N° 1227

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 mai 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DEs affaires ÉTRANGÈRES

 

sur le déplacement de deux membres de la commission en Bosnie-Herzégovine, Serbie et Albanie du 12 et 17 mars 2023

présenté par

Mme Marine HAMELET et M. Frédéric PETIT

Députés

——

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

I. Des institutions dont les faiblesses révèlent la fragilité de l’état de droit dans la région

A. Malgré le lancement de réformes, les institutions des pays des Balkans connaissent d’importantes marges d’amélioration pour se rapprocher des standards européens

B. La corruption et le clientélisme : deux fléaux majeurs à endiguer

C. La nécessité partagée d’une justice indépendante et fonctionnelle

II. Des économies en croissance mais confrontées à des défis majeurs de développement et de transition écologique

A. La Serbie, l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine présentent des niveaux de développement économique différents

B. Les relations commerciales bilatérales entretenues par la France avec les pays de la région sont d’une intensité variable

C. La transition écologique et le développement durable constituent des défis majeurs et partagés par les États de la région, qui disposent d’atouts divers

1. À l’exception de l’Albanie, tous les pays des Balkans occidentaux doivent faire face au défi de la « décarbonation »

2. Les pays des Balkans occidentaux bénéficient du soutien de l’Union européenne en vue de leur transition écologique et d’un renforcement de leur indépendance énergétique

3. Le développement durable constitue l’une des priorités de l’Agence française de développement dans les Balkans occidentaux

D. La coopération régionale a progressivement été identifiée comme un vecteur de développement économique et social pour la région

III. Les enjeux sécuritaires et de défense demeurent incontournables dans la région des Balkans occidentaux

A. Les Balkans occidentaux se caractérisent par plusieurs risques et enjeux sécuritaires, qui peuvent avoir des répercussions sur les pays membres de l’Union européenne

1. La criminalité organisée et les trafics

2. La cybersécurité

3. La menace terroriste

B. Les enjeux de défense des Balkans occidentaux reflètent une situation géopolitique complexe

IV. La question des nationalités demeure déterminante pour comprendre les sociétés civiles des Balkans occidentaux

A. Une région marquée par le poids de l’histoire et des conflits interethniques

B. La société civile comme axe de coopération

Examen en commission

Annexe n° 1 : État d’avancement des processus d’adhésion des états des Balkans occidentaux à l’Union européenne

Annexe n° 2 : Stratégie française pour les Balkans occidentaux (mai 2019)

Annexe n° 3 : Liste des personnes entendues par les rapporteurs


—  1  —

   Introduction

Du 12 au 17 mars 2023, une délégation de la commission des affaires étrangères composée de Mme Marine Hamelet et de M. Frédéric Petit s’est rendue en mission en Bosnie-Herzégovine, en Serbie et en Albanie, afin de dresser un état des lieux de la situation dans les Balkans occidentaux.

La notion de Balkans occidentaux renvoie, selon l’usage diplomatique, aux pays suivants, parfois désignés comme les « Balkans six » : la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie, le Kosovo, la Macédoine du Nord, le Monténégro et la Serbie. Au plan géographique, on inclut généralement dans les Balkans les États issus de l’ex-Yougoslavie ([1]) et l’Albanie, ainsi que la Grèce, la Bulgarie et une partie de la Turquie et de la Roumanie.

Pour dresser cet état des lieux, la délégation a fait le choix d’une présentation autour de quatre thématiques prioritaires : les institutions, l’économie et le développement durable, la sécurité et la défense et la question des nationalités et de la citoyenneté.

Pour ces pays situés au cœur de l’Europe, où la France a fait le choix de se réinvestir avec l’adoption en 2019 d’une stratégie pour les Balkans occidentaux, de nombreux défis doivent encore être relevés. Ces défis sont de plusieurs ordres : consolidation de la démocratie et de l’État de droit, maîtrise des risques sécuritaires, transition énergétique, recul démographique, sans oublier la persistance de foyers de crise internes qui peuvent être déstabilisateurs. Ces enjeux sont étroitement liés à la perspective européenne des pays de la région, qui ont tous a minima déposé leur candidature pour adhérer à l’Union européenne et s’inscrire ainsi dans les pas de la Croatie, dernier pays à en être devenu État-membre, en 2013.

Comme cela a été souligné à plusieurs reprises par les interlocuteurs des rapporteurs durant leur mission, l’offensive lancée par la Russie sur l’Ukraine le 24 février 2022 ne doit pas détourner l’Union européenne (UE) des Balkans occidentaux, au risque de laisser un vide en plein cœur du continent européen, prompt à être occupé par des États tiers tels que la Russie, la Chine ou la Turquie. Si les rapporteurs portent un regard différent sur l’élargissement de l’Union européenne, ils partagent le constat de la nécessaire prise en compte des Balkans occidentaux par la politique étrangère de notre pays, compte tenu des enjeux soulevés et mis en exergue par le présent rapport.



—  1  —

I.   Des institutions dont les faiblesses révèlent la fragilité de l’état de droit dans la région

A.   Malgré le lancement de réformes, les institutions des pays des Balkans connaissent d’importantes marges d’amélioration pour se rapprocher des standards européens

En matière d’État de droit et de vie démocratique, les pays dans lesquels les rapporteurs se sont rendus connaissent encore d’importantes marges de progression, qu’il s’agisse du fonctionnement des institutions ou de l’enracinement de certaines pratiques héritées de régimes non démocratiques et des conflits des années 1990, connus sous le nom de « guerres de Yougoslavie ». Des réformes ont été initiées et manifestent à des degrés divers une volonté d’évolution : non seulement vers un rapprochement des standards de l’Union européenne, mais également vers un fonctionnement plus fluide des institutions, assurant plus de transparence et de confiance des citoyens. Néanmoins, les derniers rapports publiés par la Commission européenne dans le cadre du « Paquet élargissement », le 12 octobre 2022, ont dressé un bilan critique de l’État de droit dans les Balkans occidentaux ([2]).

Cela concerne au plus haut degré la Bosnie-Herzégovine, marquée par des entraves régulières au bon fonctionnement des institutions centrales et à la mise en œuvre de réformes. La décision du Conseil européen en date du 15 décembre 2022, octroyant le statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne à la Bosnie-Herzégovine, a ainsi fait suite à la recommandation de la Commission européenne d’accorder ce statut « étant entendu que » des mesures seront prises dans huit domaines, portant sur la réforme de la justice, l’État de droit, la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, la gestion des frontières et des migrations et la reprise de l’acquis de l’Union européenne.

Pour le rapporteur Frédéric Petit, les accords de Dayton (voir infra) doivent davantage être considérés comme un traité d’arrêt des combats que comme la constitution d’un pays formé de citoyens désireux de construire un avenir en commun. Il était prévu dès l’origine que l’annexe à cet accord d’arrêt des combats, qui sert aujourd’hui de fragile constitution, soit amendée et réformée afin de progressivement doter le pays d’institutions solides. Cela a failli être le cas en 2006, mais, à une voix près, la réforme qui aurait pu enclencher une dynamique enfin positive a été rejetée, pour des raisons superficielles selon le rapporteur Frédéric Petit. Il souligne que le pays est depuis enlisé dans des processus extrêmement complexes et sources de blocages, que l’on pourrait qualifier de « pat » ethnique ([3]), au détriment d’un avenir citoyen.

S’agissant de la Serbie, la Commission européenne a notamment souligné la nécessité d’intensifier les efforts consacrés à la lutte contre la corruption et la criminalité organisée et au renforcement des libertés d’expression et de réunion. La situation des médias, qui demeurent fortement liés au parti au pouvoir, le SNS du président Aleksandar Vucic, fait l’objet d’inquiétudes particulières. Des progrès sont ainsi attendus sur la mise en œuvre de la stratégie médias (révision de la loi sur les médias électroniques, attribution d’une 5ème licence nationale de télévision à une chaîne indépendante, révision du statut du régulateur public). Comme cela a été expliqué aux rapporteurs à Belgrade, le manque d’indépendance des médias a un impact direct sur la perspective européenne de la Serbie, dans la mesure où l’Union européenne y est systématiquement décrite sous un jour négatif, alors que la Russie et la Chine sont plus volontiers présentées favorablement.

Pour rappel, la Serbie est le pays de la région où la population est, de loin, la moins favorable à l’adhésion à l’Union européenne, ce qui n’empêche pas les autorités de présenter l’intégration européenne comme un objectif. Moins de la moitié des Serbes y sont actuellement favorables, et dans l’hypothèse où l’adhésion à l’Union européenne serait couplée à la reconnaissance du Kosovo comme État indépendant (voir infra), environ 80 % de la population y serait opposée. La tendance défavorable à l’Union européenne s’est accentuée depuis le début de la guerre en Ukraine, compte tenu des réticences des autorités et de la population à s’aligner sur la politique extérieure de l’Union européenne, manifestées par une absence de sanctions à l’égard de la Russie ([4]). À l’inverse, l’opinion publique dans les autres pays des Balkans occidentaux continue d’afficher un soutien élevé à la perspective d’intégration européenne : 83 % en Bosnie-Herzégovine et au Monténégro, 94 % en Albanie, 79 % en Macédoine du Nord et 90 % au Kosovo ([5]).

Pour ce qui est de l’Albanie, qui a connu une dictature communiste extrêmement sévère de 1946 à 1991, des progrès significatifs ont été accomplis mais d’autres, majeurs, restent à faire et la Commission européenne a déploré dans son dernier rapport un certain essoufflement de la dynamique réformatrice.

 

L’architecture institutionnelle de Bosnie-Herzégovine :

un héritage direct de la guerre

Les institutions bosniennes sont directement issues du conflit qui a touché la Bosnie-Herzégovine entre le 6 avril 1992 - date de la déclaration d’indépendance du pays – et les accords de Dayton/Paris du 14 décembre 1995. En effet, la Constitution bosnienne se confond avec l’annexe IV des accords de paix et prévoit ainsi un système de répartition du pouvoir entre les trois « peuples constitutifs » : Bosniaques, Serbes et Croates. Le sommet de l’édifice est occupé par un État central, avec à sa tête une présidence collégiale tournante comprenant un membre par peuple constitutif. Le niveau de gouvernement disposant de l’essentiel des moyens financiers est celui des deux entités : Fédération de Bosnie-Herzégovine (dominée par les Bosniaques et les Bosno-croates) et Republika Srpska (dominée par les Bosno-serbes). La Republika Srpska (RS) fonctionne sur le modèle d’une république unitaire, alors que la Fédération est subdivisée en dix cantons qui disposent chacun d’un gouvernement et d’un parlement. S’y ajoute le district de Brcko, autonome car n’ayant pu être attribué à l’une ou l’autre des deux entités. À chaque niveau de gouvernement, les peuples constitutifs disposent de pouvoirs de blocage, leur permettant par exemple de bloquer l’adoption d’une loi qui ne leur serait pas favorable.

Si toutes les formations politiques sont officiellement réunies par l’objectif d’adhésion à l’Union européenne, d’importantes divisions persistent entre les peuples constitutifs. Majoritaires, les Bosniaques cherchent à renforcer les institutions centrales, tandis que les Bosno-serbes et les Bosno-croates ont pour objectif, selon des modalités différentes, un renforcement de l’autonomie territoriale. Le dirigeant de la Republika Srpska, Milorad Dodik, s’est ainsi fait remarquer pour ses velléités sécessionnistes affichées, en allant jusqu’à annoncer la création d’une armée distincte. Du côté des Bosno-croates, l’idée d’une troisième entité est défendue, de même que la réforme du système électoral dans un sens confortant le peuple croate, malgré son recul démographique.

