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N° 1236

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le lundi 15 mai 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

sur les écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA)

et présenté par

M. Alexandre HOLROYD,
Rapporteur spécial

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SOMMAIRE

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Pages

synthèse

LISTE DES RECOMMANDATIONS

PRÉAMBULE - REMERCIEMENTS AU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE LA RECHERCHE ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

INTRODUCTION

I. Panorama des ÉCOLES NATIONALES SUPÉRIEURES D’ARCHITECTURE : Organisation, effectifs et financement

A. ORGANISATION et EFFECTIFS

1. L’organisation de la formation aux métiers de l’architecture en France

a. Les ENSA sont au centre de la formation initiale, de la formation continue et de la recherche en architecture

i. La formation initiale

ii. La formation continue

iii. La recherche

b. La réforme de 2018 a accentué l’intégration des ENSA à l’enseignement supérieur sans effacer certaines particularités de ces établissements

i. La réforme de 2018 a accentué l’intégration des ENSA à l’enseignement supérieur

ii. La permanence de certaines spécificités des ENSA

c. Une réforme destinée à l’ensemble des établissements publics d’enseignement supérieur : l’ordonnance du 12 décembre 2018 relative aux établissements publics expérimentaux

2. Une tutelle des ENSA partagée entre le ministère de la culture et, depuis 2013, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

a. Une tutelle conjointe récente

b. Une tutelle exercée de manière prédominante par le ministère de la culture

i. La tutelle, essentiellement pédagogique, du MESR

ii. La tutelle prépondérante du ministère de la culture

c. Le cas particulier de la tutelle des établissements publics expérimentaux

3. Les effectifs en formation et l’insertion des diplômés

a. Les effectifs en formation initiale, en formation continue et en recherche dans les ENSA

b. Les effectifs en formation initiale et en formation continue hors des ENSA

i. Les formations initiales en architecture existant en France hors des ENSA

ii. Les formations initiales en architecture existant hors de France

c. Des taux d’insertion élevés, des métiers de plus en plus diversifiés

B. Un Financement reposant trÈs largement sur des concours publics

1. Un financement peu lisible reposant très largement sur des concours publics

a. Un financement peu lisible

b. Un financement des ENSA assuré de manière prépondérante par le ministère de la culture, à hauteur de 221 millions d’euros en 2023 (hors grands travaux) et de 233,6 millions d’euros grands travaux inclus

c. Les financements réduits provenant d’autres ministères

d. Les financements apportés par les collectivités territoriales : des financements notables mais imparfaitement connus

2. Les ressources propres : des ressources assises essentiellement sur les droits d’inscription

a. Les droits d’inscription en formation initiale, principale ressource propre des ENSA

i. Les modalités de détermination des droits d’inscription en formation initiale

ii. Des droits d’inscription stables et relativement faibles

iii. Les droits d’inscription, principale ressource propre des ENSA

b. Les autres ressources propres

II. L’important effort budgÉtaire accompli depuis 2018 en faveur des ensa n’a pas permis de rÉpondre À des faiblesses persistantes

A. l’important effort budgÉtaire accompli depuis 2018

1. L’important effort accompli en matière de ressources humaines et de fonctionnement courant

a. Un effort significatif en matière de ressources humaines

i. Le fort accroissement du nombre d’enseignants-chercheurs

ii. La revalorisation de certains traitements

b. Un effort notable en matière de fonctionnement et d’investissement courants

2. L’important effort accompli en matière d’investissement immobilier : 88 millions d’euros d’investissements sur la période 2020-2023

a. 75 millions d’euros de travaux ont été dépensés en faveur des ENSA dans le cadre du plan de relance et de concours annexes

b. Un effort complémentaire de 13,4 millions d’euros est prévu en 2023 en faveur de trois opérations immobilières majeures

c. Le ministère de la culture entend poursuivre cet effort exceptionnel de travaux sur la période 2024-2026

3. Une dépense publique par étudiant en ENSA désormais proche, selon le ministère de la culture, de celle observée dans l’enseignement supérieur

a. Dans une période récente, la dépense publique par étudiant en ENSA a fait l’objet d’évaluations basses non décomposées

b. Le ministère de la culture considère que la dépense publique par étudiant en ENSA est désormais proche de celle observée dans l’enseignement supérieur

B. Des faiblesses persistantes

1. Une tutelle défaillante

a. La tutelle du ministère de la culture : des carences manifestes, une rénovation tardive et limitée

i. Des carences manifestes

ii. Une rénovation tardive et limitée

b. La tutelle du MESR, une tutelle uniquement pédagogique ?

2. Des moyens humains et immobiliers sous tension et des effectifs étudiants en question

a. Des problématiques persistantes de ressources humaines

i. L’évolution globale favorable des ressources humaines au sein des ENSA

ii. Des effectifs administratifs insuffisamment nombreux

b. Des locaux imparfaitement remis à niveau

c. Des effectifs étudiants soumis à un « numerus clausus » implicite

3. Des fragilités financières persistantes

a. Des subventions pour charges de service public inégalement réparties et n’intégrant pas explicitement la compensation de l’exonération des droits d’inscription accordée à certains étudiants

i. Des subventions pour charges de service public inégalement réparties

ii. Des subventions pour charges de service public n’intégrant pas la compensation de l’exonération des droits d’inscription accordée à certains étudiants

b. Des ressources propres trop limitées en raison notamment de l’important retard des ENSA en matière d’alternance et de formation continue et de choix contestables de gestion

i. L’important retard des ENSA en matière d’alternance et de formation continue

ii. Des choix de gestion contestables : l’inapplication des frais différenciés à certains étudiants extracommunautaires et une certaine réticence à coopérer avec le monde de l’entreprise

c. Des ressources globalement insuffisantes

III. donner un cap aux ENSA, RÉNOVER EN PROFONDEUR LES CONDITIONS D’EXERCICE DE Leur TUTELLE et redÉfinir LEur MODÈLE FINANCIER

A. DONNER UN CAP AUX ENSA

1. Définir une trajectoire pluriannuelle en termes de ressources et de moyens pour assurer une remise à niveau des ENSA dans le prolongement des efforts engagés depuis 2018

a. Conclure un protocole d’accord sur les personnels administratifs des ENSA en fléchant certains des emplois créés vers le développement des ressources propres des établissements

b. Définir une trajectoire de remise à niveau immobilière favorisant l’intégration des ENSA dans des campus universitaires

c. Rechercher une harmonisation progressive des subventions des ENSA

2. Envisager, dans un second temps, une évolution des compétences, de l’organisation et des effectifs étudiants des ENSA

a. Envisager une évolution des compétences et de l’organisation des ENSA

i. Transférer aux ENSA volontaires une compétence de gestion de la masse salariale et des personnels relevant aujourd’hui du ministère de la culture

ii. Encourager la participation des ENSA aux établissements publics expérimentaux

b. Préparer une évolution à la hausse des effectifs étudiants

i. Une augmentation des effectifs souhaitée par de nombreux intervenants

ii. Une progression des effectifs probablement souhaitable mais envisageable uniquement dans un second temps

B. RÉNOVer LES CONDITIONS D’EXERCICE DE La TUTELLE sur les ensa en rÉÉquilibrant la tutelle exercÉe par le ministère de la culture et par le MESR

1. Poursuivre et amplifier la rénovation des conditions d’exercice de la tutelle exercée par le ministère de la culture

2. Réaffirmer la tutelle du MESR et poursuivre l’intégration des ENSA dans l’enseignement supérieur en soutenant notamment leur implication dans les établissements publics expérimentaux

C. RÉNOVER LE MODÈLE FINANCIER DES ENSA POUR DIVERSIFIER ET ACCROÎTRE LEURS RESSOURCES

1. Développer fortement les ressources propres des ENSA

a. Les droits d’inscription, vecteur important de développement des ressources propres

i. Compenser aux ENSA l’exonération des frais d’inscription dont bénéficient certains étudiants

ii. Mettre fin au gel des droits d’inscription

iii. Instituer des droits d’inscription différenciés en direction de certains étudiants extracommunautaires

b. Poser un cadre favorable au développement de l’alternance et de la formation continue

i. Poser un cadre favorable au développement de l’alternance

ii. Poser un cadre favorable au développement de la formation continue

c. Relever le produit de la CVEC reversé aux ENSA

d. Encourager les coopérations avec le monde de l’entreprise

e. Prévoir un bonus financier pour les ENSA atteignant l’objectif de ressources propres fixé par la tutelle

2. Renforcer l’implication des collectivités territoriales en encourageant les collectivités territoriales à devenir propriétaire des locaux des ENSA

3. Explorer des voies d’économies

a. Ajuster les maquettes de formation

b. Favoriser la mutualisation des moyens entre les ENSA ou, plus encore, entre les ENSA et d’autres établissements publics d’enseignement supérieur

4. Améliorer la lisibilité du financement des ENSA

CONCLUSION : LES ENSA À LA CROISÉE DES CHEMINS

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE 1 - ÉTUDE DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE LA RECHERCHE ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

ANNEXE 2 - LISTE DES 20 ENSA ET RÉPARTITION DES ÉTUDIANTS ENTRE LES DIFFÉRENTS ENSEIGNEMENTS EN 2022-2023

PERSONNES AUDITIONNÉES, QUESTIONNAIRES TRANSMIS ET DÉPLACEMENTs EFFECTUÉs PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

    


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   synthèse

L’enseignement de l’architecture en France repose de manière quasi-exclusive sur 20 écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA) placées, depuis 2013, sous la tutelle conjointe du ministère de la culture et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR). En 2023, ces écoles accueillent environ 20 000 élèves dont l’insertion professionnelle post-diplôme est très satisfaisante.

À la suite des réformes entreprises en 2005 et en 2018, l’organisation des ENSA se rapproche de plus en plus de celle de l’enseignement supérieur classique même si des différences significatives demeurent, en termes pédagogiques comme en termes de gestion.

Le financement des ENSA repose très largement sur des crédits du ministère de la culture qui, en 2023, s’élèveront à 221 millions d’euros hors dépenses de grands travaux et représenteront une dépense moyenne par étudiant proche de 11 300 euros. Ce montant s’élèvera à 233,6 millions d’euros dépenses de grands travaux incluses. Le financement du ministère de la culture est complété par des concours réduits d’autres ministères, par des ressources propres limitées et par des crédits, significatifs mais imparfaitement connus, des collectivités territoriales. Depuis 2018, l’État a accompli un important effort budgétaire en faveur des ENSA essentiellement en matière d’emploi des enseignants-chercheurs et de remise à niveau progressive du parc immobilier. Cet effort certain n’occulte cependant pas des faiblesses aiguës et persistantes à l’origine d’un malaise au sein des ENSA, illustré par un récent mouvement social. Ces faiblesses concernent les conditions d’exercice de la tutelle, le nombre insuffisant de personnels administratifs employés dans ces établissements, l’imparfaite remise à niveau des locaux, le nombre - stable depuis 20 ans - d’étudiants accueillis ainsi que le niveau des ressources financières de ces écoles. Ces faiblesses témoignent d’un regrettable manque antérieur d’attention aux ENSA.

Si un concours budgétaire supplémentaire est nécessaire, la réponse aux difficultés des ENSA ne saurait cependant se limiter à des crédits additionnels. À l’heure de la transition écologique et de transformations technologiques et numériques substantielles pour le monde de l’architecture, un cap doit être donné aux ENSA. Une trajectoire pluriannuelle en termes de ressources et de moyens doit être définie et doit précéder une évolution des compétences, de l’organisation et des effectifs étudiants de ces écoles. Les conditions d’exercice de la tutelle doivent être réaffirmées et rééquilibrées et le modèle financier des ENSA doit être rénové pour diversifier et accroître leurs ressources, notamment leurs ressources propres. À ce titre, et comme l’illustre une étude du Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur jointe à ce rapport, l’implication des ENSA dans les établissements publics expérimentaux mérite d’être poursuivie et renforcée.

 


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   LISTE DES RECOMMANDATIONS

1- donner un cap aux ensa

-         Définir une trajectoire pluriannuelle en termes de ressources et de moyens pour assurer une remise à niveau des ENSA dans le prolongement des efforts engagés depuis 2018 :

-         Envisager, dans un second temps, une évolution des compétences, de l’organisation et des effectifs étudiants des ENSA :

 

2. rénover les conditions d’exercice de la tutelle

-         Poursuivre et amplifier la rénovation des conditions d’exercice de la tutelle du ministère de la culture sur les ENSA en participant aux conseils d’administration des ENSA, en s’engageant dans la tutelle des EPE comprenant une ENSA et en publiant annuellement un rapport sur les conditions d’exercice de cette tutelle ;             

-         Réaffirmer et préciser la tutelle du MESR en clarifiant ses relations avec le ministère de la culture et en soutenant les ENSA participant à un EPE via un contrat d’objectifs et de moyens.

 

3. rénover le modèle financier des ensa pour diversifier et accroître leurs ressources             

-         En complément d’un effort budgétaire de l’État et de la recherche d’une harmonisation progressive des subventions versées aux écoles, développer fortement les ressources propres des ENSA en modifiant les droits d’inscription, en posant un cadre favorable au développement de l’alternance et de la formation continue, en relevant le produit de la contribution à la vie étudiante et de campus reversé aux ENSA, en encourageant les coopérations avec le monde de l’entreprise et en prévoyant un bonus financier pour les ENSA atteignant l’objectif de ressources propres fixé par la tutelle ;

-         Renforcer l’implication des collectivités territoriales en les encourageant à devenir propriétaire des locaux des ENSA ;

-         Explorer des voies d’économies en ajustant les maquettes de formation et en favorisant une mutualisation des moyens entre les ENSA ou, plus encore, entre les ENSA et d’autres établissements publics d’enseignement supérieur ;

-         Améliorer la lisibilité du financement des ENSA.

   PRÉAMBULE - REMERCIEMENTS AU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE LA RECHERCHE ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Le présent rapport comporte en annexe une étude sur les écoles nationales supérieures d’architecture établie par le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCÉRES), l’autorité publique indépendante notamment chargée, en application de l’article L. 114-3-1 du code de la recherche, de produire des rapports contribuant à la réflexion stratégique des acteurs de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ainsi qu’à la conception et à l’évaluation des politiques publiques.

Le 16 mars 2023, sur la suggestion de M. Alexandre Holroyd, rapporteur spécial, M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, a sollicité cette étude sur la base du dernier alinéa de l’article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances en vertu duquel « les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes peuvent être sollicitées par les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances pour l’obtention d’informations relatives aux finances publiques ».

Introduit par l’article 26 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, cet alinéa vise à renforcer les liens entre le Parlement et ces autorités afin que leur expertise vienne en appui des travaux de la représentation nationale.

Le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur a répondu favorablement à cette demande et est ainsi la première autorité publique indépendante à apporter dans ce cadre son concours aux travaux d’évaluation du Parlement.

La commission des finances de l’Assemblée nationale remercie M. Thierry Coulhon, président du HCÉRES, et ses collaborateurs pour leur diligence et se réjouit des perspectives de coopération ouvertes par cette étude entre le Parlement et les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes.

 

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   INTRODUCTION

Lointaines héritières de l’école des Beaux-arts de Paris et des Unités pédagogiques d’architecture instituées en 1968, les écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA) « concourent à la réalisation des objectifs et des missions du service public de l’enseignement supérieur pour ce qui concerne l’architecture et participent aux stratégies nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche ». Ces établissements « ont pour mission d’assurer la formation initiale et continue tout au long de la vie des professionnels de l’architecture, de la ville, des territoires et du paysage » ([1]).

En 2022, le réseau des ENSA réunit près de 20 000 étudiants répartis entre 20 établissements placés, depuis 2013, sous la tutelle conjointe du ministère de la culture et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) ([2]). Chaque année, environ 3 300 étudiants entrent en formation initiale dans ces écoles tandis que 2 500 les quittent après avoir obtenu le diplôme d’État d’architecte. Chaque année 1 550 autres personnes réussissent au sein d’une ENSA l’habilitation à l’exercice de la maîtrise d’œuvre en son nom propre (HMONP) qui leur permettra de porter le titre d’architecte, de s’inscrire à l’Ordre des architectes et d’exercer la maîtrise d’œuvre dans le cadre prévu par la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture.

D’un point de vue administratif et financier, en 2023, le plafond d’emplois des ENSA s’établit à 2 698 équivalents temps pleins (ETP) répartis entre 1 739,5 enseignants et 958,5 ETP administratifs et ce réseau d’écoles devrait bénéficier de 221 millions d’euros (hors dépenses de grands travaux) à 233,6 millions d’euros (dépenses de grands travaux incluses) de crédits du ministère de la culture.

Centrée autour des ENSA, l’organisation française de l’enseignement de l’architecture est singulière puisque dans les autres pays européens, cet enseignement est assuré par des établissements universitaires « classiques » (c’est-à-dire des facultés), des instituts technologiques ou des établissements polytechniques et non, comme sur notre territoire, par des écoles publiques spécialisées relevant de l’enseignement supérieur Culture (ESC) ([3]). Notre pays se distingue également par un nombre d’architectes par habitant très inférieur aux autres pays européens. Une étude récente du Conseil des architectes d’Europe observe ainsi qu’avec 30 000 architectes, la France compte 0,4 architecte pour 1 000 habitants, soit un ratio très éloigné de la moyenne communautaire (un architecte pour 1 000 habitants) ([4]). Proportionnellement, avec 1,1 architecte pour 1 000 habitants, l’Espagne et la Suisse comptent deux fois plus d’architectes que la France et, avec 2,5 architectes pour 1 000 habitants, l’Italie en compte six fois plus. Peu nombreux, les architectes exerçant en France sont également imparfaitement répartis sur le territoire ([5]).

Dans ce contexte, le métier et l’enseignement de l’architecture connaissent en France de profondes mutations. Comme un récent rapport de l’inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) l’a observé, « l’évolution du métier d’architecte requiert de plus en plus de connaissances dans des champs très différents, du fait des préoccupations et exigences que la société exprime en termes de logement et d’adaptation des normes du bâti ou de la rénovation, aux objectifs de développement durable et aux avancées requises par la transition écologique » ([6]). Les architectes de demain formés par les ENSA ont ainsi vocation à se situer au cœur de la transition écologique puisque le secteur du bâtiment représente 18 % des émissions de gaz à effet de serre nationales et 44 % de l’énergie consommée dans notre pays ([7]). En janvier 2023, Mme la ministre de la culture a fait part de son intention de valoriser l’engagement des ENSA dans ce domaine en établissant un nouveau palmarès national en faveur du développement durable, dit RESEDA, distinguant les projets de fin d’études les plus écoresponsables réalisés par des étudiants en dernière année d’étude ([8]).

En complément de cette évolution de fond, l’enseignement dispensé dans les ENSA est confronté à une profonde réorganisation. Une première réforme intervenue en 2005 a inscrit les études d’architecture dans l’espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche reposant sur les diplômes de licence, master et doctorat (LMD). Une seconde réforme, organisée par cinq décrets en Conseil d’État publiés en février 2018, a rapproché ces écoles de l’enseignement supérieur classique sans effacer certaines de leurs particularités.

Si le principe de cette profonde réorganisation a été bien accepté par les ENSA, les conditions de mise en œuvre des mesures introduites en 2018 ont suscité d’importantes interrogations et tensions. Fin 2019 - début 2020, un premier mouvement social a été observé dans ces établissements. Le 19 février 2020, les vingt présidentes et présidents des conseils d’administration d’ENSA ont publié une lettre ouverte au Premier ministre, au ministre de la culture, à la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et au ministre de l’action et des comptes publics dans laquelle ils déploraient une « situation d’incurie » née de l’« insuffisance des dotations budgétaires » ([9]). Un mouvement de grève s’ensuivit mais fut interrompu par le contexte sanitaire. De nouvelles tensions sont apparues fin 2022 - début 2023. Dans une tribune publiée le 2 décembre 2022, les directeurs des vingt ENSA ont appelé « à un investissement massif dans l’enseignement de l’architecture afin de former les futurs acteurs de la transition » et ont souligné que « la formation en architecture n’est pas un enjeu professionnel, c’est un enjeu sociétal et environnemental » ([10]).

Depuis le début de l’année 2023 un second mouvement social engagé au sein de l’ENSA Normandie s’est répandu et affecte le fonctionnement de nombreuses écoles. Réunissant des étudiants, des personnels administratifs et des enseignants, ce mouvement dénonce le fonctionnement, jugé dégradé, des écoles ainsi qu’un manque supposé de moyens.

Dans un courrier aux étudiants des ENSA daté du 21 avril 2023, Mme la ministre de la culture souligne que ses interlocuteurs lui ont fait part de « l’urgence à agir » ([11]) et, en réponse, a annoncé le déblocage d’une aide immédiate de 3 millions d’euros consacrés à la vie étudiante et au traitement des situations immobilières les plus urgentes.

Les auditions conduites par le rapporteur spécial ont confirmé la réalité et l’ampleur de ces tensions qui ne se limitent pas aux seuls personnels et étudiants des ENSA. Sur son site internet, le Conseil national de l’ordre des architectes observe ainsi que « la formation des futurs architectes est un sujet majeur qui nécessite des moyens qui ne sont pas aujourd’hui à la hauteur » ([12]). Ces auditions ont également confirmé la faible visibilité internationale de ces écoles. Lors de son audition, M. Christoph Lindner, doyen de la Bartlett School of Architecture de l’University College London, a par exemple indiqué ne connaître aucun interlocuteur dans les ENSA alors qu’il échange très fréquemment avec des responsables et enseignants des principales écoles d’architecture européennes et mondiales.

À la suite du premier mouvement social, le ministère de la culture a commandé deux rapports d’inspection ([13]) et a engagé une réforme des modalités d’exercice de la tutelle sur les ENSA ainsi qu’un effort budgétaire substantiel à la faveur notamment du plan de relance et de la loi de finances pour 2023. Entre 2019 et 2023, les crédits du ministère de la culture soutenant les ENSA sont passés, hors grands travaux, de 183 à 221 millions d’euros et, grands travaux inclus, de 187,3 à 233,6 millions d’euros.

La situation de l’enseignement de l’architecture et les tensions observées dans les ENSA ont suscité l’intérêt régulier des parlementaires. Sous la précédente législature, Mme Dominique David, alors rapporteure spéciale des crédits de la mission Culture pour la commission des finances de l’Assemblée nationale, a suivi par exemple avec attention l’évolution des conditions de recrutement des enseignants-chercheurs des ENSA. Des questions écrites ont également été déposées par des députés de tous bords ([14]). Cependant, ni l’Assemblée nationale, ni le Sénat n’ont consacré récemment de rapport spécifique aux ENSA.

En qualité de rapporteur spécial des crédits de la mission Culture (hors programme 175 dédié aux crédits du programme Patrimoines) depuis juin 2022, j’ai manifesté un intérêt pour les ENSA lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023. Le rapport sur ce texte relevait que « l’ensemble de la stratégie relative aux ENSA doit être interrogé » ([15]) et, lors de la séance du 28 octobre 2022, j’ai indiqué vouloir « faire des ENSA un des sujets principaux de [ma] contribution au prochain printemps de l’évaluation » ([16]).

Le présent rapport prolonge ces premières réflexions et s’appuiera sur les auditions conduites dans le cadre du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022, sur les conclusions des deux rapports d’inspection précités mais également sur une étude du Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCÉRES). Cette autorité publique indépendante a effectivement répondu favorablement à une demande d’expertise formulée par la commission des finances sur la base du dernier alinéa de l’article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ([17]).

L’examen de la situation des ENSA figurant dans le présent rapport se fera en respectant la répartition des compétences existant entre la commission des finances et la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale. Le rapporteur spécial a ainsi fait le choix de ne pas traiter certaines questions importantes relatives à l’implantation géographique des écoles, à l’organisation de leur gouvernance, au rythme élevé des études, à l’aménagement de la vie étudiante ou au niveau de rémunération de certains personnels administratifs ou enseignants (notamment contractuels) dont l’examen relève davantage de la commission des affaires culturelles et de l’éducation que de la commission des finances. Le sujet sera ainsi traité sous un angle financier qui, sans être réducteur, ne peut prétendre à l’exhaustivité.

Le présent rapport présentera un panorama de l’organisation, des effectifs et du financement des ENSA (I), soulignera que l’important effort budgétaire accompli depuis 2018 en faveur de ces écoles n’a pas permis de répondre à certaines faiblesses persistantes affectant ces établissements (II) et soutiendra qu’une rénovation en profondeur des conditions d’exercice de la tutelle et du modèle financier de ces établissements est nécessaire pour donner un cap aux écoles nationales supérieures d’architecture qui, aujourd’hui, sont à la croisée des chemins (III).

 

 


I.   Panorama des ÉCOLES NATIONALES SUPÉRIEURES D’ARCHITECTURE : Organisation, effectifs et financement

Clé de voûte de l’enseignement et de la formation en architecture, les ENSA interviennent sous la tutelle conjointe du ministère de la culture et, depuis 2013, du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR). Elles bénéficient d’un financement reposant très largement sur des concours publics.

A.   ORGANISATION et EFFECTIFS

Les ENSA sont un acteur prépondérant de la formation initiale, de la formation continue (diplômante et non diplômante) et de la recherche en architecture. Une réforme engagée en 2018 a renforcé leur intégration à l’enseignement supérieur sans effacer certaines de leurs particularités.

