N° 5150

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 mars 2022

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 6, du Règlement

PAR le comitÉ d’Évaluation et de contrÔle des politiques publiques

 

sur l’évaluation des politiques publiques en faveur de la citoyenneté

ET PRÉSENTÉ PAR

M. David CORCEIRO et Mme Marianne DUBOIS

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

SYNTHÈSE

INTRODUCTION

I. UNE JEUNESSE EN RETRAIT ?

A. UNE JEUNESSE DÉFIANTE MAIS ÉPRISE D’IDÉAL

1. Une jeunesse qui semble s’éloigner de la politique traditionnelle

a. La désaffection envers des partis politiques peu valorisés

b. Mais une abstention à géométrie variable

2. Comprendre la désaffection

a. Causes et effets de l’abstention des jeunes

b. Abstention et nouvelles modalités d’engagement

3. Des comportements en cohérence avec ceux des collégiens et lycéens

B. UNE CITOYENNETÉ JUVÉNILE AU PRISME DE LA RÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE ET DE LA CRISE ÉCONOMIQUE

1. Les nouvelles technologies contre le débat démocratique

a. Le recul des médias classiques

b. Quand les algorithmes remplacent les rédactions…

c. … pour privilégier l’affrontement sur le débat

2. L’insertion professionnelle comme voie d’accès à la citoyenneté

II. LES PROGRAMMES PUBLICS DE FORMATION À LA CITOYENNETÉ : UNE OFFRE MULTIPLE MAIS CONFUSE

A. UN PARCOURS CITOYEN DONT LES COMPOSANTES PÈCHENT PAR CERTAINES INSUFFISANCES

1. Une ambition sans cesse croissante au risque de la confusion

a. Les ajouts successifs du législateur

i. Les principes et les valeurs à promouvoir

ii. L’extension continue du domaine de l’enseignement moral et civique

b. Le dispositif mis en œuvre

2. Un bilan en-deçà des attentes

a. Des pratiques en décalage avec les directives

b. Une discipline contestée

3. Les facteurs explicatifs

a. La question centrale de la formation des enseignants

b. Une pratique de la démocratie scolaire contestable

4. L’éducation aux médias et à l’information

5. L’implication d’autres acteurs

a. Les acteurs en uniforme

i. Les classes « Défense et sécurité globale » (CDSG)

ii. Les programmes de cadets

b. Les acteurs de la sécurité civile

c. Les organismes d’éducation populaire

d. Les initiatives des collectivités territoriales

B. UN SERVICE CIVIQUE SOLIDEMENT IMPLANTÉ MAIS SANS VÉRITABLE COMPOSANTE CIVIQUE

1. Des missions d’intérêt général variées à conforter

a. Les structures d’accueil

b. La durée des missions

2. Un volontariat indemnisé

3. Un succès indéniable

a. Un succès quantitatif

b. Une grande notoriété et une image positive

4. Un impact appréciable sur l’activité des volontaires

a. Le milieu socio-économique d’origine

b. Le niveau d’études

c. Des résultats très honorables

5. Une dimension civique très limitée

a. Un objectif législatif de « cohésion nationale et de mixité sociale » respecté

b. Une formation civique et citoyenne beaucoup trop floue

c. Des volontaires motivés surtout par la perspective d’une expérience professionnelle

d. Les ambiguïtés gouvernementales

6. Un impact limité sur l’engagement ultérieur

C. DES DISPOSITIFS À FORTE COMPOSANTE CIVIQUE RESTREINTS MAIS EFFICACES À L’INTENTION DES JEUNES EN TRÈS GRANDE DIFFICULTÉ

1. Leur cible initiale, les jeunes majeurs en grande difficulté, tend à s’élargir

2. Une prise en charge globale reposant sur la formation civique et citoyenne et sur la professionnalisation des volontaires

a. Un hébergement protecteur renforcé pour les plus précaires

b. Une forte composante civique et citoyenne, qui a pour socle l’égalité et la fraternité

c. La professionnalisation des volontaires

3. Des coûts élevés justifiés par des résultats encourageants

D. UN NOUVEAU VENU QUI COMBLE UN MANQUE MAIS EN PHASE D’EXPÉRIMENTATION : LE SERVICE NATIONAL UNIVERSEL (SNU)

1. Un parcours qui veut renforcer la cohésion et favoriser l’engagement

a. Les objectifs

b. Un parcours en trois étapes

c. Contenus et pédagogie

d. Sur site, un encadrement resserré marqué par le retrait des profils militaires

e. Un pilotage territorial réorganisé

2. Un dispositif apprécié des volontaires présentant un profil spécifique

a. Des volontaires satisfaits

b. Des volontaires au profil spécifique

3. Des améliorations à travailler

a. Des améliorations apportées dès 2021

b. Des progrès restent à accomplir

4. Une universalisation problématique

a. Un changement d’échelle

b. Le défi de l’encadrement

c. La concurrence entre les dispositifs

d. Le coût

E. LES CONSEILS DE JEUNES (CEJ)

1. Vue d’ensemble

2. Un bilan en demiteinte pour les conseils d’enfants et de jeunes (CEJ)

a. Des collectivités territoriales satisfaites

b. La « forte homogénéité des profils » des jeunes conseillers, souvent engagés précédemment

c. Une expérience utile pour les jeunes conseillers

3. Limites des conseils d’enfants et de jeunes : des dispositifs perfectibles

a. Une marge de manœuvre limitée des conseillers jeunes qui redoutent l’instrumentalisation

b. Un lien au politique distendu et ambigu

III. ACCENTUER LA DIMENSION CIVIQUE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET REDÉFINIR LE RÔLE DE L’ÉTAT

A. LES VALEURS DE LA RÉPUBLIQUE COMME FIL CONDUCTEUR DE LA FORMATION À LA CITOYENNETÉ

1. Le socle des valeurs de la République

2. Renforcer la formation des enseignants

3. Pour l’institution d’une semaine scolaire de la citoyenneté

B. UN ÉTAT FACILITATEUR

1. Mettre en place des « filets dérivants » pour aller chercher les jeunes en voie de marginalisation

2. Clarifier l’offre et les outils d’orientation

3. Récompenser ceux qui s’engagent

a. Un engagement reconnu au seuil des études supérieures

b. La certification : un outil au service des non-diplômés

C. UN ÉTAT PILOTE ET MEILLEUR RÉGULATEUR DES ACTEURS NON ÉTATIQUES DE L’ÉDUCATION À LA CITOYENNETÉ

1. Désigner un chef de file

a. Pour un recentrage politique

b. Une meilleure coordination administrative

2. La nécessité d’une meilleure supervision des acteurs non étatiques

a. Le rapprochement souhaitable des procédures d’agrément de la DGESCO et de la DJEPVA

b. Des conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) superficielles

c. Contrôler le respect du contrat d’engagement républicain

EXAMEN PAR LE COMITÉ

ANNEXE : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

CONTRIBUTION DE LA COUR DES COMPTES


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   PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

Proposition n° 1 : Étendre les dérogations (aménagements d’horaire, crédits d’enseignement…) prévues à l’article L. 611‑1 du code de l’éducation aux sujétions liées à la participation aux conseils de jeunes des collectivités territoriales.

Proposition n° 2 : Introduire, à chaque niveau du collège, une semaine de la citoyenneté, y compris européenne, composée de modules de sensibilisation, notamment à la défense et la sécurité, à l’engagement, aux droits et devoirs, à la mémoire.

Proposition n° 3 : Renforcer l’enseignement moral et civique par une augmentation substantielle du volume horaire annuel, tant au collège qu’au lycée, et une évaluation obligatoire, distincte de celle de l’histoire-géographie.

Proposition n° 4 : Renforcer la participation des élus à l’enseignement moral et civique au sein des établissements scolaires.

Proposition n° 5 : Élargir les possibilités de stage de troisième aux domaines relevant de l’engagement citoyen.

Proposition n° 6 : Renforcer la composante civique des programmes d’insertion professionnelle destinés aux jeunes : formation des volontaires en service civique mais aussi garantie jeunes et contrat d’engagement jeune.

Proposition n° 7 : Centraliser les offres et demandes d’engagement y compris des réserves, sur un portail commun.

Proposition n° 8 : Créer une plateforme centralisant les appels à projet en matière de citoyenneté.

Proposition n° 9 : Faciliter les aménagements d’horaires pour les apprentis engagés dans la société civile.

Proposition n° 10 : Mieux valoriser dans Parcoursup les engagements associatifs des candidats.

Proposition n° 11 : Introduire dans les examens nationaux une évaluation de l’engagement des élèves au cours de leur scolarité.

Proposition n° 12 : Recenser les engagements personnels dans un portefeuille dédié.

Proposition n° 13 : Certifier selon un référentiel commun les compétences acquises à l’occasion des activités d’engagement.

Proposition n° 14 : Créer une base de données recensant les conseils de jeunes et décrivant leur mode de fonctionnement.


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   SYNTHÈSE

 



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   INTRODUCTION

Lors de sa réunion du 21 octobre 2020, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a inscrit à son programme de travail une évaluation des politiques publiques en faveur de la citoyenneté demandée par le groupe Les Républicains (LR) et a désigné comme rapporteurs Mme Marianne Dubois, pour le groupe Les Républicains, et M. Jean‑Noël Barrot, pour le groupe Mouvement démocrate (MoDem), lequel, à la demande de son groupe, a été remplacé le 15 novembre 2021 par M. David Corceiro.

Sur le fondement de l’article L. 132‑5 du code des juridictions financières, le Président de l’Assemblée nationale a, sur proposition du CEC, demandé l’assistance de la Cour des comptes. Par lettre du 24 novembre 2020, le Premier président de la Cour des comptes a confirmé son accord pour procéder à une enquête évaluative portant sur la formation civique des mineurs soumis à l’obligation scolaire et sur l’engagement citoyen des jeunes majeurs. Cette enquête a été présentée au CEC le 16 novembre 2021 par le président de la troisième chambre, M. Louis Gautier, que les rapporteurs remercient pour sa disponibilité.

Avant d’examiner les différentes politiques publiques qui tentent de former la jeunesse de notre pays au concept de citoyenneté, les rapporteurs souhaiteraient préciser la définition qu’ils s’en font, et présenter brièvement le contexte dans lequel ces politiques évoluent.

L’épanouissement de l’individualisme sur le terreau propice de la société de consommation, de même que l’implantation durable dans notre pays de populations d’origines différentes, ont progressivement abouti à un affaiblissement de la citoyenneté. Dans la société contemporaine occidentale, la logique des droits a pris le pas sur celle des devoirs qui en sont pourtant la contrepartie et le socle des valeurs en partage n’est plus si simple à définir. Désormais, en l’absence de morale commune évidente ou incontestée, former à la citoyenneté se révèle une gageure.

À telle enseigne que le sujet est une préoccupation partagée puisque, le 29 juin 2021, sur proposition du Président de l’Assemblée nationale M. Richard Ferrand, la conférence des présidents créait une mission d’information sur les ressorts de l’abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale dont le rapport a été adopté le 8 décembre 2021. Le 27 septembre 2021, le Premier ministre, partant du même constat que 87 % des 18‑24 ans ne s’étaient pas rendus aux urnes au premier tour des élections départementales et régionales, a saisi le Conseil économique, social et environnemental (CESE) pour qu’il l’éclaire sur les moyens de renforcer les politiques publiques en faveur de l’engagement des jeunes dans la vie démocratique. De son côté, le Sénat a créé en novembre dernier une mission sur le thème « Comment redynamiser la culture citoyenne ? ».

L’adjectif citoyen est presque devenu un tic de langage du monde politique et administratif au risque de le vider de toute signification. Le Conseil d’État qui, en 2018, a consacré son étude annuelle à la citoyenneté retient qu’il s’agit à la fois d’un statut, associé à des droits et des devoirs, et d’une pratique, voire d’une vertu. Le citoyen doit être capable de s’extraire de ses appartenances privées pour participer à la décision d’une communauté plus vaste, et exprimer son adhésion à un être collectif, un corps social, et, finalement, une communauté politique, qui, en France, doit rester soudée par les idéaux de la Déclaration des droits de l’homme et et du citoyen du 26 août 1789.

Le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse ([1]) (COJ), organe consultatif rattaché au ministère de l’éducation nationale (MEN), s’est efforcé de clarifier cette notion gigogne qui recouvre trois éléments :

– la civilité : elle implique le respect dans les relations entre individus, a fortiori entre citoyens, et va de pair avec l’écoute et la capacité d’expression adaptée en fonction des différents espaces sociaux ;

– le civisme : il oblige à connaître les institutions ainsi que leur fonctionnement pour pouvoir y participer, et les règles de savoir-vivre qui permettent la vie collective ;

– la citoyenneté, enfin : reposant sur les deux premières notions, elle correspond à « la capacité à lire la réalité sociale, à s’organiser individuellement et collectivement » de façon à la modifier et à améliorer les règles de vie collective, « donc à “produire du droit” respecté par tous ».

Au cours de leurs travaux, qui ont donné lieu à neuf tables rondes et quatre auditions, les rapporteurs, qui remercient chacun de leurs interlocuteurs pour leur contribution, ont d’abord cherché à mieux cerner les aspirations de la jeunesse, une jeunesse défiante mais éprise d’idéal (I) pour adapter l’enseignement et l’offre d’engagement (II). La conséquence est la nécessité de redéfinir le rôle de l’État qui doit veiller à renforcer la composante civique des dispositifs d’engagement – ils sont aussi la traduction concrète du triptyque républicain – tout en facilitant l’expression à la fois des offres et des demandes d’engagement ; mais en contrôlant davantage et en pilotant plus efficacement les différents acteurs de cette politique publique (III).

 


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I.   UNE JEUNESSE EN RETRAIT ?

A.   UNE JEUNESSE DÉFIANTE MAIS ÉPRISE D’IDÉAL

Les études récentes mettent en évidence un éloignement des jeunes des modes traditionnels d’expression politique, tels l’adhésion aux partis politiques et le vote. Pour préoccupant qu’il puisse paraître au premier abord, ce phénomène mérite néanmoins une lecture fine.

1.   Une jeunesse qui semble s’éloigner de la politique traditionnelle

Le désinvestissement croissant des jeunes vis‑à‑vis des formes traditionnelles d’engagement et des institutions traduit-il un désintérêt de leur part pour la chose publique ?

a.   La désaffection envers des partis politiques peu valorisés

Traditionnellement, le militantisme au sein des partis politiques et des syndicats est très bas en France, quelles que soient les couches de la population concernées, puisque seules environ 2 % des personnes interrogées dans les sondages indiquent appartenir à un parti politique. Ces données font de la France l’un des pays dans lesquels l’engagement politique est particulièrement et traditionnellement faible, ce chiffre étant stable depuis au moins le début des années 1980. Par comparaison, dans les pays européens, la proportion tourne autour de 5 % ([2]). S’y ajoute en France un niveau de défiance important envers les partis politiques en forte croissance : en 2017, comme le montre le graphique ci-dessous, il n’était dépassé que dans trois autres pays, la Roumanie, la Bosnie et la Croatie.

% qui ne font « pas du tout » confiance aux partis politiques

(Enquête européenne sur les valeurs, 2008-2017)

Source : Vincent Tournier, theconversation.com

Dans le même esprit, et assez logiquement, seuls 16 % des Français déclarent avoir confiance dans les partis politiques, ainsi relégués loin derrière toutes les autres organisations, y compris celles qui sont les plus mal perçues : réseaux sociaux (17 %) ; médias (28 %) ou syndicats (32 %). M. Laurent Lardeux, sociologue spécialiste de l’engagement des jeunes, chercheur associé au CNRS et chargé d’études et de recherches à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), souligne en parallèle que la défiance envers les élus est aujourd’hui assez nettement partagée, les plus jeunes ne se distinguant pas fondamentalement des 35-49 ans de ce point de vue. La différence est en revanche plus nette avec les 60 ans et plus, qui s’intéressent beaucoup plus à la politique, adhèrent plus aux partis, et votent beaucoup plus régulièrement.

Sur cette toile de fond, nul ne sera surpris de voir que les jeunes générations semblent montrer une certaine forme d’apathie vis-à-vis de la politique. Au point que, selon la très récente étude ([3]) de l’Institut Montaigne, près de la moitié des jeunes, 43 %, disent ne pas être en mesure de se positionner sur l’échelle gauche‑droite, cependant que 55 % ne peuvent indiquer non plus de préférence partisane.

positionnement politique par gÉnÉration

Source : Institut Montaigne, février 2022, page 65.

 

proximitÉ partisane par gÉnÉration

Source : Institut Montaigne, février 2022, page 66.

Il n’est pas indifférent de relever que la nature des réponses est assez nettement influencée par des critères socio-éducatifs, comme le mettent en évidence les graphiques ci-dessous : plus le niveau d’études est faible, moins le positionnement sur l’échelle gauche-droite est possible, la désaffiliation politique étant en outre plus forte à mesure que les difficultés matérielles sont ressenties par les personnes interrogées. Ces constats ne sont pas exclusifs à la France : au niveau européen, la défiance envers les institutions, également en nette progression depuis 2008, est surtout marquée dans les pays souffrant le plus de difficultés d’insertion sociale.

non-positionnement sur l’Échelle gauche-droite
en fonction de la gÉnÉration et du niveau d’Études

Source : Institut Montaigne, février 2022, page 68.

dÉsaffiliation politique
en fonction des difficultÉs matÉrielles ressenties

Source : Institut Montaigne, février 2022, page 69.

b.   Mais une abstention à géométrie variable

Dans ce panorama global, il en est de même quant à la participation aux élections. L’abstentionnisme est croissant dans notre pays mais les jeunes y sont plus perméables, en cohérence avec une moindre inscription de leur part sur les listes électorales : même si l’écart est modeste, il y a en effet moins de jeunes inscrits par rapport au reste de la population – 85 % contre 89 % selon les données de l’INSEE relatives aux élections présidentielle et législatives de 2017.

On se souvient que les dernières consultations électorales qui se sont tenues dans notre pays – municipales en 2020 et régionales et départementales en 2021 – ont été marquées par des taux d’abstention historiques sous la Ve République, à hauteur des deux tiers du corps électoral. Dans ce contexte en soi préoccupant, l’abstention des 18-24 ans interpelle : après que 72 % des jeunes de cette tranche d’âge n’ont pas voté au second tour des élections municipales en juin 2020, 87 % d’entre eux se sont abstenus au premier tour des élections départementales et régionales de juin 2021. Les jeunes ont donc amplifié le mouvement général, ce qu’ils font désormais de manière récurrente depuis quelques années, leur abstention étant en moyenne supérieure d’environ dix points par rapport à celle de la population dans son ensemble, quel que soit le type de scrutin. Ainsi leur abstention aux élections législatives de 2017 était-elle également forte : 74 % au second tour, toujours pour les 18-24 ans, contre 70 % pour les 25‑34 ans, à mettre en regard d’un taux d’abstention de 57,4 % pour l’ensemble de la population. S’agissant de l’élection présidentielle, un écart comparable se retrouve entre le niveau d’abstention des jeunes et celui du reste de la population. Cela étant, on observe que la participation des jeunes est nettement plus importante qu’aux autres scrutins : 34 % seulement des 18-24 ans se sont abstenus en 2017, pour un taux d’abstention global de 22 %. À l’exception des plus de 80 ans, dont l’abstention est expliquée par d’autres raisons, notamment de santé ([4]), les jeunes sont la population qui s’abstient le plus. En outre, le vote intermittent est désormais nettement dominant dans ces tranches d’âge.

Comme le fait remarquer M. Vincent Tiberj, sociologue des comportements électoraux et politiques, professeur à Sciences Po Bordeaux et chercheur au Centre Émile-Durkheim, l’abstention des jeunes n’est pas systématique, elle dépend du contexte et des enjeux : « les jeunes peuvent se mobiliser, simplement ce n’est plus automatique. Autrement dit, c’est la fin du vote-devoir des baby-boomeurs. » ([5]) Ce que confirment les observations de l’INSEE, selon laquelle six jeunes sur dix ont une pratique intermittente du vote et privilégient l’élection présidentielle, comme l’illustrent les diagrammes ci‑dessous.

six jeunes inscrits sur dix votent de façon intermittente

vote par intermittence : les jeunes privilÉgient la prÉsidentielle

Source : INSEE Première, n° 1670, octobre 2017.

Il serait en tout cas erroné de voir dans cet abstentionnisme important un désintérêt des jeunes pour le droit de vote, renchérit Mme Anne Muxel, sociologue, directrice de recherche au CNRS/Cevipof, spécialiste du rapport des jeunes à la politique, pour qui, au contraire, « les jeunes restent en même temps très attachés au droit de vote. C’est pour eux un outil essentiel de l’organisation démocratique du système politique. » ([6]) Essentiel, mais non exclusif, comme il a pu l’être pour les générations qui les ont précédés. Quoi qu’il en soit, si le taux de participation des jeunes dépend des enjeux, le taux d’abstention aux élections départementales et régionales peut paraître paradoxal, souligne Mme Anne Muxel, compte tenu du fait que ces collectivités territoriales détiennent des compétences qui leur sont directement destinées. De leur côté, MM. Olivier Galland et Marc Lazar observent dans le même sens qu’« une nette majorité conserve la conviction que le vote est utile et ‟peut faire évoluer les choses”. Il n’y a donc pas de rejet radical et massif des principes de la démocratie représentative. Même s’ils sont très critiques, les jeunes ‟ne remettent pas profondément en cause la nécessité des rouages et des institutions organisant la représentation démocratique” » ([7]).

En d’autres termes, les causes de l’abstention sont probablement multiples, complexes et cumulatives, se traduisant par des pratiques diverses qui cohabitent, parmi lesquelles certaines sont plus marquées chez les jeunes.

2.   Comprendre la désaffection

a.   Causes et effets de l’abstention des jeunes

Les observateurs avancent plusieurs éléments d’explication de ce phénomène. Pour Mme Anne Muxel, joue pour partie ce qu’elle appelle le « moratoire électoral des années de jeunesse », à savoir un entre-deux dans lequel les jeunes ne sont pas encore insérés socialement et économiquement, où la mobilité géographique est forte et les inscriptions sur les listes électorales parfois mal suivies.

Au-delà de cet aspect conjoncturel, les jeunes, comme le reste de la population, expriment par l’abstention la défiance évoquée plus haut à l’égard du personnel politique, et plus largement de la représentation politique. Les sociologues concluent de leurs enquêtes que les jeunes ont aussi le sentiment de ne pas être entendus et d’être mal représentés.

opinions sur le monde politique et le vote en fonction du positionnement ou non sur l’Échelle gauche-droite et de la proximitÉ ou non avec un parti

Source : Institut Montaigne, février 2022, page 73.

Pour Mme Anne Muxel, ils sont « en attente de propositions concrètes, de valeurs, de repères et d’une vision du monde. Ils attendent des réponses sur les menaces environnementales et sur les questions sociales » ([8]), tandis que, pour l’Institut Montaigne, MM. Olivier Galland et Marc Lazar relèvent qu’« une nette majorité pense par exemple que leurs opinions sont mal représentées à l’Assemblée nationale et que les dirigeants politiques sont corrompus » ([9]).

En d’autres termes, l’offre politique proposée ne répond pas aux attentes des jeunes et entretient des opinions négatives sur l’utilité du vote, sur l’image du monde politique qui se dégrade, voire sur l’utilité de la démocratie : « même parmi les jeunes qui se positionnent politiquement et qui se sentent proches d’un parti, une forte minorité, presque la moitié d’entre eux, ne considère pas comme très important de vivre dans un pays gouverné démocratiquement » remarquent ainsi MM. Olivier Galland et Marc Lazar. Cette donnée préoccupante est mise en lumière dans le graphique ci-après qui montre que « 20 points de pourcentage séparent les jeunes de la génération des Baby Boomers dans la manifestation la plus nette de l’adhésion au principe d’un gouvernement démocratique (51 % contre 71 %). C’est énorme et ce déclin était déjà très engagé dans la génération des parents, ce qui semble montrer qu’il ne relève pas d’un effet d’âge, mais bien d’un effet de génération ou d’un effet de période. » ([10]) Les conclusions de M. Laurent Lardeux rejoignent les enquêtes qui mettent en évidence les nouvelles attentes des jeunes vis‑à‑vis de la démocratie, et les caractéristiques essentielles qui doivent selon eux la caractériser. Il s’avère de ce point de vue que les générations post-années 1980 accordent ainsi une moindre importance au fait de vivre dans un système gouverné démocratiquement, mais plus d’importance aux droits civiques, et plus encore à l’égalité des sexes. Elles considèrent la redistribution par l’impôt et l’égalisation des revenus comme des conditions essentielles de la démocratie et en développent une conception matérielle notamment fondée sur la réduction des inégalités, au détriment de la dimension formelle fondée sur l’exercice du vote.

 

attachement au principe d’un gouvernement dÉmocratique par gÉnÉration

Source : Institut Montaigne, février 2022, page 71.

Cela dit, ces chiffres ne sont pas une surprise. Ils confirment surtout qu’il s’agit en fait d’une tendance lourde à l’œuvre depuis plusieurs années qui croît de manière semble-t-il irrépressible. En effet, les données de l’enquête sur les fractures françaises en 2018 ([11]) avaient déjà attiré l’attention : 46 % des moins de 35 ans estimaient alors que d’autres systèmes politiques pouvaient être aussi bons que la démocratie, comme le montre le tableau ci-après. Le score atteint quatre ans plus tard confirme la montée irrépressible et extrêmement rapide de cette opinion qui n’était partagée que par 29 % de la même classe d’âge quatre ans plus tôt ! En d’autres termes, la proportion des jeunes doutant de l’intérêt de la démocratie a littéralement explosé en seulement huit ans, de moins de un sur trois à un sur deux…

Source : Fractures françaises 2018, page 72.

Indépendamment du fait qu’être très attaché au droit de vote et douter à la fois de l’utilité de la démocratie paraît relever de l’oxymore ou de la schizophrénie, ce tableau général ne laisse pas d’être très préoccupant et les rapporteurs voient dans l’addition de ces différents phénomènes – montée de l’abstentionnisme, rejet de la « politique institutionnelle » et relativisation de l’intérêt de la démocratie – une conjonction aussi cohérente qu’inquiétante.

b.   Abstention et nouvelles modalités d’engagement

Pour autant, les sociologues sont unanimes à conclure que l’abstention est tout sauf un désengagement des jeunes. C’est avant tout une forme de réponse électorale qui exprime le mécontentement – à l’instar du vote blanc – à l’égard de l’offre politique insatisfaisante et du fonctionnement du système. L’abstention ne traduit pas la dépolitisation des jeunes mais plutôt la recherche de nouveaux modes d’expression et d’action. Mme Anne Muxel insiste sur ce point en précisant que « les jeunes ont une conscience politique aiguë des problèmes qui se posent à la société et auxquels ils sont souvent confrontés en première ligne (…) L’abstention est aussi pour eux le moyen d’adresser un message de mécontentement face à l’offre électorale ou au gouvernement. Elle est aussi un moyen d’exercer une forme de vigilance démocratique. Ce n’est pas que de l’indifférence, de l’apathie ou du retrait. C’est aussi un signal d’alerte. » ([12])

Cela est d’autant plus vrai que les jeunes ont en parallèle de fortes préoccupations en termes de valeurs collectives, d’intérêt pour « des enjeux publics plus généraux, typiquement les inégalités, le chômage, le racisme, l’écologie », souligne M. Vincent Tiberj ([13]), pour qui le discours « déploratif » traditionnel et convenu sur les jeunes est totalement déconnecté de la réalité. Au point que « quatre jeunes sur dix seraient prêts à s’engager dans l’armée et la moitié seraient prêts à risquer leur vie pour défendre leur pays. C’est à la hauteur du sentiment de menace, d’incertitude en matière d’environnement, de terrorisme, de crise sanitaire… Ils prennent conscience de la vulnérabilité des individus, des pays, et ont envie, à leur échelle, de faire quelque chose. » ([14])

Dans une étude récente ([15]), Mme Marlène Giol, chercheuse associée à l’Institut Thomas More, souligne également que loin de traduire un rapport à la citoyenneté défaillant, le désintérêt de la jeunesse pour les élections et les institutions se voit remplacé par un engagement associatif marqué, traduisant un intérêt pour la vie de la cité bien réel : 40 % des jeunes de 18 à 30 ans déclarent consacrer une part de leur temps, ponctuellement ou régulièrement, à une association ou à une autre organisation. Le taux d’engagement est passé de 16 % chez les moins de 35 ans en 2010 à 22 % en 2019 et les souhaits d’engagement se sont également manifestés pendant la crise sanitaire, soit dans le cadre associatif, soit de manière plus informelle, notamment en direction des personnes âgées. Par ailleurs, 64 % des jeunes qui ne sont pas investis se déclaraient prêts à devenir bénévoles en 2020. Les enjeux actuels de société sont donc loin d’être ignorés par les jeunes qui se montrent au contraire très volontaires. MM. Olivier Galland et Marc Lazar montrent dans le tableau ci-dessous les préoccupations sociétales des jeunes par ordre décroissant d’importance, en les comparant à celles de leurs aînés.

les sujets prioritaires par génération

Source : Institut Montaigne, février 2022, page 44.

En résumé, n’appréhender l’intégration civique des jeunes que du point de vue de leur participation aux élections ne peut en conséquence conduire qu’à une perception caricaturale. Il convient tout au contraire d’analyser le rapport des jeunes à la politique à l’aune des multiples modes d’expression qu’ils utilisent pour cela, qui pour être moins conventionnels n’en sont pas moins sans ambiguïté sur leur intérêt et leur degré d’engagement : participation à des manifestations, pétitions, bénévolat, investissement dans des mouvements associatifs, partage de contenus militants sur les réseaux sociaux, etc. L’exemple récent le plus marquant étant peut-être les marches pour le climat, expression des jeunes pour les jeunes.

En d’autres termes, la faible participation des jeunes aux élections n’est pas le signe d’un déclin mais de la transformation de la mobilisation. Pour Mme Anne Muxel, selon les causes à défendre, les jeunes choisissent en fait le mode d’expression jugé le plus efficace pour se faire entendre, direct ou non, et ils « s’inscrivent dans cette tendance qui reconfigure la citoyenneté d’aujourd’hui, marquée par un rapport plus critique, et potentiellement plus protestataire, envers la politique institutionnelle et le système partisan conventionnel. » ([16]) Le constat est donc celui d’un intérêt politique persistant, malgré une défiance marquée envers les institutions et le personnel politique. Il en résulte l’émergence des « conditions d’une citoyenneté plus réflexive et plus critique, non dénuée d’une tentation protestataire lancinante. » ([17])

3.   Des comportements en cohérence avec ceux des collégiens et lycéens

Ces analyses et conclusions rejoignent celles que le Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO) a formulées en 2018 à la suite d’une enquête nationale auprès de 16 000 collégiens et lycéens ([18]), dont ressortaient des attitudes civiques ambivalentes : tout d’abord une confiance faible dans les institutions politiques au sens large, moins d’un élève de terminale sur quatre (22 %) déclarant faire confiance au Gouvernement, 25 % ayant peu ou pas confiance dans le système démocratique, quand 13 % seulement déclaraient faire globalement confiance aux partis politiques, comme le montre le tableau ci-après, mais aussi le sentiment que le vote aux élections nationales permet de peser sur les affaires publiques, d’où le fait que les deux tiers des lycéens envisagent de voter systématiquement à toutes les élections. Les taux d’abstention ultérieurs et les pratiques électorales intermittentes n’en sont que plus troublants, qui mettent en évidence un degré de désillusion extrêmement rapide des jeunes votants.

 

RÉponses des ÉlÈves de terminale aux questions utilisÉes dans la construction de l’indicateur du sentiment d’efficacitÉ politique externe

Source : CNESCO.

Les lycéens, comme on l’a vu pour les jeunes plus âgés, sont aussi en recherche de nouvelles formes d’action, via le bénévolat dans le mouvement associatif, plébiscité, ou des engagements revendicatifs ponctuels : 44 % des lycéens déclarent une expérience d’engagement associatif dans l’humanitaire ou la défense de l’environnement, les trois quarts souhaitant en outre être bénévoles en association à l’âge adulte.

engagement associatif des ÉlÈves de terminale

Source : CNESCO.

Dans le même ordre d’idées, la signature de pétitions, la participation à des manifestations ou le boycott de produits sont en revanche des modalités retenues par 60 à 70 % d’entre eux.

POurcentage de lycÉens qui souhaitent participer aux formes d’engagement protestataire une fois adultes

Source : CNESCO.

Inversement, malgré la multiplicité des possibilités d’engagement au sein des établissements scolaires, les rares lycéens qui se mobilisent cumulent les mandats, le sentiment de ne pas être écoutés étant par ailleurs fort et de plus en plus important, la moitié des lycéens considérant aujourd’hui que l’avis des délégués n’est pas pris en compte. La situation est quelque peu différente au niveau du collège puisque, selon les résultats des enquêtes de l’INJEP, « à 13 ou 14 ans, plus d’un tiers des élèves se sont engagés dans le cadre du collège, soit comme délégués de classe ou au conseil de vie collégienne, soit en exerçant d’autres fonctions au bureau du foyer socio-éducatif, dans le journal du collège ou comme tuteurs d’autres élèves. » ([19]) En ce sens, ces analyses rejoignent les observations de la Cour des comptes issues du sondage auquel elle a procédé, qui avait aussi mis en évidence un engagement inégal, constaté que le taux de participation aux élections ne cessait de diminuer, en cohérence avec le sentiment d’inutilité des instances.

Pourcentage de lycÉens qui s’engagent dans des activitÉs au sein du lycÉe

Source : CNESCO.

Les perceptions et comportements politiques des jeunes commencent en conséquence à se forger tôt.

B.   UNE CITOYENNETÉ JUVÉNILE AU PRISME DE LA RÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE ET DE LA CRISE ÉCONOMIQUE

Si les perceptions et comportements politiques se forgent tôt, il n’en est que plus urgent de prendre en compte l’importance qu’ont pris certains facteurs dans le rapport à la citoyenneté des jeunes.

1.   Les nouvelles technologies contre le débat démocratique

C’est en premier lieu et notamment le cas des nouvelles technologies et des réseaux sociaux par le rôle qu’ils jouent désormais dans la formation et la diffusion des informations et des idées.

a.   Le recul des médias classiques

Comme le fait par exemple remarquer le Centre pour l’éducation aux médias et à l’information (CLEMI), le paysage médiatique a considérablement évolué en très peu de temps. L’apparition des chaînes d’information en continu et des médias sociaux a provoqué un bouleversement, imposant des formats informationnels de plus en plus brefs et volatils, diffusés en direct et sans traitement préalable. Le public est aujourd’hui submergé par un maelstrom d’informations dans lequel il lui est parfois difficile de faire la part du vrai et du faux.

Le traitement journalistique de l’information tend peu à peu à perdre du terrain, refoulé par une vague de fond qui atténue inexorablement la frontière entre information et divertissement, privilégie les images, les formats courts et synthétiques – de ce fait nécessairement réducteurs. Le spectaculaire et la mise en scène, de plus en plus répandus sur les réseaux sociaux, priment sur le fond et contaminent les médias classiques, cf. le développement de l’« infotainment », dans une approche ludique, simplifiée, utilisant les codes fictionnels, qui montre que, d’une certaine manière, les médias classiques sont contraints – ou, a minima, tentés – d’imiter ces pratiques pour rester dans la course.

Cette évolution n’est pas sans risque, dans la mesure où, comme le souligne le rapport de la commission Bronner ([20]), « la configuration des réseaux sociaux, où les informations sont noyées dans une masse de contenus de divertissement, ne nous encourage nullement à la vigilance cognitive, rempart pourtant essentiel à la crédulité. »

b.   Quand les algorithmes remplacent les rédactions…

Ce risque est d’autant plus prégnant que, dans ce mouvement de fond, les nouvelles technologies jouent un rôle aussi essentiel qu’inconnu du grand public. Non seulement les contenus et formats informatifs sont désormais adaptés à celui des écrans verticaux des smartphones pour faciliter une lecture continue et addictive, mais, ainsi que l’indique aussi le rapport Bronner, les algorithmes « organisent à la fois l’ordre et la fréquence d’apparition des informations selon leur capacité à capter l’attention ». Ce processus d’« éditorialisation algorithmique » calibre socialement l’information, de sorte que lorsque des recherches sont effectuées sur les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux, « certaines informations sont présentées préférentiellement et ont de ce fait plus de chances d’être prises en compte par l’internaute. Il se trouve que les requêtes adressées par les utilisateurs à leur moteur de recherche sont susceptibles d’amplifier leurs biais, notamment politiques, parce que les intelligences artificielles sont sensibles aux préférences partisanes des individus telles qu’elles sont révélées par les mots-clés qu’ils utilisent. Ces recherches peuvent altérer la perception de certains sujets, notamment parce que les premiers résultats d’une requête possèdent une prévalence cognitive. Le discret travail d’éditorialisation de l’information des algorithmes pourrait même, dans certaines circonstances, influer sur les préférences électorales de leurs utilisateurs. Ce que nous pourrions penser relever de notre liberté de choix se révèle ainsi, parfois, le produit d’architectures numériques influençant nos conduites. »

En d’autres termes, souligne le rapport, « l’information sur Internet est en réalité prééditorialisée selon des logiques algorithmiques qui paraissent parfois échapper à leurs créateurs mêmes et nous asservissent alors qu’elles devaient nous servir. Ainsi, sur YouTube par exemple, 120 000 ans de temps de vidéos sont visionnés chaque jour. Parmi elles, 70 % sont regardées en raison de la recommandation de l’intelligence artificielle de la plateforme. Il s’agit là d’une illustration parmi beaucoup d’autres de la puissance de prescription éditoriale des grands opérateurs du web. L’information est ainsi organisée dans un monde numérique dérégulé : elle est régie par des logiques algorithmiques qui échappent à notre regard et peuvent dès lors contribuer à orienter la formation de nos opinions à notre insu. » À titre d’exemple, le rapport Bronner souligne que des études ont montré que la recherche du mot « climat » sur YouTube orientait majoritairement sur des contenus climato-sceptiques.

c.   … pour privilégier l’affrontement sur le débat

Au-delà de ce premier aspect en soi fort problématique, ces nouveaux formats et les technologies sur lesquelles ils reposent abusent de l’émotionnel. En premier lieu, les interactions entre émetteurs et récepteurs des informations sont privilégiées – « likes », partages de contenu, possibilités de contributions/réactions, etc. – mais il est désormais avéré que les algorithmes introduisent d’autres biais, tout aussi inacceptables. Ainsi que le remarque encore le rapport Bronner, un message sur Twitter a 17 % de chances de plus d’être repartagé pour chaque mot d’indignation qu’il contient. De même les algorithmes de Facebook favorisent‑ils les messages incitant à la colère plutôt que ceux exprimant la tempérance et l’approbation. « Ceci contribue à faire des plateformes sociales des lieux d’expression conflictuels, plutôt que des espaces de partage et de discussion raisonnée des points de vue. On sait d’ailleurs que les prescriptions algorithmiques des réseaux sociaux peuvent participer à la radicalisation des esprits. Selon un rapport interne de Facebook, par exemple, les individus ayant intégré un groupe extrémiste sur le réseau social l’ont fait dans deux tiers des cas suite à une recommandation de l’algorithme. »

L’ampleur du problème ne fait aucun doute lorsqu’on rappelle le temps consacré par les jeunes aux réseaux sociaux : « La jeune génération est la plus connectée car c’est aussi la mieux équipée. Selon App Annie, 98 % des personnes de la “génération Z” (nées entre 1997 et 2012) déclarent posséder un smartphone. Les jeunes ont passé 3,8 heures en moyenne à consulter quelquesunes des 25 applications les plus populaires, hors jeux vidéo. Mais le chiffre le plus impressionnant est celui du nombre de connexions. Sur ces mêmes applications, ils se sont connectés en moyenne 150 fois chacun, chaque mois. » ([21])

Pour le dire autrement, tout est fait pour substituer le conflictuel au contradictoire, pour réduire la place du débat citoyen dans la société contemporaine et la possibilité des jeunes, en quelque sorte captifs d’une technologie au potentiel fortement addictif, repliés sur leur « communauté » dans une logique de silos, de s’y intéresser. Nul ne saurait être surpris de voir les opérations de désinformation, les « infox » et autres fake news et théories du complot, fleurir, comme on le constate désormais.