Si les élections générales du 2 octobre 2022 ne se sont pas traduites par un changement majeur de la scène politique, qui reste dominée par les partis dits ethno-nationalistes (SNSD bosno-serbe, HDZ bosno-croate et SDA bosniaque), deux des trois membres de la présidence collégiale tripartie sont désormais issus de partis dits civiques : Denis Bećirović (Parti social-démocrate), en tant que membre bosniaque, et Željko Komšić (Front démocratique), comme membre bosno-croate, considéré comme un représentant croate « illégitime » par le HDZ car il défend une approche civique et non-communautaire. Un accord de coalition a été conclu le 15 décembre 2022 au niveau central entre le HDZ, le SNSD et une coalition de huit partis civiques emmenée par le Parti social-démocrate, excluant ainsi le SDA bosniaque. En Republika Srpska, le SNSD et ses alliés ont formé un gouvernement le 21 décembre 2022. Un nouveau gouvernement doit toujours être constitué au niveau de la Fédération.

Enfin, les accords de Dayton prévoient également un dispositif d’encadrement par la communauté internationale, qui repose aujourd’hui sur le Haut représentant (poste actuellement occupé par M. Christian Schmidt) et sur la force militaire de maintien de la paix de l’Union européenne EUFOR Althea (voir infra). Le Haut représentant dispose de pouvoirs exécutifs dits « pouvoirs de Bonn », dont il a fait usage à la veille des dernières élections générales – non sans susciter des critiques - pour imposer une partie de la réforme constitutionnelle et électorale alors en discussion, et sur laquelle les partis politiques n’étaient pas parvenus à s’accorder.

Sources diverses

De façon générale, l’aide à la mise en œuvre des réformes institutionnelles s’inscrit dans la coopération bilatérale de la France avec les États des Balkans occidentaux. En Serbie, la France accompagne le processus réformateur dans différents domaines (intégration européenne, réforme de l’administration publique, développement local, etc.), notamment grâce à la mise à disposition d’experts techniques internationaux (ETI) détachés auprès de plusieurs ministères et dont le nombre est appelé à augmenter. Un ETI chargé de l’intégration européenne a également été mis à disposition de l’administration en Bosnie-Herzégovine. Au total, six experts sont actuellement détachés par Expertise France dans la région.

B.   La corruption et le clientélisme : deux fléaux majeurs à endiguer

Plusieurs phénomènes sont constatés dans les différents pays de la région, tels que la « confiscation de l’État » par le clientélisme et une séparation des pouvoirs précaire.

En Serbie, où le Parlement a été boycotté par l’opposition à la suite des élections législatives de juin 2020 et jusqu’aux élections du 3 avril 2022, il a été indiqué aux rapporteurs que l’exercice du pouvoir législatif restait fragilisé par une opacité des procédures et un insuffisant respect des droits de l’opposition, qui demeure par ailleurs fragmentée. On peut toutefois noter qu’une tradition y est observée de longue date en vue de réserver la présidence de certaines commissions parlementaires à l’opposition.

Si l’Albanie a également connu une période de boycott parlementaire en 2019, au même titre que le Monténégro, l’opposition participe aujourd’hui activement aux activités du Parlement et les élections législatives d’avril 2021 se sont globalement déroulées dans le calme, malgré une vie politique qui demeure très polarisée.

Dans le cas de la Bosnie-Herzégovine, le poids des partis ethno-nationalistes historiques sur la société demeure prégnant, autour de « fiefs » entretenus par chacun d’eux par le biais de subventions, de marchés ou d’emplois publics.

Ainsi, au même titre que le clientélisme, la corruption apparaît comme un fléau régional majeur nourri par les nombreux trafics présents dans la région et pour partie lié à la criminalité organisée (voir infra). Elle touche la vie politique, la fonction publique, qui, en dépit de la bonne volonté d’une bonne partie des agents, reste étroitement liée aux partis politiques à tous les niveaux. Ainsi, les pays dans lesquels les rapporteurs se sont rendus stagnent ou régressent dans le classement établi chaque année par l’organisation non-gouvernementale (ONG) Transparency International sur la perception de la corruption ([6]). Le rapporteur Frédéric Petit incite cependant à dissocier la « corruption mafieuse » liée à la criminalité organisée de la corruption endémique des fonctionnaires car, selon lui, les méthodes de luttes contre ces corruptions et les solutions à mettre en œuvre diffèrent.

C.   La nécessité partagée d’une justice indépendante et fonctionnelle

Comme cela a été exposé à de nombreuses reprises aux rapporteurs pendant leur déplacement, la réforme de la justice occupe une place particulière dans le chantier institutionnel. Afin de consolider l’État de droit, la mise en place d’une justice indépendante et fonctionnelle est essentielle.

L’Albanie s’est ainsi récemment distinguée par la mise en œuvre d’une réforme ambitieuse et unique dans la région, qui s’appuie sur la révision constitutionnelle du 21 juillet 2016 et prévoit la mise en place d’une nouvelle architecture judiciaire ainsi que la mise en œuvre d’une procédure transitoire de réévaluation des juges et procureurs. Cette procédure de « vetting » consiste à passer en revue les 800 magistrats du pays pour décider de les confirmer ou de les démettre de leurs fonctions, sur la base notamment de l’examen de l’origine de leurs revenus. Plus de 535 magistrats ont été « réévalués » à ce stade et 60 % ont été démis de leurs fonctions ou ont démissionné au cours de la procédure. Si la réforme a suscité une certaine inquiétude dans sa première phase de mise en œuvre en créant une carence dans le fonctionnement des institutions judiciaires, celles-ci sont à nouveau opérationnelles et la formation de juges et procureurs constitue désormais un enjeu prioritaire. En outre, la réforme s’est accompagnée de la mise en place d’un parquet spécial anti-corruption (SPAK) et d’un bureau national d’enquête (NBI). L’opinion publique albanaise semble adhérer à cette réforme, en acceptant que les effets sur la vie quotidienne ne soient pas encore mesurables, dans la mesure où la réforme a créé un déficit de juges qui perdurera tant que les remplacements nécessaires n’auront pas pu être assurés.

En Serbie, la population a approuvé par référendum, le 16 janvier 2022, une révision constitutionnelle visant à renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire en mettant fin à l’élection des juges et des procureurs par l’Assemblée nationale. Cette réforme, qui va dans le sens d’un rapprochement des standards européens et notamment des recommandations de la Commission de Venise, doit encore être éprouvée dans la pratique.

En Bosnie-Herzégovine, la justice demeure sous une forte pression politique, tout particulièrement sur des affaires de grande envergure telles que l’enquête dite « Sky », du nom d’une application dont le décryptage, à l’aide notamment d’Europol, a permis de mettre au jour des liens entre des hauts gradés de la police et de la justice bosniennes avec le crime organisé ([7]).


II.   Des économies en croissance mais confrontées à des défis majeurs de développement et de transition écologique

Le deuxième axe prioritaire identifié par les rapporteurs porte sur l’économie et le développement durable, dans un contexte où les économies de la région ont été diversement mais fortement affectées par la crise liée à la pandémie de Covid-19, puis par la guerre en Ukraine, qui a contribué à diminuer les perspectives de croissance pour 2022 et 2023, après une importante reprise en 2021. Les économies bosnienne, serbe et albanaise connaissent des défis communs - liés notamment aux problèmes institutionnels évoqués précédemment et plus essentiellement au recul démographique - mais aussi des spécificités et les relations commerciales entretenues au niveau bilatéral diffèrent.

L’érosion démographique : un sujet d’inquiétude majeur

pour les Balkans occidentaux

Parmi les problématiques transversales exposées aux rapporteurs durant leur déplacement, le déclin démographique a occupé une place particulière. Alimenté par une faible natalité - les pays de la région affichent des taux de fertilité parmi les plus faibles au monde - et une forte émigration, notamment des jeunes, ce recul démographique constitue une vulnérabilité à long terme pour les pays des Balkans occidentaux et pour de l’ensemble de la région (la Croatie, la Bulgarie, la Grèce et la Roumanie sont ainsi également concernées). D’ici à 2050, la population serbe pourrait baisser de 24 %, la population bosnienne de 37 % et la population albanaise de 26 % ([8]). Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 83 % des Albanais souhaitent quitter le pays et la moitié de ces personnes sont dans une démarche active pour obtenir un visa ou trouver un emploi. En Serbie, selon une enquête du Conseil national de la jeunesse publiée en août 2021, 50 % des jeunes veulent émigrer et 25 % planifient activement leur émigration.

De façon générale, l’Union européenne est considérée comme la destination la plus attrayante pour 70 % des ressortissants des Balkans occidentaux envisageant d’émigrer. Si les Serbes et Bosniens s’orientent, à l’instar des ressortissants kosovars, en priorité vers l’Allemagne, où les recrutements se déploient dans de nombreux secteurs (médecins, ingénieurs, électriciens, etc), les flux migatoires se sont pour partie orientés vers la France, à tel point que l’Albanie est devenue en 2017 le premier pays d’origine des demandeurs d’asile en France. D’importants efforts bilatéraux ont été déployés depuis l’été 2017 pour enrayer le phénomène des demandes d’asile considérées comme abusives. Les autorités albanaises ont ainsi élaboré un plan d’action conjoint validé le 20 juillet 2017, lors d’un déplacement du ministre albanais des affaires étrangères à Paris. Si la pandémie de Covid-19 et les restrictions conséquentes ont diminué la pression migratoire albanaise, les Albanais étaient redevenus en 2019 la sixième nationalité par nombre de demandeurs d’asile se tournant vers la France.

Ce déclin démographique est multifactoriel et peut s’expliquer tant par les carences de l’État de droit que par le manque de perspectives économiques. Il présente aussi des conséquences de plusieurs ordres, allant d’un risque de doublement du taux de dépendance des plus de 65 ans à horizon 2050 au risque de fragilisation des dynamiques de réformes nécessaires pour renforcer l’État de droit, en raison de départs concernant notamment la classe moyenne éduquée. Cette fuite des cerveaux compromet directement la trajectoire de développement économique et social des pays concernés et suppose de traiter les facteurs d’incitation à l’émigration ou encore de favoriser les migrations dites circulaires, dans l’esprit du programme « Study in France, Work in Serbia » porté par l’institut français de Belgrade auprès d’étudiants serbes désireux de se doter en France de compétences utiles pour travailler en Serbie.

Pour le rapporteur Frédéric Petit, le déclin démographique d’une région située au cœur de l’Europe n’est pas uniquement une question balkanique, il s’agit aussi d’un problème européen, compte tenu à la fois de l’étendue et de l’importance géopolitique de cette région, ainsi que de sa richesse en termes de diversité environnementale et culturelle. Il importe ainsi d’être vigilants face au risque de voir se créer de nouvelles diagonales du vide à l’échelle européenne et de voir de nombreux territoires européens être abandonnés, comme cela s’est passé dans beaucoup de pays européens.

Sources diverses

De façon générale, les pays des Balkans occidentaux sont encore loin du niveau de développement de l’Union européenne, les produits intérieurs bruts (PIB) par habitant rapportés à la moyenne européenne à vingt-sept s’élevant respectivement à 39 % pour la Serbie, 19 % pour la Bosnie-Herzégovine et 17 % pour l’Albanie.

Les Balkans occidentaux doivent relever le défi de la transition énergétique et se trouvent pour ce faire dans des situations contrastées avec, d’une part, une forte dépendance au charbon et, d’autre part, dans le cas de l’Albanie, un important développement des énergies renouvelables permis par les ressources naturelles du pays. L’environnement constitue l’un des domaines prioritaires d’action de l’Agence française de développement dans la région, où elle est présente depuis 2019.

A.   La Serbie, l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine présentent des niveaux de développement économique différents

D’une part, la Bosnie-Herzégovine et l’Albanie comptent parmi les pays les moins développés de la région, aux côtés du Kosovo.

La Bosnie-Herzégovine dispose d’un appareil industriel relativement développé mais frappé d’obsolescence et fortement tourné vers les marchés extérieurs, ce qui crée une vulnérabilité importante à des facteurs exogènes comme la baisse des cours mondiaux. Le pays bénéficiait d’une situation macro-économique stable au début de la crise sanitaire et fait preuve d’une certaine résilience, avec une récession de - 3,2 % en 2020 et une croissance de + 7,1 % en 2021. Selon le Fonds monétaire international (FMI), entre 2024 et 2027, la croissance devrait se situer aux alentours de 3 % par an. Le taux de chômage, qui s’élève à 16 % en moyenne et à 37 % pour les jeunes, ainsi que l’inflation, avoisinant + 10,2 % en mars 2022, demeurent des sujets d’inquiétude.