1.   L’organisation de la formation aux métiers de l’architecture en France

a.   Les ENSA sont au centre de la formation initiale, de la formation continue et de la recherche en architecture

i.   La formation initiale

L’article R. 752-3 (1°) du code de l’éducation dispose que les ENSA ont pour rôle de « dispenser des formations, initiale et continue, sanctionnées par des diplômes nationaux de premier, deuxième ou troisième cycles et des titres réglementés qu’elles sont accréditées ou habilitées à délivrer, ainsi que […] des diplômes propres à leur établissement ».

En matière de formation initiale, les études d’architecture sont organisées en trois cycles selon le schéma licence - master - doctorat mis en œuvre depuis 2005 dans le cadre de l’harmonisation européenne de l’enseignement supérieur et de la recherche ([18]). Le premier cycle vise à l’obtention du diplôme d’études en architecture (DEEA) conférant le grade de licence. Le deuxième cycle vise à l’obtention du diplôme d’État d’architecte (DEA) conférant le grade de master. L’enseignement en architecture dispensé dans ces deux premiers cycles peut être suivi de manière académique ou, théoriquement, par la voie de l’alternance ([19]). Le troisième cycle vise à l’obtention d’un doctorat et peut être suivi de manière académique ou en associant des entreprises dans le cadre du dispositif des CIFRE (conventions industrielles de formation par la recherche) ([20]).

L’organisation des études en architecture

 

  • 1re année
  • 2e année
  • 3e année (diplôme d’études en architecture - DEEA, grade de licence)

 

 

 

  • 4e année
  • 5e année (diplôme d’État d’architecte – DEA, grade de master / diplôme d’État de paysagiste – DEP, grade de master)
  • 6e année (habilitation à l’exercice de la maîtrise d’œuvre en son nom propre – HMONP)
  • 7e année (double diplôme d’architecte – ingénieur, grade de master)

 

 

 

 

  • Diplômes de spécialisation et d’approfondissement en architecture (DSA)
  • Doctorat en architecture

Source : rapport de l’inspection générale des affaires culturelles, La réforme des écoles nationales supérieures d’architecture : bilan d’étape, 2020, page 28.

En complément des diplômes de licence, master et doctorat, l’enseignement en architecture permet de préparer par exemple des doubles diplômes d’architecte / d’ingénieur (ou d’architecte / paysagiste), de suivre un diplôme de spécialisation et d’approfondissement en architecture et de se préparer à l’Habilitation à l’exercice de la maîtrise d’œuvre en son nom propre (HMONP) dont la possession est requise pour accéder à la profession réglementée d’architecte, pour se prévaloir du titre correspondant et pouvoir, par exemple, signer une demande de permis de construire.

 

Dans quelles circonstances le recours à un(e) architecte est-il obligatoire ?

Pour les personnes morales, le recours à un(e) architecte est obligatoire pour concevoir et établir tout projet soumis à une demande de permis de construire, qu’il s’agisse de la construction d’une maison, de la transformation ou de l’agrandissement d’un bâtiment, d’un local professionnel, commercial ou d’activité (article 3 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture).

Pour les personnes physiques désirant construire ou réhabiliter pour elles-mêmes, le recours à un(e) architecte est obligatoire si la surface de plancher excède 150 m². En cas d’extension d’un bâtiment existant, le recours à un(e) architecte est obligatoire si l’extension a pour effet de porter l’ensemble après travaux au-delà de 150 m².

L’article R. 431-2 du code de l’urbanisme prévoit cependant des dérogations en faveur des personnes physiques, des exploitations agricoles et des coopératives d’utilisation de matériel agricole déclarant vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes certains types de serres ou de constructions.

Source : Conseil national de l’ordre des architectes et code de l’urbanisme.

ii.   La formation continue

Les ENSA assurent des formations continues diplômantes et non-diplômantes

Instituée en 2007 ([21]), l’HMONP est, selon le Conseil national de l’ordre des architectes « une formation complémentaire professionnalisante, à la suite du deuxième cycle. L’obtention de l’HMONP est indispensable pour s’inscrire à l’Ordre des architectes, ce qui permet d’obtenir le droit au statut et au titre d’architecte pour les nouveaux diplômés. L’HMONP peut être réalisée à tout moment au cours de la carrière professionnelle de l’architecte ».

Les ENSA assurent également des formations continues non-diplômantes à destination, en premier lieu, des architectes. Comme le Conseil national de l’ordre des architectes l’a rappelé lors de son audition, les 30 000 architectes de France sont, depuis 2016, tenus de suivre un minimum de 20 heures de formation continue par an (ou 60 heures sur trois ans) et d’en déclarer le suivi auprès de l’Ordre ([22]). Les ENSA sont habilitées à proposer ces formations continues dont le bénéfice n’est pas réservé aux architectes. Ces formations, de courte (une ou plusieurs journées) ou de longue durée (plusieurs semaines ou plusieurs mois) peuvent ainsi tout à fait s’adresser aux professionnels en activité ou en reconversion de l’aménagement, des villes et des territoires. Les sujets susceptibles d’être abordés sont vastes et intéressent les matériaux et techniques de construction, l’acoustique, les façades, le développement durable, l’écologie urbaine, l’aménagement de logements, etc. Certaines de ces formations sont éligibles au compte professionnel de formation sous réserve d’être au préalable inscrites au répertoire spécifique des formations (RS) ou au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).

En matière de formation continue, l’offre des ENSA est en concurrence avec celle d’associations à but non lucratif (comme le Groupe pour l’éducation permanente des architectes) et de sociétés.

iii.   La recherche

La loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a inscrit la recherche parmi les missions des ENSA et l’article R. 752-3 (2°) du code de l’éducation autorise aujourd’hui ces établissements à « mener des programmes de recherche dans le domaine de l’architecture, du patrimoine, du paysage, de la ville et des territoires, dans leurs unités de recherche et les écoles doctorales dont elles sont membres ». Selon le ministère de la culture, les champs de recherche concernés « couvrent tout le spectre de la recherche fondamentale à la recherche appliquée : analyse formelle, histoire, sociologie, anthropologie, économie, modélisation, construction, ambiances, mobilité, infrastructures, transports, analyse du projet, histoire urbaine, sociologie urbaine, etc. » ([23]).

L’organisation actuelle des ENSA fait suite à une réforme introduite en 2018.

b.   La réforme de 2018 a accentué l’intégration des ENSA à l’enseignement supérieur sans effacer certaines particularités de ces établissements

i.   La réforme de 2018 a accentué l’intégration des ENSA à l’enseignement supérieur

Adoptés à l’issue de plusieurs années de réflexion et de concertation, cinq décrets en Conseil d’État du 15 février 2018 ([24]) ont renforcé la convergence des ENSA avec l’enseignement supérieur sans effacer certaines de leurs particularités au point de constituer un « modèle hybride entre le modèle des grandes écoles et celui de l’Université » ([25]).

La réforme de 2018 comprend trois grands volets : l’institution d’une nouvelle gouvernance, la création d’un statut d’enseignant-chercheur et la déconcentration de certaines responsabilités.

La réforme de la gouvernance des écoles s’est attachée à rénover le statut des ENSA (qui datait du décret n° 78-266 du 8 mars 1978) pour le rapprocher de celui des universités. L’article R. 752-2 du code de l’éducation dispose désormais que les écoles nationales supérieures d’architecture « disposent d’une autonomie pédagogique, scientifique, administrative et financière qui s’exerce conformément aux stratégies nationales de l’enseignement supérieur et de recherche […] ainsi que des orientations fixées par le ministère chargé de l’architecture ». La gouvernance des écoles repose désormais sur un conseil d’administration dont l’ouverture aux personnalités extérieures a été accentuée, sur un directeur nommé (après avis du conseil d’administration) par arrêté du ministre chargé de l’architecture et sur trois nouvelles instances consultatives (un comité pédagogique et scientifique, une commission de la formation et de la vie étudiante et une commission de la recherche) ([26]).

La réforme de 2018 a également rénové le statut des enseignants (dont la dernière actualisation datait de 1994) en créant notamment un statut d’enseignant-chercheur inspiré du statut en vigueur dans les universités. Recrutés désormais directement par les ENSA après une phase de qualification par les pairs assurée par un nouveau Conseil national des enseignants des écoles d’architecture les enseignants-chercheurs peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’une décharge de leur service d’enseignement permettant de ramener celui-ci de 320 heures à 192 heures équivalent travaux dirigés.

Cette réforme s’est également accompagnée d’un mouvement de déconcentration de certaines responsabilités. Depuis 2018, les ENSA ont par exemple pour tâche de gérer le processus de recrutement des enseignants-chercheurs après leur qualification par le Conseil national précité. Par ailleurs, ces établissements ont la charge d’assurer la constitution et le fonctionnement des nouvelles instances de gouvernance.

Initiée en 2005 avec l’inscription des études d’architecture dans l’espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche, confirmée par la loi 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, la convergence des ENSA avec l’enseignement supérieur a été accentuée par la réforme de 2018 et s’exprime aujourd’hui de manière plurielle. Ainsi, désormais, comme les universités :

– Les ENSA s’inscrivent dans la mise en œuvre de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur ;

– Les programmes pédagogiques des ENSA doivent être accrédités par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

– Les demandes d’inscription au premier cycle d’études en ENSA sont réalisées depuis la plateforme Parcoursup ;

– Les ENSA sont soumises à la procédure d’évaluation des établissements d’enseignement supérieur par le HCÉRES ;

– Les ENSA peuvent appartenir à des communautés d’universités et l’ordonnance n° 2018-1131 du 12 décembre 2018 relative à l’expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements d’enseignement supérieur et de recherche les autorise à se constituer en établissements publics expérimentaux ([27]).

ii.   La permanence de certaines spécificités des ENSA

La réforme de 2018 n’a cependant pas effacé certaines spécificités des ENSA tenant à la fois à la nature de l’enseignement dispensé et à l’organisation juridique, administrative et financière de ces établissements.

Comme M. Philippe Cieren, directeur de l’ENSA de Strasbourg, l’a rappelé dans sa réponse au questionnaire du rapporteur spécial, « cette assimilation progressive et bénéfique au système universitaire […] ne doit cependant pas faire perdre de vue que l’enseignement de l’architecture doit rester, d’une part, centré autour de l’enseignement du projet et, d’autre part, dans un double ancrage académique et professionnel ». La formation dispensée dans les ENSA est effectivement centrée sur une notion de construction d’un « projet » (architectural, urbain et paysager) qui n’a pas d’équivalent dans l’enseignement supérieur. De la même façon, et comme M. Valéry Didelon, professeur à l’ENSA Normandie, vice-président du conseil pédagogique et scientifique, l’a rappelé lors de son audition, « la formation dispensée au sein des ENSA s’appuie fortement sur des professionnels, notamment des architectes praticiens » alors qu’au sein des universités les enseignements sont surtout dispensés par des docteurs ou des doctorants.

L’organisation juridique, administrative et financière des ENSA diffère également, pour des raisons parfois moins convaincantes, de celle des établissements d’enseignement supérieur.

D’un point de vue juridique, les ENSA sont organisées sous la forme d’établissements publics administratifs et non, comme les universités, sous la forme d’établissements nationaux d’enseignement supérieur et de recherche.

D’un point de vue administratif :

           Le ministère de la culture continue de gérer l’essentiel des ressources humaines des ENSA alors que la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a transféré la masse salariale et la gestion des personnels aux universités. Dans les ENSA, une distinction existe ainsi entre les personnels dits « T2 » (dont la masse salariale est prise en charge par le ministère de la culture) et les personnels dits « T3 » (dont la masse salariale est prise en charge par les ENSA dans la limite du plafond d’emploi et des finances de l’école) ([28]). En 2023, sur les 2 698 ETP recensés dans les ENSA, 1 893 d’entre eux, soit 70,2 %, relèvent du « T2 » et 805 du « T3 ».

           Comme l’a rappelé Mme Amina Sellali, directrice de l’école nationale supérieure d’architecture de la ville et des territoires Paris-Est, lors d’une récente audition au Sénat, « la charge d’enseignement de nos professeurs s’élève à 320 heures, contrairement au système universitaire où les enseignants-chercheurs n’ont que 192 heures d’enseignement » ([29]).

           À l’inverse des enseignants des universités, les enseignants titulaires des ENSA ne disposent également pas de la possibilité d’effectuer des heures complémentaires.

D’un point de vue financier, plusieurs caractéristiques distinguent les ENSA des universités :

           Les droits d’inscription dans les ENSA sont inférieurs à ceux des écoles d’ingénieurs publiques (cf. infra) ;

           Les ENSA ne bénéficient pas de la faculté reconnue aux universités par la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 précitée d’accéder à des « responsabilités et compétences élargies » incluant la dévolution du patrimoine immobilier, c’est-à-dire le possible transfert gratuit et en pleine propriété des biens appartenant à l’État ;

           Les ENSA ne peuvent pas recourir à l’emprunt alors que l’article R. 719-93 du code de l’éducation ouvre, sous certaines conditions restrictives, cette faculté aux universités ;

           Les ENSA n’ont pas bénéficié du « plan campus » dédié à la rénovation du patrimoine immobilier universitaire ([30]) ;

           Les ENSA bénéficient, comme d’autres établissements, d’un reversement du produit de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) à hauteur de 21 euros en formation initiale contre un reversement de 43 euros par étudiant effectué en faveur des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel relevant du ministère chargé de l’enseignement supérieur et des établissements publics administratifs d’enseignement supérieur relevant de ce même ministère ([31]). Selon le ministère de la culture, la différence entre le produit de la CVEC reversé aux établissements publics relevant du MESR et celui reversé aux autres établissements (dont les ENSA) « s’explique par les obligations réglementaires qui incombent aux universités et pour lesquelles la CVEC est venue se substituer à des taxes supprimées : 15 € par étudiant pour les fonds de solidarité pour le développement des initiatives étudiantes (FSDIE) et 6 € par étudiant pour les services de santé universitaire » (et un euro par étudiant résultant des effets de l’inflation) ([32]).

La singularité des ENSA se retrouve dans leur localisation, voire leur isolement géographique. Dans de nombreux cas, ces écoles se situent dans des bâtiments éloignés des campus universitaires, ce qui, comme l’a souligné Mme Marina Hardy, étudiante, élue au conseil d’administration de l’ENSA Normandie, peut avoir des incidences très concrètes sur la vie des étudiants et le coût des études. Selon Mme Hardy, à Rouen, « l’école est loin du campus et les étudiants ne profitent pas du CROUS et de ses services de restauration ou d’accompagnement médical ».

À l’heure actuelle, les ENSA se trouvent donc dans une forme d’entre-deux caractérisé par un rapprochement important et progressif mais encore inabouti avec l’enseignement supérieur.

c.   Une réforme destinée à l’ensemble des établissements publics d’enseignement supérieur : l’ordonnance du 12 décembre 2018 relative aux établissements publics expérimentaux

Prise en application de l’article 52 de la loi n° 2018-727 du 7 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, l’ordonnance n° 2018-1131 du 12 décembre 2018 relative à l’expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements d’enseignement supérieur et de recherche intéresse l’ensemble de l’enseignement supérieur dont les ENSA.

Cette ordonnance, ratifiée en 2020, vise à permettre la création d’établissements publics expérimentaux regroupant plusieurs établissements d’enseignement supérieur et de recherche qui, s’ils le souhaitent, peuvent conserver leur personnalité morale pendant tout ou partie de l’expérimentation d’une durée maximale de dix ans.

Comme tout établissement d’enseignement supérieur, les ENSA peuvent participer à ce processus innovant. En 2022, sur les 14 sites organisés autour d’un établissement expérimental, 4 comprennent une ENSA (Grenoble, Nantes, Lille et Paris-Est) et, selon le HCÉRES, l’ENSA de Clermont-Ferrand devrait être la cinquième école d’architecture concernée par ce dispositif.

Cette réforme, complémentaire à celle de 2018, concerne donc un quart des ENSA.

2.   Une tutelle des ENSA partagée entre le ministère de la culture et, depuis 2013, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

La tutelle sur les ENSA est, en droit, exercée conjointement par le ministère de la culture et le MESR mais est, en fait, assurée de manière prédominante par le ministère de la culture.

a.   Une tutelle conjointe récente

La tutelle conjointe sur les ENSA est relativement récente et se distingue de la tutelle observée sur d’autres établissements d’enseignement supérieur ne relevant pas exclusivement du MESR.

Cette tutelle conjointe date de 2013 et son principe figure à l’article R. 752-2 du code de l’éducation disposant que ces établissements « relèvent du ministre chargé de l’architecture, et sont placés sous la tutelle conjointe de ce ministre et du ministre chargé de l’enseignement supérieur ». Antérieurement, les ENSA étaient placées sous le seul contrôle du ministère de la culture puis, de 1978 à 1995, sous la tutelle du ministère chargé de l’équipement avant de revenir dans le giron du ministère de la culture en 1995 et de connaître cette tutelle conjointe depuis 2013.

L’existence d’une tutelle exercée conjointement par le ministère de la culture et le MESR ne constitue pas une règle absolue au sein de l’enseignement supérieur culture (ESC) auquel les ENSA appartiennent. Ainsi, sur les 14 établissements (hors ENSA) de l’ESC placés sous la tutelle du ministère de la culture ([33]), 13 sont placés sous la tutelle exclusive du ministère de la culture et un seul, l’école nationale supérieure de création industrielle, est placé sous la tutelle conjointe du ministère de la culture et du ministère de l’industrie ([34]).

En dehors du ministère de la culture, le MESR n’exerce également pas une tutelle systématique sur les établissements d’enseignement supérieur relevant d’autres ministères. En ce domaine, les règles sont variables.

Interrogé par le rapporteur spécial, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a indiqué que sur les 11 établissements composant le réseau des établissements d’enseignement supérieur du développement durable ([35]), seuls deux (l’institut national des sciences et techniques nucléaires et l’université Gustave Eiffel) connaissent une tutelle exercée conjointement par ce ministère et le MESR ([36]) alors même que ces établissements délivrent des diplômes conférant le grade de licence (par exemple la licence management de projet et de travaux de l’école nationale des techniciens de l’environnement), le grade de master (par exemple le diplôme d’ingénieur de l’école nationale des ponts et chaussées) ou un doctorat (par exemple celui de l’école nationale de l’aviation civile).

À l’inverse, et en application de l’article L. 812-1 du code rural et de la pêche maritime, « le ministre chargé de l’enseignement supérieur est associé à la tutelle et à la définition du projet pédagogique » des 10 établissements composant l’enseignement supérieur agricole public ([37]) dont la tutelle exercée par le ministère chargé de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

b.   Une tutelle exercée de manière prédominante par le ministère de la culture

Si le principe d’une tutelle conjointe sur les ENSA exercée par le ministère de la culture et le MESR est posé par l’article R. 752-2 du code de l’éducation, aucun texte ne régit la répartition des compétences entre ces deux ministères. En pratique, la tutelle exercée sur les ENSA relève cependant de manière prédominante du ministère de la culture même si les questions d’enseignement supérieur et de recherche ne constituent pas le cœur de métier de ce ministère.

i.   La tutelle, essentiellement pédagogique, du MESR

La co-tutelle du MESR s’exprime essentiellement en termes pédagogiques et repose en premier lieu sur l’accréditation conjointe des ENSA. L’article 2 de l’arrêté du 15 avril 2015 dispose ainsi que la procédure d’accréditation de ces établissements « repose sur l’instruction d’un dossier par le ministre chargé de l’enseignement supérieur et le ministre chargé de l’architecture ».

Cette tutelle s’exprime également en matière d’organisation de l’enseignement supérieur. Ainsi, le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche intervient dans la procédure d’instruction des demandes de création d’un établissement public expérimental et, avec le concours du HCÉRES, d’évaluation de leur fonctionnement. À ce titre, il a par exemple cosigné le décret n° 2019-1123 du 31 octobre 2019 portant création de l’Université Grenoble Alpes constituée de l’institut polytechnique de Grenoble, de l’institut d’études politiques de Grenoble et de l’ENSA de Grenoble.

Cette tutelle a également une incidence financière. Le MESR a ainsi participé au financement de la mise en œuvre partielle d’un protocole d’accord relatif au plan d’accès à l’emploi titulaire dans les ENSA co-signé en avril 2017 par le ministère de la culture et les organisations syndicales.

ii.   La tutelle prépondérante du ministère de la culture

Le ministère de la culture exerce de manière prédominante la tutelle sur les ENSA dont il assure l’essentiel du financement, nomme les directeurs (après avis du conseil d’administration de chaque établissement) et contrôle le fonctionnement. Trois services du ministère et deux programmes budgétaires interviennent à cet effet :

           Le secrétariat général du ministère, responsable du programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture », prend en charge la rémunération et la gestion des carrières des personnels titulaires (administratifs et enseignants) dits « T2 » ;

           La direction générale des patrimoines et de l’architecture (et plus particulièrement la sous-direction de l’enseignement supérieur et de la recherche en architecture) « exerce la tutelle, notamment pédagogique, des écoles nationales supérieures d’architecture » et « coordonne, accompagne et évalue les différentes actions des écoles » ([38]). Son intervention mobilise 22 ETP et s’appuie, au niveau déconcentré, sur les directions régionales des affaires culturelles. Par comparaison, la direction générale de la création artistique du ministère de la culture mobilise 5 ETP pour exercer la tutelle de 14 établissements supérieurs ayant rang d’opérateurs nationaux.

           La délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle, responsable du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », exerce un rôle financier et de coordination. En matière financière, cette délégation gère et attribue les crédits (hors crédits de personnel) des 99 établissements de l’ESC (dont ceux des 20 ENSA). Ces crédits financent par exemple les subventions pour charges de service public versées aux établissements. En complément, cette délégation « élabore et coordonne la mise en œuvre de la stratégie ministérielle en matière d’enseignement supérieur et de recherche » ([39]) ; ce rôle concernant l’ensemble de l’ESC et non uniquement les ENSA. Les effectifs de cette délégation attachés aux ENSA sont estimés à 4,4 ETP.

La tutelle exercée par le ministère de la culture sur les ENSA se distingue par son caractère pluriel. Trois services interviennent et adressent chacun des notes ou des circulaires aux ENSA dans son domaine de compétence ([40]).

c.   Le cas particulier de la tutelle des établissements publics expérimentaux

L’article 2 de l’ordonnance précitée n° 2018-1131 du 12 décembre 2018 dispose que le « décret portant création d’un établissement public expérimental désigne l’autorité de tutelle de l’établissement » ; la tutelle des établissements composantes relevant toujours de leur ministère de rattachement.

Trois des quatre décrets ayant créé un EPE auquel une ENSA est associée, ont confié la tutelle de l’établissement public expérimental au seul ministre chargé de l’enseignement supérieur (Grenoble, Lille et Nantes), ce qui renforce les liens entre ces établissements et le MESR. Lors de son audition, Mme Marie Wozniak, directrice de l’ENSA de Grenoble a ainsi évoqué une « relation de grande proximité » avec le MESR. Seule l’Université Gustave Eiffel (dont l’ENSA Paris-Est est un établissement-composante) est placée sous la tutelle conjointe des ministres chargés de l’enseignement supérieur, du développement durable, de la recherche et de la culture ([41]).

3.   Les effectifs en formation et l’insertion des diplômés

Les effectifs en formation initiale, en formation continue et en recherche en architecture dans les ENSA sont très largement supérieurs aux effectifs observés en ce domaine hors des ENSA et l’insertion professionnelle des diplômés est, sur un horizon de trois ans, très favorable.

a.   Les effectifs en formation initiale, en formation continue et en recherche dans les ENSA

En 2022-2023, selon les données transmises par le ministère de la culture, les 20 ENSA rassemblent 20 508 apprenants dont 20 158 suivent une formation en architecture et 350 une formation en paysage. Ces effectifs sont ainsi répartis :

RÉpartition des effectifs en formation initiale et continue au sein des ensa

Formation initiale

Licence

8 768

Master

7 278

HMONP

1 784

Doctorat

316

Formation continue ([42])

Licence

100

Master

101

HMONP

101

Paysage

 

350

Spécialisation

 

799

Autres (préparation concours, étudiants en mobilité internationale)

 

911

Total :

20 508

Source : ministère de la culture.

Ce tableau appelle 3 observations :

           L’ensemble des effectifs en formation dans les ENSA représentent l’équivalent d’une université de petite taille. Les 20 508 apprenants au sein des ENSA sont ainsi moins nombreux que les 24 700 étudiants de la seule université de Franche-Comté ou les 30 000 étudiants de l’université de Poitiers ;

           Les étudiants étrangers représentent environ 15 % des effectifs ;

           Les études en architecture sont attractives et sélectives. En 2021, selon les données figurant dans le rapport précité de l’IGAC et de l’IGÉSR, 47 095 vœux ont été enregistrés sur Parcoursup pour 2 393 places à pourvoir en 1re année de licence ([43]). Cet élément doit cependant être nuancé en soulignant que ces 47 095 vœux ne correspondent pas à 47 095 personnes différentes. Comme M. Thierry Coulhon, président du HCÉRES, l’a rappelé lors de son audition, il existe de « nombreux dédoublements ». Un lycéen pouvant émettre un maximum de dix vœux sur Parcoursup, certains candidats ont pu émettre un vœu auprès de 10 ENSA différentes.

b.   Les effectifs en formation initiale et en formation continue hors des ENSA

La formation initiale et continue repose de manière prédominante mais non exclusive sur les ENSA.

i.   Les formations initiales en architecture existant en France hors des ENSA

S’agissant de la formation initiale, trois autres écoles en architecture, dont deux privées, sont en activité en France. Deux d’entre elles (l’institut national des sciences appliquées de Strasbourg et l’école spéciale d’architecture de Paris) sont habilités à délivrer les mêmes diplômes que les ENSA ([44]). Une école privée (l’école Confluence, créée en 2014 par Mme Odile Decq), délivre ses propres diplômes (licence et master) qui sont reconnus par le Royal institute of British Architects mais non par le ministère de la culture. Ces trois écoles rassemblent 1 000 élèves, soit l’équivalent d’une ENSA de taille moyenne et sont ainsi répartis : 680 au sein de l’école spéciale d’architecture de Paris, 270 au sein de l’INSA de Strasbourg (sur environ 2 000 apprenants en formation auprès de cet établissement) et 50 au sein de l’école Confluence.

