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N° 1323

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

sur l’évaluation des dispositifs d’ingénierie proposés aux collectivités territoriales ultramarines

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Christian BAPTISTE et Mme Karine LEBON,
rapporteurs spéciaux

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SOMMAIRE

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Pages

RECOMMANDATIONS des rapporteurs spÉciaux

INTRODUCTION

I. LE DÉCALAGE ENTRE DES ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L’ÉTAT À LA HAUSSE ET DES CONDITIONS AU NIVEAU LOCAL NON PROPICES À UNE CONSOMMATION DE MÊME NIVEAU

A. Depuis la loi relative à l’Égalité rÉelle outre-mer de 2017, une progression de l’engagement financier de l’État en outre-mer, en particulier en faveur de l’investissement public

B. SUr le programme conditions de vie outre-mer, des opÉrations rÉalisÉes par les collectivitÉs territoriales qui peinent À se concrÉtiser sur le terrain, en raison de difficultÉs d’ingÉnierie

1. L’exécution des dépenses d’intervention, nettement majoritaires, s’améliore malgré des fragilités persistantes

2. Le bilan des contrats de convergence et de transformation 2019-2022, dont certains crédits sont portés par le programme Conditions de vie outre-mer : la difficulté de consommer les crédits des CCT, dont certaines actions demandent une expertise poussée

C. un contexte de complexitÉ des opÉrations de financement public qui s’ajoute aux difficultÉs structurelles des collectivitÉs en ingÉniErie

II. une offre trÈs diversifiÉe d’aide À l’ingÉnierie, proposÉe par les services dÉconcentrÉs de l’État, la Direction gÉnÉrale des outre-mer et des opÉrateurs publics

A. Les moyens dÉployÉs par les services dÉconcentrÉs de l’État et le rÔle de coordination de la DGOM

1. En Guadeloupe, la cellule ingénierie du SGAR, préfiguration d’une agence guadeloupéenne d’ingénierie territoriale

2. La plateforme d’appui aux collectivités territoriales (PACT) en Guyane

3. Le rôle de coordination et d’animation de la direction générale aux outre-mer

B. l’AFD et Le dÉploiement du fonds outre-mer

1. Présentation générale

2. La mise en place du Fonds outre-mer, pour renforcer l’aide à l’assistance technique aux collectivités ultramarines

3. Un bilan encourageant mais une lenteur des décaissements

C. L’agence nationale de la cohÉsion des territoires

1. Une agence créée en 2019 qui propose à toutes les collectivités territoriales des expertises en ingénierie

2. L’ANCT et les outre-mer

D. L’expertise technique du Cerema

1. Présentation

2. Une demande croissante dans les territoires ultramarins

III. approfondir les dispositifs existants pour atteindre l’objectif de convergence et garantir un emploi efficient des deniers publics

A. amÉliorer la lisibilitÉ des dispositifs, aujourd’hui ÉclatÉs, gÉnÉraliser les plateformes

1. Un maquis de dispositifs difficilement compréhensible

2. Améliorer la connaissance des dispositifs

3. Généraliser les plateformes

a. Les succès des plateformes d’appui aux collectivités territoriales en place et le travail de préfiguration en Guadeloupe

b. L’impératif de prendre en compte les spécificités de chaque territoire

c. Un approfondissement du rôle clé des préfets et des services déconcentrés de l’État

B. favoriser une montÉe en compÉtences des agents

1. L’incontournable renforcement des compétences internes

2. Mieux faire connaître les ressources du Centre national de la fonction publique territoriale

C. consolider toute la chaÎne d’ingÉnierie et les dispositifs d’accompagnement sur le long terme

1. Renforcer l’aide en amont pour une véritable aide à la maîtrise d’ouvrage

2. Consolider toute la chaîne d’ingénierie, certains champs n’étant actuellement pas couverts

3. Généraliser une offre de plus long terme

a. Réfléchir à une extension du modèle mis en place dans le cadre des COROM (contrats de redressement en outre-mer)

b. Concrétiser la proposition de la direction générale des outre-mer de créer des plateformes d’ingénierie composées d’experts d’Expertise France

c. Saisir l’opportunité de la prochaine révision de l’accord-cadre d’appui à l’ingénierie de l’ANCT pour proposer un accompagnement de plus long terme

d. Prévoir dans les appels à projet une enveloppe budgétaire spécifique pour l’ingénierie de projet

4. Envisager l’intégration de dispositifs d’ingénierie aux prochains contrats de convergence et de transformation (CCT)

5. Réfléchir à un partenariat entre l’AFD et le Cerema pour l’utilisation du Fonds outre-mer

6. Mutualiser l’ingénierie dans les établissements publics de coopération intercommunale au cas par cas

TRAVAUX DE LA COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

 

 

 


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   RECOMMANDATIONS des rapporteurs spÉciaux

– Mettre en œuvre des mesures incitatives pour faciliter l’installation des agents publics dans les territoires ultra‑marins rencontrant des problèmes d’attractivité.

– Réfléchir à un dispositif particulier facilitant le retour des forces vives ultramarines dans leur territoire d’origine.

– Compléter l’article 159 de la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique, pour permettre au Cerema d’élargir ses activités aux territoires de l’article 74 de la Constitution.

– Flécher une partie des moyens financiers et humains en faveur de l’ingénierie vers le Cerema.

– À l’issue du travail de recensement des dispositifs d’aide en ingénierie par l’ANCT, devant compléter le site « Aides Territoires », prévoir des actions de communication à l’attention des collectivités territoriales et intégrer aux formations des élus et des personnels un module spécifique d’utilisation des ressources du site internet.

– Réfléchir aux moyens de compléter l’offre du site « Aides Territoires » par des fonctionnalités permettant aux collectivités territoriales de suivre leurs financements publics.

– Généraliser les plateformes d’ingénierie d’appui aux collectivités territoriales, sur le modèle de celles mises en place en Guyane et à Mayotte, tout en respectant les particularités des territoires, en les dotant des moyens humains et financiers correspondants. Proposer dans un second temps une offre de guichet unique pour les collectivités territoriales.

– Autoriser et prévoir le financement du recrutement par Expertise France d’experts pour des missions longues d’accompagnement et de formation des personnels des collectivités territoriales.

– Encourager le recours aux programmes du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), dont l’offre de formation recouvre notamment des dispositifs sur-mesure conçus avec les collectivités territoriales.

– Compte tenu du caractère technique des dossiers à soumettre pour obtenir une aide à la maîtrise d’ouvrage, approfondir l’aide à l’ingénierie en amont, pour aider à concevoir et finaliser le projet d’un point de vue technique et opérationnel.

– À l’occasion de la prochaine révision de l’accord-cadre d’appui à l’ingénierie de l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), prévoir un accompagnement en amont au-delà des phases d’études préalables et intégrer les phases de conception et de finalisation des projets, en coordination avec les autres dispositifs d’ingénierie publics.

– En concertation avec les collectivités territoriales, saisir l’opportunité de la préparation des prochains contrats de convergence et de transformation pour y intégrer une dimension ingénierie.