L’Albanie demeure l’un des pays les plus pauvres d’Europe, du fait d’un important retard de développement. L’économie albanaise a été fragilisée sur la période récente par plusieurs chocs : un violent séisme qui a touché le pays le 26 novembre 2019, suivi en 2020 par la pandémie de Covid-19. Elle dépend pour beaucoup (près de 10 % de son PIB) des transferts de la diaspora et pâtit de l’émigration économique. L’endettement public comme le chômage restent à des niveaux élevés (10,6 % pour le second en 2021, qui connaît toutefois une tendance à la baisse) et le pays connaît d’importants besoins en infrastructures dans de nombreux secteurs (transports, énergie, assainissement et approvisionnement en eau, etc.). L’Albanie présente néanmoins des atouts liés à ses ressources naturelles, à commencer par l’énergie verte – dont le pays espère devenir exportateur à court terme, grâce notamment à ses ressources hydriques et solaires – et le tourisme, qui connaît un fort développement.

Après plusieurs années de récession et trois programmes du FMI depuis 2009, l’économie serbe connaît désormais une amélioration sensible de ses fondamentaux. L’impact de la pandémie de Covid-19 y a été moindre que dans la plupart des pays de la région, avec une récession de - 1,0 % en 2020 puis une forte reprise à hauteur de + 7,4 % en 2021. La Serbie n’échappe toutefois pas aux conséquences économiques de la guerre en Ukraine, qui se sont traduites par une inflation de près de 12 % en 2022, qui reste aujourd’hui sous contrôle. En outre, les autorités se sont engagées à stabiliser le niveau de dépenses publiques pour atteindre un déficit public de 1 % et une dette publique à 53,8 % du PIB en 2024.

B.   Les relations commerciales bilatérales entretenues par la France avec les pays de la région sont d’une intensité variable

Les échanges commerciaux entretenus par la France avec les pays de la région sont variables et c’est avec la Serbie qu’ils sont les plus approfondis.

Les échanges économiques bilatéraux franco-albanais ont connu une augmentation ces dernières années, qui a marqué le pas en 2019 et 2020. Ils demeurent à un niveau modeste, l’Albanie étant le 136ème client de la France et son 100ème fournisseur. Afin de renforcer les liens économiques entre la France et l’Albanie, la chambre de commerce et d’industrie travaille notamment aux côtés du Medef international pour attirer des petites ou moyennes entreprises (PME) françaises aujourd’hui installées en Chine, où les coûts de production sont similaires à ceux constatés en Albanie, qui présente l’intérêt d’une proximité géographique considérablement plus importante.

Si les échanges commerciaux franco-bosniens connaissent une hausse globale depuis 2007, la France n’est que le 13ème fournisseur de la Bosnie-Herzégovine et son 11ème client, et elle affiche un solde commercial négatif qui a connu un record en 2021.

Les échanges bilatéraux entre la France et la Serbie sont dynamiques et ont triplé depuis 2010 (date de l’entrée en vigueur de l’accord commercial intérimaire entre l’Union européenne et la Serbie), avec un solde positif côté français à hauteur de 60,7 millions d’euros en 2021. Les flux d’investissements directs étrangers (IDE) en provenance de France sont en progression constante depuis 2012 et ont atteint 3,63 milliards d’euros en 2021, la Serbie attirant plus de la moitié des IDE français à destination des Balkans occidentaux. Plusieurs entreprises françaises investissent en Serbie parmi lesquelles Vinci, Suez, Schneider Electric, Michelin ou encore Lactalis. D’importants contrats de concession ont été signés par des groupes français ces dernières années : le 22 mars 2018 par Vinci aéroports pour la modernisation de l’aéroport Nikola Tesla de Belgrade (concession de 25 ans, représentant plus d’un milliard d’euros) ; en 2017 par un consortium franco-japonais Suez-Itochu pour la construction du centre régional de traitement des déchets de Vinca, désormais opéré par Veolia (investissement de 375 millions d’euros) et où les rapporteurs se sont rendus. Un financement public français est également prévu pour le projet de métro de Belgrade, à hauteur de 454 millions d’euros, tandis que les entreprises Schneider et Suez sont respectivement mobilisées par des projets de réseau électrique intelligent et de traitement des eaux.

Comme cela a été souligné durant la mission par la directrice de la chambre de commerce et d’industrie franco-serbe et plusieurs représentants de la communauté française en Serbie, l’un des défis majeurs de la consolidation des relations commerciales franco-serbes porte sur le renforcement de la présence de PME et entreprises de taille intermédiaire, très peu développée notamment en comparaison de l’Allemagne ou de l’Italie. Si l’opérateur Business France ne dispose plus de bureaux dans les Balkans occidentaux, une réflexion est en cours sur le renouvellement des outils d’aide aux entreprises souhaitant investir ou s’installer dans la région.

Les relations bilatérales connaissent par ailleurs un approfondissement dans le domaine de l’agriculture et un conseiller agricole a été nommé récemment pour couvrir, depuis Belgrade, la région des Balkans occidentaux. L’objectif prioritaire est d’accompagner les pays de la région dans leur cheminement européen, avec une attention particulière pour la manière dont l’acquis communautaire est intégré et contrôlé. À ce jour, de nombreux défis doivent encore être relevés, ayant trait notamment au cadastre ou à la gestion foncière, avec des spécificités selon les pays.

Il s’agit également de promouvoir le modèle agricole européen et français, dans un contexte où la région suscite l’intérêt d’autres États tiers et notamment des États du Golfe. En outre, la coopération agricole est identifiée comme un moyen de mieux aborder une série de défis communs, qu’il s’agisse de la sécurité alimentaire, de la lutte contre les épizooties ou d’autres sujets relatifs à la gestion des marchés.

La France apparaît aujourd’hui comme un bailleur modeste dans le domaine agricole, en comparaison avec d’autres pays européens comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Autriche, qui investissent davantage dans ce secteur. Afin de renforcer le volet agricole des relations bilatérales, la France pourrait devenir un État observateur du SWG (Regional Rural Development Standing Working Group in South Eastern Europe), plateforme de mise en réseau et de coopération régionale entre les administrations agricoles des six pays des Balkans occidentaux.

C.   La transition écologique et le développement durable constituent des défis majeurs et partagés par les États de la région, qui disposent d’atouts divers

Pour les Balkans occidentaux, la transition écologique et le développement durable constituent des enjeux de premier plan, situés au cœur de la coopération bilatérale et de l’engagement de l’Union européenne dans la région.

1.   À l’exception de l’Albanie, tous les pays des Balkans occidentaux doivent faire face au défi de la « décarbonation »

À l’exception de l’Albanie dont la production d’électricité est essentiellement hydraulique, le mix électrique des pays des Balkans occidentaux repose en majorité sur le charbon.

PART DU CHARBON DANS LA PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ DES PAYS DES BALKANS OCCIDENTAUX

     Sources : Direction générale du trésor, Eurostat

 

À titre de comparaison, la part du charbon dans la production d’électricité des pays de l’Union européenne était de 13,2 % en 2020.

La décarbonation des économies de la région constitue ainsi un enjeu majeur, tant au point de vue économique qu’au point de vue social, afin de réunir les conditions pour mettre en place une « transition juste », créatrice de nouveaux emplois.

L’énergie présente aussi des enjeux géopolitiques compte tenu de la place de la Russie comme premier fournisseur de gaz et de pétrole, tout particulièrement dans le cas de la Serbie. En effet, celle-ci est très dépendante de la Russie pour son approvisionnement, en particulier en gaz (80 % de sa consommation et l’intégralité de ses importations). Belgrade a ainsi renouvelé en 2022 et pour trois ans son contrat avec Gazprom, à des tarifs préférentiels inférieurs de trois à quatre fois à ceux du marché spot. La société russe est également actionnaire majoritaire de la compagnie serbe NIS (Naftna Industrija Srbje), qui gère les réseaux, la distribution et le stockage du gaz. Dans le domaine du pétrole, la dépendance de la Serbie à la Russie a évolué conséquemment au déclenchement de la guerre en Ukraine. Avant le début du conflit, elle s’élevait à environ 30 % des importations. Après une phase d’augmentation pour bénéficier de l’effet-prix, la Serbie a dû réduire ses importations, puis y mettre fin en raison de l’entrée en vigueur des sanctions européennes (impossibilité d’utiliser l’oléoduc Janaf venant de Croatie pour importer du pétrole brut russe). Le pays cherche désormais à réduire sa dépendance à la Russie par des mesures structurelles (construction de voies d’approvisionnement alternatives ([9]), recherche d’un actionnaire de référence occidental en substitut au groupe Gazprom pour la compagnie nationale NIS, projets de développement des énergies renouvelables, réforme du secteur public de l’énergie).

Si la Bosnie-Herzégovine est totalement dépendante du gaz russe, celui-ci ne représente que 3 % de son mix énergétique. L’Albanie, en revanche, n’est pas dépendante des hydrocarbures russes et dispose de ressources propres en gaz et en pétrole brut, en plus d’une forte production hydroélectrique. Celle-ci ne couvrant que 50 % des besoins, l’Albanie a adopté un plan de diversification énergétique visant à introduire le gaz naturel, le solaire et l’éolien. Dans ce contexte, elle a opéré un rapprochement croissant avec l’Azerbaïdjan, qui est intéressé par la fourniture de gaz mais aussi en tant qu'investisseur dans les infrastructures énergétiques. On peut noter que ce plan de diversification a pu créer des opportunités pour des entreprises françaises, à l’instar de Voltalia, qui a lancé la construction d’une centrale solaire à Karavasta et finalise les négociations pour un autre projet à Spitallë.

2.   Les pays des Balkans occidentaux bénéficient du soutien de l’Union européenne en vue de leur transition écologique et d’un renforcement de leur indépendance énergétique

Dans l’ensemble, les Balkans occidentaux doivent encore consolider leur indépendance énergétique, tout en avançant dans la transition écologique, au risque de s’exposer à une crise énergétique durable qui risquerait de compromettre la stabilité de la région. C’est dans ce contexte qu’un paquet de soutien énergétique d’un milliard d’euros a récemment été débloqué par la Commission européenne, avec l’accord des États membres. Ce plan prévoit une enveloppe de 500 millions d’euros de soutien immédiat à tous les pays de la région, afin d’amortir la hausse des prix de l’énergie pour les ménages et entreprises vulnérables, assortie de garanties attendues sur la conduite de la transition écologique, ainsi qu’une deuxième enveloppe de 500 millions d’euros en soutien à la transition et à l’indépendance énergétiques.

Pour rappel, un agenda vert pour les Balkans occidentaux a été signé dans le cadre de la déclaration de Sofia, le 17 mai 2018, à l’issue d’un sommet Union européenne-Balkans occidentaux. Il invite les pays de la région à prendre des engagements en matière de lutte contre le changement climatique et la pollution, de développement des énergies renouvelables ou encore de protection de la biodiversité, avec le soutien de l’Union européenne, réitéré en 2020 avec l’adoption le 6 octobre du « plan économique et d’investissement global pour les Balkans occidentaux, qui représente 9 milliards d’euros de subventions au titre de l’instrument de pré-adhésion (période 2021-2027) et jusqu’à 30 milliards d’euros de financements relais pouvant être privés. Ce plan vise notamment à favoriser la transition numérique, la transition verte, la connectivité durable ainsi que la compétitivité et le capital humain. Il comporte dix projets phares d’investissements autour de différentes thématiques telles que la connectivité, la durabilité la compétitivité ou encore l’innovation ([10]). Enfin, le Conseil de coopération régionale (CCR) (voir infra) met en œuvre à son échelle un agenda vert pour les Balkans occidentaux, dont le principal objectif est d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 et de s’aligner sur les standards du pacte vert pour l’Europe.

