N° 1021
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mars 2023.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145-7, alinéa 3, du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
en conclusion des travaux d’une mission d’information sur
l’évaluation de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie,
Président
M. Olivier FALORNI
Rapporteurs
Mme Caroline FIAT et M. Didier MARTIN
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La mission d’évaluation est composée de :
M. Olivier Falorni, président ; Mmes Laurence Cristol, Justine Gruet et Joëlle Mélin, vice-présidentes ; Mme Caroline Fiat et M. Didier Martin, rapporteurs ; MM. Thibault Bazin, Hadrien Clouet, Pierre Dharréville, Mmes Sandrine Dogor‑Such, Nicole Dubré-Chirat, MM. Jérôme Guedj, Serge Muller, Laurent Panifous, Mmes Astrid Panosyan-Bouvet, Sandrine Rousseau, MM. Jean-François Rousset, Frédéric Valletoux et Philippe Vigier. |
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SOMMAIRE
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Avant-propos de M. Olivier FALORNI, président de la mission d’ÉVALUATION
A. La fin de vie a été encadrée par plusieurs lois successives
B. La loi Claeys-Leonetti consolide le cadre législatif relatif à la fin de vie
1. Une loi porteuse de nombreuses avancées pour les droits des patients
2. Les pouvoirs publics ont cherché à accompagner la loi d’une impulsion nouvelle
II. Une évaluation menée dans un contexte singulier
A. Une mise en œuvre de la loi difficile à évaluer quantitativement
B. Un débat autour de la question de la fin de vie très prégnant dans l’actualité
Partie I – UN ACCÈS AUX SOINS PALLIATIFS INSATISFAISANT
A. Une offre de soins palliatifs insuffisante
1. Le développement progressif d’une offre palliative graduée
a. Une offre palliative graduée
b. Une offre palliative en progression
c. Des besoins croissants qui demeurent difficiles à évaluer
2. Une offre palliative à renforcer
a. Des disparités territoriales persistantes
b. Un manque criant de personnels soignants
c. Une offre ambulatoire à renforcer en priorité
3. Des modalités de financement peu adaptées à une prise en charge palliative optimale
B. Une culture palliative qui peine À se diffuser
a. Une discipline universitaire insuffisamment valorisée
2. Des soignants formés à guérir plutôt qu’à soigner
a. Une fin de vie envisagée sous l’angle de l’échec thérapeutique…
b. ... ce qui affecte la qualité de la prise en charge palliative
A. Des dispositifs garantissant le respect de la volontÉ des malades
1. Les dispositions prévues par la loi Claeys-Leonetti
a. La place renforcée des directives anticipées et de la personne de confiance
i. Des directives anticipées rénovées
ii. La précision du statut du témoignage de la personne de confiance
b. Le refus de l’obstination déraisonnable
2. La mise en œuvre des dispositions législatives
B. Des dispositifs qui demeurent mÉconnus et imparfaits
1. Les directives anticipées et la personne de confiance, des dispositifs peu connus
a. Les directives anticipées, un outil peu utilisé
b. La personne de confiance, une notion de mieux en mieux appréhendée
2. Des dispositifs parfois inadaptés
a. Des directives anticipées souvent peu traçables et parfois inapplicables
b. Les limites des dispositions relatives à la personne de confiance
3. La persistance d’une conflictualité source de contentieux
1. Des dispositifs qui constituent des avancées pour les droits des patients
b. Appréhender la personne de confiance comme un dispositif complémentaire aux directives anticipées
2. La nécessité de mieux faire connaître ces dispositifs
b. Vers une meilleure traçabilité des directives anticipées et de la personne de confiance
3. Renforcer l’accompagnement de la fin de vie
a. Associer largement les professionnels de santé à la mission d’information sur la fin de vie
b. Intégrer les directives anticipées dans une discussion anticipée sur la fin de vie
c. Soutenir l’action des associations
A. Une avancée importante de la loi CLaeys-leonetti
1. L’instauration d’un nouveau droit strictement défini
a. L’inscription dans la loi d’un droit nouveau
b. Une procédure très encadrée
i. Un usage réservé à des situations précises
ii. Une procédure encadrée et réglementée
2. Une inscription dans la loi qui a permis de sécuriser juridiquement les professionnels de santé
B. Un recours très limité dans les faits
1. Une mise en œuvre rare et hétérogène de la SPCJD
b. Un recours à la SPCJD restreint et hétérogène
i. Une procédure peu utilisée…
ii. …et dont les modalités de mise en œuvre sont variables
2. Une procédure très difficile à mettre en œuvre hors de l’hôpital
a. Un accès aux médicaments longtemps entravé
b. Un besoin de présence et de surveillance particulièrement soutenues
c. Garantir le droit à la sédation profonde et continue hors de l’hôpital
C. Une procédure qui interroge
1. La sédation profonde et continue chez l’enfant, une procédure particulièrement délicate
2. L’intentionnalité de la SPCJD en question
a. La question de l’intention, au cœur de la SPCJD
b. Dans les faits, la persistance d’une confusion autour de cette pratique
3. Un questionnement éthique autour de certains aspects de la SPCJD
b. L’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation en question
c. L’absurdité d’une situation où le malade « n’en finit pas de mourir »
contributions DES MEMBRES DE LA MISSION
I. Contribution de M. Thibault Bazin
II. Contribution de M. Pierre dharréville
III. Contribution de MMe Justine Gruet
Annexe N° 2 : Mesures réglementaires D’application de la loi
ANNEXE N° 3 : L’évolution de l’encadrement de la fin de vie en France ()
ANNEXE N° 5 : Liste des sigles utilisÉs
ANNEXE N° 6 : Liste des personnes auditionnÉes
Annexe n°7 : Liste des déplacements DU PRÉSIDENT ET DES RAPPORTEURS
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La loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, loi dite « Claeys-Leonetti » du nom de ses co-auteurs et co-rapporteurs, MM. Alain Claeys et Jean Leonetti, est venue consolider l’édifice législatif encadrant la fin de vie en France, onze ans après l’adoption de la loi dite « Leonetti ».
Composée de quatorze articles, elle garantit notamment de nouveaux droits pour les patients en consacrant le caractère contraignant des directives anticipées, le renforcement du rôle de la personne de confiance et la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCJD). Elle réaffirme par ailleurs le refus de l’obstination déraisonnable, le droit à une fin de vie digne ou encore l’accès aux soins palliatifs pour tous.
Sept ans après la promulgation de la loi, la mission d’évaluation dresse le bilan de l’application de la loi afin d’alimenter et d’éclairer le débat public actuel sur la question de la fin de vie. Force est de constater que les dispositions de la loi restent largement méconnues des patients mais aussi des soignants.
● La mission a tout d’abord pu relever que l’accès aux soins palliatifs demeure insatisfaisant.
Apparus dans les années 1980 en France, les soins palliatifs ont été développés dans le cadre de cinq plans nationaux dont le dernier a été lancé en 2021. Consacré par le législateur en 1999, le droit d’accéder aux soins palliatifs a été réaffirmé par la loi Claeys-Leonetti : selon son article 1er, les malades ont le droit d’avoir une « fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance ». Fin 2021, la France disposait de 7 546 lits hospitaliers en soins palliatifs, dont 1 980 lits en unité de soins palliatifs (LUSP) répartis dans 171 unités de soins palliatifs (USP) et 5 566 lits identifiés de soins palliatifs (LISP) situés dans 904 établissements. On comptait 420 équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP).