 

 


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   INTRODUCTION

Le déficit en ingénierie est une des difficultés récurrentes constatée dans les collectivités ultra‑marines, qui s’ajoute aux fragilités structurelles auxquelles elles sont exposées (éloignement, économies ultramarines peu perméables à leur environnement régional, cherté de la vie, rareté du foncier, forte vulnérabilité à la conjoncture économique mondiale, etc.)

Les rapporteurs spéciaux ont choisi d’en faire leur thème d’évaluation à l’occasion du printemps de l’évaluation de la commission des finances pour plusieurs raisons.

En premier lieu, si les territoires ultra-marins sont d’une grande diversité, le déficit en ingénierie, qu’on peut aussi définir comme un déficit en expertise juridique, technique ou financière, est malheureusement une difficulté partagée, quelles que soient les zones géographiques ou les caractéristiques territoriales.

En deuxième lieu, l’articulation des déficits en ingénierie avec les difficultés à engager et faire aboutir les projets, malgré les soutiens financiers de l’État, fait également de cette situation un sujet prioritaire. Pour la direction générale des outre-mer (DGOM), le déficit en capacités constitue l’origine principale des difficultés de gestion et de mise en œuvre des projets planifiés par les collectivités au sein de leur programmation pluriannuelle des investissements. Une meilleure capacité en ingénierie contribuerait à une meilleure exécution des crédits de l’État.

En dernier lieu, il est apparu indispensable aux rapporteurs spéciaux de proposer une évaluation des dispositifs déjà mis en œuvre par l’État, notamment sur la mission Outre-mer, pour répondre à ces difficultés.

Comme les élus ultramarins qu’ils ont auditionnés, les rapporteurs spéciaux estiment impératif de comprendre l’objectif de convergence posé par la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle outre-mer (EROM) comme une ambition de permettre aux collectivités ultra‑marines de pouvoir réaliser de la manière la plus autonome possible les projets d’infrastructure ou d’investissement qu’elles ont planifiés.

Le besoin de renforcement de l’aide en ingénierie fait consensus pour toutes les institutions auditionnées. Les auditions menées par les rapporteurs spéciaux les conduisent à formuler une douzaine de recommandations. Mieux coordonner et approfondir des aides relatives à l’ingénierie au caractère multiple est aujourd’hui indispensable.

Les rapporteurs spéciaux tiennent à souligner que l’aide apportée par des opérateurs ou les services déconcentrés de l’État ne doit en aucun cas entraver la libre administration des collectivités territoriales et se substituer à la capacité décisionnaire des collectivités. Les associations de maires auditionnées ont indiqué aux rapporteurs spéciaux que la frontière est parfois ténue.

Les rapporteurs spéciaux ont choisi de concentrer leurs auditions sur les zones territoriales suivantes : la Guadeloupe, la Guyane, La Réunion et Mayotte, tandis que les établissements publics de l’État auditionnés (AFD, ANCT, Cerema, CNFPT) ont présenté l’ensemble de leurs actions.

 


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I.   LE DÉCALAGE ENTRE DES ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L’ÉTAT À LA HAUSSE ET DES CONDITIONS AU NIVEAU LOCAL NON PROPICES À UNE CONSOMMATION DE MÊME NIVEAU

A.   Depuis la loi relative à l’Égalité rÉelle outre-mer de 2017, une progression de l’engagement financier de l’État en outre-mer, en particulier en faveur de l’investissement public

Le renforcement de l’engagement de l’État en faveur des outre-mer, dans la continuité notamment de la loi relative à l’égalité réelle outre-mer (EROM) du 28 février 2017, et dans un objectif de convergence des territoires ultramarins avec les départements hexagonaux, s’est traduit au cours des dernières années par un appui renforcé aux dépenses d’investissement des collectivités ultra-marines.

Cet effort a notamment été porté par les contrats de convergence et de transformation (dont les crédits sont portés par plusieurs missions du budget de l’État), mais aussi par des plans de développement propres à certaines collectivités (Guyane, Mayotte).

Les rapporteurs spéciaux constatent également qu’au sens du document de politique transversale (DPT) pour les outre-mer :

– l’effort moyen par habitant, dans les territoires ultra-marins, est passé de près de 6 800 euros en 2019 à un objectif prévisionnel de près de 7 800 euros en 2023 ; l’effort budgétaire en faveur des outre-mer pour 2023 est évalué à 20,1 milliards d’euros en AE et 21,7 milliards d’euros en CP, tandis que la LFI 2018 avait autorisé 16,35 milliards d’euros en AE et en CP pour les outre‑mer ([1]) ;

– en 2022, le budget global (dépenses budgétaires et dépenses fiscales) soutenant les politiques publiques ultramarines s’est élevé à 28,5 milliards d’euros, en progression de 4,4 % par rapport à 2021.

 entre 2018 et 2022 ([2]), les dépenses d’intervention ont progressé de 25 % en CP, passant de 8,49 millions d’euros à 10,6 millions d’euros. Tous titres confondus, il s’agit de la progression numérique et relative la plus importante. D’après les informations du DPT pour 2022, plus de la moitié des dépenses budgétaires globales de l’État en faveur des outre-mer étaient alors des dépenses d’intervention, particulièrement consacrées à l’investissement public des collectivités territoriales, les contrats de convergence et de transformation en étant un support.

Ces dépenses d’intervention, outre leur fréquent caractère pluriannuel, se traduisent le plus souvent sur le terrain par des cofinancements entre l’État, la collectivité territoriale ou d’autres partenaires ou opérateurs, et donnent dans tous les cas un rôle essentiel aux collectivités dans l’exécution des crédits.

B.   SUr le programme conditions de vie outre-mer, des opÉrations rÉalisÉes par les collectivitÉs territoriales qui peinent À se concrÉtiser sur le terrain, en raison de difficultÉs d’ingÉnierie

Les rapporteurs spéciaux constatent avec regret, comme la Cour des comptes, que « cet engagement financier important (…) peine à se concrétiser sur le terrain », ce qui, pour la Cour, est un motif pour renforcer « le développement d’un appui à l’ingénierie locale permettant de garantir la bonne exécution des crédits alloués. » ([3])

Pour la DGOM, « le manque d’ingénierie des collectivités ultra‑marines est unanimement constaté et considéré comme une des origines de la sous-consommation régulière et massive des crédits, nationaux comme européens, mis à disposition des territoires, et, par voie de conséquence de la persistance de leur retard de développement. » ([4]).

Ce manque se constate dans l’exécution des crédits du programme et dans l’accumulation des restes à payer.

1.   L’exécution des dépenses d’intervention, nettement majoritaires, s’améliore malgré des fragilités persistantes

Les rapporteurs spéciaux constatent que les dépenses d’intervention représentent traditionnellement la majorité des crédits du programme Conditions de vie outre-mer, soit en 2022 97,1 % des crédits de paiement exécutés du programme, et 98 % de ceux votés en LFI 2023.

Toutes les actions du programme présentent une part majoritaire de dépenses d’intervention, qu’il s’agisse de l’action 1 Logement dite ligne budgétaire unique (logement), de l’action 2 Aménagement du territoire qui porte les crédits des contrats de convergence et de transformation, de l’action 3 Continuité territoriale qui porte les dépenses d’intervention de l’Agence de l’outre-mer pour les mobilités (LADOM), ou encore de l’action 6 Collectivités territoriales, dont les crédits financent la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane et des moyens en faveur de la sécurité civile. Le poids des dépenses d’intervention signifie que l’exécution du programme 123 dépend de la capacité des intervenants à dépenser, car les services de l’État ne « dépensent pas directement » l’argent.