3.   Le développement durable constitue l’une des priorités de l’Agence française de développement dans les Balkans occidentaux

Le développement durable constitue également un axe de coopération prioritaire au plan bilatéral, porté depuis 2019 par l’action de l’Agence française de développement, qui a signé à ce jour des accords intergouvernementaux avec tous les pays de la région à l’exception de la Bosnie-Herzégovine, où le processus a connu des ralentissements liés aux complexités inhérentes au fonctionnement institutionnel de la zone.

L’action de l’Agence française de développement (AFD) dans les Balkans occidentaux

L’Agence française de développement est présente dans les Balkans occidentaux depuis 2019 et dispose à ce jour d’un mandat d’intervention dans cinq pays de la zone (Albanie, Kosovo, Macédoine, Monténégro, Serbie), marquant ainsi son premier déploiement sur le continent européen. L’AFD dispose d’un siège régional, implanté à Belgrade, en Serbie.

Le mandat de l’AFD dans la région se décline selon quatre principaux axes, conformes aux objectifs globaux de l’opérateur : promotion de modèles politiques et économiques durables et inclusifs ; soutien à la résilience urbaine face aux enjeux de transition écologique ; gestion intégrée et durable des territoires ; préservation des ressources naturelles et soutien à la transition énergétique. L’action de l’AFD dans les Balkans occidentaux se distingue par le soutien à la convergence des pays de la région avec les normes de l’Union européenne, auquel s’ajoute un soutien à la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le climat de 2015.

Neuf projets ont été octroyés ou sont en exécution à ce jour et le montant total des fonds engagés par le groupe AFD ([11]) depuis 2019 dépasse désormais les 700 millions d’euros. La conception de ces projets prend en compte les enjeux de transversalité (projets adressant simultanément plusieurs enjeux de développement durable) et d’adaptabilité (projets avec une enveloppe globale déployés dans plusieurs pays de la zone). Se conjuguent ainsi la prise en compte d’enjeux locaux spécifiques (reconstruction du réseau d’approvisionnement d’eau de Durrës en Albanie) et des projets à vocation régionale déclinés à une échelle locale dans plusieurs États de la zone, dits également projets « multi-pays » (appui à l’élaboration de stratégies Smart Cities dans les Balkans occidentaux ; projet « Réconcilier et entreprendre dans les Balkans occidentaux » qui promeut la réconciliation des jeunes des Balkans occidentaux grâce au déploiement d’un programme régional d’accompagnement à l’entrepreneuriat social).

Le soutien au développement durable, priorité affichée de l’AFD dans la zone qui a consacré près 68 % de son budget à la transition territoriale et écologique, se traduit par le déploiement de nombreux projets : soutien à la restructuration du marché albanais de l’électricité (projet étalé sur 12 ans et disposant d’un budget total de 51,4 millions d’euros), programme de soutien et de promotion des « investissements climat » portés par les PME et collectivités territoriales au Monténégro. L’action de l’AFD s’inscrit ainsi dans les orientations fixées lors du sommet de Sofia de novembre 2020 (voir supra).

Afin de mener à bien ces projets dans les domaines prioritaires cités ci-dessus, l’AFD travaille en collaboration avec d’autres bailleurs qui l’ont précédée dans la région. Ainsi, plusieurs des projets portés par l’AFD bénéficient de financements levés en partenariat avec des bailleurs multilatéraux (Banque européenne pour la reconstruction et le développement - BERD -, Banque mondiale) ou bilatéraux comme la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) allemande. L’AFD mobilise l’outil du prêt en soutien au secteur public (prêts budgétaires de politiques publiques, prêts avec ou sans garantie de l’État) et l’allocation de fonds pour accompagner l’essor du secteur privé. L’expertise technique s’ajoute aux outils financiers, comme on le voit dans le programme actuellement déployé en Albanie et visant à renforcer l’égalité de genre dans l’accès aux opportunités économiques, où l’expertise technique est mobilisée pour appuyer les autorités gouvernementales albanaises dans l’élaboration d’un cadre réglementaire protecteur et favoriser les échanges d’expertise entre pairs de nos deux pays. Enfin, l’action de l’AFD passe par la mobilisation de sa filiale dédiée au secteur privé, Proparco. Malgré l’absence d’accord intergouvernemental avec la Bosnie-Herzégovine, Proparco a pu accorder en février 2023 un prêt de 10 millions d’euros à Mikrofin, principale entreprise de microfinance en Bosnie-Herzégovine. Il s’agit du premier déploiement de l’opérateur dans cet État.

Source : AFD.

Au même titre que l’énergie, le développement économique des Balkans occidentaux comporte une dimension géopolitique, manifestée notamment par la présence de la Chine dans la région, où elle est engagée dans une stratégie de développement multiforme de son influence, tout particulièrement en Serbie où elle représente désormais 15 % des IDE. Pour la Chine, les Balkans occidentaux sont considérés comme une voie d’accès au marché européen et l’approche chinoise de la région a d’abord été économique : réalisation d’infrastructures de transport (autoroutes, chemin de fer, rénovation de ports), reprise ou construction de sites industriels (industries d’extraction, centrales à charbon) mais aussi investissements dans la 5G ou les villes intelligentes. En outre, tous les pays de la région, hors Kosovo, ont rejoint la Belt and Road Initiative chinoise (initiative des Nouvelles routes de la soie) et ont cherché à développer leur attractivité auprès des touristes chinois. Ces investissements ont, du point de vue de la France et de l’Union européenne, deux inconvénients majeurs : ils s’appuient sur des financements (subventions et prêts à taux préférentiels) qui tendent à éloigner les pays de la région des normes de gouvernance européennes (absence de conditionnalités environnementales et sociales, financement de projets choisis selon des critères politiques autant qu’économiques) et ont eu tendance à accentuer l’endettement de certains pays ([12]), sans nécessairement aboutir à des projets viables.

En outre, la stratégie d’influence chinoise s’est progressivement étendue au domaine politique, avec le lancement du dialogue de haut niveau « 16 + 1 », devenu « 14+1 », associant des pays d’Europe centrale et orientale à tous les pays des Balkans occidentaux, excepté le Kosovo, qui n’a pas été reconnu par la Chine. Ce format a toutefois perdu de son élan, tandis que les investissements voient depuis quelques mois une tendance au retrait. La relation sino-serbe demeure solide, avec un soutien mutuel sur différents dossiers sensibles (non-reconnaissance du Kosovo et de Taïwan, traitement des minorités, notamment au Xinjiang, par la Chine, etc.). L’influence politique chinoise est plus modeste dans les autres pays de la région, malgré une stratégie de ciblage de décideurs politiques et économiques influents, notamment en Bosnie-Herzégovine ou au Monténégro.

Dans ce contexte, il est important de souligner que l’Union européenne demeure le principal bailleur et investisseur dans les Balkans occidentaux. Entre 2013 et 2018, 72,5 % du stock d’IDE dans la région provenait de l’Union européenne, contre 0,1 % pour la Chine ([13]).

D.   La coopération régionale a progressivement été identifiée comme un vecteur de développement économique et social pour la région

Identifiée comme un vecteur essentiel de développement économique et social, la coopération régionale s’intensifie progressivement dans les Balkans occidentaux, soutenue par l’Union européenne en tant qu’accélérateur du rapprochement européen. Ces dynamiques n’échappent pas, toutefois, aux différends régionaux qui persistent dans les Balkans, malgré quelques petites éclaircies encore modestes, mais pleines de sens et attestant d’une forme d’appropriation de la démarche européenne, telles que l’Office régional de coopération pour la jeunesse des Balkans occidentaux (RYCO selon son acronyme anglais pour Regional Youth Cooperation Office), Open Balkans ou encore le marché commun régional.

La coopération régionale s’est notamment développée dans le cadre du processus de Berlin, initiative diplomatique lancée par l’Allemagne en 2014 et ayant donné lieu, depuis, à plusieurs sommets. Le format, qui regroupe seize pays dont la France ([14])-, a récemment été relancé avec l’organisation par l’Allemagne d’un sommet, le 3 novembre 2022 à Berlin, qui a permis la signature de trois accords de coopération régionale portant sur la mobilité des personnes, la reconnaissance mutuelle des diplômes universitaires et celle des qualifications professionnelles.

Si des accords sectoriels ont été adoptés dans différents domaines (suppression des frais d’itinérance téléphonique le 1er juillet 2021, mise en place de corridors verts pendant la pandémie de Covid-19, etc.), le principal aboutissement en matière d’intégration économique régionale est le projet de marché commun régional (MCR), adopté lors du sommet de Sofia en 2020 sur le modèle des « quatre libertés » de l’Union européenne. Soutenu par Bruxelles, le marché commun régional devrait faciliter la mise en œuvre de projets au titre du plan économique et d’investissement pour les Balkans occidentaux (voir supra). Il a connu de premières avancées avec la signature en novembre 2022 des trois accords susmentionnés, après une période de blocages liés au différend entre la Serbie et le Kosovo sur le statut de celui-ci (voir infra).

Les difficultés à mettre en œuvre le marché commun régional ont laissé le champ libre au projet alternatif Open Balkan, porté par Belgrade et auquel l’Albanie et la Macédoine du Nord se sont associées. L’initiative, qui vise à favoriser la libre circulation en mettant fin aux contrôles aux frontières et à renforcer la coopération économique régionale (allégement des procédures douanières, harmonisation des dispositifs en matière d’accès au marché du travail ou de réglementation de l’activité des entreprises, etc.), a toutefois suscité une certaine méfiance dans la région, à rebours d’une ambition inclusive. Ainsi, le Kosovo y voit un outil de puissance pour la Serbie, tandis que le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine sont divisés à ce sujet. À Sarajevo, la crainte de voir la Serbie et la Republika Sprska utiliser Open Balkan pour favoriser les intérêts serbes au détriment des autres peuples constitutifs a notamment été exprimée aux rapporteurs. En outre, un risque de superposition vis-à-vis d’autres initiatives existantes, voire d’incompatibilité vis-à-vis des normes européennes, ne peut pas être exclu et fait ainsi l’objet d’une certaine vigilance.

Parmi les formats de coopération régionale préexistants, il faut notamment mentionner le conseil de coopération régionale, dont la France a rejoint le comité directeur en 2020 et qui est notamment actif dans le domaine économique (appui à la mise en œuvre d’initiatives lancées dans le cadre du marché commun régional) et sécuritaire.

Le conseil de coopération régionale (RCC)

Créé en 2008 et siégeant à Sarajevo, le conseil de coopération régionale (Regional Cooperation Council, RCC) est une organisation intergouvernementale chargée de mettre en œuvre les lignes directrices de la coopération interbalkanique. Regroupant 46 membres (trente-deux États, dont la France, et quatorze entités de droit public international, dont l’Union européenne et l’OTAN), le RCC agit en vue d’un renforcement de l’intégration régionale dans les Balkans occidentaux et de la facilitation du libre-échange et de la libre circulation des biens et des personnes. Conçu comme prolongement opérationnel du South-East European Cooperation Process, lancé en 1996 afin de fournir un cadre de concertation régionale au lendemain de la guerre en ex-Yougoslavie, le RCC déploie son action dans les six domaines de compétence qui lui sont reconnus : le développement social et économique, les énergies et les infrastructures, la justice et les affaires intérieures, la sécurité, la formation du capital humain et le développement des relations parlementaires. Le RCC dispose d’un secrétariat permanent d’une soixantaine de personnes et d’une antenne à Bruxelles.

Les décisions du RCC sont prises par son comité directeur (vingt-six membres représentant vingt-cinq États, dont la France, ainsi que l’Union européenne) sur la base du consensus, ce comité servant d’instance de contrôle des actions menées par le secrétariat général en vue de renforcer la coopération régionale dans les six domaines de compétence du RCC. Le comité directeur se réunit trois fois par an au niveau infra-ministériel et assure la continuité de l’action du RCC entre les réunions plénières tenues annuellement au niveau ministériel.