L’organisation de l’enseignement en architecture est ainsi marquée par le caractère très minoritaire de l’enseignement privé. Sur ce point, la situation contraste fortement avec celle observée dans la formation des ingénieurs et dans le reste de l’ESC. La France compte ainsi plus de 50 écoles privées d’ingénieurs et, selon les éléments communiqués par le département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation du ministère de la culture, 147 écoles privées en cinéma, audiovisuel multimédia, spectacle vivant et mutli-enseignements artistiques sont aujourd’hui en activité. Cette situation contraste également avec celle observée dans d’autres pays européens. Sur les 33 écoles supérieures espagnoles en architecture, 19 sont publiques et 14 sont privées ([45]).

Dans leur rapport conjoint précité l’IGAC et l’IGÉSR considèrent que « l’absence d’initiative privée pour créer de nouvelles écoles […] est sans doute l’indice que le marché du travail n’a pas suscité la création de formations supérieures privées » ([46]). En complément, le rapporteur spécial souligne que l’accès à la profession réglementée d’architecte est plus difficile que l’accès à un métier artistique. Comme l’ont fait remarquer plusieurs interlocuteurs, « s’il existe un titre d’architecte, il n’existe pas de titre d’artiste ». Par ailleurs, le rapporteur spécial a également le sentiment, corroboré par certains témoignages, que le ministère de la culture a cherché à limiter, voire obstruer, le développement de ces écoles privées. Lors de son audition, Mme Odile Decq, fondatrice de l’école Confluence, a ainsi regretté de n’avoir jamais reçu de réponse formelle à ses demandes. Sur ce point le rapporteur spécial invite le ministère de la culture et le MESR à se prononcer dans des délais rapides sur la demande de reconnaissance des diplômes formulée par cet établissement.

ii.   Les formations initiales en architecture existant hors de France

Les effectifs en formation initiale en architecture hors de France sont importants. Dans son étude, le HCÉRES considère que « les quatre écoles d’architecture de la Communauté française de Belgique, à Bruxelles, Louvain, Liège et Mons, accueillent environ un millier d’étudiants français » ([47]). Lors de son audition, Mme Charline Cauwe, conseillère enseignement supérieur de Mme Valérie Glatigny, ministre de l’enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles ([48]) a indiqué que les étudiants français représentaient 26 % des étudiants en architecture au sein des quatre facultés d’architecture de la fédération. Cette situation, qui concerne également les études d’art, les études médicales et paramédicales, soulève dans ce territoire d’importants débats et interrogations([49]). Des étudiants français en architecture sont également recensés dans d’autres pays. Dans leur rapport précité, l’IGAC et l’IGÉSR ont relevé qu’« on trouve également des étudiants français inscrits dans les écoles espagnoles, italiennes et suisses » ([50]).

Les effectifs des étudiants français en formation initiale en architecture hors de France représentent donc l’équivalent d’une 21e, voire d’une 22e, ENSA.

S’agissant de la formation continue, aucune donnée ne permet d’apprécier le nombre de personnes en formation qualifiante ou non qualifiante hors des ENSA. Si le diplôme HMONP peut être préparé auprès de l’INSA de Strasbourg et de l’école spéciale d’architecture de Paris, aucune statistique n’existe sur les personnes suivant des formations continues non diplômantes auprès des différentes entreprises en proposant.

c.   Des taux d’insertion élevés, des métiers de plus en plus diversifiés

Les diplômés sortant des ENSA bénéficient d’un taux d’insertion professionnelle élevé et exercent des métiers de plus en plus diversifiés.

Selon les données publiées par le ministère de la culture, au sein de l’ESC, « les diplômés de l’architecture sont ainsi les plus nombreux à être en emploi trois ans après leur sortie (91 %), pour la plupart dans le champ de leur diplôme (87 %) ». Par ailleurs, « les diplômés en architecture salariés ont des formes d’emploi plus stables que les autres diplômés de l’ESC. Ils sont pour la plupart sous contrat à durée indéterminée (69 %) ». De plus, « les jeunes architectes bénéficient des conditions de rémunération les plus avantageuses, 44 % d’entre eux gagnant entre 15 000 et 30 000 euros net par an trois ans après leur diplôme » ([51]). Dans son étude, le HCÉRES considère que l’insertion des diplômés dans la vie professionnelle est « remarquable » ([52]).

Les métiers exercés par les intéressés sont de plus en plus variés et ne se limitent pas à des emplois dans des agences d’architecture. Selon le rapport précité de l’IGAC et de l’IGÉSR, « la mission a observé que désormais une part importante, évaluée par certains à 40 % des diplômés, n’exerce plus en agence d’architecture ou comme architectes libéraux […] Une dizaine de métiers sont ainsi recensés aujourd’hui : architecte dans une collectivité territoriale, architecte exerçant une assistance à la maîtrise d’ouvrage, architecte-programmiste, architecte salarié dans une entreprise de promotion ou construction immobilière, architecte d’intérieur, architecte paysagiste, urbaniste, architecte urbaniste de l’État, architecte conseil en CAUE (conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement), architecte des bâtiments de France, architecte scénographe, architecte de l’urgence, médiateur architectural, concepteur d’environnement 3D, etc. » ([53]).

Ainsi organisées, les ENSA bénéficient d’un financement reposant très largement sur des concours publics.

B.   Un Financement reposant trÈs largement sur des concours publics

D’une lecture complexe, le financement des ENSA repose de manière prédominante sur les crédits apportés par le ministère de la culture (221 millions d’euros en 2023 hors dépenses de grands travaux et 233,6 millions d’euros dépenses de grands travaux incluses) et, de manière subsidiaire, sur les concours d’autres ministères (541 000 euros en 2022), sur les ressources propres des écoles (11,6 millions d’euros en 2021) et sur les financements accordés par les collectivités territoriales (dont le montant est notable mais non connu avec précision).

1.   Un financement peu lisible reposant très largement sur des concours publics

a.   Un financement peu lisible

Le financement des ENSA est présenté de manière peu satisfaisante dans les documents budgétaires soumis au Parlement. Ni le projet annuel de performances joint au projet de loi de finances, ni le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes, ne proposent un chiffre consolidé agrégeant l’ensemble des crédits des ENSA.

Le projet annuel de performances présente le montant de la subvention pour charges de service public accordée aux 20 ENSA (sans distinguer le montant accordé à chacune d’entre elles), mentionne une dotation complémentaire finançant les unités de recherche des écoles et comporte des informations ponctuelles relatives aux travaux engagés en faveur de certains établissements. Des dépenses complémentaires sont mentionnées sans que leur montant soit isolé ([54]) et le montant de la masse salariale des ENSA par le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture » n’est pas distingué.

Le rapport annuel de performances présente les mêmes limites mais offre cependant une vue plus complète du financement des ENSA puisqu’il comporte un état de l’ensemble des crédits apportés aux écoles par les différents programmes budgétaires. Ce document comporte également un compte de résultat agrégé de l’ensemble des ENSA, un état de leur situation patrimoniale et un bilan financier mentionnant le montant de la fiscalité affectée à ces établissements. En revanche, ces éléments demeurent exposés de manière globale (les 20 ENSA sont considérés comme un tout) sans permettre d’isoler les financements reçus par chaque établissement.

Le rapporteur spécial s’est attaché à réunir différentes informations permettant de compenser cette faible lisibilité budgétaire.

b.   Un financement des ENSA assuré de manière prépondérante par le ministère de la culture, à hauteur de 221 millions d’euros en 2023 (hors grands travaux) et de 233,6 millions d’euros grands travaux inclus

En 2023, le montant prévisionnel des crédits devant être apportés par le ministère de la culture aux ENSA s’établit, hors grands travaux, à 221 millions d’euros et, grands travaux inclus, à 233,6 millions d’euros ainsi décomposés :

CrÉdits prÉvisionnels apportés par le ministère de la culture
aux ENSA en 2023

(en euros)

Nature des dépenses

Montant

Subvention de fonctionnement 2023

(programme 361)

55 740 000

Projection masse salariale (titre 2) 2023

(programme 224)

142 850 000

Bourses (estimation 2023)

(programme 361)

18 600 000

Investissement courant (2023)

(programme 361)

3 710 000

Total hors grands travaux

220 900 000

Grands travaux

12 700 000

Total grands travaux inclus

233 600 000

Source : ministère de la culture.

 

Ces financements reposent sur deux dépenses principales :

           La masse salariale (relevant du titre 2) représente environ 60 % des crédits apportés par le ministère de la culture aux ENSA ;

           Les subventions pour charges de service public constituent environ un quart de ces concours et servent au financement courant des écoles. Ces subventions incluent les charges habituelles (fluides, etc.) mais aussi les dépenses de rémunération des personnels relevant du titre 3 (cf. supra) ;

En 2021 et 2022, en complément de ces dotations, le ministère de la culture a également assuré la gestion d’importants crédits du plan de relance bénéficiant aux ENSA. D’après les éléments transmis par le ministère de la culture ces dépenses d’investissement ont représenté 57,4 millions d’euros et ont soutenu un effort exceptionnel de travaux (cf. infra). Par ailleurs, en 2022, les programmes 131 Création et 175 Patrimoines, également gérés par le ministère de la culture, ont abondé le budget des ENSA à hauteur de 15 000 et 175 000 euros dans le cadre de l’accueil en résidence d’une compagnie chorégraphique au sein de l’ENSA de Montpellier (programme 131) et du financement d’actions de diffusion, de promotion, et de sensibilisation à l’architecture conduites à l’initiative des directions régionales des affaires culturelles en lien avec 11 ENSA (programme 175).

Ces différents crédits du ministère de la culture sont uniquement dédiés aux ENSA. La subvention pour charge de service public versée à l’INSA de Strasbourg (19,5 millions d’euros en 2021 au titre de l’ensemble des enseignements dispensés par cet établissement) et les crédits accordés à l’école spéciale d’architecture (339 000 euros) relèvent du budget du MESR et l’État ne verse aucun crédit à l’école Confluence. Par ailleurs, cette dépense prévisionnelle ne résume pas l’effort public en faveur des ENSA puisque celui-ci est notamment complété par des contributions d’autres ministères et, plus encore, des collectivités territoriales.

c.   Les financements réduits provenant d’autres ministères

Selon le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2022, 19 programmes budgétaires différents ont participé, pour des montants très variables, au financement des ENSA en 2022.

Dans cet ensemble, 3 programmes budgétaires relevaient du ministère de la culture (programmes 361, 224 et 175) et 2 du plan de relance (programmes 362 et 363). En complément, 14 autres programmes gérés par 5 autres ministères ont participé au financement des ENSA à hauteur de 541 000 euros en crédits de paiement.

Ces 14 programmes relevaient :

– Du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (5 programmes budgétaires, 298 000 euros dont une part est affectée à l’enseignement du paysage au sein des écoles nationales supérieures d’architecture et de paysage de Lille [ENSA-P Lille] et de Bordeaux [ENSA-P Bordeaux]) ([55]) ;

– Du MESR (5 programmes budgétaires, 168 000 euros) ([56]). Cette dépense n’inclut cependant ni les crédits précités accordés par cette administration à l’INSA de Strasbourg et à l’école spéciale d’architecture, ni les concours apportés aux ENSA au moyen des contrats de plan État-région (cf. infra), ni la création de 35 postes d’enseignants-chercheurs par le MESR dans le cadre de la mise en œuvre partielle, entre 2018 et 2020, d’un protocole d’accord relatif au plan d’accès à l’emploi titulaire dans les ENSA ([57]) ;

– Du ministère de la justice, du ministère de l’intérieur et du ministère de l’Europe et des affaires étrangères pour un montant cumulé de 75 000 euros ([58]).

Les financements apportés par les autres ministères aux ENSA demeurent cependant réduits.

d.   Les financements apportés par les collectivités territoriales : des financements notables mais imparfaitement connus

Interrogé par le rapporteur spécial, le ministère de la culture n’a pas pu transmettre un état complet des concours apportés par les collectivités territoriales aux ENSA. Seul un état partiel recensant les financements accordés par cinq régions (Auvergne Rhône-Alpes, Bretagne, Île-de-France, Nouvelle Aquitaine et Occitanie) ([59]) dans le cadre des contrats de plan État-région 2021-2027 a été présenté et rend compte, sur cette période, d’un apport prévisionnel de 19,3 millions d’euros en faveur des ENSA :

Financements apportés par les régions en faveur des ENSA dans le cadre des contrats de plan État Région 2021-2027

(en euros)

 

Part collectivités territoriales

CPER – part MC – MESR ([60])

Budget d’opération

CPER Île-de-France

ENSA de VERSAILLES

Aménagements intérieurs

1 000 000

0

1 000 000

CPER Nouvelle Aquitaine

ENSA de BORDEAUX

Rénovation – 1re phase

6 340 000

2 500 000

8 840 000

CPER Occitanie

ENSA de MONTPELLIER

5 357 358

1 795 251

7 152 609

CPER Occitanie

ENSA de MONTPELLIER

Learning center

150 000

900 000

1 050 000

CPER Bretagne

ENSA de BRETAGNE

Études extension

300 000

400 000

700 000

CPER Auvergne Rhône-Alpes

ENSA CLERMONT-FERRAND

Restauration + laboratoire

1 150 000

500 000

1 650 000

CPER Auvergne Rhône-Alpes

ENSA de LYON

5 000 000

2 000 000

7 000 000

 

19 297 358

8 095 251

27 392 609

Source : commission des finances (d’après des données du ministère de la culture).

L’état communiqué par le ministère de la culture est cependant partiel. À la faveur de ses travaux, le rapporteur spécial a eu connaissance d’autres concours apportés par des collectivités territoriales en faveur des ENSA. Ainsi, les travaux de relocalisation de l’ENSA de Marseille au sein de l’institut méditerranéen de la ville et des territoires ([61]) bénéficient d’un financement de 20 millions d’euros des collectivités locales ([62]) venant en complément d’une participation de 29,5 millions d’euros de l’État. Lors de son audition, l’ENSA de Strasbourg a également indiqué avoir récemment reçu 46 750 euros au titre du « pacte de compétence » mis en œuvre par la région Grand Est tandis que l’ENSA de Lyon a reçu 32 000 euros au titre d’un programme « emploi des jeunes » déployé par la région Auvergne Rhône-Alpes. L’école spéciale de Paris occupe par ailleurs, pour un loyer modeste, un bâtiment possédé et entretenu par la Ville de Paris, ce qui représente une forme substantielle d’aide indirecte.

Les collectivités territoriales peuvent également engager des appels à projets innovants dans le domaine de l’architecture. La Ville de Paris a ainsi soutenu, avec l’appui de la Caisse des dépôts et consignations, la création en 2017 de la plate-forme FAIRE située au sein du pavillon de l’Arsenal. Cet outil, qui se définit comme le « premier accélérateur de projets architecturaux et urbains innovants », soutient des projets présentés par des équipes, composées notamment d’architectes ou d’élèves architectes ([63]).

Si les données ainsi réunies demeurent parcellaires, elles illustrent néanmoins la diversité et l’importance des soutiens apportés par les collectivités territoriales aux ENSA.

2.   Les ressources propres : des ressources assises essentiellement sur les droits d’inscription

L’article 25 du décret n° 2018-109 du 15 février 2018 relatif aux écoles nationales supérieures d’architecture liste les différentes recettes possibles de ces établissements. En complément des subventions de l’État, des collectivités publiques ou d’organismes privés, huit autres types de ressources sont autorisés : les versements et contributions des étudiants, les produits de conventions d’enseignement ou de recherche conclues avec tous organismes publics ou privés, les produits de la vente de publications, les revenus des biens meubles et immeubles, les produits de manifestations scientifiques ou culturelles organisées par ces établissements, les produits de l’aliénation des biens, les dons et legs et toute autre recette autorisée par les lois et règlements.

Selon les éléments transmis par le ministère de la culture, le montant cumulé des ressources propres des 20 ENSA a représenté 11,65 millions d’euros en 2021 ; ce montant variant de 271 500 euros à l’ENSA de Saint-Étienne à 1 100 000 euros à l’ENSA de Paris La Villette. En valeur relative, et selon ces mêmes données, le taux de ressources propres des ENSA oscille entre 4 % (ENSA de Nantes) et 26 % (ENSA Paris-Est) avec une moyenne proche de 15 %. Si, ce qui est regrettable, aucune décomposition fine de ces ressources n’a pas pu être fournie, il semble néanmoins que les droits d’inscription constituent la principale ressource propre des ENSA.

a.   Les droits d’inscription en formation initiale, principale ressource propre des ENSA

En dépit de leur relative faiblesse et de leur stabilité les droits d’inscription constituent la principale ressource propre des ENSA.

i.   Les modalités de détermination des droits d’inscription en formation initiale

Si le montant des droits d’inscription acquittés par une personne suivant une formation continue ou spécialisée auprès d’une ENSA peut être librement déterminé par le conseil d’administration d’une école ([64]), le montant des droits d’inscription acquittés par un étudiant en formation initiale est déterminé par un arrêté conjoint du ministre de la culture et du ministre de l’action et des comptes publics. Les droits actuels sont fixés par un arrêté du 30 août 2019 et s’établissent comme suit.

Droits d’inscription annuels par formation*

(*hors montants réduits accordés aux étudiants en année de césure, en euros)

Frais de traitement des dossiers de préinscription en première année (a), demande d’entrée dans les études par validation des études, expériences professionnelles ou acquis personnels (b) ou d’inscription au diplôme demandé (c)

37

DEEA conférant grade de licence

373

DEA conférant grade de master

512

Diplôme de spécialisation en architecture

996

Habilitation à la maîtrise d’œuvre en son nom propre

630

Doctorat

438

Source : arrêté du 30 août 2019 fixant les montants des droits de scolarité, d’examen et d’inscription aux concours ainsi que les montants des droits d’inscription en vue de l’obtention d’un diplôme par validation des acquis de l’expérience, dans les établissements d’enseignement supérieur relevant du ministère de la culture.

Ces droits ne s’appliquent pas aux étudiants ayant déposé une demande de bourse sur critères sociaux ou d’aide d’urgence annuelle qui, selon le ministère de la culture, représentent 4 882 étudiants, soit environ 25 % des étudiants des ENSA. Des montants réduits sont accordés aux étudiants autorisés à bénéficier d’une année de césure.

Par ailleurs, et à l’inverse de ce qui est pratiqué dans l’enseignement supérieur « classique », le montant de ces droits est identique pour l’ensemble des assujettis quelle que soit leur nationalité ([65]). Aucune majoration n’est ainsi appliquée en direction de certains étudiants étrangers.

En complément de ces droits d’inscription, un étudiant peut être redevable de certains autres frais. L’ENSA de Nantes a indiqué lors de son audition qu’en complément des droits d’inscription de 373 euros, un étudiant en licence devait supporter une dépense de 248 euros correspondant à la contribution de vie étudiante et de campus (95 euros), à des frais d’amortissement des matériels et des transports mis à disposition (130 euros), à des frais de participation à la vie associative (18 euros) et au financement du centre français d’exploitation du droit de copie (5 euros).

ii.   Des droits d’inscription stables et relativement faibles

Le montant des droits d’inscription en vigueur dans les ENSA est inchangé depuis 2019 en raison de la décision prise en 2020, 2021 et 2022 de ne pas appliquer l’article 4 de l’arrêté précité prévoyant une indexation de ces droits sur l’indice national des prix à la consommation hors tabac.

Le montant des droits d’inscription en vigueur dans les ENSA est inférieur à celui observé dans l’enseignement supérieur culture, dans les écoles privées d’architecture, dans l’enseignement de l’architecture à l’étranger et dans les écoles publiques françaises d’ingénieurs.

Les droits d’inscription dans les autres établissements de l’enseignement supérieur culture sont déterminés par l’arrêté précité du ministre de la culture du 30 août 2019. Les comparaisons ne sont pas toujours simples puisque tous les autres établissements de l’ESC ne proposent pas un cycle licence - master - doctorat. Cependant, si la comparaison porte sur le seul premier cycle, les droits appliqués par les ENSA (373 euros) sont les plus bas de l’ESC. Ces droits s’établissent ainsi à 438 euros en premier cycle au sein de l’école du Louvre, dans les écoles nationales supérieures d’art et à l’institut national du patrimoine, à 465 euros au sein du conservatoire national supérieur d’art dramatique et de l’école supérieure d’art dramatique du théâtre national de Strasbourg, à 506 euros pour les conservatoires nationaux supérieurs de musique et de danse de Lyon et de Paris et à 1 750 euros pour l’institut national de l’audiovisuel.

Les droits d’inscription acquittés dans les ENSA sont également très inférieurs à ceux observés dans les écoles privées d’architecture où ceux-ci atteignent 10 000 euros par an au sein de l’école spéciale d’architecture de Paris et 11 000 euros par an au sein de l’école Confluence.

Ces droits d’inscription sont également très inférieurs à ceux observés dans l’enseignement de l’architecture à l’étranger. Au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ces droits s’établissent à 835 euros (hors « tarif social » de 485 euros et « droits intermédiaires revenus modestes » de 374 euros) et des droits d’inscription différenciés s’appliquent à certains étudiants étrangers (2 505 euros hors cas d’appartenance à une liste de pays peu développés). En Espagne, les droits de scolarité s’établissent à environ 1 300 euros par an. A la Bartlett school of architecture de l’University college London, ces droits s’élèvent à 9 500 livres sterling par an pour les étudiants résidant au Royaume-Uni et à 35 000 livres sterling pour les non-résidents suivant un master of architect.

Enfin, et comme le HCÉRES l’observe dans son étude, ces droits « sont faibles par rapport à d’autres formations et écoles d’enseignement supérieur dont les écoles publiques d’ingénieurs » ([66]). L’arrêté du 19 avril 2019 relatif aux droits d’inscription dans les établissements publics d’enseignement supérieur relevant du MESR fixe ainsi à 601 euros le montant des frais d’inscription acquittés par les étudiants préparant le diplôme d’ingénieur et à 2 500 euros le cursus de formation d’ingénieur dans les écoles centrales dont Centrale Lille institut et à l’école des mines de Nancy. À l’inverse, hors des écoles publiques d’ingénieurs, les droits d’inscription s’établissent à 170 euros pour une inscription en université.

iii.   Les droits d’inscription, principale ressource propre des ENSA

En dépit de leur relative faiblesse, les droits d’inscription représentent la principale ressource propre des ENSA.

Le rapporteur spécial a interrogé plusieurs établissements sur la part des frais d’inscription dans leurs recettes propres et celle-ci oscille entre 75 et 88 % des ressources propres. En 2022, sur les 1 146 850 euros de recettes propres enregistrées par l’ENSA de Paris La Villette, 1 010 926 euros étaient constitués des droits d’inscription.

b.   Les autres ressources propres

Les autres ressources propres des ENSA constituent un ensemble composite rassemblant le produit d’une fiscalité affectée, des financements publics fléchés et diverses autres recettes.

En 2022, selon le rapport annuel de performances de la mission Culture, les ENSA ont perçu 567 000 euros au titre de la fiscalité affectée ; celle-ci résultant du reversement à ces établissements d’une part (21 euros) du produit de la contribution de vie étudiante et de campus ([67]). L’ENSA de Paris La Villette, qui accueille le plus grand nombre d’étudiants en architecture, a perçu 62 000 euros sur ce fondement en 2022.

Les financements publics fléchés sont constitués du produit des dossiers d’ENSA sélectionnés dans le cadre de différents appels à projets. Interrogée par le rapporteur spécial, l’Agence de la transition écologique (Ademe) a indiqué avoir, depuis 2020, soutenu huit projets présentés par des ENSA pour un montant de 1,3 million d’euros ([68]). L’Agence nationale de la recherche (ANR) a indiqué au rapporteur spécial avoir retenu, sur la période 2018-2022, 12 candidatures d’ENSA en réponse à ses appels à projets génériques et avoir retenu 17 autres candidatures d’ENSA sur la période 2015-2022 en réponse à des appels à projets thématiques ou en réponse à des appels à manifestation d’intérêt conduits dans le cadre de France 2030. Dans ce cadre, l’ENSA de Paris La Villette recevra ainsi une aide de 127 500 euros entre 2021 et 2024 au titre d’un projet HESAM 2030. Par ailleurs, en lien avec l’ANR, la Caisse des dépôts et consignations a versé près de 100 000 euros en 2022 à l’ENSA Paris La Villette au titre de l’appel à manifestation d’intérêt sur les compétences et métiers d’avenir (AMI-CMA). Ces ressources propres peuvent être obtenues directement par les écoles ou, pour les quatre ENSA appartenant à des établissements publics expérimentaux, par le biais de ces structures. Ainsi, lors de son audition, Mme Marie Wozniak, directrice de l’ENSA de Grenoble, a indiqué que l’EPE avait accordé différents financements à l’école en raison de sa participation à des appels à projets communs à l’université Grenoble Alpes. Un montant de 500 000 euros a ainsi été versé au titre de l’initiative d’excellence.

