N° 386

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 octobre 2022

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES ([1]),

sur le projet de loi de finances pour 2023

par

Mme Julie DELPECH

Députée

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La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de :

 

Mme Véronique Riotton, présidente ; Mme Virginie Duby-Muller, Mme Marie-Charlotte Garin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Sandrine Josso, viceprésidents ; Mme Julie Delpech, Mme Anne-Cécile Violland, secrétaires ; Mme Emmanuelle Anthoine ; Mme Anne-Laure Babault ; Mme Marie-Noëlle Battistel ; Mme Soumya Bourouaha ; Mme Céline Calvez ; Mme Émilie Chandler ; Mme Mireille Clapot ; M. Jean-François Coulomme ; Mme Béatrice Descamps ; Mme Christine Engrand ; Mme Géraldine Grangier ; Mme Fatiha Keloua Hachi ; Mme Amélia Lakrafi ; Mme Élise Leboucher ; Mme Julie Lechanteux ; Mme Sarah Legrain ; Mme Brigitte Liso ; Mme Marie-France Lorho ; Mme Pascale Martin ; Mme Graziella Melchior ; M. Thomas Mesnier, Mme Frédérique Meunier, Mme Sophie Panonacle, Mme Josy Poueyto, Mme Véronique Riotton, Mme Anaïs Sabatini, Mme Ersilia Soudais, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Stéphane Viry.

 

 


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  SOMMAIRE

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Pages

SYNTHèse des recommandations

introduction

I. LES MOYENS DU PROGRAMME 137 – ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES CONNAISSENT CETTE ANNÉE ENCORE UNE FORTE AUGMENTATION

A. LES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS DU PROGRAMME 137 OBSERVÉES DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2023

1. Une présentation des actions et objectifs de plus en plus lisible

2. Une augmentation notable des crédits qui accompagne la montée en charge de certains dispositifs

a. Un nouveau renforcement de la lutte contre les violences faites aux femmes

b. Une hausse du financement du réseau des CIDFF et des projets innovants

3. Les autres mesures du programme voient leurs crédits reconduits

a. Un financement stable des EVARS

b. La dernière année de la CPO liant l’État à la FNSF pour le 3919

c. Des crédits d’accompagnement des PSP qui restent stables en dépit de l’augmentation de l’enveloppe « AFIS »

B. L’EFFORT D’APPUI, DE COORDINATION ET DE SÉCURISATION DU TISSU ASSOCIATIF FÉMINISTE PAR l’ÉTAT DOIT ÊTRE POURSUIVI

1. Des progrès notables dans le pilotage des crédits et la démarche partenariale, qui peuvent toutefois encore progresser

a. Une exécution pour 2022 globalement satisfaisante en dépit des contraintes inhérentes à une année électorale

b. La problématique spécifique des appels à projet

c. Une démarche partenariale qui peut encore être améliorée, en particulier à l’échelon local

2. Un réseau déconcentré au rôle primordial et aux effectifs modestes

II. lE CONTENU ET LES OBJECTIFS DU DOCUMENT DE politique TRANSVERSALE PEUVENT ENCORE ÊTRE PRÉCISÉS ET CLARIFIÉS

A. Un effort budgétaire couplé à un accroissement du périmètre des dépenses prises en compte

1. Un effort budgétaire sur le périmètre du DPT 2022

2. Une augmentation de périmètre

B. Les principaux programmes contributeurs au déploiement de la politique de l’égalité sur le territoire national et dans le cadre de la diplomatie féministe de la France

1. Une distinction plus claire entre DPT « national » et DPT « extérieur »

2. Les principaux programmes contribuant à la politique de l’égalité sur le territoire national

3. Les efforts spécifiques déployés en faveur de la diplomatie féministe

C. Des améliorations méthodologiques encore possibles

1. Des objectifs et indicateurs de performance spécifiables et perfectibles

2. Pour une meilleure explicitation de l’apport réel de certains programmes à la progression de l’égalité entre les femmes et les hommes

TRAVAUX DE LA dÉlÉgation

annexe 1 : liste des personnes auditionnées par la DÉLÉGATION

annexe 2 : liste des personnes auditionnées par la RAPPORTEURE


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   SYNTHèse des recommandations

Recommandation n° 1 : Associer à l’objectif 2 – Mesurer l’effet de levier des crédits du programme 137 sur le financement des actions en faveur de l’égalité professionnelle des indicateurs plus lisibles.

Recommandation n° 2 : Compléter ou spécifier les indicateurs du programme 137 afin de mesurer les effets des crédits associés en termes qualitatifs.

Recommandation n° 3 : Faire évoluer, dans le cadre de la future convention pluriannuelle d’objectifs (CPO), les moyens alloués au 3919 pour garantir un retour à l’objectif de 85 % en matière de qualité de service dans tous les territoires, y compris les Outre-mer.

Recommandation n° 4 : Assortir les accroissements de l’enveloppe de l’allocation financière d’insertion sociale et professionnelle du financement de moyens humains permettant d’accompagner les personnes en parcours de sortie de prostitution.

Recommandation n° 5 : Appliquer la loi de 2016 en réunissant effectivement, au rythme minimal de deux fois par an, les commissions départementales de lutte contre la prostitution.

Recommandation n° 6 : Rétablir les modalités de financement de la prévention de la prostitution et de l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées dans leur rédaction issue de la loi du 13 avril 2016 (fonds de prévention et modalités de financement par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués).

Recommandation n° 7 : Limiter les appels à projet au financement de mesures expérimentales susceptibles de favoriser l’émergence de nouveaux acteurs et les encadrer par la publication d’un guide de bonnes pratiques à destination des financeurs, visant en particulier à une harmonisation des indicateurs demandés.

Recommandation n° 8 : Améliorer la démarche partenariale par un allongement des CPO à une durée de 5 ans et par l’extension de cette démarche à l’échelon local.

Recommandation n° 9 : Améliorer la présence de l’État aux côtés des associations, en étoffant et mettant en cohérence l’organisation du réseau déconcentré du Service des droits des femmes et de l’égalité.

Recommandation n° 10 : Regrouper au sein d’un même programme les crédits qui rémunèrent l’ensemble des personnels mettant en œuvre la politique d’égalité entre les femmes et les hommes.

 

Recommandation n° 11 : Conduire une réflexion sur les moyens d’accompagner les associations dans la revalorisation des salaires de leurs personnels œuvrant dans les mêmes secteurs que les personnels ayant bénéficié de revalorisations de salaire dans le cadre du Ségur.

Recommandation n° 12 : Présenter de façon claire et distincte les augmentations de crédits révélant un accroissement de l’effort budgétaire et celles traduisant les améliorations méthodologiques permettant d’identifier la contribution à la politique de l’égalité de crédits existants.

Recommandation n° 13 : Isoler les crédits contribuant à la diplomatie féministe dans le tableau d’évaluation des crédits consacrés à la politique transversale.

Recommandation n° 14 : Poursuivre les efforts à l’échelon interministériel pour spécifier les objectifs et indicateurs présentés et leur rattacher les crédits des programmes qui y concourent.

Recommandation n° 15 : Présenter de façon claire pour chaque programme, en particulier les programmes 102 et 103, la méthode et le détail de l’identification des crédits contribuant à faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes.

Recommandation n° 16 : Favoriser l’extension de la méthodologie du DPT aux autres institutions et organismes concourant à la politique d’égalité femmes-hommes.

 

 


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   introduction

 

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 conforte les engagements pris depuis 2017 en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, déclarée à nouveau grande cause du quinquennat. Le périmètre examiné par votre Délégation couvre plus spécifiquement les deux annexes du PLF que sont le projet annuel de performances du programme 137 et le document de politique transversale (DPT) Politique de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Le présent rapport porte, tout d’abord, sur le programme 137  Égalité entre les femmes et les hommes de la mission solidarité, insertion et égalité des chances, dont la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances a annoncé devant votre Délégation la hausse de près de 15 % des crédits. Ce surcroît de ressources permettra, notamment, d’intensifier la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, de lancer de nouveaux projets pour la mise en sécurité et l’amélioration du parcours des victimes et d’améliorer l’accès aux droits par un renforcement des moyens du réseau des Centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). La hausse des crédits s’inscrit dans le cadre du renforcement de la démarche partenariale entre le Gouvernement et les associations, laquelle doit être encore approfondie pour sécuriser leurs financements, renforcer la coordination d’un tissu associatif par essence fragmenté et pouvoir fixer des objectifs clairs et de long terme.

Ce rapport analyse également le DPT Politique de l’égalité entre les femmes et les hommes, annexé au projet de loi de finances. Il décrit les ressources concourant à l’égalité femmes-hommes au sein de cinquante programmes budgétaires, dans le cadre d’une démarche d’identification portée par un nombre croissant de ministères. L’élargissement du périmètre des crédits ainsi identifiés marque l’engagement progressif de l’ensemble des administrations publiques en faveur d’une plus grande égalité entre les femmes et les hommes.