Après une période de retrait de six ans (2014-2020), durant laquelle le gouvernement français a mis fin à sa contribution annuelle au budget du RCC (qui s’élevait à 50 000 euros) et a donc cessé de siéger au sein de son comité directeur, la France intègre désormais le RCC dans son réengagement dans les Balkans occidentaux. Ainsi, c’est lors de la deuxième rencontre de haut niveau organisée dans le cadre de l’initiative franco-allemande sur la lutte contre les trafics illicites d’armes à feu dans la région que le retour français au sein de l’instance dirigeante du RCC a été annoncé, en parallèle de l’élaboration d’une feuille de route sur six ans (2018-2024) en matière de lutte contre les trafics d’armes. De façon générale, les domaines de compétence du RCC recoupent pour partie les priorités de la stratégie française pour les Balkans de 2019, ce qui ouvre des perspectives de coopération. En effet, les questions de sécurité, de justice et de développement économique, soit trois des quatre axes prioritaires de la stratégie nationale française (le quatrième concernant les partenariats de défense), sont traitées dans l’enceinte du RCC.

Sources diverses

En plus d’initiatives de coopération généraliste, des coopérations régionales sectorielles ont été lancées, principalement dans le domaine économique et financier :

- la communauté de l’énergie (2006) et la communauté des transports (2017), sous l’égide de l’Union européenne dans le but de favoriser une reprise de l’acquis communautaire ;

- l’accord de libre-échange centre-européen (ALECE), qui réunit aujourd’hui les six pays des Balkans occidentaux et la Moldavie ;

- le cadre d’investissement pour les Balkans occidentaux (CIBO ou WBIF selon l’acronyme anglais), dispositif de financement mixte qui réunit plusieurs investisseurs multilatéraux et bilatéraux ([15]) pour financer des projets stratégiques dans différents secteurs (énergie, environnement, affaires sociales, infrastructures numériques, transports).

 

III.   Les enjeux sécuritaires et de défense demeurent incontournables dans la région des Balkans occidentaux

Le troisième axe prioritaire retenu par les rapporteurs comporte deux thématiques : la sécurité, compte tenu des risques sécuritaires soulevés par les Balkans occidentaux et pouvant toucher l’Europe occidentale, et la défense, dans un contexte où une partie des pays de la région, dont l’Albanie ([16]), a adhéré à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Dans ces deux champs, des coopérations ont été mises en place, à des degrés divers, avec les pays de la région.

A.   Les Balkans occidentaux se caractérisent par plusieurs risques et enjeux sécuritaires, qui peuvent avoir des répercussions sur les pays membres de l’Union européenne

Selon ce qui a été exposé aux rapporteurs, on peut identifier dans les Balkans occidentaux trois principaux enjeux sécuritaires : la criminalité organisée, qui alimente des trafics de divers ordres, la cybersécurité et la menace terroriste.

1.   La criminalité organisée et les trafics

Les Balkans sont une zone de passage de nombreux trafics (armes, stupéfiants, migrations, cigarettes, véhicules volés, etc.) qui alimentent une corruption endémique dans la région (voir supra) et s’étendent sur tout le continent européen, voire à une échelle planétaire. L’affaire SKY ECC (voir supra) a récemment rappelé le rôle de la région dans la criminalité internationale.

En matière d’armes, les filières balkaniques demeurent alimentées par les stocks issus des guerres qui ont touché l’ex-Yougoslavie dans les années 1990 et des pillages de dépôts d’armes. On estime que trois à six millions d’armes illégales sont en circulation dans la région : à titre d’exemple, les armes utilisées lors des attentats du 13 novembre 2015 provenaient des Balkans occidentaux, démontrant le risque lié en matière de sécurité intérieure pour la France. Notre pays accorde une priorité particulière à la lutte contre le trafic illicite d’armes légères et de petit calibre dans les Balkans occidentaux, et a lancé en 2017, aux côtés de l’Allemagne - dans le cadre du processus de Berlin -, une initiative de coordination sur la lutte contre les trafics d’armes à feu dans les Balkans occidentaux, qui a notamment permis l’appropriation par l’ensemble des États de la région des logiciels français de traçabilité balistique EVOFINDER et TRAFFIC.

Les Balkans occidentaux sont également une zone particulièrement sensible et active en matière de trafic de drogues. La route des Balkans reste le principal couloir de contrebande d’héroïne et d’opiacés en provenance d’Afghanistan, et les Balkans sont impliqués dans l’importation de cocaïne d’Amérique du Sud en Europe. L’Albanie est le premier producteur européen de cannabis dont l’exportation se fait majoritairement par voie maritime, via la Grèce et l’Italie, mais également par voie routière.

La corruption et le blanchiment d’argent constituent d’importants obstacles à l’efficacité de la lutte contre la criminalité organisée dans les Balkans occidentaux. Les institutions de la région restent encore largement touchées par la corruption, ce qui complique la mise en œuvre d’une lutte efficace contre ces trafics mais n’a pas empêché de nombreuses coopérations avec les autorités locales.

La lutte contre l’immigration illégale : un axe majeur de coopération avec les pays des Balkans occidentaux

Parmi les coopérations déployées, il faut mentionner la lutte contre l’immigration illégale, dans un contexte où les Balkans constituent une zone de transit et dans une moindre mesure une zone source de flux migratoires illégaux. Entre 2008 et 2018, sur les 2,98 millions de ressortissants des Balkans occidentaux ayant émigré vers l’Union européenne, 27 % l’ont fait dans le cadre d’une migration illégale (25 % dans le cas des seules arrivées en France), 54 % par le biais d’une première demande de permis de séjour et 19 % dans le cadre d’une demande d’asile (53 % dans le cadre de la France) ([17]). Il faut aussi noter qu’environ la moitié des personnes traversant la Manche par small boats sont actuellement des Albanais, qui auraient été, en 2022, 12 000 à 13 000 à emprunter cette voie.

La « route des Balkans », qui a connu une phase particulièrement active entre août 2015 et mars 2016 avec près de 650 000 personnes l’ayant empruntée ([18]), en provenance notamment de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, a ainsi connu un regain en 2022. Selon l’agence européenne Frontex, sur les 330 000 franchissements illégaux des frontières extérieures de l’Union européenne enregistrés en 2022 - flux le plus important constaté depuis 2016 - 45 % sont passés par les Balkans occidentaux ([19]). En outre, une nouvelle route s’est développée le long de la côte adriatique, passant par l’Albanie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine, en parallèle de la route passant par la Macédoine du Nord et la Serbie. Comme cela a été indiqué aux rapporteurs, les migrants qui cherchent à se rendre en Europe occidentale passent généralement très peu de temps dans les Balkans. À titre indicatif, la durée moyenne d’occupation dans les centres d’hébergement serbes est passée de 58 à 8 jours cette année, et les données sont comparables concernant la Bosnie-Herzégovine.

Pour rappel, un plan d’action pour les Balkans occidentaux concernant la question migratoire a été adopté le 6 décembre 2022 dans le cadre du dernier sommet Union européenne-Balkans occidentaux. Ce plan est structuré autour de cinq piliers : renforcement de la gestion des frontières le long des routes migratoires ; procédures d’asile rapides et soutien à la capacité d’accueil ; lutte contre le trafic de migrants ; renforcement de la coopération en matière de réadmission et retours ; harmonisation des politiques en matière de visas. Parmi les évolutions récentes obtenues dans le cadre européen, il faut noter la réintroduction de visas par la Serbie pour les ressortissants tunisiens, burundais, cubains, boliviens et indiens. En effet, la divergence des politiques d’exemption de visas vis-à-vis de l’Union européenne est de nature à alimenter le phénomène migratoire. En outre, le Conseil a donné son feu vert pour l’ouverture de négociations avec l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et le Monténégro en vue d’accords de coopération élargis avec Frontex. À l’inverse des accords conclus sous le précédent mandat de l’agence, ces nouveaux accords devraient permettre aux personnels de Frontex d’exercer des pouvoirs d’exécution (vérifications aux frontières, enregistrement des personnes, etc.) en plus de pouvoir mener des opérations conjointes et de déployer des équipes sur place.

Sources diverses

Enfin, la traite des êtres humains, aggravée par la pression migratoire et l’instabilité régionale provoquée par la guerre en Ukraine, demeure une manifestation majeure de la criminalité organisée dans la région. On note également le développement de la criminalité environnementale (trafics de déchets et de matières premières principalement), qui affecte le territoire européen de façon croissante.

Dans ce contexte, la France mène dans les Balkans occidentaux une importante coopération bilatérale, qui s’ajoute à la coopération régionale menée sous l’égide du RCC et du processus de Berlin évoqués précédemment. Cette coopération poursuit plusieurs objectifs : renforcer la coopération opérationnelle contre les différents trafics dans les Balkans, d’une part, et lutter contre les trafics d’armes et le terrorisme, au travers notamment de l’unité permanente de renseignement criminel (UPRC) franco-serbe chargée de la lutte contre les trafics d’armes, de munitions et d’explosifs, d’autre part. Cette action s’appuie sur trois relais principaux : le pôle de sécurité en Europe du Sud-Est, installé à Belgrade depuis 2012 et composé d’un diplomate, d’un attaché douanier régional et d’un magistrat de liaison, qui dispose d’un rôle de veille et d’analyse stratégique pluridisciplinaires ; l’attaché de sécurité intérieure coordonnateur régional du ministère de l’intérieur pour la zone des Balkans occidentaux, en poste à Zagreb, pour harmoniser l’action des services de sécurité intérieure de la zone ; le chargé de mission régional pour la lutte contre la traite des êtres humains basé à Vienne et dont les actions de coopération s’étendent sur une zone composée de onze pays (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Kosovo, Macédoine, Moldavie, Monténégro, Roumanie, Serbie et Grèce) ([20]). La France disposera également à compter de l’année prochaine d’un expert technique international placé au sein de l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (ONUDC), dans le cadre d’une feuille de route européenne de lutte contre la corruption.

2.   La cybersécurité

Tous les pays des Balkans occidentaux, à l’exception de la Serbie, ont été récemment victimes de cyber-attaques, dont les deux plus notables ont été celles visant l’Albanie et le Monténégro, avec dans ce dernier cas une paralysie quasi-totale des services de communication gouvernementaux. L’Albanie a notamment été visée en 2022 par plusieurs cyberattaques d’origine iranienne, qui s’expliquent par la présence en Albanie d’opposants au régime issus de l’Organisation des moudjahidines du peuple iranien ([21]) et qui ont abouti à la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays en septembre 2022, tandis que les institutions monténégrines ont été visées à deux reprises par des cyberattaques attribuées à la Russie.

Les pays de la région partagent une même vulnérabilité aux cyberattaques, justifiant une forte vigilance au vu du risque de rebond sur les réseaux et infrastructures cyber des États membres de l’Union européenne, qui présentent eux-mêmes des niveaux de maturité cyber inégaux. En outre, les cyberattaques qui ont touché les pays des Balkans occidentaux ont souvent été accompagnées d’initiatives déstabilisatrices utilisant la désinformation en ligne, dans le cadre de stratégies hybrides.

La France s’est directement mobilisée sur ce sujet, avec une mission exceptionnelle de l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et du COMCyber auprès du ministère monténégrin de l’administration publique, qui a permis à notre pays d’être identifié de façon croissante comme un acteur du cyber dans la région. La France porte avec la Slovénie un projet de centre régional de développement des capacités cyber (C3BO), à destination notamment des administrations des Balkans occidentaux. Une lettre d’intention a été signée le 16 novembre 2022, afin de consacrer l’engagement tripartite de la France, de la Slovénie et du Monténégro. Le centre, qui devrait être lancé officiellement d’ici l’été 2023, orientera ses activités autour de trois piliers principaux que sont la cyber-sécurité, la cybercriminalité et la cyber-diplomatie.

3.   La menace terroriste

Enfin, la région est exposée au risque terroriste, notamment lié à la radicalisation islamiste.