Les tableaux ci-dessous confirment :

– le poids des dépenses d’intervention par rapport aux autres dépenses ;

– la part prépondérante, dans toutes les actions du programme, des dépenses d’intervention par rapport aux autres dépenses ;

– le poids significatif des transferts aux collectivités territoriales par rapport aux transferts en faveur des ménages et des entreprises.

programme condition de vie outre-mer - PrÉsentation par titre et catÉgorie des crÉdits consommÉs

Titre et catégorie

AE

CP

Consommées
en 2021

Consommées
en 2022

Consommées
en 2021

Consommées
en 2022

Titre 3 dépenses de fonctionnement

13 659 832

10 043 075

12 448 374

10 826 740

Titre 5 dépenses d’investissement

2 235 460

4 955 797

11 525 548

8 603 053

Titre 6 dépenses d’intervention

875 052 877

768 100 085

674 962 014

660 866 522

Dont transferts aux ménages

40 684 779

47 431 048

40 076 763

56 786 807

Dont transferts aux entreprises

167 054 052

173 450 966

133 344 097

164 142 561

Dont transferts aux collectivités territoriales

631 226 487

490 596 226

474 964 531

394 123 048

Dont transferts aux autres collectivités

36 087 559

56 621 845

26 576 623

45 814 106

Total

890 948 169

783 098 958

698 935 936

680 296 315

Rapport titre 6/total (en %)

98,2

98,1

96,6

97

Source : RAP Outre-mer 2023 et calculs commission des finances.

programme condition de vie outre-mer rÉpartition par action et
par titre des crÉdits de paiement

(consommation 2022)

 

Titre 3

Dépenses de fonctionnement

Titre 5

Dépenses d’investissement

Titre 6

Dépenses d’intervention

Total

Rapport

Titre 6/total en %

1-Logement

3 187 090

 

171 355 339

174 524 429

98,18

2- Aménagement du territoire

6 312 664

8 526 235

162 653 035

177 491 933

91,64

3- Continuité territoriale

80 841

 

39 774 877

39 855 718

99,80

4- Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport

158 759

 

19 350 811

19 509 570

99,19

6-Collectivités territoriales

1 042 420

76 819

175 179 257

176 298 495

99,37

7-Insertion économique et coopération régionale

44 966

 

480 545

525 511

91,44

8-Fonds exceptionnel d’investissement

 

 

64 107 102

64 107 102

100

Source : RAP Outre-mer 2023 et calculs commission des finances.

Deux faits marquants de l’exécution du programme Conditions de vie outremer traduisent les difficultés pour les dépenses d’intervention à se transformer en dépenses d’investissement et ainsi à donner lieu à des réalisations :

– le programme Conditions de vie outre-mer fait fréquemment l’objet de difficultés d’exécution budgétaires, par exemple à l’action 1 Logement, traduisant notamment des difficultés quant à la traduction de ces dépenses d’intervention sur le terrain. Comme l’indique le rapport d’exécution budgétaire pour 2022, « le rythme de consommation des CP [de l’action 1] est structurellement tributaire de l’avancement [des chantiers] et de la gestion administrative des maîtrises d’ouvrage concernés », à savoir les collectivités territoriales le plus souvent.

Les rapporteurs spéciaux reconnaissent une amélioration de l’exécution budgétaire en 2021 et 2022, même si cette amélioration est aussi le fait d’ajustements en gestion (transferts, annulations, etc.). Pour l’action 1, l’exécution en 2022 des crédits de paiement (174,55 millions d’euros) représentait 87 % du volume des crédits ouverts en LFI « soit un taux supérieur aux exercices précédents. »

– Le niveau des restes à payer (RAP) du programme Conditions de vie outre-mer a atteint un niveau que les rapporteurs spéciaux considèrent comme inquiétant. Ils concentrent plus de 97,6 % des RAP de la mission Outre-mer, le montant des RAP du programme atteignant 2 milliards d’euros. Ces RAP représentent la somme des engagements juridiques qui pourraient ne pas se traduire par une réalisation et donc par des CP.

Pour la Cour des comptes, le volume des RAP « interroge la soutenabilité budgétaire de la mission » ([5]), car ils représentent juridiquement une dette pour l’État, qui se matérialise le jour où ils doivent être effectivement payés et faire en conséquence l’objet de l’engagement de CP.

Comme l’indiquait la DGOM en 2022 aux rapporteurs spéciaux ([6]), « les restes à payer correspondent aux montants des engagements juridiques effectués sur l’ensemble des exercices passés ou en cours et non encore couverts par des mandatements. Ils constituent donc, en première approche, une forme de dette pour l’État, dans la mesure où les engagements ont, par principe, vocation à se traduire par des réalisations concrètes conduisant à des paiements en CP. » La DGOM ajoute que « les projets financés par le programme sont en très grande majorité pluriannuels ; les clés de paiement s’échelonnent en moyenne sur quatre à dix ans, ce qui engendre mécaniquement près de 500 millions d’euros de nouveaux restes à payer par an, c’est-à-dire des engagements nouveaux sans aucune liquidation (environ 70 % des engagements budgétaires de l’année ne donnent lieu à aucun paiement l’année considérée). »

En 2023, la DGOM, les préfectures et les services déconcentrés de l’État continuent le processus d’apurement ou de « nettoyage » des engagements juridiques ayant perdu leur actualité ou leur raison d’être.

Les rapporteurs spéciaux remarquent que les RAP :

– traduisent notamment une insuffisante suppression périodique des engagements juridiques, qui n’aboutiront jamais à un paiement, et des cas de réorientations par les collectivités territoriales de leurs priorités, ou de projets d’investissement devenant caducs ;

– expriment également, comme le leur ont confirmé différentes personnes auditionnées, des difficultés de mobilisation de l’ingénierie par les collectivités qui se traduisent par l’échec de certains projets. Certains services déconcentrés de l’État leur ont rapporté des cas fréquents de non-remise des éléments faisant état de la bonne réception de l’ouvrage, contrairement à ce que prévoient les conventions émises entre l’État et les porteurs de projets (factures, procès-verbaux), ce qui conduit au non-versement des sommes prévues et à une clôture de l’opération à un stade avancé.

2.   Le bilan des contrats de convergence et de transformation 2019-2022, dont certains crédits sont portés par le programme Conditions de vie outre-mer : la difficulté de consommer les crédits des CCT, dont certaines actions demandent une expertise poussée

Les plans de convergence propres à chaque territoire ultramarin ont été prévus par l’article 9 de la loi n° 2017‑256 de programmation relative à l’égalité réelle dans les outre-mer du 28 février 2017, dite loi « EROM ». Ils définissent une stratégie de long terme de convergence adaptée à chaque territoire en vue de réduire les écarts de développement avec l’Hexagone. Ils ont été déclinés en contrats de convergence et de transformation (CCT), conclus entre les signataires des plans de convergence. Les premiers contrats ont été signés en 2019.