Les travaux de votre rapporteure ne se fondent pas uniquement sur l’examen des ressources proposées dans le projet de loi de finances. Ils abordent également, dans la lignée des travaux de sa prédécesseure, les questions méthodologiques qui entourent leur présentation et leur engagement. Cette analyse a été complétée par les auditions, d’une part, de la cheffe du Service des droits des femmes et de l’égalité (SDFE), et, d’autre part, des principales têtes des réseaux associatifs mettant en œuvre la politique de l’égalité sur le territoire national (voir annexes).

Pour ce premier exercice d’analyse budgétaire de la législature, votre rapporteure se félicite de la prise en compte par le Gouvernement d’un certain nombre des recommandations formulées par la Délégation aux droits des femmes à l’occasion de ses saisines successives sur les projets de lois de finances de la précédente législature. Le présent rapport prolonge cette démarche en soumettant 16 recommandations, qui font l’objet d’une attention particulière de votre Délégation.

 


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I.   LES MOYENS DU PROGRAMME 137 – ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES CONNAISSENT CETTE ANNÉE ENCORE UNE FORTE AUGMENTATION

Le PLF pour 2023 traduit, à nouveau, l’engagement du Gouvernement en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour l’exercice 2023, 57,9 millions d’euros ont été programmés en crédits de paiement (CP), contre 50,6 millions d’euros en 2022, soit une hausse de 14,4 % et 7,3 millions d’euros supplémentaires. Les autorisations d’engagement (AE) passent, quant à elles, de 47,4 millions d’euros en 2022 à 54,7 millions d’euros en 2023, soit une hausse de 15,4 %.

Depuis 2017, les crédits alloués au programme 137 ont presque doublé : 29,8 millions d’euros avaient été inscrits en CP dans la loi de finances pour 2017, ce qui porte la hausse des crédits de ce programme à 94,3 % sur la période.

Comme chaque année, ces ressources bénéficieront principalement aux actions portées par les associations de défense des droits des femmes. Le programme 137 est, en effet, constitué à 97 % de dépenses d’intervention (Titre 6), l’essentiel des crédits étant consommé dans le cadre de partenariats ‑ subventions et appels à projets ‑ au bénéfice des associations œuvrant en faveur des droits des femmes.

A.   LES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS DU PROGRAMME 137 OBSERVÉES DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2023

1.   Une présentation des actions et objectifs de plus en plus lisible

Comme l’année précédente, le programme 137 se décline en trois actions :

– l’action 23 – Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes. Cette action soutient les initiatives d’information et de sensibilisation portées par l’État ou des associations partenaires ;

– l’action 24 – Accès aux droits et égalité professionnelle ;

– l’action 25 – Prévention et lutte contre les violences et la prostitution.

La nomenclature retenue en 2022, plus claire que les précédentes, est donc pérennisée, ce que votre rapporteure salue.

Ces actions servent trois objectifs, assortis d’indicateurs, ainsi présentés dans le projet annuel de performances pour 2023 :

– l’objectif 1 – Améliorer la qualité de service en matière d’aide aux personnes victimes de violences, avec pour indicateurs le taux d’appels traités par la permanence téléphonique nationale de référence et l’accompagnement offert par les centres d'information sur les droits des femmes et des familles ;

– l’objectif 2 – Mesurer l’effet de levier des crédits du programme 137 sur le financement des actions en faveur de l’égalité professionnelle, avec pour indicateur la part des crédits du programme 137 dédiés au co-financement du Fonds social européen pour des projets en faveur de l'égalité professionnelle ;

– l’objectif 3 – Aider à la sortie de la prostitution et lutter contre son développement, avec pour indicateur le déploiement des parcours de sortie de prostitution (PSP).

Ces derniers objectif et indicateur remplacent l’ancien objectif 3 ‑ Mesurer l’impact de la culture de l’égalité, qui était assorti de l’indicateur ‑ Développement de la culture de l’égalité, lesquels apparaissaient comme peu pertinents. Votre rapporteure se félicite de cette avancée, qui répond à la recommandation n° 10 formulée par votre Délégation dans le cadre de sa saisine sur le projet de loi de finances pour 2022. Votre rapporteure suggère toutefois que le suivi de cet objectif prenne également en compte des aspects qualitatifs, et notamment la répartition territoriale des parcours de sortie de prostitution, afin de mesurer la réalité de la mise en place du dispositif PSP sur l’ensemble des territoires, dans leur diversité.

Par ailleurs, votre rapporteure regrette le manque de lisibilité de l’indicateur  Part des crédits du programme 137 dédiés au co-financement du Fonds social européen pour des projets en faveur de l'égalité professionnelle rattaché à l’objectif 2. Des indicateurs plus objectifs et plus clairs en matière d’égalité professionnelle, par exemple en matière de mixité des métiers, d’entrepreneuriat féminin ou de disparités salariales, pourraient être retenus.

Recommandation n° 1 : Associer à l’objectif 2 – Mesurer l’effet de levier des crédits du programme 137 sur le financement des actions en faveur de l’égalité professionnelle des indicateurs plus lisibles.

 

Enfin, si les objectifs 1 et 3 sont clairs et lisibles et leurs indicateurs pertinents, votre rapporteure suggère de les compléter ou de les spécifier afin de pouvoir mesurer les effets des crédits associés non seulement en termes quantitatifs (nombre d’appels traités par le 3919, nombre de parcours de sortie de prostitution) mais également qualitatifs (orientation des femmes ayant contacté le 3919 vers des structures adaptées, répartition territoriale des PSP, etc.).

Recommandation n° 2 : Compléter ou spécifier les indicateurs du programme 137 afin de mesurer les effets des crédits associés en termes qualitatifs.

 

Le tableau ci-après présente le détail de l’évolution des crédits par actions et dispositifs :

(en millions d’euros)

 

PLF 2022

PLF 2023

Écart

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 137

47,4

50,6

54,7

57,9

7,3

7,3

Action 23 – Soutien du programme

1,6

1,6

1,6

1,6

-

-

Action 24 – Accès aux droits et égalité professionnelle

20,9

20,9

23,9

23,9

3,0

3,0

Accès aux droits

11,6

11,6

13,2

13,2

1,6

1,6

dont

échelon national (FNCIDFF + MPFPF + lutte contre précarité menstruelle)

2,0

2,0

2,0

2,0

-

-

échelon local (CIDFF + EVARS + "aller vers")

9,6

9,6

11,2

11,2

1,6

1,6

Mixité des métiers et entrepreneuriat féminin

3,9

3,9

3,9

3,9

-

-

Insertion professionnelle

2,5

2,5

2,5

2,5

-

-

Projets innovants en faveur de l’égalité

2,1

2,1

3,5

3,5

-

-

Partenariats territoriaux

0,8

0,8

0,8

0,8

-

-

Action 25 – Prévention et lutte contre les violences et la prostitution

24,9

28,1

29,2

32,4

4,3

4,3

Lutte contre les violences faites aux femmes

13,2

16,4

17,3

20,5

4,1

4,1

dont

échelon national (plateforme téléphonique & autres subventions nationales)

3,9

7,1

3,9

7,1

-

-

échelon local (accueil de jour + LEAO + lieux d’information + référents)

9,3

9,3

13,4

13,4

4,1

4,1

Prostitution

4,5

4,5

4,7

4,7

0,2

0,2

dont

échelon national (AFIS)

1,5

1,5

1,7

1,7

0,2

0,2

échelon local (PSP)

3,0

3,0

3,0

3,0

-

-

Prévention des auteurs de violences

6,9

6,9

6,9

6,9

-

-

dont

échelon national

0,7

0,7

0,7

0,7

-

-

échelon local (CPCA)

6,2

6,2

6,2

6,2

-

-

Lutte contre les mutilations sexuelles

0,3

0,3

0,3

0,3

-

-

Source : DGCS

2.   Une augmentation notable des crédits qui accompagne la montée en charge de certains dispositifs

a.   Un nouveau renforcement de la lutte contre les violences faites aux femmes

L’action 25 – Prévention et lutte contre les violences et la prostitution, est dotée pour 2023 de 29,2 millions d’euros en AE et de 32,4 millions d’euros en CP, soit 53,4 % des AE et 56,0 % des CP du programme 137. C’est cette action qui connaît la plus forte augmentation, de 17,3 % en AE et de 15,3 % en CP, soit 4,3 millions d’euros supplémentaires.