Le solde des ressources propres provient de diverses recettes tirées, par exemple, de la formation continue, de la taxe d’apprentissage ou de conventions d’études.

II.   L’important effort budgÉtaire accompli depuis 2018 en faveur des ensa n’a pas permis de rÉpondre À des faiblesses persistantes

Depuis 2018, le ministère de la culture a accompli un effort budgétaire très significatif en faveur des ENSA sans que celui-ci permette néanmoins de répondre à des faiblesses persistantes, ce qui contribue à expliquer la permanence d’un climat de tension dans ces établissements.

A.   l’important effort budgÉtaire accompli depuis 2018

Depuis 2018, un important effort budgétaire a été accompli en faveur des ENSA. En l’espace de quatre ans, la dépense annuelle consacrée par le ministère de la culture à ces établissements est passée, dépenses de grands travaux incluses, de 187,3 millions d’euros en 2019 à 233,6 millions d’euros en 2023 à la faveur notamment d’un effort d’investissement exceptionnel de 88 millions d’euros consenti notamment dans le cadre du plan de relance.

Cet effort budgétaire substantiel a essentiellement porté sur trois aspects : les ressources humaines, le fonctionnement courant et les investissements immobiliers. Selon le ministère, la dépense publique par étudiant en architecture atteindrait 11 300 euros par an, soit un montant relativement proche de celui observé dans l’enseignement supérieur (estimé à 13 000 euros par an par le rapport précité de l’IGAC) ([69]).

1.   L’important effort accompli en matière de ressources humaines et de fonctionnement courant

a.   Un effort significatif en matière de ressources humaines

i.   Le fort accroissement du nombre d’enseignants-chercheurs

En 2023, le plafond d’emplois des enseignants au sein des 20 ENSA s’établit à 1 739,5 ETP répartis entre 1 205,5 enseignants titulaires (composant les corps des professeurs et des maîtres de conférences) et 534 enseignants contractuels (professeurs et maîtres de conférences associés ou invités à temps plein ou à temps partiel). Des mesures récentes ont été prises en faveur des enseignants titulaires et contractuels : le nombre d’enseignants titulaires a été accru et la situation des enseignants titulaires et contractuels a été revalorisée.

De 2017 à 2022, près de 200 postes d’enseignants titulaires (191) ont été créés dans les ENSA soit par titularisation de contractuels précédemment en fonction, soit par des créations nettes de postes.

2017 – 2022, Évolution du nombre d’enseignants T2

 

Plafond d’emploi notifié

Exécution au 31 décembre

2017

1 088

1 095

2018

1 101

1 098

2019

1 145

1 138

2020

1 158

1 167

2021

1 185

1 179

2022

1 206

1 197

Évolution 2017-2022

+ 118

+ 102

Source : ministère de la culture.

L’évolution de ces effectifs s’explique, d’une part, par la titularisation de 111 enseignants contractuels (17 autres devant être titularisés en 2023) et, d’autre part, par la création de 80 postes (45 par le ministère de la culture et 35 par le MESR) résultant de l’application, certes partielle, d’un protocole d’accord relatif au plan d’accès à l’emploi titulaire dans les ENSA.

ii.   La revalorisation de certains traitements

Plusieurs catégories de personnels des ENSA ont bénéficié d’une revalorisation de leur traitement.

Cet effort a concerné en premier lieu les directeurs recrutés depuis 2022 qui, selon le ministère de la culture, ont bénéficié d’une rénovation de leur mode de rémunération permettant que « la part fonctionnelle, la part variable (25 %) et le complément individuel éventuel (20 %) se rapprochent des rémunérations de fin de carrière pour les profils des corps d’AUE [architectes et urbanistes de l’État] et d’administrateurs », ce qui renforce leur attractivité ([70]).

La loi de finances pour 2023 a également autorisé des mesures significatives en faveur des personnels enseignants. Les enseignants contractuels ont ainsi bénéficié d’une augmentation de 13,5 % de leur indice de rémunération (celui-ci passant de l’indice majoré 352 à l’indice majoré 410) pour un coût estimé à 1,5 million d’euros. Concrètement, depuis le 1er janvier 2023, la rémunération mensuelle des intéressés a été relevée d’au moins 113 euros. En complément, le ministère a indiqué que « dès la rentrée prochaine, les rémunérations des enseignants-chercheurs et des doctorants en architecture seront alignées sur celles de leurs homologues des universités » pour un coût estimé, en année pleine, aux environs de 5,2 millions d’euros ([71]).

Ces mesures ont contribué au sensible accroissement récent de la masse salariale des ENSA supportée par le ministère de la culture. Entre 2018 et (la projection) 2023, celle-ci devrait passer de 116,8 millions d’euros à 142,9 millions d’euros, soit une hausse de 20 %.

En complément, les emplois administratifs relevant du titre 3 (dont la masse salariale est supportée par les ENSA) ont bénéficié d’une rénovation des modalités de détermination du glissement vieillissement technicité et de la part variable de leur rémunération pour un coût estimé à 0,3 million d’euros par exercice.

b.   Un effort notable en matière de fonctionnement et d’investissement courants

L’effort réalisé par le ministère de la culture en faveur des ENSA a également concerné les moyens de fonctionnement et d’investissement courants des écoles.

Le fonctionnement courant des ENSA repose sur le versement par le programme 361 (et précédemment par le programme 224) d’une subvention pour charges de service public complétée par une dotation en fonds propres d’investissement courant et par des transferts ponctuels de crédits.

Selon les éléments communiqués par le ministère de la culture les crédits exécutés ont connu une forte croissance depuis 2019.

2019 – 2022, Évolution des DOTATIONS DE L’ÉTAT AUX ensa (hors grands travaux)

(en millions d’euros)

 

2019

(exécution)

2020

(exécution)

2021

(exécution)

2022

(exécution)

2023

(prévision)

Évolution 22/23

Évolution 19/23

Subvention pour charges de service public

48,79

47,98

48,58

50,95

55,74

+ 9,4 %

+ 14,2 %

Bourses

13,68

13,66

17,39

16,05

18,60

+ 15,9 %

+ 36 %

Subventions d’investissement courant

1,28

4,10

2,48

3,72

3,71

– 0,2 %

+ 190 %

Grands travaux

4,55

7,02

7,73

5,20

12,70

+ 114,2 %

+ 179 %

Total hors titre 2

68,30

72,75

76,18

75,92

90,75

+ 19,5 %

+ 179 %

Crédits sur titre 2

119,03

122,36

126,29

132,74

142,85

+ 7,6 %

+ 20 %

Total Titre 2 inclus

182,78

188,1

194,74

203,46

220,9

+ 8,6 %

+ 20,85 %

Source : ministère de la culture.

Au cours des derniers exercices, et par rapport à 2019, la hausse des crédits exécutés a permis de mettre en œuvre un plan de formation à destination des enseignants, de prendre en charge des allocations de retour à l’emploi des contrats doctoraux, de développer des outils mutualisés pour les bibliothèques, de déployer de nouveaux logiciels de paie, de revaloriser certains traitements et de relever les crédits d’entretien.

Les crédits hors titre 2 accordés en 2023 sont supérieurs de 20 % aux crédits exécutés en 2022.

2.   L’important effort accompli en matière d’investissement immobilier : 88 millions d’euros d’investissements sur la période 2020-2023

En 2018, selon un avis du Conseil immobilier de l’État, le patrimoine immobilier des 20 ENSA représentait 195 000  de surfaces hors œuvre net ([72]). Si, selon un audit réalisé par l’opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture entre 2016 et 2018, l’état général de ce parc était « correct » ([73]), le rapport précité de l’IGAC soulignait son hétérogénéité. Ainsi, « en matière d’immobilier, la situation entre les écoles est très inégale. Si certaines écoles comme l’ENSA Marseille ont bénéficié de rénovations importantes récemment, ou, comme l’ENSA Nantes, disposent de locaux suffisants et adaptés, ou vont en bénéficier comme l’ENSA Toulouse, la plupart d’entre elles souffrent à la fois d’un sous-investissement chronique et croissant pour assurer la maintenance de leurs locaux, et d’un effet de saturation compte tenu des effectifs étudiants » ([74]).

En réponse, le ministère de la culture a engagé un programme exceptionnel de travaux qui, selon le HCÉRES, s’est traduit par des « investissements immobiliers tout à fait remarquables » ([75]) dont le montant cumulé avoisine 88 millions d’euros.

Cet effort s’est organisé autour du plan de relance, de crédits annexes et de la loi de finances pour 2023.

a.   75 millions d’euros de travaux ont été dépensés en faveur des ENSA dans le cadre du plan de relance et de concours annexes

Des crédits de 74,9 millions d’euros de travaux ont été dépensés en faveur des ENSA dans le cadre du plan de relance (57,3 millions d’euros) et de concours annexes (17,4 millions d’euros supplémentaires).

Douze ENSA ont bénéficié de travaux compris entre 170 000 euros et 25 millions d’euros selon la répartition suivante :

ENSA bÉNÉficiaires des crÉdits du plan de relance

(crédits de paiement en euros)

ENSA

Budget d’opération

Volet compétitivité

prog. 363

Volet écologie

prog. 362

ENSA de Bretagne - relamping

170 749

 

170 749

ENSAP de Bordeaux - bâtiment administration sobriété énergétique

1 429 491

 

1 429 491

ENSAP de Bordeaux - amphithéâtre sobriété énergétique

711 682

 

711 682

ENSAP de Bordeaux - pyramide rénovation énergétique

4 016 000

2 550 812

 

ENSA de Grenoble - relocalisation du Fablab

1 253 000

1 109 008

 

ENSAP de Lille - bâtiment Eldin rénovation énergétique

5 657 000

3 057 441

 

ENSA de Lyon - équipement mutualisé neuf contribution PDR

10 785 000

2 000 000

 

ENSA de Montpellier - bâtiment originel rénovation énergétique

7 225 232

 

4 896 358

ENSA de Normandie - bâtiment principal remplacement des menuiseries

968 000

 

968 000

ENSA de Normandie - bâtiment principal isolation

432 000

 

432 000

ENSA de Normandie - ateliers du parc

Réhabilitation

4 600 000

4 413 550

 

ENSA Paris-Est - bâtiment Tschumi rénovation énergétique

3 550 000

 

2 929 775

ENSA Paris-Belleville - mesures de sobriété énergétique

125 214

 

125 214

ENSA Paris-Malaquais - bâtiment Lenoir démontage et restauration jardin

2 000 000

600 000

 

ENSA Paris-Malaquais - bâtiment Perret réaménagement

4 734 000

4 734 000

 

ENSA Paris-Malaquais - locaux rue des Ardennes relocalisation laboratoires

1 580 000

1 580 000

 

ENSA de Saint-Étienne - isolation thermique

736 000

 

736 000

ENSA de Versailles - petite écurie du roi clos-couvert (phases 1+2)

24 900 000

16 930 000

7 970 000

Sous total :

74 882 376

36 974 811

20 369 269

Total apport du plan de relance :

 

57 344 080 

Source : ministère de la culture.

Par ailleurs, en complément, cinq ENSA ([76]) ont reçu un crédit de 1,8 million d’euros au titre des appels à projet Résilience 1 et 2 du plan de sobriété énergétique inclus dans le programme France 2030. Ces concours ont notamment permis la réalisation de travaux sur l’éclairage et le chauffage.

Enfin, pour tenir compte de l’exiguïté des locaux de l’ENSA de Paris La Villette, et en attendant une relocalisation pérenne, l’État a pris à bail un site qui, jusqu’en 2029, permettra à cet établissement de bénéficier de 3 000 m² supplémentaires pour un coût de 19 millions d’euros ([77]).

b.   Un effort complémentaire de 13,4 millions d’euros est prévu en 2023 en faveur de trois opérations immobilières majeures

Le projet annuel de performances de la mission Culture joint au projet de loi de finances pour 2023 prévoyait un investissement additionnel de 13,4 millions d’euros en 2023 en faveur des opérations immobilières structurantes suivantes ([78]) :

– Le réaménagement d’un bâtiment de l’ENSA Paris-Malaquais (1 million d’euros) ;

– Des travaux de réhabilitation-extension de l’ENSA de Toulouse (3,6 millions d’euros) ;

– Une contribution aux travaux précités de relocalisation de l’école d’architecture de Marseille au sein de l’institut méditerranéen de la ville et des territoires (3,8 millions d’euros) ;

– La poursuite des travaux de restauration du clos et du couvert de l’ENSA de Versailles (5 millions d’euros).

Le ministère de la culture a indiqué que ces crédits concerneraient au final trois, et non plus quatre, opérations structurantes intéressant les ENSA de Toulouse, Marseille et Versailles. Les travaux envisagés en faveur de l’ENSA de Paris Malaquais sont maintenus mais seront financés par un redéploiement du budget de l’opération de l’ENSA de Versailles en raison d’« un appel d’offres très fructueux » ([79]) ayant permis d’économiser 1 million d’euros. Cette somme sera réaffectée et servira à la consolidation de plusieurs autres opérations en cours subissant un fort impact de l’inflation (dont une opération en faveur de l’ENSAP de Bordeaux).

Pour l’heure, après application de la réserve de précaution, ces crédits ont été abaissés de 13,4 à 12,7 millions d’euros mais ils pourront, en cas d’exécution budgétaire favorable, être relevés à 13,4 millions d’euros en cas de dégel de la réserve de précaution en fin d’exercice.

c.   Le ministère de la culture entend poursuivre cet effort exceptionnel de travaux sur la période 2024-2026

Le ministère de la culture entend poursuivre cet effort exceptionnel de travaux sur la période 2024-2026 en sollicitant l’ouverture de 56,5 millions d’euros de crédits complémentaires.

Selon les éléments communiqués, ces demandes concerneraient les opérations suivantes :

travaux susceptibles d’Être engagés en faveur des ensa
sur la pÉriode 2024 – 2026

(crédits de paiement en millions d’euros)

Opération

Budget d’opération

Finaliser des opérations engagées par le Plan de relance

12,67

Garantir le bon déroulement de l’opération de réhabilitation-extension de l’ENSA de Toulouse

9,6

Poursuivre la campagne de réhabilitation et de rénovation énergétique du parc immobilier

10,77

Poursuivre la rénovation énergétique de l’ENSAP de Lille (seconde tranche de travaux) 

3,7

Finaliser la restauration du clos et couvert de la petite écurie du roi (monument historique classé) qui héberge l’ENSA de Versailles (programme 175)

9

Réfection et isolation du toit-terrasse de l’ENSA de Grenoble

1

Réhabilitation de locaux achetés au département de la Seine-Maritime au bénéfice de l’ENSA de Normandie

2,85

Rénovation énergétique de l’ENSA Paris-Val-de-Seine

6,92

Total :

56,51

Source : ministère de la culture.

S’il est trop tôt pour savoir si les crédits demandés seront accordés, leur projection témoigne de la volonté du ministère de la culture de poursuivre un effort d’investissement exceptionnel.

3.   Une dépense publique par étudiant en ENSA désormais proche, selon le ministère de la culture, de celle observée dans l’enseignement supérieur

Dans une période récente, la dépense publique par étudiant en ENSA a fait l’objet d’évaluations basses mais, à la faveur du récent effort budgétaire accompli en faveur de ces écoles, le ministère de la culture considère que celle-ci se rapproche désormais de la dépense moyenne d’un étudiant de l’enseignement supérieur.

a.   Dans une période récente, la dépense publique par étudiant en ENSA a fait l’objet d’évaluations basses non décomposées

En novembre 2020, Mme la sénatrice Sylvie Robert a indiqué dans son rapport Culture : Création et transmission des savoirs et démocratisation de la culture sur le projet de loi de finances pour 2021, que « la dépense moyenne par étudiant en ENSA est de 7 597 euros par an, contre 11 670 euros par an en moyenne dans l’ensemble de l’enseignement supérieur » ([80]). Ce montant, qui n’était pas décomposé, figure également dans une lettre ouverte adressée le 19 février 2020 par les 20 présidentes et présidents des conseils d’administration d’ENSA, au Premier ministre, au ministre de la culture, à la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et au ministre de l’action et des comptes publics.

En 2020, l’IGAC a retenu une estimation légèrement supérieure en considérant que « le ratio de dépenses par étudiant peut être estimé en moyenne à 8 500 € […] alors que la moyenne de l’enseignement supérieur s’élève à 13 000  » ([81]). Cette évaluation n’était également pas décomposée.

En janvier 2023, le communiqué de presse des personnels et étudiants grévistes de l’ENSA de Normandie a repris ce chiffre de 8 500 euros en soulignant que l’État investit « 8 500 € par an et par étudiant, quand il engage 10 550 € en moyenne » pour chaque étudiant de l’enseignement supérieur ([82]). L’étude du HCÉRES reprend ce chiffre de 8 500 euros, sans le décomposer ([83]).

b.   Le ministère de la culture considère que la dépense publique par étudiant en ENSA est désormais proche de celle observée dans l’enseignement supérieur

Dans un document adressé le 10 mars 2023 aux ENSA et actualisé après l’annonce d’un crédit exceptionnel complémentaire de 3 millions d’euros en 2023 ([84]), le ministère de la culture considère que la dépense publique par étudiant en ENSA est désormais proche :

– de 11 300 euros hors grands projets d’investissement,

– de 12 000 euros grands projets d’investissement inclus.

La décomposition de cette double estimation est la suivante :

ÉCOLES D’ARCHITECTURE, DÉPENSE DU MINISTÈRE DE LA CULTURE PAR ÉTUDIANT

Nature des dépenses

Montant

Subvention de fonctionnement 2023

(programme 361)

55 740 000

Projection masse salariale (titre 2) 2023

(programme 224)

142 850 000

Bourses (estimation 2023)

(programme 361)

18 600 000

Investissement courant (2023)

(programme 361)

3 710 000

Total hors grands travaux

220 900 000

Grands travaux

12 700 000

Total grands travaux inclus

233 600 000

 

Nombre d’étudiants (au 1er février 2023)

19 560

Effort de l’État par étudiant hors grands travaux

11 293 

Effort de l’État par étudiant grands travaux inclus

11 943 

Source : ministère de la culture et commission des finances.

L’important effort financier récemment accompli en faveur des ENSA a ainsi rapproché le montant de la dépense publique par étudiant d’ENSA du montant de la dépense publique par étudiant de l’enseignement supérieur (13 000 euros).

Le rapporteur spécial considère que le calcul établi par le ministère de la culture est sincère ([85]) et que son résultat témoigne de l’important effort budgétaire accompli ces dernières années. Il observe également que la dépense moyenne par étudiant en ENSA est supérieure au montant des frais d’inscription acquittés par un étudiant en formation auprès de l’école spéciale d’architecture de Paris (10 000 euros) et de l’école Confluence (11 000 euros).

L’effort budgétaire accompli est reconnu par tous. Cependant, les tensions observées actuellement dans les écoles témoignent de la permanence de certaines faiblesses.

B.   Des faiblesses persistantes

En dépit de l’important effort budgétaire accompli depuis 2018, la situation des ENSA est affectée par des faiblesses persistantes caractérisées par l’échec de la tutelle conjointe exercée par le ministère de la culture et le MESR sur ces écoles, par des interrogations sur leurs moyens administratifs et leurs effectifs étudiants et par des tensions sur leurs ressources. Ces faiblesses témoignent d’un regrettable manque antérieur d’attention aux ENSA.

1.   Une tutelle défaillante

Dix ans après son institution, la tutelle conjointe exercée sur les ENSA par le ministère de la culture et le MESR est en situation d’échec.

a.   La tutelle du ministère de la culture : des carences manifestes, une rénovation tardive et limitée

Jugée sévèrement par la quasi-totalité des personnes auditionnées, la tutelle exercée par le ministère de la culture sur les ENSA souffre de carences manifestes auxquelles le ministère s’attache à répondre en rénovant, de manière tardive et encore limitée, ses modalités d’intervention.

i.   Des carences manifestes

La tutelle exercée par le ministère de la culture sur les ENSA est affectée par plusieurs faiblesses. Le rapporteur spécial a ainsi constaté avec surprise que l’administration centrale du ministère n’était pas en mesure de fournir des données relatives à certains aspects de l’organisation des écoles, du devenir de leurs étudiants ou du financement de ces établissements. Ainsi, le ministère ne connaît pas :

● Le ratio d’emplois administratifs nécessaire au bon fonctionnement d’une ENSA ([86]) ;

● Le montant exact des concours apportés par les collectivités territoriales aux écoles ;

● Le coût moyen d’un étudiant en ENSA avant l’année 2022 – 2023 ;

● Le potentiel financier représenté par l’application de droits d’inscription différenciés en direction de certains étudiants extracommunautaires ;

● La décomposition fine des ressources propres des ENSA ;

● Le temps de travail annuel des personnels administratifs des ENSA alors même qu’un récent rapport de la chambre régionale des comptes de Normandie a souligné que celui-ci pouvait, comme au sein de l’ENSA de Rouen, être, sans justification apparente, inférieur à la réglementation ([87]) ;

● Le nombre de personnes en formation continue non diplômante dans les ENSA ;

● L’évolution des besoins pluriannuels du nombre de diplômés en architecture ([88]) ;

● Le devenir des diplômés en architecture au-delà de trois ans après l’obtention de leur diplôme alors même qu’un arrêté du 31 décembre 2020 assigne explicitement cette mission à la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle ([89]) ;

● Le nombre précis d’étudiants français présents dans des établissements d’enseignement en architecture situés hors de France ;

● Le nombre d’incubateurs d’entreprises d’ENSA accueillis par des ENSA ;

● Le nombre d’entreprises créées par des diplômés d’ENSA ([90]) .

Cette situation résulte notamment de l’absence au sein de la DGPA de chargés de tutelle spécialement attachés au suivi d’un certain nombre d’écoles et par l’absence de représentation de cette administration au sein du conseil d’administration des ENSA.

Sur ces deux points, cette situation contraste avec les modalités d’exercice de la tutelle par une autre administration centrale du ministère de la culture (la direction générale de la création artistique) sur les 14 établissements de l’ESC intervenant dans les champs de la création artistique, du cinéma et de l’audiovisuel et du patrimoine. La DGCA a ainsi indiqué au rapporteur spécial que la fonction de chargé de tutelle existe en son sein depuis 2010 et que ses services participent au conseil d’administration de ces 14 établissements. Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a également indiqué au rapporteur spécial être représenté au conseil d’administration de l’école nationale des ponts et chaussées, de l’école nationale des travaux publics de l’État, de l’école nationale de l’aviation civile et de l’école nationale de la météorologie.

Selon le rapporteur spécial, l’animation du réseau des ENSA est également mauvaise, parfois désastreuse.

Plusieurs responsables d’établissements ont déploré la faible disponibilité de la tutelle. Une directrice a indiqué avoir dû écrire directement à Mme la ministre pour obtenir des réponses à des interrogations restées précédemment lettre morte. Une autre directrice a indiqué n’avoir reçu aucune réponse à un courrier portant sur les conditions d’une possible participation à un établissement public expérimental.

Dans son rapport précité, l’IGAC a regretté le caractère tardif du dialogue de gestion entre le ministère de la culture et les écoles. Ainsi, « les réunions de dialogue de gestion entre les ENSA et l’administration se tiennent avec l’administration entre septembre et novembre » alors que « les autres établissements publics du ministère connaissent leurs moyens à la fin août au moment du bouclage des arbitrages de la loi de finances initiale » ([91]). Ce dialogue de gestion tardif contrevient aux objectifs fixés par la circulaire du Premier ministre n° 5798 du 23 juin 2015 relative au pilotage des opérateurs et autres organismes contrôlés par l’État. Ce document demande effectivement d’adresser aux opérateurs « avant la fin septembre […] une pré-notification indicative des crédits et emplois » alloués […] pour l’exercice suivant » ([92]).

L’insuffisante animation du réseau peut aussi être illustrée par l’absence d’organisation de réunions à l’intention de certaines instances des ENSA. Lors de son audition, Mme Camille Bidaud, présidente du conseil pédagogique et scientifique de l’ENSA de Normandie, a déploré cette situation et ce point figure également dans la lettre ouverte adressée le 21 mars 2023 à Mme la ministre de la culture et à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche par des présidents des conseils d’administration, des présidents et vice-présidents des conseils pédagogiques et scientifiques et la présidence du conseil national des enseignants-chercheurs ([93]).