Les CCT sont formellement arrivés à leur terme le 31 décembre 2022, excepté en Polynésie française où l’actuel contrat couvre la période 2021‑2023. Des avenants ont été conclus pour l’année 2023.

Les rapporteurs spéciaux ont été alertés quant aux répercussions des difficultés des collectivités territoriales en ingénierie dans l’exécution des CCT, pour des raisons liées à la crise sanitaire, mais aussi pour des raisons de lacunes en ingénierie.

« Le taux d’avancement national des CCT (pour les crédits de l’État mis en place en autorisations d’engagement) fin 2021 [était] de 43 % en moyenne.

« Pour la fin 2022, sous réserve des éventuelles modifications de programmation dans le courant de l’année, il [était] prévu que le taux d’avancement national des CCT en AE soit de 61 % en moyenne. »

Source : DPT Outre-mer 2023.

Les tableaux ci-dessous mettent en évidence les difficultés de consommation.

crÉdits des Contrats de convergence et de transformation du programme conditions de vie outre-mer

comparaison entre montant contractualisÉ et consommation

(au 31 décembre 2022)

Source : RAP Outre-mer 2023 – données consolidées au 31 décembre 2022.

suivi des crÉdits liÉs aux contrats de convergence et de transformation (toutes missions confondues)

(en milliers d’euros)

 

 

Exécution 2019

Exécution 2020

Exécution 2021

Prévisions d’exécution 2023

Somme 2019-2022

 

Montant contractualisé État initial*

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P123**

466,17

50

11

58

18,8

83,3

30

92

70

283

130

Total

1 904

296,7

133,3

302,7

158,6

419,7

239,7

593

384

1 612

915,4

Source : DPT Outre-mer 2023.

*montant contractuel inclus le CDT Polynésie française signé en 2021.

**exécution 2019 du programme 123 Conditions de vie outre-mer modifiée pour prendre en compte l’exécution de Saint-Martin.

– Les services de la préfecture de la Guyane ont signalé aux rapporteurs que « certaines actions inscrites au CCT [demandaient] une expertise poussée, [actions] pour lesquelles les collectivités maître d’ouvrage semblent sous-outillées : gestion des déchets, adduction d’eau et assainissement, érosion des berges et du trait de côte en sont des exemples. »

Les services de la préfecture signalent par ailleurs que « le montant des financements engagés indique l’effort de l’État et de l’Union européenne pour réaliser les projets, néanmoins le taux de réalisation en CP reste très faible sur ces thématiques, traduisant une difficulté à réaliser rapidement les investissements prévus. »

– En Guadeloupe, d’après les services de la préfecture, en janvier 2022, « l’État et le département [affichaient] les taux d’engagement [des crédits] les plus élevés (52,6 % et 46,4 % contre 32,08 % pour le conseil régional et 13,3 % pour les EPCI (chiffres au 10/01/2022). Même si le département affiche un taux correct, (…) le déficit en ingénierie territoriale obère grandement la bonne exécution du CCT2019­2021 », s’ajoutant à la crise sanitaire et à des « revendications sociales répétées » (« grèves des mairies, grèves liées aux revendications des personnels soignants suspendus et violent mouvement de novembre 2021 »).

Les personnes « en charge de l’instruction financière des dossiers de demande de subvention des projets CCT font régulièrement état du manque de faisabilité de certains projets liés aux facteurs suivants :

« – l’évaluation globale de l’opération n’est pas maîtrisée ;

« – l’absence de maîtrise du foncier ;

« – les aspects techniques sont mal évalués ;

« – des autorisations environnementales qui ne sont pas acquises. »

Source : services de la préfecture de Guadeloupe, réponse aux rapporteurs spéciaux.

C.   un contexte de complexitÉ des opÉrations de financement public qui s’ajoute aux difficultÉs structurelles des collectivitÉs en ingÉniErie

Pour les rapporteurs spéciaux, les difficultés de mise en œuvre de certaines actions des CCT sont un exemple des conséquences des disparités en termes d’ingénierie territoriale, qui se traduisent notamment par la sous-exécution des crédits alloués par l’État, et, selon certains services déconcentrés de l’État, par un manque de projets d’envergure sur le territoire.

Au-delà du programme Conditions de vie outre-mer, les élus ultramarins auditionnés par les rapporteurs spéciaux ont précisément insisté sur le fait que les interventions de l’État en faveur des collectivités territoriales se font de plus en plus à travers des appels à projets ; or, pour répondre à des appels à projets, puis pour accompagner jusqu’au bout le projet accepté, des capacités en ingénierie sont indispensables.

Pour la DGOM, « la complexité des montages financiers » est un des facteurs qui contraignent les collectivités territoriales dans la phase d’élaboration des projets. Les personnes auditionnées ont également signalé aux rapporteurs spéciaux combien la préparation d’une programmation pluriannuelle des investissements impose aux collectivités territoriales, qu’elles soient ultra-marines ou hexagonales, des conditions particulières et renforce le besoin en expertise.

Les services de la préfecture de Guyane résument ainsi le parcours qui devrait être suivi par tout projet d’investissement :

« La réussite des projets d’investissement repose sur une parfaite appréhension de l’ensemble des attributions suivantes :

« 1. s’assurer de la faisabilité et l’opportunité de lancer un projet d’investissement ;

« 2. déterminer la localisation précise de l’ouvrage (maîtrise foncière) ;

« 3. élaborer le programme (cahier des charges aux concepteurs) qui comporte les objectifs que l’opération doit permettre d’atteindre, les besoins que l’opération doit satisfaire ainsi que les contraintes du site et exigences de qualité ;

« 4. fixer l’enveloppe financière prévisionnelle (de manière précise et réaliste afin d’éviter les surcoûts) ;

« 5. financer l’opération ;

« 6. choisir le processus selon lequel l’ouvrage sera réalisé ;

« 7. conclure des marchés publics ayant pour objet les études et l’exécution des travaux de l’opération ;

« 8. [pour les] maîtres d’ouvrage, (…) conduire les travaux, en veillant à la bonne exécution contractuelle des marchés publics passés avec les intervenants et réceptionner les ouvrages.

« À chacune des étapes, et en particulier lorsqu’un projet est accompagné financièrement par l’État, la collectivité doit être en mesure de suivre les financements mobilisés, en mettant en relation dépenses et recettes, et de s’assurer que les actes administratifs (délibérations à prendre) sont en parfaite concordance avec le déroulement du projet. Le suivi financier des subventions mobilisées pour accompagner la réalisation des projets doit ainsi se faire de manière continue. »

Source : services de la préfecture de Guyane, réponse aux rapporteurs spéciaux.

La majorité des personnes auditionnées ont signalé aux rapporteurs spéciaux l’enjeu de la formation du personnel sur des compétences techniques (montage de dossiers de demandes de subvention quels qu’ils soient, commande publique, par exemple) qui font partie des « handicaps qui obèrent grandement la capacité des collectivités à conduire des projets et à consommer les enveloppes financières attribuées pour ceux-ci dans les délais impartis » ([7]).La question de la formation du personnel s’ajoute à un taux d’encadrement le plus souvent moins important que dans l’Hexagone.