Pour rappel, l’islam radical est apparu dans les Balkans lors des guerres des années 1990. Les idéologies radicales se sont ensuite enracinées dans certaines franges des populations bosniaques et albanophones, en lien avec le financement étranger de la construction ou reconstruction de mosquées et de centres culturels, et favorisées par l’influence de la propagande en ligne et d’imams formés dans des pays du Golfe. Si les Balkans occidentaux ont été dans l’ensemble peu touchés par le terrorisme islamiste, ils ont nourri les départs de combattants vers le Levant (environ 1 100 combattants depuis 2012, dont 400 Bosniaques et 700 albanophones). Les pays concernés ont dû faire face à la question des retours de ces combattants (plus de 400 personnes auraient regagné leur État d’origine dans la région) et de leurs familles. À ce stade, la gestion des retours connaît des marges de progression (légèreté des peines pour les anciens combattants terroristes, faiblesse du contrôle dans la durée), bien qu’il existe des programmes spécifiques tels que le programme albanais pour l’accueil des femmes et enfants revenant de Syrie, piloté par le centre de coordination de lutte contre l’extrémisme violent avec le soutien de l’Union européenne ([22]).

Les Balkans, qui ont pu être un point d’appui à la poursuite d’activités terroristes en Europe via les diasporas présentes sur le continent, comme l’a illustré l’attentat de Vienne du 2 novembre 2020 dont l’auteur était issu de la communauté albanaise de Macédoine du Nord, sont également concernés par l’extrémisme violent d’ultra-droite. Cette menace s’est accrue avec la guerre en Ukraine, du fait de la possibilité de départ d’individus disposant d’un agenda radical (notamment pro-russe parmi les Serbes), pouvant acquérir une formation militaire en vue de préparer des actes violents à leur retour sur le sol européen.

B.   Les enjeux de défense des Balkans occidentaux reflètent une situation géopolitique complexe

Le positionnement des pays des Balkans occidentaux en matière de défense et le champ existant pour des coopérations en la matière renvoie à la fois à l’histoire récente de la région et aux enjeux géopolitiques qui la caractérisent.

Ainsi, le positionnement sur l’OTAN des pays dans lesquels les rapporteurs se sont rendus varie significativement, de l’Albanie qui en est membre et dont la population affiche un positionnement atlantiste, à la Serbie qui se prévaut d’une position de neutralité, ce qui a permis la réalisation de manœuvres conjointes tant avec des soldats de l’OTAN qu’avec des troupes de la communauté des États indépendants (CEI), organisation intergouvernementale fondée en 1991 par la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine. Le souvenir des bombardements de l’Alliance atlantique en 1999, dans le cadre de l’opération « Force alliée ([23]) », demeure vivace et la population reste hostile à une adhésion à l’OTAN. Si la Russie s’appuie sur ce ressentiment pour alimenter l’opposition à l’Alliance atlantique, celle-ci n’a pas fait obstacle au développement de coopérations : ainsi, un plan d’action individuel pour le partenariat (IPAP) a été signé le 16 janvier 2015 par les autorités serbes. La Serbie dispose également d’un officier de liaison auprès de l’agence européenne de défense et participe au groupement tactique HELBROC. En outre, elle contribue aux opérations de maintien de la paix (OMP) onusiennes.

Dans le cas de la Bosnie-Herzégovine, le consensus politique affiché sur l’adhésion à l’Union européenne n’a pas d’équivalent concernant l’OTAN. En effet, si les Bosniaques et les Bosno-croates sont pour la plupart favorables à une adhésion, la majorité des Bosno-serbes est réservée, voire hostile, tandis que les autorités de la Republika Sprska affichent une position résolument hostile, en cohérence avec leurs positions pro-russes ([24]). La coopération avec l’OTAN est en revanche soutenue par la plupart des forces politiques bosniennes. Pour rappel, à la suite du conflit qui a déchiré la Bosnie-Herzégovine entre 1992 et 1995, causant plus de 100 000 morts, l’Alliance atlantique a déployé une opération de maintien de la paix (IFOR) dans le pays, dans le cadre du volet militaire des accords de paix de Dayton. La SFOR a pris le relais en 1997, avant que l’Union européenne ne succède à son tour à l’OTAN via la mission EUFOR Althea, qui dispose d’un contingent français.

En ce qui concerne plus particulièrement la Serbie, les rapporteurs tiennent à exprimer leurs doutes quant à l’idée largement répandue d’un sentiment pro-russe de la société serbe. La société serbe, pour des raisons historiques, est profondément et affectivement proche de la France, tandis que la méfiance profonde du peuple serbe envers tous les impérialismes auxquels il a été confronté (ottoman, austro-hongrois, russe, bulgare et même soviétique, la Yougoslavie ayant été un pays des chefs de file du non-alignement) dans son histoire ne doit jamais être oubliée ni sous-estimée. Croire sans nuance en l’existence d’un sentiment pro-russe chez les Serbes pourrait être défavorable à des initiatives françaises et européennes utiles dans les années à venir, en particulier sur le plan de la coopération sécuritaire et militaire. Pour autant, force est de constater que le narratif russe anti-OTAN fonctionne en Serbie.

La mission EUFOR Althea

L'EUFOR Althea (European Union Force Althea) est une mission militaire de l’Union européenne en Bosnie-Herzégovine, créée en 2004 pour soutenir la mise en œuvre des accords de paix de Dayton de 1995. Son objectif principal de la mission est de contribuer à la stabilisation de la Bosnie-Herzégovine, en soutenant la consolidation de la sécurité et en renforçant les institutions démocratiques.

Le 2 décembre 2004, l’opération EUFOR Althea a remplacé la force de stabilisation de l’OTAN en Bosnie-Herzégovine, conformément à la résolution 1575 du Conseil de sécurité de l’ONU. Cette résolution a été adoptée dans le cadre des accords « Berlin plus », qui permettent à l’Union européenne d’utiliser les moyens et les capacités de l’Alliance atlantique pour des opérations auxquelles l’OTAN ne participe pas ou plus directement sur le plan militaire.

Le mandat de l’opération est examiné chaque année par le Conseil de sécurité de l’ONU, en vue d’un renouvellement, dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies. Le 2 octobre 2022, le mandat de l’EUFOR Althéa a ainsi été renouvelé pour un an, grâce à l’adoption à l’unanimité de la résolution 2658 (2022).

Les objectifs principaux de l’EUFOR Althéa sont les suivants :

maintenir un environnement sûr et sécurisé en Bosnie-Herzégovine, en soutenant la mise en œuvre des accords de paix de Dayton ;

-          soutenir le développement des forces de sécurité locales, y compris les forces armées et la police ;

-          coopérer avec les institutions bosniennes pour renforcer l'État de droit, la gouvernance et la démocratie ;

-          assurer la sécurité et la stabilité dans le voisinage de l’Union européenne, en luttant durablement contre différents facteurs de déstabilisation.

Initialement composée de plus de 6 000 militaires et civils, la mission EUFOR Althea en compte aujourd’hui environ 1 200. Vingt États y contribuent, dont six ne sont pas membres de l’Union européenne. Elle est aujourd’hui dirigée par l’Autrichien Helmut Habermayer et son quartier général est situé en Bosnie-Herzégovine, au Camp Butmir à Sarajevo, qui était déjà le siège de la SFOR.

On compte aujourd’hui – et depuis l’été 2021 – près de 30 militaires français au sein de la mission EUFOR Althea, formant un contingent dirigé par le lieutenant-colonel Emmanuel, que les rapporteurs ont pu rencontrer à Sarajevo ([25]). Les militaires français sont positionnés à la fois auprès de l’état-major et sur le terrain. Ils se consacrent essentiellement à la réalisation de patrouilles de reconnaissance, en coordination avec des militaires italiens.

Sources diverses

La Bosnie-Herzégovine a également adhéré au programme du partenariat pour la paix (PPP) de l’OTAN en 2006 et bénéficie depuis 2010 d’un plan d’action pour l’adhésion (MAP). Un bataillon multiethnique a été certifié en 2020, permettant en théorie au pays de participer aux exercices otaniens. Néanmoins, l’engagement militaire bosnien est limité par les moyens dont dispose l’armée, dont le budget annuel s’élève à environ 150 millions d’euros. Ces restrictions touchent également la coopération bilatérale, qui prévoit chaque année une place ouverte à l’école de guerre ou à l’école d’état-major pour un ressortissant bosnien, ainsi que des cours français à Sarajevo, qui rencontrent toutefois des difficultés à trouver leur public faute de débouchés. De façon générale, l’armée bosnienne, qui peine à recruter, doit encore relever le défi de son attractivité, à l’instar d’autres institutions publiques.

En comparaison, la coopération bilatérale avec la Serbie dans le domaine de la défense est plus dynamique. Les échanges politico-stratégiques sont réguliers (réunion d’état-major interarmées franco-serbe à Belgrade le 30 janvier 2023, visite du chef d’état-major serbe à Paris en mars 2023, etc.), notamment sur la participation de la Serbie aux opérations extérieures, et une importante coopération a été développée en matière d’armements (conclusion en décembre 2021 d’un « paquet français » contenant des radars Thalès, des missiles Mistral MBDA et des hélicoptères Airbus H145, ainsi que discussions en cours pour l’achat d’H125M et d’avions Rafale). En outre, des négociations sont en cours en vue d’un partenariat technologique qui serait conclu pour plusieurs décennies.

Au plan géopolitique, le domaine sécuritaire et de défense constitue par ailleurs l’un des terrains d’influence de la Turquie dans les Balkans occidentaux. Celle-ci est très présente dans les opérations internationales de sécurité (3ème contributeur d’EUFOR Althéa, avec 138 personnels, et 4ème contributeur de la Force pour le Kosovo (KFOR) pilotée par l’OTAN, avec 350 personnels). La Turquie mène une coopération de défense active, en particulier avec l’Albanie, dont elle est le deuxième partenaire derrière les États-Unis, au même niveau que l’Italie. Ankara coopère également avec le Kosovo (soutien à la force de sécurité du Kosovo) et développe une coopération avec la Serbie (partage de renseignements, volonté affichée du président serbe d’acheter des drones Bayraktar).


IV.   La question des nationalités demeure déterminante pour comprendre les sociétés civiles des Balkans occidentaux

Dans une région où la mémoire des conflits qui ont marqué la dislocation de la Yougoslavie reste structurante, les rapporteurs ont souhaité aborder la société civile par la question des nationalités et de leur articulation avec la citoyenneté.

A.   Une région marquée par le poids de l’histoire et des conflits interethniques

La question est manifeste dans le cas de la Bosnie-Herzégovine, dont l’organisation institutionnelle repose sur une égale répartition des attributions entre les peuples constitutifs. Or, le corollaire de cette citoyenneté ethnique est l’inégalité de droits entre les citoyens issus des trois peuples constitutifs et ceux qui ne le sont pas (Roms, Juifs, Slovènes, etc.). Saisie par deux citoyens bosniens à qui la possibilité de se porter candidats aux élections législatives et présidentielle avait été refusée du fait de leur origine, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a conclu à la violation par la Bosnie-Herzégovine de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales combiné à l’article 3 du protocole n° 1 à la convention et de l’article 1er du protocole n° 12. Rendu en 2009, l’arrêt Sejdić/ Finci reste à mettre en œuvre. La CEDH a condamné la Bosnie-Herzégovine à plusieurs reprises pour des dispositions jugées discriminatoires, qui contreviennent par ailleurs aux standards européens. Néanmoins, aucune des tentatives de réforme constitutionnelle initiées ces dernières années n’a pu aboutir.

Dans le cas de la Serbie, la question de la nationalité et des minorités renvoie directement au différend qui oppose Belgrade à Pristina, concernant le statut du Kosovo. Pour rappel, la Serbie ne reconnaît pas l’indépendance du Kosovo, qui a déclaré unilatéralement son indépendance en 2008. On estime aujourd’hui que près de cent-dix pays, dont la France, reconnaissent l’indépendance du Kosovo. Depuis 2017, dix-huit pays seraient revenus sur leur décision de reconnaître le Kosovo à l’invitation de la Serbie, rejoignant ainsi une partie de la communauté internationale, dont la Russie et la Chine, ainsi que cinq États membres de l’Union européenne ([26]).