La hausse des crédits permettra de financer la montée en charge des mesures de lutte et de prévention des violences faites aux femmes : 4,1 millions d’euros supplémentaires seront consacrés au soutien des dispositifs d’accueil et d’aide à la mobilité pour mettre en sécurité les victimes, au renforcement significatif, ainsi qu’à l’évolution structurelle et organisationnelle, du réseau des Lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation (LEAO) et des accueils de jour, et au lancement d’un « pack nouveau départ » sur cinq sites expérimentaux, à destination d’un public cible de femmes victimes de violences. Le dispositif expérimental d’aller vers, y compris sous ses formes itinérantes permettant un meilleur maillage territorial, sera également poursuivi et intensifié grâce à ces crédits supplémentaires.

En matière de lutte contre la prostitution et de soutien aux parcours de sortie, le PLF pour 2023 prévoit 200 000 euros supplémentaires par rapport à 2022 pour le financement de l’allocation financière d’insertion sociale et professionnelle (AFIS), soit 1,7 million d’euros au total. Cette hausse des crédits vise à répondre à l’augmentation du nombre de personnes accompagnées, l’AFIS étant destinée aux personnes s’engageant dans PSP et ne pouvant prétendre au bénéfice des minima sociaux.

b.   Une hausse du financement du réseau des CIDFF et des projets innovants

La hausse des crédits concerne également l’action 24 – Accès aux droits et égalité professionnelle, en augmentation de 14,4 % par rapport à 2022, soit 3 millions d’euros supplémentaires en AE et en CP. L’action 24 sera ainsi dotée de 23,9 millions d’euros en AE et en CP. Les dispositifs relatifs à l’accès aux droits à l’échelle locale et aux projets innovants en faveur de l’égalité ([2]) bénéficient plus spécifiquement de cette hausse de moyens.

La hausse des crédits dévolus au réseau des CIDFF ([3]) témoigne d’un effort budgétaire en matière d’accès aux droits au niveau local. Ainsi, 1,6 million d’euros supplémentaire sera dévolu aux CIDFF, soit 6,3 millions d’euros au total, afin d’instaurer un véritable plan d’accès aux droits sur tout le territoire. Ces centres informent, orientent et accompagnent le public, en priorité les femmes, dans différents domaines : accès au droit, lutte contre les violences sexistes, soutien à la parentalité, emploi, formation professionnelle et création d’entreprise, sexualité et santé. Environ 500 000 femmes sont ainsi accompagnées chaque année par ce réseau, pour environ 900 000 demandes traitées. Les CIDFF remplissent également une mission dite d’aller vers, afin de lutter contre le non‑recours aux droits : 1 800 à 2 400 permanences, fixes ou itinérantes, ont ainsi été animées, partout en France métropolitaine et en Outre-mer, entre 2019 et 2021.

Les crédits alloués aux CIDFF permettront également d’accompagner le développement des services emploi des CIDFF et des Bureaux d’accompagnement individualisé vers l'emploi (BAIE), portés par ce réseau. Il s’agira notamment d’améliorer leur maillage territorial, mais aussi de renforcer l’action et la formation des personnels concernés, de définir une méthodologie commune à l’ensemble des CIDFF en matière d’accompagnement vers l’emploi et enfin d’assigner des objectifs stratégiques pour les cinq années à venir. Chaque année, 11 000 personnes sont informées au sujet de l’insertion professionnelle dans un CIDFF, 33 000 entretiens conduits et 9 000 femmes accompagnées vers l’emploi. Les demandes relatives à l’insertion socioprofessionnelle au sein des CIDFF ont augmenté de 25 % sur les trois dernières années.

Par ailleurs, 1,4 million d’euros de crédits supplémentaires sera consacré aux projets innovants et permettra le lancement de plans d’action territorialisés pour l’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes. Il s’agira plus précisément de promouvoir la culture de l’égalité dans tous les territoires, et en particulier en zones rurales, péri-urbaines, dans les quartiers prioritaires de la ville et dans les départements et régions d’outre-mer (DROM), par une action adaptée aux spécificités de ces territoires. Ces plans d’action reposeront sur une contractualisation pluriannuelle.

3.   Les autres mesures du programme voient leurs crédits reconduits

Les crédits destinés à l’action 23 – Soutien du programme restent stables, ainsi que les crédits consacrés à la mixité et à l’insertion professionnelles et à l’entrepreneuriat féminin. Il en va de même du financement des espaces de vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS), de la plate-forme 3919, et du volet accompagnement humain des parcours de sortie de prostitution.

a.   Un financement stable des EVARS

En matière d’accès aux droits au niveau local, comme en 2022, 4 millions d’euros en AE et en CP permettront de soutenir les EVARS. Ces structures contribuent à délivrer des informations sur les droits en matière de santé sexuelle et de sexualité, à conduire des entretiens préalables à l’IVG, à dispenser une éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle ou encore à promouvoir l’égalité entre les filles et les garçons et entre les femmes et les hommes. L’optimisation du maillage territorial, permettant leur présence dans des zones blanches, sera poursuivie. Votre rapporteure salue les avancées notables en matière de coordination des EVARS, lesquelles devront encore être approfondies, notamment dans le cadre de la nouvelle convention pluriannuelle d’objectifs (CPO) à venir : ceux-ci jouent, en effet, un rôle essentiel, avec un total annuel d’environ 380 000 personnes accueillies, et presque autant rencontrées dans le cadre des démarches d’aller vers.

b.   La dernière année de la CPO liant l’État à la FNSF pour le 3919

Le PLF pour 2023 prévoit que, comme en 2022, 2,9 millions d’euros seront alloués, dans le cadre de la CPO 2021-2023, à la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), pour le portage de la plateforme téléphonique « 3919 », d’appel d’urgence pour les victimes de violences, dont le service est accessible et disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 depuis le 30 août 2021. Cette stabilité des moyens consacrés à la plateforme 3919 pour 2023 s’explique par la signature d’une CPO pour 3 ans définissant un montant fixe de subventions. Votre rapporteure relève ici l’abaissement de l’objectif cible de qualité de service du 3919 pour 2023 de 85 à 75 %. Cet abaissement correspond à un accord entre la FNSF et le SDFE, nécessaire afin d’adapter la formation mais aussi les présences des écoutantes, les appels le week-end ayant considérablement augmenté à la suite du passage en 24 heures sur 24. Votre rapporteure émet toutefois le souhait, en particulier à l’approche de la négociation de la future CPO, que la FNSF puisse être en mesure de rétablir au plus vite la qualité de service de cette plate-forme emblématique de la lutte contre les violences faites aux femmes. Enfin, votre rapporteure souhaiterait qu’une réflexion soit conduite avec la FNSF pour que le 3919 puisse à terme proposer une écoute dans les langues régionales dans les territoires où celles-ci présentent un nombre important de locuteurs natifs, c’est-à-dire principalement dans les Outre-mer. Une telle proposition pourrait se faire en partenariat avec les associations locales.

 

Recommandation n° 3 : Faire évoluer, dans le cadre de la future CPO, les moyens alloués au 3919 pour garantir un retour à l’objectif de 85 % en matière de qualité de service dans tous les territoires, y compris les Outre-mer.

c.   Des crédits d’accompagnement des PSP qui restent stables en dépit de l’augmentation de l’enveloppe « AFIS »

Concernant la lutte contre la prostitution et le soutien aux parcours de sortie, le financement apporté aux associations chargées d’accompagner les personnes en situation de prostitution, via des actions de rencontres (maraudes), d’accueil et de prise en charge, ainsi que de soutien des personnes en parcours de sortie de prostitution, sera stable, en dépit de l’accroissement de 200 000 euros de l’enveloppe dédiée à l’AFIS, versée aux personnes entrées dans un PSP.

Or, les augmentations de l’enveloppe AFIS, pour se traduire dans les faits, doivent s’accompagner du financement de moyens humains permettant d’accompagner les personnes prostituées dans leur parcours de sortie. Lorsque la décision de sortie de prostitution est prise, ces personnes, le plus souvent victimes de réseaux de proxénétisme, se retrouvent du jour au lendemain en situation de danger, sans abri ni ressources (le logement et la nourriture leur étant en général dispensés par ces réseaux), parfois avec un nouveau-né dont l’arrivée constitue souvent le déclencheur de la décision. Sans un accompagnement humain, permettant d’aider la personne à chercher un hébergement d’urgence, à monter son dossier AFIS, et à accéder progressivement à l’autonomie, le parcours de sortie est rendu impossible. Les associations estiment ainsi qu’un équivalent temps plein (ETP) est nécessaire pour accompagner au maximum 12 parcours de sortie de prostitution. Sans ces ressources, l’augmentation de la seule enveloppe AFIS peut donc se traduire par la non‑consommation des crédits supplémentaires et, plus concrètement, par une cruelle mise en attente des personnes souhaitant sortir de la prostitution.

 

Recommandation n° 4 : Assortir les accroissements de l’enveloppe AFIS du financement de moyens humains permettant d’accompagner les personnes en parcours de sortie de prostitution.