Consciente de ces difficultés, l’administration centrale du ministère de la culture a entrepris de rénover en profondeur les conditions d’exercice de la tutelle sur les ENSA. Cette initiative, certes tardive, est à saluer même si elle est encore trop limitée.

ii.   Une rénovation tardive et limitée

Dans le prolongement des deux rapports d’inspection précités, le ministère de la culture a entrepris de rénover les modalités d’exercice de la tutelle sur les ENSA. Plusieurs décisions ont été prises. Ainsi :

● En 2021, le ministère a créé un observatoire de l’économie de l’architecture afin de renforcer sa connaissance de cette filière et a invité les écoles à établir une planification budgétaire triennale indicative ;

● En 2022, en partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations, un diagnostic sur les métiers, notamment émergents, occupés par les diplômés en architecture a été engagé ([94]) ;

● En 2023, la DGPA a engagé le recrutement de 5 chargés de tutelle appelés à devenir « les points de contact privilégiés des ENSA au sein du ministère. Leur rôle sera de mieux connaître les ENSA, de leur diffuser régulièrement les informations qui leur sont nécessaires et de relayer les besoins qu’elles expriment » afin de « faciliter les échanges entre chaque ENSA et l’administration centrale » ([95]). Par ailleurs, la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle prépare une enquête portant sur l’insertion professionnelle des diplômés de l’ESC sur un horizon de 10 ans.

Ces mesures produisent de premiers résultats. Jusqu’à il y a peu, le ministère de la culture était dans l’incapacité d’évaluer le montant annuel engagé par l’État en faveur d’un étudiant en ENSA. Le 1er octobre 2020, en réponse à une question écrite soutenant que « l’État investit en moyenne 7 597 euros pour un étudiant en architecture, soit un investissement inférieur de 35 % à celui consenti, en moyenne, pour un étudiant dans l’enseignement supérieur », le ministère répondait que « le montant avancé […] ne peut pas être vérifié dans l’état actuel des connaissances des coûts » ([96]). Désormais, ces coûts sont connus et évalués à près de 11 300 euros par an et par élève (hors grands projets d’investissement) et à 12 000 euros par an et par élève (grands projets d’investissement inclus) (cf. supra).

Cette évolution est cependant encore trop limitée puisque de nombreuses carences demeurent à traiter et, qu’en parallèle, un travail doit être conduit pour répondre aux difficultés observées dans l’exercice de la tutelle du MESR.

b.   La tutelle du MESR, une tutelle uniquement pédagogique ?

La tutelle exercée par le MESR sur les ENSA a été jugée très sévèrement par l’ensemble des acteurs rencontrés. Toutes les personnes auditionnées ont le sentiment que la tutelle de ce ministère se limite, ce qu’elles regrettent, à un volet pédagogique complété par les évaluations, perçues favorablement, du HCÉRES.

Les propos tenus à l’égard du MESR sont peu amènes. Certains ont qualifié sa tutelle de « confidentielle » voire d’« inexistante ». D’autres ont déclaré que le MESR « ignore les ENSA » et que ces écoles sont confrontées à un « déni de tutelle ». Par contraste, l’INSA de Strasbourg, placé sous la seule tutelle du MESR, a fait part de sa satisfaction concernant ses relations avec ce ministère dont les services sont jugés accessibles et efficaces, aussi bien au niveau local (rectrice déléguée à l’enseignement supérieur et la recherche) qu’au niveau national (direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle).

Les principaux griefs adressés au MESR portent sur son absence de relation, autre que pédagogique, avec les ENSA. L’absence de financement régulier apporté à ces écoles est déplorée. L’imparfaite application du protocole d’accord d’avril 2017 relatif au plan d’accès à l’emploi titulaire dans les ENSA a été mal perçue. Sur ce point, le rapporteur spécial souligne cependant que le MESR n’était pas signataire de ce protocole conclu entre le ministère de la culture et des organisations syndicales et qu’il est donc difficile de semoncer le MESR d’avoir imparfaitement appliqué un protocole d’accord qu’il n’a pas signé. À l’inverse, le rapporteur spécial partage le sentiment que le devenir des ENSA ne figure pas parmi les principales préoccupations du MESR.

La publication, le 10 mars 2022, par le seul ministère de la culture, d’un document intitulé « L’effort de l’État en faveur des écoles nationales supérieures d’architecture » illustre cette situation. Les 13 pages de ce document ne se réfèrent à aucun moment à l’action du MESR. De la même façon, la lettre adressée le 21 avril 2023 aux étudiants d’ENSA est signée uniquement de Mme la ministre de la culture et non des deux ministres de tutelle, et ceci alors que la lettre ouverte des présidents des Conseils d’administration d’ENSA du 21 mars 2023 était adressée tant à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche qu’à la ministre de la culture.

2.   Des moyens humains et immobiliers sous tension et des effectifs étudiants en question

En dépit de l’important effort budgétaire accompli depuis 2018, les moyens humains et, dans une moindre mesure, immobiliers des ENSA demeurent sous tension alors que la stabilisation des effectifs étudiants observée depuis 20 ans soulève certaines interrogations.

a.   Des problématiques persistantes de ressources humaines

Si l’évolution globale des ressources humaines au sein des ENSA est favorable, l’évolution des personnels administratifs pose question.

i.   L’évolution globale favorable des ressources humaines au sein des ENSA

Comme le rapporteur spécial l’a indiqué précédemment, l’évolution des ressources humaines au sein des ENSA se distingue par plusieurs avancées récentes notables. La création du statut d’enseignants-chercheurs, la titularisation de contractuels et la revalorisation des traitements de plusieurs catégories de personnel sont à souligner même si d’autres points restent en débat comme l’imparfaite application du protocole d’avril 2017.

D’un point de vue global, l’évolution de l’ensemble des effectifs travaillant au sein des ENSA, c’est-à-dire l’évolution de l’ensemble des personnels T2 et T3, est favorable. Ainsi, selon les éléments communiqués par le ministère de la culture, les effectifs enseignants et administratifs des ENSA ont crû de près de 5 % entre 2016 et 2022 :

2016 – 2023, Évolution des ETP des personnels T2 et T3 des ENSA

 

Effectifs
(en exécution)

2016

2 574

2017

2 625

2018

2 670

2019

2 668

2020

2 622

2021

2 741

2022

2 661

2023 (projection)

2 698

Source : ministère de la culture.

En dépit de cette évolution favorable, l’évolution de la situation des personnels administratifs pose cependant question.

ii.   Des effectifs administratifs insuffisamment nombreux

La plupart des personnes auditionnées ont souligné le nombre, jugé insuffisant, des personnels administratifs au sein des ENSA et plusieurs directeurs ont estimé que leur établissement souffrait d’un déficit de personnels ATS compris entre 4 et 10 ETP. Une directrice a indiqué avoir renoncé, faute de moyens suffisants, au respect de certaines obligations (nomination d’un responsable du traitement de données à caractère personnel et suivi de l’insertion des diplômés).

Selon ces directeurs, la mise en œuvre de la réforme de 2018 conjuguée au développement des partenariats et des appels à projets aurait conduit les écoles à assumer des tâches administratives supplémentaires sans disposer d’une adaptation correspondante de leurs moyens. Sur cette période, l’ENSA de Paris La Villette a indiqué avoir enregistré une baisse de 3,6 ETP administratifs ; leur nombre passant de 71 ETP en 2018 à 67,4 ETP en 2023.

Ce point de vue est conforté par le rapport de l’IGAC et par l’étude du HCÉRES. Le rapport précité de l’IGAC observe ainsi que « la réforme a alourdi les charges de gestion des écoles dans un contexte qui était déjà tendu ». « Le transfert du recrutement des titulaires aux écoles a entraîné (tout comme la mise en place de nouvelles instances) une charge de travail importante […] qui n’a pas été anticipée dans la fixation des plafonds d’emplois » ([97]). L’étude du HCÉRES souligne que « l’accompagnement de la création du statut d’enseignant-chercheur par le ministère de la Culture n’a pas été à la hauteur des besoins et des espérances et les arbitrages en ressources humaines se sont produits au détriment des personnels administratifs » ([98]).

Pour apprécier plus finement cette situation, le rapporteur spécial a interrogé le ministère de la culture sur l’évolution récente des personnels ATS T2 et T3. Il en ressort que de 2018 à 2022 :

– Le nombre d’ATS relevant du titre 2 est passé de 648 à 667 ETP, soit une croissance de 19 ETP ;

– Le nombre d’ATS relevant du titre 3 est passé de 297 à 271 ETPT ; soit un recul de 26 ETPT.

S’il est regrettable que le ministère de la culture n’ait pas été en mesure de fournir des éléments parfaitement comparables (les éléments de titre 2 portent sur des ETP et ceux de titre 3 sur des ETPT) ([99]), les données communiquées confirment néanmoins que l’évolution du nombre de personnels ATS employés dans les ENSA n’est pas satisfaisante. Loin de croître pour assurer la bonne mise en œuvre de la réforme de 2018, leur nombre global a baissé.

Le ministère de la culture a récemment reconnu cette situation. Dans sa publication précitée du 10 mars 2023, il indique ainsi que « les équipes administratives des ENSA restent fragiles » ([100]) et dans sa lettre aux étudiants des ENSA du 21 avril 2023, Mme la ministre de la culture a annoncé « l’affectation de 10 emplois administratifs supplémentaires » ([101]), sans préciser cependant les ENSA et la durée des postes concernés.

Le rapporteur spécial salue cet effort complémentaire mais regrette l’évolution récente du nombre de personnels ATS dans les ENSA et déplore que le ministère soit dans l’incapacité de déterminer le ratio d’emplois administratifs nécessaire au bon fonctionnement d’une école (cf. supra). De la même façon, il s’étonne que la DGPA ne dispose pas de données sur le temps de travail des équipes administratives des ENSA. Nul ne sait ainsi si l’irrespect de la durée légale de travail constaté par la chambre régionale des comptes de Normandie lors de son contrôle de l’ENSA de Rouen, constitue une exception (aujourd’hui révolue dans cet établissement) ou une pratique courante. Ce point est pourtant essentiel puisque la chambre régionale des comptes a souligné que « la mise en œuvre d’un nouveau règlement intérieur conforme à la législation sur le temps de travail devrait permettre à l’école de récupérer, à coût constant, l’équivalent du travail d’un peu plus de 4 agents à temps plein » ([102]).

Enfin, le rapporteur spécial observe que le ministère de la culture prend en charge une part croissante des personnels des ENSA. Entre 2018 et 2022, et tous corps confondus, le nombre d’ETPT de titre 2 est passé de 1 749 à 1 812 alors que, sur la même période, le nombre d’ETPT de titre 3 est passé de 915 à 805. En 2022, les personnels de titre 2 représentent 70 % des personnels des écoles. Cette recentralisation de la gestion des ressources humaines des écoles va à rebours de la volonté de renforcer l’autonomie des ENSA proclamée en 2018.

À l’heure où les universités gèrent depuis plusieurs années leurs personnels et à l’heure où de nombreux établissements culturels placés sous la tutelle du ministère de la culture bénéficient d’un transfert de gestion comparable ([103]), les ENSA font figure d’exception et se distinguent par une recentralisation de la gestion de leur personnel.

b.   Des locaux imparfaitement remis à niveau

L’effort d’investissement certain réalisé en faveur des ENSA dans le cadre notamment du plan de relance a permis une première remise à niveau du parc immobilier des écoles. À la rentrée 2023, l’ENSA de Marseille intégrera par exemple des locaux neufs et des travaux importants sont en cours dans les écoles de Lille, Montpellier, Toulouse et Versailles.

La situation des locaux des ENSA est cependant encore hétérogène et plusieurs exemples confirment la nécessité de prolonger cette politique de remise à niveau. Dans son étude, le HCÉRES souligne ainsi que « sont perçus désormais comme totalement inadaptés les 2,5 m2 par étudiant à l’Ensa Paris-Malaquais » ([104]). Lors de son audition, Mme Marie Wozniak, directrice de l’ENSA de Grenoble, a indiqué qu’en cas d’orage, il pleut dans l’amphithéâtre de l’école et le conseil d’administration de l’établissement a relevé que les « étudiants se retrouvent ainsi régulièrement dans des amphithéâtres saturés, obligés de ramener des chaises ou de s’asseoir par terre, amenés à suivre des cours dans des conditions indignes et même dangereuses pour la sécurité en cas d’évacuation urgente » ([105]). Lors de son audition, M. Boris Rueff, président du conseil pédagogique et scientifique de l’ENSA de Lyon, a souligné que « les fuites de la toiture [d’un bâtiment de 1 000 m² dédié à l’enseignement du projet] ont atteint les circuits électriques et les appareils de luminaires ». « Le temps que cela soit réparé d’un côté, cela « saute » d’un autre, depuis novembre dernier. Dans l’attente du remplacement par des luminaires étanches, les circuits d’éclairage sont neutralisés et seule la lumière du jour permet d’éclairer cette salle d’enseignement […]. En décembre et janvier les cours se finissaient à 16:00 au lieu de 18:00 minimum » ([106]). Lors de son audition, Mme Caroline Lecourtois, directrice de l’ENSA de Paris La Villette a indiqué que la direction des transports et de la protection du public de la préfecture de police de Paris a émis un avis défavorable à la poursuite de l’exploitation de son établissement. Le rapporteur spécial a obtenu la communication du procès-verbal établi par cette commission et souligne que ce document mentionne explicitement qu’en l’absence du traitement de certaines demandes, l’école s’expose à des « sanctions pouvant aller jusqu’à la fermeture de l’établissement » ([107]).

En ce domaine, le ministère de la culture paie les conséquences d’une grave absence antérieure d’entretien régulier du parc immobilier des ENSA. En 2018, un rapport du conseil immobilier de l’État avait ainsi relevé « le faible niveau de charges permettant d’assurer l’entretien des équipements » et regretté « une absence de visibilité quant aux prévisions de dépenses de gros entretien et renouvellement à moyen et long termes » ([108]). L’important effort d’investissement réalisé depuis a permis d’effectuer un premier rattrapage d’importance et le prolongement de cette politique est envisagé pour poursuivre la remise à niveau du parc immobilier des ENSA (cf. supra). Dans l’immédiat, et afin de répondre aux situations les plus urgentes, le ministère de la culture a fait part, le 21 avril 2023, de sa volonté de « résoudre les situations les plus urgentes comme à Grenoble » ([109]).

La question de la vétusté des locaux se double parfois d’une problématique d’exiguïté des espaces d’enseignement. Lors de son audition, Mme Christine Leconte, présidente du conseil national de l’ordre des architectes, a souligné que toutes les ENSA ne disposent pas d’une salle permettant de réaliser des travaux à l’échelle 1. Lors de son audition, M. Dominique Jézéquellou, président du conseil d’administration de l’ENSA de Bretagne, a indiqué que son établissement, construit en 1989 pour accueillir 450 étudiants, en accueillait 630 et que le déficit d’espace est estimé aux environs de 2 000 m2. Lors de son audition, Mme Marie Wozniak, directrice de l’ENSA de Grenoble, a indiqué que son établissement, construit en 1978 pour accueillir 500 puis, à compter de 2018, 700 étudiants, en accueillait 1 000 aujourd’hui.

Le rapporteur spécial observe également, avec étonnement, que certains bâtiments de construction pourtant récente présentent des performances énergétiques dégradées. Les ENSA de Nantes et de Strasbourg, dont les bâtiments ont été construits ou rénovés il y a une dizaine d’années, se distinguent par des performances énergétiques médiocres. Livrée en 2009, l’ENSA de Nantes présente une classification énergétique de niveau C. Inaugurés en 2013 et 2016, les deux bâtiments de l’ENSA de Strasbourg nécessitent déjà des travaux significatifs d’amélioration de leur performance énergétique.

Sur ce point, le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre ont manifestement privilégié la qualité du geste architectural à la qualité de la performance énergétique. Cette absence de prise en compte de critères relatifs à la performance énergétique dans le programme des travaux surprend alors qu’à cette époque, les questions de développement durable et de maîtrise de la consommation de l’énergie étaient déjà prégnantes. Le choix effectué étonne d’autant plus au regard des missions assignées aux ENSA. Le 9° de l’article L. 752-2 du code de l’éducation dispose ainsi que, dans l’exercice de leur mission, les ENSA « enseignent à leurs élèves […] au maximum les économies d’énergie ». Sensibiliser les étudiants en architecture aux économies d’énergie dans des bâtiments récents mais particulièrement énergivores témoigne d’une curieuse pédagogie fondée sur le sens du contre-exemple.

c.   Des effectifs étudiants soumis à un « numerus clausus » implicite

Comme le rapport précité de l’IGAC et de l’IGÉSR l’a souligné, « depuis plus de 20 années, une forme de numerus clausus de fait s’est imposée pour le nombre d’élèves admis annuellement dans les 20 ENSA ». Ce document relève que le nombre d’environ 20 000 élèves accueillis par an n’a « jamais découlé d’instructions ministérielles » et tient « aux capacités physiques d’accueil des écoles » ([110]).

Dans son étude, le HCÉRES reprend ce constat et observe que, sur la même période, « les effectifs dans l’enseignement supérieur ont augmenté de 17 % en 20 ans dans le public » ([111]). Entendu récemment par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, M. Olivier Celnik, élu au conseil national de l’ordre des architectes, a observé que « si l’on comptait une place en école d’architecte pour quatre en école d’ingénieur en 1990, on ne compte plus qu’une place en école d’architecte pour onze en école d’ingénieur aujourd’hui » ([112]).

Cette situation contraste avec celle observée au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Lors de son audition, Mme Charline Cauwe, conseillère enseignement supérieur de Mme Valérie Glatigny, ministre de l’enseignement supérieur de la fédération de Wallonie-Bruxelles, a indiqué que le nombre d’étudiants (de toutes nationalités) inscrits en première année d’architecture au sein des quatre facultés dédiées de la fédération était passé de 1 000 en 2016 à presque 1 400 en 2020.

3.   Des fragilités financières persistantes

Les faiblesses persistantes des ENSA sont également financières et tiennent à des ressources inégalement réparties, peu diversifiées et globalement insuffisantes.

a.   Des subventions pour charges de service public inégalement réparties et n’intégrant pas explicitement la compensation de l’exonération des droits d’inscription accordée à certains étudiants

Les subventions pour charges de service public, les dotations en fonds propres et les dépenses de transfert bénéficiant aux 20 ENSA ont fortement progressé en 2022 par rapport aux années antérieures (cf. supra). Cette évolution doit être saluée mais ces crédits demeurent caractérisés par des inégalités de répartition et par l’absence de compensation de l’exonération des droits d’inscription accordée à certains étudiants.

i.   Des subventions pour charges de service public inégalement réparties

Les subventions pour charges de service public versées aux ENSA varient fortement et sans justification apparente selon les établissements.

Ainsi, selon les données communiquées par le ministère de la culture, en 2022-2023, un écart de 62 % existe entre l’ENSA recevant la subvention du ministère de la culture par étudiant la moins élevée et l’ENSA recevant la subvention par étudiant la plus forte. Si l’ENSA de Nantes reçoit une subvention de 8 750 euros par étudiant, l’ENSA de Toulouse reçoit une subvention de 14 208 euros par étudiant. L’hétérogénéité de ces subventions est importante :

● 5 ENSA perçoivent une subvention inférieure à 10 000 euros par étudiant,

● 11 ENSA perçoivent une subvention comprise entre 10 000 et 12 000 euros par étudiant,

● 3 ENSA perçoivent une subvention comprise entre 12 000 et 14 000 euros par étudiant,

● 1 ENSA perçoit une subvention supérieure à 14 000 euros par étudiant.

Les données concernées sont les suivantes :

 

 

Subvention du ministère de la culture par étudiant et par ensa en 2022/2023

 

Subvention par étudiant ([113])

Nantes

8 750 €

Marseille

9 442 €

Versailles

9 536 €

Paris-Val-de-Seine

9 544 €

Paris-La Villette

9 787 €

Montpellier

10 178 €

Grenoble

10 184 €

Saint-Étienne

10 400 €

Lille

10 419 €

Paris-Malaquais

11 106 €

Paris-Belleville

11 109 €

Bretagne

11 216 €

Normandie

11 626 €

Paris-Est

11 706 €

Clermont-Ferrand

11 710 €

Lyon

11 810 €

Nancy

12 239 €

Strasbourg

12 242 €

Bordeaux

12 441 €

Toulouse

14 208 €

Source : ministère de la culture.

Interrogé sur ce point, le ministère de la culture a observé que « les subventions pour charges de service public sont historiquement hétérogènes ».

ii.   Des subventions pour charges de service public n’intégrant pas la compensation de l’exonération des droits d’inscription accordée à certains étudiants

Les droits d’inscription ne s’appliquent pas aux étudiants recevant une bourse sur critères sociaux ou une aide d’urgence qui, dans les ENSA représentent environ 25 % des effectifs étudiants des ENSA (avec un point bas à 17 % au sein de l’ENSA Paris Belleville et un point haut de 36 % au sein de l’ENSA Bretagne). Alerté par plusieurs interlocuteurs, le rapporteur spécial a interrogé le ministère qui a confirmé l’absence de compensation aux écoles de l’exonération des droits d’inscription accordée à certains étudiants. Sur ce point, la pratique du ministère de la culture se distingue de celle du MESR qui compense intégralement cette perte de recette (pour les établissements d’enseignement supérieur placés sous sa seule tutelle) ([114]).

Le rapporteur spécial considère que l’absence de compensation aux ENSA de l’exonération des droits d’inscription accordée à certains étudiants est profondément insatisfaisante : aucun établissement ne devrait être financièrement pénalisé pour son ouverture aux élèves boursiers. La perte de ressources résultant de cette absence de compensation est significative au regard de la proportion importante d’étudiants en architecture concernés. Des directeurs ont évoqué une perte financière représentant, selon la taille de l’école et le nombre d’étudiants concernés, de 50 000 à 200 000 euros.

b.   Des ressources propres trop limitées en raison notamment de l’important retard des ENSA en matière d’alternance et de formation continue et de choix contestables de gestion

Essentiellement assises sur des droits d’inscription stables et relativement faibles (cf. supra), les ressources propres des ENSA sont restreintes. Selon le ministère de la culture, la « moyenne [des ressources propres] de toutes les écoles se situe à 14 % des recettes » ; le taux le plus faible étant de 4 % et le taux le plus important étant de 26 % ([115]). Parmi les 20 ENSA, une seule (celle de Paris La Villette) dispose de ressources propres légèrement supérieures à 1 million d’euros et 7 ENSA présentent un niveau de ressources propres inférieur à 400 000 euros.

Cette situation s’explique notamment par l’important retard des ENSA en matière d’alternance et de formation continue et par des choix contestables de gestion.

i.   L’important retard des ENSA en matière d’alternance et de formation continue

Les champs de l’alternance et de la formation continue ont été à ce jour peu investis par les ENSA alors même qu’ils représentent une source potentielle importante de développement des ressources propres.

En matière d’alternance, les ENSA sont restées à l’écart du fort développement des contrats d’apprentissage et de professionnalisation dans l’enseignement supérieur. À l’heure actuelle, à peine 3 ENSA sur 20 proposent à leurs étudiants de suivre une partie de leur scolarité par la voie de l’alternance ([116]). Autrement dit, moins d’une ENSA sur six a mis en place une formation initiale en alternance. Selon M. Philippe Bach, directeur de l’ENSA de Paris-Val de Seine, la proportion des étudiants en architecture en alternance serait à peine de 1 % ([117]). À titre de comparaison, la conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs évalue à 15 % le nombre d’élèves ingénieurs suivant leur formation initiale sous statut d’apprenti ([118]).

En matière de formation continue, selon le rapport IGAC - IGÉSR précité, « l’offre de formation continue pour les professionnels de l’architecture reste encore embryonnaire » ([119]). S’agissant de la formation continue diplômante, et selon les données communiquées par le ministère de la culture, seules 6 ENSA (Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Strasbourg et Versailles) proposent une formation continue diplômante qui, en 2022-2023, concerne 302 personnes. Autrement dit, hors HMONP, moins d’une ENSA sur 3 propose des actions de formation continue diplômante.

En matière de formation continue non diplômante, le ministère de la culture ne connaît pas le nombre d’écoles proposant une formation de ce type ni, a fortiori, le nombre de personnes en ayant bénéficié en 2022. Cette méconnaissance contraste avec les données publiées une fois par an par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche en ce domaine ([120]).

L’intérêt pour les ENSA de développer leurs actions en matière d’alternance et de formation continue est pourtant certain pour les étudiants, pour les professionnels et pour les écoles.

L’intérêt pour les étudiants est manifeste. Dans un avis formulé le 15 novembre 2022, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels a observé que l’apprentissage constitue « un dispositif qui favorise la diversité et la réussite en permettant aux étudiants d’exercer un travail rémunérateur en lien avec leurs études, d’éviter les emplois alimentaires en parallèle des études et de faciliter la construction d’un réseau professionnel » ([121]). Le succès des quelques formations en alternance mises en place dans les ENSA confirme cette appréciation. De 2019 à 2022, le nombre d’étudiants en alternance au sein de l’ENSA Paris-Est est ainsi passé de 20 à 74 et plus de 200 candidatures ont été reçues pour la rentrée 2023-2024.

L’intérêt pour les professionnels d’un développement de la formation continue en architecture est également manifeste. Lors de son audition, Mme Christine Leconte, présidente du conseil national de l’ordre des architectes, a souligné que les obligations de formation continue auxquelles les architectes sont assujettis (cf. supra) ne sont aujourd’hui que très imparfaitement respectées, probablement aux environs d’un tiers. Les ENSA ont donc tout intérêt à se mobiliser pour permettre aux architectes de satisfaire cette obligation de formation continue et d’ouvrir les formations proposées à d’autres professions.