Pour la Cour des comptes ([8]), « la plupart des collectivités territoriales ne disposent pas en interne des compétences suffisantes pour conduire l’ensemble des projets identifiés dans ces collectivités comme dans leurs propres plans pluriannuels d’investissement. » De plus, « l’accompagnement des collectivités souffre encore d’un manque de coordination, préjudiciable à la bonne conduite des projets. »

Les services de la préfecture de La Réunion rejoignent ce constat : « d’une manière générale, les collectivités font face à un déficit d’ingénierie, qu’elle soit technique, administrative ou financière. Cette situation trouve sa source dans les difficultés qu’éprouvent les collectivités à consolider en interne des compétences techniques et administratives pour assurer la bonne mise en œuvre de leurs prérogatives. »

Ce déficit d’ingénierie peut se traduire très concrètement par :

– des études amont des projets trop sommaires pouvant engendrer une sous-évaluation du coût de fonctionnement futur ou de la rentabilité de l’équipement mis en service ;

– des difficultés des collectivités à respecter les termes des conventions attributives de subventions (non-respect du calendrier, dépassement de délais pour solliciter les soldes, pièces justificatives non conformes…) ;

– l’apparition en cours de projet de contraintes techniques non anticipées au moment des études ;

– des défauts de suivi technique des projets lors de leur réalisation engendrant des non-conformités par rapport aux cahiers des charges préalablement définis (malfaçons),

– des carences dans les éléments d’aide à la décision proposés aux élus qui se retrouvent empêchés de prendre les décisions pertinentes pour leur territoire.

– des retards dans le versement des subventions et par voie de conséquence à l’augmentation du stock de restes à payer.

Source : services de la préfecture de La Réunion.

Pour l’ANCT, « de nombreuses collectivités ultra-marines pâtissent d’un manque de personnels de catégorie A, en mesure de les aider à formaliser leur projet, à caractériser un besoin d’accompagnement en ingénierie, à rédiger un cahier des charges le cas échéant, à définir une méthodologie d’intervention, puis à assurer le pilotage/suivi de l’intervention. »

Le Cerema a quant à lui signalé aux rapporteurs spéciaux « le déficit de compétences dans les petites collectivités » « pas uniquement d’un point de vue technique mais également dans le portage administratif des dossiers ». De plus, « les demandes des collectivités auprès du Cerema depuis son implantation à l’outre-mer ont clairement mis en évidence que les attentes vont au-delà de ses champs de compétences techniques à proprement parler. » D’après le Cerema, un certain nombre de collectivités « attendent des réponses intégrées incluant l’ingénierie financière, organisationnelle, administrative, voire réglementaire des dossiers ».

En complément de ces constats, les principales raisons avancées pour expliquer les difficultés relevées par les personnes et institutions auditionnées sont :

– le problème de l’attractivité géographique ;

– la question de la taille critique pour disposer d’une expertise suffisante ;

– le turn-over important constaté parmi le personnel, la faiblesse fréquente de l’encadrement en catégorie A et la fréquente surreprésentation des catégories B et C qui résulte elle-même de l’absence de certaines formations dans les territoires et des politiques antérieures de recrutement ;

– une certaine concurrence entre collectivités pour recruter les personnels disposant des profils adéquats, eu égard à la difficulté de recrutement sur certaines compétences sur les territoires ;

– les charges de personnel parfois déjà élevées qui limitent les marges de manœuvre pour des recrutements d’encadrement ;

– la préférence de certains agents territoriaux, pour des raisons personnelles, pour un maintien en poste plutôt que le suivi d’une formation et la présentation d’un concours pour monter en responsabilité ;

– la difficulté à se doter d’une vision prospective pour bâtir un projet de territoire pour préparer les investissements et projets futurs ;

– les difficultés financières de certaines collectivités territoriales ;

– l’offre parfois lacunaire et qualitativement insuffisante des cabinets en ingénierie privée (bureaux de conseil).

Les rapporteurs spéciaux sont également conscients des difficultés en termes de recrutements propres à Mayotte aussi bien dans les collectivités territoriales que pour les services déconcentrés de l’État, l’état actuel des infrastructures pouvant décourager certaines prises de poste (retard de construction d’infrastructures scolaires pouvant décourager des projets familiaux). Cette situation entretient des cas de « sous-effectif » administratif et freine par conséquent, dans un enchaînement négatif, le développement du territoire.

La DGOM a indiqué aux rapporteurs spéciaux réfléchir à un ensemble de mesures pour faciliter l’accueil d’agents publics, ce que les rapporteurs spéciaux appellent de leurs vœux.

Les rapporteurs spéciaux signalent à cet égard les incitations mises en place pour certaines professions à Mayotte (prime spécifique d’installation pour les enseignants représentant une année de salaire en échange d’une présence de quatre ans sur place, contrat d’aide à l’installation proposé aux masseurs-kinésithérapeutes d’un montant de 34 000 euros en échange d’une présence de cinq ans sur place ([9]) …)  Les rapporteurs spéciaux encouragent les collectivités, en particulier les régions, à déployer des dispositifs incitatifs.

Recommandation n° 1 : Mettre en œuvre des mesures incitatives pour faciliter l’installation des agents publics dans les territoires ultra-marins rencontrant des problèmes d’attractivité.

Pour répondre en partie aux difficultés de recrutement des collectivités territoriales, les rapporteurs spéciaux considèrent également comme prioritaire de réfléchir à un dispositif particulier facilitant le retour des Ultramarins, après une période d’études ou professionnelle dans l’Hexagone, dans leur territoire d’origine.

Recommandation n° 2 : Réfléchir à un dispositif particulier facilitant le retour des forces vives ultramarines dans leur territoire d’origine.

 


II.   une offre trÈs diversifiÉe d’aide À l’ingÉnierie, proposÉe par les services dÉconcentrÉs de l’État, la Direction gÉnÉrale des outre-mer et des opÉrateurs publics

Le constat des difficultés rencontrées par les collectivités territoriales ultramarines en termes d’expertise en ingénierie et de leurs conséquences sur la mobilisation des crédits publics n’est pas récent. Des dispositifs financés par l’État ont déjà vocation à proposer un appui aux collectivités, avec l’objectif de leur permettre de disposer « des capacités d’ingénierie nécessaires à la conduite de leurs projets et d’assurer, à terme, leur capacité à mener à bien et de manière autonome les projets financés conjointement par l’État et l’Union européenne » ([10]).

Les rapporteurs spéciaux ont eux-mêmes fait l’expérience du caractère protéiforme des dispositifs d’aide à l’ingénierie et de la difficulté parfois d’en saisir les différentes subtilités, faute à ce jour d’un répertoire global de tous les dispositifs. Le travail de cartographie actuellement réalisé par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) sera de ce point de vue précieux.

Les rapporteurs spéciaux ont choisi de concentrer leur analyse sur les principaux dispositifs : l’offre des services déconcentrés de l’État à La Réunion‑Mayotte, en Guadeloupe et en Guyane d’une part, et celle de l’Agence française de développement (AFD), de l’Agence nationale de la cohésion du territoire (ANCT) et du Cerema d’autre part.