Depuis 2010, un dialogue entre la Serbie et le Kosovo est conduit sous l’égide de l’Union européenne et a permis l’adoption d’une série d’accords, dont la mise en œuvre est inégale. Interrompu entre 2018 et 2020, ce dialogue vise à élaborer un accord final, juridiquement contraignant, basé sur des compromis. Le différend entre les deux pays a été marqué ces derniers mois par plusieurs épisodes de tensions au nord du Kosovo, en septembre 2021 et en août et décembre 2022. Néanmoins, le 18 mars 2023, les dirigeants Aleksandar Vucic et Albin Kurti se sont rencontrés à Ohrid en Macédoine du Nord, en présence du haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, et de Miroslav Lajcak, représentant spécial de l’Union européenne pour le dialogue entre Belgrade et Pristina. L’ordre du jour portait sur la mise en œuvre de l’accord sur la voie de la normalisation des relations entre les deux pays, après un accord de principe donné le 27 février. Ce document, qui s’est appuyé sur une initiative franco-allemande dans le cadre européen, comporte une annexe dont la mise en œuvre a fait l’objet d’un accord ([27]). En revanche, le texte n’a pas été formellement signé par les deux dirigeants. Parmi les dispositions de l’annexe, on trouve notamment un engagement immédiat du Kosovo à lancer des négociations pour mettre en œuvre l’article de l’accord portant sur l’autonomie locale des Serbes du Kosovo. Concrètement, bien que les documents officiels n’en fassent pas directement mention, il s’agit de créer une Association des municipalités à majorité serbe, évoquée par de précédents accords conclus entre 2013 et 2015. Les interlocuteurs politiques des rapporteurs à Belgrade ont tous insisté sur l’importance de ce point pour leur pays. Parmi les points sensibles de l’accord, il faut notamment souligner la non-objection par la Serbie de l’adhésion du Kosovo à des organisations internationales et la reconnaissance mutuelle des symboles nationaux.

Des échéances sont prévues dans les mois à venir pour avancer dans le sens d’un accord global de normalisation des relations, qui mobiliseront la France.

Pour les pays des Balkans occidentaux, la mémoire des conflits des années 1990 et la persistance de différends dont les racines sont parfois anciennes, à l’instar de ceux entre le Kosovo et la Serbie ou entre la Macédoine du Nord et la Bulgarie ([28]), demeure une donnée fondamentale. Dans le cas de la Bosnie-Herzégovine, si les tensions politiques restent vives dans le pays, force est de constater que la situation sécuritaire s’est stabilisée et que les tensions existantes ne se traduisent pas par des violences intercommunautaires. Dans certains cantons ou villes comme Mostar, des communautés vivent ensemble, néanmoins, un portage politique fort sur la question de la réconciliation reste à trouver. Surtout, la mémoire des conflits et le spectre d’un retour de la guerre sont régulièrement utilisés par les partis politiques historiques, afin de consolider le vote communautaire dans un contexte où le manque de culture démocratique a pu être mis en exergue par certaines des personnes rencontrées par les rapporteurs.

En Serbie, le poids du passé a aussi été évoqué par certains des interlocuteurs des rapporteurs, notamment ceux issus de la société civile. Une insuffisante culture du changement a ainsi été évoquée et déplorée, celle-ci étant étroitement liée à l’héritage de l’histoire, qu’il s’agisse de l’époque yougoslave ou des conflits des années 1990, voire dans certains cas de la Seconde guerre mondiale.

B.   La société civile comme axe de coopération

Dans ce contexte propre aux Balkans occidentaux, la société civile constitue un vecteur de coopération bilatérale pour la France, autour de différentes thématiques telles que la jeunesse ou l’égalité entre les femmes et les hommes. Sur ce sujet, l’AFD a notamment lancé un projet portant sur le renforcement de l’égalité de genre dans l’accès aux opportunités économiques (voir supra), tandis qu’un atelier sur la lutte contre les violences faites aux femmes est porté par le poste. En Bosnie-Herzégovine, le poste conduit un appel à projets annuel à destination de la société civile. Sept projets ont été soutenus en 2022, tous s’inscrivant dans l’une ou plusieurs des quatre thématiques prioritaires identifiées : droits humains, égalité femmes-hommes, jeunesse et questions environnementales. En Serbie, le poste organise différentes activités autour de thématiques similaires, à l’instar de cycles de débats sur les sujets européens ou des questions transversales comme le genre. Les experts techniques internationaux présents sur place (voir supra) peuvent également intervenir auprès de la société civile sur des sujets comme la participation citoyenne.

Au-delà des coopérations naissantes dans les domaines économique ou militaire, il faut également mentionner la place de la coopération culturelle dans ces trois pays et dans la région des Balkans occidentaux. Elle s’appuie sur la présence d’établissements d’enseignement homologués par le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse et aussi sur l’enseignement du français porté par les instituts français et alliances françaises présents dans la région, ainsi que sur d’autres volets (enseignement supérieur, industries culturelles et créatives, livre et bande dessinée – la France sera ainsi l’invitée d’honneur du salon du livre de Belgrade en octobre 2023 – archéologie dans le cas de l’Albanie, etc.).

Enfin, la jeunesse occupe une place particulière dans les projets portés au niveau de la société civile. La France soutient ainsi le RYCO.

L’office régional de coopération pour la jeunesse des Balkans occidentaux (Regional Youth Cooperation Office, RYCO)

Fondé en 2016 sur initiative des gouvernements de la région balkanique, l’Office régional de coopération pour la jeunesse des Balkans occidentaux vise à favoriser la mobilité de la jeunesse et l’essor de projets économiques et culturels portés par des jeunes issus de l’espace balkanique occidental, en s’inscrivant dans une dynamique de dépassement des clivages laissés par les conflits des années 1990.

Cet office, qui a son siège à Tirana, rassemble les six États des Balkans occidentaux, dont chacun accueille une antenne dans sa capitale. Son mode de fonctionnement repose sur des appels à projets annuels dans les domaines de l’éducation, de la science, de la culture, des sports et de la citoyenneté, les projets proposés devant être portés par des jeunes issus de la région et poursuivre l’un des cinq objectifs suivants : promotion de la réconciliation et travail de mémoire ; promotion de la diversité culturelle et de l’échange ; promotion de la mobilité régionale ; promotion de la participation citoyenne ; promotion du rapprochement avec l’Europe. Ce dernier point est tout particulièrement important, dans la mesure où le RYCO s’inscrit dans le cadre du processus de Berlin (voir supra). C’est par ailleurs l’Office franco-allemand pour la jeunesse, fondé en 1963 par le président de la République française Charles de Gaulle et le chancelier fédéral allemand Konrad Adenauer, qui a servi de modèle au RYCO.

Bien que doté de faibles effectifs (10 employés au siège régional à Tirana), le RYCO soutient chaque année plusieurs dizaines de projets d’envergure, au premier rang desquels figure actuellement le programme RISE (Regional Incubator for Social Entrepreneurs), soutenu financièrement par l’AFD et l’Union européenne, qui vise à favoriser les espaces de réconciliation entre les jeunes des Balkans occidentaux par l’entrepreunariat social. La France accorde un soutien régulier aux projets du RYCO, notamment par le biais de l’AFD ou de l’Institut français de Paris.

Sources diverses

Comme l’a notamment souligné l’étude dirigée par MM. Florent Marciaq et Romain Le Quiniou pour l’Institut français des relations internationales (IFRI) ([29]), la société civile est l’un des domaines qui connaît les plus importantes marges de progression en matière de coopération bilatérale avec les pays de la région, en raison notamment d’un manque de connaissance mutuelle entre les populations. Ainsi, les organisations de la société civile et les think tanks n’ont pas été mentionnés dans la version actuelle de la stratégie, alors même que tous peuvent être des alliés de taille pour promouvoir l’État de droit. Parmi les pistes que les rapporteurs souhaitent mettre en avant, on trouve le renforcement des jumelages entre communes françaises et balkaniques, qui permettrait à la fois de développer des échanges entre citoyens et de mobiliser une assistance technique sur certains sujets.

L’idée développée par le rapporteur Frédéric Petit, également rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur les crédits alloués à la diplomatie d’influence (programme 185), est que plus que partout ailleurs, notre engagement bilatéral dans les Balkans occidentaux doit s’appuyer sur une approche globale de la notion, intégrant les différents champs de la coopération. Il importe que l’action de la France dans la région ne soit plus scindée en silos. En effet, lorsqu’une PME française ouvre une filiale dans le traitement des déchets ou qu’entreprise française gère le réseau de chaleur de Sarajevo, et lorsque des jeunes bosniens de Banja Luka sont invités au festival de la paille dans le Jura, la contribution de la France pour aider la Bosnie-Herzégovine à se rapprocher des standards démocratiques de l’Union européenne est au moins aussi importante qu’en cas de participation au plus haut niveau de l’exécutif aux sommets du processus de Berlin.

 

 


—  1  —

   Examen en commission

 

Au cours de sa séance du mercredi 10 mai 2023, la commission entend la communication de Mme Marine Hamelet et M. Frédéric Petit sur leur déplacement en Bosnie-Herzégovine, en Serbie et en Albanie, du 12 au 17 mars 2023.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

 

https://assnat.fr/KfTDyC

 

À l’issue des échanges, la commission autorise sur le fondement de l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale le dépôt de cette communication sous forme de rapport d’information, en vue de sa publication.

   


—  1  —

   Annexe n° 1 : État d’avancement des processus d’adhésion des états des Balkans occidentaux à l’Union européenne

Albanie candidature déposée en 2009 et officiellement reconnue en 2014. En avril 2018, la Commission européenne a proposé d’entamer des négociations officielles. Elle a été suivie en ce sens par le Conseil européen du 26 mars 2020. Les négociations d’adhésion ont été ouvertes le 19 juillet 2022.

Macédoine du Nord candidature déposée en 2004 et officiellement reconnue en 2005. Les étapes suivantes ont été actées aux mêmes dates que pour l’Albanie, après la levée de deux blocages : le premier relatif au nom du pays, contesté par la Grèce ([30]), et le deuxième relatif au veto bulgare nourri par des différends linguistiques et culturels entre les deux États([31]).

Monténégro le pays a été reconnu candidat en 2010, deux ans après le dépôt de la demande d’adhésion. Les négociations d’adhésion ont été officiellement ouvertes en 2012 : 33 chapitres de négociations ont été ouverts et 3 ont été clôturés à titre provisoire.

Serbie la candidature a été déposée en 2009 et officiellement reconnue en 2012. Depuis le début des négociations en 2013, 22 chapitres de négociations sur 35 ont été ouverts et 2 ont été clôturés à titre provisoire.

Bosnie-Herzégovine la candidature a été déposée en 2016 et a été officiellement reconnue le 13 décembre 2022. Le 12 octobre 2022, la Commission européenne avait recommandé aux États membres d’accorder le statut de candidat à la Bosnie-Herzégovine.

Kosovo la candidature du pays a été déposée le 15 décembre 2022 mais l’indépendance du Kosovo n’est reconnue que par 22 États membres sur 27 ([32]). Comme les autres États de la région, le Kosovo a pu signer, en 2014, un accord de stabilisation et d’association avec l’Union européenne ([33]).


—  1  —

   Annexe n° 2 : Stratégie française pour les Balkans occidentaux (mai 2019)

Lors du sommet informel sur les Balkans tenu à Berlin à l’initiative du président Emmanuel Macron et de la chancelière fédérale Angela Merkel, le 29 avril 2019, le Président de la République a souhaité que la France se dote d’une véritable stratégie pour les Balkans occidentaux afin que notre pays s’engage davantage pour la stabilisation des six pays des Balkans occidentaux non-membres de l’Union européenne, pour leur développement économique et social et pour le renforcement de l’État de droit.

Depuis le début des années 2000 et la fin des conflits armés liés à l’éclatement de la Yougoslavie, la stabilisation et le développement démocratique, économique et social des pays des Balkans occidentaux (Slovénie, Croatie, Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro, Serbie) ont considérablement progressé. La Slovénie est ainsi devenue membre de l’Union européenne dès 2004, puis la Croatie, en 2013.

Toutefois, de nombreuses réformes doivent encore être accomplies pour permettre à la région de se stabiliser durablement et de relever les défis auxquels elle doit faire face :

- politiques (différends non résolus, même si l’accord de Prespa constitue un développement majeur et un exemple de dialogue régional) ;

- économiques et sociaux ;

- difficultés à installer durablement l’état de droit ;

- enjeux sécuritaires ;

- influences externes qui détournent la région de sa vocation européenne.

Mesures concrètes.

I. La France intensifiera ses relations politiques avec les pays de la région.

Le Président de la République se rendra en Serbie en juillet. Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères se rendra en Albanie et au Kosovo cette année. D’autres visites, de membres du gouvernement et de parlementaires, dans tous les pays de la région, contribueront à l’intensification de nos relations.

II. La France renforcera sa coopération bilatérale avec les pays de la région dans quatre domaines :

1. Développement économique et social par l’intervention de l’Agence française de développement (AFD)

Un accord intergouvernemental a été signé avec la Serbie, le 25 février. Les cinq autres accords sont en cours de négociation.

L’AFD appuiera l’intégration régionale des pays des Balkans occidentaux pour soutenir leur développement et leur stabilisation. Elle appuiera les transitions vers des trajectoires de développement durable, en priorité la transition énergétique et écologique ainsi que la transition territoriale, domaines dans lesquels l’AFD pourra valoriser à la fois son expérience et l’expertise française, tout en contribuant aux objectifs climats fixés par les autorités françaises.

L’AFD portera également des projets dans le domaine de l’égalité femmes/hommes et soutiendra la réconciliation et la jeunesse au travers de l’Office régional de coopération pour la jeunesse (RYCO) des Balkans occidentaux (conçu sur le modèle de l’office franco-allemand pour la jeunesse OFAJ).

L’aide annuelle apportée par l’AFD (initialement 100 à 150 millions d’euros) servira de levier aux financements des autres bailleurs, en particulier la KfW allemande avec laquelle elle coopère étroitement.

2. Sécurité

Lutte contre les trafics illicites d’armes légères et de petit calibre : poursuite de la mise en oeuvre de la feuille de route franco-allemande visant à mobiliser les pays de la région sur des mesures concrètes (en particulier de sécurisation, de lutte contre les réseaux de trafics, et de collecte des stocks d’armes illicites) et à coordonner l’assistance de la communauté internationale pour lutter contre le trafic d’armes.

Renforcement de notre coopération bilatérale, notamment : mise en place d’unités permanentes de renseignement criminel (UPRC).

Lutte contre le terrorisme et la radicalisation avec un soutien à la mise en place de plateformes de signalement de contenus illicites sur internet.

Renforcement de notre dispositif de coopération opérationnelle sur les questions de sécurité intérieure.

3. Justice

Poursuite de la coopération technique en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, d’armes et la traite des êtres humains, et de lutte contre la criminalité organisée et la corruption.

Mise en place de nouvelles coopérations en matière de criminalité financière et économique, de lutte contre les trafics de biens culturels et d’espèces protégées, qui peuvent également constituer des sources de financement du terrorisme.

Constitution d’équipes communes d’enquête avec tous les pays de la région ;

4. Défense

L’intensification des échanges avec les pays de la région (dialogues politico-stratégiques, visites d’autorités militaires).

La prise de commandement de l’opération EUFOR-Althéa, le 27 mars dernier.

Une offre accrue de formations d’officiers des pays des Balkans occidentaux dans les écoles françaises de formation et de ressortissants de ces États à l’Institut des hautes études de la Défense nationale (IHEDN).

Le soutien à l’engagement des pays des Balkans occidentaux dans des opérations extérieures à nos côtés.

III. La stratégie de la France pour les Balkans occidentaux vise à appuyer et compléter l’action de l’Union européenne pour soutenir le rapprochement européen de la région.

Elle complète également les actions entreprises dans le cadre du processus de Berlin, auquel la France participe depuis son origine, et sera en partie conduite dans un cadre franco-allemand :

- lutte contre les trafics illicites d’armes légères et de petit calibre ;

- soutien à l’Office régional de coopération pour la jeunesse (RYCO) ;

- coopération AFD/KfW ; visites conjointes dans la région.


—  1  —

   Annexe n° 3 : Liste des personnes entendues par les rapporteurs

À Paris

 

Personnes rencontrées dans les Balkans occidentaux

 

Déplacement en Bosnie-Herzégovine du dimanche 12 au mardi 14 mars 2023

 

 

 

Déplacement en Serbie du mardi 14 au jeudi 16 mars 2023

 

Déplacement en Albanie du jeudi 16 au vendredi 17 mars 2023

 


([1]) Bosnie-Herzégovine, Croatie, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro, Serbie et Slovénie. 

([2])  https://france.representation.ec.europa.eu/informations/la-commission-europeenne-evalue-les-reformes-dans-les-balkans-occidentaux-et-en-turquie-et-2022-10-12_fr

([3])  Au jeu d’échecs, le pat désigne une position dans laquelle le camp ayant le trait et n’étant pas sous le coup d'un échec ne peut plus jouer de coup admis par les règles. La partie est alors déclarée nulle, quel que soit le matériel restant sur l'échiquier.

([4]) La Serbie a en revanche voté en faveur des résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies condamnant l’agression russe. La Bosnie-Herzégovine s’est associée à toutes les déclarations de l’UE et au vote des États membres à l’Assemblée générale des Nations unies sur l’Ukraine, mais les autorités sont divisées en matière de politique étrangère. Les dirigeants bosno-serbes de Republika Srpska prônent une « neutralité » sur le modèle serbe, alors que Bosniaques et Bosno-croates défendent globalement un alignement sur les positions de l’UE, y compris les sanctions à l’encontre de la Russie. En conséquence, les sanctions ont été adoptées mais leur mise en œuvre concrète pose question. L’Albanie s’est quant à elle alignée sur l’Union européenne en condamnant l’agression russe et en appliquant des sanctions contre la Russie.

([5])  Enquête conduite par le Balkans in Europe Policy Advisory Group et l’European Fund for the Balkans, en novembre 2021.

([6])  https://www.transparency.org/en/cpi/2022

([7])  https://sarajevotimes.com/sky-app-exposed-associates-of-criminal-groups-in-bih-security-agencies/

([8]) Voir l’article de Pierre Mirel, « Union européenne – Balkans : les illusions perdues ? » dans la revue Politique étrangère 04/2022.

([9])  Une interconnexion gazière avec la Bulgarie devrait être achevée en octobre. Elle permettra par la suite d’importer du gaz d’Azerbaïdjan

([10])  Fin 2022, quarante projets prioritaires avaient déjà été validés par le Conseil, pour un montant total de 1,8 milliard d’euros de financements directs et représentant un investissement global de 5,7 milliards d’euros.

 

([11]) Le groupe AFD peut s’appuyer sur la filiale Proparco, dédiée au secteur privé, et depuis le 1er janvier 2022 sur l’agence interministérielle de coopération technique internationale Expertise France.

([12])  La dette publique de certains pays de la région vis-à-vis de la Chine est aujourd’hui élevée : 20 % du PIB au Monténégro, 7,5 % en Macédoine du Nord et 12 % de la dette extérieure en Serbie).

([13]) Voir l’article d’Ana Krstinovska « La Chine dans les Balkans occidentaux », revue Politique étrangère numéro 4, 2022.

([14]) Il s’agit des six États des Balkans occidentaux, de neuf États membres de l’Union européenne (Allemagne, Autriche, Bulgarie, Croatie, France, Grèce, Italie, Pologne et Slovénie) et du Royaume-Uni.

([15])  Commission européenne, Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB), Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), Banque européenne d’investissement (BEI), groupe Banque mondiale, Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), Agence française de développement.

([16]) L’Albanie est devenue membre en 2009, suivie par le Monténégro en 2017 et la Macédoine du Nord en 2020.

([17]) Voir L’engagement de la France dans les Balkans occidentaux, Études de l’IFRI, février 2022, sous la direction de Florent Marciaq et Romain Le Quiniou.

([18])https://journals.openedition.org/hommesmigrations/10642#xd_co_f=OTkzODI5MjYtY2M4My00YmNhLTljM2QtMGFmZDY5NTNmMTQz~

([19]) https://frontex.europa.eu/media-centre/news/news-release/eu-s-external-borders-in-2022-number-of-irregular-border-crossings-highest-since-2016-YsAZ29  

([20]) La France doit également être partie à une initiative, sur fonds d’instrument d’aide à la pré-adhésion (IPA) de lutte contre la traite des êtres humains en Europe du Sud-Est.

([21]) https://www.mei.edu/publications/irans-balkan-front-roots-and-consequences-iranian-cyberattacks-against-albania

([22])  https://cve.gov.al/?lang=en

([23])  L’opération « Force alliée » est l’opération militaire de bombardement par l’OTAN de cibles serbes durant la guerre du Kosovo, qui s’est déroulée du 23 mars au 10 juin 1999, à la suite du massacre de Račak.

([24]) Voir notamment cet entretien donné au journal Le Monde par Milorad Dodik : https://www.lemonde.fr/international/article/2021/12/10/milorad-dodik-menace-de-recreer-une-armee-serbe-en-bosnie-si-le-pays-n-est-pas-demilitarise_6105479_3210.html

([25])  À noter que la France a également déployé, de mars à juillet 2022, un peloton de gendarmerie mobile (28 gendarmes) au titre de la force de gendarmerie européenne au sein de la réserve d’intervention de la Formed Police Unit de la mission EULEX-Kosovo.

([26])  Chypre, Espagne, Grèce, Roumanie et Slovaquie.

([27])  https://www.eeas.europa.eu/eeas/belgrade-pristina-dialogue-implementation-annex-agreement-path-normalisation-relations-between_en?channel=eeas_press_alerts&date=2023-03-19&newsid=0&langid=en&source=mail

([28])  Ainsi, les deux États se disputent l’héritage de certains héros nationaux, tels que Goce Delčev (1872-1903), acteur clef du soulèvement anti-ottoman survenu à Ilinden en 1903, et s’opposent aussi sur des questions culturelles et linguistiques, les nationalistes bulgares considérant le macédonien comme un simple dialecte dérivé du bulgare, dont les différences avec leur langue mère auraient été créées artificiellement lors de l’époque yougoslave. Les deux pays ont signé le 17 juillet 2022 un protocole bilatéral, né d’une initiative de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, dans le but d’obtenir la levée du veto bulgare à l’ouverture des négociations d’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Union européenne.

([29])  https://www.ifri.org/fr/publications/etudes-de-lifri/lengagement-de-france-balkans-occidentaux-un-renforcement-de

(1)  La Grèce, dont l’une des régions est nommée Macédoine, contestait depuis 1992 la dénomination d’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM) comme portant une revendication territoriale sur sa province homonyme. Le différend a été réglé le 12 juin 2018 par l’accord de Prespa, qui a permis un changement de nom au profit de la dénomination « République de Macédoine du Nord ».

(2) Les deux pays ont signé le 17 juillet 2022 un protocole bilatéral, né d’une initiative de la présidence française du Conseil de l’Union européenne et qui a abouti à la levée du veto bulgare.

(3) L’Espagne, la Grèce, la Roumanie, la Slovaquie et Chypre n’ont pas reconnu l’indépendance du Kosovo.

(4)  Lors du sommet UE-Balkans du 6 décembre 2022, la présidente du Kosovo Vjosa Omani avait affirmé que son pays déposerait une demande officielle d’adhésion d’ici la fin de l’année. Ces derniers temps, les négociations bilatérales ont porté en priorité sur la libéralisation des visas pour les ressortissants kosovars voyageant vers l’UE. Le 30 novembre 2022, les États membres ont approuvé le mandat de négociation du Conseil concernant un règlement relatif à un régime de déplacement sans obligation de visa pour les titulaires d'un passeport délivré par le Kosovo. Le Conseil a adopté le 9 mars 2023 sa position en première lecture sur un régime de déplacement sans obligation de visa pour les titulaires d'un passeport délivré par le Kosovo, adoptée par le Parlement européen le 18 avril 2023.