D’un point de vue financier, un développement de l’alternance et de la formation continue représente une voie privilégiée de progression des ressources propres des ENSA. Les trois établissements proposant des formations en alternance sont ainsi les 3 écoles disposant du plus fort taux de ressources propres (26 % pour l’ENSA de Paris-Est, 19 % pour l’ENSA de Versailles et 18 % pour l’ENSA de Paris Val-de-Seine). Mme Amina Sellali, directrice de l’ENSA de Paris-Est, a indiqué au rapporteur que « sans conteste, la mise en place de l’apprentissage a permis d’accroître sensiblement les ressources propres de l’établissement » ([122]). Lors de l’année scolaire 2022-2023, le montant de recettes propres par étudiant en alternance dans cette école s’élevait à 8 405 euros (licence et master lissés) alors que les recettes propres par étudiant hors alternance représentaient environ 400 euros pour un étudiant en diplôme d’études en architecture conférant grade de licence (373 euros de droits d’inscription + 21 euros de reversement de la CVEC) et un peu plus de 530 euros (512 euros de droits d’inscription + 21 euros de reversement de la CVEC) pour un étudiant en diplôme d’État d’architecte conférant grade de master.

Un constat similaire peut être établi concernant la formation continue diplômante et non diplômante. S’agissant de la formation continue diplômante, l’ENSA de Strasbourg qui, en 2021-2022, a accueilli 21 stagiaires dans ce cadre, a indiqué que les droits d’inscription moyens acquittés par les intéressés s’établissaient à 2 100 euros par stagiaire. S’agissant de la formation continue non diplômante, le coût d’une journée de formation est souvent proche de 350 euros hors taxe.

Les ENSA interrogées par le rapporteur spécial ont, très majoritairement, fait part de leur adhésion au principe d’un développement de l’alternance et de la formation continue mais ont souligné, d’une part, les difficultés rencontrées pour disposer des ressources humaines et des espaces nécessaires à l’accomplissement de cette tâche et, d’autre part, l’inadaptation de la réglementation actuelle qui interdit aux enseignants-chercheurs d’effectuer des heures complémentaires au-delà de leurs obligations de service pour dispenser des heures de formation continue ([123]).

ii.   Des choix de gestion contestables : l’inapplication des frais différenciés à certains étudiants extracommunautaires et une certaine réticence à coopérer avec le monde de l’entreprise

La faible part des ressources propres des ENSA tient également à deux choix contestables effectués par le ministère de la culture et les écoles : l’inapplication des droits d’inscription différenciés à certains étudiants extracommunautaires et la permanence d’une certaine réticence à coopérer avec le monde de l’entreprise.

Le premier choix résulte de la décision du ministère de la culture de ne pas appliquer des droits d’inscription différenciés en direction de certains étudiants extracommunautaires alors que les intéressés représentent une part importante des 15 % d’étudiants étrangers présents dans les ENSA. Comme indiqué précédemment, l’arrêté conjoint du ministre de la culture et du ministre de l’action et des comptes publics du 30 août 2019 soumet l’ensemble des étudiants en ENSA, quelle que soit leur nationalité, à des droits d’inscription équivalents alors que l’arrêté du 19 avril 2019 relatif aux droits d’inscription dans les établissements publics d’enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l’enseignement supérieur autorise l’application de droits d’inscription différenciés en direction de certains étudiants extracommunautaires (cf. supra).

Comme l’étude du HCÉRES le souligne, la décision du ministère de la culture provient d’un « arbitrage administratif » « pris dans le but d’éviter un débat trop vif au sein des écoles » ([124]). Autrement dit, l’administration centrale du ministère de la culture a choisi de déroger au principe des frais différenciés pour ne pas susciter un mouvement de contestation dans les écoles. Le rapporteur spécial considère qu’une décision de cette nature revient au pouvoir politique et non à l’administration. Au surplus, cette décision distingue les ENSA des établissements d’enseignement universitaire et prive les écoles d’architecture de ressources financières complémentaires ce qui est regrettable ([125]).

La faiblesse des ressources propres des ENSA tient également à la permanence d’une certaine réticence à coopérer avec le monde de l’entreprise. En 2019, en réponse au rapport d’évaluation de l’ENSA de Paris La Villette établi par le HCÉRES, M. Bruno Mengoli, alors directeur de cette école, avait indiqué que la stratégie de l’établissement « consiste à se préserver d’un quelconque mercantilisme et à conserver son autonomie scientifique et pratique vis-à-vis du monde socio-économique. Il refuse donc d’être contraint par des obligations financières que des commanditaires pourraient lui imposer » ([126]). Même si cette posture de principe semble s’être heureusement atténuée, elle n’a cependant pas complètement disparu. L’étude du HCÉRES souligne ainsi que « la collecte de ressources privées soulève la méfiance – au moins de façade – pour des motifs d’indépendance par rapport aux financeurs » ([127]). Le rapporteur spécial considère que cette attitude récalcitrante n’a plus lieu d’être et que les coopérations avec le monde de l’entreprise doivent être développées sans délai pour apporter de nouvelles sources de financement aux ENSA.

Le mécénat et les partenariats avec des entreprises tant privées que publiques demeurent ainsi des pratiques peu développées dans les écoles. Seule l’ENSA de Strasbourg a mentionné « deux mécénats majeurs depuis 2018 : celui numéraire de l’entreprise Barrisol qui a financé un voyage pédagogique et celui de compétences de Cegelec Strasbourg valorisé à hauteur de 60 000 € et qui a permis de finaliser des installations pour le laboratoire Lumière de l’école » ([128]).

De son côté, le ministère de la culture s’attache à développer les chaires partenariales d’enseignement supérieur et de recherche en architecture. Initié en 2020, ce programme vise à « développer des programmes de recherche et des programmes pédagogiques ainsi [qu’à] participer à la construction du dialogue entre mondes académiques et mondes professionnels » ([129]). Quatorze chaires thématiques ont été labellisées à ce jour et portent sur des enjeux de transformation du bâti face aux défis écologiques dans le domaine de l’habitat, l’expérimentation, le patrimoine, la santé et le numérique.

c.   Des ressources globalement insuffisantes

En dépit de l’important effort budgétaire accompli depuis 2018, les crédits budgétaires accordés aux ENSA et les ressources propres de ces établissements demeurent insuffisants.

Dans son rapport précité, l’IGAC fait le constat de « besoins budgétaires supplémentaires liés à la réforme » ([130]). Dans leur rapport précité, l’IGAC et l’IGÉSR soulignent l’intérêt « d’envisager une véritable programmation budgétaire qui, en toute logique, devrait à l’avenir, […] témoigner d’une augmentation du financement public en faveur de l’enseignement de l’architecture » ([131]). Dans son étude, le HCÉRES note que ses rapports d’évaluation « constatent la contrainte des moyens budgétaires » ([132]) et, lors de son audition, M. Thierry Coulhon, président de cette autorité publique indépendante, a indiqué que « la contrainte sur les moyens est évidente ». Les directeurs d’ENSA auditionnés ont confirmé cette situation et, dans un courrier récemment adressé à Mme la ministre de la culture, le conseil d’administration de l’ENSA de Grenoble a indiqué que la stabilité financière de l’établissement « relève d’un exercice d’équilibriste » ([133]).

Le ministère de la culture a conscience de ces difficultés. Dans le document précité du 10 mars 2023, il décrit « un système encore fragile malgré l’augmentation des moyens déployés » et observe que des « ambitions légitimes se heurtent aujourd’hui à un certain décalage avec les moyens alloués » ([134]).

Le rapporteur spécial partage cette analyse mais considère que la réponse à ces difficultés ne saurait se limiter à une simple augmentation des crédits accordés par l’État aux ENSA. La réponse aux tensions observées suppose avant tout de donner un cap aux ENSA, de rénover en profondeur les conditions d’exercice de leur tutelle et de redéfinir leur modèle financier.

III.   donner un cap aux ENSA, RÉNOVER EN PROFONDEUR LES CONDITIONS D’EXERCICE DE Leur TUTELLE et redÉfinir LEur MODÈLE FINANCIER

Le ministère de la culture a récemment annoncé son intention « d’engager une vaste concertation […] en vue de relancer la stratégie nationale pour l’architecture datant de 2015 » ([135]). Ce travail offre l’opportunité de déterminer un contrat global avec les ENSA dans lequel l’État s’engagerait à donner un cap à ces écoles, à rénover en profondeur les conditions d’exercice de leur tutelle et à redéfinir leur modèle financier.

A.   DONNER UN CAP AUX ENSA

La remise à niveau des ENSA suppose de définir une trajectoire pluriannuelle en termes de ressources et de moyens permettant d’envisager une évolution ultérieure de leurs compétences, de leur organisation et de leurs effectifs étudiants.

1.   Définir une trajectoire pluriannuelle en termes de ressources et de moyens pour assurer une remise à niveau des ENSA dans le prolongement des efforts engagés depuis 2018

La définition d’une trajectoire pluriannuelle en termes de ressources et de moyens est nécessaire pour assurer une remise à niveau des ENSA dans le prolongement des efforts engagés depuis 2018. Cette trajectoire, dont les mesures prises depuis 3 ans dessinent les premiers contours, pourrait s’appuyer, d’une part, sur la conclusion d’un protocole d’accord concernant les personnels administratifs des écoles et, d’autre part, sur la poursuite de l’effort d’investissement immobilier engagé ces dernières années en intégrant, lorsque cela est possible, un critère supplémentaire relatif à l’intégration des ENSA aux campus universitaires. Une harmonisation progressive des subventions versées aux écoles doit également être recherchée.

a.   Conclure un protocole d’accord sur les personnels administratifs des ENSA en fléchant certains des emplois créés vers le développement des ressources propres des établissements

La question de la faiblesse des équipes administratives des ENSA fait l’objet d’un relatif consensus mais l’ampleur des besoins à satisfaire est, à ce jour, méconnue.

Comme le rapporteur spécial l’a souligné précédemment, le rapport de l’IGAC, l’étude du HCÉRES, les témoignages recueillis et une récente publication du ministère de la culture partagent le constat de la fragilité des équipes administratives des ENSA. L’ampleur de la remise à niveau à effectuer fait en revanche débat. En 2020, dans son rapport précité, l’IGAC avait relevé que « le ministère de la culture avait […] chiffré l’enjeu financier de la réforme à 1 million d’euros par an, correspondant au coût de création d’un poste par école pour l’administration, sans que cette demande soit retenue » ([136]). Les déficits d’ETP administratifs présentés par plusieurs directeurs d’écoles sont bien plus importants et oscillent entre 5 à 10 postes par école.

Le rapporteur spécial n’est pas en mesure de déterminer le nombre de postes administratifs à créer et invite le ministère de la culture à engager une discussion avec les écoles sur ce sujet. Ces échanges devront permettre d’objectiver les besoins en déterminant un ratio d’encadrement administratif et de faire le point sur le temps de travail des ATS dans les écoles afin de savoir si la situation précédemment observée au sein de l’ENSA Normandie est isolée ou non.

À l’issue de ces échanges, un protocole d’accord visant à la remise à niveau des emplois administratifs dans les ENSA devrait être conclu. Selon le rapporteur spécial, ce document devrait imposer que certains des emplois administratifs créés soient orientés vers le développement des ressources propres des ENSA en prévoyant des modalités de formation des personnels concernés au droit de l’apprentissage, de la formation continue, aux contrats de partenariat et au mécénat.

Ce protocole d’accord serait financé par le ministère de la culture.

b.   Définir une trajectoire de remise à niveau immobilière favorisant l’intégration des ENSA dans des campus universitaires

À la faveur notamment du plan de relance, le ministère de la culture a engagé un important effort de remise à niveau immobilière dont il prévoit la poursuite pour les prochaines années après avoir répondu, dès 2023, à un certain nombre d’urgences.

L’étude du HCÉRES et les témoignages recueillis confirment la nécessité de poursuivre cette politique de remise à niveau du parc immobilier afin d’accueillir les étudiants et les stagiaires de la formation continue dans des conditions satisfaisantes. Cette évolution est d’autant plus nécessaire que, comme d’autres bâtiments publics, les ENSA sont concernées par l’application du décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire. Ce texte, dit « décret tertiaire » impose une réduction de consommation d’énergie finale des bâtiments tertiaires publics et privés de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 par rapport à 2010.

Le rapporteur spécial invite le ministère de la culture à définir une programmation d’investissements intégrant un critère relatif à la localisation géographique des ENSA.

Aucun nouveau bâtiment ne devrait être construit à l’écart d’un campus universitaire. Tout investissement immobilier devrait être réalisé dans l’idée de rapprocher géographiquement les ENSA des autres établissements d’enseignement supérieur. Dans la mesure du possible, il est nécessaire de rompre l’isolement des ENSA. Si cela n’est pas possible en matière de réhabilitation des bâtiments existants, cela doit être possible en matière d’aménagement de nouveaux bâtiments. À ce titre, le projet de relocalisation de l’ENSA Paris La Villette devrait se faire en sélectionnant un site adossé à d’autres établissements d’enseignement supérieur et non en retenant un site isolé. Sur ce point, le rapporteur spécial rejoint le Conseil immobilier de l’État qui, en 2018, avait considéré que les regroupements géographiques d’établissements devaient « guider la stratégie immobilière des ENSA » ([137]).

Ce principe devrait également être suivi dans l’hypothèse où de nouvelles ENSA seraient appelées à être construites pour accompagner une éventuelle croissance de leurs effectifs étudiants (cf. infra).

La poursuite de ses investissements immobiliers serait financée par le ministère de la culture et, possiblement, par les collectivités territoriales (cf. infra).

c.   Rechercher une harmonisation progressive des subventions des ENSA

Selon les données communiquées par le ministère de la culture, un écart de 62 % existe, en 2022-2023, entre l’ENSA recevant la subvention du ministère de la culture par étudiant la moins élevée et l’ENSA recevant la subvention par étudiant la plus élevée. Si l’ENSA de Nantes reçoit une subvention de 8 750 euros par étudiant, l’ENSA de Toulouse reçoit une subvention de 14 208 euros par étudiant.

Fruit de l’histoire, cette situation, qui concerne également d’autres secteurs placés sous la tutelle du ministère de la culture, n’est pas satisfaisante.

Une politique de rééquilibrage financier doit être recherchée.

2.   Envisager, dans un second temps, une évolution des compétences, de l’organisation et des effectifs étudiants des ENSA

a.   Envisager une évolution des compétences et de l’organisation des ENSA

i.   Transférer aux ENSA volontaires une compétence de gestion de la masse salariale et des personnels relevant aujourd’hui du ministère de la culture

La réforme de 2018 est notamment soutenue par la volonté de poursuivre le rapprochement des ENSA avec l’enseignement supérieur tout en préservant certaines particularités de ces écoles. Cette évolution mérite d’être poursuivie en franchissant une étape supplémentaire visant à transférer aux ENSA volontaires la responsabilité de la gestion de la masse salariale et de leur personnel T2 relevant aujourd’hui du ministère de la culture.

Comme le rapporteur spécial l’a souligné, le ministère de la culture gère aujourd’hui l’essentiel des ressources humaines des ENSA (70 % des personnels de ces écoles relèvent du « T2 ») et cette tendance s’accentue à la faveur du récent mouvement de titularisation de personnels contractuels. Cette évolution va à l’encontre de la volonté de renforcer l’autonomie des établissements et diverge de la trajectoire suivie par les établissements d’enseignement supérieur et par les opérateurs du ministère de la culture. En 2022, la Cour des comptes rappelle que « dans le cadre de la délégation de la gestion des personnels titulaires et contractuels affectés aux établissements publics sous tutelle […] le Centre national du livre et l’Institut national du patrimoine se sont vus transférer la gestion de leurs agents » et que, « ce mouvement de responsabilisation des établissements publics sous tutelle se poursuivra en 2023 avec le transfert de 338 ETPT depuis le titre 2 vers le titre 3 de l’établissement public du Mobilier national » ([138]).

Cette évolution contraste également avec la situation des établissements d’enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Ce ministère a ainsi indiqué au rapporteur spécial que « les personnels enseignants et administratifs sont intégralement rémunérés par les établissements (crédits de T3), dans le cadre d’un plafond d’emplois autorisés notifié annuellement et exprimé en équivalents – temps – pleins » ([139]).

La situation actuelle favorise une inutile lourdeur administrative. Lors de son audition, Mme Marie Wozniak, directrice de l’ENSA de Grenoble a regretté que la gestion des ressources humaines de son établissement repose sur une « relation de dépendance extrême » avec le ministère de la culture. Dans cette école, 7 postes T2 sont inoccupés puisque non remplacés (mi-temps thérapeutiques, arrêts maladie de longue durée, salarié en disponibilité).

Lors de leurs auditions, plusieurs directeurs d’établissements ont fait part de leur intérêt de bénéficier d’un transfert de cette responsabilité. Si certains ont subordonné cette évolution à une remise à niveau préalable de leurs moyens, une directrice a souhaité pouvoir expérimenter cette faculté au plus tôt. Dans son étude, le HCÉRES soutient cette perspective en soulignant que « le transfert de […] l’ensemble du Titre 2 du ministère de la Culture aux ENSA, conformément à la situation commune des établissements d’enseignement supérieur paraît un moyen de surmonter les difficultés administratives d’une centralisation excessive et de redonner aux écoles d’architecture la souplesse de gestion qui leur est nécessaire, tout particulièrement au sein des EPE » ([140]).

La réalisation d’un tel transfert de compétences suppose que les directeurs des ENSA bénéficient des formations et d’un accompagnement administratif dédiés.

Le rapporteur spécial invite le ministère de la culture à recenser les ENSA intéressées par un transfert de la gestion des personnels T2 et à engager une expérimentation dès 2024.

ii.   Encourager la participation des ENSA aux établissements publics expérimentaux

Dans le cadre de l’ordonnance n° 2018-1131 du 12 décembre 2018 précitée, 4 (et bientôt 5) ENSA appartiennent à des établissements publics expérimentaux. Selon l’étude du HCÉRES, les retours des écoles concernées « sur leur choix en faveur de l’EPE sont positifs : participation à la gouvernance malgré leur faiblesse démographique, information constante qui évite l’isolement, participation à des programmes de recherche et à des financements, facilités d’accès à des ressources informatiques, partages documentaires, soutien à la vie étudiante, parfois apport en ressources humaines et accroissement des marges de manœuvre sur les plafonds d’emplois » ([141]).

Les éléments recueillis auprès des ENSA de Grenoble, Nantes, Lille et Paris-Est confirment cette appréciation favorable.

Lors de son audition, Mme Marie Wozniak, directrice de l’ENSA de Grenoble, a confirmé l’intérêt pédagogique et financier de la participation de son établissement à l’EPE Université Grenoble Alpes. D’un point de vue pédagogique, les échanges entre praticiens se multiplient. D’un point de vue financier, l’ENSA a pu bénéficier de ressources nouvelles, dans le cadre soit de projets conduits par l’ensemble de l’EPE (une dotation de 500 000 euros a par exemple été versée à l’ENSA après la sélection de l’EPE au titre du programme des Initiatives d’excellence [Idex]), soit de financements récurrents (l’EPE prend en charge des vacations permettant de décharger des enseignants-chercheurs et compense à l’ENSA le sous-reversement du produit de la CVEC), soit du financement d’aides ponctuelles (2 postes au service de la scolarité de l’ENSA sont en voie d’être financés par l’EPE). En contrepartie, l’ENSA de Grenoble porte des « coûts de centralité » d’un montant annuel proche de 100 000 euros.

L’ENSA de Nantes a indiqué avoir mis à l’étude des projets de mise en commun de moyens dans le cadre de l’EPE sous la forme de la constitution d’un groupement d’achats à l’échelle de l’EPE ou du regroupement des enseignants de langues avec comme employeur Nantes Université.

Selon les éléments transmis par le HCÉRES, l’ENSA de Lille porte également une appréciation favorable sur sa participation à un EPE. D’un point de vue pédagogique, les étudiants peuvent accéder à l’espace numérique de l’université, bénéficient d’un accompagnement pédagogique et des négociations sont en cours pour leur ouvrir un accès aux installations sportives universitaires. D’un point de vue financier, l’EPE a financé une chaire sur les transitions métropolitaines, 2 demis ETP administratifs et porte 2 contrats doctoraux sur son plafond d’emploi.

Selon les éléments transmis par le HCÉRES, l’ENSA de Paris-Est porte également une appréciation favorable sur sa participation à l’EPE Gustave Eiffel. D’un point de vue pédagogique, des étudiants étrangers en formation à l’ENSA ont pu bénéficier d’un enseignement gratuit en français langue étrangère dispensé par l’université. L’ensemble des étudiants peuvent accéder au Service information orientation et insertion professionnelle de l’université ainsi qu’à ses infrastructures sportives. D’un point de vue financier, l’université a financé un chercheur invité (pendant 3 ans), un projet de recherche exploratoire et la participation à 5 appels à projets internationaux. L’université héberge également des contrats doctoraux (à hauteur de 2 ETP qui ne pèsent pas sur le plafond d’emploi de l’ENSA) et prend à sa charge des enseignants de langue en tant que contractuels de l’université (à hauteur de 2 ETP mis à disposition de l’ENSA). En contrepartie, l’ENSA de Paris-Est doit répondre à de nombreuses sollicitations, notamment en termes de reporting.

Ce bilan favorable conduit le HCÉRES à recommander « non seulement [aux ENSA] de continuer à développer des projets pédagogiques et scientifiques avec des établissements d’enseignement supérieur et des organismes de recherche, mais aussi à emprunter, pour éviter l’asphyxie des moyens, la voie des coopérations organisationnelles notamment au sein des établissements publics expérimentaux » ([142]).

Le rapporteur spécial partage pleinement cette recommandation et considère que la taille réduite des ENSA constitue un obstacle à leur développement. Les coopérations organisationnelles souhaitées par le HCÉRES doivent être encouragées.

b.   Préparer une évolution à la hausse des effectifs étudiants

Souhaitée par de nombreux intervenants, la progression souhaitable des effectifs étudiants accueillis dans les ENSA ne peut, selon le rapporteur spécial, intervenir qu’après une phase d’études complémentaires.

i.   Une augmentation des effectifs souhaitée par de nombreux intervenants

Dans les conclusions de leur rapport conjoint établi précité, l’IGAC et l’IGÉSR présentent deux hypothèses prospectives d’augmentation de l’effectif étudiant des ENSA. La première envisage une couverture plus complète du territoire au moyen de la « création d’antennes régionales d’écoles déjà existantes, plutôt que des créations ex-nihilo, sur le modèle de la multiplication des campus locaux déjà expérimentée pour les grandes écoles » ([143]). Des antennes pourraient ainsi être créées dans des régions métropolitaines actuellement non couvertes par une ENSA (Centre Val de Loire et Bourgogne Franche-Comté), en Corse et aux Antilles. La seconde hypothèse envisage une « augmentation progressive des étudiants dans les 20 ENSA à l’horizon 2029 » sous la forme d’une « croissance de l’ordre de 1 000 étudiants supplémentaires en huit ans » assortie d’une « augmentation de l’ordre d’1 million d’euros par an du budget alloué aux écoles » ([144]).

Dans son étude, le HCÉRES soutient une hypothèse plus ambitieuse en considérant que « l’augmentation du nombre total d’étudiants doit être significative, de 2000 à 4 000 (soit de 10 % à 20 %) […]. À l’horizon 2030, une croissance de 10 % (+ 2 000) constitue un objectif souhaitable et atteignable » ([145]). Cette évolution doit permettre de revenir sur un « malthusianisme [qui] n’est plus adapté pour répondre aux enjeux considérables d’habitat durable et écoresponsable, de rénovation de l’existant » ([146]).

Dans une tribune récente, les directeurs des 20 ENSA ont estimé qu’« il faut former plus d’étudiants à l’architecture (les futurs maîtres d’ouvrage, ingénieurs, urbanistes) » sans préciser le nombre supplémentaire d’étudiants à accueillir ([147]).

À ce stade, le ministère de la culture n’a pas donné suite à ces différentes recommandations « considérant que toute décision en ce domaine doit au préalable être fondée sur le recueil de données plus complètes sur la socio-économie du secteur et d’éléments complémentaires sur les conditions d’accompagnement d’une telle augmentation en termes budgétaires, immobiliers et RH » ([148]).

ii.   Une progression des effectifs probablement souhaitable mais envisageable uniquement dans un second temps

Le rapporteur spécial considère que l’augmentation des effectifs des étudiants en ENSA est probablement souhaitable mais ne peut intervenir que dans un second temps. Plusieurs éléments plaident effectivement en faveur d’une rupture avec le « numerus clausus implicite » en vigueur depuis 20 ans : l’impératif de la transition écologique, le taux d’insertion élevé des diplômés des ENSA et la bonne insertion professionnelle des étudiants français diplômés à l’étranger. Sur ce dernier point, le Conseil national de l’ordre des architectes a précisé au rapporteur spécial que 241 architectes de nationalité française détenant un diplôme étranger ont été inscrits à l’Ordre entre le 2018 et 2023, soit 4,1 % des inscriptions enregistrées sur cette période. Cette tendance croît puisque les intéressés, qui étaient environ 30 par année entre 2018 et 2020, étaient 60 par an en 2021 et 2022.