D’ores et déjà, on peut estimer que ce contexte général n’est pas sans influence sur la situation que les rapporteurs ont décrite plus haut tant il paraît difficile d’imaginer qu’un tel matraquage, aussi intensif qu’indolore, ne contribue pas à alimenter la défiance et l’abstention des jeunes.

2.   L’insertion professionnelle comme voie d’accès à la citoyenneté

La situation sociale, au cœur des préoccupations de la jeunesse de notre pays, représente le second facteur de poids dans le rapport des jeunes à la citoyenneté. La situation des jeunes de notre pays se caractérise en effet par une fragilité sociale importante. Selon les données de l’INSEE ([22]), comme le montre le diagramme ci-après, le taux de jeunes qui ne sont ni en formation ni employés – « NEET » – est particulièrement élevé, puisque près d’un jeune sur cinq entre 2015 et 2019 est dans cette situation. Comme on le voit, la part de NEET croît fortement avec l’âge : très faible à l’âge de 15 ou 16 ans, compte tenu de la scolarité obligatoire, elle augmente ensuite, entre 17 et 20 ans, jusqu’à représenter 16 % de la population, notamment avec les sorties du système scolaire de jeunes peu diplômés. Elle croît après plus modérément jusqu’à 24 ans (19 %) et se stabilise jusqu’à l’âge de 29 ans. À ces âges, comme l’indique l’INSEE, les jeunes sont beaucoup moins en formation initiale qu’entre 15 et 24 ans et plus en emploi ; mais ils sont également plus au chômage, dans le halo autour du chômage ([23]) ou bien dans des situations d’inactivité autres que les études ou la formation (personnes au foyer par exemple).

situation des jeunes au regard de l’emploi et de la formation selon l’âge, en moyenne annuelle, entre 2015 et 2019

Source : INSEE.

Cette situation des jeunes en France est d’autant plus préoccupante qu’elle distingue notre pays de ses voisins. La carte présentée ci-après est à cet égard particulièrement frappante : la France se situe dans le groupe de pays aux performances les plus médiocres, à l’exception des deux pays les moins performants que sont l’Italie et la Grèce, et le nombre de personnes concernées est extrêmement important, estimé au 1er janvier 2022 à 1,38 million de jeunes ([24]). Une étude du ministère du travail ([25]) soulignait la surreprésentation des jeunes peu diplômés (premier cycle de l’enseignement secondaire) parmi les NEET, les diplômés du supérieur l’étant davantage durant des périodes transitoires (notamment l’été, après la remise des diplômes) et le restant moins longtemps. En d’autres termes, parcours social et scolaire jouent un rôle majeur dans le profil de ces jeunes davantage susceptibles de se retrouver en situation d’exclusion.

Part de NEET parmi les 15-29 ans dans l’union européenne en 2019

Source : INSEE.

En outre, indique la DARES, la situation de près de la moitié des NEET est pérenne depuis plus d’un an au moment de l’enquête, et ceux qui sont dans cette situation concentrent davantage de difficultés socio-économiques : faible niveau de diplôme, nés à l’étranger ou dont les deux parents sont de nationalité étrangère, enfant ou personne dépendante à charge ou encore problèmes de santé. Plus de la moitié des jeunes NEET sont chômeurs au sens du BIT, c’estàdire disponibles pour prendre un emploi dans les quinze jours et en recherche active d’un emploi. Ces derniers sont également inscrits dans une démarche d’insertion professionnelle. À l’inverse, 36 % sont inactifs, confrontés à des « freins périphériques à l’emploi » : garde d’enfants, problèmes de santé, par exemple, qui les limitent dans leur recherche. D’autres facteurs sont également contraignants dans le retour vers l’activité, tels l’attente d’une démarche antérieure ou le sentiment d’échec, ce dernier ayant tendance à croître avec le temps.

À ces premiers éléments, s’ajoute le fait que les jeunes entrent tardivement sur le marché du travail en France et occupent des emplois peu rémunérés. Par ailleurs, l’emploi à temps partiel est le plus souvent subi que choisi. Selon le tableau de bord de l’INJEP ([26]), en 2017, 44,6 % des jeunes de moins de 29 ans avaient un emploi, 28,1 % des emplois occupés par les jeunes de moins de 26 ans étant des emplois aidés, 16,5 % des actifs âgés de 1529 ans étant par ailleurs au chômage (taux de chômage), représentant 8,8 % de l’ensemble des 1529 ans (part du chômage).

Taux de chÔmage selon l’Âge

Source : INSEE.

On comprend dans ces conditions que la principale préoccupation des jeunes – confirmée par de nombreux interlocuteurs des rapporteurs – soit l’emploi et que ce sujet, en ce qu’il conditionne un fort sentiment de déclassement, impacte leur rapport à la citoyenneté. C’est donc aussi en aidant à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes qu’on les amènera à s’intéresser à la chose publique.

 


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II.   LES PROGRAMMES PUBLICS DE FORMATION À LA CITOYENNETÉ : UNE OFFRE MULTIPLE MAIS CONFUSE

A.   UN PARCOURS CITOYEN DONT LES COMPOSANTES PÈCHENT PAR CERTAINES INSUFFISANCES

« Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République » ([27]), en premier lieu celles du triptyque républicain – Liberté, Égalité, Fraternité –, mais aussi celles qui en découlent directement : laïcité, démocratie.

En inscrivant en 2005 ([28]) ces dispositions en ouverture du code de l’éducation, le législateur a montré toute l’importance qu’il attachait désormais à la formation à la citoyenneté, beaucoup plus affirmée qu’avec la rédaction antérieure qui énonçait simplement que « le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre (…) d’exercer sa citoyenneté. »

Qu’est-ce que le parcours citoyen ?

De l’école au lycée, le parcours citoyen s’adresse à des citoyens en devenir qui prennent conscience de leurs droits, de leurs devoirs, de leurs responsabilités. Adossé aux enseignements, en particulier l’enseignement moral et civique (EMC), l’éducation aux médias et à l’information (EMI), il concourt à la transmission des valeurs et principes de la République en abordant les grands champs de l’éducation à la citoyenneté : la laïcité, l’égalité entre les femmes et les hommes et le respect mutuel, la lutte contre toutes les formes de discrimination, la prévention et la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, contre les LGBTphobies, l’éducation à l’environnement et au développement durable, la lutte contre le harcèlement.

Source : Ministère de l’éducation nationale.

Cette évolution est aussi profonde que rapide : si l’instruction civique remonte en effet aux prémices de l’école publique laïque et obligatoire, ce n’est que progressivement qu’elle s’est développée. Tout d’abord uniquement enseignée à l’école élémentaire, elle n’est entrée au collège qu’en 1945 dans le cadre des cours d’histoire-géographie pour devenir à partir de 1985 un enseignement à part entière, d’une heure hebdomadaire, et n’a été introduite au lycée qu’en 1998, avant d’être finalement érigée au rang de mission première de l’école.

Pour autant, et sans doute en raison d’une ambition sans cesse accrue, le bilan de cette évolution reste pour l’heure encore décevant.

1.   Une ambition sans cesse croissante au risque de la confusion

Le socle reformulé en 2005 s’est progressivement densifié et, partant, complexifié.

a.   Les ajouts successifs du législateur

i.   Les principes et les valeurs à promouvoir

À plusieurs reprises ces dernières années, le législateur a précisé ses exigences quant à la mission de l’école en matière de formation à la citoyenneté. Exigences touchant non seulement l’institution scolaire mais aussi les enseignants et les autres personnels de la communauté éducative, personnels de direction, d’encadrement ou de vie scolaire, puisque, aux termes de la loi de 2005, « Dans l’exercice de leurs fonctions, les personnels mettent en œuvre ces valeurs. »

L’apprentissage et la maîtrise de la langue française garantis à tous les élèves par l’école ont tout d’abord été introduits dans le code de l’éducation en 2006, avant que la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République ([29]) de 2013 n’étoffe encore l’éventail de ses missions en précisant par exemple que « Le service public de l’éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité. »

Le code de l’éducation précise par ailleurs que le droit de l’enfant à l’instruction a pour objet de lui garantir, outre l’acquisition des connaissances, « l’éducation lui permettant de développer sa personnalité, son sens moral et son esprit critique, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, de partager les valeurs de la République et d’exercer sa citoyenneté. » ([30])

Le rapport annexé à la loi de 2013 détaille les objectifs à poursuivre pour que les élèves deviennent de jeunes citoyens, par l’acquisition de connaissances, mais aussi par l’apprentissage et la pratique. Il précise aussi les contours de l’enseignement moral et civique : « apprendre les principes de la vie démocratique et acquérir des compétences civiques grâce aux enseignements dispensés et par la participation aux instances représentatives et/ou à la vie associative des écoles et des établissements. L’action éducative contribue également à sensibiliser les élèves à la solidarité intergénérationnelle et aux apports réciproques entre les générations, notamment par leur engagement dans la vie associative et par les échanges de savoirs et de compétences. L’école doit assurer, conjointement avec la famille, l’enseignement moral et civique, qui comprend l’apprentissage des valeurs et symboles de la République et de l’Union européenne, des institutions, de l’hymne national et de son histoire, et prépare à l’exercice de la citoyenneté. (…) »

En outre, la loi prévoit désormais que « la devise de la République, le drapeau tricolore et le drapeau européen doivent figurer à la façade de tout établissement scolaire public ou privé sous contrat. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 doit être apposée au sein de tous ces établissements. » ([31])

ii.   L’extension continue du domaine de l’enseignement moral et civique

Les principes posés, le code définit aussi dans son article L. 31215 l’enseignement moral et civique qui se révèle aujourd’hui particulièrement dense et complexe, après avoir subi onze révisions depuis 2000 ([32]).

Aujourd’hui, outre les enseignements concourant aux objectifs définis à l’article L. 131‑1‑1 précité, l’enseignement moral et civique (EMC) :

– vise notamment à amener les élèves à devenir des citoyens responsables et libres, à se forger un sens critique et à adopter un comportement réfléchi, y compris dans leur usage de l’internet et des services de communication au public en ligne ;

– comporte, à tous les stades de la scolarité, une formation aux valeurs de la République, à la connaissance et au respect des droits de l’enfant consacrés par la loi ou par un engagement international et à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte ;

– comporte une information sur le rôle des organisations non gouvernementales œuvrant pour la protection de l’enfant ;

– informe les enfants, lors de la présentation de la liste des fournitures scolaires, sur la nécessité d’éviter l’achat de produits fabriqués par des enfants dans des conditions contraires aux conventions internationalement reconnues ;

– comporte également, à l’école primaire et au collège, une formation consacrée à la connaissance et au respect des problèmes des personnes en situation de handicap dans une société inclusive ;

– sensibilise les élèves de collège et de lycée à la vie associative et au service civique ;

– forme les élèves à développer une attitude critique et réfléchie visàvis de l’information disponible et à acquérir un comportement responsable dans l’utilisation des outils interactifs lors de leur usage des services de communication au public en ligne ;

– informe les élèves sur les moyens de vérifier la fiabilité d’une information, de maîtriser leur image publique, des dangers de l’exposition de soi et d’autrui, des droits qu’ils tiennent du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et de la loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés en matière de protection de leurs données personnelles en termes d’information, d’opposition, d’accès, de rectification, d’effacement, de limitation du traitement et de portabilité des données, ainsi que des missions de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ;

– incite les collégiens et les lycéens à participer à un projet citoyen au sein d’une association d’intérêt général ;

– sensibilise à l’école primaire, au collège et au lycée, les élèves au respect des animaux de compagnie. Il présente les animaux de compagnie comme sensibles et contribue à prévenir tout acte de maltraitance animale.

Cette évolution conceptuelle se poursuit encore aujourd’hui, les deux dernières révisions ayant été votées en 2021. En outre, d’autres problématiques sont également prises en compte par le ministère si l’on en croit par exemple la circulaire de rentrée de 2020 du ministre de l’éducation nationale, dans laquelle les développements sur la transmission des valeurs civiques étaient articulés en trois volets : entre deux développements sur « Respecter autrui et s’engager pour la République » et « Dynamiser la participation des élèves à la vie des collèges et des lycées » s’intercalait un paragraphe « Agir pour le développement durable », dans lequel le ministre soulignait que la mobilisation des jeunes pour la protection de l’environnement autour de projets concrets devait être amplifiée. Y contribuait l’élection des éco-délégués désormais obligatoire dans toutes les classes de collège et de lycée, à encourager en CM1 et CM2.

Comme le fait remarquer la Cour des comptes, la conception de l’EMC est ambitieuse et l’exigence forte, mais la plasticité du contenu, difficile à maîtriser, peut dérouter.

b.   Le dispositif mis en œuvre

À l’instar des autres grands blocs de connaissance que doivent acquérir les élèves, la citoyenneté relève d’un parcours obligatoire organisé par les textes, et l’éducation à la citoyenneté s’articule autour de l’acquisition de connaissances et de pratiques visant à encourager l’engagement des élèves sur des thématiques désormais extensives et non limitées aux seules valeurs républicaines au sens classique.

En premier lieu, tel qu’il est présenté dans le rapport annexé à la loi de 2013, l’enseignement moral et civique (EMC) est désormais transversal : alors qu’il était auparavant explicitement associé à l’enseignement de l’histoire et de la géographie ([33]), il est maintenant précisé qu’incombe à « l’ensemble des disciplines d’enseignement et des actions éducatives de participer à l’accomplissement de cette mission » « d’enseigner et faire partager les valeurs de la République ». Cela suppose en conséquence que des formations des enseignants et des autres personnels soient prévues et que les principes et modalités d’évaluation de cet enseignement soient définis. Il s’agit de donner plus de continuité et de lisibilité entre les enseignements dispensés à l’école primaire, au collège et au lycée.

Le rapport annexé annonce à ce propos que ces aspects seront précisés pour être mis en œuvre à la rentrée de 2015. Un arrêté du 26 juin 2015 a été publié à cet effet dont les principaux axes sont les suivants :

– Une évidente obligation de neutralité s’impose aux personnels de l’Éducation nationale, « mais celleci ne doit pas conduire à une réticence, voire une abstention, dans l’affirmation des valeurs transmises. Les enseignants et les personnels d’éducation sont au contraire tenus de promouvoir ces valeurs dans tous les enseignements et dans toutes les dimensions de la vie scolaire » ;

– Un but de transmission et de partage des valeurs de la République acceptées par tous, quels que soient les convictions, croyances ou choix de vie ;

– La volonté de favoriser le développement d’une aptitude à vivre ensemble dans une République indivisible, laïque, démocratique et sociale, en mettant en œuvre quatre principes : autonomie, discipline, coexistence des libertés, communauté des citoyens ;

– La mise en activité des élèves privilégiée par l’EMC ;

– Un horaire spécialement dédié, étant entendu que « tous les enseignements à tous les degrés doivent y être articulés en sollicitant les dimensions émancipatrices et les dimensions sociales des apprentissages scolaires, tous portés par une même exigence d’humanisme. Tous les domaines disciplinaires ainsi que la vie scolaire contribuent à cet enseignement ».

Sur la base de ces principes généraux, des programmes précis d’EMC ont ensuite été définis, particulièrement ambitieux. Trois finalités, « intimement liées entre elles », leur ont été assignées ([34]) :

– Respecter autrui, « La morale enseignée à l’école est une morale civique en lien étroit avec les principes et les valeurs de la citoyenneté républicaine et démocratique. » ;

– Acquérir et partager les valeurs de la République, en application directe des principes fixés à l’article L. 111‑1 du code de l’éducation ;

– Construire une culture civique, étant entendu que « La conception républicaine de la citoyenneté insiste à la fois sur l’autonomie du citoyen et sur son appartenance à la communauté politique formée autour des valeurs et principes de la République. Elle signale l’importance de la loi et du droit, tout en étant ouverte à l’éthique de la discussion qui caractérise l’espace démocratique. »

Ces finalités visent à développer chez les élèves quatre types de compétences et de cultures complémentaires : la culture de la sensibilité ; celles de la règle et du droit ; du jugement et enfin de l’engagement. Pour y parvenir, les modalités pratiques et les méthodes de l’EMC sont également précisées. Elles privilégient aussi une approche concrète et le débat : « L’enseignement moral et civique s’effectue, chaque fois que possible, à partir de l’analyse de situations concrètes. La discussion réglée et le débat argumenté ont une place de premier choix pour permettre aux élèves de comprendre, d’éprouver et de mettre en perspective les valeurs qui régissent notre société démocratique. Ils comportent une prise d’informations selon les modalités choisies par le professeur, un échange d’arguments dans un cadre défini et un retour sur les acquis permettant une trace écrite ou une formalisation. L’enseignement moral et civique se prête particulièrement aux travaux qui placent les élèves en situation de coopération et de mutualisation favorisant les échanges d’arguments et la confrontation des idées. » ([35])

Il se déduit de cet ensemble que l’enseignement de la citoyenneté apparaît comme particulièrement ambitieux tant dans ses objectifs que dans ses modalités. Mme Géraldine Bozec, maîtresse de conférence en sociologie, se demandait d’ailleurs lors de son audition si l’on n’en demandait pas trop à l’école. On comprend que, de l’avis des observateurs comme des acteurs, le bilan soit quelque peu mitigé, d’autant que la réponse que l’école apporte est sans doute pour partie inadéquate par rapport aux objectifs et aux attentes.

2.   Un bilan en-deçà des attentes

a.   Des pratiques en décalage avec les directives

Les rapporteurs retirent des auditions que pour les principaux intéressés, le bilan de l’EMC tel qu’il est pratiqué aujourd’hui est décevant, pour plusieurs raisons.

En premier lieu, dans sa forme, jugée assez peu pertinente. Contrairement aux orientations qui ont été tracées, l’EMC apparaît encore comme trop théorique et assez rarement l’espace de débat qu’il pourrait – ou devrait – être pour susciter l’intérêt des élèves. Sans doute le fait que les enseignants soient parfois mal à l’aise et aient peur d’aborder certaines thématiques au point de refuser de les inclure, comme dans les semaines qui ont suivi l’assassinat de Samuel Paty, joue‑t‑il sur cette situation. Surtout, les lycéens ont parfaitement conscience du fait que cet enseignement n’est pas tout à fait comme les autres, compte tenu de l’absence d’une méthodologie particulière, de son faible volume horaire – une demi‑heure hebdomadaire, souvent sacrifiée – et du rôle de variable d’ajustement qu’il continue de jouer : il est en effet dispensé de manière irrégulière et encore trop souvent le moyen d’avancer sur les cours d’histoire et ce, d’autant plus facilement que les évaluations finales sont encore de peu de poids. À ce propos, la Cour des comptes rappelle que, au collège, l’évaluation n’est systématique qu’en troisième, mais que la note finale globale est commune à l’histoire-géographie et à l’EMC, ce qui relativise de facto son importance, sachant par ailleurs que les autres composantes du parcours citoyen, telle l’éducation aux médias et à l’information (ÉMI), sont encore moins prises en compte. Si ces changements récents peuvent apporter un peu plus de considération à l’EMC, il n’en reste pas moins que ce cours reste perçu comme ayant peu d’impact sur les élèves, qui, en majorité, continuent de n’y trouver que peu d’intérêt, considérant en outre qu’il n’influence en rien leur motivation à s’engager dans un mouvement associatif ou citoyen.

Les lycéens et étudiants rencontrés par les rapporteurs estiment pourtant que l’école devrait être le pilier de la formation à citoyenneté et de l’apprentissage des valeurs de la République et du vivre ensemble. En ce sens, l’EMC devrait contribuer à alimenter la réflexion des élèves, leur permettre des rencontres avec des intervenants extérieurs, voire être dispensé de temps à autre hors les murs. Il devrait aussi être plus en cohérence avec les possibilités d’engagement offertes aux collégiens et lycéens : non seulement ceux‑ci se sentent d’une manière générale peu écoutés et considérés, mais ils constatent que leur engagement est, au mieux non valorisé au pire pénalisant, y compris dans les instances scolaires, dont le rôle consultatif est au demeurant trop faible, ces aspects expliquant la faible participation aux élections internes.

Sur ces différents aspects, il y a quelques années un rapport de Mme Géraldine Bozec pour le CNESCO ([36]) avait déjà mis en lumière des modalités d’enseignement en décalage avec les directives officielles, et souligné que « l’examen des pratiques effectives montre une mise en œuvre très inégale, et globalement limitée, de la formation du citoyen en classe et de la citoyenneté scolaire. Les recherches existantes conduisent à identifier plusieurs éléments permettant d’éclairer ces limites : le manque de temps et de formation des enseignants, la conception de la pédagogie et des rapports de pouvoir dans le système éducatif français, les disparités dans l’engagement des acteurs (enseignants, CPE ([37]) et chefs d’établissement). »

Les constats que formulent les élèves ne sont pas très éloignés de ceux que les ministères de l’éducation nationale et de l’agriculture eux-mêmes portent sur l’EMC tel qu’il est mis en œuvre. Les personnels de direction s’interrogent ainsi sur l’impact que peut avoir un enseignement qui ne représente que quinze heures par an, au mieux dix-huit, soit 2 % du temps scolaire, dispensé dans un contexte qui voit se multiplier les journées thématiques et en dilue d’autant le relief. À ce propos, la Cour des comptes rappelle que l’EMC représente une heure hebdomadaire à l’école élémentaire et une demi-heure en collège et lycée et juge logiquement ce volume « très faible au regard du nombre et de la taille des thèmes à traiter et notoirement insuffisant pour mettre en œuvre des projets qui demandent toujours plus de temps que les cours ex cathedra. » D’autres personnels auditionnés par les rapporteurs, enseignants, déplorent également un volume horaire indigent, un programme au contenu flou et non stabilisé, pour lequel les supports pédagogiques sont parfois inexistants, et se demandent comment, dans ces conditions, intéresser les élèves avec une matière dont l’évaluation n’est en outre pas déterminante. En d’autres termes, de leur point de vue, l’EMC reste fragile et manque de lisibilité. Il devrait bénéficier d’un temps dédié et être valorisé dans le cursus des élèves, sur les bulletins de notes et au sein de Parcoursup, notamment au niveau de leur engagement qui reste pour l’heure non reconnu.

En outre, l’EMC est perçu comme souffrant d’autres maux, cohérents avec les précédents, qui tiennent au manque de considération et de reconnaissance des enseignants de la discipline, les professeurs documentalistes en premier lieu. Ceux‑ci se sentent marginalisés dans le dispositif tel qu’il est organisé et jugent que leur investissement, quel qu’il puisse être, ne paie pas, aucun enseignant n’étant jamais évalué sur la qualité de l’enseignement moral et civique qu’il dispense ([38]). Cela n’est d’ailleurs pas illogique, compte tenu du peu d’heures qui y sont consacrées et dans la mesure où il ne s’agit pas du cœur de métier des enseignants.

b.   Une discipline contestée

Indépendamment de ces considérations qui relèvent de la méthode et de son bilan, plus préoccupante est la contestation dont l’EMC est l’objet de manière croissante.

Il apparaît en effet que la question religieuse dans le milieu scolaire est désormais dominante au point que, selon une étude de la Fondation Jean‑Jaurès, quelque 80 % des enseignants disent y avoir déjà été confrontés, et plus d’un tiers, à propos du contenu même de leur enseignement. Contestations émanant des élèves mais aussi, dans un nombre non négligeable de cas, de parents. Plus grave sans doute, le fait que, d’une part, ces contestations s’étendent désormais bien au‑delà de la seule question de la laïcité et touchent les cours de sciences ou d’éducation physique et sportive et que, d’autre part, même si le phénomène concerne prioritairement les établissements en REP, tous les territoires sont touchés. Ces constats sont partagés par M. Jean‑Pierre Obin, inspecteur général honoraire, dont le récent rapport au ministre a servi de support à la réforme du dispositif de formation, qui souligne que, chez de nombreux élèves, s’est imposée l’idée d’une laïcité coercitive, si ce n’est punitive, en tout cas hostile à leurs convictions.

MM. Iannis Roder, professeur d’histoire-géographie, membre du Conseil des sages de la laïcité et de la commission Bronner, et Jean‑Pierre Obin partagent le constat que cette situation n’est pas sans causer un profond malaise chez les enseignants, conduits à mener des stratégies d’évitement pour ne pas risquer d’envenimer la situation et, par conséquent, à s’autocensurer, ce que l’on constate plus particulièrement chez les jeunes enseignants et notamment dans les établissements de banlieues populaires. C’est aujourd’hui un désarroi profond qui domine dans l’ensemble de la population enseignante qui attend de l’institution cohérence, soutien didactique et pédagogique et solidarité effective.

Outre les aspects rapidement évoqués ci-dessus pour expliquer la situation décevante dans laquelle se trouve l’EMC par rapport à l’ambition de la mission confiée à l’école, deux facteurs sont particulièrement à souligner.

3.   Les facteurs explicatifs

a.   La question centrale de la formation des enseignants

La dimension transversale qui a été donnée à l’enseignement moral et civique, qui échappe de ce fait à la compétence traditionnelle exclusive des professeurs d’histoire-géographie, suppose que l’ensemble des enseignants soient formés à la matière.

Or, l’un des problèmes que révèlent les enquêtes internationales tient précisément à la formation des enseignants. Ainsi, l’étude TALIS de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), publiée en 2018, a montré que le sentiment de préparation et d’efficacité personnelle des enseignants français était nettement, voire très nettement, inférieur à celui de nombre de leurs collègues d’autres pays, tant en ce qui concerne le contenu de la discipline qu’ils enseignent que sur les questions de pédagogie ([39]) : le pourcentage de ceux qui se sentent « bien préparés » ou « très bien préparés » à l’enseignement de compétences transversales n’est que de 24,1 %, soit un des scores les plus faibles au sein de l’OCDE où il est en moyenne de 49,2 %, certains pays présentant des taux bien plus élevés, parfois supérieurs à 80 %. Dans le même esprit, seul un quart des enseignants français se sent également bien ou très bien préparé à l’enseignement à des élèves de niveaux différents, un peu plus de 36 % à la pédagogie générale, 52 % à la pédagogie propre à la matière qu’ils enseignent et 83 % au contenu même de la matière qu’ils enseignent. Enfin, seuls 22 % s’estiment bien ou très bien formés à la gestion de la classe et du comportement des élèves ([40]).

Lors de son audition, M. Iannis Roder a témoigné, exemples à l’appui, du fait que le principe de laïcité comme les valeurs de la République étaient aujourd’hui largement méconnus d’une grande part des enseignants qui, de ce fait, ne comprennent pas les enjeux de ce qui se joue. Ils n’ont pas été formés, ne s’en préoccupent pas et ne se soucient pas de les faire comprendre à leurs élèves.

La situation est telle que certains en viennent à juger la laïcité comme liberticide et s’opposent ouvertement à la loi, en contradiction flagrante avec leurs obligations de fonctionnaires de l’État. À ce propos, le Conseil des sages de la laïcité a récemment tenu à exprimer son soutien inconditionnel à deux inspecteurs, formateurs « laïcité et valeurs de la République », verbalement agressés et diffamés par des enseignants d’un lycée de Seine-Saint-Denis, et en a appelé aux membres de la communauté enseignante quant au respect des principes fondamentaux de la République qu’aux termes de la loi ils sont chargés de transmettre et faire partager.

Communiqué du Conseil des sages de la laïcité 14 janvier 2022 (Extraits)
De la formation des personnels à l’École de la République

En vigueur depuis près de vingt ans, la loi du 15 mars 2004 dispose que « dans les écoles, collèges et lycées publics, le port de signes et tenues par lesquels les élèves manifestent une appartenance religieuse est interdit ». C’est pour avoir constaté, dans un lycée de la Seine-Saint-Denis, des infractions répétées à cette loi (…) que le rectorat de Créteil a décidé d’organiser un temps de réflexion et de formation pour l’ensemble des personnels enseignants et non-enseignants de l’établissement. (…) Cette formation s’est déroulée le 10 novembre 2021 au lycée Marcelin Berthelot de Pantin. Son animation a été confiée à deux inspecteurs pédagogiques, membres de l’équipe « Valeurs de la République » de l’académie de Créteil.

Toutefois, lors du conseil d’administration du lycée Marcelin Berthelot qui a précédé la formation, des représentants du personnel enseignant ont dénoncé a priori un contenu qui « aurait tout à voir avec l’islamophobie ». Au cours de la séance de formation, plusieurs professeurs ont manifesté leur opposition à l’objet comme au contenu de cette réunion en interpellant les deux inspecteurs de façon désobligeante et en multipliant les questions de tonalité agressive et soupçonneuse, à l’encontre des règles de courtoisie régissant les relations entre membres de la fonction publique et de la communauté éducative.

Pendant le conseil d’administration qui a suivi, le 9 décembre 2021, un représentant élu des enseignants a lu une motion, se voulant en forme de fable, intitulée « Le serpent et le roquet, récit d’une formation Valeurs de la république (sic) et laïcité ». La lecture de cette « fable » s’est faite nonobstant le refus du chef d’établissement (…) qui a quitté la salle pour exprimer son désaccord.

(…) c’est l’idée même d’une formation nationale des personnels enseignants à la laïcité qui se trouve contestée. À cet égard, la motion taxe les formateurs d’« islamophobie », alors que ceux-ci se sont bornés à exposer l’état du droit sur la laïcité à l’école et à rappeler que la critique d’une religion ne constitue pas un délit. Au-delà des deux formateurs, c’est la République elle-même qui, dans l’esprit de la motion comme aux yeux des perturbateurs de la séance, se rendrait coupable de « racisme systémique ». La fable du roquet et du serpent a par ailleurs été diffusée sur les réseaux sociaux et relayée de façon partiale sur certains sites. L’action des enseignants hostiles à la formation a également reçu le soutien du député de la circonscription. La convergence de ces soutiens trahit le caractère idéologique de l’opposition locale à la formation à la laïcité. (…)

Les deux intervenants ont déposé plainte pour diffamation.

Le Conseil des sages de la laïcité exprime son soutien sans faille aux formateurs « laïcité et valeurs de la République » (…), condamne des manœuvres de déstabilisation qui portent atteinte à la dignité de responsables de l’éducation nationale, mettent en cause leur intégrité professionnelle et ont pour effet, sinon pour objet, de susciter la défiance des parents d’élèves à l’encontre des actions de formation à la laïcité entreprises dans les établissements de l’enseignement public à l’initiative du ministre de l’Éducation nationale.

Le Conseil des sages de la laïcité invite la communauté enseignante, dans l’intérêt des élèves, de la République et de son école, à appliquer le Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation de 2013, qui fixe comme premières compétences : « savoir transmettre et faire partager les principes de la vie démocratique, ainsi que les valeurs de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité, le refus de toutes les discriminations ; aider les élèves à développer leur esprit critique, à distinguer les savoirs des opinions ou des croyances, à savoir argumenter et à respecter la pensée des autres. »

Cela étant, pour M. Iannis Roder, alors même que les questions de citoyenneté se prêtent particulièrement bien à l’interdisciplinarité voulue par la réforme de 2013, le fléchage maintenu vers l’histoire-géographie a dédouané les enseignants des autres disciplines de s’investir, d’autant plus facilement que la matière n’est pas enseignée dans les INSPÉ.

Cette question de la formation initiale est également cruciale pour la Cour des comptes qui, se penchant sur le référentiel de compétences des métiers du professorat, la juge insuffisante, tant sur la citoyenneté que sur l’éducation aux médias et à l’information : sauf pour les cursus des futurs professeurs d’histoire-géographie, et des documentalistes, les modules de formation que proposent les INSPÉ sur les valeurs de la République sont marginaux. Logiquement, les enseignants expriment donc une forte demande de formation continue sur ces mêmes matières, qui reste toutefois insuffisante et facultative, l’observation montrant en outre que la priorité est donnée en formation continue aux matières fondamentales – français et mathématiques. Les constats de M. Jean‑Pierre Obin dans son rapport sont identiques, qui précise que ces deux dernières matières ont mobilisé quasi exclusivement les deux plans prioritaires de formation développés ces dernières années. Il précise que « Dans le premier degré, pendant l’année scolaire 20182019 – la dernière avant la crise sanitaire seul un enseignant sur cent environ a suivi une journée de formation (en moyenne) sur le thème ‟laïcité et valeurs de la République” ; un taux dramatique et en chute libre puisqu’il était cinq fois supérieur trois ans auparavant. Les statistiques sont un peu moins inquiétantes pour le second degré où près de quatre professeurs sur cent ont participé à une journée de formation la même année, un chiffre en légère diminution sur trois ans. » ([41])

Une lecture croisée de ces différentes données et analyses permet de comprendre la réticence voire la peur de nombre d’enseignants à aborder des thématiques potentiellement conflictuelles qui ressortissent par essence de l’EMC dans le contexte actuel. Elle permet aussi de comprendre que les enseignants qui se risquent à les aborder évitent les débats en classe et se cantonnent prudemment aux cours magistraux théoriques, écartant l’approche participative qu’attendent les élèves au profit d’une logique descendante des plus classiques, de transmission de connaissances.

b.   Une pratique de la démocratie scolaire contestable

Le second facteur qui explique le bilan décevant de l’EMC tient à la marginalisation de la démocratie scolaire et à son décalage par rapport aux aspirations de la jeunesse d’aujourd’hui.

Ainsi, pour Mme Géraldine Bozec, dont les recherches portent sur l’éducation à la citoyenneté et ses effets, les élèves gardent le sentiment de ne pas pouvoir être entendus dans l’espace scolaire, car le mode de fonctionnement des instances participatives ([42]) développées ces dernières années ne modifie pas les rapports de pouvoir entre adultes et élèves dont le droit à la parole reste limité. De surcroît, les élèves élus dans ces instances ont des liens faibles avec le reste de la communauté éducative : manquent sans doute des canaux et des moments dans lesquels les élèves pourraient discuter ensemble en amont et suggérer des propositions à traiter dans le cadre des instances délibératives. Ce que réclament les jeunes d’aujourd’hui, qui ne se sentent pas représentés, c’est précisément de pouvoir s’exprimer eux‑mêmes, sans médiation. D’où le souhait d’une forme d’enseignement civique différent, concret, au-delà de la présentation formelle des institutions politiques et de leur fonctionnement, à quoi se résume souvent l’EMC. En d’autres termes, il conviendrait de dépoussiérer l’EMC, qui semble s’adresser à une jeunesse qui serait politisée à l’ancienne, mais qui est sans doute en voie de disparition.

Mais surtout, argumente Mme Géraldine Bozec, ce dont ont besoin les jeunes, c’est d’un rapport à la citoyenneté différent : les enquêtes prouvent qu’ils ne méprisent ni ne méconnaissent les valeurs de la République, leur attachement à la Nation ne se dément pas, mais ils sont avant tout unis par la conscience de droits en commun, le souhait d’être traités de façon juste et équitable et en ce sens, leur priorité est plutôt tournée contre les inégalités et discriminations. Raison pour laquelle leurs mobilisations portent plus fréquemment sur des sujets sociétaux – genre, inégalités des sexes ou sociales – et aujourd’hui environnementaux, que strictement politiques et prennent la forme d’un engagement plus associatif que syndical ou politique, voire protestataire : manifestations, grèves, boycotts. Ne pas avoir conscience de ces données en leur enseignant les valeurs citoyennes revient à apposer un cautère sur une jambe de bois, alors que l’important est de les vivre plus que de les apprendre formellement.

Les différentes formes d’engagement au niveau du collège ([43])

Source : INJEP, Analyses et synthèses, n° 53, décembre 2021.

De fait, les élèves auditionnés par les rapporteurs confirment ce sentiment de n’être pas écoutés, voire de voir leur parole décrédibilisée lorsqu’elle porte sur leurs mobilisations ou leurs droits. Ils sont les premiers à le regretter et à juger que les instances de démocratie interne ne jouent pas un rôle suffisant ou sont mal formatées. Ils sont rejoints dans cette appréciation par nombre d’observateurs extérieurs, tels les représentants des grandes associations que les rapporteurs ont auditionnés. Ils seraient désireux de prendre une part plus active à la vie des établissements mais la perception d’une utilité relative des instances induit un désintérêt pour les élections internes et alimente une méconnaissance du fonctionnement du système. En outre, le manque de valorisation des mandats électoraux ne contribue pas à susciter de nouvelles vocations, alors même que cela participe de l’acquisition de compétences personnelles qui seront importantes ultérieurement. La situation est telle, selon certains observateurs, comme Mme Andrée Sfeir, co-fondatrice et présidente de l’association Éveil, que les élèves, notamment au collège, ne veulent désormais plus devenir délégués de classe en sixième et en cinquième, n’y voyant aucun avantage ([44]).

La situation semble un peu différente au sein des universités, où les enjeux sont plus importants, notamment en termes de responsabilité des élus, et la considération meilleure. Partageant le sentiment de Mme Géraldine Bozec, certains confirment que les instances lycéennes ne correspondent plus aux aspirations d’engagement des jeunes, qui préfèrent plus de souplesse et d’ouverture. C’est par exemple le cas des ambassadeurs du développement durable, pour lesquels les modalités de désignation ne sont pas non plus jugées pertinentes.

Comme le montre l’encadré suivant, la situation semble quelque peu différente à l’étranger.

Pratiques de démocratie scolaire au Royaume-Uni

En Angleterre, les élèves assument des responsabilités au sein des établissements. Cela renvoie à une modalité d’apprentissage à part entière, institutionnalisée dans une pratique qui s’est généralisée dans les établissements de l’enseignement secondaire anglais : des postes à responsabilité sont créés au sein des établissements, répondant à des besoins précis exprimés par la direction, par les équipes pédagogiques et par les élèves. Il s’agit, par exemple, de postes de Tutors, répondant au besoin de prendre en charge l’accompagnement des élèves intégrant les établissements, ou du poste de préfet de l’école (School Prefect), qui veille au bon déroulement de la journée scolaire et peut être interpellé par des élèves plus jeunes pour formuler des conseils sur le fonctionnement de l’établissement. Une véritable procédure de recrutement est alors mise en place : les élèves volontaires posent leur candidature et passent un entretien de motivation devant des enseignants ou des membres de la direction. Ces expériences d’exercice de responsabilités sont reconnues non seulement par les établissements scolaires, mais aussi par les universités qui les prennent en compte et les valorisent dans leurs procédures d’admission.

Source : Conseil supérieur des programmes, avis, juillet 2020.

La Cour des comptes s’interroge dans le même esprit sur l’efficacité de ces dispositifs. Elle confirme le ressenti exprimé par les élèves entendus par les rapporteurs, qui n’ont pas voix au chapitre, ne sont pas écoutés, ni même, dans certains établissements, destinataires de l’information préalable au conseil d’administration. Les conseils de vie lycéenne, pour lesquels le taux de participation aux élections des délégués est en baisse constante depuis plusieurs années, sont d’un intérêt relatif, et largement méconnus des intéressés. En outre, ces instances semblent peu visibles et le rôle des élèves y participant relégué à des projets encore relativement marginaux, même si le dispositif semble s’étoffer. Quoi qu’il en soit, on ne peut manquer de faire un parallèle avec le ressenti des jeunes vis‑à‑vis de la politique institutionnelle qu’ils considèrent sourde à leurs demandes. Il en est de même des conseils des jeunes auxquels il est parfois reproché de n’être que des hochets sans intérêt mis en place par des municipalités soucieuses de présenter une vitrine participative, derrière laquelle aucune réalité concrète n’est offerte aux jeunes désireux de s’engager. En d’autres termes, les mêmes causes produisant les mêmes effets, une démocratie scolaire de façade risque de pâtir d’un niveau de défiance comparable à celui qui frappe aujourd’hui de plein fouet le système politique. Le désintérêt et la désaffiliation des jeunes y trouvent leurs racines et s’en nourrissent.

4.   L’éducation aux médias et à l’information

En complément de l’EMC, l’ÉMI, également instituée par la loi de 2013, occupe sans doute une place encore plus résiduelle.

Pourtant, comme en ce qui concerne l’EMC, le législateur en avait souligné toute l’importance pour la formation des futurs citoyens en précisant que « La formation scolaire (…) développe les connaissances, les compétences et la culture nécessaires à l’exercice de la citoyenneté dans la société contemporaine de l’information et de la communication. (…) » ([45]), cela se traduisant par exemple par le fait que « La formation dispensée à tous les élèves des collèges comprend obligatoirement une initiation économique et sociale et une initiation technologique ainsi qu’une éducation aux médias et à l’information qui comprend une formation à l’analyse critique de l’information disponible. » ([46])

Cela étant, comme l’ont fait remarquer certaines des personnes auditionnées par les rapporteurs, le statut de l’ÉMI est différent de celui de l’EMC : il s’agit d’une éducation et non d’un enseignement. Dès lors, comme le souligne la Cour des comptes, elle n’est aucunement encadrée et ne bénéficie pas d’un horaire dédié, ne serait-ce qu’indicatif, ni d’un programme, a fortiori pas non plus d’évaluation. Il n’y a que dans l’enseignement technique agricole que des référentiels sont explicitement prévus.

De la même manière qu’en ce qui concerne l’EMC, la Cour a constaté que la formation des enseignants est ici aussi en cause, ce qui explique que nombre d’entre eux justifient de ne pas intégrer ces modules dans leurs cours parce qu’ils s’estiment insuffisamment formés – à l’exception des professeurs documentalistes qui en sont fréquemment chargés, avec les professeurs d’histoire-géographie, dans le secondaire – ou parce qu’ils ne sont pas convaincus de l’intérêt de l’ÉMI à l’école, alors même qu’il s’agit aussi d’une thématique transversale.

Mais les enseignants rencontrés par les rapporteurs dans le cadre de leurs auditions conviennent également que l’ÉMI est le parent pauvre des enseignements prévus dans le parcours citoyen. Ils jugent qu’il serait important d’en repenser les modalités, qui devraient être mieux articulées avec l’EMC. De la même manière que cela a été proposé pour l’EMC, la généralisation de la participation d’intervenants extérieurs, tels des journalistes, de sorties ou encore le montage de projets, comme certains établissements le pratiquent d’ores et déjà, construits en partenariats avec des médias, seraient tout à fait opportuns et contribueraient au renforcement de cette éducation dont la nécessité a été soulignée par le groupe d’experts réunis par le ministre au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty ([47]). Comme l’indiquent les auteurs, et cette remarque pourrait s’appliquer à l’EMC, « L’enjeu porte sur une meilleure appropriation de l’ÉMI par l’ensemble des acteurs éducatifs, dans une perspective de renforcement de la formation aux valeurs républicaines des enseignants et des acteurs de la communauté éducative. » À l’instar de ce qui est mis en place pour l’EMC, leurs recommandations portent notamment sur l’amélioration des compétences professionnelles, ainsi que sur une formation initiale, dès l’INSPÉ, et continue, renforcée. Surtout, il conviendrait de réévaluer le statut de l’ÉMI en prévoyant d’y consacrer explicitement une heure hebdomadaire, jugent les rapporteurs. Cette réévaluation passe aussi par une meilleure place faite aux professeurs documentalistes qui, à l’heure actuelle, ne peuvent intervenir en cours qu’après y avoir été invités par leurs collègues occupant le créneau horaire.

L’ambition est louable et partagée par les rapporteurs. Cela étant, on ne saurait oublier les difficultés que ces deux disciplines ont connues de tout temps au sein même de l’institution scolaire, qui expliquent leur situation actuelle. Il s’agit en conséquence d’un chantier de longue haleine qui, comme l’EMC, prendra sans doute longtemps avant que l’ensemble de la communauté éducative soit au niveau requis, d’autant que le contexte n’est aujourd’hui pas le plus favorable.

C’est la raison pour laquelle les rapporteurs saluent le fait que le ministre ait annoncé le 24 janvier 2022 un certain nombre de mesures destinées à renforcer l’ÉMI suivant en cela les recommandations du rapport du comité d’experts de mai 2021. Une circulaire ([48]) datée du 24 janvier 2022 relative à la généralisation de l’ÉMI au sein du système éducatif a été publiée, aux termes de laquelle, dans chaque académie, un référent ÉMI placé sous l’autorité des recteurs sera nommé et une cellule ÉMI créée pour en piloter la politique pour les premier et second degrés. Dans le même esprit, il est annoncé que les moyens des coordonnateurs académiques du CLEMI seront renforcés et qu’un vade-mecum de référence en ÉMI sera diffusé en direction des professeurs des écoles et des enseignants de toutes les disciplines, réalisé en collaboration avec le ministère de la culture, de même qu’un vade-mecum pour la mise en œuvre de projets de webradios dans les établissements, notamment au collège. Il est précisé à cet effet qu’un plan de déploiement des webradios dans les collèges est lancé dans le cadre de la politique en faveur des productions médiatiques au collège, qui contribuera à renforcer l’ÉMI en s’appuyant sur les pratiques des professeurs documentalistes et des enseignants de tous les champs disciplinaires impliqués dans ces projets d’ÉMI. Ce plan, mené en partenariat avec l’Arcom (Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), Radio France, le Sirti (Syndicat des radios indépendantes), la CNRA (Confédération nationale de radios associatives), le SNRL (Syndicat national des radios libres), avec le soutien de Réseau Canopé et du CLEMI, bénéficiera dans un premier temps dans les douze départements participant à l’expérimentation des Territoires numériques éducatifs (TNE).

De la sorte se trouvent prises en compte certaines des conclusions du rapport Bronner préconisant de faire du développement de l’esprit critique et de l’ÉMI une grande cause nationale, notamment en systématisant la formation à l’esprit critique et à l’ÉMI en milieu scolaire, pour les élèves dès l’école primaire et jusqu’après le secondaire, et pour les enseignants en formation initiale et continue. Les rapporteurs ont montré plus haut l’importance cardinale que ces questions ont désormais prise dans un contexte d’évolution extrêmement rapide qui voit les réseaux sociaux dicter leur loi et choisir arbitrairement l’information que les jeunes ont à connaître.

Esprit critique et ÉMI – Commission Bronner : Les principales recommandations

24. Créer une cellule interministérielle dédiée au développement de l’esprit critique et d’une EMI tout public, associant les principaux protagonistes (ministères, associations, médias, bibliothèques…) ; une délégation sous l’égide de Matignon chargée de se concerter, de mutualiser, de valoriser les ressources et de mandater un organisme ou de créer une structure pour mettre en place l’évaluation du matériel pédagogique et des dispositifs de formation avec des protocoles scientifiques standards.

25. Solliciter l’expérience des enseignants pour établir une cartographie des difficultés cognitives les plus fréquemment rencontrées chez les élèves, en vue d’engager une réflexion sur la pédagogie de la métacognition.

26. Faire du développement de l’esprit critique et de l’EMI une grande cause nationale. Augmenter leur visibilité par la diffusion de messages d’intérêt généraux dans les médias.

27. Systématiser la formation à l’esprit critique et à l’EMI pour les élèves dès l’école primaire et jusqu’après le secondaire et pour les enseignants en formation initiale et continue et renforcer de manière significative le réseau de référents et coordinateurs académiques dans ces domaines.

28. Sensibiliser les chefs d’établissements scolaires, les inspecteurs de l’Éducation Nationale, les recteurs aux enjeux de l’EMI et de la formation à la pensée critique, ainsi que les élus locaux, les responsables de ressources humaines des collectivités locales et les responsables de bibliothèques.

29. Développer la formation à l’esprit critique et à l’EMI dans la société civile. Il est important de créer un continuum entre le temps scolaire, l’université, le monde culturel et le monde du travail. La formation à l’esprit critique et l’EMI doit donc être systématisée aussi bien dans des projets éducatifs de territoires et des cités éducatives, que dans des dispositifs d’insertion, des jeunes volontaires en service civique jusqu’aux retraités et à la formation continue.

Pour autant, certains des personnels les plus impliqués regrettent qu’un cadre clair et précis pour l’ÉMI n’ait pas été mis en œuvre à cette occasion et que fasse toujours défaut « un socle de connaissances et de compétences clairement identifiées et évaluées, inscrit explicitement dans le parcours scolaire des élèves avec un horaire dédié. » ([49]) Ainsi, pour l’association des professeurs documentalistes de l’Éducation nationale (APDEN), la circulaire du ministre reprend principalement les dispositions existantes sans prévoir les moyens qui permettraient de surmonter les difficultés et notamment de sortir de la dilution de l’ÉMI au sein des autres disciplines et en laissant aux équipes de direction la responsabilité de l’organiser dans le cadre du projet d’établissement et de la politique documentaire. Surtout, est critiquée la conception de l’ÉMI qui pour le MEN « n’est ni une discipline ni une éducation autonome, c’est une approche contextuelle destinée à éclairer, sous un angle particulier, des problématiques diverses rencontrées, par ailleurs, par les disciplines enseignées à l’école, au collège et au lycée ». ([50])

5.   L’implication d’autres acteurs

En complément des formations dispensées par les enseignants, d’autres dispositifs existent qui participent aussi à l’éducation citoyenne. Ils sont mis en œuvre par des partenaires de l’Éducation nationale et font intervenir en milieu scolaire des acteurs extérieurs, mais sont encore relativement peu développés.

a.   Les acteurs en uniforme

i.   Les classes « Défense et sécurité globale » (CDSG)

Depuis quelques années ([51]), les équipes enseignantes des établissements scolaires peuvent prendre l’initiative d’un partenariat avec des unités militaires pour mener un projet pédagogique interdisciplinaire et pluriannuel, consistant en des temps de rencontres et d’échanges entre élèves et militaires, d’active ou de réserve, tout au long de l’année. Ce dispositif est majoritairement destiné aux élèves des classes de quatrième et de troisième, ainsi qu’aux lycéens, de la voie générale ou professionnelle, et s’adresse prioritairement aux établissements situés en REP ou REP+, sans que cela soit exclusif.

Les CDSG permettent la rencontre des jeunes avec des militaires qui incarnent l’engagement et les valeurs de la République, et participent ainsi à l’acquisition du socle commun de connaissances et de compétences, de manière concrète et complémentaire. Elles offrent aux élèves l’occasion de partager une expérience riche et constructive dans laquelle ils peuvent s’identifier.

Les CDSG s’inscrivent dans les actions du plan « Égalité des chances » (PEC), créé en 2007 par le ministère de la défense afin de renforcer la cohésion nationale en poursuivant les objectifs de « développer le sens de la citoyenneté et le partage des valeurs de la République ; développer le civisme en transmettant le savoirêtre, l’éthique civique et les valeurs collectives qu’incarnent les armées ; éduquer aux questions de défense ; faire connaître et promouvoir l’institution militaire ; faire vivre le lien armées – Nation, et plus précisément le lien armées – jeunesse. »

L’intérêt du dispositif réside dans sa souplesse, dans la mesure où plusieurs modalités peuvent être envisagées, au choix de l’établissement : classe constituée, classe à option (au sein d’un même niveau ou avec plusieurs niveaux de classe), projet de classe, enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), intégration de l’enseignement à l’EMC, ateliers défense…, de sorte que l’organisation pédagogique s’adapte à la fois au projet de l’établissement et aux contraintes de l’unité militaire.

À l’heure actuelle, selon les indications apportées par le général Daniel Menaouine aux rapporteurs, il existe actuellement plus de 420 CDSG et les pouvoirs publics souhaitent doubler ce nombre et les généraliser dans tous les départements, selon ce qu’indique le plan « Ambition armées-jeunesse » présenté par le Gouvernement en mars 2021 ([52]). À cet effet, les ministères de la défense et de l’éducation nationale ont signé le 15 décembre 2021 un nouveau protocole visant à les développer davantage ([53]). Selon les informations du ministère de la défense, la majorité des classes est en collège, dont environ 20 % en éducation prioritaire. La carte ci‑dessous – non actualisée à la date de rédaction du présent rapport – montre la répartition des CDSG sur le territoire national, qui se révèle assez harmonieuse.

Cartographie des CDSG (2018-2019)

Source : Ministère des armées, Département des politiques en faveur de la jeunesse, « Classes de défense et de sécurité globale, vade-mecum », mars 2019.

ii.   Les programmes de cadets

Plusieurs dispositifs de cadets existent également, qui contribuent aux mêmes objectifs. Tournés vers des thématiques de sécurité, il s’agit de programmes de volontariat de jeunes, notamment développés en partenariat avec les forces armées, la gendarmerie ou les sapeurs-pompiers d’une part, et les ministères de l’éducation nationale et de l’agriculture – responsable de l’enseignement agricole – d’autre part.

On distingue ainsi en premier lieu les « cadets de la défense » et les « cadets de la gendarmerie ». L’un et l’autre de ces programmes sont destinés aux jeunes de 12 à 18 ans, recrutés dans les établissements scolaires pour y participer sur une base de volontariat. Selon la Cour des comptes, en 2021, 54 lycées et 179 collèges y participaient, dont 43 en éducation prioritaire. Toutefois, si un objectif de 3 000 cadets a été fixé par le protocole interministériel tripartite signé en 2016, à ce jour, les promotions ne comptent qu’environ un millier de jeunes.

Pour autant, la Cour indique aussi que pour ses promoteurs, les objectifs qualitatifs sont atteints, notamment en ce qui concerne le « renforcement du lien armées-jeunesse, le renforcement des valeurs de civisme, de citoyenneté et d’engagement auprès des jeunes, le renforcement de la cohésion nationale, la sensibilisation aux questions mémorielles, patrimoniales et culturelles et la valorisation des territoires. »

S’agissant des territoires ultramarins, le général Claude Peloux de Reydellet de Chavagnac évoquait aussi devant les rapporteurs le dispositif spécifique des « volontaires jeunes cadets », destiné aux mineurs âgés de 16 à 18 ans, décrocheurs et susceptibles de basculer dans la délinquance, orientés par le MEN. Le dispositif leur permet d’effectuer de courts séjours réguliers afin d’être formés à la sociabilité, au savoir-vivre et au civisme. L’objectif est d’atteindre au moins un taux de 30 jeunes par régiment, soit 210 au total par an.

b.   Les acteurs de la sécurité civile

En matière de sécurité civile, il convient de mentionner tout d’abord un programme de « cadets de la sécurité civile », qui associe MEN et sapeurs‑pompiers ([54]). Il s’agit pour les jeunes volontaires d’une part de s’investir au sein de leur établissement scolaire sur les problématiques de sécurité civile, de mieux connaître les acteurs du secteur, leur rôle, leurs compétences et leur champ d’action, d’acquérir une formation aux gestes de premiers secours (PSC1) ainsi qu’une initiation à la sécurité incendie au sein de l’établissement scolaire. Il s’agit aussi de valoriser l’image des acteurs de la sécurité civile, de partager les valeurs des sapeurs-pompiers et de favoriser l’engagement des jeunes au sein de la sécurité civile et la solidarité en classe, notamment par des exposés, des recherches, la participation à des événements relatifs à la construction mémorielle autour de personnages historiques.

Le programme des cadets de la sÉcuritÉ civile

Source : Académie de Paris.

L’élève volontaire, âgé d’au moins 11 ans, signe une charte d’engagement. À l’issue de la formation qu’il reçoit, dispensée par une équipe issue des personnels du service d’incendie et de secours, il reçoit une attestation de formation « cadet de la sécurité civile » en fin d’année scolaire et une attestation des premiers secours. La reconnaissance et la valorisation de cet engagement sont également prévues par le biais de son inscription dans le livret scolaire numérique de l’élève et l’application Folios. L’engagement est également valorisé puisque ces jeunes sont désignés « assistants de sécurité » lors des exercices d’évacuation ou de confinement.

En second lieu, comme l’a rappelé M. Jérémie Chaligné, coordonnateur du pôle « Bénévolat et jeunesse » de la Croix‑Rouge française, l’une des orientations stratégiques de la Croix-Rouge se caractérise par le souci de former et sensibiliser la population et en particulier les jeunes à la résilience. Entre autres actions, dans le cadre de la convention que la lie au MEN, a été insérée une option « CroixRouge ». Il s’agit de favoriser au sein des établissements volontaires l’apprentissage des plus jeunes par l’expérience pour développer leurs compétences sociales et civiques, leur autonomie et leur esprit d’initiative en poursuivant trois objectifs : Développer les compétences humaines des enfants et des jeunes par la promotion des principes et valeurs universels du Mouvement Croix-Rouge et Croissant-Rouge ; Promouvoir la santé et le bien-être de tous, permettre l’épanouissement et le développement personnel de chacun et permettre l’apprentissage par l’action et la construction d’une conscience citoyenne et solidaire. Ce dispositif accompagne tout au long de l’année scolaire les élèves de l’école au lycée, ainsi que les étudiants de l’enseignement supérieur et professionnel, dans le cadre des enseignements de leur « parcours citoyen » ou du « bonus engagement ». Figure notamment dans ce parcours leur participation aux cérémonies mémorielles qui constitue une étape majeure de leur conscience citoyenne et responsable, de leur place et de leur rapport à l’État et à la Nation.

SchÉma gÉnÉral d’un programme « Option Croix-Rouge »,
dÉveloppÉ sur trois trimestres

Source : Éduscol, https://eduscol.education.fr/document/30220/download

La Croix-Rouge tire un bilan positif de l’expérimentation, quatre années après son lancement et indique sur son site que 35 structures éducatives étaient partenaires en 2019‑2020, ayant touché 1 200 élèves, étudiants et jeunes.

c.   Les organismes d’éducation populaire

De nombreuses et importantes associations existent depuis des décennies qui interviennent dans le champ de l’éducation populaire. Entre autres exemples, la Ligue de l’enseignement, forte de 1,6 million d’adhérents. Elle réunit quelque 30 000 associations affiliées, se compose de 103 associations départementales et compte 500 000 bénévoles et 18 000 volontaires en service civique. Elle intervient dans 24 000 communes. De même, la Fédération Léo Lagrange, créée en 1950 par Pierre Mauroy, est une fédération d’associations reconnue d’utilité publique depuis 1958. Elle compte 62 000 adhérents, 3 000 bénévoles et volontaires, et dispose de nombreux agréments. Ses actions concernent environ 900 000 bénéficiaires (données 2020). Enfin, l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV), reconnue d’intérêt général depuis 1991, est aujourd’hui le premier réseau d’intervention d’étudiants dans les quartiers populaires, avec une présence dans 350 quartiers, dans lesquels elle totalise plus d’un million d’heures d’engagement solidaire par an, en partenariat avec quelque 900 établissements scolaires. De nombreuses autres organisations pourraient être citées, telles l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ), qui soutient les dispositifs de participation proposés aux enfants et aux jeunes, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) ou encore l’Éveil, qui s’est donné pour but d’éveiller les jeunes à leur rôle de citoyens et de les accompagner vers l’autonomie et la citoyenneté par des programmes d’information transversaux présentés en classe, depuis l’école primaire, voire la grande section de maternelle, jusqu’au lycée. Elle organise des rencontres autour de la construction de la citoyenneté, et a créé un prix « Éveil à la citoyenneté » au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty, en partenariat avec le festival international du film de prévention et de citoyenneté jeunesse. Elle propose ses programmes aux établissements qui se traduisent par quelque 2 500 interventions par an.

Ces mouvements ont noué au fil des ans des partenariats nombreux avec les pouvoirs publics, qui leur permettent d’être présents dans diverses instances et d’intervenir dans le champ scolaire ou périscolaire, notamment sur des thématiques relatives à la citoyenneté ou à la formation des jeunes, par exemple dans le cadre des instances de démocratie interne via des conventions avec le MEN qui définissent leur intervention et leur octroient des financements dans ce but. Ainsi, la Ligue de l’enseignement travaille-t-elle à former des citoyens éclairés, solidaires et responsables, et axe son activité sur quatre domaines : l’éducation et la formation ; la culture ; les vacances et loisirs éducatifs ; le sport pour tous. La Fédération Léo Lagrange mène des actions essentiellement socioéducatives – représentant près de 90 % de son activité – mais aussi sportives et artistiques. Elle développe aussi des actions de formation en direction de la petite enfance, et propose de nombreux modules d’apprentissage de la citoyenneté ou de lutte contre les discriminations. L’AFEV mobilise chaque année quelque 12 000 étudiants – avec un objectif à court terme de 18 000 – pour lutter contre les inégalités éducatives et sociales en accompagnant des jeunes en difficulté scolaire et en créant du lien dans les quartiers populaires. Elle agit à travers trois programmes : le mentorat étudiant, le volontariat en service civique dédié à des actions éducatives et les colocations à projets solidaires (KAPS).

Si les problématiques environnementales sont de plus en plus présentes dans les programmes qu’elles développent, d’une manière générale, ce sont traditionnellement les questions de citoyenneté et la promotion des valeurs de la République qui sont au cœur de l’action de ces associations, dont les interventions touchent des centaines de milliers de jeunes chaque année.

Les trois programmes de l’Association de la fondation étudiante pour la ville

Le mentorat étudiant repose sur un principe simple : deux heures par semaine, tout au long de l’année scolaire, un étudiant bénévole intervient auprès d’un enfant ou d’un jeune (de 5 à 18 ans) rencontrant des difficultés dans son parcours. Chaque mentor s’adapte à la réalité de l’enfant. 80 % de ces missions sont effectuées à domicile, en lien étroit avec les familles.

L’accueil de jeunes en Service civique, avec notamment le dispositif Volontaires En Résidence : les volontaires de l’Afev, accueillis dans les établissements scolaires, favorisent l’émergence de projets avec les enfants ou les jeunes, développent le lien avec les territoires et participent à l’amélioration du climat scolaire.

Les Kolocations A Projets Solidaires (KAPS). Présentes dans 25 villes, les KAPS permettent à des jeunes de moins de 30 ans, étudiants, jeunes actifs, ou en Service civique, de choisir une colocation à loyer modéré en plein cœur d’un quartier populaire et de s’engager à mener des projets collectifs qui créent du lien et de la solidarité entre les habitants, comme des temps de convivialité entre voisins ou l’animation de jardins et d’espaces partagés. Le mentorat de jeunes en difficulté fait aussi partie des actions de solidarité réalisées par les « Kapseurs » dans leur quartier.

Parallèlement, les plateformes de l’engagement solidaire, implantées dans les universités partenaires, favorisent l’engagement solidaire des étudiants et le lien entre l’université, les étudiants et le territoire.

L’Afev complète son action de terrain par un travail de plaidoyer en menant des campagnes de sensibilisation auprès du grand public : Journée de refus de l’échec scolaire, Observatoire de l’engagement des jeunes, Observatoire de la responsabilité sociétale des universités, Lab’Afev, Blog ZEP

Source : https://afev.org/presentation/presentation-generale/

Pour important qu’il puisse paraître au vu de cette présentation, le rôle de ces associations est jugé par nombre des personnes auditionnées par les rapporteurs comme méritant d’être réévalué. C’est notamment la tonalité des propos des élus des collectivités territoriales qui, pour certains, jugent que l’éducation populaire est aujourd’hui à l’abandon, ignorée des pouvoirs publics et insuffisamment intégrée à la vie publique. Et ce vide a permis, dans de nombreux quartiers défavorisés, de laisser la place aux familles et à la religion.

d.   Les initiatives des collectivités territoriales

Nombre de collectivités territoriales développent des programmes qui, pour être à la marge des actions menées dans le cadre du parcours citoyen, participent néanmoins de l’éducation à la citoyenneté.

Les élus locaux et les membres du collège du comité jeunes de l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ), réunis par les rapporteurs ([55]), plaident pour une démocratie implicative et non seulement participative, qui commence dès le plus jeune âge. Les différentes initiatives qu’ils ont prises dans leur commune illustrent la pertinence de cette approche, à condition de savoir éviter les tentations d’instrumentalisation.

Le passeport du civisme a par exemple été créé par M. Maxence de Rugy en 2015 après l’attentat contre Charlie Hebdo, pour lutter contre le repli communautaire et l’individualisme qui compromettent le collectif. Pour le maire de Talmont‑Saint‑Hilaire, il fallait dépasser le stade #jesuischarlie, purement émotionnel et réfléchir à ce qui nous unit, et comprendre pourquoi des Français s’en prenaient à des Français. L’idée a été de partir de l’enracinement local d’où découle l’enracinement national, la première communauté de l’habitant, la plus ancienne aussi, étant la commune, et la première expérience civique se vivant sur les bancs de l’école communale.

Cette initiative s’est par conséquent donnée pour ambition de forger la citoyenneté des jeunes écoliers, des établissements publics et privés, à partir du CM2, et des collégiens et lycéens par l’implication dans la vie locale, de leur proposer un parcours basé sur les devoirs plus que sur les droits et de favoriser l’engagement individuel, en travaillant sur différents axes : l’apprentissage des valeurs, l’expérimentation, l’enracinement, la découverte du monde professionnel et l’expérience sociale. Il comporte différents volets tels que le devoir de mémoire, la connaissance du patrimoine, l’attention aux autres, le soin de soi…, et ça marche ! : le fait que quelque 600 jeunes participent désormais aux cérémonies du 11 novembre dans cette commune suffit amplement à démontrer que les efforts de sensibilisation en leur direction ne sont pas vains.

De son côté, M. François Garay, maire des Mureaux dans les Yvelines, a expérimenté dès 2006 un passeport citoyen destiné aux lycéens, qui se sont vus offrir la possibilité de visiter des institutions publiques diverses (préfecture, maison de retraite, tribunal) puis d’y travailler sous forme de stage pendant l’été. En échange, les volontaires bénéficiaient d’une aide au financement du permis de conduire ou de leurs études. Pour le maire des Mureaux, la généralisation de ce genre de dispositifs serait opportune. Comme il l’indiquait alors ([56]), sa génération a supprimé sans s’en rendre compte des moments forts de la vie des jeunes, comme le service militaire pour les garçons, ou le premier contrat de travail tout en avançant le droit de vote à 18 ans. Il défendait l’idée de proposer chaque année à tous les jeunes un parcours sur deux mois, l’année de leurs 18 ans, dans une région autre que la leur et sous le parrainage d’un élu ou d’un fonctionnaire d’État. Le dispositif institué aux Mureaux perdure aujourd’hui sous une forme extrêmement similaire, puisque les volontaires ont la possibilité de passer leur brevet de secourisme, de rendre visite à la police municipale, de participer à des opérations de sensibilisation pour la vaccination, ou encore de travailler dans une épicerie solidaire, contre 500 euros destinés à financer leur permis de conduire ou un autre projet de vie ([57]). Plusieurs sessions ont lieu tous les ans, pour une durée de quinze jours.

De la même manière, les élus de Goussainville, regrettant la place marginale occupée dans les enseignements par un EMC trop théorique et déconnecté des réalités, s’attachent à impliquer au maximum les jeunes dans la vie de la cité, à différents niveaux de scolarité, depuis le CM2 jusqu’au lycée, chaque jeune validant un module citoyenneté, comportant un volet théorique et des engagements concrets. Aux Mureaux, le conseil des enfants et le conseil des jeunes, dont les membres rédigent des rapports pour leurs administrés, sont issus des écoles publiques et privées qui organisent les élections à partir des classes de CM1 et CM2. Ils disposent de budgets.

Ce type d’initiative a su aussi rencontrer l’intérêt de nombreux autres élus. Une association nationale du passeport du civisme a été créée, qui réunit aujourd’hui plus de trois cents communes, d’ores et déjà réparties sur une grande partie du territoire national, et l’initiative a été labellisée en mars 2021 par Mme Sarah El Haïry à l’occasion d’un déplacement en Vendée. Le mouvement se développe : le département de l’Orne a par exemple adopté ce dispositif en septembre 2021.

Le passeport du civisme

Conçu comme un guide ludique et pédagogique, ce « Passeport » propose aux élèves de CM2 de réaliser un parcours civique ponctué d’actions individuelles et collectives. Les enfants ont le choix entre différentes options qu’ils font valider par les ambassadeurs du civisme, forces vives locales, qui les accompagnent tout au long de leur parcours. En fin d’année un diplôme ou une médaille – or, argent, bronze – viennent récompenser la réalisation de leur parcours. Ces récompenses sont attribuées en fonction du nombre d’actions réalisées. Si certaines sont individuelles, d’autres sont faites en classe pour ne laisser personne sur la touche.

Les ateliers du civisme : Basé sur l’engagement volontaire et construit en partenariat avec le département concerné, le dispositif propose dans un 1er temps, à tous les collégiens de 6ème et 5ème de participer gratuitement à des ateliers thématiques construits autour des valeurs de civisme et d’engagement défendues par notre Association (5 ateliers sur 5 demi‑journées).

Dans un 2nd temps, le collégien pourra effectuer un stage civique auprès de toute association loi 1901, au sein d’une collectivité, d’un établissement de service à la personne ou de tout organisme d’intérêt public. Le stage devra cibler différents objectifs : le dépassement de soi, l’engagement, la solidarité, l’implication dans la vie locale, la protection de l’environnement, la préservation du patrimoine, … À la fin de son stage, l’élève devra réaliser un rapport de stage qui portera sur les valeurs de l’association ou de la structure qui l’a accueilli, et sur ce qu’est pour lui le Civisme et l’Engagement.

Un passeport numérique est en cours de développement. Il est personnalisable pour chaque adolescent et dans chaque commune. L’objectif est simple : mobiliser la jeunesse sur des travaux d’intérêt général afin de susciter chez elle le désir de s’engager dans la vie locale.

Ramassage des déchets, travaux d’entretien, désherbage, soutien scolaire, toutes les occasions sont bonnes pour proposer à nos jeunes de s’impliquer concrètement.

Réalisées sur la base du volontariat, les heures de bénévolat ainsi cumulées donnent lieu à une récompense de la part de collectivité : aide au permis de conduire, bourse d’étude, aide au BAFA, argent de poche.

Source : https://passeportducivisme.fr/parcours-civique/

Ces initiatives sont marquées de la volonté de compléter autant que faire se peut l’EMC, dont les modalités sont critiquées, par exemple par les jeunes représentants de l’ANACEJ auditionnés, par des actions concrètes permettant un réel apprentissage de la citoyenneté. Après quelques années de pratique, ces jeunes sont unanimes à considérer que ces expériences ont constitué pour eux la véritable école de la citoyenneté, leur permettant l’apprentissage de la tolérance, de l’écoute, du dialogue et de la solidarité. Le fait qu’ils travaillent par exemple sur des sujets de quartiers sensibles et contribuent à éviter des rivalités entre bandes ou à voir certaines de leurs propositions retenues, comme celles concernant le SNU, confirme l’intérêt de donner toute leur place à de telles instances.

B.   UN SERVICE CIVIQUE SOLIDEMENT IMPLANTÉ MAIS SANS VÉRITABLE COMPOSANTE CIVIQUE

Le service civique, qui offre la possibilité aux jeunes de s’engager dans une mission d’intérêt général, a fêté ses dix ans en 2020 et son bilan, sous l’égide de l’Agence du service civique (ASC), groupement d’intérêt public (GIP) créé en 2010 et constitué par l’État et l’association France Volontaires, est globalement satisfaisant, sauf dans sa dimension civique.

Le service civique a été créé par la loi n° 2010‑241 du 10 mars 2010. Il remplace l’éphémère service civil, lui‑même créé en 2006 afin de proposer un substitut au service militaire suspendu par la loi n° 97‑1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national, dans le souci à la fois de maintenir une forme de creuset social destiné à la jeunesse et de lutter contre l’inactivité des jeunes, particulièrement élevée en France. De fait, sa montée en puissance a été régulière sur la dernière décennie et les récentes déclarations gouvernementales assorties d’objectifs quantitatifs ambitieux augurent d’une nette accélération.

1.   Des missions d’intérêt général variées à conforter

L’article L. 120‑1 II du code du service national stipule que le seul critère de recrutement est la motivation des candidats et que sont accueillis « en service civique des jeunes de tous niveaux de formation initiale ». Cette condition crée de fait des restrictions dans la mesure où l’ASC doit impérativement prévenir l’apparition de missions à deux vitesses, les unes réservées aux diplômés, les autres à ceux qui ne le sont pas. Mme Béatrice Angrand, sa présidente, y voit d’ailleurs un des freins au développement des missions dans le domaine écologique ou du développement durable, ce que la Cour des comptes recommande pourtant pour mieux correspondre aux souhaits des jeunes. En effet, certaines d’entre elles requièrent une véritable expertise. Aussi l’ASC s’est‑elle engagée dans le « verdissement » des missions, par exemple en intégrant une dimension environnementale à des missions relevant de la catégorie « sport » dans le cadre de la préparation des Jeux Olympiques de 2024, et dans le « binômat » consistant à associer deux jeunes pour mener à bien une même mission. Ce couplage est également de nature à augmenter le nombre de missions, un défi pour l’ASC qui a pour objectif de recruter 200 000 volontaires en 2022.

a.   Les structures d’accueil

L’article L. 120‑1 précise que le service civique doit se faire au sein d’une structure agréée, tenue de fournir au volontaire un tuteur formé pour lui présenter sa mission et l’accompagner le temps qu’il l’accomplisse (article L. 120‑14), ainsi qu’une formation civique et citoyenne (FCC) (cf. infra).

Les agréments sont accordés pour trois ans et le décret n° 2021‑1867 ([58]) impose désormais à ces organismes de souscrire le contrat d’engagement républicain ([59]). Si les structures d’accueil présentent des profils très divers ([60]), elles ont en commun l’absence de but lucratif, afin de limiter les risques de travail déguisé, une critique récurrente faite au service civique. Ainsi, les fondations sont éligibles en tant qu’organismes d’accueil, de même que les bailleurs sociaux et certains organismes relevant de l’économie sociale et solidaire.

RÉpartition des organismes agrÉÉs en fonction de leur statut juridique

Source : ASC, rapport annuel d’activité 2020.

Sur les quelque 10 500 structures agréées, seules 500 ont un agrément directement délivré par l’ASC ; les 10 000 autres forment une kyrielle de petits acteurs pilotés par les référents territoriaux du service civique, qui sont rattachés à chaque délégation régionale académique à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (DRAJES).

La grande majorité des organismes d’accueil sont des associations (cf. tableau ci‑après). Toutefois, la Cour observe que, depuis 2015, c’est le secteur public, en particulier l’Éducation nationale, qui a été le relais de croissance des offres. À ce sujet, la représentante du ministère de l’agriculture, Mme Adeline Croyère, sous‑directrice des politiques de formation et d’éducation, a indiqué aux rapporteurs que le service civique était un outil qui n’était pas encore suffisamment répandu dans les établissements agricoles.

Le service civique dans les établissements scolaires agricoles

Ces volontaires se répartissent dans 9 missions agréées :

 Accompagner des projets d’éducation à la citoyenneté : Les thématiques abordées sont très diverses : mobilisation pour les valeurs de la République, éducation aux médias et à l’information, éducation aux réseaux sociaux et à internet, inclusion des personnes en situation de handicap, égalité filles-garçons, lutte contre le racisme et l’antisémitisme, prévention des discriminations, actions mémorielles…

– Lutter contre les discriminations et promouvoir l’égalité des chances ;

– Participer à la prévention des addictions ;

– Contribuer à l’organisation du temps libre des élèves internes en développant des activités nouvelles ;

– Informer et accompagner les jeunes en situation de décrochage scolaire ou souhaitant reprendre une formation diplômante ;

– Aider à l’information et à l’orientation des élèves ;

– Soutenir des actions et des projets dans les domaines de l’éducation artistique et culturelle ;

– Soutenir les actions et projets dans les domaines du sport – Génération 2024 ;

– Soutenir des actions et des projets d’actions d’éducation et de sensibilisation au développement durable.

Source : Agence du service civique.

La Cour regrette en revanche que les collectivités territoriales restent très en retrait. Mme Béatrice Angrand a atténué le constat en soulignant la très forte augmentation du nombre de collectivités partenaires en 2021, passé de 1 200 en 2020 à 1 700 en 2021. Parmi les 500 nouvelles collectivités, 173 sont essentiellement rurales. Le comité interministériel sur la ruralité a également orienté des financements à destination de vingt‑trois ÉPCI ruraux afin de développer le service civique dans ces territoires. Les très petites communes peuvent s’associer pour proposer des missions. Certaines grandes collectivités restent néanmoins en dehors du dispositif. L’ASC souhaite enfin encourager les collectivités et diffuser des bonnes pratiques grâce à des webinaires. Il est certain que les collectivités locales constituent un gisement important de missions, et leur implication dans le SNU (cf. infra) constitue sans doute une occasion de resserrer les liens avec nombre d’entre elles.

RÉpartition des volontaires en fonction du type de structures d’accueil

Source : Ibidem, page 44.

b.   La durée des missions

La crise sanitaire a fatalement eu un impact sur la durée des missions, en moyenne de huit mois auparavant, et ramenée à sept en 2020.

Les aménagements du service civique liés à la crise sanitaire

Les volontaires qui ont connu une période de confinement ont majoritairement vu leur mission adaptée (52 %), 37 % des missions ayant été suspendues et 14 % maintenues en présentiel. Ce pourcentage est passé à 70 % lors du second confinement, avec seulement 7 % de missions suspendues.

Parmi les missions adaptées les plus représentées figurent le suivi à distance des bénéficiaires (31 %) et la création de contenus de prévention et de communication (28 %). Les missions en lien direct avec la crise sanitaire représentent 6 % de ces nouvelles activités, avec principalement : la garde d’enfants du personnel soignant (28 %), l’aide aux personnes dans le besoin, notamment par l’aide alimentaire (29 %), le respect du protocole sanitaire (19 %).

L’ASC se déclare préoccupée par une telle évolution qui a soulevé de fortes contestations de la part de nombreux acteurs associatifs, en particulier au sein du comité stratégique où les représentants de l’Assemblée nationale ([61]) se sont faits leurs porte-paroles. L’Éducation nationale s’est également plainte d’avoir dû étaler ses recrutements de septembre à novembre pour couvrir toute l’année scolaire.

Plusieurs raisons plaident pour un maintien à huit mois :

– Le « calendrier » personnel des 16‑25 ans (et de leurs familles) s’organise selon le rythme scolaire septembre-juin (les trois quarts des missions débutent sur le dernier quadrimestre de chaque année).

– Une réduction de la durée alourdit proportionnellement les coûts fixes que représentent pour les organismes d’accueil le temps consacré à l’organisation des projets, la formation et la mobilisation des tuteurs, l’accompagnement des volontaires dans leur projet d’avenir, et la montée en compétences des volontaires. L’impact est plus marqué pour ceux qui interviennent dans le calendrier purement scolaire/universitaire de l’« éducation pour tous », premier domaine du service civique (accompagnement des élèves et étudiants, lutte contre le décrochage scolaire, activités parascolaires d’apprentissage de la citoyenneté, d’inclusion numérique, de lutte contre les fake news, etc.). Sont concernés non seulement le ministère de l’éducation nationale mais aussi la Ligue de l’enseignement ou l’AFEV.

– Les risques d’éviction des publics les plus éloignés, les plus en difficulté, les plus précaires (« décrocheurs », sans statut, demandeurs d’emplois, jeunes en situation de handicap…) dans la mesure où la durée de leur indemnisation est réduite d’autant, ce qui peut constituer un avantage en termes budgétaires et d’indicateurs de performance, mais aussi où leur courbe d’apprentissage est plus plate que pour des jeunes qui poursuivent des études supérieures.

– L’accélération de la rotation des volontaires est mal perçue non seulement des structures d’accueil mais aussi des publics que les missions sont destinées à aider : déstabilisation des personnes âgées dépendantes dans les EHPAD ou des élèves.

– Il est également mentionné un risque plus élevé de substitution au travail saisonnier, en contradiction avec l’un des principes de base du service civique.

Il existe donc des fragilités qui pourraient apparaître dans les prochains mois en raison des objectifs ambitieux assignés à l’Agence du service civique. Tout d’abord, l’obligation de trouver davantage de missions à des volontaires plus nombreux pourrait émousser la vigilance des personnels chargés de l’agrément et du suivi de structures d’accueil. L’Agence met en exergue ses travaux de contrôle, notamment par le biais de visites sur site et de vérifications sur pièces visant à vérifier la conformité entre les objectifs attendus et la mise en œuvre concrète des actions sur le terrain. Faute de moyens, elle se montre très sélective pour éviter le dévoiement du dispositif, le risque étant de remplacer un salarié par des volontaires, mais, avec un taux de contrôle de 11 %, l’Agence dépasse néanmoins légèrement le pourcentage de 10 % figurant dans son contrat d’objectifs et de performance. Force est de constater que ce pourcentage est très bas et qu’il risque de baisser encore si le portefeuille d’organismes agréés s’étoffe. Les missions elles‑mêmes pourraient être affectées. Enfin, pour atteindre les objectifs, les pouvoirs publics ne seront-ils pas tentés de pousser à raccourcir les missions afin de limiter les coûts (un mois de moins par volontaire, soit au bas mot 80 millions d’euros pour 140 000 volontaires) et d’augmenter le nombre de volontaires ?

2.   Un volontariat indemnisé

Le service civique est ouvert aux jeunes âgés de 16 à 25 ans et jusqu’à 30 ans pour ceux en situation de handicap. D’après les derniers chiffres connus, ils représentaient 1,4 % des volontaires, un pourcentage probablement en-deçà de la réalité dans la mesure où la démarche de reconnaissance du handicap n’est obligatoire que pour ceux âgés de plus de 25 ans. Par ailleurs, 4,7 % des volontaires (3 700 jeunes) sont étrangers. Il s’agit essentiellement de jeunes vivant déjà en France, 470 jeunes venant précisément en France pour accomplir leur mission.

Les jeunes volontaires s’engagent pour une durée continue de 6 à 12 mois et de 24 heures hebdomadaires et perçoivent une indemnité s’élevant à 580,62 euros nets par mois (473,04 euros provenant de l’ASC et 107,68 euros versés par l’organisme d’accueil), qui peut être complétée par une majoration sur critères sociaux de 107,68 euros ([62]). Ils bénéficient d’une protection sociale intégrale et la période du service civique est prise en compte pour la retraite.

L’indemnité n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu et n’est pas prise en compte pour déterminer les droits au RSA, à la prime d’activité ou encore à l’allocation personnalisée au logement (article L. 120‑21).

3.   Un succès indéniable

a.   Un succès quantitatif

Depuis sa création en 2010, l’Agence du service civique a accompagné et orienté plus de 500 000 volontaires ([63]). Ainsi, 140 000 jeunes se sont engagés dans le cadre du service civique en 2018 puis en 2019. En dépit de la crise sanitaire, la mobilisation n’a décru que de façon très limitée, dans la mesure où l’on recense près de 132 000 bénéficiaires en 2020.

NOMBRE DE VOLONTAIRES EN SERVICE CIVIQUE

Source : rapport d’activité de l’Agence du service civique 2020.

À telle enseigne que le Président de la République a sollicité le service civique dans le cadre du plan #1jeune1solution, en lui assignant un objectif de 200 000 volontaires par an. Il s’agit d’un changement d’échelle puisque, sur la base de 140 000 volontaires, cet objectif est synonyme d’une hausse de près de 43 %. L’Agence s’est donc lancée dans une recherche très active de nouveaux partenaires. À la fin de l’année 2021, 144 000 missions avaient été agréées, alors qu’au 1er janvier de la même année, 57 000 jeunes étaient en service civique, mais le nombre de recrutements effectifs a reculé depuis. Il faudra attendre mars 2022 afin de connaître les chiffres définitifs pour 2021 : en effet, le dernier quadrimestre de l’année est généralement le plus propice aux recrutements. La cible à atteindre pour 2022 est de 200 000 jeunes « en stock ».

De plus, le service civique a vocation à devenir l’un des principaux dispositifs de la troisième phase – facultative – du SNU. Pour garantir la réussite de ce dispositif, il convient de donner aux jeunes en SNU l’occasion de rencontrer des jeunes en service civique lors des séjours en cohésion et des missions d’intérêt général. Cette mixité et cette sensibilisation par les pairs sont essentielles.

b.   Une grande notoriété et une image positive

Le service civique est très largement connu de la population, même si la diminution observée de sa notoriété parmi les recruteurs doit être surveillée. Mme Béatrice Angrand déplore notamment le fait que le service civique n’est guère évoqué dans le cadre des cours d’EMC : elle estime d’ailleurs que les volontaires du service civique pourraient davantage être associés à cet enseignement. En effet, la consultation citoyenne conduite en 2020 à l’occasion du dixième anniversaire du service civique démontre que les jeunes n’entendent parler du service civique qu’à la suite de leur scolarité : les volontaires affirment ainsi qu’ils auraient souhaité connaître son existence plus tôt, par exemple afin de mieux l’intégrer à leur parcours ou pour légitimer plus aisément ce choix, notamment auprès de leurs familles. Si le service civique est bel et bien présent dans le cadre de la JDC, Mme Angrand rapporte que, selon le général Daniel Menaouine, le temps consacré au service civique est tombé à 20 minutes environ, en raison des aménagements liés à la crise sanitaire, contre 1 heure antérieurement.

Proportion de personnes ayant entendu parler du service civique

Catégorie de la population

2017

2021

16-25 ans

93 %

93 %

26 ans et +

93 %

94 %

Recruteurs*

97 %

90 %

* La taille réduite de l’échantillon (200 en 2017 et 400 en 2021) des responsables du recrutement dans les entreprises du plus de 20 salariés incite à la prudence dans l’interprétation de l’évolution enregistrée.

Source : IFOP, Baromètre du service civique 2017 et 2021.

Le baromètre annuel met en exergue l’image positive du service civique au sein de la population, en affirmant que « les Français l’associent ainsi aux notions d’aide, de citoyenneté, d’engagement, d’utilité, de solidarité, de respect, de service, de jeunesse ou encore de civisme » ([64]).

Source : Baromètre IFOP 2021.

Dans la durée, cette image a tendance à se conforter, en particulier auprès des recruteurs.

Source : Baromètre IFOP 2021.

Par ailleurs, ils sont nombreux à déclarer que le service civique est un atout dans le CV des candidats à l’embauche.

Selon le dernier rapport d’activité, 91 % des volontaires se déclarent satisfaits de leur mission, soit 5 points de plus qu’en 2019, une progression qui témoigne de l’effort accompli pour que les volontaires ne soient pas pénalisés par la crise sanitaire. Ils étaient 96 % à se dire prêts à recommander le service civique à leur entourage, contre 94 % l’année précédente.

4.   Un impact appréciable sur l’activité des volontaires

L’Agence du service civique dispose des données pour établir un profil‑type du volontaire en service civique : une jeune demandeuse d’emploi ou étudiante, âgée de 21 ans environ et titulaire du baccalauréat.

Source : Agence du service civique, rapport d’activité 2020, page 9.

Les évaluations menées par l’INJEP permettent d’aller plus loin dans la connaissance de cette population.

a.   Le milieu socio-économique d’origine

Il n’existe pas de différence très marquée, sur le plan socio-économique, entre les volontaires en service civique et la moyenne des jeunes appartenant à la même tranche d’âge « à ceci près que les enfants d’artisans, commerçants, de chefs d’entreprises, ou de cadres et professions intellectuelles supérieures sont un peu plus nombreux chez les volontaires » ([65]). Les employés y sont surreprésentés, les ouvriers sous-représentés.

En revanche, la prépondérance des salariés du public chez les parents des volontaires est très forte, de 39 % chez les pères, et de 51 % parmi les mères alors que ces proportions sont respectivement de 15 % et 27 % dans la population en emploi en France en 2017. L’INJEP explique cette caractéristique par la nature des activités proposées dont un tiers se déroule dans les services publics.

b.   Le niveau d’études

L’Institut observe que, « en proportion, les volontaires […] sont aussi nombreux que l’ensemble des jeunes à être entrés dans l’enseignement supérieur (53 % et 55 % respectivement) ».

Comparaison des plus hautes années d’études des volontaires
en service civique et des jeunes de 18 à 24 ans

(En %)

Source : INJEP, Analyses & synthèses n° 32, mars 2020.

« En revanche, les jeunes sortant de terminale sont surreprésentés à leur entrée en service civique : c’est le cas de 35 % des volontaires de 18 à 24 ans, contre 24 % de l’ensemble des jeunes du même âge. Enfin, seuls 12 % des volontaires n’ont pas été jusqu’à la terminale, ce qui est inférieur de 8 points à la moyenne des 1824 ans. » ([66]) Ainsi, le service civique ne s’adresse pas à des jeunes en très grande difficulté. Il n’attire pas non plus les jeunes dotés d’une formation assurant une intégration rapide sur le marché du travail. Parmi les jeunes issus de la filière professionnelle, les spécialités de santé, travail social ou animation représentent 18 % des volontaires dans ces formations contre 1 % de l’ensemble des élèves. Quant à ceux provenant d’une formation universitaire, 47 % sont issus d’un cursus d’arts, lettres, langues, ou sciences humaines et sociales, alors que ces filières représentent 32 % des étudiants de licence et de master. Les étudiants en STAPS sont également nombreux à effectuer une mission : ils représentent 12 % des volontaires provenant d’une formation universitaire, alors qu’ils ne sont que 4 % dans la population des étudiants.

Plusieurs voies mènent au service civique. Si 47 % des volontaires n’avaient pas eu d’expérience professionnelle au cours des deux années précédentes, le solde, soit une courte majorité, avait occupé un emploi ou effectué un stage, souvent pour une courte durée et de façon précaire.

Typologie des parcours des volontaires

Source : INJEP, Analyses & synthèses, n° 32.

La première catégorie correspond à un jeune en cours d’études dont le diplôme final n’assure pas d’occuper un emploi durable ; la deuxième à des jeunes sortant du système scolaire peu ou prou au niveau bac et qui n’ont pas d’expérience professionnelle. Les membres de la troisième catégorie sont des sortants d’études supérieures qui ont déjà une expérience professionnelle. Les Bac + 5 ou plus, ou ceux qui sortent de l’enseignement supérieur court, y sont majoritaires (32 % contre 7 % et 30 % contre 13 %). La quatrième catégorie recense ceux qui ont quitté le système éducatif depuis un an au moins et ont échoué à trouver un emploi (entre un et six mois) avant d’accepter une mission ; la cinquième des chômeurs de longue durée sans expérience professionnelle. Eux aussi ont terminé leurs études mais ils sont à la recherche d’un emploi depuis longtemps et n’ont pas d’expérience professionnelle.

Le service civique est manifestement un sas de réorientation pour des jeunes éprouvant des difficultés d’insertion sur le marché du travail.

c.   Des résultats très honorables

Les jeunes bénéficiaires tendent à considérer sous un jour positif leur expérience dans le cadre du service civique, comme le suggèrent les témoignages recueillis dans le cadre de la consultation citoyenne : « il contribue à faire de nous de meilleurs citoyens et individus en œuvrant pour l’intérêt général » ([67]), rapporte ainsi un ancien volontaire. Selon l’INJEP, les volontaires apprécient d’autant plus leur service civique qu’ils ont été bien encadrés. Contribuent également à la satisfaction la motivation initiale – le souci de l’intérêt général prédispose à la satisfaction – et la nature de la mission : les volontaires sont d’autant plus satisfaits que la mission correspond à leurs aspirations et ce sont les plus diplômés qui se montrent à la fois les plus sélectifs et les plus satisfaits : « les volontaires ayant le mieux vécu leur mission sont ceux qui souhaitaient s’engager dans une mission d’intérêt général, quand ceux qui ont fait une mission pour avoir un revenu ont moins apprécié leur mission. » ([68])

L’expérience peut être valorisée par les entreprises, grâce à l’acquisition de compétences techniques, relationnelles, ou encore civiques, par les bénéficiaires de ce programme, comme en témoigne la création du Club de valorisation du service civique en mars 2018 sur l’impulsion de l’Agence. Six mois après un service civique, 35 % des anciens volontaires sont en emploi, 33 % sont en études ou formation, 22 % en recherche d’emploi, 8 % inactifs et 2 % dans un autre type de volontariat ([69]), chiffres à rapprocher de ceux concernant la situation des volontaires avant le service civique.

Parcours des volontaires en service civique

Situation des volontaires

Avant le service civique

6 mois après le service civique

Demandeurs d’emploi

39 %

22 %

Étudiants ou en formation

31 %

33 %

Inactifs

26 %

8 %

Salariés ou en emploi

4 %

35 %

Sources : ASC RAA 2021, INJEP A&S n° 32.

Selon l’INJEP, six mois après leur mission, les volontaires se répartissent en trois groupes de tailles à peu près égales : un tiers est en emploi, un autre en études, et un dernier est au chômage ou en inactivité. « Cette répartition varie beaucoup selon les parcours professionnels et scolaires des volontaires en amont de la mission : la situation d’après reflète en partie la situation d’avant. Quand ils sont en emploi après leur mission, les anciens volontaires sont plus souvent en emploi en contrat à durée déterminée, comparés à l’ensemble des jeunes en emploi, mais ils le sont moins souvent qu’avant la mission. Environ un quart des volontaires qui reprennent des études se réorientent dans une autre filière ou une autre discipline. Près de la moitié des anciens volontaires en emploi ou au chômage après la mission se tournent vers les secteurs de la santé, de l’action sociale, culturelle ou sportive, et les réorientations scolaires se font également en grande partie dans ces domaines. » ([70])

Le taux des inactifs (demandeurs d’emploi et inactifs) chute de 65 % à 30 %, ce qui est une réussite. Sans doute faudrait-il réitérer la mesure à un intervalle plus espacé pour vérifier le caractère durable de cette amélioration.

5.   Une dimension civique très limitée

Le service civique est issu d’une double préoccupation, celle de favoriser le civisme de la jeunesse après la suspension du service national, mais aussi celle, plus ou moins avouée, de faciliter l’insertion des jeunes peinant à s’insérer dans le monde du travail. Selon la conjoncture, une priorité tend à prendre le pas sur l’autre. Alors que l’objectif de cohésion nationale et de mixité sociale fixé par la loi est convenablement respecté, la dimension civique reste en-deçà des ambitions et mérite d’être renforcée.

a.   Un objectif législatif de « cohésion nationale et de mixité sociale » respecté

L’article L. 120‑1 du code du service national qui définit le service civique ne lui fixe pour objectif que « de renforcer la cohésion nationale et la mixité sociale » en confiant aux jeunes volontaires des missions d’intérêt général conformes aux valeurs de la République. Il s’agit de mettre en pratique ces valeurs, nullement d’en approfondir la connaissance.

La formation civique et citoyenne apparaît seulement à l’article L. 120‑17 dans la section consacrée à la relation entre la personne volontaire et la personne morale agréée qui est tenue de présenter le caractère civique de la mission effectuée et une formation civique et citoyenne dont l’Agence du service civique est chargée de définir le contenu.

En l’état du texte, le service civique est un dispositif qui permet aux volontaires de traduire en actes les valeurs de la République ; ils ne sont pas pour autant assurés que l’encadrement fourni les aidera à faire le chemin inverse : à comprendre que c’est au nom des principes républicains d’égalité et de fraternité que l’État encourage leur engagement altruiste.

Le service civique est donc conçu pour assurer la mixité sociale et c’est ce que perçoivent les volontaires puisque 74 % d’entre eux déclarent avoir rencontré des personnes d’un autre milieu social et 41 % sont toujours en contact avec des personnes rencontrées pendant leur service civique.

En ce qui concerne l’origine sociale des volontaires, la Cour des comptes regrette dans son rapport un tassement de la proportion de jeunes originaires des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), passée de 13,3 % en 2016 à 12,3 % en 2020. L’INJEP rappelle que ce chiffre reste légèrement au-dessus de la moyenne qui est de 10 % pour les 15‑24 ans.

L’Agence dénombre également entre 16 et 17 % de « décrocheurs », soit un niveau nettement supérieur à celui qui ressort de la dernière étude publiée sur le sujet par la DARES ([71]), à savoir un taux de 13,1 % pour les 18‑25 ans. L’accueil de ce type de publics spécifiques (décrocheurs, QPV) fait partie des objectifs assignés au service civique dans les indicateurs de performance contenus dans les PAP et les RAP au titre du programme 163.

Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2022, projet annuel de performance du programme 163.

Il ne s’agit cependant pas d’un objectif législatif, mais fixé par le ministre de tutelle. Encore est‑il précisé que l’indicateur « permet de vérifier que la part des jeunes en Service Civique sortis du système scolaire sans aucun diplôme est comparable à celle de la population générale, sans que cette proportion ne conduise à évincer les volontaires les plus diplômés ».

Par ailleurs, le régime est plus favorable pour les étudiants, notamment par rapport aux demandeurs d’emploi qui perdent leurs indemnités pendant leur service civique, de même que les titulaires du RSA. En effet, les établissements d’enseignement supérieur doivent ([72]) valoriser l’engagement étudiant selon plusieurs modalités parmi lesquelles :

– aménagement de l’emploi du temps ou du cursus (il n’est cependant pas automatique) ;

– attribution de crédits ECTS ;

– attribution de points bonus dans la moyenne générale sur proposition du jury ;

– dispense de stage ou d’enseignement.

De surcroît, les étudiants boursiers peuvent percevoir, en sus de leur bourse et de l’indemnité du service civique, la majoration de 107,68 euros. En 2021, tous les boursiers ont eu droit à cette majoration, et non pas seulement les boursiers des échelons 5 à 7.

Si le législateur entend privilégier les jeunes en difficulté, il serait cohérent d’aligner le sort des demandeurs d’emploi sur celui des étudiants, de relever les objectifs des indicateurs de performance, voire de modifier la loi elle‑même qui précise, toujours à l’article L. 120‑1 II, que la structure agréée « accueille en service civique des jeunes de tous niveaux de formation initiale ».

b.   Une formation civique et citoyenne beaucoup trop floue

L’Agence met notamment l’accent sur son action en matière de promotion de la citoyenneté. Dans sa réponse aux travaux publiés par la Cour des comptes dans le cadre de son rapport annuel en 2014, la directrice de l’Agence, Mme Hélène Paoletti, faisait valoir que « le Service Civique offre aux jeunes l’opportunité de s’engager à travers une expérience de citoyenneté » ([73]), ce qui constitue une importante différence avec d’autres dispositifs d’insertion par l’emploi existants, tels que la garantie jeunes. Cependant, « la composante civique [de ce dispositif] reste fragile », comme le souligne la Cour des comptes ([74]).

D’une part, le nombre de projets rattachés directement à la citoyenneté est relativement marginal : en effet, on ne dénombre que 3,3 % de missions en lien avec « la mémoire et la citoyenneté » en 2019 ([75]), contre 2,7 % en 2020 ([76]). La Cour des comptes relève ainsi dans le chapitre de son rapport annuel de 2018 consacré au suivi de ses recommandations formulées quatre ans auparavant que le caractère hétéroclite des missions et des thématiques proposées dans le cadre du service civique sont de nature à rendre ses objectifs « flous » ([77]) et à diluer les principes fondateurs du service civique.

Source : ASC, rapport d’activité 2020, page 25.

D’autre part, les volontaires du service civique se voient dispenser une formation civique et citoyenne d’une durée de deux jours pour la partie théorique, que la présidente de l’Agence, Mme Béatrice Angrand, souhaiterait voir allongée. À cette occasion, doivent être notamment abordées les valeurs de liberté, égalité, fraternité et laïcité, mais aussi des thématiques plus actuelles telles que le numérique ou le développement durable.

Les structures d’accueil bénéficient elles‑mêmes d’un parcours d’accompagnement proposé par l’Agence du service civique.

Source : Agence du service civique, rapport annuel 2018, page 28.

La formation dispensée aux volontaires comprend en sus du volet théorique un volet pratique, ce dernier consistant en une formation Prévention et secours civique de niveau 1 (PSC1), qui font chacun l’objet d’un versement, respectivement de 100 et 60 euros. Cependant, la Cour des comptes déplorait dès 2014 que la formation civique et citoyenne manquât de rigueur dans sa mise en œuvre, affirmant notamment qu’elle « n’est pas assurée dans des conditions homogènes pour l’ensemble des volontaires : parfois limitée à une journée d’accueil, à un stage de découverte de l’association ou de la collectivité territoriale, ou plus développée et organisée dans le cas des grands réseaux, l’obligation de formation est réduite à un choix dans un référentiel de thèmes sans durée ou format imposés » ([78]). Le Conseil d’État considère également que la « formation civique dispensée dans le cadre du service civique, qui est encore très modeste un minimum de deux jours pour le module théorique  […] gagnerait à être renforcée » ([79]). Le dernier rapport de la Cour abonde en ce sens, Même si les chiffres fournis par la Cour, selon laquelle trois quarts des volontaires ne suivraient pas cette formation, sont démentis par l’ASC pour qui la proportion est inverse, donc d’un quart seulement ([80]). Au‑delà de la critique récurrente et, somme toute, facile d’une formation à géométrie très variable, il n’en demeure pas moins que les rapporteurs n’ont guère d’éléments de nature à les rassurer sur le contenu effectif de la formation prodiguée aux jeunes volontaires, d’autant que la seule communauté à laquelle fait référence la nouvelle instruction est celle du service civique.

L’Agence a en effet diffusé un nouveau référentiel par le biais d’une instruction n° ASC/DG/2021/02 le 30 avril 2021, qui précise les objectifs pédagogiques, les modalités et les contenus de la FCC, en lien avec le référentiel thématique.

L’instruction ASS/DG/2021-02 du 30 avril 2021
relative aux modalités de cadrage de la formation civique et citoyenne

L’instruction détaille l’organisation et la supervision de la formation civique et citoyenne.

Organismes prestataires

Celle‑ci peut être prodiguée par l’organisme d’accueil, qui est donc agréé en tant que tel par les agents de l’ASC, ou par un organisme tiers. Ces organismes ne font pas pas l’objet d’une procédure particulière – ils ne sont pas soumis aux formalités de contrôle ou de certification imposées aux organismes de formation professionnelle, ni a fortiori à la procédure d’agrément du service civique – mais ils soumettent leurs propositions de formation aux services déconcentrés qui les valident. La participation à l’animation du réseau de formation et l’agrément Jeunesse et éducation populaire entrent en considération. Par ailleurs, il est recommandé que les formateurs aient suivi les formations aux valeurs de la République et à la laïcité. Ensuite, une liste est publiée, régulièrement mise à jour et contrôlée, sur laquelle les organismes d’accueil choisissent leurs prestataires.

Rôle des administrations déconcentrées

Le préfet anime le dispositif de formation civique et citoyenne avec l’appui des associations et structures agréées, et des collectivités territoriales ; les services départementaux à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (SDJES) et les directions régionales académiques qui les coordonnent (DRAJES) animent les organismes de formation en instruisant les propositions de formation et en les priorisant en fonction du contexte local. Ils participent au contrôle des offres conformément à l’article L. 120‑2‑1 du code du service national. L’instance régionale publie le catalogue. L’ASC définit les contenus fondamentaux de la FCC et publie le référentiel thématique.

Méthodes pédagogiques

Les formes de pédagogie active, par référence à l’éducation populaire, sont fortement privilégiées : visites de terrain, débats contradictoires, expériences individuelles qui nourrissent la réflexion collective...

La formation civique et citoyenne n’est donc en aucun cas :

– un moment isolé, sans précédent ni suite ;

– une promotion de l’activité de l’organisme d’accueil ou une formation d’adaptation à la mission (en cas de formation interne) ;

– le rappel des cours d’éducation morale et civique dispensés dans l’enseignement obligatoire ;

– une simple information sur le Service Civique ;

– un atelier d’élaboration du projet d’avenir des volontaires ;

– un cours magistral.

L’instruction insiste sur l’importance d’organiser des sessions collectives réunissant des volontaires venant d’horizons différents et engagés dans des missions différentes afin de favoriser les échanges, les débats et la formation de l’esprit critique. La formation interne doit demeurer l’exception car elle constitue un obstacle objectif à la diversité des stagiaires. Les référents de l’Agence du service civique peuvent assister à ces sessions ([81]).

Référentiel thématique

Le référentiel thématique, qui se situe dans le sillage de la JDC et de l’EMC, comporte deux groupes de thèmes. Le premier ressortit au triptyque républicain et à la laïcité ; le second à la vie de la cité, qui se subdivise en trois sous-thèmes : le fonctionnement et la vie en société ; les grandes questions de société et les questions européennes et internationales. L’instruction présente ce référentiel à la fois comme un cadre imposé et une boîte à outils dans laquelle les organismes de formation se servent.

La présidente de l’Agence a également rappelé que les montants versés aux organismes agréés n’avaient pas été revalorisés depuis un arrêté du 21 juin 2017 et qu’il n’était pas exclu que les formations s’en soient ressenties. Avec l’objectif de 100 000 offres supplémentaires, le risque est grand d’aggraver la dilution de ce qui fait pourtant la spécificité du service civique, malgré l’insistance marquée par l’instruction sur l’importance de la formation civique et citoyenne. Le référentiel se décline selon le triptyque républicain et la laïcité, mais ne fait référence qu’à une communauté, celle du service civique.

c.   Des volontaires motivés surtout par la perspective d’une expérience professionnelle

Les principales motivations invoquées par les volontaires sont assez loin de l’idée de citoyenneté, même si les plus diplômés sont selon l’INJEP davantage sensibles à l’idée d’effectuer une mission d’intérêt général.

Source : ASC, RAA 2021.

Une étude récente ([82]) de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) confirme que le service civique est avant tout conçu comme un outil d’insertion sociale.

Réponses apportées à la question :

« Pour quelles raisons avez-vous décidé de faire un service civique ? »

Source : INJEP-ASC, enquête service civique 2019.

Les motivations des volontaires s’expliquent en partie par leur parcours antérieur : « Les filières générales ou technologiques sont surreprésentées, à l’exception de […] filières et des niveaux d’études qui mènent plus facilement à un emploi. […] C’est le signe que le dispositif attire davantage des jeunes en réorientation, n’ayant pas terminé leurs études ou ayant obtenu des diplômes qui ne permettent pas une insertion professionnelle aisée. » ([83]) Paradoxalement, ce sont les volontaires qui souhaitaient le plus s’engager qui sont les plus satisfaits de leur service civique alors que ce ne sont pas forcément les plus nombreux.

d.   Les ambiguïtés gouvernementales

L’attitude gouvernementale n’est pas dépourvue non plus d’une certaine ambiguïté dans la mesure où le service civique est proposé comme une alternative à l’inactivité dans le cadre du plan #1jeune1solution, qui cherche en priorité à trouver une activité aux jeunes en difficulté, plutôt qu’à renforcer leur civisme même si les deux peuvent parfaitement se conjuguer. Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement, à l’occasion de la discussion budgétaire ([84]), vantait le dispositif qui « offre une nouvelle chance d’insertion sociale, puis professionnelle, puisqu’il remet le pied à l’étrier ». L’objectif de 100 000 volontaires en service civique supplémentaires est à la fois une consécration qui rend hommage aux résultats obtenus dix ans après son lancement, et un défi car il s’agit de garantir la qualité des missions proposées.

L’ASC admet que la stratégie gouvernementale entretient la confusion mais voit dans ce volontarisme l’opportunité d’améliorer encore la visibilité du service civique, altérée par les aménagements de la JDC à la suite de la crise sanitaire. Le temps consacré au service civique est passé d’une heure à vingt minutes environ alors même que la JDC était un pourvoyeur important de volontaires. Le coup de projecteur gouvernemental sera aussi l’occasion de tisser des relations plus étroites notamment au niveau académique avec les plateformes de lutte contre le décrochage scolaire, afin d’aider les jeunes âgés de 16 à 18 ans à respecter l’obligation de formation.

Le développement du service civique, qui correspond à l’action n° 4 du programme 163 Jeunesse et vie associative, a vu, au titre de la loi de finances pour 2022, son budget maintenu à près de 500 millions d’euros. Bien que dans des proportions moindres que l’année précédente, ce financement est obtenu en partie dans le cadre du plan de relance. L’abondement, d’un montant total de 216,4 millions d’euros pour le programme, servira aux trois quarts au nouvel élan donné au service civique. Un tel montage soulève deux questions : d’une part, celle de sa pérennité ; d’autre part, celle de sa finalité : les mesures en faveur de l’engagement des jeunes Français relèvent‑elles de la conjoncture économique ou méritent‑elles d’être prolongées durablement ?

6.   Un impact limité sur l’engagement ultérieur

Par ailleurs, il n’est pas illégitime de s’interroger sur l’impact réel du service civique en matière d’engagement de la jeunesse : en effet, l’INJEP remarque que les volontaires du service civique ont plus souvent effectué du bénévolat que la moyenne des 16‑25 ans ; de même, l’enquête de la Cour suggère que les volontaires sont en moyenne un peu plus souvent engagés bénévolement que l’ensemble des jeunes, avant et après leur mission. Le caractère associatif de la structure d’accueil de même que la qualité de l’encadrement ont un impact positif sur l’engagement ultérieur des bénévoles. Cependant, après le service civique, 58 % des anciens volontaires n’ont pris part à aucune activité de bénévolat, ce qui peut conduire à nuancer dans une certaine mesure l’efficacité du service civique en tant que pourvoyeur de volontaires sur le long terme. Si le service civique conforte le souhait de s’engager, celui‑ci ne se traduit pas forcément en acte, sachant tout de même que le début de la vie active et la fondation d’une famille, événements qui se produisent souvent entre 25 et 30 ans, ne favorisent pas forcément l’engagement.

Comparaison des fréquences d’engagement bénévole
des volontaires en service civique et des jeunes de 18 à 25 ans

Comparaison des fréquences d’engagement bénévole
avant et après la mission

La présidente de l’Agence du service civique fait valoir que 57 % des jeunes aspirent à renouveler un engagement bénévole à l’issue de leur mission et insiste au contraire sur la continuité entre le service civique et les engagements ultérieurs des jeunes, citant l’exemple de l’association La Cravate solidaire dont tous les salariés ont effectué un service civique par le passé. Elle considère que le service civique a contribué à une modernisation et une professionnalisation du monde associatif.

C.   DES DISPOSITIFS À FORTE COMPOSANTE CIVIQUE RESTREINTS MAIS EFFICACES À L’INTENTION DES JEUNES EN TRÈS GRANDE DIFFICULTÉ

Aujourd’hui, il existe trois dispositifs d’inspiration militaire qui concourent à la formation des jeunes en très grande difficulté. Le plus ancien, et il a d’ailleurs servi de modèle aux deux autres, est le service militaire adapté (SMA), créé en 1961 à l’initiative de Michel Debré, pour accueillir et former des jeunes ultramarins. Le puîné a vu le jour en 2005 : l’Établissement public d’insertion de la défense ([85]) est devenu, avec le retrait progressif des militaires, l’Établissement public pour l’insertion dans l’emploi (ÉPIDE) désormais sous tutelle du ministère du travail et du ministère de la cohésion des territoires, mais sa vocation reste la même : l’insertion professionnelle des jeunes en grande difficulté. Le benjamin du trio est le service militaire volontaire (SMV), né en 2015, qui transpose en métropole les méthodes du SMA.

Chacun verse aux volontaires qui s’engagent par contrat une indemnité sur le montant de laquelle il conviendrait de s’interroger. En effet, pour des jeunes sans ressources, il s’agit d’un critère déterminant, susceptible de guider leur choix parmi les différentes propositions d’accompagnement plus ou moins étroit (garantie jeunes et, désormais, contrat d’engagement jeune) plutôt que leurs propres besoins. D’après les informations disponibles sur les sites des établissements, le SMA et le SMV indiquent respectivement une rémunération mensuelle de 340,50 euros et de 345 euros bruts. De son côté, l’ÉPIDE propose une indemnité de 450 euros par mois à laquelle s’ajoute, et il s’agit d’une incitation judicieuse, une prime de 50 euros par mois accompli qui est versée trois mois après la fin du parcours s’il a abouti à un emploi durable ou à une formation qualifiante. Dans son récent avis sur les conditions de réussite du contrat d’engagement jeune ([86]), le COJ salue l’alignement de l’allocation des volontaires de l’ÉPIDE sur celui des volontaires de la formation professionnelle, dont les élèves des écoles de la deuxième chance, mais regrette que le SMA et le SMV n’aient pas bénéficié également de cette mesure.

Si l’encadrement militaire du SMA et du SMV est synonyme d’une forte composante patriotique et civique, la généalogie militaire de l’ÉPIDE est encore largement perceptible avec le port de l’uniforme ou l’internat. Ces trois dispositifs présentent des caractéristiques communes :

– des dispositifs limités à destination des jeunes en très grande difficulté,

– une prise en charge globale reposant sur la formation civique et citoyenne et la professionnalisation des volontaires,

– des coûts élevés mais des résultats encourageants qui expliquent pour partie le dynamisme de ces dispositifs.

1.   Leur cible initiale, les jeunes majeurs en grande difficulté, tend à s’élargir

Ces structures s’adressent en priorité à des publics très fragiles, âgés de 18 à 25 ans, comme le montre le tableau ci‑dessous.

Effectifs et origines des volontaires par dispositif

 

SMA

SMV

ÉPIDE

Effectifs

6 000

1 100

3 200

Âge

18-25 ans

18- 25 ans

17-25 ans

Âge moyen

20,6 ans

20 ans

19 ans

Femmes

30 %

29 %

26 %

Illettrisme

44 %

> 20 %

NC

Sans diplôme

60 %

66 %

86 %

Quartier prioritaire de la ville

NC

NC

29 %

Étrangers

-

-

7 %

L’article D. 3241‑33 du code de la défense réserve le SMA aux natifs ou aux résidents des départements et régions d’outre-mer (DROM) et lui assigne pour objectif « d’accompagner les volontaires vers une insertion sociale et professionnelle ». La vocation sociale de l’ÉPIDE est affirmée d’emblée puisqu’il « a pour objet l’insertion sociale et professionnelle des jeunes sans diplômes ou sans titres professionnels ou en voie de marginalisation sociale » aux termes de l’article L. 3414‑1 du code de la défense.