La cartographie des soins palliatifs est cependant marquée par des disparités territoriales (vingt et un départements ne disposaient pas d’unités de soins palliatifs fin 2021). Ce constat questionne donc l’effectivité de l’accès aux soins palliatifs. Nombreuses ont été les personnes auditionnées à indiquer que deux tiers des malades nécessitant des soins palliatifs n’y avaient pas accès. En l’absence de données robustes, la mission n’a pas été en mesure d’évaluer précisément l’écart entre l’offre et les besoins en soins palliatifs.
En revanche, il est certain que, compte tenu de l’évolution de la démographie française, il est indispensable de continuer à développer massivement les soins palliatifs afin que les droits des malades prévus par la loi soient pleinement garantis partout en France.
Cela suppose de rendre plus attractive cette filière qui est affectée par la pénurie de soignants. Il manque aujourd’hui plus de cent médecins dans les structures de soins palliatifs existantes.
Cette situation complique l’accès aux soins palliatifs à domicile tout particulièrement, y compris en établissement médico-social, dans un contexte d’évolution de l’offre (disparition des réseaux de soins palliatifs). Bien que plébiscité par les Français, le maintien à domicile peut s’avérer délicat au regard des implications d’une prise en charge palliative, en particulier pour les aidants.
Les modalités de financement du système de santé apparaissent peu adaptées à l’amélioration de la prise en charge palliative, que ce soit en ville ou à l’hôpital. Ainsi, la tarification à l’activité (T2A) valorise mal les soins palliatifs qui reposent moins sur des actes techniques que sur un accompagnement humain. Pire, la T2A peut favoriser des pratiques conduisant à de l’obstination déraisonnable dans les services de spécialité, alors même que les soins palliatifs apporteraient une meilleure réponse aux besoins des malades.
Par ailleurs, les professionnels de santé sont toujours davantage formés à guérir qu’à soigner. La mort est souvent envisagée sous l’angle de l’échec thérapeutique et les soins palliatifs sont relégués à la gestion de la mort alors même que les prises en charges curative et palliative doivent être menées conjointement.
Une forte étanchéité perdure en effet entre les soins curatifs et les soins palliatifs. Une telle situation nuit à la qualité de la prise en charge des patients, transférés parfois tardivement en soins palliatifs. Il est donc essentiel de mieux sensibiliser les soignants aux soins palliatifs et de rendre obligatoires les formations, initiales et continues, en soins palliatifs, en particulier pour les médecins.
● La mission a constaté que les directives anticipées et la personne de confiance constituent des avancées dont la portée est limitée dans les faits.
La loi Claeys-Leonetti a rénové le cadre juridique des directives anticipées en élargissant leur champ, en renforçant leur statut et en les rendant plus accessibles aux professionnels de santé. Elle a renforcé significativement leur portée juridique en les rendant contraignantes pour le médecin, sauf exceptions.
Le rôle de la personne de confiance a également été renforcé. Elle témoigne désormais, et son témoignage prévaut sur tout autre témoignage.
Le recours aux directives anticipées demeure très insuffisant à ce jour. Même lorsqu’elles connaissent ce dispositif, rares sont les personnes qui rédigent leurs directives anticipées. Ainsi, selon une enquête d’octobre 2022 pilotée par le Conseil national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV), seuls 18 % des répondants connaissant les directives anticipées (33 % pour les plus de 65 ans), soit moins de 8 % de l’ensemble des répondants, ont rédigé leurs directives anticipées.
La notion de personne de confiance semble mieux connue que celle de directives anticipées, même si une confusion existe parfois sur le rôle de cette personne, trop souvent comprise comme étant la personne de contact.
Les travaux de la mission montrent que les directives anticipées et la personne de confiance constituent des avancées pour les droits des patients qu’il ne faut pas remettre en cause, bien que l’application de ces dispositifs soit perfectible.
Il importe de conserver la plus grande liberté dans la rédaction des directives anticipées, tout en tenant à disposition de chacun toutes les ressources pouvant faciliter leur rédaction.
L’enjeu serait plutôt d’informer et de sensibiliser pour mieux faire connaître et appliquer la loi Claeys-Leonetti auprès de tous nos concitoyens, patients ou non, professionnels ou accompagnants. Enfin, il apparaît nécessaire de renforcer la présence et les échanges autour de la fin de vie afin de mettre en œuvre un véritable travail d’appropriation et de compréhension de la fin de vie, facilitant la réflexion de chacun. Des « discussions anticipées » avec les professionnels de santé pourraient ainsi être mises en œuvre à cette fin.
● Si la sédation profonde et continue jusqu’au décès s’avère une évolution législative essentielle, elle est en réalité très peu utilisée.
La SPCJD, associée à une analgésie, constitue la principale innovation de la loi Claeys-Leonetti. Son inscription dans la loi contribue au renforcement des droits des patients et notamment celui de ne pas souffrir et de ne pas subir d’obstination déraisonnable.
Si la SPCJD figurait déjà, avant 2016, parmi les pratiques médicales exercées pour les patients arrivés en phase terminale d’une maladie, la loi Claeys-Leonetti a permis d’y apporter un cadre. Il s’agit d’une pratique très règlementée, réservée aux patients dont le pronostic vital est engagé à court terme.
Le principal constat qu’a pu faire la mission est celui d’un recours très rare à la pratique de la SPCJD. La prévalence de cette dernière est en effet estimée à 0,9 % selon une étude récente (étude PREVAL-S2P).
Très limité, le recours à la SPCJD est par ailleurs variable selon le lieu de prise en charge. Le type de structure apparaît plus déterminant que la spécialité pour expliquer les différences de recours à la SPCJD. Ainsi, la prévalence des sédations profondes est croissante avec le renforcement de l’équipe pluridisciplinaire (elle est davantage mise en œuvre en USP qu’en LISP).
La loi Claeys-Leonetti précise que la SPCJD doit pouvoir être accessible à toute personne qui le demande et qui en remplit les conditions, y compris à domicile. Or, cette pratique apparaît difficile, voire quasiment impossible à mettre en œuvre en dehors de l’hôpital. D’une part, l’accès aux médicaments et aux produits n’est pas toujours possible en ville et, d’autre part, cette pratique requiert des conditions de présence et de surveillance particulièrement exigeantes.
Dans la pratique, semble persister une confusion autour du sens de la SPCJD et de l’intention qui la sous-tend. Certains dénoncent en effet une forme d’hypocrisie autour de cette pratique.
Au-delà de l’enjeu de l’intention, plusieurs questions éthiques se posent, s’agissant notamment du bon moment où enclencher cette sédation et du risque de réveils, du ressenti du patient ou encore, de la situation dans laquelle la sédation s’étend sur un temps considéré comme déraisonnable.
Le moment opportun où enclencher la SPCJD, qui ne peut intervenir que lorsque le pronostic vital du patient est engagé « à court terme », n’est pas facile à évaluer.
La SPCJD suscite une forme de réticence chez certains soignants qui pourrait expliquer le faible recours à cette pratique. Une enquête, menée pour le compte du CNSPFV en 2021, a ainsi montré la crainte très forte d’outrepasser le cadre de la loi Claeys-Leonetti, la frontière entre la SPCJD et l’euthanasie étant perçue comme relativement floue.
● En conclusion, les travaux de la mission montrent que le cadre juridique institué par la loi Claeys-Leonetti répond à la grande majorité des situations de fin de vie et que, dans la plupart des cas, les malades ne demandent plus à mourir lorsqu’ils sont pris en charge et accompagnés de manière adéquate.
Pour autant, il convient de rappeler que le cadre législatif actuel n’apporte pas de réponses à toutes les situations de fin de vie, en particulier lorsque le pronostic vital n’est pas engagé à court terme, tel que l’a souligné le Comité consultatif national d’éthique dans son avis n° 139, en septembre 2022. Dans le contexte du débat public actuel, la question de l’aide active à mourir a souvent été longuement et spontanément évoquée par les personnes auditionnées, alors qu’elle n’était pas l’objet de la mission d’évaluation.
Bien que minoritaires, ces situations méritent sans doute notre attention. Il est crucial que le législateur, à la suite de la Convention citoyenne, débatte et se positionne prochainement sur cette question.
I- AMÉLIORER LES CONNAISSANCES SUR L’APPLICATION DE LA LOI ET PLUS LARGEMENT SUR LA FIN DE VIE
1 – Renforcer les moyens alloués au Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie et garantir sa pérennité.
2 – Développer la collecte de données et les travaux de recherche sur la fin de vie, en dotant ceux-ci d’un volet sur les attentes des malades et de leurs proches.
3 – Modifier l’article 14 de la loi pour prévoir la remise tous les deux ans, et non plus chaque année, d’un rapport au Parlement évaluant les conditions d’application de la loi ainsi que la politique de développement des soins palliatifs.
II- GARANTIR L’ACCÈS AUX SOINS PALLIATIFS
4 – Poursuivre le développement de l’offre palliative dans les établissements sanitaires et médico-sociaux ainsi qu’à domicile afin de garantir l’accès aux soins palliatifs à tous les malades.
5 – Élaborer des indicateurs pour mesurer précisément l’adéquation de l’offre de soins aux besoins en soins palliatifs.
6 – Lancer une campagne de recrutement et de valorisation des métiers du secteur des soins palliatifs.
7 – Revoir le modèle de financement des soins palliatifs :
– Remettre en cause le modèle actuel de la tarification à l’activité et faire évoluer le financement des soins palliatifs hospitaliers vers un modèle mixte alliant une part forfaitaire et une part liée à l’activité ;
– Assurer la traçabilité des moyens financiers alloués aux soins palliatifs au sein des établissements hospitaliers ;
– Élargir la prise en charge des consultations à domicile dans le cadre de soins palliatifs (consultations longues, ergothérapeutes, psychologues, etc.).
8 – Généraliser les formations à la fin de vie et à l’approche palliative pendant les études des professionnels de santé et pendant leur carrière, en associant cultures palliative et curative.
9 – Développer la filière palliative comme discipline autonome :
– Créer un diplôme d’études spécialisées de médecine palliative ;
– Explorer la possibilité de créer une spécialité d’infirmier en soins palliatifs.
10 – Favoriser le travail et les échanges interprofessionnels afin de favoriser une prise en charge palliative plus en amont dans le parcours de soins.
III- MIEUX FAIRE CONNAÎTRE LES DIRECTIVES ANTICIPÉES ET LA PERSONNE DE CONFIANCE
11 – Préserver les dispositions de la loi concernant les directives anticipées et la personne de confiance, dont la modification n’apporterait pas d’améliorations significatives ni sur le plan juridique ni dans le traitement de la fin de vie de l’enfant.
12 – Simplifier les formulaires relatifs aux directives anticipées et à la désignation de la personne de confiance, en prévoyant notamment une version facile à lire et à comprendre (Falc), et les diffuser largement.
13 – Établir un guide à destination des personnes désignées personne de confiance, pour leur permettre de bien comprendre cette fonction.
14 – Harmoniser les définitions de la personne de confiance données par le code de la santé publique et le code de l’action sociale et des familles.
15 – Communiquer largement sur l’intérêt des directives anticipées et de la personne de confiance, par une campagne nationale et par des campagnes ciblées.
16 – Encourager les professionnels de santé à informer et accompagner les patients dans la rédaction de leurs directives anticipées et la désignation de leur personne de confiance.
17 – Développer les discussions anticipées, en amont de la rédaction des directives anticipées, dans le cadre de consultations dédiées, prises en charge par l’assurance maladie.
18 – Lancer une campagne de communication nationale afin de sensibiliser les Français à la question de l’accompagnement des malades et dynamiser l’action de bénévoles aux côtés des professionnels de santé.
IV- RENDRE EFFECTIF LE DROIT À LA SÉDATION PROFONDE ET CONTINUE JUSQU’AU DÉCÈS
19 – Créer un codage spécifique de l’information de sédation profonde et continue au sein du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) et du système national d’information interrégimes de l’assurance maladie (Sniiram) afin de garantir la traçabilité de ce dispositif.
20 – Inclure obligatoirement l’équipe pluridisciplinaire dans la procédure collégiale pour enclencher une sédation.
21 – Assurer l’accès en ambulatoire des produits et médicaments nécessaires à la SPCJD :
– Recenser l’ensemble des produits et médicaments nécessaires à la SPCJD et assurer leur accès en ville afin de faciliter la mise en œuvre de la SPCJD à domicile ;
– Communiquer à grande échelle auprès des professionnels de santé sur la disponibilité de ces produits.
22 – Assurer l’accès permanent aux équipes mobiles de soins palliatifs et à l’hospitalisation à domicile pour la mise en œuvre de la SPCJD à domicile en renforçant considérablement les moyens dédiés à ces structures et en généralisant les astreintes téléphoniques d’assistance à la SPCJD.
23 – Mettre le médecin traitant volontaire au cœur de la procédure du SPCJD à domicile et lui donner les moyens d’assurer ce rôle.
24 – Favoriser l’accès à des auxiliaires de vie à domicile pour assurer la présence continue d’un tiers pendant la durée de la SPCJD.
25 – Préciser dans la loi que le refus de l’obstination déraisonnable s’applique aux mineurs.
26 – Établir des recommandations ciblées pour la mise en place de la SPCJD chez l’enfant non capable de discernement.
27 – Permettre aux personnels soignants ayant participé à la procédure collégiale précédant la mise en place d’une SPCJD de se réunir à nouveau s’ils considèrent que la SPCJD dure un temps déraisonnable, afin de se positionner sur l’adaptation des soins à apporter au patient.
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Avant-propos de M. Olivier FALORNI,
président de la mission d’ÉVALUATION
La loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, loi dite « Claeys-Leonetti », du nom de ses deux auteurs, a désormais sept ans. Si des évaluations ont été réalisées, dès 2018, par l’Inspection générale des affaires sociales ([1]) ou encore par le Conseil d’État ([2]) dans le cadre de la préparation de la révision de la loi de bioéthique, aucune évaluation parlementaire n’avait été effectuée jusqu’à présent. Il était donc temps que la présente mission soit lancée !
Pendant un peu plus de deux mois, la mission d’évaluation a entendu une grande diversité d’acteurs – quatre-vingt-dix au total au cours de trente-et-une auditions organisées à l’Assemblée nationale –, ayant souvent des approches différentes du sujet, afin d’acquérir une vision globale de l’application de la loi. Ont ainsi été auditionnés, entre autres : les co-auteurs et co-rapporteurs de la loi, des représentants de plusieurs catégories de professionnels de santé (médecins, infirmiers, aides-soignants), des représentants d’institutions ou d’organisations ayant travaillé sur la mise en œuvre ou l’évaluation de la loi, des représentants du ministère de la santé, des représentants des sociétés savantes, des associations actives sur le sujet de la fin de vie ou des associations de bénévoles accompagnant les malades, des fédérations d’établissements ou d’hospitalisation à domicile, des professeures de droit, des philosophes, des écrivains, des représentants des cultes monothéistes ou encore des obédiences maçonniques. Parallèlement à ces auditions, qui ont toutes fait l’objet d’une retransmission sur le site de l’Assemblée nationale et qu’il est possible de retrouver sur le portail vidéo, les membres de la mission ont pu aller à la rencontre des patients et de leurs proches ainsi que des professionnels de santé, dont il faut saluer le dévouement.
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Les travaux de la mission ont rapidement montré que, même sept ans après sa promulgation, l’évaluation de la loi Claeys-Leonetti ne constitue pas un exercice aisé.
Tout d’abord, les dispositions de la loi demeurent largement méconnues des patients, mais aussi des soignants. Alors que la loi, en rendant contraignantes les directives anticipées et en réaffirmant le rôle de la personne de confiance, est porteuse d’avancées majeures, ces dispositifs restent trop peu mobilisés. De toute évidence, il nous faut préserver ces droits des patients et il est indispensable que les pouvoirs publics, via le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie notamment, les fassent mieux connaître. La rédaction des directives anticipées devrait faire l’objet d’un accompagnement, si possible par des professionnels de santé, dans le cadre de consultations dédiées.
Ensuite, il est aujourd’hui difficile d’effectuer une évaluation quantitative de l’application de la loi en l’absence de données robustes, notamment sur la pratique des différents types de sédations. Ceci est particulièrement regrettable. S’agissant de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, qui est manifestement pratiquée de manière exceptionnelle, les témoignages recueillis ont démontré qu’il s’agit d’un droit inconnu de la plupart des malades et d’un acte médical délicat qui implique une surveillance très régulière, si bien que l’on peut s’interroger sur son effectivité en dehors des établissements hospitaliers.
Par ailleurs, en dépit d’une offre qui progresse, l’accès aux soins palliatifs demeure insatisfaisant alors même qu’il s’agit d’un enjeu majeur pour la qualité de la prise en charge de la fin de vie et le respect des droits des malades. S’il est impossible à ce jour de mesurer précisément les besoins en soins palliatifs, les auditions ont mis en lumière les carences de notre système de santé, que ce soit à l’hôpital, dans les établissements médico-sociaux, pour personnes âgées ou personnes en situation de handicap, et à domicile. Ces faiblesses sont étroitement liées à la pénurie croissante de soignants, mais aussi aux défauts du modèle de financement, en particulier dans les établissements de santé : la tarification à l’activité apparaît peu adaptée, en l’état actuel, face à la nécessaire amélioration de la prise en charge palliative. Pire, celle-ci peut favoriser des pratiques conduisant à de l’obstination déraisonnable, alors même que les soins palliatifs pourraient apporter une meilleure réponse aux besoins des malades.
De façon plus générale, il ressort des travaux de la mission que la diffusion de la culture palliative s’avère prioritaire. Cela passe par l’intégration des soins palliatifs dans la formation obligatoire des professionnels de santé, à commencer par les médecins, quelle que soit leur spécialité, l’essor d’une filière universitaire dédiée, une plus grande sensibilisation des soignants et du grand public aux soins palliatifs qui ne doivent pas être perçus comme des échecs thérapeutiques. Il convient de relever à cet égard que persiste un malentendu : les soins palliatifs peuvent constituer une étape intermédiaire, et non pas nécessairement une étape finale, dans un parcours de soin. Ce changement de regard doit permettre de sortir du cloisonnement entre les soins curatifs et les soins palliatifs et s’accompagner d’un développement au long cours de l’offre palliative en France.
Force toutefois est de constater que la mort reste un sujet tabou dans notre société, un sujet qui a encore trop souvent du mal à être verbalisé par les malades, leurs proches et les soignants. Le rapport à la mort est très marqué par des conceptions religieuses ou philosophiques alors qu’il évolue dans une société française de plus en plus sécularisée.
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Tandis qu’un consensus s’est dégagé sur la nécessité de consolider les acquis du corpus législatif actuel, il a aussi été longuement question d’une possible légalisation d’une aide active à mourir, très souvent à l’initiative des personnes auditionnées elles-mêmes. Même s’il ne s’agissait pas de l’objet de cette mission d’évaluation, de tels échanges n’ont pas surpris les membres de la mission compte tenu de l’actualité du débat public sur ce sujet.
En effet, le 13 septembre dernier, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu un avis important qui a été présenté à la mission par ses deux co-rapporteurs ([3]). Dans cet avis, le CCNE relève que, si « le cadre juridique actuel est satisfaisant lorsqu’un pronostic vital est engagé à court terme, en revanche, certaines personnes souffrant de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances réfractaires, dont le pronostic vital n’est pas engagé à court terme, mais à moyen terme, ne rencontrent pas de solution toujours adaptée à leur détresse dans le champ des dispositions législatives (...) ». Au regard de ces éléments, le CCNE considère que, si le législateur venait à s’emparer de ce sujet, « il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir, à certaines conditions strictes ».
Par ailleurs, la mise en place en décembre dernier d’une Convention citoyenne, à la demande du Président de la République, a permis à cent quatre-vingt-cinq personnes tirées au sort, sur la base de critères représentatifs de la société française, de s’emparer pleinement de ce sujet. La Convention a été réunie au cours de neuf sessions de travail afin de répondre à la question posée par la Première ministre : « Le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations individuelles rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? ». Les conclusions de ces travaux, menés sous l’égide du Conseil économique, social et environnemental (CESE), et dont la qualité doit être soulignée, permettront sans nul doute d’éclairer et de guider le législateur sur le chemin à suivre pour proposer le meilleur accompagnement possible à nos concitoyens en fin de vie et répondre à leurs aspirations.
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« Alors que la souffrance devrait être interdite en fin de vie, […] 12 % des gens hurlent encore de douleur en fin de vie dans les hôpitaux parisiens. C’est scandaleux. »
Ces propos de M. Jean Leonetti, tenus lors de son audition par la mission d’évaluation, mettent en lumière les enjeux qui entourent la fin de vie dans notre pays, mais aussi les passions qu’ils suscitent, tout comme la difficulté pour le législateur de les évaluer et de les encadrer.
La fin de vie devient, de manière croissante, une préoccupation majeure, alors que le vieillissement et la croissance démographique de la population française se poursuivent. Elle se caractérise par l’évolution et la diversité des parcours, qui supposent de la part des pouvoirs publics une adaptation permanente afin de faire évoluer l’offre en soins de la fin de vie et de garantir les droits des patients. Tel était l’objet de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite « loi Claeys-Leonetti » ([4]).
I. La loi Claeys-Leonetti constitue une composante importante de l’édifice législatif encadrant la fin de vie
A. La fin de vie a été encadrée par plusieurs lois successives
La loi Claeys-Leonetti poursuit l’œuvre relative à la fin de vie qu’a commencée le législateur il y a près de trente ans ([5]). Dès la loi « Évin » du 31 juillet 1991 ([6]), il inscrivait les soins palliatifs parmi les missions du service public hospitalier, en les distinguant des soins curatifs. Plusieurs lois marquantes ont, ensuite, défini le cadre de la fin de vie en France.
● La loi du 9 juin 1999 ([7]) constitue le premier jalon posé par le législateur en la matière, trouvant son origine dans la « circulaire Laroque » du 26 août 1986 ([8]) et faisant suite à plusieurs avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Elle dispose que « toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement » et apporte une définition aux soins palliatifs. Pour traduire ce droit en actes, elle prévoit notamment la définition de schémas régionaux d’organisation sanitaire et la mise en place d’un congé de solidarité familiale afin d’accompagner un proche en fin de vie.
● La loi du 4 mars 2002 ([9]), dite « loi Kouchner », est la première loi à consacrer un droit, pour toute personne, d’être informée sur son état de santé ainsi qu’un droit, pour le malade, au consentement à la décision médicale le concernant. Ce faisant, elle esquisse un droit au refus de l’acharnement thérapeutique, crée la personne de confiance et reconnaît à chacun le droit de disposer de tous les moyens destinés à lui assurer une vie digne jusqu’à la mort.
● La loi du 22 avril 2005 ([10]), dite « loi Leonetti », est porteuse de nombreuses évolutions du cadre législatif sur la fin de vie. Cette loi, adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale puis sans modification par le Sénat :
– affirme les droits et l’autonomie de la personne en fin de vie, comprenant notamment le droit d’interrompre ou de refuser un traitement. Elle interdit ainsi l’obstination déraisonnable, nouveau nom de l’acharnement thérapeutique, aux équipes soignantes ;
– permet au patient de rédiger des directives anticipées, indicatives et valables trois ans, afin de faire connaître aux médecins sa volonté ;
– précise que l’avis de la personne de confiance prévaut sur tout autre avis non médical, à l’exclusion des directives anticipées, dans les décisions médicales concernant une personne malade en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable ;
– instaure une procédure collégiale pour les procédures de limitation et d’arrêt des traitements ;
– réaffirme le droit d’accéder aux soins palliatifs dans l’ensemble des services hospitaliers.
B. La loi Claeys-Leonetti consolide le cadre législatif relatif à la fin de vie
La loi Claeys-Leonetti s’inscrit dans la lignée des lois précitées, dont elle précise et consolide la portée en poursuivant l’objectif d’une fin de vie digne et apaisée.
Aussi concise que complexe, cette loi a fait l’objet, comme le rappelle l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans son rapport d’évaluation rédigé en 2018 ([11]), de longs travaux préparatoires. Elle est l’aboutissement d’un processus commencé par une promesse de campagne présidentielle du candidat François Hollande ([12]), poursuivi avec la mise en place d’une commission de réflexion sur la fin de vie présidée par Didier Sicard, laquelle a remis son rapport en décembre 2012, puis avec un avis du CCNE ([13]) et une conférence citoyenne en 2013. Cette démarche a continué à l’Assemblée nationale, une mission étant confiée en juin 2014 à deux députés – l’un issu de la majorité, M. Alain Claeys, et l’autre de l’opposition, M. Jean Leonetti – qui ont remis un rapport ([14]) et déposé une proposition de loi en janvier 2015 ([15]).
1. Une loi porteuse de nombreuses avancées pour les droits des patients
● La loi Claeys-Leonetti consacre les soins palliatifs comme une priorité de santé publique et renforce le droit d’accès aux soins palliatifs proclamé dans la loi du 9 juin 1999. La garantie de leur accès sur l’ensemble du territoire est inscrite dans la loi, qui prévoit aussi une formation spécifique obligatoire pour les professionnels de santé.
● La loi crée de nouveaux droits en faveur des patients et renforce les mesures visant à permettre une fin de vie dans la dignité.
Les directives anticipées deviennent contraignantes et s’imposent désormais aux médecins, sauf cas d’urgence vitale et lorsqu’elles apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale. Elles deviennent l’expression privilégiée de la volonté du patient hors d’état de faire connaître ses choix. Leur validité n’est plus soumise à une condition de durée. Le rôle de la personne de confiance est lui aussi renforcé, sa parole prévalant sur toute autre, réputée incarner la volonté du patient et non un simple avis.
La loi ouvre pour le patient l’accès à une sédation profonde et continue jusqu’au décès, provoquant une altération de la conscience et associée à une analgésie ainsi qu’à l’arrêt des traitements. Sa mise en œuvre doit être décidée par procédure collégiale et reste limitée à certains cas : elle concerne le patient atteint d’une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et présentant une souffrance réfractaire aux traitements, ou le cas où l’arrêt d’un traitement est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable.
La loi garantit par ailleurs le droit à une fin de vie digne et le droit de refuser tout traitement. Elle clarifie les conditions de l’arrêt des traitements au titre du refus de l’obstination déraisonnable, en précisant que la nutrition et l’hydratation artificielles constituent des traitements susceptibles d’être arrêtés ([16]).
2. Les pouvoirs publics ont cherché à accompagner la loi d’une impulsion nouvelle
Constatant la large méconnaissance de la loi Leonetti du 22 avril 2005, alors même que celle-ci était reconnue porteuse d’avancées, les pouvoirs publics ont cherché depuis 2016 à accompagner la mise en œuvre loi Claeys-Leonetti.
Des actions de sensibilisation et des campagnes d’information ont ainsi été impulsées par le ministère de la santé, la Haute Autorité de santé (HAS) et le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV).
● Le CNSPFV a été créé en janvier 2016 par la fusion de l’Observatoire national de la fin de vie et du Centre national de ressources soin palliatif ([17]). Ses missions, initialement centrées sur le pilotage de la recherche, le suivi des politiques publiques et l’information du grand public, ont été redéfinies et élargies en janvier 2022, alors que son activité était prolongée de cinq ans ([18]). Le CNSPFV contribue désormais :
– à une meilleure connaissance des soins palliatifs et des conditions de la fin de vie. En qualité de centre de ressources, il recueille, exploite et rend publiques des ressources statistiques, épidémiologiques et documentaires. En qualité d’observatoire, il produit des expertises indépendantes et étayées par les données scientifiques ;
– à la diffusion des dispositifs relatifs aux directives anticipées et à la désignation des personnes de confiance, à la démarche palliative et aux pratiques d’accompagnement. En qualité de centre de référence, il informe et communique sur ces dispositifs, démarches et pratiques en direction du grand public, des professionnels des soins palliatifs et de l’accompagnement de la fin de vie et des représentants de la société civile. En qualité de centre de dialogue et d’espace de débat, il contribue à l’animation du débat sociétal et éthique et à la réflexion sur l’intégration des soins palliatifs dans les parcours de santé et l’intégration de la fin de vie dans les parcours de vie.
Malgré cette redéfinition, les rapporteurs observent que ce centre demeure trop peu connu et insuffisamment doté pour mener à bien ses missions, notamment concernant ses objectifs scientifiques et informationnels. Ils appellent à pérenniser et développer cette structure.
Recommandation n° 1 : Renforcer les moyens alloués au CNSPFV et garantir sa pérennité.
● Le déploiement de la loi Claeys-Leonetti s’inscrit en parallèle des plans nationaux successifs qui soutiennent le développement des soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie.
Le plan national 2015-2018 pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement en fin de vie (SPFV) était doté de 190 millions d’euros et comportait quatre axes, quatorze mesures et quarante actions. Dans son rapport précité, l’Igas constate que ce plan « a joué un rôle positif pour l’appropriation et la mise en œuvre » de la loi Claeys-Leonetti.
Le plan national SPFV 2021-2024 dispose pour sa part d’un financement de 171 millions d’euros. Il se décline selon trois axes stratégiques autour desquels se structurent quinze actions à conduire :
– axe 1 : Favoriser l’appropriation des droits en faveur des personnes malades et des personnes en fin de vie ;
– axe 2 : Conforter l’expertise en soins palliatifs en développant la formation et en soutenant la recherche ;
– axe 3 : Définir des parcours de soins gradués et de proximité en développant l’offre de soins palliatifs, en renforçant la coordination avec la médecine de ville et en garantissant l’accès à l’expertise.
II. Une évaluation menée dans un contexte singulier
La mission d’évaluation de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite « Claeys-Leonetti », s’est déroulée dans un contexte singulier.
A. Une mise en œuvre de la loi difficile à évaluer quantitativement
● La mission a pu mener à bien son travail d’évaluation qualitative de la loi. Ce dernier a été rendu possible par les nombreuses auditions organisées, à l’Assemblée nationale ou au cours de déplacements, par des recherches ou encore par le travail de chacun des membres dans sa circonscription. Les rapporteurs ont également pu nourrir leurs travaux des ressources, nombreuses mais éparses, publiées depuis 2016.
Alors que la loi prévoit que les procédures qu’elle mentionne sont retracées dans le dossier médical des patients, les rapporteurs indiquent ne pas avoir procédé au contrôle de ces dossiers médicaux – couverts, par nature, par le secret médical.
● Il en va différemment du travail d’évaluation quantitative de la loi, pour lequel la mission a rencontré des difficultés que les rapporteurs souhaitent souligner. Ce faisant, ils réitèrent le constat déjà formulé par l’Igas en 2018.
Le manque d’indicateurs sur la mise en œuvre de la loi Claeys-Leonetti et, plus globalement, sur la fin de vie en France, est aujourd’hui d’une évidence criante. Les données relatives aux directives anticipées restent par exemple incertaines, tandis que l’on ne sait pas dénombrer précisément les sédations profondes et continues administrées chaque année, ni même les demandes à cet effet, pas plus que les procédures collégiales organisées. Les données publiées sont rares et parfois anciennes ou issues d’un échantillon peu représentatif. De plus, les données collectées sont muettes sur le parcours et l’expérience de la personne en fin de vie, dont les besoins sont mal évalués. Cette absence de retour d’expérience, certes délicat à recueillir auprès de personnes vulnérables, limite la capacité à évaluer l’effectivité concrète des droits des patients.
Les travaux de recherche sont, eux aussi, largement manquants. Malgré la création, en 2018, d’une plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie, ayant pour but de contribuer à la structuration, au développement et à la valorisation de la recherche française dans le domaine de la fin de vie et des soins palliatifs, les travaux de recherche ne sont pas à la mesure de l’importance de l’enjeu que constitue la fin de vie aujourd’hui.
Panorama de la recherche sur la fin de vie
Le CNSPFV recense, en 2022, 384 chercheurs et cliniciens travaillant dans le domaine de la fin de vie et des soins palliatifs en France, 56 projets de recherche et 90 thèses étant en cours ([19]).
– 56 spécialités sont mobilisées, dont 54 % appartiennent aux sciences médicales, paramédicales et sciences de la vie, la discipline des soins palliatifs représentant plus d’un tiers des chercheurs, et 46 % aux sciences humaines et sociales.
– Les principales thématiques d’études sont les lieux de fin de vie, l’éthique et la bioéthique, les vécus et perceptions et l’accompagnement des patients.
Dans ce contexte, il apparaît souhaitable de mieux codifier les actes d’accompagnement et de soins de fin de vie prodigués et d’intensifier l’effort de développement de travaux de recherche, en dotant ceux-ci d’un volet sur les attentes des malades en fin de vie et de leurs proches.
Recommandation n° 2 : Développer la collecte de données et les travaux de recherche sur la fin de vie, en dotant ceux-ci d’un volet sur les attentes des malades et de leurs proches.
● Enfin, la mission a mis en lumière l’absence de rapport annuel évaluant les conditions d’application de la loi ainsi que la politique de développement des soins palliatifs, dont la remise par le Gouvernement au Parlement est pourtant prévue à l’article 14 de la loi Claeys-Leonetti ([20]). Si le rapport d’activité du CNSPFV ou l’Atlas qu’il publie constituent des outils précieux, ils ne sauraient pallier cette absence ni combler le déficit de données qui caractérise la fin de vie en France.
Recommandation n° 3 : Modifier l’article 14 de la loi pour prévoir la remise tous les deux ans, et non plus chaque année, d’un rapport au Parlement évaluant les conditions d’application de la loi ainsi que la politique de développement des soins palliatifs.
B. Un débat autour de la question de la fin de vie très prégnant dans l’actualité
Les travaux de la mission ont pris place dans un contexte singulier, marqué par un débat public particulièrement dynamique sur la fin de vie, dans la presse et au sein de plusieurs instances ayant été invitées à travailler sur ce sujet.
Ainsi les travaux de la mission se sont-ils déroulés en même temps que ceux de la Convention citoyenne ouverte en décembre 2022 par le Conseil économique, social et environnemental, sur demande de la Première ministre Élisabeth Borne, et en parallèle des groupes de travail constitués au niveau ministériel.
Dans ce contexte, les rapporteurs relèvent un paradoxe : alors même que la fin de vie demeure un sujet tabou pour nombre de nos concitoyens, le débat public semble focalisé sur un seul de ses enjeux, l’aide active à mourir.
Tel n’était pas l’objet de la présente mission, créée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale afin d’évaluer la loi Claeys-Leonetti. En cela, les rapporteurs ont estimé qu’il ne leur appartenait pas de se prononcer ici sur l’opportunité de légaliser, ou non, une aide active à mourir et, le cas échéant, à quelles conditions, bien que cette question ait souvent été abordée, spontanément et parfois longuement, par les personnes auditionnées ([21]). Ils espèrent toutefois que ce document permettra d’alimenter utilement le débat en cours sur les questions relatives à la fin de vie.
Partie I – UN ACCÈS AUX SOINS PALLIATIFS INSATISFAISANT
La loi Claeys-Leonetti prévoit pour les malades le droit d’avoir une « fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance » ([22]), et une responsabilité pour les professionnels de santé de « mettre en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté ». Ce droit implique, prévoit l’article 4 de la loi, de pouvoir « recevoir des traitements et des soins destinés à soulager [la] souffrance », y compris, dans certains cas, au risque d’abréger la vie du malade ([23]). L’accès aux soins palliatifs et la diffusion d’une culture palliative, qui ont souvent été au cœur des échanges lors des auditions et des déplacements des rapporteurs, constituent donc les conditions indispensables au respect de ce droit des malades.
A. Une offre de soins palliatifs insuffisante
● Apparus au cours des années 1980 en France ([24]), les soins palliatifs ont été reconnus par le législateur dans les années 1990. La loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière, dite « loi Évin », a inscrit les soins palliatifs dans les missions du service public hospitalier, en les distinguant des soins curatifs. Le droit d’accès aux soins palliatifs a été institué par la loi précitée du 9 juin 1999, qui prévoit que « toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement ». Elle définit les soins palliatifs comme « les soins actifs et continus en institution ou à domicile, qui visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage ».
Dans le sillage de cette loi, cinq plans nationaux de développement des soins palliatifs ont été mis en œuvre afin de renforcer de manière opérationnelle l’offre de prise en charge palliative et d’assurer une égale répartition sur le territoire. Le cinquième plan a été lancé en 2021 pour une durée de trois ans, jusqu’en 2024.
1. Le développement progressif d’une offre palliative graduée
Depuis la loi du 9 juin 1999 précitée, tout patient le nécessitant doit pouvoir accéder à une offre de soins palliatifs, susceptible d’intervenir quel que soit son lieu de vie (article L. 1110-10 du code de la santé publique), que ce soit au domicile, ce qui inclut les structures d’accueil pour les personnes âgées dépendantes, ou à l’hôpital.
a. Une offre palliative graduée
La prise en charge palliative est organisée de manière graduée dans les établissements hospitaliers en fonction de l’état de santé du patient, conformément à la circulaire DHOS/O2/2008/99 du 25 mars 2008 relative à l’organisation des soins palliatifs. Ce texte doit faire l’objet d’une révision au printemps 2023 sous la forme d’une instruction qui précisera également les modalités de gradation de soins en ambulatoire. Il s’agira alors de construire une filière palliative intégrée.
● Actuellement, à domicile, une personne malade est suivie par les professionnels de proximité (médecin traitant, infirmier, pharmacien, auxiliaire de vie, etc.), qui peuvent bénéficier de l’appui d’une équipe mobile en soins palliatifs (EMSP). Si l’état de santé est stable ou n’est pas complexe, les soins palliatifs sont délivrés par les professionnels de santé habituels. Le médecin traitant assure le suivi médical, en lien avec les autres professionnels de santé intervenant à domicile ou prenant en charge le malade habituellement.
Quand l’état de santé se complique, les professionnels de santé habituels peuvent faire appel aux EMSP ou, selon l’âge du malade, aux équipes ressources régionales de soins palliatifs pédiatriques (ERRSPP). Dans des cas complexes nécessitant des soins plus avancés, plus fréquents ou continus, une hospitalisation à domicile (HAD) peut être décidée. Il peut également être envisagé de recourir à l’hospitalisation de jour qui permet à des malades continuant de vivre à domicile de recevoir des soins palliatifs techniques et des soins de confort tout en offrant aux proches aidants des temps de répit.
● Il est toutefois possible qu’une hospitalisation soit nécessaire lorsque l’état de santé de la personne malade le nécessite ou si son environnement de vie ne permet pas le maintien au domicile.
Quand l’état de santé est stable ou non complexe, les soins palliatifs peuvent être délivrés par le service hospitalier qui prend habituellement en charge le malade (oncologie, cardiologie, pneumologie, néphrologie, neurologie, gériatrie, médecine générale, etc.). Ces services peuvent faire appel à une EMSP ou à une ERRSPP pour obtenir un appui ou des conseils spécialisés.
Si l’état de santé nécessite des soins palliatifs renforcés, la personne malade peut être orientée vers un lit identifié de soins palliatifs (LISP). Enfin, si l’état de santé est complexe ou nécessite une plus grande expertise, elle peut être transférée dans une unité de soins palliatifs (USP).
Selon les données figurant dans la troisième édition de l’Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France, édité par le CNSPFV, 330 439 personnes sont décédées à l’hôpital en 2019, soit 53 % de l’ensemble des décès ([25]).
Parmi elles, 40 % auraient reçu des soins palliatifs au cours de l’année précédant leur décès puisqu’un codage « soins palliatifs » a été enregistré ([26]). 23 % des patients décédés en milieu hospitalier sont morts dans un lit disposé dans une unité de soins palliatifs (LUSP, pour un tiers) ou dans un LISP (pour les deux tiers), soit 76 000 personnes.
D’une part, 43 157 séjours, d’une durée moyenne de 17,4 jours, ont été effectués en USP, dont 13 % en soins de suite et de réadaptation (SSR). 37 189 patients, âgés de 72,7 ans en moyenne, ont été pris en charge. Quatre patients sur cinq sont décédés au cours d’un séjour en USP. D’autre part, 138 227 séjours, d’une durée moyenne de 14,7 jours, ont été effectués en LISP, dont 11 % en SSR. Au total, 114 231 patients ont été pris en charge dont 45 % sont décédés au cours d’un séjour en LISP. Qu’il s’agisse des LUSP ou des LISP, la moyenne d’âge des patients s’élève autour de 72 ans et 10 à 15 % des patients ont fait plusieurs séjours.
b. Une offre palliative en progression
Face à l’augmentation des besoins liée au vieillissement de la population, à l’augmentation des pathologies chroniques et des décès, l’offre en soins palliatifs s’est développée sur l’ensemble du territoire français au cours des dernières années, soutenue par les plans nationaux successifs. Ainsi, excepté Mayotte, l’ensemble des départements est doté de lits hospitaliers spécialisés dans la prise en charge palliative (LUSP ou LISP), et tous les départements possèdent des équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) ([27]).
● Fin 2021, la France comptait 7 546 lits hospitaliers en soins palliatifs. Les trois quarts d’entre eux sont des LISP, le quart restant des LUSP. Cela représente 11,1 lits de soins palliatifs pour 100 000 habitants (respectivement 2,9 LUSP et 8,2 LISP).
On dénombrait alors 171 unités de soins palliatifs (USP) totalisant 1 980 LUSP. Les 5 566 lits restants étaient des LISP répartis dans 904 établissements. Il convient de noter que, dans les territoires sans USP, l’offre en accompagnement palliatif existe par l’intermédiaire des LISP dont la densité est généralement supérieure à la moyenne nationale.
Sur la période 2017-2021, le nombre d’USP a augmenté de 8,9 %, passant de 157 à 171 ; elles étaient moins de 100 en 2006. Plus de 200 lits ont été créés dans les USP sur cette même période (+ 11,5 %), passant de 1 765 à 1 980 lits.
Dans le même temps, le nombre de LISP a cru de 7,2 %, passant de 5 189 à 5 561 lits, soit 372 lits supplémentaires.
Les structures de soins palliatifs et les structures d’appui en expertise palliative
Les structures de soins palliatifs sont des structures ou dispositifs hospitaliers en capacité d’accomplir une démarche palliative adaptée au niveau de complexité requis et en articulation avec l’ensemble des intervenants composant l’équipe interdisciplinaire et pluriprofessionnelle.
On distingue :
– l’hospitalisation à domicile (HAD), hospitalisation à temps complet au cours de laquelle les soins sont effectués au domicile de la personne, que ce soit chez elle ou dans un établissement social ou médico-social ;
– les lits identifiés de soins palliatifs (LISP) : ils offrent une prise en charge spécialisée en soins palliatifs, dans un service d’hospitalisation fréquemment confronté à des fins de vie mais dont l’activité n’est pas exclusivement consacrée aux soins palliatifs. Les soins médicaux et d’accompagnement sont en général prodigués par les équipes ayant pris en charge les soins liés à la maladie initiale ;
– les unités de soins palliatifs (USP), unités spécialisées dont l’activité est exclusivement dévolue à la médecine palliative et la prise en charge de la douleur. Elles accueillent de façon temporaire ou permanente des personnes atteintes de maladie grave, évolutive, mettant en jeu le pronostic vital, en phase avancée ou terminale, lorsque la prise en charge nécessite l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire.
Il existe également des structures d’appui en expertise palliative :
– les équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) : composées de médecins, d’infirmiers, de psychologues, etc., elles apportent un soutien et une expertise auprès des équipes soignantes et des professionnels qui font appel à elles pour prendre en charge des personnes malades en soins palliatifs ou en situation de fin de vie ;
– les équipes ressources régionales en soins palliatifs pédiatriques (ERRSPP) : ce sont des équipes multidisciplinaires et interprofessionnelles qui ont un rôle de conseil et de soutien auprès des équipes et des professionnels de soins, à qui elles apportent leur expertise en matière de prise en charge palliative des nouveau-nés, des enfants, des adolescents et de leurs proches, ainsi qu’en matière de gestion des symptômes ;
– les appuis territoriaux de soins palliatifs, qui sont accessibles à l’ensemble des professionnels de santé prenant en charge des personnes relevant d’une démarche palliative à domicile. Ils s’appuient sur les ressources territoriales existantes (EMSP, HAD, USP, médecins formés en soins palliatifs, etc.) et offrant une permanence d’appui et d’expertise téléphonique en semaine voire le soir, la nuit et les week-ends.
Source : CNSPFV, op. cit.
Évolution du nombre d’USP et de LUSP entre 2006 et 2021
Évolution du nombre de LISP et
d’établissements disposant de LISP 2006 et 2021
Champ : France métropolitaine et départements et régions d’outre-mer.
NB : l’enquête SAE a connu une refonte en 2013.
Sources : CNSPFV, op. cit., à partir des données Drees, SAE.
● La France comptait 420 équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) fin 2021, contre 288 en 2006. Il convient de noter que 17 % des interventions des EMSP sont réalisées en dehors de l’hôpital (domicile, Ehpad, etc.), soit 8 % de plus depuis 2013. L’offre domiciliaire s’est renforcée avec la montée en puissance de l’hospitalisation à domicile (HAD). En 2019, près d’un tiers de l’activité totale réalisée en HAD concernait une prise en charge palliative. La prise en charge à domicile s’est accrue ces dernières années : 45 378 patients ont bénéficié de soins palliatifs en HAD en 2019, soit une hausse de 60 % depuis 2013. Cette tendance a été accélérée en 2020 par la crise sanitaire. Le nombre de séjours de soins palliatifs en HAD a ainsi progressé de 32 % sur la période 2018-2021.
S’agissant des équipes ressources régionales de soins palliatifs pédiatriques (ERRSPP), leur nombre (23) a été maintenu au même niveau ces dernières années. En revanche, le nombre de LISP dans les services pédiatriques a doublé : on comptabilisait 51 lits en 2021.
Enfin, la prise en charge s’est améliorée dans les établissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), même si la situation n’est toujours pas pleinement satisfaisante. Deux tiers des 7 400 Ehpad que comptait la France fin 2019, qui accueillaient près de 600 000 personnes, ont signé une convention avec une EMSP, contre la moitié en 2011. Près de 9 000 résidents ont bénéficié d’une prise en charge palliative au moment de leur décès, soit 5,7 % des résidents décédés cette année-là.
Évolution du nombre de sejours avec soins palliatifs et de patients pris en charge en soins palliatifs en had entre 2013 et 2021
Champ : France métropolitaine et départements et régions d’outre-mer hors Mayotte.
Sources : CNSPFV, op. cit., à partir des données ATIH, PMSI.
Malgré des progrès notables, les personnes auditionnées par la mission d’évaluation s’accordent sur l’insuffisance de l’offre palliative au regard des besoins qui ne cesseront de croître dans les années à venir.
Recommandation n° 4 : Poursuivre le développement de l’offre palliative dans les établissements sanitaires et médico-sociaux ainsi qu’à domicile afin de garantir l’accès aux soins palliatifs à tous les malades.
c. Des besoins croissants qui demeurent difficiles à évaluer
Les besoins sont actuellement évalués par les agences régionales de santé (ARS). Sous leur égide se sont structurées des organisations territoriales en capacité de garantir un accès aux différents niveaux de soins palliatifs. Dans un contexte de vieillissement de la population et d’augmentation du nombre de décès chaque année, il paraît important d’évaluer l’adéquation de l’offre aux besoins.
● Selon la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), seuls 100 000 patients par an bénéficient d’une prise en charge palliative pour une demande estimée à 320 000 personnes par an ([28]). Autrement dit, moins d’un tiers des malades nécessitant des soins palliatifs y auraient accès. Ce ratio a régulièrement été cité lors des auditions de la mission.
Selon les éléments figurant dans la présentation du plan national développement des soins palliatifs et accompagnement de la fin de vie (SPFV) 2021‑2024, il semblerait qu’il existe des variations très importantes en fonction des pathologies dans l’accès aux soins palliatifs : « S’il convient d’être prudent sur les données disponibles et leur interprétation, près de 59 % des personnes atteintes de cancer ont reçu des soins palliatifs l’année précédant leur décès (+7 points sur la période 2013-2015). Elles sont 24 % à avoir bénéficié de soins palliatifs en situation d’AVC aigu, 17 % en situation d’insuffisance cardiaque, 23 % en situation de sclérose en plaque, 17 % en situation de démence. »
Toutefois, le ministère de la santé et de la prévention demeure prudent et n’avance aucun chiffrage en l’absence de données robustes permettant d’évaluer précisément les besoins de soins palliatifs. La direction générale de l’offre de soins (DGOS) et les copilotes du plan national SPFV 2021-2024, les docteurs Olivier Mermet et Bruno Richard, ont indiqué à la mission que des travaux étaient en cours pour affiner la production et l’analyse des données, ce qui permettrait d’ajuster au mieux l’offre aux besoins en soins palliatifs.
Recommandation n° 5 : Élaborer des indicateurs pour mesurer précisément l’adéquation de l’offre de soins aux besoins en soins palliatifs.
● Il ressort des auditions de la mission que l’accès aux soins palliatifs est encore loin d’être garanti à tous les Français partout sur le territoire national, en dépit des progrès enregistrés depuis trente ans. Ce constat est corroboré par les résultats d’une enquête menée par le Quotidien du médecin en novembre 2022 auprès de 596 praticiens ([29]). La majorité des répondants déplore l’insuffisance des moyens pour accompagner les patients en fin de vie (58 %) et le fait que l’offre en soins palliatifs soit défaillante sur leur territoire (60 %) tandis que plus de 55 % des répondants rencontrent toujours ou souvent des obstacles lorsqu’ils cherchent à hospitaliser un patient en soins palliatifs, y compris à domicile ([30]).
Surtout, la situation actuelle ne doit pas occulter les besoins croissants à venir. Alors que la France a déploré 657 000 décès en 2021, 100 000 décès supplémentaires sont attendus chaque année d’ici vingt ans. Face à ce défi démographique et médical, il est impératif de poursuivre les efforts pour étoffer l’offre palliative et diffuser la culture palliative chez les soignants afin d’améliorer la prise en charge à tous les niveaux.
2. Une offre palliative à renforcer
a. Des disparités territoriales persistantes
Malgré son augmentation significative depuis la fin des années 1990 et sa structuration à l’échelle des territoires, l’offre palliative reste marquée par de fortes disparités territoriales.
C’est en particulier le cas des LUSP et des LISP, dont la répartition est hétérogène au niveau national comme au niveau local. À titre d’exemples, pour un nombre de décès comparable en 2019 ([31]), la région Grand Est disposait de 120 LUSP dans 12 USP, 583 LISP et 35 EMSP, tandis que la région Hauts-de-France était dotée de 330 LUSP dans 31 USP, 491 LISP et 40 EMSP. Outre-mer, Mayotte et la Guyane sont les départements les moins bien dotés. Mayotte, qui a enregistré 777 décès en 2019, disposait seulement d’une EMSP et d’aucun LUSP ni LISP. La Guyane, pour 1 020 décès en 2019, comptait uniquement 9 LISP et 1 EMSP.
Il a régulièrement été rappelé lors des travaux de la mission que, si l’ensemble des départements français dispose de structures hospitalières dédiées à la prise en charge palliative, à l’exception de Mayotte, 21 d’entre eux étaient dépourvus d’USP fin 2021 ([32]). Certes, le nombre de départements sans USP ne cesse de diminuer ([33]). Par ailleurs, tous les départements n’ont peut-être pas vocation à abriter une USP dès lors que l’offre palliative est satisfaisante. L’objectif reste de proposer une offre complète et intégrée qui puisse répondre au mieux aux besoins des malades.
Bien que les départements sous-dotés en LUSP sont souvent mieux dotés en LISP, il convient d’analyser finement l’offre existante. Les docteurs Olivier Mermet et Bruno Richard, pilotes du plan national SPFV 2021-2024, soulignent ainsi que « les LISP sont parfois considérés comme suffisants pour couvrir les besoins hospitaliers alors que le service rendu LISP/LUSP n’est pas le même. Ainsi la création de LUSP n’a pas été jugé nécessaire pas certaines ARS sur des territoires qui pourtant le nécessitaient. » Ils relèvent également une certaine hétérogénéité dans le service effectivement assuré en soins palliatifs, que ce soit en établissement ou en ville. Le niveau des compétences des équipes mobiles ou de HAD peut être assez variable d’une structure à une autre. Enfin, les hôpitaux de proximité, notamment en zone rurale, permettent d’apporter une réponse aux disparités observées dans les territoires ([34]).
Le développement des soins palliatifs doit donc être appréhendé de manière globale par l’essor d’une offre hospitalière et ambulatoire sur plusieurs niveaux au plus près des besoins dans l’ensemble du territoire national.
Nombre de lits de soins palliatifs (LUSP + LISP) pour 100 000 habitants en 2021
Source : CNSPFV, op. cit.
Taux d’équipement en HAD pour 100 000 habitants en 2021
Source : CNSPFV, op. cit.
nombre d’equipes mobiles de soins palliatifs par departement fin 2021