Selon le rapporteur spécial, si l’accueil d’un plus grand nombre d’étudiants en ENSA est souhaitable, cette évolution est peu envisageable à brève échéance, sauf à revoir en profondeur l’organisation des formations, ce qui, en soi, nécessiterait un temps important. Comme le rapport IGAC – IGÉSR précité le souligne, « les difficultés budgétaires rencontrées par les ENSA depuis plusieurs années, pour accomplir pleinement leurs missions et les transformations que la réforme statutaire des écoles et de leur corps enseignant a mis en place, rendent inenvisageable une progression de leurs effectifs en l’état de leur dotation » ([149]).

L’accroissement du nombre d’étudiants en architecture suppose une remise à niveau préalable des moyens des écoles, la détermination des conditions d’accueil (faut-il ouvrir de nouvelles écoles ou agrandir les écoles existantes ?) et une étude sur les différents coûts associés.

B.   RÉNOVer LES CONDITIONS D’EXERCICE DE La TUTELLE sur les ensa en rÉÉquilibrant la tutelle exercÉe par le ministère de la culture et par le MESR

Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur spécial appelait le Gouvernement à s’interroger « sans tabou » sur les conditions d’exercice de la tutelle sur les ENSA ([150]). La défaillance de la tutelle conjointe doit-elle conduire à son rééquilibrage ou à sa remise en cause, celle-ci pouvant prendre la forme d’une suppression de l’intervention du ministère de la culture (dont le cœur de métier ne consiste pas à gérer des établissements d’enseignement supérieur et de recherche), d’un élargissement de la tutelle au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires ou d’une redéfinition des modalités d’intervention du MESR ? Si de nombreux interlocuteurs ont fait part de leur insatisfaction sur les modalités d’exercice actuel de la tutelle, aucune solution consensuelle n’a émergé.

Au final le rapporteur spécial partage le point de vue du HCÉRES appelant au « rééquilibrage » de la tutelle exercée conjointement par le ministère de la culture et le MESR sur les ENSA ([151]). Ce choix repose sur les convictions suivantes :

● Un bouleversement de la composition de la tutelle constituerait un chantier d’importance à l’heure où les efforts doivent porter de manière prioritaire sur la remise à niveau des écoles ;

● Un élargissement de la tutelle au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires serait certes intéressant dans son principe mais le rapporteur spécial peine à croire qu’une tutelle exercée par trois ministères fonctionnerait mieux qu’une tutelle exercée par deux ministères ;

● Un rattachement exclusif des ENSA au MESR aurait peu de sens au regard de la taille réduite de ces écoles, du manque d’appétence de ce ministère et de la forte composante artistique et historique (toujours revendiquée) de l’enseignement de l’architecture en France ;

● Une suppression de la tutelle du ministère de la culture irait à l’encontre de l’homogénéité de l’enseignement supérieur culture, des spécificités de l’enseignement en architecture et de l’attachement, même critique, porté à ce ministère par les ENSA.

1.   Poursuivre et amplifier la rénovation des conditions d’exercice de la tutelle exercée par le ministère de la culture

À la suite des rapports d’inspection précités, le ministère de la culture a entrepris de rénover les modalités d’exercice de la tutelle sur les ENSA. En 2023, 5 chargés de tutelle devraient être recrutés et des études visant à mieux connaître le devenir des diplômés des ENSA seront engagées. Cependant, au regard des nombreuses carences relevées par le rapporteur spécial, ces mesures ne sont pas suffisantes.

La rénovation de la tutelle devrait permettre de remédier à l’ensemble des faiblesses relevées. Dans un délai raisonnable, le ministère de la culture doit être en capacité de répondre aux différentes questions demeurant aujourd’hui sans réponse, qu’il s’agisse du ratio d’emplois administratifs nécessaire au bon fonctionnement d’une ENSA, du temps de travail annuel des personnels administratifs, du nombre de personnes en formation continue non diplômante, de l’évolution des besoins pluriannuels du nombre de diplômés en architecture, du montant précis des concours apportés par les collectivités territoriales, ou de la décomposition fine des ressources propres des ENSA.

À cet effet, le rapporteur spécial recommande de prévoir une participation de droit de l’administration centrale du ministère de la culture au conseil d’administration des ENSA. Cette mesure, qui alignerait la situation de la DGPA sur celle de la DGCA et du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, favoriserait une meilleure connaissance des actions des ENSA sans aller à l’encontre de leur autonomie.

La rénovation des conditions d’exercice de la tutelle devrait également concerner les ENSA engagées dans les établissements publics expérimentaux. À ce stade, sur les 4 EPE comprenant une ENSA, le ministère de la culture n’a souhaité participer à l’exercice de la tutelle que d’un seul EPE. Ce choix doit être revu et le ministère de la culture doit être parti prenante de l’ensemble des EPE. Comme le HCÉRES le relève dans son étude, « en participant au dialogue stratégique et au contrat quinquennal de l’EPE, le ministère de la Culture aura la capacité d’exercer une tutelle effective et rénovée ». « La « tutelle » Culture évoluerait ainsi de façon radicale pour les établissements concernés. Elle sortirait d’une relation administrative centralisée pour se concentrer, à toute autre échelle, sur les objectifs stratégiques du grand établissement et le rayonnement des politiques culturelles et architecturales » ([152]).

Le ministère de la culture devrait également rendre compte de manière plus régulière des conditions d’exercice de cette tutelle. À ce titre, la publication régulière d’un rapport sur l’état de l’enseignement supérieur et de la recherche Culture (incluant l’ensemble de l’ESC et pas seulement les ENSA) est nécessaire. La seule édition publiée à ce jour date de 2018 ([153]). Une publication synthétique annuelle devrait être recherchée sur le modèle du panorama des écoles françaises d’ingénieurs publié chaque année par la conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs.

2.   Réaffirmer la tutelle du MESR et poursuivre l’intégration des ENSA dans l’enseignement supérieur en soutenant notamment leur implication dans les établissements publics expérimentaux

La rénovation des conditions d’exercice de la tutelle doit passer également par une clarification des rôles et responsabilités de la co-tutelle du MESR.

Au regard de l’échec des tentatives de partage de charges financières, la co-tutelle du MESR devrait dorénavant se concentrer sur les questions pédagogiques et à la convergence des pratiques en termes de mode de fonctionnement, de statut et de rémunération.

La relation de financement MESR/ENSA devrait à l’avenir se limiter à celle existante dans le cadre des EPE au moyen de contrat d’objectifs et moyens.

C.   RÉNOVER LE MODÈLE FINANCIER DES ENSA POUR DIVERSIFIER ET ACCROÎTRE LEURS RESSOURCES

Si les ressources des ENSA sont globalement insuffisantes, leur relèvement ne devrait pas passer exclusivement par des crédits budgétaires supplémentaires. La solution au besoin financier de ces écoles ne peut uniquement prendre la forme d’un « choc d’investissement » de la part de l’État. En complément de l’effort budgétaire supplémentaire précité de l’État, les moyens supplémentaires des ENSA doivent provenir d’un fort développement de leurs ressources propres, d’une implication renforcée des collectivités territoriales et de l’exploration de voies d’économies.

1.   Développer fortement les ressources propres des ENSA

Les ressources propres des écoles représentent en moyenne 14 % de leurs recettes soit une proportion relativement faible. Souhaité par le rapport précité de l’IGAC ([154]), le développement de ces ressources propres devrait, selon le rapporteur spécial, constituer une priorité dont la mise en œuvre pourrait reposer sur une modification des droits d’inscription, sur l’institution d’un cadre favorable à la progression de l’alternance et de la formation continue, sur le relèvement du produit de la CVEC reversé aux ENSA et sur l’encouragement aux coopérations avec le monde de l’entreprise.

Le développement de ces ressources propres suppose également d’intégrer pleinement cette exigence dans le processus de recrutement des directeurs / directrices des ENSA. Le ministère de la culture a commencé à prendre en compte cet élément dans son processus de sélection des candidats. Le rapporteur spécial a ainsi demandé la communication des profils de poste utilisés par le ministère en 2017 et 2022 pour le recrutement du directeur / de la directrice de l’ENSA de Toulouse. Si, en 2017, la fiche de poste établie ne comportait aucune référence aux ressources propres, en 2022, ce document indique que les candidats devront présenter une « expérience confirmée en matière de gouvernance d’établissement (dialogue avec les instances, gestion financière et RH, développement des ressources propres, vision prospective) » ([155]).

Le rapporteur spécial invite le ministère de la culture à faire du critère de développement des ressources propres et des compétences de gestion financière et de ressources humaines des éléments déterminants en matière de nomination des directeurs / directrices des ENSA.

a.   Les droits d’inscription, vecteur important de développement des ressources propres

Le rapporteur spécial invite le ministère de la culture à compenser aux ENSA l’exonération des frais d’inscription dont bénéficient certains étudiants, à mettre fin au gel des droits d’inscription et à instituer des droits d’inscription différenciés en direction de certains nouveaux étudiants extracommunautaires.

i.   Compenser aux ENSA l’exonération des frais d’inscription dont bénéficient certains étudiants

À court terme, le rapporteur spécial recommande au ministère de la culture de compenser aux ENSA l’exonération des droits d’inscription dont bénéficient les étudiants disposant d’une bourse sur critères sociaux ou d’une aide d’urgence annuelle.

Les étudiants exonérés du paiement de ces droits d’inscription représentent environ 25 % des effectifs des ENSA. La perte de recettes correspondante devrait être neutralisée. Cette mesure, déjà appliquée par le MESR, doit être prise sans délai et doit faire l’objet d’une ligne distincte dans la subvention pour charges de service public versée aux ENSA.

Selon les premiers éléments recueillis auprès du ministère de la culture par le rapporteur spécial, la dépense correspondante représenterait entre 1,5 et 2 millions d’euros par an.

ii.   Mettre fin au gel des droits d’inscription

Les droits d’inscription dans l’ensemble de l’enseignement supérieur (y compris l’ESC) sont gelés depuis 2019 alors qu’en principe leur montant devrait être indexé chaque année sur l’indice national des prix à la consommation hors tabac. L’absence de revalorisation de ces droits pénalise particulièrement les ENSA dont les droits d’inscription sont plus faibles que ceux observés dans le reste de l’ESC, dans les écoles publiques d’ingénieurs et dans les établissements d’enseignement de l’architecture à l’étranger.

Le rapporteur spécial est favorable à une revalorisation, au moins partielle de ces droits dès la rentrée 2023.

iii.   Instituer des droits d’inscription différenciés en direction de certains étudiants extracommunautaires

Les droits d’inscription dans les ENSA ne prévoient aucune modulation selon la nationalité après que l’administration centrale du ministère de la culture a renoncé à l’application de droits différenciés pour éviter un débat trop vif dans les ENSA.

Sur ce point, le ministère de la culture se distingue du MESR, du ministère chargé de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et du ministère de la transition écologique de la cohésion des territoires qui autorisent tous l’application de montants différenciés ([156]).

Le rapporteur spécial est favorable à ce que le ministère de la culture rejoigne, enfin, le droit commun en instituant dès la rentrée 2023 des droits différenciés en direction de certains étudiants extracommunautaires. Il souligne que cette mesure est susceptible de s’appliquer à un nombre non négligeable d’étudiants. Ainsi, selon les informations communiquées par le département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation du ministère de la culture, les dix premières nationalités étrangères présentes dans les ENSA en 2020/2021 étaient les suivantes.

dix premiÈres nationalitÉs ÉTRANGÈres prÉsentes dans les ENSA en 2020/2021

MAROC

486

ALGÉRIE

258

LIBAN

150

CORÉE (RÉPUBLIQUE DE)

135

MAURICE

135

TUNISIE

123

ITALIE

111

CHINE

105

VIET NAM

90

BRÉSIL

77

Source : ministère de la culture. Enquête SISE Inscriptions 2020/2021, SIES-MESRI/DEPS-ministère de la culture, 2023.

Parmi les dix premières nationalités étrangères présentes dans les ENSA, une seule concerne un pays de l’Union européenne (l’Italie). Les 9 autres nationalités, qui, en 2020-2021, représentaient 1 559 étudiants, seraient donc susceptibles d’être assujetties à ses droits différenciés. Si, parmi ces ressortissants, certains pourraient, au vu de leur situation sociale, être exonérés légitimement de droits différenciés, la plupart pourraient les acquitter.

La somme en jeu est non négligeable puisque, dans les établissements d’enseignement supérieur placés sous la tutelle du MESR, les droits différenciés réglés par un étudiant extra-communautaire peuvent être 15 fois supérieurs à ceux réglés par un étudiant français ou européen.

b.   Poser un cadre favorable au développement de l’alternance et de la formation continue

i.   Poser un cadre favorable au développement de l’alternance

À l’heure actuelle, moins d’une ENSA sur 6 permet à ses étudiants de suivre une partie des études par la voie de l’alternance alors que cette modalité intéresse les étudiants, les professionnels et présente un intérêt financier certain pour les écoles.

Le rapporteur spécial est favorable au développement massif de l’alternance dans les ENSA en fléchant à cet effet une partie des créations d’emplois administratifs. Sur ce point, il regrette que le ministère n’ait pas retenu la recommandation n° 22 formulée par le rapport IGAC - IGÉSR précité qui préconisait d’élargir, dès la rentrée 2022, l’expérience d’une formation en alternance à au moins trois écoles en région (hors Île-de-France) sur la base du volontariat puis d’établir en 2023 un bilan complet de l’expérimentation menée à l’ENSA Paris-Est, en vue d’un développement de l’alternance dans toutes les ENSA dès l’année universitaire suivante ([157]).

Le rapporteur spécial invite également le ministère de la culture à étendre à l’HMONP la possibilité de recourir à l’alternance. Précédemment ouverte à la voie de l’alternance, cette habilitation n’est plus financée par les opérateurs de compétences depuis deux ans.

ii.   Poser un cadre favorable au développement de la formation continue

À l’heure actuelle, (hors HMONP) moins d’une ENSA sur 3 propose des actions de formation continue diplômante et un nombre inconnu de stagiaires suit des formations continues non diplômantes dans les écoles d’architecture. Le développement de ces formations, qui représente un réel intérêt financier pour les ENSA, se heurte à un cadre réglementaire défavorable ne permettant pas aux enseignants-chercheurs d’effectuer des heures complémentaires ce qui contraint les écoles à différentes circonvolutions pour permettre à ces personnels d’exercer cette compétence. Cette situation est d’autant moins satisfaisante qu’elle contribue à expliquer l’ineffectivité partielle des obligations de formation continue des architectes.

Le ministère de la culture est conscient de cet enjeu et devrait supprimer en 2023 le verrou réglementaire interdisant aux enseignants-chercheurs d’effectuer des heures complémentaires. Le décret n° 2018-105 du 15 février 2018 devrait être modifié en ce sens et un arrêté spécifique devrait être publié.

En complément de cette mesure utile, le rapporteur spécial appelle à flécher une partie des créations d’emplois administratifs vers le développement de la formation continue.

c.   Relever le produit de la CVEC reversé aux ENSA

Les ENSA bénéficient, comme d’autres établissements, d’un reversement du produit de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) à hauteur de 21 euros en formation initiale contre un reversement de 43 euros par étudiant inscrit effectué en faveur des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel relevant du MESR et des établissements publics administratifs d’enseignement supérieur relevant de ce même ministère. Parmi les ENSA auditionnées, seule l’ENSA de Grenoble bénéficie de conditions plus favorables liées à sa participation à l’EPE Université Grenoble Alpes.

Initialement justifiée par la suppression de taxes propres aux étudiants de l’enseignement supérieur, l’ampleur de cet écart de reversement du produit de la CEVC, ne se justifie plus. Un comblement, au moins partiel, de cet écart est souhaitable et contribuerait au développement des ressources propres des ENSA.

d.   Encourager les coopérations avec le monde de l’entreprise

La permanence, dans certaines ENSA, d’une réticence culturelle à coopérer avec le monde de l’entreprise n’a plus lieu d’être. Loin de l’attitude de la Conférence des grandes écoles qui observe que « depuis une dizaine d’années, les démarches de fundraising se multiplient dans l’enseignement supérieur » ([158]), des ENSA hésitent encore à envisager des coopérations renforcées avec le monde de l’entreprise alors même qu’une part non négligeable de leurs diplômés travailleront comme salariés dans des sociétés de construction ou de promotion immobilière.

Le développement du recours au mécénat, sous la forme par exemple de la constitution d’un club de mécènes, et des autres actions partenariales avec des entreprises publiques comme privées doivent constituer un axe fort de la politique de diversification et de relèvement des ressources propres des ENSA et, en complément, le ministère de la culture devrait poursuivre le développement en cours des chaires d’enseignement et de recherche.

e.   Prévoir un bonus financier pour les ENSA atteignant l’objectif de ressources propres fixé par la tutelle

Le rapporteur spécial est favorable à ce que la tutelle détermine un objectif indicatif et incitatif de progression des ressources propres pour chaque ENSA en tenant compte des spécificités liées aux territoires dans lesquels sont implantées les écoles.

L’hétérogénéité actuelle des taux de ressources propres, qui vont, selon le ministère, de 4 à 26 % des recettes totales, n’est pas acceptable. Un objectif de développement de ces ressources propres doit être assigné à chaque établissement et le ministère de la culture doit prévoir une majoration financière (un « bonus ») lorsque cet objectif est atteint.

De manière certaine, le développement des ressources propres des ENSA doit constituer un axe majeur de la rénovation du modèle financier des écoles. Si la remise à niveau des ENSA doit s’appuyer sur l’État, elle ne doit pas uniquement reposer sur celui-ci.

2.   Renforcer l’implication des collectivités territoriales en encourageant les collectivités territoriales à devenir propriétaire des locaux des ENSA

Les collectivités territoriales apportent des financements notables mais imparfaitement connus aux ENSA au moyen notamment des contrats de plan État région (cf. supra) et des coopérations conclues dans les territoires.

Une association accrue des collectivités territoriales à la remise à niveau des ENSA pourrait prendre la forme d’un financement des locaux des écoles. À l’heure actuelle, selon les données transmises par le ministère de la culture, sur les 71 bâtiments utilisés par les ENSA, seuls 2 appartiennent à des collectivités territoriales. À Rouen, l’ENSA de Normandie utilise un local du département de la Seine-Maritime et à La Réunion la ville du Port met à disposition le bâtiment de l’antenne de l’ENSA de Montpellier. Selon le ministère de la culture, cette situation est plus le fruit de l’histoire que le résultat d’une doctrine particulière.

Moins de 3 % des locaux des ENSA appartiennent donc à des collectivités territoriales alors que, selon un récent rapport de la Cour des comptes sur l’immobilier universitaire, les collectivités territoriales sont propriétaires de 12 % de l’immobilier universitaire ([159]). Dans certaines universités, les collectivités territoriales sont propriétaires de surfaces importantes. Ainsi, à Lyon, 37,5 % des biens occupés par l’Université Lyon II Lumière appartiennent aux collectivités territoriales.

Ce cas de figure pourrait être appliqué aux ENSA. D’ores et déjà, à Paris, l’école spéciale d’architecture occupe, pour un loyer modeste, un bâtiment de la ville. Cette situation devrait être encouragée notamment dans l’hypothèse où de nouvelles constructions seraient à prévoir dans les régions où aucune ENSA n’est aujourd’hui installée.

3.   Explorer des voies d’économies

La rénovation du modèle financier des ENSA pourrait également s’appuyer sur deux types d’économies s’appuyant sur l’ajustement des maquettes de formation et la mutualisation des moyens.

a.   Ajuster les maquettes de formation

Le rapporteur spécial n’a pas examiné dans ce rapport l’organisation de la scolarité dans les ENSA puisque ce sujet relève davantage de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale que de la commission des finances.

Il observe cependant que le rapport IGAC - IGÉSR formule une recommandation pédagogique ayant une incidence financière importante. Cette préconisation concerne les modalités de détermination horaire des maquettes de formation. À l’heure actuelle, et en application d’un arrêté du 20 juillet 2005, l’enseignement repose sur un volume de 4 200 heures en DEEA (dont 2 200 heures encadrées) et de 2 600 heures en DEA (dont 1 200 heures) encadrées ([160]).

Le rapport IGAC - IGÉSR considère qu’une majorité des maquettes de formation pédagogique des ENSA ne respecte pas cet arrêté en raison d’une sous-évaluation du volume horaire dédié au temps de travail non encadré. Ainsi « une grande majorité des stages ne sont pas valorisés en termes de crédits ECTS ([161]) ou ne le sont que partiellement. Les maquettes de formation ne mentionnent que le temps de présence sur les lieux de stage et pas le temps supplémentaire étudiant consacré à la rédaction du rapport de stage. D’autres éléments contenus dans la maquette pédagogique tels que le mémoire peuvent ne pas mentionner le temps de travail étudiant consacré à sa rédaction » ([162]).

La mission IGAC - IGÉSR préconise de réévaluer le volume des heures non encadrées et de réduire à due proportion le volume des heures encadrées.

Si elle était suivie, cette recommandation pédagogique libérerait du « temps enseignant » qui pourrait être affecté à d’autres tâches, comme l’accueil de stagiaires de la formation continue. L’économie induite par la rénovation des maquettes pédagogiques favoriserait le développement de nouvelles ressources.

b.   Favoriser la mutualisation des moyens entre les ENSA ou, plus encore, entre les ENSA et d’autres établissements publics d’enseignement supérieur

La mutualisation des moyens représente une importante voie d’économies et peut prendre la forme d’une mutualisation d’actions entre les ENSA ou entre les ENSA et d’autres établissements publics d’enseignement supérieur.

À l’heure actuelle, la mutualisation à visée financière d’actions entre les ENSA est embryonnaire. Le rapporteur spécial n’a eu connaissance que de coopérations très limitées. En Île-de-France, un poste a par exemple été récemment ouvert dans les ENSA pour mutualiser les actions en matière de formation continue. Le rapport IGAC - IGÉSR précité fait le même constat et a invité le ministère à « mettre à l’étude la mutualisation de certaines fonctions support des écoles (par exemple pour le traitement des contentieux, l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, voire l’offre de formation continue), et les procédures de recrutement, notamment au plan régional ou interrégional » ([163]).

La mutualisation d’actions à visée financière entre les ENSA et d’autres établissements publics d’enseignement supérieur est un peu plus développée. L’ENSA de Strasbourg a fait part de son intention de se rapprocher de la Fondation de l’université de Strasbourg pour mutualiser les actions de recherche de mécénat. Du fait de leur appartenance à des EPE, les ENSA de Grenoble, Lille, Nantes et Paris-Est bénéficient de moyens mutualisés plus importants (cf. supra).

Les EPE constituent un cadre propice aux mutualisations de moyens. L’étude du HCÉRES indique ainsi que la formation professionnelle continue dans les ENSA peut par exemple « trouver un élan grâce aux collaborations avec les universités ou les écoles d’ingénieurs qui ont des services dédiés à ce type d’ingénierie pédagogique et financière » ([164]). Lors son audition, M. Thierry Coulhon, président de cette autorité publique indépendante, a confirmé que la « mutualisation par pôle » (c’est-à-dire la mutualisation au sein de coopérations territoriales entre les ENSA et leur environnement universitaire proche) lui semblait plus pertinente que la mutualisation « par réseau » (c’est-à-dire entre les ENSA).

Le rapporteur spécial considère que les deux voies méritent d’être suivies en prêtant une attention particulière aux coopérations dans le cadre des EPE.

4.   Améliorer la lisibilité du financement des ENSA

En complément de ces différentes observations, le rapporteur spécial souligne la nécessité d’améliorer la lisibilité du financement des ENSA.

À l’heure actuelle, et comme cela a déjà été indiqué, les ENSA sont présentées dans les documents budgétaires soumis au Parlement sous la forme d’un opérateur et d’une ligne budgétaire uniques. Dans son rapport précité, l’IGAC recommande d’« identifier chaque ENSA dans les documents relatifs à la loi de finance du programme « transmission des savoirs et démocratisation de la culture », et [de] les faire figurer individuellement dans la liste des opérateurs financés par ce programme » ([165]).

Le rapporteur spécial partage cette recommandation et la complète en invitant également le ministère de la culture à isoler, dans les documents budgétaires, le montant de la compensation de l’exonération des frais d’inscription des étudiants boursiers dont il appelle la mise en œuvre.

 

 

 

 


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   CONCLUSION :
LES ENSA À LA CROISÉE DES CHEMINS

Clé de voûte de la formation en architecture, les ENSA ont vocation à former les professionnels qui, demain, participeront dans les territoires à la mise en œuvre de la transition écologique.

Ces établissements, dont le modèle se rapproche progressivement de l’enseignement supérieur « classique », peinent aujourd’hui à assurer de manière satisfaisante leurs missions. Imparfaitement soutenues par une tutelle déséquilibrée et défaillante, les ENSA bénéficient depuis trois ans d’un important plan de rattrapage immobilier et d’un effort substantiel en termes de ressources humaines. Ces avancées ont été confirmées par la loi des finances pour 2023 et par les récentes annonces de Mme la ministre de la culture. Ces mesures utiles n’ont cependant pas encore permis de rattraper un retard d’investissement à l’origine de la stabilisation des effectifs étudiants en architecture depuis 20 ans.

Un effort complémentaire en faveur des ENSA doit être réalisé afin d’assurer une indispensable remise à niveau qui, seule, permettra d’envisager dans de bonnes conditions un accroissement du nombre d’étudiants en architecture.