Un autre point de blocage peut résider dans la nécessité, pour entrer en PSP et se voir attribuer l’AFIS, ainsi que le cas échéant un titre de séjour temporaire, de passer devant la commission départementale de lutte contre la prostitution. Or, votre rapporteure souhaite alerter sur le fait que ces commissions ne se sont jamais tenues dans plusieurs départements ou à une seule occasion, sans que la démarche s’inscrive dans la continuité. Ce blocage majeur invite à rappeler l’ensemble des préfets à la nécessité, comme le prévoit la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, de réunir effectivement ces commissions, avec un rythme minimal de deux réunions annuelles.

 

Recommandation n° 5 : Appliquer la loi de 2016 en réunissant effectivement, au rythme minimal de deux fois par an, les commissions départementales de lutte contre la prostitution.

Plus globalement, l’atteinte des objectifs de la loi de 2016 nécessite la mise en place de moyens supplémentaires, ce qui suggère, comme l’avait déjà fait la Délégation dans ses précédents rapports, de consacrer une part plus importante des recettes de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) à la lutte contre la prostitution.

Le financement variable de la lutte contre la prostitution par l’AGRASC

Les dispositions de l’article 7 de la loi de 2016 prévoyaient la création d’un fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées, lequel était abondé, d’une part, par des crédits provenant du budget de l’État, par le biais du programme 137, d’autre part, par des recettes de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC). Ces dispositions ont pourtant été abrogées dès la fin 2016 par l’article 36 du PLF pour 2017, à peine sept mois après leur adoption, et remplacées par la simple possibilité pour l’AGRASC de « verser à l’État des contributions destinées (…) au financement de la prévention de la prostitution et de l’accompagnement professionnel des personnes prostituées ». Votre rapporteure regrette cette abrogation, qui a occasionné dès l’origine un manque de moyens pour lutter efficacement contre la prostitution, dont le coût social et financier a pourtant été estimé à 1,6 milliard ([4]) d’euros chaque année.

 

Recommandation n° 6 : Rétablir les modalités de financement de la prévention de la prostitution et de l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées dans leur rédaction issue de la loi du 13 avril 2016 (fonds de prévention et modalités de financement par l’AGRASC).

Enfin, dans le contexte économique actuel, votre rapporteure alerte sur le montant de l’AFIS, fixé à 330 € mensuels pour une personne seule, avec 102 € supplémentaires par enfant à charge, et suggère qu’elle soit revalorisée, à l’instar des autres minima sociaux. L’AFIS constitue, en effet, une mesure d’attractivité des parcours de sortie de prostitution, en particulier pour les personnes âgées de moins de 25 ans ne pouvant prétendre au bénéfice du revenu de solidarité active (RSA). Cette tranche d’âge représente une proportion très importante des personnes en situation de prostitution, comme l’a indiqué Le Mouvement du Nid lors de son audition par votre rapporteure.

B.   L’EFFORT D’APPUI, DE COORDINATION ET DE SÉCURISATION DU TISSU ASSOCIATIF FÉMINISTE PAR l’ÉTAT DOIT ÊTRE POURSUIVI

1.   Des progrès notables dans le pilotage des crédits et la démarche partenariale, qui peuvent toutefois encore progresser

a.   Une exécution pour 2022 globalement satisfaisante en dépit des contraintes inhérentes à une année électorale

Au 31 août 2022, l’exécution des crédits 2022 se portait à 23 699 740 € en AE et 23 787 826 € en CP sur l’ensemble du programme, soit respectivement des taux d’exécution de 48 % et 45 %. Ce niveau d’exécution du programme est légèrement inférieur à ce qu’il était l’an dernier, et en effet, certaines des têtes de réseaux auditionnées par votre rapporteure ont indiqué qu’une partie des associations relevant de leur réseau n’avaient, à la date de leur audition soit début octobre, pas encore reçu leurs subventions pour 2022.

Le SDFE a indiqué à votre rapporteure que cette situation s’expliquait par un décalage dans le paiement des subventions lié aux contraintes induites par une année électorale, par la réception du fonds de concours AGRASC au cours de l’été venant augmenter les crédits ouverts de 3,4 millions d’euros, et par la mise en œuvre de mesures nouvelles dans les régions donnant lieu à trois délégations de crédits, en raison du travail de concertation conduit autour des LEAO et accueils de jour, des CPCA ([5]), des PSP, des BAIE et des EVARS.

Votre rapporteure souhaite insister, au-delà des contraintes et pratiques spécifiques inhérentes aux années électorales, sur la nécessité d’améliorer la prévisibilité des dates de versement des crédits, ainsi que sur la mise en place de règles de dialogue budgétaire partagées à tous les échelons et par les différents réseaux.

Votre rapporteure a toutefois relevé, à la faveur des auditions qu’elle a conduites, une pérennisation du principe de délégations de crédits aux services déconcentrés en deux tranches, ce qu’elle tient à saluer. Votre Délégation avait en effet formulé une recommandation ([6]) en ce sens dans son rapport d’information sur le projet de loi de finances pour 2022.

Cette avancée, pour apporter toute la sécurité nécessaire au fonctionnement des associations, implique que la part des crédits déployés à travers des appels à projet soit circonscrite, et que la démarche partenariale, désormais très ancrée à l’échelle nationale, soit également systématisée au niveau local.

b.   La problématique spécifique des appels à projet

Les appels à projet sont très utiles et porteurs d’innovation lorsqu’ils consistent à instaurer une démarche expérimentale ou à faire émerger de nouveaux acteurs dans la mise en œuvre des politiques publiques. Votre rapporteure regrette, toutefois, un recours de plus en plus fréquent aux appels à projets, lesquels, s’ils se multiplient, sont porteurs de contraintes de gestion très difficiles à surmonter pour les associations.

En premier lieu, ils obligent les associations à consacrer un temps croissant à compléter ces dossiers de demandes de financement. En outre, les appels à projet émanent de nombreux financeurs, État, régions, départements, agences régionales de santé (ARS), caisses d’allocations familiales (CAF), etc., lesquels demandent en retour des indicateurs de résultats qui ne sont pas harmonisés, y compris pour des projets portant sur des thématiques similaires (par exemple, taux de personnes de 15 à 17 ans ayant bénéficié de la démarche pour les uns, et même critère mais avec une tranche d’âge de 14 à 16 ans pour les autres). Le récolement de ces données peut donc également s’avérer complexe et fastidieux.

De plus, les associations auditionnées par votre Délégation soulignent la difficulté de mobiliser des personnels et de mettre en place l’organisation nécessaire à la conduite de projets sans aucune garantie de continuité ou de pérennité, alors qu’elles éprouvent déjà des difficultés à faire face à l’ampleur du travail nécessaire à l’accomplissement de leurs missions permanentes, lesquelles s’inscrivent dans la durée. Les appels à projet ont, enfin, pour conséquence une mise en concurrence des associations qui peut créer des tensions dommageables sur les territoires, ainsi qu’une gestion plus difficile des ressources humaines, fondée sur le recours à des contrats courts et souffrant d’un manque d’anticipation. Certains appels à projets ne financent d’ailleurs explicitement aucune dépense de personnel, contraignant les équipes en place, déjà très peu nombreuses, à conduire un projet nouveau en sus de leurs missions permanentes.

De plus, les appels à projet lancés au niveau national contraignent parfois les têtes de réseau à jouer un rôle de bailleur intermédiaire, pour lequel elles ne disposent pas nécessairement des compétences et des ressources nécessaires.

Votre rapporteure suggère donc que le champ des appels à projet soit circonscrit, que ceux-ci soient lancés en coordination entre les différents financeurs (avec, par exemple, des co-financements permettant aux associations de ne répondre qu’à un projet). Le SDFE pourrait réfléchir à la publication d’un guide de bonnes pratiques sur ce sujet.

Recommandation n° 7 : Limiter les appels à projet au financement de mesures expérimentales susceptibles de favoriser l’émergence de nouveaux acteurs et les encadrer par la publication d’un guide de bonnes pratiques à destination des financeurs, visant en particulier à une harmonisation des indicateurs demandés.

 

c.   Une démarche partenariale qui peut encore être améliorée, en particulier à l’échelon local

La démarche partenariale s'est considérablement améliorée ces dernières années à l’échelon national, notamment grâce à la hausse significative des crédits du programme 137. Cette hausse a permis le renforcement des partenariats entre l’État et les associations, marqué par le développement de la contractualisation. Depuis 2020, au niveau national, 20 CPO ont été signées avec les principaux réseaux associatifs féministes, dont 18 avec les réseaux intervenant notamment dans la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes.

La conclusion de CPO constitue une avancée permettant aux associations de sécuriser leurs financements et de fixer des objectifs clairs dans la durée. Il semblerait toutefois pertinent à votre rapporteure d’allonger de trois à cinq ans la durée pour laquelle sont conclues ces CPO, en cohérence avec la durée des agréments délivrés aux associations, ainsi que le suggérait votre Délégation dans la recommandation n° 5 de son rapport sur le projet de loi de finances pour 2022. Cet allongement aurait pour mérite d’inscrire les financements et donc les actions des associations dans la durée, de faciliter la gestion de leurs ressources humaines et de limiter le temps passé à conclure des partenariats. Pour une meilleure réactivité, ces CPO pourraient inclure des clauses de révision circonscrites. Il permettrait, en outre, une meilleure anticipation des renouvellements et d’éviter le recours à des CPO transitoires d’une durée d’un an.

Enfin, il semble également nécessaire de poursuivre les efforts en matière de contractualisation avec les échelons locaux, pour l’ensemble des grands réseaux mettant en œuvre les actions du programme. Il s’agit de continuer à étendre et à systématiser ces partenariats, et de mettre en place des conventions type pour chaque réseau, afin de sécuriser les antennes locales et de limiter leur travail administratif. En particulier, ces CPO locales pourraient mentionner les dates limite de versement des subventions annuelles, afin de sécuriser la gestion des associations et de limiter leurs problèmes de trésorerie.

Recommandation n° 8 : Améliorer la démarche partenariale par un allongement des CPO à une durée de 5 ans et par l’extension de cette démarche à l’échelon local.

2.   Un réseau déconcentré au rôle primordial et aux effectifs modestes

La mise en œuvre de l’essentiel des recommandations contenues dans la première partie de ce rapport ne pourra se faire sans l’appui et donc le renforcement des moyens du réseau déconcentré du SDFE.

Le Service des droits des femmes et de l’égalité (SDFE) et son réseau déconcentré

Placé sous l’autorité de la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, le SDFE est rattaché à la Direction générale de la cohésion sociale, dont le directeur est également, à ce titre, délégué interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Le SDFE, dans son domaine de compétences, anime et évalue l’action interministérielle, supervise la mise en œuvre des mesures du programme 137, pilote et gère les crédits de ce programme, négocie les CPO à l’échelle nationale et coordonne les actions de son réseau déconcentré.

Ce dernier assure le déploiement des actions sur tout le territoire. Il est composé :

- de directrices régionales aux droits des femmes et à l’égalité (DRDFE), placées sous l’autorité du préfet de région. Elles sont en général appuyées par un adjoint et un second collaborateur ;

- de déléguées départementales aux droits des femmes et à l’égalité (DDDFE), qui peuvent être placées auprès des préfets ou des directeurs des directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités.

NB : Dans les Outre-mer, seule la directrice régionale, disposant parfois de l’appui d’un assistant, est chargée de la mise en œuvre des politiques d’égalité.

Les moyens humains du programme 137 ne sont pas inscrits dans ce programme mais :

– pour le SDFE et les DDDFE, à l’action 20 – Personnels mettant en œuvre les politiques pour les droits des femmes du programme 124, assortie d’un plafond d’emploi de 161 ETP ;

– pour les DRDFE, à l’action 05 – Fonctionnement courant de l’administration territoriale du programme 354 ([7]).

Cette ventilation, rendant peu lisibles les moyens humains réellement affectés à la mise en œuvre de la politique de l’égalité, reflète également les disparités de rattachement des différents représentants du réseau déconcentré du SDFE.

En 2023 comme en 2022, ces moyens humains seront stables, à 25 ETP pour le SDFE et 122,7 ETP pour les DDDFE, soit une moyenne de 1,2 ETP par département. Ce chiffre semble très nettement insuffisant pour assurer la coordination, l’animation du dialogue de gestion des partenariats au niveau local avec les associations, la gestion des campagnes d’agrément et de renouvellement des agréments des associations, la réflexion sur le maillage territorial des différents dispositifs, etc. Votre Délégation avait du reste formulé une recommandation en ce sens dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2022 (recommandation n° 2).

Votre rapporteure n’a pas été en mesure d’obtenir d’indications concernant les effectifs exacts des DRDFE que l’on peut toutefois estimer à environ 30 à 40 ETP.

L’ensemble de ces chiffres sont relativement faibles si on les rapporte au plafond d’emplois de 161 ETP concernant uniquement le SDFE et les DDDFE, et aux effectifs que dénombrait ce réseau il y a une quinzaine d’années ([8]).

Le SDFE et son réseau déconcentré ont pourtant un rôle crucial à jouer : si l’essentiel de la politique publique définie dans le programme 137 est portée, à juste titre, par les partenaires que sont les associations, l’État peut seul assurer l’animation et la coordination des actions d’un tissu associatif féministe par essence fragmenté et peu doté d’outils de pilotage et de gestion.

Aussi votre rapporteure préconise-t-elle :

– de renforcer les moyens du réseau déconcentré du SDFE, en particulier dans les Outre-mer ;

– de rattacher l’ensemble des DDDFE aux préfets de département, afin d’augmenter leur visibilité et la lisibilité de l’organisation du réseau ;

– de regrouper au sein d’un même programme les crédits qui rémunèrent l’ensemble des personnels mettant en œuvre la politique d’égalité entre les femmes et les hommes.

Recommandation n° 9 : Améliorer la présence de l’État aux côtés des associations, en étoffant et mettant en cohérence l’organisation du réseau déconcentré du SDFE.

 

Recommandation n° 10 : Regrouper au sein d’un même programme les crédits qui rémunèrent l’ensemble des personnels mettant en œuvre la politique d’égalité entre les femmes et les hommes.

En conclusion de cette partie relative à l’appui et à la sécurisation du réseau associatif féministe, sur lequel reposent une partie importante de la politique d’égalité entre les femmes et les hommes et la quasi-totalité des crédits du programme 137, votre rapporteure pouvait difficilement ne pas évoquer le fait que les personnels de ces associations, œuvrant très majoritairement dans le secteur médico-social, font partie de ce qu’il est désormais convenu d’appeler « les oublié(e)s du Ségur », comme le signale une tribune publiée dans le journal Le Monde le 4 octobre 2022, et cosignée par l’essentiel des réseaux associatifs féministes. Ces associations militantes et à but non lucratif ne disposent, en effet, pas de marge leur permettant de compenser les 183 € nets de différentiel, à emploi égal, entre les rémunérations qu’elles proposent et celles qui sont offertes, par exemple, dans les Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) gérés par les collectivités territoriales. Cette rupture économique, dans un contexte inflationniste et dans un secteur où les salaires sont déjà très modestes, menace les associations féministes d’une pénurie de candidates ou de départs, ce qui les fragiliserait, de même que, par voie de conséquence, les femmes qu’elles accompagnent. La Délégation aux droits des femmes ne peut qu’alerter sur la difficulté pour ces salariés, qui sont presqu’exclusivement des salariées, à conduire des femmes sur le chemin de l’autonomie personnelle et économique et de l’insertion professionnelle en étant elles-mêmes dans une situation de précarité.

Recommandation n° 11 : Conduire une réflexion sur les moyens d’accompagner les associations dans la revalorisation des salaires de leurs personnels œuvrant dans les mêmes secteurs que les personnels ayant bénéficié de revalorisations de salaire dans le cadre du Ségur.

 


—  1  —

II.   lE CONTENU ET LES OBJECTIFS DU DOCUMENT DE politique TRANSVERSALE PEUVENT ENCORE ÊTRE PRÉCISÉS ET CLARIFIÉS

L’effort budgétaire interministériel en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes est retracé chaque année dans une annexe du projet de loi de finances, le document de politique transversale (DPT) Politique de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce document décrit l’ensemble des programmes budgétaires votés en loi de finances qui contribuent à cette politique.

Comme en 2022, le DPT 2023 s’articule autour de six axes, auxquels sont attachés des objectifs et indicateurs de performance :

Chacun des objectifs retrace les programmes qui y sont associés. 50 programmes au total concourent à la politique de l’égalité, dont 39 apportent une contribution budgétaire quantifiable, soit cinq de plus que dans le DPT 2022.

Votre rapporteure se réjouit de l’accroissement exceptionnel des moyens que retrace le DPT, lequel traduit un effort financier total en faveur de l’égalité de 2,38 milliards d’euros en crédits de paiement (+ 60,1 % de dépenses tracées sur cette politique par rapport à 2022) et de 3,27 milliards d’euros en autorisations d’engagement (+ 58 % par rapport à 2022).

Cette augmentation majeure traduit, certes, l’effort financier croissant consacré par l’État à cette politique qui implique un nombre toujours plus important de ministères, mais, surtout, elle renseigne sur les progrès méthodologiques permettant d’identifier la part consacrée à l’égalité femmes‑hommes parmi des lignes de crédit existantes.

Votre rapporteure a tenu, comme le faisait sa prédécesseure, à présenter le contenu des principaux programmes contributeurs en distinguant les crédits contribuant au déploiement de la politique de l’égalité sur le territoire national de ceux qui participent de la diplomatie féministe de la France.

Votre rapporteure tient enfin à souligner une amélioration progressive de la présentation et des contenus du DPT. Elle s’est toutefois attachée à proposer certaines améliorations méthodologiques qui permettraient de mettre davantage en valeur l’énorme travail fourni pour aboutir à ce document, et rendre celui-ci encore plus lisible et utile.

A.   Un effort budgétaire couplé à un accroissement du périmètre des dépenses prises en compte

Le niveau de crédits de paiement inscrits en 2023 sur des programmes déjà présents et contribuant dans le DPT 2022 se monte à un total de 1 511 317 397 €, soit une augmentation de 5,36 %. Au sein de ces programmes, il est toutefois difficile de distinguer quelles sont les dépenses qui relèvent d’un accroissement de l’effort budgétaire, de ceux à l’intérieur desquels des dépenses ont été nouvellement identifiées comme contribuant à la politique de l’égalité et relevant donc également d’un élargissement du périmètre du DPT.

Votre rapporteure préconise donc que le DPT, dans le souci d’améliorer sa présentation et sa transparence, permette d’identifier de façon plus claire ce qui relève d’un effort budgétaire accru ou d’une volonté d’identification de crédits existants et concourant à la politique de l’égalité.

Recommandation n° 12 : Présenter de façon claire et distincte les augmentations de crédits révélant un accroissement de l’effort budgétaire et celles traduisant les améliorations méthodologiques permettant d’identifier la contribution à la politique de l’égalité de crédits existants.

1.   Un effort budgétaire sur le périmètre du DPT 2022

Parmi les principales mesures d’accroissement de l’effort budgétaire portées dans le cadre de ce DPT, votre rapporteure relève la hausse :

– de près de 15 % des crédits du programme 137 – Égalité entre les femmes et les hommes (+ 7,3 millions d’euros). Son allocation est décrite dans la première partie de ce rapport ;

– des ressources des programmes 176 – Police nationale et 152 ‑ Gendarmerie nationale, dont les crédits augmentent de façon notable (+ 13,7 millions d’euros pour ces deux programmes) ([9]).

– de 9,1 millions d’euros des crédits du programme 140, contribuant à la rémunération du temps consacré par les enseignants à l’éducation morale et civique et à la formation de ces enseignants ([10]) ;

– des crédits déployés en faveur de l’égalité femmes-hommes à l’extérieur du territoire national dans le cadre de la diplomatie féministe (+ 13,8 millions d’euros si l’on tient compte des lois de finances rectificatives adoptées en 2022) ([11]).

2.   Une augmentation de périmètre

Il reste que l’essentiel de la hausse des crédits retracés dans le DPT est dû à un accroissement de son périmètre. Cependant, loin de constituer un simple artifice, cet élargissement met en lumière les efforts notables des administrations pour s’inscrire dans une démarche budgétaire intégrant la question de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Cinq programmes déjà présents dans le DPT 2022 uniquement par une contribution littéraire inscrivent pour la première fois en 2023 des crédits :

Le programme 310 – Conduite et pilotage de la politique de la justice, qui entre pour sa part dans le DPT en 2023 avec 500 000 euros de crédits, finance une politique globale de prise en compte et d’amélioration de l’égalité au sein des personnels du ministère de la justice (mise en place d’un dispositif de signalement des actes de discriminations et de violences, création d’un numéro vert dédié, mesures de conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle, etc.)

Enfin, un programme, dont la contribution était mineure (programme 159 ‑ Expertise, information géographique et météorologique), sort du DPT en 2023.

Au total, les programmes contribuant pour la première fois au DPT y concourront à hauteur de 865,7 millions d’euros en crédits de paiement, dont plus de 99 % sont portés par la mission Travail et emploi (programmes 102 et 103) ([12]).

Il s’agit donc d’un accroissement de périmètre exceptionnel, qui témoigne de l’engagement du ministère du travail, du plein-emploi et de l’insertion dans la démarche du DPT et la mise en œuvre de la politique de l’égalité, ce ministère portant désormais à lui seul plus du tiers des crédits retracés dans le DPT.

B.   Les principaux programmes contributeurs au déploiement de la politique de l’égalité sur le territoire national et dans le cadre de la diplomatie féministe de la France

1.   Une distinction plus claire entre DPT « national » et DPT « extérieur »

Comme le fait chaque année votre Délégation, afin de se concentrer sur la mise en œuvre des politiques publiques spécifiquement déployées sur le territoire national, votre rapporteure propose d’isoler dans le tableau ci-après les crédits déployés sur le territoire français (ligne libellée DPT « national ») de ceux liés à la politique extérieure (ligne libellée DPT « extérieur » du tableau) et de développer séparément le contenu de leurs contributions respectives.

Votre rapporteure tient toutefois à souligner que le chiffrage du DPT extérieur est présenté pour 2023 en introduction du DPT dans la présentation stratégique de celui-ci, contrairement aux années précédentes. Cette clarification correspond aux préconisations formulées dans les précédents rapports de la DDF sur le projet de loi de finances, et l’on ne peut que s’en féliciter. Une amélioration complémentaire consisterait à isoler également ces dépenses dans le tableau d’évaluation des crédits consacrés à la politique transversale, afin de faire apparaître les données contenues dans le tableau ci-dessous :

Recommandation n° 13 : Isoler les crédits contribuant à la diplomatie féministe dans le tableau d’évaluation des crédits consacrés à la politique transversale.

 

Évolution des ressources du dpt Égalité entre les femmes et les hommes sur la période 2022-2023

(en millions d’euros)

Exercices

DPT 2022 (LFI + LFRs)

DPT 2023 (PLF 2023)

Crédits

AE

CP

AE

CP

Total

1 914

1 434

3 269 

2 377

dont DPT « national »

1 152

999

2 070

1 928

DPT « extérieur »

914

435

1 199

449

Source : Délégation aux droits des femmes, sur le fondement du DPT Politique de l’égalité entre les femmes et les hommes annexé au PLF pour 2023, pp. 25.

2.   Les principaux programmes contribuant à la politique de l’égalité sur le territoire national

Votre rapporteure a retenu ici les programmes qui retracent des crédits en contribuant à l’égalité entre les femmes et les hommes pour un montant supérieur à 100 millions d’euros ([13]).

Porté par le ministère du travail, il constitue désormais, on l’a vu, et de très loin, le plus gros contributeur à la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes, avec près de 849 millions d’euros et 36 % de la totalité des crédits retracés dans le DPT en 2023. Ce programme, au sein de la Mission Travail et emploi, a pour objet de favoriser l’accès ou le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi, en particulier de ceux d’entre eux qui en sont les plus éloignés ou rencontrent des difficultés spécifiques d’accès ou de maintien sur le marché du travail. Cela se décline en deux types d’actions : l’amélioration de l’efficacité du service public de l’emploi et l’amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi des personnes les plus éloignées de l’emploi (dispositifs du fonds d’inclusion pour l’emploi (FIE) tels que les contrats aidés (PEC, CIE Jeunes ([14])) et l’insertion par l’activité économique (IAE), notamment contrat d’engagement jeune et parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, PACEA). Le DPT relève notamment que 66 % des PEC et 37,5 % des contrats dans le secteur de l’IAE ont bénéficié à des femmes en 2021.

Ces programmes, dont la contribution augmente cette année, on l’a vu, de 13,7 millions d’euros (10,45 millions d’euros pour le programme 176 porté à 235 millions d’euros et 3,25 millions d’euros pour le programme 152 porté à 68 millions d’euros), comportent différents volets concourant à la politique de l’égalité, que l’on peut regrouper ainsi :

– une lutte accrue contre toutes les formes de violence, en particulier les violences sexistes et sexuelles, le proxénétisme et la traite des êtres humains, dont 95 % des victimes sont des femmes ;

– en matière de violences conjugales : formation des personnels de la police et de la gendarmerie nationales, amélioration de la prévention au sein des Maisons de protection de la famille, renforcement des brigades de protection de la famille, mise en place de la plate-forme commune police/gendarmerie « Arrêtons les violences », meilleur accompagnement des victimes de violences conjugales par les référents violences conjugales, coordination à l’échelon départemental par des personnels dédiés, démarche partenariale avec les associations d’aide aux victimes, présence d’intervenants sociaux en commissariats et gendarmeries, meilleure sécurisation des victimes ou victimes potentielles grâce aux téléphones grave danger et aux bracelets anti-rapprochement ([15]), mais aussi financement accru de places d’hébergement ciblées pour les demandeuses d’asile vulnérables, etc. Il est à noter qu’une partie de ces derniers dispositifs sont financés par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) ;

– en matière de politique RH, des mesures prises pour atteindre l’égalité réelle au sein de la gendarmerie et de la police nationale (labels « Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » et « Diversité »).

La contribution de ce programme, à hauteur de 107 millions d’euros, porte sur le financement de places d’hébergement dédiées aux femmes victimes de violences conjugales : en hausse de 5 millions d’euros en 2023, il devrait permettre la création, comme en 2022, de 1 000 places d’hébergement supplémentaires, en centres d’hébergement ou en ALT1 ([16]). Le nombre de places d’hébergement pour les femmes victimes de violences était passé de 5 100 en 2017 à plus de 9 000 à la fin 2021. La création en cours des 1 000 places supplémentaires créées en 2022 et des 1 000 nouvelles places inscrites dans le PLF pour 2023 devraient porter le nombre total de places à près de 11 000 à la fin 2023, ce qui marque un effort considérable du Gouvernement sur ce point.

En hausse de respectivement 9,1 et plus de 7 millions d’euros, la contribution de ces programmes porte leur apport à 104 et 75 millions d’euros. Elle consiste en la part de rémunération des enseignants du premier degré et des professeurs d’histoire-géographie dans le second degré, correspondant, pour les uns, à l’enseignement moral et civique (EMC) pris dans sa globalité, et pour les autres, aux aspects de cet EMC portant sur la sensibilisation à l’égalité entre les sexes et à la lutte contre les discriminations. Cette contribution porte également sur la formation des personnels à une pédagogie égalitaire et sur le pilotage académique de la politique de l’égalité.

Il n’est pas précisé quels seront les postes bénéficiaires de la hausse prévue en 2023 mais elle pourrait être la conséquence de la hausse du point d’indice des fonctionnaires décidée en juillet 2022.

La contribution de ce programme, stable à environ 173 millions d’euros, consiste en la déclinaison, notamment au sein des 435 contrats de ville, de différentes actions contribuant à l’égalité entre les femmes et les hommes, laquelle constitue l’un des trois axes transversaux de ces contrats. Ces actions sont conduites dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), dont 52 % des habitants sont des femmes. Elles sont centrées sur la lutte contre les inégalités et l’exclusion, l’accès à la culture, aux loisirs, à l’éducation et aux services et équipements publics, l’insertion professionnelle et l’engagement citoyen.

3.   Les efforts spécifiques déployés en faveur de la diplomatie féministe

Sur le plan de l’action internationale, le DPT fait également apparaître la mise en œuvre par la France d’une véritable diplomatie féministe. Mise en avant à l’occasion du G7 qui s’est tenu à Biarritz du 24 au 26 août 2019, cette ambition s’est traduite à travers le partenariat dit de Biarritz pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Cosigné par 10 autres États, il les engage à mettre en place des mesures pour favoriser l’autonomisation des filles et des femmes dans le monde, à soutenir l’entrepreneuriat féminin et à lutter contre les violences sexuelles et sexistes. La notion de diplomatie féministe a enfin été consacrée par le législateur à l’occasion de l’examen du projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ([17]). Les crédits inscrits dans le DPT pour 2023 correspondent à la deuxième année de la programmation. Ils traduisent l’engagement de la France pour la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes sur la scène internationale.

Les actions de la France en matière de diplomatie féministe s’attachent à ce que l’égalité entre les femmes et les hommes soit intégrée dans l’ensemble des problématiques : réduction des inégalités et développement durable, paix et sécurité, défense et promotion des droits fondamentaux, enjeux climatiques et économiques.

Le DPT retrace ainsi 449,1 millions d’euros de crédits concourant à la politique de diplomatie féministe de la France, répartis en cinq programmes contributeurs :

Programmes inscrits au DPT au titre de l’action extérieure et de l’aide
au développement

    (en millions d’euros)

 

LFI et LFR 2022

PLF 2023

Programmes

AE

CP

AE

CP

209 – Solidarité à l’égard des pays en développement

402

268

458

266

110 – Aide économique et financière au développement

511

166

739

181

105 – Action de la France et dans le monde

1

1

1

1

217 – Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables

0,6

0,6

0,5

0,5

85 – Diplomatie culturelle et d’influence

0,04

0,04

0,05

0,05

Total

914

347,5

1 022,5

371,5

Source : DPT annexé au PLF pour 2023.

Dans l’ensemble, les crédits de paiement identifiés dans le cadre du DPT sont en légère hausse (+ 13 millions d’euros), quand les autorisations d’engagement croissent de manière plus notable (+ 108 millions d’euros), traduisant la décision de soutenir dans la durée un certain nombre de programmes internationaux. Il est à noter qu’en 2022 déjà, les AE et CP avaient cru de respectivement 208 millions et 24 millions d’euros. L’effort budgétaire déployé par la France pour porter l’égalité entre les femmes et les hommes à l’échelle européenne et internationale mérite donc d’être pleinement salué.

Parmi les principales mesures financées au titre de ces lignes, votre rapporteure relève :

– la relative stabilité des crédits du programme 209  Solidarité à l’égard des pays en développement contribuant à la politique de l’égalité : ces crédits concourent au financement de dons et de projets, via l’Agence française pour le développement, dans le cadre de la coopération bilatérale, et des dons à différents organismes dans le cadre multilatéral. Parmi ces organismes, les principaux bénéficiaires sont le Partenariat mondial pour l’éducation (33,5 millions d’euros), le Forum Génération Égalité ([18]) (18 millions d’euros), l’UNICEF (16,75 millions d’euros) et le fonds français Muskoka (10,3 millions d’euros), dont le but est l’amélioration de la santé et du bien-être des femmes, nouveau-nés, enfants et adolescents en Afrique de l’Ouest et centrale ;

– la participation du programme 110  Aide économique et financière au développement, en augmentation de 15 millions d’euros, contribue à mettre en œuvre les engagements pris par la France dans le cadre de sa présidence du G7 en 2019 : il s’agit notamment de financer des initiatives en faveur de l’inclusion financière numérique des femmes en Afrique et de concourir au volet « garantie » de l’initiative pour favoriser l’accès des femmes au financement et le soutien à l’entrepreneuriat féminin en Afrique, ou AFAWA (Affirmative Finance Action for Women in Africa) ;

– que les crédits du programme 217  Conduite et pilotage de politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables sont relativement stables, autour d’un million d’euros. Ces crédits permettent de financer la mise en valeur de l’égalité dans certaines coopérations internationales et européennes (notamment les « conférences mondiales sur les femmes » des Nations Unies).

Les programmes 105 et 185 regroupent des crédits relevant indirectement de la diplomatie féministe (formation des personnels du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, actions de sensibilisation et de communication, octroi de subventions à des organismes travaillant sur cette thématique, etc.).

Votre rapporteure regrette que la présentation de l’axe 6 du DPT « Promouvoir les droits des femmes à l’international » ne fasse aucune mention des cinq programmes contributeurs évoqués ci-dessus, pas plus que des quatre objectifs rattachés à cet axe. Ceci ne facilite pas la lisibilité du DPT et le rattachement des crédits retracés aux différents objectifs visés. Votre rapporteure relève toutefois la clarté, la lisibilité, et la pertinence des objectifs de l’axe 6 et des indicateurs qui y sont associés, lesquels présentent tous des cibles claires à horizon 2025.

C.   Des améliorations méthodologiques encore possibles

1.   Des objectifs et indicateurs de performance spécifiables et perfectibles

Si votre rapporteure a relevé des améliorations concernant les objectifs et indicateurs, en particulier sur le programme 137, mais également en ce qui concerne l’axe 6 du DPT, d’autres aspects de la présentation de ces objectifs et indicateurs restent largement perfectibles :

– Au total, seulement 18 programmes sur les 50 mentionnés par le DPT sont concrètement rattachés à l’un des 6 axes de la politique transversale et de nombreux objectifs n’ont aucun programme qui leur soit rattaché : bien que les axes définis soient clairs et lisibles, cette présentation est, de ce fait, peu pertinente pour une analyse budgétaire. À titre d’exemple, le programme 140, qui est l’un des plus gros contributeurs avec plus de 100 millions d’euros de crédits, n’est rattaché à aucun objectif. Un effort d’association à chaque objectif des programmes et des crédits qui y concourent semble donc indispensable pour faciliter le travail de contrôle et d’évaluation du Parlement ;

– certains programmes sont rattachés à des objectifs mais leur contribution effective ne présente un lien que très indirect avec l’objectif présenté : à titre d’exemple, le programme 141, qui finance la sensibilisation à l’égalité dans le cadre des cours d’EMC, est rattaché aux objectifs « Conduire le maximum d’élèves aux niveaux de compétences attendues en fin de scolarité » et « Favoriser la poursuite d’études ou l’insertion professionnelle des jeunes à l’issue de leur scolarité secondaire » ;

– l’intitulé de nombreux objectifs ne présente pas a priori de lien direct avec la politique transversale d’égalité entre les femmes et les hommes : on citera, par exemple, les deux objectifs de l’axe 1 mentionnés au point précédent ou encore les objectifs DPT-3097 de l’axe 3 –  Améliorer le taux de participation au dépistage organisé du cancer colorectal pour les personnes de 50 à 74 ans et DPT‑2711 de l’axe 5 – Favoriser l’accès et le retour à l’emploi. Un certain nombre d’indicateurs rattachés à ces objectifs ne sont en conséquence pas genrés et ne permettent donc pas d’évaluer réellement l’efficience des mesures présentées au regard de l’objectif global d’amélioration de l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est le cas de trois des quatre indicateurs de l’axe 2 – Combattre les violences faites aux femmes, protéger les victimes et prévenir la récidive ou encore celui des trois indicateurs rattachés à l’objectif DPT-2712 – Mobiliser au mieux les outils d’insertion professionnelle au bénéfice des personnes les plus éloignées du marché du travail ;

– enfin, certains objectifs ne sont pas assortis d’indicateurs (par exemple, l’objectif DPT-2991 de l’axe 2 – Prévenir et aider les victimes).