A.   Les moyens dÉployÉs par les services dÉconcentrÉs de l’État et le rÔle de coordination de la DGOM

Des dispositifs spécifiques aux outre-mer sont portés par les services déconcentrés de l’État. D’après la DGOM, si les directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) ont longtemps exercé seules ce rôle, celui-ci est désormais partagé avec d’autres acteurs, le plus souvent rattachés au Secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR).

Deux territoires ont bénéficié de moyens privilégiés pour établir des plateformes d’appui aux collectivités territoriales : Mayotte (depuis 2019) et la Guyane (depuis 2020).

En 2022, la Cour des comptes recensait les structures suivantes :

– en Guadeloupe, une agence d’ingénierie en préfiguration ;

– en Martinique, un pôle d’ingénierie territoriale ;

– en Guyane, une plateforme d’appui aux collectivités territoriales depuis le 1er janvier 2020. En particulier, la Cour relevait que « sa mise en place a permis de relancer un certain nombre de projets que les collectivités ne parvenaient pas à faire aboutir seules (stade de football de Grand Santi, école à Saül). En complément de cet appui par la PACT, le Parc amazonien de Guyane a inauguré une cellule d’ingénierie aux communes de l’intérieur (CICIi), chargée d’accompagner les collectivités dans la réalisation de leurs projets, notamment en matière d’amélioration du cadre de vie et d’accès aux services de base » ;

– à Mayotte, une plateforme d’ingénierie territoriale ;

– à Saint-Pierre-et-Miquelon, un appui aux collectivités par la direction interministérielle des territoires, de l’alimentation et de la mer, placée sous l’autorité du préfet ;

– en Polynésie française, une direction de l’ingénierie publique, rattachée au haut-commissariat et assurant des missions d’ingénierie et d’expertise pour le compte de l’État, du gouvernement de Polynésie française, des communes et des établissements publics.

1.   En Guadeloupe, la cellule ingénierie du SGAR, préfiguration d’une agence guadeloupéenne d’ingénierie territoriale

D’après les informations données par les services de la préfecture de Guadeloupe, deux dispositifs d’ingénierie sont proposés aux collectivités territoriales, l’un par le SGAR, l’autre par la DEAL.

En Guadeloupe, les appuis proposés aux collectivités territoriales

par la DEAL et le SGAR

La DEAL propose un appui aux collectivités territoriales :

● en amont des projets qui donneront lieu à des procédures diverses d’instruction (icpe, autorisation environnementale…), en termes de cadrage et de conseil en procédures administratives, et ce auprès des maîtres d’ouvrage ou de leur bureau d’études. »

Pour les services de la préfecture, « il y a un réel besoin au regard de la complexité croissante des réglementations et un enjeu d’encourager les porteurs de projets à solliciter les services le plus à l’amont possible. » Cet appui se traduit par un guichet unique « énergies renouvelables » (EnR) et un groupe de travail spécifique « phase amont » au sein de la DEAL.

● pour l’impulsion, la définition et la mise en place de stratégies dans leurs domaines de compétences, par exemple pour les programmes locaux de l’habitat (PLH) ou la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI), pour aider à faire émerger les projets porteurs de développement territorial en accord avec les besoins identifiés.

Depuis avril 2022, la nouvelle cellule ingénierie du SGAR au sein de laquelle travaillent deux chargées de mission vise les objectifs suivants :

● renforcer l’offre d’appui technique en accompagnant les acteurs locaux guadeloupéens dans la bonne exécution des dépenses des fonds et dotations issus des dispositifs de l’État à destination des collectivités territoriales ;

● accompagner les collectivités à penser et à monter des projets vertueux tenant compte de leurs spécificités et moyens afin de construire des projets qui profitent à tous, sur la durée. Pour cela, elle s’inscrit dans une logique stratégique de « petits pas » destinée à apporter des solutions concrètes à des blocages identifiés en sollicitant l’expertise des chargés de mission du SGAR et la mutualisation des services et opérateurs de l’État. »

Source : services de la préfecture de Guadeloupe, DGOM, réponses aux rapporteurs spéciaux.

Les offres d’ingénierie de la DEAL et du SGAR cherchent toutes deux :

– à accompagner les collectivités le plus en amont possible dans le montage des projets (en appuyant l’émergence de projets répondant à la stratégie territoriale, et en coordonnant l’offre d’ingénierie existante sur le territoire) ;

– à accompagner les collectivités dans le suivi de leurs projets financés par des dispositifs de l’État, dans un objectif d’augmentation des taux de consommation des crédits, « notamment dans le cadre des programmes nationaux Action cœur de ville (ACV), Petites villes de demain (PVD), Avenir Montagne et des contrats de relance écologique (CRTE) ([11]) et [des] financements de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), fonds vert et fonds exceptionnel d’investissement (FEI). »

« La cellule ingénierie du SGAR est une préfiguration d’une agence guadeloupéenne d’ingénierie territoriale, à terme celle-ci se propose d’être le guichet unique pour les porteurs de projets. »

Interrogés par les rapporteurs spéciaux sur le mode de relation avec les collectivités territoriales, les services de la préfecture ont présenté l’existence :

– de séances de travail et de comités de pilotage qui sont l’occasion d’un dialogue entre les co-financeurs, porteurs de projets, maîtres d’ouvrage et services déconcentrés de l’État (DEAL, AFD, banque des territoires, Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie - ADEME…) ;

– de fréquents échanges avec les élus « dans la formulation de leurs ambitions stratégiques afin de s’assurer que, d’une part, la maquette financière et technique du projet soit viable et réaliste et que, d’autre part, le résultat de ce travail réponde bien aux attentes et aux enjeux de la Guadeloupe ».

2.   La plateforme d’appui aux collectivités territoriales (PACT) en Guyane

La plateforme d’appui aux collectivités territoriales (PACT) a été créée dans le cadre de la nouvelle organisation des services de l’État et des préconisations du livre bleu des Outre-Mer en 2018. Composée initialement de trois agents (deux emplois de catégorie A et un emploi de catégorie B), des effectifs supplémentaires (deux emplois de catégorie B) ont été mis en place au niveau des sous-préfectures de Saint-Laurent du Maroni et Saint-Georges de l’Oyapock en 2022 ([12]).

La PACT tend à accompagner les collectivités territoriales dans chacune des étapes de la réalisation d’un projet d’investissement par la maîtrise d’ouvrage publique.

Les rapporteurs spéciaux remarquent avec grand intérêt la structuration de l’offre en ingénierie sous la forme d’un réseau d’appui opérationnel aux projets disponible tant au niveau de la préfecture que des sous-préfectures. En effet, « une instance de coordination de l’ingénierie territoriale et des financements a été mise en place sur le secteur Savane-Centre Littoral et dans l’arrondissement de Saint-Laurent, elle sera prochainement réunie pour l’arrondissement de Saint-Georges. »

3.   Le rôle de coordination et d’animation de la direction générale aux outre-mer

Les rapporteurs spéciaux soulignent le rôle essentiel de coordination et de pilotage de la direction générale des Outre-mer (DGOM).

Elle coordonne tout d’abord, en lien étroit avec l’ANCT, une partie de l’offre d’ingénierie. Le ministère de l’intérieur et des outre-mer dispose de deux représentants au conseil d’administration de l’agence, dont la directrice générale des outre-mer. La DGOM est également associée aux activités de l’ANCT présentées dans le tableau ci-après.