La solution aux difficultés rencontrées par les ENSA ne repose cependant pas uniquement sur des crédits budgétaires supplémentaires. D’un point de vue financier, un réel travail doit être effectué en matière de développement des ressources propres afin de rattraper notamment un important retard en matière d’alternance et de formation continue. L’implication, déjà significative, des collectivités territoriales mérite d’être soutenue. D’un point de vue structurel, les conditions d’exercice de la tutelle exercée par les ministères de la culture et de l’enseignement supérieur et de la recherche sur les ENSA méritent d’être rénovées plus fortement que cela n’a été fait jusqu’à présent. Le rapprochement avec l’enseignement supérieur doit être poursuivi, aussi bien - pour les établissements volontaires - en termes de transfert de la gestion des personnels, qu’en termes de renforcement des coopérations avec les universités au moyen notamment - comme le souligne le HCÉRES - de l’implication dans les établissements publics expérimentaux.

Le Gouvernement est conscient des difficultés rencontrées par les ENSA et a engagé un effort inédit en leur faveur. Les premières mesures prises doivent être confirmées et complétées pour permettre aux ENSA d’exercer pleinement leurs responsabilités dans la mise en œuvre de la transition écologique. Alors que les ENSA sont à la croisée des chemins, un cap doit être donné à ces écoles à l’occasion notamment de la relance annoncée de la stratégie nationale pour l’architecture.

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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion de 15 heures, le lundi 15 mai 2023, la commission des finances a entendu M. Alexandre Holroyd, rapporteur spécial des crédits des programmes 131 Création, 224 Soutien aux politiques du ministère de la Culture et 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, sur son rapport d’information relatif aux écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA), présenté en application de l’article 146, alinéa 3, du règlement de l’Assemblée nationale.

M. Alexandre Holroyd, rapporteur spécial. Depuis que je suis devenu rapporteur spécial de la mission culture à l’été 2022, la question des écoles nationales supérieures d’architecture (Ensa) a attiré mon attention. À l’automne, j’ai reçu une première fois des représentants de ces écoles et le 28 octobre, j’ai fait part dans l’hémicycle de mon intention de mener une évaluation poussée de ces établissements, qui sont cruciaux pour nos logements, notre avenir et notre transition écologique.

Comme plusieurs d’entre vous le savent, et tout particulièrement ceux dont la circonscription comporte une Ensa, ces écoles connaissent actuellement des turbulences nées d’un mouvement de contestation apparu au début de l’année au sein de l’Ensa de Rouen, qui s’est ensuite diffusé dans la quasi-totalité de ces établissements et qui dénonce un manque de moyens des Ensa. Ce mouvement social ne constitue pas une première puisqu’en 2020, déjà, des tensions en avaient affecté certains.

C’est donc dans ce contexte que j’ai décidé de me pencher plus en détail sur les Ensa et que, sur ma proposition, le président Éric Coquerel a sollicité le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) pour disposer d’une étude sur ce sujet. Je tiens ici à remercier chaleureusement le HCERES d’avoir accédé à ma demande et à saluer l’innovation que constitue cette demande. C’est en effet la première fois qu’est utilisée une disposition de la dernière modification de la LOLF portée par Éric Woerth et Laurent Saint-Martin, c’est-à-dire le fait pour la commission de demander à une autorité publique indépendante de participer à ses travaux d’évaluation.

Les Ensa sont les vingt écoles d’architecture publiques, qui rassemblent 20 000 étudiants et forment ainsi 95 % des étudiants en architecture sur notre territoire. En complément, un peu plus d’un millier de jeunes suivent des formations en architecture dans trois autres écoles françaises et un peu plus d’un autre millier sont formés à l’étranger.

D’un point de vue administratif, les Ensa sont placées sous la tutelle conjointe du ministère de la culture et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ce qui pose certains problèmes. À la suite de réformes entreprises en 2005 et en 2018, l’organisation des écoles d’architecture se rapproche de plus en plus de celle des établissements d’enseignement supérieur classiques mais des différences significatives demeurent. Par exemple, 70 % des personnels des écoles sont encore gérés par le ministère de la culture alors que dans les universités, ces personnels sont gérés par les facultés.

Le financement de ces écoles repose de manière prépondérante sur des crédits du ministère de la culture qui, en 2023, leur consacrera plus de 233 millions d’euros, dépenses de grands investissements incluses, ce qui représente un budget en croissance de 20 % par rapport aux crédits exécutés en 2022. La dépense moyenne par étudiant en Ensa est ainsi proche de 11 300 euros, contre 13 000 euros dans l’enseignement supérieur.

Le financement des Ensa par le ministère de la culture est complété à la marge par les concours d’autres ministères, les ressources propres des écoles et des crédits, pour le coup significatifs mais imparfaitement connus, des collectivités territoriales. Pendant mes travaux, je me suis longuement interrogé sur les ressources propres des Ensa : à l’heure actuelle, elles ne représentent, en moyenne, que 15 % des recettes des écoles, avec des écarts très marqués d’une école à l’autre, allant du simple au sextuple. Il y a là, selon moi, un vrai sujet.

Pourquoi ces ressources sont-elles si faibles ? Plusieurs raisons y concourent. La première tient à la faiblesse des droits d’inscription. Un étudiant en première année d’architecture paie 373 euros contre entre 438 et 500 euros dans les autres établissements de l’enseignement supérieur culture. La faiblesse des droits d’inscription résulte également de la curieuse décision du ministère de la culture de ne pas appliquer de droits d’inscription différenciés aux étudiants extracommunautaires, ce que tous les autres ministères ont fait.

La deuxième raison est liée au fait que les Ensa ont, malgré des injonctions répétées, trop peu investi le champ de l’alternance et de la formation continue, deux modalités de formation qui permettent de dégager des ressources propres significatives.

Une troisième explication tient à la réticence culturelle de plusieurs Ensa à se rapprocher du monde de l’entreprise via des actions partenariales, alors même que ce monde de l’entreprise, privée comme publique, absorbe une partie très significative des diplômés des Ensa. Vous l’avez compris, aujourd’hui, une question centrale se pose : les Ensa ont-elles les capacités financières et opérationnelles pour fonctionner correctement ? Mon constat est sans appel : non, elles ne les ont pas.

Des chantiers ont été engagés, notamment grâce à vous, Madame la ministre. Cependant, en dépit d’un effort important du ministère à leur égard, des faiblesses majeures affectent toujours les Ensa. Je souhaite saluer l’effort engagé depuis 2018. Il a tout d’abord concerné les ressources humaines. Depuis cinq ans, près de 115 enseignants contractuels ont été titularisés, et cette année, des revalorisations et alignements salariaux au bénéfice des enseignants et doctorants sont d’ores et déjà engagés.

Cet effort a également touché l’investissement courant des écoles et principalement l’investissement dans le parc immobilier. Depuis 2020, 88 millions d’euros d’investissements ont été réalisés. Les Ensa de Marseille, de Toulouse et de Versailles sont ainsi concernées. Dans son étude, le HCERES qualifie cet effort d’investissement de « remarquable ».

Cependant, des difficultés substantielles demeurent. J’en dénombre trois, auxquelles il convient de s’attaquer sans attendre. La première tient aux conditions d’exercice de la tutelle. La cotutelle exercée par le ministère de la culture et par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) ne fonctionne pas de manière satisfaisante. Alors que j’ai communiqué au MESR un questionnaire sur la gestion des Ensa, je n’ai toujours pas obtenu de réponse, malgré de nombreuses relances. Cela illustre l’inattention parfaitement évidente sur le terrain qu’il porte à ces écoles, dont il a pourtant la cotutelle.

Ensuite, il n’est pas normal que le ministère de la culture ne connaisse pas le ratio d’emplois administratifs nécessaires au bon fonctionnement d’une Ensa, ni le devenir des étudiants au-delà d’un horizon de trois ans après l’obtention de leur diplôme. Il n’est pas normal qu’il ne connaisse pas le détail des ressources propres des établissements et ignore le nombre de stagiaires en formation continue non diplômante dans ces établissements et qu’il ne réponde pas aux courriers et sollicitations que lui adressent des directeurs d’établissement.

Ensuite, comme le soulèvent les directeurs, les équipes enseignantes, les personnels et les étudiants, les moyens humains et immobiliers sont insuffisants. Les équipes administratives des Ensa sont trop peu nombreuses et le parc immobilier demeure également hétérogène. J’ai pu constater de mes yeux l’état de dégradation avancé des locaux de l’Ensa de Paris-La Villette. Des améliorations ont été apportées mais elles restent insuffisantes : des bâtiments pourtant livrés très récemment ne sont pas aux normes thermiques, je l’ai vu à Strasbourg. Madame la ministre, vous avez annoncé un plan d’urgence pour traiter les points les plus sensibles. C’est un début mais il faut aller beaucoup plus loin.

La troisième faiblesse des Ensa est d’ordre financier. Les subventions pour charges de service public versées aux écoles sont inégalement réparties et, contrairement à ce qui est pratiqué par le MESR, l’exonération des droits d’inscription accordée à certains étudiants n’est pas compensée aux établissements, ce qui est incompréhensible.

Ces multiples problématiques témoignent d’un regrettable manque antérieur d’attention aux Ensa qui, heureusement, semble en voie de correction. Il reste cependant encore un long chemin à accomplir. Pour y parvenir, il est désormais nécessaire de donner un cap clair aux Ensa. L’État doit non seulement contribuer à leur financement, mais aussi et surtout comprendre que la solution à leurs problèmes ne se résume pas dans une dotation supplémentaire. La définition de ce cap revient à l’État, en partenariat avec les écoles. Il doit poursuivre la remise à niveau du parc immobilier, compléter les effectifs administratifs et rénover les conditions d’exercice de la tutelle.

Mais tout ne doit pas venir de l’État. D’un point de vue financier, les Ensa doivent revoir leur modèle. Ces écoles doivent relever très sensiblement leurs ressources propres en mettant fin au gel des droits d’inscription et en instituant des droits d’inscription différenciés en direction des étudiants extracommunautaires. Les coopérations avec le monde de l’entreprise, privée comme publique, doivent également être menées.

Je crois aussi nécessaire d’encourager les collectivités territoriales à devenir propriétaire des locaux des Ensa. À l’heure actuelle, moins de 3 % des bâtiments des Ensa appartiennent à des collectivités territoriales quand 12 % de l’immobilier universitaire appartient à des collectivités territoriales. Il y a là une marge de manœuvre.

Enfin, des voies d’économies méritent d’être suivies, notamment dans le cadre des établissements publics expérimentaux (EPE). Aujourd’hui, quatre Ensa font partie d’EPE. Mutualisation des moyens, dégagement de nouvelles ressources ou encore mise à disposition de personnels : le bilan de ces participations répond aux problématiques auxquelles les Ensa sont confrontées. La voie des EPE doit donc être approfondie.

Je terminerai en disant qu’à mon sens, les Ensa sont à la croisée des chemins. Avec l’appui de l’État conditionné à des efforts menés par les écoles, ces dernières continueront à former les bâtisseurs et rénovateurs de nos bâtiments, qui sont plus que jamais essentiels. C’est la raison pour laquelle je déposerai une proposition de résolution visant à appuyer ces conclusions. Enfin, je tiens ici, Monsieur le président, à remercier devant cette commission Laurent Delrieu, administrateur et Aurore Denimal qui m’ont accompagné au cours de ces travaux.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Je vous remercie du travail que vous avez entamé sur ce chantier, qui est effectivement très important à mes yeux. Les 20 000 étudiants en architecture représentent un vivier incroyable pour traiter les enjeux de transition écologique, mais aussi pour repenser le logement, l’habitat, les espaces de travail ou nos paysages.

Ensuite, nous savons ce que les étudiants deviennent : dans les trois ans qui suivent la fin de leurs études, 85 % des diplômés deviennent architectes, soit un très bon taux d’insertion professionnelle.

Quand je suis arrivée, j’ai défendu dans mon premier budget une augmentation assez inédite des moyens alloués à l’enseignement de l’architecture (20 % supplémentaires). Cet effort est venu s’ajouter aux 57 millions d’euros du plan de relance investis dans la rénovation des écoles. Après les mobilisations des dernières semaines j’ai reçu les présidents de conseil d’administration, les directeurs des écoles et les représentants des étudiants ; mon cabinet a reçu le collectif « Ensa en lutte ».

À l’issue de ces concertations, j’ai débloqué une aide de 3 millions d’euros pour la vie étudiante, notamment consacrée aux projets pédagogiques. Ma collègue Sylvie Retailleau a quant à elle annoncé une mesure historique à destination des boursiers, qui concerne aussi les boursiers des écoles d’architecture : 5 000 étudiants pourront toucher 37 euros de plus chaque mois à la rentrée et 700 étudiants passeront un échelon de bourse supérieur.

Je me suis aussi engagée à prioriser les prochains travaux pour résoudre certaines situations problématiques sur les bâtiments dans certaines écoles. Nous avons également échangé sur la santé et le bien-être des étudiants dans leurs études, la lutte contre le phénomène de « charrette » et la formation-prévention des violences et harcèlements sexuels et sexistes (VHSS). J’ai ainsi demandé à rendre obligatoire la formation VHSS de tous les personnels enseignants et administratifs à partir de la rentrée.

Concernant les conditions d’emploi, nous avons augmenté de 113 euros la rémunération mensuelle nette des 690 enseignants contractuels au 1er janvier 2023. Dès la rentrée prochaine, les rémunérations des enseignants-chercheurs et des doctorants en architecture seront alignées sur celles de leurs homologues des universités. J’ai également obtenu cinq nouveaux postes d’enseignants-chercheurs créés dès cette année, ainsi que l’affectation de dix postes administratifs supplémentaires.

J’entends vos propos sur une meilleure évaluation du ratio d’emplois administratifs. En comptant les dix postes créés l’année dernière, le total se porte à vingt-cinq emplois, soit un poste par école, afin de répondre aux besoins urgents. Plus globalement, j’ai récemment nommé une nouvelle directrice de l’architecture, Hélène Fernandez. Au titre de ses missions, elle doit repenser la stratégie nationale pour l’architecture qui date de 2015 et qui a besoin d’être mise à jour, dans un cadre interministériel.

Ensuite, il y a en réalité très peu d’étudiants extracommunautaires : ils représentent 2,3 % des effectifs inscrits dans l’année scolaire 2022-2023. Je comprends le point de principe sur les droits d’inscription différenciés pour les étudiants extracommunautaires, mais toute hausse des droits nécessite en contrepartie une amélioration de l’offre étudiante, en matière de services, de restauration ou de sport. Cet enjeu doit donc se penser au regard ces paramètres.

Enfin, grâce à cette étude du HCERES, nous disposons d’un certain nombre de points d’inspiration, notamment les EPE. Il s’agit également de repenser le modèle de certaines écoles à l’aune de partenariats avec d’autres. De beaux chantiers sont donc devant nous pour prendre à bras-le-corps l’avenir de nos écoles d’architecture et de nos architectes.

M. le président Éric Coquerel. M. le rapporteur, vous posez un certain nombre de questions importantes dans votre rapport, notamment sur le numerus clausus, les moyens administratifs et le manque lisibilité pour certaines Ensa.

Dans les pistes de travail, vous envisagez de transférer aux Ensa volontaires la gestion de la masse salariale et des personnels relevant du ministère de la culture. Ceci reviendrait à accentuer l’autonomie des établissements. Pour ma part, je souhaite que les personnels relevant du ministère de la culture soient des personnels à statut, dont le revenu est décidé de manière nationale et non pas dans chaque établissement.

Ensuite, vous proposez dans votre rapport de « poursuivre et d’amplifier la rénovation des conditions d’exercice de la tutelle exercée par le ministère de la culture sur les Ensa en participant aux conseils d’administration des Ensa, en s’engageant dans la tutelle des EPE comprenant une Ensa ». Or il existe certains établissements publics dont les statuts varient grandement. Les Ensa ont quant à elles une tutelle mixte. Pourquoi existe-t-il une telle diversité, qui me semble inutilement compliquée ? Une tutelle unique du ministère de la culture ne serait-elle pas plus simple ?

En outre, dans votre rapport, vous suggérez de développer fortement les ressources propres en modifiant les droits d’inscription. S’agit-il selon vous de les augmenter ? Si tel est le cas, j’y suis très rétif, même si, comme vous l’indiquez, ces droits sont inférieurs à ceux que l’on rencontre dans l’enseignement supérieur. Vous souhaitez en outre que ces ressources propres soient augmentées « en encourageant les coopérations avec le monde de l’entreprise. » Les écoles d’architecture coopèrent certes déjà avec les entreprises, mais ne faut-il pas assurer une certaine indépendance des études par rapport à des considérations d’intérêts privés, qui n’ont pas à entrer en compte dans la formation ? N’existe-il pas là un risque ?

M. Denis Masséglia (RE). Je tiens à remercier M. le rapporteur pour la qualité de son travail et les propositions formulées. De même que le proverbe dit que les cordonniers sont les plus mal chaussés, j’ai le sentiment que les architectes sont les plus mal logés. Je remercie par ailleurs Mme la ministre pour sa politique, et notamment l’augmentation de 20 % des crédits en 2023.

Ensuite, j’ai cru comprendre que l’apprentissage n’était que peu présent aujourd’hui. Quelles sont les actions mises en œuvre pour accompagner les jeunes qui souhaitent suivre cette formation ? Celle-ci me semble répondre à un double besoin : celui des jeunes, mais également celui des entreprises.

Vous avez évoqué par ailleurs Mme Hélène Fernandez, la nouvelle directrice de l’architecture nommée au mois d’avril. Pouvez-vous revenir sur vos attentes à son égard ? Quelle est sa mission ?

Enfin, je tiens à terminer par le sujet de la rénovation. Quel est le financement prévu pour cette action ? Comment envisagez-vous la formation pour offrir les outils nécessaires à nos jeunes architectes et nous permettre d’accompagner la transition écologique dont nous avons fortement besoin ?

M. Luc Geismar (Dem). Je remercie M. le rapporteur d’avoir choisi ce thème. Les Ensa sont en grande souffrance en France, pour un certain nombre de raisons que vous avez partiellement évoquées. L’augmentation des crédits accordée en 2023 répond à un véritable besoin et a permis d’effectuer d’importants investissements dans l’immobilier. L’intégration des Ensa constituerait une excellente idée pour favoriser la mutualisation.

L’augmentation des ressources représente aussi un enjeu important et il serait judicieux de suivre le modèle des établissements sous tutelle unique du MESR, en augmentant substantiellement les frais d’inscription des étudiants ressortissants de l’Union européenne ou extracommunautaires.

Cependant, ce rapport ne parle pas suffisamment de la rémunération des enseignants contractuels. Les 690 enseignants contractuels T3 ont jusqu’à trente-cinq années d’ancienneté et ont pour la plupart un niveau BAC+5 ou équivalent. Or jusqu’au 31 décembre dernier, ils étaient rémunérés au Smic. Ils le sont aujourd’hui à 113 % du Smic, soit 1 578 euros nets pour un ETP. Le salaire plancher pour un maître de conférences en Ensa est quant à lui de 2 074 euros après un an de stage.

Selon l’arrêt du Conseil d’État du 28 juillet 1995, il appartient à l’administration de fixer la rémunération des agents contractuels en prenant en compte principalement la rémunération accordée aux titulaires. Dès lors, on peut estimer qu’il manque 500 euros par mois de rémunération aux enseignants contractuels. Quelles augmentations de rémunération prévoyez-vous ?

Enfin, vous semblerait-il intéressant de développer l’alternance dans les Ensa ? Par quels moyens ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Notre nouvelle directrice de l’architecture dispose de plusieurs missions dans sa feuille de route. Il s’agit d’actualiser la stratégie nationale de l’architecture et de manière plus urgente, de répondre à la crise des écoles en lançant les concertations et le dialogue nécessaires avec toutes les communautés. Elle doit également phaser les travaux prioritaires, comme la rénovation des bâtiments. Plusieurs chantiers sont déjà achevés, notamment à Paris Est, et d’autres sont en cours à Lille, Montpellier, en Normandie. De même, un nouveau bâtiment sera également inauguré en septembre à Marseille, mais des situations compliquées demeurent, en termes de restauration ou de relocalisation, comme à Paris-La Villette.

Ensuite, je tiens à évoquer le projet Archi-Folies à La Villette. Les écoles d’architecture ont ainsi été jumelées avec des fédérations sportives pour concevoir les pavillons vitrines de ces fédérations, qui seront installés à La Villette pendant les Jeux olympiques, dans une optique écoresponsable. Ces projets toucheront en outre le grand public.

La rémunération des contractuels a constitué une de mes priorités dans le budget 2023. Je rappelle que depuis le 1er janvier, la rémunération mensuelle nette des 690 enseignants contractuels a été augmentée de 113 euros minimum. En outre, je vous ai indiqué précédemment que les rémunérations des enseignants-chercheurs et des doctorants en architecture seront alignées sur celles de leurs homologues des universités.

Les établissements publics dépendant du ministère de la culture sont effectivement marqués par une grande variété de statuts. Il est important d’améliorer la double tutelle pour les Ensa. La nouvelle directrice de l’architecture devra aussi embarquer les autres ministères concernés chaque fois que cela sera nécessaire ; ainsi que fluidifier le dialogue entre les tutelles. Normalement, plus on est de fées penchées sur un berceau, mieux le bébé grandit et s’épanouit. Mais encore faut-il que l’ensemble des fées soient présentes et s’engagent.

M. Alexandre Holroyd, rapporteur spécial. Je souhaite reprendre un certain nombre d’éléments représentatifs du travail qu’il reste à accomplir. S’agissant de l’avenir professionnel des étudiants, nous avons, Mme la ministre, des statistiques différentes qui a priori proviennent pourtant de la même source. À ma connaissance, 45 % des étudiants deviennent architectes, c’est-à-dire qu’ils passent l’habilitation et s’inscrivent à l’ordre. Nous avons beaucoup moins de certitudes pour le reste des étudiants. Certains travaillent pour des collectivités territoriales, d’autres pour des groupes de BTP ou dans des cabinets d’architecture. La Caisse des dépôts mène précisément une étude pour connaître le devenir des étudiants après l’Ensa.

Je suis très surpris par le chiffre de 2,3 % d’étudiants extracommunautaires. En effet, il y a 15 % d’étudiants étrangers dans les Ensa et, sur les dix premières nationalités, une seule est européenne.

Par ailleurs, le rapport s’est attaché à la dimension budgétaire des Ensa et non à la question pédagogique, qui relève de la commission de la culture. Nous n’avons donc pas traité certains éléments essentiels que vous avez évoqués comme la charrette, le caractère des études ou la maquette pédagogique.

Le transfert des Ensa en T3-T2, c’est-à-dire le passage de centralisé à décentralisé, constitue une demande de la majorité des Ensa. Elles estiment ainsi qu’il est extrêmement difficile de gérer des petites équipes quand elles sont en partie décentralisées. La dimension d’une Ensa par rapport à une université se pose évidemment et nécessitera sans doute un accompagnement financier complémentaire.

Malgré tout, toutes les directions d’Ensa que j’ai rencontrées m’ont fait part de leur volonté d’être plus autonomes sur la manière dont elles organisent leurs équipes administratives. Cela suggère de suivre l’exemple du ministère de l’enseignement supérieur à la suite de la réforme de 2008, c’est-à-dire de passer des T3 vers les T2.

S’agissant de la tutelle unique, et pour reprendre la métaphore employée par Mme la ministre, je constate malheureusement que l’une des fées est absente. Dans le rapport, je propose donc d’en tirer les enseignements : la charge financière devrait passer au ministère de la culture et le MESR devrait se concentrer sur les questions pédagogiques.

Enfin, concernant les ressources propres, je propose effectivement que les Ensa effectuent à leur tour un effort, ce qui supposerait de dégeler les frais de scolarité, afin qu’ils se rapprochent de ceux que le ministère de la culture met en œuvre pour l’ensemble de ses autres établissements. Cette augmentation serait relativement modeste. En outre, d’autres ressources propres pourraient être développées à travers la formation et l’alternance. De manière très concrète, selon les termes de la loi, une fois qu’il est formé, un architecte doit faire 20 heures de formation annuelle. Il existe donc un vivier potentiel qui pourrait revenir aux Ensa, qui ont formé ces architectes. Naturellement, il est nécessaire de disposer de personnels administratifs pour gérer ces projets.

Il en va de même pour les partenariats avec les entreprises. Je pense notamment aux partenariats de recherche concernant les matériaux de construction d’avenir, d’autant plus que les entreprises peuvent apporter un concours financier sur la recherche, mais également fournir des laboratoires ou des outils essentiels pour les étudiants en architecture.

Le rapprochement avec les EPE offre potentiellement une capacité de répondre collectivement avec d’autres établissements partenaires à des projets de recherche pour engranger à nouveau des ressources propres. En résumé, il me semble qu’il existe des pistes qui, conjuguées entre elles, pourraient entraîner un rehaussement de ces écoles qui le méritent, au regard de leur importance stratégique pour notre avenir. Je pense évidemment à la transition écologique et la rénovation du bâtimentaire, qui nécessiteront des besoins considérables en architecture.

M. le président Éric Coquerel. J’interroge la commission afin qu’elle autorise la publication de ce rapport d’information sur la thématique d’évaluation du rapporteur spécial, ainsi que l’insertion en annexe au rapport de l’étude remise à la commission par le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur

La commission autorise, en application de l’article 146, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information de M. Alexandre Holroyd, rapporteur spécial.

 

 

 

 

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   ANNEXE 1 - ÉTUDE DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE LA RECHERCHE ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR