N° 1073

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 avril 2023

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 8, du Règlement

PAR le comitÉ d’Évaluation et de contrÔle des politiques publiques

 

sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’information (n° 2297)
du 10 octobre 2019 sur l’évaluation de l’accès aux services publics
dans les territoires ruraux

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Mathilde DESJONQUÈRES et M. Pierre MOREL-À-L’HUISSIER

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE

INTRODUCTION

PARTIE I : DES TERRITOIRES RURAUX MIEUX PRIS EN COMPTE MAIS IMPACTÉS PAR LES CRISES RÉCENTES

I. LA NOUVELLE DÉFINITION DE LA RURALITÉ RECOUVRE DES TERRITOIRES AUX CARACTÉRISTIQUES DIFFÉRENTES

II. UN ENGOUEMENT POUR LA RURALITÉ FREINÉ PAR L’IMPACT DES CRISES

A. L’ATTRACTION POUR LA RURALITÉ MISE EN LUMIÈRE PAR LA CRISE SANITAIRE

B. APRÈS DES ANNÉES D’ÉLOIGNEMENT, UNE VOLONTÉ CLAIRE DE RÉIMPLANTER L’ÉTAT DANS LES TERRITOIRES PEU DENSES

C. L’ACCÈS À CERTAINS SERVICES AFFECTÉ PAR LES OBSTACLES À LA MOBILITÉ

III. ADAPTER LA GESTION DES TERRITOIRES AUX PROFILS DES HABITANTS

A. DES TERRITOIRES RURAUX HÉTÉROGÈNES, DES HABITANTS AUX PROFILS ET AUX BESOINS DIFFÉRENTS

B. ADAPTER L’OFFRE DE SERVICES ET LA GESTION DES PROJETS DE TERRITOIRE

1. Prendre en compte les spécificités rurales pour améliorer l’accès à des services prioritaires

2. De nouveaux outils pour simplifier la gestion des projets de territoire

a. Schémas, comités, une profusion toujours d’actualité

b. L’Agence nationale de la cohésion des territoires et les contrats de relance et de transition écologique : vers un accès simplifié à l’accompagnement des projets locaux

c. Des référents ruralité en cours de déploiement

3. Une prise en compte de la ruralité à compléter

PARTIE II : LA COUVERTURE NUMÉRIQUE DES TERRITOIRES RURAUX : UNE NETTE AMÉLIORATION ET DES QUESTIONS

I. UNE COUVERTURE NUMÉRIQUE QUI S’AMÉLIORE DANS LES TERRITOIRES RURAUX MAIS RESTE EN RETRAIT PAR RAPPORT AUX ZONES URBAINES

A. LE PLAN FRANCE TRÈS HAUT DÉBIT A INCONTESTABLEMENT PERMIS D’ACCÉLÉRER LA COUVERTURE NUMÉRIQUE DES TERRITOIRES RURAUX

B. LE « NEW DEAL MOBILE » A PERMIS UN DÉPLOIEMENT RAPIDE DU RÉSEAU

C. MAIS LA COUVERTURE DOIT ÊTRE FINALISÉE DANS LES ZONES RURALES

1. Couverture fixe : la question du dernier kilomètre

2. L’enjeu de la qualité de l’internet mobile

D. DES INVESTISSEMENTS CONSIDÉRABLES DANS LES ZONES D’INITIATIVE PUBLIQUE

II. LE DÉFI DE LA QUALITÉ DES RACCORDEMENTS ET DE L’ENTRETIEN DU RÉSEAU, GAGES DE LA CONTINUITÉ NUMÉRIQUE

A. RESTER VIGILANT SUR LA QUALITÉ DES RACCORDEMENTS

B. DES INTERROGATIONS SUR L’ENTRETIEN ET LA RÉSILIENCE DU RÉSEAU DANS UN CONTEXTE D’EXTINCTION PROGRAMMÉE DU CUIVRE

1. L’extinction programmée du réseau cuivre et ses conséquences

2. La question de l’entretien des lignes

3. La résilience du réseau fibre

PARTIE III : LA DÉMATÉRIALISATION DES SERVICES PUBLICS NÉCESSITE DE FORMER ET D’ACCOMPAGNER TOUS LES PUBLICS DE FAÇON PÉRENNE

I. LE NUMÉRIQUE S’EST INSTALLÉ COMME PRINCIPALE MODALITÉ DE CONTACT AVEC LES SERVICES PUBLICS

II. L’ACCÈS AUX SERVICES PUBLICS DÉMATÉRIALISÉS EST MIEUX ACCOMPAGNÉ MAIS RESTE INÉGAL

A. DES CONSEILLERS NUMÉRIQUES ET UN PASS NUMÉRIQUE POUR ACCOMPAGNER LES PERSONNES EN DIFFICULTÉ

1. Des conseillers numériques à pérenniser

2. Les Pass numériques : une solution moins adaptée aux territoires ruraux

B. MAIS L’EFFORT POUR MAINTENIR OU RÉTABLIR UN ACCÈS MULTICANAL RESTE INÉGAL

III. DES ACTIONS NÉCESSAIRES POUR TOUS LES PUBLICS

A. DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE POPULATION RESTENT ÉLOIGNÉES DU NUMÉRIQUE

B. DÉVELOPPER DES FORMATIONS ATTRACTIVES ET RECONNUES

1. Former les plus jeunes aux usages du numérique et accompagner vers l’autonomie

2. Des outils à développer et à adapter

PARTIE IV : FRANCE SERVICES : UNE RÉPONSE DE PREMIER NIVEAU À L’ÉLOIGNEMENT DES SERVICES PUBLICS

I. L’OBJECTIF DE LABELLISATION EST ATTEINT MAIS LES TERRITOIRES RURAUX DOIVENT BÉNÉFICIER DES IMPLANTATIONS COMPLÉMENTAIRES

A. LE PROCESSUS DE LABELLISATION

B. LA QUESTION CENTRALE DE L’ACCESSIBILITÉ DES STRUCTURES

1. Les maisons France services doivent répondre à une logique de bassins de vie

2. Des solutions mobiles à développer

3. L’accessibilité et l’équipement des structures

C. DES PARTICULARITÉS EN FONCTION DU PORTAGE

II. UN BOUQUET DE SERVICES ENRICHI POUR UNE OFFRE DE SERVICES DE PREMIER NIVEAU

A. UNE OFFRE MUTUALISÉE AUTOUR D’UN LARGE BOUQUET DE SERVICES

1. Une offre de service élargie

2. Un bouquet de services à ajuster

3. Mieux associer le Défenseur des droits aux espaces France services

B. APRÈS UN DÉVELOPPEMENT RAPIDE DU RÉSEAU, LE SERVICE DE PREMIER NIVEAU DOIT MAINTENANT ÊTRE CONFORTÉ

1. Une offre complémentaire des guichets des opérateurs pour atteindre les populations les plus éloignées des services publics

2. Un positionnement de service de premier niveau…

3. … avec un « back office » assuré par les correspondants des opérateurs

III. AGENTS FRANCE SERVICES : UN MÉTIER À CONFORTER

A. LA FORMATION DES AGENTS FRANCE SERVICES DOIT ÊTRE AJUSTÉE

1. Une formation initiale insuffisante

2. La formation continue polymorphe

B. LES CONDITIONS D’INTERVENTION DES AGENTS FRANCE SERVICES : « FAIRE OU NE PAS FAIRE À LA PLACE DE…, TELLE EST LA QUESTION »

IV. UN FINANCEMENT EN DÉBAT

A. UN FINANCEMENT PUBLIC À CONFORTER

B. L’ALIMENTATION DU FONDS NATIONAL FRANCE SERVICES EN QUESTION

V. COMMUNICATION, PILOTAGE ET SUIVI : LA MESURE DE LA PERFORMANCE EN QUESTION

A. DES POINTS FRANCE SERVICES INSUFFISAMMENT CONNUS DU PUBLIC ET DES ACTEURS LOCAUX

B. UNE GOUVERNANCE, UNE ANIMATION ET UN SUIVI À AMÉLIORER

1. Une gouvernance nationale et départementale

2. Une animation du réseau à développer

3. Le suivi doit être amélioré

a. Des outils de suivi à améliorer

b. Des indices de satisfaction encourageants

C. DES INDICATEURS BUDGÉTAIRES ADAPTÉS

PARTIE V : AMÉLIORER L’ACCÈS À LA SANTÉ EN TERRITOIRE RURAL APPELLE DES TRANSFORMATIONS PROFONDES DE NOTRE ORGANISATION

I. LES HABITANTS DES TERRITOIRES RURAUX TOUJOURS TRÈS PÉNALISÉS PAR LES DIFFICULTÉS DE L’ACCÈS AUX SOINS

A. ACCÈS AUX SOINS EN MILIEU RURAL : LA BOMBE À RETARDEMENT ?

1. Les constats récents confirment les inégalités d’accès aux soins à travers le territoire

2. Les attentes et les priorités des citoyens en matière d’accès aux soins

3. Le contexte de la démographie médicale oblige à mettre en œuvre plusieurs leviers d’action pour rééquilibrer l’offre de soins

4. Adresser le patient vers l’offre de soin

B. PLUSIEURS TRAVAUX RÉCENTS ONT APPORTÉ DES ANALYSES ET DES PROPOSITIONS À PRENDRE EN COMPTE

II. DES MESURES D’ORGANISATION INNOVANTES DEVRAIENT PRODUIRE LEURS EFFETS À MOYEN TERME

A. LA MISE EN ŒUVRE DE LA LOI DU 24 JUILLET 2019 ET DU SÉGUR DE LA SANTÉ

1. L’accélération de la contractualisation avec les collectivités territoriales

2. Le développement de nouvelles organisations de l’exercice médical, adaptées au milieu rural

3. Augmenter le nombre de maîtres de stage en ruralité

B. LES MESURES VOTÉES EN LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2023

C. POURSUIVRE LE DÉCLOISONNEMENT DU SYSTÈME DE SANTÉ POUR FAIRE ÉMERGER DES SOLUTIONS À TRÈS COURT TERME

D. DIFFÉRENTS ENGAGEMENTS GOUVERNEMENTAUX DEVRAIENT CONTRIBUER À AMÉLIORER L’ACCÈS AUX SOINS

E. INCITER LES JEUNES DES TERRITOIRES RURAUX À ENTREPRENDRE DES ÉTUDES MÉDICALES

F. ORGANISER L’OFFRE DE SOIN, ET EN PARTICULIER LES SOINS NON PROGRAMMÉS, AVEC LES ÉLUS DES TERRITOIRES

PARTIE VI : DÉVELOPPER DES SOLUTIONS INNOVANTES POUR ROMPRE L’ISOLEMENT

I. LES MOBILITÉS AU CŒUR DES DIFFICULTÉS DES HABITANTS DES TERRITOIRES RURAUX

A. IDENTIFIER DE NOUVELLES SOLUTIONS DE MOBILITÉ ET LES DÉPLOYER SUR LE TERRITOIRE

1. L’usage de la voiture incontournable et pénalisant dans les zones rurales

2. Les relations entre pouvoirs publics et collectivités dans le domaine de la mobilité

3. La SNCF développe trois programmes d’action en direction des territoires ruraux

a. La remise en service ou la redynamisation des « petites lignes » avec le soutien de l’État

b. Des transports publics autonomes : des solutions encore expérimentales

c. Les nouveaux usages et le rapprochement des services vers les usagers

4. La mobilité des jeunes : un problème à part entière

B. DES INITIATIVES LOCALES NOMBREUSES MAIS QUI PEINENT À COUVRIR LES BESOINS DES HABITANTS

1. L’autorité organisatrice de mobilité : un sujet en débat

2. Des expériences locales innovantes mais souvent coûteuses

3. Les transports d’utilité sociale : une solution à développer pour les personnes les plus fragiles

II. LES TIERS-LIEUX : DES SOLUTIONS MULTISERVICES À SOUTENIR FACE À LA DÉSERTIFICATION RURALE

A. UN ENSEMBLE D’INITIATIVES SOUTENUES PAR DES MESURES ET DES PROGRAMMES NOUVEAUX

1. Le processus récent de labellisation a atteint 400 tierslieux

2. Les tiers-lieux développent de nouveaux rôles éducatifs et économiques

a. Un rôle croissant dans le domaine de la formation professionnelle

b. Expérimenter la vie d’agriculteur sans s’endetter

3. Le statut juridique des tiers-lieux évolue pour associer tous les partenaires dans la gouvernance

4. Des difficultés apparaissent au fil de leur développement comme le volet foncier et immobilier du tiers-lieu

B. LES TIERS-LIEUX À LA RECHERCHE D’UN MODÈLE ÉCONOMIQUE ÉQUILIBRÉ

1. Les tiers-lieux ont une viabilité financière variable, liée à leurs activités dominantes et à leur emplacement plus ou moins rural

2. Le soutien public complémentaire aux tiers-lieux prévu par le plan « France relance » parvient à son terme

3. Renforcer l’accompagnement technique et la viabilité économique des tiers-lieux, devenus des équipements essentiels dans les zones très peu denses

a. Mobiliser le FDVA pour le soutien des tiers-lieux en difficulté dans les zones rurales

b. Recourir au volontariat territorial en administration pour le démarrage ou l’animation des tiers-lieux

III. REMÉDIER À L’ISOLEMENT DES PERSONNES ÂGÉES

A. LE DÉVELOPPEMENT DE L’HABITAT INCLUSIF EN MILIEU RURAL

B. DÉPLOYER DES RESSOURCES POUR LES PERSONNES ÂGÉES SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE : EXPÉRIMENTATIONS ET RÉFLEXIONS EN COURS

CONCLUSION

EXAMEN PAR LE COMITÉ

ANNEXE N° 1 : TABLEAU DE SUIVI DES PROPOSITIONS

ANNEXE N° 2 : ÉTUDE SUR LA DIVERSITÉ DES RURALITÉS « TYPOLOGIES ET TRAJECTOIRES DES TERRITOIRES »

ANNEXE N° 3 : EXEMPLE DE PRÉSENCE DES OPÉRATEURS ET MINISTÈRES DANS HUIT DÉPARTEMENTS, INDÉPENDAMMENT DU RÉSEAU FRANCE SERVICES ()

ANNEXE N° 4 : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

 

 


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   SYNTHÈSE

 

 


 


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   INTRODUCTION

En octobre 2017, soit un an avant la crise des « gilets jaunes », le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a inscrit à son programme de travail, à la demande des groupes de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) et Mouvement Démocrate et apparentés (MoDem), une évaluation de l’accès aux services publics dans les territoires ruraux. Sur le fondement de l’article L. 132‑5 du code des juridictions financières, le Comité a sollicité l’assistance de la Cour des comptes qui, par la voix de son Premier président d’alors, M. Didier Migaud, a, en mars 2019, présenté ses travaux.

De manière inhabituelle pour un rapport d’évaluation, les travaux des rapporteurs du CEC, M. Jean-Paul Dufrègne (GDR) et M. Jean-Paul Mattei (MoDem), ont exploré un très vaste champ d’étude représentatif de la diversité des services publics.

À l’issue de nombreuses auditions et de rencontres sur le terrain, les rapporteurs ont donc présenté au Comité, le 10 octobre 2019, 23 propositions qui concernent notamment la définition et la gestion de ces territoires peu denses, la couverture numérique, les mobilités, la santé, l’accompagnement et l’accès mutualisé à des services publics dématérialisés.

Depuis 2019, un certain nombre d’initiatives ont été prises en direction de ces territoires dont les habitants venaient, de manière éruptive, d’exprimer leur désarroi. En juillet 2019, un agenda rural, issu d’une vaste concertation, a formulé 200 propositions sur lesquelles le Gouvernement a construit sa feuille de route en faveur des territoires ruraux. En partenariat avec les collectivités territoriales et leurs élus, en première ligne durant les crises récentes, le Gouvernement a engagé la professionnalisation des maisons de services au public, étoffé leur réseau et amélioré l’accompagnement numérique de citoyens désorientés par le double mouvement de raréfaction des guichets et de dématérialisation des démarches administratives. Des initiatives ont été prises pour inverser le mouvement de réduction de « l’État territorial » tandis que des solutions, aussi imparfaites soient‑elles, sont déployées pour améliorer la couverture numérique des territoires, les mobilités et l’accès à la santé. C’est donc un large champ de mesures qui ont été prises depuis la publication du rapport du CEC.

Lors de la réunion du 21 juillet 2022, le suivi de l’évaluation de l’accès aux services publics dans les territoires ruraux a logiquement été inscrit à l’agenda d’un CEC renouvelé et, lors de la réunion du 20 octobre 2022, Mme Mathilde Desjonquères (groupe Démocrate) et M. Pierre Morel‑À‑l’Huissier (groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) en ont été désignés rapporteurs. Concomitamment, un suivi de l’agenda rural a été engagé par le Gouvernement pour en décliner un second volet qui devrait s’articuler autour de quatre grandes thématiques : la santé, la mobilité, le logement et l’égalité des chances.

S’inscrivant dans la continuité des travaux de leurs prédécesseurs, les rapporteurs du CEC ont entendu 57 interlocuteurs dans le cadre de 9 tables rondes et d’un déplacement dans le Loir-et-Cher.

De ce large tour d’horizon, il ressort que, depuis trois ans, la prise en compte des territoires ruraux s’est améliorée (seules 4 des 23 propositions formulées en 2019 n’ont, à ce jour, pas fait l’objet d’un début d’application) mais elle doit être confortée : ces territoires sont mieux pris en compte mais ils sont fragilisés par les crises que traverse le pays (I) ; la couverture numérique s’est améliorée mais des questions demeurent en termes de qualité de service et d’entretien des réseaux (II) ; l’accompagnement à la réalisation des démarches dématérialisées s’est étoffé avec les espaces France services et les conseillers numériques mais il doit être pérennisé (III et IV) ; des solutions sont développées pour combattre la désertification médicale mais c’est une transformation en profondeur qui doit être conduite (V) ; enfin, les rapporteurs estiment que la « mise à distance des populations rurales » peut être partiellement compensée par des solutions innovantes et multiservices (VI).

 

 


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   PARTIE I :
DES TERRITOIRES RURAUX MIEUX PRIS EN COMPTE MAIS IMPACTÉS PAR LES CRISES RÉCENTES

En 2018, peu de temps avant la publication du rapport du CEC, l’association Familles rurales et l’IFOP avaient conduit une étude ([1]) qui appréhendait le regard des Français sur le monde rural et soulignait le rôle du recul des services publics dans le sentiment d’abandon exprimé, 57 % des ruraux considérant que leur commune ne bénéficiait pas de l’action des pouvoirs publics contre 36 % de l’ensemble des Français. Les géographes entendus par les rapporteurs d’alors faisaient également état des mutations de la ruralité, laquelle, jusqu’en 2020, était définie « en creux » ([2]).

Le rapport de 2019 avait appelé à mesurer la population rurale selon la grille communale de densité INSEE/Eurostat et formulé plusieurs propositions de nature à mieux prendre en compte la spécificité des territoires ruraux dans la gestion des politiques publiques (propositions n° 11 et 20 à 23).

Depuis la publication du rapport, les territoires ruraux ont été redéfinis par l’INSEE, ont connu un regain d’attractivité avec la crise sanitaire, mais recouvrent des réalités très différentes et souffrent toujours, malgré d’incontestables efforts des pouvoirs publics, d’un éloignement des services publics, aggravé par les difficultés de déplacement.

I.   LA NOUVELLE DÉFINITION DE LA RURALITÉ RECOUVRE DES TERRITOIRES AUX CARACTÉRISTIQUES DIFFÉRENTES

En 2021, l’INSEE a arrêté une nouvelle définition de la ruralité : les territoires ruraux désignent désormais l’ensemble des communes peu denses ou très peu denses d’après la grille communale de densité. En conséquence, les territoires ruraux réunissent 88 % des communes et 33 % de la population ([3]).

La classification européenne sur la base de laquelle s’est établi le classement de l’INSEE, s’appuie sur le découpage du territoire en carreaux d’un kilomètre carré et sur l’agrégation de carreaux de densité équivalente définissant des « clusters », le rattachement d’une commune à une catégorie étant fonction de la part de la population communale comprise dans les différents types de « clusters ». Plus récemment, des travaux conduits à l’échelle internationale ont permis d’établir des subdivisions distinguant les « bourgs ruraux », le « rural à habitat dispersé » et le « rural à habitat très dispersé ».

Cette méthode européenne a le mérite de faciliter les comparaisons ; ainsi, la France fait partie des pays européens comparables les plus ruraux (derrière la Pologne), la moyenne européenne de la population rurale, sur le fondement des données de 2015, s’établissant à 28 %.

À cette caractéristique européenne, l’INSEE a associé d’autres critères, notamment le degré d’influence d’un pôle d’emploi, ce qui a permis de définir 4 catégories d’espaces ruraux :

Sur la base du recensement de 2017, soit avant la crise sanitaire, la répartition de la population par âge et par secteur d’activité était la suivante :

Aujourd’hui, la population rurale n’est plus définie, « par défaut », comme des territoires non urbains mais comme des territoires peu ou très peu denses, c’était le vœu des rapporteurs du CEC (proposition n° 21). Pour autant, elle rassemble, comme dans les zones urbaines, des populations hétérogènes qui, si elles ont des modes de vie très différents, ont besoin d’accéder facilement à un bouquet minimum de services dans le cadre d’un bassin de vie.

Cette diversité a été récemment documentée et cartographiée dans une toute récente typologie des ruralités ([4]) qui constitue un outil précieux à prendre en compte pour adapter les politiques publiques au plus près des besoins de chaque territoire.

Source : ANCT, Acadie, Magali Talandier - Étude sur la diversité des ruralités « Typologie et trajectoires des territoires » - février 2023.

II.   UN ENGOUEMENT POUR LA RURALITÉ FREINÉ PAR L’IMPACT DES CRISES

La crise sanitaire a accentué un mouvement plus ancien de regain d’intérêt pour les territoires ruraux mais, malgré les efforts des pouvoirs publics pour maintenir ou recréer des services indispensables, les habitants sont pénalisés par les distances à parcourir pour atteindre les services nécessaires.

A.   L’ATTRACTION POUR LA RURALITÉ MISE EN LUMIÈRE PAR LA CRISE SANITAIRE

Le confinement de beaucoup de Français dans des espaces exigus a cristallisé une « envie de verdure » qui, en réalité, est plus ancienne et n’a pas connu l’ampleur que les titres de presse ont bien voulu lui donner.

Fin 2020, à la demande de Familles rurales, l’IFOP a conduit une nouvelle étude pour examiner l’évolution du regard des citoyens sur la ruralité, après plusieurs mois de confinement ([5]). Il apparaît que la bonne image associée au monde rural (92 % des citoyens considèrent le monde rural comme agréable à vivre) se renforce de façon spectaculaire (+ 20 points par rapport à l’enquête de 2018, progression que l’on observe très rarement dans les études d’opinion). Désormais, 72 % (+ 29 points par rapport à 2018) estiment que le monde rural connaît un renouveau, 66 % (+ 16 points) estiment qu’il est dynamique, et 58 % (+ 12 points) qu’il est moderne tandis que 81 % des dirigeants d’entreprise considèrent le monde rural comme « attractif ».

Après le confinement, le souhait d’un « ancrage local » s’affirme : 35 % du grand public (et 32 % des ruraux) déclarent vouloir s’engager plus dans la vie locale et 26 % souhaitent changer de lieu de vie. L’enjeu du numérique est accentué par le développement du télétravail : 28 % des ruraux en activité ont expérimenté le télétravail durant le confinement, 29 % se disent intéressés par la perspective de travailler dans des espaces de coworking (42 % de ceux qui ont télétravaillé durant le confinement).

Les spécialistes entendus par les rapporteurs ont toutefois fait valoir que l’attractivité rurale est bien antérieure à la crise sanitaire : pour le géographe Pierre‑Marie Georges, l’analyse démographique du monde rural situe la fin du mouvement d’exode rural et l’amorce d’une installation progressive de nouvelles populations en 1975, mais cette tendance ne correspond pas à l’exode urbain trop souvent caricaturé.

Après une tendance où les villes-métropoles étaient décrites comme des moteurs de développement des territoires à l’appui d’études se faisant l’écho de la métropolisation nécessaire et heureuse, les hiérarchies urbaines sont de nouveau questionnées.

Si elle n’apparaît pas encore dans les données de l’INSEE, l’attractivité rurale est aujourd’hui perceptible dans le coût de l’immobilier ou les inscriptions à l’école… et nécessite de prendre en compte, comme l’avaient souligné les rapporteurs de 2019, l’accessibilité à un bouquet de services de la vie courante.

B.   APRÈS DES ANNÉES D’ÉLOIGNEMENT, UNE VOLONTÉ CLAIRE DE RÉIMPLANTER L’ÉTAT DANS LES TERRITOIRES PEU DENSES

Le rapport de 2019 avait rappelé le lent désinvestissement de l’État en particulier dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Ainsi, les préfectures ont vu leurs effectifs de fonctionnaires baisser régulièrement, à hauteur de – 25 % entre 2010 et 2020, ce qui a concerné les guichets comme les services.

Il faut se réjouir qu’après des mouvements de métropolisation et de régionalisation éloignant les services des zones peu denses, les pouvoirs publics engagent un mouvement de réimplantation territoriale de services publics essentiels.

Après la suppression de milliers d’emplois au cours des quinze dernières années, quelques centaines devraient être créés dans les cinq prochaines années. Le développement et le maillage du réseau France services, sur lequel nous reviendrons longuement, participe de ce mouvement. La proposition n° 22 du rapport de 2019 de mieux prendre en compte la vulnérabilité économique et sociale des populations pour calibrer l’accès aux services publics trouve donc ici un écho.

Par ailleurs, le 10 octobre dernier, à l’occasion de la réouverture de la sous‑préfecture de Château-Gontier, après six ans de fermeture, le président de la République a indiqué croire en même temps à la décentralisation et à la déconcentration. La réouverture ou la création de six sous-préfectures a été annoncée ([6]), symbole d’un « retour des services publics dans les territoires ruraux ».

Ce retour de l’État régalien dans les territoires peu denses trouve sa traduction dans la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur qui prévoit également le déploiement de 200 nouvelles brigades de gendarmerie, fixes et mobiles, en zone rurale ou périurbaine et la délocalisation de certains services centraux du ministère dans des villes moyennes ou en zone rurale.

Le rapport annexé au texte de loi indique que lesdites brigades de gendarmerie seront équipées de postes mobiles avancés – par exemple des véhicules de grande capacité – et dotées d’outils numériques de mobilité (tablettes Neo, ordinateurs portables). Il est également fait état de l’installation de nouveaux points d’accueil numérique pour aider les citoyens à réaliser leurs démarches. Quant au mouvement de relocalisation de certains services de l’administration centrale du ministère de l’intérieur dans des territoires ruraux et des villes moyennes, il concernera plus de 1 400 fonctionnaires issus de l’ensemble des grandes directions du ministère de l’intérieur, le choix des nouvelles implantations étant déterminé dans le cadre d’un appel à candidatures.

Les rapporteurs se réjouissent de ce salutaire inversement de tendance. Ce mouvement va dans le sens de la préoccupation exprimée par les rapporteurs en 2019 de maintenir l’emploi public dans les territoires ruraux en y redéployant les postes supprimés à l’échelle du département (proposition n° 11), sans pour autant considérer que celle-ci soit appliquée à ce stade.

La sécurité civile, véritable troisième pilier de la sécurité des Français, repose, dans les territoires ruraux, sur l’engagement de près de 200 000 volontaires. Plusieurs textes récents, auxquels votre rapporteur a pris une part active, se sont inscrits dans la volonté de conforter leur engagement. Pour autant, malgré le dernier texte en date ([7]), le recrutement des volontaires demeure fragile et le maillage des centres de secours constitue une précieuse porte d’entrée vers le secours de proximité dont plus de 80 % concernent les soins et secours aux personnes, dans un contexte de crise aiguë des services de santé et d’urgence. Vos rapporteurs insistent donc sur l’importance de ce précieux maillage.

C.   L’ACCÈS À CERTAINS SERVICES AFFECTÉ PAR LES OBSTACLES À LA MOBILITÉ

La nouvelle étude « post-Covid » menée par l’IFOP/Familles rurales met en lumière, pour un certain nombre de services, un sentiment persistant d’abandon : 64 % des personnes interrogées perçoivent le manque de services publics comme le principal frein à l’installation en zone rurale, devant le manque d’offre d’emplois (62 %) et de transports (55 %).

De leur côté, 61 % des ruraux ont le sentiment que l’accès aux services publics s’est dégradé ; il en est de même concernant l’accès aux services de santé (55 %), l’emploi (57 %), la présence de commerces de proximité (58 %) ou l’état des routes (55 %). On relèvera que, en ce qui concerne les services publics en général, la santé, les commerces, les transports et l’emploi, les ruraux de moins de 35 ans sont plus nombreux que leurs aînés à estimer que les choses se sont améliorées.

Ces résultats trouvent un écho dans le très récent sondage de l’IFOP sur le regard que portent les Français sur le fonctionnement des services publics ([8]) et qui fait apparaître des niveaux d’insatisfaction de 8 points supérieurs en zones rurales : 32 % des habitants de communes rurales portent un jugement positif sur le fonctionnement des services publics contre 40 % des urbains et 68 % des ruraux contre 60 % des urbains estiment que les services publics fonctionnent mal.

Or, selon l’étude IFOP/Familles rurales, l’accès aux services publics est au cœur des priorités d’action pour le monde rural :

Les spécialistes du monde rural entendus par les rapporteurs ont pointé une « mise à distance » des territoires ruraux qui atteint désormais des zones périurbaines. Ainsi l’image dynamique du monde rural ne doit pas occulter une fragilisation accentuée par l’impact de l’inflation sur ces populations. Selon les travaux de l’INSEE ([9]) et de l’association Familles rurales, la hausse des prix de l’énergie entre janvier 2021 et juin 2022 a entraîné une perte de pouvoir d’achat, malgré la mise en œuvre des mesures exceptionnelles, et a davantage pénalisé ceux qui vivent en dehors des unités urbaines, car ils consomment plus de carburants. Ainsi, en 2021, les dépenses en énergie des ménages ont été en moyenne 30 % plus élevées dans les communes hors unité urbaine que pour l’ensemble de la population, et 60 % plus fortes qu’en agglomération parisienne. Cet écart provient surtout des dépenses de carburant et de fioul domestique, la hausse des prix des carburants contribuant pour plus de la moitié à l’augmentation des dépenses énergétiques des ménages hors unité urbaine.

Effet moyen par ménage de janvier 2021 à juin 2022
de la hausse des prix et des aides sur le revenu disponible élargi
et corrigé selon la taille de l’unité urbaine

Source : INSEE Analyses no 78, décembre 2022.

Malgré des efforts indéniables des pouvoirs publics, les habitants des zones rurales se trouvent donc pénalisés à plusieurs titres, ce qui renforce leur sentiment d’abandon, terreau de nouvelles colères.

III.   ADAPTER LA GESTION DES TERRITOIRES AUX PROFILS DES HABITANTS

Si la ruralité est désormais mieux définie, elle est, à l’image de l’urbain, constituée de populations très hétérogènes dont les besoins et attentes sont différents. Ainsi, en lien avec la nouvelle définition des territoires ruraux qu’ils appelaient de leurs vœux, les rapporteurs de 2019 avaient demandé de mieux prendre en compte ces territoires dans la gestion des politiques publiques.

A.   DES TERRITOIRES RURAUX HÉTÉROGÈNES, DES HABITANTS AUX PROFILS ET AUX BESOINS DIFFÉRENTS

La diversité des profils des habitants des territoires ruraux, fruit de vagues successives, est comparable à celle des zones urbaines. Selon le géographe Pierre‑Marie Georges, on a d’abord constaté une attractivité de la ruralité au moment de l’âge de la retraite, puis l’émergence d’installations sur une deuxième partie de carrière, puis l’installation de jeunes actifs avec enfants, souhaitant développer une activité en milieu rural.

Si l’on constate aussi un fort déficit des 18-25 ans en raison de la mobilité liée aux études… qui tend à faire augmenter la moyenne d’âge en ruralité, la proportion des 0-18 ans est la même qu’en zones urbaines (33 % de jeunes vivent en milieu rural, comme l’ensemble de la population).

Pour sa part, Jean-Laurent Cassely ([10]) pointe un double mouvement à l’origine de l’exode urbain : d’une part, les raisons matérielles qui se traduisent, depuis 2014, par le départ, chaque année, de 12 000 Parisiens pour trouver une solution de logement en banlieue, puis en couronne périurbaine, puis dans les territoires ruraux plus éloignés. Ce mouvement est encouragé par un discours porteur sur la ruralité « espace refuge » par rapport à la ville synonyme de pollution, d’insécurité et de conflictualités. D’autre part, on constate une exportation vers la ruralité d’un certain nombre d’innovations sociales comme les tiers‑lieux, dont les créateurs sont souvent jeunes et diplômés, mais aussi le coworking.

Cet « exode urbain » est fondé sur différents types de projets : ceux de la relocalisation dans la ruralité, de la déconnection de la société de consommation des grandes surfaces… modèle où l’urbain porte une image négative ; mais il y a aussi les nouveaux ruraux qui veulent conserver leur mode de vie avec une bonne couverture numérique et être livrés rapidement de biens commandés en ligne ; enfin les « bi‑résidentiels » qui vont garder une activité professionnelle dans les métropoles.

Ces différents profils se superposent à un tissu local constitué d’habitants qui exercent, de longue date, des activités variées dans ces territoires. Il est donc important de bien connaître les habitants de ces territoires pour y définir une politique publique adaptée, même si le bouquet de services socle reste comparable.

B.   ADAPTER L’OFFRE DE SERVICES ET LA GESTION DES PROJETS DE TERRITOIRE

Les rapporteurs de 2019 avaient ainsi schématisé les facteurs d’attractivité des territoires ruraux et les besoins principaux des habitants :

1.   Prendre en compte les spécificités rurales pour améliorer l’accès à des services prioritaires

Au-delà des services indispensables, il est important d’adapter des dispositifs nationaux aux populations des zones rurales. C’est par exemple le cas du logement, dont les problématiques ne peuvent être développées dans le présent rapport mais qui pose des difficultés spécifiques dans les territoires ruraux. En effet, l’attractivité « post-confinement » de certaines zones peu denses – en particulier les zones littorales – ont fortement renchéri les prix de l’immobilier et contraignent les actifs locaux à s’éloigner des centres-bourgs et des services qui s’y trouvent.

En ruralité, l’impact lourd des coûts de l’énergie et des mesures liées à la transition énergétique (comme l’interdiction d’installation ou de remplacement de chaudière au fioul ou au charbon, les mesures sur le chauffage au bois…) a également été souligné par l’association Familles rurales ([11]). Celle-ci rappelle que les logements y sont plus grands, plus vétustes et plus difficiles à chauffer, un logement sur cinq ayant été construit avant 1919 (contre moins de 1 sur 10 en zone urbaine).

L’association relève qu’à surface et composition familiale égales, il coûte jusqu’à deux fois plus cher de chauffer une maison mal isolée et au système de chauffage vétuste classée F ou G : + 124 % pour le gaz, + 102 % pour l’électricité, + 96 % pour le bois et + 94 % pour le fioul, qu’une autre classée B ou C ; en outre, 25 % des travaux de performance énergétique n’aboutissent à aucun gain énergétique car les logements sont mal isolés. L’association a donc notamment appelé à accompagner les familles perdues face aux différents dispositifs et à adapter MaPrimRénov’ aux territoires ruraux et parvenir à « zéro reste à charge » pour celles qui ont les revenus les plus modestes. On rappellera enfin que, dans la perspective du « zéro artificialisation nette », objet de débats nourris, la question de la rénovation des logements vacants se pose avec acuité dans ces territoires.

Adapter les services aux territoires ruraux, c’est aussi privilégier une approche par bassins de vie et raisonner en termes de temps d’accès à certains services telles les écoles.

Dans un contexte budgétaire contraint, il est aussi nécessaire de s’inscrire dans une logique de partenariats pour créer une dynamique et rassembler les énergies et les compétences. Un changement de pratiques doit ainsi être opéré dans certains domaines comme celui de la culture où des territoires se voient refuser une subvention des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), au motif que le montant de la demande est trop faible et le projet pas assez structurant. Or, précisément, un apport financier modeste peut permettre la réalisation de projets importants pour la vie culturelle de territoires peu denses, et ce d’autant que le dispositif du Pass culture doit permettre d’accéder à des offres culturelles qui sont plus éparses dans les territoires ruraux.

2.   De nouveaux outils pour simplifier la gestion des projets de territoire

En 2019, les rapporteurs avaient examiné la gestion territoriale des services publics autour des schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services au public (SDAASP) et des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), ce qui les avait conduits à préconiser de rendre les SDAASP opposables, d’en organiser le suivi, d’y intégrer les schémas sectoriels et d’assurer leur cohérence avec les SRADDET ; de conforter le binôme préfet-président de conseil départemental comme coordonnateur de l’organisation de l’accès aux services publics ; et de créer une mission interministérielle à la ruralité constituée de référents dédiés dans chaque ministère (proposition n° 20). Sur ces sujets, des évolutions sensibles sont en cours, au centre desquelles se trouve la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

a.   Schémas, comités, une profusion toujours d’actualité

En 2019, la Cour des comptes avait constaté la difficile articulation entre ces schémas qui se recoupent et peinent à trouver leur place au milieu d’une multiplicité de contrats sectoriels comme les contrats de territoire.

Le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) fixe notamment les objectifs de moyen et long terme du territoire en matière d’implantation des infrastructures, de désenclavement des territoires ruraux et de transports. Après un processus de consultation, il est adopté par délibération du conseil régional et arrêté par le représentant de l’État dans la région.

Pour sa part, le schéma départemental d’amélioration de l’accessibilité des services au public (SDAASP) définit, pour six ans, un programme d’actions pour renforcer l’offre de services dans les zones qui en sont éloignées. Après consultation des collectivités concernées, il est approuvé par le conseil départemental et arrêté par le préfet. En application d’un décret d’avril 2016 ([12]), les SDAASP doivent comprendre : un bilan de l’offre existante, l’identification des besoins en services de proximité et des territoires présentant un déficit d’accessibilité à ces services ; un programme d’action d’une durée de six ans pour les territoires présentant ce déficit avec des objectifs de renforcement de l’accessibilité des services au public et les mesures permettant de les atteindre ainsi qu’un plan de développement de la mutualisation des services au public.

La loi du 21 février 2022 dite « 3DS » prévoit que chaque convention France services signée au niveau départemental doit respecter le SDAASP tandis qu’une mission relative aux modalités d’accès aux services publics est actuellement menée par le ministère de la transformation et de la fonction publiques, qui réfléchit à l’amélioration du pilotage et de l’outillage de l’organisation territoriale de l’accueil. La question des SDAASP et de leur évolution doit être traitée dans ce cadre. Un effort de lisibilité serait le bienvenu, tel était l’esprit de la proposition n° 20 du rapport de 2019.

Les auditions conduites par les rapporteurs ont conforté l’idée que si les schémas ont le mérite de mettre de nombreux intervenants autour de la table et constituent un cadre utile pour organiser une répartition cohérente des services, ils s’avèrent peu agiles au moment où les acteurs locaux ont besoin de réponses rapides dans le cadre de démarches de projets. Par ailleurs, la lourdeur du processus et leur nécessaire mise en cohérence avec d’autres plans retardent leur mise à jour.

La profusion d’outils concerne également les comités : on rappellera que le décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets ([13]) a notamment institué un comité de l’administration régionale (CAR) autour du préfet de région qui examine les moyens nécessaires à la mise en œuvre des politiques de l’État. En juillet 2019, a été institué un nouveau comité interministériel régional de transformation des services publics (CIRTSP) ([14]). Présidé par le préfet de région pour renforcer la coopération dans le domaine de l’adaptation de l’implantation des services publics dans les territoires, le CAR se réunit en CIRTSP à sa demande pour examiner et contrôler les projets dont les effets affectent significativement la répartition des services et établissements publics dans la région.

Rappelons enfin que les préfets de département sont partie prenante dans la reconfiguration des services publics qui, dans le cadre de concertations, doivent valider la cohérence des projets avec les SDAASP. Dans ce cadre, les sous‑préfets peuvent aider à réduire cette complexité interministérielle et mieux accompagner les élus.

b.   L’Agence nationale de la cohésion des territoires et les contrats de relance et de transition écologique : vers un accès simplifié à l’accompagnement des projets locaux

Un effort de simplification a néanmoins été engagé avec l’installation, en janvier 2020, d’une nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ([15]) et la mise en œuvre des contrats de relance et de transition écologique (CRTE) présentés comme une feuille de route commune pour fédérer les acteurs du territoire, destinés à organiser l’action publique à partir des attentes du terrain avec un cadre partenarial entre l’État et les collectivités territoriales.

L’ANCT, fruit de la fusion de plusieurs structures ([16]), compte 340 agents dont 20 % sont répartis sur 11 sites du territoire et porte de nombreux programmes dont France services, Action cœur de ville, Petites villes de demain, le déploiement du numérique (couverture et accompagnement), mais elle a aussi pour mission de conseiller et d’accompagner les collectivités territoriales dans la conception, la définition et la mise en œuvre de leurs projets, en s’appuyant sur les services déconcentrés de l’État placés sous l’autorité du préfet, délégué territorial de l’Agence.

L’étendue de ces défis justifie sans doute les attentions dont fait l’objet cette toute jeune agence : un rapport d’inspection ([17]) s’est penché sur son fonctionnement pour formuler dix-neuf recommandations dont celle de faire du préfet de département le véritable pilote de l’action de l’ANCT sur les territoires avec l’autonomie et les moyens nécessaires et la réintégration de l’échelon régional dans l’organisation territoriale de l’Agence. Soucieux de vérifier si, au fond, l’ANCT disposait des moyens de ses ambitions, le Sénat et l’Assemblée nationale ([18]) se sont penchés sur son fonctionnement, ses nombreuses missions et les moyens mis en œuvre pour les conduire.

Après le renouvellement de ses instances, l’ANCT présentera à son conseil d’administration, en juillet prochain, une nouvelle feuille de route autour de quatre axes : le renforcement de l’accompagnement sur mesure, une déconcentration accrue et un doublement des moyens à proximité des préfets, des conventions d’interventions revues avec des structures telles que l’ADEME, le Cerema, l’Anah, la Banque des territoires…, une communication plus claire pour faire connaître les services de l’agence et l’intégration des enjeux de transition écologique dans toutes ses actions. Une grande enquête sera également conduite auprès des préfets pour identifier les besoins non couverts.

De manière concomitante, des contrats de relance et de transition écologique (CRTE) – qui ont pris la suite des contrats de ruralité – couvrent désormais l’ensemble du territoire (838 étaient signés fin janvier 2023, 80 % étant définis à l’échelle d’un EPCI).

Selon un premier bilan établi par l’ANCT début septembre 2022, 464 CRTE incluent le programme France services et 205 les conseillers numériques France services, 319 intègrent la thématique des transports communs, 540 l’accès à la santé et aux soins ; 410 les usages et l’inclusion numérique, 394 l’insertion et l’emploi, 279 des tiers-lieux. Seuls 15 s’appuient sur les schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services au public (SDAASP).

La table ronde organisée par les rapporteurs autour de plusieurs préfets de département ([19]) a permis de confirmer le nécessaire rôle de facilitateur des préfets et sous-préfets dans l’organisation des services publics et la conduite de projets locaux comme la pertinence d’un travail « en mode projets » qui permet d’éviter une gestion séquentielle des dossiers et de limiter les délais d’instruction tout en ayant une capacité de décision.

Dans cet esprit, si l’ANCT constitue une réponse pertinente au besoin d’ingénierie des maires ruraux, les rapporteurs partagent avec les préfets le souhait de ne pas développer une logique « d’agencisation » et de multiplication des guichets qui pourrait nuire à la lisibilité de l’action mise en œuvre par l’État. Il est pertinent de maintenir le rôle du préfet, pour l’organisation du « front office », la mise en relation entre les appuis techniques et ses bénéficiaires et pour la mise en œuvre de l’expertise.

Le département paraît ainsi taillé pour coordonner et faciliter le travail des élus au titre de l’accès aux services publics dans les bassins de vie ruraux et l’analyse du chercheur Éric Charmes semble toujours d’actualité ([20]) : « C’est peutêtre avec une institution que beaucoup jugent désuète que l’équilibre en faveur des petites communes pourra être rétabli. Cette institution, le département, est régulièrement disqualifiée comme héritage d’un monde passé, celui des relais de poste. Mais l’ancrage historique des départements dans le monde des villages fait d’eux des acteurs qui, potentiellement, pourraient porter la parole des nouvelles campagnes urbaines. Par ailleurs, ils disposent de la taille critique qui fait défaut aux intercommunalités des campagnes. »

c.   Des référents ruralité en cours de déploiement

Les rapporteurs de 2019 avaient émis le souhait de voir créée une mission interministérielle à la ruralité constituée de référents dans chaque ministère (proposition n° 20). Sur ce point, en novembre 2020, le 2e comité interministériel aux ruralités a annoncé la nomination d’un « référent ruralité » dans chaque cabinet ministériel, dans chaque administration centrale et dans chaque préfecture départementale. Il a été indiqué aux rapporteurs que, fin novembre 2022, 30 % des ministères avaient désigné un référent ruralité, l’objectif d’un référent ruralité par ministère devrait néanmoins être atteint d’ici la fin du premier trimestre 2023.

3.   Une prise en compte de la ruralité à compléter

Le rapport de 2019 préconisait d’étudier la prise en compte d’autres critères que la population et le potentiel fiscal, notamment des critères environnementaux, dans l’attribution des dotations aux communes (proposition n° 23) afin de mieux tenir compte des aménités rurales.

La prise en compte des aménités rurales c’est-à-dire la « rémunération » du service collectif apporté par les espaces peu denses, réserves de stockage de carbone et de biodiversité, propices aux énergies renouvelables, commence à émerger. Un mouvement de verdissement des concours financiers de l’État aux collectivités locales a été initié par la mise en place de la dotation « Natura 2000 » en 2019, pour un soutien aux communes qui participent à la protection des espaces naturels tandis qu’un rapport d’inspection de novembre 2020 ([21]) proposait notamment d’adopter une base légale pour les aménités rurales afin de les intégrer dans les politiques publiques ainsi que d’intégrer une dotation aménités au sein de la dotation globale de fonctionnement (DGF), la fusionner avec la dotation Natura 2000 et conduire une étude sur les besoins des finances des communes rurales du point de vue des ressources et des charges liées aux aménités.

En attendant une évolution plus substantielle, l’article 193 de la loi de finances pour 2022, a élargi le périmètre d’éligibilité de la dotation budgétaire de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité qui est devenue la dotation de soutien pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales destinée aux communes dont une part importante du territoire est classée en site « Natura 2000 » ou comprise dans un cœur de parc national ou au sein d’un parc naturel marin ou classée dans un parc naturel régional. En 2022, 4 871 communes en ont bénéficié (contre 1 540 en 2021) pour un montant total de 24,3 M€. Parmi ces communes, 65,2 % d’entre elles étaient en zone de revitalisation rurale (ZRR). La loi de finances pour 2023 a élargi le champ des communes éligibles à la dotation (6 300 communes devraient désormais être éligibles) dont le montant a été porté à 41,6 M€. On notera qu’une meilleure reconnaissance des aménités rurales ressort des concertations menées dans le cadre de la réforme des ZRR.

Ce chapitre ne saurait se conclure sans évoquer l’avenir des zones de revitalisation rurale. Après plusieurs travaux d’expertise, une mission a été confiée par le Premier ministre, en janvier 2022, aux députés Anne Blanc et Jean-Noël Barrot et aux sénateurs Frédérique Espagnac et Bernard Delcros. Sur la base des conclusions rendues en octobre dernier, la secrétaire d’État chargée de la ruralité devenue ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, a lancé une large concertation sur la réforme des ZRR associant parlementaires, associations d’élus, représentants du monde économique et du secteur associatif et a confié au préfet François Philizot une mission d’appui à cette réforme, dont les conclusions sont attendues prochainement.

Sur les cinq propositions n° 11 et 20 à 23, relevant de cette partie, seule la proposition n° 21 portant sur la définition de la ruralité peut être considérée comme pleinement mise en œuvre, les travaux et orientations en cours témoignent néanmoins d’une volonté de mieux prendre en compte la ruralité, que les crises traversées par notre pays ne doivent pas entraver.

 


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   PARTIE II :
LA COUVERTURE NUMÉRIQUE DES TERRITOIRES RURAUX : UNE NETTE AMÉLIORATION ET DES QUESTIONS

« La généralisation de la fibre optique jusqu’à l’abonné et de la 4G pour l’ensemble des Français est indispensable à la résorption des fractures numériques. Elle devient d’ailleurs de plus en plus une condition sine qua non d’attractivité des territoires », tels sont les propos introductifs de la présentation du programme budgétaire « Plan France très haut débit » pour 2023.

Avec la dématérialisation des services publics et le développement du télétravail, la couverture numérique est devenue un service de base comme l’eau ou l’électricité et, selon le récent rapport de France Stratégie consacré au plan France très haut débit ([22]), « on observe déjà que le déploiement du très haut débit ou de la fibre joue un rôle dans le maintien ou le renforcement de l’attractivité de tous les territoires (…) ».

Parce que le service numérique conditionne l’accès à beaucoup d’autres, la première recommandation du rapport de 2019 portait sur ce sujet, les rapporteurs d’alors plaidant pour un recours au mix technologique pour permettre un accès généralisé et rapide au réseau et aux usages sans renoncer à l’objectif de 30 Mbit/s pour tous en 2022 et de 100 Mbit/s pour tous en 2025, comme ils appelaient à la sécurisation du financement des zones d’initiative publique.

La couverture numérique du territoire s’est très nettement améliorée depuis 2019 : mi-2022, 98 % du territoire ([23]) était couvert par au moins un opérateur en 4G tandis que 33 millions de locaux étaient raccordables à la fibre ([24]) (77 % des locaux du territoire national).

Pour autant, après un déploiement rapide sur le territoire et des investissements considérables des collectivités territoriales, des opérateurs et de l’État, se posent aujourd’hui les questions des raccordements les plus complexes – et les plus coûteux  dans les territoires peu denses et de la maintenance des réseaux dans un contexte d’extinction du réseau cuivre ainsi que de la qualité de l’internet mobile.

I.   UNE COUVERTURE NUMÉRIQUE QUI S’AMÉLIORE DANS LES TERRITOIRES RURAUX MAIS RESTE EN RETRAIT PAR RAPPORT AUX ZONES URBAINES

Le rapport de 2019 soulevait plusieurs difficultés : la couverture numérique et sa qualité dans les communes rurales ; les coûts de raccordement (le fameux dernier kilomètre dans les zones difficiles d’accès) pour les collectivités qui financent les réseaux d’initiative publique (RIP) et les usagers, la pérennité du soutien de l’État dans les zones d’initiative publique, la transparence et la fiabilité des indicateurs, la disponibilité en personnels qualifiés et en matériaux, la continuité du service de téléphonie, la gouvernance d’un réseau hétérogène. Aujourd’hui, si ces sujets restent à l’ordre du jour, la couverture numérique des territoires ruraux s’est incontestablement améliorée.

A.   LE PLAN FRANCE TRÈS HAUT DÉBIT A INCONTESTABLEMENT PERMIS D’ACCÉLÉRER LA COUVERTURE NUMÉRIQUE DES TERRITOIRES RURAUX

Plusieurs plans de couverture numérique se sont succédé depuis les années 2000 : au titre du réseau fixe, l’objectif ambitieux du plan France très haut débit de 2013 (PFTHD), prévoyant une couverture complète du territoire en très haut débit (plus de 30 Mbit/s) fin 2022 (grâce aux technologies hertziennes), a été complété par un objectif intermédiaire, fin 2020, d’une couverture en bon haut débit (plus de 8 Mbit/s).

En 2020, l’Agence du numérique, pilote du PFTHD, a rejoint l’ANCT et un nouvel objectif a été défini généralisant la fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH - fiber to the home) sur tout le territoire à l’horizon 2025.

Rappelons que la couverture numérique se déploie selon des modalités différentes, en fonction de la densité des zones concernées. Dans les zones très denses, chaque opérateur développe son propre réseau dans un cadre concurrentiel ; dans les zones suffisamment denses pour permettre des investissements privés rentables mais pas assez pour que chaque opérateur développe son propre réseau, des AMII puis des AMEL ([25]) ont permis des co-investissements privés (ces deux catégories représentent 57 % de la population et 25 millions de locaux) ; dans les zones peu denses (90 % du territoire, 43 % de la population, 18 millions de locaux), les collectivités territoriales ont développé des réseaux d’initiative publique (RIP) financés dans le cadre de partenariats public/privé (délégations de services publics ou marchés de partenariat).

Depuis 2013, le PFHTD a soutenu 85 RIP – départementaux ou supra‑départementaux – qui, aujourd’hui, couvrent l’essentiel des départements, une dizaine relevant de l’intervention privée ou d’appels à manifestations d’engagements. Toutefois, leur taille varie de 1 % des bâtiments (dans le ValdeMarne) à la totalité du département (dans la Manche ou à Mayotte).

Aujourd’hui, la quasi-totalité des projets de RIP ont finalisé les procédures de mise en concurrence pour la construction et l’exploitation des réseaux FttH par délégations de service public et/ou marchés publics, ouvrant la voie à la mise en œuvre opérationnelle du réseau.

Une note d’évaluation socioéconomique du plan France très haut débit (PFTHD) publiée par France Stratégie en mars 2022 établissait que la France et l’Espagne étaient, en 2020, en tête des pays européens, en nombre d’abonnés à la fibre (65 % des ménages espagnols et 45 % des ménages français) alors qu’en Allemagne, seulement 35 % des ménages avaient accès au très haut débit et 10 % à la fibre, principalement dans des zones urbaines. Pour autant, il subsiste des disparités importantes entre les territoires ; ainsi, en 2020, 70 % pour la zone Mayotte‑La Réunion disposait d’une couverture fibre alors que la part des abonnés internet au très haut débit était seulement de 34 % dans la zone Antilles‑Guyane.

En janvier 2023, 33 millions de locaux étaient raccordables (77 % des locaux du territoire) dont plus de 10 millions en zones d’initiative publique qui sont aujourd’hui les plus dynamiques ; la barre des 50 % des abonnements concernant cette technologie ayant été franchie.

Entendue par les rapporteurs, la présidente de la Fédération française des télécoms a souligné que, s’il y avait encore des marches à franchir, après des investissements considérables, la situation française était très bonne au regard de la moyenne européenne avec un coût de l’abonnement 1,8 fois moins élevé qu’en Allemagne.

B.   LE « NEW DEAL MOBILE » A PERMIS UN DÉPLOIEMENT RAPIDE DU RÉSEAU

La couverture mobile s’est également améliorée, une cartographie plus conforme à la réalité de la couverture a progressivement été établie avec une redéfinition des zones blanches, et une simplification des procédures de déploiement des antennes.

En janvier 2018, le New deal mobile s’est traduit par des engagements plus exigeants retranscrits dans les licences des opérateurs, ces derniers devant équiper en 4G les sites 2G/3G fin 2020, les nouveaux sites du programme « zones blanches centres-bourgs », les grands axes routiers fin 2022, et 90 % des réseaux ferrés régionaux fin 2025 tandis que chaque opérateur doit couvrir en 4G 5 000 nouvelles zones identifiées par les collectivités territoriales et le Gouvernement, dans les 24 mois suivant leur identification par voie d’arrêté. Les opérateurs ont enfin l’obligation de fournir un service 4G fixe (accès fixe à internet sur le réseau mobile) dans les zones où les débits fixes sont insuffisants.

Au titre de la couverture ciblée, 4 217 pylônes ont été définis par arrêté depuis 2018 et 2 197 étaient en service fin 2022. Fin juin 2022, 98 % du territoire hors Guyane était couvert par au moins un opérateur en 4G ([26]). Au 30 septembre 2022, les opérateurs avaient déployé entre 4 682 et 15 242 sites en technologie 5G.

Lors de la table ronde organisée par les rapporteurs, la Fédération française des télécoms a regretté que le principe de livraison rapide avec des sites pré‑identifiés et pré‑viabilisés par les collectivités soit sans doute une voie insuffisamment explorée. Les opérateurs appellent aussi de leurs vœux une simplification et la résolution des difficultés nées de la règlementation en vigueur dans certains territoires, notamment littoraux, qui limite les déploiements ; ils déplorent également les actes de vandalisme et les résistances à l’implantation de sites mobiles qui freinent le développement de la couverture numérique.

Si ces obstacles gagneraient effectivement à être levés, il est néanmoins regrettable que, pour des raisons budgétaires, des pylônes métalliques soient implantés dans des zones protégées ou dans des communes dont le réseau est enterré.

C.   MAIS LA COUVERTURE DOIT ÊTRE FINALISÉE DANS LES ZONES RURALES

Malgré sa progression incontestable, la couverture en très haut débit des zones rurales demeure en deçà de la couverture des zones denses tandis que des enquêtes font état d’une moindre qualité de l’internet mobile.

1.   Couverture fixe : la question du dernier kilomètre

Les informations transmises par l’Arcep font apparaître que, si la couverture en fibre optique de la zone d’initiative publique est passée de 43 % à 62 % sur les douze derniers mois, soit près de 3 millions de nouvelles lignes éligibles, le déploiement de la couverture numérique varie substantiellement selon les zones d’initiative publique : ainsi, dans l’Aisne, la Corrèze, la Loire ou le Nord, le projet de déploiement est quasi achevé, en Bourgogne, en Franche‑Comté et en Bretagne les projets sont moins avancés et démarrent seulement dans certains territoires ultramarins. De même, le rapport précité de France Stratégie établit que plusieurs départements à dominante rurale tels que l’Ardèche, les Côtes-d’Armor, la Dordogne ou la Nièvre dépendent toujours à plus de 25 % du réseau cuivre.

couverture en FttH en zones d’initiatives publiques

Source : ANCT.

Bien que très dynamique, le déploiement de la fibre reste nettement supérieur dans les zones denses (90 % dans les zones très denses, 88 % dans les zones AMII) que dans les zones peu denses (62 % en zone RIP, 41 % en zone AMEL).

Lors de la table ronde organisée par les rapporteurs sur ce sujet, le représentant de l’Assemblée des départements de France (ADF) a émis des doutes sur la faisabilité du « 100 % fibre » compte tenu de l’extrême complexité de certains raccordements, relevant par ailleurs que la commercialisation de la fibre n’atteint pas 50 % dans les zones RIP. Il a également regretté que si l’État décide des objectifs, les collectivités doivent se débrouiller pour résoudre les difficultés avec des financements insuffisants.

Conscients des difficultés à effectuer les raccordements les plus complexes dans un contexte d’usage exponentiel du numérique et de l’enjeu que représente la couverture numérique pour les territoires ruraux, les rapporteurs de 2019 avaient recommandé d’assurer la couverture numérique très haut débit dans les territoires ruraux en recourant au mix technologique pour permettre un accès généralisé au réseau et aux usages en 2020, sans renoncer à l’objectif de 30 Mbit/s pour tous en 2022 et de 100 Mbit/s pour tous en 2025 et de sécuriser le financement des zones d’initiative publique (proposition n° 1).

Au 3e trimestre 2022, 77 % des raccordements au très haut débit utilisaient la fibre, près de 6 % utilisaient des réseaux filaires en cuivre ou en câble coaxial. En attendant la fibre, les locaux dont les réseaux filaires ne permettent pas de fournir du très haut débit, peuvent donc recourir à des solutions hertziennes alternatives (4G fixe, THD radio et satellite), pour lesquelles une aide de l’État pouvant aller jusqu’à 300 euros (voire 600 euros pour les ménages les plus fragiles) est possible. À ce titre, un appel à projets « Cohésion numérique des territoires » est lancé, auquel les opérateurs doivent candidater pour labelliser leurs offres d’accès à internet par les technologies non filaires ; la subvention de l’État est ensuite directement déduite par l’opérateur du montant de la facture du consommateur qui n’a donc aucune démarche administrative à effectuer pour se faire rembourser.

Le Gouvernement a par ailleurs annoncé son intention de définir un débit minimal de 30 Mbit/s pour matérialiser l’ambition d’un nouveau service universel des communications électroniques.

2.   L’enjeu de la qualité de l’internet mobile

La couverture mobile des territoires ruraux a progressé, en attendant l’achèvement de la couverture ciblée qui devrait contribuer à remédier aux zones blanches. Pour autant, une étude publiée en janvier 2022 par l’association de consommateurs Que choisir sur la qualité de l’internet mobile ([27]) faisait état d’une inégalité territoriale marquée, les débits moyens en 4G des zones urbaines étant 66 % plus élevés qu’en zones rurales (55,3 Mbit/s contre 33,3 Mbit/s) ; en outre, dans 25 % des cas le bon haut débit – 8 Mbit/s – n’est pas atteint, proportion qui atteint 32 % dans les territoires ruraux.

L’enquête relève des débits décroissants selon la densité des zones de population pour la réception des données (voir tableau ci-dessus) ; quant aux débits ascendants, ils sont, en moyenne, moindres en zones rurales qu’en zones urbaines (8,5 Mbit/s contre 13,6 Mbit/s en zones urbaines selon le tableau ci-dessous).

La latence, qui correspond à la vitesse de transmission des données, est également, tous opérateurs confondus, supérieure en zones urbaines (67 ms en moyenne) qu’en zones rurales (87 ms).

Une enquête publiée par l’Arcep le 20 octobre 2022 ([28]) confirme ce constat et relève une qualité de l’internet mobile inférieure en zones rurales par rapport aux zones denses. Ainsi, les résultats au test d’affichage de pages web en moins de 10 secondes ([29]) sont moins élevés en zones rurales qu’en zones denses : Orange (90 % contre 98 % en zones denses), Free Mobile (86 % contre 95 % en zones denses), Bouygues Telecom et SFR (81 % contre 97 % et 94 % en zones denses). En ce qui concerne les débits descendants, la différence entre zones denses et zones rurales est significative :

Débits descendants moyens (en Mbit/s) pour les utilisateurs n’ayant pas accès à la 5G (2G/3G/4G) et ceux disposant d’un mobile et d’un forfait compatibles 5G (2G/3G/4G/5G), par opérateur et par strate (zones denses/intermédiaires/rurales)

Source : Arcep.

En zones rurales, la qualité vocale (taux d’appels maintenus pendant 2 minutes et sans perturbations audibles) diffère également entre zones denses et rurales : de 75 à 83 % selon les opérateurs contre 87 à 93 % en zones denses.

Sur les réseaux Intercités et Express régionaux, la proportion de pages web affichées en moins de 10 secondes varie de 78 à 86 % selon les opérateurs contre 83 à 95 % selon les opérateurs dans les RER et Transilien.

Plus globalement, l’enquête menée en 2022 par l’Arcep montrait que le taux de pages web affichées en moins de 5 secondes était en moyenne de 82 % sur le territoire national, avec une différence de plus de 20 points selon la densité des zones considérées : 95,5 % dans les 15 plus grosses agglomérations, 84 % dans les agglomérations de 10 000 à 400 000 habitants et 73 % dans les communes de moins de 10 000 habitants.

D.   DES INVESTISSEMENTS CONSIDÉRABLES DANS LES ZONES D’INITIATIVE PUBLIQUE

Porté par le programme budgétaire 343 du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le plan France très haut débit formalise son objectif d’une couverture générale en fibre optique d’ici fin 2025 par l’indicateur 1.1 du programme.

Action Réseaux d’initiatives publiques

Dans les zones d’intervention publique, le coût total du déploiement représente près de 23 Mds€ pour 18 millions de locaux à couvrir dont 13 Mds€ d’investissements publics répartis entre l’État (3,5 Mds€), les collectivités territoriales (8,9 Mds€) et des crédits européens (0,55 Md€). La part des financements privés dans les RIP (opérateurs d’infrastructures via des concessions, des marchés de partenariat ou globaux) représente 9,5 Mds€ ([30]).

En 2022, les projets de RIP financés étaient quasi finalisés au titre des procédures de mise en concurrence pour la construction et l’exploitation des réseaux FttH (délégations de service public ou marchés publics). Dans le cadre du nouveau cahier des charges de l’appel à projets RIP, douze projets ont d’ores et déjà bénéficié d’un accord préalable ou d’une décision de financement, selon l’avancée des projets dans leur montage opérationnel. Un nouvel appel à projets « Création d’infrastructures de génie civil nécessaires aux raccordements finals » a été lancé en avril 2022 d’un montant de 150 M€ pour financer les raccordements les plus complexes (88,7 M€ engagés en 2022 et 61,3 M€ d’autorisations d’engagement pour 2023). L’État doit encore soutenir le réseau d’initiative publique de Mayotte à l’horizon 2024.

Entendue par les rapporteurs, l’AVICCA s’est émue du coût élevé des réseaux publics, ce qui posera des difficultés. L’ADF a, pour sa part, regretté que les financements de l’État ne soient pas à la hauteur ; s’inquiétant, en outre, du coût des raccordements complexes restant à réaliser.

Ces préoccupations sont aussi pointées par France Stratégie dans le cadre de son évaluation du PFTHD : « Le plan a permis d’organiser les investissements initiaux pour la construction des infrastructures. Mais ces infrastructures vont devoir s’adapter pour répondre aux nouveaux usages et aux évolutions démographiques. Les financements envisagés pour une maintenance “courante” n’y suffiront pas. Ces financements futurs devront prendre en compte à la fois la montée en gamme technologique de ces réseaux, leur adaptabilité aux transformations du territoire et leurs conditions de soutenabilité. Il s’agit, en la matière, d’anticiper de nouveaux aménagements – enfouissements des réseaux, structure de coordination, cartographie des points sensibles, etc. –, des dimensions qui ne sont pas simplement “techniques” mais qui constituent plus largement les conditions nécessaires à la résilience globale des territoires. »

II.   LE DÉFI DE LA QUALITÉ DES RACCORDEMENTS ET DE L’ENTRETIEN DU RÉSEAU, GAGES DE LA CONTINUITÉ NUMÉRIQUE

Les investissements considérables consacrés à la couverture numérique du pays ont permis à la France de devenir, en une dizaine d’années, l’une des meilleures élèves de l’Europe en termes de déploiement de la fibre.

Mais, au-delà des raccordements les plus complexes – et les plus coûteux – restant à opérer, se pose aujourd’hui la question de leur qualité et de la maintenance des réseaux. Selon l’édition 2022 de l’Observatoire de la satisfaction client de l’Arcep, 58 % des consommateurs déclaraient avoir rencontré un problème avec leur fournisseur d’accès à internet fixe au cours des douze derniers mois.

L’évaluation précitée de France Stratégie expose clairement les défis auxquels il faut désormais s’atteler : « La contrepartie du succès du PFTHD en termes de couverture a été de donner la priorité à la rapidité des déploiements, tant pour les acteurs privés que publics. Cela s’est notamment traduit par un large recours à l’externalisation d’interventions de terrain, dans un cadre de contrôle initial relativement lâche, conduisant à une multiplicité des intervenants, des opérateurs et sous-traitants agissant dans les différents réseaux d’initiative publique (RIP), sans toujours un contrôle suffisant de la qualité des prestations.

« C’est ce défi de la qualité et de la résilience auquel est aujourd’hui confrontée la France à l’égard d’infrastructures devenues, par leur centralité dans la société, aussi stratégiques que les réseaux énergétiques ou de transport. Il s’agit à la fois de sécuriser la qualité des raccordements finaux ; d’assurer partout des solutions pour la connectivité THD des tout derniers locaux, les plus difficiles et les plus coûteux à couvrir (en visant donc un 100 % effectif partout), de garantir la bonne maintenance et la disponibilité des réseaux déployés ; et enfin de veiller à leur capacité de résilience face aux nouveaux enjeux que représentent les crises climatiques et énergétiques ou les cyberattaques. »

A.   RESTER VIGILANT SUR LA QUALITÉ DES RACCORDEMENTS

La médiatrice des communications électroniques relevait dans son rapport annuel pour 2021 au sujet de la fibre que « ce nouveau réseau qui est en cours de déploiement partout en France rencontre notamment des difficultés qui sont dues à la rapidité même de cette construction, aux malfaçons et à l’insuffisance de formation des intervenants à laquelle s’ajoute la pénurie de main-d’œuvre ».

Entendu par les rapporteurs, le représentant de l’AVICCA s’est ému de la proportion substantielle de prises en échec de raccordement, des difficultés de fonctionnement pouvant surgir de manière différée, des problèmes de non‑conformité... et s’est inquiété, en l’absence de péréquation, d’un défaut de moyens pour résoudre ces difficultés et entretenir les réseaux.

Le représentant de l’association Que choisir a, pour sa part, relevé que la durée moyenne entre le signalement d’un problème aux antennes locales de l’association et sa résolution était de cinq mois, générant des situations dramatiques pour les personnes malades, les étudiants, les entrepreneurs... Or, a-t-il souligné, en cas de problème il est impossible de revenir à l’ADSL car le câble correspondant n’existe plus ou l’opérateur refuse d’agir car il ne commercialise plus ces contrats.

Las de ces dysfonctionnements pour lesquels nombre d’entre eux sont sollicités quotidiennement, au point de réaliser parfois des missions d’assistance technique à leurs administrés, des élus ont vu leurs préoccupations formalisées dans une proposition de loi déposée, en avril 2022, par Mme Marie‑Pierre Rixain ([31]). Déplorant des débranchements d’utilisateurs au profit d’un nouvel abonné, des dégradations d’armoires de rue, des problèmes de raccordement ou des installations sous‑dimensionnées dans un contexte de fort recours à la sous‑traitance, ce texte propose l’établissement d’une certification obligatoire pour toute personne intervenant sur les réseaux, la limitation du rang de sous‑traitance et l’ajout d’indicateurs de qualité des réseaux dans le relevé géographique établi par l’Arcep. Une proposition de loi sénatoriale ([32]) a été déposée, en juillet dernier, sur ce même sujet.

Pour remédier à ces difficultés, les opérateurs et les représentants de la filière des infrastructures numériques ont, en septembre dernier, pris plusieurs engagements devant le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications et la présidente de l’Arcep. Ceux-ci s’articulent autour de quatre axes :

– la mise en place d’une labellisation des intervenants et des entreprises validant les compétences des techniciens ainsi que la limitation à deux du nombre de rangs de sous-traitance ;

– le renforcement des contrôles « à chaud » des interventions via une application e-intervention et le partage des calendriers hebdomadaires d’intervention des techniciens des opérateurs commerciaux (sur une vingtaine de réseaux d’initiative publique dans un premier temps) ;

– un meilleur contrôle de la qualité des raccordements grâce à des comptes rendus illustrés de photos pour les rendre plus exploitables ;

– la remise en état des infrastructures dégradées, incluant non seulement une remise en état matérielle du réseau mais également un réalignement des systèmes d’informations des opérateurs avec le terrain.

L’Arcep procède au suivi de la mise en œuvre de ce plan d’action, notamment dans le cadre du groupe de travail inter-opérateurs sur la qualité de l’exploitation, qu’elle anime toutes les six semaines et de comités de concertation Réseaux fixes trimestriels réunissant les opérateurs, les représentants de collectivités, le régulateur et les services de l’État concernés.

Si le contrôle de la qualité des RIP relève du délégant et de ses assistants à maîtrise d’ouvrage lors de la réception du réseau, tandis que l’exploitant est responsable de sa maintenance, l’Arcep a réalisé en 2022 une analyse de terrain sur 840 points de mutualisation et 3 600 points de branchement optique des zones AMII, AMEL ou RIP. Des défauts, en particulier sur l’état des câblages, ont été constatés sur une proportion non négligeable des points de mutualisation et de branchement, conduisant l’Arcep à demander aux opérateurs la correction des défauts constatés et la mise en œuvre de mesures pour éviter la réitération de ces dysfonctionnements.

B.   DES INTERROGATIONS SUR L’ENTRETIEN ET LA RÉSILIENCE DU RÉSEAU DANS UN CONTEXTE D’EXTINCTION PROGRAMMÉE DU CUIVRE

Au-delà du développement du réseau et de la mise en œuvre effective des raccordements, se posent les questions cruciales de l’entretien et de la résilience du réseau alors que l’extinction du cuivre doit s’échelonner entre 2023 et 2030. Derrière les inquiétudes exprimées par plusieurs interlocuteurs des rapporteurs, c’est la continuité des communications, en particulier dans les territoires peu denses, qui est questionnée.

1.   L’extinction programmée du réseau cuivre et ses conséquences

S’exprimant dans le cadre de la conférence « Territoires connectés », le secrétaire général d’Orange a précisé que la fermeture du réseau cuivre prévue à l’horizon 2030 (après expérimentations, une première vague de fermeture commerciale est prévue fin 2023 – technique fin 2024 –, une seconde vague de fermeture commerciale est prévue fin 2024 – technique fin 2025) était corrélée au développement de la fibre. Pour ce faire, un travail d’explication, de résolution des difficultés d’installation et de raccordement et le recours à des technologies alternatives doivent être conduits. Il a souligné que l’entretien du réseau cuivre était très difficile (dégradations, vols, difficultés de recrutement de techniciens) et coûteux (500 M€ et plus de 600 000 interventions par an) et relevé que la fibre était plus adaptée au besoin de très haut débit pour tous et trois fois moins énergivore que le cuivre.

Pour faire face aux difficultés rencontrées, une circulaire du 5 juin 2021 ([33]) suggère la tenue régulière de comités de concertation départementaux et de suivi portant sur l’accès aux réseaux de communications électroniques fixes (cuivre et fibre) et mobiles, placés sous la présidence des préfets tandis qu’à la demande du Gouvernement, Orange a présenté en mai 2021 un plan, annexé à la circulaire, pour renforcer la qualité de service du réseau cuivre qui prévoit :

– le maintien jusqu’en 2023 des offres qui relevaient jusqu’à fin 2020 du service universel téléphonique ;

– le maintien en 2021 du budget d’entretien du réseau cuivre à 500 M€, malgré un nombre de lignes actives en forte décroissance, dont 100 M€ dédiés à la maintenance préventive et 10 M€ dédiés à 17 territoires prioritaires concernant 22 départements ;

– la fourniture d’une solution de secours en 24 heures maximum à partir du signalement de l’incident, sous réserve d’une couverture mobile (en cas d’incident majeur entraînant l’interruption de toute connectivité sur une portion du réseau, une solution de connectivité collective satellitaire sera mise à disposition en mairie) ;

– le recrutement de 123 nouveaux postes priorisés dans les départements en tension et une augmentation de 30 % des effectifs nationaux de gestion de crise.

Les élus ruraux entendus par les rapporteurs s’interrogent également sur la propriété, l’entretien et l’avenir des poteaux sur lesquels est déployé le cuivre. Selon les informations communiquées par l’Arcep, l’engagement d’Orange concerne l’entretien des infrastructures dont il est propriétaire ou gestionnaire sur l’ensemble du territoire, y compris sur les zones où il ne sera plus opérateur de l’infrastructure de référence. La séparation du marché du génie civil permet à l’Arcep d’imposer à Orange des obligations uniquement liées aux infrastructures de génie civil avec des délais de réalisation de travaux de maintenance et la publication des données correspondantes. Pour sa part, Orange met à disposition des collectivités territoriales des statistiques portant sur les signalisations déposées, leurs délais moyens de clôture et publie des indicateurs de qualité de service mensuels analysés lors de réunions multilatérales organisées sous l’égide de l’Arcep.

En cas d’incident sur des infrastructures de génie civil, l’opérateur exploitant les câbles est tenu de signaler le besoin d’intervention à Orange qui met aussi à disposition du public un site internet dommage-réseaux permettant aux utilisateurs de signaler un équipement endommagé (appui aérien, câble, boîtier, armoire, trappe au sol).

Pour autant, cette extinction programmée suscite des inquiétudes particulières dans les territoires isolés. Votre rapporteur regrette ainsi que, sur le terrain, le réseau cuivre ne soit quasiment plus entretenu, sujet sur lequel il reçoit, en Lozère, des appels quotidiens.

2.   La question de l’entretien des lignes

Si l’entretien général du réseau et les réparations relèvent de l’opérateur chargé de l’exploitation du réseau dans le cadre des contrats de délégation de service public, ce sont les maires que les citoyens viennent solliciter en cas de pannes, lesquels finissent par devenir, à leur corps défendant, de véritables assistants techniques sur les questions numériques.

S’ils font preuve de bonne volonté, notamment pour sensibiliser les populations à l’entretien des lignes ou pour veiller à ce que les opérateurs respectent les hauteurs pour éviter que des lignes, trop basses, ne soient arrachées par des engins dans les zones agricoles, ils ne savent, par exemple, pas qui contacter en cas de chute d’arbres ou autres sinistres nécessitant des interventions aux lourdes conséquences financières.

Depuis avril 2021, l’Arcep collecte des données sur la qualité de service sur les réseaux FttH, notamment sur les taux de pannes et les durées d’interruption de service cumulées sur le fondement de sa décision du 8 décembre 2020 ([34]) prévoyant la transmission de ces données, leur publication sur les sites des opérateurs d’infrastructure ainsi que le respect de seuils chiffrés sur plusieurs indicateurs. L’Arcep réalise également des audits techniques sur certains réseaux.

Un autre sujet d’inquiétude est celui de l’alimentation électrique dont les conséquences peuvent être dramatiques en cas d’interruption, si elle se traduit par l’impossibilité de joindre les services d’urgences ou les opérateurs de téléalarme (tels Présence verte…).

La Fédération française des télécoms a indiqué aux rapporteurs que toutes les antennes sont équipées de solutions de secours mais non adaptées aux modalités de délestage prévues par Enedis car les réseaux ne sont pas conçus pour être éteints puis rallumés. En l’état, en cas de coupure électrique, les antennes-relais des opérateurs présents dans la zone délestée, non prioritaires, seront donc privées de courant et l’appel des services d’urgence ne pourra se faire que s’il existe des antennes voisines alimentées. Il serait donc nécessaire d’apporter une réponse structurée à ce problème qui concerne la sécurité de tous.

3.   La résilience du réseau fibre

Les élus ruraux ont alerté vos rapporteurs sur les conséquences des incendies de l’été 2022 en Gironde et dans le Var qui ont montré une insuffisante résilience des réseaux exposés à de fortes températures. Il est en effet apparu que les nœuds de raccordement optique, montés en séries, sont insuffisamment espacés et s’arrêtent lorsque la chaleur est trop importante. Il serait donc nécessaire d’adapter les plans de reprise et de continuité d’activité.

Le rapport d’évaluation de France Stratégie sur le plan France très haut débit résume parfaitement les enjeux de la couverture numérique dans les zones d’initiative publique pour les années à venir : « Le rôle des collectivités a été central dans la réussite du plan (France très haut débit) mais il a également nécessité un fort investissement dans la montée en qualification des collectivités et de leurs agents (…). L’enjeu actuel n’est donc plus seulement de finaliser le “resteàfaire” en bouclant les opérations de déploiement, mais aussi de conserver et développer les compétences acquises pour anticiper et se projeter dans l’aprèsdéploiement : favoriser l’appropriation des réseaux par les usages d’un côté, assurer leur consolidation, leur maintenance et leur résilience d’autre part. »

La première recommandation du rapport de 2019 plaidant pour un recours au mix technologique pour permettre un accès généralisé au réseau et aux usages en 2020 sans renoncer à l’objectif de 30 Mbit/s pour tous en 2022 et de 100 Mbit/s pour tous en 2025 et de sécuriser le financement des zones d’initiative publique, correspondait à la préoccupation de voir rapidement comblé le retard de couverture des territoires ruraux. Si des difficultés demeurent, la couverture numérique fixe et mobile des territoires ruraux s’est améliorée. C’est à présent sur les « derniers kilomètres » que doivent porter les efforts ainsi que sur l’entretien et la résilience du réseau, y compris sur le réseau cuivre. Telles sont les conditions indispensables à la continuité des communications… et à l’accès aux services publics.

 

 


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   PARTIE III :
LA DÉMATÉRIALISATION DES SERVICES PUBLICS NÉCESSITE DE FORMER ET D’ACCOMPAGNER TOUS LES PUBLICS DE FAÇON PÉRENNE

La dématérialisation de l’accès aux principaux services publics est aujourd’hui un fait que le rapport de 2019 mettait déjà en évidence. En évitant les files d’attente aux guichets et les déplacements chronophages, elle constitue incontestablement une facilité pour de très nombreux citoyens… tout en transformant sensiblement le rôle de l’usager qui doit maîtriser les outils numériques, disposer des équipements nécessaires et connaître le langage administratif pour ne pas commettre d’erreurs.

Le rapport de 2019 était revenu sur le processus qui avait conduit les gouvernements successifs à développer la dématérialisation des services publics dans un contexte de rétractation des guichets. Pour « remettre les bœufs devant la charrue », les rapporteurs avaient formulé deux propositions : d’une part améliorer l’efficacité des dispositifs publics de formation au numérique en formant les élèves à tous ses usages et en définissant un socle numérique de base en termes d’infrastructures et d’équipements mais aussi en adaptant les aides aux besoins des différents publics et en élargissant le champ de la formation pour la rendre plus attractive (proposition n° 12), d’autre part prévoir un accès multicanal à tous les services publics, consistant à compléter l’accès normal en ligne par une possibilité de recourir à d’autres modes d’accès, téléphonique ou physique (proposition n° 13). Sur ces sujets, des améliorations réelles ont été apportées mais elles demeurent inégales et doivent être pérennisées.

I.   LE NUMÉRIQUE S’EST INSTALLÉ COMME PRINCIPALE MODALITÉ DE CONTACT AVEC LES SERVICES PUBLICS

Les travaux de l’Institut Paul Delouvrier sur les services publics vus par les Français et les usagers ([35]) font apparaître que, comme en 2019, les modalités de contact avec les principaux services sont devenues quasi exclusivement numériques.

Source : Kantar Public – 23e édition du Baromètre de l’Institut Paul Delouvrier.

Mais cette dématérialisation suppose d’avoir accès aux outils numériques et d’être en mesure de s’en servir correctement : si, selon le baromètre du numérique 2022 ([36]), l’équipement numérique de la population est en progression : 89 % des Français disposent d’au moins un ordinateur personnel ou professionnel à leur domicile, 87 % de la population est équipée d’un smartphone soit 3 points de plus qu’en 2020, ces chiffres cachent néanmoins des réalités contrastées sur lesquelles nous reviendrons.

En outre, la dématérialisation des démarches a, trop souvent, précédé leur indispensable simplification numérique : les dispositifs sont encore complexes, les erreurs difficiles à rectifier, nécessitant des interventions humaines.

Derrière la dématérialisation se cache un enjeu de simplification pour faciliter les démarches des usagers devenus acteurs des procédures dématérialisées alors qu’ils étaient, jusqu’alors, interlocuteurs d’agents des services publics qui conduisaient in situ les démarches avec eux. L’accès des citoyens aux services publics est donc une problématique d’ensemble ; c’est sans doute ce qui a conduit la Première ministre à demander au délégué interministériel à la transformation publique une étude prospective sur l’évolution des usages et de l’accès aux services publics à moyen et long terme, étude qui devrait être rendue en juin prochain.

Vos rapporteurs ont entendu le délégué interministériel à la transformation publique (DITP) et le directeur adjoint de la direction interministérielle du numérique (DINUM) qui ont fait état de plusieurs initiatives dont l’objet est de simplifier l’accès aux services publics ou de remédier à ce qui ne fonctionne pas, tout en conservant une logique de dématérialisation.

La simplification du vote par procuration et des Cerfa est ainsi à l’ordre du jour ; un travail est également conduit pour ne plus demander plusieurs fois les mêmes informations, dans le cadre des procédures liées au décès et sera poursuivi, en y associant les usagers, autour des principaux moments de la vie.

Avec le concours de la Haute Autorité de santé, l’instruction relative à la détection des violences faites aux femmes a également été simplifiée, ce qui a permis d’augmenter les détections de 76 %. Le travail de simplification de fond est complété par des évolutions en terme de design ou de prise en compte des erreurs.

Ces actions sont néanmoins conduites sur la base de ce qui existe c’est‑à‑dire des dispositifs nombreux, régulièrement redéfinis, sans toujours prendre en compte les données existantes, ce qui complexifie l’administration des systèmes. La simplification gagnerait donc à être pensée dès la conception d’un dispositif.

La dématérialisation des procédures se poursuit : plus de 90 % des 250 démarches les plus courantes peuvent désormais être réalisées en ligne et la proportion des démarches accessibles aux personnes souffrant de handicap a progressé de 12 à plus de 40 %.

Pour autant, ce processus de dématérialisation nécessite de mettre des moyens en « back office » pour accompagner les usagers qui ne sont pas en mesure de réaliser leurs démarches en ligne. Les difficultés rencontrées par les citoyens pour obtenir leurs titres sécurisés montrent bien que la dématérialisation complète de démarches administratives ne peut s’affranchir d’un maintien de ressources humaines suffisantes pour les mener à leur terme… et respecter les principes de continuité, d’égalité et de mutabilité autour desquels doivent être organisés les services publics.

II.   L’ACCÈS AUX SERVICES PUBLICS DÉMATÉRIALISÉS EST MIEUX ACCOMPAGNÉ MAIS RESTE INÉGAL

Trois ans après l’état des lieux de la dématérialisation des services publics, la Défenseure des droits constate ([37]) des améliorations sur la couverture numérique, la culture de l’omnicanal même si elle est encore trop ponctuellement mise en œuvre ou l’accompagnement des usagers en difficulté avec les conseillers numériques, les espaces France services, le dispositif Aidants Connect, etc.

Une direction interministérielle du numérique (DINUM) a été créée en 2019 pour un pilotage plus efficace de l’amélioration de la qualité des services publics numériques et un Observatoire de la qualité des démarches en ligne permet de suivre, selon différents indicateurs, l’évolution des 250 procédures administratives les plus souvent accomplies sur internet.

Le plan d’inclusion numérique traduit une volonté d’accompagner la dématérialisation des procédures. 250 M€ ([38]) ont été engagés à cette fin dans le cadre du plan France Relance, dont l’exécution, fin 2022, se répartissait ainsi : 222,9 M€ pour le recrutement et la formation de 4 000 conseillers numériques, 15 M€ pour l’acquisition de kits d’inclusion numérique comportant du mobilier, des ordinateurs reconditionnés et un soutien en ingénierie, 10 M€ dédiés au recrutement de médiateurs numériques pour réaliser des actions concernant des usagers éloignés du numérique. L’enjeu est désormais de structurer, conforter et pérenniser les dispositifs mis en œuvre.

A.   DES CONSEILLERS NUMÉRIQUES ET UN PASS NUMÉRIQUE POUR ACCOMPAGNER LES PERSONNES EN DIFFICULTÉ

Deux dispositifs gérés par l’ANCT ont été déployés pour aider les collectivités territoriales, toujours en première ligne sur ces sujets, à accompagner les citoyens les plus éloignés du numérique : les conseillers numériques, qui sont devenus indispensables pour accompagner la réalisation, par tous, des procédures dématérialisées et le Pass numérique pour aider les citoyens à se former, dont les résultats sont plus mitigés.

1.   Des conseillers numériques à pérenniser

En 2021, le recrutement de 4 000 conseillers numériques a pris la forme d’un appel à manifestation d’intérêt qui a permis de recueillir les demandes des collectivités territoriales, structures publiques et associations. Les candidatures retenues ont alors bénéficié d’un financement de 50 000 euros par poste pendant deux ans et d’une prise en charge des frais de formation, l’ANCT animant le réseau par l’envoi de supports et des webconférences.

Les conseillers numériques suivent ainsi, avant leur entrée en fonction, une formation obligatoire de trois semaines à quatre mois, selon leur niveau ; la formation, dispensée par six organismes de formation sélectionnés dans le cadre d’un marché public, se conclut par le certificat de compétences professionnelles « Accompagner différents publics vers l’autonomie dans les usages des technologies, services et médias numériques », premier certificat du titre professionnel de responsable d’espace de médiation numérique.

La diversité des accompagnements proposés dans différentes structures dont les maisons France services mais pas seulement, en a fait un dispositif particulièrement apprécié.

Missions des conseillers numériques

Chaque conseiller doit aussi veiller à favoriser un usage citoyen et critique du numérique (vérification des sources d’information, protection des données personnelles, maîtrise des réseaux sociaux) et accompagner dans la réalisation de démarches administratives en ligne.

Source : ANCT.

Plus d’un million d’accompagnements ont ainsi été réalisés par les conseillers numériques employés par quelque 1 200 associations, 1 100 communes, 800 France services, 484 EPCI, 142 CCAS et 63 départements. Entendue par les rapporteurs, l’Association des maires ruraux de France (AMRF) a insisté sur le besoin de conseillers numériques supplémentaires et sur le nécessaire déploiement du dispositif Aidants Connect qui gagnerait à être utilisé par les secrétaires de mairie ; en effet, elle redoute que des citoyens n’abandonnent leurs démarches s’ils ne trouvent pas de réponse auprès des mairies.

La pérennisation des contrats et celle du soutien de l’État constituent aujourd’hui les enjeux centraux de ce dispositif initialement financé sur deux ans, seuls 10 % des conseillers numériques étant employés en contrats à durée indéterminée. 44 M€ ont été inscrits dans le projet de loi de finances pour 2023, en complément des 28 M€ déjà engagés en 2023 sur les crédits du plan de relance pour les contrats courant jusqu’en 2023. Toutefois, 2 600 contrats doivent être renouvelés en 2023 alors que la dégressivité de la part de financement de l’État va être enclenchée, selon des modalités en cours de définition. Il est donc nécessaire de trouver des solutions de financement pour pérenniser un dispositif qui a trouvé sa place dans l’organisation locale et reste nécessaire pour aider les citoyens à faire face à une dématérialisation qu’ils n’ont pas choisie.

2.   Les Pass numériques : une solution moins adaptée aux territoires ruraux

Le Pass numérique a été institué en 2019 pour aider les publics éloignés du numérique à se former pour devenir autonomes. Des structures locales (collectivités, guichets de service public, associations, travailleurs sociaux…) proposent à des personnes qui ont besoin d’être formées, un carnet de plusieurs chèques (à la manière des chèques restaurant, 5 ou 10 chèques de 10 euros chacun) permettant le financement total ou partiel de formations aux usages du numérique.

Source : ANCT.

Dans ce cadre, l’État a lancé deux appels à projets en 2019 et en 2020 visant à co-financer jusqu’à 50 % des coûts liés à l’achat et au déploiement des Pass numériques. 8 conseils régionaux, 34 conseils départementaux, 38 EPCI et métropoles et 7 syndicats mixtes soit 87 groupements et collectivités territoriales ont été retenus, pour un financement total de 22 M€.

Ce dispositif semble néanmoins s’être déployé avec davantage de difficultés que celui des conseillers numériques. Ainsi, dans un récent rapport ([39]), la Défenseure regrettait que « l’offre d’inclusion numérique (soit) mal connue et peu lisible ; selon l’ANCT seulement 20 % des Pass numériques émis ont été distribués et un bénéficiaire sur quatre ne l’utilise pas. »

Quant au fondateur et directeur de l’association WeTechCare, il estime le Pass numérique moyennement adapté aux territoires ruraux car les structures où se rendre pour suivre une formation sont mal identifiées. Il faut également être en mesure de traiter des problématiques d’urgence et adapter l’accompagnement aux besoins différents de chaque individu qui ne sont pas toujours en mesure de se déplacer.

B.   MAIS L’EFFORT POUR MAINTENIR OU RÉTABLIR UN ACCÈS MULTICANAL RESTE INÉGAL

Trois ans après l’étude sur la dématérialisation des services publics  ([40]), la Défenseure des droits s’est livrée à un état des lieux de la situation sur la base d’une enquête conduite en septembre 2021 auprès de ses délégués. Les services publics le plus souvent mis en cause devant les délégués, au titre de la dématérialisation des démarches, sont principalement : les préfectures (démarches des étrangers) et l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) pour les titres liés aux véhicules (permis de conduire, immatriculations). Parmi les organismes de protection sociale, les délégués ont notamment fait état de difficultés concernant les CAF (44 %) et les CARSAT – régime général de l’assurance retraite (37 %). Rappelons qu’en 2021, 91 000 des quelque 115 000 réclamations adressées à la Défenseure des droits concernaient les services publics (contre 35 000 des 72 000 réclamations en 2014).

Très récemment, la Défenseure des droits et l’Institut national de la consommation ont mené une étude sur l’évaluation de la disponibilité et de la qualité des réponses apportées aux usagers par les plateformes téléphoniques de quatre services publics (la Caisse nationale des allocations familiales, Pôle emploi, l’Assurance maladie et l’Assurance retraite) ([41]). Sur les 1 500 appels passés dans le cadre de l’enquête, 40 % n’ont pas abouti (avec des disparités importantes entre les quatre organismes) et la durée moyenne d’attente pour obtenir un interlocuteur était supérieure à 9 minutes.

Si le canal téléphonique constitue une alternative nécessaire aux démarches en ligne, encore faut-il qu’il permette d’obtenir une réponse adéquate ; or, la Défenseure des droits regrette des réponses qui se limitent trop souvent à renvoyer les usagers vers le site internet de l’organisme, sans même s’assurer que la personne dispose d’un ordinateur ou d’un accès à internet. Malgré l’amabilité des interlocuteurs, la part des renseignements satisfaisants ne dépasse jamais 60 % des cas.

Il reste donc un effort à accomplir pour mettre en œuvre la proposition n° 13 du rapport de 2019, en particulier sur les contacts par téléphone, notamment en ce qui concerne les CAF et l’Assurance maladie dont il faut néanmoins rappeler qu’elles gèrent de nombreux dispositifs évolutifs et qu’elles ont été très sollicitées durant la crise sanitaire. Les titres sécurisés concentrent également nombre des réclamations des usagers auprès du Défenseur des droits ; les rapporteurs regrettent qu’au moment de la rédaction de leur rapport, l’ANTS soit le seul des opérateurs socle présents dans les espaces France services à n’avoir pas retourné le questionnaire qui leur avait été adressé dans le cadre de leur audition.

III.   DES ACTIONS NÉCESSAIRES POUR TOUS LES PUBLICS

Il n’y a pas de solution unique pour accompagner les usagers des services publics. Certains peuvent gagner en compétence et être formés selon leurs profil et leurs usages, d’autres doivent être aidés à acquérir du matériel, d’autres devront durablement être accompagnés… tel était le sens de la proposition n° 12 du rapport de 2019 qui trouve un début de concrétisation dans le cadre des dispositifs mis en œuvre localement.

A.   DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE POPULATION RESTENT ÉLOIGNÉES DU NUMÉRIQUE

Le nombre de personnes en difficulté avec le numérique est toujours estimé à 13 millions parmi lesquelles, les rapporteurs de 2019 l’avaient souligné, une proportion conséquente ne se formera pas, soit que ces personnes ne puissent pas être autonomes pour réaliser leurs démarches administratives, soit qu’elles ne le souhaitent pas.

En outre, si le dernier baromètre du numérique ([42]) fait état d’une progression de l’équipement des Français (notamment les smartphones et les ordinateurs), ces moyennes diffèrent selon les catégories de population : ainsi, 36 % des plus de 70 ans n’ont pas d’ordinateur chez eux tandis que seulement 60 % des personnes non diplômées, 74 % des personnes vivant seules, 78 % des personnes résidant dans des communes rurales ont accès à un ordinateur à domicile. Le taux d’équipement en smartphones reste également contrasté : seuls 56 % des plus de 70 ans, 74 % des habitants de communes rurales et 59 % des non‑diplômés (contre 94 % chez les diplômés du supérieur) sont équipés de smartphones. Selon le Crédoc cité par la Défenseure des droits, 40 % des non-diplômés, 22 % des personnes pauvres et 24 % des ménages bénéficiaires des minima sociaux n’ont pas d’accès à l’internet fixe à domicile (contre 15 % de l’ensemble des Français).

Depuis la crise sanitaire, la progression de l’équipement des Français s’est, en outre, accompagnée d’un accroissement des difficultés d’usage. Selon le baromètre du numérique, 48 % des Français rencontrent au moins une difficulté pour utiliser les outils numériques (+ 13 points par rapport à 2020), tandis que 25 % (+ 7 points par rapport à 2020) ont une maîtrise insuffisante des outils informatiques. La part des personnes éprouvant au moins une forme de difficulté les empêchant d’effectuer des démarches en ligne progresse de 16 points (54 %) par rapport à 2020.

Source : Baromètre du numérique 2022.

Enfin, certains jeunes sont totalement perdus au moment d’effectuer des démarches administratives en ligne. Selon la Défenseure des droits, pendant la crise sanitaire, un quart des 18-24 ans indiquaient avoir rencontré des difficultés pour réaliser seuls des démarches en ligne (soit 14 points de plus que la moyenne) ; or, les Pass numériques sont souvent distribués par Pôle emploi auprès de publics plus âgés.

En septembre 2021, la Défenseure des droits s’était penchée sur la situation particulière des personnes âgées ([43]) – nombreuses dans les territoires ruraux – pour relever que près d’un quart des plus de 65 ans étaient confrontées à des difficultés dans leurs démarches administratives. 30 % de l’échantillon étudié déclarait ne pas disposer d’un accès à internet à son domicile, proportion augmentant fortement avec l’âge (21 % des 65-74 ans, 38 % des 75-84 ans et 53 % des 85 ans ou plus).

B.   DÉVELOPPER DES FORMATIONS ATTRACTIVES ET RECONNUES

Le besoin de formation et d’accompagnement à la réalisation de démarches dématérialisées ne s’infléchira pas dans le temps : au-delà des personnes les plus âgées, il existera toujours des citoyens éloignés du numérique mais aussi des évolutions d’usages, de logiciels, de matériels nécessitant des mises à jour régulières pour les usagers comme pour les accompagnants.

Dans ce contexte, le directeur de l’association WeTechCare a insisté, devant les rapporteurs, sur la nécessité d’utiliser des leviers de motivation pour encourager les personnes à se former : pouvoir contacter des proches, solliciter des aides, acheter moins cher…

Si chacun peut accompagner un proche vers un premier niveau d’autonomie numérique par exemple en l’aidant à rechercher une adresse depuis un smartphone ou en lui créant une adresse électronique, cet accompagnement ne peut pas toujours s’organiser dans la durée et il est important de combiner des formations structurées autour d’un programme et d’autres, sur mesure, organisées en fonction des besoins de chacun.

Dans les zones rurales peu denses où vivent des populations souvent plus âgées, les leviers de motivation sont moins forts et l’éloignement rend ces missions plus difficiles.

1.   Former les plus jeunes aux usages du numérique et accompagner vers l’autonomie

En 2019, les rapporteurs avaient plaidé pour une amélioration de l’efficacité des dispositifs publics de formation au numérique en formant les élèves à tous les usages du numérique (proposition n° 12). Dans son récent rapport de suivi de la dématérialisation des services publics, la Défenseure des droits exprime la même préoccupation en préconisant de former les jeunes au numérique du quotidien et de faciliter les démarches qu’ils doivent réaliser en tant que jeunes depuis un seul point d’entrée.

Le 27 janvier dernier, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse a présenté la Stratégie numérique pour l’éducation 2023-2027 pour renforcer les compétences numériques des élèves et accélérer l’usage des outils numériques. Cette stratégie s’appuie notamment sur les travaux des états généraux du numérique éducatif tenus en 2020 avec l’État, ses opérateurs, les collectivités territoriales, les éditeurs et les EdTech, les associations et communautés d’acteurs. Elle s’articule autour de quatre axes :

– renforcer la coopération nationale et locale entre les acteurs de l’éducation, autour de projets pédagogiques mobilisant le numérique ;

– développer les compétences numériques des élèves : leur enseigner la citoyenneté numérique, en développant l’esprit critique et renforçant l’éducation aux médias et à l’information ; leur transmettre un socle de compétences numériques renforcées ; promouvoir l’attractivité des spécialités et baccalauréats menant aux métiers du numérique ;

– fournir aux professeurs des outils et ressources numériques et encourager leur usage en proposant davantage de formations et d’accompagnement ;

– développer la robustesse, la sécurité, l’accessibilité, la qualité et l’écoresponsabilité des outils informatiques du ministère.

Au titre du premier axe, la gouvernance du numérique éducatif sera renforcée, des indicateurs permettant le pilotage de cette politique publique seront co‑construits et partagés entre tous les acteurs publics. Enfin, pour la rentrée 2024, un référentiel d’équipement numérique individuel type pour l’élève de collège et lycée sera établi, en concertation avec les collectivités territoriales et les enseignants, et en cohérence avec les usages ou les finalités pédagogiques : consulter le cahier de texte, participer à une écriture collaborative, apprendre à utiliser des logiciels professionnels notamment.

Il est en effet attesté qu’un élève disposant d’un équipement individuel développe plus facilement son aisance et ses compétences numériques. Cette démarche s’inscrit dans la continuité de la définition par l’État et les collectivités territoriales, mi-2021, d’un socle numérique de base pour les écoles, les collèges et les lycées.

Au titre du renforcement des compétences numériques, il s’agit en particulier de développer l’aisance numérique des élèves dans le cadre de recherches, de partage, de travail collaboratif et de travaux éducatifs. Parmi les mesures prévues à ce titre, l’attestation de sensibilisation au numérique en 6e (Pix 6e) sera obligatoire à la rentrée 2024. Chaque élève disposera d’une formation régulière au numérique tout au long de sa scolarité, dont le niveau sera attesté en trois étapes (6e, 3e, terminale).

Cette Stratégie numérique pour l’éducation 2023-2027 témoigne d’une volonté de former les futurs citoyens à tous les usages du numérique. Il serait utile que ces formations prennent appui sur les usages du quotidien et les démarches que doivent accomplir les jeunes par exemple dans le cadre du recensement préalable à la Journée défense et citoyenneté ou des recherches effectuées pour l’orientation.

Le délégué interministériel à la transformation publique a, pour sa part, fait état, devant les rapporteurs, d’un travail en cours avec la DREES et les missions locales en direction des jeunes qui ont un problème de phobie administrative ou d’éloignement… Par ailleurs, des initiatives locales se font jour comme en Bretagne, pour amener les jeunes vers les démarches administratives par la simplification des démarches et l’amélioration des interfaces à l’aide des sciences comportementales et du design.

2.   Des outils à développer et à adapter

La Banque des Territoires, en partenariat avec l’ANCT, apporte son concours à des initiatives d’inclusion numérique pour les territoires ruraux :

– depuis 2019, 15 hubs territoriaux ont été déployés sur le territoire, constituant des relais pour animer, former et accompagner les structures et projets d’inclusion numérique. Ils contribuent à identifier les lieux de médiation, les capacités territoriales et l’accessibilité de ces services, l’adéquation de ces besoins avec les moyens du territoire puis accompagnent la création ou le renforcement des projets d’inclusion numérique en formant les acteurs concernés, en délivrant des outils nécessaires et en aidant à la recherche de financements. Certains, tel le Hub Bretagne, orientent particulièrement leur action vers les ZRR ;

– un appel à projets « Numérique inclusif, numérique éducatif » d’un montant de 5 M€, a été lancé pour accompagner le développement de projets d’éducation au et par le numérique. 13 projets de dimension nationale et 67 projets territoriaux ont été retenus dont un certain nombre concerne des zones rurales. Parmi ceux-ci, les Ateliers numériques itinérants portés par l’association Familles rurales qui propose d’accompagner les familles sur les sujets d’éducation aux médias et à l’information. Depuis fin 2019, Familles rurales développe des « points de médiation numérique » (PMN) dans les territoires ruraux pour accompagner la révolution numérique et lutter contre la fracture numérique.

Outre les collectivités territoriales, les associations sont, en effet, des intervenants précieux pour proposer des services numériques sur mesure à des populations qu’elles connaissent bien.

En 2021, 210 associations Familles rurales proposaient des activités autour du numérique ; plus de 2 000 ateliers numériques pour près de 30 000 bénéficiaires avaient ainsi été organisés. L’association dispense également des formations à la médiation numérique pour des aidants et met à disposition des supports pédagogiques et de communication.

L’association WeTechCare propose, pour sa part, un centre de ressources pédagogique « Le bon clic », lieu d’échanges et d’informations en ligne destiné aux aidants. Y sont ainsi proposés des contenus sur le socle de compétences numériques de base, sur les usages du quotidien – publics ou privés – pour faciliter l’appropriation de compétences. Des webinaires, ateliers ou articles sont proposés sur des sujets divers : comment être un bon aidant, comment créer un bon service, comment accéder au chèque énergie, comment gagner en autonomie sur les services de la CNAV, comment acheter un billet de train peu cher, etc.

Entendus par les rapporteurs, le maire de Montrichard Val de Cher et son adjoint en charge de l’espace France services ont fait état de la réalité de l’accompagnement numérique au sein de l’espace France services porté par la municipalité et qui a accueilli 6 000 administrés en 2021 et réalisé 6 989 actes en 2022. Les demandes, auxquelles répondent deux agents présents 35 heures par semaine, concernent un très large spectre de services (40 partenaires) qui intéressent aussi bien les jeunes que les personnes âgées. Le besoin d’accompagnement pour les démarches en ligne est très important, y compris de la part des personnes disposant d’équipement numérique. Dans les faits, les accompagnants sont amenés à effectuer les démarches pour les usagers perdus ou ayant peur du numérique, jeunes comme plus âgés. La municipalité a mis en place un processus d’accompagnement avec un conseiller numérique et une association pour répondre au besoin de formation, un ordinateur a été acquis à cette fin. Pour autant, les élus de cette commune soulignent que certains administrés ne veulent même plus faire de démarches par téléphone car ils craignent d’attendre trop de temps ou de perdre des droits. Beaucoup souhaitent des supports papier et appellent le maire dès qu’ils rencontrent un problème car ils le connaissent.

Dans ce contexte, le déploiement des espaces France services apparaît comme une solution très positive pour les citoyens et répond, dans son ensemble, à plusieurs préconisations du rapport de 2019. Le modèle doit désormais être conforté, tout en poursuivant les efforts de simplification administrative.

 

 


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   PARTIE IV :
FRANCE SERVICES : UNE RÉPONSE DE PREMIER NIVEAU À L’ÉLOIGNEMENT DES SERVICES PUBLICS

L’idée d’une mutualisation des services publics pour combler leur raréfaction dans les territoires a plus de vingt ans. Après avoir été incarnée par divers dispositifs, elle a pris corps, en 2015, sous la forme de maisons de services au public (MSAP) dont la seconde génération était en gestation au moment de la crise dite des « gilets jaunes ». C’est sur ces bases qu’a été construit, à la demande du président de la République, un modèle exigeant, les maisons France services.

Après plusieurs années de diminution du nombre de guichets et dans un contexte de dématérialisation massive des démarches administratives, les rapporteurs de 2019 avaient logiquement fait des MSAP/France services, une question centrale de leurs travaux, y consacrant sept de leurs vingt‑trois propositions.

En effet, alors qu’une deuxième génération de MSAP était en gestation, la crise des « gilets jaunes » a précipité les événements conduisant le président de la République à esquisser, dans son discours du 25 avril 2019 suivant le Grand débat national, les grandes lignes de son projet de maisons France services dont il souhaitait un maillage territorial basé sur les cantons.

Voulu comme une refonte complète du réseau des maisons de services au public, ce projet a été transcrit par le Premier ministre dans une circulaire du 1er juillet 2019, reposant sur deux piliers : une charte d’engagement en cinq points et le bouquet de services socle.

Trois ans après la mise en œuvre du dispositif, plus de 2 500 espaces France services ont vu le jour, proposant l’accès à au moins 9 services socle ; l’objectif fixé par le président de la République est donc atteint et une nouvelle vague de labellisations a été annoncée pour compléter le maillage du réseau.

Après cette rapide montée en puissance, il faut maintenant conforter, professionnaliser et pérenniser le réseau car, malgré les efforts réalisés, les attentes des citoyens restent fortes comme en témoignent les résultats de la 23e édition du Baromètre de l’Institut Paul Delouvrier sur la façon dont sont perçus les services publics par les usagers ([44]) :

Source : Institut Paul Delouvrier.

I.   L’OBJECTIF DE LABELLISATION EST ATTEINT MAIS LES TERRITOIRES RURAUX DOIVENT BÉNÉFICIER DES IMPLANTATIONS COMPLÉMENTAIRES

Début décembre 2022, le nombre de structures France services labellisées atteignait 2 538 (dont 110 outre-mer), ce chiffre est à rapprocher des 1 340 MSAP en fonctionnement début 2019. Devant les maires réunis en congrès fin novembre dernier, la Première ministre a annoncé de nouvelles labellisations pour 2023 ; celles‑ci devraient porter les espaces France services à 2 750.

Le cadre de fonctionnement des maisons France services a été fixé par la circulaire du Premier ministre aux préfets de régions et de départements ([45]) ; il repose sur une charte d’engagement rassemblant les conditions nécessaires pour assurer une bonne qualité de service (annexe 5), et un bouquet de services socle (annexe 6), préalables nécessaires à la labellisation et au financement dédié. Destinée aux porteurs, aux opérateurs et aux préfectures de départements référentes, la charte nationale d’engagement s’articule autour de cinq thématiques relatives à la qualité de service, leur accessibilité, le pilotage et le suivi, la formation des agents et la valorisation du réseau.

A.   LE PROCESSUS DE LABELLISATION

La circulaire du 1er juillet prévoyait une évaluation, par les préfets de département, des MSAP existantes, à l’aune de la charte d’engagement et du bouquet de services, sur la base d’une grille d’évaluation en trente critères.

Le questionnaire d’évaluation portait notamment sur le niveau d’équipement, la présence d’un espace de confidentialité, la formation des agents présents et les horaires d’ouverture. La maîtrise des processus d’accompagnement aux différentes démarches des opérateurs et la qualité de la couverture numérique sont également évaluées. Dans les anciennes MSAP, des enquêtes mystères, conduites par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) devaient également évaluer la qualité de l’accueil dans les services au public.

Les propositions de labellisation ont été centralisées par les préfectures qui ont recherché des porteurs potentiels, en fonction des objectifs locaux si ceux‑ci ne s’étaient pas manifestés spontanément. Elles ont partagé avec les futurs porteurs une grille d’évaluation de 30 critères, et n’ont souvent proposé que des projets opérationnels. La suite du processus de labellisation a été externalisée via un marché public pour le consolider, décharger les préfectures et l’harmoniser. Les dossiers de candidature ont ainsi été constitués et examinés par les équipes du cabinet AFNOR et sa filiale VITALIS qui ont déclenché de courtes visites d’audit sur la base d’un questionnaire préparé en amont. Lorsque les audits étaient positifs, il était proposé au préfet, dans le cadre d’un calendrier fixé par l’ANCT, de notifier l’attribution du label, l’ANCT menant les opérations techniques avec la Banque des territoires (création de comptes pour les outils numériques, webinaires d’accueil des personnels, etc.).

Ce sont des entités très hétérogènes qui ont rejoint le réseau France services, certaines étant d’anciennes MSAP très structurées, d’autres embryonnaires ou créées ex nihilo. Parallèlement, des structures locales existantes d’accès mutualisé aux services publics n’ont pas rejoint le réseau.

B.   LA QUESTION CENTRALE DE L’ACCESSIBILITÉ DES STRUCTURES

1.   Les maisons France services doivent répondre à une logique de bassins de vie

Les rapporteurs de la précédente législature l’avaient souligné : il est nécessaire de recentrer les maisons France services – initialement calibrées à l’échelle du canton – sur les bassins de vie ([46]) en respectant un temps d’accès maximal de 20 minutes (proposition n° 15). Par ailleurs, ils avaient insisté sur le fait que « la première MSAP, c’est la mairie ».

La circulaire du 1er juillet 2019 indique que « les maisons France Services devront être prioritairement accueillies dans les mairies, sous-préfectures, trésoreries, bureaux postaux, mais pourront également être instituées au sein des gendarmeries, centres sociaux, locaux associatifs et lieux culturels existants », tandis que l’annexe 2 de ladite circulaire sur le maillage du réseau précise également que les nouvelles implantations doivent être décidés sur la base de cinq critères de priorité :

– identifier les zones éloignées d’une offre existante de services publics ;

– prioriser la localisation de France services dans les petites centralités et les quartiers prioritaires de la politique de la ville ;

– encourager le déploiement de solutions itinérantes ;

– favoriser l’implantation dans les lieux de passage habituels des habitants des territoires concernés (tiers-lieux, médiathèques, cité scolaire, etc.) ;

– porter une attention particulière au déploiement de nouveaux projets outre‑mer.

La circulaire précise, par ailleurs, que toute nouvelle implantation doit être établie en cohérence avec le schéma départemental d’amélioration de l’accessibilité des services au public (SDAASP) et « en mettant en synergie les points d’accueil de l’État et des collectivités locales sur le territoire ».

Au-delà des maisons France services postales, les structures labellisées sur la base de ces critères foisonnants sont donc souvent installées dans des mairies, des locaux d’EPCI, des CCAS, des offices de tourisme, centres sociaux, des maisons de solidarité départementales, d’anciennes trésoreries, des sous-préfectures ou préfecture. Fin 2022, 63 % des maisons France services étaient établies dans les territoires peu denses et 75 % desservent des zones rurales. 430 d’entre elles sont implantées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, ce que prévoyait la circulaire ([47]).

Ainsi, la quasi-totalité des citoyens se trouve à moins de 30 minutes d’une structure France services, correspondant ainsi à l’indicateur budgétaire dédié, et plus de 90 % à moins de 20 minutes, selon les préconisations de la proposition n° 15. Pour autant, disposer d’une maison France services à moins de 20 minutes, c’est bien… à condition de disposer d’un moyen de transport pour s’y rendre ; or, dans les territoires peu denses, se pose souvent la question des derniers kilomètres à franchir. Dans le prolongement de la proposition n° 15 du rapport de 2019, les rapporteurs préconisent d’ajuster le maillage des maisons France services selon une logique de bassins de vie et formulent le souhait que les structures France services supplémentaires annoncées par Mme la Première ministre soient prioritairement implantées dans les territoires ruraux car les problèmes de mobilité y sont importants.

2.   Des solutions mobiles à développer

Pour aller au plus près des personnes les plus fragiles qui ne sont pas en mesure de se déplacer, notamment en zones rurales, des structures itinérantes (communément appelés « bus France services ») ou multi-sites se sont développées. Tel était le souhait des rapporteurs de 2019 (proposition n° 15).

En réalité, plusieurs organisations permettent un « aller vers » les personnes les plus isolées : soit les agents France services se déplacent dans différents locaux fixes où ils tiennent des permanences ponctuelles, soit des camping-car ou des bus sont aménagés de façon à accueillir les citoyens dans le cadre d’une itinérance organisée selon un parcours évolutif ; soit, dans de rares cas, les agents se déplacent sur rendez‑vous au domicile de l’usager pour réaliser ses démarches avec lui. Quelle que soit la solution retenue, ce dispositif nécessite un engagement important des structures porteuses.

Une récente étude menée par la Banque des territoires montre que les publics accueillis dans les « bus France services » sont très éloignés de l’administration et apprécient cette formule visible et plus « conviviale ». Certains bus sont portés par des associations à mission sociale, ou de médiation numérique, qui ciblent des publics en difficulté. Ces formules paraissent particulièrement adaptées pour aider les plus fragiles à surmonter la crainte du contact, par nature asymétrique, avec une administration qui, malgré les améliorations récentes, est souvent considérée comme complexe et déshumanisée.

Il existe 140 « bus France services » dont 60 % circulent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Seuls 55 circulent uniquement en ruralité tandis que les 156 espaces multi-sites sont presque tous en ruralité. En 2020 et 2021, la Banque des territoires a consacré 3 M€ à ce dispositif sous la forme de trois appels à manifestation d’intérêt (AMI) ; elle envisage, courant 2023, un nouvel AMI consacré à des solutions d’ « aller-vers ». Ces solutions mobiles sont très pertinentes car, au‑delà de la logique de guichet mutualisé, France services doit être un instrument de lutte contre le non‑recours.

La question de la mobilité étant une problématique centrale en zones rurales, les dispositifs mobiles sont particulièrement appropriés car ils permettent de se rendre au plus près des habitants les plus fragiles, en particulier de ceux qui ne sont pas en mesure de se déplacer. Ces formules pourraient être privilégiées pour les futurs espaces France services. Les permanences France services en mairie constituent aussi des solutions efficaces car tous les administrés la connaissent et la considèrent souvent comme la première des maisons de service au public, ce que l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et Intercommunalités de France ont confirmé aux rapporteurs : c’est d’abord auprès d’elle que les administrés en difficulté vont souvent demander de l’aide pour être accompagnés, par une personne qu’ils connaissent.

3.   L’accessibilité et l’équipement des structures

La charte d’engagement prévoit que France services doit être accessible 24 heures par semaine sur cinq jours ouvrés. L’accès doit être possible à tous types de publics en termes d’accès physique, de plages horaires, de confidentialité et d’accompagnement humain. Les horaires d’ouverture doivent ainsi répondre aux besoins des populations avec une ouverture possible en soirée ou le week-end tandis que les points numériques doivent permettre d’effectuer les démarches dématérialisées avec le concours d’imprimante et de scanner.

Selon les informations transmises aux rapporteurs, 647 France services ouvrent leurs portes au public le samedi matin (de 10 h à 12 h pour la plupart) et 12 sont ouvertes le samedi jusqu’en fin d’après-midi. Les pics de fréquentation se situent en matinée et après le déjeuner, soit de 9 h à 12 h et de 14 h à 15 h. La fréquentation s’amenuise à partir de 17 h (données de décembre 2022) mais nombre de France services sont ouvertes pendant la pause méridienne ou en fin de journée.

La qualité de l’accueil est aussi mesurée à l’aune des engagements du référentiel Marianne qui doivent être respectés.

Les 12 engagements du référentiel Marianne

1. Nous vous apportons les informations indispensables à la réalisation de vos démarches et nous veillons à leur mise à jour sur tous les supports.

2. Nous facilitons l’utilisation de nos services sur internet et la réalisation de vos démarches en ligne.

3. Nous vous orientons vers le bon service ou vers la bonne administration et nous vous aidons à réaliser vos démarches.

4. Nous vous accueillons avec courtoisie dans le respect mutuel, nous vous informons de votre délai d’attente, et nous veillons à votre confort.

5. Nous facilitons l’accès aux démarches pour les personnes en situation de handicap.

6. Nous accueillons de manière adaptée les personnes en difficulté.

7. Nous répondons de façon claire et précise à vos demandes et à vos réclamations dans un délai maximum d’une semaine lorsqu’elles sont adressées par voie électronique (courriels, formulaires de contact en ligne, téléprocédures) ; dans un délai maximum de deux semaines lorsqu’elles sont adressées par courrier.

8. Nous répondons à tous vos appels en limitant au maximum votre temps d’attente.

9. Nous utilisons vos remarques et vos suggestions pour améliorer nos services.

10. Nous évaluons régulièrement votre satisfaction et nous communiquons les résultats de ces évaluations.

11. Nous formons nos collaborateurs et nous leur donnons les outils nécessaires pour leur permettre d’orienter et de faciliter les démarches des usagers.

12. Nous évaluons nos pratiques, nous impliquons nos collaborateurs et nous prenons en compte leurs retours pour améliorer la qualité de service.

C.   DES PARTICULARITÉS EN FONCTION DU PORTAGE

Les deux tiers des 2 538 structures labellisées ([48]) sont portées par des collectivités territoriales, 16 % par La Poste, 13 % par des associations ou points d’information médiation multi-services (PIMMS) et 2 % par la Mutualité sociale agricole (MSA) ; ce chiffre est à rapprocher des 1 340 MSAP en fonctionnement début 2019 dont 725 étaient portées par des collectivités territoriales et 495 par La Poste.

MSAP ET MFS portées par les collectivités territoriales et la Poste

 

MSAP

France services
(1er décembre 2022)

TOTAL

1 340

2 538

Dont portées par les collectivités territoriales

725 soit 54 %

1 700 soit 67 %

Dont portées par La Poste

495 soit 37 %

406 soit 16 %

Les rapporteurs de 2019 s’étaient penchés sur la situation particulière des MSAP postales dont ils appelaient une impérative montée en gamme pour remédier au manque de formation des agents, à la disponibilité insuffisante du personnel focalisé sur les missions de La Poste, et à la coopération insuffisante avec les autres opérateurs.

Un peu plus de 400 bureaux de poste ont été labellisés dont 295 anciennes MSAP, la majorité étant situés dans des communes rurales (près de 70 % des maisons France services postales sont situées dans des communes de moins de 2 000 habitants). 203 bureaux de poste MSAP n’ont pas intégré le programme France services soit pour des raisons immobilières (exiguïté des locaux, pas d’espace de confidentialité, problème d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite), soit en raison de la très faible fréquentation du bureau de poste.

Les missions des postiers ont conduit La Poste à expérimenter des solutions pour mieux faire connaître France services et « aller vers » les populations les plus isolées : des facteurs en tournée le matin et dans les guichets l’après-midi ont pu promouvoir France services tandis que la remise commentée d’un fascicule de présentation de l’offre de services a été expérimentée sur plusieurs communes bretonnes pour proposer des rendez‑vous à domicile. Ces premières expérimentations ont néanmoins eu un résultat mitigé car peu de rendez-vous ont été pris et ceux-ci se sont avérés beaucoup plus longs qu’au guichet des espaces France services (une heure contre 40 minutes maximum et une moyenne de temps d’accompagnement de 20 minutes). L’exemple de permanences tenues dans des maisons pour personnes âgées a également été cité par La Poste.

Nouvelle venue dans le paysage France services, la MSA, qui est un des neuf opérateurs socle, portait, fin 2022, 79 maisons France services, avec l’objectif de développer encore son implantation. Les demandes qui y sont formulées concernent majoritairement les questions fiscales, de retraite et d’immatriculation de véhicules.

II.   UN BOUQUET DE SERVICES ENRICHI POUR UNE OFFRE DE SERVICES DE PREMIER NIVEAU

Malgré un contexte de crise sanitaire et de développement du télétravail, qui ont perturbé tant la mise en œuvre de la formation que l’organisation du travail des agents et des opérateurs partenaires, l’offre de services, inégale dans les MSAP, s’organise autour de neuf opérateurs socle, complétée, selon les besoins, par des services locaux.

A.   UNE OFFRE MUTUALISÉE AUTOUR D’UN LARGE BOUQUET DE SERVICES

1.   Une offre de service élargie

Les neuf opérateurs socle (CNAF, CNAM, CNAV, MSA, Pôle emploi, ministère de l’intérieur, direction générale des finances publiques, La Poste et, depuis 2021, le ministère de la justice) contribuent, par l’intermédiaire des agents France services ou directement, à la réalisation de démarches, le plus souvent dématérialisées, concernant la santé, l’état civil et divers documents administratifs, la fiscalité, la formation, l’emploi ou la justice et la retraite.

La présence des opérateurs prend différentes formes : la désignation de référents locaux facilement joignables, la tenue de permanences physiques et/ou de rendez‑vous en visioconférence pour accompagner les usagers sur les démarches complexes.

À ces services socle, s’ajoutent souvent des permanences des conseillers numériques. Ainsi, les maisons France services portées par La Poste comptent 70 espaces numériques et 92 conseillers numériques qui proposent des ateliers d’initiation au numérique ; près de 20 000 personnes ont été accompagnées à ce titre.

2.   Un bouquet de services à ajuster

La récente loi dite « 3DS » ([49]) a élargi les possibilités de conventionner avec des organismes nationaux ou locaux au niveau départemental et infra‑départemental ; ces conventions devant respecter le référentiel en vigueur. De fait, certaines France services comptent plus d’une vingtaine de partenaires voire davantage.

Les partenariats locaux le plus souvent déclarés sont les missions locales, les conciliateurs de justice et les assistantes sociales tandis que certaines maisons accueillent des permanences de la gendarmerie notamment pour répondre aux demandes de procurations. De même, plusieurs conseils départementaux (Nièvre, Nord, Alpes‑Maritimes…) sont porteurs de France services ou partenaires à part entière, au titre de leurs compétences sociales, le RSA en particulier.

Selon les informations transmises aux rapporteurs, la moitié des 1 118 France services ayant déclaré des partenariats locaux ont, en moyenne, cinq partenaires locaux (contractualisés ou non) dans les domaines suivants :

Lors d’une table ronde avec les opérateurs, l’absence de l’opérateur de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO a été regrettée – car elle complèterait la présence de la CNAV et de la MSA –, comme, dans d’autres travaux, celle de France Rénov’. Pour autant, si un plus grand nombre d’opérateurs contributeurs faciliterait le financement du réseau, l’offre doit rester lisible et opérationnelle ; or, les agents France services doivent déjà maîtriser plus de 200 procédures administratives (souvent évolutives) contre 80 dans les anciennes MSAP.

Néanmoins, les questions de mobilité et de coût de l’énergie étant au cœur des préoccupations des habitants des territoires ruraux (usage nécessaire de la voiture en l’absence de transports collectifs, logements plus grands et moins bien isolés…), il serait pertinent de trouver, dans les espaces France services, des informations sur ce type de services, d’autant que le bouquet de services présenté dans la Charte nationale d’engagement France services fait référence à l’énergie et aux mobilités.

En lien avec ces préoccupations, il a été indiqué aux rapporteurs que des échanges techniques étaient en cours entre l’Agence nationale de l’habitat et l’ANCT pour définir les conditions d’une intégration de France Renov’. Par ailleurs, en mars 2022, le ministère de l’intérieur et l’ANCT ont proposé à 183 maires portant une maison France services, l’installation, dans leur commune, d’un dispositif de recueil (DR) pour l’établissement de titres d’identité. En septembre dernier, 78 demandes étaient en traitement, d’autres sont en cours tandis que des discussions ont lieu avec les élus pour équiper des espaces France services portés par des EPCI.

Le principe de l’expérimentation est souvent retenu pour évaluer un partenariat, avant d’en proposer la généralisation ; ainsi, la Banque de France a signé, en octobre dernier avec le ministère de la transformation et de la fonction publiques, un protocole d’expérimentation dans huit départements.

3.   Mieux associer le Défenseur des droits aux espaces France services

Le Défenseur des droits est actuellement représenté dans une centaine de maisons France services mais pourrait y tenir des permanences plus systématiques. En effet, les quelque 560 délégués bénévoles du Défenseur des droits, qui exercent leurs missions avec des moyens des plus limités, ont traité, en 2022, 80 % des 126 000 réclamations portant, pour l’essentiel, sur le fonctionnement des services publics. Leur présence en France services serait aussi de nature à mieux les faire connaître des acteurs locaux et des citoyens les plus isolés.

Cette implantation serait d’autant plus pertinente que, chaque année, le Défenseur des droits est saisi de plusieurs milliers de réclamations concernant des litiges entre les administrés et leur commune : l’accès à l’école, à la cantine scolaire, les autorisations d’urbanisme, l’accès à l’eau potable, le raccordement au réseau d’assainissement collectif, la collecte des déchets, l’accès aux voiries et aux transports collectifs, l’inhumation… autant de situations pour lesquelles le Défenseur des droits peut, par la médiation, résoudre ces différends sur le fondement de la loi organique du 29 mars 2011, portée à l’Assemblée nationale par votre rapporteur, dont l’article 26 prévoit que « le Défenseur des droits peut procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par voie de médiation ».

Sur ce sujet, un récent rapport de la Défenseure des droits ([50]) souligne combien cette démarche, basée sur le dialogue, peut être particulièrement utile pour expliciter l’existence de règles différentes d’une collectivité à l’autre, sur les aménagements, les constructions ou la voirie… Les délégués du Défenseur des droits peuvent également proposer des solutions s’adaptant aux spécificités locales et aux circonstances particulières de chaque situation.

La médiation, si elle ne constitue pas une solution adaptée à tous les litiges, peut se révéler très pertinente dans le cadre de différends de proximité, impliquant des interlocuteurs qui se connaissent. Le Défenseur des droits pourrait donc, à plus d’un titre, trouver plus systématiquement sa place dans les espaces France services, permettant aux usagers comme aux acteurs locaux, de mieux connaître son rôle de « facilitateur ».

Enfin, au-delà du dispositif France services lui-même, plusieurs interlocuteurs des rapporteurs ont souligné l’intérêt de créer, autour des espaces France services, un écosystème de services publics et privés (coworking, tiers‑lieux, soutien scolaire…) de nature à créer une vraie dynamique locale autour des services publics. C’est donc tout un équilibre qui doit être construit, prenant en compte les situations locales, la soutenabilité financière pour les porteurs – dans les deux tiers des cas, des collectivités territoriales –, la qualité du service rendu et la cohérence du bouquet de services.

B.   APRÈS UN DÉVELOPPEMENT RAPIDE DU RÉSEAU, LE SERVICE DE PREMIER NIVEAU DOIT MAINTENANT ÊTRE CONFORTÉ

La croissance rapide du réseau France services, dans la continuité ou non de structures existantes peu homogènes, doit maintenant entrer dans une phase de consolidation pour atteindre les personnes les plus isolées et les plus en difficultés.

1.   Une offre complémentaire des guichets des opérateurs pour atteindre les populations les plus éloignées des services publics

Si la raréfaction des guichets dans les territoires, documentée dans le rapport de 2019, est à l’origine des offres mutualisées de services publics, les opérateurs entendus par les rapporteurs voient en France services une offre « du dernier kilomètre », complémentaire à leur réseau et permettant un contact personnalisé et un accompagnement, là où il n’existait plus.

Ainsi, en application de ses obligations légales et du contrat de présence postale, La Poste dispose de plus de 17 000 points de contacts dont 9 926 sont recensés dans les territoires ruraux (2 167 bureaux de poste – parmi lesquels 275 France services – et 6 008 agences communales – points d’accueil de La Poste gérés par un agent communal dans le cadre d’une convention avec des communes ou intercommunalités). Votre rapporteur constate néanmoins une tendance à la rétractation des bureaux de poste en ruralité avec une mutualisation croissante des points postaux (avec des commerces ou des collectivités) comme du service postal lui-même (moindre fréquence de passage des facteurs, dépôt du courrier nécessaire en boîtes postales…). Certes, on ne peut ignorer la diminution considérable du courrier à laquelle La Poste doit s’adapter, mais ce sont les plus fragiles qui se trouvent ainsi pénalisés.

Pour sa part, l’Assurance maladie disposait de 2 002 agences ou points d’accueil fin 2020, la baisse du nombre de guichets des CPAM étant compensée par le développement des MSAP puis des espaces France services dans un contexte de diminution constante de la fréquentation des points d’accueil physique, notamment en raison de l’utilisation du compte AMELI qui rassemble plus de 41 millions d’adhérents.

Part des France Services sur la même commune qu’un point d’accueil CPAM
fin juillet 2022

Source : CNAM, réponses au questionnaire des rapporteurs.

Au-delà des permanences réalisées, en 2022, dans une maison France services sur deux en zones rurales ou de permanences ponctuelles lors des déclarations des revenus et des avis d’imposition, la direction générale des finances publiques (DGFiP) disposait, pour sa part, fin 2022, de 1 870 services pouvant accueillir du public, réalisait 272 permanences en mairies et 56 permanences dans d’autres structures tels des tiers‑lieux, auxquelles s’ajoutent les permanences dans les espaces et les permanences ponctuelles lors des grands rendez‑vous fiscaux. Les créances fiscales peuvent, en outre, être réglées auprès de plus de 14 000 buralistes.

De son côté, Pôle emploi dispose de quelque 900 agences et relais sur le territoire qui ont reçu 6,5 millions de visites (contre 220 000 dans les maisons France services), 45 000 collaborateurs de Pôle emploi intervenant directement auprès des demandeurs d’emploi et des entreprises. Après plusieurs années d’évolution vers l’accompagnement numérique et la prise de rendez-vous, la CNAF a, pour sa part, fait part de sa volonté de réancrer l’accueil inconditionnel et l’accueil téléphonique, mis à mal par l’afflux de demandes liées à la crise sanitaire.

Enfin, le ministère de la justice a rejoint les maisons France services en 2021, en complément des 1 596 points justice – dont 312 soit 20 % en zones rurales – dont le maillage et l’organisation relèvent des conseils départementaux d’accès au droit (CDAD). Certains proposent des permanences en visioconférence depuis un point‑justice urbain, en outre, un numéro unique de l’accès au droit (le 30 39) permet la mise en relation des usagers avec un point-justice de proximité. Plusieurs CDAD (Ardennes, Dordogne et Finistère) ont, en partenariat avec les chambres d’agriculture, créé des point-justice dédiés aux exploitants et salariés agricoles. Au gré des labellisations, des points-justice ont été créés ou relocalisés en France services pour atteindre 774 en décembre 2022.

En définitive, après des années de rétractation des services publics dans les territoires et à l’aune d’un irréversible mouvement de dématérialisation des procédures, les maisons France services permettent un accompagnement de proximité pour les citoyens éloignés du numérique et des guichets de services publics. C’est une offre « du dernier kilomètre », complémentaire des services gestionnaires, et qu’il faut maintenant conforter.

2.   Un positionnement de service de premier niveau…

La charte d’engagement prévoit un « front office » constitué d’au moins deux agents polyvalents présents en permanence pour assurer un accueil physique et téléphonique. France services doit aussi pouvoir être contactée par e‑mail ou par formulaire de contact donnant lieu à une réponse sous 72 heures. En « back office », les opérateurs désignent un correspondant référent, accessible directement par téléphone et par mail.

Lors des auditions conduites par les rapporteurs, les opérateurs ont insisté sur le caractère complémentaire de l’offre France services qui doit rester une offre de premier niveau, les demandes plus complexes ou le suivi des dossiers personnels des usagers relevant des services en titre. Certains acteurs locaux estiment toutefois que les demandes doivent pouvoir être traitées en France services sans que les usagers aient à réaliser d’autres démarches ; cela semble également correspondre au souhait du Premier ministre dont la circulaire du 1er juillet 2019 indiquait : « J’insiste en particulier sur l’importance qui s’attache à ce que les Français puissent accéder, par ce guichet rénové […] à une réponse complète, qui ne se borne pas à une mise en relation avec d’autres services. » Ce bon « calibrage » reste donc sans doute à préciser.

Pour autant, les opérateurs ont fixé un panier de services de premier niveau qui semble correspondre aux demandes des usagers et permettre, in situ, une réponse adaptée. Ainsi, le représentant de Pôle emploi a indiqué aux rapporteurs qu’une demande formulée dans les espaces France services sur deux concerne les échanges avec Pôle emploi (échanges de courriels avec le conseiller référent depuis l’espace personnel, transmission de documents, prise de rendez‑vous en ligne, réalisation d’un entretien visio depuis l’équipement France services…), une demande sur quatre concerne l’utilisation des services numériques liés à la recherche d’emploi ou de formation et une demande sur quatre, l’aide à l’inscription et à l’actualisation (utilisation des simulateurs en ligne, scan de pièces justificatives…). 88 % des demandes concernant Pôle emploi sont ainsi intégralement traitées lors du premier passage en France services.

L’accompagnement en France services pour La Poste concerne les affranchissements, la rédaction des contrats de réexpédition, de garde du courrier et les abonnements mobilité, l’utilisation des services en ligne et l’obtention d’une adresse numérique. Les accompagnements aux démarches de la DGFiP concernent la télédéclaration des revenus, le paiement en ligne des impôts, factures publiques ou amendes, la création d’un espace particulier, les échanges via la messagerie sécurisée ou consistent à renseigner l’usager sur des questions simples relatives aux finances publiques. Ainsi, fin septembre 2022, 80 % des 295 000 sollicitations avaient été traitées par un agent France services et 20 % par un agent de la DGFiP.

Pour sa part, la CNAM a indiqué aux rapporteurs que les demandes consistent, le plus souvent, en une orientation ou un accompagnement vers l’utilisation du compte en ligne AMELI, dans le cadre, le plus souvent, de primo‑demandes, la réalisation de démarches en ligne ; de nombreuses demandes portent sur la complémentaire santé solidaire ou concernent l’obtention d’attestations de droits.

Quant aux demandes exprimées au titre de la CNAF, elles concernent principalement l’accompagnement à la réalisation de démarches en ligne et à la mise en relation avec un conseiller ; les sujets les plus fréquents concernent le RSA, la prime d’activité et les aides au logement. L’agent France services accompagne un usager pour réaliser en ligne une demande de prestation mais ne peut s’engager sur le montant de la prestation versée. Dans le même esprit, les assurés sont accompagnés sur l’espace en ligne de la CNAV mais les situations complexes nécessitent une préparation avant l’échange avec l’assuré qui ne peut être réalisé en temps réel. Pour autant, les situations urgentes, telles les ruptures de ressources, sont signalées aux caisses via la messagerie sécurisée Administration+ et traitées en priorité.

Dans le cadre de l’accompagnement d’usagers en difficulté avec le numérique, les agents France services peuvent réaliser les démarches en ligne pour leur compte via le dispositif Aidants Connect qui permet de valider un mandat pour cette mission ; cependant, certains interlocuteurs des rapporteurs ont estimé ce dispositif complexe.

3.   … avec un « back office » assuré par les correspondants des opérateurs

La circulaire « France services » prévoit que tous les partenaires doivent désigner des référents locaux « back office » (un par implantation France services), facilement joignables et/ou réaliser des permanences physiques et/ou en visioconférence afin de résoudre les cas les plus complexes sans que l’usager ait à se déplacer dans un autre guichet.

Toutes les France services doivent disposer d’un canal de contact direct avec les opérateurs locaux via une ligne téléphonique et/ou une adresse mail dédiée pour les questions courantes ou via la messagerie sécurisée Administration+ pour les questions complexes et nécessitant la transmission de documents personnels. Les réponses sont attendues dans un délai de 72 heures (délai ne semblant pas toujours respecté). L’opérateur concerné peut reprendre contact directement avec l’usager ou bien celui‑ci doit se rendre à nouveau en France services pour finaliser sa démarche.

Si tous les opérateurs entendus par les rapporteurs ont indiqué avoir un « back office » dédié (joignable par téléphone ou mail et par la messagerie sécurisée Administration + pour les situations d’urgence ou traitant de données personnelles), les modalités d’actualisation des contacts sont un des axes de travail défini avec les opérateurs pour 2023. Les rendez-vous par visioconférence – depuis le domicile de l’usager ou en France services – sont également possibles mais semblent moins utilisés à ce jour.

Plusieurs opérateurs complètent ce moyen de contact direct par des permanences physiques dans les espaces France services. C’est ainsi le cas de la DGFiP qui organise des permanences, en particulier pendant les périodes de campagnes fiscales (campagne déclarative des revenus ou campagne de réception des avis d’impôts), des CPAM (qui proposent désormais des prises de rendez‑vous téléphonique via le compte AMELI – ce qui suppose néanmoins d’être en mesure de s’y connecter), mais aussi la CNAV dans environ la moitié des départements, sur rendez-vous, la MSA dans certains espaces France services. La CNAF indique, à la lumière d’une enquête dans 30 départements, effectuer, en moyenne, des permanences dans 17 % des France services (d’une fois par mois à plusieurs fois par semaine). De même, un tiers des espaces France services accueillent des points‑justice dont les permanences sont assurées par les personnels des CDAD et/ou des avocats, notaires, conciliateurs de justice… Des permanences de Pôle emploi peuvent être organisées mais l’opérateur privilégie le conseil personnalisé, dans le cadre de rendez-vous en visio avec un conseiller référent chargé d’accompagner le demandeur d’emploi. Quant au ministère de l’intérieur, il organise son « back office » entre l’ANTS et les points d’accueil numériques des préfectures, une diffusion des bonnes pratiques étant prévue pour harmoniser et améliorer le système en vigueur.

En définitive, l’accueil en France services reste un accompagnement de premier niveau qui ne se substitue pas aux missions des opérateurs pour traiter les questions de fond et les dossiers personnels relevant d’une règlementation souvent complexe et évolutive. Il a été indiqué aux rapporteurs que parfois, des agents France services, face à des usagers en grande difficulté, pouvaient, avec le souci de bien faire, fournir des informations non pertinentes. Une formation renforcée devrait permettre de travailler sur les postures et la manière de répondre – ou de ne pas répondre – aux questions des usagers. Selon les informations transmises aux rapporteurs, un groupe de travail piloté par l’ANCT autour des partenaires nationaux doit élaborer un guide destiné aux agents France services pour déterminer, selon chaque situation, ce qui relève ou non du premier niveau.

Même si elle est encore imparfaite, cette organisation d’ensemble correspond à la proposition n° 13 du rapport de 2019 consistant à prévoir un accès multicanal à tous les services publics en complétant l’accès normal en ligne par une possibilité de recourir à d’autres modes d’accès téléphoniques ou physiques. Pour autant, il faudra suivre avec attention l’efficacité de cette répartition des tâches ; en effet, si le service rendu est un service de premier niveau alors que le Premier ministre, par sa circulaire de juillet 2019, souhaitait que la réponse apportée soit complète, il est fondamental que les agents France services puissent joindre facilement les correspondants de chaque opérateur. Cette articulation entre agents France services et opérateurs doit donc être évaluée prioritairement.

La mission que le ministre de la transformation et de la fonction publiques vient de confier à la députée Marie-Agnès Poussier-Winsback et au sénateur Bernard Delcros pour travailler sur l’enrichissement de l’offre de services et le développement de la démarche « d’aller vers » les usagers permettra, sans aucun doute, d’améliorer le dispositif existant.

La maison France services de Montrichard Val de Cher

Labellisée en janvier 2021, la maison France services est portée par la mairie de Montrichard et voisine de la Mission locale, ce qui contribue à sa fréquentation. Ainsi, en 2022, ses agents ont réalisé 6 989 actes, soit une moyenne de 29 actes quotidiens dont 94 % sont finalisés dans l’espace France services. 48 % des actes (soit 3 355) consistent à accompagner des personnes non autonomes.

Répartition des accompagnements par partenaire socle

La maison France services a progressivement augmenté le nombre d’opérateurs accueillis, qui oscille entre 35 et 40. Les organismes partenaires proposent, de façon hebdomadaire ou mensuelle, des sessions de formation, des ateliers, des entretiens individuels en présence ou en visioconférence, ou téléphoniques ; il s’agit parfois d’une simple utilisation des locaux pour du coworking ou l’animation de réunions (il peut s’agir d’entreprises qui loueront alors l’espace, évitant ainsi d’ouvrir un bureau dans la localité).

Outre les opérateurs socle, les autres opérateurs (ou partenaires) appartiennent au secteur du logement (Soliha), de la rénovation (ADIL, conseiller France Rénov’), de l’emploi et de la formation (GRETA, agences d’interim d’insertion), de la lutte contre l’illettrisme et l’illectronisme (CRIA, À Lire), de la mobilité solidaire (Wimoov), du handicap (UROPEDA, APAJH‑SAVS territorial), de la famille et de la lutte contre les violences intrafamiliales (CIDFF, Planning familial), de l’accès aux droits et de la justice (France Victimes, médiation familiale, SPIP), de la Mutualité, du soin et de l’aide à la personne... S’y ajoutent des interventions de l’armée pour des entretiens ponctuels.

La MFS peut participer et soutenir les initiatives de la collectivité : ainsi abrite-t-elle les cours de code hebdomadaires organisés par la Mission locale de Blois pour les jeunes de 18 à 25 ans suivis par la mission, laquelle prend en charge le coût du permis de conduire du jeune en contrepartie de 105 heures de travaux d’intérêt communal. La disponibilité d’une structure permet au responsable de la MFS, agent de la collectivité territoriale, d’accueillir de nouveaux partenaires en répondant de manière fine aux besoins des administrés : ainsi, par exemple, le projet de faire venir un professionnel pour accueillir les jeunes victimes de harcèlement scolaire, sous réserve cependant de mobiliser le financement correspondant aux interventions.

La MFS bénéficiait de la présence d’une conseillère numérique un jour par semaine, celle-ci doit être remplacée, ayant été appelée à d’autres fonctions. Le processus de recrutement est engagé.

III.   AGENTS FRANCE SERVICES : UN MÉTIER À CONFORTER

La circulaire du 1er juillet 2019 prévoit la présence, en France services, d’au moins deux agents polyvalents, l’État pouvant le cas échéant mettre à disposition un agent de préfecture, de sous-préfecture ou de trésorerie tandis que des jeunes en service civique peuvent renforcer ponctuellement les effectifs.

Aujourd’hui, les agents France services – près de 7 000 – ont des profils très variés : beaucoup sont fonctionnaires territoriaux (les deux tiers des espaces France services étant portées par des collectivités), fonctionnaires de l’État, agents de La Poste, de la MSA, salariés d’associations (PIMMS, Familles rurales...), contractuels...

Selon une enquête conduite en 2021 dans près de 500 structures, 40 % des agents France services sont fonctionnaires titulaires, 85 % sont des femmes, 45 % ont entre 40 et 55 ans et 42 % ont au moins un bac + 2. Un travail sera mené cette année pour mieux connaître leur profil, leur statut, leur niveau de qualification.

Le bouquet de services renforcé des espaces France services, les formations initiale et continue nécessaires, la maîtrise de nombreuses procédures constituent une évolution vers une véritable professionnalisation des missions des agents France services. Les rapporteurs de 2019 avaient donc émis le souhait de voir créé un métier d’agent polyvalent d’accompagnement du public avec une obligation de formation continue, mis en place un plan national de formation et de certification des compétences et constitué, chez chaque opérateur, un réseau d’interlocuteurs bien identifiés, compétents et à la disposition des agents d’accueil (proposition n° 17).

Il convient de souligner que des agents fonctionnaires territoriaux sont nommés responsables de la maison France services tout en demeurant fonctionnaires de catégorie C, ce qui ne peut correspondre à leurs responsabilités en termes d’organisation, de formation et de gestion des agents impliqués dans l’accueil et le bon fonctionnement de la maison France services.

Selon les informations transmises aux rapporteurs, des travaux seront menés en 2023 pour mieux prendre en compte le métier de conseiller France services : le renforcement de la formation initiale et continue, l’élaboration de fiches de poste standardisées et l’engagement d’une démarche visant à identifier ce métier émergent (référentiel, titre professionnel, etc.), à structurer le parcours professionnel pour ouvrir des perspectives de carrière… ce qui constitue un pas vers les préconisations de 2019. Cette démarche est nécessaire à la consolidation de France services dont la crédibilité repose sur les compétences de ses agents et la réactivité du « back office » ; elle l’est également en raison des difficultés à recruter relevées par plusieurs interlocuteurs des rapporteurs.

A.   LA FORMATION DES AGENTS FRANCE SERVICES DOIT ÊTRE AJUSTÉE

La circulaire du 1er juillet 2019 prévoit une formation socle obligatoire et régulièrement actualisée des agents France services ([51]). Si la croissance rapide du réseau et la crise sanitaire n’ont pas facilité sa mise en œuvre, la formation initiale, jugée insuffisante, a dû être complétée, sous des formes et des temporalités hétérogènes, par les opérateurs.

1.   Une formation initiale insuffisante

La formation initiale est assurée par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) dans le cadre d’une convention de partenariat avec l’ANCT et la Banque des territoires. Des sessions sont organisées à l’initiative des préfectures dans le cadre des candidatures à la labellisation. La formation initiale est organisée en deux séquences : la première, de deux jours et demi, constitue la « formation socle » dédiée à l’apprentissage du métier d’agent France services, la seconde, de trois jours, concerne les démarches administratives de chaque opérateur.

Le contenu de la formation initiale des agents France services

 La formation à l’accompagnement des usagers se déroule en présentiel sur 2,5 jours : Il s’agit d’identifier les enjeux de la fonction d’accueil et les missions de l’agent, les attentes des usagers ; de s’approprier les méthodes et outils pour un accueil efficace et de qualité ; d’adapter son accueil aux différentes situations ; d’accompagner l’usager vers l’autonomie dans ses démarches papier ou dématérialisées ; de comprendre les enjeux et l’utilité du reporting.

Sont aussi abordés les enjeux et bonnes pratiques de la médiation numérique à laquelle s’ajoute une formation à distance portant sur l’outil de saisie de l’activité des agents France services, Administration + et les enjeux du programme Services Publics +.

 La formation métiers par les neuf opérateurs se déroule sur 3 jours :

- Préfecture : La posture attendue des agents France services, j’actualise ma situation administrative

- CAF-MSA-CNAM : Je fais une démarche administrative santé et j’attends un enfant

- CAF-MSA-La Poste : Je gère mon habitat

- Pôle emploi : Je suis en recherche d’emploi

- CNAV-MSA : Je prépare ma retraite, j’ai perdu un proche

- DGFiP : Je comprends ma situation fiscale et Je suis en situation de précarité financière

- Ministère de la justice : Je fais face à une difficulté juridique ; Je suis victime d’une infraction ; Le numéro unique de l’accès au droit

- CAF-MSA-La Poste-DDFiP-CNAM : Je suis en situation de précarité

- CAF : Je me sépare.

Ce format très compact conduit les opérateurs à organiser des formations complémentaires à distance ou en présentiel. Les agents France services peuvent aussi se voir proposer des séquences d’immersion dans les permanences d’accès au droit, de conciliateurs de justice, dans des caisses primaire d’assurance maladie ou de retraite, dans les points d’accueil numérique ou dans d’autres maisons France services...

Il n’en demeure pas moins que la formation initiale de cinq jours et demi est jugée trop courte et trop dense alors que l’offre France services concerne quelque 200 actes contre 80 en MSAP. À titre de comparaison, la formation des agents des MSAP sur les sujets relevant de la caisse d’allocations familiales s’étalait sur quatre jours et une journée d’immersion ; or, tous les agents France services ne sont pas issus de ces anciennes structures.

Conscient de ces difficultés, le comité de pilotage France services tenu en octobre 2022 a prévu de porter, cette année, la formation initiale des agents France services à 11 jours et d’étudier la faisabilité d’une académie France services, permettant une meilleure coordination des formations et la mise en commun des ressources humaines et pédagogique des opérateurs.

2.   La formation continue polymorphe

Depuis septembre 2020, des sessions de formation mensuelles sur les évolutions du bouquet de services sont organisées par l’ANCT. Elles prennent la forme de webinaires nationaux d’une à trois heures (soit 20 à 30 heures de formation par an) animés par un ou plusieurs opérateurs sur une thématique choisie en fonction des besoins des agents, de l’actualité et des évolutions administratives. Une plateforme dédiée rassemble les supports de formation généralistes ou relayés par les opérateurs. Des sessions de formation continue sont aussi organisées localement.

Ainsi, la DGFiP organise localement des formations complémentaires sur les thématiques suivantes :

Thème

Format

Calendrier

Présentation des fondamentaux de l’impôt sur le revenu

Une demi-journée en présentiel

En amont de la campagne déclarative

Présentation des nouveautés de la campagne déclarative de l’impôt sur le revenu

Une demi-journée en présentiel

Chaque année en amont de la campagne déclarative

Présentation des fondamentaux des impôts directs locaux

Une demi-journée en présentiel

En amont de la campagne des avis

Présentation des nouveautés de la campagne des avis

Une demi-journée en présentiel

Chaque année en amont de la campagne des avis

Présentation des produits locaux

Formation en ligne d’1h

 

Présentation des amendes

Formation en ligne d’1h

 

Présentation des services en ligne

Formation en ligne d’1h

 

Promotion du paiement à distance

Formation en ligne d’1h

 

Elle a également organisé deux webinaires dans le cadre de la nouvelle obligation déclarative pour les propriétaires de locaux.

La Poste programme tous les mois deux demi-journées de formation à distance portant sur la médiation numérique et propose 15 modules d’autoformations réalisables à distance en une dizaine de minutes via une plateforme en ligne.

Le ministère de la justice a, pour sa part, animé, en octobre 2022, deux webinaires relatifs à l’aide juridictionnelle et au système d’information de l’aide juridictionnelle ; un prochain devrait avoir lieu en avril 2023 sur les modes alternatifs de règlement des différends (conciliation de justice, médiation), l’orientation vers les acteurs de l’accès au droit, leurs attributions, leurs rôles respectifs, l’orientation des usagers ayant une question de droit notarial. Pour sa part, la CNAM a animé, en 2021 des webinaires sur l’ouverture de « Mon espace santé » et sur l’aide médicale d’État ; la CNAF réalise également mensuellement des contenus sur les nouveautés réglementaires et digitales, relayés localement. Les caisses de retraite organisent localement des webinaires thématiques et la CNAV prévoit d’expérimenter un module d’autoformation en ligne.

Force est de constater que l’offre de formation continue est riche, dense et concerne un grand nombre de procédures. Les agents France services qui souhaitent suivre ces modules doivent donc être en mesure de dégager, de manière régulière, le temps nécessaire pour les suivre. S’invite aussi le risque de voir ces derniers noyés sous une information pléthorique. Il y a donc tout un travail de structuration de la formation à mener tout en s’assurant de sa soutenabilité pour les agents France services.

B.   LES CONDITIONS D’INTERVENTION DES AGENTS FRANCE SERVICES : « FAIRE OU NE PAS FAIRE À LA PLACE DE…, TELLE EST LA QUESTION »

Chaque agent doit donc pouvoir assister toute personne en difficulté avec l’outil informatique et veille à prévenir et à signaler les situations de non‑recours aux droits. La charte nationale d’engagement l’indique, les agents France services accompagnent les usagers pour la réalisation de leurs démarches en ligne dans un cadre éthique et bienveillant garantissant notamment un usage responsable des données personnelles, tandis que les actions de médiation – notamment numériques – doivent être effectuées dans le respect de la vie privée des usagers. Cependant les cas de fraude devront être signalés aux autorités compétentes.

Pour autant, en cohérence avec la logique de voir réaliser des accompagnements de premier niveau au sein des espaces France services, les opérateurs entendus par les rapporteurs ont indiqué soit exclure que les agents France services « fassent à la place de… », soit garder à ce type d’accompagnement, un caractère exceptionnel. Dans ce cas, l’usager donne mandat à l’agent habilité (sous forme papier ou via la plateforme Aidants Connect), procédure qui, selon certains, s’apparente à un petit parcours du combattant.

Il y a une logique à cela car le préalable à la création de comptes en ligne (par exemple un compte AMELI) suppose une dématérialisation des échanges et donc une relative autonomie numérique de la part de l’usager.

En tout état de cause, les modalités d’échange avec les opérateurs et le périmètre d’action des agents France services constituent des sujets importants qui contribuent à assoir la légitimité du programme. Ils doivent donc faire l’objet de toutes les attentions. La proposition n° 14 du rapport de 2019, de délimiter et de sécuriser l’intervention des accompagnants, s’est incontestablement vue apporter une réponse, même si elle reste à parfaire.

IV.   UN FINANCEMENT EN DÉBAT

Les rapporteurs de 2019 avaient insisté sur la nécessité d’assoir le programme France services sur des financements pérennes, basés sur des coûts régulièrement évalués. Ils avaient, dans une proposition n° 19, demandé la sécurisation des financements pluriannuels des maisons France services. Un récent rapport d’inspection, plusieurs travaux parlementaires et les auditions conduites pour la présente mission de suivi confirment l’actualité de ces préoccupations.

A.   UN FINANCEMENT PUBLIC À CONFORTER

La circulaire du 1er juillet 2019 prévoit une participation forfaitisée au financement de chaque maison labellisée à hauteur de 30 000 euros par an (répartis entre le Fonds national France services [FNFS] alimenté par les opérateurs et le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire [FNADT]) ([52]). Les maisons France services portées par La Poste perçoivent 26 000 euros au titre du Fonds postal de péréquation territoriale et 4 000 euros du FNFS. La circulaire prévoit également un investissement de 30 M€ de la Banque des territoires de la Caisse des dépôts dont 17 M€ pour la montée en gamme des MSAP postales, 10 M€ pour l’animation du réseau et 3 M€ pour le déploiement de bus France services.

Financement du dispositif France SERVICES pour 2023

Fonds national France services 2022

36 740 000 €

Fonds national d’aménagement et de

développement du territoire

35 100 000 €

Fonds postal de péréquation territoriale

10 660 000 €

TOTAL

82 500 000 €

Pour autant, calculé sur le fondement du coût moyen des MSAP, il apparaît clairement que la participation de l’État et des opérateurs au dispositif est loin de couvrir le coût d’un espace France services, lequel peine à être connu. En effet, le récent rapport d’inspection sur le modèle de financement du programme ([53]) – que les rapporteurs regrettent de n’avoir pu consulter au moment de la rédaction de leur rapport – estime le budget moyen des espaces France services en 2020 et 2021 à environ 110 000 euros ([54]). Selon les informations communiquées aux rapporteurs, le coût moyen d’une maison France services postale est de 140 000 euros par an dont les deux tiers sont constitués de frais de personnel.

Lorsque la structure « France services » est hébergée dans une implantation de l’État, le financement forfaitaire perçu est réduit à la hauteur du coût des prestations mutualisées offertes.

Tel que défini, le financement de l’État et des opérateurs laisse un important reste à charge aux porteurs de projet qui sont, aux deux tiers, des collectivités territoriales. Dans ce contexte, un financement de 12,5 M€ supplémentaires a été annoncé par le ministre de la transformation et de la fonction publiques et la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, cette dernière indiquant que ces nouveaux moyens dont sont dotés les France services permettront d’amplifier la dynamique du réseau et de pérenniser son maillage territorial. Les rapporteurs se réjouissent de cette participation supplémentaire de l’État au reste à charge mais il est dès à présent nécessaire de réfléchir à un système de financement soutenable et pérenne de ce réseau qui répond au déficit d’accès des citoyens aux services publics et au besoin d’accompagnement à la réalisation de démarches dématérialisées.

B.   L’ALIMENTATION DU FONDS NATIONAL FRANCE SERVICES EN QUESTION

L’alimentation, par les opérateurs, du Fonds national France services (FNFS) fait également l’objet de débats : actuellement, la répartition de la contribution des partenaires de France services au FNFS se fonde sur le nombre d’usagers accueillis annuellement au sein des points physiques de chacun des partenaires et sur le nombre d’usagers potentiels du réseau France services au niveau national.

Pour 2023, la contribution de chaque opérateur socle a ainsi été établie, sur la base de 2 750 France services :

Opérateur

Clé de répartition FNFS

Participation FNFS

Ministère de l’intérieur

13,75 %

5 051 750 €

DGFiP

13,75 %

5 051 750 €

CNAV

6,50 %

2 388 100 €

MSA

6,50 %

2 388 100 €

CAF

11,75 %

4 316 950 €

CNAM

13,75 %

5 051 750 €

Pôle emploi

13,75 %

5 051 750 €

La Poste

13,75 %

5 051 750 €

Ministère de la justice

6,50 %

2 388 100 €

Pour les années 2024 et 2025, un avenant financier à l’accord‑cadre en vigueur sera élaboré collégialement afin de mettre à jour la répartition des contributions de chaque partenaire de France services.

Corrélativement à la progression du réseau, la contribution des opérateurs au FNFS a fortement augmenté entre 2020 et 2022, passant ainsi de 2 505 600 à 4 419 938 euros pour La Poste, de 2 505 600 à 4 639 938 euros pour la CNAM et Pôle emploi, de 1 036 800 à 2 193 425 euros pour la CNAV, de 2 160 000 à 3 965 038 euros pour la CNAF.

Les opérateurs entendus par les rapporteurs ont exprimé leurs inquiétudes sur le financement des maisons France services dans un contexte de forte croissance du réseau et de baisse tendancielle de leurs moyens de fonctionnement. Le financement de France services est un sujet d’inquiétude pour les porteurs comme pour les opérateurs dans un contexte de budgets contraints. Au-delà de la participation au FNFS s’ajoutent les frais induits par la formation tandis que les porteurs supportent la charge des locaux et des équipements…

Plusieurs voix se sont fait entendre pour que l’État augmente sa participation au dispositif ; ainsi, l’Association des maires ruraux de France (AMRF) souhaite notamment voir portée à 70 000 euros la participation de l’État au fonctionnement annuel des France services, et exclut des financements de la DETR le soutien au fonctionnement des MFS. La commission des finances du Sénat, qui s’est aussi saisie de ce sujet, appelle à porter la contribution cumulée de l’État et des opérateurs à 50 % du coût minimal d’une maison, soit 50 000 euros par an et par maison, tout en maintenant la parité entre État et opérateurs nationaux.

Il a été indiqué aux rapporteurs que des discussions devaient être conduites avec tous les acteurs, dans la perspective d’une évolution des modalités de financement à l’horizon 2024. La proposition n° 18 du rapport de 2019 d’instituer un dispositif de mesure des coûts des espaces France services et la proposition n° 19 d’en sécuriser les financements pluriannuels restent d’actualité.

V.   COMMUNICATION, PILOTAGE ET SUIVI : LA MESURE DE LA PERFORMANCE EN QUESTION

Points faibles des MSAP, la communication et le pilotage du réseau France services sont une composante nécessaire de sa réussite. Il est également important que le développement de ce nouveau réseau soit assorti des indicateurs de performance inhérents à chaque politique publique. Telles étaient les préoccupations exprimées dans le rapport de 2019, de renforcer la visibilité du réseau (proposition n° 16) et d’instituer un dispositif de mesure de la performance (proposition n° 18).

Force est de constater que la croissance très rapide du réseau et la crise sanitaire n’ont pas favorisé la mise en œuvre de ces aspects du programme France services, ce que la phase de consolidation, en cours, devrait permettre.

A.   DES POINTS FRANCE SERVICES INSUFFISAMMENT CONNUS DU PUBLIC ET DES ACTEURS LOCAUX

Les rapporteurs de 2019 l’avaient souligné : la première condition de l’accessibilité, c’est la notoriété. Or, sur ce plan, le bilan des MSAP était très mitigé. Ils avaient donc appelé à développer l’information par la distribution de kits de communication, par les bulletins municipaux ou l’organisation de journées portes ouvertes… à destination des usagers comme des acteurs locaux (mairies, agences des opérateurs, travailleurs sociaux, voire directeurs d’établissements scolaires), et formulé une proposition n° 16 tendant à renforcer la visibilité du réseau en mettant en place une politique de communication adaptée et à informer régulièrement les secrétariats de mairie des services proposés en France services.

En application du point 5 de la charte d’engagement, les agents France services sont chargés, avec l’appui des préfectures et des partenaires, de l’animation et de la promotion des maisons France services ; un soin particulier devant être apporté à la signalétique et à la diffusion de l’information par le biais de dépliants et des réseaux sociaux.

Plusieurs campagnes de communication nationale ont été mises en œuvre en 2021 et 2022 : en avril-mai 2021 avec la diffusion de spots publicitaires sur les chaînes de télévision et des insertions dans les principaux organes de la presse régionale ; en septembre-octobre 2021 avec un partenariat sur les bulletins météo de France Télévisions, des insertions dans les principaux organes de la presse régionale et la diffusion de chroniques pour les radios locales ; en janvier‑février 2022, la diffusion de spots publicitaires sur les chaînes de télévision.

Des outils de communication « clé en main » : kakemonos, affiches et flyers départementaux personnalisés, modèles d’articles pour les bulletins municipaux, vignettes pour les réseaux sociaux… ont été transmis à tous les espaces France services. Plus de 6 658 produits dédiés à la signalétique extérieure (panneaux, plaques…) ont été livrés à près de 1 800 France services.

Des webinaires et sessions de formations se tiennent régulièrement pour accompagner et former les agents (prise en main des outils, réseaux sociaux, relations presse…) tandis qu’une ligne directe, par téléphone ou par mail, permet de joindre l’agence de communication chargée du programme.

Afin de mieux associer les mairies et autres acteurs locaux, une journée nationale des secrétaires de mairie en France services et des réunions départementales à destination des associations de solidarité ont été organisées.

Selon une enquête conduite en janvier 2022, à l’issue de ces campagnes de communication, plus de 7 Français sur 10 déclaraient avoir entendu parler de France services (contre 58 % en 2021 et 43 % en 2020) mais seulement 29 % avaient connaissance de l’existence ou non d’une maison France services près de chez eux. C’est donc au niveau local que des efforts de communication doivent être réalisés. Les auditions conduites par les rapporteurs ont corroboré la nécessité d’un effort de communication, le jeune réseau France services étant encore insuffisamment connu des citoyens et des acteurs locaux. Ainsi, une récente enquête conduite par la CNAV auprès de 7 000 personnes indiquait que seules 700 personnes avaient connaissance de France services.

Il est nécessaire de communiquer davantage, en particulier en direction des communes voisines de celle abritant une maison France services. Aux dires des opérateurs, cette communication de proximité est fondamentale en particulier pour atteindre les personnes qui restent « sous les radars » dans les zones rurales. Pour sa part, la MSA a donné mission aux agents France services des maisons qu’elle porte de se présenter à l’ensemble des acteurs du territoire concerné, et des réunions ont été organisées avec les secrétaires de mairie. La Poste a expérimenté des modalités d’« aller vers » via des facteurs-guichetiers qui, au cours de leur tournée dans un véhicule aux couleurs de France services, assurent la promotion du service à la population. En seconde partie de journée, ils font des permanences dans des lieux partenaires (mairie, centre communal d’action sociale) ou des bureaux de poste situés à 30 km maximum d’une France services postale labellisée.

Ce type de communication « interactive » permet, non seulement de connaître l’existence des maisons France services de proximité, mais aussi de faire connaître leur champ d’intervention : ce qu’elles font et ce qu’elles ne font pas.

B.   UNE GOUVERNANCE, UNE ANIMATION ET UN SUIVI À AMÉLIORER

La diversité des porteurs, des implantations et des publics des espaces France services se traduisent par un réseau hétérogène et renforcent la nécessité d’un pilotage et d’un suivi efficaces.

1.   Une gouvernance nationale et départementale

Selon la circulaire du 1er juillet 2019, le référent « accessibilité des services au public » des préfectures, membre du corps préfectoral, doit veiller au respect de la charte d’engagement et du bouquet de services socle. Les préfectures de département sont garantes du respect des engagements des opérateurs nationaux inscrits dans l’accord-cadre national et décliné dans les conventions départementales, elles identifient les difficultés rencontrées et sollicitent les opérateurs concernés pour les résoudre.

Gouvernance nationale, pilotage et stratégie de communication sont partagés entre l’ANCT, la Banque des territoires et la direction générale des collectivités locales qui consacrent respectivement 6, 8 et 3 postes à ces missions. Le suivi de la mise en œuvre de la convention-cadre signée avec les opérateurs est réalisé dans les différentes instances de pilotage nationales :

– les réunions bimensuelles des opérateurs où sont traitées les questions relatives à la formation, au « back office », aux systèmes d’information, à l’animation, à la qualité de services, etc. ;

– les comités stratégiques trimestriels pour définir les orientations stratégiques des différents axes du programme ;

– le comité de pilotage annuel présidé par le ministère de tutelle qui valide les orientations du comité stratégique.

En 2022, des groupes de travail thématiques ont été constitués avec les opérateurs pour préparer l’acte II du programme France services et l’accord‑cadre 2023‑2025.

2.   Une animation du réseau à développer

L’animation du réseau revêt une importance clef ; en effet, les maisons France services d’un même département ne se connaissent pas toujours tandis que la qualité du service rendu repose sur celle des liens avec les opérateurs. Le développement très rapide du réseau rend cet exercice à la fois nécessaire et exigeant.

Pour animer le réseau et le faire monter en qualité, des animateurs départementaux, financés par l’ANCT à hauteur d’un demi-ETP et 25 000 euros, réalisent par exemple des « fiches-visites » pour identifier les réussites et les faiblesses des France services. Issus des maisons France services, ils avaient été désignés dans 61 départements fin 2022.

Au-delà de leur participation aux manifestations et aux rendez‑vous nationaux et locaux, les opérateurs ont structuré des canaux de communication dédiés. Ainsi, les rencontres régionales annuelles organisées par Pôle emploi permettent des échanges entre l’opérateur et les acteurs de France services sur les problématiques qu’ils peuvent rencontrer. Localement, les conseils départementaux d’accès au droit associent les agents France services aux événements de promotion de l’accès au droit qu’ils organisent (colloques, portes ouvertes, projections de films, etc.). Plusieurs opérateurs ont indiqué diffuser régulièrement des contenus dans le cadre de newsletters.

3.   Le suivi doit être amélioré

La circulaire du 1er juillet 2019 prévoit qu’une campagne d’évaluation sera conduite chaque année dont les résultats seront rendus publics, incluant une mesure de la satisfaction des usagers sur le service rendu. Le 3e engagement de la charte prévoit, de son côté, la mise en œuvre de plusieurs dispositifs de suivi : un reporting trimestriel obligatoire pour rendre compte aux opérateurs de la fréquentation et des sollicitations ainsi que des audits flash et des enquêtes (enquêtes annuelles de satisfaction, enquêtes mystères) conduits par l’ANCT. Des évaluations du coût global du fonctionnement du réseau France services doivent être réalisées par l’ANCT.

Après trois années de montée en puissance du réseau, son suivi et son évaluation doivent être consolidés afin de s’assurer de l’efficacité du programme mais aussi de sa capacité à atteindre les usagers les plus éloignés des services publics.

a.   Des outils de suivi à améliorer

Comme toute politique publique, le programme France services doit être évalué à la lumière de critères permettant de définir son efficacité, sa pertinence, son impact, sa cohérence et son efficience.

Le suivi et l’évaluation des maisons France services sont une nécessité pour les porteurs de programme, les acteurs locaux mais aussi pour les opérateurs qui ont besoin de connaître la nature des demandes les concernant et la façon dont elles sont traitées dans les espaces France services. Pour autant, les agents doivent pouvoir renseigner les informations nécessaires de manière simple et rapide.

À cette fin, une plateforme, conçue avec la Banque des territoires, permet aux agents France services d’établir en continu le compte rendu des accompagnements à destination des opérateurs. Pour autant, plusieurs opérateurs ont souligné, en l’état, les limites des outils proposés notamment pour identifier les personnes qui ont besoin de s’adresser à l’opérateur après une visite en France services.

À compter de l’été 2023, la mise en place d’un nouveau système d’information devrait faciliter le reporting et enrichir les données disponibles (fréquentation, connaissance des publics, gestion des incidents, relation au « back office »…).

Les informations recueillies jusqu’à présent ont néanmoins permis de comptabiliser le nombre d’accompagnements réalisés depuis le lancement du réseau : 10 millions et une moyenne actuelle de 500 000 accompagnements mensuels. La répartition des accompagnements réalisés en 2022 dans les espaces France services s’établit ainsi :

Source : réponses au questionnaire ministériel des rapporteurs.

D’après les informations transmises par la Banque des territoires, près de 130 accompagnements mensuels sont en moyenne réalisés par les France services situées en ZRR (la moyenne nationale étant de 203) ; ces dernières représentent 51 % des territoires couverts par le réseau ; 37 % des demandes sont traitées par des maisons France services rurales.

Les demandes formulées auprès des opérateurs socle dans le cadre de France services sont, à ce jour, très inférieures aux demandes traitées par les opérateurs eux-mêmes, au guichet, par internet ou par téléphone. À titre d’exemple, au moment de la campagne déclarative 2022, la DGFiP a traité près de 117 000 demandes en France services contre environ 2,35 millions au guichet tandis qu’en 2021, près de 370 000 demandes concernant la CAF ont été traitées dans les France services soit 10 % de l’ensemble des demandes pour cette même année.

Il n’y a rien là de très étonnant dans la mesure où l’offre France services représente une offre complémentaire, destinée aux personnes éloignées des guichets ou du numérique. Enfin, les territoires ruraux auxquels s’adresse notamment ce dispositif, sont moins peuplés et plus éloignés des guichets que les zones urbaines.

Néanmoins, le dispositif monte en puissance : ainsi, fin 2022, l’activité France services portée par La Poste représentait plus de 500 000 actes, soit plus de 2,3 fois plus qu’en 2021.

Les appréciations des usagers recueillies par 500 bornes déployées dans les maisons France services font apparaître que 86 % sont en difficulté avec le numérique, 80 % des démarches sont entièrement résolues dès la première visite, 9 % doivent revenir, 7 % les finalisent en autonomie et 2 % sont redirigés vers un partenaire.

Une enquête sur la qualité de la relation avec le « back office » a été conduite, en novembre 2022, dans les France services ([55]), qui a permis d’identifier les difficultés rencontrées en fonction des opérateurs. À l’appui de celle‑ci, les préfectures doivent conduire, au premier trimestre 2023, un plan d’action pour corriger les difficultés rencontrées, en collaboration avec les opérateurs concernés. Cette enquête sera reconduite en novembre 2023 pour comparer l’évolution de la qualité du « back office ». Enfin, en 2023, plus de 800 France services labellisées en 2020 feront l’objet d’un audit de contrôle-qualité.

b.   Des indices de satisfaction encourageants

Plusieurs mesures de qualité de service ont été mises en place : ainsi, 500 bornes de satisfaction installées dans des espaces France services ont permis de recueillir 122 000 avis et 25 000 commentaires qui ont fait apparaître un taux de satisfaction de 94 % des usagers.

650 enquêtes mystères menées dans 500 France services (500 enquêtes au titre du programme France services – IPSOS – et 150 dans le cadre du baromètre ex‑Marianne / Services publics) se sont conclues par une note moyenne de 7,2/10.

Plusieurs opérateurs ont également interrogé leurs usagers sur la qualité du service rendu. Ainsi, la CNAM a recueilli l’appréciation de 1 080 assurés s’étant rendus dans un espace France services : plus de 70 % ont été satisfaits du service rendu… sans pour autant recommander France services comme intermédiaire de contact avec l’Assurance maladie, contrairement aux 14 500 assurés reçus aux guichets des CPAM qui ont exprimé un taux de satisfaction de plus de 73 % et recommandent ce mode de contact.

Dans le cadre des enquêtes de satisfaction conduites par la DGFiP après les rendez‑vous avec ses agents dans les espaces France services, les mairies ou autres tiers‑lieux, 89 à 99 % des personnes interrogées au premier semestre 2022 se sont déclarées satisfaites, c’est aussi le cas de plus de 92 % des 12 000 utilisateurs de points‑justice interrogés dans le cadre de l’enquête annuelle conduite en 2021.

Pour autant, plusieurs opérateurs sociaux entendus par les rapporteurs ont regretté le caractère déclaratif du suivi et exprimé le souhait de pouvoir identifier un suivi de la relation client afin de connaître l’existence ou non de réitération des demandes des usagers.

Selon les informations transmises à vos rapporteurs, un plan de contrôle des France services sera engagé cette année dans le cadre d’un marché avec un cabinet de certification pour vérifier le respect du cahier des charges et rectifier les situations qui le nécessitent.

Enfin, si vos rapporteurs se réjouissent des résultats des enquêtes récentes quant à la qualité du service rendu, il faudrait également s’intéresser aux citoyens qui ne réalisent pas ou plus les démarches administratives qui les concernent et la nature des freins qui les empêchent de les réaliser. En effet, les résultats du dispositif France services doivent certes être appréhendés en termes de fréquentation et de service rendu mais également sur sa capacité à représenter une offre du « dernier kilomètre » pour nos concitoyens les plus éloignés des services publics. Les demandes concernant les démarches dématérialisées formulées auprès des mairies rurales, le travail d’accompagnement des secrétaires de mairie et la part des usagers orientés par celles-ci vers les espaces France services pourraient utilement être mesurées car cet important volet de l’accompagnement des citoyens par les mairies est une réalité qui doit être prise en compte et accompagnée.

C.   DES INDICATEURS BUDGÉTAIRES ADAPTÉS

Les indicateurs du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » de la mission « Cohésion des territoires » ont évolué de façon à prendre en compte le déploiement du programme France services.

La présentation du dispositif France services y précise bien que « l’accompagnement des usagers ne consiste pas en de la réorientation, mais comprend un engagement à la résolution directe des difficultés rencontrées ».

C’est désormais un indicateur 2‑1 qui regroupe « Réduction du temps d’accès des usagers à une maison “France Services” et amélioration du service rendu » tandis qu’un indicateur 3‑1, en cohérence avec la création de l’ANCT, est dédié à « Soutenir efficacement les collectivités en demande d’ingénierie pour accélérer leurs projets spécifiques ».

Le programme 112 de la mission Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire du projet de loi de finances pour 2023 renseigne les objectifs d’amélioration du service.

Le projet de loi de finances pour 2023 indique qu’au 1er février 2020, 70 % de la population des communes situées en France métropolitaine hors communes îles, soit 64 millions d’habitants, résidaient à moins de 30 minutes d’une structure France services ; en septembre 2022, ce chiffre était de 99 %.

Le second sous-indicateur porte sur la complétude des démarches réalisées dans les espaces France services dont l’objectif a été fixé à 80 %.

Au terme de trois années d’exercice, France services représente une solution très satisfaisante pour proposer une offre mutualisée de services publics et accompagner des Français éloignés du numérique dans la réalisation de leurs démarches dématérialisées. Il faut maintenant conforter son modèle – notamment sur la coordination entre premier et second niveau – et son financement (dont le rapport de 2019, appelait à la sécurisation dans un cadre pluriannuel (proposition n° 19) pour assurer la pérennité et la qualité du programme.

 

 


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   PARTIE V :
AMÉLIORER L’ACCÈS À LA SANTÉ EN TERRITOIRE RURAL APPELLE DES TRANSFORMATIONS PROFONDES DE NOTRE ORGANISATION

I.   LES HABITANTS DES TERRITOIRES RURAUX TOUJOURS TRÈS PÉNALISÉS PAR LES DIFFICULTÉS DE L’ACCÈS AUX SOINS

Les statistiques relatives à la consommation de soins, en particulier de soins hospitaliers, montrent un différentiel entre les ruraux et les urbains ; de même, les écarts d’espérance de vie se sont aggravés au cours des trente dernières années entre départements ruraux et départements urbains.

La population française augmente, et en son sein la population âgée augmente également. Si le nombre des médecins ne permet plus de répondre à la demande de soins de la population dans son ensemble, les cartes de la démographie médicale montrent que les départements ruraux sont toujours moins desservis que les départements urbains, notamment en ce qui concerne le recours aux spécialistes.

Ces déséquilibres engendrent un problème d’inégalité entre les populations urbaines et rurales, et contribuent à un défaut de cohésion nationale que les populations défavorisées ressentent vivement, alors que l’accès aux soins pour tous figure parmi les principes d’une égalité républicaine.

Plusieurs enjeux se présentent clairement aux pouvoirs publics : rétablir une présence médicale sur tout le territoire par différents moyens et innover dans l’organisation de cette présence, y compris pour l’urgence et les soins non programmés, assurer à tous les Français l’accès à un médecin traitant (alors qu’aujourd’hui, plus de 10 % n’en ont pas) – ce qui est un engagement du président de la République, assurer la mobilité des personnes fragilisées vers le praticien ou les déplacements dans le cadre d’une médecine coordonnée. Parmi ces enjeux figure aussi le maintien des maternités en milieu rural, alors que 30 % des maternités ont fermé en 20 ans et qu’entre 2000 et 2017, le nombre de femmes vivant à plus de 45 minutes d’une maternité a été multiplié par quatre, les déserts médicaux s’accompagnant de « déserts obstétricaux ».

La France n’est pas le seul pays dans cette situation : la répartition géographique des effectifs médicaux est inégale dans tous les pays, à des degrés divers. Partout, l’accès aux services de santé est plus difficile à assurer dans certains territoires, tels que les zones rurales, notamment éloignées ou isolées, ou dans les zones urbaines défavorisées ([56]).

Le rapport du CEC en 2019 émettait deux propositions pour préserver ou rétablir une offre de soin proche des habitants des zones rurales : la proposition n° 5 « accompagner la mise en œuvre de centres de santé », et la proposition n° 6 demandant que soit fixé un seuil d’éloignement maximal des services de santé et d’urgence à vingt minutes.

A.   ACCÈS AUX SOINS EN MILIEU RURAL : LA BOMBE À RETARDEMENT ?

Au cours du présent suivi, les rapporteurs ont entendu à plusieurs reprises les représentants de l’AMRF. Bien que les maires ne disposent pas de compétence en matière sanitaire, en dehors de la clause générale de compétence des communes, ils témoignent d’une confrontation quotidienne à l’inégalité d’accès aux soins. Ils se trouvent en effet en première ligne de la demande de leurs administrés, et recueillent l’expression de leur mécontentement. Ces élus disent « se sentir bien seuls » face à l’agence régionale de santé, vue comme éloignée du terrain et peu à l’écoute, face aux conséquences des annonces gouvernementales, dont on ne voit pas toujours venir la traduction concrète ; enfin, les dispositifs qu’ils élaborent localement pour offrir des solutions concrètes à leurs administrés trouvent souvent peu d’écho auprès de la caisse d’assurance maladie, dont les processus sont rigides et peu adaptables aux initiatives qui se développent dans les territoires, et pour lesquelles les acteurs souhaiteraient obtenir un meilleur soutien.

1.   Les constats récents confirment les inégalités d’accès aux soins à travers le territoire

En septembre 2020, l’AMRF a confié au géographe Emmanuel Vigneron une étude sur l’accès aux soins et la santé, publiée en novembre 2021 sous le titre « Accès aux soins en milieu rural : la bombe à retardement ? ». Cette étude a fait l’objet d’une mise à jour publiée en septembre 2022. Ses constats sont les suivants :

– 10 millions de Français vivent dans un territoire où l’accès aux soins est de qualité inférieure à celle de la moyenne du pays et 6 millions d’entre eux résident à plus de 30 minutes d’un service d’urgence (75 % d’entre eux vivent en milieu rural) ;

– à l’échelle des bassins de vie, la ruralité concerne 33 % de la population mais seulement 25 % des médecins généralistes ;

– dans les bassins de vie ruraux, un médecin généraliste couvre en moyenne 30 km² contre 5 km² dans les bassins de vie urbains. La réalité de l’accessibilité à la présence médicale est six fois plus faible en milieu rural qu’en ville ;

– 63 % des bassins de vie ruraux manquent de généralistes – c’est‑à‑dire qu’ils se situent en dessous de la moyenne nationale : dans ces bassins de vie déficitaires, il manque 3 388 généralistes pour égaliser à la moyenne. En miroir, il y a au total 2 266 généralistes excédentaires (par rapport à la moyenne) dans les bassins de vie urbains. Pour parvenir à un objectif souhaitable d’un généraliste pour 1 000 habitants, il manquerait plus de 6 000 généralistes dans les bassins de vie ruraux. Si 31 % des bassins de vie urbains atteignent cet objectif, seuls 18 % des bassins de vie ruraux sont suffisamment dotés. La moyenne en milieu rural est de 0,83 médecin pour 1 000 habitants ;

– les ruraux consomment en moyenne 20 % de soins hospitaliers en moins que les urbains. L’étude montre une forte corrélation entre la consommation de soins hospitaliers et la distance aux centres hospitaliers et incidemment, l’absence de médecins traitants : là où il n’y pas de médecins libéraux qui dépistent et adressent le patient à l’hôpital, moins de patients vont à l’hôpital.

La carte de la consommation de soins hospitaliers montre des zones où les habitants consomment beaucoup, qui sont systématiquement des zones de grandes villes ou de conurbations. Au contraire, la sous-consommation gagne à mesure que l’on s’éloigne du chef-lieu (là où se situe la principale offre de soins hospitaliers). L’accès aux soins hospitaliers fortement dégradé sur une grande partie du territoire traduit un manque criant de cohésion, un problème d’inégalité alors que les territoires ruraux ont gagné en attractivité du fait de la crise sanitaire et du développement du télétravail.

L’espérance de vie accuse un écart entre la population rurale et la moyenne nationale qui s’est accru ces trente dernières années : l’écart d’espérance de vie est de 1,8 année de moins pour les femmes et 1,3 année pour les hommes.

Le Dr Florence Doury-Panchout, entendue par les rapporteurs, a témoigné de son expérience de terrain quant aux difficultés de l’accès aux soins, en tant que spécialiste en médecine physique et réadaptation dans le Loir-et-Cher.

Ces difficultés concernent la médecine générale, les spécialités médicales mais également les professionnels de santé non médicaux, et particulièrement les orthophonistes pour lesquelles le délai de prise en charge est de plusieurs mois voire de plusieurs années, les kinésithérapeutes et les orthoptistes, notamment pour des prises en charge très spécifiques comme celles des troubles neurovisuels. Concernant l’ergothérapie, l’accès aux soins est plus aisé en termes de délai de rendez‑vous, de « seulement » quelques semaines, mais elle constate un accès « à deux vitesses » marqué en milieu rural : l’ergothérapie étant non conventionnée par l’Assurance maladie, le reste à charge apparaît parfois important au patient. Nombre des patients y renoncent, comme cela peut également être le cas pour la psychomotricité chez les enfants ou les soins de pédicurie très faiblement pris en charge.

L’enquête « Statistiques sur les ressources et conditions de vie » de l’INSEE indique qu’en 2017, 3,1 % des personnes de 16 ans ou plus vivant en France métropolitaine, soit 1,6 million de personnes, ont renoncé à des soins médicaux. Se basant sur cette statistique, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère de la santé a étudié le phénomène du renoncement aux soins ; ses observations ont été publiées en 2021. Elle établit notamment que les personnes « pauvres en conditions de vie » (terminologie portant sur les personnes cumulant 8 difficultés sur une trentaine listées) ont trois fois plus de risques de renoncer à des soins que les autres et, dans une zone très sous‑dotée en médecins généralistes, leur risque de renoncer est plus de huit fois supérieur à celui du restant de la population ([57]).

2.   Les attentes et les priorités des citoyens en matière d’accès aux soins

Selon la 23ème édition du baromètre des services publics publié par l’Institut de recherche Paul Delouvrier, la santé publique s’impose en tête des attentes prioritaires des Français à l’égard de l’État (elle est citée par 48 % des interrogés) après avoir longtemps occupé la 3ème place. La crise sanitaire n’a fait en réalité qu’accentuer un phénomène déjà à l’œuvre depuis une décennie. En opinion générale, l’attente de services publics de santé est suivie par les attentes relatives à l’éducation nationale, puis à la justice.

Si les attentes prioritaires des Français concernant les services publics peuvent refléter des priorités différentes selon leur lieu de résidence, la question de l’accès aux soins est une constante quel que soit ce lieu, comme le montre le graphique suivant.

Source : Institut Paul Delouvrier, 2023.

Le jugement porté sur l’action de l’État dans ce domaine se dégrade également en 2022 : avec une baisse de 11 points, ce sont désormais seulement 48 % des Français qui ont une bonne opinion de l’action de l’État dans ce domaine, un niveau similaire à celui enregistré avant la crise sanitaire. La satisfaction des usagers à l’égard des services publics de santé enregistre une baisse de 3 points par rapport à l’an dernier, à 76 %, et se trouve à son plus bas niveau depuis les débuts du baromètre.

Après des hausses exceptionnelles dans le contexte de crise sanitaire de 2020, le niveau de satisfaction à l’égard de plusieurs aspects de la santé publique a retrouvé depuis l’an passé des niveaux observés avant crise. Deux aspects en revanche affichent de nettes baisses de satisfaction cette année, on note :

– un recul de 4 points de satisfaction sur la rapidité de prise en compte des demandes ;

– un nouveau recul, également de 4 points cette année, s’agissant de la rapidité d’accès aux examens et soins médicaux. La satisfaction quant à cet aspect a ainsi reculé de 10 points en 2 ans. En conséquence, les personnes interrogées y sont plus attachées (+ 4 points).

Les trois dimensions jugées les plus prioritaires en matière de santé publique restent les mêmes : qualité des soins reçus, rapidité d’accès aux soins, et gratuité pour tous – mais cet aspect est désormais suivi de près par l’attente de proximité géographique en 4ème priorité.

Parmi les éléments qui apparaissent comme des leviers pour améliorer la satisfaction, on retrouve une demande de rapidité : qu’il s’agisse de rapidité d’accès aux examens et soins (jugée peu satisfaisante) ou de rapidité des personnels à prendre en compte les demandes des usagers. L’autre levier est l’attention à porter aux démarches administratives, à la fois en matière de qualité et d’efficacité des services administratifs, mais également de simplicité et de transparence des démarches.

3.   Le contexte de la démographie médicale oblige à mettre en œuvre plusieurs leviers d’action pour rééquilibrer l’offre de soins

Au plan national, le nombre insuffisant des médecins, confronté aux départs en retraite prévisibles, est une donnée de long terme. La suppression du numerus clausus intervenue à la rentrée 2021, qui laisse les universités fixer elles‑mêmes leur capacité d’accueil, ne produira ses effets qu’à un horizon de dix ans.

La démographie médicale rurale revêt certaines particularités. L’étude de la DREES de 2021, déjà citée, la décrit comme vieillissante, car plus de la moitié des médecins y a aujourd’hui plus de 55 ans, et connaissant un faible renouvellement, les jeunes médecins ayant une préférence pour les départements urbains. Elle se féminise régulièrement, même si l’on constate une proportion de femmes en moyenne 10 % plus forte dans les départements hyper urbains que dans les départements hyper ruraux. La féminisation du corps médical pourrait contribuer selon l’étude à une baisse de l’offre globale de soins, car les femmes exercent moins longtemps, sont souvent à la recherche d’un équilibre entre temps professionnel et temps personnel, et privilégient la localisation en ville. L’ensemble des facteurs qui ont été évoqués laissent prévoir une offre médicale progressant moins vite que la demande au cours des dix prochaines années, selon l’étude précitée.

Les aides à l’installation de médecins en milieu rural sont un élément d’attractivité mis en place depuis plusieurs années, même si ce n’est pas le dispositif le plus structurant. Le moteur de l’installation dans les territoires peut être financier mais ce n’est pas la première raison selon une enquête auprès des jeunes diplômés : l’aspiration à ne pas travailler de manière isolée, à ne pas s’installer seul entrent aussi dans les facteurs de choix.

Les motivations d’installation des médecins sont différentes selon leur âge ; elles sont analysées par l’étude comparative de la DREES précitée sur l’accès aux soins en Europe. Ainsi les médecins de moins de 40 ans sont d’abord motivés par la possibilité de créer ou d’intégrer un regroupement, puis par la proximité géographique de la famille, par une proposition de reprise d’activité d’un confrère, et en quatrième lieu par une expérience de stage d’interne, de remplaçant dans la zone, ce qui montre l’impact positif d’attirer des stagiaires pour une expérience en milieu rural. Les motivations des médecins de la tranche d’âge 40‑59 ans sont également déterminées par la proximité géographique de la famille, puis par les facilités géographiques (travail du conjoint, écoles…). La présence de l’offre de soins dans le secteur en général (spécialistes, pharmaciens, etc.) est aussi un élément important dans la prise de décision. En effet, pour un médecin généraliste, il est complexe de s’installer en l’absence de soins de second recours, et la présence de médecins spécialisés dans le bassin de vie fait donc partie de l’équation à résoudre.

Si elles ne sont pas remises en question, les aides à l’installation sont parfois considérées comme atteignant des niveaux excessifs, et conduiraient dans certains départements à une concurrence peu saine entre les territoires pour attirer un médecin.

Ainsi l’étude de la DREES et l’exemple de certains pays comme le Canada (qui a conduit une politique d’équilibre de l’accès aux soins à partir de 2004), montrent que c’est en mobilisant différents leviers dans quatre grands registres d’intervention que l’on est efficace pour attirer et garder des médecins dans les zones mal pourvues : la formation initiale, les incitations financières, la régulation (contraintes sur le choix de localisation) et le soutien professionnel et personnel (congés sabbatiques, remplacements, soutien par les pairs, formation continue...).

Le sujet de l’installation est rendu plus complexe par la baisse de la démographie médicale dans son ensemble et qui implique d’engager d’autres évolutions comme libérer le médecin d’un certain nombre de tâches afin qu’il dispose de davantage de « temps médical ». Ainsi le travail des infirmières en pratique avancée (IPA) dans le cadre du système « Asalée » par exemple ([58]), participe à cette évolution qui, in fine, permet au médecin d’augmenter sa patientèle. Le système Asalée a connu une progression modérée de 2004 à 2012, mais montre récemment une croissance importante.

Reconsidérer la répartition des tâches pourrait conduire notre système très « médecin centré » à évoluer. L’Assurance maladie est attachée au parcours de soins autour du rôle pivot du médecin traitant mais cela n’empêche pas une intervention plus large d’autres professionnels de santé du territoire qui seront habilités à faire de nouveaux actes.

La pénurie grandissante de professionnels en médecine générale rend centrale la réorganisation du parcours de soin autour d’une équipe de soins plutôt que d’un unique professionnel. L’enjeu du développement de structures d’exercice coordonné, au-delà des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), est essentiel, sous la forme de cabinets de groupe… qui devraient être des éléments d’attraction à l’installation, notamment en ruralité.

La coordination de l’équipe doit être maintenue et assurée par un professionnel de santé, avec une supervision médicale indispensable, valorisant les compétences de chaque membre de l’équipe de soin. Ainsi que l’a souligné le Dr Doury‑Panchout, le travail en équipe de soins pluridisciplinaire repose sur une collaboration interprofessionnelle efficace, avec une transmission écrite et tracée des évaluations de chaque professionnel, et l’assurance de temps de coordination : les formations initiales et continues des professionnels de santé non médicaux devraient prendre en considération cette évolution et inclure le passage par l’écrit, non encore généralisé à l’ensemble des professions de santé, de même que la formation à la collaboration interprofessionnelle.

Cette organisation collaborative nouvelle devient indispensable, dans un contexte où les médecins généralistes devront accepter de plus en plus de patients : dans les départements à densité médicale faible, ils suivent entre 1 500 et 3 000 patients, selon M. Luc Duquesnel, de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF).

4.   Adresser le patient vers l’offre de soin

Certains patients, pour diverses raisons, ne sont pas en mesure de se mobiliser pour formuler une demande à l’égard des institutions, particulièrement celles proposant une offre de soins. Il apparaît nécessaire d’aller à la rencontre de ces populations, éloignées du soin par renoncement ou par exclusion sociale.

En outre, la question du transport du patient se pose de manière aiguë en territoire rural : les patients, après avoir attendu plusieurs semaines ou plusieurs mois leur consultation médicale ou paramédicale, doivent trouver une solution pour se rendre à leur rendez-vous. Le transport par véhicule sanitaire léger (VSL) ou ambulance vers le lieu de soin est soumis à un certain nombre de conditions limitatives quant au motif des soins ou à l’état de santé de la personne et n’est pas possible pour la plupart des soins non liés à des affections de longue durée ou des incapacités : les soins dentaires, ophtalmologiques ou gynécologiques, tout comme la consultation chez le médecin traitant. Quand le patient ou ses proches ne peuvent pas conduire ou que les transferts de la personne dans un véhicule sont difficiles, le patient dépend des services de transports en commun de son territoire, qui peuvent lui être difficiles d’accès ou ne desservent pas « le dernier kilomètre ».

L’expérience « HandiMobile 41 », présentée aux rapporteurs par le Dr Doury‑Panchout, montre l’importance de développer les équipes de soins pluridisciplinaires allant vers les patients éloignés des prises en charge médicales et paramédicales.

Retour de l’expérience de terrain et de proximité « HandiMobile 41 »

HandiMobile 41 est une équipe pluridisciplinaire, associant des professionnels de santé et du secteur social, intervenant au domicile des adultes âgés de 18 à 75 ans, en situation de handicap sur le territoire du Loir-et-Cher. Les médecins y travaillant ont une vision globale de l’accès aux soins pour les personnes en situation de handicap en Loir‑et‑Cher, et expérimentent le travail en collaboration pluridisciplinaire avec d’autres professionnels de santé non médicaux, mais également avec des professionnels de l’action sociale.

L’adressage par des professionnels du secteur social à HandiMobile 41 permet de suivre des personnes habitant en zone rurale, en situation d’exclusion ou de renoncement aux soins du fait de l’éloignement géographique par rapport aux lieux proposant des activités de soin.

Ce suivi implique de développer des partenariats entre équipe de soins et secteur social dans le cadre de l’organisation de l’offre sanitaire sur les territoires, et particulièrement les territoires ruraux.

L’expérience de proximité au domicile des patients du territoire a permis d’identifier les obstacles suivants : la démographie médicale et paramédicale insuffisante, le reste à charge, les difficultés de transport, l’exclusion sociale et le renoncement aux soins. Les solutions qui paraissent nécessaire à mettre en œuvre sont l’amélioration de la démographie médicale et paramédicale en territoire rural, la poursuite du déploiement d’équipes mobiles permettant le « aller vers », les transports en commun pour se rendre vers les lieux de soins ou le développement de solutions adaptées à chaque territoire en termes de déplacements, l’essor d’équipes de soins pluridisciplinaires mettant à profit les compétences de chaque professionnel en insistant sur les indispensables transmissions écrites et temps de coordination clinique (à différencier des temps de coordination institutionnels).

Favoriser la collaboration interprofessionnelle des professionnels de santé entre eux et avec les professionnels du secteur social est la condition de cette politique d’aller vers les patients éloignés des soins.

B.   PLUSIEURS TRAVAUX RÉCENTS ONT APPORTÉ DES ANALYSES ET DES PROPOSITIONS À PRENDRE EN COMPTE

Le rapport au Premier ministre Action publique et ruralité à l’ère de la différenciation – 70 mesures pour renouveler l’action publique dans les territoires ruraux de M. Jean‑Pierre Cubertafon, député de Dordogne, publié en septembre 2021, présente plusieurs propositions qui montrent que les difficultés sont toujours prégnantes.

Publié au même moment, le rapport sénatorial Les collectivités à l’épreuve des déserts médicaux : l’innovation territoriale en action publié en octobre 2021 formule des recommandations qui vont dans le même sens.

Publiés en avril 2022, des travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat formulent également des propositions pour remédier aux déserts médicaux.

En septembre, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) a publié un rapport consacré à l’accès aux soins de proximité qui indique que le modèle du médecin exerçant isolément dans son cabinet est aujourd’hui minoritaire (39 % des médecins en 2019 contre 56 % en 1998). Mais la progression du travail en équipe (maisons de santé pluriprofessionnelles, centres de santé) et de l’exercice coordonné (création des dispositifs d’appui à la coordination, services d’accès aux soins) reste insuffisante. Pour faire face à la crise actuelle, le HCAAM préconise de :

– maintenir les médecins en activité – au-delà de 65 ans dans les zones en difficulté – dans des conditions attractives et allégées (engagement de temps limité, choix des horaires, salariat...) ;

– mettre en place des conditions d’exercice préparant le relais par les jeunes professionnels, avec l’accueil d’étudiants et d’internes en stage ;

– décharger les praticiens des tâches administratives et de coordination.

Sur la question spécifique des personnes âgées, le président de la République, dans son récent discours aux préfets, a indiqué que l’on devait développer « un accompagnement de nos aînés sur nos territoires avec une offre différenciée. L’accompagnement à domicile avec la création de politiques publiques nouvelles, d’aménagement du logement et de développement d’aides à domicile et de revalorisation de ces professions, de création d’une offre intermédiaire qui sera très cohérente avec ce qu’on a fait, en matière de logement, pour ces publics (…) ».

II.   DES MESURES D’ORGANISATION INNOVANTES DEVRAIENT PRODUIRE LEURS EFFETS À MOYEN TERME

La prise en compte des difficultés particulières aux territoires ruraux a fait l’objet de travaux en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale à partir de juillet 2022, avec la création d’un groupe de travail sur l’accès aux soins, afin de proposer des avancées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Un Conseil national de la refondation (CNR) santé a été mis en place en octobre 2022 par le Gouvernement, dont les conclusions et propositions devaient être prochainement disponibles.

Depuis 2019, plusieurs séries de mesures ont été prises, qui devraient contribuer à stabiliser la démographie médicale en milieu rural, et à mettre en place des organisations de professionnels complétant le rôle du médecin.

A.   LA MISE EN ŒUVRE DE LA LOI DU 24 JUILLET 2019 ET DU SÉGUR DE LA SANTÉ

La mise en œuvre de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé met en œuvre une réforme présentée par le président de la République et la ministre des solidarités et de la santé, intitulée « Ma santé 2022 » qui comprenait 10 mesures phares, parmi lesquelles la suppression du numerus clausus, la refonte des études en santé et des études médicales, ou encore le déploiement de 1 000 communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). En 2020, le Ségur de la santé a permis cinquante jours de concertation professionnelle sur différents sujets parmi lesquels l’organisation des soins dans les territoires, l’investissement, le numérique en santé…

1.   L’accélération de la contractualisation avec les collectivités territoriales

L’objectif a été réitéré de généraliser les contrats locaux de santé (CLS) à signer entre les agences régionales de santé et les établissements publics de coopération intercommunale ou les communes. Le processus a été relancé : 313 nouveaux contrats ont été signés et 200 sont actuellement en préparation. Le CLS, démarche volontaire, permet d’adapter les problématiques de santé aux territoires concernés, et est porté par ses acteurs pour une durée de 3 à 5 ans avec une possibilité de renouvellement. Il s’agit des services de l’État, de la CAF, du conseil départemental et/ou régional, des associations locales ou autres acteurs de santé.

Le Comité interministériel aux ruralités (CIR) de septembre 2021 a dressé le bilan des autres avancées réalisées pour l’offre de soin : 160 médecins salariés et 2 053 assistants médicaux recrutés ; la réalisation de 1,5 million de téléconsultations par mois ; 671 CPTS formées. Près des deux tiers des CPTS se trouvent en zone rurale.

Le premier bilan du Ségur de la santé faisait en outre état de 455 centres de santé créés, dont 200 en zone rurale.

2.   Le développement de nouvelles organisations de l’exercice médical, adaptées au milieu rural

Le développement de l’exercice médical coordonné sur les territoires, qui permet aux médecins de prendre en charge plus de patients, participe à la stabilisation de l’offre de soins, selon une étude récente de la DREES intitulée « Des conditions de travail plus satisfaisantes pour les médecins généralistes exerçant en groupe », parue en mai 2022 ([59]). En 2019, 61 % des médecins généralistes libéraux en France déclaraient exercer en groupe pour leur activité libérale, répartis entre groupes monodisciplinaires (32 % des médecins généralistes libéraux) et groupes pluriprofessionnels (29 %). Ce dernier modèle d’exercice, très hétérogène, se développe assez rapidement, à l’image de l’émergence des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), dont le nombre est passé de moins de 20 en 2008 à 900 en 2017 et 1 889 maisons de santé actuellement recensées, dont la moitié en zones rurales.

Cette évolution favorable à l’exercice en groupe devrait se poursuivre au vu de la forte préférence des jeunes médecins généralistes pour ce modèle d’exercice (huit médecins généralistes de moins de 50 ans sur dix en 2019). Cette tendance se traduit par des différences de profil en termes de sexe et d’âge dans chaque modèle d’exercice. Ainsi, alors que les médecins travaillant seuls ont en moyenne 58 ans et comptent 29 % de femmes, ceux exerçant en groupe pluriprofessionnel sont plus jeunes (49 ans en moyenne) et plus fréquemment des femmes (43 %).

On soulignera que les médecins exerçant seuls déclarent en moyenne travailler 2 heures de plus que ceux qui sont en groupe pluriprofessionnel (55,4 heures contre 53,1 heures par semaine), et près de 5 heures de plus que les médecins en groupe monodisciplinaire (50,7 heures par semaine). Les écarts selon les modèles d’exercice se reproduisent dans la plupart des types de territoire. Cependant, l’étude de la DREES confirme un « ressenti » à savoir que « dans les marges rurales et les espaces urbains défavorisés – dans lesquels ce modèle d’exercice est le plus représenté, notamment sous la forme de MSP conventionnées –, les médecins exerçant en groupe consacrent 2 à 3 heures de plus à leur exercice que la moyenne nationale (53,2 heures) ».

L’étude montre aussi que les médecins exerçant en groupe pluriprofessionnel sont, pour plus du quart d’entre eux, impliqués dans des projets territoriaux (27 %), tels que les CPTS ou les équipes de soins primaires (ESP), alors que c’est le cas de moins de 10 % de leurs confrères ou consœurs. Ces tendances sont encore plus marquées en MSP signataires de l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI), où deux médecins sur trois sont engagés dans une CPTS ou une ESP (67 %). Cette implication dans le développement des coopérations territoriales de soins comporte des conséquences, puisque cet engagement est associé à un temps de travail hebdomadaire augmenté de plus de 2 heures par semaine.

Par ailleurs, de nombreuses initiatives sont expérimentées pour « projeter de la ressource médicale » sur les territoires : les vacations de médecins provenant d’autres zones, les téléconsultations… Enfin, se développent les protocoles de coopération entre les professionnels, comme les protocoles de soins non programmés, particulièrement adaptés aux territoires ruraux (6 protocoles ont été signés prévoyant la coopération médecins-kinésithérapeutes ou médecins-pharmaciens… pour soigner les entorses, les cystites, les angines, notamment).

La Maison de santé pluriprofessionnelle de la Plaine du Controis-en-Sologne

La maison de santé, créée en 2013, réunit 16 professionnels : 2 médecins, 1 collaboratrice médecin à mi-temps, 1 sage-femme, 1 pédicurepodologue, 2 masseurskinésithérapeutes, 1 diététicienne, 2 psychologues, 2 secrétaires médicales et 1 cabinet d’infirmières. Une assistante médicale a récemment rejoint le cabinet pour soutenir le travail médical et libérer du temps de médecin. Les horaires d’ouverture sont de 9 heures à 19 h 30.

Les deux médecins ont une patientèle de 1 400 patients chacun. Ils sont maîtres de stages universitaires et accueillent deux internes chacun par an. Les internes des années précédentes viennent assurer des remplacements réguliers à la maison de santé. Des stagiaires infirmiers et sages-femmes sont accueillis chaque année.

Des protocoles de soins pluriprofessionnels ont été présentés à l’assurance maladie en 2021, rédigés par l’équipe de la MSP, pour un certain nombre de pathologies. Le suivi des patients atteints de pathologies chroniques (diabète, RCVA, troubles cognitifs, insuffisants respiratoires) et en éducation thérapeutique (tabac…) est effectué par l’infirmière déléguée à la santé publique Asalée.

Les RDV de médecine générale s’élevaient en 2021 à 300 par mois, auxquels s’ajoutent autant de rendez-vous en urgence. Les paramédicaux, infirmiers notamment, assurent des soins 7 jours sur 7, assurant l’accueil de personnes hors patientèle.

Un temps de coordination est ménagé, dans le cadre de la CPTS, avec le réseau associatif d’aide à la personne ADMR, notamment. La pratique pluriprofessionnelle nécessite une dizaine de réunions par an, pour le suivi des patients ayant des prises en charge complexes.

La maison de santé se situe dans un département en déficit de médecins ; les stages, selon l’expérience des médecins en poste, peuvent contribuer à une installation en milieu rural, mais pas forcément dans la MSP. Le constat actuel est que 40 % des jeunes médecins ne s’installent pas en libéral, le salariat leur paraissant plus attractif.

La MSP bénéficie de locaux accueillants, suffisamment spacieux pour accueillir dans de bonnes conditions l’ensemble des professionnels, et tenir les réunions de coordination liées à la pratique pluriprofessionnelle. L’implication financière de la collectivité territoriale, qui met à disposition les locaux à des conditions favorables, mérite d’être soulignée, et constitue incontestablement un atout pour l’accès aux soins des administrés.

3.   Augmenter le nombre de maîtres de stage en ruralité

Dans une instruction ministérielle du 19 avril 2022, adressée aux ARS et aux facultés de médecine, les ministères de la santé et de l’enseignement supérieur ont fixé un objectif d’augmentation de plus de 7 % du nombre de praticiens agréés maîtres de stage (PAMSU) pouvant accueillir des internes d’ici 2024, dans chaque région. Il doit aussi permettre de réduire le ratio du nombre d’étudiants par praticien, à 3 étudiants de 3ème cycle par maître de stage. Le nombre de praticiens agréés, maîtres de stage, passerait ainsi de 12 941 en 2021 à 13 937 en 2024. Cet objectif s’accompagne d’un nouveau cadre réglementaire simplifiant les conditions de ce dispositif et renforçant son attractivité.

Les indemnités des maîtres de stage d’étudiants en ruralité ont été augmentées pour rendre cette fonction plus attractive. Enfin, le CESP (contrat d’engagement de service public) est accompagné d’une bourse attribuée aux étudiants en fonction de la durée de leur engagement d’exercer dans une zone déficitaire en médecins. Elle s’élève à 1 200 euros bruts par mois en contrepartie d’un engagement à exercer en secteur 1 et en zone sous-dotée pendant une période égale à la durée du versement.

Enfin, il est prévu d’améliorer les aides à l’installation des stagiaires dans ces zones en lien avec les collectivités territoriales, pour mettre à disposition un logement ou indemniser les frais de transport vers les zones très rurales.

B.   LES MESURES VOTÉES EN LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2023

Portées par le ministre de la santé François Braun, la loi de financement de la sécurité sociale adoptée le 23 décembre 2022 comporte différentes mesures qui ensemble devraient améliorer l’offre de soins dans les territoires où elle est insuffisante. Elle prévoit ainsi :

– la création d’une quatrième année d’internat de médecine générale, année supplémentaire consacrée à des stages en cabinet médical, en priorité dans les zones médicalement tendues. L’article 37 de la loi, qui allonge la durée du troisième cycle pour les internes de médecine générale, s’appliquera aux étudiants à la rentrée 2023. Une mission a été confiée par le ministre ainsi que par la ministre de l’enseignement supérieur à des personnalités du monde médical afin de définir les modalités de cette quatrième année. On soulignera que cette disposition rencontre la proposition n° 8 (2ème partie) du rapport du CEC : « rendre les stages en territoires ruraux obligatoires pour les étudiants en médecine » ;

– l’organisation, à titre expérimental, par les agences régionales de santé, de consultations de médecins dans les déserts médicaux (article 41 de la loi) ;

– la possibilité, jusqu’à fin 2035, pour les médecins et infirmiers de travailler jusqu’à 72 ans à l’hôpital (article 47) ;

– l’exonération des cotisations vieillesse en 2023 pour les médecins retraités qui reprennent leur activité ;

– l’assouplissement des règles de cumul emploi-retraite pour les médecins qui exercent dans un désert médical ;

– la rationalisation des dispositifs d’aide à l’installation des médecins libéraux : des guichets uniques départementaux d’accompagnement à l’installation des professions de santé seront créés ;

– l’expérimentation pendant trois ans de l’accès direct des patients aux infirmiers en pratique avancée (IPA) dans le cadre de structures d’exercice coordonné (article 40).

C.   POURSUIVRE LE DÉCLOISONNEMENT DU SYSTÈME DE SANTÉ POUR FAIRE ÉMERGER DES SOLUTIONS À TRÈS COURT TERME

Par ailleurs, la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, présentée par Mme Stéphanie Rist et actuellement soumise à l’examen du Parlement ([60]), comporte plusieurs mesures visant à décloisonner le système de soins, en « faisant confiance aux professionnels et en leur offrant de nouvelles possibilités ». Elle a pour objectif de faire émerger des solutions locales à court terme.

Cela passerait par l’accès direct aux IPA dans le cadre d’un exercice coordonné avec le médecin, l’élargissement des missions des IPA aux primo‑prescriptions de produits de santé, l’accès direct pour les patients aux soins de kinésithérapie lorsque le kinésithérapeute exerce dans une structure de soins coordonnés, et de même un accès direct aux orthophonistes…

D.   DIFFÉRENTS ENGAGEMENTS GOUVERNEMENTAUX DEVRAIENT CONTRIBUER À AMÉLIORER L’ACCÈS AUX SOINS

Le ministre a souligné qu’il faudrait une dizaine d’années avant de bénéficier de la fin du numerus clausus ; il a néanmoins pris l’engagement d’assurer à chaque Français, en particulier les plus fragiles, l’accès à un médecin traitant d’ici la fin du quinquennat, ceci grâce à la mobilisation des CPTS, et avec l’appui de l’Assurance maladie.

Le ministre souhaite aussi porter à 10 000 le nombre d’assistants médicaux à l’horizon 2025 car ils permettent d’accueillir environ 10 % de patients en plus, et que tout le territoire soit couvert par des CPTS d’ici fin 2023 – cellesci doivent associer les établissements publics et privés de leur territoire, avec l’objectif de mettre fin aux effets de concurrence stérile entre ville et hôpital.

En ce qui concerne les « déserts médicaux », il a plaidé pour que chaque médecin donne un peu de temps au service des territoires fragilisés par des consultations avancées de spécialistes ou de médecins généralistes, remplacés si besoin dans leur territoire d’origine quelques jours par an y compris par un docteur junior, par des systèmes de recours aux téléconsultations… Le ministre a aussi fait appel au partenariat des collectivités territoriales, par exemple pour permettre à un assistant médical de disposer d’un bureau…

Sur la formation et les carrières, le ministre souhaite développer les contrats d’engagement de service public, qui permettent de rémunérer les étudiants pendant leurs études, en échange d’années passées ensuite à l’hôpital, créer de nouveaux contrats d’excellence, qui accompagnent les lycéens des zones sous‑denses vers les études de santé, ouvrir plus largement le champ des compétences des IPA vers la prise en charge de la petite enfance, de nos aînés… L’accroissement du nombre d’infirmiers en pratique avancée formés chaque année a été annoncée, avec une amélioration des conditions de la formation pendant les deux années, qui est été décrite par les intéressés comme un « parcours du combattant ».

E.   INCITER LES JEUNES DES TERRITOIRES RURAUX À ENTREPRENDRE DES ÉTUDES MÉDICALES

Les étudiants en médecine sont principalement des jeunes urbains, de familles plutôt favorisées ; la diversité insuffisante des profils fait que les jeunes s’installent dans les régions qu’ils connaissent.

Pour susciter l’installation de jeunes médecins dans les territoires ruraux, le ministre a rappelé (comme l’avaient aussi relevé les rapporteurs en 2019), que la meilleure chance de cette installation en milieu rural est que le médecin en soit issu. De manière constante, les travaux de recherche concluent que l’origine rurale du médecin est le facteur essentiel et le meilleur prédicteur de l’installation en zone rurale : être né en milieu rural, y avoir grandi, y avoir fait sa scolarité ressortent, dans tous les pays, comme des déterminants majeurs du choix d’exercer dans cet environnement. C’est d’ailleurs sur ce levier que certains pays se sont appuyés, comme par exemple l’Australie avec une politique proactive de sélection des étudiants en médecine. L’impact est quantitativement important : dans 12 études publiées entre 1973 et 2001, la probabilité de s’installer en zone rurale est deux à trois fois plus élevée si le médecin est d’origine rurale ou y a été scolarisé ([61]).

Un travail a été engagé entre le ministère de la santé et la ministre de l’enseignement supérieur pour faciliter le repérage de ces jeunes dès le lycée (accompagnement à la préparation du concours, éviter l’autocensure), travail qui nécessite aussi le concours des élus par exemple pour faciliter le passage du permis de conduire, les formations délocalisées… Ainsi la région Hauts‑de‑France a mis en œuvre un programme d’accompagnement de lycéens intéressés par la médecine jusqu’aux études médicales.

Les initiatives en ce domaine ne font que débuter, et il s’agit certainement d’une problématique de long terme sur laquelle la représentation nationale devra exercer un suivi attentif.

F.   ORGANISER L’OFFRE DE SOIN, ET EN PARTICULIER LES SOINS NON PROGRAMMÉS, AVEC LES ÉLUS DES TERRITOIRES

Plusieurs interlocuteurs des rapporteurs ont regretté l’insuffisant partenariat entre les ARS, les collectivités et l’Assurance maladie, avec pour conséquence un cloisonnement excessif de la prise des décisions. Ce manque de coordination conduit à implanter des actions qui vont se concurrencer dans une zone géographique, au détriment d’une zone voisine qui se trouvera plus défavorisée… Si la représentante de la CNAM, entendue par les rapporteurs, a considéré que des instances de concertation locales devaient être développées, pour partager les constats et les besoins, les rapporteurs considèrent que ces lieux de concertation existent déjà, mais que les ARS ne leur accordent pas l’attention qu’ils méritent. En effet, les contrats locaux de santé (CLS) sont un cadre de dialogue entre les ARS et les collectivités : 350 contrats couvrent aujourd’hui 45 % du territoire. La mise en place des contrats apparaît plus ou moins prioritaire selon les agences : dans certaines régions, l’ARS s’est donné pour objectif de « couvrir » la totalité de la région, dans d’autres, de cibler plutôt les zones où se trouve une population défavorisée…

Faire émerger une chaîne de soins efficace sur un territoire nécessite la concertation régulière avec les élus qui connaissent très bien leur territoire et les attentes de leur population, et contribueront à un diagnostic plus fin.

Au-delà des guichets uniques pour faciliter l’installation des médecins, beaucoup de décisions devraient faire l’objet de concertation : l’implantation des télécabines de soin, les spécialités des médecins qui y seront présents…

Dans ce domaine encore, les rapporteurs considèrent que le rôle du préfet ne doit pas être nié par le phénomène « d’agencisation » qui se déroule depuis une dizaine d’années sous nos yeux. L’accès aux soins sur un territoire participe au maillage de services qui relève de la compétence des services préfectoraux. Le préfet contribue à travers les CPTS à apporter des réponses locales, imaginées et mises en place avec les élus, qui ne seront pas obligatoirement coûteuses. Le rôle de relais des politiques publiques qui est celui du préfet doit être préservé et accru, avec une relation ARS-préfet conférant à ce dernier la marge de manœuvre nécessaire.

L’organisation des soins d’urgence sur les territoires apparaît de plus en plus difficile, avec un manque de volontaires médecins et autres personnels permanenciers pour répondre au numéro d’urgence 15.

Des solutions émanent des territoires eux-mêmes, grâce aux professionnels de santé et aux élus locaux. Il en est ainsi de la plateforme PAÏS qui organise l’accès aux soins d’urgence, et dont les rapporteurs ont entendu le fondateur et animateur en Loir-et-Cher.

L’organisation de cette plateforme ne repose pas sur l’appel au SAMU et aux médecins régulateurs, mais sur une coordination médecine de ville/hôpital/collectivité locale, cette dernière participant au financement du dispositif. Après une quinzaine d’années de fonctionnement, une étude mandatée par l’ARS a fait apparaître les économies réalisées, qui se sont élevées à 371 000 euros par an sur le territoire. Une évaluation de l’impact de PAÏS sur la charge de travail du service d’urgences de l’hôpital de Chartres a indiqué une économie de 40 passages par jour aux urgences.

Les rapporteurs considèrent que l’accès de cette plateforme au soutien de la CPAM pourrait être étudié pour les territoires ruraux, où celle-ci vient combler le manque de solution pour les soins urgents, source de grande inquiétude des habitants des zones rurales.

La plateforme alternative d’innovation en santé (PAÏS)

PAÏS est une solution locale pour les professionnels de santé lancée en 2008 : son principe d’organisation est basé sur le décloisonnement ville-hôpital et la dimension territoriale : intercommunalité ou bassin de vie. Le dispositif repose sur le « trépied » : médecine de ville/hôpital/collectivité locale.

La plateforme assure une réponse médicale d’urgence chaque jour de 8 h à 20 h et le samedi de 8 h à 12 h. Le roulement de présence des médecins est assuré par le planning, transmis chaque mois au SAMU, indiquant les coordonnées du médecin de permanence de soins. Les médecins sont totalement disponibles leurs jours de permanence PAÏS et disposent de créneaux libres pour leur vie personnelle les autres jours.

La mise en œuvre du système PAÏS a eu rapidement pour effet que 85 % des médecins ont accepté d’être maîtres de stage. Un vivier de médecins remplaçants s’est constitué pour remplacer les médecins retraités ou en congé. En 1979, sur le territoire du Loir‑et‑Cher, 13 médecins exerçaient ; ils sont 15 aujourd’hui. L’essaimage de la plateforme montre que l’organisation qu’elle permet rassure et attire les jeunes médecins.

Le système PAÏS représente un coût de 430 euros par mois et par médecin pour assurer le secrétariat, car PAÏS prend en charge 25 % des frais de secrétariat. S’y ajoutent 100 euros pour couvrir l’organisation de la journée de 8 h à 20 h, et 50 euros pour le samedi. Pour une plateforme réunissant 10 médecins, le coût annuel est donc de 80 000 euros.

PAÏS Loir-et-Cher rend compte de son activité tous les six mois aux financeurs – ARS, collectivités (dont certaines éprouvent des difficultés, ce qui conduit à demander au conseil départemental de prendre en charge les prestations PAÏS, pour une dépense de 5 euros/an/habitant).

En conclusion, les rapporteurs considèrent que la proposition n° 5 visant à accompagner la création de centres de santé fait l’objet d’une mise en œuvre et progresse. Toutefois la proposition n° 6 relative à un seuil d’éloignement maximal des services de santé et d’urgence à 20 minutes n’est pas mise en œuvre sur l’ensemble du territoire, dépendant surtout des initiatives locales alliant maisons de santé pluriprofessionnelles et dispositifs de soins non programmés créés par les professionnels avec l’appui des collectivités.

 

 


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   PARTIE VI :
DÉVELOPPER DES SOLUTIONS INNOVANTES POUR ROMPRE L’ISOLEMENT

La mobilité est un réel enjeu de cohésion sociale dans les territoires ruraux. La situation actuelle est marquée par une forte dépendance au véhicule individuel en milieu rural, et le coût des carburants y est un sujet très sensible, de même que les zones à faibles émissions (ZFE) qui sont vécues comme vecteur d’exclusion par les habitants des zones rurales périphériques aux métropoles.

L’objectif de desserte des territoires peu denses est affiché comme une priorité de l’État. L’un des fondements de la loi d’orientation des mobilités (LOM) du 26 décembre 2019 est de développer dans tous les territoires des solutions de transport alternatives à la voiture individuelle, et de mettre fin ainsi aux « zones blanches ». La loi envisageait des outils simples à mettre en place par les collectivités territoriales, moins coûteux que les transports collectifs traditionnels et mieux adaptés aux besoins des usagers, tels que le covoiturage, le transport à la demande, les navettes autonomes...

Les transports d’utilité sociale, inscrits dans la loi du 29 décembre 2016 relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes, ont pris beaucoup de retard dans leur mise en œuvre du fait du délai de parution du décret d’application. Leur organisation rencontre des difficultés en dépit de leur caractère indispensable.

I.   LES MOBILITÉS AU CŒUR DES DIFFICULTÉS DES HABITANTS DES TERRITOIRES RURAUX

La mise en œuvre de la loi a toutefois pâti des aléas intervenus depuis 2019 – crise sanitaire, priorité donnée au plan de relance, inflation, coût de l’énergie accru... Cependant, des projets ont abouti dans les domaines du covoiturage, du vélo, des appels à projets, de la sécurisation des petites lignes ferroviaires, notamment.

La mise en œuvre de la LOM se trouve critiquée car le développement des mobilités accuserait de fortes disparités entre les territoires : des collectivités apparaissent très avancées, d’autres en retard. L’enjeu est alors d’obtenir une certaine harmonisation et de « faire avancer tout le monde » ainsi que l’a formulé l’un des auditionnés.

La disparité ne peut cependant pas être attribuée aux pouvoirs publics, car ceux‑ci ne conservent en réalité qu’un rôle de facilitateur dans le développement des mobilités, recensant les réalisations qui font leurs preuves à travers le territoire et les mettant à disposition des collectivités, s’efforçant également d’apporter des solutions d’ingénierie pour pouvoir décliner les réalisations efficaces vers d’autres territoires. L’on peut se demander si les pouvoirs publics disposeraient des leviers suffisants pour influer la mise en œuvre des solutions de mobilité dans les territoires qui prennent du retard.

Le rapport de 2019 avait présenté une proposition visant à « créer ou pérenniser des services de mobilité adaptés dans les territoires ruraux » (proposition n° 2).

A.   IDENTIFIER DE NOUVELLES SOLUTIONS DE MOBILITÉ ET LES DÉPLOYER SUR LE TERRITOIRE

1.   L’usage de la voiture incontournable et pénalisant dans les zones rurales

L’usage de la voiture individuelle est devenu incontournable dans les zones rurales, où le mode de vie des habitants comporte de nombreux déplacements contraints ou choisis, qui évoluent peu, malgré les préoccupations climatiques et le souhait de la sobriété qui gagnent en particulier les jeunes générations.

La distance parcourue pour les déplacements du quotidien montre une tendance de long terme à l’augmentation pour les habitants des espaces périurbains et des espaces ruraux. Les ruraux doivent de plus en plus travailler ou se former à des dizaines de kilomètres de chez eux, se rendre auprès d’un service public en complément de l’accès numérique ; déposer un enfant à la crèche se trouvant dans une localité voisine, à l’école qui se trouve dans une autre, se rendre au supermarché ou dans des commerces qui se trouvent dans une troisième… Les cercles amicaux, aussi, se sont élargis. Les données disponibles montrent une grande disparité de situations : ainsi, selon l’enquête nationale « mobilité et modes de vie » 2020 du Forum Vies Mobiles, « 36 % des gens parcourent moins de 10 kilomètres par jour pour leur travail alors que près d’un quart (22 %) parcourent plus de 60 kilomètres par jour en moyenne » ([62]).

Ces trajets se font en voiture. Dans ces territoires, s’endetter pour une voiture en bon état n’est pas rare, et même en situation de précarité, c’est la norme de posséder une voiture pour avoir un emploi et une vie sociale, d’où une sensibilité extrême au prix du carburant. Cette problématique de la mobilité concerne tous les âges.

La facture mobilité des ménages peut approcher voire être supérieure au coût du logement lorsque les déplacements se font sur des distances importantes : le baromètre des mobilités du quotidien mis en place conjointement par l’association Wimoov et la Fondation pour la Nature et l’Homme (ex‑Fondation Nicolas Hulot) indique qu’en 2020, le coût des déplacements s’élevait en moyenne à 90 euros par mois en ville contre 141 euros par mois à la campagne.

La flambée des prix des carburants a aggravé la situation pour les ruraux, au point qu’une part importante des Français est dans une situation de précarité sur la question du « se déplacer » : il s’agirait de plus de 13 millions de personnes, selon le baromètre publié au printemps par l’association Wimoov et la fondation précitée. Ces personnes ont une forte dépendance à la voiture, habitent loin de leur lieu de travail et manquent de solutions, ou les méconnaissent.

Dans ce contexte évolutif, un mouvement se développe en de nombreux territoires, créant des garages solidaires ou des services de location de véhicules à prix réduits, mais aussi avec la création d’associations dédiées à l’accompagnement à la mobilité sans recours à son véhicule personnel, qui tend selon les acteurs associatifs à devenir une forme de compétence à développer. Ces associations apportent un appui aux habitants des zones périurbaines ou rurales pour connaître les meilleurs moyens d’accomplir leur trajet en disposant de cartes de transports destinées à certains publics (demandeurs d’emploi par exemple), d’applications mobiles, alors que beaucoup de personnes, et notamment les plus précaires, n’ont pas la connaissance de ce qui existe.

L’association Wimoov, fondée pendant les grèves de 1995 pour promouvoir le covoiturage, a installé des antennes dans différents départements, apporte son aide, notamment, à toute personne orientée par un de ses partenaires (Pôle emploi, missions locales, conseillers en insertion) confrontée à des difficultés de mobilité.

La mobilité des ruraux constitue aujourd’hui un enjeu d’adaptation des transports locaux jusqu’au dernier kilomètre et aux petits villages. Beaucoup de liaisons de transport public nécessitent encore un détour par la métropole pour se rendre d’un point à un autre. Les collectivités territoriales, avec l’appui des sociétés publiques et privées de transport et des associations, doivent mettre au jour des solutions « fines », comme l’exige la loi d’orientation des mobilités depuis 2019 : mise en place de navettes, transports à la demande…

2.   Les relations entre pouvoirs publics et collectivités dans le domaine de la mobilité

La coordination voulue par la loi devait progresser avec la désignation d’une autorité organisatrice prenant en charge les solutions de mobilité.

À la suite des assises de la mobilité de 2019, qui avaient vu émerger de nombreuses propositions, une tournée de France Mobilités a été engagée pour relever les réalisations et expérimentations innovantes des territoires, afin de créer des équipes de compétences (cellules territoriales France Mobilités) avec les services déconcentrés de l’État, de l’ADEME, du Cerema et de la Banque des territoires. Les régions n’ont pas souhaité participer (sauf en Hauts-de-France) car elles attendaient la distribution des compétences organisées par la loi LOM.

Un appel à projets national de l’ADEME (Territoires d’expérimentation pour une mobilité durable dans les territoires peu denses) a permis d’accompagner plus de 200 territoires notamment ruraux pour développer des solutions de mobilité durables et de l’ingénierie pour la mise en place d’une politique locale de mobilité et de la prise de compétence « autorité organisatrice de mobilité » (AOM).

Un appel à projets a aussi été lancé dans le cadre de l’agenda rural ; 10 M€ d’ingénierie ont été engagés pour les territoires de montagne afin d’accompagner plus de 100 lauréats pour développer des solutions d’ascenseurs valléens, de solutions d’autopartage de véhicules électriques, de covoiturage, de transport de marchandises…

Depuis le début de cette démarche, l’ensemble des contributions et diffusion des bonnes pratiques ont été mises en open data via le site France Mobilités, représentant plus de 800 solutions avec un point de contact, renseigné par les collectivités. Cette base reçoit plus de 1 000 connexions de consultation par semaine (collectivités, État, entreprises, autres acteurs...).

La direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) du ministère de la transition écologique alimente une base « loi mobilités » concernant la mise en œuvre et le suivi de la LOM, à la suite de laquelle 500 collectivités ont opté pour la compétence AOM. Le ministère produit des guides, ainsi que le Cerema, pour construire des solutions de transport alternatives à la voiture individuelle. Les solutions présentées sont variées comme par exemple l’aide aux collectivités pour mettre en place des lignes de covoiturage connectées à des transports existants...

Des outils de formation ont été mis en place pour la commande publique avec une base documentaire permettant, par exemple, d’analyser les marchés de transports scolaires : 9 000 documents y sont référencés pour aider les acteurs ; des synthèses et des recommandations sont également réalisées par des experts et des chercheurs académiques. L’État se veut facilitateur dans ce domaine.

3.   La SNCF développe trois programmes d’action en direction des territoires ruraux

La SNCF prend une part active à l’émergence de solutions nouvelles pour les territoires ruraux. Elle a créé en 2019 un pôle d’innovation Take for mobility, destiné à développer de nouvelles solutions de mobilité en direction des territoires ruraux qui manquent de solutions.

La SNCF travaille dorénavant systématiquement sur la base d’un écosystème ouvert à des partenaires publics et privés, aux territoires (régions, EPCI) pour expérimenter sur le terrain et ensuite pouvoir répliquer les solutions rapidement. Ce travail s’engage donc systématiquement avec les élus des intercommunalités, des communautés de communes ou des métropoles.

Les trois programmes s’inscrivent dans un temps court de 3 à 5 ans avec le principe selon lequel les projets doivent pouvoir être réplicables en France. La réflexion englobe la manière d’exploiter les transports, les véhicules et les infrastructures existantes.

a.   La remise en service ou la redynamisation des « petites lignes » avec le soutien de l’État

Sur la base des recommandations du préfet François Philizot contenues dans son rapport sur le devenir des lignes de desserte fine des territoires, le Gouvernement a engagé, en février 2020, avec les régions, un plan de remise à niveau des lignes ferroviaires de desserte fine et de remise à plat de leur gouvernance, visant à pérenniser les services publics de transport qu’elles assurent. Un besoin d’investissement total de plus de 7 Mds€ sur 10 ans a été identifié sur les plus de 9 000 km de lignes concernées, qui seront mobilisés dans des contrats de plan État-région (CPER). Une très grande partie de ces lignes peu ou plus exploitées, qu’il s’agit de rouvrir, concerne les territoires ruraux, inscrites dans l’agenda rural.

Depuis 2020, huit protocoles d’accord régionaux (Grand Est, Centre‑Val de Loire, PACA, Bourgogne-Franche-Comté, Nouvelle‑Aquitaine, Occitanie, Pays de la Loire et Hauts-de-France) ont été signés pour la prochaine décennie. Ces protocoles portent sur 6 300 km de lignes et plus de 5,7 Mds€.

Les crédits affectés par l’État ces dernières années au travers des CPER concernent également ces lignes : plus de 200 M€ ont été engagés en faveur des petites lignes en 2022.

Au total, le financement de ces investissements s’élève à plus de 550 M€ sur la période 2020‑2022, dont 320 millions issus du plan France relance consacrés aux petites lignes par SNCF Réseau (250 M€ provenant d’une dotation de l’État et 70 M€ issus de cessions d’actifs du groupe SNCF). Cet effort représente un triplement des financements de l’État par rapport à la période précédente. Il sera poursuivi à partir de 2023 dans le cadre des volets « mobilité » des CPER qui seront prochainement négociés avec les régions pour la période 2023‑2027.

Ces investissements, ajoutés à ceux engagés avant 2020, ont permis de rénover près de 1 300 km de lignes depuis 2017, dont plus de 750 km depuis 2020, date de début du plan « petites lignes ». Un premier bilan de l’impact sur la fréquentation des lignes concernées est prévu dans les prochains mois.

La réouverture et la dynamisation des petites lignes s’effectuent avec des trains très légers ou avec un système de navettes rail/route.

Il est important de souligner que cet engagement de l’État et des régions a permis d’éviter toute fermeture de petite ligne depuis 2020.

b.   Des transports publics autonomes : des solutions encore expérimentales

Le deuxième programme d’action concerne des transports publics autonomes, réunis au sein d’une flotte de transports collectifs publics pour des zones périurbaines ou plus lointaines.

Ces ouvertures de ligne peuvent recourir à des sites existants, reconvertir des petites lignes abandonnées… Les programmes sont conçus de façon à utiliser la gare dans les territoires qui en sont pourvus, en en facilitant l’accès, mais sans faire de celle‑ci un élément impératif lorsqu’il n’y en a pas.

Un exemple de mobilité autonome : la réouverture en plateforme routière d’une ligne de fret fermée depuis 13 ans à Carquefou (Loire-Atlantique), qui avait fait l’objet d’études pour une remise en service en tram/train, concluant à un coût et des contraintes excessifs. L’initiative en cours consiste à transformer la voie en une plateforme routière pour y faire circuler des bus ou une flotte de véhicules autonomes légers. Une plateforme d’essai de 2 puis 4 km a été conçue avec le concours de Stellantis et Ericsson, et des prototypes de « stations du futur » : sont testés des véhicules de type minibus ou navettes provenant de différents constructeurs pour développer un transport autonome. La réussite de cette expérimentation pourrait conduire à réutiliser d’anciennes infrastructures, des voies vertes, des anciennes lignes militaires… pour y faire circuler des véhicules autonomes.

Il existe 5 600 kilomètres de lignes qui ne sont plus utilisées : si certaines vont faire l’objet d’une réouverture pour une solution ferroviaire, d’autres ne peuvent plus être ouvertes au ferroviaire.

Un autre projet est développé dans la région Grand Est, avec un financement de l’ADEME et d’un consortium de financeurs pour utiliser des trains légers et des navettes légères rail/route, la sortie des rails permettant d’éviter les passages à niveau et de gérer les croisements sur les voies uniques. Une campagne d’essai doit être conduite prochainement dans ce but en région Bretagne.

c.   Les nouveaux usages et le rapprochement des services vers les usagers

De nouveaux usages et services associant transport public et transport à la demande sont étudiés ; de même que de nouveaux mobiliers pour faciliter le lien entre les mobilités existantes (transport scolaire, artisans taxi, vélos quadricycles électriques…) avec d’autres solutions complémentaires à mettre en place avec des partenariats.

La SNCF a expérimenté, dans le domaine du transport rural à la demande, le programme « Ma Course SNCF » dans une communauté de communes de la Sarthe disposant d’une gare (sur un territoire de 100 km2 et 13 000 habitants) pendant 17 mois. Le coût s’est élevé à 160 000 euros par an, avec une tarification différenciée en fonction de la nature de la course. Les rythmes de vie, les flux de véhicules au gré des activités (accompagnement des enfants aux activités extra‑scolaires, marchés locaux…) ont été étudiés, permettant de définir un calendrier et ainsi inciter les personnes à prendre les transports groupés. La fréquentation s’est révélée forte et un effet induit a été constaté sur la fréquentation de la gare (+ 20 %). En effet, la gratuité du service était offerte aux abonnés du TER, ce qui a conduit, à la suite de l’expérience, des abonnés hebdomadaires à choisir un abonnement annuel pour profiter du transport à la demande.

Lorsqu’il n’y a pas de gare, des recherches sont en cours quant au mobilier urbain à utiliser. Les initiatives existantes en milieu rural peuvent être difficiles à connaître lorsqu’on n’y est pas habitué. Trouver les solutions de mobilité peut être facilité grâce à un mobilier dédié : l’agence d’architecture interne AREP de Gares et connexions a été sollicitée, ainsi que des écoles et le milieu académique, pour proposer ce mobilier adapté, dont l’expérimentation commence dans deux communes du Finistère, par exemple.

Enfin, la SNCF travaille, en Bretagne et en Occitanie, à la conception de véhicules pour y mettre des services publics et marchands essentiels (services de la mairie, services publics, alimentation, médecin…) en recherchant un modèle économique, et la possibilité pour chacun de s’inscrire via une application.

Un partenariat a été signé avec l’AMRF et la communauté d’acteurs « Place des mobilités » a été créée incluant l’AMRF, l’ANCT, des collectivités, des petites entreprises, des chercheurs, des architectes, des urbanistes, afin d’imaginer des organisations nouvelles de mobilité dans les zones peu denses.

4.   La mobilité des jeunes : un problème à part entière

Le rapport de 2019 avait souligné les difficultés d’accès au permis de conduire pour les jeunes des territoires ruraux. 77 % des 18-24 ans ont le permis en milieu rural, il existe donc encore une forte proportion de jeunes pour laquelle la mobilité peut être difficile, et davantage s’ils utilisent une voiture peu coûteuse ne répondant pas aux critères de l’accès aux métropoles en ZFE.

L’obstacle du coût du permis de conduire pour les familles est important, puisque le coût de la formation et du passage du permis s’est dernièrement fortement renchéri pour avoisiner en moyenne 2 000 euros pour le permis B. Les jeunes bénéficient du permis à un euro par jour, et il existe aussi une aide financière pour certaines personnes inscrites à Pôle emploi. Certaines collectivités territoriales ont instauré des aides financières et différents dispositifs pour la formation au permis de conduire. L’exposé des motifs de la proposition de loi de M. Sacha Houlié ([63]) indique que, selon la délégation à la sécurité routière, il n’existe « pas moins de 12 dispositifs d’aide régionaux, 35 dispositifs départementaux et plus d’une centaine de dispositifs communaux ou intercommunaux ». En cela, la proposition d’une plateforme numérique spécifique au niveau national recensant l’ensemble des aides financières apparaît une clarification très utile.

Plus spécifiquement pour le milieu rural, une mesure de soutien est intervenue dans le cadre de l’agenda rural, avec un financement de l’État : la mesure 118 consacrée au développement de simulateurs de conduite (les « DRS ([64]) »). Une expérimentation a été initialement menée dans sept missions locales par conventions signées avec l’Union nationale des missions locales : Autun (21), Châtillon‑sur‑Seine (21), Lucey (28), dans le Morbihan (56), Saint‑Benoît (974), dans l’Artois (62) et à Béziers. L’expérimentation ayant eu des retours positifs, l’ANCT a pris le relais de l’Union et finance le déploiement de simulateurs dans les missions locales.

À la suite d’un premier appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé en janvier 2021, 24 missions locales ont été équipées de simulateurs de conduite pour permettre à 1 300 jeunes résidant en zone rurale de s’exercer à la conduite virtuellement. Sélectionnées par l’ANCT et la Sécurité routière notamment, elles ont reçu jusqu’à 20 000 euros, au maximum, pour s’équiper et animer cette formation pendant deux ans. Dans le cadre d’un second AMI lancé en juin 2021, 75 missions locales ont été accompagnées. Près de 5 000 jeunes auront bénéficié de cette aide au permis de conduire.

B.   DES INITIATIVES LOCALES NOMBREUSES MAIS QUI PEINENT À COUVRIR LES BESOINS DES HABITANTS

1.   L’autorité organisatrice de mobilité : un sujet en débat

La loi LOM a fixé la date du 1er juillet 2021 pour la prise de compétence des communautés de communes sur une compétence attribuée, à défaut, aux régions. Cette prise de compétences a été effectuée par 500 collectivités. La situation qui en résulte s’avère disparate d’une région à une autre, alors que le rôle du ministère se limite dorénavant à être un « facilitateur ».

Un représentant d’Intercommunalités de France, entendu par les rapporteurs, soulignait que les problèmes de mobilité perdurent dans des zones « blanches », correspondant à des intercommunalités n’ayant pas revendiqué la compétence dite « AOM », et demandait en conséquence la réouverture d’une possibilité d’attribution de compétence aux intercommunalités, pour leur donner les moyens d’agir en cas de retard pris par la région.

Des contrats opérationnels de mobilité à passer entre les régions, les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) locales et les communautés de communes « non AOM » sont prévus par la loi LOM, afin d’organiser les questions d’intermodalité à l’échelle des bassins de mobilité. Pourtant, une moitié seulement des contrats opérationnels de mobilité prévus ont été mis en place.

Par ailleurs, une demande forte s’exprime au niveau des intercommunalités pour mettre en place un titre unique de transport, afin de faciliter les mobilités.

Le Gouvernement conduit actuellement une concertation sur des bouquets de services et de paiement qui pourraient être reliés, ce qui s’avère complexe face aux plus de 200 réseaux de transport qui ont leur système de billet.

Un concours d’innovation s’est déroulé début février à Paris pour inventer le titre unique de transport de demain. À la suite de ce concours, le ministre délégué chargé des transports Clément Beaune a proposé la conception dans les deux prochaines années d’un « billet unique » sous la forme d’une application ou de titres dématérialisés reconnus par tous les systèmes, permettant de se déplacer dans tous les transports publics de France. Un groupe de travail va être lancé avec les autorités organisatrices de mobilités (régions et agglomérations) afin de définir les modalités de mise en œuvre de ce titre unique de transport à l’échelle nationale, qui serait expérimenté dès la fin 2023 dans un certain nombre de territoires volontaires.

La politique de décentralisation des transports rend difficile l’adoption de tarifs uniques, mais l’unicité du support pourrait conduire à des simplifications de tarif et inciter les autorités organisatrices à proposer des tarifs communs.

2.   Des expériences locales innovantes mais souvent coûteuses

Les localités qui ne disposent pas d’une gare sont contraintes de développer des solutions ingénieuses et innovantes, mais souvent coûteuses.

Ainsi, la communauté d’agglomération de Foix-Varilhes, en Occitanie, a développé un mix de solutions sur la base d’un réseau de bus réguliers rejoignant les deux gares ferroviaires éloignées, complété par du transport à la demande pour aller chercher les usagers – le plus souvent des personnes âgées.

L’avènement du vélo électrique permet des usages professionnels et quotidiens et non plus seulement de loisir ou touristique : des intercommunalités encouragent son utilisation pour se rendre au travail, avec le réseau de voies dédiées mis en place pour le tourisme. Cette tendance n’est pas limitée aux zones urbaines et se développe en ruralité.

Certaines collectivités décident la gratuité, qui a été expérimentée par des municipalités depuis longtemps. Ainsi la communauté d’agglomération du Libournais a mis en place la gratuité des transports, ce qui s’est traduit par une augmentation forte de la fréquentation du réseau de bus. Malgré le coût élevé de 350 000 euros par an, l’expérience a été un accélérateur de changement de pratique et est considérée comme positive.

La question de la « démobilité » (les trajets évités) est un élément à considérer en zone rurale, pour rendre plus visibles les services publics ou privés en recul ou éloignés, comme on l’a vu à propos des bus France services. Cela concerne également les activités d’économie sociale et solidaire, pour lesquels l’itinérance se développe.

Les zones périurbaines et rurales proche des ZFE sont les zones les plus impactées par le risque de « démobilité » des habitants. Le fonds vert de 150 M€ par an ouvert par le Gouvernement pour permettre aux collectivités de trouver des solutions est à cet égard un appui positif. S’y ajoutent 50 M€ par an dédiés au soutien du covoiturage, qui a montré un doublement des conducteurs de covoiturages sur plateformes.

3.   Les transports d’utilité sociale : une solution à développer pour les personnes les plus fragiles

L’association Familles rurales, qui contribue à dynamiser le milieu rural et à animer le territoire, a mis en place, dès l’entrée en vigueur de la loi de 2016, des transports opérés par des chauffeurs bénévoles, pour faciliter la mobilité de la population âgée, fragilisée ou en précarité sociale.

Ces modalités ont rencontré des difficultés dès le début : le décret d’application de la loi est paru fin 2019, soit trois ans après la loi, dans un contexte où des associations arrêtaient leur activité, étant mises en cause par les taxis comme opérant une activité concurrente. Pour cette association, le décret est « bancal » car assorti de critères inapplicables, et demeure un frein au développement du transport solidaire.

Les rapporteurs ont reçu plusieurs témoignages des difficultés rencontrées, au premier plan desquelles le décalage de l’indemnité kilométrique compensant les frais des bénévoles : une modification de l’arrêté pour passer de 0,32 à 0,40 euro le kilomètre est demandée.

Le décret d’application a ciblé les personnes qui résident dans un secteur peu dense ou disposant de faibles ressources. Les transports solidaires peuvent donc être utilisés soit dans les unités urbaines de moins de 10 000 habitants soit selon un critère correspondant à un revenu, inférieur à 900 euros mensuels. L’application de ces critères apparaît difficile car les unités urbaines peuvent comprendre des communes de quelques milliers d’habitants, et l’application du critère social exclut beaucoup de personnes à faible revenu. Les effets de seuil conduisent en pratique à laisser la personne à un arrêt de bus lorsque l’on rejoint une unité urbaine de plus de 12 000 habitants, ce qui est inadapté aux personnes âgées.

Ces difficultés dans l’application de la loi et du décret ont été soumises par Familles rurales dans les débats de l’agenda rural.

Les rapporteurs sont convaincus que cette catégorie de transport doit être développée face à la difficulté et au coût des solutions de transport à la demande dans les territoires ruraux. L’implication des collectivités dans son développement doit être recherchée ou accrue : on notera d’ailleurs que les CCAS ou les agglomérations prennent parfois en charge une partie de l’indemnité kilométrique, ce qui semble logique car les personnes utilisatrices sont le plus souvent déjà identifiées par l’établissement public.

II.   LES TIERS-LIEUX : DES SOLUTIONS MULTISERVICES À SOUTENIR FACE À LA DÉSERTIFICATION RURALE

Le milieu rural, où ont longtemps été présentes de nombreuses activités industrielles, artisanales et commerciales, doit conserver, ou retrouver, une diversité d’emplois et de compétences. Aujourd’hui, nombre d’entrepreneurs ruraux font face à des difficultés de main d’œuvre – cadres, experts, formateurs d’apprentis ou de saisonniers… La reterritorialisation de l’emploi et sa diversité sont un objectif de la croissance verte française, pour lequel les acteurs économiques et les élus ont un fort besoin d’accompagnement. Pour réaliser cet objectif, le développement de liens forts avec l’économie sociale et solidaire est un atout : économie circulaire, activités connexes, création de nouvelles activités, reconversion professionnelle, sont la marque de ce secteur économique et social.

Les tiers-lieux étaient, à l’origine, des initiatives citoyennes qui ont émergé spontanément sur le territoire pour combler des manques dans les services disponibles (alimentaire, lieu de coworking, activité culturelle), et se sont constituées en association ou en société coopérative. Ils ont acquis une bonne visibilité à partir de 2018, date à laquelle la Banque des territoires a soutenu leur essaimage, en travaillant avec les collectivités territoriales motivées par l’ouverture d’un lieu hybride associant l’activité économique, l’accès aux droits, l’artisanat, la culture. Ces activités se sont ensuite étendues à des propositions innovantes dans le domaine de la santé, de l’industrie et de la fabrication, du patrimoine…

Ces initiatives sont diverses et se prêtent difficilement à une définition unique. Si leur objectif principal est le développement économique et l’attractivité du territoire, le rôle qu’elles jouent peut être beaucoup plus large, devenant un lieu de sociabilité citoyenne pour les habitants et un espace de dialogue pour les acteurs qui y ont intérêt et qui y participent...

Le manifeste pour des ruralités vivantes de décembre 2021, proposé par la FNSEA et cosigné par de très nombreux acteurs économiques de la ruralité et d’organes de représentation des collectivités, consacre un développement aux tiers‑lieux, souhaitant l’installation d’un tiers‑lieu dans chaque intercommunalité. Ce document met en exergue les deux rôles des tiers‑lieux : celui qui répond aux besoins des entrepreneurs indépendants, des télétravailleurs, de certains métiers mutualisant un espace de travail ou de stockage, d’une part, et d’autre part le rôle social d’un lieu qui « redonne vie aux villages ».

A.   UN ENSEMBLE D’INITIATIVES SOUTENUES PAR DES MESURES ET DES PROGRAMMES NOUVEAUX

Les tiers-lieux se développaient déjà depuis plusieurs années dans les territoires peu denses ; cependant, au-delà de l’énergie qui porte les engagements initiaux, il peut être difficile de trouver un modèle économique soutenable sur la durée et d’assurer la pérennité de ces structures. En effet, si des réussites exemplaires ont permis de créer une vraie dynamique, le modèle des tiers‑lieux reste fragile.

La politique de soutien aux tiers-lieux depuis son lancement se veut l’exemple d’une politique co-construite entre l’État et les acteurs de la filière. Le Gouvernement a souhaité renforcer le soutien à ces initiatives publiques et privées en adoptant une nouvelle méthode d’intervention : accompagner et outiller les acteurs sans se montrer prescripteur ou en imposant une normalisation.

En soutenant ceux qui créent, inventent et portent ces nouvelles activités, l’État ambitionne de rendre les projets de tiers-lieux soutenables, valoriser l’entrepreneuriat en favorisant la coopération et mettre en réseau, outiller les communautés professionnelles formées par ces initiatives, et, enfin, consolider la diffusion d’activités d’intérêt général dans tous les territoires.

Cette politique s’est incarnée en 2022 par la création du GIP « France Tiers‑Lieux », dont les membres fondateurs sont l’État et l’Association nationale des tiers-lieux (ANTL). Le budget du GIP pour 2022 avait été fixé à 1,49 M€.

La Banque des territoires soutient le développement des tiers‑lieux à travers ses opérateurs que sont l’ANCT et France Tiers-Lieux, avec des actions combinant l’ingénierie, le conseil, l’investissement, les prêts et les partenariats.

1.   Le processus récent de labellisation a atteint 400 tiers‑lieux

Le Gouvernement avait lancé en juin 2019 un programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens », porté par le ministère de la cohésion des territoires, qui comportait un appel à manifestation d’intérêt pour labelliser 300 « Fabriques de territoire » existantes ou en projet d’ici 2022.

Depuis 2019, l’ANCT a développé et labellisé 400 tiers-lieux, dont 300 fabriques de territoire et 100 manufactures de proximité. En dehors de ce processus de labellisation, les tiers-lieux sont beaucoup plus nombreux puisqu’on en compte aujourd’hui 3 500 au total.

Selon la représentante de l’ANCT entendue par les rapporteurs, le maillage territorial a été voulu plus strict en ce qui concerne les fabriques de territoire, pour lesquelles un lieu au moins a été labellisé par département (dont une très grande majorité dispose d’un espace de travail partagé, susceptible de participer au financement du lieu). La labellisation s’est avérée plus difficile dans les territoires ruraux car moins de candidatures ont été présentées, et certaines candidatures ne répondaient pas aux critères du cahier des charges.

Actuellement, 15 % des fabriques de territoire seulement sont situées dans des communes rurales (moins de 2 500 habitants et isolées).

En ce qui concerne les manufactures de proximité, la labellisation a été peu favorable aux territoires ruraux : les manufactures sont plutôt implantées en villes moyennes et petites villes qu’en zones rurales. Elles se trouvent, par contre, peu en métropoles contrairement aux fabriques de territoire qui sont aussi implantés dans des métropoles.

Ce programme a été doté d’une enveloppe de 45 M€ pour sélectionner 300 fabriques de territoire et les soutenir financièrement à raison de 50 000 euros par an sur 3 ans. Ces structures ont été retenues pour leurs capacités à servir d’exemple, afin de partager des solutions techniques, pédagogiques, logistiques, ou juridiques. Un soutien à la structuration de réseaux professionnels régionaux a été apporté à hauteur de 4,5 M€ sur trois ans. Le dispositif « Manufacture de proximité » a permis par ailleurs l’amorçage de 100 tiers-lieux dédiés à la production. Le soutien aux tiers‑lieux en milieu rural s’est élevé à 15 M€.

Au total, près de 82 M€ gérés par l’ANCT ont été déployés pour soutenir les tiers-lieux entre 2018 et 2022, auxquels s’ajoutent 50 millions mobilisés pour développer l’offre de formation dans les tiers‑lieux, en coopération avec le ministère du travail.

Le programme se veut un rééquilibrage territorial, à partir duquel des réseaux professionnels doivent se développer. On mentionnera que l’association Familles rurales, entendue par les rapporteurs, est très active pour le soutien de ces initiatives : elle a publié un guide destiné aux porteurs de projets, et organise des formations à la création de tiers-lieux ainsi que des retours d’expérience, afin de donner les meilleures chances aux nouvelles initiatives.

2.   Les tiers-lieux développent de nouveaux rôles éducatifs et économiques

Les tiers-lieux jouent un rôle de porte d’entrée dans les territoires pour les entreprises. Celles-ci participent souvent à la création du tiers-lieu, intègrent cette « communauté » locale ou en deviennent les partenaires.

Le rapport de 2019 comportait une proposition n° 9 relative aux tutorats et aux échanges d’expérience pour mieux accompagner les néo-entrepreneurs des territoires ruraux, en liaison avec les chambres d’agriculture, les chambres de métiers et les chambres de commerce et d’industrie. Les tiers-lieux contribuent à cette démarche en accueillant les télétravailleurs et les salariés nomades, en permettant aux entreprises d’avoir une présence dans les territoires sans assumer le coût de locaux permanents, en assurant des accompagnements numériques ou en mobilisant des compétences pour une démarche d’innovation… L’offre d’un espace de travail mutualisé concourt à développer une communauté entre occupants permanents, occupants journaliers, locataires de bureaux temporaires et membres de l’association porteuse du lieu.

L’exemple du tiers-lieu POLeN à Mende, fabrique et manufacture de proximité,
porté par l’association « Lozère Développement »

Le tiers-lieu POLeN (Pôle lozérien d’économie numérique) est labellisé Fabrique de territoire, avec l’ambition d’être à la fois un service de proximité et un facteur de dynamiques collectives régionales.

POLeN comprend une pépinière d’entreprises dédiée à l’incubation, à l’accompagnement et à l’hébergement de projets et de jeunes entreprises innovantes, un centre de ressources en technologies numériques, un espace de coworking pour les travailleurs nomades et les télétravailleurs indépendants. Il est aussi un lieu de e‑formation et une école régionale du numérique soutenu par la Région Occitanie.

On soulignera que, à la demande du Conseil départemental de la Lozère et en lien avec l’ANCT via la fabrique de territoire, l’agence d’attractivité Lozère Développement utilise le tiers-lieu pour le déploiement des chèques « culture numérique », dits « APTIC » en Lozère (ces chèques permettent une prise en charge partielle ou totale des services d’accompagnement au numérique proposés aux citoyens par les acteurs de la médiation numérique, avec une priorité donnée à l’accompagnement de la dématérialisation des services publics).

Depuis leur apparition, les tiers-lieux évoluent en s’emparant de nouveaux rôles, comme par exemple celui de contributeur à la formation professionnelle. Les problématiques de transition écologique, numérique, alimentaire (et notamment le besoin de formation de 13 000 nouveaux exploitants chaque année pour assurer le renouvellement des générations agricoles) renforcent l’intérêt de pérenniser les tiers‑lieux pour favoriser la « société apprenante », sur les territoires, au plus près des besoins, en lien avec la communauté des pairs.

Source : France Tiers-Lieux, 2023.

a.   Un rôle croissant dans le domaine de la formation professionnelle

Le rôle des tiers-lieux en faveur de la formation professionnelle s’est dessiné à la faveur d’un concours de circonstances résultant d’une part, de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, d’autre part, de la crise sanitaire qui a conduit à la fermeture temporaire des centres de formation des apprentis.

La loi de 2018, en confiant la compétence de la formation professionnelle et de l’apprentissage aux entreprises et aux salariés et en réformant la gouvernance et les modalités d’intervention, a porté des effets positifs sur l’emploi des jeunes, domaine dans lequel la France avait des résultats faibles. La volonté de sortir du schéma théorie/pratique avec formateurs délivrant leur savoir et stages applicatifs a été accélérée par la fermeture des portes des CFA : les responsables des organismes de formation ont dû trouver des solutions pour assurer la continuité pédagogique, financière, ainsi que la mise à disposition d’outillage pour les étudiants. Cette démarche a conduit à concevoir une hybridation des formations, en dehors des lieux traditionnels, avec le besoin d’outils digitaux, ce qui était la vocation des tiers‑lieux. 60 % d’entre eux auraient aujourd’hui une activité de formation.

Le schéma suivant indique les modalités de l’activité de formation.

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Source : France Tiers-Lieux, 2023.

Disposant d’un espace connu des citoyens, de personnes ressources familiarisées avec les innovations pédagogiques, le tiers-lieu est capable d’attirer les personnes, si leur est ajoutée une compétence de formation – à travers l’intervention d’un organisme de formation. Ces derniers développent eux‑mêmes une capacité d’aller vers des territoires où peu de ressources sont disponibles, et améliorent ainsi leur maillage.

Le nouvel appel à projets DEFFINOV Tiers-lieux traduit ainsi la rencontre d’une politique publique, la formation professionnelle, et les tiers-lieux pour accueillir des stagiaires en formation à proximité de leur lieu de vie, et répondre, par une pédagogie innovante, aux besoins de compétences des entreprises.

L’initiative DEFFINOV a été lancée en juin 2022 par le ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion, avec Régions de France et l’ANCT (programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens »). Elle vient en soutien à la formation dans les tiers‑lieux, « espaces de proximité, accessibles et attractifs pour différents publics, et lieux d’innovation dans les méthodes d’apprentissage ». Elle participe au 2ème volet du Plan de transformation de la formation, intégré à France relance pour « amplifier le mouvement de digitalisation de la formation et faire de la France un leader en matière d’innovation pédagogique ». L’initiative est dotée d’un budget de 50 M€, qui peuvent financer les outils technologiques nécessaires.

Lancé dans la région Occitanie, l’appel à projets contribue à rassembler un tiers-lieu et un organisme de formation : les réponses ont présenté des projets de formation recourant à des outils virtuels pour suivre, depuis un lieu isolé, une formation sur les métiers de demain.

Les enjeux du dispositif sont la diversification des lieux de formation afin d’en renforcer l’accessibilité, la diffusion de l’apprentissage « par le faire » ou en situation de travail ; l’émergence d’approches pédagogiques innovantes, intégrant les apports des technologies numériques et immersives ; une logique de mutualisation des ressources pédagogiques, notamment celles trop coûteuses à l’échelle d’un organisme de formation.

La formation pourrait utilement devenir un des piliers des tiers-lieux isolés, et contribuer à leurs revenus. Cette vocation n’appelle pas obligatoirement de soutien public, comme le montrent certains tiers-lieux, qui ont bâti un modèle économique incluant la formation.

Ainsi par exemple le tiers-lieu L’Hermitage, à Autrêches dans l’Oise, met en avant une spécialité de formation en informatique et fabrication numérique, gratuite, en présentiel et en distanciel, à destination d’un public jeune ou bénéficiaire du RSA, sans diplôme, sans emploi et sans solution. Son dispositif prévoit une accession en six mois à un titre de certification de niveau 3 en réseaux et système informatiques et à des compétences à la fabrication numérique.

On soulignera que la question de l’hébergement des personnes en formation se pose : des tiers-lieux ont initié un dialogue avec La Poste pour transformer des logements de postiers afin d’accueillir des personnes en contrat court de formation, ou qui viennent s’installer dans la région.

Les représentants de l’ANCT, entendus par les rapporteurs, ont manifesté l’ambition de faire se rencontrer les filières très structurées de la formation avec la filière tiers-lieux (où la filière formation est encore informelle) afin de faire naître des projets grâce à la rencontre de métiers, qui n’aurait pu se produire ailleurs.

La création d’une dynamique entre les opérateurs de compétence de la formation professionnelle et le réseau des tiers-lieux est un chantier à conduire, avec l’appui de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) en qualité de gestionnaire du compte personnel de formation, en recherchant les financements des collectivités territoriales ou encore des financements privés.

b.   Expérimenter la vie d’agriculteur sans s’endetter

L’avenir des métiers agricoles n’est plus assuré à moyen terme, avec le départ des générations âgées d’agriculteurs, non remplacées. Certains tiers‑lieux ruraux développent un caractère « nourricier » porté par des valeurs de contact avec la nature, de fermes pédagogiques afin de familiariser les citoyens avec le travail agricole, de production locale et respectueuse de l’environnement.

À ce titre, les « espaces-test agricoles », regroupés au sein des RENETA (Réseau national des espaces-test agricoles) permettent à un candidat au métier d’agriculteur de se tester. Le réseau permettra de faire un essai sur de petites parcelles (sans devoir consentir à s’endetter pour acheter le foncier), une forme d’expérimentation autorisant l’échec sans prise de risque excessive.

Des outils sont souvent adossés aux tiers-lieux telles les coopératives d’activité et d’emploi (CAE), qui permettent une installation indépendante dans la conduite de son activité, avec un statut de salarié, ce qui aboutit à une forme de mutualisation de structure juridique… Les coopératives d’activité et d’emploi ont un format « CJS » (coopérative jeunesse de services) afin d’encourager les jeunes à l’entreprenariat. Dans ce cadre, la coopérative mobilise des jeunes des lycées à l’approche de l’été, cartographie les services nécessaires sur un territoire pendant la saison estivale et structure une entreprise qui sera gérée collectivement. Ces expériences ont plusieurs apports : le diagnostic des manques sur un territoire donné, la proposition de services dans une démarche entrepreneuriale des jeunes. La coopérative d’activité et d’emploi est l’employeur des jeunes et des adultes avec une fonction support qui rassemble de 5 à 10 personnes permettant un accompagnement sur les aspects financiers, l’entreprise… Ce modèle se décline en coopératives basées sur le salariat mais adaptées à des personnes diplômées et autonomes qui souhaitent travailler différemment, hors de la routine du salariat.

L’ingénierie et le soutien du cadre juridique sont essentiels pour ancrer le tiers‑lieu dans son environnement immédiat, et lui éviter de se trouver « hors sol », ce qui le condamnerait à moyen terme.

3.   Le statut juridique des tiers-lieux évolue pour associer tous les partenaires dans la gouvernance

La variété des activités appelle des montages de projet complexes alliant la location d’espace, la formation, le fab lab, le commerce, les concerts… mais aussi des activités dans le domaine de la santé, l’agriculture et alimentation… L’enjeu est alors de trouver un montage permettant l’exercice de ces différentes activités de manière pérenne.

Selon la représentante de l’association France Tiers-Lieux, dans les deux tiers des cas, les associations qui portent le dispositif initial évoluent vers des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC), un statut qui permet le multi‑sociétariat (salariés, usagers, investisseurs, collectivités territoriales et personnalités) pour structurer, financer et réaliser ses actions. Les collectivités sont incluses dans la gouvernance par collèges sans qu’elles détiennent la majorité des voix ; l’association des pouvoirs publics donnant des chances d’ancrer plus durablement un projet sur un territoire. Le choix d’une forme coopérative d’intérêt collectif traduit l’adhésion à des valeurs comme la prééminence de l’humain, la démocratie, la solidarité, la priorité à l’intérêt collectif, notamment.

Cette entreprise de l’économie sociale et solidaire permet d’expérimenter et de créer des outils de développement qui se veulent durables, adaptés aux territoires ruraux ou « ultra-ruraux ».

Le tiers-lieu breton « Champ commun » à Augan est une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) qui réunit actuellement 188 associés et 13 salariés. Il est devenu le premier employeur du village avec 8 ETP et comporte une épicerie, une auberge, un espace de travail coworking, une salle de concerts, un bar… C’est aujourd’hui une structure solide car portée collectivement par les habitants : 150 habitants (soit 10 % des habitants du village) en sont sociétaires.

4.   Des difficultés apparaissent au fil de leur développement comme le volet foncier et immobilier du tiers-lieu

La pérennisation de l’activité du tiers-lieu sur un emplacement dédié peut se heurter à des difficultés, auxquelles la Banque des territoires et la CDC répondent en investissant dans des foncières, notamment Comptoir de campagne et Villages vivants, qui accompagnent les porteurs de projets pour le volet immobilier.

La Banque des territoires a élaboré un guide sur les foncières pour monter le projet immobilier et son financement. Elle investit dans une dizaine de projets par an pour accompagner les projets immobiliers qui ont été soutenus par l’État pendant 3 ans, auxquels s’ajoutent d’autres projets dans lesquels les foncières ont elles‑mêmes investi.

L’effet de résilience des territoires a été observé dans le cadre du programme « Action cœur de ville », avec une redynamisation commerciale grâce aux foncières mises en place avec les établissements publics locaux.

L’ANCT s’interroge sur l’éventualité de dispositifs fonciers afin de développer les tiers-lieux dans la sécurité juridique, sans craindre la reprise du lieu par la collectivité ou une mise en vente…

Un modèle juridique est à trouver. Des alternatives à la propriété ont été élaborées dans un certains pays, comme les fonds ou trustees au Canada ou au Royaume‑Uni avec des organisations (ou associations) philanthropiques pouvant développer des activités sans être contraintes par la question foncière, et en évitant le problème des loyers redevables sur le long terme qui peuvent grever l’équilibre fragile du lieu.

Une réflexion devrait être initiée pour promouvoir un dispositif juridique adapté aux tiers-lieux. Le recours au fonds friches ([65]) pourrait être une solution.

Sécuriser l’activité des tiers-lieux appelle certainement un dispositif juridique adapté : une définition juridique de ces lieux, la création d’un code APE, un modèle de financement et fiscal… La définition juridique doit prendre en compte leur intérêt social et leur rôle dans l’aménagement du territoire.

B.   LES TIERS-LIEUX À LA RECHERCHE D’UN MODÈLE ÉCONOMIQUE ÉQUILIBRÉ

La proposition n° 10 du rapport du CEC demandait qu’après le lancement du plan en faveur des tiers-lieux, la viabilité de ces structures soit assurée.

Le modèle économique des tiers-lieux sous-entend en effet que les activités lucratives permettent d’en soutenir d’autres qui ne le sont pas.

L’évaluation globale de la viabilité des tiers-lieux est encore impossible, étant donné que les derniers labellisés ont perçu leur dernière tranche de financement en 2022. Une évaluation externe, pilotée par l’Agence Phare spécialisée dans l’évaluation des politiques publiques, a été lancée en septembre 2021, avec un rapport final à rendre en juin 2023. La méthode choisie comporte un support d’évaluation pour un suivi sur trois ans de chaque fabrique de territoire, réalisé au niveau des préfectures de région. Les manufactures font l’objet d’une démarche de suivi-évaluation spécifique.

Le rapport 2021 de France Tiers-lieux faisait état, sur des données de 2019, d’un modèle fonctionnant à moitié sur des ressources propres, et pour l’autre moitié reposant sur des subventions. L’analyse de la situation financière des tiers-lieux faisait alors apparaître que 20 % des tiers-lieux étudiés étaient bénéficiaires, 50 % étaient à l’équilibre et 30 % en déficit. La moitié des tiers-lieux a réussi à s’équilibrer sans soutien public selon les remontées d’information disponibles à France Tiers-lieux.

Une évaluation réalisée en 2021 par France Tiers-lieux en NouvelleAquitaine a porté sur un dispositif de soutien de ces structures, existant depuis 2011 : 90 % des tiers-lieux soutenus depuis dix ans sont toujours ouverts. Les manufactures, en particulier, démontrent qu’elles sont des modèles viables.

Doit-on craindre que les associations porteuses de tiers-lieux en déficit ne puissent plus maintenir la structure, une fois la dotation publique stoppée ?

1.   Les tiers-lieux ont une viabilité financière variable, liée à leurs activités dominantes et à leur emplacement plus ou moins rural

La phase d’amorçage d’un tiers-lieu peut durer de 3 à 5 ans. Les expériences mises en exergue montrent que les trois premières années du tiers-lieu sont déficitaires, puis on assiste à une amélioration de la trésorerie avec l’accroissement des activités rémunératrices.

Les tiers-lieux qui fonctionnent le mieux se trouvent dans des territoires périphériques, c’est-à-dire au croisement de frontières administratives ; le tiers‑lieu fonctionne alors très bien car il constitue la seule ressource alentour.

Les tiers-lieux situés dans les territoires très ruraux (si l’on est à 30 ou 40 km d’une ville, territoires de montagne) portant sur des activités non rentables posent la question d’un soutien public de moyen terme. L’activité commerciale (épicerie, espace de travail partagé, hébergement…) contribue aux ressources sans suffire à maintenir le tiers-lieu à l’équilibre. Plusieurs fabriques de territoire assument le fait de s’autofinancer pour une part mais d’avoir besoin de soutien pour les services d’intérêt général.

La question du soutien public au maintien d’activités non rentables d’intérêt général dans une optique d’aménagement du territoire se pose : peut‑il être une solution pour éviter que des villages ne disposent d’aucun service ou activité ?

Le GIP France Tiers-Lieux s’apprête à lancer un marché destiné à aider les porteurs de projets à faire appel à des accompagnateurs et à de l’ingénierie, lorsque le tiers-lieu a besoin de ces services, dont le coût n’est pas prévu dans les soutiens publics. Des formations sont proposées par les réseaux régionaux, pour apprendre à piloter un tiers-lieu, former des facilitateurs de tiers-lieux qui ont un profil entrepreneurial très fort.

La professionnalisation des acteurs est un élément principal dans le choix de soutenir les structures, dans l’objectif d’un modèle économique équilibré, en évitant d’accompagner des lieux sous « perfusion publique » …

2.   Le soutien public complémentaire aux tiers-lieux prévu par le plan « France relance » parvient à son terme

À la suite du comité interministériel sur les tiers-lieux de juin 2020, le ministère de la cohésion des territoires a participé, à travers l’ANCT, au déploiement des manufactures de proximité, tiers-lieux de production, dont l’objectif est de contribuer à la relance de l’activité économique et à la relocalisation de la production dans les territoires.

Le soutien à 300 fabriques de territoire a été prévu par le plan « France relance », dont 150 dans les territoires ruraux, représentant 75 000 à 150 000 euros sur trois ans selon les fabriques, en tenant compte de l’offre de services et du lieu d’implantation, versés au fur et à mesure des vagues de labellisation successives qui se sont déroulées entre 2019 et 2023. Au sein de cette action, la création de tiers‑lieux ruraux a reçu un soutien de 15 M€.

Les manufactures de proximité sont également financées dans le cadre du plan France relance, bénéficiant d’un soutien en investissement et fonctionnement à hauteur de 50 000 euros par projet en moyenne.

Considérant l’arrivée à son terme du plan de relance en fin 2022, le rapporteur spécial du budget « Cohésion des territoires » pour 2023 de l’Assemblée nationale, M. Nicolas Sansu (groupe GDR-NUPES), invitait dans son rapport à s’interroger sur la possibilité d’engager un nouveau cycle de soutien de trois ans qui assurerait une prise en charge dégressive des structures existantes et permettrait de lancer une nouvelle vague de création de structures.

Le programme budgétaire 112 « Impulsion et coordination des politiques d’aménagement du territoire » de la mission « Cohésion des territoires » obéit à plusieurs objectifs dont l’accompagnement des grandes transformations territoriales au travers du déploiement de programmes d’appuis spécifiques. Il intègre notamment deux dispositifs :

– le programme « Territoires d’industrie » ciblé sur 148 territoires et prévoyant 1,3 Md€ sur cinq ans, notamment destiné à soutenir les entreprises industrielles dans les territoires ruraux, et à favoriser le développement des services dans les territoires ;

– le programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens » qui prévoit le soutien de nouvelles activités et services regroupés dans des lieux entièrement équipés en numérique, en soutenant ceux qui créent, inventent et portent ces nouvelles activités. Des partenaires publics et privés (par exemple tiers-lieux, espaces de coworking…) y sont impliqués ([66]). Dans le cadre de la loi de finances pour 2023, ce programme portera les crédits de l’ANCT à destination des manufactures de proximité, jusqu’à présent financées dans le cadre du plan France relance.

Ce programme présente une hausse des crédits de paiement, qui s’explique essentiellement par la montée en puissance des pactes de développement territorial (31,1 M€ pour 2023 contre 10 M€ en loi de finances pour 2022). Or les crédits destinés aux fabriques de territoire et aux tiers‑lieux seront au mieux stables et plus vraisemblablement en diminution.

En effet, si l’ANCT bénéficie d’une subvention stable de 63 M€ pour la troisième année consécutive, dont le programme 112 porte la subvention pour charge de service public, et du maintien des 20 millions accordés en 2021 et 2022 pour financer l’ingénierie des collectivités, elle bénéficiait auparavant des financements complémentaires du plan de relance pour les fabriques de territoire (16,5 M€) ainsi que pour les programmes qu’elle portait dans le cadre de l’agenda rural (10 M€ en autorisations d’engagement et 7 M€ en crédits de paiement).

3.   Renforcer l’accompagnement technique et la viabilité économique des tiers-lieux, devenus des équipements essentiels dans les zones très peu denses

Au-delà du plan de relance, il convient de mettre au point une nouvelle stratégie pour le maintien des tiers-lieux qui ne sont pas encore parvenus à l’autonomie financière.

Le ministère chargé des collectivités territoriales et de la ruralité reconnaît le besoin d’accompagnement technique à différentes étapes du montage du tiers‑lieu, depuis l’étude de faisabilité jusqu’au suivi et au développement des projets. Il prend acte du constat « intermédiaire » de l’évaluation, qui souligne une fragilité persistante des montages financiers des tiers-lieux analysés, reconnaissant le besoin d’une stratégie économique pour leur autonomie et soutenabilité, sur laquelle une réflexion serait en cours.

Pour assurer une stabilité, la question du foncier doit également être prise en compte assez tôt par les collectivités et par les porteurs de projets, en considérant par exemple le recours au foncier vacant.

a.   Mobiliser le FDVA pour le soutien des tiers-lieux en difficulté dans les zones rurales

Une possibilité de mobiliser des soutiens pour les tiers-lieux en difficulté pourrait impliquer le Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA). Le rapport de 2019 préconisait, dans sa proposition n° 3, l’abondement du fonds à destination des territoires ruraux. L’évolution souhaitée n’aura pas lieu, car l’action « Développement de la vie associative » du programme budgétaire 163 « Jeunesse et vie associative » voit ses crédits diminuer de 10 %, passant de 58,9 M€ pour 2022 à 52,6 millions pour 2023 ([67]).

Le fonds, principal outil de soutien de l’État aux petites associations locales – il a soutenu 13 400 associations en 2021 – mobilisera 50,57 M€ au total pour 2023. Le fonds se décline en deux modalités de financement distinctes.

La première est un soutien aux associations souhaitant développer la formation de leurs bénévoles (FDVA 1) : les plans de formation soutenus peuvent être tournés vers l’objet au cœur du projet associatif ou liés à son fonctionnement (formations juridique, comptable, en gestion des ressources humaines, en informatique...). Le montant correspondant est de 8,07 M€, de même qu’en 2022.

La seconde est un soutien au fonctionnement et aux projets innovants des associations (FDVA 2), s’élevant à 25 M€ pour 2023. Le fonds doit permettre le financement global du fonctionnement d’une association ou la mise en œuvre de nouveaux projets ou d’activités qu’elle a créés pour offrir de nouveaux services à la population. Les associations de tous les secteurs peuvent en bénéficier, les projets retenus étant destinés à irriguer le tissu associatif local.

Une autre source de financement est affectée au FDVA : une quote‑part des sommes acquises à l’État au titre des comptes bancaires inactifs et des contrats d’assurance-vie en déshérence : le montant mobilisé par ce biais s’élèvera à 17,5 M€ en 2023.

Les rapporteurs maintiennent la proposition n° 10 pour un soutien accru aux tiers-lieux associatifs ruraux, devenus des atouts importants dans les zones dépourvues de ressources de cette nature.

b.   Recourir au volontariat territorial en administration pour le démarrage ou l’animation des tiers-lieux

Le dispositif du volontariat territorial en administration (VTA) a été créé et déployé en 2021 et 2022, avec le recrutement de 526 volontaires, et un accompagnement de 7,89 M€, soit 15 000 euros par an et par VTA, versés à la collectivité recruteuse sur décision du préfet. Tous les départements et la plupart des départements d’outre-mer ont fait appel à ce dispositif, qui est ouvert aux EPCI, aux communes, aux pays et aux pôles d’équilibre territorial et rural et, enfin, de manière plus exceptionnelle, aux structures portant des postes mutualisés pour le compte de plusieurs collectivités. La durée du contrat est de 12 à 18 mois.

Les volontaires ont été affectés comme chargés de mission d’accompagnement des projets de territoire – comme par exemple chargé de mission « habitat et redynamisation du territoire », « prévention des risques liés aux inondations », contrat de relance et de transition écologique, petites villes de demain, chargé de développement touristique, ou bien pour la réalisation de plans stratégiques d’investissement pluriannuel, de préparation de dossiers de subvention des différents financeurs (État, Union européenne, programmes de l’ANCT…).

Les profils des jeunes volontaires recherchés ont été ceux de diplômés en droit public ou droit des collectivités territoriales, gestion de projets, urbanisme, ingénierie des travaux publics, développement territorial, géographie…

Les retours collectés au fil de l’eau par les préfectures indiquent que le dispositif permet une bonne insertion du volontaire (une dizaine de collectivités ont recruté le VTA à la suite de ce contrat). Des VTA ont indiqué quitter le poste après avoir été lauréat d’un concours administratif ou à la suite d’une proposition de poste dans le développement local intéressante.

Les rapporteurs soutiennent la prolongation du dispositif, annoncée par la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Ils considèrent que ces recrutements pourraient utilement seconder le porteur de projet des tiers-lieux durant la phase de démarrage du projet, en lui apportant un accompagnement technique, et de même lors de l’ouverture à de nouvelles activités.

Ils considèrent également que la présence de conseillers numériques dans les tiers-lieux serait un atout pour l’attractivité du lieu, en complément des services rendus par la maison France services qui n’est pas localisée au même endroit.

III.   REMÉDIER À L’ISOLEMENT DES PERSONNES ÂGÉES

Selon le baromètre 2021 réalisé par l’association Petits Frères des Pauvres, on compte 2 millions de personnes isolées âgées de 60 ans et plus sur l’ensemble territoire dont 530 000 en situation de « mort sociale ». Cet isolement social affecte plus encore les personnes en situation de précarité : 64 % des répondants allocataires du « minimum vieillesse » (ASPA) vivent seuls et 17 % n’ont pas d’amis (selon l’enquête de la DREES en 2021). L’isolement social des personnes âgées en territoire rural est notamment lié à la distance des activités sociales et des services et au manque de transport permettant d’y accéder ([68]).

Le rapport du CEC préconisait, dans sa proposition n° 7, la création de petites structures d’accueil collectif pour recréer du lien social et assurer un suivi médical, afin de remédier à l’isolement des personnes âgées. La prise en compte des enjeux du vieillissement doit en effet intervenir aussi dans les projets de territoire.

Depuis la publication du rapport, plusieurs initiatives ont été prises par les pouvoirs publics, notamment en faveur du milieu rural.

Le Gouvernement met en œuvre sa feuille de route de lutte contre l’isolement des personnes âgées, dont les actions seront mentionnées plus loin.

S’agissant de la politique du vieillissement à domicile, l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 instaure une dotation complémentaire versée par les conseils départementaux aux services proposant de l’aide à domicile afin de financer des actions garantissant une couverture territoriale complète du territoire, notamment les zones rurales ou de montagne. Cette dotation permettra aussi de financer des actions de lutte contre l’isolement. L’enveloppe de cette dotation est de 360 M€ en 2023 et atteindra 780 M€ d’ici 2030.

Le déploiement de l’habitat inclusif en petites structures fait l’objet de nouvelles actions publiques.

A.   LE DÉVELOPPEMENT DE L’HABITAT INCLUSIF EN MILIEU RURAL

En premier lieu, dans le cadre du plan d’action interministériel sur l’habitat inclusif et de la démarche « Bien vieillir dans les Petites villes de demain », le Gouvernement (à travers la direction générale de la cohésion sociale [DGCS], la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie [CNSA] et l’ANCT) soutient le déploiement de l’habitat inclusif dans les communes « Petites villes de demain ».

L’habitat inclusif permet à des personnes âgées ou à des personnes en situation de handicap de faire le choix d’un mode d’habitation regroupé, à titre de résidence principale, assorti d’un projet de vie sociale et partagée. La logique de l’habitat inclusif est de privilégier les habitats de petite taille, pour loger 6 à 10 personnes au maximum.

Lancée en juillet 2021, la démarche « Bien vieillir dans les Petites villes de demain » vise à soutenir des stratégies de revitalisation des centres-villes et centres‑bourgs adaptées aux besoins et aspirations des personnes vieillissantes.

Un appel à manifestation d’intérêt « Fabrique à projets d’habitat inclusif » porté par l’ANCT a été lancé en 2021, visant à déployer l’habitat inclusif dans les communes « Petites villes de demain ». Un dispositif spécifique de soutien à l’ingénierie de projet a ainsi été conçu en complémentarité des dispositifs de soutien à l’animation des habitats inclusifs (forfait habitat inclusif et aide à la vie partagée). L’appel à manifestation d’intérêt propose aux lauréats – publics ou privés – un accompagnement en ingénierie pour démarrer et développer leur projet, qui, selon le statut du projet et le besoin exprimé, est fourni par la CNSA avec une subvention forfaitaire, la Banque des territoires ou l’ANCT (tous deux mobilisant leur marché à bons de commande). L’enveloppe globale est de 1,5 M€ pour l’ingénierie « booster » portant sur l’accompagnement à la conduite d’études bâtimentaires et architecturales, l’accompagnement au montage du projet social et l’accompagnement au montage du projet immobilier.

L’objectif est de développer 500 projets d’habitat inclusif d’ici 2026, à raison de 100 projets par an. En 2022, 63 projets ont été répartis dans 45 départements et 11 régions (Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Occitanie, Normandie, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Grand Est, La Réunion, Île‑de‑France, Hauts‑de‑France, Pays de la Loire et Bourgogne-Franche-Comté).

En second lieu, le ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées soutient le développement des résidences autonomie et, parmi elles, en milieu rural, de maisons d’accueil rural pour les personnes âgées (MARPA).

La dénomination « MARPA » désigne un label délivré par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA). Il a été principalement délivré à des résidences autonomie de petite taille situées en milieu rural. Les MARPA accueillent environ 25 personnes et sont destinées aux personnes âgées autonomes (dont l’état de santé correspond à un degré 5 ou 6 de la grille GIR). Des actions de prévention de la perte d’autonomie y prennent place. Il s’agit de logements non médicalisés, mais qui peuvent accueillir des personnes plus dépendantes dans des limites fixées par décret (10 % de personnes dont l’état de santé correspond à un GIR 1‑2 et 15 % de personnes à un GIR 1-3).

Actuellement, 200 MARPA sont réparties sur 70 départements. Elles sont généralement implantées en milieu rural ou en périphérie des villes. Les régions et départements qui en comptent le plus sont : les Hauts-de-France, la Bourgogne‑Franche‑Comté, l’Ain, l’Ardèche, la Drôme, la Loire et la Martinique.

Elles accueillent 5 000 personnes âgées environ sur toute la France et répondent à un réel besoin dans le milieu rural où vivent 25 % des personnes âgées. On constate un nombre croissant de demandes pour ces structures, émanant de personnes en situation de handicap vieillissantes.

En termes de personnel, on compte en moyenne 6 ETP par établissement. Le loyer et les charges locatives s’élèvent en moyenne à 900 euros. Les résidents peuvent bénéficier de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), de l’aide personnalisée au logement (APL) et de l’aide sociale à l’hébergement (ASH). Ils bénéficient de prestations obligatoirement proposées par la structure, mais qu’ils ne sont pas tenus de prendre (ex : blanchisserie, restauration, téléassistance, animation de la vie sociale…). Par ailleurs, ils peuvent avoir accès aux services à domicile de leur choix.

Les collectivités territoriales ont un rôle moteur dans la création de ces établissements. Elles prennent leurs décisions en s’appuyant sur les diagnostics de faisabilité MARPA, réalisée par la MSA. La création d’une MARPA résulte ainsi d’une synergie entre différents acteurs :

– le porteur de projet aidé par le référent MSA, qui l’accompagne tout au long du projet ;

– la collectivité à l’initiative du projet ayant identifié le besoin ;

– le conseil départemental qui autorise l’établissement.

B.   DÉPLOYER DES RESSOURCES POUR LES PERSONNES ÂGÉES SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE : EXPÉRIMENTATIONS ET RÉFLEXIONS EN COURS

Pour lutter contre l’isolement social des seniors sur l’ensemble du territoire, la DGCS a conjointement mis en place avec la CNSA un comité stratégique national réunissant l’ensemble des parties prenantes. Celui-ci a permis l’avancement de différentes initiatives :

– la diffusion d’un guide repère tout public (s’adressant aussi bien à l’ensemble des citoyens qu’aux acteurs en proximité avec les seniors comme les voisins, commerçants, facteurs, aidants, etc.) et d’un répertoire des ressources mobilisables dans lequel sont mentionnés les coordonnées du mouvement Familles rurales pour le transport solidaire, l’Union des familles rurales pour les visites de convivialité ou encore l’annuaire des centres communaux d’action sociale (élaborés en groupe de travail) ;

– le déploiement d’un dépistage multidimensionnel du déclin fonctionnel lié à l’âge ([69]) dans le cadre « innovations en santé » de l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. L’expérimentation cible plus de 50 000 seniors de 60 ans et plus, autonomes et notamment en situation de vulnérabilité (isolement social et géographique, éloignement des soins et précarité). Parmi les 13 porteurs locaux, figurent des territoires en tout ou partie ruraux mais aussi insulaires et montagneux (Haute‑Corrèze, Corse, Centre-Val de Loire, etc.) ;

– le déploiement de missions de service public « solidarité seniors » à domicile ou en établissement (ayant recours à 8 506 jeunes en 2021-2022) et la diffusion d’un kit pour favoriser les jumelages intergénérationnels entre établissements scolaires et EHPAD ou résidences autonomie à l’échelle du territoire ;

– l’expérimentation en 2020-2021 de la cohabitation intergénérationnelle solidaire (collaboration CNAV/CNAF) évaluée par le réseau Cohabilis : 378 contrats ont été mis en place dont les bénéficiaires ont été très satisfaits. Une difficulté a néanmoins été soulevée concernant le manque de transports en commun en territoire rural (notamment pour les jeunes) ;

– la constitution par la CNSA d’un réseau de référents de lutte contre l’isolement social dans 66 départements à la suite d’un appel à désignation au sein des conseils départementaux.

En outre, la DGCS soutient, dans le cadre d’une convention pluriannuelle d’objectifs, le déploiement par le groupe SOS Seniors, de la plateforme numérique « OGENIE » auprès de 15 à 20 conseils départementaux. Construite pour et avec les acteurs de la lutte contre l’isolement, elle permet de renseigner ses utilisateurs (personnes isolées et proches, professionnels) sur les enjeux de l’isolement social, sur les ressources disponibles sur les territoires et enfin de mettre en relation les personnes isolées avec les acteurs existants. 8 départements sont déjà engagés dans la démarche dont des territoires majoritairement ou en partie ruraux comme l’Aveyron, l’Aisne et le Lot.

Le Conseil national de la refondation (CNR) travaille sur une thématique « Bien Vieillir » qui comporte un volet relatif à l’adaptation des territoires au vieillissement de la population, incluant l’amélioration de la mobilité et de l’accès aux transports ; le renforcement des liens sociaux est également une thématique inscrite dans les travaux en cours.

 

 


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   CONCLUSION

Il aura fallu attendre le 30 avril 2021 et une étude de l’INSEE pour que la ruralité ne soit plus définie « en creux » par rapport aux espaces urbanisés, mais réellement comme des territoires à part entière.

Un mea culpa discret et pourtant essentiel pour une mise en œuvre efficace de nos politiques publiques. Car contrairement à un certain imaginaire collectif, la ruralité représente 88 % des communes de France (30 772 communes), 91,5 % du territoire national et 33 % de la population française (21,9 millions d’habitants), ce qui nous place comme le deuxième pays le plus rural d’Europe après la Pologne.

Tout l’objet de notre rapport de suivi, après de longues heures d’auditions, était de vérifier si les propositions avancées en 2019, pour renforcer l’accès aux services publics dans les territoires ruraux, c’est-à-dire pour la majeure partie du territoire national, et 33 % de la population, avaient été bien mises en œuvre et si elles étaient de nature à répondre aux multiples crises que vivent ces territoires.

Trois ans plus tard, le bilan recensé dans le tableau précédent sur la couverture numérique, les mobilités, la santé, l’accompagnement et l’accès mutualisé à des services publics dématérialisés est plutôt décevant. Pour être parfaitement exact, beaucoup a été initié, mais les résultats tardent à se faire sentir et le sentiment d’abandon sur le terrain continue de croître.

Pour vos rapporteurs, il n’y a rien de paradoxal à cela. Le manque de définition et d’indicateurs pertinents a longtemps masqué la réalité : si le taux de chômage y est vu comme faible, c’est du fait de l’exode des populations ainsi recensées vers des zones urbaines plus propices aux opportunités d’emploi, si le revenu moyen n’y est pas toujours faible, cela est souvent dû au poids relatif plus important des emplois publics et aux aides spécifiques accordées aux exploitations agricoles, si le désert médical ne semble pas toujours plus important, c’est d’abord parce que l’indicateur principal est le nombre de médecins rapporté à la population. En revanche, si nous nous intéressons à l’accès aux soins, comme, par exemple, la distance à une pharmacie ou le risque létal suite à AVC, nous constatons à l’inverse l’iniquité́ dont souffrent les territoires ruraux.

La question du logement a longtemps été mise de côté également : état du parc, précarité énergétique, difficulté à construire, impact de la nouvelle réglementation du zéro artificialisation net… Si les infrastructures de transport sont les moins modernisées, c’est à cause de la priorité accordée au volume du trafic qu’elles supportent, sans prendre en compte la sécurité.

Il est indéniable que la valorisation de ces territoires peut se heurter à des handicaps structurels forts. Néanmoins, il y a de réels succès qui témoignent, lorsque la volonté politique est là, que les territoires ruraux peuvent bénéficier d’une offre adaptée. C’est le cas des maisons France services ou encore de l’accès au numérique très haut débit, bientôt achevé.

C’est aussi le cas pour les micro-folies, qui sont un véritable succès culturel dans les zones rurales, et qui reste encore à développer, comme dans les tiers‑lieux. Il y a aussi l’ANCT, l’Agence nationale de cohésion des territoires, qui développe les politiques d’aménagement du territoire, notamment avec le programme « Petites Villes de demain » et le soutien précieux en ingénierie que cela apporte. Ces acquis sont naturellement tous à conforter.

Ce rapport vient également devancer la publication du bilan du premier Agenda rural, ses 182 propositions et la présentation du second Agenda rural. C’est dans ce cadre que vos rapporteurs souhaitent élargir leurs conclusions en présentant 12 mesures que ce nouvel Agenda rural devrait s’attacher à mettre en œuvre.

L’enjeu n’est plus à la communication de grands plans, mais à la multiplication partout d’une offre de services publics identifiés, efficaces et adaptés pour rétablir une confiance entre les habitants des zones rurales et l’État.

Proposition n° 1 : pérenniser les dispositifs fiscaux et sociaux en faveur des zones rurales

Nous pensons d’abord ici aux zones de revitalisation rurale (ZRR), qui sont en cours de réexamen, tant sur le plan du zonage de référence que du contenu du dispositif lui-même. Un resserrement du zonage couplé à une clarification du dispositif autour des seules mesures jugées efficientes apparaît a minima nécessaire. Cet outil demeure pour autant indispensable pour encourager le redéploiement de services publics en zone rurale ; c’est le cas par exemple avec l’exonération de charges sociales en ZRR pour les organismes d’intérêt général (OIG), notamment les EHPAD.

Le dispositif de « prêts à taux zéro » (PTZ) doit également demeurer.

Proposition n° 2 : clarifier la nébuleuse de dotations et financements existants en liant mieux ces investissements et l’ingénierie pour aboutir à des projets cohérents

Les trois fractions de la dotation de solidarité rurale (DSR) ne permettent plus d’identifier clairement ses objectifs d’origine, qui consistent à tenir compte des charges que supportent les communes rurales pour maintenir un niveau de services suffisant, malgré́ des ressources fiscales insuffisantes.

Essentiellement vouée à l’investissement, la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) représente également une ressource conséquente, confiée au préfet de département.

Nous pourrions également citer le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) ou le Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA).

Les autres divers fonds d’aménagement du territoire se voient quant à eux essentiellement réservés aux entreprises, la part restante étant essentiellement mobilisée pour le financement de dispositifs nationaux (pôles d’excellence rurale, pôles de compétitivité́, revitalisation des centres-bourgs...).

L’ingénierie rurale doit être fortement renforcée pour accompagner ces financements, notamment sur le plan humain. Les délais sont encore trop longs.

Proposition n° 3 : élargir le bouquet d’offre des maisons France services

Nous disposons aujourd’hui d’un maillage qui a fait preuve largement de son efficacité et qui prend toute sa part dans le maintien des services publics en zone rurale comme La Poste, les buralistes, la gendarmerie, les notaires ou encore les banques et les distributeurs de billets.

Cette conception renforce la pertinence du guichet unique porté par les maisons France services. Celui-ci demeure pourtant encore trop déséquilibré et l’offre n’y est pas toujours complète et similaire.

Il apparaît nécessaire d’élargir le bouquet à l’ensemble des services publics tout en poursuivant les efforts de formation des agents.

Proposition n° 4 : faire en sorte que chaque préfecture et souspréfecture accueille une maison France services et déployer les souspréfets mobiles

Le rôle des préfets et des sous-préfets ne cesse de se renforcer. Les sous‑préfets, désormais placés en acteurs de la nouvelle « ingénierie territoriale de l’État », incarnent cette implantation indispensable dans le territoire.

Or dans les territoires ruraux, l’éloignement des pôles de décision est mal vécu et accentue le sentiment d’abandon. Pourtant, les villes préfectures, sous‑préfectures ou simples chefs-lieux de canton, forment un maillage indispensable au fonctionnement des territoires en concentrant la plupart des services indispensables à la vie locale.

La présence dans chaque préfecture et sous-préfecture d’une maison France services viendrait clarifier ce rôle et renforcer le lien entre les habitants et l’État.

Tous les citoyens n’ont pas les moyens de se rendre en préfecture ou dans les maisons France services. La politique d’« aller vers » apparaît comme une solution essentielle et complémentaire à tous les autres efforts. Il apparaît comme essentiel pour vos rapporteurs que cette pratique soit massivement généralisée sur le territoire le plus rapidement possible.

Proposition n° 5 : créer des guichets citoyens, pour répondre aux actes essentiels de la vie

Dans la vie de chaque Français, il y a des actes que nous aurons tous à faire et qui viennent souvent avec leur lot de difficultés, de délais, etc. Ces situations peuvent empoisonner le quotidien de certaines personnes.

Acte de naissance, acte de décès, carte grise, passeport/CNI, certificat de nationalité, etc. sont autant de documents que nous aurons tous à produire un jour ou l’autre.

Face à cela, nous proposons de créer des guichets citoyens, dans les maisons France services, les préfectures et sous-préfectures afin d’apporter de la lisibilité sur les procédures et de fournir un accompagnement spécifique pour que ces « 10 actes essentiels à la vie » deviennent un acte ordinaire.

Proposition n° 6 : faire de la différenciation un automatisme dans le déploiement d’une politique publique

Fondées sur un objectif de rationalisation des moyens d’intervention territoriale de l’État, la révision générale des politiques publiques (RGPP) et la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE), auxquelles s’est substituée la modernisation de l’action publique (MAP), ont engagé avec une ampleur sans précédent le chantier de la réorganisation des administrations d’État dans les territoires. L’avis d’échec est aujourd’hui largement reconnu.

Il convient de tenir compte des spécificités des situations territoriales où les normes et textes réglementaires ont vocation à s’appliquer, grâce à une approche « d’interprétation positive » des textes, bienveillante, mais non complaisante.

Proposition n° 7 : mettre en place une aide financière pour le « dernier commerce rural », qui joue systématiquement un rôle de service public

Ce dispositif pourrait prendre la forme d’une aide majorée de 50 % au dernier commerce dans une commune en zone de revitalisation rurale.

À cela, nous pourrions ajouter la mise en place d’une aide à hauteur de 30 % pour les investissements des commerces ambulants, que l’on garantisse aux entreprises artisanales un dispositif d’exonération fiscale équivalent à celui pour la création d’entreprise et que l’essor de projets, notamment artistiques, et des associations soient favorisés.

Proposition n° 8 : l’accès à la santé comme priorité

L’accès à des soins et services de santé de qualité demeure le principal enjeu des territoires ruraux. Si les difficultés se retrouvent sur l’ensemble du territoire, la problématique des distances et de l’absence de certains services de santé essentiels tels que les maternités pose un enjeu de santé publique majeur.

De nombreuses initiatives sont en cours de déploiement. Nous souhaiterions insister pour notre part sur le retour des hôpitaux ruraux composé des services essentiels, le déploiement de médecins salariés, le renforcement de la télémédecine et la revalorisation des métiers du vieillissement en prenant en compte le critère de distance dans les modalités de tarification des services d’aide à domicile et l’accueil du maintien à domicile.

La mise en œuvre d’une charte fixant par territoire le niveau de présence des services publics de santé (médecins, hôpitaux, vétérinaires...) nous apparaît comme nécessaire.

Enfin, le développement d’une antenne de SAMU social dans tous les centres hospitaliers de proximité est aussi nécessaire.

Proposition n° 9 : favoriser l’implantation de grandes écoles et de structures d’accueil de la petite enfance

S’appuyant sur des critères simples de rentabilité́ ou d’efficacité, ces implantations accompagnent les dynamiques de concentration métropolitaine sans déterminer la part devant nécessairement relever d’une politique volontariste d’égalité entre territoires.

Il apparaîtrait utile que les territoires ruraux puissent bénéficier d’implantations en matière d’enseignement supérieur ou de recherche.

Enfin, nous sommes favorables à garantir une aide pour les structures d’accueil de la petite enfance qui mettent en place des dispositifs innovants et adaptés au monde rural à savoir les microcrèches, les haltes-garderies itinérantes, les regroupements d’assistantes maternelles.

Proposition n° 10 : accompagner le développement du télétravail en créant des télécentres et des tierslieux

La crise de la Covid-19 a su mettre en exergue le désir de nombreux Français de revenir dans certains territoires, en dehors des grandes métropoles. Les zones rurales ont vu leur population s’accroître et parfois se pérenniser à la faveur de la généralisation du télétravail.

Pour autant, celui-ci n’est pas toujours évident en dehors des bureaux et le domicile pas nécessairement adapté. Un développement des télécentres et des tiers‑lieux est à envisager en liaison avec les EPCI.

Proposition n° 11 : faire de la culture et de la richesse patrimoniale rurale un vecteur touristique majeur

Largement dotés en termes de patrimoines naturels, paysagers, historiques, culturels... de qualité et garants de leur pérennité pour le compte du pays voire du monde entier, les territoires ruraux disposent d’un potentiel majeur.

Ce potentiel, pour peu qu’il soit préservé et mis en valeur, peut déboucher sur une économie présentielle et touristique à la fois diffuse et redistributive (par opposition à une industrie touristique concentrée, telle que les territoires littoraux, de montagne...).

Or, le patrimoine et son entretien demeurent tributaires de la présence humaine permanente dans le territoire : les paysages agricoles et naturels, le bâti historique, la culture ou la gastronomie française... ne peuvent exister sans ceux qui les font réellement vivre, sur place et à l’année.

La récente loi sur le patrimoine sensoriel de 2021 témoigne de la nécessité et de valoriser nos espaces ruraux.

Proposition n° 12 : les transports comme impératif public

La régénération des petites lignes ferroviaires est une nécessité en France, ainsi qu’un maillage des transports publics dans les territoires ruraux.

À cette fin nous sommes favorables à la mise en place d’un fonds permettant d’accompagner l’essor du transport de proximité financé en partie par l’État afin d’aider les collectivités territoriales.

Nous pensons que l’État doit mettre en place un dispositif de raccordement des préfectures à un réseau autoroutier et accompagner les communes situées en zone de revitalisation rurale dans la prise en charge des coûts de transport d’un apprenti dans le cadre de son apprentissage.

Les lois NOTRe et MAPTAM ([70]) ayant profondément déstabilisé l’organisation des pouvoirs publics et des capacités décisionnelles de chacun, toutes ces mesures devront faire l’objet, selon vos deux rapporteurs, d’une prise en considération dans une prochaine réforme de la décentralisation, sembletil en préparation à la date d’écriture de ce rapport.

 

 


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   EXAMEN PAR LE COMITÉ

Le Comité a procédé à l’examen du présent rapport d’information lors de sa réunion du jeudi 6 avril 2023 et a autorisé sa publication.

Les débats qui ont eu lieu au cours de cette réunion sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13238151_642e7a59112b9.comite-d-evaluation-et-de-controle-des-politiques-publiques--acces-aux-services-publics-dans-les-te-6-avril-2023

 

 


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   ANNEXE N° 1 :
TABLEAU DE SUIVI DES PROPOSITIONS

 

Proposition rejetée ou n’ayant pas fait l’objet d’un début d’application

Proposition ayant fait l’objet d’un avis favorable et d’un début d’application

Proposition appliquée

Proposition n° 1 : assurer la couverture numérique très haut débit dans les territoires ruraux :

 recourir au mix technologique pour permettre un accès généralisé au réseau et aux usages en 2020 sans renoncer à l’objectif de 30 Mbit/s pour tous en 2022 et de 100 Mbit/s pour tous en 2025 ;

 sécuriser le financement des zones d’initiative publique.

 

 

Proposition n° 2 : créer ou pérenniser des services de mobilité adaptés dans les territoires ruraux.

 

 

Proposition n° 3 : abonder le Fonds pour le développement de la vie associative à destination des territoires ruraux.

 

 

Proposition n° 4 : définir des aides à l’amélioration de l’habitat adaptées aux territoires ruraux.

 

 

Proposition n° 5 : accompagner la mise en œuvre de centres de santé.

 

 

Proposition n° 6 : fixer un seuil d’éloignement maximal des services de santé et d’urgence à vingt minutes.

 

 

Proposition n° 7 : favoriser la création de petites structures collectives à destination des personnes âgées isolées.

 

 

Proposition n° 8 : améliorer l’attractivité des stages dans les territoires ruraux pour les apprentis et les étudiants et rendre ces stages obligatoires pour les étudiants en médecine.

 

 

Proposition n° 9 : mettre en place des tutorats et des échanges d’expérience pour mieux accompagner les néoentrepreneurs des territoires ruraux en liaison avec les chambres d’agriculture, les chambres des métiers et les chambres de commerce et d’industrie.

 

 

Proposition n° 10 : après le lancement du plan en faveur des tierslieux, assurer la viabilité de ces structures.

 

 

Proposition n° 11 : maintenir l’emploi public dans les territoires ruraux en y redéployant les postes supprimés à l’échelle du département.

 

 

Proposition n° 12 : améliorer l’efficacité des dispositifs publics de formation au numérique :

 former les élèves à tous les usages du numérique (technique et compréhension) et définir un socle numérique de base en termes d’infrastructures et d’équipements ;

 adapter les aides aux besoins des différents publics ;

 élargir le champ de la formation afin de la rendre plus attractive.

 

 

Proposition n° 13 : prévoir un accès multicanal à tous les services publics consistant à compléter l’accès normal en ligne par une possibilité de recourir à d’autres modes d’accès téléphoniques ou physiques.

 

 

Proposition n° 14 : délimiter et sécuriser l’intervention des accompagnants.

 

 

Proposition n° 15 : améliorer le service apporté aux usagers des MSAP/MFS :

 recentrer le maillage du réseau France services autour des bassins de vie en respectant un temps d’accès maximal de vingt minutes ;

 confier la gestion des maisons France services aux intercommunalités dont les maires des communes membres seront réunis chaque année au sein d’une conférence sur l’organisation des services publics ;

 favoriser l’itinérance des services publics en direction des personnes éprouvant des difficultés à se déplacer.

 

 

Proposition n° 16 : renforcer la visibilité du réseau MSAP/MFS :

 mettre en place une politique de communication pour accroître la notoriété des maisons France services et des autres structures mutualisées ;

 informer régulièrement les secrétariats de mairie des services proposés par les MSAP/MFS.

 

 

Proposition n° 17 : donner aux agents des MSAP/MFS les moyens de réussir leur mission :

 créer le métier d’agent polyvalent d’accompagnement du public avec une obligation de formation continue ;

 mettre en place un plan national de formation et de certification des compétences ;

 constituer, chez chaque opérateur, un réseau d’interlocuteurs bien identifiés, compétents et à la disposition des agents d’accueil.

 

 

Proposition n° 18 : instituer un dispositif de mesure des coûts et de la performance des MSAP/MFS.

 

 

Proposition n° 19 : sécuriser les financements pluriannuels des MSAP/MFS.

 

 

Proposition n° 20 : simplifier la gouvernance de la politique publique d’implantation et d’accessibilité des services publics territoriaux :

 rendre les SDAASP opposables, en organiser le suivi, y intégrer les schémas sectoriels, et assurer leur cohérence avec les SRADDET ;

 conforter le binôme préfetprésident de conseil départemental comme coordonnateur de l’organisation de l’accès aux services publics, y compris aux services de l’État ;

 créer une mission interministérielle à la ruralité constituée de référents dédiés dans chaque ministère.

 

 

Proposition n° 21 : mesurer la population rurale selon la grille communale de densité INSEE/Eurostat et mettre à l’étude ses conséquences sur les mécanismes de péréquation financière.

 

 

Proposition n° 22 : prendre en compte la vulnérabilité économique et sociale des populations pour calibrer la politique d’accès aux services publics.

 

 

Proposition n° 23 : étudier la prise en compte d’autres critères que la population et le potentiel fiscal, notamment des critères environnementaux, dans l’attribution des dotations aux communes.

 

 

 

 


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   ANNEXE N° 2 :
ÉTUDE SUR LA DIVERSITÉ DES RURALITÉS « TYPOLOGIES ET TRAJECTOIRES DES TERRITOIRES »

ANCT - Acadie - Magali Talandier - février 2023

La typologie des territoires ruraux établie par la présente étude constitue la synthèse construite à partir d’une cinquantaine d’indicateurs statistiques portant sur les dynamiques démographiques, les fonctions économiques, l’accessibilité et l’attractivité, les dynamiques sociales et les inégalités, le profil de la population, et les caractéristiques du parc de logements. Ce travail défini donc quatre catégories de ruralités et pose les bases d’un travail prospectif permettant d’adapter les politiques publiques au plus près des besoins locaux :

 Les ruralités résidentielles

Ces ruralités forment un halo autour des villes et regroupent 10 300 communes rurales et 8 millions d’habitants. Ce sont des lieux de résidence qui dépendent des pôles urbains. Les besoins de mobilité pour accéder aux emplois ainsi que les constructions souvent énergivores, renforcent les risques de précarité énergétique des ménages, surtout dans les ruralités résidentielles moins privilégiées et plus éloignées des villes.

 Les petites polarités

Ces ruralités regroupent 5 500 communes rurales et 7,2 millions d’habitants (33 %) et concentrent 46 % de l’emploi rural, les équipements, les services publics et une part significative des logements sociaux.

Elles sont constituées de près de 2 000 polarités « industrielles et artisanales » avec de nombreux emplois de fabrication, et de près de 3 500 polarités « mixtes » avec des emplois productifs et des services diversifiés. L’enjeu du maintien de ces centralités est déterminant pour l’avenir des espaces ruraux.

 Les ruralités productives

Ces ruralités regroupent 11 000 communes et plus de 4 millions d’habitants. 4 600 d’entre elles ont une forte proportion d’ouvriers ; 6 200 ont une forte présence d’agriculteurs.

Elles sont enclavées et caractérisées par une perte de population, le vieillissement, et la précarité des ménages. Ces difficultés traduisent des besoins en termes de formation, d’accès à l’emploi, d’attractivité économique.

 Les ruralités touristiques

Ces ruralités regroupent 4 100 communes, dont la capacité d’accueil touristique est importante et 2,1 millions d’habitants.

Elles sont constituées des communes de tourisme résidentiel avec une part importante de résidences secondaires et des communes de tourisme marchand comptant nombre d’hôtels, de gîtes et de campings.

Elles sont éloignées des pôles d’emplois et leur dynamisme migratoire et économique ne suffit pas à résorber un taux de chômage élevé (beaucoup d’emplois précaires, saisonniers et peu rémunérés) et des inégalités sociales en raison de la présence de nombreux retraités aisés et des difficultés d’accès au logement.

Cette cartographie des territoires ruraux est complétée par une typologie des flux de ressources et interactions avec les autres territoires, permettant d’explorer leurs capacités à contribuer aux transitions à venir.

 


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   ANNEXE N° 3 :
EXEMPLE DE PRÉSENCE DES OPÉRATEURS ET MINISTÈRES DANS HUIT DÉPARTEMENTS, INDÉPENDAMMENT DU RÉSEAU FRANCE SERVICES (
[71])

 

 

Réseau FS ([72])

CAF

CNAV

MSA

DGFiP

Intérieur

La Poste

Pôle emploi

Justice

Aisne

31 dont 7 bus et 3 antennes

5 accueils CAF + 36 points d’accueil

2 agences retraite et 6 points d’accueil retraite

4 agences

13,3 ETP

8 guichets

 

175 points de contact, 1 bureau de poste FS en commune rurale

7 sites

400 agents

7 points justice

Hautes-Alpes

20 dont 4 antennes et 3 bus

2 accueils CAF + 3 permanences CAF

1 agence retraite et 4 points d’accueil retraite

 

5 guichets

Un PAN à la préfecture animé par un volontaire en service civique pour les démarches ANTS ; un guichet  pour les demandes urgentes de passeport et de CNI

92 points de contact, un BP FS en commune rurale

2 sites

109 agents

3 points justice dont 1 en France services

Ardèche

29 dont 2 bus

2 accueils CAF + 3 points d’accueil et 4 permanences CAF

1 agence retraite et 3 points d’accueil retraite

3 agences

12 ETP

5 guichets

Un PAN à la préfecture et à la sous-préfecture de Tournon

(Fusion à venir du PAN avec l’accueil des étrangers)

174 points de contact, 6 BP FS en communes rurales

4 sites

228 agents

35 points justice dont 7 en France services

Calvados

42

3 accueils CAF + 9 points d’accueil et 7 permanences CAF

2 agences retraite,

1 guichet commun travailleurs indépendants et 1 point d’accueil retraite

3 agences

2 points d’accueil

5 ETP

13 guichets

7 agents sur les sites administratifs (préfecture et DDI)

195 points de contact, un BP FS + info 14, en commune rurale

9 sites

459 agents

54 points justice dont 41 en France services

Loir-et-Cher

23 dont 2 bus

1 accueil CAF + 2 points d’accueil

2 agences retraite

6 ETP

3 guichets

 

155 points de contact, 6 BP FS en communes rurales

4 sites

218 agents

20 points justice dont 15 en France services

Lozère

18 dont 2 bus

1

1 agence retraite

4,4 ETP

6 guichets + 5 permanences

 

79 points de contact, 1 BP FS en commune rurale

1 site

36 agents

4 points justice dont 4 en France services

Haute-Saône

24 dont 1 antenne et 1 bus

1 accueil CAF + 10 points d’accueil

1 agence retraite

1 ETP

7 guichets

RV possible au PAN pour les démarches ANTS et étrangers (2 vol. en service civique)

RV pour les demandes urgentes de passeport et de CNI

127 points de contact, un BP FS en commune rurale

8 sites

367 agents

21 points justice dont 13 en France services

Vosges

33 dont 8 antennes et 2 bus

1 accueil CAF + 15 permanences

2 agences retraite et 23 points d’accueil retraite

7,9 ETP

13 guichets

Un guichet pour les suspensions de permis et pour les passeports d’urgence

137 points de contact, un BP FS en commune rurale

5 sites

205 agents

9 points justice dont 4 en France services

CNAV : Le maillage territorial de la branche retraite du régime général s’appuie sur différentes structures (données 2022) : l’ensemble des maisons France services, 213 agences retraite structurées autour de la CNAV, de CARSAT ou de CGSS, réparties sur l’ensemble du territoire (202 en métropole et 11 dans les territoires d’outre-mer), 274 points d’accueil retraite (PAR) permettant de réaliser des permanences sur rendez-vous au sein de partenaires, 24 guichets commun travailleurs indépendants en partenariat avec les URSSAF.

MSA : La MSA porte 3 France services en Ardèche (local public), Aisne (sous-préfecture) et le Loir-et-Cher (local MSA). Les agences MSA de l’Aisne sont situées à Château-Thierry, Saint-Quentin, Soisson et Laon (site de production) ; celles des Hautes-Alpes à Guilleste (point d’accueil), Laragne-Montéglin (point d’accueil) et Gap (site de production) ; celles de l’Ardèche à Aubenas (agence), Davezieux (permanence), Privat (site de production) ; celles du Calvados à Caen (siège social), Lisieux (agence), Vire (agence), Bayeux (point d’accueil) et Falaise (point d’accueil) ; celles du Loir-et-Cher à Romorantin-Lanthenay (agence), Vendôme (agence), Blois (siège social) ; celles de Lozère à Florac-Trois-Rivières (point d’accueil), Langogne (point d’accueil), Marvegols (point d’accueil), Mende (siège), Saint-Chély-d’Apcher (point d’accueil) ; de Haute-Saône à Gray (point d’accueil) et Vesoul (site de production) ; dans les Vosges à Épinal (site de production) et points d’accueil à Bulgneville, Le Val-d’Ajol, Neufchâteau, Rambervilliers, Remiremont, Saint-Dié-des-Vosges.

CNAF : Dès 2015, la branche a développé des collaborations avec des partenaires d’accès aux droits de proximité. Ces partenaires, formés par les CAF, bénéficient des labels nationaux « point relais CAF » ou « point numérique CAF ». Ils assurent une mission de facilitation numérique et/ou administrative auprès de leurs propres usagers ayant des questions CAF. Certains de ces partenaires ont depuis obtenu la labellisation France services.

CNAM : Le département de l’Aisne compte 7 agences d’accueil fixes (Château‑Thierry, Chauny, Hirson, Laon, Saint-Quentin, Soissons et Villers‑Cotterêts) et 5 points d’accueil itinérants (Bohain‑en‑Vermandois, Fère‑en‑Tardenois, Guise, Tergnier, Vervins). La CPAM assure des permanences dans 5 France services (Hirson et Villers-Cotterets : 5 jours/semaine, Bohan : 1 jour/semaine, Fère-en-Tardenois et Vervin : ½ journée/semaine) ainsi qu’au centre social de Tergnier, à la mairie de Guise et dans le local CAF de Château‑Thierry.

Ministère de l’intérieur : La dématérialisation des démarches et la disparition des guichets issues du plan Préfectures nouvelles générations de 2016 ont conduit les préfectures et la majorité des sous-préfectures à ouvrir des points d’accueil numérique (PAN) pour accompagner les usagers, dont les missions ont été enrichies au gré des dématérialisations de procédures. Ces PAN sont souvent animés de volontaires en service civique, ce qui peut entraîner leur fermeture en cas de difficultés de recrutement, notamment dans les départements ruraux.

Dans le Calvados, les sept agents sont amenés à être affectés à l’accueil général de la préfecture du lundi au vendredi de 8h30 à 12h30. Cet accueil physique a concerné 13 680 personnes en 2022. Un standard téléphonique est aussi à la disposition des usagers, ainsi qu’une boîte fonctionnelle qui a été sollicitée 4 386 fois en 2022 ; pour l’accompagnement numérique, le PAN est ouvert trois demijournées par semaine pour les usagers étrangers, et en cours de réouverture pour les autres démarches. 587 rendez-vous assurés en 2022.

En Haute-Saône, un accueil téléphonique est assuré pour accompagner les usagers dans leurs démarches (200 appels par mois). Un rendez-vous physique est proposé si l’usager ne peut pas effectuer les démarches depuis chez lui. Il est alors reçu au PAN, animé par 2 volontaires en service civique, ouvert tous les jours pour les démarches ANTS et étrangers. Une permanence téléphonique immatriculation et permis de conduire se tient deux après-midi par semaine avec deux agents.

 

 


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   ANNEXE N° 4 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

1. Tables rondes :

        M. Zacharia Alahyane, directeur des programmes France Mobile et France THD de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ;

        Mme Liza Bellulo, présidente de la Fédération française des télécoms (FFTélécoms)*, accompagnée de M. Olivier Riffard, directeur des affaires publiques ;

        M. John Billard, vice-président en charge du numérique et secrétaire général de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), accompagné de Mme Judith Ardon, vice-présidente en charge du numérique de l’Association des maires ruraux de Haute‑Garonne (AMR31) ;

        M. Olivier Corolleur, directeur général adjoint, directeur « Fibre, infrastructures et territoires », Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) ;

        M. Frithjof Michaelsen, chargé de mission secteur numérique de l’UFC-Que Choisir* ;

        M. Claude Riboulet, président de la commission Innovation et numérique de l’Assemblée des départements de France (ADF) ;

        M. Ariel Turpin, délégué général de l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (AVICCA).

        M. Xavier Albouy, directeur adjoint, direction interministérielle du numérique (DINUM), ministère de la transformation et de la fonction publiques ;

        M. Jean Deydier, fondateur et directeur de WeTechCare ;

        M. Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique, direction interministérielle de la transformation publique (DITP), ministère de la transformation et de la fonction publiques ;

        M. Marc Loiselle, directeur de la protection des droits et des affaires publiques du Défenseur des droits ;

        MM. Pierre-Yves Monjal, adjoint au maire de Montrichard Val de Cher, en charge de l’Espace France services, et Laurent Gauthier, adjoint au maire en charge des grands projets, accompagnés de M. Fabien Gérard, directeur général des services.

        Mme Agnès Basso-Fattori, directrice générale déléguée chargée de la direction du réseau, Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ;

        M. François-Emmanuel Blanc, directeur général de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), accompagné de Mme Bénédicte Feuilleux, directrice des projets institutionnels ;

        M. Antonin Blanckaert, directeur national de la retraite de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) ;

        M. Jean-Marc Breton, directeur de missions, direction de la relation client et du marketing, direction déléguée aux opérations, Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) ;

        Mme Florence Henry, directrice des politiques de distributions publiques, accompagnée de Mme Nathalie Guillotin, cheffe de projet partenariats France services / La Poste Agence communale, groupe La Poste* ;

        Mme Ivane Squelbut, directrice des partenariats et de la territorialisation de Pôle emploi.

        Mme Anne-Gaëlle Baudouin, directrice de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) ;

        Mme Anne-Sophie Bernachot, adjointe au chef du service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes (SADJAV), Secrétariat général du ministère de la justice ;

        M. Guillaume Clédière, directeur du programme France services de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ;

        M. Sébastien Miossec, président délégué d’Intercommunalités de France, accompagné de M. Clément Baylac, conseiller économie et attractivité ;

        M. Pierre Molager, sous-directeur de l’administration territoriale, direction de la modernisation et de l’administration territoriale (DMAT), ministère de l’intérieur et des outre‑mer ;

        Mme Isabelle Pheulpin, cheffe de la mission Stratégie relations aux publics (SRP), direction générale des finances publiques (DGFiP), ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;

        M. Cédric Szabo, directeur de l’Association des maires ruraux de France (AMRF).

        Mme Audrey Charluet, responsable des partenariats et du programme Tierslieux, Banque des Territoires, accompagnée de Mme Emmanuelle Borrelly, responsable du pôle inclusion numérique et services publics à la direction de l’investissement ;

        Mme Marie‑Laure Cuvelier, directrice générale par intérim de France Tiers-Lieux ;

        Mme Marthe Pommié, directrice du programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens » de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ;

        M. Stéphane Rémy, sous‑directeur des politiques de formation et du contrôle, délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) du ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion, accompagné de M. Nicolas Potdefer, chargé de mission.

        M. Jean-Baptiste Baud, directeur des relations institutionnelles de Familles rurales*, secrétaire général du fonds de dotation RuralMouv ;

        M. Jean-Laurent Cassely, co-auteur de « La France sous nos yeux. Économie, paysages, nouveaux modes de vie » ;

        M. Pierre-Marie Georges, docteur en géographie, chercheur associé au Laboratoire d’études rurales de l’Université Lyon 2.

        Dr Florence Doury-Panchout, spécialiste en médecine physique et de réadaptation, médecin référent HandiMobile 41 ;

        Dr Isaac Gbadamassi, médecin anesthésiste-réanimateur, Plateforme alternative d’innovation en santé (PAÏS) ;

        M. Gilles Noël, membre du bureau et co-président de la commission Santé de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) ;

        Mme Julie Pougheon, directrice de l’offre de soins de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) ;

        Mme Nathalie Schneider, cheffe de projet accès territorial aux soins à la direction générale de l’offre de soins (DGOS), ministère de la santé et de la prévention.

        M. Jean-Baptiste Baud, directeur des relations institutionnelles de Familles rurales*, secrétaire général du fonds de dotation RuralMouv ;

        M. David Borot, directeur des programmes Innovation Mobilités émergentes au sein de la direction des technologies et de l’innovation du groupe SNCF* ;

        M. Jean-Yves Brenier, président de la Communauté de communes des Balcons du Dauphiné, accompagné de Mme Carole Ropars, responsable du pôle Environnement et aménagement, Intercommunalités de France ;

        M. Thierry Coquil, directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, accompagné de Mme Claire Baritaud, sous-directrice de la multimodalité, de l’innovation, du numérique et des territoires.

        M. Philippe Castanet, préfet de la Lozère, accompagné de Mme Marie-Claire Vioulac, cheffe du bureau de la coordination, des politiques publiques et de l’appui territorial ;

        M. Christophe Mirmand, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, président de l’Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l’intérieur (ACPHFMI) ;

        M. François Pesneau, préfet du Loir-et-Cher, accompagné de M. Nicolas Hauptmann, secrétaire général de la préfecture ;

        M. Philippe Portal, secrétaire général de la préfecture du Doubs.

2. Déplacement dans le Loir-et-Cher (27 février 2023) :

        Mme Mireille Higinnen, sous-préfète de l’arrondissement de Romorantin-Lanthenay

        M. Benoît Margat, chef du service interministériel d’animation des politiques publiques de la préfecture

        Mme Émilie Petit, cheffe du pôle égalité des chances et des territoires (PECT) de la préfecture

        M. Romain Fougeron, animateur départemental France services

        M. Pierre-Yves Monjal, adjoint au maire, référent de France services sur la commune

        Mme Dominique Esnard, élue référente sur le centre communal d’action sociale et suppléante France services lors de l’absence de M. Monjal

        Mme Zardouda Bachiri, responsable de l’Espace France services

        Dr Étienne Gallet, responsable de la MSP

        Dr Clément Becker, médecin généraliste

        Mme Hélène Capon, sage-femme

        Mme Nathalie Ringeval, infirmière

        M. François Fromet, maire de Vineuil

        Mme Virginie Besse, responsable de l’Espace France services

        Mme Barbara Alves-Das-Neves

        Mme Barbara Besnard

 

 

 

 

 

* Ces organismes ont procédé à leur enregistrement au répertoire des représentants d’intérêts géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

 

 


([1]) « Territoires ruraux : perceptions et réalités de la vie », Familles rurales-IFOP, octobre 2018.

([2]) La ruralité était définie comme l’ensemble des communes n’appartenant pas à une unité urbaine, caractérisée comme le regroupement de plus de 2 000 habitants dans un espace présentant une certaine continuité du bâti.

([3]) Sur la base de la population de 2017.

([4]) ANCT – Acadie – Magali Talandier - Étude sur la diversité des ruralités « Typologie et trajectoires des territoires » - février 2023.

([5]) Territoires ruraux, perceptions et réalités de vie – une étude Familles rurales réalisée par l’IFOP - janvier 2021. Étude réalisée sur la base de deux sondages : l’un auprès de 1 000 personnes représentatives de la population française de plus de 18 ans, l’autre auprès de 1 500 « ruraux » de plus de 18 ans.

([6]) Clamecy dans la Nièvre, Montdidier dans la Somme, Nantua dans l’Ain, Rochechouart en Haute-Vienne et Saint-Georges-de-l’Oyapock en Guyane.

([7]) Loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs‑pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels.

([8]) Sondage IFOP pour le Journal du Dimanche - Le regard des Français sur le fonctionnement des services publics - novembre 2022.

([9]) INSEE Analyses n° 78, décembre 2022.

([10]) Co-auteur avec Jérôme Fourquet de La France sous nos yeux. Économie, paysages, nouveaux modes de vie - octobre 2021.

([11]) Familles rurales, « Réussir la transition énergétique : une urgence climatique, économique et sociale » – juin 2022.

([12]) Décret n° 2016-402 du 4 avril 2016 pris pour l’application de l’article 26 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire.

([13]) Décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements – art. 35.

([14]) Décret n° 2019-769 du 24 juillet 2019 relatif au comité interministériel régional de transformation des services publics consécutif au souhait du Premier ministre exprimé dans sa circulaire du 12 juin 2019 relative à la mise en œuvre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État.

([15]) Loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d’une agence nationale de la cohésion des territoires.

([16]) Le CGET, l’Agence du numérique et l’EPARECA.

([17]) L’ANCT : l’État déconcentré au service de la cohésion des territoires - Établi par M. Bruno Acar, inspecteur général de l’administration, et Mme Marion Pujau-Bosq, inspectrice de l’administration - décembre 2021.

([18]) Rapport d’information n° 313 relatif à l’ANCT, Mme Céline Brulin et M. Charles Guené au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation – février 2023 ; et audition le 8 février 2023 par la Commission des finances de l’Assemblée nationale de M. Stanislas Bourron, directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

([19]) Dont M. Christophe Mirmand, préfet des Bouches-du-Rhône, de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et président de l’Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l’intérieur.

([20]) Éric Charmes, La revanche des villages. Essai sur la France périurbaine, La République des idées, Seuil, janvier 2019 – Cité par le rapport initial du CEC en 2019.

([21]) Réconcilier aménagement du territoire, environnement et agriculture - Rapport CGEDD n° 013367-01, IGA n° 20061-R et CGAAER n° 20039 établi par Marie-Louise Simoni (IGA), Christophe Patier et Philippe Simon (CGAAER), Jean-Jacques Kégelart, Michel Py et Lionel Rimoux (CGEDD).

([22]) Évaluation de France Stratégie, Infrastructures numériques et aménagement du territoire – Impacts économiques et sociaux du Plan France très haut débit. Rapport du comité d’évaluation présidé par Pierre‑Jean Benghozi, rapporteur : Anne Faure, janvier 2023.

([23]) Hors Guyane.

([24]) Un local raccordable en fibre optique dispose d’une continuité optique entre un point de mutualisation et un point de branchement près d’un local sans pour autant qu’un opérateur propose un abonnement tandis qu’un local éligible signifie qu’au moins un opérateur peut proposer une offre d’abonnement.

([25]) AMII : appels à manifestations d’intentions d’investissement dans le cadre desquels les opérateurs se sont engagés à déployer un réseau sur leurs fonds propres ; AMEL : appels à manifestations d’engagements locaux qui ont pris la forme d’appels d’offres des collectivités territoriales.

([26]) 86 % en tenant compte de la Guyane.

([27]) UFC-Que choisir – Bilan de la qualité de l’internet mobile en 2021, sur la base de plus de 5 millions de données techniques collectées via l’application mobile Queldébit téléchargée par près de 50 000 consommateurs.

([28]) Cette enquête de qualité du service mobile se base sur plus d’un million de mesures réalisées en 2G, 3G, 4G et 5G dans tous les départements métropolitains, de fin mai à fin août 2022, sur les lieux de vie – à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments – et dans les transports.

([29]) Sur une navigation web en 2G/3G/4G.

([30]) Évaluation de France Stratégie « Infrastructures numériques et aménagement du territoire » de janvier 2023 précitée.

([31]) Proposition de loi visant à responsabiliser les opérateurs en charge du déploiement de la fibre optique, n° 5201 (Assemblée nationale – avril 2022).

([32]) Proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique (Sénat - juillet 2022).

([33]) Circulaire 6274/SG relative à la mise en œuvre de comités de concertation départementaux portant sur l’accès aux réseaux de communication électroniques fixes et mobiles.

([34]) Arcep, décision n° 2020-1432 du 8 décembre 2020.

([35]) Baromètre de l’Institut Paul Delouvrier – Les services publics vus par les Français et les usagers – novembre 2022.

([36]) Le baromètre du numérique est une étude réalisée par le Crédoc pour l’Arcep, le CGE, l’ARCOM et l’ANCT auprès d’un échantillon représentatif de la population française âgée de 12 ans et plus (3 611 personnes interrogées en ligne et 573 personnes de 18 ans et plus « éloignées du numérique » interrogées par téléphone). Au total, 4 184 personnes ont été interrogées entre juin et juillet 2022.

([37]) Défenseur des droits – Dématérialisation des services publics, trois ans après, où en est-on ? – février 2022.

([38]) Sur l’action 07 « Cohésion territoriale » du programme 364 « Cohésion » de la mission « Relance », crédits déployés sur les exercices 2021-2022.

([39]) Défenseur des droits – Dématérialisation des services publics, trois ans après, où en est-on ? – février 2022.

([40]) Défenseur des droits – Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics – janvier 2019.

([41]) Étude sur les plateformes téléphoniques de quatre services publics – 26 janvier 2023. Pour chaque plateforme, quatre profils d’appelants ont été testés : une personne avec internet, une personne sans internet, une personne ayant des difficultés dans la maîtrise du français disposant d’internet, une personne d’âge mur disposant d’internet.

([42]) Baromètre du numérique 2022 – Rapport du Crédoc réalisé pour le Conseil général de l’économie (CGE), l’Arcep, l’Arcom et l’ANCT. Enquête menée auprès de 4 184 personnes résidant en France métropolitaine réparties en trois populations distinctes : 12 à 17 ans, 18 ans et plus, 18 ans et plus éloignés du numérique.

([43]) Défenseur des droits – Difficultés d’accès aux droits et discriminations liées à l’âge avancé – octobre 2021.

([44]) Institut Paul Delouvrier en partenariat avec la DITP (Direction interministérielle de la transformation publique) Kantar Public - Les services publics vus par les Français et les usagers - Novembre 2022. Enquête menée auprès de 2 500 personnes réparties en sous-échantillons autour de 9 services publics : La police et la gendarmerie, la santé publique, l’éducation nationale, l’environnement, la sécurité sociale, la justice, la fiscalité et la collecte des impôts, le logement, l’emploi, la lutte contre le chômage.

([45]) Circulaire n° 6094-SG du 1er juillet 2019 relative à la création de France services.

([46]) Le bassin de vie est le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants. Seule la notion d’accessibilité est prise en compte.

([47]) « […] Cette nouvelle ambition s’appuie sur une refonte complète du réseau existant des Maisons de services au public (MSAP) […] ainsi que sur l’ouverture de nouvelles implantations France services là où sont les besoins, prioritairement dans les cantons ruraux et les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). »

([48]) Données établies au 1er décembre 2022.

([49]) Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale – art. 160.

([50]) Dénouer les litiges du quotidien dans les communes : la voie de la médiation – février 2022.

([51]) Engagement n° 4 de la charte nationale : Former les agents France services.

([52]) La répartition retenue étant de 15 000 euros chacun.

([53]) Mission d’expertise sur le modèle de financement du réseau France services, inspection générale de l’administration, juin 2021.

([54]) Ce rapport établi apparemment que le coût total consolidé du réseau reste peu connu, que la labellisation France services a entraîné une augmentation notable des dépenses des structures par rapport aux anciennes (+ 20 % en moyenne) et que l’État contribue aux dépenses de France services à hauteur de 42 % en moyenne (dotation France services + autres aides).

([55]) 1 700 réponses traitées.

([56]) Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques - Les leçons de la littérature internationale, Les dossiers de la DREES, N° 89, paru le 09/12/2021.

([57]) Renoncement aux soins : la faible densité médicale est un facteur aggravant pour les personnes pauvres, Aude Lapinte et Blandine Legendre, Études et résultats, N° 1200, paru le 28 juillet 2022.

([58]) Le dispositif « Action de santé libérale en équipe » est porté par une association loi 1901, dont le but est d’améliorer la prise en charge des maladies chroniques, en médecine de ville. Un protocole de coopération permet des délégations d’actes ou d’activités des médecins généralistes vers des infirmières déléguées à la santé publique (IDSP) au sein d’un cabinet médical. Cette activité est rendue possible par des procédures dérogatoires venues compléter l’exercice infirmier, selon des protocoles validés par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2012.

([59]) « Des conditions de travail plus satisfaisantes pour les médecins généralistes exerçant en groupe », de Myriam Biais (Cesp), Matthieu Cassou (Irdes, DREES) et Carine Franc (Cesp, Irdes), Études et résultats, DREES, mai 2022.

([60]) Proposition de loi, modifiée par le Sénat, portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, n° 857, déposé(e) le mercredi 15 février 2023.

([61]) Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques, Dossiers de la DREES, n° 89, publié en décembre 2021.

([62]) http://barometremobilites-quotidien.org/index.php/chiffres-cles/

([63]) Proposition de loi n° 793 visant à faciliter le passage et l’obtention de l’examen du permis de conduire, déposée le 31 janvier 2023 par M. Sacha Houlié, Mme Aurore Bergé et des membres du groupe Renaissance et apparentés. La proposition de loi est soumise à l’examen du Parlement.

([64]) Dynamic Road Simulation.

([65]) 750 M€ sur 2021-2022 pour le financement des opérations de recyclage des friches et plus généralement de foncier déjà artificialisé.

([66]) Présentation stratégique du programme 112, projet de loi de finances pour 2023.

([67]) Les fonds du FDVA relèvent du programme budgétaire 163 « Jeunesse et vie associative », et la dimension interministérielle du volet « associations » est retranscrite dans le document jaune budgétaire « Effort financier de l’État en faveur des associations ».

([68]) Enquête de l’INSERM, 2018, « Isolement et Vieillissement : une analyse des dynamiques à l’œuvre dans les territoires ruraux ».

([69]) Programme ICOPE de l’OMS (2022-2025).

([70]) Loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) ; loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM).

([71]) Sur la base des informations communiquées aux rapporteurs par les opérateurs et ministères socle. La CNAM a transmis un « focus » sur le département de l’Aisne et la cartographie territoriale figurant dans le rapport.

([72]) D’autres structures de mutualisation de services publics non labellisées France services existent dans les départements.