardiovasculaires, le syndrome d’apnée du sommeil et d’autres maladies respiratoires, ainsi que des maladies articulaires. Elle constitue également un facteur de risque en cas de grossesse, et joue un rôle dans le développement des cancers. L’obésité provoque aussi des troubles dépressifs et augmente les risques liés à la chirurgie et à la grossesse. Enfin, les personnes atteintes par le surpoids ou l’obésité et les victimes de la Covid19 sont les plus fragiles : leur taux de mortalité est bien supérieur à celui de la moyenne de la population. »

En France, l’étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (Esteban) menée par Santé publique France auprès de cohortes d’adultes de 18 à 74 ans et d’enfants de 6 à 17 ans, mettait en lumière, dans son édition 2014‑2016, que 54 % des hommes et 44 % des femmes de 18 à 74 ans étaient en surpoids ou obèses (IMC ≥ 25), cette prévalence augmentant avec l’âge et étant liée au niveau d’étude.

Chez les enfants de 6 à 17 ans, la prévalence du surpoids est estimée à 17 % dont 4 % d’enfants obèses. Là aussi, le surpoids atteint davantage les enfants de parents moins diplômés.

La prévalence de l’obésité est également inégalement répartie sur le territoire :

Prévalence de l’obésité par région

B.   UNE ALIMENTATION DÉSÉQUILIBRÉE FACTEUR DE SURPOIDS, D’OBÉSITÉ ET QUI FAVORISE LE DÉVELOPPEMENT DE MALADIES CHRONIQUES

1.   Le surpoids et l’obésité terreaux de développement de maladies chroniques invalidantes

a.   Des maladies chroniques qui progressent

De nombreux travaux scientifiques ont établi les risques, pour la santé, du surpoids et de l’obésité, notamment par le développement de pathologies chroniques.

Dans sa très récente enquête sur la prévention en santé citée plus haut ([25]), la Cour des comptes souligne l’augmentation du nombre de personnes atteintes de trois principales pathologies :

ÉVOLUTION DES CAS DE DIABÈTE, CANCERS ET MALADIES NEURO-CARDIO–VASCULAIRES

Source :  La politique de prévention en santé, Cour des comptes, novembre 2021

 Le diabète affecte 5,9 % de la population française (3,9 millions en 2019) et a progressé de 9,2 % (soit 330 000 personnes) entre 2015 et 2019 ; mais ce chiffre ne prend en compte ni les diabétiques diagnostiqués mais non‑traités sur le plan pharmacologique (environ 270 000 personnes), ni les diabètes non diagnostiqués (évalués à plus de 760 000 personnes). En conséquence, relève la Cour des comptes, près de 5 millions de personnes seraient concernées par le diabète dont un quart sans le savoir.

 En 2019, 3,3 millions de personnes, soit 4,92 % de la population étaient traitées pour un cancer actif ou sous surveillance tandis qu’en 2018, 382 000 nouveaux cas de cancers ont été diagnostiqués : 204 600 chez l’homme (50 400 cancers de la prostate, 31 200 cancers du poumon et 23 000 cas de cancer colorectal), 177 400 chez les femmes, le cancer du sein représentant 58 500 des nouveaux cas, le cancer colorectal 20 100 cas et celui du poumon 15 100 cas. L’âge médian du diagnostic est de 67 ans chez l’homme et 68 ans chez la femme, indique le rapport précité. Le cancer représente la première cause de mortalité chez les hommes et la seconde chez les femmes soit 157 000 personnes (89 600 hommes, 67 800 femmes).

 Plus de 5 millions de personnes étaient atteintes d’une maladie neuro‑cardio‑vasculaire en 2019, soit près de 8 % de la population française. Au cours des 15 dernières années, une hausse du nombre d’infarctus du myocarde chez les moins de 65 ans a été relevée. Les accidents vasculaires cérébraux à l’origine de 25 % des décès annuels, sont désormais la 1ère cause de mortalité chez les femmes et la 3ème pour les hommes.

Dans une étude publiée en 2018, Santé publique France a étudié la part de 13 facteurs de risques dans la survenue des cancers et établi que plus de 40 % des nouveaux cas de cancer des plus de 30 ans étaient attribuables à des facteurs de risques modifiables, et donc susceptibles d’actions de prévention.

b.   Des populations et des territoires plus affectés que d’autres par certaines pathologies

Les facteurs de risque communs aux trois pathologies étudiées par la Cour des comptes dans le rapport précité (tabac, alcool, obésité) affectent davantage les plus défavorisés qui ont moins spontanément recours au système de santé, en particulier au titre d’actions de prévention, celui‑ci n’étant pas organisé pour « aller vers » ces populations, en outre plus nombreuses dans certains territoires (anciens bassins miniers ou industriels, communes ou quartiers défavorisés).

En 2017, une étude avait relevé une prévalence du diabète deux fois plus élevée chez les bénéficiaires de la Complémentaire santé solidaire (4 %) – ex‑CMU‑C – de moins de 60 ans que chez les non‑bénéficiaires (2,1 %).

Selon le rapport de France Stratégie, la prévalence outre‑mer des maladies chroniques que sont l’obésité, l’hypertension et le diabète est supérieure à la moyenne nationale : La Réunion compte ainsi plus de 10 % de diabétiques, soit le double de la moyenne nationale.

L’écart de prévalence entre la catégorie socioéconomique la plus basse et la plus haute est plus fort outre-mer que dans l’Hexagone (+ 20 points pour l’obésité, + 10 pour l’hypertension, + 20 pour le diabète en progression constante) tandis que les femmes sont les plus touchées, avec les disparités les plus fortes (à Mayotte, 79 % des femmes entre 30 et 69 ans sont en surcharge pondérale et 47 % d’entre elles sont obèses), la part importante des familles monoparentales pourrait expliquer la surreprésentation des femmes défavorisées dans ces territoires.

Au titre des cancers évitables, l’impact du facteur alimentaire, de la consommation d’alcool, du surpoids et de l’obésité est représenté par le tableau ci‑après.

POIDS DES FACTEURS DE RISQUES à l’origine des cas de cancers évitables

Source : Rapport de la Cour des comptes sur les politiques de prévention en santé, novembre 2021, p.90

2.   Le diabète : une maladie insidieuse, mal connue, tardivement détectée et très invalidante

Rappelons d’abord qu’il existe plusieurs types de diabètes. Selon Santé publique France, le diabète sucré est une affection métabolique, caractérisée par une hyperglycémie chronique (taux de sucre dans le sang trop élevé) liée à une déficience, soit de la sécrétion de l’insuline, soit de l’action de l’insuline, soit des deux. Il existe plusieurs types de diabète mais le diabète de type 2 représente plus de 90 % des cas. Outre les antécédents familiaux, les principaux facteurs de risque du diabète de type 2 sont le surpoids et l’obésité ainsi que le manque d’activité physique.

a.   Une pathologie grave qui continue de progresser

Dans une communication récente, l’INSERM ([26]) a rappelé les graves conséquences du diabète de type 2, première cause de cécité entre 20 et 75 ans, première cause d’amputation et d’insuffisance rénale chez l’adulte ; cette pathologie multiplie également par deux le risque de cancer et de maladie d’Alzheimer, et par trois le risque d’infarctus du myocarde. Selon une étude de Santé publique France de 2016, les complications liées au diabète sont particulièrement nombreuses et fréquentes : infarctus du myocarde transmural, accident vasculaire cérébral, plaie du pied, amputation de membre inférieur, rétinopathie diabétique, besoin de dialyse ou de greffe rénale.

Malgré leur gravité, les conséquences très invalidantes du diabète de type 2 restent peu connues du grand public et, en France, un tiers des cas ne sont pas connus.

Entendue par les rapporteurs, la Fédération française des Diabétiques a rappelé que le diabète était la première cause de cécité, d’insuffisance rénale et d’amputation… c’est donc une maladie à prendre en considération très tôt. Or le diabète de type 2 est très insidieux car souvent découvert tardivement, à l’occasion d’une complication ; les conséquences d’une mauvaise alimentation conduisent à voir apparaître des diabètes chez des sujets de plus en plus jeunes.

Selon les dernières données publiées par Santé publique France sur le sujet, le diabète, en 2020, a continué sa progression avec quasiment le même niveau de croissance que les années précédentes et plus de 3,5 millions de personnes sont traitées par médicament pour cette pathologie, soit 5,3 % de la population.

b.   Une prévalence inégale

Le diabète est plus fréquent chez les hommes que chez les femmes, à l’exception des territoires ultramarins où les femmes sont les plus touchées.

On relève de fortes disparités territoriales ; ainsi, la prévalence du diabète est plus élevée dans les départements de Seine‑Saint‑Denis, du Val‑d’Oise, dans le Pas‑de‑Calais, l’Aisne, le Nord et les Ardennes. En revanche, l’ouest du pays, notamment la Bretagne, est peu touché.

TAUX DE PRévalence du diabète traité pharmacologiquement

Source : Rapport prévention en santé, Cour des comptes, novembre 2021

Outre‑mer, la situation est préoccupante : selon le rapport précité de la Cour des comptes pour le CEC, « à structure d’âge égal, les taux sont 2 fois plus élevés à La Réunion, 1,8 fois en Guadeloupe et 1,7 fois en Guyane. Ces chiffres sont en outre vraisemblablement sousestimés car (…) de nombreux diabétiques ne sont pas diagnostiqués ».

c.   Une pathologie souvent évitable

Pour retarder l’apparition du diabète de type 2, il est souhaitable de développer une activité physique simple comme marcher ou monter des escaliers ; aujourd’hui, en moyenne, un Français est debout une heure par jour contre 8 heures en 1900.

Il est aussi recommandé de faire évoluer l’alimentation : réduire les apports en glucide (sucre, pain, pâtes…), privilégier poissons, légumes verts, fruits, réhabiliter les légumineuses, moins d’aliments industriels… ce qui correspond à une alimentation équilibrée.

Des spécialistes l’ont souligné : si tout le monde se mettait au « régime diabétique » c’est‑à‑dire à une alimentation équilibrée, le nombre d’infarctus diminuerait considérablement comme le nombre d’AVC, d’insuffisances rénales…

Pour le représentant de la Fédération française des Diabétiques entendue dans le cadre de cette mission, la prévention est assez simple et exige d’agir le plus tôt possible auprès des enfants qui sont parfaitement à même d’acquérir de bons réflexes comme nous l’avons vu pour le port des masques exigé par la crise sanitaire mais il faut aussi adopter des mesures volontaristes en termes d’information nutritionnelle et de publicité. Une des difficultés tient aussi au fait que la gravité des conséquences du diabète n’est pas connue dans la population générale, or les « petits diabètes » n’existent pas.

C.   LES LOURDES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES DES MALADIES CHRONIQUES ÉVITABLES

Selon le très récent rapport de la Cour des comptes sur la prévention en santé ([27]), les cancers, maladies neuro‑cardio‑vasculaires et diabètes mobilisent un quart des dépenses annuelles de l’assurance maladie soit près de 50 milliards d’euros et les dépenses de l’assurance maladie liées à ces trois pathologies ont, entre 2015 et 2019, progressé plus rapidement (+ 16 %) que l’évolution de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) (+ 10 %).

« À défaut d’une action déterminée sur les facteurs de risque favorisant le développement de ces pathologies » écrit la Cour, « il en résultera un risque d’éviction au détriment des autres prises en charge ou une dégradation de la trajectoire des dépenses d’assurance maladie. »

Dépenses d’assurance maladie
pour les trois grands groupes de pathologies

Source : Cour des comptes

Sur le coût social de la consommation d’alcool, l’expertise de l’INSERM indique : « Estimé à 118 milliards d’euros en 2010 en France, le coût social de l’alcool se compose principalement de coûts liés à la mortalité (66 milliards d’euros) et à la morbidité (39 milliards d’euros) attribuables. Lorsque les retraites non versées du fait de la mortalité et les recettes fiscales sur les produits de l’alcool sont prises en compte dans le solde des finances publiques, ce dernier présente un déficit de 3 milliards d’euros. L’alcool ne rapporte donc rien à l’État, il ampute les finances publiques. De plus, dans ce dernier exercice d’estimation du coût social, certains éléments, comme le syndrome d’alcoolisation fœtale et la prise en charge ambulatoire et hospitalière, ne sont pas ou mal pris en compte, signifiant en cela que le coût social de l’alcool pourrait être encore plus important qu’actuellement estimé ».

Pour sa part, le rapport de France stratégie chiffre le coût social de l’obésité et du surpoids à 20 milliards d’euros par an ([28]).


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   DEUXIÈME PARTIE – DONNER DU SENS ET DE LA COHÉRENCE À LA PRODUCTION ALIMENTAIRE

Selon le rapport de France Stratégie, la soutenabilité du système alimentaire français à longue échéance implique de réorienter l’agriculture vers des modes de production agro‑écologiques, nécessitant en particulier moins d’intrants et moins d’eau.

La recherche d’une alimentation plus saine pour la population exige une diminution de la quantité de protéines, en moyenne de 40 % trop importante par rapport aux besoins de l’individu, et une végétalisation, c’est‑à‑dire une augmentation des fruits et légumes et une substitution des protéines animales par les protéines végétales.

Ces deux objectifs entraînent différentes conséquences, comme la nécessité de cultiver davantage certains produits tels que les légumineuses, mais aussi l’intérêt de produire en France ces produits alimentaires favorables à la santé, actuellement importés en forte proportion.

Ces changements de paramètres supposent l’évolution des modes de production des différentes filières en accélérant le recours aux pratiques agro‑écologiques. Le milieu agricole est conscient et informé de ces enjeux et les pratiques comme les techniques y évoluent, les jeunes agriculteurs pouvant jouer un rôle moteur pour accomplir ces mutations, si la formation et l’accompagnement peuvent être mobilisés.

Les consommateurs, dont les habitudes de consommation évoluent déjà, devront aussi comprendre les enjeux environnementaux, de santé et économiques de leurs choix et faire évoluer progressivement leur régime alimentaire, avec l’aide des campagnes d’information et de l’éducation.

Le secteur agroalimentaire s’avère plus lent à engager les transformations nécessaires : ses pratiques changent très peu en ce qui concerne la mise à disposition, la publicité et les méthodes de promotion pour des produits au mauvais profil nutritionnel.

La politique publique de l’alimentation fait donc face à des enjeux ambitieux et difficiles : définir ce qu’il faut produire pour s’adapter au contexte climatique de demain, pour assurer l’alimentation saine de demain, et comment le produire en assurant une rémunération juste pour les agriculteurs, ainsi que des conditions de travail suffisamment attractives pour que des vocations d’agriculteur continuent de se manifester.

Les experts du fait alimentaire soulignent que si le développement à grande échelle de l’industrie agroalimentaire a répondu à deux sécurités alimentaires – l’alimentation accessible à tous, l’alimentation saine sous l’angle toxicologique – il s’agit à l’avenir de répondre aux quatre sécurités alimentaires en même temps, c’estàdire d’assurer en plus la sécurité environnementale et la sécurité nutritionnelle.

I.   UN ENVIRONNEMENT DONT LES CITOYENS SE PRÉOCCUPENT DE PLUS EN PLUS

Une enquête du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), publiée en juin 2020, dresse un « baromètre » de la position des consommateurs quant à une évolution des modes de production et de consommation.

En ce qui concerne les mesures pour rendre la production agricole et alimentaire plus durable :

 38,9 % des personnes interrogées pensent qu’il faut des normes plus strictes pour obliger agriculteurs et fabricants à produire de manière plus durable ;

 53 % estiment que des incitations (subventions) encouragent les agriculteurs à produire de manière plus durable ;

 1 sur 2 attend de l’UE qu’elle maintienne ses ambitions en matière d’alimentation durable même si nos partenaires commerciaux sont moins‑disants.

Les consommateurs, pour deux tiers d’entre eux, sont prêts à adopter des habitudes alimentaires plus durables. Les barrières les empêchant de transformer leurs bonnes intentions en acte d’achat sont le prix, la méconnaissance de ce qu’est une alimentation durable, le manque d’information claire sur les produits et l’offre en produits durables insuffisante.

A.   L’IMPACT DE L’ENVIRONNEMENT SUR LES PROBLÉMATIQUES ALIMENTAIRES

D’une part, l’agriculture française, comme celle des autres pays, génère des impacts environnementaux. D’autre part, les effets du réchauffement climatique appellent son adaptation avec une diversification des espèces cultivées et un changement de méthodes de production : cette adaptation doit aller de pair avec l’évolution de la consommation alimentaire.

Les politiques agricole et alimentaire sont largement inscrites dans le cadre de l’Union européenne. Or jusqu’à présent, ces politiques communautaires étaient fondées sur des perspectives sectorielles et des objectifs fragmentés. Elles ont donc pu manquer de cohérence pour concilier une production agricole compétitive, la protection de l’environnement et la santé des Européens !

La politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne a mieux pris en compte l’environnement à partir de 2015, en prévoyant une rétribution des agriculteurs pour la préservation des biens publics environnementaux : qualité des sols, séquestration du carbone et biodiversité. Cette nouvelle direction n’a pas encore abouti aux résultats recherchés.

Le cadre général européen devrait évoluer dans les prochaines années dans un sens plus favorable à la préservation de l’environnement avec l’adoption récente, par la Commission européenne, de plusieurs documents programmatiques fondateurs.

La Commission a adopté en 2019 un Pacte vert pour l’Europe, qui comporte une série de propositions visant à adapter les politiques de l’Union en matière de climat, d’énergie, de transport et de fiscalité en vue de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Ce Pacte a fixé un objectif de réduction de 50 % des produits phytosanitaires et un objectif de 25 % des surfaces cultivées en biologique d’ici à 2030 ; ainsi qu’une stratégie en faveur des sols ayant pour objectif que tous les sols européens soient restaurés, résilients et suffisamment protégés d’ici 2050.

La Stratégie « De la ferme à la table » présentée fin 2021 par la Commission tente, pour la première fois, d’approcher de manière transversale l’ensemble des politiques européennes concernant l’alimentation. Elle pourrait constituer un changement majeur à saluer.

Elle devrait être suivie d’une loi‑cadre sur un système alimentaire européen durable, attendue pour fin 2023, dont il faut espérer qu’elle sera l’occasion de mettre en cohérence les différentes politiques européennes relatives à l’alimentation.

La nouvelle PAC pour les années 2023‑2027 doit être l’occasion de progresser vers les objectifs environnementaux ambitieux définis au plan européen, ce qui dépendra de la manière dont les leviers de l’action publique à visée environnementale seront mis en œuvre en France.

1.   La contribution de notre système alimentaire aux émissions de gaz à effet de serre et aux pollutions

Notre système alimentaire, au niveau de la production primaire, émet des gaz à effet de serre (GES) correspondant à 19 % du total des émissions de GES en France (cela représentait 86 Mt CO2 eq en 2018).

Ces émissions sont constituées à 43 % de N2O issus des fertilisants azotés et à 42 % de CH4 (méthane) issus des productions animales, soit les émissions des animaux et celles issues des effluents. D’autres émissions de GES s’y ajoutent au long de la chaîne de valeur, avec les pertes et les gaspillages chez le consommateur, notamment, représentant 15 Mt d’équivalent CO2 émis par an, soit 3,3 % des émissions totales françaises.

La Stratégie nationale Bas‑carbone révisée en 2021 ([29]) a fixé un objectif de diminution des émissions non énergétiques du secteur agricole de 17 % en 2030 et de 38 % en 2050 par rapport à la référence de 2015. La Stratégie recommande de développer l’agroécologie, de réduire les apports d’azote et d’améliorer la gestion des effluents d’élevage.

Il est regrettable que ces orientations ambitieuses ne sont pas précisées et déclinées par filière. La réduction des émissions de GES du secteur agricole supposerait la définition d’une feuille de route détaillant, pour chaque filière, les bonnes pratiques à mettre en œuvre et les cibles intermédiaires à atteindre.

Le système alimentaire émet aussi des pollutions diffuses des milieux naturels par des intrants chimiques – engrais ou pesticides –, altère la qualité des sols et porte atteinte à la biodiversité.

L’exposition directe ou indirecte à des substances chimiques et leurs résidus constitue de plus en plus, pour les citoyens, une source de préoccupation majeure.

L’atteinte à la santé des agriculteurs et de la population en général fait l’objet d’un rejet croissant : les perturbateurs endocriniens, la pollution de l’air et des sols aux métaux lourds, les contaminants chimiques, les rejets de résidus d’antibiotiques et de bactéries résistantes, les rejets dans l’environnement, la pollution de l’eau par les nitrates et les pesticides, la pollution de l’air enfin par les émissions chimiques diverses.

L’évaluation des coûts économique, social, environnemental et sanitaire de la totalité de la pollution d’origine agricole est rarement conduite, d’autant plus qu’elle est difficile à faire et varie selon les choix méthodologiques retenus. La Cour des comptes, dans son rapport « Accompagner la transition agro‑écologique », présenté en octobre 2021, cite un coût évalué entre 14 et 55 milliards d’euros pour la France en 2013, concernant principalement la pollution de l’air et l’impact sur la santé humaine ([30]). Ce chiffrage est très certainement très inférieur à la réalité.

Au plan européen, le Pacte vert adopté par la Commission européenne en 2019 a fixé un objectif de réduction de 50 % des produits phytosanitaires et un objectif de 25 % des surfaces cultivées en biologique d’ici à 2030.

Cet objectif est‑il atteignable au plan national et grâce à quels leviers ?

La présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), Mme Christiane Lambert, a jugé cet objectif difficilement atteignable en l’état actuel des méthodes de production. Le Conseil de l’agriculture française considère qu’il faut agir sur trois leviers pour réussir la transition écologique : assurer les moyens financiers, agronomiques et assurantiels pour poursuivre les investissements, rémunérer les agriculteurs pour leurs actions en faveur de l’environnement et lever les verrous à l’innovation.

2.   Le défi climatique et la transition des systèmes agricoles

Tant les engagements européens que nationaux, comme la pression des citoyens et des consommateurs, obligent le secteur agricole à évoluer. Notre agriculture devra aussi s’adapter au défi climatique, c’est‑à‑dire, notamment, subir des aléas climatiques plus fréquents, voire des évènements climatiques extrêmes, et évoluer vers des modes de production nécessitant moins d’eau.

Ainsi que le rapport de France Stratégie le souligne, les points d’adaptation les plus critiques seront les usages de l’eau, la pollution des sols et de l’air liée aux pesticides et aux métaux lourds (le cuivre), l’exposition de la population aux contaminants chimiques, la réduction des résidus de produits chimiques (dont certains sont à effet perturbateur endocrinien), les rejets dans l’environnement de résidus d’antibiotiques et de bactéries résistantes, la pollution de l’eau par les nitrates et les pesticides… enfin la pollution de l’air, due aux émissions d’ammoniac, de méthane, notamment.

Si les études de l’alimentation totale conduites par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) indiquent de manière générale le bon niveau de maîtrise des risques sanitaires liés aux contaminants chimiques dans les aliments (sur la base des seuils réglementaires et valeurs toxicologiques de référence), ces études indiquent aussi des risques de dépassement des seuils toxicologiques pour certaines substances (métaux lourds, mycotoxines et HAP ([31]) par exemple), qui peuvent être préoccupants chez certains groupes de population (enfants, femmes enceintes).

Le développement de systèmes agro‑écologiques est inscrit dans la loi depuis 2014, à l’article L. 1.II du code rural et de la pêche maritime, comme privilégiant « l’autonomie des exploitations agricoles et l’amélioration de leur compétitivité, en maintenant ou en augmentant la rentabilité économique, en améliorant la valeur ajoutée des productions et en réduisant la consommation d’énergie, d’eau, d’engrais, de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires, en particulier les antibiotiques. Ils sont fondés sur les interactions biologiques et l’utilisation des services écosystémiques et des potentiels offerts par les ressources naturelles [...]. Ils contribuent à l’atténuation et à l’adaptation aux effets du changement climatique ».

La Cour des comptes souligne, dans son avis « Accompagner la transition écologique » d’octobre 2021, que c’est « l’ensemble des leviers et domaines d’action publique, et notamment le vecteur réglementaire, l’accès au foncier agricole, la gestion des risques ou la recherche de revenus complémentaires, qui doivent être mobilisés pour garantir la cohérence de l’action publique et sa lisibilité pour les acteurs du monde agricole ».

Le schéma suivant fait apparaître la diversité des leviers qui pourraient être mis en œuvre.

Principaux leviers d’action
pour accompagner la transition agro‑écologique

Source : Cour des comptes

3.   Évaluer les coûts de la chaîne complète d’une production agricole

Jusqu’à présent, les coûts liés aux externalités négatives d’une filière agricole ou d’un mode de production, y compris les coûts environnementaux, sont rarement envisagés. Le rapport de France Stratégie soulève la question de la prise en compte de ces coûts liés aux externalités générées, qui devraient être ajoutés à la valeur d’achat des produits agricoles et aux subventions publiques allouées à l’agriculture.

Les modèles économiques de libre échange ne prennent pas en compte les coûts cachés des échanges : les importations sont moins chères que les produits nationaux en apparence, mais si l’on tient compte des externalités négatives (environnement, épuisement des ressources, répercussions sur la santé des populations, répercussions sur le tissu social…), le coût de ces produits est bien différent. Certains experts, tel M. Anthony Fardet de l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), considèrent que l’impact carbone lié aux transports sur de longues distances devrait aussi être pris en considération. À défaut, les coûts de production sont selon lui faux et biaisés.

Les coûts économiques des externalités liées à la production agricole, supportés par la société, sont évalués, dans des études datant de plusieurs années, entre 0,9 milliard d’euros et 1,5 milliard d’euros par an pour la pollution des eaux (coûts de traitement), 200 millions d’euros par an pour la pollution de l’air et entre 70 et 100 millions d’euros, au minimum, par an, pour lutter contre les atteintes à la biodiversité liées à l’eutrophisation des milieux, c’est‑à‑dire les pertes liées à la présence d’algues vertes ([32]).

Les analyses de cycle de vie des productions et d’impact environnemental sont souvent conduites par filière et rarement considérées avec tous leurs effets. Cette approche est réductrice car quand on évalue le coût environnemental d’une production, on néglige les effets collatéraux : c’est un mensonge par omission, comme le souligne le Pr Marc Dufumier, ingénieur agronome, entendu par les rapporteurs. Ainsi de manière positive, un apport de fertilisation biologique des sols par les légumineuses qui évite les engrais azotés de synthèse (sachant qu’il s’agit d’un gaz trois fois plus réchauffant que le gaz carbonique et dix fois plus que le méthane) doit être pris en considération !

Sur la base d’une sélection de productions alimentaires, il serait utile d’évaluer la rentabilité d’une filière en considérant l’ensemble des coûts de la production pour sa chaîne complète. Par exemple, évaluer la rentabilité d’une culture comme le pois (légumineuse) devrait prendre en compte l’ensemble des paramètres de la rotation complète à laquelle il participe, avec son rôle dans la fertilisation du sol et de ce fait la consommation diminuée d’énergie fossile pour fertiliser les autres cultures qui feront partie de la rotation… La culture du soja en France apparaît peu rentable, sauf le soja bio en Bretagne et en Alsace qui approchent la rentabilité.

La production de lait, acheté à bas prix par le consommateur, est considérée comme rentable car peu coûteuse. Cependant un élevage intensif, et les cultures fourragères qui l’accompagnent, ont un impact environnemental important avec le recours aux engrais minéraux et aux aliments du bétail : rejet d’éléments minéraux, nitrates et phosphore vers l’eau avec pour conséquence l’altération de la qualité des nappes phréatiques, des cours d’eau et la contribution au développement des algues vertes en zones côtières sensibles ; pertes d’azote et de carbone vers l’air. Il peut en résulter des problèmes environnementaux, comme en Bretagne, où des zones côtières sont neutralisées pour d’autres usages. Le coût du produit alimentaire n’intègre pas la dépollution, et si c’était le cas, le bilan économique de la production apparaîtrait bien différent.

Il en est de même pour le coût du pain issu de farines de grandes cultures céréalières pour lesquelles les fertilisants sont très utilisés.

4.   Une bonne alimentation : quels coûts économiques et sociaux évités ?

Nous avons évoqué les externalités négatives de l’agriculture. L’autre aspect est celui de l’état sanitaire des populations : les experts alertent les pouvoirs publics sur le coût humain, économique et social de la mauvaise alimentation. Le coût de traitement des maladies est connu, mais le lien avec les modes de production est rarement fait, au contraire du lien avec les habitudes alimentaires, qui fait l’objet de travaux de plus en plus précis.

Le Pr Serge Hercberg, professeur de nutrition à l’Université Sorbonne Paris Nord et concepteur du Nutri‑Score a rappelé les coûts des maladies chroniques liées à la nutrition : l’obésité entraîne des coûts directs et indirects annuels de plus de 20 milliards d’euros, les maladies cardiovasculaires, près de 30 milliards d’euros.

Le Dr Anthony Fardet, chercheur en nutrition préventive à l’Institut national de recherche pour l’agriculture et l’environnement (INRAE), adopte une approche plus vigoureuse en recommandant un calcul fondamental : quelles sont les économies réalisées si on mange sainement et durablement ? Alors que les pouvoirs publics et les médias sont focalisés sur la santé et le curatif (combien de lits d’hôpitaux en plus…), il faudrait au contraire miser sur le préventif et calculer les gains obtenus en mangeant plus sainement et durablement, car le coût environnemental et en santé publique des produits ultra‑transformés est considérable. Cela correspond à la question : « une bonne alimentation : combien de lits d’hôpitaux en moins ? ».

Le chercheur suggère ainsi la création d’un groupe de travail chargé d’étudier le vrai coût des aliments, en incluant les coûts médicaux liés aux maladies qu’ils génèrent. Les économies réalisées avec une bonne alimentation seraient, selon lui, colossales et permettraient de générer des investissements pour de nouvelles productions plus saines.

Il y a donc nécessité de renforcer les actions en vigueur en développant un environnement d’offre alimentaire plus favorable à la santé au‑delà de ce qui a déjà été fait, à travers l’information ou l’éducation.

Les experts soulignent que les recommandations doivent pour être utiles ne pas trop s’éloigner des habitudes alimentaires actuelles, pour être accessibles et s’inscrire durablement dans les habitudes. Alors que les experts seraient tentés d’aller beaucoup plus loin pour un impact environnemental bien meilleur, avec réduction plus significative des GES, ils doivent conserver une approche plus conservatrice mais garante de l’acceptation sociale.

Le discours porté par les pouvoirs publics sur les différents types de consommation, de produits d’origine animale ou végétale doit encourager cette évolution.

B.   DE GRANDS ÉQUILIBRES À MODIFIER, AVEC DES PRIORITÉS

Tant notre législation nationale que les évolutions tracées par la Commission européenne dans sa stratégie « De la ferme à la table » conduiront les agriculteurs – et en particulier les jeunes agriculteurs, considérant la pyramide des âges de la profession –, à entamer des bouleversements profonds de la production et des méthodes.

Ils devront répondre aux attentes du consommateur et du citoyen inquiet des pollutions de son environnement, répondre aux exigences de la durabilité de la production… Les modélisations construites par les experts annoncent toutefois que l’effet des stratégies de durabilité et de réduction des émissions pourrait avoir comme conséquence une réduction sans précédent de la capacité de production de l’Union européenne et des revenus de ses agriculteurs.

Les représentants des organisations professionnelles agricoles et des coopératives de l’Union européenne ([33]) craignent vivement que la réduction des émissions agricoles réalisée soit effacée par un accroissement des émissions en dehors de l’Union en compensation. M. Yves Madre, directeur de Farm Europe, redoute un repli de l’Union européenne sur elle‑même avec une décroissance de l’économie agricole et agroalimentaire et une augmentation des prix.

Tant au niveau de l’Union européenne qu’au niveau français, de nouveaux outils sont nécessaires, voire une « feuille de route », car les transitions exigent du temps et doivent être planifiées.

Ainsi, les professions agricoles manquent de substances à faibles risques pour lutter contre les parasites et les maladies, ont besoin de nouvelles techniques d’élevage et de génomique pour améliorer la résilience de l’agriculture comme de l’élevage, ont besoin enfin d’un marché des nutriments adapté, avec les engrais organiques et minéraux. Or la recherche prend du retard dans ces domaines.

Ils auront aussi besoin d’une chaîne de valeur plus équilibrée et plus juste, avec la problématique de l’intégration des pertes des agriculteurs dans les prix des biens des consommateurs.

Enfin, les règles du commerce international devront être modifiées : comment les producteurs européens peuvent‑ils résister aux importations internationales produites dans des contextes réglementaires et environnementaux moins contraints ?

Au plan national, la transition pourrait suivre quelques lignes principales : rééquilibrer les productions pour plus d’alimentation végétale, rechercher la souveraineté alimentaire et donc développer les légumineuses, encourager la polyculture élevage extensif, réaliser davantage d’économie circulaire.

Le volet « information des consommateurs » sera aussi essentiel si la montée des productions vers une meilleure qualité s’accompagne d’une augmentation des prix, qui pourrait être de 15 à 25 % selon M. Yves Madre.

1.   La préservation de l’environnement comme les recommandations nutritionnelles appellent l’évolution des habitudes alimentaires

Les filières de production seront conduites à évoluer, avec un changement d’échelle des pratiques agro‑écologiques mais aussi en favorisant les changements de comportement. Pour ce faire, plusieurs pistes sont présentées par France Stratégie :

 systématiser l’enseignement des impacts sanitaires et environnementaux de l’alimentation, dès le plus jeune âge ;

 développer l’affichage environnemental des produits alimentaires pour éclairer les choix des consommateurs et leur apporter les éléments d’arbitrage entre les différents produits disponibles, au même titre que l’affichage nutritionnel.

Le marché devra valoriser les aliments produits selon des méthodes agro‑écologiques, ce qui suppose l’acceptation d’un prix à payer pour les consommateurs qui jusqu’à présent, n’acceptent des prix plus élevés que pour les produits bio – et le bio lui‑même a connu des difficultés en 2021. Les pouvoirs publics devront donc sensibiliser le public à cette différence ; le développement des circuits de proximité peut aussi contribuer à ces aliments, le consommateur étant alors plus concerné par les pratiques agricoles vertueuses qui profiteront directement à son environnement.

Avant d’analyser les grandes évolutions que suppose la transition agroalimentaire, il convient d’envisager vers quelle alimentation il faut tendre, afin de préserver l’environnement et la santé publique.

qu’est-ce qu’une alimentation équilibrée ?

Recommandations de Santé publique France sur l’alimentation

Fruits et légumes

Au moins 5 par jour

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Légumes secs
(lentilles, haricots, pois chiches)

Au moins 2 fois par jour

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Féculents complets
(pâtes, pain, riz, semoule, pommes de terre)

Au moins 1 par jour

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Poisson

2 fois par semaine

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Matières grasses
(huile, beurre, margarine …)

Possible tous les jours en petite quantité
(privilégier l’huile de colza, de noix et d’olive)

https://cdn-icons.flaticon.com/png/512/2954/premium/2954801.png?token=exp=1644253583~hmac=e25bc1ae339d5994bac7ac12b6ddc01c

Produits laitiers
(lait, yaourts, fromage, fromage blanc)

2 par jour

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Alcool, boissons sucrées,
aliments gras, sucrés, salés et ultratransformés,
charcuterie, viande

Réduire

Par exemple, limiter la charcuterie à 150 g/s et la viande hors volaille à 500 g/s,
boissons sucrées 1 verre par jour maximum (seule l’eau est recommandée),
privilégier les aliments sans additifs,
limiter la consommation des produits au NutriScore D et E

L’évaluation scientifique de la transition de l’alimentation est réalisée par l’Anses pour le fonds scientifique et la modélisation, puis ces études sont utilisées par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) et par Santé publique France pour définir la nutrition souhaitable pour la santé publique.

Les experts aboutissent à des conclusions très consensuelles sur l’évolution souhaitable de la nutrition et les régimes bons pour la santé et durables à moyen terme : ce sont les repères de consommation énoncés par l’Anses et le PNNS et recommandés par d’autres pays tels les food base directory guidelines. Les recommandations consistent en une végétalisation de l’alimentation : plus de fruits et légumes, de légumineuses, de fruits à coques, de produits céréaliers complets, moins de viande et de charcuterie. Les produits animaux doivent retrouver la place qu’ils avaient après‑guerre, c’est‑à‑dire beaucoup moins présents.

L’objectif politique d’assurer aux citoyens consommateurs une alimentation saine et durable suppose d’élaborer un consensus chez les experts, les professions de santé et les consommateurs sur ce que « manger sain et durable » sous‑entend. C’est ainsi que les laboratoires de l’INRAE ont formalisé le contenu d’un tel régime.

Un objectif :
trouver un consensus sur la notion d’alimentation saine et durable

La définition du régime sain et durable selon les équipes de l’Unité de nutrition humaine de l’INRAE correspond à la « règle des 3 V » : Vrai – pour une qualité matricielle de l’aliment c’est‑à‑dire son degré de transformation, Végétal – moins de produits animaux mais de meilleure qualité, Varié.

Ainsi le degré de transformation de l’aliment est une dimension importante qui a été négligée jusqu’à aujourd’hui. Si les agriculteurs produisent des nutriments de qualité, mais soumis à une ultra‑transformation, leur qualité nutritionnelle se perd (ainsi 50 % des produits bio sont transformés et beaucoup subissent un long transport donc leur bénéfice en est diminué).

Néanmoins, la praticité d’un régime alimentaire durable, son acceptabilité et son coût de revient constituent également des éléments‑clés.

Une étude publiée dans Renewable agriculture montre qu’un panier VVV acheté en hypermarché coûte 5 % moins cher qu’un panier très riche en calories animales (40 %) et ultra‑transformées (60 %). Ce panier diminue beaucoup les calories animales et végétalise l’alimentation. Cette étude vise à démontrer qu’une alimentation saine et durable « VVV » peut être proposée aux personnes socialement défavorisées.

2.   Réduire la consommation de produits d’origine animale et réduire l’élevage intensif

L’émission de gaz à effet de serre de l’élevage est aujourd’hui connue des consommateurs ; pour certains, en particulier pour les jeunes, ce phénomène est devenu une réelle préoccupation, les conduisant à limiter ou supprimer leur consommation de viande.

La production d’1 kg de viande émet en effet de 5 à 10 fois plus de gaz à effet de serre que celle d’1 kg de céréales. Ces émissions s’expliquent par la nécessité de produire des aliments, les transformer, les transporter pour pouvoir nourrir les animaux. 70 % de la surface agricole française sert à produire l’alimentation animale. Les impacts viennent également de l’usage des bâtiments et de la gestion des déjections des animaux. De plus, les émissions de méthane liées à la digestion des ruminants sont très importantes.

Or la France se trouve dans le « top 6 » des plus gros consommateurs de calories animales par jour avec les États‑Unis, le Brésil, l’Australie notamment... Ces calories animales sont souvent de mauvaise qualité, ultra‑transformées : leur consommation doit être réduite. Si cette évolution se fait, la production française de viande sera largement suffisante. L’objectif de consommer moins de produits animaux mais de meilleure qualité donc plus chers peut être partagé par les éleveurs.

L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) dans un document de 2019 « Manger mieux, gaspiller moins. Pour une alimentation saine et durable » recommande la réduction de la consommation de viande et de poisson, en privilégiant la qualité et le local. Avec un budget constant, l’agence conseille d’opter pour les produits issus de filières plus durables et de qualité : viande bovine issue de pâturages, volaille de plein air...

Certains types d’élevage contribuent à l’équilibre écologique des territoires : biodiversité, fertilité des sols... Cette consommation constitue alors un soutien à l’agriculture locale, tandis qu’actuellement, environ 25 % de la viande bovine, 30 à 40 % de la volaille et 35 % de la viande de porc consommées en France sont importées.

Pour Anthony Fardet, de l’INRAE, le passage des consommateurs au régime flexitarien conduirait à réduire de moitié la consommation de produits d’origine animale, avec la conséquence heureuse de réduire de 70 % l’émission de gaz à effet de serre.

3.   Diversifier et végétaliser l’alimentation quotidienne

La réduction des calories d’origine animale de mauvaise qualité permettrait de consommer davantage les grains et graines complètes sousconsommés en France : ce sont les légumineuses, riches en protéines et en fibres (très rassasiantes avec des sucres lents), les céréales complètes non raffinées (riches en glucides complexes), les graines oléagineuses (qui comportent des lipides). Ces trois catégories, très complémentaires, sont consommées pour moins de 14 g par jour actuellement ; il y a donc une marge de progression très importante pour un bénéfice de santé prouvé.

Le Haut Conseil de la santé publique recommande de manger des légumineuses au moins deux fois par semaine, une petite poignée de fruits à coque non salés une fois par jour, cinq portions de fruits et légumes par jour, des produits céréaliers tous les jours, deux produits laitiers par jour et de l’eau à volonté.

L’ADEME prône de même la diversification de l’alimentation en augmentant la part des céréales, des légumes secs, des fruits et des légumes qui apportent de nombreux nutriments. Les produits végétaux ont en général des impacts environnementaux beaucoup plus faibles (par kg ou kilocalories – kcal) que les produits animaux comme le lait, les œufs et surtout la viande. Un régime équilibré, durable et diversifié suppose de remplacer régulièrement la viande par des légumineuses : lentilles, pois, haricots secs...

Nous citons le schéma ci‑après, repris par l’ADEME dans une brochure publiée en 2019 sur Internet, intitulée « Manger mieux, gaspiller moins ».

MANGER MIEUX NE COÛTE PAS FORCÉMENT PLUS CHER

« Manger mieux peut coûter plus cher si on conserve ses habitudes alimentaires. Cependant, en modifiant le contenu des repas (moins de viande, moins de poisson et de boissons sucrées, plus de légumineuses et de céréales...), et en réduisant le gaspillage alimentaire, il est possible de consommer des produits de meilleure qualité et plus de produits porteurs de labels (AB, Label Rouge...) sans alourdir son budget " courses ". Plusieurs études menées récemment l’illustrent ».

Comparaison de paniers alimentaires
pour une famille de 4 personnes pour une semaine

Pour le même coût qu’un panier standard, le panier responsable comprend :

 moins de poisson sauvage et de viande, de boissons sucrées et de produits transformés ;

 plus de fruits et légumes, de légumineuses et de céréales complètes ;

 50 % de produits labellisés (AB, Label Rouge, Pêche durable MSC).

Source : Étude comparative multidimensionnelle de paniers alimentaires durables : impacts carbone, qualité nutritionnelle et coûts – WWF, Eco2 Initiative, novembre 2017

4.   Éviter le plus possible les importations de déforestation et produire des légumineuses

Les importations françaises de produits agricoles seront évoquées plus loin, mais il est important d’aborder ici un type d’importation à l’impact économique et environnemental négatif : l’importation de légumes secs pour l’alimentation humaine et de tourteaux de soja pour l’alimentation animale. En effet, la France importe les 2/3 et l’Europe les 3/4 de ces légumineuses et protéines végétales. On sait que ces dernières, importées d’Amérique du Sud principalement, contribuent à la déforestation.

La dépendance protéique n’a que récemment été perçue comme un problème car les marchés mondiaux assurent depuis plus de cinquante ans un approvisionnement stable et important pour l’élevage européen, ce qui a créé l’illusion de la sécurité, comme l’explique le rapport de Mme Cartron et M. Fichet, sénateurs ([34]). Or cette situation pourrait changer radicalement, car la consommation de produits animaux va fortement augmenter dans le monde sous l’effet de la croissance démographique et de l’élévation des niveaux de vie. Ce phénomène va entraîner une forte hausse de la demande de protéines végétales nécessaires à l’élevage, ce qui pourrait occasionner hausses de prix et difficultés d’approvisionnement. De plus, cette demande aura pour conséquence de mobiliser davantage de terres pour les produire, de la déforestation, un impact négatif sur la biodiversité, sur l’émission de gaz à effet de serre ; ainsi que des difficultés accrues pour l’accès à la terre des populations rurales de pays en voie de développement.

Autre conséquence de cette dépendance : le fait de ne pas produire ces légumineuses en France conduit évidemment à importer mais de surcroît à moins fertiliser les sols, étant donné que la culture de légumineuses enrichit le sol en azote à la fin du cycle de vie de la plante.

Le Pr Dufumier, déjà cité, préconise d’encourager la transition rapide vers la culture en rotation de ces légumineuses au moyen d’un bonus de rémunération, susceptible de conduire les agriculteurs à entreprendre rapidement cette production, s’ils peuvent financièrement opérer cette réorientation. Les rotations de culture seraient allongées et des bénéfices seraient constatés rapidement en termes de qualité de la terre et biodiversité, présence d’insectes par exemple. Cet encouragement serait certainement préférable à la taxation des engrais azotés de synthèse, qui serait très mal accueillie à l’instar de la taxe carbone.