Les jeunes effectuant un SMA, ce qui correspond à environ 30 % d’une classe d’âge 18‑25 ans selon le responsable, le général Peloux de Reydellet, sont recrutés au sein d’un public très éloigné de l’instruction : 40 % des jeunes en SMA sont ainsi illettrés. 52 % des jeunes titulaires du bac en Guyane et dans la région de Saint‑Jean‑du‑Maroni sont illettrés de niveau 1 et 2 selon les critères de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme. Alors que les dispositifs militaires accueillent exclusivement des citoyens français, ultramarins ou métropolitains, l’ÉPIDE s’est ouvert aux étrangers résidant régulièrement sur le territoire français, des réfugiés notamment. Le taux d’admission du SMA est de 1 pour 1,8 candidature : il y a donc un vivier de candidats potentiels même si certains refus prennent en compte la sécurité du groupe. Pour les mêmes raisons, il arrive à l’ÉPIDE de ne pas accepter certaines candidatures.

Le nombre de volontaires évolue de façon irrégulière, et la crise sanitaire a été une année noire pour tous les établissements.

Évolution des effectifs de volontaires du SMA

Année

2017

2018

2019

2020

Effectifs

6 010

5 970

5 787

4 193

Source : Rapport spécial du Sénat pour la mission outre-mer loi de finances 2022.

Accueil de l’ÉPIDE

Source : Cour des comptes, L’évaluation de l’ÉPIDE (2015-2020).

Malgré les efforts entrepris par les responsables, les recrutements sont irréguliers. En effet, la répartition des centres est inadaptée à l’évolution démographique des DROM pour le SMA, ainsi qu’aux besoins des publics pour l’ÉPIDE, lequel enregistre en outre un nombre relativement important de sorties anticipées liées à la précarité du public.

En dépit de cette érosion, ou à cause d’elle, le mot d’ordre est ces dernières années à l’ouverture aux mineurs ([87]) puisque l’un des axes du plan SMA 2025+ est, outre d’accueillir des mères célibataires, de ramener les mineurs décrocheurs identifiés par leur lycée sur la voie des études en les accueillant dans les centres. Ils y effectuent de courts séjours réguliers afin d’être formés à la sociabilité, au savoir‑vivre et au civisme. D’après les échos transmis par les chefs d’établissement au général Peloux de Reydellet, ce dispositif semble fonctionner efficacement et à même de remettre ces jeunes susceptibles de basculer dans la délinquance dans le droit chemin, à tel point qu’ils cessent d’être des fauteurs de trouble pour au contraire devenir des sortes de modérateurs dans les cours de récréation. L’objectif est d’atteindre au moins un taux de 30 jeunes par régiment, soit 210 au total par an.

L’ÉPIDE s’est également ouvert aux mineurs et le décret n° 2020‑978, qui a créé l’article R. 114‑1 du code de l’éducation, prévoit que les jeunes de 16 à 18 ans qui s’y sont engagés respectent l’obligation scolaire. Le site affiche un âge minimum de 17 ans.

2.   Une prise en charge globale reposant sur la formation civique et citoyenne et sur la professionnalisation des volontaires

La principale préoccupation des jeunes Français est leur insertion dans la vie professionnelle. Aussi les pouvoirs publics ont‑ils développé des mécanismes afin de faciliter cette étape cruciale ; ceux qui ont un pedigree militaire comportent une forte composante citoyenne qui devient un préalable ou la condition de la professionnalisation.

Le SMA, le SMV et l’ÉPIDE accueillent des jeunes dans des centres pour une durée comprise entre six et douze mois, qui peut être prolongée, sans excéder 24 mois. La moyenne, tant pour le SMA que pour l’ÉPIDE, est voisine de 10 mois, l’année 2020 n’étant pas représentative. La prise en charge débute par une phase militaire au SMA et au SMV, avec uniforme, marche au pas et lever des couleurs, des pratiques en vigueur aussi à l’ÉPIDE, même s’il a tendance à davantage avancer simultanément sur les quatre axes qui structurent le parcours. Cet enchaînement, éprouvé par l’expérience, démontre également à quel point civisme, en particulier la connaissance des règles et le respect des autres, et citoyenneté ont partie liée.

 

Parcours du volontaire (SMA)

Source : https://www.le-sma.com/images/docs/plaquette_pdf/vous_etes_un_acteur_de_la_formation_et_de_l_emploi.pdf

Parcours du volontaire SMV

Source : SMV, rapport d’activité 2020.

 

Parcours ÉPIDE

Source : site ÉPIDE, une offre de services globale.

a.   Un hébergement protecteur renforcé pour les plus précaires

Dans le cadre d’une prise en charge globale, la question de l’hébergement est déterminante. La Cour des comptes, dans son évaluation de l’ÉPIDE, avait décelé une faiblesse dans le cadre protecteur offert par les centres qui ne pouvaient assurer le logement pendant le week‑end. En effet, certains des volontaires n’avaient nulle part où aller et, jusqu’à très récemment, un jeune logé dans un hébergement d’urgence perdait ce bénéfice s’il entrait à l’ÉPIDE et un SDF se retrouvait dehors deux jours d’affilée. Mme Florence Gérard-Chalet, la directrice de l’ÉPIDE, a assuré les rapporteurs que l’hébergement le week‑end était généralisé de facto depuis le 31 octobre 2021. À cet égard, la rallonge budgétaire votée avec l’adoption d’un amendement gouvernemental ([88]) est bienvenue. L’ÉPIDE obtiendra 23,1 millions supplémentaires au titre du programme 102 Accès et retour à l’emploi pour développer ses capacités d’accueil et pourra financer 46 emplois destinés à renforcer l’accompagnement dans le cadre du programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement dans l’emploi.

Le SMA est présent dans les sept DROM : Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, La Réunion, et en métropole à Périgueux. Le SMV comporte six compagnies, bientôt sept ([89]), concentrées essentiellement dans la moitié nord de l’Hexagone.

Implantations SMV

Les centres ÉPIDE sont au nombre de 20 pour le moment, mais des projets d’implantation sont en cours. L’inauguration d’un centre à Alès, prévue début 2022, comblera un vide géographique dans une zone très défavorisée.

Centres ÉPIDE

Service militaire volontaire, une occasion manquée…

b.   Une forte composante civique et citoyenne, qui a pour socle l’égalité et la fraternité

Les trois dispositifs placent la formation civique au début du parcours des volontaires et cet élément en soi est significatif : leurs responsables ont chacun insisté sur les valeurs qui sous-tendent ce parcours – l’égalité et la fraternité – et qui sont la base de l’organisation militaire. Ainsi, pour le général Daniel Menaouine, la formation des militaires et leur culture spécifique favorisent la transmission de l’esprit de cohésion, d’autant plus que les militaires ne comptent pas leurs heures. Cette disposition d’esprit offre aux jeunes un cadre particulièrement propice à l’apprentissage du savoir-vivre, du travail en équipe et des compétences techniques. À l’image d’une section de combat, les groupes de jeunes sont encadrés de façon suffisamment étroite pour faire l’objet d’un suivi individualisé, afin que tous maîtrisent les compétences attendues de chacun d’entre eux : il y va de la sécurité du groupe et de l’accomplissement de la mission. L’objectif commun est bien de ne laisser personne au bord de la route et de s’en donner les moyens.

Au sein de l’ÉPIDE, qui a conservé de sa généalogie militaire les mêmes principes pédagogiques, le parcours citoyen occupe 40 % de l’emploi du temps des volontaires. L’éducation à la citoyenneté permet aux volontaires d’avoir une réflexion sur leur environnement et la société, de réfléchir à des valeurs, d’analyser et faire évoluer des comportements.

L’expÉrience de la citoyennetÉ À l’ÉPIDE

Source : Site de l’ÉPIDE.

L’éducation à la citoyenneté au sein de l’Épide

Le Parcours citoyen, initialement appelé « parcours civique » est inscrit dans l’offre de services de l’Épide depuis 2005. Il représente 40 % du temps dans les activités dispensées. Les espaces d’acquisition des compétences sont multiples : la majeure partie de ces compétences s’acquiert, dans le cadre de la vie quotidienne et par la vie en internat pour environ 80 % du parcours citoyen, tandis que le temps consacré à l’accompagnement individuel et aux actions pédagogiques collectives couvre les 20 % restants.

Parmi les projets collectifs organisés dans les centres ou à l’extérieur, on peut mentionner les formations aux premiers secours, les actions « éco-citoyennes » (nettoyage d’espaces naturels) et de solidarité (Restos du coeur, Banque alimentaire, Ehpad, structures de prise en charge de personnes en situation de handicap), les commémorations et les visites d’institutions.

Les actions et projets proposés concourent au développement de compétences évaluées tout au long du parcours. Leur maîtrise est sanctionnée par la délivrance d’une attestation valorisant l’acquisition d’un socle de compétences nécessaires à l’exercice d’une citoyenneté active et responsable.

Source : Cour des comptes, rapport ÉPIDE.

c.   La professionnalisation des volontaires

Tous ces dispositifs sont destinés à mener les volontaires à l’autonomie, laquelle passe par l’emploi.

Ils ont aussi pour points communs le passage du brevet de secourisme et la préparation du permis de conduire, qui est, outre une trace de l’ancien service militaire, un gage d’autonomie pour ceux qui ne vivent pas dans les grandes agglomérations. Par ailleurs, des partenariats sont noués avec des entreprises afin de faciliter l’apprentissage pratique et d’offrir des débouchés à leurs recrues.

Selon la Cour des comptes qui a récemment évalué l’ÉPIDE, « le SMV offre un parcours de bout en bout, du recrutement jusqu’à l’insertion dans un emploi et la formation proposée comporte un stage en entreprise, alors que la formation professionnelle s’effectue à l’issue du parcours en Épide. Dans le cadre du SMV, les enseignements sont conçus en fonction des besoins identifiés au niveau du territoire dans lequel est implanté le centre, tandis qu’à l’Épide, les jeunes définissent un projet personnel sans référence aux besoins du territoire.

« Enfin, les volontaires du SMV passent systématiquement l’examen du permis de conduire grâce à une formation individualisée, tandis que l’Épide ne dispense que des cours de préparation aux épreuves du code de la route et de la conduite. »

À l’issue du SMA et du SMV, les jeunes se voient attribuer le certificat d’aptitude personnelle à l’insertion (CAPI).

3.   Des coûts élevés justifiés par des résultats encourageants

Pour ne laisser personne au bord du chemin, il faut des moyens. Il n’est donc guère surprenant que la Cour des comptes trouve le SMA coûteux. Avec une augmentation de 14,6 % entre 2017 et 2020, le budget atteint 216,6 millions d’euros, principalement en raison du renforcement de l’encadrement, qui sera d’ailleurs porté à 1 218 cadres en 2021, et de l’augmentation des dépenses de maintenance du patrimoine. La formation d’un volontaire coûte ainsi environ 40 600 euros par personne, ce qui constitue un « coût […] significativement plus élevé que celui des autres dispositifs de formation ou d’insertion » ([90]), qui s’explique notamment par la sur‑rémunération des agents publics outre-mer, le niveau des prix, ou encore le maintien de compagnies dans des sites très isolés et le recours presque exclusif à du personnel militaire.

En ce qui concerne l’ÉPIDE et le SMV, la Cour a procédé à une évaluation par échantillonnage du coût dans son rapport consacré à l’ÉPIDE ([91]) et la dépense par volontaire, bien qu’inférieure à celle du SMA, reste élevée, plus de 30 000 euros pour le premier, près de 38 000 euros pour le second.

coÛts moyens par jeune accueilli en centre ÉPIDE ou dans un rÉgiment
de service militaire volontaire (SMV) (par Échantillonnage)

Source : Cour des comptes, d’après les données ÉPIDE et SMV.

Ces coûts élevés sont dus principalement à des dépenses de personnel liées à l’encadrement resserré dont bénéficient les volontaires.

Taux d’encadrement

SMA

SMV

ÉPIDE

20 %

6 %

26 %

Sources : SMA, Loi de finances pour 2022, rapport spécial du Sénat (Outre-mer), SMV et ÉPIDE, Cour des comptes, rapport ÉPIDE.

À l’ÉPIDE, les équipes sont pluridisciplinaires, dans la mesure où les jeunes, qui sont répartis en sections, sont pris en charge par un conseiller en insertion professionnelle, un formateur en éducation générale, trois moniteurs, trois conseillers d’éducation et de citoyenneté ; le jeune a également accès à un pôle médico-social, regroupant des infirmiers, des assistants sociaux, des formateurs mobilité, sport, informatique, etc. Il s’agit ainsi de prendre en charge le jeune dans tous les aspects de ses capacités et difficultés. Or, la Cour des comptes, dans son rapport d’évaluation, ne pointe pas la faiblesse du taux d’insertion de l’ÉPIDE, mais souligne les nombreux obstacles que doivent surmonter les volontaires : « une grande part des jeunes doit surmonter des difficultés personnelles majeures : conflits familiaux, logement précaire, difficultés financières, situations administratives irrégulières, fragilité psychologique, voire troubles légers de la santé mentale ».

C’est sans doute le taux d’insertion, globalement satisfaisant, qui explique que les dispositifs soient en voie d’expansion : plan SMA 2025+ et l’objectif du SNV de recruter 1 500 volontaires pour 2022. L’ÉPIDE projette lui aussi d’étendre ses capacités d’accueil ([92]).

Taux d’insertion

SMA

SMV

ÉPIDE

73-77 %

70 %

52 %

Sources : SMA, rapports d’activité ; SMV, rapport d’activité 2020 ; Cour des comptes, rapport ÉPIDE.

Mme Florence Gérard-Chalet rapporte que la moitié des jeunes sortis de l’ÉPIDE pendant la crise sanitaire ont réussi à intégrer le marché du travail, même s’ils ont dû réorienter leur projet, en changeant de secteur d’activité ou de secteur géographique. Des dispositifs comme l’ÉPIDE forment donc des jeunes capables de s’adapter. Enfin, elle annonce que l’ÉPIDE souhaite installer au premier semestre 2022 un conseil scientifique ayant pour objet d’analyser l’impact social de l’ÉPIDE, notamment en termes de coûts évités et de retours sur investissement. Les rapporteurs estiment aussi qu’il est plus profitable pour la société de fournir une assistance à des jeunes afin de leur remettre le pied à l’étrier plutôt que de les condamner à une marginalisation définitive. En tout état de cause, le SMA, le SMV et l’ÉPIDE font la démonstration qu’une formation civique intensive favorise l’autonomie et l’insertion professionnelle.

D.   UN NOUVEAU VENU QUI COMBLE UN MANQUE MAIS EN PHASE D’EXPÉRIMENTATION : LE SERVICE NATIONAL UNIVERSEL (SNU)

Qu’il soit permis, en guise de remarque liminaire, de partager avec le lecteur l’observation du général Daniel Menaouine devant les rapporteurs : le service national universel existe déjà. En effet, il figure à l’article introductif du code du service national. Et l’article suivant, l’article L. 111‑2, explicite les obligations qui le composent : le recensement, la journée défense et citoyenneté et l’appel sous les drapeaux.

La Journée de défense et de citoyenneté (JDC)

La JDC, deuxième composante du service national universel, fait l’objet des articles L. 114‑2 et suivants du code du service national. Elle est obligatoire et doit être accomplie avant l’âge de 18 ans, avec un rattrapage possible jusqu’à 25 ans. Elle est précédée du recensement auprès de la mairie du lieu de résidence, qui constitue la première étape du service national et déclenche la convocation à la JDC.

Cette journée, au contenu très dense, est l’occasion de dispenser une information sur la défense et la sécurité civile ([93]), ainsi que sur toutes les formes d’engagement, civil et militaire. « Ils sont sensibilisés aux droits et devoirs liés à la citoyenneté et aux enjeux du renforcement de la cohésion nationale et de la mixité sociale. » ([94]) Sont également pratiqués des tests d’évaluation de la maîtrise de la langue française.

À l’issue de cette journée, les jeunes gens reçoivent une attestation qui leur est demandée pour s’inscrire aux examens et concours administratifs, si bien que cette formalité est le point de passage obligé de tous les jeunes Français. La JDC offre donc une occasion unique de diffuser des informations sur les mesures destinées à la jeunesse. Les missions locales rapportent que la moitié des jeunes qu’elles accueillent a été orientée par la JDC ; de même, 10 % des jeunes en service civique ont découvert ce dispositif dans le cadre de cette journée.

La JDC constitue aussi en quelque sorte une session de rattrapage pour les jeunes en très grande difficulté. Ainsi, en 2019, sur les 793 000 jeunes qui ont fait leur JDC, 46 000 décrocheurs ont bénéficié d’un entretien individualisé. La JDC permet également de mettre en évidence d’importantes difficultés de lecture chez les jeunes : en 2019, c’était le cas de 11 % des jeunes reçus.

Prévisions de ressource et nombre de jeunes présents

* En 2020, sur 776 450 jeunes attendus en JDC, 3 658 jeunes ont fait l’objet d’une décision d’exemption, dont 1 616 sur présentation d’une carte d’invalidité et 2 042 exemptés pour raison médicale. L’âge médian des jeunes ayant effectué leur JDC était de 17 ans et 6 mois.

** En raison des confinements stricts résultant de la crise sanitaire, le nombre de jeunes reçus a été inférieur à la prévision en 2020. La situation a été inversée en 2021, par un rattrapage au cours de l’année.

Source : Direction du service national et de la jeunesse (DSNJ).

L’exigence de l’attestation ne suffit pas pourtant à couvrir l’ensemble de la population concernée, même si le pourcentage de ceux qui échappent à la JDC s’érode au fil des années. Le directeur du service national a expliqué aux rapporteurs qu’il arrivait que cette attestation ne soit pas réclamée au moment du passage du permis de conduire.

Taux de non-accomplissement définitif des obligations de participation à la JDC

Grille de lecture : La classe d’âge née en 1995, ayant atteint 25 ans en 2020, présente un taux de non‑accomplissement définitif des obligations de participation à la JDC de 3 %.

Source : DSNJ.

Depuis la suspension du service national en 1997 à l’initiative du Président Jacques Chirac, l’idée de rétablir une forme d’engagement universel ressurgit régulièrement, au gré des crises qui frappent notre pays, que l’on songe aux émeutes de 2005, aux attentats de 2015 ou encore à l’assassinat du professeur Samuel Paty en octobre 2020. Ces événements tragiques ont contribué à miner la confiance dans la cohésion nationale et à mythifier le passé.

Pourtant, le besoin de réunir les tesselles disparates qui composent la société française autour de valeurs communes, le souhait de soutenir les élans généreux d’une jeunesse qui, tout en se défiant de la politique, est prompte à s’engager pour des causes qu’elle défend, ont conduit le Président de la République, Emmanuel Macron, à faire des propositions en ce sens dès le début de son mandat, pour se conformer à ses engagements électoraux. Dans le discours qu’il prononce le 13 juillet 2017, il présente le Service national universel comme « une voie qui permet de sortir de l’individualisme au profit d’un engagement collectif ». Il s’agit d’un projet éducatif d’émancipation et de responsabilisation des jeunes, complémentaire de l’instruction obligatoire, qui répond à une double vocation : contribuer à la maturation de l’adulte en devenir et à son intégration dans la communauté nationale.

Des travaux sur ce thème ont été menés tout au long de l’année 2018 jusqu’à son expérimentation en 2019 :

– un rapport parlementaire (Dubois-Guérel) prônant une refonte générale du parcours citoyen actuel avec un renforcement d’une étape obligatoire à l’âge de 16 ans et un engagement contractuel ;

– un groupe de travail ad hoc dressant un état des lieux et recensant les obstacles à surmonter, qui met en avant la nécessité d’innover pour se démarquer de l’existant et « inventer un civisme nouveau » ([95]) ;

– suivi d’un communiqué du Gouvernement exposant les grands principes du SNU : mixité sociale au sein d’une classe d’âge et découverte des différentes formes d’engagement ;

– une « consultation de la jeunesse sur le SNU » ([96]) pendant laquelle est nommé un secrétaire d’État chargé notamment du SNU, auprès du ministre de l’éducation nationale.

Bien préparée, l’évaluation ex ante et in itinere du dispositif ([97]) a été prévue et confiée à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) tandis que son pilotage est désormais dans les mains de la sous-direction du Service national universel (SDSNU), tous deux sous la houlette de la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), rattachée au ministère de l’éducation nationale.

Le choix d’une montée en puissance progressive a été retenu et le dispositif a été proposé à des volontaires de 13 départements ([98]) en 2019. Ils ont été 1 978, âgés de 15 à 16 ans, à se manifester. Ils ont participé à un séjour de cohésion, dans 14 centres d’hébergement collectif. L’année suivante, un seul séjour de cohésion a été maintenu pour cause de crise sanitaire, au profit de 88 jeunes de Nouvelle‑Calédonie et de Wallis et Futuna. En 2021, 15 000 volontaires ont été accueillis dans 122 centres SNU répartis sur 144 sites ([99]) avec au moins un centre par département. Pour l’année 2022, l’objectif est d’organiser 50 000 séjours de cohésion, dont 4 000 places sont proposées en février, toujours sur la base du volontariat.

1.   Un parcours qui veut renforcer la cohésion et favoriser l’engagement

Le SNU est conçu comme un parcours, en trois étapes, destiné à aider l’élève à se transformer en citoyen.

a.   Les objectifs

Le dispositif, qui s’adresse aux jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans, se voit assigner plusieurs objectifs :

– le renforcement de la cohésion nationale par l’expérience de la mixité sociale et territoriale au sein d’une même classe d’âge, correspondant à un groupe de 825 000 individus environ par an ;

– le développement de la culture de l’engagement en impliquant les jeunes dans des projets d’intérêt collectif adaptés aux centres d’accueil ;

– l’accompagnement de l’insertion sociale et professionnelle par l’identification des difficultés et l’orientation vers des dispositifs adaptés au moyen de bilans individuels ;

– la prise de conscience des enjeux de défense et de sécurité en complément de l’éducation morale et civique reçue antérieurement, des valeurs communes, de l’impératif de savoir faire face à une crise ou une urgence (formation aux premiers secours).

b.   Un parcours en trois étapes

Les trois Étapes clÉs du SNU

Source : Brochure « Tout ce qu’il faut savoir sur le SNU ».

Les deux premières étapes, qui complètent l’enseignement moral et civique (EMC) reçu dans le cadre scolaire, sont obligatoires ; la troisième, facultative.

La première phase, d’une durée initiale de 15 jours mais qui, depuis, a été ramenée à 12, se fait dans un territoire différent du lieu de résidence. Alors que le séjour s’est déroulé dans une autre région que la région d’origine en 2019, l’année dernière, les volontaires sont restés dans leur région mais ils se sont déplacés dans un autre département. Composé de temps collectifs et individuels, le séjour de cohésion doit servir à acquérir le savoir‑être et le savoir‑faire, et à identifier les compétences et les difficultés.

Source : INJEP, INJEPR-2020/02.

L’accomplissement du séjour de cohésion vaudra validation de la journée de défense et de citoyenneté.

La seconde phase consistera à participer, dans les douze mois qui suivent, à une mission d’intérêt général auprès d’une association, d’une collectivité territoriale ou d’un « corps en uniforme », de manière continue ou non. D’une durée de 84 heures ou 12 jours, elle comporte un objectif d’accompagnement des jeunes dans la construction de leur projet personnel et professionnel.

La dernière étape, celle de l’engagement volontaire pour accomplir une mission d’intérêt général, concernerait les jeunes et durerait entre trois et douze mois. Elle resterait facultative en tout état de cause, et l’éventualité d’une rémunération est envisagée.

c.   Contenus et pédagogie

Sept modules obligatoires sont au programme :

– Défense, sécurité et résilience ;

– Développement durable et transition écologique ;

– Citoyenneté et institutions nationales et européennes ;

– Autonomie, connaissance des services publics et accès aux droits ;

– Activités sportives et de cohésion ;

– Culture et patrimoine ;

– Sensibilisation à l’engagement et préparation des phases 2 et 3 du SNU.

Le séjour est scandé par le lever quotidien des couleurs et des temps de démocratie interne, la célébration de temps forts nationaux ([100]).

Les pédagogies informelles, inspirées de l’éducation populaire, sont privilégiées ainsi que la forme collective. De fait, les présentations descendantes sont proscrites car elles rappellent trop souvent le cadre scolaire, dont le SNU cherche à se démarquer. Sur ce plan, des corrections ont été apportées entre 2019 et 2021. Comme le recommandait le Conseil supérieur des programmes dans son avis à propos de l’articulation du SNU avec les programmes d’EMC rendu en juillet 2020, des travaux ont été engagés entre la sous-direction du SNU et le Conseil supérieur des programmes pour assurer une certaine continuité avec le contenu des programmes scolaires.

Au départ, trois bilans individuels étaient prévus : bilan de santé, évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française, bilan de compétences incluant une composante numérique. Ils n’ont pas prospéré.

d.   Sur site, un encadrement resserré marqué par le retrait des profils militaires

Promouvoir les valeurs de la République à travers la vie collective signifie manier régulièrement les symboles tels que le drapeau et l’hymne national. Le stage se fait en uniforme et des « conseils de maisonnée » sont tenus régulièrement par les « tuteurs ». Ce sont des jeunes, titulaires du BAFA, qui sont chargés de la vie courante du groupe.

ORGANISATION TYPE D’UN SITE SNU POUR UN SÉJOUR DE COHÉSION

Source : INJEP, Évaluation de la préfiguration du Service national universel.

L’encadrement se compose de trois niveaux :

– le premier niveau est assuré par des pairs, les « tuteurs de maisonnée », la maisonnée représentant un groupe non mixte de 10 à 15 jeunes ;

– le deuxième est composé de cadres plus expérimentés qui coordonnent environ cinq maisonnées ;

– le troisième correspond à la direction des centres, assurée par un professionnel originaire des armées, de l’Éducation nationale ou de l’éducation populaire. Le directeur est assisté d’un conseiller éducatif, d’un conseiller d’encadrement et d’un gestionnaire, avec un objectif de diversité des horizons.

En 2021, au-delà du taux d’encadrement revu à la baisse (un cadre pour six jeunes au lieu de cinq en 2019), la structure de direction a été quelque peu aménagée pour s’adapter aux besoins.

Source : INJEP, INJEPR-2022/02.

On relève comme changements notables :

– le recentrage de l’équipe de direction autour de trois fonctions : la direction de centre, le conseiller éducatif qui doit avoir une expérience de l’accueil des mineurs ou dans l’Éducation nationale, et le conseiller encadrement au profil militaire ;

– l’intégration d’une équipe en soutien, sur trois fonctions ressources : intendant, référent sanitaire (infirmier diplômé d’État) et référent sport et cohésion ;

– l’allègement des effectifs au niveau des compagnies, mais avec un renforcement de la hiérarchie par la nomination d’un capitaine épaulé par un adjoint.

En ce qui concerne le personnel lui-même, le profil de 2021 est sensiblement différent de celui de 2019. Le transfert de responsabilité à l’Éducation nationale s’est ressenti dans les équipes de responsables. Alors que les personnels avec une expérience militaire étaient majoritaires en 2019, 43 % au sein des équipes de direction contre près de 36 % qui provenaient de l’Éducation nationale, ils étaient beaucoup moins nombreux en 2021 bien que l’INJEP n’ait pas fourni de chiffres sur le sujet. Les rapporteurs ont pris la mesure de la grande prudence des militaires qu’ils ont entendus, qui ont tenu à préciser que l’armée n’avait pas vocation à encadrer des mineurs, d’une part, et que les réservistes impliqués en 2019 n’avaient pas été mobilisés dans le cadre de la réserve, même si le « réseautage » s’était révélé particulièrement efficace et si nombre d’entre eux avaient été sensibles à la communication officielle qui avait mis l’accent sur les aspects « militaires ».

PROFIL DES MEMBRES DES ÉQUIPES DE DIRECTION en 2019

Source : INJEP, Évaluation de la phase de préfiguration du Service national universel.

Quant aux cadres de compagnie et aux tuteurs de maisonnée, ils ont été recrutés principalement parmi les étudiants, notamment en filière STAPS.

e.   Un pilotage territorial réorganisé

Le déploiement du Service national universel s’inscrit dans la réforme de l’organisation territoriale de l’État et s’appuie sur le rattachement des services jeunesse et sports aux services académiques.

La direction et la coordination régionale du Service national universel sont assurées conjointement par le préfet de région et le recteur de région académique.

– Le délégué régional académique à la jeunesse à l’engagement et au sport (DRAJES) assure la coordination. Il est l’interlocuteur direct de la SDSNU et des chefs de projet départementaux dont il assure le soutien et la coordination en lien avec les préfets de département, les services de l’éducation nationale et les chefs de projets départementaux.

– Un comité de pilotage ([101]) réunit l’ensemble des services régionaux de l’État participant au SNU ainsi que les chefs de projet départementaux. Les partenaires, notamment les têtes de réseau associatives, peuvent y participer.

L’échelon départemental, qui est l’échelon de mise en œuvre, est placé sous la responsabilité du préfet de département au titre de sa compétence sur les accueils collectifs de mineurs.

En lien avec l’inspecteur académique-directeur des services départementaux de l’éducation nationale (IA‑DASEN), le préfet est chargé de l’identification des sites susceptibles d’accueillir les séjours de cohésion, et il est le garant de la dimension interministérielle du SNU comme de son articulation avec les dispositifs jeunesse sur le territoire.

Un chef de projet départemental est nommé, sur proposition du directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN), et accompagne les travaux de déploiement.

Un comité de coordination départementale est installé, chargé de la mobilisation et de la coordination des services de l’État. Il associe le préfet de département (président), le DASEN, le délégué militaire départemental, le centre du service national (CSN) et le directeur départemental de l’emploi, du travail et des solidarités ([102]) ainsi que les partenaires du territoire (collectivités territoriales, éventuels partenaires associatifs ainsi que les représentants de la jeunesse et des familles).

Prévues au cahier des charges, les équipes projets départementales sont « organisées autour d’un chef de projet départemental nommé par l’IADASEN et issu de la direction des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN) et du service départemental de la jeunesse, de l’engagement et des sports (SDJES) ; autour de ce dernier, elles mobilisent des effectifs pluriels dans des proportions variables (de 1 à 4 personnes) selon les territoires ». Elles sont les chevilles ouvrières de la préparation des séjours et leur collaboration avec la direction des centres contribue à la réussite des séjours, selon la récente évaluation ([103]) de l’INJEP.

Le pilotage confié à l’Éducation nationale est effectif. Les IA‑DASEN et SDEJS ont été aux commandes du dispositif, ils ont joué un rôle décisif dans la bonne mise en place des séjours

En définitive, l’INJEP souligne que « la moindre participation de l’institution militaire dans un certain nombre de territoires a impacté l’organisation des séjours (les recrutements, le modèle de management, la programmation, les interventions, etc.) » sans pour autant compromettre la mixité des cultures professionnelles qui est considérée comme un atout du SNU, chez les jeunes comme chez les cadres.

2.   Un dispositif apprécié des volontaires présentant un profil spécifique

a.   Des volontaires satisfaits

Les volontaires qui ont effectué leur séjour de cohésion adhéraient au projet à 90 %, en 2019 comme en 2021 où la moitié d’entre eux déclaraient que personne ne les avait incités à s’inscrire. La principale source d’information est l’établissement scolaire.

Source d’information des volontaires sur le SNU

Source : INJEP, INJEPR-2022/02.

En revanche, quand les jeunes ont été « désignés volontaires », plus de huit fois sur dix, c’est leur famille qui les a poussés à s’inscrire. Les réticents sont plus souvent des garçons que des filles – 14 % contre 6 % pour les filles –, et cette réserve originelle se ressent sur leur satisfaction qui est moindre que la moyenne.

Le contexte a sensiblement changé entre 2019 et 2021 puisque la crise sanitaire est passée par là et laisse encore des traces. Malgré quelques différences, l’aspiration à de nouvelles rencontres reste la première motivation des volontaires : 76 % en 2019 et 64 % en 2021. Les réponses de la première cohorte portent aussi la marque d’une forme d’esprit pionnier : les jeunes avaient envie de faire partie des premiers volontaires (67 %) et de découvrir un nouveau territoire (61 %).

MOTIVATIONS POUR PARTICIPER AU SNU

Lecture : 76 % des volontaires déclarent que les rencontres avec de nouvelles personnes les ont incités à participer au SNU (plusieurs réponses possibles).

Source : INJEP, Évaluation de la préfiguration du Service national universel.

Les résultats en 2021 sont un peu différents, les items ayant été aussi modifiés : la pratique du sport, bienvenue après les confinements, apparaît en deuxième position, ce qui confirme l’enquête satisfaction de 2019.

Les motivations des volontaires en 2021

Quels sont les éléments qui vous ont incité à participer ?

Source : INJEP, Analyses & synthèses n° 51, octobre 2021.

Le cadre militaire a attiré une nette majorité des participants, la communication initiale ayant laissé entendre que « l’esprit et l’ambiance du SNU » s’inspiraient largement du cadre militaire. La vie en collectivité, une nouveauté pour un tiers d’entre eux, a constitué un facteur d’attraction, cité par 42 % des jeunes. L’INJEP signale également que la découverte d’un nouveau territoire ([104]) et le développement de la culture de l’engagement bénévole sont les raisons les moins citées (30 % des volontaires).

Après le séjour, neuf volontaires sur dix se sont déclarés satisfaits ou très satisfaits, une proportion qui tombe à sept sur dix parmi les volontaires contraints.

. Une expérience de la mixité sociale

Bien qu’elle soit toute relative (cf. infra), le séjour de cohésion est apprécié par 83 % des volontaires comme une occasion de mixité sociale et de rencontres. La mixité se mesure à leurs yeux à la diversité des centres d’intérêt (66 %), des valeurs (55 %) ou des lieux de résidence (50 %) ; les inégalités sociales étant reléguées au second plan.

. Une inspiration militaire globalement appréciée

L’adhésion au cadre militaire se retrouve à plusieurs niveaux : dans la nature des activités, dans les rites patriotiques et dans la discipline collective.

Les activités qui ont suscité la plus grande satisfaction sont les activités sportives et l’initiation à la défense et à la sécurité nationale.

PrÉfÉrences dÉclarÉes par les volontaires

Source : INJEP, Analyses & synthèses n° 51, octobre 2021.

Par ailleurs, les rites que constituent le lever des couleurs, le chant de la Marseillaise et l’uniforme sont quasiment plébiscités. « Sur tous les sites, la cérémonie des couleurs (lever et/ou descente quotidienne) ainsi que la Marseillaise chantée qui l’accompagne sont systématiquement mobilisées avec régularité, solennité, et partout une organisation rigoureuse (disposition en rang, par compagnie chacun à la même place sur l’ensemble des jours) et des postures respectées (“gardeàvous”). » ([105]) L’INJEP souligne que la participation active des jeunes renforce leur adhésion aux rituels quotidiens tout en les responsabilisant et en les mettant en valeur. Cependant, l’intérêt de 40 % d’entre eux pour une carrière dans les corps en uniforme empêche toute généralisation. La participation à des cérémonies officielles comme le 14 juillet ou le 11 novembre, où sont présents des élus ou des représentants de l’État, va dans le même sens.

Tout comme le port de l’uniforme, considéré comme positif par 90 % des volontaires en 2019 et 88 % en 2021 car il est perçu comme un facteur de cohésion, même si les tenues ont été parfois jugées inadaptées aux conditions météorologiques ou à la morphologie des jeunes.

De même, la limitation de l’accès au portable, variable selon les sites, n’a pas soulevé de grosses difficultés, à la surprise de nombre de cadres. Les jeunes se sont bien accommodés de cette restriction dont ils ont reconnu les bienfaits en termes de relations interpersonnelles, surtout après une période de confinement. Cela dit, mieux vaut en informer les parents en amont.

En 2019, des tensions s’étaient manifestées autour de la cigarette, quelques jeunes ayant du mal à s’en passer mais la présentation du règlement intérieur à l’arrivée, la négociation de certaines règles ont permis une meilleure compréhension bien que certains comportements relèvent de l’addiction.

En somme, la discipline est acceptée et même approuvée à une large majorité.

Source : INJEP, INJEPR-2022/02, janvier 2022.

Pour conclure, ce sont probablement la nouveauté et les différences par rapport au cadre scolaire qui semblent avoir attiré les jeunes. Si l’inspiration militaire est vécue positivement, notamment par la forte minorité qui envisage une carrière dans les corps en uniforme, certains aspects du SNU s’en démarquent très nettement. Les pédagogies interactives sont particulièrement appréciées. De même, les temps de démocratie interne, mis en œuvre de façon différente d’un centre à l’autre mais mieux stabilisés qu’en 2019, sont considérés par 77 % comme des moments-clefs du séjour.

b.   Des volontaires au profil spécifique

Les deux premières sessions ont accueilli des jeunes présentant un profil bien particulier et les cadres conviennent qu’ils ont eu affaire à un public facile, différent de celui auquel ils s’adressent d’habitude.

L’évaluation de 2021 fournit des informations sur l’origine géographique des volontaires.

RÉpartition des volontaires selon les cinq principales rÉgions de rÉsidence et comparaison avec la rÉpartition nationale des 15-17 ans

Source : INJEP, 2022.

L’Île-de-France et les Hauts-de-France apparaissent nettement sousreprésentées, contrairement à Auvergne-Rhône-Alpes et la NouvelleAquitaine. Ces différences méritent d’être croisées avec d’autres données comme le taux de pauvreté, la proportion de QPV ou la structure de l’enseignement scolaire, afin de rendre l’accès au SNU plus homogène sur le territoire.

Même si, en 2021, les filles étaient plus nombreuses que les garçons parmi les 15 000 volontaires, 56 % contre 49 % en 2019, certaines caractéristiques se confirment, voire s’accentuent.

Pour l’année 2021, les caractéristiques observées précédemment, à savoir la sous-représentation des ouvriers et la surreprésentation des parents ayant travaillé pour les corps en uniforme, se sont accentuées alors même que le SNU était un peu mieux connu.

Bien que l’échantillon soit relativement diversifié selon les six catégories socioprofessionnelles de l’INSEE, on observe une surreprésentation des enfants d’artisan, commerçant ou chef d’entreprise (indépendants) : 19 % en 2019 et 17 % en 2021 parmi les volontaires, 9 % dans la population en emploi. Dans le même temps, les enfants dont le père est ouvrier sont légèrement sous-représentés en 2019, et plus nettement en 2021 (25 % en 2019 et 18 % en 2021, contre 30 % de la population en emploi), de même que les jeunes dont la mère est employée (28 % en 2021 contre 40 % de la population féminine en emploi).

COMPARAISON DES CATÉGORIES SOCIOPROFESSIONNELLES DES PARENTS
DES VOLONTAIRES AVEC LA POPULATION EN EMPLOI

Source : INJEP, INJEPR-2020/02.

De plus, près d’un tiers des volontaires (31 %) et même 37 % en 2021 déclarent que l’un de ses parents travaille ou a déjà travaillé pour les armées alors que ce pourcentage ne dépasse pas 1,3 % dans la population générale. De même, en 2021, 10 % des volontaires avaient un parent travaillant pour les armées, la gendarmerie, la police ou les pompiers ; d’où le profil très particulier des jeunes volontaires dont un sur trois exprime dans les entretiens qualitatifs une appétence pour le cadre militaire et l’envie d’expérimenter un environnement proche de celui de l’armée.

Par rapport aux jeunes en classe de seconde interrogés, les volontaires du SNU sont plus nombreux que la moyenne (52 %) à déclarer que leur famille est « très à l’aise » ou « plutôt à l’aise » financièrement : 65 % en 2019 et 63 % en 2021.

Perception de l’aisance financiÈre des familles

Source : INJEP, INJEPR-2022/02.

Sans surprise, les participants issus des QPV étaient deux fois moins nombreux (4 %) que la moyenne des jeunes de 15 à 17 ans ([106]). La DJEPVA a toutefois fait état d’un taux de 8,8 % pour la session de février 2022, après une démarche plus volontariste des préfets et des recteurs. Elle concernera également les apprentis et les décrocheurs.

D’après les réponses obtenues auprès des volontaires 2019 et 2021, leurs parents exercent des activités bénévoles plus souvent que la moyenne. En 2019, les volontaires du SNU ont été 29 % à répondre que leur mère, et 26 % leur père, exerçait des activités bénévoles ou caritatives dans le cadre d’une association, d’un club, d’un syndicat ou d’un parti politique. L’année dernière, les pourcentages respectifs étaient de 34 % et 25 %, qui peuvent être comparés à la moyenne nationale calculée dans l’enquête Statistiques sur les ressources et conditions de vie (SRCV) de 2019, qui montre un taux moyen d’implication bénévole de 23 % chez les 35‑49 ans et de 20 % chez les 50‑64 ans. Cette plus forte implication s’est donc accentuée entre 2019 et 2021.

Dans la première cohorte, 96 % des volontaires étaient en classe de seconde ou en CAP lors de l’année scolaire 2018‑2019, et les filières professionnelles étaient sous‑représentées. En 2021, ils étaient moins nombreux à être en classe de seconde, 89 %, dans la mesure où les volontaires inscrits en 2020, et dont le séjour de cohésion avait été annulé, ont pu y participer après avoir effectué leur MIG.

RÉpartition des volontaires 2021 en fonction de leur Âge

Source : INJEP, INJEPR-2022/02.

Cependant, la proportion en filière générale et technologique est toujours surreprésentée (80,3 %), et corrélativement la filière professionnelle sous‑représentée (12,6 % alors qu’elle accueillait en 2020-2021 33 % ([107]) des élèves). Les jeunes non scolarisés représentaient 1,1 % de l’ensemble.

FILIÈRES DE SCOLARISATION DES VOLONTAIRES EN SECONDE OU CAP
COMPARÉES À CELLES DE L’ENSEMBLE DES ÉLÈVES

Source : INJEP, INJEPR-2020/02, Évaluation de la phase de préfiguration du Service national universel, février 2020.

Les volontaires du SNU sont, au moins à leurs yeux, meilleurs élèves que la moyenne même si la proportion de bons élèves diminue très sensiblement en 2021, faisant passer le pourcentage de bons et très bons élèves de près de 60 % en 2019 à 45 % en 2021.

NIVEAU SCOLAIRE DES VOLONTAIRES COMPARÉ À CELUI DES ÉLÈVES DE TERMINALE EN FRANCE

Source : INJEP, INJEPR-2020/02.

Niveau scolaire des volontaires en 2021

Source : INJEP, INJEPR-2022/02.

3.   Des améliorations à travailler

L’intérêt de l’évaluation in itinere est d’autoriser des inflexions et des ajustements au fur et à mesure et des mesures correctives ont déjà été prises pour surmonter certaines difficultés.

a.   Des améliorations apportées dès 2021

Les observations recueillies par l’INJEP ont permis d’adapter les modules de formation pour permettre des temps de repos et de récupération plus longs, le séjour 2019 ayant été jugé très fatigant par nombre de jeunes. Il faut trouver un équilibre entre les exigences de formation et la détente, le SNU n’étant « ni l’armée, ni une colonie de vacances » car les jeunes trouvent encore les rythmes trop soutenus. Les activités sportives ont été intensifiées à la demande des volontaires de la première session, une suggestion judicieuse car les cadres ont constaté par eux‑mêmes les conséquences néfastes d’une sédentarité subie (confinement) ou voulue (usage excessif des écrans). Les méthodes pédagogiques, plus participatives, ont également évolué dans le sens réclamé par les participants à la première session. L’INJEP souligne que les intervenants extérieurs ont aussi accepté de jouer le jeu de l’interactivité. De telles méthodes sont propices à une meilleure implication et à la responsabilisation de chacun, et favorisent la cohésion du groupe.

L’intégration d’un infirmier dans l’équipe de direction des sites est une bonne chose car elle sécurise tant les jeunes que les cadres qui, au-delà de ce qui relève, selon le terme consacré, de la « bobologie », se sont trouvés confrontés à des troubles psychiques, des comportements addictifs ou des manifestations émotionnelles qu’ils ne savent pas toujours prendre en charge.

Des efforts devront être poursuivis pour mieux coordonner les activités, limiter les temps d’attente, et donner au séjour une cohérence qui peine à ressortir puisque priorité est donnée au respect du cahier des charges. « Interrogé sur les conditions d’organisation du séjour, un peu plus d’un participant sur deux (54 %) déclare que “l’emploi du temps, l’organisation des journées” est l’un des éléments principaux à améliorer, prioritairement pour 30 % des répondants. Ce résultat est similaire au constat fait en 2019, malgré une réduction du volume horaire des plannings en 2021. » ([108])

. Une adaptation du cadre juridique

Au cours des deux premières sessions, des tensions sont apparues en raison des différences dans les régimes de travail et d’indemnité des équipes de cadres, dont certains membres se sont plaints de ne pas être fixés sur leurs conditions d’embauche avant le début du séjour. Certains avaient pris des congés, parfois obtenus très difficilement, d’autres pas… Un effort de clarification a été entrepris, même si les difficultés n’ont pas toutes été aplanies. Il y va de l’unité entre les équipes et il serait vraiment préjudiciable d’introduire des conflits entre adultes pour des raisons administratives.

L’ordonnance du 8 septembre dernier précise les conditions de recrutement et d’emploi des personnes chargées d’encadrer les volontaires du Service national universel en créant un congé spécial avec maintien du traitement pour les fonctionnaires qui souhaiteraient encadrer les jeunes volontaires.

Ordonnance n° 2021-1159 du 8 septembre 2021
relative aux conditions de recrutement et d’emploi des personnes chargées d’encadrer les volontaires du SNU

Le contrat d’engagement éducatif ([109]), qui déroge au cadre applicable en matière de repos quotidien et hebdomadaire, a été conçu pour recruter des personnels chargés de l’accueil collectif de mineurs. Toutefois, comme il s’agit d’un contrat de droit privé, il ne pouvait être utilisé pour les équipes encadrant les séjours de cohésion.

En outre, il fallait clarifier la situation des fonctionnaires. Aussi l’ordonnance crée‑t‑elle un congé spécial avec maintien du salaire, qui pourra être pris sous réserve des nécessités de service.

L’ordonnance permet également la mise à disposition de salariés de droit privé pour former les équipes d’encadrement et organiser en amont les séjours de cohésion.

Source : Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021‑1159 du 8 septembre 2021.

Il sera pris sous réserve des besoins du service et cette restriction, pour normale qu’elle soit, ne résoudra pas toutes les difficultés, notamment pour les intendants des établissements scolaires dont les activités connaissent des pics à la fin du premier semestre civil, dans le cadre de la préparation de la rentrée scolaire.

Auparavant, le décret n° 2021‑623 du 20 mai 2021 institue une indemnité d’encadrement du Service national universel fixée par arrêté du même jour.

INDEMNITÉs d’encadrement du snu

Ces deux mesures devraient simplifier la situation des personnels, limiter les tensions et éviter des retards parfois de plusieurs mois dans le versement des salaires ([110]), au risque de dissuader les candidats de retenter l’expérience. Leur fidélisation est pourtant un enjeu crucial (cf. infra).

. Des outils à disposition

Enfin, les cadres ont à leur disposition un guide du séjour de cohésion actualisé auquel ils peuvent se référer et un outil, Osmose, offrant à la fois un espace ressource et une plateforme collaborative. Son utilisation a été limitée par une information insuffisante autour de cet instrument pourtant utile, et par la qualité aléatoire des connexions internet.

b.   Des progrès restent à accomplir

Si certains dysfonctionnements, notamment ceux liés à la réforme territoriale de l’État qui s’est traduite par un plus grand éloignement entre instances de décision et une coordination plus difficile, devraient disparaître après une phase de rodage, deux points méritent une attention particulière car ils ne sont pas sans conséquence sur la suite du parcours des jeunes.

L’un des quatre objectifs affichés du SNU est de renforcer l’orientation et l’accompagnement des jeunes dans la construction de leur parcours personnel et professionnel. Or, sur ce plan, les rapports d’évaluation sont discrets quand ils ne dressent pas un constat de carence.

D’une part, le bilan de santé s’étant révélé irréalisable en 2019, il a été confié aux parents des volontaires et doit désormais être réalisé en amont.

D’autre part, se pose la question de l’accompagnement dans la définition du parcours professionnel. En 2021, « Le bilan “Compétences transversales et orientation”, qui avait pour finalité la valorisation des compétences transversales des jeunes et l’identification de leurs intérêts professionnels, incarné par l’outil DiagOriente ([111]), a en fait été peu mis en œuvre, en raison de la contrainte de l’accès à un parc informatique et/ou à une connexion internet absente ou défaillante. » Le même constat est dressé à propos de l’outil PIX, destiné à évaluer, développer et certifier ses compétences numériques, qui, depuis, a été intégré au cursus scolaire. Quant à la détection de l’illettrisme, réalisée à l’occasion de la JDC que le SNU a vocation à remplacer, le test a été effectué en 2019 mais le sujet n’est pas évoqué dans le rapport de l’INJEP sur la session 2021.

Il faudrait tirer les conséquences de tels constats et poser les questions sous‑jacentes. Le séjour de cohésion est‑il le cadre adapté à la détection des difficultés individuelles des jeunes ? Ne faudrait‑il pas plutôt intervenir plus précocement, au sein du système scolaire ? Cette interrogation vaut également pour l’aide à l’orientation professionnelle.

Le déploiement du Service national universel a été bousculé par la pandémie de Covid‑19, qui a accentué la fracture entre ses deux phases obligatoires : le séjour de cohésion et la mission d’intérêt général (MIG). Le retour à une situation plus habituelle doit être l’occasion de mieux les arrimer l’un à l’autre d’autant qu’aucune modification notable n’apparaît, s’agissant de l’engagement, entre l’avant et l’après du séjour de cohésion : autour de 30 % des volontaires étaient motivés par une envie de mieux s’informer et la même proportion citent la découverte de l’engagement parmi leurs activités préférées. Qui plus est, dans la note de l’INJEP consacrée aux volontaires 2021 ([112]), 16 % des jeunes ([113]) ne sont pas enthousiastes à l’idée d’effectuer leur MIG, un pourcentage que Mme Marlène Giol, chercheuse à l’institut Thomas More, a rapproché des 40 % des 18‑30 ans qui se disent prêts à devenir bénévoles dans une association. Elle considère qu’un meilleur ancrage à leur territoire permettrait mieux aux bonnes volontés de trouver où s’employer. L’évaluation de l’INJEP enfonce le clou : « Les programmes constitués offrent finalement assez peu d’opportunités pour les faire avancer dans leur réflexion, sauf pour les jeunes qui s’orientent vers une MIG dans les corps en uniforme. » ([114]) Encore ce jugement est‑il à nuancer puisque, parmi ceux qui avaient achevé leur MIG, 43 % l’avaient trouvée tout seul.

La SDSNU entend faciliter l’accès aux MIG des apprentis et mieux intégrer les engagements effectifs des jeunes qui ne sont pas reconnus comme tels.

Le bilan des missions d’intérêt général

Sur les volontaires de 2019 (dont l’effectif était légèrement inférieur à 2 000), la moitié avaient effectué leur MIG et 42 % l’avaient terminée.

Ils étaient majoritairement satisfaits de leur expérience qui, pour la plupart d’entre eux (44 %), s’est déroulée dans les corps en uniforme, un pourcentage plus élevé que ceux qui ne l’ont pas achevée ou commencée, augurant d’une forme de rééquilibrage au profit des associations.

51 % ont effectué leur mission de façon perlée, et 42 % de manière continue, le reliquat correspondant à des jeunes effectuant leur mission de manière autonome, en travaillant eux‑mêmes ou avec d’autres jeunes à créer un projet d’intérêt général. 93 % ont obtenu la mission qu’ils souhaitaient et 43 % ont trouvé eux‑mêmes leur mission qu’ils ont proposée aux équipes du SNU.

Les domaines dans lesquels la proportion de jeunes ayant obtenu une mission correspondant à ce qu’ils avaient demandé est la plus élevée sont l’armée (89 %), les pompiers (80 %), les clubs sportifs (66 %) ainsi que la police et la gendarmerie (61 %). Lors du séjour de cohésion, 63 % des volontaires souhaitaient faire leur mission dans le domaine de la défense et de la sécurité et 42 % dans le sport (plusieurs réponses étaient possibles). Cela signifie aussi que des demandes n’ont pu être satisfaites.

58 % se déclarent très satisfaits et 38 % plutôt satisfaits, soit un total de 96 %. Là encore, les volontaires sont plus satisfaits au sein de l’armée, des pompiers, de la police ou de la gendarmerie. Le contenu a plu, avec quelques bémols sur la période pendant laquelle la mission s’est déroulée.

Dans les corps en uniforme, la mission a été surtout une mission d’observation et d’apprentissage tandis qu’ailleurs, l’action et l’assistance prenaient le pas.

Rôle des jeunes dans leur mission d’intérêt général

Les questionnaires révèlent deux façons différentes d’envisager le SNU : comme une préparation à l’insertion professionnelle s’inscrivant dans un parcours défini, et qui correspond davantage à ceux qui effectuent leur stage dans un corps dont ils espèrent exercer le métier – il ne s’agit pas à proprement parler d’un « service rendu à la nation », à moins d’un engagement ultérieur –, et un engagement bénévole dans le monde associatif.

Source : INJEP, Analyses & synthèses n° 41, novembre 2020.

4.   Une universalisation problématique

Le SNU emporte l’adhésion des volontaires, en particulier de ceux qui ont effectué leur séjour de cohésion et dont les trois quarts estiment qu’un SNU obligatoire serait utile à la société. Les moins jeunes y voient la mise en œuvre de pédagogies différentes de celles de l’Éducation nationale, à même de séduire des profils moins scolaires qui n’y ont que peu accès, et un temps de rencontre au cours duquel s’opérerait un brassage culturel, entre riches et pauvres, entre urbains et ruraux, entre bons et moins bons élèves, qui fait défaut à la société française actuelle. Ces arguments incontestables pèseront-ils suffisamment lourd face aux obstacles réels qui ne manqueront pas de se dresser en cas de généralisation ?

a.   Un changement d’échelle

Généralisé, le SNU s’adresserait non plus à 15 000 jeunes, ni même à 50 000, mais à 800 000 environ.

Au risque de rappeler une évidence, la généralisation du SNU impliquerait de vaincre les réticences des personnes convoquées par une contrainte légale. Or, comme l’a relevé la Cour, l’assise juridique du SNU n’est pas très solide. Son analyse est toujours valide même si, depuis, le séjour de cohésion du Service national universel a été introduit dans la partie législative ([115]) du code du service national ([116]) et dans le statut de la fonction publique du fait de l’introduction d’un congé avec traitement pour les fonctionnaires au titre de la préparation et de l’encadrement des séjours de cohésion. Surtout, la contrainte de mineurs est une atteinte aux libertés publiques et l’imposer passerait par une révision constitutionnelle. Elle a été engagée mais elle n’a pas abouti.

La généralisation du SNU modifierait en profondeur le public auquel il s’est adressé jusqu’à présent, ce que n’ont pas manqué de relever les cadres. La conséquence logique serait de prévoir en amont les sanctions qui seraient applicables aux jeunes qui feraient défection, soit 20 % des inscrits au séjour de cohésion en 2021, une proportion sans doute gonflée par le contexte sanitaire.

Pendant le séjour, ensuite. Malgré un public volontaire, les cadres ont eu à gérer des problèmes de discipline. Le rapport sur la session 2019 expliquait que le règlement intérieur commun, qui envisageait trois types de sanction – avertissement, punition et exclusion – devrait être revu si le SNU devenait obligatoire pour tenir compte des comportements visant à obtenir l’exclusion. En 2021, les exclusions ont été très peu nombreuses et les conseils de discipline d’autant plus rares que les équipes ont cherché à les éviter.

Source : INJEP, INJEPR/2022-02, janvier 2022.

Enfin, un SNU obligatoire ferait de la France une « exception » ([117]) en Europe, dont les États membres proposent tous des services civiques volontaires, souvent au-delà de l’âge de la scolarité obligatoire. Le service militaire obligatoire subsiste quant à lui dans six pays : l’Autriche, la Finlande, la Suède, l’Estonie, la Lituanie et la Grèce.

Les mêmes questions se posent à propos des jeunes en situation de handicap (4 % se sont déclarés tels en 2021) ou, situation plus courante, présentant des troubles psychologiques ou souffrant d’addictions. Un accueil obligatoire revient à un accueil inconditionnel qui implique un aménagement des locaux, des cadres spécialisés et sans doute plus nombreux pour une prise en charge adaptée. Un accompagnement individualisé est tout à fait souhaitable. Bien que jugé insuffisant par les cadres, il a été possible jusqu’à présent de façon à éviter abandons et exclusions, et à prendre en charge au mieux la détresse des jeunes. En effet, il met les jeunes en confiance et permet de prendre acte des souffrances exprimées à l’occasion de groupes de parole. D’ores et déjà, le besoin de soutien psychologique s’est exprimé de façon répétée. Aussi serait‑il nécessaire de l’organiser dès à présent et de le prévoir dans la phase de généralisation. Toutefois, la question se pose de savoir si le changement d’échelle est compatible avec une attitude aussi compréhensive et bienveillante.

b.   Le défi de l’encadrement

La généralisation concernerait ensuite les équipes d’encadrement. Même réduit d’un cadre pour cinq jeunes en 2019 à un pour six en 2021, le taux d’encadrement demeure très élevé et il risquerait d’augmenter de nouveau. Au bas mot, il faudrait 100 000 « séjours-cadres » pour accompagner les jeunes.

La DJEPVA et la SDSNU ont naturellement bien identifié ce goulet d’étranglement et placent la fidélisation du personnel parmi leurs toutes premières priorités car elle est la condition sine qua non de l’extension du SNU. Or, sur ce plan, les sources d’inquiétude ne manquent pas.

La Cour a ainsi relevé la faiblesse des effectifs de la sous‑direction chargée de la mise en œuvre du SNU, seize postes qui n’étaient pas tous pourvus début janvier, même s’ils seront confortés par le recrutement dans le courant de l’année de 80 chefs de projet inscrit dans la loi de finances pour 2022.

Si l’on descend plus bas dans l’organigramme, l’INJEP a souligné avec insistance la très forte implication des personnels à toutes les étapes de la préparation : au niveau des équipes projets pour concevoir les programmes, dont de nombreux membres ont effectué ce travail en plus de leurs tâches habituelles, ainsi que des cadres de direction des centres et même de l’ensemble des équipes. L’Institut rappelle qu’il ne sera pas possible de renouveler un tel surinvestissement obtenu par une grande adhésion au projet et un attrait pour la nouveauté.

De fait, entre 2019 et 2021, les équipes de direction des centres n’affichent pas le même pedigree. Alors que les réservistes s’étaient fortement mobilisés pour la première mouture du SNU, suppléant des professionnels de l’éducation nationale ou de l’éducation populaire plus en retrait, ils étaient proportionnellement moins nombreux l’année dernière, en raison d’une moindre implication des armées dans le dispositif. Ce transfert est en un sens rassurant dans la mesure où l’on a redouté un temps que la circonspection, si ce n’est l’hostilité, des personnels de l’éducation nationale et de l’éducation populaire, ne compromette la montée en puissance du SNU, mais leur arrivée pourrait aussi en modifier la nature. Le SNU comporte une dimension patriotique revendiquée, familière aux militaires, beaucoup moins aux autres. La DJEPVA, qui se réjouit des aspects incontestablement très positifs de l’acculturation de trois univers pédagogiques différents, assure que l’attitude des associations de terrain tranche avec celle des têtes de réseau associatif, mais il serait souhaitable de maintenir un équilibre entre les trois cultures qui ont porté le SNU sur les fonts baptismaux.

Enfin, il ne faut pas oublier dans cette revue les postes à pourvoir par des professionnels de santé dont la présence sera d’autant plus nécessaire avec la généralisation, et qui ont été pourvus si difficilement malgré une dimension plus modeste.

Comme l’écrit la Cour, l’encadrement pourrait être un poste d’économies. Les rapporteurs mettent en garde contre une approche trop strictement budgétaire car la qualité et l’implication des cadres sont un facteur clef de la réussite du SNU. Manquer le séjour de cohésion pourrait conduire à écarter les jeunes encore davantage des institutions.

c.   La concurrence entre les dispositifs

Le SNU arrive dans un paysage déjà fourni et il est important de tenir compte de l’existant, et pas seulement sur le plan financier. De fait, au moment où le service civique doit, lui aussi, changer de dimension, puisque le Président de la République a fixé pour objectif à l’ASC de passer de 150 000 volontaires à 250 000 en deux ans, la SDSNU et ses équipes devront trouver 800 000 missions d’intérêt général.

d.   Le coût

Autant l’évaluation du dispositif a été largement calibrée, autant le flou règne pour ce qui est du coût dont les estimations varient du simple (environ 1 500 euros initialement annoncés) au triple : la Cour des comptes avance le chiffre de 4 218 euros, provenant d’un rapport de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) qui n’a pas été communiqué aux rapporteurs, et qui porterait le coût total à 3,4 milliards par an pour une génération de 800 000 jeunes. Les projections initiales n’avaient pas tenu compte du coût de mise à disposition des locaux qui n’avait pas été facturée la première année ; les uniformes non plus n’avaient pas été budgétés convenablement. La Cour ajoute qu’il est possible de jouer sur certains paramètres comme le taux d’encadrement, la qualité des cadres, la nature des activités et surtout la durée des séjours. Ce dernier paramètre doit être considéré avec prudence car la cohésion ne s’obtient pas instantanément et suppose une durée minimale, à moins de faire du SNU l’ombre de son ambition et de lui faire rater son objectif.

Ce montant est sans commune mesure avec la dotation budgétaire qui apparaît au programme 163 de la mission « Jeunesse et sports » portée à 100 millions d’euros en 2022 dans la perspective d’un séjour de cohésion sociale de 50 000 volontaires, et qui représente un plafond si l’on s’en tient au volontariat, tablant donc sur un coût unitaire de 2 000 euros.

La Cour relève à juste titre que « l’incertitude sur le coût du dispositif et sur son financement nourrit les craintes d’un effet d’éviction sur d’autres dépenses publiques (formation, éducation, défense, aide au secteur associatif), qui peut expliquer la frilosité de certains partenaires pour participer au SNU ».

E.   LES CONSEILS DE JEUNES (CEJ)

Parmi les outils à la disposition des institutions, il en est un qui, souvent silencieusement, a connu une progression rapide, c’est celui des conseils d’enfants et de jeunes qui se sont mis en place au niveau local. Ces instances ont été officialisées par l’article 55 de la loi n° 2017‑86 relative à l’égalité et à la citoyenneté qui introduit un article L. 1112‑23 dans le code général des collectivités. Leur création relève d’une décision de l’organe délibérant de la collectivité et elles sont destinées à « émettre un avis sur les décisions » de la collectivité et à « formuler des propositions d’actions ». Les membres doivent être âgés de moins de trente ans, y résider ou y poursuivre leur scolarité. Ils s’initient ainsi progressivement à la pratique de la démocratie : la justification de la représentation, la décision et le devoir de rendre compte. Tocqueville considérait que la citoyenneté s’apprenait en s’exerçant. Les conseils de jeunes en sont l’illustration.

1.   Vue d’ensemble

Le travail de recensement des instances de représentation des jeunes au niveau local a été entrepris par l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ), créée en 1991. Elle dénombrait déjà 782 conseils d’enfants et de jeunes parmi ses rangs en 1995, et 50 % des conseils de jeunes communaux recensés ont été créés après 2012. L’enquête de l’INJEP ([118]), publiée en avril 2021, a ainsi permis de recenser 1 486 conseils de jeunes (1 454 au niveau communal, 23 pour les départements et 9 pour les régions). Il en ressort que les communes les moins peuplées créent moins souvent des CEJ, vraisemblablement parce qu’elles sont généralement plus âgées. La majorité des départements et des régions ont créé un CEJ. L’INJEP n’a en revanche pas inclus dans son champ d’étude les ÉPCI et ne dispose donc pas d’informations sur d’éventuels CEJ rattachés à ces établissements ([119]).

EXISTENCE D’UN OU PLUSIEURS CONSEILS DE JEUNES PAR TERRITOIRE

Lecture : 26 % des communes ont actuellement un conseil de jeunes.

Source : Enquête Conseils de jeunes dans les collectivités 2018.

Si l’absence de conseils de jeunes est souvent justifiée par les collectivités interrogées par l’insuffisance de moyens humains ou de savoir-faire particulier, on peut en revanche relever que les motivations poussant les collectivités à créer des conseils de jeunes sont variées. Toutefois, dans la moitié des cas, l’objectif déclaré est d’initier les jeunes à la vie citoyenne.

LES RAISONS DE LA MISE EN PLACE D’UN CONSEIL DE JEUNES

Champ : répondants à l’enquête, niveau communal.

Lecture : 50 % des conseils de jeunes ont été mis en place pour permettre aux jeunes de faire un apprentissage de la vie citoyenne.

Source : Enquête Conseils de jeunes dans les collectivités 2018.

En ce qui concerne la composition et les modalités de nomination aux conseils, l’INJEP constate que les conseils d’enfants et de jeunes sont constitués en moyenne de 17 jeunes. Il existe plusieurs modes de désignation : l’élection, le tirage au sort, voire le simple volontariat, pourvu que la parité soit respectée. Les modalités de fonctionnement des conseils de jeunes (durée de mandat, domaine d’activité, indépendance vis‑à‑vis des élus…) se caractérisent également par leur grande variété. Il est à noter que leur domaine de compétence porte « notamment » sur la politique de jeunesse, et pas exclusivement.

MODALITÉS DE FONCTIONNEMENT DES CONSEILS DE JEUNES COMMUNAUX

Champ : répondants à l’enquête, niveau communal.

Lecture : 25 % des conseils communaux de jeunes ont une durée de mandat de moins d’un an.

Source : Enquête Conseils de jeunes dans les collectivités 2018.

Tous les conseils communaux de jeunes ne disposent pas nécessairement d’un budget : seuls 61 % en sont dotés. Ce budget était en moyenne de 3 200 euros en 2017 pour les communes. En revanche, tous les conseils départementaux et régionaux de jeunes disposent de budgets. Une telle prérogative est appréciée des jeunes conseillers qui y voient une marque de confiance et la preuve de leurs responsabilités. Enfin, les jeunes élus sont généralement encadrés par les élus eux‑mêmes, par des techniciens ou par des personnels scolaires.

2.   Un bilan en demi‑teinte pour les conseils d’enfants et de jeunes (CEJ)

a.   Des collectivités territoriales satisfaites

Les collectivités s’estiment généralement satisfaites du fonctionnement de leur(s) CEJ. De surcroît, bien que les conseils de jeunes soient facultatifs, ils peuvent parfois impulser un changement de décision au niveau du conseil municipal, aussi bien dans les petites que dans les grandes communes.

b.   La « forte homogénéité des profils » des jeunes conseillers, souvent engagés précédemment

Alors que l’échantillon de conseillers interrogés par l’INJEP était composé d’autant de filles que de garçons, son analyse sociologique est beaucoup plus uniforme. Ainsi, 79 % des jeunes sont en scolarité ou en formation (très majoritairement dans les filières générales, à l’université ou en classe préparatoire), 18 % travaillent et 3 % sont au chômage. En ce qui concerne leur origine familiale, plus de la moitié d’entre eux ont des parents diplômés du supérieur (56 % pour le père et 52 % pour la mère) ; les jeunes conseillers viennent donc en moyenne de familles disposant d’un capital culturel plus élevé que la moyenne.

Comme le montre le tableau ci‑dessous, l’implication au sein d’un CEJ s’inscrit de façon générale dans un parcours d’engagement antérieur : rares sont les conseillers dont c’est là la première expérience d’engagement. Ainsi, presque tous sont ou ont été délégués au sein de leur établissement scolaire et ils ont souvent déjà fait partie d’associations d’aides aux personnes (Restos du cœur, cours de langue pour les réfugiés, association étudiante, aide aux devoirs pour les enfants, etc.). Ce cheminement a été confirmé aux rapporteurs par M. Marwan Chamakhi, adjoint au maire de Goussainville, pour qui l’engagement associatif mène à l’engagement citoyen.

LES PREMIÈRES FORMES D’ENGAGEMENT PENDANT LA SCOLARITÉ

Champ : répondant·e·s à l’enquête.

Lecture : au niveau communal, 75 % des jeunes qui ont participé ou participent à un conseil de jeunes ont été ou sont délégués de classe ; ils sont 82 % dans ce cas au niveau départemental et 75 % au niveau régional.

Source : Enquête Jeunes conseiller·ère·s, 2019.

Le graphique ci‑après suggère enfin une certaine disparité des motifs en fonction du sexe, tout particulièrement en ce qui concerne le désir de faire de la politique ou de rencontrer des élus par le truchement du CEJ. Le désir d’apprendre des choses nouvelles, la curiosité et l’envie de s’engager constituent cependant le triptyque des motivations majeures.

MOTIVATIONS À S’ENGAGER DANS UN CONSEIL DE JEUNES

Champ : répondants à l’enquête.

Lecture : l’envie de s’engager constitue une raison pour 91 % des femmes et 94 % des hommes qui ont participé ou participent à un conseil de jeunes.

Source : Enquête Jeunes conseiller·ère·s, 2019.

c.   Une expérience utile pour les jeunes conseillers

80 % des conseillers estiment avoir acquis des compétences importantes au cours de leur mandat, et ce dans des domaines très variés, comme le suggère le tableau ci‑après. L’acquisition de ces compétences semble dépendre des expériences concrètes au jour le jour, dans la mesure où seuls 27 % des jeunes enquêtés déclarent avoir bénéficié d’une ou de plusieurs formations dans le cadre de leur mandat. En revanche, la participation à un conseil de jeunes ne semble pas spécialement influencer l’orientation scolaire ou le projet professionnel des jeunes.

Tous les jeunes conseillers entendus par les rapporteurs ont souligné combien il leur était difficile de concilier leur parcours académique avec leurs obligations citoyennes. De fait, l’article L. 611‑11 du code de l’éducation qui énumère les motifs d’aménagement des études supérieurs liés à des responsabilités particulières ne mentionne pas la participation à un conseil de jeunes. Ce manque est tout à fait regrettable car l’engagement citoyen doit être encouragé par les institutions.

Les conseillers affirment que leur expérience constitue un atout valorisant leur parcours, figurant souvent dans leur CV, et susceptible de les aider à obtenir une formation sur Parcoursup, un stage ou un emploi. En revanche, « aucun des conseillers […] n’a mentionné l’existence d’une certification des compétences acquises grâce à cette expérience, ce qui soulève de façon plus globale la question du mode de reconnaissance de ces compétences par les institutions publiques qui accueillent ces conseils ».

INDICATEURS D’UTILITÉ ET D’ACQUISITION DE COMPÉTENCES

Champ : répondant·e·s à l’enquête.

Lecture : 83 % des jeunes qui ont participé ou participent à un conseil de jeunes le trouvent utile.

Source : Enquête Jeunes conseiller·ère·s, 2019.

De même, les jeunes conseillers ont souvent envie de poursuivre leur engagement au‑delà du CEJ. Une fois de plus, l’engagement associatif et les mobilisations ponctuelles rassemblent une large majorité des jeunes conseillers tandis que 70 % entendent rester à l’écart des partis politiques.

LES FORMES D’ENGAGEMENT
SUSCITÉES PAR LA PARTICIPATION À UN CONSEIL DE JEUNES

Champ : répondant·e·s à l’enquête.

Lecture : 58 % des jeunes qui ont participé ou participent à un conseil de jeunes sont engagés activement dans une association. 34 % ne le sont pas et 8 % ne se prononcent pas.

Source : Enquête Jeunes conseiller·ère·s, 2019.

3.   Limites des conseils d’enfants et de jeunes : des dispositifs perfectibles

a.   Une marge de manœuvre limitée des conseillers jeunes qui redoutent l’instrumentalisation

Les conseillers font état de sentiments mitigés en ce qui concerne l’utilité de leur mandat : la question de l’utilité de leur mandat à l’égard des jeunes qu’ils représentent est ainsi corrélée à celle de leur propre autonomie. Certains conseils s’avèrent bridés dans leurs marges de propositions, et voient leurs travaux largement orientés par la collectivité territoriale, qui leur impose des thématiques de travail prédéfinies, dans une logique verticale peu en phase avec la volonté d’autonomie des conseillers. Le CEJ peut dès lors apparaître comme une simple « vitrine » pour, la collectivité, terme employé à plusieurs reprises.

Cependant, au sein d’autres CEJ, l’organisation en mode projet tend d’autre part à favoriser une autonomie plus ou moins étendue des conseils de jeunes. Les jeunes élus choisissent ainsi leur commission thématique de rattachement, au sein de laquelle ils élaborent des projets. Dans tous les cas, les jeunes sont bien conscients que le pouvoir décisionnel final ne leur appartient pas et revient entièrement aux instances élues.

b.   Un lien au politique distendu et ambigu

Les échanges entre jeunes conseillers et élus sont loin d’être systématiques puisque plus du tiers des sondés déclarent n’avoir jamais d’échanges avec les élus, ou rarement (25 %), soit un total de 61 %. Les conseils peuvent être rattachés tantôt à un élu, tantôt à un service technique, mais les pratiques diffèrent cependant en fonction des spécificités locales.

ÉCHANGE AVEC DES ÉLUS PENDANT LE MANDAT

Champ : répondant·e·s à l’enquête.

Lecture : 1 % des jeunes qui ont participé ou participent à un conseil de jeunes ont déclaré avoir eu très souvent des échanges avec des élus, 3 % en ont eu souvent et 11 % parfois.

Source : Enquête Jeunes conseiller.ère·s, 2019.

Les jeunes conseillers réunis par les rapporteurs ont insisté sur l’importance décisive des élus qui les pilotent. Leur expérience leur a montré que tout est affaire de personnes et qu’il suffit qu’un élu s’intéresse à eux et aux causes qui leur tiennent à cœur pour insuffler un élan positif.

Enfin, l’expression politique des jeunes semble constituer l’un des écueils du dispositif : en effet, « près de la moitié des jeunes dans l’enquête affirment qu’ils ont rarement ou jamais pu donner leur avis politique durant leur mandat : 48 % pour les jeunes au niveau communal, 61 % au niveau départemental, et 47 % au niveau régional. 17 % des jeunes affirment en revanche qu’ils ont pu très souvent donner leur opinion politique ». L’engagement politique paraît paradoxalement indésirable dans certains conseils, dans la mesure où l’exercice de responsabilités dans une organisation politique ou syndicale peut être un motif d’exclusion du mandat de jeune conseiller.

En tout état de cause, M. François Garay, le maire des Mureaux, et de jeunes conseillers ont insisté sur l’importance d’une démarche sincère à l’égard des jeunes. Ils ne reçoivent pas l’onction du suffrage universel mais il est très important que les responsabilités soient clairement définies d’emblée et respectées à moins de susciter amertume et rejet. Le remède de la participation à la délibération collective se révélerait alors pire que le mal que représente le désintérêt pour la démocratie institutionnalisée.

Proposition n° 1 :

Étendre les dérogations (aménagements d’horaire, crédits d’enseignement…) prévues à l’article L. 611‑1 du code de l’éducation aux sujétions liées à la participation aux conseils de jeunes des collectivités territoriales.


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III.   ACCENTUER LA DIMENSION CIVIQUE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET REDÉFINIR LE RÔLE DE L’ÉTAT

Au terme d’un état des lieux de l’attitude de la jeunesse française à l’égard de la citoyenneté et de l’action des pouvoirs publics, il apparaît que le problème n’est pas tant l’engagement des jeunes que leur défiance à l’égard des institutions ainsi que leur adhésion relative au concept de communauté nationale.

Si l’on en croit Ernest Renan qui fait toujours autorité sur la question, l’important consiste donc à rassembler « une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur » pour créer « une conscience morale qui s’appelle une nation ». L’immersion dans le creuset national doit intervenir plus tôt pour aider à une prise de conscience de ce qui nous rassemble, c’est-à-dire les valeurs de la République dont l’école peine à transmettre l’attachement (A). Au‑delà du cadre scolaire, les élans altruistes de la jeunesse méritent d’être encouragés en rendant les formes d’engagement existantes plus accessibles et en facilitant la reconnaissance du service rendu (B). Enfin, l’État doit créer les conditions d’un pilotage effectif d’une politique aussi déterminante pour l’avenir de notre pays, avec la désignation d’un chef de file et une supervision plus rigoureuse de ses acteurs non étatiques (C).

A.   LES VALEURS DE LA RÉPUBLIQUE COMME FIL CONDUCTEUR DE LA FORMATION À LA CITOYENNETÉ

Les récentes innovations technologiques, dont les jeunes sont très tôt friands, sont aussi un facteur de fragmentation de la société. Comme le rappelle par exemple un avis du Conseil supérieur des programmes ([120]), « Au cours de la dernière décennie, diverses expressions communautaires et leurs dérives effectives et potentielles ont marqué la vie sociale et politique du pays. L’émergence rapide de nombreux moyens d’échanger des contenus en temps réel et à l’échelle du monde, rendue possible par les réseaux sociaux numériques et leurs nouvelles formes d’information et de communication, a multiplié les communautés d’idées, d’opinions et d’intérêts. Ces communautés se caractérisent par un appauvrissement de la teneur des idées qu’elles promeuvent et du pluralisme des sources d’information sur lesquelles elles s’appuient. La liberté d’expression, fondement de notre démocratie, est mise à mal et parfois même niée. » Les ennemis de la démocratie exploitent ainsi les nouvelles technologies, souvent aux mains d’individus brillants mais peu soucieux de préserver les institutions démocratiques des pays qui les ont vu naître, pour accroître leur emprise. Elle s’étend d’autant plus facilement que les réseaux sociaux sont fréquentés surtout par des jeunes, plus crédules par définition, et que l’imaginaire national est laissé en jachère. Pourtant, c’est à cet échelon que s’organise la démocratie : le débat, le choix de ses représentants par l’élection, le vote de la loi applicable sur un territoire délimité, la mise en place de contre-pouvoirs.

Ainsi, les rapporteurs s’inquiètent du regard désabusé que porte la jeunesse sur les principes fondamentaux qui fondent notre société depuis 1789 : son intérêt pour la démocratie se délite d’année en année ; sa confiance envers les institutions et les partis politiques est des plus réduites ; quand elle vote, elle vote majoritairement en faveur de candidats situés aux extrêmes de l’échiquier, une partie significative d’entre elle excuse la violence. Autant de symptômes alarmants. Pourtant, ce désintérêt, voire cette méfiance, cohabite avec une aspiration au débat, maintes fois répétée. Comment est‑il possible de vouloir débattre sans un minimum d’adhésion à la démocratie ? De ce paradoxe, les rapporteurs déduisent qu’il faut apprendre aux jeunes le lien entre les principes qui fondent la société d’individus libres dans laquelle ils vivent, autrement dit les valeurs de la République, et leur appétit presque insatiable pour la discussion. Cet apprentissage doit être fait à le plus en amont possible, c’est‑à‑dire à l’école, mais sous des formes différentes de ce qui se fait actuellement pour l’EMC.

1.   Le socle des valeurs de la République

Même si les études internationales peinent à en mesurer l’impact sur les comportements et attitudes politiques et civiques, les effets de l’éducation à la citoyenneté sont importants sur le degré de connaissances et d’information civique des élèves et variables selon ses modalités. Pour Mme Géraldine Bozec ([121]), « les recherches récentes ont plutôt tendu (…) à souligner l’impact important de l’éducation à la citoyenneté sur les connaissances, attitudes et comportements civiques des élèves. Dans le même temps, certaines enquêtes, récentes ou plus anciennes, ont mis à jour des résultats relativement inattendus, tels que l’absence possible de lien entre le degré de connaissances civiques des élèves, d’une part, leur intérêt pour la politique, leur participation et leur engagement civiques, d’autre part. (…) Les enquêtes sur l’éducation à la citoyenneté ont aussi permis de mettre en évidence les éléments les plus décisifs ayant un impact sur les connaissances, attitudes et comportements civiques des élèves : la discussion en classe sur des sujets politiques et sociaux, les programmes d’enseignement articulant apports de connaissances (notamment via l’usage des nouvelles technologies numériques), débats, et implication des élèves dans des réalisations et des projets divers liés aux thématiques étudiées en cours. » Ainsi, selon la chercheuse, les connaissances ne suffiraient pas à faire un bon citoyen – et c’est heureux – d’une part ; d’autre part, les méthodes pédagogiques ont un impact sur l’appropriation des enseignements et le comportement des élèves.

Avant d’aller plus loin, il est important de souligner que la pédagogie du débat exige de ses participants de maîtriser la langue française, orale mais aussi écrite, premier symbole de la République cité par le Conseil des sages de la laïcité ([122]), mais le plus récent, puisqu’il a été introduit à l’article 2 de la Constitution par une révision datant de 1992, qui fait du français la langue de la République. Or, cette compétence reste encore problématique pour nombre d’élèves, comme le relevait Mme Andrée Sfeir, présidente de l’association Éveil. Cette impression est étayée par les résultats du test de français réalisé lors de la JDC.

Les résultats du test de français de la JDC 2019

Les tests ont permis d’identifier, parmi 496 000 jeunes* :

– 5,3 % d’illettrés : ils manquent de vocabulaire et déchiffrent difficilement le langage écrit ;

– 6,5 % de lecteurs aux acquis fragiles : malgré des connaissances lexicales correctes, ils comprennent mal ce qu’ils lisent ;

– 10,9 % de lecteurs médiocres : ils arrivent à compenser leurs lacunes (vocabulaire limité, déchiffrage lent) pour parvenir à une compréhension minimale des textes ;

– 77,3 % de lecteurs efficaces : ils possèdent des bases solides leur permettant de maîtriser la diversité des écrits.

Part de jeunes en difficulté de lecture selon le type de scolarité et le sexe

(en %)

Ainsi, près de la moitié des élèves de collège connaissent de sérieuses difficultés de lecture.


Pourcentage de jeunes en difficulté de lecture selon le département

Source : DEPP, Note d’information n° 20-20, juin 2020.

Si la carte ci‑dessus permet de localiser les départements où l’illettrisme est le plus répandu, elle masque quelque peu l’intensité du phénomène particulièrement accentué dans les départements d’outre-mer : 73 % à Mayotte, 55 % en Guyane, près de 30 % à la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion ; tandis qu’en France métropolitaine, la part des jeunes en difficulté de lecture est élevée dans les départements picards (17,9 % dans l’Aisne, 15,9 % dans la Somme, 15,2 % dans l’Oise) ou franciliens (en ÎledeFrance, elle varie de 5,8 % à Paris à 14,6 % en SeineSaintDenis).

* À la suite d’un changement de test en septembre 2019, l’étude ne porte que sur un peu plus de la moitié des candidats.

Source : DSNJ.

2.   Renforcer la formation des enseignants

Les rapporteurs ont souligné plus haut l’importance de la question de la formation des enseignants, tant sur le fond, les valeurs de la République, que sur la forme.

Le sujet est revenu à l’ordre du jour après que le ministre a annoncé avoir fait siennes l’essentiel des recommandations du rapport Obin qui préconisait notamment, dès la rentrée 2021, la formation, renforcée et intensive, de mille formateurs sur l’ensemble du territoire national chargés ensuite d’un plan quadriennal de formation à la laïcité et aux valeurs de la République pour tous les personnels de chaque école, collège et lycée. Le site du ministère précise qu’une centaine d’entre eux, volontaires, pourront en outre suivre une formation en vue d’un diplôme universitaire, à l’instar de celui que propose la Sorbonne, destiné à former des « référents laïcité » dans divers milieux professionnels, et que des modules de formation spécifiques seront dans le même temps déployés au profit des différentes catégories d’acteurs (personnels de direction, inspecteurs, CPE, etc.). Un référentiel commun de compétences ([123]) et de contenus pour la formation à la laïcité et aux valeurs de la République des enseignants et des CPE a été publié à l’intention des enseignants en formation continue, ainsi de que des étudiants en formation initiale.

En complément de ce premier volet, des changements sont apportés au niveau du recrutement et de la formation initiale des enseignants : une épreuve d’admission sera désormais prévue dans le concours de recrutement des professeurs certifiés qui portera notamment sur la connaissance de la laïcité et des valeurs de la République et leur transmission aux élèves. Aux termes de l’arrêté du 25 janvier 2021, le concours comporte désormais une épreuve orale d’entretien avec le jury portant sur « la motivation du candidat et son aptitude à se projeter dans le métier de professeur au sein du service public de l’éducation ». Il est notamment précisé que « La deuxième partie de l’épreuve, d’une durée de vingt minutes, doit permettre au jury, au travers de deux mises en situation professionnelle, l’une d’enseignement, la seconde en lien avec la vie scolaire, d’apprécier l’aptitude du candidat à s’approprier les valeurs de la République, dont la laïcité, et les exigences du service public (droits et obligations du fonctionnaire dont la neutralité, lutte contre les discriminations et stéréotypes, promotion de l’égalité, notamment entre les filles et les garçons, etc.) ; faire connaître et faire partager ces valeurs et exigences. » ([124]) Le concours de professeur des écoles comporte la même épreuve ([125]). En revanche, la consultation des sites de quelques académies laisse penser que cette exigence ne semble pas avoir encore été prise en compte en ce qui concerne le recrutement des professeurs contractuels, décentralisé au niveau des rectorats. Chaque rectorat fixe ses conditions de recrutement. Sont constantes l’exigence d’un diplôme de licence, la présentation d’une lettre de motivation et d’un CV, mais certaines académies demandent en outre qui un extrait de casier judiciaire vierge, qui l’absence d’inscription au FIJAISV ([126]) et au FIJAIT ([127]), qui une déclaration sur l’honneur, etc.

Des éléments ont été donnés aux INSPÉ pour faciliter la préparation des candidats et apporter un appui au personnel éducatif. À cet effet, un travail bibliographique a aussi été confié au Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République et à l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) pour l’élaboration de deux ouvrages destinés aux candidats : d’une part, une anthologie de textes de références sur la laïcité et les valeurs de la République ([128]) ; d’autre part, un volume précisant, par ensemble de disciplines, les modalités pédagogiques favorisant l’enseignement de ces valeurs et principes ([129]). Ces ouvrages viennent compléter le Vademecum de la laïcité, dont la quatrième édition est sortie en décembre 2021.

Pour intéressantes que soient ces mesures qu’il convient de saluer, certains experts, tel M. Iannis Roder, estiment que le retard est tel que la formation convenable de l’ensemble des personnels prendra des années. Aux yeux des rapporteurs, il ne peut s’agir que d’un minimum, compte notamment tenu de l’ampleur qu’ont prises ces dernières années les problématiques autour de la laïcité.

Ces constatations impliquent de renforcer très sensiblement la formation des enseignants, non seulement aux valeurs de la République mais à la technique du débat. Les rapporteurs ont eu l’occasion d’entendre des positions différentes entre les tenants de l’école sanctuarisée et ceux plaidant pour une école plus ouverte sur la société. Sans porter atteinte à la liberté pédagogique des enseignants, il est important, puisque la pédagogie du débat a fait ses preuves, d’armer les professeurs non seulement de connaissances – la formation aux valeurs de la République est destinée à pallier les manques en ce domaine – mais aussi de techniques pour qu’ils se sentent plus sereins et soient moins tentés d’esquiver les sujets controversés. À cet égard, force est de remarquer que ces techniques ne doivent pas être l’apanage des enseignants d’histoire-géographie ou de philosophie.

3.   Pour l’institution d’une semaine scolaire de la citoyenneté

Aussi important soit-il, le renforcement de l’EMC et de l’ÉMI ne peut s’affranchir d’une réflexion sur un certain nombre d’aspects aussi différents que complémentaires dans leurs effets et qu’il convient de prendre en compte.

En premier lieu, la question du temps scolaire est évidemment à considérer. Sa lente diminution, sur la très longue durée, est une donnée importante de ce point de vue : en 1882, le temps scolaire avait été fixé par Jules Ferry à 30 heures hebdomadaires réparties du lundi au samedi, avec un repos le jeudi et des congés d’été d’environ un mois, augmentés de quinze jours en 1922, portés à dix semaines en tout à la veille de la seconde guerre mondiale. En 1969, la durée de cours hebdomadaire est passée de 30 à 27 heures, puis à 26 heures en 1990, pour être aujourd’hui fixée, depuis un décret de 2008, à 24 heures, l’année scolaire étant de 36 semaines, divisées en cinq périodes égales. Un calcul grossier permet donc de conclure que le temps scolaire est aujourd’hui globalement de 864 heures annuelles, quand il était de 1 440 heures sous la Troisième République. Les élèves ont donc un temps scolaire inférieur de 60 % à celui de leurs prédécesseurs…

Or, cette évolution s’est sans doute accompagnée d’un alourdissement continu des programmes. Pour ne mentionner que ces aspects, outre l’EMC – dont les rapporteurs ont montré plus haut la conception extensive – et l’ÉMI, l’école doit désormais également dispenser une information ou une éducation sur des thématiques aussi variées que la sexualité, l’alcool, l’égalité hommes/femmes, la prostitution, les problèmes démographiques, les dons d’organes, l’alimentation et la lutte contre le gaspillage alimentaire, la toxicomanie et les conduites addictives, l’environnement et le développement durable ([130]).

Cela étant dit, compte tenu de l’urgence de la question de l’enseignement des valeurs de la République, il paraît néanmoins indispensable de donner à l’EMC et à l’ÉMI un relief particulier, que les modalités actuelles ne permettent objectivement pas. Peut-être serait-il opportun d’envisager, sur le modèle des stages d’observation en milieu professionnel d’une semaine, obligatoires pour tous les élèves depuis 2006, l’instauration d’une semaine de la citoyenneté. Organisée chaque année autour de différents modules, entre la sixième et la troisième, cette semaine permettrait aux collégiens d’être sensibilisés aux valeurs de la République et à la citoyenneté, aux questions de défense et de sécurité, aux thématiques mémorielles et culturelles, aux droits et devoirs des citoyens, à la promotion de l’engagement, à la résilience ainsi qu’aux valeurs de l’Union européenne. Sur l’ensemble des quatre années de collège, les élèves bénéficieraient ainsi, dans le cadre du temps scolaire, d’un total de quatre semaines de formation, au sein de modules obligatoires adaptés et approfondis à chacun des niveaux successifs. Ce regroupement aurait aussi l’avantage d’éviter l’effet « saupoudrage » dénoncé par certains enseignants à propos des journées à thème qui se multiplient.

En tout état de cause, les rapporteurs se prononcent en faveur du renforcement de l’EMC dans le parcours scolaire, passant par une augmentation substantielle du volume horaire annuel, tant au collège qu’au lycée, et une évaluation obligatoire, distincte de celle de l’histoire-géographie.

Proposition n° 2 :

Introduire, à chaque niveau du collège, une semaine de la citoyenneté, y compris européenne, composée de modules de sensibilisation, notamment à la défense et la sécurité, à l’engagement, aux droits et devoirs, à la mémoire.

 

Proposition n° 3 :

Renforcer l’enseignement moral et civique par une augmentation substantielle du volume horaire annuel, tant au collège qu’au lycée, et une évaluation obligatoire, distincte de celle de l’histoire-géographie.

Ces modules compteraient sur la participation des intervenants extérieurs auxquels l’Éducation nationale recourt habituellement pour dispenser les formations qu’elle propose aujourd’hui : militaires et gendarmes d’active et de réserve, sapeurs-pompiers, policiers, milieux associatifs – anciens combattants, acteurs de l’éducation populaire, etc. –, élus. Ces créneaux dédiés seraient aussi l’occasion pour les jeunes d’effectuer des visites de terrain, qu’il s’agisse de lieux de mémoire ou d’institutions, d’associations, d’acteurs de la solidarité, et d’une première confrontation avec les formes d’engagement. En outre, l’inscription dans le temps permettrait de nouer des partenariats avec, par exemple, des établissements culturels, autour de projets qui impliqueraient un grand nombre d’élèves.

Proposition n° 4 :

Renforcer la participation des élus à l’enseignement moral et civique au sein des établissements scolaires.

S’agissant de la semaine de stage de troisième actuellement en vigueur, la question se pose de l’opportunité d’en élargir le champ. En effet, aux termes de l’article L. 332‑3‑1 du code de l’éducation, cette séquence est destinée à faire découvrir aux élèves le monde économique et professionnel et peut être effectuée dans une entreprise, une administration ou une association. Chacun sait que chaque année, un certain nombre d’entre eux ont des difficultés à obtenir ce stage auprès des entreprises. Pour cette raison, les rapporteurs proposent que la possibilité soit également offerte aux élèves d’effectuer cette semaine auprès d’un organisme œuvrant dans le domaine de l’engagement citoyen. Un accompagnement leur serait proposé pour leur démarche.

Proposition n° 5 :

Élargir les possibilités de stage de troisième aux domaines relevant de l’engagement citoyen.

Enfin, dans un autre ordre d’idées, mais utilisant également le cadre scolaire, citons l’exemple de l’Italie, indiqué par le Conseil supérieur des programmes dans l’avis mentionné plus haut, qui intègre dans le cursus des lycéens 200 heures d’activités d’intérêt général (associations, bibliothèques…) réparties sur trois ans. Les conclusions de ces missions sont présentées à l’oral de la Maturità, l’équivalent du bac.

Les établissements scolaires peuvent véritablement servir d’ancrage à la formation à la citoyenneté. L’obligation scolaire, en dépit du nombre élevé de décrocheurs, reste le meilleur gage de l’universalité.

Source : Assemblée nationale, rapport d’information n° 667 sur le service national universel, février 2018.

Si l’EMC doit être aménagé dans le cadre scolaire pour mieux répondre aux aspirations des élèves et faire l’objet d’une évaluation plus rigoureuse, la Cour des comptes insiste, et elle n’est pas la seule, sur le fait que l’EMC ne profite pas à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les jeunes en passe de décrocher scolairement. C’est pourquoi les rapporteurs proposent d’intégrer une dimension civique et un approfondissement des valeurs de la République dans la phase d’accompagnement intensif prévu dans le cadre du contrat d’engagement jeune, afin de faire connaître aux jeunes non seulement leurs droits mais aussi les principes qui en sont le fondement.

Proposition n° 6 :

Renforcer la composante civique des programmes d’insertion professionnelle destinés aux jeunes : formation des volontaires en service civique mais aussi garantie jeunes et contrat d’engagement jeune.

B.   UN ÉTAT FACILITATEUR

Pour autant, en même temps que se développe un individualisme presque sans limite, les jeunes n’ont sans doute jamais été aussi nombreux à s’engager dans des associations et à vouloir faire du bénévolat, à se préoccuper des grands problèmes de société contemporains – violence envers les femmes, écologie, inégalités sociales, etc. Comme l’ont montré de nombreux travaux, il faut se garder de conclure à un désengagement et un désintérêt des jeunes pour les affaires publiques et la société. Aucune des associations auditionnées par les rapporteurs ne s’est plainte de manquer de bénévoles et certaines, telle la Croix‑Rouge ([131]), adaptent leur offre aux nouvelles modalités d’engagement et s’efforcent de faciliter la mise en relation entre les aspirants volontaires et les actions qu’ils peuvent effectuer. C’est ce type de comportement que les pouvoirs publics doivent adopter. Il importe donc d’offrir à la jeunesse les moyens de se mettre au service du bien commun, tout en restant en retrait puisqu’ils suscitent la méfiance. Un mode d’action trop voyant et revendicatif risquerait de la détourner de ce à quoi elle est naturellement portée. Les deux leviers d’action sont donc un travail de simplification de l’offre et des outils d’orientation, d’une part ; une meilleure reconnaissance des services rendus, d’autre part.

L’objectif est bien d’attirer le plus grand nombre de jeunes tentés par le bénévolat, en particulier ceux à qui le système scolaire ne convient pas et qui pourraient s’épanouir dans un univers différent. C’est un des défis qu’il faut relever car, aujourd’hui, l’accès à la citoyenneté passe souvent par l’engagement associatif.

1.   Mettre en place des « filets dérivants » pour aller chercher les jeunes en voie de marginalisation

L’important est de permettre à tout jeune, d’où qu’il vienne et de quelque niveau académique qu’il soit, de pouvoir donner de son temps au service de la communauté. La JDC, qui constitue un sas par lequel passent 97 % des jeunes, est l’occasion idéale pour fournir l’information à ceux qui savent l’utiliser et pour aller chercher les plus éloignés du système scolaire. Mais l’époque est aussi à « l’aller vers » et il importe d’informer les instances chargées de venir en aide aux jeunes en difficulté : missions locales, Pôle emploi ; au niveau académique, les plateformes de soutien et d’appui aux décrocheurs (PSAD) – 10 % des jeunes en âge scolaire –, le réseau information jeunesse. L’effort qui a été fait pour promouvoir le SNU doit être mis à profit pour faire la promotion de l’engagement. La directrice de l’Agence du service civique a indiqué aux rapporteurs chercher à développer ses relations avec ces instances.

2.   Clarifier l’offre et les outils d’orientation

La Cour des comptes, qui a recensé l’ensemble des dispositifs publics existants dans un tableau très éloquent (cf. ci‑après), évoque « l’émergence désordonnée des dispositifs publics civils », qui s’observe parallèlement dans les corps en uniforme, pour aboutir à « un ensemble disparate et mal coordonné ».

principaux dispositifs de volontariat offerts aux jeunes

* Données 2021.

Source : Cour des comptes.

Elle souligne également la grande diversité des conditions exigées pour participer et des caractéristiques (durée, déroulement pratique) des dispositifs. Cette diversité n’est pas un obstacle en soi puisque c’est le gage pour les jeunes de trouver une forme de volontariat qui leur convienne. En revanche, le pilotage qualifié de « fragmenté » peut se révéler contre-productif en matière de communication. La tentation de gérer « son » dispositif de bout en bout ne rend pas service aux jeunes qui ne savent pas forcément spontanément à quelle porte frapper, mais elle est d’autant plus grande que les volontaires ne manquent pas. En somme, il faudrait en fait réaliser ce qui a été fait pour le service civique qui a réuni sous sa bannière les dispositifs antérieurs et centralise les offres disponibles avec une très grande clarté. Sur son site, le candidat peut fixer des critères pour obtenir la liste des propositions qui lui correspondent et dans laquelle il peut choisir. Le code couleur détermine la nature de la mission ; sur le côté, les horaires sont clairement indiqués.

L’idée serait de partir d’un portail largement connu qui puisse guider ceux qui le consultent jusqu’à l’information recherchée. Pourraient servir de base le site du service civique ([132]), le site de l’Éducation nationale ([133]), qui n’est pas le plus clair, celui de la réserve civique ([134]), qui compte maintenant 350 000 membres, dont 42 % ont moins de trente ans, et dont le code couleur n’est pas le même que celui du service civique ou, enfin, la dernière‑née, la plateforme 1jeune1solution ([135]). La question se pose de savoir si cette pluralité est la solution optimale pour toucher le plus de monde possible, ou si elle est source de confusion, notamment en raison de l’actualisation des informations qui y sont reprises, voire de fragmentation (si la puissance publique elle-même choisit de créer une plateforme pour chaque public, comment créer du commun ?) car, sur le plan financier, elle n’est sûrement pas la plus efficiente – le référencement sur les moteurs de recherche coûte cher. En outre, une plateforme commune permettrait aux jeunes de trouver au même endroit une information complète, qui les accompagnerait d’une mission d’intérêt général à la réserve civique. Une telle solution traduirait de façon tangible la notion de continuum, donc de parcours, un mot repris tout au long de la scolarité mais qui ne semble pas toujours correspondre à une réalité quelconque. C’est pourquoi les rapporteurs recommandent une plateforme commune recensant les offres de volontariat, pour faciliter les démarches des jeunes aspirant à s’engager.

Les tranches d’âge visées ne se superposent pas et la concurrence, si elle existe parfois ([136]), est limitée. Dès lors, une plus grande centralisation, et partant une meilleure coordination, n’aurait que des avantages. Sans avoir d’avis tranché, les rapporteurs s’interrogent sur l’opportunité de faire figurer sur les sites existants les dispositifs d’inspiration militaire (SMA, SMV et ÉPIDE) – ils ne sont pour le moment accessibles qu’à condition de connaître leur existence ou alors par l’intermédiaire des structures qui gèrent les jeunes en difficulté, ce qui en réduit la visibilité. La communication du ministère des armées reste totalement autonome. Alors qu’il entreprend régulièrement des campagnes publicitaires de grande envergure, signaler sa présence sur les sites dédiés aux jeunes serait peut‑être à considérer, même si une telle hypothèse heurte la tradition.

Enfin, il serait bon, après s’être occupé de l’offre, de ne pas oublier les organismes qui font appel aux jeunes, qui les encadrent et à qui l’on délègue même une partie de leur formation quand l’institution scolaire échoue, c’est‑à‑dire les associations. À cet égard, les rapporteurs se font l’écho de la présidente de l’association Éveil, Mme Andrée Sfeir, qui, déplorant le caractère chronophage des procédures d’appels d’offres, par construction défavorables aux petites structures mal armées pour y répondre, suggère la création d’un portail national pour centraliser toutes les offres destinées aux associations, ce qui aurait pour conséquence d’uniformiser les formulaires et les exigences. La plateforme PLACE créée pour les marchés publics pourrait être une source d’inspiration.

Proposition n° 7 :

Centraliser les offres et demandes d’engagement y compris des réserves, sur un portail commun.

 

Proposition n° 8 :

Créer une plateforme centralisant les appels à projet en matière de citoyenneté.

3.   Récompenser ceux qui s’engagent

Nombreux ont été les témoignages reçus par les rapporteurs qui relatent l’absence de reconnaissance des tâches accomplies au service d’autrui. À ce constat, on peut répondre que le bénévolat va de pair avec le désintéressement, et que la question de la rétribution n’a pas à se poser. Ce principe n’est pas incompatible non plus avec une forme de reconnaissance de la part de la collectivité envers ceux qui l’ont servie. N’est‑ce pas ce qui justifie l’attribution de décorations, purement honorifiques ? Et pour de jeunes gens, sur le seuil de la citoyenneté, ne faudrait‑il pas envisager un geste d’accueil à leur égard ? C’est à travers ce prisme que les rapporteurs abordent ce domaine où les initiatives abondent, mais dans le plus grand désordre.

a.   Un engagement reconnu au seuil des études supérieures

De fait, si pousser les jeunes à s’engager est un objectif constamment rappelé, le système scolaire ne fait pas grand cas des démarches entreprises par les élèves. Au brevet, au-delà de l’épreuve écrite d’histoire-géographie‑EMC, le parcours citoyen est choisi par 6,8 % des élèves. Au bac, l’engagement associatif n’est pas pris en compte, à l’exception de l’enseignement agricole.

La prise en compte de l’engagement citoyen
dans les diplômes de l’enseignement agricole

Un arrêté du 13 juin 2017 crée une unité facultative « engagement citoyen » à tous les niveaux de diplôme (CAP, bac général, technologique ou professionnel). Elle a été précisée par une note de service ([137]) du 24 février 2021.

L’épreuve est destinée à mesurer l’implication des candidats dans des activités bénévoles au sein de l’établissement (60 % des élèves sont internes) ou dans des structures associatives d’intérêt général, figurant sur la liste de la note de service. Sont évaluées les capacités collaboratives dans le cadre d’une démarche collective, sur la base d’une grille quantitative, et la réalisation d’un projet au cours d’une présentation orale.

C’est au stade de Parcoursup, donc aux élèves qui se destinent aux études supérieures, qu’intervient l’éventuelle valorisation des activités bénévoles des candidats. Il existe en effet dans le dossier une rubrique « Mes activités et mes centres d’intérêt », qui peut être remplie ou non, et qui est destinée à distinguer les personnalités ou les parcours originaux. Malheureusement, dans la foire aux questions de Parcoursup ([138]), les activités de délégué et les engagements au sein des établissements ne sont même pas mentionnées comme susceptibles d’y figurer. Ne serait‑il pas opportun que le système scolaire suggère spontanément de reconnaître une participation effective à la démocratie scolaire ?

La reconnaissance des activités bénévoles dans Parcoursup

Source : Parcoursup.

Au‑delà, dans l’enseignement supérieur, le code de l’éducation prévoit explicitement la validation des « compétences, connaissances et aptitudes acquises par un étudiant dans le cadre d’une activité bénévole » ([139]) « qui relèvent de celles attendues dans son cursus d’études » ([140]), notamment sous la forme de crédits d’unités d’enseignement ou de dispense. Depuis le décret n° 2020‑1167 du 23 septembre 2020, les candidats au BTS bénéficient d’un avantage équivalent en présentant une option facultative.

De ce survol des dispositions législatives et réglementaires, il ressort que la reconnaissance des activités de bénévolat est corrélée au niveau de qualification et que les plus jeunes ou ceux en délicatesse avec le système scolaire sont laissés de côté. Pourtant, le SNU, qui comprend une MIG, est ouvert aux plus de quinze ans, et le service civique aux plus de seize ans ; à la frontière donc de l’obligation scolaire et de l’obligation de formation instaurée pour les 16‑18 ans par la loi n° 2019‑791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance. Une première étape consisterait donc, pour permettre un engagement effectif, que l’ensemble des établissements scolaires et centres de formation d’apprentis tiennent compte des contraintes liées à l’engagement, par parallélisme avec l’article L. 611‑11 du code de l’éducation. En outre, les rapporteurs reprennent à leur compte la proposition de la Cour des comptes tendant à introduire dans les examens nationaux une évaluation de l’engagement des élèves au cours de leur scolarité.

Proposition n° 9 :

Faciliter les aménagements d’horaires pour les apprentis engagés dans la société civile.

 

Proposition n° 10 :

Mieux valoriser dans Parcoursup les engagements associatifs des candidats.

 

Proposition n° 11 :

Introduire dans les examens nationaux une évaluation de l’engagement des élèves au cours de leur scolarité.

Comme l’a montré la deuxième partie, les initiatives pour promouvoir la citoyenneté sont nombreuses et mais leur dispersion pénalise les jeunes eux‑mêmes. L’Éducation nationale met à disposition de la communauté éducative (enseignants, personnels administratifs, élèves, parents) l’outil Folios destiné à centraliser, échanger et diffuser de l’information, mais, selon ses utilisateurs, il n’est pas très pratique et n’est guère utilisé. En outre, il ne concerne pas forcément ceux qui ne sont pas dans le système scolaire.

L’application Folios

Application du ministère de l’éducation nationale, Folios est le support des quatre parcours éducatifs voulus par la loi d’orientation et de programmation de juillet 2013 : parcours d’éducation artistique et culturelle (PEAC), parcours citoyen, parcours éducatif de santé et parcours Avenir, qui commence au collège. Ces quatre parcours les accompagnent jusqu’en classe terminale (CAP ou bac).

Folios vise à valoriser les expériences et compétences scolaires et extrascolaires des élèves et à leur permettre de s’approprier leur propre parcours, d’en garder une traçabilité dans le temps et de développer une forme d’autonomie dans leurs apprentissages.

L’élève se connecte à l’application soit via l’ENT local, soit directement sur l’application. Un didacticiel lui assure une prise en main rapide de l’application.

Une fois connecté, il peut travailler sur son profil afin de renseigner ses informations personnelles et construire son CV, qu’il peut à tout moment exporter. Il peut créer, à partir de ressources nationales et académiques, ou de sites web de référence des ressources qui vont progressivement contribuer à construire ses parcours éducatifs. Il prend connaissance d’actualités nationales ou académiques. Un agenda lui donne accès aux évènements marquants à venir.

L’élève peut interagir avec des membres de l’équipe éducative en utilisant une messagerie. Un calendrier lui permet de suivre les grandes étapes de son orientation. Il peut à tout moment exporter l’ensemble de ses documents et espaces afin de pouvoir en disposer hors de l’application.

Source : Onisep.

S’agissant de la citoyenneté elle-même, les rapporteurs recommandent de créer un outil permettant de centraliser les actions bénévoles pour tous les jeunes, indépendamment de l’autorité qui les prend en charge (cf. infra). Cette étape est une condition nécessaire sinon suffisante à la reconnaissance des engagements des jeunes.

Proposition n° 12 :

Recenser les engagements personnels dans un portefeuille dédié.

b.   La certification : un outil au service des non-diplômés

Le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ) a publié en septembre dernier une contribution aux réflexions européennes portant sur la valorisation des compétences sociales liées à l’engagement.

Il rappelle que la stratégie européenne en faveur de la jeunesse 2019‑2027, qui se décline en objectifs, prévoit, au titre de la « qualité de l’emploi pour tous », de « garantir la reconnaissance et la validation de compétences acquises lors de stages, de périodes d’apprentissage ou d’autres types de formations professionnelles, au même titre que celles acquises lors d’expériences de volontariat ou par le biais de l’éducation non formelle ». Agir en faveur des jeunes qui quittent le système scolaire se situe pleinement dans cet axe.

Or, la valorisation des compétences informelles relève du symbole mais aussi d’une véritable certification. C’est cette dernière qui peut être utile à ceux qui ne font pas d’études supérieures. Cette préoccupation est à l’origine de l’apparition d’outils permettant de traduire les actions bénévoles en outils mobilisables tels que le Passeport Bénévole® ou le carnet de vie du bénévole délivré par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) disponible sous forme électronique. La Jeune chambre économique française a, de son côté, lancé le « CV citoyen ». Venant en complément du CV professionnel, il est destiné à faciliter l’insertion des jeunes sur le marché de l’emploi.

 

Le CV citoyen retrace les expériences bénévoles

Source : Jeune chambre économique française.

Ce ne sont que des exemples parmi d’autres. Devant une telle profusion, le COJ préconise « un travail de mise en cohérence des différents outils existants pour arriver à un outil unique de référence ». Il y va de l’intérêt des jeunes eux‑mêmes.

En outre, des outils existent, notamment les open badges ([141]) nés aux États‑Unis, à l’initiative des Fondations Mac Arthur et Mozilla, précisément pour valoriser les compétences des jeunes de quartiers en difficulté au cours d’activités organisées pour eux à l’occasion des vacances. Il s’agit d’une image numérique dans laquelle sont enregistrées un certain nombre d’informations.

 

Anatomie d’un Open Badge

Source : Réseau Canopé.

« Ce qui rend le badge particulièrement attrayant est la combinaison de la simplicité du medium (une image) avec la richesse informationnelle qu’il véhicule (les métadonnées). Sa simplicité en fait un objet numérique à la fois extrêmement résilient et aisé à manipuler : une fois émis, un badge ne dépend d’aucune plateforme ou logiciel pour continuer d’exister et son récepteur en a le plein contrôle (le partager, l’afficher ou pas). » Les badges sont aussi utilisés pour certifier des diplômes universitaires car ils sont infalsifiables, vérifiables et révocables. Ces outils se sont répandus comme une traînée de poudre. En France, ils sont expérimentés notamment par la Ligue de l’enseignement en Normandie et en Nouvelle‑Aquitaine.

Cet instrument, couplé à l’adoption d’un référentiel commun, constituerait une solution pour établir un système de certification fiable utilisable par tous les acteurs concernés. Dans ce domaine aussi, l’enseignement agricole peut faire figure de pionnier.


 

Proposition n° 13 :

Certifier selon un référentiel commun les compétences acquises à l’occasion des activités d’engagement.

C.   UN ÉTAT PILOTE ET MEILLEUR RÉGULATEUR DES ACTEURS NON ÉTATIQUES DE L’ÉDUCATION À LA CITOYENNETÉ

L’éducation à la citoyenneté est l’affaire de nombreux acteurs, publics et privés, aux motivations et aux valeurs différentes, qui se bousculent au chevet d’une jeunesse à la fois enthousiaste et désabusée, traversée elle aussi par de nombreux courants contradictoires. L’enjeu est trop important, les attentats qui ont frappé à plusieurs reprises notre pays ont montré à quel point la jeunesse était la cible d’ennemis de la démocratie libérale et les réseaux sociaux une voie royale pour la désinformation, pour que l’État se contente de laisser faire ; mais, dans le même temps, il n’a pas les moyens d’assurer l’ensemble des actions menées sur le terrain, ni ne le souhaite. En effet, la défiance à son égard et trop forte et l’éducation doit elle aussi être l’école du pluralisme.

Dès lors, son rôle doit consister à ramener le sujet de l’éducation à la citoyenneté dans le champ politique parce que le sujet le mérite, d’une part, et, d’autre part, à exercer une supervision plus resserrée sur les acteurs non étatiques auxquels il fait appel pour préparer les jeunes à devenir des citoyens critiques et autonomes.

1.   Désigner un chef de file

a.   Pour un recentrage politique

Tout ce que les rapporteurs viennent de souligner suppose, avant tout, qu’au niveau de l’État, il y ait un pilote. Or, chacun conviendra que les acteurs sont nombreux, ce qui contribue à la dispersion. Le dispositif gagnerait à être recentré. C’est avant tout au niveau politique que le leadership doit être plus affirmé.

À l’heure actuelle, en effet, deux membres du Gouvernement se partagent les compétences relevant de la formation à la citoyenneté, au sens large.

D’une part, Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Le décret définissant ses attributions ([142]) indique qu’elle est chargée des questions relatives à la citoyenneté et précise que « à ce titre, elle favorise l’exercice des droits et le respect des devoirs attachés à la citoyenneté. Elle participe à la définition de la politique d’accès à la citoyenneté. Elle est chargée de veiller au respect du principe de laïcité. »

La ministre déléguée dispose d’autres blocs de compétences : l’un, plus directement tourné vers les étrangers, au titre duquel elle veille au respect du droit d’asile, prépare et met en œuvre les actions en matière de politique d’intégration des étrangers en France ; l’autre, d’ordre préventif, lui assigne un rôle en matière de délinquance, de radicalisation, de lutte contre les dérives sectaires. Enfin, dans le cadre de la stratégie de lutte contre le séparatisme, la ministre déléguée veille à la défense des valeurs de la République et au renforcement de la cohésion nationale.

Le décret précise enfin que la ministre déléguée « est associée par le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports à la définition des actions pédagogiques en milieu scolaire sur l’ensemble de ses attributions. » Son implication dans la gouvernance se justifierait d’autant plus que les acteurs non étatiques ont vocation à encadrer davantage les jeunes qui s’engagent.

Parallèlement, Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, s’est vue confier ([143]) la charge de veiller en particulier au développement de l’engagement civique et de préparer, en lien avec les autres ministres intéressés, la mise en œuvre du Service national universel. Pour l’exercice de ses attributions, la secrétaire d’État dispose logiquement de l’ensemble des services du ministère.

Sur le plan administratif, l’acteur pivot en matière de formation à la citoyenneté est la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) puisqu’elle coiffe quatre sous-directions :

– la sous-direction des politiques interministérielles de jeunesse et de vie associative,

– la sous-direction de l’éducation populaire,

– la sous-direction du Service national universel (SDSNU),

– l’INJEP, service à compétence nationale, qui est à la fois un observatoire producteur de connaissances et un centre de ressources et d’expertise sur les questions de jeunesse et les politiques qui lui sont dédiées, sur l’éducation populaire, la vie associative et le sport. Il est notamment chargé de l’évaluation du SNU. Le rattachement à la même direction du responsable du SNU et de son évaluateur prête sans doute à discussion.

Organigramme de la DJEPVA

La directrice, Mme Emmanuelle Pérès, est aussi déléguée interministérielle à la jeunesse. Le référé de la Cour des comptes sur l’action en faveur de la jeunesse conduite par la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, daté d’avril 2020, concluait à ce propos : « la création, il y a cinq ans, d’un délégué interministériel à la jeunesse ne s’est accompagnée ni de la mise en place d’un service voué à la coordination interministérielle, ni de la recherche active d’une coordination entre les administrations. Le lancement de grands programmes nationaux visant l’engagement civique et citoyen des jeunes nécessiterait aujourd’hui une réelle évolution. » Depuis, la SDSNU lui a été rattachée. Sa faible dimension, malgré le renforcement récent de ses moyens, laisse dubitatif sur la possibilité de porter un dossier aussi complexe.

Ainsi que le remarque la Cour des comptes, la coordination de l’action des ministères est en fait « sporadique ». L’apport du ministère délégué à la citoyenneté à la réflexion de fond sur les sujets relatifs à la formation à la citoyenneté « est en l’état actuel peu perceptible » souligne la Cour, alors que la création de ce nouveau ministère aurait pu être l’occasion de définir plus explicitement une stratégie en matière de citoyenneté, dans laquelle les questions de formation et de sensibilisation de la jeunesse auraient eu toute leur place, dans le cadre par exemple des opérations menées par le ministère de l’intérieur : commémorations, organisation des élections, etc.

Le ministère des armées ne saurait être oublié dans la mesure où il s’est montré précurseur avec le SMA, où ses méthodes sont répliquées comme à l’ÉPIDE, et où ses membres ou anciens membres sont sollicités pour mettre en œuvre le SNU.

Enfin, l’action des collectivités locales qui interviennent également est du ressort du ministère de la cohésion territoriale et des relations avec les collectivités territoriales.

En tout état de cause, plusieurs ministères sont concernés, et l’hypothèse d’une mission interministérielle mériterait d’être étudiée.

b.   Une meilleure coordination administrative

Ce flottement politique se retrouve au niveau administratif.

Par exemple, comme le relève la Cour, les instruments de pilotage font défaut et elle recommande d’associer l’INJEP, l’INSEE et la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) pour concevoir des indicateurs pertinents.

Interrogée par les rapporteurs sur les travaux en cours, la DJEPVA a répondu que des réunions étaient programmées. L’INJEP, qui travaille à l’évaluation du service civique et du SNU, publie par ailleurs chaque année le baromètre DJEPVA sur la jeunesse qui comporte des items sur l’engagement. Un module d’approfondissement sur la citoyenneté pourrait y être ajouté. En revanche, le sondage de mineurs requiert l’autorisation de leurs parents, ce qui le rend plus compliqué à effectuer. Par ailleurs, l’INJEP fait régulièrement appel à des chercheurs. Toutefois, la question des indicateurs, indispensables à tout pilotage, reste pendante.

Le champ de la « citoyenneté » est un champ large, pris en compte de façon transversale par les différents financeurs publics (État, collectivités, opérateurs…). À défaut de mission transversale interministérielle, il est très difficile d’organiser un appui concerté de l’État aux associations intervenant en faveur de la citoyenneté. Les associations disposant d’un agrément « Jeunesse et éducation populaire » émargent à d’autres dispositifs de soutien qu’à ceux de l’Éducation nationale puisqu’elles sont financées par plus de 70 programmes ministériels différents.

Autant dire que, aussi souhaitable soit‑elle, cette instance, qui devrait réunir sept ministères, un établissement public et trois organismes sociaux est compliquée à mettre en place du fait de l’extrême dispersion des financements en faveur des initiatives citoyennes. Son bilan est fatalement modeste.

Le ministère de l’éducation nationale anime donc, en plus du comité de financeurs, différents travaux en vue de mieux coordonner l’action publique en faveur de la citoyenneté :

– la poursuite des réflexions autour d’un comité de financeurs ;

– un travail de coordination avec la CAF ;

– les liens DGESCO/DJEPVA pour mieux coordonner les travaux de conventionnement ;

– le SNU, qui peut être aussi un vecteur d’interministérialité de l’action en faveur de la citoyenneté.

Jusqu’à présent, un réseau informel entre différents ministères s’est constitué, permettant le partage de problématiques communes (format de subventions, enjeux de l’évaluation…) et la mise en place de réunions ciblées sur certains partenaires associatifs.

Les rapporteurs ont été surpris d’apprendre que les seules données disponibles concernant les conseils de jeunes étaient détenues par l’ANACEJ. Ils s’interrogent sur la carence des administrations centrales dans ce domaine. Le principe de libre administration des collectivités ne dispense pas de rendre compte et cette remarque vaut aussi pour les financements. Rien n’indique qu’il ne faudrait pas mettre des représentants des collectivités au tour de table du comité des financeurs…

Proposition n° 14 :

Créer une base de données recensant les conseils de jeunes et décrivant leur mode de fonctionnement.

2.   La nécessité d’une meilleure supervision des acteurs non étatiques

Les relations, et partant le contrôle des associations, s’exercent à travers deux instruments principaux : l’agrément et les conventions pluriannuelles d’objectifs, critiquées par la Cour des comptes.

a.   Le rapprochement souhaitable des procédures d’agrément de la DGESCO et de la DJEPVA

Les associations intervenant dans le champ de la citoyenneté ne disposent pas d’un agrément spécifique, mais peuvent prétendre à différents agréments (jeunesse et éducation populaire, association complémentaire de l’enseignement public, sport, protection de l’environnement…) adapté à leur champ d’intervention.

Les associations candidates aux agréments attribués par les différents ministères doivent répondre à quatre conditions qui constituent un tronc commun :

– répondre à un objet d’intérêt général ;

– présenter un mode de fonctionnement démocratique ;

– garantir la transparence financière ;

 respecter les principes du contrat d’engagement républicain (apport de la loi  20211109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République).

L’agrément « Jeunesse et éducation populaire » (JEP) peut être national, pour les fédérations et têtes de réseaux intervenant dans au moins quatre régions administratives, ou départemental pour les associations intervenant au niveau local. L’agrément national est attribué par le ministre de l’éducation nationale de la jeunesse et des sports, après avis de la « Formation spécialisée agrément JEP », qui est une des instances du COJ (Comité d’orientation des politiques de jeunesse). L’agrément départemental est attribué par les services départementaux de l’éducation nationale.

Parmi l’ensemble des agréments auxquels les associations peuvent prétendre, l’agrément JEP regroupe une part très importante des associations intervenant dans le champ de la citoyenneté.

Les critères d’agrément propres au label « Jeunesse et éducation populaire »

Ces critères, applicables à toutes les associations qui sollicitent un agrément « jeunesse et éducation populaire » (agrément national ou départemental), sont fixés par l’article 8 de la loi n° 2001‑624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel (J.O. du 18 juillet) :

– l’existence et le respect de dispositions statutaires garantissant la liberté de conscience,

– le respect du principe de non-discrimination,

– un fonctionnement démocratique,

– la transparence de leur gestion,

– l’égal accès des hommes et des femmes et l’accès des jeunes à leurs instances dirigeantes, sauf dans les cas où le respect de cette condition est incompatible avec l’objet de l’association et la qualité de ses membres ou usagers. Les associations de jeunesse et d’éducation populaire pourront être conduites à inciter les jeunes à prendre des responsabilités. Les jeunes de moins de 18 ans peuvent être élus aux instances dirigeantes des associations, sous certaines conditions prévues par la loi du 1er juillet 1901.

Les associations, pour être agréées, devront donc, notamment, être ouvertes à tous, être gérées démocratiquement (renouvellement régulier des membres qui composent les instances dirigeantes), s’adresser aux jeunes et/ou concerner le domaine de l’éducation populaire.

Le domaine de l’éducation populaire recouvre tout ce qui touche à la formation globale des hommes et des femmes, à leur épanouissement et à leur prise de responsabilités dans la Nation comme dans leur vie personnelle : ce champ d’action n’est pas strictement délimité et peut être très divers (formation professionnelle, formation du citoyen, formation à la responsabilité...).

Les associations non agréées peuvent recevoir une subvention maximale de 3 000 euros, renouvelable deux fois, si elles ont été créées depuis moins de trois ans et si leurs statuts sont conformes aux critères énumérés ci‑dessus.

Afin d’analyser le bon respect de ces critères, chaque association sollicitant un agrément national JEP est tenue de transmettre un outil d’« autodiagnostic ». L’objectif de cet outil est de permettre à l’association sollicitant un agrément JEP de se positionner sur une série de « marqueurs » constitutifs d’une démarche d’éducation populaire.

L’instruction de cet outil de demande permet au ministère de s’assurer de la qualité des interventions des associations agréées JEP, notamment sur les sujets suivants :

– la gouvernance participative de l’association ;

– les valeurs de l’association ;

– la formalisation d’un projet politique et citoyen ;

– les méthodes pédagogiques et la démarche éducative mise en place ;

– les impacts sur les bénéficiaires et la société ;

– la qualité des partenariats mis en œuvre.

La loi n° 2021‑1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République prévoit que l’agrément Jeunesse et éducation populaire, qui était jusque‑là délivré pour une durée illimitée, est désormais délivré pour une durée de cinq ans. Les associations déjà bénéficiaires d’un agrément JEP (estimées à 18 000 sur l’ensemble du territoire) devront déposer une nouvelle demande d’agrément d’ici le mois d’août 2023, en vue d’un nouvel examen.

Comme les associations interviennent dans le champ de l’éducation, puisqu’il est envisagé de les faire participer à la reconnaissance officielle de compétences, il serait bon de vérifier jusqu’à quel point les procédures d’agrément de la DGESCO et de la DJEPVA peuvent être harmonisées au-delà du tronc commun. En effet, les critères supplémentaires affichées par la DGESCO sont les suivants :

– qualité des services proposés,

– compatibilité avec les activités du service public de l’éducation nationale, complémentarité avec les instructions et programmes d’enseignement,

– respect des principes de laïcité et d’ouverture à tous sans discrimination.

b.   Des conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) superficielles

La Cour des comptes se montre très sévère sur le contrôle exercé par le ministère de l’éducation nationale sur les associations qu’il finance. Outre qu’elle n’a pas eu accès à des éléments d’évaluation transmis par les rectorats, elle reproche aux CPO d’être superficiels : « objectifs trop généraux et stéréotypés, peu reliés aux priorités de l’État, outils d’évaluation frustes ».

Le conventionnement en format pluriannuel avec les partenaires associatifs permet de garantir la stabilité des financements sur une durée fixée actuellement à trois ans, de façon à sécuriser l’association dans son fonctionnement. Les partenariats sont établis au niveau national avec les grandes têtes de réseau détentrices de l’agrément JEP disposant d’un rayonnement territorial et contribuant, à travers la mise en œuvre de leur projet associatif, aux politiques publiques et priorités portées par la DJPEVA.

Les projets initiés et présentés par les associations font l’objet d’une expertise préalable à toute décision de subvention. Le passage ou le maintien des associations en partenariat pluriannuel dépend de l’importance de l’activité développée dans le domaine de la jeunesse et de l’éducation populaire. En fonction de l’évaluation réalisée dans le cadre des partenariats, des évolutions et des ajustements peuvent être envisagés. En termes de suivi, et compte tenu des recommandations résultant des missions d’inspection, les indicateurs visent à déterminer notamment la volumétrie des publics bénéficiaires et la présence dans les territoires. La structuration et la situation financière des associations font l’objet d’un examen systématique par le bureau du partenariat associatif.

Une soixantaine d’associations, fédérations et confédérations diverses, spécialisées ou polyvalentes (maisons des jeunes et de la culture, scoutisme, accueil de jeunes, loisirs éducatifs, auberges de jeunesse, etc.) bénéficient d’une CPO avec la DJEPVA, qui les soutient également par le biais du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP).

Une lettre de cadrage de la DJEPVA portant sur les partenariats 20222024 a été envoyée le 31 décembre dernier. Si les axes définis sont en conformité avec les objectifs, aucune information n’a été transmise concernant une intensification du contrôle.

Les objectifs de la lettre de cadrage des CPO 2022-2024 des associations

Trois priorités :

1 – Pour une société de l’engagement citoyen

a. Promouvoir auprès d’un public large les voies possibles de l’engagement ; renforcer la cohésion, développer la solidarité, cultiver un sentiment d’unité, contribuer au renforcement du lien social et au partage du sens des valeurs républicaines

b. Contribuer à la mise en oeuvre de parcours d’engagement citoyen tout au long de la vie dès le plus jeune âge

c. Favoriser, par l’engagement, l’acquisition de nouvelles compétences, les valoriser et contribuer à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes

2 – Pour l’égalité des chances

a. Développer une offre éducative de qualité sur le temps périscolaire et extrascolaire, agir en complémentarité et continuité des projets et actions innovantes de l’éducation formelle (projets éducatifs au sein des centres de loisirs et centres de vacances, …)

b. Faciliter l’accès à l’autonomie des jeunes et l’accès à l’information et aux droits

c. Renforcer la mobilité nationale, européenne et internationale des jeunes, notamment les jeunes ayant le moins d’opportunités (JAMO)

d. Mobiliser la jeunesse autour du développement durable, autour de la citoyenneté européenne, consécutivement à la Présidence française du Conseil de l’Union Européenne, et autour du sport

e. Accompagner, former et faciliter l’entrée dans la vie professionnelle de tous les jeunes, sur tous les territoires, notamment dans les métiers de l’animation

f. Promouvoir les démarches d’éducation populaire, notamment en direction de la jeunesse

3 – Pour un soutien et un accompagnement des têtes de réseau associatives jeunesse éducation populaire

a. Renforcer la structuration et l’animation du réseau associatif

b. Développer l’accès des jeunes et des femmes à tous les niveaux de responsabilité des associations, en particulier nationaux

c. Accompagner le développement du maillage territorial des réseaux associatifs (à travers notamment des outils pédagogiques et la mutualisation de compétences), renforcer les capacités des réseaux à travailler avec les jeunes les plus éloignés des dispositifs existants

c.   Contrôler le respect du contrat d’engagement républicain

L’introduction d’un contrat d’engagement républicain ([144]), qui doit être souscrit par toute association recevant de l’argent public à partir du 1er janvier 2022, traduit la préoccupation croissante des pouvoirs publics à l’égard du respect du principe de laïcité dans le secteur associatif. Un autre indice réside dans la publication d’un vademecum de la laïcité en décembre 2021 destiné aux accueils collectifs de jeunes, donc applicable aux centres SNU.

Le contrat d’engagement républicain

Aux termes du décret n° 2021‑1947 du 31 décembre 2021, le contrat d’engagement républicain comporte sept engagements :

– le respect des lois de la République, en particulier du principe de laïcité, ne pas faire usage de la violence ni porter atteinte à l’ordre public ;

– le respect de la liberté de conscience, des membres comme des tiers, et l’absence de prosélytisme ;

– la liberté des membres de l’association, pour éviter les exclusions arbitraires ;

 le respect de l’égalité et de la non-discrimination, le refus du racisme et de l’antisémitisme ;

– le respect de la fraternité et prévention de la violence ;

– le respect de la dignité de la personne humaine, afin d’assurer l’intégrité physique et psychique des membres et des tiers ;

– le respect des symboles de la République : le drapeau tricolore, l’hymne national et la devise de la République.

Briser ce contrat expose à devoir rembourser les subventions reçues.

La loi prévoit que, au cas où l’autorité qui finance l’association, décide de les lui retirer, elle doit en informer non seulement le préfet du département du siège de l’association, mais aussi les « autres autorités et organismes concourant, à sa connaissance, au financement de cette association ». Aux yeux des rapporteurs, l’intervention croissante des associations dans le champ de la formation à la citoyenneté ne doit pas se faire au prix du recul du principe de laïcité, surtout quand des mineurs sont concernés. C’est pourquoi ils invitent l’administration à se donner les moyens de faire respecter la loi qui a été votée. À cet égard, ils s’inquiètent de la dispersion des financements distribués tant par la DGESCO que par la DJEPVA dont certains indicateurs de performance l’incitent à distribuer des fonds à de petites associations. Ils estiment que le ministère de l’intérieur doit être impliqué dans les plans de contrôle qui seront décidés. L’actualité récente a montré, dans d’autres domaines, de graves lacunes dans les activités de supervision et de régulation. S’agissant de la jeunesse, donc de l’avenir de notre pays, de telles défaillances risqueraient d’être lourdes de conséquences.

 


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   EXAMEN PAR LE COMITÉ

Le Comité a procédé à l’examen du présent rapport d’information lors de sa réunion du mardi 8 mars 2022 et a autorisé sa publication.

Les débats qui ont eu lieu au cours de cette réunion sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11959777_6227185d1457f.comite-d-evaluation-et-de-controle-des-politiques-publiques--evaluation-des-politiques-publiques-en-8-mars-2022

 


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   ANNEXE :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

1. Tables rondes :

Le point de vue des sociologues :

        Mme Géraldine Bozec, maîtresse de conférences en sociologie, Université de Nice Sophia Antipolis / ESPE

        M. Laurent Lardeux, chargé d’études et de recherches à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP)

Le point de vue des jeunes élus :

        M. Ruben Carius, Mme Sarah William, M. Rayan Bernoussi, Mme Maëlys Todibo, représentants des lycéens au Conseil supérieur de l’éducation

        M. Axel Loscertales, représentant des étudiants au Conseil supérieur de l’éducation

        M. Jérémie Chaligné, coordinateur du pôle Bénévolat et jeunesse de la Croix‑Rouge française*

        M. Stéphane Folcher, commissaire divisionnaire, commandant des réserves de la police nationale

        Général de division Didier Fortin, commandant des réserves de la gendarmerie et délégué aux réserves de la gendarmerie, accompagné de la lieutenante-colonelle Marjorie Gorlin, chargée de mission

        Général de brigade Philippe Geay de Montenon, adjoint au commandant de la Cyberdéfense

        Mme Muriel Kopelianskis, responsable du département Développement territorial de la Fondation de France*

        Colonelle Anne Lamaire, cheffe du bureau des sapeurs-pompiers volontaires et de l’engagement citoyen, direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), ministère de l’intérieur

        M. François da Rocha Carneiro, vice-président de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie (APHG)

        Mme Cécile Dunouhaud, membre du Comité éditorial des Clionautes

        Mmes Catherine Novel, présidente, et Claire Ayard, vice-présidente, Association des professeurs documentalistes de l’Éducation nationale (APDEN)

        M. Gwénaël Surel, secrétaire général adjoint du Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale (SNPDEN)

        Mme Adeline Croyère, sous-directrice des politiques de formation et d’éducation à la direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l’agriculture et de l’alimentation

        MM. Didier Lacroix, chef du service de l’accompagnement des politiques éducatives, et Thomas Leroux, sous-directeur de l’action éducative, direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

        M. Philippe Raynaud, vice-président du Conseil supérieur des programmes (CSP)

        Mme Sandrine Martin, directrice Enseignement supérieur et jeunesse de l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV)

        M. Vincent Séguéla, secrétaire général de la Fédération Léo-Lagrange

        Mme Andrée Sfeir, présidente et co-fondatrice de l’association ÉVEIL

        Mme Florence Gérard-Chalet, directrice générale de l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (ÉPIDE)

        Général de corps d’armée Daniel Menaouine, directeur du service national et de la jeunesse, ministère des armées

        Général de brigade Claude Peloux de Reydellet de Chavagnac, commandant du service militaire adapté, ministère des outre-mer

        M. Adil El Ouardi, Mmes Elsa Marignac-Capitaine et Léanna Vandewalle, membres du Collège du Comité jeunes de l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ), accompagnés de Mme Marie-Pierre Pernette, déléguée générale

        M. Marwan Chamakhi, adjoint au maire de Goussainville dans le Val-d’Oise, chargé du développement économique et de la politique de la ville

        M. François Garay, maire des Mureaux (Yvelines)

        M. Maxence de Rugy, maire de Talmont-Saint-Hilaire (Vendée), président de l’Association du passeport du civisme

        Mme Julie Champrenault, adjointe au sous-directeur du service national universel

        Général de brigade Bruno Gardy, délégué interarmées aux réserves, responsable de projets SNU et jeunesse

        Mme Marlène Giol, chercheuse associée à l’Institut Thomas More

        M. Augustin Vicard, directeur de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP)

2. Auditions :

        Mme Béatrice Angrand, présidente de l’Agence du service civique, accompagnée de M. David Knecht, directeur général (13 décembre 2021)

        M. Iannis Roder, membre du Conseil des sages de la laïcité, directeur de l’Observatoire de l’éducation de la Fondation Jean‑Jaurès (5 janvier 2022)

        Mme Emmanuelle Pérès, déléguée interministérielle à la jeunesse, directrice de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, accompagnée de M. Augustin Vicard, directeur de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), M. JeanRoger Ribaud, sous-directeur du service national universel, M. CharlesAymeric Caffin, chef du bureau du développement de la vie associative, Mme Hélène Hess, cheffe du bureau du partenariat associatif jeunesse et éducation populaire, et M. Yannick Prost, chargé de mission responsable de la réserve civique (10 janvier 2022)

        Général de corps d’armée Benoît Durieux, directeur de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) (10 janvier 2022)

3. Contributions écrites :

        M. Théo Abadie, membre du Collège du Comité jeunes de l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ)

        Mme Ariane Azéma, déléguée générale de la Ligue de l’enseignement*

        Mme Divina Frau-Meigs, enseignante-chercheuse à la Sorbonne, titulaire de la chaire de l’UNESCO « Savoir-devenir à l’ère du développement numérique durable : articuler usages et apprentissages pour maîtriser les cultures de l’information »

        M. Pierre Montaudon, secrétaire général du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ)

 

 

 

 

 

 

* Ces organismes ont procédé à leur enregistrement au répertoire des représentants d’intérêts géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.


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   CONTRIBUTION DE LA COUR DES COMPTES

 

Cette contribution peut être consultée sur le site de la Cour des comptes à l’adresse suivante :

https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-formation-la-citoyennete

 


([1]) COJ, Comment mieux faire coopérer l’Education populaire et l’Ecole pour former de jeunes citoyens actifs ?, 28 septembre 2020.

([2]) Vincent Tournier, maître de conférences de science politique, Sciences Po Grenoble, Université Grenoble Alpes (UGA), « La crise de confiance dans les partis politiques, une spécificité française ? », 23 février 2021, https://theconversation.com/la-crise-de-confiance-dans-les-partis-politiques-une-specificite-francaise-155780

([3]) Olivier Galland et Marc Lazar, « Une jeunesse plurielle, enquête auprès des 18-24 ans », Institut Montaigne, février 2022.

([4]) Marlène Giol, « Le parcours France en commun, un nouveau souffle pour l’engagement de la jeunesse », Institut Thomas More, rapport 23, juin 2021.

([5]) « Loin des élections, la jeunesse en quête de nouvelles formes d’engagement », Le Monde, 10 septembre 2021.

([6]) Libération, 25 juin 2021.

([7]) Institut Montaigne, op. cit., page 72.

([8]) Anne Muxel, Libération, 25 juin 2021.

([9]) Ibid., page 72.

([10]) Ibid., page 71.

([11]) Brice Teinturier et Mathieu Gallard, « Fractures françaises 2018, Vague 6 », Ipsos/Sopra Steria pour Le Monde, la Fondation JeanJaurès et Sciences Po « Programme Viepol » ; https://www.jean-jaures.org/wp-content/uploads/drupal_fjj/redac/commun/productions/2018/0709/fractures_francaises_2018.pdf

([12]) Libération, 25 juin 2021.

([13]) Le Monde, 10 septembre 2021.

([14]) Anne Muxel, 11 juin 2021.

([15]) « Le parcours France en commun : un nouveau souffle pour l’engagement de la jeunesse », juin 2021.

([16]) Libération, 25 juin 2021.

([17]) Ouest-France, 29 janvier 2022.

([18]) « Engagements citoyens des lycéens : enquête nationale réalisée par le CNESCO », 2018 ; https://www.cnesco.fr/engagements-citoyens/

([19]) « L’engagement dans le cadre du collège, une affaire de bons élèves ? », INJEP, Analyses et synthèses n° 53, décembre 2021.

([20]) « Les lumières à l’heure numérique », rapport au Président de la République, janvier 2022.

([21]) https://www.bfmtv.com/tech/vie-numerique/les-jeunes-francais-passent-pres-de-quatre-heures-par-jour-sur-leur-smartphone_AN-202001150061.html

([22]) https://www.insee.fr/fr/statistiques/5346969#consulter

([23]) « Halo autour du chômage », définition de l’INSEE : « Personne sans emploi qui soit a recherché un emploi, mais n’est pas disponible pour travailler, soit n’a pas recherché d’emploi, mais souhaite travailler et est disponible pour travailler, soit souhaite travailler, mais n’a pas recherché un emploi et n’est pas disponible pour travailler. » (https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1415)

([24]) INSEE (Enquête Emploi).

([25]) DARES Analyses, « Les jeunes ni en études, ni en emploi, ni en formation (NEET) : quels profils et quels parcours ? », n° 006, février 2020.

([26]) https://injep.fr/wp-content/uploads/2019/03/Chiffres-cles-Jeunesse-2019.pdf

([27]) Code de l’éducation, article L. 111-1.

([28]) Article 1er de la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programmation pour l’avenir de l’école.

([29]) Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013.

([30]) Article L. 131-1-1.

([31]) Article L. 111-1-1 du code de l’éducation.

([32]https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006071191/LEGISCTA000006182407/#LEGISCTA000027682819

([33]) Cf. l’arrêté du 15 juillet 2008 fixant le programme d’enseignement d’histoire-géographie-éducation civique pour les classes de sixième, de cinquième, de quatrième et de troisième du collège.

([34]) Bulletin officiel de l’Éducation nationale, n° 30 du 26 juillet 2018.

([35]) Bulletin officiel de l’Éducation nationale, n° 30 du 26 juillet 2018.

([36]) « Éducation à la citoyenneté à l’école : politiques, pratiques scolaires et effets sur les élèves », CNESCO, avril 2016.

([37]) Conseillers principaux d’éducation.

([38]) Il n’y a pas d’inspection spécifique, confirment les responsables administratifs du MEN.

([39]) « Pratiques de classe, sentiment d’efficacité personnelle et besoins de formation : une photographie inédite du métier de professeurs des écoles début 2018 », Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance.

([40]) L’intégralité des données brutes de l’étude TALIS de l’OCDE est disponible ici : https://www.oecd-ilibrary.org/sites/8481c7e0-fr/index.html?itemId=/content/component/8481c7e0-fr

([41]) Jean-Pierre Obin, « La formation des personnels de l’Éducation nationale à la laïcité et aux valeurs de la République », rapport au ministre de l’éducation nationale, avril 2021, page 5.

([42]) Conseils de la vie collégienne et conseils de la vie lycéenne.

([43]) Il est à noter que cette étude ne prend pas en compte le mandat des éco-délégués.

([44]) Table ronde du 13 décembre 2021.

([45]) Article L. 111-2 du code de l’éducation.

([46]) Article L. 332-5 du code de l’éducation.

([47]) « Renforcer l’éducation aux médias et à l’information et la citoyenneté numérique », mai 2021.

([48]) https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo4/MENE2202370C.htm

([49]) https://www.apden.org/Vademecum-EMI-Lettre-ouverte-au-Ministre-Jean-Michel-Blanquer.html

([50]) MEN, Vademecum Éducation aux médias et à l’information, https://eduscol.education.fr/document/33370/download?attachment

([51]) Les premières ont été créées en 2005 dans l’académie de Nice.

([52]) https://www.gouvernement.fr/ambition-armees-jeunesse-une-solution-pour-les-jeunes-a-partir-de-13-ans

([53]) Le rapport de la Cour des comptes indiquait quelque 300 CDSG et plus de 7 000 élèves concernés.

([54]) Circulaire n° 2016-017 du 8 décembre 2015.

([55]) Table ronde du 5 janvier 2022.

([56]) « Le passeport citoyen testé aux Mureaux », Le Parisien, 9 août 2006. URL : https://www.leparisien.fr/yvelines-78/le-passeport-citoyen-teste-aux-mureaux-09-08-2006-2007228659.php

([57]) Alice d’Oléon, « Un laboratoire d’idées pour lutter contre le séparatisme », La Vie, 22 juillet 2021.

([58]) Décret n° 2021-1947 du 31 décembre 2021 pris pour l’application de l’article 10-1 de la loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 et approuvant le contrat d’engagement républicain des associations et fondations bénéficiant de subventions publiques ou d’un agrément de l’État.

([59]) Le contrat républicain comporte sept engagements : respect des lois de la République ; liberté de conscience ; liberté des membres de l’association ; égalité et non-discrimination ; fraternité et prévention de la violence ; respect de la dignité de la personne humaine ; respect des symboles de la République.

([60]) « La personne morale agréée est un organisme sans but lucratif de droit français, une personne morale de droit public, un organisme d’habitations à loyer modéré mentionné à l’article L. 4112 du code de la construction et de l’habitation, une société d’économie mixte mentionnée à l’article L. 4811 du même code ou une société publique locale mentionnée à l’article L. 15311 du code général des collectivités territoriales, une société dont l’État ou la Banque de France détient la totalité du capital ou à laquelle le ministre chargé de la culture a attribué un label en application de l’article 5 de la loi n° 2016925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, une organisation internationale dont le siège est implanté en France ou une entreprise solidaire d’utilité sociale agréée en application du II de l’article L. 3332171 du code du travail. »

([61]) MM. François Cormier-Bouligeon et Sylvain Waserman.

([62]) Elle a été versée à tous les boursiers en 2021.

([63]) Rapport d’activité 2020, page 8. Sauf mention contraire, toutes les références sont issues des rapports d’activité de l’Agence du service civique.

([64]) Rapport d’activité 2018, page 36.

([65]) Francou Q., 2021, Évaluation du service civique. Résultats de l’enquête sur les parcours et missions des volontaires, INJEP Notes & rapports/Rapport d’étude ; INJEPR-2021/09, mai 2021.

([66]) Cf. supra.

([67]) Agence du service civique, consultation citoyenne sur le service civique – synthèse, septembre 2020.

([68]) INJEPR-2021/09, op. cit.

([69]) INJEP, « Les volontaires en service civique : des parcours de formation et d’insertion variés », Analyses & synthèses n° 32, mars 2020.

([70]) INJEP, INJEPR-2021/09, p. 67.

([71]) DARES Analyses, n° 6, février 2020.

([72]) Article D. 611‑9 du code de l’éducation.

([73]) Cour des comptes, rapport annuel 2014, tome I, vol. 1, Le service civique : une ambition forte, une montée en charge à maîtriser, réponse de la directrice de l’Agence du service civique, page 247.

([74]) Cour des comptes, rapport communiqué au CEC pour la présente évaluation, page 55.

([75]) Rapport d’activité 2019, page 21.

([76]) Rapport d’activité 2020, page 25.

([77]) Cour des comptes, rapport annuel 2018, tome II, Le service civique : une montée en charge réussie, un dispositif mal financé aux effets mal connus, page 201.

([78]) Cour des comptes, rapport annuel 2014, tome I, vol. 1, Le service civique : une ambition forte, une montée en charge à maîtriser, page 221.

([79]) Conseil d’État, rapport annuel 2018, La citoyenneté. Être (un) citoyen aujourd’hui, 2018.

([80]) Les administrations sont loin d’être exemplaires, en particulier l’Éducation nationale, qui accueille de nombreux jeunes en service civique, que l’ASC excuse en partie en raison de la très grande dispersion géographique de ses établissements.

([81]) 400 contrôles sur site visant à vérifier la mise en œuvre de la formation civique et citoyenne ont eu lieu en 2021. Les questionnaires envoyés aux volontaires à la suite de leur service civique permettent également d’apprécier la concrétisation de cette formation.

([82]) INJEP, Analyses & synthèses n° 32, mars 2020, Les volontaires en service civique : des parcours de formation et d’insertion variés.

([83]) À savoir Bac+5, BTS et licences professionnelles.

([84]) Troisième séance du lundi 25 octobre 2021.

([85]) Un chapitre toujours en vigueur (Articles L. 34141 à L. 34148) lui est consacré dans la partie du code de la défense traitant des organismes sous tutelle du ministère et c’est sous ce nom qu’il figure dans le projet annuel de performance de la mission Travail et emploi alors qu’il apparaît comme Établissement public d’insertion dans l’emploi dans le jaune budgétaire des opérateurs de l’État.

([86]) COJ, Avis sur les conditions de réussite du Contrat d’Engagement Jeune, décembre 2021.

([87]) Sur le site du SMA, l’âge minimum indiqué est de 17 ans.

([88]) Amendement n° 2420 adopté le 4 novembre 2021.

([89]) Le centre de Marseille sera pleinement opérationnel fin août 2022.

([90]) Cour des comptes, page 49.

([91]) L’évaluation de l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (ÉPIDE) Exercices 2015-2020, mai 2021, réalisé à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale.

([92]) Le projet annuel de performance de la mission Travail et emploi mentionne la réhabilitation du site de Lanrodec et une implantation nouvelle en Seine-Saint-Denis.

([93]) Depuis, la loi n° 2021‑1520 du 25 novembre 2021, les jeunes gens sont informés aussi des possibilités d’engagement dans les sapeurs-pompiers volontaires.

([94]) Article L. 114-3.

([95]) Rapport relatif à la création d’un service national universel, avril 2018, rapporteur : général Daniel Menaouine.

([96]) Rapport relatif à la consultation de la jeunesse sur le SNU, novembre 2018, rapporteur : général Daniel Menaouine.

([97]) L’INJEP procède chaque année à une évaluation quantitative et qualitative poussée, sur la base de questionnaires, d’entretiens et d’observations sur site.

([98]) Ardennes, Cher, Creuse, Eure, Guyane, Hautes-Pyrénées, Haute-Saône, Loire, Morbihan, Nord, Puy‑de‑Dôme, Val-d’Oise, Vaucluse.

([99]) Installés dans des internats, des centres de vacances, etc.

([100]) Commémoration du 18 juin, Fête de la musique.

([101]) Décret n° 2020‑922 du 29 juillet 2020 portant diverses dispositions relatives au service national universel.

([102]) Décret n° 2020‑1545 du 9 décembre 2020 relatif à l’organisation et aux missions des directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, des directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités et des directions départementales de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations.

([103]) INJEP, Notes & Études, Déploiement du Service national universel sur l’ensemble du territoire français en 2021, janvier 2022.

([104]) Contrairement à 2019, le séjour 2021 s’est déroulé dans la région d’origine – mais dans un autre département.

([105]) INJEP, INJEPR-2022/02, p. 119, janvier 2021.

([106]) Une sous‑représentation que l’INJEP attribue en partie au fait que le SNU s’adresse aux jeunes Français exclusivement.

([107]) INJEP, INJEPR-2022/02 page 131.

([108]) INJEP, INJEPR-2022/02.

([109]) Articles L. 432‑1 et suivants du code de l’action sociale et des familles.

([110]) Point sur la situation du paiement des encadrants (septembre 2021).

([111]) DiagOriente est un dispositif pédagogique qui repose sur une application numérique visant à accompagner les jeunes dans la construction de leur orientation professionnelle par identification des compétences. Il s’adresse en priorité aux jeunes accompagnés par les missions locales, aux volontaires du service civique et du service national universel.

([112]) INJEP, Analyses & synthèses, n° 51, octobre 2021.

([113]) Soit 19 % des volontaires de leur plein gré et 61 % des volontaires malgré eux.

([114]) Defasy A. Desjonquères T., Hervieu M., Leplaideur M., 2022, Déploiement du Service national universel sur l’ensemble du territoire français en 2021. Enseignements de l’évaluation des séjours de cohésion, avec les contributions de l’INJEP (Anne-Sophie Cousteaux et Samuel James) et des équipes des cabinets Pluricité et Itinere Conseil, INJEP Notes & Rapports/Rapport d’étude ; INJEPR-2022/02, janvier 2022.

([115]) Articles L. 111-2 et L. 111-2-1.

([116]) Aux termes de l’ordonnance n° 2021-1159 du 8 septembre 2021.

([117]) Conseil supérieur des programmes, Avis sur l’articulation des contenus de la formation dispensée dans le cadre du service national universel avec les programmes de l’enseignement moral et civique des classes de troisième, de seconde générale et technologique, de seconde professionnelle et des classes préparatoires au certificat d’aptitude professionnelle, juillet 2020.

([118]) Tucci I. (coord.), Recotillet I., Berthet T., Bausson S., 2021, Conseils de jeunes et participation : étude auprès des collectivités et de jeunes engagés, avec la collaboration de Bidart C. et Foundi L., INJEP Notes & rapports/Rapport d’étude, INJEPR-2021/05.

([119]) La loi n° 2017‑86 du 27 janvier 2017 étend à l’ensemble des collectivités territoriales et des ÉPCI la possibilité de créer un conseil d’enfants et de jeunes.

([120]) Avis sur l’articulation des contenus de la formation dispensée dans le cadre du service national universel avec les programmes de l’enseignement moral et civique, juillet 2020.

([121]) Géraldine Bozec, CNESCO, avril 2016, précité.

([122]) Conseil des sages de la laïcité, Que sont les principes républicains ?, juin 2021.

([123]) Arrêté du 16 juillet 2021 fixant le cahier des charges relatif au continuum de formation obligatoire des personnels enseignants et d’éducation concernant la laïcité et les valeurs de la République.

([124]) Arrêté du 25 janvier 2021 fixant les modalités d’organisation des concours du professorat de l’enseignement du second degré.

([125]) https://www.devenirenseignant.gouv.fr/cid98653/les-epreuves-du-crpe-externe-du-troisieme-crpe-et-du-second-crpe-interne.html

([126]) Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.

([127]) Fichier des auteurs d’infractions terroristes.

([128]) Ministère de l’éducation nationale, L’idée républicaine, septembre 2021.

([129]) Ministère de l’éducation nationale, La République à l’école, septembre 2021.

([130]) Articles L. 312-1 à L. 312-9 du code de l’éducation.

([131]) Avec la notion de relais citoyen, la Croix‑Rouge propose de nouveaux cadres d’engagement dans des lieux de vie : immeubles, quartiers, entreprises, commerces, établissements scolaires et d’enseignement supérieur, etc.

([132]) https://www.service-civique.gouv.fr/

([133]) https://jeunes.gouv.fr/

([134]) https://www.jeveuxaider.gouv.fr/

([135]) https://www.1jeune1solution.gouv.fr/home

([136]) Surtout entre le SMA, le SMV et l’ÉPIDE.

([137]) Note de service DGER/SDPFE/2021-139 24/02/2021.

([138]) https://www.parcoursup.fr/?desc=questions

([139]) Article L. 611-9 du code de l’éducation.

([140]) Article D. 611-7 du même code.

([141]) Serge Ravet, Réflexions sur la genèse des open badges, 2017.

([142]) Décret n° 2020‑972 du 31 juillet 2020.

([143]) Décret n° 2020‑1043 du 14 août 2020.

([144]) Article 12 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.