Votre rapporteure rappelle que la construction du DPT relève d’un travail spécifique extrêmement minutieux, aucun système d’information ne permettant à ce jour une identification automatisée et centralisée des dépenses en faveur de l’égalité dans les différents programmes budgétaires. Il faut donc mener ce chantier dans la durée, parallèlement aux autres chantiers techniques et méthodologiques présentés ci-après.

Recommandation n° 14 : Poursuivre les efforts à l’échelon interministériel pour spécifier les objectifs et indicateurs présentés et leur rattacher les crédits des programmes qui y concourent.

 

2.   Pour une meilleure explicitation de l’apport réel de certains programmes à la progression de l’égalité entre les femmes et les hommes

Le DPT a vocation à retracer, au sein du budget de l’État, celles des dépenses qui contribuent spécifiquement à améliorer les droits des femmes ou à favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes. Si l’accroissement des dépenses retracées dans le DPT dénote l’effort considérable produit par les différentes administrations pour tracer et identifier ces dépenses, la démarche ne doit pas être confondue avec une démarche de « budgets genrés », laquelle consisterait, si possible en amont du dialogue budgétaire, à identifier au sein des politiques publiques, les déséquilibres pouvant exister chez leurs bénéficiaires et à tenter de corriger progressivement ces déséquilibres ou de « budgets intégrant l’égalité », qui visent à évaluer ex ante l’impact d’une politique prise dans son ensemble en termes d’égalité entre les femmes et les hommes.

À titre d’exemple, l’entrée des programmes 102 et 103 dans le DPT cette année et les méthodes de calcul de leurs contributions respectives ne semblent pas suffisamment explicitées à cet égard. Le montant des crédits du programme 102, en particulier, justifierait probablement un développement permettant de déterminer le détail des crédits retracés dans le DPT et contribuant donc à améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes. Si l’amélioration de l’efficacité du service public de l’emploi et la mobilisation de contrats aidés ou d’insertion bénéficie naturellement également à des femmes (dans ce dernier cas d’ailleurs, en proportion moins élevée qu’à des hommes), cela ne suffit pas à expliciter quels crédits ont été retracés dans le DPT ni en quoi ils bénéficient spécifiquement à la politique transversale d’égalité entre les femmes et les hommes. Sans doute ces crédits concernent-ils plus particulièrement le financement de programmes à destination de publics féminins, mais il serait important de le spécifier. Votre rapporteure émet donc le souhait que ces crédits et leur rattachement à la politique transversale puissent être mieux explicités dans le DPT qui sera présenté l’année prochaine.

De même, bien que de façon plus marginale en termes de volume financier, l’apport du programme 140 est présenté comme la rémunération du temps des enseignants du premier degré consacré à l’enseignement moral et civique, pris globalement (pour le programme 141 en revanche, il est précisé qu’il ne s’agit, au sein de cet EMC, que du temps consacré aux questions d’égalité entre les femmes et les hommes). Ce point mériterait également d’être précisé au sein du prochain DPT, l’enseignement moral et civique dans l’enseignement scolaire public du premier degré dépassant la seule question de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Recommandation n° 15 : Présenter de façon claire pour chaque programme, en particulier les programmes 102 et 103, la méthode et le détail de l’identification des crédits contribuant à faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes.

 

Pour conclure, à la suite de sa prédécesseure, votre rapporteure rappelle que le DPT ne couvre que le périmètre des crédits de l’État. Or, les organismes de sécurité sociale, notamment la branche famille, les collectivités territoriales et différents opérateurs publics, contribuent fortement à la politique d’égalité entre les femmes et les hommes. Elle encourage ces acteurs à identifier au sein de chacune de leurs grandes actions budgétaires les moyens contribuant à l’égalité femmes‑hommes. L’État doit, à cette fin, développer des formations communes de responsables politiques et administratifs. Cela permettrait de diffuser les acquis méthodologiques enregistrés par les services de l’État.

Recommandation n° 16 : Favoriser l’extension de la méthodologie du DPT aux autres institutions et organismes concourant à la politique d’égalité femmes-hommes.

 

 

 

 


—  1  —

   TRAVAUX DE LA dÉlÉgation

Lors de sa réunion du 27 octobre 2022, sous la présidence de Mme Véronique Riotton, la Délégation a autorisé la publication du présent rapport.

La vidéo de cette réunion est accessible en ligne sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/AOR7KS

 

 


—  1  —

   annexe 1 : liste des personnes auditionnées
par la DÉLÉGATION

 

Mercredi 5 octobre 2022

Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

– Mme Hélène Furnon-Petrescu, cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes (SDFE).

 


—  1  —

   annexe 2 : liste des personnes auditionnées
par la RAPPORTEURE

 

● Mardi 11 octobre 2022

Planning familial

– Mme Sarah Durocher, coprésidente ;

– Mme Caroline Rebhi, coprésidente.

 

● Mercredi 12 octobre 2022

Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF)

– Mme Françoise Brié, directrice.

 

Fédération Nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF)

– Mme Clémence Pajot, directrice générale ;

– M. Grégoire Leray, directeur administratif et financier.

 

Haut Conseil à l’égalité (HCE)

– Mme Sylvie-Pierre Brossolette, présidente ;

 Mme Audrey Ellouk, déléguée générale de la formation « égalité professionnelle ».

 

Jeudi 13 octobre 2022

Mouvement du Nid-France

– Mme Claire Quidet, présidente ;

– Mme Stéphanie Caradec, directrice.


([1]) La composition de la Délégation figure au verso de la présente page.

([2]) Source DGCS. Le PAP 2023 indique des moyens stables par rapport à 2022 pour les projets innovants en faveur de l’égalité.

([3]) Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles.

([4]) https://prostcost.files.wordpress.com/2015/05/prostcost-synthc3a8se-ok.pdf

 

([5]) Centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales.

([6]) Rapport d’information n° 4614, recommandation n° 1.

([7]) Votre rapporteure s’étonne de ce que les crédits correspondants ne soient pas retracés dans le document de politique transversale, traité dans la seconde partie du présent rapport.

([8]) En 20027, on comptait 180 déléguées régionales, chargées de mission départementales (désormais DDDFE) et collaborateurs et 50 agents au niveau central (source : Cour des comptes).

([9]) L’allocation des crédits de ce programme, fort contributeur au DPT, est développée dans la partie suivante.

([10]) Idem

([11]) Les principales mesures inscrites dans le DPT au titre de la politique extérieure de la France en matière d’égalité femmes-hommes font l’objet d’un développement dans la partie suivante.

([12]) L’allocation des crédits de ces programmes est développée dans la partie suivante.

([13]) Les programmes Police nationale et Gendarmerie nationale ainsi que les programmes Enseignement scolaire public du premier degré et Enseignement scolaire public du second degré ont été regroupés, car ayant des objectifs et moyens d’action très similaires.

([14])  Parcours emploi compétences jeunes, contrat initiative emploi jeunes.

([15]) Le DPT indique qu’au 31 mai 2022, 3882 TGD, dont 2 851 actifs, et 667 BAR ont été déployés sur le territoire.

([16]) ALT1 : aide aux organismes qui logent temporairement des personnes défavorisées : le coût annuel de tels hébergements est estimé à 3 650 €, contre 18 000 € pour les places en CHRS.  

([17]) Loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales :

       https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000042676989/

([18]) Porté par le Fonds des Nations Unies pour la population, ce sommet s’est tenu à Paris à l’été 2021 : la France a pris dans ce cadre la tête de la coalition d’actions 3 « La liberté à disposer de son corps et la santé et les droits sexuels et reproductifs ».