Les rapporteurs approuvent cette orientation, conscients cependant qu’elle peut entrer en balance défavorable avec les cours actuellement élevés des productions céréalières, dont la réduction exigerait dans un premier temps un effort certain aux cultivateurs.

Le plan Protéines végétales, adopté en décembre 2021 dans le cadre du Plan de relance participe à cette transformation nécessaire, car il vise en effet à réduire la dépendance de la France aux importations de protéines végétales des pays tiers, et à permettre aux éleveurs d’améliorer leur autonomie pour l’alimentation de leurs animaux. Doté de 100 millions d’euros, il est destiné aux acteurs de la filière comme les exploitations agricoles et aux coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) et groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE), aux entreprises d’aval du secteur pour des aides à l’investissement matériel, à la structuration de filières ou à la promotion de nouveaux produits. Il devrait aussi concerner les organismes de recherche et instituts techniques portant des projets de R&D ou de recherche appliquée, et enfin les gestionnaires et cuisiniers en restauration collective.

5.   La polyculture – élevage extensif à l’échelle du territoire : un modèle à retrouver

Les modes de culture intensifs traditionnels ont pour effet sur le long terme de paupériser les sols, ce qui conduit les agriculteurs à recourir aux engrais de synthèse.

Beaucoup des cultures pratiquées en rotation sont fertilisées par des engrais azotés de synthèse, dont la production est coûteuse en énergies fossiles (gaz naturel russe ou norvégien) et très émettrice de protoxyde d’azote, lequel représente, fait insuffisamment connu, 50 % de la contribution de l’agriculture française au réchauffement climatique, soit davantage que le méthane et le gaz carbonique, dont l’impact est souvent dénoncé.

Pour le Pr Marc Dufumier, la France produit et exporte beaucoup de produits céréaliers très coûteux en engrais de synthèse et dont le mode de production a pour effet l’épuisement des sols. Les avantages tirés de ces cultures – exportations et revenu pour les producteurs – ne s’équilibrent pas avec les inconvénients, qui sont selon lui en concurrence avec des productions de blés de pays aux normes environnementales inférieures, le recours aux engrais de synthèse, l’épuisement des sols.

C’est pourquoi cet expert, comme d’autres, préconise une évolution du système agricole vers la polyculture couplée avec de l’élevage extensif et de taille moyenne. Cette organisation, qui favorise aussi la biodiversité et est plus résiliente au changement climatique, était beaucoup plus présente sur le territoire dans le passé. Le retour à ce mode d’organisation est cependant à l’ordre du jour dans plusieurs pays, l’exemple de la Corée du Sud a même été cité aux rapporteurs pour une expérimentation réussie.

6.   Un usage des pesticides très encadré et poussé vers le déclin sans que les solutions alternatives ne soient toujours disponibles

Le rejet croissant par les citoyens de l’exposition directe ou indirecte à des substances chimiques et leurs résidus a déjà été souligné. Certains experts préconisent la taxation des engrais azotés de synthèse pour aller vers une production plus durable et respectueuse de l’environnement.

Des programmes visant à diminuer l’usage des produits phytopharmaceutiques ont été adoptés en France comme en Europe, mais n’ont pas eu jusqu’à présent les résultats escomptés, peut‑être définis d’une manière trop ambitieuse vu le contexte de la recherche développement en ce domaine.

Ainsi, le plan Écophyto mis en place depuis 2009, avait pour objectif de réduire de 50 % l’utilisation de produits phytopharmaceutiques dans un délai de dix ans. Il a été suivi d’un plan Écophyto II en 2014 puis d’un plan Écophyto II+ en 2018, dont l’ambition est de réduire ces usages de 50 % d’ici 2025 et de sortir du glyphosate au plus tard fin 2022 pour tous les usages. Le financement de ce plan s’élève à 71 millions d’euros par an.

Pourtant, ce plan ne peut faire évoluer le modèle agricole dominant qui est caractérisé par une grande dépendance à la mécanisation et à la chimie, comme le souligne France Stratégie. L’usage des produits n’a pas diminué : il a progressé de 5 % sur la période 2009‑2011, et également 2011‑2014.

La Cour des comptes a aussi souligné les résultats décevants de la PAC quant à l’usage de produits phytosanitaires en France, malgré les 400 millions d’euros engagés. La quantité de doses‑unités de pesticides vendues a, au contraire, connu une augmentation récente atteignant, en 2019, 126,2 millions de doses au lieu des 73,4  millions prévues. Tandis qu’une baisse de l’utilisation de pesticides de 25 % en 2020 était visée, elle a progressé de 12 % entre 2009 et 2016.

L’objectif de réduction de 50 % d’ici 2025 paraît donc peu réaliste et les enseignements du réseau des 3 000 « fermes expérimentales Dephy » engagées dans la réduction des produits phytosanitaires, insuffisamment exploités.

Les représentants des agriculteurs, entendus par les rapporteurs, sont inquiets de l’avenir de la production, qui dépend de manière cruciale des produits alternatifs qui pourront être mis sur le marché.

La recherche publique et privée doit être fortement développée pour offrir des solutions nouvelles pour les traitements, de même que pour développer de nouvelles variétés végétales, un enjeu qui sera évoqué plus loin.

II.   ACCOMPAGNER L’ÉVOLUTION VERS L’AGROÉCOLOGIE AFIN DE DONNER UN AVENIR À NOS AGRICULTEURS

Notre agriculture fait face à des perspectives inquiétantes quant à l’avenir des exploitations agricoles, bien décrites par le rapport de France Stratégie : diminution du nombre des actifs, vieillissement et manque de renouvellement des générations d’agriculteurs sont les principaux traits à considérer.

L’agriculture est le secteur qui a connu la plus vive diminution d’emplois depuis 1975 : il représentait 10,1 % de l’emploi en 1975 et seulement 2,8 % en 2012. Si l’on comptait 564 000 agriculteurs exploitants en 2016, ils ne sont plus qu’environ 400 000 en 2019 selon l’INSEE soit 1,5 % de l’emploi total en France. Quand ils sont employeurs, les agriculteurs exploitants ont souvent peu de salariés : dans 53 % des cas, ils en ont un seul et dans 33 % des cas ils en ont entre deux et quatre ; seuls 5 % ont au moins dix salariés.

En ajoutant l’emploi salarié et familial, le nombre de personnes travaillant dans les exploitations agricoles atteint entre 854 000 et 1,1 million de personnes selon les sources. Selon les données de l’INSEE, le poids de l’agriculture dans l’emploi total est inférieur de 1,5 point par rapport à la moyenne de l’Union européenne, tandis que dans d’autres puissances agricoles, l’emploi dans le secteur s’élève à 2,8 et 4,2 % (Italie et Espagne).

L’âge moyen des agriculteurs est de 52 ans, et un tiers des agriculteurs a plus de 55 ans. Les installations de jeunes agriculteurs se font à 70 % dans un cadre familial, ce secteur n’attirant pas assez de jeunes repreneurs hors de la tradition familiale. Acquérir ou constituer les outils d’exploitation nécessite des capacités d’investissement importantes, auxquelles s’ajoute la difficulté de l’accès au foncier.

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) constate également, dans un avis récent ([35]), que le rythme actuel des installations ne permettra pas de compenser les cessations d’activité massives prévues dans les cinq prochaines années, pendant lesquelles un quart des exploitations devraient disparaître. Le nombre d’exploitations passerait alors à moins de 330 000 au milieu des années 2020.

Les données de l’INSEE indiquent aussi que le revenu net imposable mensuel moyen des exploitants agricoles était de 1 160 euros par mois en 2017, hors sylviculture et activités annexes. Les disparités entre les filières sont importantes, avec certains professionnels situés dans le 9ème décile dont les revenus avoisinent 6 000 à 7 000 euros et d’autres dont le revenu se limite à 570 euros mensuels comme les éleveurs d’ovins et de caprins. Les variations de revenus d’une année sur l’autre sont très importantes.

Dans ce contexte de grande difficulté de transmission et de faible attractivité du travail agricole, un consensus se forme, tant dans la société que dans le milieu politique, sur la nécessité de modifier la répartition de la valeur ajoutée dans la chaîne de valeur des biens issus de l’agriculture.

Les rapporteurs considèrent qu’il faut remettre l’agriculteur au centre du système agroalimentaire, en le considérant comme une solution et non pas un problème. Le niveau de vie des agriculteurs doit être une considération principale, ainsi que leur qualité de vie. L’agriculteur doit aussi avoir une perspective sur plusieurs années quant aux conditions de son activité, car faire évoluer le vivant demande du temps et l’agriculteur prend des risques très importants dans ses choix et ses investissements.

Mener la nécessaire transition agro‑écologique exige de connaître les coûts induits par les atteintes à l’environnement et à la biodiversité, comme nous l’avons expliqué, mais aussi d’utiliser tous les leviers possibles pour accompagner et soutenir les exploitants : en matière de recherche, de formation, d’innovation, de financement complémentaire, de réglementation et de fiscalité, d’accès au foncier et de gestion des risques.

Les rapporteurs soulignent que l’agriculture française est une agriculture d’excellence, dont les acteurs s’adaptent aux nouveaux enjeux, entreprennent des transformations de leur mode de production et d’élevage, et investissent à leurs risques pour contribuer à la transition agro‑écologique.

Pour les aider, l’État doit se montrer stratège de cette transition, la soutenir à travers la recherche et l’innovation. La progression de la subvention de l’INRAE pour 2022 est un élément positif de cette dynamique : la dotation de cet institut s’élève à 828,3 millions d’euros (en crédits de paiement), soit une progression de plus de 22 millions d’euros par rapport à 2021. La fusion réalisée, le 1er janvier 2020, entre l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA), devrait consolider un acteur essentiel de la transition écologique en France, en réunissant les compétences et en construisant une culture scientifique commune.

Les rapporteurs se félicitent de cette progression des crédits et souhaitent que cet accompagnement financier soit maintenu dans les prochaines années. Ils soulignent l’importance d’initier et de conduire les travaux de recherche en lien étroit avec les besoins des agriculteurs et les actions qu’ils entreprennent de leur propre initiative.

A.   RÉMUNÉRER LES SERVICES ENVIRONNEMENTAUX D’INTÉRÊT GÉNÉRAL RENDUS PAR LES AGRICULTEURS

Si la Politique agricole commune européenne (PAC) a évolué, ses objectifs ne sont pas encore tournés vers l’encouragement aux services environnementaux d’intérêt général comme séquestrer le carbone, produire de l’humus grâce à la culture de légumineuses, entretenir les infrastructures écologiques pour préserver les insectes et la biodiversité en général… Ces services sont liés à certains modes de production et d’élevage qui ne constituent pas l’objet essentiel de la PAC.

Depuis 2015, la politique agricole commune poursuit, outre ses objectifs historiques de soutien des marchés et des revenus agricoles (aides du premier pilier), l’objectif de rétribuer les agriculteurs pour leur préservation des biens publics environnementaux : qualité des sols, séquestration du carbone et biodiversité.

Le bilan de la mise en œuvre de la PAC dans notre pays montre que les mesures de verdissement du premier pilier (les paiements verts laissés au choix des États membres) et les mesures environnementales du second pilier relatif au développement rural – aides à l’agriculture biologique et mesures agro‑environnementales et climatiques – pourraient être mises en œuvre de manière plus incitative, et donc produire de meilleurs effets environnementaux.

Les agriculteurs ont depuis des décennies travaillé pour le maintien de la biodiversité ordinaire, en entretenant les bordures de champs, les bocages, les lisières de forêt… sans paiement pour ces tâches, or cela constituerait aujourd’hui une forme de reconnaissance que de soutenir cet entretien paysager par une prestation pour services environnementaux ou des pratiques de compensation.

Les rapporteurs préconisent d’encourager l’ouverture des exploitations à la visite, pour que le citoyen-consommateur ait une meilleure connaissance des conditions de la production et de l’élevage, et abandonne quelques idées reçues fausses ou dépassées. Le réseau « Bienvenue à la ferme » est un bon exemple de ces possibilités d’accueil et d’échange, qui sont encore trop peu nombreuses et inexistantes sur certains territoires.

1.   Mieux valoriser les pratiques agro‑environnementales dans la déclinaison nationale de la PAC

La France dans sa mise en œuvre de la PAC 2015‑2018 a privilégié les aides du premier pilier par rapport au second : parmi les dix premiers bénéficiaires de la PAC, notre pays est celui qui a réservé l’enveloppe la plus faible au second pilier (13 % contre 22 % des aides en moyenne dans l’Union européenne à 28 membres). Pour les aides du 2nd pilier, les mesures de soutien aux pratiques environnementales et les aides à l’agriculture bio n’ont représenté que 21 % du total de l’enveloppe. En réalité, la mise en œuvre de la PAC en France a concentré les incitatifs effets environnementaux des aides sur 9 % de la surface agricole utilisée seulement.

Le « verdissement » de la PAC a permis d’afficher des sommes importantes – 30 % des paiements directs, soit 12 milliards d’euros, ce qui représente 80 euros par ha en moyenne pour le premier pilier. Il n’a cependant eu que peu d’effets concrets, comme l’ont relevé la Cour des comptes et la Cour des comptes européenne. Cette dernière estime que le verdissement n’a entraîné des changements de pratique que pour 2 à 5 % des terres agricoles européennes. Pour la France, les critères retenus ont été trop peu contraignants et ont plutôt visé la non‑dégradation des pratiques que leur amélioration.

a.   Prendre des mesures plus efficaces au plan national

La PAC, renouvelée en décembre 2021 pour la période 2023‑2027, n’installe pas un système fondamentalement plus favorable à une agriculture plus durable. La répartition des enveloppes entre le 1er pilier, portant sur les paiements directs aux exploitants agricoles et à la structuration des filières agricoles (6,7 milliards d’euros), et le 2nd pilier relatif au développement rural (2,6 milliards d’euros), n’évolue globalement pas.

Des évolutions existent cependant.

Les mesures actuellement obligatoires au titre du verdissement du 1er pilier (maintien des prairies permanentes, diversité des cultures, minimum de surfaces d’intérêt écologique) sont généralisées à l’ensemble du 1er pilier. Le verdissement du 1er pilier concernera 25 % des paiements directs d’ici 2025 dans le cadre d’un nouveau régime dit « éco‑régime » réservé aux exploitations mettant en œuvre des pratiques relevant de l’agroécologie – ce régime est plus exigeant que celui des « paiements verts » actuels. L’enveloppe correspondante est réduite à 1,7 milliard d’euros (contre 2 actuellement).

Pour le 2nd pilier, il est prévu que 35 % au moins des fonds soient consacrés aux mesures environnementales et climatiques.

Dans ce cadre général, c’est aux États membres d’adopter dans leur programme stratégique national des mesures suffisamment efficaces pour atteindre les objectifs européens de long terme.

La Cour des comptes formule des recommandations générales pour une mise en œuvre efficace de la future PAC en France.

Mieux valoriser les pratiques agro‑environnementales
dans la prochaine PAC

Les recommandations de la Cour des comptes sont les suivantes :

– estimer les atteintes à la biodiversité et à l’environnement : mesurer la situation initiale des exploitations et les impacts positifs ou négatifs des pratiques agricoles afin d’agir plus précisément, et de mesurer les mesures de compensation des effets négatifs ;

– sur le 1er pilier : tirer les enseignements des échecs des actuels paiements verts dans le futur éco‑régime, prioriser un petit nombre de mesures avec des objectifs mesurables, réviser les exigences du label « haute valeur environnementale » s’il devient un moyen d’accès des exploitations à l’éco‑régime ;

– prendre en compte le besoin d’accompagnement des exploitants et financer des prestations de conseil et le diagnostic d’exploitation nécessaire ;

– sur le 2nd pilier, prévoir une réelle complémentarité entre piliers, proposer des aides proportionnelles au niveau d’ambition environnementale recherché, proposer des aides adaptées à tous les types d’exploitations et d’orientations, assurer la stabilité et la visibilité des mesures, étant donné que les changements de pratiques nécessitent des périodes longues d’adaptation pour maîtriser les techniques et parvenir à un équilibre de l’exploitation.

Source : Accompagner la transition écologique, Cour des comptes, 2021

b.   Réorienter la PAC au‑delà de 2027 ?

La Commission européenne devra approuver les 27 plans stratégiques nationaux de mise en œuvre de la PAC et s’assurer qu’ils ne sont pas divergents par rapport à l’objectif commun. Les États membres auront cependant des ambitions différentes – certains portant un focus sur l’environnement, d’autres sur le bien‑être animal par exemple, avec des soutiens budgétaires afférents, la mise en place de labels de qualité... Ce qui formera au total un paysage assez confus et de potentielles distorsions de concurrence.

Plusieurs experts de l’agroécologie et de la nutrition appellent les Européens à prendre en compte dans leur politique tout l’écosystème de la production, et à donner plus de place à la notion de service agro‑systémique.

Ainsi que l’a souligné M. Fardet, expert de l’INRAE, la PAC ne peut aller dans le sens d’un régime alimentaire sain et durable, car par ses aides directes du 1er pilier versées en fonction de la surface, elle soutient en pratique les grandes exploitations, qui fournissent la matière première à l’industrie de l’ultra‑transformation. Elle contribue à rémunérer les productions bas de gamme alors qu’il faudrait rémunérer les services environnementaux des agriculteurs pour le « surtravail » et le peu de compétitivité internationale de certaines activités.

Le rapport de France Stratégie propose de repenser les aides directes afin de les rendre proportionnelles au travail agricole, afin d’assurer aux agriculteurs un paiement minimal déconnecté du niveau de la production agricole, et de tenir compte de l’augmentation de la charge de travail lors du passage à des pratiques agro‑écologiques. Ce paiement de base par unité de travail serait lié au respect des pratiques environnementales exigées dans le cadre du paiement vert et financé par le budget consacré aux « droits à paiement de base » et au paiement vert.

Un telle réorientation soutiendrait la polyculture et l’élevage extensif, qui participent à l’environnement et le protègent.

Les évolutions systémiques au niveau de l’Union sont limitées. La Commission européenne souhaite préserver le découplage des aides avec la production pour respecter les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le dispositif lié à la surface est difficilement questionnable, de plus un changement de mode de répartition des aides en passant de la surface à l’actif serait beaucoup moins favorable à notre pays, dont les surfaces cultivées sont parmi les plus importantes.

Néanmoins, le règlement de mise en œuvre de la PAC adopté le 2 décembre 2021 ([36]) intègre des dispositions optionnelles de plafonnement des aides à l’échelle d’une exploitation et l’État membre peut prendre en compte le travail salarié et non salarié dans le plafonnement de ces aides. Il conviendrait de recourir au mieux à cette modalité indirecte qui permet de prendre en considération le travail des agriculteurs, figurant à l’article 17 du règlement.

Si l’article 39 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit qu’« assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture » est un but de la PAC, les leviers en ce qui concerne l’évolution du mode de rémunération vers plus de travail écologique appartient encore essentiellement à chacun des États membres.

Les outils à privilégier pourraient intégrer des instruments de type bonus‑malus, plutôt que les quotas, seuils, prescriptions et dérogations.

2.   Promouvoir des financements complémentaires valorisant les pratiques vertueuses pour l’environnement

Notre pays, comme ses partenaires européens, a mis en place des dispositifs permettant de compléter les revenus des agriculteurs par d’autres sources que la production.

Ainsi les paiements pour services environnementaux (apparus dans les années 1980, aux États‑Unis notamment) se sont développés depuis la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui précise cette notion à l’article L. 110‑1 du code de l’environnement : « le patrimoine commun de la nation (…) génère des services écosystémiques et des valeurs d’usage ». Le contrat de Plan de sauvegarde pour l’emploi (PSE) permet de rémunérer les agriculteurs pour des actions qui contribuent à restaurer ou maintenir des écosystèmes dont la société tire des avantages (les biens et services écosystémiques).

Ce dispositif fait ainsi l’objet d’une expérimentation conduite par les agences de l’eau dans le domaine de la biodiversité, finançant les pratiques limitant les impacts sur les milieux, comme par exemple la réduction du recours aux pesticides à proximité des zones de captage d’eau potable. Ce dispositif mobilise des financements, publics et privés, en passant d’une logique de compensation des coûts et des pertes de rendement à une logique de rémunération pour les services rendus.

Le label « Bas‑carbone » permet également de certifier des projets limitant les émissions de gaz à effet de serre (GES) en agriculture : il s’agit de pratiques agricoles qui, dans une logique de compensation de leurs propres émissions, favorisent le stockage de carbone organique des sols, limitent les émissions du bétail par une alimentation optimisée ou encore, en sylviculture, visent à améliorer le stockage de carbone et la biodiversité.

La Cour des comptes souligne, dans un avis publié en octobre 2021, que c’est « l’ensemble des leviers et domaines d’action publique, et notamment le vecteur réglementaire, l’accès au foncier agricole, la gestion des risques ou la recherche de revenus complémentaires, qui doivent être mobilisés pour garantir la cohérence de l’action publique et sa lisibilité pour les acteurs du monde agricole ».

Les rapporteurs préconisent une étude sur les possibilités d’encourager le travail agricole qui contribue à préserver l’environnement, à travers les systèmes de vente de crédits carbone. Ceux‑ci s’organisent déjà aux États‑Unis, en Australie et en Irlande, cette dernière expérimente des compensations pour la préservation des zones humides et des tourbières.

Depuis 2020, il est possible de commercialiser les tonnes de carbone qui ne seront plus émises par le système de production. En réduisant l’empreinte carbone de son activité agricole, un exploitant peut revendre des « crédits carbone » ([37]) et générer une nouvelle source de revenus, la rémunération par tonne de CO2 évitée étant de 30 euros en 2020. La valeur de la tonne de carbone a fluctué en 2021 et a atteint 80 euros en décembre 2021.

La vente par les exploitations agricoles de « crédits carbone » aux grandes entreprises pourrait constituer un échange vertueux, les sociétés étant intéressées à compenser leurs émissions. Le bilan gaz à effet de serre des entreprises demande en effet de minimiser leurs émissions et de compenser celles qui restent, afin d’atteindre la neutralité carbone à terme. Des acteurs privés européens, qui se développent dans ce nouveau domaine, recherchent en France des exploitations volontaires de grande culture de plus de 100 ha, afin d’investir plus sûrement. Il semble que le coût de cet échange, comme les analyses et les changements de pratiques soient à la charge de l’agriculteur, et ce dernier doit être assez solide financièrement pour pouvoir accomplir les nouvelles tâches – planter et entretenir des haies, faire du semis direct, implanter des couverts végétaux…

Le rôle du Gouvernement et des services déconcentrés est important dans la mise en place d’outils et dispositifs pour mesurer le « point de départ » du rachat pour chaque exploitation, mais aussi son évolution et ainsi permettre la rémunération de chaque tonne de carbone séquestrée.

Il conviendrait, pour donner un potentiel à ce dispositif, d’ouvrir les critères d’éligibilité des activités et pratiques agricoles ou d’élevage à ce marché, comme l’incorporation de légumineuses dans les prairies, l’achat de tourteaux de colza à la place de tourteaux de soja, la limitation du labour, la mise en place de couverts végétaux, l’implantation de haies, la méthanisation… Les rapporteurs préconisent la réalisation d’une étude établissant l’ensemble des activités protectrices de l’environnement qui pourraient donner lieu à des ventes de crédits carbone.

Le Gouvernement indique par ailleurs vouloir intensifier les discussions entre ministres européens sur l’agriculture « Bas‑carbone », qui devrait faire l’objet d’une initiative de la Commission européenne fin 2022. La proposition serait de concilier l’objectif environnemental de séquestration de CO2 dans les sols ou les forêts avec la création de valeur économique, à travers l’émission de « crédits carbone » agricoles ou sylvicoles.

Proposition n° 1 :

Réaliser une étude sur l’ensemble des activités et pratiques agricoles et sylvicoles qui pourraient être incluses dans les critères d’éligibilité de la vente de crédits carbone, afin d’inciter plus largement au développement du travail agricole favorable à la préservation de l’environnement et des milieux naturels.

B.   MOBILISER L’EFFORT DE RECHERCHE AFIN DE METTRE À DISPOSITION DES AGRICULTEURS DES SOLUTIONS PLUS RÉSILIENTES

Le rapport de France Stratégie est peut‑être insuffisamment nuancé lorsqu’il fait siennes les conclusions formulées par des études mondiales portant sur des modèles de production extensifs et peu respectueux de l’environnement, bien différents de ceux mis en œuvre en France. Les modes de production nationaux sont déjà, ayant entrepris leur transition, plus résilients et adaptés aux caractéristiques des territoires, avec encore beaucoup de surfaces de prairie qui jouent le rôle de capteurs de carbone.

Notre agriculture reste encore largement fondée sur un modèle familial qui permet cette adaptation et la préservation des prairies : ce modèle doit être accompagné, et mis en valeur.

Les rapporteurs, au cours de leurs auditions, ont eu le sentiment que les agriculteurs se considéraient aux prises avec des injonctions contradictoires, alors qu’ils ont engagé la transition de leur mode de production, transition qui exige du temps. Un accompagnement et des évolutions technologiques et scientifiques seraient très appréciés pour trouver des itinéraires alternatifs résilients et maintenir une compétitivité fortement attaquée.

L’accompagnement des agriculteurs, que chacun souhaite, est un enjeu ambitieux qui a plusieurs aspects, parmi lesquels on peut citer la définition d’une approche intégrée de la préservation des terroirs (prenant en compte les ressources en eau, le climat, le capital sol…) ; le perfectionnement des modes agro‑écologiques de production animale et végétale (bio‑solutions, éco‑antibio…) ; le déploiement des technologies pour l’excellence opérationnelle des fermes et des usines (le numérique et la robotique…) ; la valorisation intégrale de la biomasse (ingrédients, agro‑matériaux, énergies renouvelables…) ; les usages et services alimentaires innovants (économie de la connaissance, de la fonctionnalité, distribution, logistique et traçabilité…).

De cette énumération on peut percevoir les multiples directions que doivent prendre la recherche et le développement.

Le projet « French AgriTech » lancé par le Gouvernement pour accélérer et financer le développement de l’innovation agricole contribue à cette « révolution », avec un soutien de 200 millions d’euros sur 5 ans. Il réunit, dans une dynamique collective, un panel d’entreprises du secteur de la « FoodTech » et de l’« AgriTech », au sein desquels 215 start up sont référencées, avec un objectif commun d’accélération de l’innovation au service de notre indépendance alimentaire.

Les modalités du rapprochement entre les secteurs agricole et numérique font l’objet d’une mission que le Gouvernement a confiée à La Ferme digitale, une association dont le but est de promouvoir l’innovation entre ces deux filières. Cette mission doit établir un état des lieux sur les besoins de structuration de l’écosystème « AgriTech » et « FoodTech ». Les recommandations issues de ces travaux dessineront un futur programme d’accompagnement de start up dans ces deux domaines, avec le soutien du ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

1.   Le travail sur les variétés végétales : privilégier la recherche partenariale

Les modes de production ont commencé leur évolution vers des modes plus résilients, et vers un accroissement de la production de protéines végétales.

Le plan « protéines végétales » déjà évoqué donne un signal fort en faveur du développement des cultures de protéagineux. Cependant, les agriculteurs qui opèrent ces cultures ou commencent à se tourner vers elles, font face à d’importantes difficultés de production, avec des années au climat très défavorable aux variétés travaillées : le pois jaune, la lentille sont des variétés très peu travaillées par la recherche, et les dernières obtentions sont anciennes et faiblement résilientes au champ ; une bonne année est suivie de deux années avec une très faible production.

Ainsi l’année 2021 a démontré les risques pris par les agriculteurs qui ont diversifié leur production avec de la lentille, des protéagineux, des pois chiches : la production a été, dans certaines régions, désastreuse par rapport à ceux qui avaient continué à produire des variétés classique (blé, orge, colza) du fait des insectes ravageurs et de la fragilité des variétés utilisées.

Aussi il est de la responsabilité des pouvoirs publics de ne pas engager les agriculteurs dans des voies risquées si la rénovation variétale est en retard, ce qui a été dénoncé par plusieurs interlocuteurs des rapporteurs. Les variétés végétales résistantes (pour les féveroles, le pois, le lupin) disponibles sont insuffisantes, rendant l’autonomie en protéines encore lointaine.

Les agriculteurs ressentent un décalage entre ce qui leur est demandé en termes de production et de transition et la réalité de la recherche sur des cultures alternatives très résilientes. S’exprime une forte demande de recherche concrète (dans des domaines tels que le bio‑contrôle, la couverture permanente, les mélanges variétaux…), afin de faire émerger des solutions techniques pour évoluer vers une agriculture résiliente et durable. Il faut souligner que de nombreux agriculteurs font leurs recherches eux‑mêmes…

Les rapporteurs ont constaté une certaine amertume de la part des représentants des agriculteurs quant au travail de l’INRAE, qui consacrerait un pourcentage important des crédits de recherche sur certaines filières au détriment de la recherche sur les protéagineux (ainsi, l’INRAE aurait abandonné les recherches sur le lupin). La recherche sur les protéagineux est limitée et peu dotée depuis longtemps, et a bénéficié de peu d’expérimentations.

Une inquiétude s’est exprimée quant au retard pris dans ces domaines, et un sentiment que les recherches décidées par les instituts s’orientent vers des directions trop abstraites, comme les travaux de l’INRAE dans le domaine des sciences sociales, d’études stratégiques à très long terme… Une mesure du Plan de relance a doté cette recherche de 30 millions d’euros au bénéfice des instituts techniques spécialisés, ce qui est un bon début.

Le programme budgétaire 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture », qui englobe le financement de travaux de recherche appliquée, et notamment les missions d’expérimentations de FranceAgriMer et des instituts techniques agricoles est doté de 65,52 millions d’euros pour 2022, en légère baisse par rapport à 2021.

En particulier, la situation fragile de l’Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologiques (ITAB) ([38]), qui effectue la recherche‑expérimentation en agriculture biologique, et qui a été mis en redressement judiciaire, inquiète. Les crédits délégués à l’ITAB étaient de 1,2 million d’euros en 2020, et se limitent à un million d’euros seulement, ce qui est très peu et même inférieur à ceux de l’Institut de la Betterave pour travailler sur les produits de substitution aux néonicotinoïdes, de 2 millions.

Les outils de bio‑contrôle, les innovations techniques pour moins d’intrants et moins d’eau sont à développer rapidement. En matière de bio‑contrôle, un seul programme est réputé efficace – trichogramme, utilisé comme agent biologique contre la pyrale du maïs avec la propriété d’être efficace en plein champ. Or c’est un dispositif qui a été élaboré dans les années 90 !

Il est donc urgent de stimuler les investissements dans la recherche de semences plus performantes dans le secteur des protéagineux (en référence à la stratégie d’autonomie protéique), comme dans les nouvelles techniques de génomique, afin de permettre aux agriculteurs d’atteindre les objectifs qu’on leur assigne.

Ces enjeux nécessitent une évolution de la réglementation concernant les nouvelles techniques de sélection, ou « New Breeding Technologies » (NBT), nouvelles technologies génétiques d’amélioration végétale. Le développement des NBT, bien encadré juridiquement, pourrait permettre de cultiver des variétés plus résistantes aux aléas climatiques et aux insectes ravageurs, et donc de réduire le recours aux produits phytosanitaires et notamment aux néonicotinoïdes. Le développement des NBT se heurte aujourd’hui au cadre européen, bâti pour restreindre la production d’organismes génétiquement modifiés (OGM), la Cour de justice de l’Union européenne ayant assimilé, par principe de précaution, les techniques de mutagénèse, c’est-à-dire de modification d’un gène déjà présent dans la plante, à des OGM. Le co‑rapporteur évoque cette question très importante pour la résilience de l’agriculture européenne dans son récent rapport d’information sur l’autonomie alimentaire de la France et au sein de ses territoires ([39]).

Une évolution peut être espérée avec les positions prises par la Commission européenne qui a reconnu que les NBT ont un réel potentiel pour contribuer à des systèmes alimentaires plus durables et compatibles avec les objectifs du Pacte vert et de la stratégie « De la ferme à la fourchette ». Elle recommande ainsi d’adapter la législation européenne aux récents progrès scientifiques, avec un projet de réglementation à l’étude. La Commission précise en outre que l’évaluation des risques sera prise en compte et que des mécanismes de traçabilité, d’étiquetage et d’ajustements réglementaires seront prévus.

La volonté d’accroître les productions de protéines végétales locales suppose de mettre les acteurs et l’État « autour de la table » pour définir des programmes de sélection et d’amélioration génétique de ces espèces. Ces programmes font défaut chez les sélectionneurs, considérant qu’il n’est pas rentable de mettre en place un programme pour 10 à 15 ans, alors que des progrès génétiques importants sont attendus. Des initiatives existent toutefois, comme le projet Leg’Alim, soutenu par la région Bretagne, qui prévoit la création d’une filière durable de légumineuses à haute valeur ajoutée.

Les pôles de compétitivité, dont une vingtaine parmi les 56 labellisés travaille sur l’agriculture et l’alimentation, jouent un rôle très important dans le soutien de l’innovation et le développement de projets collaboratifs de recherche et de développement innovants. L’accompagnement y prend la forme d’aides financières aux meilleures innovations dans le cadre d’appels à projets, de participation aux structures de gouvernance des pôles ou d’implication de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ou de Bpifrance.

L’apport des pôles de compétitivité à l’agroécologie

Le pôle Végépolis Valley, dont les rapporteurs ont entendu la présidente, mène des expériences sur le végétal durable soit pour lui‑même (avec le développement du bio‑contrôle par exemple…) soit pour d’autres usages comme les biomatériaux, la biocosmétique… Le pôle travaille aussi sur le végétal urbain, la place du végétal en ville, sujet majeur dans le contexte de changement climatique...

Aujourd’hui, le pôle travaille sur l’eau et l’agriculture et sur le rôle de la production de végétaux pour stocker du carbone, l’agriculture étant la seule activité capable de stocker du carbone de manière efficace, capacité encore sous‑estimée.

Plusieurs projets concernent le changement climatique : le métaprojet Climatveg en Bretagne et Pays de la Loire avec 70 intervenants, qui concerne de nombreuses filières et agit de façon très pratique pour ce que l’agriculteur pourrait mettre en place sur sa ferme, mais aussi jusqu’à des démarches de recherche fondamentale.

On mentionnera aussi le programme national « Transition en territoires de l’agriculture, l’alimentation et l’environnement » (TETRAE), fondé sur une démarche partenariale entre l’INRAE et les régions participantes, qui en sont les co‑financeurs. Ce programme vise à stimuler une recherche finalisée répondant aux enjeux agricoles, alimentaires et environnementaux propres à chaque région, dont les résultats seront valorisés localement. L’avancement du programme est inégal selon les régions (ainsi en Auvergne‑Rhône‑Alpes – le programme est bien avancé et porte sur l’eau, l’adaptation au changement climatique, la territorialité de l’alimentation).

La recherche en agroécologie est essentielle, mais elle doit intégrer et privilégier l’humain : ainsi que le souligne M. Florent Sebban, représentant du réseau des Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP), « 1 euro d’argent public est mieux utilisé en recherche en partenariat avec les fermes plutôt que de financer une part de moissonneusebatteuse ou de silo à grains ». Nombre de fermes sont engagées dans des programmes d’auto‑construction d’outils agricoles, en revanche, la nouvelle génération d’agriculteurs doit être formée régulièrement à l’agroécologie, comme d’ailleurs à la comptabilité et à la gestion.

Les innovations sont nombreuses dans le domaine du végétal, au‑delà de l’alimentaire. Un des principaux freins concerne l’accès aux ressources en eau en particulier. C’est pourquoi les agriculteurs doivent être fortement intégrés dans le montage et l’organisation des projets innovants. Les observateurs constatent que ce n’est pas assez le cas, ce qui aboutit à des projets innovants non repris par les agriculteurs car insuffisamment adaptés à leur mode de travail, au territoire, aux filières existantes… Les instituts de recherche doivent accepter de prévoir des budgets d’expérimentation avec les agriculteurs, et faire prévaloir la co‑construction dans la recherche innovation !

2.   Accompagner les agriculteurs dans leur évolution

La question est donc de ce que l’on produit, mais également comment on conserve, transforme et comment on le distribue.

Revaloriser le travail des agriculteurs et sa rentabilité suppose non seulement l’évolution des méthodes de production mais aussi de réinvestir dans certains équipements au niveau du territoire, et d’associer les transformateurs à la dynamique de territoire. Ainsi l’équipement en déshydrateurs est devenu très faible, comme en général l’équipement de première transformation, de même que les cellules de stockage plus petites que les silos cathédrales devenus habituels.

Le représentant de French AgriTech, entendu par les rapporteurs, souligne l’attention qu’il faut porter à la maîtrise des données générées par les nouveaux équipements agricoles et d’élevage. Les équipements génèrent des données (ainsi, les robots pour la traite génèrent des données que l’agriculteur lui‑même ne maîtrise pas, car les données sont fermées). La data générée par l’activité des agriculteurs doit être protégée si on veut maîtriser notre agriculture à l’avenir. Là encore, les expérimentations et les innovations devraient être davantage accompagnées, afin de permettre aux agriculteurs de les tester et leur permettre de décider ensuite leurs orientations.

Les rapporteurs reprennent ici la proposition de la mission d’information parlementaire sur l’autonomie alimentaire française ([40]), visant à créer un fonds pour la transition agro‑écologique afin de pérenniser le soutien financier à l’investissement pour l’achat d’agro‑équipements, mis en place dans le cadre du Plan de relance. Les investissements productifs des agriculteurs, nécessaires à cette transition, doivent être sécurisés.

3.   Les déséquilibres de la production agricole nationale s’accroissent

La production nationale comporte de nombreux déséquilibres, qui se traduisent par un pourcentage important d’importations dans plusieurs filières, affectant la balance commerciale agroalimentaire. En effet, si le secteur agroalimentaire constitue le troisième poste d’excédent commercial de la France, avec 7,8 milliards d’euros en 2019 ([41]), il a tendance à s’éroder depuis une quinzaine d’années : la France est passée de la première place des exportateurs européens à la troisième, derrière l’Allemagne et les Pays‑Bas. En outre, cet excédent repose essentiellement sur les ventes de vins, de spiritueux et de céréales.

Les importations de fruits et légumes, de produits de la mer et de produits issus de l’agriculture biologique ont considérablement augmenté. Ainsi les échanges montrent un solde négatif sur le beurre et les produits transformés à base de viande ; un fruit et légume consommé en France sur deux est importé, les deux tiers des poissons consommés sont importés comme un tiers de notre consommation de produits bio ; 70 % des légumes secs sont importés. En ce qui concerne les protéines végétales nécessaires à l’alimentation du bétail, la part de l’importation par rapport à la quantité totale nécessaire était en 2018 de 40 %. C’est ainsi que hors céréales et boissons, la balance agricole et agroalimentaire de la France est très déficitaire : – 7,7 milliards d’euros en 2010, devenus – 11 milliards en 2019.

Notre pays importe environ 20 % de son alimentation. Comme le souligne le rapport de France Stratégie, les importations croissantes révèlent pour partie le manque de compétitivité de pans entiers de l’agriculture française, ainsi que l’absence d’autonomie de certaines filières, comme les filières de l’élevage en mode de production intensif (volailles, porcs, une partie de l’élevage bovin) qui dépendent d’aliments importés.

La surface de vergers sur le territoire a été divisée par deux au cours des dix dernières années. Des fruits auparavant exportés sont de plus en plus importés : melons, pêches, raisins de table par exemple. Beaucoup de légumes de base largement consommés par les Français sont importés massivement.

La situation est encore plus défavorable en ce qui concerne les produits de la pêche, alors que la France est la deuxième puissance océanique mondiale, derrière les États‑Unis. Notre pays est le 24ème exportateur mondial de produits de la pêche et de l’aquaculture, soit 1,3 % de part de marché. Les deux tiers des poissons consommés sont importés, et en particulier le saumon et les coquilles Saint‑Jacques.

La dépendance des élevages français aux protéines importées (essentiellement le soja) a des conséquences environnementales et économiques importantes. La France produit en effet environ 60 % de sa demande grâce à ses filières colza et tournesol, d’où une dépendance inférieure à celle de l’Europe en général (aux alentours de 60 à 70 %). Néanmoins, compte tenu de l’importance de notre élevage, ce taux de dépendance génère d’énormes importations de soja : ainsi 6 millions de tonnes de soja ont été importées en 2017, dont plus de la moitié du Brésil, avec les externalités négatives correspondantes en termes de déforestation, de bilan carbone négatif, notamment. Le taux d’auto‑approvisionnement de la France en soja s’établit ainsi à 46,6 %, mais s’effondre à 4,6 % pour les tourteaux de soja.

Le graphique suivant fait apparaître les nombreuses filières françaises déficitaires pour lesquelles la France dépend des importations.

balance commerciale par filières

En M€ – Cumul sur 12 mois

Source : Tableau de bord des résultats à l’export des filières agricoles et agroalimentaires 2019, FranceAgriMer, données DGDDI

On constate que les produits et filières, stratégiques pour permettre à la population française d’évoluer vers des régimes alimentaires équilibrés et sains, ont connu une diminution de la production nationale et un accroissement des importations. Peut‑on se satisfaire d’une situation dans laquelle plus les Français amélioreront leur régime alimentaire, avec une consommation accrue de poisson, de fruits et légumes, de légumineuses, de produits bio, plus l’approvisionnement devra recourir à l’importation ?

Il est donc urgent de remédier aux problèmes qui rendent moins concurrentielles les filières françaises et les soumettent à la concurrence des producteurs étrangers.

4.   La recherche de la souveraineté alimentaire passe par l’attractivité des métiers du vivant

Tant le rapport de France Stratégie, que des travaux parlementaires et d’experts ont analysé récemment les raisons du déficit de compétitivité de notre agriculture, particulièrement marqué vis‑à‑vis de certains partenaires européens, et du manque d’attractivité de nombreuses professions agricoles en France.

Ces travaux ([42]) mettent en exergue les différences entre les normes environnementales et sociales d’un pays à l’autre, le coût du travail élevé en France, le coût des consommations intermédiaires, de la fiscalité sur la production mais aussi d’une structuration insuffisante de certaines filières. S’ajoutent à cela la faiblesse de l’investissement par rapport aux concurrents, la perte de compétitivité des ports français ou encore la complexité administrative, selon un rapport de FranceAgriMer.

France Stratégie note dans son rapport que les prix de nos produits semblent augmenter plus vite que chez nos voisins. Les coûts de production sont plus importants, ce qui peut s’expliquer par le recours au travail détaché voire au travail clandestin dans les pays concurrents.

a.   Identifier et soutenir les filières les plus stratégiques et les plus fragilisées

L’organisation et la structuration des filières est très différente de l’une à l’autre. Si certaines se sont bien structurées, comme la filière protéines, d’autres comme les fruits et légumes sont moins organisées et plus fragiles face à la concurrence. Ces professions ont une organisation commune mais qui ne fédère qu’environ 50 % des acteurs, ce qui ne leur permet qu’un accès limité aux soutiens financiers européens destinés aux organisations de producteurs. L’appel à projets « structuration des filières agricoles et agroalimentaires » lancé en 2021 dans le cadre du Plan de relance, est certainement un élément incitatif aux projets structurants, car il ouvrait la perspective d’un financement des investissements matériels comme de dépenses immatérielles pour les filières.

Sur le terrain, des initiatives positives sont prises. Ainsi, Mme Agnès Henry, de la coordination rurale, cite‑t‑elle en modèle la coopérative de Savoie, qui a organisé son marché en fromages appellation d’origine contrôlée/indication géographique protégée (AOP/IGP) et parvient à protéger le marché des producteurs régionaux, en maintenant une exigence de qualité y compris face à l’industrie agroalimentaire.

Le Gouvernement doit prendre en considération la question du manque de main‑d’œuvre qui est aujourd’hui une difficulté dans certaines filières agricoles. La profession tente de surmonter les obstacles en s’adaptant au contexte d’une année sur l’autre, en recourant à des travailleurs de beaucoup de nationalités étrangères, (différentes d’une année sur l’autre), pour occuper les emplois saisonniers ou dans les fermes. Des formations sont organisées pour répondre à ces problèmes sans parvenir à les résoudre.

b.   Les difficultés de l’agriculture biologique, sujette à une vive concurrence étrangère et dont le prix ne reflète pas les coûts de production

La France est devenue le premier pays européen en termes de surface cultivée en biologique depuis juillet dernier, avec presque 10 % de la superficie agricole utilisées (SAU), ayant dépassé l’Allemagne et l’Italie. Néanmoins, l’adéquation entre l’offre et la demande n’est pas réalisée, comme l’ont souligné des représentants de syndicats d’agriculteurs devant les rapporteurs.

La consommation des Français en aliments bio représente 178 euros par an et par habitant. En 2019, notre production d’aliments bio ne couvrait que 67 % de la demande nationale en volume, ce qui obligeait à importer un tiers de la consommation. Il apparaît souhaitable que les productions bio nationales puissent répondre à cette demande, mais elles font face à des difficultés et une concurrence étrangère très vive, en particulier au sein de l’Union européenne.

Une autre donnée rend le tableau plus complexe : certaines productions nationales bio ne trouvent pas suffisamment de débouchés – c’est le cas des œufs et du lait en 2020 ; ce dernier produit a en partie dû être commercialisé dans le circuit ordinaire alors que le passage en mode bio appelle des investissements particuliers pour lesquels l’éleveur ne percevra pas de retour financier. La part du bio est infime dans la restauration commerciale (2 %) et faible dans la restauration collective (11 %).

Le déficit de compétitivité de l’agriculture française est encore plus accusé en ce qui concerne le bio, avec un coût du travail le plus élevé d’Europe. L’Espagne, l’Italie en particulier, ont développé la culture biologique pour l’exportation, car ils disposent d’une main‑d’œuvre à faible coût et s’en servent comme avantage comparé. Les injonctions contradictoires arrivent ici au plus haut point, avec l’impératif de remplacer les produits phytosanitaires et les outils consommateurs d’énergie fossile par de la main‑d’œuvre que l’on n’a pas.

En effet, si l’on veut employer de la main‑d’œuvre importante dans une exploitation, il faut avoir recours à de la main‑d’œuvre étrangère, ce qui donne lieu à une sorte d’effet domino : les producteurs ukrainiens emploient des Biélorusses car les travailleurs ukrainiens sont trop chers, les producteurs polonais emploient les Ukrainiens pour la même raison et les producteurs allemands emploient des Polonais.

Les coûts réels de l’alimentation ne sont pas répercutés au consommateur aujourd’hui, ce qui pose un problème d’équilibre sociétal.

Dans ce contexte, la robotisation représente l’avenir dans le domaine du bio, ainsi que l’a souligné M. Antoine Pulcini, fondateur d’une centrale d’approvisionnement en produits frais et locaux, car il y a peu de chances que les jeunes actifs veulent venir travailler à désherber en bio : « il faut des bras et on ne les a pas ».

Si le produit bio, consommateur de main‑d’œuvre, est souvent vendu plus cher, la part qui revient au producteur ne rémunère pas significativement mieux son mode de production plus difficile.

Les importations importantes de produits alimentaires bio peuvent inquiéter quant aux propriétés du bio importé. À l’échelle de l’Union européenne, le cahier des charges des productions bio est rigoureux (l’organisme Ecocert intervient dans tous les États membres) mais l’on ne peut être certain de la fiabilité des certificateurs partout, l’accréditation étant plus ou moins exigeante suivant les pays.

Il conviendra de continuer à soutenir la production bio : en pérennisant le soutien accru au fonds avenir bio au‑delà du Plan de relance, en révisant les exigences de la certification haute valeur environnementale (HVE), notamment.

c.   Revaloriser le rôle de l’agriculteur

Pour revaloriser le rôle du producteur, plusieurs experts considèrent que son rôle doit s’étendre au‑delà de la production primaire vers le rôle secondaire de la transformation, et du tertiaire avec la commercialisation des produits.

Il est certain que cette revalorisation constitue une transformation profonde du système productif, qui peut accroître significativement les revenus des producteurs et des transformateurs en leur redonnant une part beaucoup plus importante de la valeur ajoutée dans la chaîne productive.

La loi EGalim 2 doit contribuer à ces évolutions, si elle peut contraindre les transformateurs et les industriels à ne pas considérer les producteurs comme des variables d’ajustement. L’ambition de recréer une relation producteur, transformateur, distributeur différente de ce que l’on a connu depuis 40 ans est une ambition majeure. Le producteur doit être respecté par le transformateur, qui a une grosse responsabilité.

Dans les territoires, le marché d’agriculteurs est un bon moyen de redonner sa place au producteur, qui peut reprendre le contrôle de la chaîne alimentaire. De nombreux exemples ont été cités durant les travaux de rapporteurs : le PAT du Grand Clermont notamment, où des agriculteurs font de la transformation en vendant les produits laitiers localement.

d.   Assurer de justes conditions de concurrence aux agriculteurs et entreprises

Les représentants des agriculteurs appellent à prendre en compte l’amélioration de la compétitivité des exploitations, essentielle pour reconquérir la souveraineté alimentaire de notre pays. Le Conseil de l’agriculture française demande ainsi l’arrêt des sur‑transpositions des normes par rapport aux exigences des directives européennes, afin « que les agriculteurs de chaque pays européen produisent et vendent selon les mêmes règles sociales et environnementales ».

Les rapporteurs sont sensibles à cette demande de limiter les sur‑transpositions des normes européennes en droit national, qui freinent la compétitivité du modèle français et contribuent à placer les agriculteurs dans une situation complexe.

Ils sont inquiets aussi du taux de non‑conformité élevé constaté par l’administration quant aux importations. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) constate que 8,1 % de produits importés sont non conformes au cadre réglementaire français. Cette proportion est encore plus élevée pour les produits bio : 17 %. À cet égard, l’effet de la loi EGalim, qui prévoit d’inclure davantage de produits bio dans les achats de la restauration collective publique, pourrait être contreproductif si l’on devait importer davantage de produits bio : trouvera‑t‑on davantage de produits bio non conformes dans la restauration collective ?

Les interrogations sur l’insuffisante compétitivité de l’agriculture française sont déjà anciennes.

Face au constat d’une baisse des parts de marché de notre agriculture, une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a recherché en 2015 les raisons de la perte de compétitivité de certaines filières, et si un lien pouvait être établi entre l’évolution de notre compétitivité et celle du coût du travail, constatée chez nos partenaires, et en France.

Écarts de compétitivité liés au coût du travail dans les secteurs agricole et agroalimentaire (mission interministérielle de l’IGAS et du CGAAER)

Dans l’ensemble des pays étudiés, la structure de l’emploi ne détermine pas fortement le coût du travail. Dans la production agricole, le travail demeure principalement familial, tandis que dans l’abattage et découpe de viande de boucherie ou de volaille, le travail salarié représente de 90 % à 99 % des emplois (dans ces industries, certains pays ont un recours massif aux travailleurs détachés, particulièrement les Pays-Bas, l’Allemagne et la Belgique).

Resitué dans l’ensemble des charges courantes d’exploitation de la production agricole, le coût du travail en France représente toujours le même pourcentage entre 2004 et 2012. Il n’a donc pas été un facteur d’alourdissement de celles‑ci. Ce ratio a augmenté en Allemagne, Pologne, Espagne et Pays-Bas pour la production fruitière. Il a augmenté en Allemagne et en Pologne pour la production légumière du fait d’un rattrapage salarial.

Ce sont les dispositions juridiques nationales en matière de droit du travail (salaires, durée du travail…) et de droit de la protection sociale (niveau des prestations sociales et modalités de financement) qui conduisent aux écarts de coût du travail. L’absence de minimum salarial dans ces activités en Allemagne a longtemps permis une rémunération parfois très faible des travailleurs détachés, source de distorsion de concurrence.

L’introduction d’un salaire minimum en Allemagne et la mise en œuvre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et des mesures du Pacte de responsabilité et de solidarité en France conduisent à une réduction de l’écart du coût du travail entre les deux pays d’autant plus significative que le salaire minimum allemand devra s’appliquer aux travailleurs détachés.

Le contexte du droit du travail et celui de la protection sociale constituant une source d’écart de coût du travail peu susceptible d’évoluer, il convient de rechercher d’autres moyens de soutenir la compétitivité et le niveau de vie des agriculteurs.

Les rapporteurs demandent que soit étudié l’impact qu’aurait l’intégration de l’agriculture dans le dispositif de la compensation carbone aux frontières, aujourd’hui à l’agenda des discussions européennes. Intégrée dans le paquet « Fit for 55 », la compensation carbone aux frontières permettrait d’instaurer une tarification sur les produits importés en fonction des émissions carbone qu’ils représentent. Cette compensation permettrait de rétablir des conditions de concurrence plus justes et garantir les standards environnementaux de notre agriculture.

L’occasion de la Présidence française du Conseil de l’Union pourrait permettre de renforcer le contrôle des importations agricoles européennes en leur imposant progressivement les mêmes normes sanitaires et environnementales que celles en vigueur au sein de l’Union.

Les rapporteurs soutiennent à cet égard la position exprimée par le ministre de l’agriculture et de l’alimentation le 17 janvier à Bruxelles, énonçant le caractère nécessaire de la réciprocité des normes entre l’Union et ses fournisseurs, afin de pouvoir mener la transition agro‑écologique sans être exposé à la concurrence déloyale des pays tiers. Le ministre a lié la pérennité de la production européenne, et donc sa souveraineté alimentaire, à la mise en œuvre de cette réciprocité, dans le cadre des traités et accords existants.

Toutefois, si le principe peut recueillir l’approbation des 27, sa traduction dans les textes se heurte à des désaccords, comme l’a montré l’échec de la Commission, du Parlement européen et des États membres, au printemps 2021, à se mettre d’accord pour inclure l’exigence de réciprocité dans les textes constituant la réforme de la Politique agricole commune (PAC).

Alors que le Parlement européen souhaitait interdire l’importation de produits présentant des traces de pesticides, bannis au sein de l’Union européenne pour des raisons environnementales, l’opposition de certains États membres, arguant des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), avait fait échouer l’adoption de règles plus protectrices du marché européen.

C’est pourquoi le Gouvernement s’est donné l’objectif de voir inclure dans les traités commerciaux européens des « clauses miroirs » assurant la convergence des normes entre les parties après la signature de l’accord.

Les rapporteurs soutiennent les efforts du Gouvernement pour promouvoir la réciprocité des normes entre l’Union européenne et les pays tiers exportateurs et l’imposition de clauses miroirs dans les accords commerciaux.

e.   Les enjeux de la rémunération des agriculteurs

Des réformes législatives sont intervenues au cours des dernières années pour améliorer les rémunérations et l’attractivité des métiers de l’agriculture.

La loi EGalim 2, promulguée en octobre 2021, issue de la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, présentée par le député M. Grégory Besson‑Moreau. Cette loi introduit de nouveaux dispositifs de régulation et de transparence prenant davantage en compte les coûts de production des agriculteurs, renforçant les mentions d’origine des viandes en restauration et pour certains produits à forte composante agricole. On soulignera que ce texte rend obligatoire la conclusion de contrats écrits et pluriannuels (sur trois ans minimum) lors de la vente de produits agricoles entre un producteur et son premier acheteur, inversant la pratique actuelle, de tels contrats étant jusqu’ici réservés à un nombre restreint de filières. Les contrats devront prévoir une clause de révision automatique des prix afin que les agriculteurs puissent répercuter d’éventuelles hausses des coûts de production. Par ailleurs, est prévue l’expérimentation d’une clause dite de « tunnel de prix » avec des bornes minimales et maximales à l’intérieur desquelles pourra varier le prix convenu, clause qui devrait bénéficier à la filière bovine.

Aujourd’hui, la variation du prix des matières premières agricoles dans les négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, qui se répercute sur le revenu des agriculteurs, est insuffisamment prise en compte. Aussi la loi prévoit‑elle de rendre non négociable, entre les industriels et les distributeurs, la part du prix correspondant au coût des matières premières agricoles. Ce principe de non‑négociabilité doit s’appliquer à tous les produits alimentaires, quelle que soit la part de produits agricoles dans le produit fini.

Également, dans le cadre de la loi EGalim 2, sera expérimenté pendant cinq ans l’affichage de l’impact des prix des produits agricoles et alimentaires sur la rémunération des agriculteurs sous la forme d’un « Rémunéra‑Score » : il s’agit d’informer les consommateurs sur la réalité des coûts de production et d’inciter les plateformes de vente à garantir une juste part de la valeur aux agriculteurs.

Cette expérimentation concernera notamment la filière viande bovine, les produits laitiers et certaines productions issues de l’agriculture biologique.

Les représentants des agriculteurs entendus par les rapporteurs ont exprimé leur déception quant aux résultats de la première loi EGalim. Les résultats apportés par EGalim 2, à concrétiser lors des prochaines négociations commerciales en 2022, sont très attendus, car le renouvellement des agriculteurs, enjeu essentiel de l’avenir de notre agriculture, ne pourra se faire si les revenus des agriculteurs continuent d’être la variable d’ajustement du prix du produit.

Les conditions de la commercialisation en circuit court et en vente directe devraient aussi être analysées et encouragées : les considérer dans le cadre d’un projet de loi EGalim 3 pourrait donner un nouvel élan à ces pratiques qui répondent à une aspiration des consommateurs et pourraient contribuer davantage à accroître les revenus des agriculteurs.

f.   Mieux faire connaître les métiers du vivant et renforcer les actions de formation

Attirer de nouvelles générations vers le travail agricole est impératif pour faire face aux nombreux départs à la retraite qui se produiront dans les dix prochaines années. Les rapporteurs insistent sur la nécessité de poursuivre les actions de communication auprès du grand public pour rénover et revaloriser l’image des métiers du vivant.

Ils soulignent l’impératif de formation de la nouvelle génération agricole à l’agroécologie mais aussi en comptabilité et gestion.

Ils rappelleront ici les propositions présentées par le co‑rapporteur Julien Dive dans son rapport récent précité :

– soutenir le réseau de l’enseignement et de la formation agricoles, renforcer la lisibilité des différentes formations existantes en rapprochant certains cursus, favoriser les liens entre les établissements de formation et les futurs employeurs ;

– soutenir l’apprentissage, en particulier pour la filière agroalimentaire ;

– développer les expérimentations pour rapprocher les personnes éloignées de l’emploi des métiers du vivant.

III.   REDONNER UN ANCRAGE TERRITORIAL AU SYSTÈME ALIMENTAIRE

Dès 2010, la loi de modernisation de l’agriculture fait du développement des circuits courts un objectif de la politique de l’alimentation, laquelle est définie dans le premier Programme national pour l’alimentation qui vise à « développer des circuits courts, [encourager] la proximité géographique entre producteurs et transformateurs et l’approvisionnement en produits agricoles locaux dans la restauration collective publique comme privée » (article L. 230‑1 du code rural).

Plus récemment, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 a défini le modèle productif de l’agroécologie dont la finalité est « d’encourager l’ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, y compris par la promotion de circuits courts, et de favoriser la diversité des produits et le développement des productions sous signes d’identification de la qualité et de l’origine ».

La Stratégie Farm to Fork porte également ce message de réduction de la dépendance à l’égard des transports longue distance, et d’attention au bien‑être animal. La réduction du nombre d’intermédiaires est aussi une orientation, le tout devant s’inscrire dans les règles du marché intérieur.

La notion de produit local est assez large et d’interprétation variable, n’étant notamment pas définie par une zone kilométrique autour du lieu de commercialisation. La notion de circuit court par contre est définie : il s’agit d’un mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte s’il y a un seul intermédiaire.

L’achat de produits locaux par les consommateurs et les responsables de restauration collective favorise la reterritorialisation de l’alimentation et rétablit du lien entre producteurs et consommateurs, et permet enfin de stabiliser les revenus des agriculteurs, sans les améliorer néanmoins.

On ne relève pas de causalité entre le caractère local d’un produit et ses qualités nutritionnelles. Cependant, on peut considérer que la réduction du temps de transport du produit évite une perte d’antioxydants et de polyphénols, ce qui conserve au produit ses qualités nutritives ; le localisme permettra aussi de commercialiser une plus grande diversité de produits, incluant des variétés qui résistent mal au transport.

Le caractère local des approvisionnements alimentaires ne constitue pas en soi un levier substantiel d’amélioration de la durabilité environnementale des systèmes alimentaires, si l’on ne dispose pas d’analyse et de critères vérifiables portant sur les modes logistiques d’approvisionnement, qui peuvent occasionner des transports accrus.

Les circuits courts représentent actuellement 6 % des surfaces agricoles, le reste étant en grande culture et agro‑industrie. Si l’évolution vers davantage de production locale répond à une aspiration des consommateurs, des experts soulignent qu’il ne faut pas perdre de vue les besoins alimentaires globaux de la population, la surface agricole utile disponible pour les cultures qui se réduit, les cultures possibles en fonction du contexte géographique et climatique enfin. Aussi, accorder les conditions du foncier, les modalités d’installation des agriculteurs et la transformation des cultures consiste à rechercher un équilibre complexe à définir.

A.   LA PRODUCTION LOCALE ET LES CIRCUITS COURTS : PÉRENNISER L’ENGOUEMENT NÉ DE LA CRISE SANITAIRE

Les produits alimentaires locaux ne sont pas officiellement définis et ce terme recouvre des réalités variables, ainsi que l’a décrit le rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, dont la mission a entendu les auteurs ([43]).

En effet, plusieurs initiatives publiques ou privées ont élaboré leurs propres critères géographiques pour qualifier un produit de local. Ces produits sont commercialisés par différents canaux : marchés municipaux, réseaux et marchés de producteurs, magasins de producteurs, vente directe par les exploitations, plateformes en ligne et points de retrait… de même que les grandes et moyennes surfaces qui ont développé des espaces pour les produits locaux.

Le rapport précité, pas plus que les interlocuteurs entendus par les rapporteurs, ne préconisent d’adopter une définition nationale des produits alimentaires locaux. Par contre, pourrait être recommandés l’élaboration d’une charte, ou d’un guide de bonnes pratiques, pour harmoniser les exigences liées à l’appellation « produit local » et donner plus de lisibilité aux acteurs, alors que ce marché se développe fortement. Le Conseil national de la consommation ou le Conseil national de l’alimentation pourraient être le cadre d’élaboration d’une telle charte.

Ainsi par exemple, la transformation des produits dans leur région de production n’est pas toujours respectée et la proportion de produits locaux peut fortement varier. D’où l’intérêt qu’il pourrait y avoir à ce que les marques régionales et de distributeur s’engagent par une charte à respecter certaines exigences relatives à l’utilisation de matières premières locales et à la transformation locale des produits.

1.   Un engouement pour les produits locaux

La demande de produits locaux et durables est croissante depuis cinq à six ans et s’est renforcée pendant la crise sanitaire. Toutefois, cette demande semble se rétracter depuis que la crise s’éloigne, révélant le paradoxe de ce phénomène : le consommateur éprouve un désir d’authenticité, de proximité avec la vie rurale et l’envie de produits de qualité, mais lors de l’acte d’achat, revient la primauté du prix abordable et de l’accessibilité dans les supermarchés – qui pénalisent les revenus des agriculteurs. Ce paradoxe met à l’épreuve les investissements des agriculteurs, qui ont besoin de prévisibilité.

Une demande croissante de produits dits « locaux »

2.   Renforcer les obligations européennes d’affichage de l’origine géographique des produits

Les consommateurs se montrent de plus en plus soucieux de l’origine des aliments qu’ils consomment, données qu’ils associent à des procédés de production et de contrôle plus ou moins vertueux et exigeants selon les pays de provenance. La réglementation européenne paraît aujourd’hui en décalage avec ces attentes de transparence et de traçabilité, qui conduisent à préconiser un affichage plus systématique de l’origine du produit. Les rapporteurs soutiennent ici les demandes présentées dans le rapport de Mme Pascale Boyer et du co‑rapporteur M. Julien Dive, présenté le 8 décembre 2021 ([44]).

Là encore, les mentions d’origine sont encadrées par le droit européen : le règlement sur l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires de 2011, dit règlement INCO, indique que les États membres peuvent introduire des mesures concernant l’indication obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance des denrées alimentaires seulement s’il existe un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance.

Le droit européen permet aux entreprises de porter sur une base volontaire une indication d’origine sur leurs produits. De fait, certaines entreprises informent leurs clients sur le lieu d’origine de leurs produits, y trouvant un intérêt commercial.

La France a cherché à renforcer les obligations d’affichage du pays d’origine à la suite du scandale des lasagnes à la viande de cheval, avec une expérimentation lancée en 2016 pour prévoir des obligations d’étiquetage pour les produits transformés contenant de la viande et du lait. Cette expérimentation a été partiellement annulée par le Conseil d’État au motif de sa non‑conformité au droit européen et a fait l’objet d’un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Des avancées, néanmoins limitées en raison du cadre européen, sont intervenues avec la loi du 10 juin 2020 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires et de la loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite « loi EGalim 2 ».

La loi du 10 juin 2020 a prévu :

– un renforcement des obligations d’étiquetage du pays d’origine pour le cacao, le miel, la gelée royale et la bière ;

– un renforcement des obligations d’indication de l’origine de la viande dans la restauration : indication obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance des plats contenant un ou plusieurs morceaux de viande bovine, hachée ou non, porcine, ovine et de volaille dans les établissements proposant des repas à consommer sur place ou dans les établissements proposant des repas à consommer sur place et à emporter ou à livrer (article L. 412‑9 du code de la consommation).

La loi EGalim 2 a transposé en droit interne l’obligation, lorsque l’origine du produit alimentaire diffère de l’origine de son ingrédient principal, de faire savoir au consommateur que cette différence existe (soit en affichant également l’origine de l’ingrédient, soit en spécifiant que les deux origines sont différentes). Également, l’origine des viandes utilisées en tant qu’ingrédients dans des préparations et des produits à base de viande tels que les saucisses, nuggets, jambons, boulettes, devra être indiquée.

Un décret d’application a été pris le 27 janvier dernier pour la mise en œuvre de la loi EGalim 2 : à compter du 1er mars 2022, l’origine de la viande (porc, volaille, agneau, mouton) servie dans toute la restauration hors domicile (cantines, restaurants, restaurants d’entreprises) devra être indiquée, comme cela est le cas pour les viandes bovines depuis 2002. L’étiquetage de l’origine des viandes devra mentionner le pays d’élevage et le pays d’abattage, qu’il s’agisse de viandes fraîches, réfrigérées, congelées ou surgelées. Le ministre de l’agriculture M. Julien Denormandie a annoncé un prochain décret pour les produits transformés (nuggets par exemple).

Les rapporteurs se félicitent de cette avancée et demandent que le décret d’application de la loi étiquetage de 2020 soit pris rapidement afin de respecter la volonté du législateur.

La révision du règlement INCO a été annoncée par la Commission européenne dans le cadre de la stratégie Farm to Fork, et une consultation va être lancée dans ce cadre. Il est souhaitable que la France soit « proactive » sur cette révision, qui offre une fenêtre d’opportunité pour obtenir des marges de manœuvre plus importantes pour instaurer un affichage élargi de l’origine géographique des produits alimentaires, y compris les denrées transformées. Un étiquetage par pays au lieu de « provenance UE » serait un atout pour nos agriculteurs.

Il est certain que le domaine de l’étiquetage est très complexe comme la recherche de la conciliation des logiques du consommateur et des opérateurs, considérant qu’en outre les règles sanitaires sont européennes et l’établissement d’un lien objectif entre qualité et provenance est difficile.

Proposition n° 2 :

Dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne, entreprendre la révision du règlement sur l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires de 2011 (INCO) afin de rendre obligatoires les informations relatives à l’origine géographique des produits alimentaires.

B.   LE SUCCÈS DE LA DÉMARCHE DES PROJETS ALIMENTAIRES TERRITORIAUX : UNE MOBILISATION DES ACTEURS, UN FONCTIONNEMENT À AMÉLIORER

Les projets alimentaires territoriaux (PAT) ont été introduits par voie d’amendement lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de 2014, afin de formaliser des dynamiques qui s’élaboraient au plan local pour créer des systèmes alimentaires territoriaux, mettant en relation producteurs, collectivités et consommateurs, et qui ne pouvaient s’inscrire dans un cadre juridique adapté. Cette origine explique que ce dispositif, « plébiscité » depuis par les collectivités, se construise de manière empirique, plutôt que procédant d’une conception structurée dès le départ et assortie d’un dispositif d’évaluation.

Le dispositif figure à l’article L. 111‑2‑2 du code rural (introduit par l’article 39 de la loi de 2014). Une instruction ministérielle du 9 décembre 2020 a précisé les modalités de reconnaissance officielle des PAT et encadré l’usage de cette marque nationale et prévu deux niveaux de reconnaissance (niveau 1 pour les projets émergents, niveau 2 au stade de la mise en œuvre d’actions opérationnelles par une gouvernance établie).

Les rapporteurs souhaitent attirer l’attention du Gouvernement sur l’importance d’appeler les collectivités, à travers les modalités de reconnaissance des PAT, à créer un lien plus systématique avec les agriculteurs présents sur le territoire ; en effet ceux‑ci ne se sentent pas encore concernés par les projets, alors qu’ils pourraient en retirer des bénéfices, comme l’a souligné M. Basile Faucheux, représentant le syndicat agricole Jeunes Agriculteurs.

1.   Soutenir la création des projets alimentaires territoriaux afin qu’ils soient présents sur l’ensemble du territoire

Les projets alimentaires territoriaux ont été souvent créés à l’échelle des communautés de communes, l’intercommunalité se dotant alors d’une compétence (facultative) de soutien et de promotion de l’agriculture ; d’autres à l’échelle du département, dans le cadre d’une convention établie avec la région.

Un total de 151 dossiers ont été sélectionnés sous forme d’appels à projets dans le cadre du plan de relance pour un montant global de subvention de 14 millions d’euros. Aujourd’hui, on compte près de 300 PAT labellisés répartis dans la quasi‑totalité des départements.

Le Plan France relance consacre près de 80 millions d’euros aux PAT sous forme de soutien aux projets existants (77 millions d’euros) ou émergents (3 millions d’euros).

Le premier recensement de la création des projets montre que les collectivités situées en ville ou en agglomération ont été les plus intéressées à recréer ce lien entre le consommateur et les producteurs locaux, lien davantage distendu qu’en milieu rural de faible densité. Le défaut d’ingénierie pour mener à bien la constitution d’un projet peut aussi expliquer le faible nombre de projets en zone très rurale.

nombre de pat par type de territoire

Source : Les histogrammes du PATnorama, RnPAT (2020), 1er janvier

Les PAT se sont dotés d’objectifs qui sont en général le soutien aux circuits courts, l’aide aux partenaires agricoles pour accompagner les collectivités dans la mise en œuvre de la loi EGalim, les aides aux petits investissements matériels… Certains PAT ont reflété l’engagement des acteurs politiques locaux pour la préservation d’un paysage en cours de dégradation, jugé identitaire pour les habitants, le maintien de l’élevage ou d’une installation indispensable comme un abattoir local.

Les axes de travail des PAT, généralement constatés, sont les suivants :

– la valorisation de l’agriculture de proximité et des produits locaux : réintroduire au maximum les produits locaux dans tous les champs de la restauration (repas des enfants, restaurateurs, restauration collective, famille, grande distribution…). Cet objectif entraîne beaucoup d’actions de communication pour faire connaître les producteurs : rédaction d’annuaire, carte des producteurs, actions en direction de la restauration collective pour réintroduire des produits locaux. Le projet comporte de plus en plus la ré‑internalisation des cuisines centrales sur le territoire du PAT afin de recourir davantage aux produits locaux ;

– le soutien à une agriculture durable (même si ce terme ne recouvre pas une définition précise). C’est le cas par exemple du projet mis en œuvre sur le territoire de la Thiérache, afin de mettre en place une charte de qualité apportant une plus‑value aux produits locaux, alors que n’est pas constatée une demande forte des consommateurs pour une agriculture et une alimentation bio. Le concept d’agriculture durable sera, sur ce territoire, plus valorisé ;

– la constitution d’un réseau pour éviter le gaspillage alimentaire est aussi un objectif souvent présent, qui se décline avec la participation des écoles, en lien avec les familles ;

– une sensibilisation des élèves des écoles à la consommation locale et durable, en faisant connaître aux enfants le lien entre le territoire, la production locale et le contenu de leur assiette ;

– répondre à la précarité alimentaire avec des paniers solidaires composés de produits sains et locaux, grâce à l’association entre les producteurs du territoire et les banques alimentaires, avec fréquemment des ateliers cuisine car l’on constate que les personnes ne savent pas toujours comment utiliser les paniers. Les ateliers permettent aux familles de réapprendre à cuisiner avec les produits de saison qui sont issus du territoire. Ces actions sont conduites par les PAT avec la Mutualité sociale agricole (MSA), la Caisse d’allocations familiales (CAF) et la région ;

– enfin, l’objectif d’augmenter la part des produits locaux dans la restauration collective est toujours présent.

Les modes d’intervention impulsés par ces projets sont remarquables par plusieurs aspects : l’identification d’intérêts communs à différents acteurs du territoire, le travail de coordination permanent entre les acteurs associés au projet, alors qu’ils ne se connaissaient pas toujours et n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble, par exemple.

Ils ont pour effet d’amener de nombreux services et acteurs à travailler ensemble : ainsi le PAT de l’intercommunalité de Bernay Terres de Normandie a travaillé dès sa création fin 2020 avec neuf directions du département représentant neuf compétences, parmi lesquelles l’environnement, la restauration collective (avec un impact sur la restauration dans 109 collèges), mais également avec des acteurs pour lesquels le département n’a pas de compétence directe tels les EHPAD, les centres médico‑sociaux, les centres de Protection maternelle et infantile (PMI) par exemple.

Les rapporteurs considèrent que les PAT doivent continuer de bénéficier d’un soutien, afin qu’ils puissent être constitués partout sur le territoire : un objectif de 600 PAT créés en 2025 pourrait constituer un bon signal.

2.   Renforcer la définition des objectifs des PAT et l’évaluation de leur action

Le rapport de France Stratégie souligne que, si les PAT ont des effets bénéfiques, « notamment par l’approche systémique et les partenariats entre acteurs locaux qu’ils permettent », ils présentent des défauts tels que :

– la dispersion des financements conduisant les porteurs de projet à investir beaucoup de temps et d’énergie dans l’ingénierie financière. Selon le CESE, cela conduit à des déséquilibres entre territoires – au détriment des territoires ruraux qui ont un déficit chronique d’ingénierie –, et menace la capacité des PAT à inscrire leurs démarches sur le long terme ;

– l’hypertrophie de la fonction gouvernance au détriment de la mise en place d’actions concrètes ; le CESE relève de son côté également un « enchevêtrement de compétences » qui a mené dans certains cas à des réponses partielles, des difficultés d’articulation ou encore des situations de concurrence ;

– l’absence de compétence explicite des collectivités en matière d’alimentation est vue par la plupart des analystes comme une source de confusion, de désintérêt, voire de complexité en n’impliquant que partiellement la multiplicité des échelons institutionnels ;

– une visibilité et une appropriation citoyenne faibles.

Les expertises qui ont porté sur la première génération de projets ont relevé certains défauts. Ainsi la définition des PAT apparaît trop large, et ne répondant pas à un objectif clair. Il est essentiel que le projet réponde aux besoins concrets et précis du territoire.

Les actions sont parfois définies sur un terme un peu court par rapport aux temps longs de l’agriculture : ainsi il arrive que la durée du projet soit calquée sur le mandat actuel de la collectivité porteuse, si les élus éprouvent des difficultés à projeter l’action du PAT sur plusieurs années, voire plusieurs décennies.

France Stratégie considère donc que le dispositif des PAT « est loin de pouvoir assurer une transition du système alimentaire national dans son ensemble ainsi que des effets tangibles sur le plan quantitatif ». Il reconnaît cependant l’enjeu de susciter une impulsion sur les territoires moins engagés au départ.

Les rapporteurs font leur la préconisation du rapport d’inclure un référentiel méthodologique et d’évaluation, qui fait défaut aujourd’hui, afin de pouvoir évaluer l’atteinte des objectifs du PAT à court et moyen terme, avec des indicateurs de réalisation et d’impact.

Ils proposent aussi d’élargir les modalités de concertation des PAT dans le cahier des charges de leur constitution, pour permettre la participation des associations de consommateurs, et encourager la présence d’associations d’aide alimentaire, comme les actions coordonnées entre ces associations et les agriculteurs (ainsi que l’IGAS l’a recommandé dans son évaluation de 2019).

3.   La part d’achat de produits agricoles locaux par la restauration collective publique est‑elle en progression ?

Étudier les PAT permet de constater l’intérêt des collectivités et des responsables de cantine scolaire pour le retour à des cuisines de proximité, utilisant des produits locaux.

a.   L’apport de la loi EGalim et de la loi « Climat et résilience »

La loi EGalim va contribuer à rendre plus massifs ces achats. Elle prévoit des obligations s’imposant aux acheteurs publics, de recourir à des produits de qualité, durables, issus du commerce équitable et aussi de produits dans le cadre de projets alimentaires territoriaux (article 24). De plus, les obligations de la loi EGalim ont été élargies à la restauration collective privée par la loi « Climat et résilience » à partir du 1er janvier 2025.

Les produits éligibles aux quotas fixés par la loi EGalim

L’article L. 230‑5‑1 du code rural et de la pêche maritime issu de l’article 24 de la loi EGalim liste les produits entrant dans le décompte des 50 % de produits de qualité et durables qui devront être servis dans les restaurants collectifs d’établissements chargés d’une mission de service public au 1er janvier 2022. Pour l’application générale de cet article 24, le décret n° 2019‑351 du 23 avril 2019 relatif à la composition des repas servis dans les restaurants collectifs en application de l’article L. 230‑5‑1 du code rural et de la pêche maritime, pris après avis du Conseil d’État, précise les catégories de produits entrant dans le décompte et les modalités de suivi et de mise en oeuvre de ces objectifs :

– les produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie. Il s’agit des modalités prévues au 2° de l’article R. 2152‑9 du code de la commande publique (les coûts d’acquisition, de consommation d’énergie ou d’autres ressources, les frais de maintenance, de collecte ou de recyclage, les externalités environnementales, etc.) et au deuxième alinéa de l’article R. 2152‑10 du même code (pour la méthode de calcul) ;

– les produits issus de l’agriculture biologique (à hauteur de 20 % minimum) dont les produits végétaux issus d’une exploitation en conversion depuis plus d’un an ;

– les produits bénéficiant des autres signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) ou des mentions valorisantes suivantes : le Label Rouge, l’appellation d’origine (AOC/AOP), l’indication géographique (IGP), la spécialité traditionnelle garantie (STG), la mention « issu d’une exploitation à haute valeur environnementale » (HVE), la mention « fermier » ou « produit de la ferme » ou « produit à la ferme », uniquement pour les produits pour lesquels existe une définition réglementaire des conditions de production ;

– jusqu’au 31 décembre 2029 uniquement, les produits issus d’une exploitation bénéficiant de la certification environnementale de deuxième niveau mentionnée à l’article D. 617‑3 du code rural et de la pêche maritime ;

– les produits issus de la pêche maritime bénéficiant de l’écolabel « Pêche durable » ;

– les produits bénéficiant du logo « Région ultrapériphérique » (RUP) ;

– les produits « équivalents » aux produits bénéficiant de ces signes, mentions, écolabels ou certifications.

Le décret précité précise que les proportions de 50 % et 20 % de produits correspondent à leur valeur d’achat hors taxes rapportée à la valeur d’achat totale hors taxes des produits destinés à entrer dans la composition des repas servis pour chaque restaurant collectif, appréciés sur une année civile.

Il prévoit en outre qu’un bilan statistique soit établi annuellement au 31 mars de l’année n + 1 à partir de 2023 (pour l’année 2022).

L’article L. 230‑5‑1 précité prévoit que les personnes morales en question « développent par ailleurs l’acquisition de produits issus du commerce équitable » ainsi que « l’acquisition de produits dans le cadre des projets alimentaires territoriaux ».

Enfin, l’article L. 230‑5‑3 prévoit, depuis le 1er janvier 2020, « une obligation annuelle d’information des usagers des restaurants collectifs (par voie d’affichage et par communication électronique) sur la part des produits durables et de qualité entrant dans la composition des repas servis et des démarches entreprises pour développer l’acquisition de produits issus du commerce équitable » ([45]).

Source : Rapport d’information sur l’autonomie alimentaire de la France et au sein de ses territoires, Mme Pascale Boyer et M. Julien Dive – 2021

Mais qu’en est‑il concrètement des achats de produits locaux par les gestionnaires de la restauration collective publique ?

Le rapport d’information précité du co‑rapporteur, auquel nous renvoyons, donne les premiers éléments de mise en application de ces obligations, pour les achats des écoles publiques par exemple. Pour les PAT, il est encore tôt pour dresser un bilan.

Certains interlocuteurs des rapporteurs ont manifesté leur scepticisme, sachant que 300 PAT ont vu le jour en six mois mais que la consommation de produits locaux laitiers ne représente encore que 1 % des achats des cuisines scolaires. Dans ce cas, beaucoup d’énergie est consacrée à présenter les actions engagées dans le cadre du PAT mais les achats ne se concrétisent pas, car l’achat auprès du secteur de l’agroalimentaire reste une habitude ancrée et une facilité.

Relocaliser des centaines ou milliers de repas/jour, afin de livrer des cantines insatisfaites des livraisons froides actuelles qui se sont généralisées au cours des dernières années, exige une ingénierie. En effet, la production locale de repas suppose une réflexion sur la logistique, le type de livraison (chaude ou froide) pour conserver la qualité nutritionnelle des produits, la création d’un groupement de commandes pour créer un marché lisible pour les producteurs locaux. Les cantines préparant de petits volumes n’intéressent pas toujours les producteurs, aussi la structuration en groupements permet de réaliser l’achat de productions locales dans de meilleures conditions.

L’audition de représentants de collectivités territoriales a montré que faire évoluer les habitudes de la commande publique pour se tourner vers plus d’achat local peut apparaître difficile à certains responsables de commandes.

b.   Mieux informer et former les acteurs de l’achat public

La réglementation de la commande publique est européenne et n’autorise pas de préférence géographique, en vertu des principes de non‑discrimination et de libre circulation des marchandises entre les États membres. Les accords internationaux conclus avec des pays tiers par la Commission européenne en vertu de sa compétence exclusive ont aussi pour effet d’ouvrir les frontières à l’importation de produits alimentaires.

Toutefois, l’achat local de produits de grande qualité est possible, avec une précision accrue du cahier des charges de la commande, qui, avec des précisions concernant la saisonnalité, les portions, la présentation, permettra de procéder aux achats voulus. La pratique de l’allotissement permet de passer des marchés avec une fine définition des produits souhaités. Il convient de souligner que le seuil de dispense de procédure, fixé à 40 000 euros pour un seul marché donne aussi beaucoup de marge de manœuvre pour se tourner vers les producteurs locaux.

L’Observatoire économique de la commande publique met en ligne (sur le site du ministère de l’économie, des finances et de la relance) des guides afin d’aider les responsables de marché public. Toutefois le guide approprié figure dans une version révisée en 2015 et devrait certainement être mis à jour pour prendre en compte le contexte né de la loi EGalim par exemple. Le guide Localim, en ligne sur le site du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, se veut la « boîte à outils » de l’acheteur public, et l’informe sur les modalités de rédaction des marchés publics permettant de recourir aux achats auprès de producteurs locaux. Certaines chambres régionales d’agriculture ont publié des guides, avec l’appui de l’administration déconcentrée.

Les rapporteurs estiment qu’il serait important de suivre dans quelle mesure les collectivités ont pu réorienter leurs achats vers les produits locaux : ils suggèrent d’évaluer le recours, dans les achats effectués par les personnes en charge de la restauration collective publique, aux produits agricoles et alimentaires issus d’un territoire couvert par un PAT, achats encouragés par la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience ».

Il est probable que dans de nombreuses collectivités, petites notamment, les responsables des achats soient insuffisamment formés pour mettre en œuvre cette évolution : ils préconisent d’organiser une campagne de sensibilisation et de formation à l’utilisation du guide Localim pour accompagner les acheteurs publics et les acteurs de la restauration collective. La formation et l’accompagnement à l’achat public devraient être renforcés, afin que les objectifs fixés par la loi EGalim en ce domaine puissent être atteints.

Les rapporteurs font leurs les propositions formulées dans le rapport de Mme Boyer et M. Dive, visant à accompagner les acheteurs publics et les acteurs de la restauration collective pour atteindre les objectifs fixés par la loi EGalim, à renforcer la transparence sur les approvisionnements de la restauration collective, à prévoir des outils de suivi des indicateurs concernant la part de produits importés et la part de produits d’origine française.

Proposition n° 3 :

Assortir les projets alimentaires territoriaux (PAT) d’un référentiel d’évaluation mesurant l’atteinte des objectifs formulés lors de la création du PAT, au moyen d’indicateurs de réalisation et d’impact.

IV.   RÉDUIRE La consommation d’ALIMENTS À PROFIL NUTRITIONNEL DÉFAVORABLE ou ULTRA‑TRANSFORMÉS ET le recours aux ADDITIFS

Aujourd’hui, la grande majorité des produits consommés sont transformés, ce qui signifie que le consommateur délègue à l’industriel le choix des ingrédients et des recettes et donc le choix de la qualité nutritionnelle de ses aliments. L’industrie agroalimentaire a une très grande responsabilité dans l’évolution défavorable de la santé de la population française comme européenne en général : 17 % des enfants français en surpoids ou obèses, la moitié des adultes souffrant d’une des trois pathologies (maladie cardio‑vasculaire, diabète, cancer).

Face à cette situation, les pouvoirs publics ont plusieurs modes d’action : encourager à la signature d’accords volontaires, obliger à la modification des qualités nutritionnelles par la loi, réglementer le marketing et la publicité.

La méthode des accords volontaires a été choisie il y a une vingtaine d’années et a donné de faibles résultats. Le recours à la méthode de l’obligation par la loi n’a été que rarement utilisé. Enfin, la réglementation du marketing et de la publicité a été adoptée mais avec des exigences modestes.

La faiblesse de ces interventions des pouvoirs publics a pour effet de porter sur le consommateur la responsabilité de son alimentation et la charge de faire pression, par le Nutri‑Score, sur l’industrie agroalimentaire.

A.   LES ALIMENTS AU PROFIL NUTRITIONNEL DÉGRADÉ : INCITER À LA REFORMULATION DES RECETTES ?

Réduire la consommation d’aliments trop gras, trop salés ou trop sucrés est devenu un enjeu majeur dans les pays développés. Les moyens d’y parvenir ne font pas l’unanimité et soulèvent des controverses, tant les intérêts économiques sont prégnants dans le débat.

Le plan d’action européenne pour une politique alimentaire et nutritionnelle 2015‑2020 n’a eu, selon les représentants des consommateurs, qu’un bilan très mitigé. Les taux moyens d’obésité et de surpoids restent très préoccupants : un européen (adulte) sur deux est en surpoids ou obèse, et un enfant sur trois. Les pays méditerranéens ont les plus fortes prévalences d’obésité infantile.

L’objectif 1 du plan – créer un environnement alimentaire sain (rendre le choix sain facile pour le consommateur) – prend un grand retard : si quelques progrès ont été réalisés sur les acide gras trans (avec une interdiction depuis avril 2021), et bientôt une proposition d’étiquetage nutritionnel plus compréhensible, beaucoup reste encore à faire sur la reformulation, la publicité ciblant les enfants, les prix et les promotions…

On soulignera que le Bureau européen des unions de consommateurs est demandeur de reformulation des produits, avec des objectifs quantifiés et contraignants de réduction des teneurs en sucres ajoutés, sel et graisses saturées dans les groupes d’aliments qui contribuent le plus à la consommation de ces nutriments.

Les rapporteurs sont convaincus de la nécessité d’obliger l’industrie agroalimentaire à modifier ses recettes. La démarche privilégiée depuis 20 ans est l’engagement volontaire des industriels : elle est positive mais en pratique très lente.

Des engagements volontaires ont été conclus il y a vingt ans pour faire évoluer le taux de sel, or l’impact de cet engagement est très faible. De même, la diminution des acides gras saturés et du sucre a donné de faibles résultats : selon les engagements volontaires, la baisse de consommation a été de 1 à 3 g par jour contre 100 g de sucre consommés.

C’est pourquoi l’Anses préconise aujourd’hui de fixer des limites maximales dans la loi, constatant l’inefficacité du volontariat, et de suivre l’exemple du Royaume‑Uni qui s’est lancé dans la voie législative.

B.   DES EXPERTS PRÉCONISENT LE RECOURS À LA FISCALITÉ COMPORTEMENTALE POUR RÉDUIRE LA CONSOMMATION DE PRODUITS TROP GRAS, TROP SALÉS OU TROP SUCRÉS

Dans son rapport « Pour une Politique nationale nutrition santé en France PNNS 2017‑2021 », le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) proposait la mise en place d’une fiscalité nutritionnelle pour faire baisser les prix des aliments de bonne qualité nutritionnelle et augmenter celui des aliments de mauvaise qualité. Il proposait pour cela d’utiliser le score FSA‑NPS qui sous‑tend le Nutri‑Score, comme un outil de profilage nutritionnel validé, qui, au‑delà de son utilisation pour l’étiquetage, pourrait servir de base aux politiques de taxation ou de subvention indexées sur le profil nutritionnel des aliments.

Le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), dans un rapport présenté le 21 janvier 2022 et exposant les voies d’un retour à l’équilibre de de la sécurité sociale, considère que des hausses de prélèvements obligatoires pourraient être justifiées (et plus facilement acceptées) pour d’autres motifs que le seul apport au budget en vue de l’équilibre : les prélèvements obligatoires ayant pour vocation de modifier le comportement des agents économiques (fiscalité comportementale). L’objectif est de modifier progressivement les comportements pour que les impacts négatifs se réduisent, et d’apporter des ressources nouvelles sur le court terme, notamment afin de financer les impacts (externalités négatives) découlant du comportement des acteurs. Si le calibrage de la taxe comportementale est bien réalisé, le rendement de ce prélèvement doit diminuer progressivement.

On rappellera que des éléments de fiscalité comportementale existent déjà, portant sur le tabac ou les boissons sucrées. D’autres taxes comportementales pourraient être envisagées pour renforcer la politique de prévention : par exemple en matière d’alimentation transformée. Le Haut Conseil rappelle les travaux de l’OCDE (2019), de la Cour des comptes (2019), sur la pertinence de l’instrument fiscal pour lutter contre l’obésité ; celui‑ci, en limitant la consommation excessive de produits alimentaires transformés et enrichis en matières grasses, sel, ou sucre, se heurte aux intérêts des industries agroalimentaires. Des travaux d’expert recommandent aussi d’augmenter la taxation de l’alcool, deuxième facteur de risque après le tabac, afin d’éviter certains cancers ([46]).

Le Conseil considère que le consentement à un prélèvement spécifique et la probabilité d’accepter un changement de son comportement est d’autant plus forte que le produit est explicitement affecté aux dépenses découlant de ces comportements. La hausse de la fiscalité sur le tabac ou de la création d’une taxe comportementale sur les boissons sucrées a probablement été d’autant plus facilement acceptée, par les citoyens/contribuables/consommateurs, mais aussi par les parlementaires qui l’ont votée ou même par les acteurs, car le produit attendu était clairement affecté à l’assurance maladie, qui supporte les coûts associés à la consommation excessive de tabacs et de sucres.

La taxe nutritionnelle dite « taxe soda », mise en place en 2012 sur les boissons contenant du sucre ajouté quelle que soit la quantité, ainsi que pour les boissons contenant des édulcorants de synthèse, aurait eu un impact non négligeable. Cette taxe avait été modifiée en 2018 dans le cadre de la loi de finances de la sécurité sociale, afin de la moduler selon la teneur en sucres dans la boisson. D’après des travaux parlementaires ([47]), la taxe soda a eu un impact sur la quantité de sucre dans les boissons, avec des réductions allant jusqu’à 70 % dans certains produits. Une diminution des ventes de l’ensemble des boissons concernées a été constatée, rompant la dynamique de croissance observée les années précédentes, avec un report de 15 % de la consommation de sodas sur les jus de fruits et nectars.

Une évaluation actualisée de l’impact de cette mesure sur le changement de recettes, sur l’évolution des ventes et des choix alimentaires serait utile pour tirer des enseignements de ce type de stratégie. Le PNNS 4 a prévu cette évaluation et le ministère des solidarités et de la santé a annoncé des travaux de recherche sur l’effet de la taxe soda, d’une part sur l’offre en boissons sucrées et édulcorées, et d’autre part, sur la demande et les niveaux de consommation des ménages.

C.   LA DÉMARCHE DE CO‑RÉGULATION SUIVIE PAR LE GOUVERNEMENT

Le Gouvernement a entrepris avec les industries agroalimentaires une démarche de co‑régulation, et met en place un renouvellement du dispositif des accords collectifs depuis septembre 2021. Dans le nouveau dispositif publié, les accords devront se baser sur les travaux d’expertise de l’Anses afin d’atteindre des objectifs de reformulation en sel, sucres, acides gras saturés et fibres, suffisamment ambitieux compte tenu des enjeux de santé publique.

Des accords collectifs ont été signés dans le secteur de la charcuterie, qui visaient également à réduire la teneur en sel et en lipides des produits commercialisés.

Un accord collectif est en voie d’être signé dans le secteur de la boulangerie pour définir une norme de teneur maximale en sel pour le pain, une démarche qui a déjà été conduite aux Pays‑Bas, et qui a permis de réduire les apports en sel provenant de cet aliment. Le fait que tous les producteurs se voient imposer la même obligation a permis de ne pas pénaliser les boulangers les plus volontaires qui se seraient lancés dans la démarche vertueuse.

Il serait souhaitable de faire de même avec le taux de sucre ou pour certains additifs dans tous les domaines de l’agroalimentaire.

Les accords collectifs volontaires entre producteurs, filières et pouvoirs publics sont une démarche positive, mais dont les résultats sont de trop long terme.

La direction générale de la santé, dont les rapporteurs ont entendu les représentants, promet que la voie règlementaire avec la fixation éventuelle de seuils dans la législation sera envisagée si les objectifs de ces nouveaux accords ne sont pas atteints.

Les rapporteurs préconisent de formuler des agendas de négociation pour la réduction des taux de gras, sucres et sel dans les différentes catégories d’aliments et des dates butoir d’adoption des accords correspondants ; à défaut, ils préconisent d’emprunter la voie législative pour adopter des taux maximums.

On soulignera que les changements des recettes attendus des industriels ont un corollaire : l’éducation du consommateur aux nouveaux « goûts » qui résulteront de ces évolutions.

Proposition n° 4 :

Établir un calendrier de négociation et une méthode permettant de mettre en œuvre rapidement les engagements volontaires sur des seuils limite de nutriments, en prévoir les indicateurs d’évaluation et en cas d’échec, introduire une règlementation des seuils de sucre, de sel et de gras dans les produits agroalimentaires.

D.   LES ALIMENTS ULTRATRANSFORMÉS : UN IMPACT NÉGATIF SUR LA SANTÉ CONSTATÉ MAIS ENCORE MAL EXPLIQUÉ

L’ultra‑transformation, qui s’est généralisée sur toute la planète par la puissance des industries agroalimentaires, a répondu aux impératifs d’une alimentation accessible à tous, et d’une sécurité sanitaire, mais a négligé les deux autres sécurités : la santé nutritionnelle et environnementale, ce qui a conduit à la situation dégradée constatée sur ces deux plans.

Cette pratique a tiré les prix des produits vers le bas et conduit à utiliser des ingrédients de faible qualité, pas « nobles », ce qui se répercute sur le producteur qui doit vendre sa production bon marché. C’est ainsi que selon M. Anthony Fardet, il faut examiner le phénomène de l’ultra‑transformation tant sous l’angle de ses effets négatifs sur l’amont – agriculture très intensive, élevage très intensif et souffrance animale – que sur l’aval.

La part des aliments ultra‑transformés (AUT) dans le régime alimentaire des Européens a beaucoup augmenté du fait de leur praticité, de leur palatabilité, de leur faible coût, notamment. La consommation de calories ultra‑transformées en France se situe entre 31 et 36 % du total, et même à 46 % en ce qui concerne les enfants.

Il s’agit d’aliments qui ont subi une transformation industrielle et qui comportent en général plus de cinq ingrédients ; on y trouve fréquemment des additifs dont l’objectif est d’augmenter la qualité sensorielle des aliments et des conservateurs.

Une étude réalisée dans le cadre de la cohorte NutriNet‑Santé, par l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN) observe une corrélation entre la consommation de produits ultra‑transformés et le risque de développement de certaines maladies chroniques. Une augmentation de 10 % de la part d’aliments ultra‑transformés dans le régime alimentaire y est ainsi associée à une augmentation de 12 % de risques de maladies cardio‑vasculaires.

Il n’existe pas de définition établie au niveau européen pour les produits ultra‑transformés, et celle communément utilisée est la classification NOVA développée en 2010 par des chercheurs au Brésil. Selon cette classification, une grande partie de notre alimentation est considérée comme ultra‑transformée.

Une des critiques régulièrement adressée à cette classification est son manque de granularité car la classification ne comporte que quatre niveaux.

Les quatre catégories d’aliments dans la classification NOVA

1/ Aliments frais ou peu transformés : aliments frais ou modifiés par des procédés comme le retrait des parties non comestibles, le séchage, la congélation, l’emballage sous vide (procédés qui permettent de prolonger la durée de vie). Aucun de ces produits ne comporte de substances ajoutées.

2/ Ingrédients culinaires transformés : substances extraites du groupe 1 par pressage, meulage ou raffinage ou broyage. Ils comprennent les condiments, les amidons, le beurre et les huiles végétales.

3/ Aliments transformés : produits simples fabriqués avec des aliments du groupe 1 avec ajout de substances du groupe 2 (sel, huile, sucre…). Ce groupe comprend les aliments en conserve, les aliments fumés, les fromages, les pains. Le but d’obtenir des aliments transformés est d’augmenter la durée de vie des aliments du groupe 1 ou modifier leurs qualités organoleptiques.

4/ Aliments ultratransformés : produits aux formulations industrielles comportant plus de 4 ou 5 ingrédients. Ces aliments peuvent comporter des additifs alimentaires, des protéines hydrolysées, des amidons modifiés et/ou des huiles hydrogénées. Un aliment hautement transformé est un produit hyper‑palatable, souvent peu coûteux, facile à consommer.

NB : Il n’est pas toujours facile de distinguer les produits NOVA 3 des NOVA 4.

Le Dr Anthony Fardet, chargé de recherches à l’INRAE, entendu par les rapporteurs, a regretté que le rapport de France Stratégie n’ait pas mis en exergue le fait que les aliments ultra‑transformés sont associés à des systèmes alimentaires très peu durables.

L’intention de l’ultra‑transformation est de remplacer ou de se substituer aux vrais aliments : ainsi les sodas remplacent l’eau (en Amérique du Sud par exemple, le soda est moins cher que l’eau avec des conséquences dramatiques pour la dentition), les nuggets prennent la place du poisson, les céréales du petit‑déjeuner pour enfants remplacent les vraies céréales, le pain de mie, le vrai pain… La consommation d’AUT est addictive car elle évite la mastication – qui stimule la croissance des dents – et propose des goûts hyper standardisés faciles d’accès, en éloignant les jeunes de leurs traditions culinaires, et en faisant exploser l’obésité.

Or, comme les recherches de l’INRAE l’ont établi, une fibre isolée replacée dans un autre aliment isolé n’a pas le même effet sur la santé que la fibre naturellement présente.

Il existe encore beaucoup d’inconnues sur l’impact des aliments transformés sur la santé. Par exemple, des isolats de protéines de pois peuvent‑ils créer de l’allergie ?

Des études ont fait état d’un lien entre consommation d’aliments ultra‑transformés et développement de maladies chroniques. Les mécanismes n’en sont pas bien connus. Si les aliments ultra‑transformés sont généralement énergétiquement denses, riches en sucres ajoutés, en sel et matières grasses, cela explique‑t‑il l’impact négatif sur la santé ? Ou la présence d’additifs ou de certains contaminants l’explique‑t‑elle ?

Le débat autour des aliments ultra‑transformés a plusieurs dimensions : scientifique, mais aussi idéologique étant lié à l’industrialisation de l’alimentation.

Les résultats d’une étude publiée en 2018 par l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle de l’INSERM suggèrent que leur consommation serait associée à un risque accru de cancer ([48]).

Étude de l’INSERM sur le risque accru de cancer
lié aux aliments ultra‑transformés (2009-2017), publiée en 2018

Le suivi de près de 105 000 participants de la cohorte française NutriNet-Santé a été effectué sur 8 ans, et 2 228 cas de cancers ont été diagnostiqués et validés. Une augmentation de 10 % de la proportion d’aliments ultra-transformés dans le régime alimentaire s’est révélée être associée à une augmentation de plus de 10 % des risques de développer un cancer au global et un cancer du sein en particulier.

Parmi les différentes hypothèses qui pourraient expliquer ces résultats, la moins bonne qualité nutritionnelle globale des aliments ultra-transformés ne serait pas la seule impliquée, suggérant des mécanismes mettant en jeu d’autres composés (additifs, substances formées lors des process industriels, matériaux au contact des aliments…). Ces résultats doivent donc être considérés comme une première piste d’investigation dans ce domaine et doivent être confirmés dans d’autres populations d’étude. Notamment, le lien de cause à effet reste à démontrer.

Des travaux relatifs à leur impact potentiel sur les maladies cardiovasculaires ou sur la mortalité sont également en cours.

Les rapporteurs considèrent souhaitable de mieux définir les produits ultra‑transformés. À titre de transparence, il pourrait être exigé des industriels de déclarer les auxiliaires de fabrication, qui sont utilisés pour faciliter les process de production et dont les impacts sur la santé sont mal évalués. Aujourd’hui, sauf dans l’hypothèse où elles sont énumérées ou dérivées des substances ou produits provoquant des allergies ou intolérances alimentaires énumérés à l’annexe II du règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, les substances utilisées en tant qu’auxiliaires technologiques sont exemptées d’indication dans la liste des ingrédients des denrées alimentaires.

La question de l’ultra‑transformation doit en tous cas être intégrée dans la réglementation sur l’information nutritionnelle, comme dans la communication de santé publique.

E.   LES EFFETS DES ADDITIFS ALIMENTAIRES ET DES PESTICIDES SONT INSUFFISAMMENT DÉCRITS : AUX ÉTATS MEMBRES D’ÊTRE VIGILANTS

Les teneurs maximales d’additifs autorisées dans les aliments ont principalement été établies à partir d’études toxicologiques conduites in vitro ou sur l’animal. Leurs conséquences chez l’humain, du fait d’une consommation cumulée ou d’effet cocktails, sont encore insuffisamment connues.

La présence de pesticides dans les aliments est un autre sujet de préoccupation. L’association de consommateurs UFC‑Que Choisir relève la présence de centaines de contaminants dans les aliments. Dans les produits bio, il y a une quasi‑absence de résidus de pesticides alors que ce n’est pas le cas des produits traditionnels, qui comportent presque systématiquement des résidus de pesticides dont certains peuvent être des perturbateurs endocriniens. Si c’est le cas, la notion de limite maximale de résidus (LMR) n’est pas assez protectrice.

En ce qui concerne les additifs, plusieurs études scientifiques montrent qu’un quart des additifs utilisés au niveau européen sont à risques avec de véritables cocktails (14 additifs recensés dans un seul chewing‑gum dont un à éviter et 3 peu recommandables). L’association demande une action régulatrice des pouvoirs publics.

1.   L’exigence européenne pourrait être renforcée

La réglementation des additifs est européenne : plus de 300 additifs et enzymes alimentaires sont autorisés dans le cadre du règlement européen du 16 décembre 2008. La question de leur évaluation régulière et de la recherche sur les effets cocktail lorsque diverses substances sont utilisées dans un même produit se pose.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Europan food safety authority – EFSA) procède à la réévaluation des additifs alimentaires autorisés avant 2009, selon un calendrier défini par un règlement de 2010, mais aussi en fonction de l’existence de nouvelles preuves scientifiques qui pourraient affecter l’évaluation d’un additif alimentaire ; des réévaluations sont conduites aussi dans les cas où une dose journalière acceptable (DJA) n’a pas pu être définie. L’EFSA examine les éléments scientifiques disponibles et peut également lancer des appels supplémentaires afin de recueillir des données plus précises.

L’EFSA a quasiment achevé ce travail de réévaluation. Pour certains additifs, l’autorité a identifié des données toxicologiques trop limitées ou des lacunes dans les données, justifiant un suivi (par exemple un manque de données scientifiques pertinentes). Pour chaque additif (ou groupe d’additifs traités ensemble) nécessitant un suivi, l’appel de données spécifique est publié sur le site web de la direction générale de la santé (DGS) consacré aux additifs alimentaires. Le défaut de données exclut la mise sur le marché.

Les conclusions de l’EFSA ont pu être regardées avec suspicion il y a quelques années, alors que l’autorité s’était basée sur des études réalisées par les industriels eux‑mêmes. Depuis l’entrée en vigueur, en mars 2021, de nouvelles règles de transparence pour l’évaluation des risques dans la chaîne alimentaire, les consultations publiques ouvertes sur le travail de l’autorité sont de nature à rassurer les observateurs.

2.   Engager une trajectoire de baisse des additifs au plan national

Les instances scientifiques sont en désaccord concernant les effets d’interaction des additifs présents ensemble dans un aliment, ou effets cocktail, certaines émettant des alertes sur la sécurité d’additifs actuellement autorisés ([49]). En particulier, nitrates et nitrites présents dans la charcuterie présenteraient un risque accru de cancer du côlon ; les caramels au sulfite d’ammonium sont suspectés d’être cancérigènes ; des additifs phosphatés sont suspectés d’augmenter le risque cardiovasculaire. L’EFSA elle‑même a souligné des lacunes et données incomplètes lors des évaluations.

L’EFSA met au point des méthodes et des outils qui permettraient d’évaluer les effets d’une exposition combinée à plusieurs substances chimiques, ainsi que leur toxicité. Cette recherche prendra du temps, et les substances à prendre en compte sont très nombreuses : additifs, résidus de pesticides, substances présentes dans les emballages alimentaires, notamment.

Aucun projet de réglementation n’est actuellement envisagé au niveau européen (en dehors de l’évaluation en cours), aussi il appartient aux États membres de se saisir des avis de l’EFSA et dès lors qu’un doute existe sur la sûreté d’un additif, faire prévaloir le principe de précaution (dans le cas du dioxyde de titane, la France a été le premier pays à l’interdire).

Les recherches sont donc à poursuivre au plan européen et national pour mieux en connaître leurs risques pour la santé ou l’environnement.

La DGCCRF est gestionnaire des contrôles, procède au contrôle de 1 200 établissements par an pour vérifier la conformité à la réglementation et examine 2 000 produits chaque année : sous l’angle de la sécurité (respect des règles d’autorisation, règles maximales, fabrication, degré de pureté, spécification des additifs, additifs autorisés) et sous l’angle de la « loyauté », c’est‑à‑dire des indications correctes sur l’étiquetage. Les interdictions d’additifs font aussi l’objet de contrôles, selon les cahiers des charges des produits.

L’usage d’un additif doit remplir trois critères : la sûreté, le besoin technologique et les bénéfices pour le consommateur. Dans le cas des nitrites, la Commission européenne avait indiqué dès 2014 la faisabilité technique d’abaisser les seuils d’additifs nitrés autorisés dans les charcuteries.

Aussi les rapporteurs accueillent favorablement la proposition de loi présentée par le député M. Richard Ramos, prévoyant une diminution progressive de la présence d’additifs nitrés dans la charcuterie d’ici 2025. L’objectif de ce texte, selon son auteur, est de « montrer la voie en Europe ». L’interdiction de ces conservateurs controversés n’est pas prévue à ce stade, dans l’attente de l’avis de l’agence sanitaire Anses, qui devrait être rendu mi‑2022. En fonction de cet avis, un décret devra fixer « une trajectoire de baisse de la dose maximale d’additifs nitrés au regard des risques avérés pour la santé humaine ». Ce décret pourra aussi fixer une liste et un calendrier d’interdiction de commercialisation de produits incorporant ces additifs. Des obligations d’étiquetage spécifique de ces produits accompagnent le dispositif.

Proposition n° 5 :

Renforcer la recherche sur l’impact des aliments ultra‑transformés (AUT) sur la santé, afin de mieux les définir et de satisfaire aux engagements du PNNS 4 (action 4 de l’axe 1), lequel instaure un objectif d’amélioration des pratiques industrielles de transformation et d’ultra-transformation, afin d’atteindre une réduction de la consommation des aliments ultra‑transformés de 20 % au terme de sa durée.

 

Proposition n° 6 :

Développer l’effort de recherche au plan national sur les impacts sur la santé des pesticides, des additifs et des produits alimentaires ultra‑transformés ; fixer un délai d’aboutissement afin de statuer sur leur nocivité éventuelle et prendre les mesures réglementaires en conséquence.


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   TROISIÈME PARTIE – UNE LISIBILITÉ ET UN SUIVI DES POLITIQUES PUBLIQUES À AMÉLIORER

Aujourd’hui, la politique publique relative à l’alimentation et la nutrition‑santé relève principalement de deux plans, à la gouvernance distincte : le Programme national pour l’alimentation (PNA) et le Plan national nutrition santé (PNNS)… mais des mesures relatives à la santé et à l’alimentation figurent dans d’autres plans et stratégies, dans le maquis desquels il est difficile de se retrouver et d’identifier des priorités.

En raison de leur caractère complémentaire, le PNNS et le PNA ont été présentés lors du Comité interministériel pour la santé du 25 mars 2019 sous la forme d’un document commun mais sans base légale : le Programme national de l’alimentation et de la nutrition (PNAN), destiné à fixer le cap de la politique de l’alimentation et de la nutrition pour les années 2019 à 2023. Il s’appuie sur le PNNS 4 et le PNA 3 pour la mise en œuvre des actions.

Pour donner une assise législative à ce plan, l’article 265 de la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique codifie le principe d’un document commun sous la forme d’une Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat qui « détermine les orientations de la politique de l’alimentation durable, moins émettrice de gaz à effet de serre, respectueuse de la santé humaine, davantage protectrice de la biodiversité, favorisant la résilience des systèmes agricoles et des systèmes alimentaires territoriaux et garante de la souveraineté alimentaire, mentionnée au 1° du I, ainsi que les orientations de la politique de la nutrition, en s’appuyant sur le programme national pour l’alimentation et sur le programme national relatif à la nutrition et à la santé défini à l’article L. 32311 du code de la santé publique. » Cette Stratégie entrera en vigueur le 1er juillet 2023.

Pour atteindre ses objectifs, une politique publique gagne à identifier des priorités, être lisible et claire pour ceux qui doivent la conduire comme pour ceux qui doivent mettre en œuvre les mesures prévues et les évaluer. L’action publique doit aussi être lisible pour les citoyens qui doivent aisément pouvoir en identifier le sens comme celui des efforts qui leur sont demandés, quel que soit leur niveau d’intervention. Or la politique publique de l’alimentationsanté manque de lisibilité et ses très nombreux objectifs la rendent difficilement évaluable in itinere.

I.   UNE PROFUSION DE PLANS ET D’OBJECTIFS SANS PRIORITÉS IDENTIFIÉES

À la suite de l’adoption, en 2018, d’une Stratégie nationale de santé, le Gouvernement a adopté un « Plan national de santé publique‑Priorité prévention » faisant apparaître 25 mesures phares portant sur la lutte contre le tabac et l’alcool, la nutrition, le dépistage de certains cancers, la vaccination, le développement du bio, la qualité de l’alimentation dans les cantines et la restauration collective.

Dans son récent rapport pour le CEC relatif à la politique de prévention en santé ([50]) la Cour des comptes s’est penchée sur la planification de l’action publique sur ces sujets :

« Outre la redondance de certains plans comme, par exemple, le Plan national nutrition santé et le Plan national alimentation, le Plan national de santé publique (PNSP) ne fixe pas d’objectifs communs aux différents plans et n’en propose donc pas de synthèse. Il en résulte qu’il ne porte pas de vision transversale opérationnelle, déclinable pour l’ensemble des maladies, par tranche d’âge ; les problèmes d’articulation entre les plans ne sont pas résolus par le PNSP ; le " tout est dans tout " complexifie la mission des administrations nationales et régionales et n’aide pas les effecteurs à la mise en œuvre concrète des objectifs de prévention. »

On ne peut que souscrire à cette analyse : la multiplication des plans thématiques, sans doute pertinente pour couvrir tout le spectre de l’action publique dans un domaine spécifique, rend celleci difficile à conduire, à prioriser, à évaluer et à expliciter. Votre rapporteure, dans ses récents travaux sur les politiques de prévention santé publique ([51]), avait déjà relevé cette situation.

A.   LE QUATRIÈME PLAN NATIONAL NUTRITION SANTÉ (PNNS 4) : 5 AXES DÉCLINÉS EN 24 OBJECTIFS ET 56 ACTIONS

Le Plan national nutrition santé est inscrit dans le code de la santé publique au titre de la lutte contre les troubles du comportement alimentaire (art. L. 3231‑1).

Art. L. 3231‑1
Un programme national relatif à la nutrition et à la santé
est élaboré tous les cinq ans par le Gouvernement

Ce programme définit les objectifs de la politique nutritionnelle du Gouvernement et prévoit les actions à mettre en œuvre afin de favoriser :

– l’éducation, l’information et l’orientation de la population, notamment par le biais de recommandations en matière nutritionnelle, y compris portant sur l’activité physique ;

– la création d’un environnement favorable au respect des recommandations nutritionnelles ;

– la prévention, le dépistage et la prise en charge des troubles nutritionnels dans le système de santé ;

– la mise en place d’un système de surveillance de l’état nutritionnel de la population et de ses déterminants ;

– le développement de la formation et de la recherche en nutrition humaine ;

– la lutte contre la précarité alimentaire.

Les actions arrêtées dans le domaine de l’alimentation sont également inscrites dans le programme national pour l’alimentation défini au III de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime.

Cette disposition est suivie d’une autre qui définit la prévention de l’obésité et du surpoids comme une priorité de la politique de santé publique (art. L. 3232‑1).

Dans sa quatrième édition, le PNNS 4 définit cinq catégories d’objectifs quantifiés :

 Objectifs relatifs au surpoids, à l’obésité et à la dénutrition :

– diminuer de 15 % la prévalence de l’obésité chez les adultes ;

– diminuer de 20 % la prévalence du surpoids et de l’obésité chez les enfants et les adolescents (dont la tendance était à la stabilisation au cours des dernières années) ;

– diminuer de 10 % la prévalence du surpoids et de l’obésité chez les enfants et les adolescents issus de familles défavorisées ;

– réduire le pourcentage de personnes âgées dénutries vivant à domicile ou en institution : de 15 % au moins pour les plus de 60 ans ; de 30 % au moins pour les plus de 80 ans ;

– réduire de 20 % au moins le pourcentage de malades hospitalisés dénutris à la sortie d’hospitalisation.

 Objectifs relatifs à l’activité physique et la sédentarité :

– augmenter l’activité physique (AP) dans la population adulte de sorte que 80 % de la population adulte atteigne un niveau d’activité physique au moins modéré (au moins 30 minutes d’activité physique d’endurance d’intensité modérée à élevée au moins 5 fois par semaine ou au moins 3 jours avec une activité physique intense d’au moins 25 minutes par jour) ;

– diminuer la sédentarité dans la population de façon à réduire de 20 % le nombre d’adultes passant plus de trois heures par jour devant un écran en dehors de leur activité professionnelle.

 Objectifs relatifs aux consommations alimentaires :

Le PNNS 4 se réfère aux 13 objectifs chiffrés définis par le Haut Conseil de la santé publique concernant les consommations alimentaires (fruits et légumes, viandes, poissons, légumineuses, etc.) et les apports nutritionnels (sel, sucre) tels diminuer la consommation de sel afin que 90 % des adultes consomment moins de 7,5 g de sel par jour et que 100 % des adultes consomment moins de 10 g de sel par jour.

 Objectifs relatifs aux produits ultratransformés et bio :

– réduire la consommation des produits ultra‑transformés de 20 % entre 2018 et 2021 ;

– porter à au moins 20 % la consommation hebdomadaire de fruits et légumes, produits céréaliers et légumineuses bio de toute la population.

 Objectifs relatifs à l’allaitement maternel :

– promouvoir l’allaitement maternel dans le respect de la décision de la femme, pour augmenter de 15 % au moins pour atteindre 75 % d’enfants allaités à la naissance ;

– allonger de deux semaines la durée médiane de l’allaitement pour atteindre 17 semaines.

Si le PNNS 4 a intégré le plan obésité créé en 2010, une feuille de route « Prise en charge de l’obésité 2019‑2022 » a néanmoins été publiée par le ministère des solidarités et de la santé en 2020, qui comprend 4 axes et 20 actions. L’échéance de cette feuille de route ne correspond pas à celle du PNNS 4 prévu pour la période 2019‑2023.

Feuille de route « Prise en charge de l’obésité 2019-2022 »

Axe 1 – Améliorer la prise en charge des personnes atteintes de surpoids et d’obésité par la structuration de parcours de soins gradués et coordonnés :

Action 1 : Repérer précocement les personnes à risque d’obésité afin de les orienter

Action 2 : Favoriser la prise en charge des personnes atteintes d’obésité par un meilleur accès aux soins

Action 3 : Définir et structurer les parcours des patients en fonction de la gravité, de la complexité de l’obésité et du risque de complications

Action 4 : Améliorer la lisibilité de l’offre sur les territoires

Action 5 : Renforcer le rôle des Centres Spécialisés de l’Obésité (CSO)

Action 6 : Mettre en place, pour chaque département et territoire d’outre-mer, des missions d’appui de CSO de l’hexagone auprès des établissements et des professionnels de ces territoires

Action 7 : Développer et mettre en œuvre des programmes d’éducation thérapeutique (ETP) adaptés à la sévérité et à la complexité de l’obésité

Axe 2 – Renforcer la régulation de la chirurgie bariatrique pour une meilleure pertinence :

Action 8 : Mieux informer le patient de la nécessité d’une période de préparation avant chirurgie et d’un suivi postopératoire à vie, en cas de chirurgie bariatrique

Action 9 : Intégrer la chirurgie bariatrique et la chirurgie reconstructrice après chirurgie bariatrique aux travaux engagés dans le cadre de la réforme des autorisations

Action 10 : Renforcer le rôle d’appui des Centres Spécialisés de l’Obésité dans la chirurgie bariatrique, notamment pour l’organisation des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) de recours, afin de réguler les indications

Action 11 : Rendre effectif un suivi médical au long cours après chirurgie bariatrique

Action 12 : Évaluer, et valider avant qu’il n’entre dans le panier de soins, chaque acte innovant

Action 13 : Décrire et adapter un parcours spécifique des patients réopérés en cas d’échec après chirurgie bariatrique

Action 14 : Actualiser les recommandations et préciser celles portant sur des cas spécifiques, en particulier la chirurgie chez les seniors, la chirurgie métabolique, mais aussi l’adaptation du suivi aux différentes techniques chirurgicales

Axe 3 – Développer la formation des professionnels et l’information des personnes en situation d’obésité :

Action 15 : Établir une cartographie des professionnels de santé et de la dimension prospective des besoins

Action 16 : Renforcer la formation des professionnels de santé à la prise en charge de la personne atteinte d’obésité, incluant l’éducation thérapeutique

Axe 4 – Soutenir l’innovation et mieux évaluer :

Action 17 : Accompagner les expérimentations d’organisation et de financement innovants relatifs à la prise en charge de l’obésité

Action 18 : Soutenir et renforcer l’effort de recherche clinique sur l’obésité

Action 19 : Mettre en place des études observationnelles

Action 20 : Renforcer la place des associations de patients agréées parmi les interlocuteurs des professionnels de santé et les acteurs de la prise en charge des personnes à risque d’obésité et des personnes en situation d’obésité

B.   LE TROISIÈME PROGRAMME NATIONAL POUR L’ALIMENTATION : 3 AXES ET 2 LEVIERS DÉCLINÉS EN 30 ACTIONS DONT LE CONTENU EST PARFOIS PEU ADAPTÉ À L’OBJECTIF

Le Programme national pour l’alimentation figure dans le livre préliminaire du code rural, au titre des objectifs de la politique en faveur de l’agriculture, de l’alimentation et de la pêche maritime :

Art. L.1 (…) III (…).-

Le Programme national pour l’alimentation détermine les objectifs de la politique de l’alimentation mentionnée au 1° du I du présent article, en prenant en compte notamment la justice sociale, l’éducation alimentaire de la jeunesse et la lutte contre le gaspillage alimentaire. Pour assurer l’ancrage territorial de cette politique, il précise les modalités permettant d’associer les collectivités territoriales à la réalisation de ces objectifs. Il propose des catégories d’actions dans les domaines de l’éducation et de l’information pour promouvoir l’équilibre et la diversité alimentaires, les produits locaux et de saison ainsi que la qualité nutritionnelle et organoleptique de l’offre alimentaire, dans le respect des orientations du programme national relatif à la nutrition et à la santé défini à l’article L. 3231‑1 du code de la santé publique.

Le programme national pour l’alimentation encourage le développement des circuits courts et de la proximité géographique entre producteurs agricoles, transformateurs et consommateurs. Il prévoit notamment des actions à mettre en œuvre pour l’approvisionnement de la restauration collective, publique comme privée, en produits agricoles de saison ou en produits sous signes d’identification de la qualité et de l’origine, notamment issus de l’agriculture biologique.

Les actions répondant aux objectifs du programme national pour l’alimentation et aux objectifs des plans régionaux de l’agriculture durable, définis à l’article L. 111‑2‑1 du présent code, peuvent prendre la forme de projets alimentaires territoriaux. Ces derniers visent à rapprocher les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les collectivités territoriales et les consommateurs et à développer l’agriculture sur les territoires et la qualité de l’alimentation.

Le Conseil national de l’alimentation, qui comprend un député et un sénateur, désignés respectivement par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat, participe à l’élaboration du programme national pour l’alimentation, notamment par l’analyse des attentes de la société et par l’organisation de débats publics, et contribue au suivi de sa mise en œuvre. Il remet chaque année au Parlement et au Gouvernement son rapport d’activité dans lequel il formule des propositions d’évolution de la politique de l’alimentation. Des débats sont également organisés, dans chaque région, par le conseil économique, social et environnemental régional, mentionné à l’article L. 4134‑1 du code général des collectivités territoriales.

Comme le prévoit l’article L. 3231‑1 du code de la santé publique portant sur le PNNS : « Les actions arrêtées dans le domaine de l’alimentation sont également inscrites dans le programme national pour l’alimentation défini au III de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime » cette mention a le mérite de rassembler ce qui se ressemble.

Ainsi que le fait apparaître le tableau comparatif ci‑après, plusieurs actions du PNNS 4 se retrouvent donc dans le PNA 3 sans pour autant être rédigées dans les mêmes termes…

Sur le contenu des actions édictées, le rapport de France Stratégie constate leur caractère peu voire non contraignant, une classification contestable notamment au titre de l’éducation alimentaire et de la justice sociale ainsi que des injonctions surprenantes comme celle indiquant que « la prise régulière des repas en famille permet de réduire les risques d’obésité et de troubles du comportement alimentaire », proposant ainsi un modèle sans doute inadapté à nombres de familles précaires et en occultant le contenu desdits repas.

L’axe du PNA consacré à la lutte contre le gaspillage alimentaire – qui représente 150 kg annuels par personne et environ 5 % de nos émissions de gaz à effet de serre – se situe dans la continuité de dispositions législatives prises sur ce sujet au cours des années récentes.

France Stratégie relève en outre que le mot « alcool » est absent du PNA tandis que les actions spécifiques de l’éducation alimentaire sont limitées au cadre scolaire alors qu’elles gagneraient sans doute à couvrir un public plus large.

C.   LE PROGRAMME NATIONAL DE L’ALIMENTATION ET DE LA NUTRITION (PNAN), SYNTHÈSE DES PNNS ET PNA ET BIENTÔT STRATÉGIE NATIONALE POUR L’ALIMENTATION, LA NUTRITION ET LE CLIMAT

Le Programme national de l’alimentation et de la nutrition (PNAN) établi en mars 2019 s’articule autour de 6 axes ciblant des actions pour 2019 et 2020 issues des PNNS et PNA sous forme de 65 mesures dont beaucoup reposent sur l’incitation ou la communication :

– l’axe « Une alimentation favorable à la santé pour tous » prévoit par exemple de fixer des objectifs de réduction de sucre, sel et gras et d’augmentation de fibres et s’assurer du respect des engagements des acteurs économiques, d’évaluer l’impact de la fiscalité sur les boissons sucrées, de réduire l’exposition des enfants et adolescents à la publicité pour les aliments et boissons non recommandées, promouvoir le Nutri‑Score au niveau international, de réguler la promotion des échantillons gratuits pendant les évènements sportifs, de promouvoir les programmes scolaires « fruits et légumes à l’école » et « lait et produits laitiers à l’école, le renforcement de l’éducation alimentaire de la maternelle au lycée…

– l’axe « Une alimentation plus durable et solidaire » prévoit notamment de mieux informer les consommateurs sur les dates de consommation des denrées alimentaires, l’extension aux industries agroalimentaires et à la restauration collective, des conventions de dons au bénéfice des associations d’aide alimentaire, la promotion des protéines végétales en restauration collective…

– l’axe « Une plus grande confiance dans notre alimentation » prévoit la mise à disposition des consommateurs des informations de l’Observatoire de l’alimentation, d’expérimenter une démarche pour l’étiquetage des modes d’élevage, d’organiser une journée nationale sur les coulisses de l’alimentation, de s’assurer de la qualité et de la fiabilité des applications numériques d’information du consommateur sur les produits alimentaires, d’informer sur les risques des régimes et produits amaigrissants…

– l’axe « Une pratique au quotidien de l’activité physique tout en limitant les comportements sédentaires » prévoit de promouvoir les interventions locales favorisant la pratique d’activité physique et de lutter contre les comportements sédentaires à tous les âges, au travail, à l’école, au domicile ;

– l’axe « De meilleurs dépistages et prises en charge des pathologies liées à la nutrition » prévoit d’organiser une semaine nationale de la dénutrition pour sensibiliser le grand public et les professionnels de santé, de favoriser le dépistage précoce de la dénutrition chez les séniors, d’adapter et de diffuser la formation « plaisir à la cantine » dans les EHPAD, d’améliorer la formation des professionnels des établissements médico‑sociaux et de mettre en œuvre la feuille de route « obésité » ;

– l’axe « Nos territoires en action » prévoit de promouvoir les projets alimentaires territoriaux notamment par le soutien des acteurs locaux par l’élaboration de boîtes à outils, d’indicateurs et de formations, l’approvisionnement de la restauration collective de 50 % de produits bio, durables et de qualité d’ici 2022, de mutualiser les actions de nutrition.

Parmi ces initiatives 11 actions phares ont été édictées.

– Promouvoir les nouvelles recommandations nutritionnelles

– Augmenter les fibres, réduire les quantités de sel, sucre, gras dans les aliments de consommation courante par un engagement ferme des acteurs économiques dès 2020 et promouvoir le Nutri‑Score

– Réduire la consommation de sel de 30 % d’ici 2025

– Protéger les enfants et les adolescents d’une exposition à la publicité pour des aliments et boissons non recommandés

– Permettre à tous de bénéficier d’une restauration collective de qualité en toute transparence

– Organiser dès 2020 la journée nationale « Les Coulisses de l’alimentation »

– Étendre l’éducation à l’alimentation de la maternelle au lycée

– Veiller à l’alimentation de nos aînés

– Promouvoir et partager au niveau national les actions locales innovantes, sources de créativité

– Étendre à la restauration collective et aux industriels l’obligation d’engager des démarches auprès des associations d’aide alimentaire pour favoriser les dons pour les filières agricoles

– S’assurer de la qualité et de la fiabilité des applications numériques informant le consommateur dans ses choix alimentaires

En 2019, une enveloppe de près de 40 millions d’euros était prévue pour la mise en œuvre de ce programme dont 35 millions d’euros annuels de financement européen permettront en priorité de financer la montée en gamme des produits destinés à la restauration collective scolaire. Les autres financements cibleront les actions prioritaires du programme alimentation – nutrition, notamment le déploiement des projets alimentaires territoriaux dans le respect des enveloppes de crédits votés en loi de finances.

Un plan gagne néanmoins à être assorti de financements annuels dévolus à chaque action, ce qui facilite son suivi.

Le PNAN reprend l’essentiel des actions prévues par les PNA 3 et PNNS 4.

Mise en perspective des PNNS 4 et PNA 3

(en rouge les actions reprises dans le PNAN)

Les 56 actions du Plan national nutrition santé (PNNS 4) 20192023

Les 30 actions du Programme national pour l’alimentation (PNA 3) 20192023

Responsable : ministère de l’agriculture et de l’alimentation

Responsable : ministère des solidarités et de la santé

AXE 1 : AMÉLIORER POUR TOUS L’ENVIRONNEMENT ALIMENTAIRE
ET PHYSIQUE POUR LE RENDRE
PLUS FAVORABLE À LA SANTÉ

LES AXES DU PNA

1. JUSTICE SOCIALE

Objectif 1 : Améliorer la qualité nutritionnelle des aliments

1. Augmenter les fibres, réduire les quantités de sel, sucres, gras dans les aliments de consommation courante par un engagement ferme des acteurs économiques dès 2020.

2. Réduire la consommation de sel de 30% d’ici 2025.

3. Évaluer l’impact de la fiscalité sur les boissons sucrées.

4. Inciter à l’amélioration des pratiques industrielles en s’appuyant sur les résultats de la recherche sur aliments transformés et ultra transformés

5. Conforter le rôle de l’Oqali com.me outil de suivi des politiques et d’incitation à l’amélioration de la qualité nutritionnelle.

Améliorer la qualité nutritionnelle et l’offre alimentaire

1. Dès 2020, fixer des objectifs de réduction de sucre, de sel et de gras et d’augmentation de fibres et promouvoir les démarches d’engagement volontaire des acteurs économiques pour l’amélioration de la qualité de l’offre alimentaire en s’assurant de leur respect.

2. Suivre de façon pérenne l’évolution de la qualité de l’offre alimentaire via l’Observatoire de l’alimentation.

3. Mesurer l’impact sur les comportements alimentaires et l’exposition des populations.

4. Dès 2019, développer un volet alimentation humaine dans la stratégie protéines française.

Objectif 2 : Mieux manger en restauration hors foyer

6. Élaborer, publier et diffuser les nouvelles recommandations nutritionnelles en restauration collective, notamment scolaire.

7. Adapter le NutriScore à la restauration collective et commerciale.

8. Mettre en œuvre un choix de menus dirigés dans le secondaire.

9. Inciter les gestionnaires des distributeurs automatiques des espaces publics à proposer des aliments et des boissons plus sains.

10. Soutenir les collectivités et les acteurs économiques pour aller vers la substitution du plastique dans les cuisines centrales.

 

 

Objectif 3 : Réduire la pression marketing

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

11. Protéger les enfants et les adolescents d’une exposition à la publicité pour des aliments et boissons non recommandés.

12. Réguler la promotion des échantillons gratuits pendant les événements sportifs.

Renforcer l’information des consommateurs

8. Dès 2020, rendre facilement accessible aux consommateurs les analyses menées par l’Observatoire de l’alimentation sur la composition des aliments, au-delà de la qualité nutritionnelle.

9. Dès 2019, construire de manière concertée au sein du CNA une démarche expérimentale relative à l’étiquetage des modes d’élevage.

10. En 2020, après concertation au CNA promouvoir l’information du consommateur sur les différentes composantes (nutritionnelles, sanitaires, environnementales) de la qualité des produits alimentaires.

11. Dès 2019, l’expérimentation sur l’origine du lait et des viandes utilisés en tant qu’ingrédients sera prolongée.

12. En 2020, l’exposition des enfants et des adolescents à la publicité pour des aliments et boissons non recommandés sera réduite.

13. Dès 2020, s’assurer de la qualité et de la fiabilité des applications numériques informant le consommateur sur ses choix alimentaires.

Objectif 4 : Encourager la mobilité active

13. Promouvoir les interventions locales rendant la pratique d’activité physique facile, agréable, sécurisée.

14. Favoriser les mobilités actives pour les déplacements au quotidien.

 

Objectif 5 : Mieux manger en situation de précarité alimentaire

15. Améliorer l’accès à une alimentation favorable pour la santé pour les personnes en situation de précarité alimentaire.

Lutter contre la précarité alimentaire pour une alimentation plus solidaire

5. Dès 2019, développer les initiatives territoriales de lutte contre la précarité alimentaire.

6. Dès 2019, améliorer la qualité et la diversité des dons alimentaires.

7. En 2020, mettre à disposition des travailleurs sociaux et des bénévoles des outils pédagogiques numériques et interactifs pour mieux accompagner les personnes en situation de précarité vers une alimentation favorable à leur santé.

AXE 2 : ENCOURAGER LES COMPORTEMENTS FAVORABLES À LA SANTÉ

16. Étendre le NutriScore aux produits en vrac.

2. Lutte contre le gaspillage alimentaire

 

Objectif 6 : Promouvoir et développer le NutriScore

17. Poursuivre le développement du Nutri-Score en France.

18. Promouvoir le NutriScore au niveau international.

14. En 2020, étendre les dispositions de la loi Garot aux secteurs de la restauration collective et agroalimentaire.

15. Dès 2019, promouvoir le « gourmet bag » auprès des clients et des restaurateurs.

16. Dès 2020, créer un défi national « zéro gaspi » dans les collèges et les lycées.

17. Mieux expliquer au consommateur la signification des dates de consommation des denrées alimentaires.

Objectif 7 : Promouvoir les nouvelles recommandations nutritionnelles du PNNS
(alimentation et activité physique)

19. Diffuser les nouvelles recommandations du PNNS et faciliter leur mise en œuvre ;

20. Renouveler les messages sanitaires sur la promotion des aliments ;

21. Actualiser la procédure d’attribution du logo PNNS afin de promouvoir les supports et outils porteurs d’informations et de messages nutrition santé.

 

Objectif 8 : Lutter contre les comportements sédentaires

22. Agir sur les comportements sédentaires dans la vie quotidienne pour tous et à tout âge.

 

Objectif 9 : Améliorer l’information relative
à la qualité des aliments

23. Rendre facilement accessible aux consommateurs les analyses menées par l’Observatoire de l’alimentation (Oqali) sur la composition des aliments, au-delà de la qualité nutritionnelle.

24. S’assurer de la qualité et de la fiabilité des applications numériques orientant les consommateurs dans leurs choix alimentaires.

25. Promouvoir l’information du consommateur sur les différentes composantes (nutritionnelles, sanitaires, environnementales) de la qualité des produits alimentaires.

 

Objectif 10 : Accompagner les femmes avant, pendant et après leur grossesse, et durant l’allaitement maternel

26. Promouvoir la supplémentation en acide folique chez les femmes en désir de grossesse.

27. Promouvoir l’allaitement maternel.

 

Objectif 11 : Promouvoir auprès des parents de jeunes enfants les modes d’alimentation et activité physique favorables à la santé

28. Mettre à disposition des professionnels de la petite enfance et des familles des outils pour favoriser la diffusion des comportements favorables.

 

Objectif 12 : Soutenir le développement de l’éducation à l’alimentation et l’activité physique en milieu scolaire dans le cadre du développement d’écoles promotrices de santé

29. Étendre l’éducation à l’alimentation et à l’activité physique et sportive de la maternelle au lycée.

3. Éducation alimentaire :

Développer l’éducation à l’alimentation des plus jeunes

Objectif 13 : Mieux former les professionnels œuvrant dans le champ de la nutrition pour renforcer leur compétence en prévention dans ce domaine

30. Engager une réflexion sur la formation des diététiciens.

31. Mettre à disposition un kit de formation sur la précarité alimentaire pour les professionnels du domaine social.

32. Poursuivre la mise en œuvre de la formation de formateurs PNNS et des ateliers échanges et actualiser des modules de formation en e-learning.

18. Dès 2019, l’éducation à l’alimentation de la maternelle au lycée sera renforcée par le développement d’outils pédagogiques dédiés à l’éducation à l’alimentation.

19. Dès 2020, faire des élèves et des professeurs de l’enseignement agricole les ambassadeurs du PNA.

20. Poursuivre les « Classes du goût » et agir en faveur de l’éveil du goût chez les jeunes.

21. Dès 2019, promouvoir le programme scolaire « Fruits et légumes à l’école » et « Lait et produits laitiers à l’école ».

Objectif 14 : Promouvoir la variété des images corporelles

33. Informer sur les risques liés aux régimes, à la consommation de produits ou dispositifs amaigrissants en dehors d’un cadre médical ;

34. Veiller à assurer la variété des images corporelles dans les médias.

 

Objectif 15 : Soutenir le développement de l’éducation à l’alimentation en milieu pénitentiaire

35. Promouvoir l’éducation nutritionnelle pour les personnes détenues.

 

AXE 3 : MIEUX PRENDRE EN CHARGE
LES PERSONNES EN SURPOIDS, DÉNUTRIES OU ATTEINTES DE MALADIES CHRONIQUES

 

Objectif 16 : Dépister et prendre en charge les personnes obèses dans le système de soins

36. Mettre en œuvre la feuille de route obésité.

 

Objectif 17 : Prévenir la dénutrition

37. Prévenir la dénutrition en sensibilisant le grand public et les professionnels de santé et du secteur social en mettant en place chaque année « une semaine nationale de la dénutrition » ;

38. Favoriser le dépistage précoce de la dénutrition chez les seniors.

Valoriser notre patrimoine alimentaire

22. En 2020, créer une journée nationale intitulée « Les coulisses de l’alimentation ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Objectif 18 : Développer des actions de dépistage, prévention et surveillance de l’état nutritionnel des personnes en situation de vulnérabilité dans les établissements médico-sociaux

39. Promouvoir la Charte nationale pour une alimentation responsable et durable dans les établissements médicosociaux ;

40. Améliorer la formation initiale et continue des professionnels travaillant dans les établissements médicosociaux.

LES LEVIERS POUR ACCÉLÉRER LA TRANSITION ALIMENTAIRE

1. La restauration collective : un partenaire gagnant pour l’alimentation

23. Dès 2019, mobiliser la restauration collective pour assurer un approvisionnement de 50 % de produits biologiques, de qualité ou durables d’ici 2022.

24. Dès 2019, promouvoir les protéines végétales en restauration collective.

25. Entre 2019 et 2021, seront publiées puis diffusées les nouvelles recommandations nutritionnelles pour les menus de restauration collective, notamment scolaire.

26. Dès 2019, déployer la formation « Plaisir à la cantine » dans les établissements scolaires et en 2020 l’adapter aux EHPAD.

27. Dès 2019, promouvoir la charte nationale pour une alimentation responsable et durable dans les établissements médicosociaux.

28. Dès 2019, soutenir les collectivités et les acteurs économiques pour aller vers la substitution du plastique dans les cuisines centrales (MTES).

Objectif 19 : Développer l’offre et le recours à l’activité physique adaptée (APA) à des fins d’appui thérapeutique

41. Recenser et promouvoir l’offre d’APA.

42. Développer la pratique d’APA pour les personnes atteintes de maladies chroniques.

43. Développer la pratique d’APA pour les personnes détenues.

44. Développer le recours à la prescription d’APA par les médecins.

45. Développer les compétences des professionnels de santé et du sport et favoriser l’interdisciplinarité.

46. Accompagner et soutenir les voies de solvabilisation de l’offre d’APA existantes et en explorer de nouvelles.

 

AXE 4 : IMPULSER UNE DYNAMIQUE TERRITORIALE

2. Les projets alimentaires territoriaux (PAT) : unir les forces locales pour une meilleure alimentation

Objectif 20 : Promouvoir et faciliter les initiatives/actions locales

47. Développer, selon les orientations du Projet régional de santé des actions locales en nutrition cohérentes avec les orientations et le cadre national de référence défini par le Programme national nutrition santé.

48. Promouvoir les chartes d’engagement des collectivités territoriales et des entreprises du PNNS et les mécanismes facilitant le développement d’actions locales.

49. Mutualiser les actions en nutrition.

50. Action : Développer des outils au niveau national.

51. Mobiliser des financements pour le déploiement d’actions de prévention en nutrition en expérimentant un modèle de financement basé sur une coopération publicprivé.

29. Dès 2019, soutenir les acteurs locaux dans le développement de projets alimentaires territoriaux, par l’élaboration de boîtes à outils, d’indicateurs, de formations.

30. Dès 2020, promouvoir les projets alimentaires territoriaux au service des initiatives locales vertueuses permettant d’ancrer une alimentation de qualité, saine et durable dans les territoires et lutter contre la précarité alimentaire.

Objectif 21 : Adapter des actions favorables à la santé dans le domaine de la nutrition
aux spécificités des territoires ultramarins

52. Mener une expertise collective sur la nutrition en Outremer.

53. Mettre en place une unité de fabrication de farine infantile à Mayotte.

Zoom sur les territoires ultramarins

Le PNA s’appuie sur le livre bleu des outre-mer élaboré en 2018 qui définit 3 priorités :

- accompagner la montée en gamme des produits de l’agriculture ultramarine ;

- encourager l’élaboration des PAT ;

- faire de la restauration collective une priorité pour la structuration des filières.

AXE 5 : DÉVELOPPER LA RECHERCHE, L’EXPERTISE ET LA SURVEILLANCE
EN APPUI DE LA POLITIQUE NUTRITIONNELLE

Objectif 22 : Développer la surveillance de la situation nutritionnelle, de la consommation alimentaire, des comportements sédentaires, de la pratique d’activité physique et de la qualité nutritionnelle des produits alimentaires

54. Mettre en place diverses études de surveillance.

 

Objectif 23 : Appuyer le PNNS sur une expertise indépendante

55. Saisir les agences d’expertises sur les sujets prioritaires.

 

Objectif 24 : Promouvoir une recherche orientée vers le développement d’actions de santé publique

56. Développer des axes de recherche dans des champs spécifiques.

 

La future Stratégie nationale de santé, adoptée dans le cadre de la loi climat et qui prendra la suite du PNAN, développera une approche de moyen et long terme, tandis que les deux programmes spécifiques (le PNNS et le PNA) sont conservés avec des objectifs plus opérationnels, ont indiqué les représentants de la DGS entendus par les rapporteurs. L’article 265 conserve donc le PNNS et le PNA dans leur dimension actuelle.

Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique
et renforcement de la résilience face à ses effets

Titre VI.– Se nourrir

Art. 265.– Le III de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« La Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat détermine les orientations de la politique de l’alimentation durable, moins émettrice de gaz à effet de serre, respectueuse de la santé humaine, davantage protectrice de la biodiversité, favorisant la résilience des systèmes agricoles et des systèmes alimentaires territoriaux et garante de la souveraineté alimentaire, mentionnée au 1° du I, ainsi que les orientations de la politique de la nutrition, en s’appuyant sur le programme national pour l’alimentation et sur le programme national relatif à la nutrition et à la santé défini à l’article L. 3231‑1 du code de la santé publique. » ;

« Le programme national pour l’alimentation prend en compte notamment la souveraineté alimentaire, la justice sociale, l’éducation alimentaire de la jeunesse, notamment la promotion des savoir‑faire liés à l’alimentation et la lutte contre le gaspillage alimentaire. Pour assurer l’ancrage territorial de cette politique, il précise les modalités permettant d’associer les collectivités territoriales à la réalisation de ces objectifs. Il propose des catégories d’actions dans les domaines de l’éducation et de l’information pour promouvoir l’équilibre et la diversité alimentaires, l’achat de produits locaux et de saison ainsi que la qualité nutritionnelle et organoleptique de l’offre alimentaire, dans le respect des orientations du programme national relatif à la nutrition et à la santé défini au même article L. 3231‑1. » ;

2° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il favorise la diversité des cultures, afin de renforcer la richesse agronomique et la biodiversité cultivée et élevée en France, en priorité pour les cultures pour lesquelles la consommation alimentaire est majoritairement assurée par des produits importés, notamment en raison d’un défaut de compétitivité. »

II.– L’article L. 3231‑1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : «, dans le respect des orientations déterminées par la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat définie au III de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime » ;

2° Le dernier alinéa est complété par les mots : «, dans le respect des orientations déterminées par la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat ».

III.– Le présent article entre en vigueur le 1er juillet 2023.

Les priorités du PNAN, qui avaient été définies pour 2019 et 2020, laissent donc désormais la place à la préparation de la Stratégie nationale dont les travaux interministériels devaient commencer début 2022, avec la définition d’indicateurs d’évaluation.

On peut néanmoins s’interroger sur les conséquences en termes de lisibilité, de l’adoption d’une Stratégie nationale à peine deux ans après la création d’un PNAN – certes sans assise législative – alors même qu’existe une Stratégie nationale de santé, ellemême concrétisée dans un Plan national de santé publique dont plusieurs mesures concernent la question alimentaire.

D.   D’AUTRES PLANS RECOUVRENT DES PROBLÉMATIQUES VOISINES

Axes, leviers, objectifs, actions, plans voisins aux temporalités différentes… il devient très difficile de s’y retrouver et d’identifier des priorités.

Dans son récent rapport sur la politique de prévention en santé ([52]) la Cour des comptes ne dit pas autre chose : Le « Plan national de santé publique‑Priorité Prévention » établi en mars 2018 aborde tous les déterminants de la santé : environnementaux ou comportementaux à tous les âges de vie et définit 200 actions sur les déterminants de santé sans pour autant – regrette‑t‑elle – établir d’articulations précises avec les autres plans de prévention thématiques existants : le Plan logement, le Plan national de réduction du tabagisme, le Plan d’action sur les produits phytosanitaires, le Plan national santé environnement, le Plan santé travail, le Plan national nutrition santé, le Plan national alimentation, le Plan chlordécone, la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, le Plan national de mobilisation contre les addictions, la Stratégie nationale sport‑santé, le Plan cancer.

On ajoutera qu’un programme national de prévention du risque alcool, interministériel et pluridisciplinaire doit être élaboré sur la base de l’expertise collective de l’INSERM du 4 juin 2021.

Ces plans existaient parfois avant le Plan national de santé publique mais ce dernier les cite sans établir de synergie avec eux au sens où il ne planifie pas la mise en œuvre des objectifs qu’ils se donnent.

Or, relève la Cour, le Plan national priorité prévention est un plan qui fait la synthèse générale de l’ensemble des plans thématiques. À ce titre, pour être véritablement un outil de planification, il devrait comporter des objectifs chiffrés qui s’inscrivent dans un calendrier annuel ou pluriannuel et des indicateurs de résultat, comme c’est le cas des plans nationaux de prévention que l’on trouve en Angleterre par exemple.

II.   UNE GOUVERNANCE POUR CHAQUE PLAN ET UN IMPÉRATIF DE COORDINATION

Chaque plan est naturellement assorti de son dispositif de pilotage, la multiplication des plans renforce mécaniquement l’impératif de coordination ; la transformation du PNAN en Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat va ajouter des acteurs à ces instances.

A.   LE PNAN

S’il est appelé à être remplacé, le document de présentation du PNAN précise : « Afin d’assurer un suivi rapproché du déploiement de ces mesures, un comité de pilotage restreint est mis en place pour chacun des programmes, avec les principaux acteurs mobilisés. Une politique de communication cohérente sera développée entre les deux programmes ».

Dans les faits, le comité interministériel à la santé présidé par le Premier ministre est l’instance de gouvernance du PNAN au niveau interministériel. En 2019, le comité interministériel a examiné les résultats des mesures prises en 2018 et a annoncé les mesures « phares » pour 2019 (activité physique, alimentation, lutte contre l’obésité). Le comité interministériel ne s’est pas réuni depuis 2019 en raison de la crise sanitaire.

Le rapport de France Stratégie analyse le PNAN en ces termes : « Le PNAN ne reste qu’un " document ombrelle " mettant en regard les deux programmes, au niveau desquels demeurent les enjeux de portage ministériel et de suivi y compris au niveau déconcentré. S’il peut contribuer à limiter de possibles incohérences entre politiques ministérielles, le PNAN ne change pas fondamentalement la donne quant aux objectifs et aux actions, aux dires mêmes des acteurs. Il ne peut notamment, à lui seul, garantir le sens des arbitrages interministériels qui sont soumis à des pressions contraires d’acteurs divers, intervenant en amont de la finalisation des programmes. »

La transformation du PNAN en Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat, en ajoutant des acteurs, ne risque‑t‑elle pas de compliquer la gouvernance ?

B.   LE PNA 3

Le PNA 3 est piloté par un comité interministériel présidé par le directeur général de l’alimentation qui réunit une fois par an les représentants des acteurs concernés parmi lesquels les directeurs généraux des ministères partie prenante et des collectivités territoriales.

La gouvernance régionale est conduite par les Comités régionaux de l’alimentation (CRALIM) pilotés par les préfets de région. Un bilan des actions réalisées doit être établi chaque année et présenté au comité de pilotage national.

Le budget annuel du PNA (hors plan de relance) s’élève à 4 millions d’euros ; au titre du plan de relance, près de 200 millions d’euros sont dédiés à l’accélération de la transition écologique au service d’une alimentation saine, durable et locale sous forme de soutien au développement de nombreux projets dont France Stratégie relève « la multiplicité pour des niveaux de financement qui restent modestes ».

C.   LE PNNS 4

Le pilotage national du PNNS 4 est organisé autour de trois instances :

– le Comité interministériel pour la santé, présidé par le Premier ministre, qui définit les orientations stratégiques ;

– un comité de pilotage, présidé par le directeur général de la santé et composé des directions d’administration centrale et des agences d’expertise, coordonne les actions à développer, facilite et évalue leur mise en œuvre et propose des évolutions d’orientations. Deux comités se sont tenus en 2020 et 2021 : le premier, en juin 2020, a priorisé les actions dans le contexte Covid (prise en charge des personnes en situation d’obésité, lutte contre la précarité alimentaire), le second, en mars 2021, a traité de la priorisation des actions, des réorientations et nouvelles impulsions liées au contexte ;

– un comité de suivi associe l’ensemble des parties prenantes et organise concertation et dialogue entre les pouvoirs publics, les organismes de protection sociale, les acteurs économiques et les associations intervenant dans le domaine de la nutrition.

L’animation territoriale de réseaux locaux est pilotée par les Agences régionale de santé (ARS). En outre, un volet « Outre‑mer », prenant en compte les spécificités territoriales devait être mis en œuvre fin 2021.

Le PNNS ne dispose pas d’un budget propre mais sollicite les budgets d’autres actions, ce qui, on peut l’imaginer, ne facilite guère le pilotage du dispositif.

III.   DES OUTILS DE SUIVI ET DE MESURE D’IMPACT À PRÉCISER

Les auteurs du rapport de France Stratégie le relèvent sans ambages : « Le PNNS s’appuie sur un foisonnement d’initiatives, mais souvent non évaluées, et a fortiori non publicisées quand elles le mériteraient. Les derniers PNA et PNNS insistent sur ce point mais sans que l’on puisse affirmer que les outils et instances au service du partage des bonnes pratiques soient aujourd’hui pleinement opérationnels. »

A.   LES DIFFICILES SUIVI ET ÉVALUATION D’UN PNNS FOISONNANT

La densité du PNNS 4 (5 axes déclinés en 24 objectifs et 56 actions) ne facilite ni son suivi, ni son évaluation.

Pour autant, un bilan à mi‑parcours a été publié en mai dernier et présenté lors de son Comité de suivi réuni en juillet 2021. Cette réunion s’est tenue autour des thématiques suivantes : faciliter l’accès à une alimentation favorable à la santé en restauration hors foyer (état des lieux des consommations alimentaires et apports nutritionnels hors foyer ; travaux du groupe de travail nutrition du Conseil national de la restauration collective ; mise en place du Nutri‑Score dans le contexte de la restauration collective et commerciale ; mieux prendre en charge les personnes vulnérables, impulser une dynamique territoriale (notamment par le lancement du site Internet « Réseau d’acteurs PNNS » et la valorisation des bonnes pratiques) ; déclinaison Outre‑mer du PNNS.

Les éléments d’évaluation du PNNS ont notamment fait apparaître la nécessité :

– de renforcer la prévention et de lutter contre les inégalités sociales et de santé : le président du comité de suivi soulignant qu’en un peu plus d’un an, la Covid‑19 a entraîné le décès de près de 100 000 personnes dont 40 % étaient en surpoids ou obèses tandis que deux tiers des comorbidités constatées chez les personnes admises en réanimation sont liées aux conséquences d’une alimentation défavorable à la santé et d’une insuffisance d’activité physique. Or les comorbidités aggravant le risque de développer une forme grave de Covid‑19 sont marquées par un gradient social important ;

– de prendre en compte des préoccupations environnementales et de développement durable qui restent faiblement intégrées aux enjeux nutritionnels.

Le rapport de France Stratégie souligne la nécessité d’améliorer la gouvernance du PNNS qui « s’appuie sur un foisonnement d’initiatives, mais souvent non évaluées ; les derniers PNA et PNNS insistent sur ce point mais sans que l’on puisse affirmer que les outils et instances au service du partage des bonnes pratiques soient aujourd’hui pleinement opérationnels. »

Entendue par les rapporteurs, la DGS a indiqué que les objectifs du PNNS sont évalués à la fin du programme par les études INCA menées par l’Anses et Esteban menée par SPF, qui évaluent les questions de surpoids, d’obésité, de comportements, de prévalence des pathologies associées. Sur la base de ces deux grandes études, le HCSP définit ensuite les objectifs du PNNS suivant.

Mais au‑delà d’indicateurs de suivi, il faut définir des indicateurs d’impact ; le Haut Conseil en a défini mais le suivi en temps réel reste manifestement difficile.

B.   LE PNA : DES INSTANCES PLURALISTES DE DÉBAT ET DE SUIVI, UNE ÉVALUATION À COMPLÉTER

Le rapport de France Stratégie regrette que les actions des plans ne soient pas toujours pensées pour être évaluables, « singulièrement dans le cas du PNA, ce qui affecte en retour les portages tant ministériel qu’interministériel. » Il identifie ainsi plusieurs actions du PNA dont l’évaluation reste à conduire.

Comme pour tout plan, le PNA devrait être doté d’objectifs chiffrés, d’indicateurs de suivi et d’impact, facilitant un suivi et une évaluation des mesures prises.

Outre le processus d’évaluation du Plan, deux structures pluralistes, citées par celui‑ci, contribuent à l’orientation et au suivi de l’action publique dans le domaine alimentaire. Il s’agit du Conseil national de l’alimentation (CNA) et de l’Observatoire de l’alimentation (Oqali).

 Depuis, 1985, le Conseil national de l’alimentation (CNA), instance de concertation indépendante, rassemble 63 représentants des acteurs de la filière alimentaire : producteurs agricoles, transformateurs et artisans, distributeurs, restaurateurs, associations de consommateurs, d’usagers des systèmes de santé, d’étudiants, de protection de l’environnement, de protection animale, d’aide alimentaire, syndicats de salariés, représentants du Parlement français ainsi que des personnalités qualifiées. Les établissements publics de recherche et d’évaluation scientifique, les collectivités territoriales en sont membres de droit et les représentants des ministères concernés assistent aux travaux.

Sous les tutelles des ministères de l’environnement, de la consommation, de la santé et de l’agriculture, le CNA, en rassemblant l’ensemble des acteurs de cette problématique aux dimensions multiples, permet de débattre de manière constructive sur des sujets parfois clivants.

Entendu par les rapporteurs, le représentant de l’UFC‑Que choisir a regretté le poids insuffisant des associations de consommateurs dans les instances de concertation.

C’est au CNA qu’en 2003, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, soucieux d’articuler une politique alimentaire avec d’autres politiques publiques, confie une réflexion sur le sujet, laquelle aboutira, quelques années plus tard, à la consécration législative du Plan national pour l’alimentation.

 L’Observatoire de l’alimentation (Oqali) a été créé en 2008 avec le concours de l’INRAE et de l’Anses et assure le suivi de la qualité de l’offre alimentaire tant en termes de composition que d’information nutritionnelle. Dans ce cadre, il collecte et analyse les données nutritionnelles relatives aux aliments, réalise le suivi du Nutri‑Score et des accords collectifs volontaires.

La loi dite EGalim l’a conforté comme Observatoire de l’alimentation évoluant vers une plus grande transparence des données d’étiquetage et la dématérialisation de la collecte de données.

Son comité de pilotage est constitué de représentants des ministères de l’agriculture, de la santé et de la consommation, de l’Anses et de l’INRAE. Les groupes de travail sectoriels associent des professionnels concernés. Ses derniers travaux concernent le déploiement du Nutri‑Score (décembre 2021) et l’évolution du secteur des biscuits et gâteaux industriels entre 2008, 2011 et 2018 en termes d’offre alimentaire, de paramètres d’étiquetage et de composition nutritionnelle (janvier 2022).

IV.   SIMPLIFIER LA PLANIFICATION ET IDENTIFIER DES PRIORITÉS POUR MIEUX LES METTRE EN ŒUVRE

Faut‑il continuer à empiler les plans ? Leur prolifération et les dispositifs de coordination qu’ils imposent, conduisent à interroger la pertinence de ce mode de pilotage de l’action publique. La multiplication des plans favorise inévitablement les redondances, nuit à la lisibilité des priorités tandis qu’un trop grand nombre de tutelles ministérielles ne peut qu’en complexifier la gouvernance.

La problématique de l’alimentation pilotée par les PNNS, PNA, PNAN et bientôt Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat, constituent un exemple parmi d’autres : les PNA 3 et PNNS 4 regroupent à eux deux 86 actions, parfois redondantes, auxquelles s’ajoutent les mesures prévues par des plans connexes telle la feuille de route concernant la prise en charge de l’obésité. Le PNAN propose opportunément un nombre plus restreint de priorités (65) mais elles restent trop nombreuses et l’on voit mal comment la future Stratégie nationale, qui inclut le climat, pourrait les alléger.

En multipliant les plans sur des sujets connexes, on aboutit, à l’image des PNA et PNNS :

– à des formulations analogues sans être identiques et donc prêtant à confusion. Ainsi, l’action 1 du PNA 3 prévoit, dès 2020, de « fixer des objectifs de réduction de sucre, de sel et de gras et d’augmentation de fibres et promouvoir les démarches d’engagement volontaire des acteurs économiques pour l’amélioration de la qualité de l’offre alimentaire en s’assurant de leur respect » ; tandis que les actions 1 et 2 du PNNS 4 prévoient d’ « augmenter les fibres, réduire les quantités de sel, sucre, gras dans les aliments de consommation courante par un engagement ferme des acteurs économiques dès 2020 » ;

– à des mesures qui risquent de se « neutraliser » : ainsi, l’action 22 du PNA prévoit, en 2020, de « créer une journée nationale intitulée " Les coulisses de l’alimentation " » tandis que l’action 37 du PNNS 4 prévoit de mettre en place chaque année « une semaine nationale de la dénutrition ». Si les sujets et les publics concernés sont différents, il serait sans doute préférable de concentrer les moyens et la communication sur une seule semaine dédiée à la problématique alimentaire dans son ensemble, et d’offrir ainsi une meilleure visibilité aux actions mises en œuvre.

Pour leur part, les rapporteurs rappellent qu’il existe une Stratégie nationale de santé publique au sein de laquelle, plutôt qu’une Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat, les Plan national nutrition santé et Plan national de l’alimentation pourraient être fusionnés, en définissant des priorités, des objectifs chiffrés et des indicateurs de suivi et d’évaluation.

Les objectifs définis dans le cadre d’une planification doivent aussi être cohérents avec les arbitrages réalisés en amont tant en termes d’organisation que de moyens budgétaires alloués.

Il est important de gagner en clarté et en lisibilité afin de faciliter l’action des différents intervenants, celle des coordonnateurs mais aussi pour donner aux citoyens, quel que soit leur niveau d’intervention, une vision claire de l’action publique, de ses objectifs et de la finalité des efforts qui leur sont demandés.

Lors de chaque renouvellement de plan, il conviendrait prioritairement de chercher comment le fusionner ou l’intégrer dans un plan portant sur une thématique voisine afin d’en diminuer le nombre, faciliter la gouvernance et rendre l’action publique plus lisible.

Proposition n° 7 :

Fusionner les Plan national nutrition santé et Programme national pour l’alimentation et les intégrer dans la Stratégie nationale de santé en établissant des priorités, des objectifs chiffrés et des indicateurs de suivi et d’évaluation.


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   QUATRIÈME PARTIE – INFORMATION ET MARKETING :
DES OUTILS À COMPLÉTER ET UNE PROTECTION
DES CONSOMMATEURS À RENFORCER

Le secteur agroalimentaire est un secteur où le marketing privé est très présent, engage de gros moyens (il représente 15 à 20 % de la chaîne de production agroalimentaire) et se montre très efficace.

Dans ce domaine, l’impact du marketing social et du nudge est très limité face à celui du marketing privé, comme l’observe M. Antoine Nebout, économiste à l’INRAE, entendu par les rapporteurs.

Notre pays se trouve aujourd’hui face à une véritable bombe à retardement, « l’épidémie d’obésité », selon le terme employé par plusieurs experts auditionnés, et un nombre trop élevé des maladies non transmissibles partiellement liées à l’alimentation. Il s’agit d’un véritable problème de santé publique, qui est d’ailleurs commun à la plupart des pays de l’Union européenne : un adulte européen sur deux est en surpoids ou obèse, et un enfant sur trois.

L’alimentation, selon sa qualité, peut être un facteur de protection de la santé comme un risque de développement des pathologies les plus fréquentes en France, notamment les pathologies chroniques et les affections de longue durée – divers cancers, maladies cardiovasculaires, diabète, obésité...

Or des travaux de recherche établissent par exemple qu’une baisse de moitié de la consommation de sel (de 10 g/j à 5 g/j) permettrait de réduire le taux global d’accident vasculaire cérébral de 24 % et les taux de maladies cardio‑vasculaires de 18 %.

La consommation saine et responsable pourrait concerner aujourd’hui l’ensemble des citoyens, ou presque. Les consommateurs peuvent en effet s’appuyer sur de nombreux outils et applications, conçues pour promouvoir les bons produits davantage que pour dénoncer les moins bons : ces outils sont disponibles mais encore faut‑il que l’ensemble des consommateurs les comprenne et les utilise, ce qui n’est pas encore le cas.

Les experts, qu’ils interviennent dans le domaine de la santé ou de l’économie, appellent les pouvoirs publics à agir fermement et rapidement pour améliorer la consommation alimentaire des Français. Le Haut Conseil de la santé publique recommande d’intervenir davantage sur l’environnement alimentaire des consommateurs, notamment des plus vulnérables, afin de faciliter des choix individuels favorables à la santé, mais précise que l’information et la responsabilisation individuelle ne sont pas suffisantes.

Quels sont les leviers d’action possibles ? Les experts ont évoqué à tour de rôle différentes options d’intervention. L’information est nécessaire, mais insuffisante. La consommation d’alcool constitue un exemple de la difficulté : informer les jeunes sur les méfaits de l’alcool est nécessaire, mais cela ne suffit pas.

La réglementation de la publicité à la télévision est déjà assez stricte en France en ce qui concerne les programmes jeunesse, et les industries agroalimentaires ne visent quasiment plus les enfants sur ce média, mais ceux‑ci sont amenés à regarder des programmes qui ne leur sont pas destinés, et il existe une lacune dans ce domaine. Toutefois la question de la publicité à la télévision peut apparaître un peu dépassée car l’espace numérique est devenu un lieu très fréquenté par les enfants : il convient d’étudier la manière d’y intervenir, ainsi que le rôle joué par les influenceurs ou le placement de produits dans les jeux vidéo par exemple.

Certains experts comme ceux du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) préconisent dans certains cas l’adoption de taxes comportementales, jugées efficaces car elles modifient les comportements immédiatement et durablement, selon des études réalisées sur l’impact de la taxe sur les produits gras (fat tax expérimentée au Danemark et au Japon), taxe soda ou taxe sur le sucre (en France et dans d’autres pays) ([53]). Elles ont aussi pour effet de modifier la demande par un effet de substitution d’un produit à un autre, et conduisent donc les industriels à reformuler leurs recettes.

Pour le HCSP, une taxe d’accise dépendant du profil nutritionnel des produits pourrait être efficace, mais pour qu’elle soit acceptable et non perçue comme punitive, il faudrait l’accompagner d’un travail d’information des ménages et flécher ses recettes vers des mesures de prévention ciblées sur certains ménages (éducation alimentaire de la jeunesse, coupons fruits et légumes et aide alimentaire), vers un soutien conditionnel à certaines petites et moyennes entreprises (PME) du secteur agroalimentaire (dispositifs d’allègement des dépenses en recherche et développement visant à soutenir les efforts de reformulation), ou encore vers un soutien conditionnel à certains producteurs. L’hypothèse de la différenciation des taux de TVA pour favoriser ou pénaliser certains aliments, et lier ainsi les enjeux sanitaires et environnementaux, a aussi été abordée dans les travaux du Parlement européen en septembre dernier, lors du débat sur la Stratégie « De la ferme à la table ».

I.   LES CONSOMMATEURS DE PLUS EN PLUS OUTILLÉS POUR CONNAÎTRE LES PRODUITS ALIMENTAIRES

L’étiquetage nutritionnel simplifié est un élément de réponse. Son but est de rendre aisément accessible au consommateur l’information nutritionnelle qui figure déjà au dos des emballages, et de lui permettre de comparer la qualité nutritionnelle des denrées. Ainsi que le soulignent les représentants du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), entendus par les rapporteurs, il ne s’agit pas « de classer les aliments en bon ou mauvais, ni de comparer un soda avec de l’huile d’olive, contrairement à ce qui s’entend parfois, car de telles comparaisons n’ont pas de sens ».

Pour être utile, un système d’étiquetage nutritionnel simplifié doit s’appuyer sur des études scientifiques solides démontrant que les consommateurs peuvent utiliser l’outil correctement, qu’il est compris par divers groupes de consommateurs en fonction de leur statut socio‑économique, de leur niveau d’études…

Une évolution très importante doit être soulignée : les institutions de l’Union européenne ont récemment reconnu l’utilité des outils de notation, ce qui était indispensable pour que ces systèmes puissent être généralisés sur le marché européen. Le Parlement européen a en effet voté, le 19 octobre 2021, en faveur de la stratégie « De la ferme à la table » de la Commission européenne, qui a pour but de promouvoir « un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement », qui intègre ces outils. Intitulée en anglais Farm to Fork, cette feuille de route européenne sera déclinée à travers plusieurs propositions législatives que la Commission présentera en 2022.

A.   DE NOMBREUX LABELS ET APPLICATIONS QUI PEUVENT CRÉER UNE CERTAINE CONFUSION

De nombreux labels de qualité et applications sont apparus au cours des dix dernières années, introduits par les instances nationales et européennes (comme par exemple Label Rouge, Agriculture biologique, AOC, AOP…) ou directement par les filières (comme Atout Qualité Certifié). Ces labels répondent à un double objectif : valoriser et protéger les produits régionaux et les spécialités locales (le camembert de Normandie, la châtaigne d’Ardèche, la noix de Grenoble, la lentille verte du Puy, l’olive de Nîmes…) mais également assurer au consommateur qu’un processus d’élaboration, de production et de transformation spécifique a été respecté.

Le Nutri‑Score, notation de la qualité nutritionnelle, a également acquis une place prépondérante chez les consommateurs comme chez les industriels. Les labels et applications sur smartphone ont été créés par des collectifs de citoyens ou des associations de consommateurs (Open Food Facts, QuelProduit…), des chefs d’entreprise (application Yuka par exemple), des industriels de l’agroalimentaire, ou encore des chercheurs comme Siga. Dans ce paysage des applications, Yuka apparaît leader, la notation Siga est également assez connue des consommateurs.

Elles reposent sur des systèmes de notation différents, et répondent aux attentes diverses des consommateurs.

Le label Haute valeur environnementale (HVE) s’adressera au consommateur soucieux de la transition agroalimentaire.

L’application My Label permet à ses utilisateurs de sélectionner un ou plusieurs critères qui lui sont chers parmi une vingtaine dans le domaine de la santé, de l’environnement ou du social tels que par exemple : éviter les organismes génétiquement modifiés (OGM), limiter le risque d’absorber des résidus de pesticide, éviter les allergènes, éviter la présence d’antibiotiques, refuser le travail des enfants, assurer une rémunération juste aux agriculteurs, préserver les populations locales… En fonction de cela, l’application lui indiquera les produits recommandés.

Certaines notations sont très participatives comme l’application lancée par la marque C’est qui le Patron : « L’Appli des consos », dans le cadre d’une démarche plus globale intitulée « Consommateur et Citoyen ». Elle propose un large choix de critères (qualité des ingrédients et respect de la recette, qualités nutritionnelles en fonction de leur contribution aux repères nutritionnels journaliers (RNJ), environnement (estimation du CO2 émis pour le transport, basée notamment sur la pesée du produit et sur l’analyse de son emballage), prix (le produit le moins cher obtient la meilleure note), équité et bien-être animal, origine des ingrédients, lieu de fabrication du produit… La pondération de chaque critère dans la note globale repose sur le consommateur, qui indique, grâce un coefficient multiplicateur, le niveau d’importance qu’il accorde à chacun de ces critères.

Pourtant, la multiplication des sigles, logos ou pictogrammes sur les emballages risque de brouiller le message et de créer l’incompréhension chez le consommateur, allant à l’encontre de l’objectif recherché. Le niveau de confiance reste faible : 53 % des consommateurs accordent une confiance aux labels, 34 % sont réservés et 13 % ne sont pas convaincus ([54]). Le nombre élevé des fraudes de la part des marques est également un signal négatif. Dans le cadre du plan de contrôle des systèmes de qualité européens applicables aux denrées alimentaires, mené chaque année par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), le taux d’anomalies s’élevait à 27 % en 2017.

L’usage des applications est à court terme et ludique ; il est abandonné dès que le consommateur a développé des connaissances suffisantes pour sa consommation habituelle.

1.   Les méthodologies de classement et de notation trouvent une limite lorsque l’innocuité ou la dangerosité n’est pas scientifiquement établie

Certains scientifiques sont encore réticents quant à l’exactitude des données utilisées pour élaborer les notations par les applications. Chaque application utilise une méthodologie différente pour paramétrer son système de notation, avec des ratios de pondération plus ou moins élevés. Pour produire une note globale, certaines « lissent » les résultats du Nutri‑Score, d’autres modifient les scores selon les procédés de production ou le taux d’additifs et de conservateurs. Or il y a, selon les scientifiques, des différences significatives en termes de niveaux de preuve entre :

– la qualité nutritionnelle des ingrédients utilisés, où il existe des résultats scientifiques, qui font l’objet de recommandations de santé publique ;

– les autres composantes caractéristiques de l’alimentation (additifs, conservateurs) pour lesquels l’innocuité ou la dangerosité n’a pas toujours été scientifiquement établie.

En Europe, l’utilisation des additifs est strictement réglementée selon le principe dit « de listes positives » – ce qui n’est pas expressément autorisé est interdit, et 330 additifs alimentaires sont autorisés actuellement.

Dans ce contexte, on considère que l’exposition au risque dépendrait de la teneur en additifs dans la denrée alimentaire et de la fréquence/quantité de consommation alimentaire de cette denrée, d’où le concept de dose journalière admissible (DJA), développé dès 1956 par le toxicologue René Truhaut et repris par l’OMS.

Il existe aussi des voix réticentes quant aux scores existants, comme celle de M. Anthony Fardet, chargé de recherches à l’INRAE. Ce chercheur prend position contre l’utilisation des scores de composition comme outils de santé publique, les considérant comme inefficaces et véhiculant une image fausse de ce qu’est un aliment sain, qu’il décrit ainsi : « un aliment sain est un élément le moins transformé possible et dont la qualité matricielle est préservée qui donne de la satiété et des nutriments bénéfiques ; or plus de 50 % des aliments bien notés par les différents scores sont ultratransformés et par ailleurs, on note très mal des aliments nobles qui ne posent aucun problème pour la santé et l’environnement (sauf les fromages) ou qui participent à un régime équilibré ».

Le Pr François Mariotti, expert en nutrition de santé publique, a indiqué que selon les synthèses et conclusions sur les systèmes d’information nutritionnelle publiées par le comité d’experts « nutrition humaine » à l’Anses qu’il préside, les « scores » sont d’un intérêt très limité du point de vue scientifique. Le Nutri‑Score est considéré comme limité pour décrire la qualité des aliments et ce qui est important, ce serait de décrire la qualité des régimes dans leur entièreté.

Dans cette optique, c’est une approche nutritionnelle globale qui devrait être mieux promue, mettant l’accent sur la recherche d’un régime alimentaire sain, plutôt que sur l’adhésion à ou le rejet de produits alimentaires bien ou mal notés.

Les messages de santé publique pourraient aussi intégrer plus fortement la dimension « One health », en intégrant davantage les enjeux environnementaux (impact environnemental, recyclage, déchets plastiques, etc.).

2.   La réponse ambigüe des industriels aux notations

Des observateurs dénoncent quelques effets pervers du Nutri‑Score. L’évolution des recettes de certains industriels pour obtenir un bon score pour un produit a conduit à aller vers plus de transformation ; un exemple a été cité : la fabrication d’une mayonnaise qui ne comprend plus aucun produit primaire habituel, remplacé par d’autres composants de manière à obtenir un Nutri‑Score A.

Les chercheurs ont constaté que le développement des applications a eu des conséquences sur la composition des produits : qualité nutritionnelle améliorée, diminution des additifs et des conservateurs… De même les fournisseurs d’ingrédients ont modifié leurs produits.

Selon l’Anses, parmi les vingt catégories pour lesquelles des données d’évolution sont disponibles, la proportion d’aliments sans additifs est passée de 13,7 % à 18,3 % depuis le début des années 2010. Pour le reste des ingrédients, les évolutions sont moins rapides, notamment pour les sucres, acides gras et lipides.

Il n’y a pas de données publiquement accessibles sur l’impact sur les ventes du côté des industriels.

Soutenu par l’agence nationale de santé publique (Santé publique France), Open Food Facts a créé une plateforme pour les producteurs. Les industriels intègrent directement leurs données dans la base pour calculer leur Nutri‑Score de manière très simple. Ils identifient les modifications à apporter pour augmenter leur score et améliorer ainsi la qualité nutritionnelle de leur produit.

Il n’existe pas actuellement de données ou d’indicateurs pour quantifier rigoureusement l’impact des applications dans les habitudes de consommation. Seules les données d’achat sont vraiment fiables, et il est difficile de décorréler l’impact des applications de celui des autres critères de choix (comme le prix, le goût…).

B.   ENRICHIR L’INFORMATION SUR LES PRODUITS ALIMENTAIRES

1.   Le Nutri‑Score : un outil imparfait mais simple et qui montre son efficacité

Le Nutri‑Score est un étiquetage nutritionnel synthétique simple, lisible, relativement connu aujourd’hui des consommateurs (41 % disent le connaître), que l’on pourrait compléter par quelques autres informations pour répondre à d’autres interrogations de santé, de modèle de production et de respect de l’environnement.

Le Nutri‑Score est issu de la complexité du choix alimentaire. En effet, l’obligation en vigueur d’indiquer la liste complète des ingrédients d’un produit alimentaire a été généralisée par le règlement européen n° 1169/2011, ce qui est une source de transparence appréciable, mais qui peut rendre l’information illisible, car le nombre des ingrédients est en général de 10 à 20 !

Le Nutri-Score : un score transparent et vérifiable par tous

Proposé par le professeur Hercberg (Université Paris 13) dans son rapport à la ministre de la santé en 2014, le Nutri‑Score est un logo imprimé en face avant des emballages, conçu par Santé publique France, à la demande de la direction générale de la santé. Il émane des travaux de l’équipe du professeur Hercberg, des expertises de l’Anses et du Haut Conseil de santé publique. Cet étiquetage associant des couleurs – du vert au rouge – et des lettres – de A à E – permet aux consommateurs d’estimer, en un coup d’œil, la qualité nutritionnelle du produit.

Introduit dans l’article 14 de la loi de modernisation du système de santé de 2016 pour améliorer l’accès à une alimentation équilibrée, ce système d’étiquetage nutritionnel synthétique est désormais recommandé par les pouvoirs publics. Il a été adopté, à l’issue d’une étude comparative et d’une évaluation en conditions réelles d’achat en magasin, comme logo nutritionnel officiel en France à partir de 2017. Depuis, la Belgique, l’Espagne, le Luxembourg, les Pays‑Bas, la Suisse et l’Allemagne ont mis en place ce dispositif, adopté également par les entreprises sur la base du volontariat.

Le calcul du Nutri‑Score est fondé sur les informations disponibles sur l’étiquette du produit (tableau des valeurs nutritionnelles et liste des ingrédients) et sur les items nutritionnels qui sont le plus fortement associés aux risques de maladie ou à la mortalité, d’après les connaissances scientifiques actuelles. Cela inclut les facteurs à limiter et à promouvoir, calculés sur la teneur pour 100 grammes ou 100 ml. Une note globale résulte de ce calcul. L’algorithme qui porte ce calcul a été validé par une cinquantaine de travaux scientifiques. Le processus de notation est vérifiable et peut être calculé par tous, entreprises ou consommateurs.

Le Nutri‑Score a les limites inhérentes à tout logo nutritionnel : il ne reflète que la composition nutritionnelle des aliments. Il y a évidemment d’autres dimensions qui pourraient faire l’objet d’informations complémentaires : l’ultra‑transformation, les additifs, les résidus de pesticides, la santé de la planète, le bien‑être animal…

Le Pr Hercberg, concepteur du score, indique que ce dernier pourrait évoluer pour combiner plusieurs informations, comme par exemple entourer le Nutri‑Score d’un bandeau noir pour signifier l’ultra‑transformation ou faire figurer une information complémentaire concernant la santé de la planète.

a.   L’impact du score sur les habitudes alimentaires

En France, le Nutri‑Score est soutenu très largement par la communauté scientifique et médicale. Il en est de même au niveau européen, avec le soutien de plus de 400 scientifiques de l’Union européenne et 30 sociétés savantes. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence intergouvernementale sous l’égide de l’OMS, appelle à son adoption au niveau européen.

Toutefois, il est encore inégalement connu selon les milieux sociaux. Selon la récente étude du CRÉDOC, les 41 % des Français qui connaissent son existence sont surtout des cadres supérieurs, des professions intermédiaires et des employés. Parmi les non‑diplômés et les titulaires d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou brevet des collèges, sa notoriété tombe à 26 %. Quant à son impact, 63 % des consommateurs connaissant le Nutri‑Score se disent influencés lors de leurs achats par la présence du logo, et particulièrement les femmes (67 %).

Le suivi du Nutri-Score – bilan annuel – 2021

En juin 2021, 702 entreprises étaient engagées dans la démarche Nutri‑Score en France.

Depuis 2018, la part de marché des marques engagées n’a cessé d’augmenter pour atteindre 57 % des volumes de ventes en 2021. Cependant, cette progression a été plus modérée entre 2020 et 2021.

En 2021, les marques de distributeurs et les marques nationales engagées dans la démarche du Nutri‑Score représentent 48 % des parts de marché, en volumes de ventes, sur les 57 % estimés, tous secteurs confondus.

En considérant les parts de marché, en 2021 : 99 % des marques de distributeurs, entrée de gamme ou non, sont engagées dans la démarche ; l’engagement des marques nationales se fait progressivement : la part de marché des marques nationales engagées représente 34 %, en volumes de ventes.

Entre 2020 et 2021, la part de marché des marques engagées connait la  plus forte augmentation au sein du hard discount (passage de 20 % à 43 %, en volumes de ventes).

Les produits porteurs de Nutri‑Score considérés sont majoritairement des produits transformés suivis par l’Observatoire de la qualité de l’alimentation (Oqali).

Pour les produits commercialisés en grandes et moyennes surfaces et distributeurs spécialisés étudiés, la classe A est la plus représentée (29 %) alors que la E est la moins fréquente (10,8 %). En considérant uniquement les produits transformés (exclusion des produits bruts et des produits non suivis par l’Oqali), la répartition est plus homogène pour les classes A‑B‑C‑D, la classe D étant la plus représentée (25,4 %). La classe E reste la moins représentée (12,6 %).

Source : Oqali

Cet outil n’est pas parfait et n’est pas fait pour comparer des produits non comparables : ainsi comparer un coca light classé B et du miel classé D n’a pas beaucoup de sens. Il pénalise les produits à mono‑ingrédient et les indications géographiques, dont la recette ne peut être modifiée afin d’obtenir un meilleur score.

Pourtant, il est considéré comme une aide à la décision et constitue un moyen de pression des marques pour évoluer. Selon M. Antoine Nebout, économiste au sein de l’Unité de recherche alimentation et sciences sociales de l’INRAE, entendu par les rapporteurs, l’évaluation en économie expérimentale comme sur le terrain a montré une amélioration du panier et un impact sur reformulation des recettes.

Le Nutri‑Score peut enfin permettre un meilleur consentement à payer plus cher un produit alimentaire pour les plus défavorisés.

b.   Généraliser le Nutri‑Score au plan national et européen

La généralisation de ce score est demandée par beaucoup d’experts de santé et de la nutrition. Cependant, cet outil ne peut être rendu obligatoire à l’initiative d’un seul État membre de l’Union européenne ; car il s’agit de modifier le règlement n° 1169/2011 dit INCO relatif à l’information contenue sur les étiquettes de denrées alimentaires commercialisées dans l’Union européenne. Si ce score est utilisé dans plusieurs États membres, d’autres s’y opposent vivement, comme l’Italie qui a à cœur de défendre les producteurs d’aliments aux qualités gustatives (charcuteries, fromages, huiles d’olive…) qui se trouvent notés d’un score D ou E du fait de leur composition. De plus, l’Italie a développé un système de notation concurrent.

Il est certain que cet outil suscite une résistance de la part de certains secteurs économiques dont les produits sont moins bien notés, résistance ancienne qui s’est déjà manifestée lorsque l’extension du système d’information britannique de « feux tricolores » a été envisagée. Ces acteurs économiques s’opposent en effet à tout système coloriel jugé stigmatisant.

Un vif débat se déroule en ce qui concerne les Indications Géographiques. Ce débat semble parfois manquer de rationalité, lorsque les défenseurs de produits traditionnels semblent considérer que les consommateurs vont renoncer à manger ces bons produits parce qu’ils seraient dotés d’un Nutri‑Score médiocre.

Face à ces oppositions, on doit considérer que l’information nutritionnelle est déjà présente au dos des emballages, et que l’imposition d’un score ne fait que la rendre plus rapidement visible.

Les rapporteurs considèrent que la santé publique et l’information des consommateurs doivent primer sur les pressions des acteurs économiques. Le Nutri‑Score, sans être un instrument complet, est un outil d’information et d’éducation à la santé utile. Ils préconisent sa généralisation au plan national, et donc européen, et espèrent que la Présidence française du Conseil de l’Union permettra de convaincre les États membres encore réticents de son utilité pour inciter les industriels à aller plus loin dans la démarche d’étiquetage.

L’avancée importante intervenue en octobre 2021 avec le vote au Parlement européen de la stratégie alimentaire européenne « De la ferme à la table » laisse espérer des progrès, car ce document approuve le principe d’un étiquetage nutritionnel harmonisé à l’avant des produits, obligatoire dans toute l’Union. Ce devra être « un étiquetage nutritionnel simplifié, harmonisé, obligatoire, fondé sur des données scientifiques, facilement compréhensible, et permettant la comparaison des produits en se basant sur une même échelle ». La Commission devra présenter ce projet d’étiquetage nutritionnel obligatoire européen avant fin 2022.

Les rapporteurs considèrent que le Nutri‑Score doit accompagner les produits sur les sites de vente en ligne des distributeurs, où beaucoup de consommateurs font leurs achats, par livraison ou drive. Le score devrait y être bien visible en regard du produit, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui, le score n’apparaissant que dans les informations complémentaires et non de premier abord.

Le PNNS 4 préconise la mise en place du Nutri‑Score dans la restauration hors foyer, pour que l’information soit disponible aussi dans la restauration collective et commerciale. Des expérimentations de faisabilité sont conduites, notamment dans la restauration universitaire et dans la restauration commerciale rapide.

L’action 9 de ce plan demande que les gestionnaires de distributeurs automatiques des espaces publics soient incités à y proposer des aliments et des boissons plus sains. Des échanges ont été initiés entre l’administration et la Fédération nationale de vente et services automatiques pour définir des propositions d’amélioration des produits, en concertation avec le secteur.

Les rapporteurs préconisent qu’une réflexion soit entreprise visant à :

 évaluer la qualité alimentaire des produits passés de la notation D/E à A/B (par sélection aléatoire annuelle) ;

 évaluer l’impact du Nutri‑Score sur la santé dans le cadre d’un suivi de cohorte (choix des aliments, populations utilisant le Nutri‑Score, impact sur le surpoids, l’obésité…) et débuter un suivi de long terme pour évaluer l’impact sur les maladies chroniques ;

● étudier la question des portions conseillées, en prenant en compte des moyennes consommées par produit, afin de rétablir un équilibre d’information au profit des mononutriments ou des produits de tradition ;

● compléter l’information des consommateurs par une apposition visible du Nutri‑Score sur les sites Internet de vente des distributeurs, où le score n’est pas actuellement directement visible.

Proposition n° 8 :

Réaliser une véritable évaluation du Nutri‑Score intégrant des indicateurs et en particulier les catégories de consommateurs qui s’y réfèrent, leur répartition territoriale, sa diffusion par produits ;

Évaluer la qualité alimentaire des produits passés de la notation D/E à A/B, dans le cadre d’une sélection aléatoire annuelle.

 

Proposition n° 9 :

Prévoir l’affichage du Nutri‑Score dans les distributeurs automatiques de produits alimentaires.

2.   Les perspectives d’ajout d’autres informations sur le produit alimentaire

Ajouter d’autres informations nous semble répondre aux souhaits des consommateurs, désireux de prendre en compte d’autres dimensions de l’acte d’achat. Mais trop multiplier les scores n’aurait plus de sens. On peut en imaginer deux maximum, selon M. Nebout car « Trop d’information tue l’information et discrimine les plus précaires ». Mme Ezan, professeure des universités en sciences de gestion, craint également la multiplication des informations, car on s’adresserait alors seulement aux personnes capables de les décrypter.

a.   L’information sur le degré de transformation du produit : l’ajout d’un indice de transformation intégré ou non au Nutri‑Score

Les tenants de l’indice de transformation soulignent que dans les pays où les Nutri‑Scores sont utilisés depuis plusieurs années, il n’y a pas d’amélioration constatée quant à l’obésité ou au diabète.

Selon eux, le Nutri‑Score véhicule une image fausse de ce qu’est un aliment sain, qui est un aliment le moins transformé possible et dont la qualité matricielle est préservée. Cet aliment procure de la satiété et des nutriments bénéfiques. Or selon M. Anthony Fardet, plus de 50 % des aliments bien notés par les différents scores sont ultra‑transformés. Par ailleurs, des aliments nobles qui ne posent aucun problème pour la santé et l’environnement (sauf les fromages) ou qui participent à un régime équilibré (l’huile d’olive) sont mal notés, tandis qu’une entreprise de fast food diffuserait auprès des praticiens hospitaliers des brochures présentant ses produits ultra‑transformés bien notés A ou B. Les industriels réviseraient leurs recettes de produits ultra‑transformés pour obtenir un meilleur score, sans aucun bénéfice pour la santé ou pour l’environnement.

Partisans d’une approche holistique de l’alimentation incluant tous les facteurs, y compris la souffrance animale, les chercheurs préconisent l’utilisation d’une classification du degré de transformation : NOVA (utilisé par les chercheurs) ou SIGA (provenant d’une initiative privée) pour combiner degré de transformation et nutrition.

Face aux aberrations constatées sur les scores, la classification de l’ultra‑transformation serait un indicateur beaucoup plus fiable, scientifiquement éprouvé et qui peut être facilement accessible au consommateur.

Les rapporteurs sont favorables à une généralisation de la classification du degré de transformation. L’ajout d’une telle classification apporte une information importante au consommateur, susceptible de modifier son approche de la préparation de repas. Elle peut en outre profiter aux produits traditionnels des territoires : alors que l’approche uniquement nutritionnelle pénalise les aliments du terroir, la prise en compte du degré de transformation va les valoriser au contraire.

Par contre, il n’appartient pas aux logos d’indiquer la présence plus ou moins grande de pesticides : il appartient aux pouvoirs publics d’interdire les produits dans lesquels il y a des pesticides dangereux pour la santé.

b.   L’approche européenne : l’étiquetage de la durabilité, du bien‑être animal sont envisagés

Le label HVE suscite actuellement un débat. D’un côté, on constate une certaine opposition des producteurs de bio, qui redoutent une contre‑offensive de l’agro‑industrie pour continuer à produire comme avant, au détriment de la biodiversité et de l’agroécologie. Le HVE 3 prévoit l’exigence de ne pas dépasser 30 % du chiffre d’affaires pour tous les intrants (pesticides, engrais…) or, un rapport de l’Office français de la biodiversité (OFB) indique que cette proportion de 30 % n’est pas discriminante. Par exemple, pour le maraîchage, le poids moyen des intrants selon l’OFB est de 26 % pour les exploitations françaises, et pour la viticulture, représente 14 %. Le HVE niveau 3 serait donc très facile à atteindre et conduirait à se satisfaire de pratiques en vigueur sans les améliorer, et à tromper ainsi les consommateurs.

Pour d’autres acteurs, le label HVE 3, même s’il n’est pas une fin en soi, a l’intérêt de susciter des changements et l’amélioration des pratiques agricoles ; il permet de reconnaître une démarche qualité, de prise en compte des paramètres. Il peut être obtenu par deux voies dont l’une peut poser question, car le prorata du chiffre d’affaires ne permet pas vraiment de mettre en lumière une démarche écologique. Il y a encore peu d’exploitations qui peuvent prétendre au HVE : il n’est donc pas si évident à obtenir.

L’enquête déjà citée du BEUC apporte d’autres éléments sur la perception des consommateurs quant à l’information sur la durabilité des produits alimentaires. À la question portant sur des mesures éventuelles pour rendre le choix sain et durable plus facile, les consommateurs interrogés apportent les réponses suivantes :

 57 % des consommateurs veulent que l’information sur la durabilité devienne obligatoire sur les denrées alimentaires ;

 peu de consommateurs (1 sur 4) se disent favorables à taxer les produits les moins durables. Cependant, d’après une enquête de la Commission européenne ([55]), 80 % des européens estiment aussi que le prix des aliments devrait refléter les « coûts réels », c’est‑à‑dire internaliser les externalités, y compris en termes d’impacts sur la santé et l’environnement ;

 seuls 16 % des sondés se sont dit satisfaits de l’action de leur gouvernement pour promouvoir la production et consommation alimentaire durables.

Ces constats corroborent l’intuition que l’éducation du consommateur et l’information via l’étiquetage sont des éléments nécessaires et importants, et actuellement insuffisants, pour guider les choix.

Deux textes de loi vont contribuer à des avancées dans ce domaine : la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, et la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, qui prévoient d’informer les consommateurs sur l’impact environnemental des produits.

Ainsi l’article 1er de cette seconde loi prévoit la mise en place d’un affichage environnemental « Éco‑Score » destiné à guider le consommateur sur ses achats, en indiquant l’impact environnemental d’un aliment, d’un vêtement ou d’un service. Cet affichage est soumis à une phase expérimentale d’une durée maximale de cinq ans, après laquelle il pourra être rendu obligatoire selon les secteurs, sur décision du Gouvernement. Les modalités de ces expérimentations seront définies par décret.

La généralisation prochaine de l’Éco‑Score

L’Éco‑Score est conçu sur un modèle similaire au Nutri‑Score : c’est une note de A à E qui synthétise 15 impacts environnementaux. La note Éco‑Score est matérialisée par un logo de couleur en forme de feuille avec une lettre de A (très faible impact) à E (impact très important).

Pour chaque catégorie de produits, un score de référence est établi grâce aux données de la base environnementale Agribalyse conçue par l’ADEME et l’INRAE. Ces données correspondent à l’analyse de cycle de vie (ACV) des produits.

L’analyse de cycle de vie est une méthode d’évaluation normalisée permettant de réaliser un bilan environnemental multi‑étapes et multi‑critères :

6 étapes de production : agriculture, transformation, emballage, transport, distribution et consommation.

14 indicateurs d’impacts environnementaux : changement climatique/empreinte carbone, appauvrissement de la couche d’ozone, rayonnements ionisants, utilisation des sols, de l’eau, et de l’énergie ; pollution de l’air et de l’eau marine et de l’eau douce (particules, acidification, eutrophisation) ; et épuisement des ressources.

La mise en œuvre de cette information suscite actuellement quelques inquiétudes quant à la manière dont l’ADEME et le ministère de l’environnement vont procéder. Deux possibilités de paramétrages en vue de la notation se présentent, qui auraient des conséquences très différentes : l’une peut conduire à privilégier des produits d’agriculture intensive plutôt que ceux issus de la transition agricole, l’autre prendrait en compte l’impact de l’agriculture sur la biodiversité et la santé humaine avec l’usage de pesticides.

On soulignera la proposition de l’UFC‑Que Choisir d’un « Planet‑Score » construit en lien avec des organisations non gouvernementales (ONG) et des acteurs du bio.

Enfin, la Commission européenne dans ses récents documents programmatiques envisage un étiquetage sur le bien‑être animal.

3.   Enrichir l’information nutritionnelle sur l’alcool pour dissuader plus efficacement la consommation excessive

Le rapport de France Stratégie se montre sévère quant aux politiques de lutte contre la consommation d’alcool, constatant dès l’abord que le mot « alcool » est absent du PNA 3, ainsi que du bilan à mi-parcours du PNNS 4.

La lutte contre l’alcoolisme est traitée dans le cadre de plans de lutte contre les drogues et les pratiques addictives pilotés par le ministère de la santé. Toutefois, le sujet ne relève pas que de la prévention et du traitement des conduites addictives. « Audelà des maladies directement imputables à l’alcool, il s’agit aussi d’un enjeu nutritionnel, notamment compte tenu des apports en sucre que représente l’alcool, certaines études indiquant même des apports cumulés en sucre dépassant ceux associés à la consommation des boissons sucrées », souligne France Stratégie.

Le rapport cite notamment le réseau rééducation nutritionnelle psycho‑comportementale (RNPC), qui relève que, chez les patients traités, contrairement à l’évitement du sucre ou du gras, la réduction de la consommation d’alcool est un réflexe moins courant, alors que boire un verre de vin (10 cl, soit 10 à 12 g d’éthanol) revient à manger trois carrés de sucre en termes de calories. Ce réseau déplore par conséquent, avec d’autres acteurs de la société civile, que le PNNS ne fasse allusion aux impacts de l’alcool que quant au risque de développer certains cancers (foie, voies aérodigestives, sein), cirrhose et maladies cardio‑vasculaires, et pas à son impact sur la prise de poids.

Un certain nombre d’actions de prévention au risque alcool ont été menées par les pouvoirs publics. Ces mesures apparaissent insuffisantes pour faire face aux évolutions récentes des modes de consommation : la population dépassant les repères de consommation à moindre risque est estimée à 10 millions d’adultes.

Les experts préconisent d’agir de différentes manières : une taxation dissuasive, réglementer la vente en ligne, la vente des eaux alcoolisées, la consommation à proximité des écoles…

a.   Des travaux favorables à une taxation plus dissuasive des boissons alcoolisées

La question de la taxation accrue des boissons alcoolisées, afin de dissuader le consommateur, a été abordée dans de très nombreux travaux depuis une vingtaines d’années, certains y étant favorables et d’autres très réservés, soulignant le risque d’apparition d’un marché parallèle puissant, qui s’est mis en place dans les pays à forte taxation de l’alcool.

Si la taxation des boissons alcooliques est, comparativement à d’autre pays, clémente en France, les recettes fiscales sont élevées et ne cessent de progresser malgré la baisse globale de la consommation. Sur un total de 4,1 milliards d’euros de recettes fiscales liées à l’alcool, la grande majorité provient du droit de consommation ou accise sur les alcools (2,91 milliards prévus en 2022) ainsi que du droit spécifique sur les bières (1,06 milliard) qui a été abrogé en 2021.

Les produits alcoolisés sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal de 20 %, ne bénéficiant pas des taux réduits. Alourdir ce taux pour pénaliser la vente d’alcool serait impossible, toutes les opérations sur les biens et les services devant être taxées au même taux, hors la possibilité du taux réduit.

Par contre, pourrait être modifiée l’accise sur les boissons alcooliques, prévue aux articles L. 313‑1 et suivants du code des impositions sur les biens et services (CIBS), entrée en vigueur au 1er janvier 2022. En cohérence avec le droit européen, l’accise regroupe plusieurs taxes anciennes qui portaient sur les droits de circulation, ou le droit de consommation, ou encore des droits assimilés au droit d’octroi de mer, pour différentes catégories de boissons alcoolisées.

À l’instar de la TVA, la taxation des boissons alcooliques est harmonisée au niveau européen (directive 92/83 modifiée par la directive 2020/1151), qui impose de répartir les boissons alcooliques en cinq catégories fiscales, le niveau de taxation devant être identique pour l’ensemble des produits au sein d’une même catégorie.

La définition des catégories résulte de compromis européens difficiles dont la finalité implicite était de ménager la capacité des États membres à taxer faiblement les productions nationales. La France en bénéficie comme d’autres pays producteurs. Ainsi par exemple, si les vins tranquilles (non effervescents) ont un titre moyen de l’ordre de 10 %, ils sont, rapportés à la quantité d’alcool, 12 fois moins taxés que les bières faiblement alcoolisées ; 61 fois moins taxés que les produits intermédiaires ; 5 600 fois moins taxés que les spiritueux.

L’accise sur les alcools peut avoir une finalité budgétaire ou au contraire de protection économique de certains acteurs. Il est certain que son taux sur les boissons alcoolisées est bas et qu’il n’a pas été envisagé, jusqu’à présent, par les pouvoirs publics de lui faire jouer le rôle que joue, au contraire, l’accise sur les tabacs, qui fait l’objet de hausses récurrentes avec un objectif clair d’augmenter les prix et de dissuader les fumeurs. Les montants d’accises sont, eux, seulement indexés sur l’inflation (sauf en outre‑mer).

À l’accise, s’ajoute la cotisation spéciale sur les boissons alcooliques, qui cible les boissons d’un degré supérieur à 18 % vol. (article L. 245‑7 du code de la sécurité sociale – CSS), dont le produit s’est élevé à 730 millions d’euros en 2021.

b.   Appliquer la loi Evin et promouvoir l’action « Janvier sobre »

Les rapporteurs considèrent que les actions d’information des pouvoirs publics doivent être redynamisées. À côté de la communication traditionnelle basée sur les risques de la conduite (sécurité routière), la problématique des maladies suscitées ou aggravées par l’alcool doit être abordée de manière franche : ainsi le risque de développer un diabète à cause de la quantité de sucres absorbée par un buveur régulier. Également, l’esprit de la loi Evin doit être retrouvé, avec l’adaptation des contrôles et des sanctions aux nouveaux produits et aux nouveaux modes d’achat, comme l’Internet par exemple.

Le Gouvernement met en œuvre des campagnes sur les repères à moindre risque, pour tenter de diminuer la part de consommateurs d’alcool au-dessus des repères et réduire la morbi‑mortalité associée. Les messages insistent sur les repères de consommation à moindre risque et veulent améliorer les connaissances de la population concernant les risques à moyen et long termes liés aux consommations d’alcool.

Des supports de campagne ciblant les jeunes appellent à recourir à l’« alcoomètre », dispositif en ligne d’évaluation de sa consommation qui permet une prise de conscience individuelle des risques. Santé publique France a également déployé depuis trois ans une campagne intitulée « Amis aussi la nuit », qui vise à renforcer les comportements protecteurs entre jeunes en contexte festif, à réduire les risques et dommages liés à l’alcool et au cannabis.

Les rapporteurs considèrent que le Gouvernement et Santé publique France devraient apporter leur soutien à l’initiative du mois sans alcool, que l’on pourrait nommer « Janvier sobre », comme cela avait été envisagé en 2019.

En effet, l’initiative « défi de janvier » commence à s’implanter en France, à l’instar de la pratique du « dry january » déjà bien connue dans plusieurs pays anglo‑saxons et scandinaves. Une quarantaine d’associations et de fédérations, de sociétés savantes, de groupements de patients, de villes et d’acteurs mutualistes se sont engagés en 2022 dans cette campagne.

La Fédération du commerce et de la distribution a signé en avril 2019 avec la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), une Charte d’engagements responsables relative à la vente d’alcool pour mieux encadrer la vente des boissons alcoolisées, former leurs salariés, sensibiliser les clients, moderniser l’affichage et étudier les modalités d’un renforcement des moyens de contrôle en caisse. Cet engagement a été largement signé et concerne près de 20 000 points de vente accueillant environ 10 millions de clients par jour.

La Charte engage les enseignes à apposer, sur les contenants de boissons alcoolisées de marques de distributeurs, un visuel rappelant les unités d’alcool contenues dans un verre standard selon le type de boisson (1 unité = 10 g d’alcool pur). Il s’agit de faciliter l’appropriation par les consommateurs, des repères sur les quantités d’alcool qu’ils sont susceptibles d’absorber.

L’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs, prévue à l’article L. 3353‑3 du code de la santé publique et punie de 7 500 euros d’amende, fait partie de cet encadrement de la vente et pose beaucoup de difficultés.

L’application de la charte laisse à désirer, selon l’association Addictions France, qui a réalisé des campagnes d’achats‑tests par des clients mystère – mineurs dans des magasins type supérettes, supermarchés et hypermarchés dans deux départements français (Finistère et Loire‑Atlantique). Les chiffres seraient « affligeants », avec une vente aux mineurs dans 9 cas sur 10 ; la carte d’identité du jeune étant demandée dans 2 cas sur 10, ce qui n’empêche pas la vente malgré la minorité du client.

En particulier, la consommation de prémix (mélanges d’alcool et de jus de fruits, ou d’alcool et de boissons très sucrées du type soda) est très répandue chez les jeunes, et inquiète car c’est une voie d’accoutumance à la consommation d’alcool. Les prémix sont pourtant interdits à la vente aux mineurs.

Les rapporteurs considèrent que le bilan de cette charte doit être dressé, et que des mesures visant à l’effectivité des contrôles en caisse soient adoptées si ce bilan confirme que l’obligation de contrôle de la majorité du client n’est pas respectée, notamment avec des contrôles plus fréquents dans les magasins, suivis de procès‑verbaux en cas d’infraction.

c.   Promouvoir au plan européen un étiquetage nutritionnel sur les contenants de produits alcoolisés

L’alcool et les produits associés (diluants/prémix) sont extrêmement sucrés, ce qui est très rarement rappelé dans l’espace public.

C’est pourquoi il est souhaitable de mettre l’accent sur l’enjeu nutritionnel de l’alcool et notamment de ses apports en sucre. La teneur en sucres est généralement ignorée du public, et sa connaissance pourrait contribuer à diminuer la consommation régulière.

Le nutritionniste Serge Hercberg propose qu’un système d’étiquetage semblable au Nutri‑Score soit appliqué aux boissons alcoolisées pour informer les consommateurs sur leur valeur nutritionnelle. L’étiquette d’une bouteille indique le nom de l’embouteilleur, le taux d’alcool ou encore un petit logo déconseillant la consommation pour les femmes enceintes. Mais aucun message sanitaire majeur ni aucune donnée nutritionnelle, si ce n’est la présence de sulfites au-delà d’un certain seuil, n’y figurent. Il préconise d’adapter la signalétique du Nutri‑Score, en y ajoutant une pastille noire avec la lettre « F », qui serait exclusivement réservée à l’étiquetage des boissons alcoolisées.

Ce scientifique veut exprimer que « l’alcool est dangereux pour la santé, avec un risque qui commence avec de petites quantités. On sait que les risques de cancer, notamment du sein chez les femmes, c’est à partir d’un verre par jour ».

Cet étiquetage doit être décidé au plan européen : il pourrait donc entrer dans les travaux qui s’ouvrent sur la révision de la réglementation sur l’information nutritionnelle.

Sans aller jusqu’à apposer un score F, les rapporteurs sont favorables à une information nutritionnelle sur les contenants des boissons alcoolisées qui devrait indiquer la quantité de sucre, de calories et le nombre de grammes d’alcool pur.

Proposition n° 10 :

Mettre en œuvre l’action « Janvier sobre » en 2023 avec le soutien des pouvoirs publics et de Santé publique France.

 

Proposition n° 11 :

Évaluer la mise en œuvre de la Charte d’engagements responsables relative à la vente d’alcool signée en 2019 par la Fédération du commerce et de la distribution ; tirer les conséquences de cette évaluation avec des mesures renforcées de contrôle du respect de l’article L. 3353‑3 du code de la santé publique interdisant la vente d’alcool aux mineurs.

 

Proposition n° 12 :

Promouvoir une initiative, au plan européen, visant à soumettre les boissons alcoolisées aux mêmes exigences d’étiquetage nutritionnel que les produits alimentaires.

C.   DES LACUNES DANS LE DISPOSITIF D’INFORMATION NUTRITIONNELLE

Il apparaît aussi important d’étendre l’information nutritionnelle audelà du supermarché ou du magasin. C’est dans la restauration collective ou individuelle hors domicile, que l’on constate le plus d’écarts en termes de nutrition avec ce qui est fait à la maison, comme l’a démontré le fait que les Français ont acheté davantage de fruits et de légumes pendant les périodes de confinement sanitaire qu’à l’ordinaire.

Des travaux sont en cours dans le cadre du groupe de travail Nutrition issu du Conseil national de la restauration collective (CNRC) sur l’élaboration de recommandations alimentaires actualisées en restauration scolaire, puis pour les personnes âgées, dont les personnes en EHPAD et des adultes en entreprise.

Les rapporteurs sont favorables à l’extension du NutriScore à la restauration horsfoyer, indiquée dans le PNNS 4 (objectif 2). Il y est envisagé de mettre des outils à disposition de tout service de restauration collective et commerciale souhaitant utiliser le Nutri‑Score sur la base d’une démarche volontaire.

Proposition n° 13 :

Étendre le Nutri‑Score à la restauration collective et commerciale, conformément à la préconisation de l’action 7, objectif 2 du PNNS 4.

II.   L’EXPOSITION AU MARKETING EST TOUJOURS PRÉGNANTE, NOTAMMENT EN DIRECTION DES JEUNES

Santé publique France, dans un rapport publié en juin 2020 ([56]) souligne que la population, et en particulier les jeunes, sont exposés à un environnement obésogénique, comprenant des incitations fortes et répétées à consommer. C’est pourquoi toutes les mesures d’incitation à adopter des comportements alimentaires favorables à la santé doivent être complétées par d’autres mesures visant à réduire l’influence de cet environnement néfaste.

L’impact du marketing alimentaire sur les préférences alimentaires des enfants et des adolescents, leurs comportements et leurs consommations, est établi par la majorité des experts en France et à l’international, et un consensus clair s’est formé sur la nécessité de réglementer efficacement l’exposition des enfants au marketing des produits peu sains.

En France, l’ampleur du marketing alimentaire pour des produits gras, sucrés, salés en direction des enfants se maintient, en particulier à la télévision, et ce malgré les engagements à l’autorégulation des industries agroalimentaires et l’interdiction de la publicité pendant les programmes jeunesse des chaînes publiques.

Un marketing très important des marques s’exerce via les réseaux sociaux et via les influenceurs auxquels les jeunes vont faire confiance plutôt qu’au corps médical.

Les réseaux sociaux sont une source prééminente de connaissance pour les jeunes : 92 % des jeunes sont sur les réseaux sociaux et la problématique alimentaire est l’une des plus abordées sur Internet, un phénomène qui s’est accentué pendant les confinements sanitaires avec la volonté d’augmenter ses compétences dans le domaine alimentaire. Le déterminant générationnel de l’usage des réseaux sociaux efface quelque peu les déterminants sociaux : les jeunes sont sur les réseaux sociaux quelle que soit leur appartenance sociale, et peuvent y être attirés par des publicités pour des aliments à mauvaise qualité nutritionnelle, mais ils peuvens aussi y être sensibilisée très tôt au manger sain.

L’augmentation du temps passé sur Internet pendant les confinements sanitaires et après laisse augurer d’une exposition bien plus massive aux publicités pour ces produits. Il est toutefois impossible d’estimer l’exposition des enfants et des adolescents au marketing digital par manque de données déclarées sur les investissements et les ciblages faits par les entreprises et les annonceurs.

A.   FAIRE ÉVOLUER LES RESSORTS DE LA COMMUNICATION DE PRÉVENTION

Les messages sanitaires associés aux publicités en faveur des boissons avec ajouts de sucre, de sel ou d’édulcorant de synthèse et des produits alimentaires manufacturés sont précisés par un arrêté du 27 février 2007, en application de l’article L. 2133‑1 du code de la santé publique.

Santé publique France a été saisie en octobre 2018 par la direction générale de la santé pour rendre un avis sur ces messages sanitaires ; les études conduites en réponse à cette saisine ont mis en évidence la nécessité de réviser le dispositif des messages sanitaires diffusés depuis de nombreuses années, qui suscitent soit un phénomène de saturation et de banalisation, soit une invisibilité progressive.

Pour mémoire, ces messages sont actuellement les suivants.

Les messages sanitaires associés aux annonces publicitaires
figurent dans 4 bandeaux :

« Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour »

« Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière »

« Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé »

« Pour votre santé, évitez de grignoter entre les repas »

Dans le cadre du PNNS 4, il est ainsi prévu de renouveler ce dispositif des messages sanitaires, sur la base des travaux d’expertise de l’INSERM, du Haut Conseil de la santé publique et de Santé publique France, et de réviser la règlementation en conséquence, afin de garantir un impact sur la santé publique. Il est prévu de dissocier les messages sanitaires des annonces publicitaires elles‑mêmes, afin que ce dispositif de messages joue mieux son rôle d’incitation comportementale. La révision débutera en 2022.

Les rapporteurs sont favorables à cette révision, et demandent que les préconisations formulées par Santé publique France dans son enquête soient mises en œuvre ([57]).

Il s’agit en particulier d’imposer l’insertion de messages sanitaires aux nouvelles techniques de publicité digitale.

Santé publique France note que la jurisprudence tend à retenir une conception assez large de la publicité (incluant la publicité avec achat d’espace télévisé, réseaux sociaux, mais aussi référencements payants sur les sites comparateurs de prix, influenceurs en présence de liens avec l’entreprise bénéficiant de la collaboration...). Cela permet donc d’imposer l’insertion de messages sanitaires aux nouvelles techniques de publicité digitale.

Cette avancée trouvera certaines limites : le principe du pays d’origine a pour effet que les fournisseurs de services médias audiovisuels français diffusant leurs programmes à l’étranger ne sont pas concernés par le dispositif national de messages sanitaires.

On soulignera que Santé publique France propose que les régies publicitaires appliquent sur les montants d’achat d’espaces publicitaires une participation financière différenciée selon le Nutri‑Score des produits publicisés ou des marques associées, afin de participer au financement des nouveaux messages sanitaires, sous la forme d’une contribution obligatoire (avec le régime des impositions de toute nature – ITN – collectées par une personne privée qui peut être adoptée en dehors de la loi de finances par voie législative).

Proposition n° 14 :

Réviser les messages sanitaires associés aux annonces publicitaires selon les préconisations formulées par Santé publique France en 2019, en améliorant la qualité des messages (être simples, délivrer des informations pratiques, éviter les injonctions imprécises) et leur adaptation aux destinataires ;

– intégrer les messages sanitaires en amont du passage des publicités ;

– imposer l’insertion des messages sanitaires aux nouvelles techniques de publicité digitales.

1.   Rendre les communications de prévention plus informatives et plus réalistes

Le PNNS a annoncé les campagnes d’information et de prévention à conduire à destination des adultes et des jeunes. Une évaluation de la campagne d’information 2020 sur les comportements en matière d’alimentation a donné les résultats suivants (BVA, décembre 2020), que l’on peut juger positifs :

 73 % des personnes interrogées reconnaissent au moins un support de la campagne après visualisation/écoute du support ;

 75 % des Français ayant reconnu la campagne se sentent directement concernés ;

 77 % des personnes ayant reconnu la campagne sont incitées à faire des efforts pour améliorer leur alimentation ;

 71 % des personnes ayant reconnu la campagne sont incitées à manger davantage de légumes secs au quotidien ;

 68 % des personnes ayant reconnu la campagne sont incitées à manger davantage de féculents complets au quotidien.

Des actions spécifiques de communication sont également menées afin d’atteindre des populations plus éloignées des messages de santé publique, comme par exemple la campagne de Santé publique France « En 2‑2 » destinée à aider les jeunes adultes à améliorer leurs comportements alimentaires, en préparant des repas sains, rapides et à moindre coût, revalorisant l’image du mieux manger sans pour autant renoncer à leur plaisir et sans les culpabiliser.

Cependant, l’information donnée est trop souvent relative : elle ne prend pas en compte l’ampleur des répercussions que la consommation d’alcool ou d’une alimentation déséquilibrée peut avoir sur le corps humain. Elle se concentre, pour l’alimentation, à évoquer l’obésité et le surpoids, et pour l’alcool, sur les risques associés à la conduite. En outre, la communication sur l’alcool s’est attachée, au cours des dernières années, à rappeler les repères de consommation à moindre risque (« au maximum deux verres par jour, et pas tous les jours »), mais elle n’incite pas à l’arrêt. Elle n’a pas été efficace pour modifier les modes de consommation puisque la population qui dépasse les repères de consommation à moindre risque est estimée au‑dessus de 10 millions de personnes.

Chez les adolescents et les jeunes adultes, la prise de conscience des répercussions sur l’état de santé est tardive avec le sentiment d’immortalité associé à la jeunesse. Pourtant, les comportements alimentaires, s’ils ne sont a priori pas graves lorsqu’ils ne deviennent pas réguliers, peuvent très facilement s’instaurer dans le quotidien.

Il n’y a pas d’information globale suffisante sur les conséquences de ces comportements sur le long terme, comme le déplore la Fédération française des Diabétiques. Outre la cirrhose du foie pour l’alcool, la communication occulte complètement le risque de développer des pathologies comme le diabète par exemple. Les campagnes de prévention sur l’alcool doivent faire mieux connaître l’ensemble des risques, en abordant les risques sanitaires, y compris la probabilité de prise de poids, en plus des risques de la conduite en état d’ébriété).

Les rapporteurs considèrent que les messages de prévention pourraient recourir à des ressorts plus porteurs pour les plus jeunes : faisant par exemple référence à la préservation de l’environnement dans les étapes de production d’un aliment, du respect du bien‑être animal, de l’attention portée par le fabricant ou le distributeur aux conditions de vie des producteurs, ou encore à l’importance de soutenir une production saine et durable locale dans un territoire, pour en préserver le cadre de vie et l’économie.

Enfin, la cohérence des messages doit être travaillée, comme l’ont souligné les autorités de santé : si on conseille au consommateur de privilégier les légumes par rapport aux frites, mais que celles‑ci ont un Nutri‑Score B, n’y a‑t‑il pas un problème de lisibilité ?

La question se pose de même pour le fromage, réputé source de calcium et recommandé pour la croissance, mais doté d’un Nutri‑Score D/E.

Proposition n° 15 :

Renforcer les campagnes de prévention de l’alcoolémie par une communication sur la dimension alimentaire de l’alcool, en y soulignant notamment la proportion de sucre et le risque lié de diabète et d’autres maladies.

2.   Le recours excessif aux allégations de santé

Les allégations nutritionnelles et de santé sont régies par un règlement européen de 2006, qui aurait permis de « nettoyer » le marché d’allégations trompeuses, exagérées, non fondées scientifiquement. Ce règlement a apporté quelques précisions comme par exemple le fait que la mention « source de » ne peut être apposée que si le nutriment concerné est présent à au moins 15 % dans le produit.

Toutefois, sa mise en œuvre n’est que partielle, étant donné que fait défaut un élément majeur prévu par ce règlement, les profils nutritionnels des produits, qui auraient dû être établis depuis plus de 10 ans ! Ainsi un produit trop gras ou trop sucré n’aurait pu être doté d’une allégation nutritionnelle. La Commission européenne a reconnu dans une évaluation récente que le règlement n’avait pas atteint son objectif de protection du consommateur, faute de profils nutritionnels définis au plan européen.

La DGCCRF effectue des contrôles réguliers sur les allégations de santé : les contrôles réalisés en 2019 ont fait apparaître 38 % d’anomalies et 69 % de non‑conformité quant aux produits proposés sur Internet.

Les allégations nutritionnelles et de santé sont aujourd’hui autorisées à partir du moment où un nutriment est présent dans le produit ce qui permet de dire par exemple qu’il est « Riche en protéines ». Or comme l’ont souligné plusieurs interlocuteurs, « cela n’a aucun intérêt d’être riche en protéines, car les gens consomment assez de protéines ». De même un aliment « Riche en phosphore » serait bon pour la mémoire or, on consomme déjà trop de phosphore.

Un autre exemple est celui des céréales du matin extrêmement riches en sucres rapides qui portent une allégation vantant leur teneur élevée en vitamine D. Le règlement devrait pouvoir empêcher ce type de mention si les profils nutritionnels étaient définis.

Les allégations placent le consommateur dans une vision selon laquelle le nutriment est essentiel alors que le produit qu’il va acheter n’a aucun intérêt d’un point de vue physiologique nutritionnel.

Le rapport d’étape de la Commission Européenne du 20 mai 2020 ([58]) sur la mise en œuvre du règlement sur l’Information des consommateurs sur les denrées alimentaires (ICDA) de 2011 a conclu que les profils nutritionnels restent nécessaires pour atteindre l’objectif du règlement de 2006 et mieux protéger le consommateur car, à défaut, les fabricants peuvent continuer de « fortifier » leurs produits, même peu sains, afin d’apposer des allégations telles « Riche en calcium » ou autres.

C’est pourquoi elle s’est engagée à proposer une modification du règlement « allégations » d’ici fin 2022 et d’établir les profils nutritionnels, parallèlement à la réforme de l’étiquetage nutritionnel, en vue de l’adoption d’un Nutri‑Score européen. Les deux dossiers sont en effet intimement liés.

Les rapporteurs préconisent une grande vigilance lors de ces travaux.

L’autorité européenne EFSA a été consultée et doit rendre un avis définitif en mars 2022 quant au fondement scientifique des profils nutritionnels ; cet avis définira‑t‑il des limites sous la forme de seuils portant sur la quantité de sucres ou d’acides gras trans ? Ce n’est pas certain, car les pré‑travaux de l’agence ne formulent actuellement que des tendances et non des prescriptions.

Les éléments à prendre en compte dans les modèles de profil nutritionnel
selon l’EFSA (projet d’avis publié en décembre 2021)

– Compte tenu de la forte prévalence du surpoids et de l’obésité en Europe, la diminution des apports énergétiques revêt une importance sanitaire pour les populations européennes

– Les apports en graisses saturées, en sodium, en sucres ajoutés, qui dépassent les recommandations nutritionnelles dans la plupart des populations européennes et dont les apports excessifs sont associés à des effets nocifs sur la santé

– Les apports en fibres alimentaires insuffisants dans la plupart des populations adultes européennes et des apports insuffisants sont associés à des effets nocifs sur la santé


Selon le BEUC, le règlement « allégations », même une fois les profils établis, comportera encore des lacunes telles que :

– le manque de contrôle des dispositions applicables ;

– un flou juridique qui permet des interprétations laxistes (par exemple lorsque des biscuits au chocolat se targuent d’être « Source de calcium » alors qu’il faudrait en manger six pour atteindre une quantité significative du nutriment revendiqué) ;

– si tous les nutriments peuvent être bénéfiques potentiellement, la question de savoir si la population générale est carencée n’est pas prise en compte pour permettre une allégation !

Les autorités françaises ont été amenées à s’exprimer sur la question des profils nutritionnels dans le cadre des discussions européennes et des travaux du Conseil sous la Présidence allemande. Elles ont considéré que la non‑application des profils nutritionnels pouvait créer des distorsions de concurrence dans la mesure où, en leur absence, un produit ayant un taux important de sel, sucres, gras peut porter la même allégation relative à la vitamine C par exemple, qu’un produit contenant moins de ces nutriments défavorables.

Les autorités françaises sont donc très favorables à la reprise des travaux sur les profils nutritionnels. Elles ont exprimé une préférence pour un système à score plutôt qu’un système à seuils comme initialement envisagé, qui permettrait de pouvoir mettre en avant des nutriments qualifiants (ou « à encourager ») et de ne pas se limiter à des nutriments disqualifiants. Un système à score permettrait par ailleurs de rechercher une convergence et une cohérence entre les travaux sur les profils nutritionnels et ceux sur l’étiquetage nutritionnel en face avant.

Pourtant, les allégations de santé sont des outils de marketing, qui ne paraissent pas, selon les rapporteurs, utiles pour aider le consommateur à faire des choix plus sains. Le profil nutritionnel joint aux scores décrits plus haut leur paraît un dispositif protecteur.

La question se pose selon eux, d’une interdiction de ces allégations. Dans l’attente d’une législation européenne réellement protectrice, la communication des pouvoirs publics sur des habitudes alimentaires saines et le développement de son jugement personnel leur paraît être un levier bien préférable que de se fier aux allégations.

B.   LA PUBLICITÉ : FAUTIL SE CONTENTER DES ENGAGEMENTS VOLONTAIRES ?

Comme dans le domaine de la composition nutritionnelle des produits alimentaires, la régulation de la publicité en France recourt à des outils de droit souples, et s’inscrit dans une démarche de co‑régulation en ce qui concerne les relations entre les acteurs de l’audiovisuel et ceux de la publicité.

Un texte de loi, la loi Gattolin du 20 décembre 2016, a toutefois interdit la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique. L’exemplarité voulue pour les médias publics les confronte aux questions budgétaires, car la publicité permet le financement des œuvres, fictions, documentaires et magazines de qualité. Le secteur privé doit s’inscrire dans le cadre juridique des chartes.

Une première charte visant à promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et les publicités diffusés à la télévision a été signée en 2009. Elle a été suivie, en 2014, d’une nouvelle charte pour une durée identique, renforçant les engagements pris en matière de lutte contre l’obésité et de prévention des maladies cardio-vasculaires. Ont été pris en compte les nouveaux modes de diffusion de la télévision (sites Internet et télévision de rattrapage) et son périmètre a été élargi aux chaînes des territoires ultramarins, où l’épidémie d’obésité est particulièrement importante.

Le 30 janvier 2020 était signée la troisième charte alimentaire pour la période 2020-2024, après plus d’une année de négociations. S’inscrivant dans le cadre de la directive européenne Services médias audiovisuels, elle s’ouvre à de nouveaux acteurs – radios, publicité extérieure et acteurs du numérique au travers des régies numériques.

Santé publique France, dont les rapporteurs ont entendu la représentante, Mme Anne‑Juliette Séry, préconise de limiter les communications commerciales des produits classés D et E selon le Nutri‑Score ainsi que les communications pour les marques associées à ces produits, en télévision et sur Internet pendant les tranches horaires qui sont le plus regardées par les enfants. Ces deux médias représentent 80 à 90 % des investissements publicitaires alimentaires.

Concilier les préoccupations des acteurs publics de santé, des éditeurs de programme qui ont besoin des ressources publicitaires et des industriels est évidemment très difficile.

1.   L’impact déjà positif mais encore insuffisant de la Charte alimentaire de 2020

La charte alimentaire de 2020 comporte des engagements relatifs à la publicité et au parrainage ; les opérateurs y sont encouragés à ajouter des repères nutritionnels, notamment le Nutri‑Score ; ils sont également invités à ce que le parrainage d’émissions par des produits alimentaires ou des boissons soit en adéquation avec les principes de la charte.

– Concernant les engagements relatifs aux programmes, la charte prévoit une augmentation des volumes de programmes cumulée à une meilleure exposition ainsi qu’une adaptation des messages de sensibilisation selon les tranches d’âges visées. Elle sollicite aussi une adaptation des messages pour les Journées mondiales de lutte contre l’obésité à destination du jeune public.

– Elle prévoit un dispositif d’évaluation de la pertinence et de l’effectivité des engagements pris dans son cadre au regard des objectifs de santé publique poursuivis. Cette évaluation est présentée au Conseil national de l’alimentation puis transmise au Parlement et rendue publique.

La loi du 20 décembre 2016 relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique prévoit que le Conseil supérieur de l’audiovisuel adresse chaque année au Parlement un rapport évaluant les actions menées par les services de communication audiovisuelle en vue du respect des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque.

Un rapport de bilan a donc été présenté par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en décembre 2021, portant sur l’exercice 2020, première année de mise en œuvre de la charte. Ses principaux constats sont repris dans l’encadré suivant.

Synthèse des constats du CSA sur l’application de la Charte alimentaire en 2020

 2,4 % seulement des publicités diffusées avant, pendant et après les tranches destinées à la jeunesse indexées par le CSA sont relatives à des denrées alimentaires ou des boissons. Ces derniers obtiennent en quasi‑totalité un Nutri‑Score C, D ou E et, à près de 60 %, un Nutri‑Score D ou E, résultat qui témoigne de leur faiblesse nutritionnelle ;

 L’exposition des enfants à ces publicités apparaît plus importante autour des programmes d’écoute conjointe puisque ces dernières représentent 23 % des publicités visionnées par le Conseil au sein de ces tranches. Les Nutri‑Scores des produits exposés relèvent aux deux tiers des catégories C, D ou E et plus du quart (26,3 %) de la seule catégorie E ;

 L’affichage à l’écran du Nutri‑Score est quasiment inexistant (0,9 %) pour les publicités diffusées avant, pendant et après les tranches destinées à la jeunesse ;

 L’exposition des téléspectateurs à des parrainages d’émission par des produits alimentaires et des boissons apparaît forte. Les parrains des émissions visionnées par le Conseil appartiennent en grande majorité à cette catégorie de produits. Les produits des parrains des émissions proposées durant les tranches destinées à la jeunesse ont de bonnes qualités nutritionnelles (Nutri‑Score A). En revanche, le score de ces produits se dégrade pour les programmes d’écoute conjointe avec une prévalence du Nutri‑Score D ;

● Les publicités qui sont les plus vues par les enfants sur l’ensemble de l’année 2020, sont celles pour les automobiles. Les publicités pour les jouets et jeux de garçons concentrent cependant le pourcentage d’enfants le plus élevé dans leur audience. Près de 45 % des publicités visionnées pour ce groupe de produits le sont par des enfants ;

 Chaque enfant de 4 à 14 ans a visionné en moyenne 1 263 publicités pour des produits alimentaires en 2020. Ces publicités représentent 20,9 % de l’ensemble des publicités vues par ces mêmes enfants, ce qui constitue une proportion proche de celle des autres catégories de la population (ex : 21,1 % pour les 50‑64 ans) ;

 Les chaînes de télévision généralistes (réseau Outre‑mer la 1ère incluse) et celles destinées à la jeunesse ont diffusé 2 473 heures environ de programmes faisant la promotion d’une alimentation diversifiée, d’une activité physique et sportive ou d’un sommeil réparateur, soit le volume le plus important depuis la mise en place du système d’autorégulation en la matière ;

 Les chaînes de télévision ainsi que les radios ont fait preuve d’une grande capacité d’adaptation de leur programmation durant les confinements de l’année 2020 afin notamment de rappeler aux Français, à travers des programmes inédits et nouvellement conçus, toute l’importance d’une bonne alimentation, d’une activité physique et d’un sommeil réparateur dans ces périodes de forte sédentarité.

Les rapporteurs se félicitent d’un certain impact positif de la charte.

 Il en est ainsi de la baisse drastique de l’exposition des enfants portant sur des aliments de mauvaise qualité nutritionnelle. Deux changements ont permis cette tendance favorable à la santé, qui devrait s’accélérer.

D’une part, la chaîne TF1 a décidé de retirer l’ensemble des communications commerciales relatives à des denrées alimentaires ou des boissons de sa tranche destinée à la jeunesse « TFOU ».

D’autre part, l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) a annoncé, le 23 mars 2021, devant Mme Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique et Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable, que la filière s’est engagée à retirer toutes ses publicités des programmes destinés aux moins de 12 ans ou regroupant une audience composée de plus de 35 % d’enfants, tous produits et tous supports confondus dès 2022, y compris donc digitaux et réseaux sociaux.

Il conviendra de s’assurer que ces engagements seront effectivement concrétisés. Car les publicités résiduelles visionnées par ce public en 2021 vantaient encore en majorité des produits néfastes pour la santé, comme le montre le graphique ci‑dessous.

répartition des publicités alimentaires visionnées
autour des tranches destinées à la jeunesse

(par catégorie de produits)

Source : données du Conseil supérieur de l’audiovisuel.

 Autre point positif : les chaînes respectent leur engagement d’inclure un message sanitaire sous forme orale et visuelle dans les génériques d’annonce des écrans publicitaires. Par exemple, des messages comme « Pour ta santé, mange au moins 5 fruits et légumes par jour », « Pour ta santé, dépense‑toi bien », ont été diffusés largement par le groupe Canal.

 D’un point de vue quantitatif, la totalité des chaînes de télévision généralistes et celles destinées à la jeunesse ont largement respecté en 2020 l’engagement relatif à la diffusion d’un volume minimal de programmes faisant la promotion d’une bonne hygiène de vie (alimentation saine, pratique sportive, sommeil nécessaire à l’équilibre).

Par contre, des aspects négatifs importants demeurent.

 Les publicités visionnées avant, pendant et après les programmes d’écoute conjointe parents‑enfants, concernent en premier lieu des denrées alimentaires et boissons de mauvaise qualité nutritionnelle. Les produits à Nutri‑Score D et E y sont largement majoritaires. Les annonces des industriels de la « Junk Food » sont encore surreprésentées et les mauvais scores affichés montrent que l’esprit de la charte n’est pas encore approprié par les annonceurs et les chaînes, ainsi que le regrette la Ligue contre le Cancer dans son avis.

 Toutes les émissions parrainées destinées à la jeunesse le sont par des produits alimentaires, et ceux‑ci portent un Nutri‑Score A. Mais les programmes d’écoute conjointe sont parrainés le plus souvent par un produit alimentaire noté D, sans affichage du score à l’écran, sauf rare exception. L’esprit de la charte, là non plus, n’est pas respecté !

 Les disproportions d’application entre les chaînes posent question. Des retours aux chaînes doivent être faits en utilisant les données obtenues afin qu’elles évaluent chacune leurs résultats et prennent les mesures nécessaires pour améliorer la situation.

 Le peu de réponse des acteurs du numérique, qui ne permet pas de dresser de bilan d’application, est très inquiétant.

Le CSA prévoit de compléter son évaluation pour l’exercice 2021 par une analyse des publicités diffusées sur certaines plateformes.

Santé publique France dresse aussi un constat assez négatif sur l’autorégulation, car celle-ci ne porte que sur une infime part des programmes regardés par les enfants : « Autre enseignement notable, les programmes jeunesse qui font actuellement l’objet d’interdiction de publicité sur les chaînes publiques et de mesure d’autorégulation de la part des industriels de l’agroalimentaire représentent 0,1 % des programmes diffusés et moins de 0,5 % des programmes vus par les enfants » ([59]).

Il appartient au législateur de décider de laisser la démarche de co‑régulation suivre son cours ou d’intervenir par une proposition législative plus exigeante.

2.   Atteindre les plateformes et les réseaux sociaux

Les médias doivent aussi faire face à la concurrence des plateformes de vidéos partagées et des réseaux sociaux, donc il faut en tenir compte dans la régulation recherchée. Le rapport de France Stratégie rappelle qu’au‑delà de la Charte, de nombreux vecteurs exposent le public et en particulier les plus jeunes, aux messages de promotion des produits gras et sucrés : le parrainage d’évènements, la publicité sur Internet, les réseaux sociaux et influenceurs, les jeux vidéo publicitaires dont l’impact sur la mémorisation des marques a été démontré.

L’augmentation du temps passé par les enfants sur Internet pendant la crise sanitaire a déjà pour conséquence des habitudes d’exposition plus massive aux écrans et à la consommation de produits gras, sucrés, salés.

La Charte encourage à « faire en sorte que les mauvais comportements alimentaires soient endigués sur les plateformes » : on peut s’interroger sur les moyens et leviers dont les autorités de surveillance disposeront pour obtenir des résultats.

Le CSA souhaite étendre la règlementation publicitaire aux plateformes de vidéo mais ne peut le faire que pour celles établies en France, aussi les principales – réseaux sociaux de type Facebook, Youtube – n’y seront pas soumises. Les représentants du CSA, entendus par les rapporteurs, considèrent que la régulation souple peut avoir des chances, car le CSA poursuit des échanges réguliers avec ces plateformes qui ont un intérêt à collaborer.

La loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information permet en effet au CSA de superviser le respect des obligations légales et de formuler des recommandations vis‑à‑vis des réseaux sociaux.

3.   Des approches différentes en Europe

Selon un rapport récent du BEUC ([60]), dont les rapporteurs ont entendu les représentants, les engagements volontaires ne fonctionnent pas. Les enfants continuent d’être exposés à de la publicité pour des produits gras/sucrés/salés, et parfois de manière insidieuse – comme sous la forme de placement de produit dans un jeu vidéo. Les engagements volontaires ne peuvent être efficaces pour plusieurs raisons : les critères nutritionnels définis par les industriels eux‑mêmes sont trop laxistes, les engagements se limitent aux enfants de moins de 12 ans et aux programmes les concernant sans toucher les programmes familiaux très suivis par les enfants ; dans le monde digital enfin, il existe beaucoup de possibilités pour les industriels de contourner leurs propres engagements.

Le Parlement européen, lors de sa prise de position sur la Stratégie « De la ferme à la table », s’est dit favorable à légiférer pour mieux protéger les enfants et adolescents de la publicité pour les produits gras/sucrés/salés aussi bien sur les médias audiovisuels que numériques.

Plusieurs pays ont interdit la publicité alimentaire destinée aux enfants : la Suède, la Norvège, le Québec. D’autres ont annoncé s’engager dans la voie d’une régulation de la publicité pour les produits trop gras, trop salés et trop sucrés : le Brésil, le Chili, le Mexique et en Europe, l’Irlande l’Espagne, le Portugal…

Le gouvernement britannique a annoncé récemment vouloir interdire la publicité pour les aliments de mauvaise qualité nutritionnelle à la télévision et en ligne avant 21 heures.

Enfin, une meilleure réglementation de la publicité alimentaire est un véritable outil de lutte contre les inégalités sociales de santé. Les parents des enfants les plus défavorisés sont ceux qui perçoivent le moins l’influence du marketing alimentaire sur les habitudes alimentaires de leurs enfants alors que ces derniers sont les plus touchés par l’obésité.

La Fédération française des Diabétiques, dont les rapporteurs ont entendu les représentants, demande au législateur de :

– au mieux, bannir des programmes destinés aux jeunes sur les écrans télévisés et Internet les publicités pour les aliments et boissons de Nutri‑Score D et E ;

– a minima, mieux informer le consommateur en imposant à l’ensemble des publicités alimentaires l’affichage de l’étiquetage nutritionnel, sous forme de Nutri‑Score avec des conditions strictes d’affichage (affichage durant tout le spot publicitaire et d’une taille adéquate notamment).

Les rapporteurs sont favorables à un affichage du score nutritionnel de l’aliment dans les spots publicitaires.

Une autre mesure importante serait d’obtenir des lieux fréquentés par les enfants comme les écoles, les structures de garde, les installations et manifestations sportives destinées aux enfants, que soit instauré un environnement alimentaire sain éliminant la publicité pour ou la mise à disposition de produits de mauvaise qualité nutritionnelle.


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   CINQUIÈME PARTIE – l’éducation au cœur de la problématique alimentaire

Le rapport de France Stratégie le souligne, l’éducation à l’alimentation représente un enjeu central et constitue un important levier d’action publique à renforcer.

Si celleci ne doit pas se limiter aux plus jeunes et être développée à destination de tous les publics, l’école permet de dispenser un enseignement construit, calibré et susceptible d’atteindre tous les jeunes quelle que soit leur origine sociale, question d’autant plus importante que l’alimentation déséquilibrée affecte, en premier lieu, les plus modestes. En outre, c’est au plus jeune âge que se prennent les bonnes habitudes mais aussi les mauvaises.

Pour autant, France Stratégie souligne que l’éducation nationale, « porteuse de divers plans émanant d’autres ministères (…) est confrontée à une tâche complexe : préserver la simplicité et la cohérence des messages, tout en couvrant le large ensemble de thèmes dévolu, relevant de registres différents (enjeux sanitaires, environnementaux, économiques ou culturels). Elle doit de plus parvenir à adapter les messages à la diversité des conditions locales et sociales, voire des traditions familiales, sans paraître intrusive visàvis des choix des familles voire en parvenant même, dans la mesure du possible, à susciter leur attention bienveillante. »

L’école ne peut pas tout et plusieurs interlocuteurs des rapporteurs ont, par ailleurs, souligné que ne pouvait reposer sur les épaules de l’enfant, la responsabilité de transmettre des messages à sa famille, qui, elle‑même, doit faire face à de nombreuses contraintes.

Néanmoins, la transmission des savoirs et l’apprentissage des besoins fondamentaux par des expériences concrètes représentent autant de chances de favoriser de meilleurs comportements.

Pour être efficace, l’éducation à l’alimentation ne peut s’inscrire que dans un cadre renouvelé et cohérent de la santé scolaire, en évitant la démultiplication des dispositifs d’éducation pour la santé, sans approche globale.

I.   LA PRISE EN COMPTE DE L’ALIMENTATION SAINE ET DURABLE DANS LE CADRE SCOLAIRE

Le mouvement « One Health, une seule santé humaine, animale et environnementale » a été consacré à partir des années 2000 par l’organisation des Nations Unies et c’est dans ce continuum que peut être appréhendée l’éducation à une alimentation saine et durable dans le cadre scolaire.

La Stratégie nationale de santé (SNS) 2018‑2022 prévoit ainsi « d’assurer l’appropriation par tous les groupes sociaux des bons repères alimentaires dès l’enfance en associant les parents ainsi que les professionnels de l’éducation nationale et de la petite enfance » ; les plans en vigueur (PNA et PNNS notamment) consacrent plusieurs orientations à l’éducation à l’alimentation (voir supra partie III) tandis que l’école promotrice de santé, la mise en œuvre du parcours éducatif de santé et l’amélioration de la restauration scolaire figurent dans le Plan national de santé publique 2018‑2022.

L’éducation à l’alimentation dans le cadre scolaire s’organise d’une part, dans le cadre des programmes scolaires prévoyant une éducation pluridisciplinaire à l’alimentation, d’autre part dans le cadre des temps périscolaires (cantines, goûters ou petits déjeuners).

A.   L’ORGANISATION DE L’ÉDUCATION À L’ALIMENTATION

L’acquisition d’une culture générale de l’alimentation comprenant les dimensions culturelles, environnementales, économiques et de santé publique fait partie des objectifs en matière d’éducation à l’alimentation. Au‑delà des textes qui en définissent le contenu, cet enseignement transversal s’organise autour de plusieurs démarches.

1.   Une éducation transversale multiforme

a.   Des textes récemment enrichis

 L’éducation à l’alimentation fait partie des enseignements transversaux qui dépassent le cadre d’une discipline. Elle répond à un enjeu de santé publique mais aussi d’éducation à la citoyenneté et au développement durable.

L’article L. 312‑17‑3 du code de l’éducation prévoit « une information et une éducation à l’alimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire, cohérentes avec les orientations du programme national relatif à la nutrition et à la santé (…) et du programme national pour l’alimentation (…), dispensées dans les écoles, dans le cadre des enseignements ou du projet éducatif territorial (…). »

La rédaction en vigueur de cet article est le fruit de plusieurs ajouts récents :

La loi n° 2016‑138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire y a ainsi inclus l’information et l’éducation à la lutte contre le gaspillage alimentaire tandis que la loi n° 2018‑938 du 30 octobre 2018 dite « loi EGalim » prévoit un état des lieux du gaspillage alimentaire par le gestionnaire de la restauration collective.

Les actions d’éducation à l’alimentation sont inscrites dans la politique éducative sociale et de santé pilotée par le ministère de l’éducation nationale et ont été précisées par deux circulaires du 2 décembre 2011 et du 10 novembre 2015 ([61]).

Force est de constater que, s’il est important d’enrichir le contenu des connaissances des enfants, la multiplication des programmes transversaux ne facilite pas la tâche des enseignants ainsi que le relevait France stratégie : « la manière dont le corps enseignant se saisira des outils ne peut que rester aléatoire face à la multiplicité des injonctions dont il est destinataire » ou l’IGAS qui, en 2016, évoquait ([62]) « la litanie des parcours censés être mis en œuvre par les équipes pédagogiques : parcours avenir, parcours citoyen, parcours d’éducation artistique et culturelle… De trop nombreuses priorités nuisent à la lisibilité des projets d’établissement, et conduisent à la dilution des actions et au découragement des acteurs ».

 Sur la question de la consommation d’alcool dont le présent rapport souligne l’insuffisante prise en compte en tant que problématique alimentaire, l’article L. 312‑18 du code de l’éducation prévoit que la prévention des conduites addictives en milieu scolaire s’effectue dans une démarche globale de prévention des conduites à risques et de promotion de la santé, qui visent à développer les compétences psychosociales permettant à l’élève de construire sa personnalité, d’acquérir un sens de la responsabilité et de parvenir à mettre à distance les stéréotypes et pressions sociales poussant à la consommation. Des informations sur les produits, leurs effets, la législation en vigueur ainsi que sur les ressources d’aide et de soutien dans et à l’extérieur de l’école ou de l’établissement sont également transmises aux élèves. La démarche École promotrice de santé permet de faire du lien entre ces éducations transversales.

Parce qu’elles concernent les besoins fondamentaux de l’enfant, besoins qui ne sont toujours pas considérés comme prioritaires par le système éducatif, l’éducation pour la santé et en particulier l’éducation à l’alimentation ne doivent plus être éclatées en des dispositifs sans cohérence et sans approche globale. À la priorité des besoins fondamentaux, il faut donc ajouter le pilotage des dispositifs d’éducation à la santé. La crise sanitaire a souligné, s’il en était besoin, le caractère essentiel de la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, notamment pour favoriser ses apprentissages.

b.   Des outils pour mettre en œuvre des actions transversales

L’éducation à l’alimentation, la lutte contre les conduites addictives et, plus largement, celle contre le gaspillage alimentaire sont organisées sous différentes formes.

 L’éducation à l’alimentation :

Le PNNS 4 (2019‑2023) prévoit, dans le cadre des volets alimentation et activité physique du parcours éducatif de santé, la mise à disposition des enseignants, d’outils facilitant l’éducation à l’alimentation et à l’activité physique et sportive par le biais d’un vade‑mecum d’éducation à l’alimentation et une actualisation du portail éducation à l’alimentation sur le site Éduscol.

Ce vade‑mecum relatif à l’éducation à l’alimentation et au goût récemment publié a été construit avec le concours de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) et de la DGS. Il précise en particulier les objectifs et l’organisation des classes du goût (huit séances d’1 h 30 destinées aux CM1 – 6ème avec la perspective de les étendre aux autres niveaux), ainsi que, par cycles, les enseignements dans le cadre desquels peuvent être abordées les problématiques de l’alimentation et du goût. Il est enrichi d’exemples d’activités liées aux programmes d’enseignement, par niveau et par matière.

Des fiches sur le site Éduscol, conçues autour de six thématiques, complètent ce support :

– la consommation alimentaire ;

– l’alimentation, l’image du corps et l’activité physique ;

– l’alimentation comme patrimoine et cultures d’hier, d’aujourd’hui et de demain ;

– l’alimentation, l’environnement et l’agriculture ;

– la restauration scolaire, lutte contre le gaspillage et hygiène alimentaire ;

– l’importance du goût et la prise en compte des sens dans l’alimentation.

 La lutte contre le gaspillage alimentaire :

La lutte contre le gaspillage alimentaire constitue donc l’un des objectifs de l’éducation à l’alimentation et au goût. Cette thématique constitue un contexte intéressant pour travailler l’engagement des élèves afin de favoriser la prise d’initiative et les comportements écoresponsables.

Cet enseignement peut s’articuler autour de projets pédagogiques en lien avec la restauration scolaire et permet de faire prendre conscience, aux jeunes, de l’ampleur du gaspillage de nourriture comme de les sensibiliser aux gestes de tri des déchets ou à la possibilité de donner les aliments non consommés. Les élèves éco‑délégués peuvent participer à la sensibilisation de leurs pairs et être forces de proposition.

Selon la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), les gestionnaires de la restauration scolaire sont également amenés à proposer des choix de matières premières, l’adaptation des grammages, la modification de la taille des assiettes ou encore la mise en place de bar à salades.

 La prévention des conduites addictives :

Celle‑ci s’appuie sur :

– les objectifs et les contenus des enseignements et le socle commun de connaissances, de compétences et de culture ;

– des séances d’information et de prévention au moins une fois par an ;

– l’attention portée aux élèves par les membres de l’équipe éducative, en particulier à ceux présentant des signes d’alerte.

2.   Une éducation qui nécessite la mobilisation de nombreux acteurs et difficile à évaluer

Les projets pédagogiques en matière d’éducation à l’alimentation et au goût peuvent se concrétiser par des partenariats avec les collectivités territoriales, les associations et les professionnels de l’alimentation et de la restauration collective.

La DGESCO a toutefois précisé aux rapporteurs que, pour garantir le respect des principes de neutralité philosophique, commerciale, politique et de respect de la laïcité, toute intervention en milieu scolaire s’effectue avec l’accord de l’inspecteur de l’éducation nationale dans les écoles et du chef d’établissement dans les collèges et les lycées. Elle est préparée en amont avec l’équipe éducative et s’inscrit nécessairement dans un continuum éducatif. Le recours à des intervenants formés et issus d’associations conventionnées ou agréées par l’éducation nationale, au niveau national ou académique, est privilégié.

Plusieurs démarches collectives et instances de l’éducation nationale permettent d’impliquer la communauté éducative autour d’actions d’éducation à l’alimentation :

a.   La démarche des Écoles promotrices de santé

L’objet des Écoles promotrices de santé est de valoriser les actions de prévention et les projets pédagogiques du parcours éducatif de santé conçus autour du concept One Health (une seule santé humaine, animale et environnementale) en les fédérant dans le projet d’école ou d’établissement, créant ainsi une démarche globale et positive qui rend visible et permet de coordonner ce qui concerne la santé et le bien‑être au sein d’un établissement scolaire.

Le développement de l’éducation à l’alimentation et l’activité physique dans le cadre des Écoles promotrices de santé constitue le 12ème objectif du PNNS 4.

La démarche École promotrice de santé contribue ainsi à :

– renforcer la coordination de l’ensemble des actions de promotion de la santé ;

– améliorer les conditions environnementales de la scolarité ;

– favoriser les comportements favorables à la santé des élèves en développant la prévention dès le plus jeune âge.

L’École promotrice de santé concerne l’ensemble des membres de la communauté éducative et permet de favoriser une synergie des acteurs dans une démarche projet. Des équipes référentes sont installées dans chaque académie.

Fin 2021, la quasi‑totalité des académies s’était inscrite dans la démarche École promotrice de santé et mettait en place un grand nombre d’actions de promotion de la santé, malgré le retard causé par la situation sanitaire. Un grand nombre d’académies a constitué un groupe de formateurs pour accompagner les personnels et les établissements désireux de s’engager dans la démarche.

b.   Les Comités d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement

Dans le second degré, le Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) est une instance de réflexion, d’observation et de proposition qui conçoit, met en œuvre et évalue un projet éducatif en matière d’éducation à la citoyenneté et à la santé et de prévention de la violence, intégré au projet d’établissement. À ce titre, il définit un programme d’éducation à la santé et à la sexualité et de prévention des conduites à risques et associe à ses travaux les parents et des partenaires susceptibles de contribuer utilement à la politique de promotion de la santé.

Selon la DGESCO, l’évolution des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) en comités d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement (CESCE) va renforcer leur dynamique et la cohérence et le pilotage entre les différentes éducations transversales dans les établissements, les départements et académies. L’éducation au développement durable constitue, estime-t-elle, un contexte supplémentaire pour travailler l’engagement des élèves, sur les problématiques liées à l’alimentation (gestion des déchets, modalités de production et de transport, choix alimentaires, gaspillage alimentaire), doit favoriser les partenariats et permettre d’associer plus étroitement les parents, les élèves et les partenaires extérieurs dont les collectivités.

Une enquête récente ([63]) montrait que de plus en plus d’établissements se sont dotés d’un CESC qui se réunit régulièrement ; 75 % des établissements se sont emparés des sujets d’éducation à l’alimentation qui sont le plus souvent abordés.

B.   UNE ÉDUCATION À L’ALIMENTATION QUI SE DÉVELOPPE EN MILIEU SCOLAIRE

L’institution scolaire n’a pas la tâche facile dans un contexte où les programmes transversaux se sont multipliés et où les médecins scolaires, acteurs‑clés, avec les infirmières, de la prévention en santé, ont vu leurs effectifs fondre comme neige au soleil. En outre, l’existence de différents « parcours » à mettre en œuvre peuvent nuire à la lisibilité des projets d’établissement et décourager les acteurs.

1.   Une mise en œuvre portée par des initiatives locales

a.   Un foisonnement d’initiatives très variées

Dans le cadre de leurs auditions, différentes initiatives de terrain ont été présentées aux rapporteurs, fruits de l’engagement de la communauté scolaire avec le concours d’intervenants extérieurs.

 Ainsi, à l’occasion de la mise en œuvre du projet « Des champs aux assiettes » conduisant des lycéens franciliens à réaliser leurs « États généraux de l’alimentation », un kit pédagogique a été conçu pour présenter, sous forme de fiches synthétiques, des expériences et des pistes pédagogiques pour travailler avec les jeunes sur l’alimentation durable ([64]). Parmi celles‑ci :

– la découverte de la cantine de l’établissement à l’appui d’un questionnaire destiné à connaître l’origine des produits utilisés, les fournisseurs, le choix des menus, le travail des personnels ou le traitement des déchets. Un second questionnaire évalue les avis et les représentations des consommateurs. Cette démarche permet, avant la visite, d’interroger les élèves sur leur vision de la cantine et de son fonctionnement. Les élèves visitent ensuite les locaux par petits groupes, découvrent l’équipe au travail et réalisent une interview du chef cuisinier puis en font le compte rendu ;

– les autres activités menées dans le cadre de ce projet et liées à plusieurs disciplines ont concerné :

. la découverte du caractère mondialisé de l’alimentation, collecter, trier et analyser les données portant sur les habitudes alimentaires des lycéens ;

. l’étude des enjeux alimentaires par l’étude d’un aliment de base tel le pain (dans ce cadre, la composition de différents pains est analysée et ceux‑ci dégustés) ; dans un second temps, une « recette idéale » du pain est élaborée ;

. la réalisation de productions pour appréhender la complexité du système agroalimentaire ;

. la lutte contre le gaspillage alimentaire en étudiant les aliments non consommés par les différentes catégories d’usagers de la cantine ou par la construction de solutions pour utiliser tous les éléments d’un même produit (épluchures, chair) et arriver au zéro déchet ;

. l’identification des acteurs de l’alimentation et de leurs points de vue à partir d’articles de presse pour ensuite présenter leurs arguments sur les thématiques liées à leur activité ;

. préparer et mener une négociation : le projet « Des champs aux assiettes » mené tout au long de l’année avait pour finalité de préparer les élèves à participer à un jeu de rôle sur une journée de simulations de négociations appelée « Simulation des états généraux de l’alimentation durable en Île‑de‑France ». À l’occasion de cette journée, chaque élève devait être en mesure d’incarner une catégorie d’acteurs de la chaîne de valeur de l’alimentation (producteurs, transformateurs, distributeurs, restaurateurs, société civile, pouvoirs publics) et de défendre sa position et ses intérêts au cours des simulations de négociations menées entre élèves ;

. l’organisation d’ateliers ludiques et pédagogiques pour sensibiliser aux enjeux de l’alimentation ; ce qui peut se traduire par la rencontre avec le chef restaurateur du lycée, la visite d’une AMAP locale, la réalisation d’exposés sur les différents acteurs de l’alimentation…

 Un autre projet intitulé « Cuisine, cultures, citoyenneté » a été conçu pour une classe de 3ème d’un collège de Saint‑Martin‑de‑Seignanx (département des Landes) ; il intègre les quatre parcours (santé, culture, avenir, citoyen) et englobe plusieurs disciplines :

– l’histoire et la géographie sous le prisme : « On mangeait et on mange quoi en… ? » en balayant différentes époques et zones géographiques ;

– l’histoire des arts : la peinture et la cuisine (des natures mortes au Pop Art) ; la photographie et la cuisine (du paysage à l’assiette) ; Communiquer avec l’art ;

– les sciences et la vie de la terre par l’exploration des ressources et nourritures au XXIème siècle ;

– les langues à travers les échanges et apports entre pays (par exemple britannique/Inde/Pakistan, Péninsule ibérique/Amérique précolombienne…) ;

– l’enseignement moral et civique avec l’organisation de débats sur différents thèmes : Comment bien manger ?, Comment bien consommer ?, Comment préserver les ressources ?, La cuisine un remède contre le racisme ?, La place de la femme et de l’homme en cuisine ?, Cuisine, cultures, citoyenneté dans 100 ans ?, Révolution verte vs agriculture bio ? …

– la technologie et les mathématiques (géométrie) : conception et construction d’un poulailler dans les jardins du collège.

 Dans le cadre du PAT de la communauté de communes du Grand Autunois, les producteurs partenaires de la restauration scolaire ont proposé d’intervenir dans les classes pour présenter leur travail. Ces présentations sont préparées en amont afin d’être adaptées aux élèves et sont conduites à l’appui d’affiches explicatives conçues avec les équipes pédagogiques.

Les Classes du goût

Le dispositif des Classes du goût est déployé dans les écoles élémentaires depuis 2010 sous la forme d’un parcours de huit séances autour des cinq sens (le goût, l’olfaction, la vue, le toucher et l’ouïe), la multi‑sensorialité, le patrimoine alimentaire, l’étiquetage et les signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine. Les élèves développent leur vocabulaire et travaillent l’expression orale en partageant leur expérience gustative.

Initialement prévu pour les élèves du cycle 3 (CM1, CM2 et 6ème), les Classes du goût ont été intégrées dans le programme national de l’alimentation PNA 3 2019‑2023 et doivent être élargies à d’autres niveaux d’enseignement (classes de maternelle, collèges et lycées).

Plusieurs délégations régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) ont mis à disposition des équipes éducatives de maternelles, des ressources de formation et pédagogiques dont un guide « maternelles du goût » élaboré en lien avec l’association Éveil O’Goût.

b.   Une démarche encadrée mais difficile à évaluer

Les partenariats constituent un élément‑clé d’une éducation transversale, permettent de construire des projets durables et leur diffusion à d’autres territoires. Le tissu associatif très dense constitue un atout, tant dans la dimension santé que dans la dimension environnementale de l’éducation à l’alimentation, mais leurs interventions requièrent une certaine vigilance.

La DGESCO a ainsi indiqué aux rapporteurs que l’éducation nationale veille à ce que les partenaires extérieurs, tant au titre de leur statut juridique que du discours qu’ils portent dans et en dehors de l’école, respecte son principe fondateur de neutralité, en particulier les neutralités religieuses, philosophiques et commerciales.

Sur ce point, le financement d’actions d’éducation à l’alimentation (ou aux activités sportives) par des entreprises commercialisant des produits gras et sucrés pose réellement question et ne peut que susciter de la méfiance. Ainsi en a‑t‑il été du programme EPODE, duquel de nombreuses villes se sont désolidarisées. On pourra s’interroger sur le financement de la semaine du goût et l’accès aux écoles par les différents industriels.

Les collectivités territoriales sont aussi des partenaires indispensables, à travers leur compétence en matière de restauration scolaire et d’accompagnement social et médico‑social.

De leur côté, les rectorats collaborent avec l’Agence régionale de santé (ARS) et la Délégation régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) qui peuvent être associés au Comité académique d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement (CAESCE) par exemple mais il n’existe pas de gouvernance régionale spécifique de l’éducation à l’alimentation.

Il est important que les actions d’éducation à l’alimentation ou de mise en garde sur la consommation d’alcool associent des spécialistes auxquels il appartient de déterminer les actions probantes, c’est‑à‑dire celles qui sont le plus à même de favoriser une évolution des comportements. À titre d’exemple, faire intervenir des gendarmes pour prévenir les conduites addictives liées à la consommation d’alcool peut s’avérer contre‑productif face à des jeunes avides de transgressions.

Il n’en demeure pas moins que l’apprentissage et l’évolution des comportements sont favorisés par des présentations concrètes et vivantes ; toutes ces initiatives témoignent de l’engagement de ceux qui les initient et qui y participent en y consacrant du temps au bénéfice de la transmission aux générations futures de précieux savoirs et valeurs d’engagement.

Pour autant, l’efficacité des politiques menées par l’éducation nationale est difficile à évaluer et le rapport de France Stratégie de constater « le caractère éminemment décentralisé des initiatives scolaires, qui peut certes constituer un atout face à la diversité des publics, n’entrave pas moins toute vision d’ensemble faute d’outils et de pilotes spécifiques pour le partage et d’évaluation des initiatives. L’éducation alimentaire doit trouver sa place parmi les priorités multiples des enseignants ».

La DGESCO a néanmoins indiqué aux rapporteurs qu’un travail de recensement des démarches inspirantes en matière d’éducation à l’alimentation était réalisé en faisant appel aux réseaux académiques tels que le réseau des infirmiers conseillers techniques et le réseau des équipes académiques École promotrice de santé. L’animation de ces réseaux ainsi que l’instauration d’une infolettre trimestrielle dédiée à l’École promotrice de santé et à destination des équipes référentes permettent ensuite de favoriser le partage d’expérience et l’échange autour de ces démarches inspirantes.

France Stratégie a appelé à parachever les actuelles tentatives d’organisation du partage et de l’évaluation des initiatives locales. Sur ce point, le site Évalin, conçu par l’école de santé publique de l’Université Lorraine et l’Unité d’évaluation médicale du CHRU de Nancy, avec la participation d’un groupe de travail constitué par la DGS, permet aux porteurs de projets sur l’alimentation et l’activité physique, de construire l’évaluation de leurs interventions. Dans le même esprit, le répertoire des interventions efficaces ou prometteuses de Santé publique France demeure insuffisamment utilisé.

En tout état de cause, les projets d’éducation pour la santé se heurtent à différents obstacles qu’il faudrait pouvoir lever :

– les difficultés des équipes de l’éducation nationale à élaborer des projets au long cours, élaborés sur la base d’un diagnostic et cohérents – notamment en raison de turnovers dans les équipes, aux effectifs réduits de la santé scolaire, à l’insuffisante acculturation de certains acteurs aux principes de la promotion de la santé ; à des difficultés à trouver le temps nécessaire à la formation de projets ;

– les injonctions contradictoires entre les enjeux d’emploi du temps, de programme et les nombreux contenus suggérés comme prioritaires (nutrition, prévention des violences, usages des écrans, addictions, discriminations, sexualité, citoyenneté, activité physique, connaissance de l’entreprise…) ;

– des difficultés de légitimités entre ARS et rectorats, entre qualité des actions et gestion de la vie scolaire.

Proposition n° 16 :

Renforcer le pilotage de la politique publique de santé scolaire et en particulier des dispositifs de promotion de la santé afin de favoriser une approche globale et cohérente et éviter la démultiplication des dispositifs.

 

Proposition n° 17 :

Évaluer la participation des industries agroalimentaires dans les dispositifs d’éducation à l’alimentation.

2.   La restauration scolaire à l’épreuve du terrain

Incontestablement, la restauration scolaire constitue un puissant levier pour favoriser une alimentation saine et durable. Pour autant, elle doit respecter un délicat équilibre entre une règlementation exigeante, une organisation répartie entre de nombreux acteurs, et des injonctions plurielles.

a.   Un levier puissant, mais une fréquentation inégale et de nombreuses injonctions

 Une fréquentation importante mais inégale

Selon une enquête conduite par le Centre national d’étude des systèmes scolaires (CNESCO) en 2017 ([65]), 93 % des établissements du second degré disposent d’un restaurant scolaire (les autres utilisant généralement un restaurant scolaire voisin). De fait, près de 70 % des collégiens et lycéens français scolarisés dans les établissements publics étaient, en 2016, inscrits à la cantine. En cela, la France se distingue ainsi de plusieurs pays, tels que la Norvège, le Danemark, la Suisse, l’Autriche ou les Pays‑Bas, qui ne proposent pas ou peu de restauration scolaire, les élèves apportant alors leur repas à l’école.

La même étude a constaté une hausse significative de la fréquentation des cantines scolaires (en 1996, seuls 55 % des collégiens du secteur public y étaient inscrits soit 15 points de moins qu’en 2016), une moindre prévalence de l’obésité chez les élèves fréquentant les restaurants scolaires et établi un lien entre la restauration scolaire et la qualité des apprentissages. Pour sa part, le site Internet du ministère de l’éducation nationale fait état d’une fréquentation de la restauration scolaire des collégiens plus modeste (54 %, mais sans mention de date ni du statut des établissements concernés).

Quelles que soient les données retenues, elles masquent d’importantes disparités car si, en moyenne, 29 % seulement des collégiens ne sont pas inscrits à la cantine, relevait le CNESCO en 2017, c’est le cas de près de 59 % d’entre eux en éducation prioritaire et plus particulièrement dans les collèges de REP + où seul un élève sur quatre était inscrit à la cantine.

Ce constat est corroboré par le rapport publié en 2018 par les trois inspections générales sur l’éducation alimentaire de la jeunesse ([66]) qui constate par ailleurs une fréquentation de la cantine peu répandue dans les territoires ultramarins.

Certes, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté prévoit des prises en charge partielle ou totale du coût de la cantine par les collectivités territoriales mais ces mesures sont encore limitées et difficiles à évaluer selon France Stratégie.

 L’alimentation, un sujet aux prises à des injonctions multiples

L’alimentation est devenue, au fil des années, un sujet sensible et l’école doit composer avec la diversité des situations locales, sociales, familiales, les réclamations diverses (allergies ou intolérances réelles ou supposées, interdits spirituels…).

Trouver un point d’équilibre est complexe, mais crucial, à l’heure où, comme l’a rappelé le rapport de France Stratégie, de plus en plus de personnes se disent intolérantes ou allergiques au plan alimentaire, alors que le chiffre véritable est estimé autour de 4 % par le corps médical, tandis que des interdits spirituels, qu’ils soient religieux ou autres tels le véganisme sont aussi plus souvent revendiqués.

b.   Les dispositions en vigueur concernant la restauration scolaire

La restauration des écoles primaires relève des communes ou Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et son organisation varie selon la taille des communes (recours au personnel communal ou à des sociétés de restauration collective avec une préparation des repas dans une cuisine centrale puis livraison dans les cuisines dites « satellites »).

La restauration des collèges et lycées relève respectivement du département et de la région. La majorité des collèges et lycées gère directement les repas qui sont préparés et consommés sur place. Dans certains cas, la préparation des repas est confiée à une société de restauration collective qui les livre dans les cuisines « satellites » des établissements.

L’alimentation servie doit être de bonne qualité, équilibrée, variée et fractionnée en ration en application du décret n° 2011‑1227 du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire, et l’arrêté correspondant.

Plus récemment, la loi dite EGalim d’octobre 2018 prévoit que depuis le 1er janvier 2022, les repas servis en restauration collective dont les repas scolaires, doivent être constitués de 50 % de produits de qualité et durables, dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique ([67]). La loi prévoit aussi un plan pluriannuel de diversification des protéines incluant des protéines végétales dans les menus (pour les établissements servant plus de 200 couverts) et une expérimentation, pour les gestionnaires de restauration collective scolaire, à proposer un menu végétarien au moins une fois par semaine.

L’évaluation de cette expérimentation a fait état d’une perception plutôt positive de sa première année de mise en œuvre. En conséquence, l’article 252 de la loi dite « Climat et résilience » du 22 août 2021 a pérennisé ce dispositif.

Une étude récente publiée par l’ADEME ([68]) identifie plusieurs freins à la mise en œuvre des nouvelles dispositions dans la restauration scolaire. Parmi ceux‑ci : la méconnaissance de l’offre disponible sur les territoires et celle des signes de qualité prévus par la loi « EGalim », l’éparpillement des intervenants (communes, départements, régions) et le peu d’initiatives collectives, les contraintes de la commande publique ; de surcroît, souvent, les opérateurs de restauration scolaire ne connaissent pas leur niveau actuel d’approvisionnement durable. L’introduction du repas végétarien hebdomadaire se heurte à une certaine méconnaissance du sujet, aux craintes liées à l’équilibre nutritionnel des repas voire au refus de certains acteurs. Un gaspillage plus important de plats végétariens peu connus a également été constaté.

En outre, les responsables des achats de la restauration scolaire disposent le plus souvent d’un budget contraint et doivent respecter un cahier des charges strict. Pour mémoire, le coût moyen d’un repas de restauration scolaire (estimation 2020) représente 7,63 euros dont 2,78 euros sont dédiés à la composante alimentaire.

Toutefois, alors qu’en 2018, près de 70 % des élèves n’avaient pas accès à une offre de repas végétarien, ils sont plus de 70 % à en avoir bénéficié, en primaire, en 2021.

c.   Les leviers des collectivités territoriales et des PAT pour développer une alimentation plus saine et durable dans la restauration scolaire

Le rapport d’inspection précité sur l’éducation alimentaire de la jeunesse fait état de divers partenariats porteurs complétant l’action des collectivités territoriales qui interviennent au titre des locaux et de leur entretien, des achats, de la production des repas, du service et de l’animation, de la formation des personnels. Ce sont par exemple les relais associatifs ou les chambres d’agriculture pour l’organisation de plateformes d’approvisionnement local.

Plusieurs initiatives innovantes ont été présentées aux rapporteurs lors de leurs auditions. Si la commune de Mouans‑Sartoux, avec sa propre régie agricole, permet de proposer aux élèves, depuis plusieurs années, des produits 100 % bio, d’autres collectivités, notamment via des PAT, donnent, par la restauration scolaire, du sens et un contenu concret à l’alimentation saine et durable.

La restauration scolaire dans le cadre du PAT
de la communauté de communes du Grand Autunois

Le projet a débuté en 2018 et concerne la communauté de communes du Grand Autunois, soit 55 communes. Il a été mis en place par la Communauté de communes en partenariat avec la Chambre d’agriculture, le GIEE de l’Autunois, les associations de producteurs. Il s’agit d’un programme d’actions concernant toute la filière d’approvisionnement et de consommation locale autour d’un « projet alimentaire de territoire ». Ce projet est structuré par 4 grands thèmes : la restauration collective, l’éducation de la jeunesse, la justice sociale et la lutte contre le gaspillage alimentaire. Le projet propose d’articuler production et alimentation dans une logique d’économie circulaire.

La communauté de communes du Grand Autunois Morvan est propriétaire de la cuisine centrale, et distribue tous les jours 1 100 repas : 900 aux écoles, de la maternelle au CM2, et 200 en portage à domicile.

L’approvisionnement de la restauration collective est aujourd’hui de 25 % en produits locaux avec une trentaine de producteurs engagés. L’introduction des produits locaux et un travail sur les aliments servis ont permis une forte diminution du gaspillage alimentaire dans les établissements scolaires. Le collectif de producteurs travaille désormais à l’ouverture d’un magasin de producteurs.

L’organisation de la restauration scolaire dans les écoles du Grand Autunois montre la diversité des actions d’éducation à l’alimentation permises par l’organisation d’une restauration scolaire de proximité :

– les menus de l’année sont adaptés aux saisons et permettent l’apprentissage de goûts nouveaux : des yaourts au foin, à la fleur de sureau, au pain d’épices sont ainsi proposés par un producteur local et rencontrent un vif succès ;

– le gaspillage est limité grâce à des recettes retravaillées après avoir consulté les enfants sur ce qu’ils aiment ou non dans leur repas ; par exemple les betteraves rouges en cube ont été remplacées par des betteraves rappées légèrement cuites à la vapeur, les morceaux de bœuf bourguignon sont taillés en petits steaks ; de telles modifications se sont traduites par une diminution spectaculaire du gaspillage alimentaire ;

– les personnels des cantines sont associés et valorisés en étant informés de l’origine des produits servis ; ils peuvent ainsi, à leur tour transmettre un savoir aux enfants tout en accompagnant le service ; des efforts de présentation des plats sont également réalisés ;

– l’éducation à l’alimentation prend une dimension concrète : une sensibilisation à la lutte contre le gaspillage est régulièrement organisée avec l’installation d’un composteur et la présentation de son utilisation ; les enfants viennent aussi dans les exploitations et les producteurs se rendent dans les classes dans le cadre d’interventions préparées et adaptées ;

– un suivi de ces visites est organisé par l’insertion de petites vidéos sur le site du groupement d’agriculteurs pour permettre aux enfants de suivre les cycles de production ;

– les parents sont associés en étant ponctuellement conviés aux repas de la cantine tandis que le logiciel de restauration collective conçu par une start up parisienne comporte une interface sur laquelle les parents peuvent consulter le menu quotidien, connaître la provenance des produits servis, leur mode de production et disposer de fiches recettes.

Une telle organisation semble pour partie répondre aux difficultés identifiées par un récent rapport de Terra Nova ([69]) dont les rapporteurs ont entendu l’une des co‑auteures. Ces travaux insistent également sur le manque de personnel formé et dédié au suivi de l’approvisionnement alimentaire, condition nécessaire pour reprendre la main sur les cantines et sur l’indispensable formation des chefs cuisiniers pour concevoir des menus qui « donnent envie »…

Des auditions des rapporteurs, il ressort que la relocalisation de la restauration scolaire, qui certes nécessite de disposer d’infrastructures adaptées telles les légumeries et cuisines in situ, facilite la revalorisation des productions locales, permet de mieux impliquer les chefs cuisiniers en restauration collective, de valoriser leur travail mais aussi de concevoir des animations sur place pour les enfants et les parents. L’implication ainsi permise de toute une chaîne d’acteurs favorise les apprentissages d’une alimentation saine et durable.

Proposition n° 18 :

Prévoir, chaque fois que possible, la présence d’un interlocuteur chargé de la restauration scolaire lors des réunions de parents d’élèves de rentrée scolaire afin de favoriser la transmission d’informations.

d.   Le dispositif du petit déjeuner

Le dispositif des petits déjeuners dans le premier degré s’inscrit dans le cadre de la Stratégie nationale de santé et de la Stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté et figure au programme des actions du PNNS 4 au titre de l’accès à une alimentation favorable pour les personnes précaires.

Sa mise en œuvre s’organise localement en fonction des besoins et des ressources mobilisables, pendant ou en dehors du temps scolaire, au moins deux fois par semaine. La composition des petits déjeuners varie en fonction des ressources locales mais il est recommandé de le composer d’un produit céréalier, d’un produit laitier, d’un fruit et d’eau, le pain complet doit être préféré au pain blanc et aux céréales sucrées, le fruit frais, aux jus de fruit.

Ce dispositif permet de sensibiliser les élèves aux règles d’hygiène alimentaire (lavage des mains, brossage des dents), s’accompagne d’un volet éducatif et s’inscrit dans le cadre du projet d’école et du CESC. Selon le niveau scolaire, il peut s’agir d’apprendre à reconnaître, à différencier et à classer les aliments, d’expérimenter leurs saveurs, odeurs et textures, d’apprendre les apports énergétiques et l’équilibre alimentaire, les modes de production et de conservation des aliments…

II.   L’ÉDUCATION À L’ALIMENTATION DOIT SE VIVRE

Les expériences aussi vivantes que marquantes ne manquent pas pour sensibiliser les élèves à l’alimentation saine et durable. Il est important qu’avec le concours de quelques outils, l’éducation alimentaire soit systématisée autour d’actions les plus concrètes possibles.

1.   Un enseignement transversal qui doit être le plus concret possible et associer l’activité physique

L’éducation à l’alimentation constitue une composante à part entière de l’éducation à la santé et est indissociable de la pratique régulière d’activité physique… le fameux « manger‑bouger » préconisé par Santé publique France. Sur ce sujet fondamental, votre rapporteure a notamment préconisé, dans le cadre d’un rapport consacré à cette question ([70]), la généralisation, à tous les niveaux, de la pratique de 30 minutes d’activité physique par jour dans le cadre scolaire. Il est important que toute la communauté scolaire ait conscience de ce lien direct et qu’il soit transmis aux élèves.

L’enseignement de la pratique alimentaire et de la nutrition couvre plusieurs disciplines. Ce volet des programmes scolaires ne constitue donc pas un exercice facile mais les expériences concrètes qu’il permet en fait en enseignement attractif tout en exigeant l’engagement de toute une communauté d’acteurs.

Le CESC devenu CESCE (comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement depuis la loi dite « Climat et résilience ») constitue un bon outil car les actions pédagogiques gagnent à être conçues pour tout le cycle éducatif et partagées avec d’autres établissements par le biais des comités inter‑établissements, académiques et départementaux.

Une enquête de la DGESCO publiée en 2018 ([71]) indiquait que 26 académies sur 30 avaient mis en place un Comité académique d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CAESC) se réunissant une à trois fois par an, Les 3/4 des directions départementales des 89 % ayant répondu à l’enquête avaient mis en place un Comité départemental d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CDESC), se réunissant à la même fréquence. Ces structures qui permettent d’associer les différentes parties prenantes, paraissent à même d’initier des projets dynamiques.

On rappellera que ce sujet figurait parmi les recommandations du rapport d’inspection précité ([72]) qui préconisait de « Renforcer le pilotage de l’éducation alimentaire de la jeunesse par les CESC à toutes les échelles territoriales en veillant à leur articulation » ; dans le cadre de cette recommandation figurait l’incitation des établissements à s’engager dans la conception de projets sur l’ensemble d’un cycle.

2.   Un enseignement qui doit associer toute la communauté scolaire…

L’éducation à l’alimentation, pour être la plus « vivante » possible, gagne à associer toute la communauté scolaire ; cet enseignement doit aussi s’appuyer sur des savoirs et des expériences probantes, ce qui exige une formation solide.

a.   Un besoin de formation de tous les acteurs

Le besoin de formation concerne tous les intervenants de tous les publics ; tel est le constat du Conseil national de l’alimentation (CNA) qui recommandait dans un rapport récent ([73]) de « développer, revoir et/ou généraliser la formation continue et initiale sur l’alimentation des professionnels amenés à faire passer des messages sur l’alimentation. Élaborer et diffuser un guide de formation commun », les professionnels concernés étant ceux de la petite enfance, de la restauration collective, les diététiciens, les médecins, les travailleurs sociaux, les enseignants, les formateurs et plus généralement tous les professionnels amenés à faire passer des messages sur l’alimentation. Dans cette perspective, le CNA préconise de faire évoluer les référentiels et programmes de formation en y intégrant l’alimentation saine et durable et d’élaborer un guide commun rassemblant un socle de connaissances fiables et étayées scientifiquement.

Pour sa part, le Haut Conseil de santé publique (HCSP) a relevé l’efficacité des interventions d’éducation nutritionnelle qui visent à accroître les compétences et/ou les capacités des individus (et pas seulement les connaissances) et qui font le lien entre la théorie et la pratique ([74]).

Le rapport d’inspection IGEN‑IGAENR‑CGAAER recommandait, pour sa part, de développer des formations inter‑catégorielles, indispensables à la construction d’une culture commune, à toutes les échelles territoriales (académie, département, commune…).

La DGESCO a indiqué aux rapporteurs que de nombreuses formations étaient proposées aux personnels de l’éducation nationale. Ainsi, dans le cadre du plan national de formation 2021‑2022, une formation portant sur l’éducation à l’alimentation de la maternelle au lycée était destinée aux équipes académiques des Écoles promotrices de santé, aux inspecteurs, conseillers pédagogiques, conseillers techniques infirmiers, référents académiques éducation au développement durable.

Dans les territoires, plusieurs académies proposent des formations relatives à l’éducation à l’alimentation :

– une formation à destination des personnels administratifs, techniques, sociaux et de santé sur le thème « Nutrition et comportement alimentaire » pour faciliter l’accompagnement des élèves en surpoids et leur famille (Bordeaux) ;

– deux formations pluri‑catégorielles sur le lien entre alimentation et santé (Bordeaux, Rennes) ;

– deux formations sur les classes du goût, l’une sur la mise en place du dispositif (pluri‑catégorielle), la deuxième sur le mécanisme sensoriel de la dégustation pour les personnels administratifs, techniques, sociaux et de santé (La Martinique) ;

– une formation pluri‑catégorielle sur la nutrition et l’activité physique (Poitiers) ;

– une conférence pour réactualiser les connaissances en nutrition‑alimentation et proposant des supports pédagogiques transposables de biochimie‑biologie en direction des professeurs des filières sciences et technologies de laboratoire (STL) et sciences et technologies de la santé et du social (ST2S) (Reims).

D’autres formations académiques inter‑catégorielles sont également proposées aux personnels éducatifs, sociaux et de santé ; elles ont trait au sport et aux sciences, à la recherche, à l’École promotrice de santé et aux comportements alimentaires, au lien santé – environnement, à l’alimentation durable et à l’agriculture, au dispositif des petits déjeuners dans le réseau d’éducation prioritaire…

Enfin, à partir de la rentrée prochaine, les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation vont déployer un nouveau module de 18 heures autour de l’égalité au sein duquel, selon la DGESCO, la santé aura toute sa place notamment au titre de la lutte contre les inégalités de santé.

Les rapporteurs estiment néanmoins que la formation initiale des enseignants doit comporter un module spécifique dédié aux besoins fondamentaux des enfants et, à ce titre, à l’alimentation et à l’activité physique. Les enseignements dispensés doivent, en outre, s’appuyer sur des expériences probantes validées par Santé publique France.

Proposition n° 19 :

Associer l’ensemble de la communauté scolaire (en particulier les personnels encadrant les pauses méridiennes et les agents territoriaux) aux actions d’information et de formation portant sur l’alimentation.

b.   La nécessaire association de tous les acteurs dans le cadre d’interventions où les élèves sont actifs

Les exemples mentionnés plus haut montrent combien des séances d’apprentissages liées à des expériences de terrain, en particulier autour de la restauration scolaire peuvent être vivantes et porteuses.

C’est aussi le constat du rapport d’inspection déjà cité, au sujet des séances d’information avec le concours d’intervenants extérieurs : celles‑ci sont d’autant plus pertinentes en termes d’apprentissages que l’élève y est actif. Or trop souvent, un discours descendant et injonctif est proposé aux élèves : « Les séances d’information les plus pertinentes sont également celles qui "parlent aux élèves" en ce sens qu’elles les concernent directement, qu’elles font écho à leur environnement proche et à leur vécu » ; et la mission de plaider pour « un travail collaboratif entre enseignants et personnels de santé, voire une formation inter catégorielle commune ».

Faire vivre l’éducation à l’alimentation signifie aussi accompagner les enseignants dans le quotidien de leurs travaux et apporter des réponses très concrètes à leurs interrogations. Ainsi, le rapport d’inspection sur l’éducation alimentaire de la jeunesse souligne que certaines équipes pédagogiques et chefs d’établissement se posent par exemple, la question de savoir si les élèves peuvent ou non consommer les légumes issus du jardin potager créé dans le cadre scolaire. La même question se pose dans le cadre d’autres projets liés à l’alimentation : peut‑on permettre aux élèves de consommer les aliments apportés dans l’établissement ? Les plats préparés lors d’ateliers‑cuisine ? Dans quelles conditions ? Les équipes qui s’interrogent se disent alors assez démunies quant à la réponse à apporter.

Dans le même esprit, il a été indiqué aux rapporteurs que les personnels accompagnant les plus petits lors des repas n’étaient pas toujours informés des recommandations en vigueur : faut‑il ou non obliger un enfant à terminer son assiette, faut‑il lui faire goûter des aliments qu’il refuse ?

Ces questionnements soulignent que l’information et la formation sur la question alimentaire doivent concerner tous les personnels car ils ont tous une pierre à apporter à l’édifice de l’éducation à l’alimentation. De telles formation sont aussi de nature à conforter et valoriser leur travail au sein de la communauté scolaire.

3.   … mais aussi inclure l’organisation et l’environnement scolaire

La question alimentaire dépasse la transmission des savoirs et la restauration scolaire ; elle concerne également les aménagements des établissements comme les projets locaux.

a.   Favoriser la question alimentaire dans les aménagements scolaires

Qu’il s’agisse d’améliorer la pratique d’activité physique ([75]) ou la restauration scolaire, l’aménagement des locaux constitue un levier important de promotion de la santé et du bienêtre à l’école.

La restauration scolaire est directement concernée par cette problématique car, au‑delà de sa qualité nutritionnelle, un repas pris dans de bonnes conditions favorisera une meilleure prise en compte du « fait alimentaire ».

Il n’est pas rare d’entendre que, faute de locaux adaptés, de personnels ou de temps, les plus jeunes comme les collégiens, les lycéens ou les étudiants ([76]) doivent avaler leur repas en un quart d’heure… ou absorber un sandwich faute de pouvoir accéder à un self‑service surchargé avant la reprise des cours. Comment, dans ces conditions, donner à l’alimentation, la place qui lui revient au titre des besoins fondamentaux des jeunes ?

Des aménagements de locaux ont permis de valoriser la prise de repas et leur contenu. Par exemple, il a été indiqué aux rapporteurs que des établissements de la ville de Nice avait mis en place des pôles multimodaux permettant aux élèves d’aller se servir de chaque plat au gré du déroulement de leur repas, le pain placé à part n’étant distribué qu’à la demande. Nice a ainsi diminué quasiment par quatre ce qui était jeté tandis qu’un composteur alimente le potager pédagogique entretenu toute l’année par le centre de loisirs.

La question de l’accès à l’eau pour pouvoir s’hydrater au cours de la journée est aussi une question à prendre en compte. Prévoir un point d’accès à l’eau, indépendant des toilettes, lors des rénovations ou construction d’établissements, représenterait un incontestable progrès.

La cellule « bâti scolaire » créée en 2019 permet, en liaison avec les collectivités responsables, d’améliorer la prise en compte de différents enjeux dont la santé et l’hygiène. Son travail s’inscrit dans cette logique de soutien pour une meilleure prise en compte du bien‑être à l’école.

Proposition n° 20 :

Prévoir chaque fois que possible des points d’accès à l’eau et des aménagements de la restauration scolaire favorisant la limitation du gaspillage (distribution de pain à la demande, limitation des portions, possibilité de se resservir...).

b.   Un lien avec les collectivités territoriales à conforter

Les travaux du think tank Terra Nova sur la restauration scolaire ([77]) mettent en avant les effets bénéfiques d’une meilleur dialogue entre les nombreuses instances concernées par la question alimentaire mais qui, trop souvent, ne travaillent pas ensemble : collectivités territoriales, acteurs de projets de territoires, conseils d’écoles…

Au Royaume‑Uni, les Food policy council associent agriculteurs, parents, écoles, décideurs des collectivités, associations de consommateurs autour d’un projet alimentaire agricole de territoire, intégrant la restauration scolaire, et permettent ainsi de valoriser les agriculteurs locaux comme de sensibiliser les habitants aux productions locales. On pourrait rapprocher ce fonctionnement de celui de nos PAT, même si les Food policy council développent une démarche très participative – voire « militante » avec l’organisation de réunions locales, l’encouragement des habitants à rejoindre les comités, des ateliers dédiés à l’alimentation, à la découverte des goûts, des distributions de produits locaux aux populations les plus défavorisées ; des bénévoles font du porte à porte pour connaître les habitudes alimentaires, discuter de la politique d’alimentation, connaître les critères de choix des populations…

Cette démarche globale et inclusive semble porter ses fruits en termes de sensibilisation et de valorisation du « fait alimentaire ».

4.   Mieux utiliser le programme européen de distribution de fruits, légumes et produits laitiers à l’école

Le programme de distribution de fruits légumes et produits laitiers à l’école, cofinancé par l’Union européenne, a pour objet d’augmenter la consommation de fruits et légumes, de modifier les comportements alimentaires des élèves et de leur faire découvrir de nouveaux produits.

Précédemment constitué de deux volets (fruits et légumes d’une part, lait et produits laitiers d’autre part), sa simplification en un programme unique réduit la charge administrative et simplifie les demandes annuelles de financement.

En France, ce programme est porté par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, en lien avec les gestionnaires des collectivités territoriales en charge de la restauration scolaire et l’éducation nationale pour le volet éducatif. L’organisme payeur de ce programme est FranceAgriMer.

Ce dispositif paraît d’autant plus pertinent que des études menées dans plusieurs pays sur la distribution de fruits et légumes à l’école soulignent un lien fort entre consommation à l’école et consommation à la maison et que l’habitude de manger des fruits et légumes s’enracine s’ils sont disponibles à la maison, ce qui suppose – indépendamment de l’accès aux produits - une information simultanée des parents.

Pourtant, la France est un des pays européens qui utilise le moins ce programme.

a.   Un programme sous‑consommé

La France bénéficie, dans le cadre du programme européen « Fruits et légumes, lait et produits laitiers à l’école », d’une enveloppe de 35 millions d’euros par an pour la période 2017‑2023, dont 18 millions d’euros pour les fruits et légumes et 17 millions d’euros pour le lait et les produits laitiers.

Pour autant, en 2018‑2019, seulement 11 % de cette enveloppe avait été consommée soit 3,8 millions d’euros quand, sur la même période, l’Allemagne consommait 33 millions d’euros et, aux dires d’un interlocuteur des rapporteurs, aurait demandé des crédits plus importants pour les prochaines années. En 2019‑2020, la consommation du budget disponible est tombée à 2 % en raison de la crise sanitaire. Les dépenses sont estimées à 3 millions d’euros pour l’année scolaire 2021‑2022 soit 9 % du budget annuel.

Ce programme est maintenu dans la nouvelle PAC mais les demandes d’allègement des contraintes demandées par la France (par exemple revenir sur la priorité au lait frais, ouvrir la possibilité de distribuer ces denrées pendant les plages de la restauration scolaire) n’ont pas été retenues.

En 2020-2021, 234 gestionnaires sur les 471 agréés ont déposé une demande de subvention au titre de ce programme, 286 ont été enregistrées pour l’année 2021‑2022 dont 60 % pour la mise en œuvre pendant la pause méridienne.

b.   Un programme peu connu et difficile à mettre en œuvre sur le terrain

Les difficultés rencontrées sont de plusieurs ordres :

– le programme, qui a été modifié en 2013 et 2015, est peu connu des acteurs concernés ;

– le dispositif est difficile à mettre en œuvre compte tenu des nombreux acteurs ; il a été indiqué aux rapporteurs que les pays où ce programme est le plus utilisé sont ceux qui font distribuer un fruit et un fromage frais par un opérateur national, or les collectivités territoriales sont attachées à distribuer des produits locaux et de qualité ;

– dans les établissements scolaires, la DGESCO a indiqué aux rapporteurs que la mise en œuvre du programme devait tenir compte de différents paramètres ; par exemple, dans le premier degré, les consignes de l’Anses encadrent les temps de collation (qui ne sont pas recommandés le matin…) mais aussi le dispositif existant du petit déjeuner ;

– dans le second degré, la justification individuelle du suivi du programme correspondant (qui impose de remplir un document pour chaque élève) constitue un frein notable ; lors des auditions, il a été indiqué aux rapporteurs que d’autres pays se contentent de justifier de l’inscription de l’éducation à l’alimentation dans les programmes.

c.   Un programme porteur amené à évoluer

Une évaluation du programme sur la période 2012‑2016 a été réalisée par l’Institut agronomique méditerranéen de Montpellier. Il en ressort que :

– les élèves apprécient cette distribution. Ils associent les fruits et légumes aux notions de goût et de plaisir. Les légumes sont peu concernés, un manque de diversité des fruits est constaté, surtout en hiver ;

– les mesures d’accompagnement dans lesquelles l’élève est acteur (ateliers culinaires, ateliers sensoriels, visites et jardinage) sont plébiscitées par les élèves ;

– la participation d’un intervenant extérieur apparaît bénéfique à l’apprentissage, du fait de son caractère exceptionnel ;

– il semblerait nécessaire de mieux connecter les distributions et les mesures d’accompagnement pour qu’elles aient un sens pédagogique commun.

Cette étude propose différentes voies d’amélioration du programme : clarifier les circulaires sur les collations à l’école et mettre en adéquation les instructions des différents ministères, fournir aux directeurs d’école une plaquette d’information complète ; simplifier les demandes de remboursement ; impliquer les parents et grands-parents dans le programme par des activités pratiques et une documentation ; créer une plateforme collaborative permettant aux écoles d’échanger.

Une mission d’inspection conduite en 2021 en vue d’une refonte du programme à l’appui de l’organisation en vigueur dans plusieurs États membres, doit être suivie d’une expérimentation, à compter de l’année scolaire 2022‑2023, consistant, sous réserve de faisabilité juridique et opérationnelle, à sélectionner des fournisseurs responsables de l’approvisionnement et de la logistique pour la distribution des produits dans les écoles adhérentes au programme,

De son côté, FranceAgriMer, en tant qu’organisme payeur, a simplifié le dispositif tandis que des actions de communication sont prévues afin de renforcer la connaissance du programme autant du côté des collectivités, que du grand public (webinaires de formations, réseau d’ambassadeurs du programme…).

Proposition n° 21 :

Remplacer la justification individuelle demandée dans le cadre du programme européen « Fruits et légumes, lait et produits laitiers à l’école » par une référence au programme scolaire d’éducation alimentaire afin de limiter la lourdeur administrative liée à ce programme.


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   EXAMEN PAR LE COMITÉ

 

Le Comité a procédé à l’examen du présent rapport d’information lors sa réunion du jeudi 24 février 2022 et a autorisé sa publication.

Les débats qui ont eu lieu au cours de cette réunion sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11927745_621747813c81a.comite-d-evaluation-et-de-controle-des-politiques-publiques--evaluation-sur-l-alimentation-saine-et-24-fevrier-2022

 

 

 


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   ANNEXE :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

1. Auditions :

 M. RochOlivier Maistre, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), accompagné de Mme Carole BienaiméBesse, membre du collège, de M. Guillaume Blanchot, directeur général, et de M. Albin SoarèsCouto, directeur adjoint à la direction des programmes (10 novembre 2021)

 Mme Christine Avelin, directrice générale de FranceAgriMer * (8 décembre 2021)

 M. JeanChristophe Comboroure, chef du bureau Alimentation et nutrition de la direction générale de la santé (DGS) du ministère des solidarités et de la santé, et Mme Isabelle de GuidoVincentGenod, adjointe du bureau Alimentation et nutrition (8 décembre 2021)

 M. Bruno Ferreira, directeur général de l’alimentation (DGAL) du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, accompagné de Mme Stéphanie Flauto, cheffe du service de pilotage de la performance sanitaire et de l’international ; et Mme Valérie MétrichHecquet, directrice générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), accompagnée de Mme Claire Brennetot, conseillère spéciale (15 décembre 2021)

 M. Benoit Rogeon, chef du bureau de la santé et de l’action sociale, direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, accompagné de Mme Adeline Del Medico, chargée d’études (15 décembre 2021)

 Mme Annick BiolleyCoornaert, sousdirectrice des produits et marchés agroalimentaires de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ministère de l’économie, des finances et de la relance, accompagnée de Mme Claire Servoz, cheffe du bureau Valorisation nutritionnelle et information sur les denrées alimentaires, et de M. Florian Simonneau, chef du bureau de la Qualité des denrées alimentaires (15 décembre 2021)

 Mme Anne Sander, questeure du Parlement européen et députée européenne, membre de la commission de l’agriculture et du développement rural (5 janvier 2022)

 M. JeanFrançois Thébaut, viceprésident en charge des relations extérieures de la Fédération française des Diabétiques * (FFD), et Mme Manon Soggiu, responsable des relations publiques (5 janvier 2022)

 MM. Nicolas Ponçon et David Laureau, attachés agricoles à la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne, et Mme Constance Favereau, conseillère santé (12 janvier 2022)

 Mmes Frédérique Moy, diététiciennenutritionniste, membre de l’association Le Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids (Le G.R.O.S.), formatrice pour l’Agence régionale de santé (ARS) en nutrition précarité et pour les centres d’examens de santé UCIRSA de la sécurité sociale, et Brigitte Ballendras, psychologue clinicienne à la Direction de l’actions sociale de l’enfance et de la santé de Paris (DASES), présidente de l’association Affects et Aliments (14 janvier 2022)

2. Tables rondes :

 De la production à la distribution : quelles solutions durables pour développer une alimentation saine et les circuits courts ? État des lieux et prospective (14 octobre 2021)

– M. Patrick Dedinger, inspecteur général de l’agriculture, membre du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)

– M. Marc Dufumier, ingénieur agronome, docteur en géographie et professeur honoraire d’agriculture comparée à AgroParisTech

– M. Anthony Fardet, chargé de recherches en alimentation préventive et holistique à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE)

– M. François Mariotti, professeur de nutrition à l’INRAE‑AgroParisTech, président du comité d’experts spécialisé « nutrition humaine » de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)

 De la production à la distribution : quelles solutions durables pour développer une alimentation saine et les circuits courts ? Les politiques et initiatives locales (20 octobre 2021)

– Mme Séverine Darsonville, présidente de Végépolys Valley *

– Mme Virginie Fleury, directrice du Pôle d’équilibre territorial et rural du pays de Thiérache

– Mme Mélanie Girault, cheffe du service agriculture et circuits courts, Pôle attractivité et marketing territorial, Intercom Bernay Terres de Normandie

– Mme Christine Liot, directrice Projet alimentation durable, Pôle attractivité et développement, Conseil départemental de la Seine‑Maritime

– M. Antoine Pulcini, vice-président de La Ferme digitale *

 La production agricole : évolution des cultures et des produits, durabilité, attractivité des professions (27 octobre 2021)

      première table ronde :

– M. Robert Boitelle, président de la Chambre d’agriculture de l’Aisne

– M. Basile Faucheux, vice-président de Jeunes Agriculteurs*

– M. Étienne Gangneron, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles * (FNSEA), président de la Chambre d’agriculture du Cher

– Mme Agnès Henry, représentante de la Coordination rurale au Conseil national de l’alimentation *

– M. Damien Houdebine, porte-parole de la Confédération paysanne * de la Sarthe

      seconde table ronde :

 M. Jacques Charron, président du Parc naturel régional des Boucles de la Seine normande

– M. Gilles Lievens, président de la Chambre d’agriculture de l’Eure

– M. Florent Sebban, administrateur du réseau AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) Île-de-France et du Mouvement inter‑régional des AMAP (MIRAMAP)

 Habitudes alimentaires : quelles solutions efficaces pour faire évoluer l’alimentation vers plus de qualité nutritionnelle et environnementale, notamment pour les plus modestes ? (3 novembre 2021)

– Mme Angélique Delahaye, présidente de l’association SOLAAL *

– Mme Pascale Ezan, professeure des universités en sciences de gestion, Pôle international de management, Université Le Havre Normandie

– M. Antoine Nebout, économiste, unité de recherche Alimentation et sciences sociales, Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE)

– Mme Marie Plessz, sociologue, chargée de recherche INRAE

 Quels outils et quelles informations pour acheter des produits sains et durables ? (10 novembre 2021)

– M. Olivier Andrault, chargé de mission alimentation et agriculture à l’UFC‑Que choisir *

– M. Aris Christodoulou, président co‑fondateur de Siga *

– Mme Suzanne Gorge, responsable du mécénat et des partenariats de Terra Nova

– Pr Serge Hercberg, professeur émérite de nutrition à l’Université Sorbonne Paris‑Nord

 Composition, distribution et promotion des produits alimentaires : quelles évolutions concrètes ? (17 novembre 2021)

– M. Philippe Laval, directeur général de l’Institut national de la consommation (INC), accompagné de MM. Antoine Haentjens et Xavier Lefebvre, experts

– Mme Emilie Tafournel, directrice qualité de la Fédération du commerce et de la distribution * (FCD), et Mme Layla Rahhou, directrice des affaires publiques

– Mme Sandrine Blanchemanche, directrice du pôle Alimentation saine, sûre et durable de l’Association nationale des industries alimentaires * (ANIA), et Mme Victoire Perrin, responsable du pôle Affaires publiques

– M. Pierre Chandron, professeur de marketing, directeur du Centre multidisciplinaire des sciences comportementales Sorbonne université/Insead

 Comment l’école peut-elle promouvoir une alimentation saine et durable ? (24 novembre 2021)

– Mmes Sabine Carotti et Monique Dupuis, inspectrices générales de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR)

– M. Fabrice Voillot, vice‑président de la Communauté de communes du Grand Autunois Morvan, accompagné de Mme Marie‑Amandine Latour, responsable du pôle Agriculture

– Mme Alyzée Ostrowski, co‑auteure du rapport de Terra Nova « Les enfants à table : accélérer la transition alimentaire dans les cantines scolaires »

 Quels leviers pour faire évoluer les pratiques alimentaires ? (1er décembre 2021)

– Mme Mathilde Touvier, directrice de recherche française en épidémiologie nutritionnelle à l’INSERM, directrice de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren), au sein du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques

– Mme Isabelle Millot, membre de la Commission spécialisée maladies chroniques ; médecin spécialiste en santé publique, directrice de l’Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (Ireps) de Bourgogne-Franche-Comté

– M. Daniel Benamouzig, sociologue, directeur de recherche au CNRS et titulaire de la chaire santé à Sciences Po

– Mme Irène Margaritis, cheffe de l’unité Évaluation des risques liés à la nutrition de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), accompagnée de M. Aymeric Dopter, adjoint de l’unité Évaluation des risques liés à la nutrition ; et Mme Julie Gauvreau‑Béziat, cheffe de l’unité Observatoires des aliments

– M. Pierre Arwidson, directeur adjoint de la prévention et de la promotion de la santé de Santé publique France (SPF), et Mme Anne‑Juliette Serry, responsable de l’unité Alimentation et activité physique

 État des lieux et perspectives de l’alimentation saine et durable au niveau européen (12 janvier 2022)

– M. Pekka Pesonen, secrétaire général de COPA‑COGECA

– M. Yves Madre, directeur de Farm Europe

– Mme Camille Perrin, responsable des questions alimentaires auprès du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC)

3. Administrations ayant répondu au questionnaire écrit des rapporteurs :

– Ministère des solidarités et de la santé – Direction générale de la santé (DGS)

– Ministère de l’agriculture et de l’alimentation – Direction générale de l’alimentation (DGAL)

– Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports – Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO)

– Ministère de l’économie, des finances et de la relance – Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

– Ministère de l’économie, des finances et de la relance – Direction générale des finances publiques (DGFiP)

 

* Ces organismes ont procédé à leur enregistrement au répertoire des représentants d’intérêts géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.


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   CONTRIBUTION DE FRANCE STRATÉGIE

 

Cette contribution peut être consultée sur le site de France Stratégie à l’adresse suivante :

https://www.strategie.gouv.fr/publications/une-alimentation-saine-durable-rapport-lassemblee-nationale

 


([1]) Rapport d’information sur l’évaluation de la prévention en santé publique (Marie Tamarelle‑Verhaeghe et Régis Juanico, rapporteurs) – publié au nom du CEC en juillet 2021 ; et rapport d’information sur l’autonomie alimentaire de la France et au sein de ses territoires (Pascale Boyer et Julien Dive, rapporteurs) – publié au nom de la commission des affaires économiques en décembre 2021.

([2]) Voir le rapport d’information sur l’évaluation de la prévention en santé publique et plus spécifiquement sur l’impact de l’activité physique sur la santé, Marie Tamarelle‑Verhaeghe et Régis Juanico – publié au nom du CEC en juillet 2021.

([3]) Étude INCA 3 : Troisième étude individuelle nationale des consommations alimentaires – Anses, juillet 2017.

([4]) Consommation et modes de vie n°315 – CRÉDOC, mars 2021.

([5]) Rapport d’information n° 4786 présenté par Mme Pascale Boyer et M. Julien Dive – Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, 8 décembre 2021.

([6]) Étude individuelle nationale des consommations alimentaires 3 (INCA 3) – Anses‑Santé publique France, juin 2017.

([7]) Sociologie de l’alimentation, P. Cardon, T. Depecker, M. Plessz – éd. Armand Colin, collection U.

([8]) Enquête sur le budget des familles – INSEE, 2017.

([9]) Rapport de France Stratégie p.130.

([10]) Mission d’évaluation sur l’adaptation des politiques de lutte contre la pauvreté au contexte de crise sanitaire – conduite au nom du CEC.

([11]) La lutte contre la précarité alimentaire. Évolution du soutien public à une politique sociale, agricole et de santé publique – Rapport n° 2019‑069R, IGAS, décembre 2019.

([12]) Étude réalisée en 2020 sur un échantillon de 15 000 personnes de 15 à 70 ans et présentée par FranceAgriMer en mai 2021.

([13]) Les Français, leurs agriculteurs, leur alimentation ‑ Sondage auprès de 1 000 personnes représentatives – Réalisé par l’Ifop pour Ouest France, novembre 2021.

([14]) Alimentation : l’essor du local fait de l’ombre au bio, Laurence Girard et Cécile Prudhomme – Le Monde, 27 novembre 2021.

([15]) Ventes en baisse, agriculteurs qui jettent l’éponge… le marché du bio a‑t‑il atteint ses limites ? – Ouest France, 31 janvier 2022.

([16]) Les Français, leurs agriculteurs, leur alimentation, sondage auprès de 1 000 personnes représentatives réalisé par l’Ifop pour Ouest France – Ifop, novembre 2021.

([17]) The work of WHO – Regional Office for Europe, 2019 cité par France Stratégie.

([18]) Alcool & Santé ‑ Lutter contre un fardeau à multiples visages, dossier réalisé en collaboration avec Mickaël Naassila, directeur du Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances (GRAP, unité Inserm n° 1247) – Amiens, INSERM, octobre 2021.

([19]) Alcool & Santé ‑ Lutter contre un fardeau à multiples visages, Ibid.

([20]) Rapport final sur le modèle international de simulation des politiques de lutte contre la consommation d’alcool – Résultats pour la France, avril 2021.

([21]) Réduction des dommages associés à la consommation d’alcool, Collection Expertise collective. Montrouge : EDP Sciences – INSERM, 2021.

([22]) Sondage BVA pour la Ligue contre le cancer – cité par Le Journal du Dimanche, 1er janvier 2022.

([23]) Rapport d’information n° 4400 sur l’évaluation des politiques de prévention en santé publique, Régis Juanico et Marie Tamarelle‑Verhaeghe – juillet 2021.

([24]) La politique de prévention en santé ‑ Les enseignements tirés de l’analyse de trois grandes pathologies – Cour des comptes, novembre 2021.

([25]) La politique de prévention en santé ‑ Les enseignements tirés de l’analyse de trois grandes pathologies – Cour des comptes, novembre 2021.

([26]) Web-émission intitulée « 30 minutes Santé », diffusée chaque trimestre sur la chaîne YouTube de l’INSERM et dont le premier numéro, diffusé le 9 novembre 2021 était consacré au diabète de type 2.

([27]) Ibid.

([28]) Obésité : quelles conséquences pour l’économie et comment les limiter ?, par D. Caby – Trésor‑Éco, n° 179, Direction générale du Trésor, septembre 2016.

([29]) Introduite par la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) en 2015, la Stratégie nationale Bas‑carbone (SNBC) est la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique. La nouvelle version de la SNBC et les budgets carbone pour les périodes 2019‑2923, 2024‑2028 et 2029‑2033 ont été précisés par décret du 21 avril 2020.

([30]) Combien coûte la pollution d’origine agricole en France ? Une synthèse des études existantes – Étude du CNRS/CIRED de 2015, citée dans « Accompagner la transition agroécologique, les enjeux structurels pour la France », Cour des comptes, octobre 2021.

([31]) Hydrocarbures aromatiques polycycliques.

([32]) Ces données sont issues des travaux du Commissariat général au développement durable et datent de 2011 et 2015.

([33]) Audition de M. Pekka Pesonen, secrétaire général de COPA‑COGECA.

([34]) Vers une alimentation durable : un enjeu sanitaire, social, territorial et environnemental majeur pour la France, Mme Françoise Cartron et M. Jean‑Luc Fichet, sénateurs – Rapport d’information, n° 476, 28 mai 2020.

([35]) Entre transmettre et s’installer, l’avenir de l’agriculture !, B.Coly – avis du CESE, n° 2020‑10.

([36]) Règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (Feaga) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant les règlements (UE) n° 1305/2013 et (UE) n° 1307/2013.

([37]) Les « crédits carbone » sont des unités de réduction des émissions de GES, entrant dans un système de compensation par l’offre. Il s’agit d’un mécanisme de financement par lequel une personne substitue, partiellement ou totalement, à une réduction de ses propres émissions l’achat auprès d’un tiers d’une quantité équivalente d’unités. La compensation est un concept mentionné par la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature.

([38]) L’Institut de l'agriculture et de l’alimentation biologiques (ITAB) est un organisme de recherche appliquée qui vise à produire et partager des connaissances pour améliorer la production et la transformation biologiques. Il s’attache également à accompagner la transition agro‑écologique en facilitant l’évolution de l’agriculture et de la société vers des modèles diversifiés, résilients et durables. Il fait partie du réseau ACTA – les instituts techniques agricoles.

([39]) Rapport d’information de Mme Pascale Boyer et de M. Julien Dive (n°4786) du 8 décembre 2021.

([40]) Autonomie alimentaire de la France et au sein de ses territoires, rapport d’information de Mme Pascale Boyer et M. Julien Dive – Assemblée nationale, n° 4786, 8 décembre 2021.

([41]) Le secteur agroalimentaire est la troisième source d’excédent commercial après le secteur aéronautique et spatial, puis les produits chimiques, cosmétiques et les parfums – Rapport de France Stratégie, 2021.

([42]) Enquête sur les soutiens publics nationaux aux exportations agricoles et agroalimentaires, pour les exercices 2013 à 2017 – Cour des Comptes, 5 mars 2019.

([43]) Rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) sur les produits locaux, Patrick Dedinger, Marie‑Frédérique Parant, Xavier Ory – janvier 2021.

([44]) Autonomie alimentaire de la France et au sein de ses territoires, rapport d’information de Mme Pascale Boyer et M. Julien Dive – Assemblée nationale, n° 4786, 8 décembre 2021.

([45]) Extrait du rapport sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (n° 3875 rectifié), n° 3995.

([46]) Modelling the impact of increased alcohol taxation on alcohol‑attributable cancers in the WHO European Region, Carolin Kilian et alii, – The Lancet Regional Health, Europe, décembre 2021.

([47]) Fiscalité et santé publique : état des lieux des taxes comportementales, Rapport d'information n° 399 (2013‑2014) de M. Yves Daudigny et Mme Catherine Deroche, sénateurs – Fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales, 26 février 2014.

([48]) Étude associant des chercheurs de l’INSERM, de l’INRA et de l’Université Paris 13 (Centre de recherche épidémiologie et statistique Sorbonne Paris Cité, équipe EREN) – British Medical Journal, 15 février 2018.

([49]) L’UFC‑Que Choisir a passé en revue des études publiées par l’EFSA, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).

([50]) La politique de prévention en santé ‑ Les enseignements tirés de l’analyse de trois grandes pathologies ‑ Communication au Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale – Cour des comptes, novembre 2021.

([51]) Rapport d’information n° 4400 sur l’évaluation des politiques de prévention en santé publique, Marie Tamarelle‑Verhaeghe, Régis Juanico – Assemblée nationale, juillet 2021.

([52]) La politique de prévention en santé ‑ Les enseignements tirés de l’analyse de trois grandes pathologies, Communication au comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale – Cour des comptes, novembre 2021.

([53]) Évaluations conduites par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE).

([54]) Étude réalisée par Quantitude pour LSA – juin 2020.

([55]) Making our food fit for the future – New trends and challenges, publiée en octobre 2020.

([56]) Rapport sur l’Évolution des messages sanitaires devant accompagner les publicités de certains aliments et boissons et préconisations concernant l’encadrement du marketing des produits gras, sucrés, salés en direction des enfants – Santé publique France, juin 2020.

([57]) Évolution des messages publicitaires devant accompagner les publicités de certains aliments et boissons et préconisations concernant l’encadrement du marketing des produits gras, sucrés, salés en direction des enfants – Études et enquêtes, juin 2020.

([58]) Rapport de la Commission relatif à l’utilisation de formes d’expression et de présentation complémentaires de la déclaration nutritionnelle (COM 2020) 207 final.

([59]) Exposition des enfants et des adolescents à la publicité pour des produits gras, sucrés, salés – Santé publique France, étude de 2020 mise à jour le 12 juillet 2021.

([60]) EU Code of conduct on responsible business and marketing practices – BEUC statement delivered at a special working group meeting of the Advisory Group on the Food Chain on 11th December 2020.

([61]) Circulaire n° 2011‑2016 du 2 décembre 2011 relative à la politique éducative de santé dans les territoires académiques et circulaire n° 2015‑117 du 10 novembre 2015 relative à la politique éducative sociale et de santé en faveur des élèves.

([62]) Évaluation du PNNS 3 et du Plan obésité 2010‑2013 – IGAS 2016.

([63]) Enquête 2017-2018 sur les CESC réalisée par la DGESCO – Ministère de l’éducation nationale.

([64]) Programme élaboré avec le concours de plusieurs académies d’Île‑de‑France, de la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie en Île‑de‑France, de la Direction régionale et interdépartementale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt en Île‑de‑France avec l’appui du cabinet de conseil Utopies® – novembre 2019.

([65]) La qualité de vie à l’école – CNESCO, 2017.

([66]) Éducation alimentaire de la jeunesse, Sabine Carotti et Monique Dupuis, inspectrices générales de l'éducation nationale, Marie‑Anne Richard, inspectrice générale de santé publique vétérinaire, Philippe Sultan, inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche – IGEN-IGAENR-CGAAER, 2018.

([67]) Un décret du 23 avril 2019 modifiant le code rural précise cette disposition.

([68]) Biens Communs, Framhein, Effet2Levier, Maiom – ADEME, A(R)GILE, 2021.

([69]) Les enfants à table : accélérer la transition alimentaire dans les cantines scolaires, Elyne Etienne et Alizée Ostrowski – Terra Nova, janvier 2020.

([70]) Évaluation des politiques de prévention en santé publique, Régis Juanico et Marie Tamarelle‑Verhaeghe – rapport n° 4400, Assemblée nationale, juillet 2021.

([71]) Enquête CESC – DGESCO, 2017‑2018.

([72]) Ibid – Éducation alimentaire de la jeunesse – IGEN-IGAENR-CGAAER, 2018.

([73]) Éducation à l’alimentation – Conseil national de l’alimentation, n°84, 2019.

([74]) Pour une Politique nutritionnelle de santé publique en France ‑ PNNS 2017‑2021 – HCSP, septembre 2017.

([75]) Voir le rapport portant sur l’évaluation des politiques de prévention en santé publique, Régis Juanico et Marie Tamarelle‑Verhaeghe – Rapport n° 4400, Assemblée nationale, juillet 2021.

([76]) En l’espace de dix ans, la part de la restauration rapide dans l’offre globale de restauration universitaire est passée de 25 % à 45 %.

([77]) Les enfants à table : accélérer la transition alimentaire dans les cantines scolaires, Elyne Etienne et Alizée Ostrowski – Terra Nova, janvier 2020.