Participation de la direction générale des Outre-mer aux activités de l’ANCT

« La DGOM est membre du conseil d’orientation de l’Observatoire des territoires et du comité d’orientation de l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV).

« La DGOM assure une mission d’appui, de suivi et de coordination pour les Régions ultra-périphériques (RUP) de la mise en œuvre des Fonds Européens Structurels d’Investissement (FESI), en lien étroit avec l’ANCT, autorité coordinatrice inter‑fonds et les administrations coordonnatrices. À ce titre, des accompagnements en ingénierie sur mesure (missions flash) conjoints ANCT-DGOM ont été conduits en 2022 à Mayotte (appui dans le déploiement du nouveau système de gestion, GIP Europe) et en Guadeloupe/Saint-Martin (programme CTE Saint Martin 2014-2020 sur les questions de mise en œuvre post audit et sur les modalités d’intégration d’un axe Saint-Martin dans le prochain programme Interreg Caraïbes 2021-2027). (…)

« La DGOM est associée aux comités de pilotage nationaux de suivi des programmes de l’ANCT (France services, ACV, PVD…), à la préparation des comités interministériels des villes et aux ruralités, ainsi qu’à des réunions mises en place de façon spécifique avec les correspondants de l’État ultra-marins sur certains programmes (PACV, PVD…).

« Corrélativement, la DGOM associe l’ANCT aux comités de suivi de plans dont elle assure le pilotage en lien avec les compétences de l’ANCT (Plan logement outre-mer…) ainsi qu’à des réunions thématiques avec les représentants des services déconcentrés de l’État (club habitat des DEAL…), ou encore à des travaux d’intérêt partagé (par exemple démarche d’étude prospective sur le vieillissement aux Antilles).

« Dans le cadre du développement de leur partenariat et dans l’objectif d’accroître leur complémentarité, partager leur expérience, mutualiser leurs actions, l’ANCT et la DGOM ont signé le 22 février 2022 une convention de partenariat » portant principalement sur :

– une contribution de la DGOM aux programmes nationaux territorialisés de l’ANCT et la participation de l’ANCT à des groupes de travail pilotés par la DGOM ;

– la coordination des offres d’ingénierie publique et para‑publique outre‑mer ;

– le cofinancement d’études territoriales.

Source : ANCT, réponse aux rapporteurs spéciaux.

De plus, la DGOM pilote certains outils de la « panoplie publique d’offre d’ingénierie », notamment le Fonds outre-mer (son comité de pilotage étant présidé par le sous-directeur des politiques publiques de la DGOM ou son représentant) ainsi que l’appui en ingénierie pour le logement social.

« La connaissance des besoins territoriaux est essentielle pour mettre en œuvre une politique du logement adaptée aux besoins des populations. Les données en outre-mer sont encore trop incomplètes, éparpillées et peu accessibles.

« L’État a donc prévu, conformément à une mesure du plan logement outre-mer 2019-2023, de consacrer des crédits en ingénierie pour que les directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) et la direction générale des territoires et de la mer (DGTM) de Guyane puissent mieux accompagner les collectivités dans la connaissance de leurs besoins et dans l’utilisation des outils de planification à leur disposition.

« En 2022, le montant global consacré aux « études et autres dépenses d’intervention » a atteint la somme de 5,23 millions d’euros en AE contre 1,7 million d’euros seulement en 2021 et 3,69 millions d’euros en CP contre 1,2 million d’euros en 2021.

« Ces crédits ont pu être mobilisés pour soutenir les collectivités dans différents projets, notamment dans l’élaboration ou la révision des Programmes locaux d’habitat (PLH) et des Plans intercommunaux de lutte contre l’habitat indigne (PILHI), le lancement d’études pour améliorer la connaissance (observatoire foncier, formation des métiers de la filière BTP, besoin en logement des jeunes, etc.). »

Source : DGOM, réponse aux rapporteurs spéciaux.

Les rapporteurs spéciaux constatent également que la DGOM a su susciter de nouvelles offres d’ingénierie adaptées (appui à la gestion des fonds européens ; appui ponctuel au syndicat mixte de gestion d’eau et de l’assainissement de la Guadeloupe (SMEAG) et au syndicat mixte de gestion d’eau et de l’assainissement de la Martinique (SMEAM) …).

B.   l’AFD et Le dÉploiement du fonds outre-mer

1.   Présentation générale

L’Agence française de développement (AFD), établissement public, est actuellement « le premier partenaire financier du secteur public ultramarin, avec la couverture de près de 2/3 des besoins d’emprunts annuels (hors logement social) et la moitié de sa dette. L’action de l’AFD porte essentiellement sur le financement des investissements des collectivités territoriales et des autres acteurs publics et le soutien aux entreprises. L’AFD a notamment développé une stratégie d’appui‑conseil renforcé aux collectivités locales afin de les accompagner dans l’optimisation et la fiabilisation de leur gestion financière » ([13]).

Pour l’AFD, « la stratégie Trois Océans, adoptée début 2019 » a l’ambition « d’apporter une réponse globale à des problématiques transfrontalières et communes aux trois bassins. C’est dans ce cadre renouvelé que s’inscrivent les trois stratégies régionales océans Indien, Atlantique et Pacifique. » Dans ce prolongement, l’AFD a créé trois directions régionales basées à Nouméa, Fort-de-France et Saint-Denis.

L’AFD accompagne les acteurs publics ultramarins locaux (collectivités locales, EPCI, établissements publics, associations d’utilité publique) dans une démarche de partenariat, en mettant en œuvre les outils de financement suivants :

Outils de financement mis en œuvre par l’AFD pour les territoires ultramarins

– prêts au secteur public bonifiés (permettant d’apporter des financements à taux préférentiel pour les projets d’investissement à fort impact social et/ou environnemental) ;

– prêts au secteur public non-bonifiés ;

– prêts au secteur privé (non-bonifiés), pour les entreprises et les banques ultramarines, et des garanties ;

– subventions du Fonds Outre-mer (FOM) destinées au renforcement des capacités des maîtrises d’ouvrage publiques et au soutien aux projets de coopération régionale englobant les Outre-mer ;

– financement du volet « assistance technique » des Contrats de Redressement des Outre-mer (COROM) pour le compte de l’État, qui vise à apporter un soutien renforcé aux collectivités les plus en difficulté en outre-mer.

La lettre de cadrage 2023 autorise l’AFD à engager 47,3 millions d’euros (crédits du programme Conditions de vie outre-mer) dont :

– 34,1 millions d’euros pour la bonification des prêts au secteur public PSP‑Transitions (pour un objectif minimum de 450 millions d’euros de prêts engagés) ;

– 9,4 millions d’euros pour le Fonds Outre-mer désormais ouvert aux acteurs de l’ESS et de la société civile ;

– 3,8 millions d’euros pour l’initiative KIWA (initiative régionale sur la biodiversité dans l’Océan Pacifique).

Source : AFD, réponse aux rapporteurs spéciaux.

2.   La mise en place du Fonds outre-mer, pour renforcer l’aide à l’assistance technique aux collectivités ultramarines

Le Fonds outre-mer 5.0 (FOM 5.0) a été lancé en 2019 dans un contexte de redimensionnement du dispositif d’appui-conseil de l’AFD, tant en termes de moyens alloués que de spectre d’intervention, en élargissant l’action de l’AFD à de nouveaux bénéficiaires et de nouvelles modalités d’intervention. Il est devenu Fonds outre-mer (FOM) en 2021.

Il vise en priorité à soutenir l’assistance technique à maîtrise d’ouvrage (AMO) pour la mise en œuvre des projets de collectivités dans le cadre de leurs programmations pluriannuelles d’investissement. Depuis 2023, il est ouvert aux acteurs de l’économie sociale et solidaire et aux acteurs de la société civile, à condition que le projet visé s’inscrive dans les objectifs de développement durable et que l’acteur de la société civile accompagné soit reconnu d’utilité publique ou exerce une mission d’intérêt général.

D’après la DGOM, la montée en puissance du FOM en 2021 s’est faite dans le contexte du lancement des projets d’investissement inscrits au plan de relance.

CHRONOLOGIE du fonds outre-mer

2019

Un avenant à la Lettre de cadrage 2019 a créé le FOM 5.0 et a prévu sa dotation en AE/CP à hauteur de 17,50 millions d’euros afin de contribuer à la mise en œuvre de la trajectoire 5.0 en finançant ;

- le renforcement de l’assistance technique à maîtrise d’ouvrage au profit des acteurs publics locaux ;

- le renforcement des capacités des organisations de la société civile (guichet OSC) ;

- le soutien aux projets de coopération régionale, permettant de répondre aux grands enjeux de la trajectoire 5.0 à l’échelle des bassins géographiques ;

- la mise en place de programmes de recherche.

2020

La totalité de l’enveloppe autorisée en 2019 a été engagée pendant l’année 2020.

2021

La lettre de cadrage 2021 a reconduit le Fonds Outre-mer (FOM) en le dotant de 30 millions d’euros en AE pour 2021 et 2022, en visant en priorité l’assistance technique à maîtrise d’ouvrage pour la mise en œuvre des projets de collectivités dans le cadre de leurs programmations pluriannuelles d’investissement ou relevant du plan de relance.

2022

La lettre de cadrage 2022 reconduit la doctrine d’emploi du Fonds Outre-mer dont les AE (30 millions d’euros) ont été prévues pour 2021 et 2022

2023

La lettre de cadrage 2023 dote le FOM de 9,4 millions d’euros pour 2023 et ouvre la possibilité de financer des actions en renforcement de capacité des acteurs de l’économie sociale et solidaire.

Source : AFD, réponse au questionnaire et DGOM, réponses en vue du PLF 2023.

Le FOM est doté d’un comité de pilotage dont la composition et les missions sont récapitulées dans l’encart ci-après.

Missions du comité de pilotage du Fonds outre-mer

– En termes de stratégie : définir de manière périodique les priorités en matière de financement, valider les critères d’éligibilité des demandes de financements, valider les propositions d’évolution de ces critères en cas de besoin.

– En termes de pilotage des activités : autoriser les demandes de financement présentées par l’AFD, superviser l’utilisation des ressources pour les financements inférieurs à 200 000 euros (notes programmatiques).

Source : AFD, réponse aux rapporteurs spéciaux.

Toutes les demandes de subvention en AMO au titre du FOM supérieures à 200 000 euros sont soumises au processus d’instruction récapitulé ci-dessous. D’après l’AFD, en 2021, 37 demandes de subvention supérieure à 200 000 euros présentées en comité de pilotage du FOM sur 55 ont été validées. Le rapport était de 39 demandes acceptées sur 42 en 2022.

Étapes de l’instruction d’une demande inférieure à 200 000 euros

1. Identification du besoin, qui émane de la collectivité mais résulte souvent du dialogue de gestion entre l’AFD et la collectivité.

2. Formalisation de la demande par l’agence locale de l’AFD.

3. Pré-validation de la demande par le siège (avec ajustement éventuel).

4. Avis de la préfecture sur la demande.

5. Validation des demandes en COPIL (le cas échéant par consultation à domicile).

6. Décision d’octroi par le directeur d’agence (ou le comité d’outre-mer si la demande excède 1,5 million d’euros).

7. Signature de la convention de financement avec la collectivité ou contractualisation avec le prestataire en cas de maîtrise d’ouvrage déléguée.

Source : AFD, réponse aux rapporteurs spéciaux.

En dessous du seuil de 200 000 euros, le circuit d’instruction des demandes de financement en matière d’AMO est réalisé par les agences locales de l’AFD, « en association étroite avec les préfectures et les hauts-commissariats » ([14]), selon la procédure suivante :

« Les agences de l’AFD disposent d’une délégation d’autorisation des demandes de financement :

« – dans le cadre d’une note programmatique par territoire, préalablement validée par le comité de pilotage, identifiant les actions et ciblant les secteurs ou thématiques soutenus ;

« – Après validation de la demande par l’échelon local (haut-commissariat / préfecture),

« – - pour des subventions inférieures à 200 000 euros ;

« – les projets instruits dans ce cadre doivent être exclusivement des appuis-projets au bénéfice de collectivités, et les projets appuyés devront être inscrits dans les programmations pluriannuelles d’investissement des collectivités ou relever du plan de relance.

« Les notes programmatiques sont plafonnées (750 000 euros pour Mayotte et la Guyane, 500 000 euros pour les autres territoires). »

Source : AFD, réponse aux rapporteurs spéciaux.

– Une fois le projet accepté, l’AFD accompagne la collectivité :

● dans le cadre d’une maîtrise d’ouvrage locale, auquel cas « l’appui fait l’objet d’une convention de financement, à charge pour la collectivité de contracter avec le prestataire. L’AFD peut dans ce cas participer aux comités de suivi ou de pilotage de l’appui. » Les fonds sont versés selon les conditions de la convention signée entre l’AFD et la collectivité bénéficiaire ;

 ou dans le cas d’une maîtrise d’ouvrage directe (MOAD). Dans ce cas, « l’AFD prend en charge la contractualisation avec le prestataire et pilote l’appui pour le compte de la collectivité bénéficiaire. Le recours à la MOAD se justifie par le manque de capacité de certaines collectivités. » L’AFD règle donc le prestataire retenu.

– La Cour des comptes, à l’occasion de la note d’exécution budgétaire de la mission Outre-mer pour 2022, a rappelé que « ce fonds a fait l’objet d’une évolution, à la suite des remarques de la Cour puisque les versements se font désormais en deux fois : un premier versement correspondant à une avance sur présentation d’un appel de fonds établi par l’AFD, dans la limite de 60 % des dépenses prévisionnelles, et un second versement en septembre sur présentation d’un appel de fonds actualisé appuyé d’une facture. Cette évolution du mode de versement des crédits s’apparente de fait à des subventions versées sur projets. »

3.   Un bilan encourageant mais une lenteur des décaissements

L’AFD a présenté aux rapporteurs spéciaux le premier bilan suivant : « au 31 décembre 2022, l’engagement de l’enveloppe FOM 2021-2022 a été programmé presque en intégralité par le comité de pilotage, hormis un reliquat de 89 000 euros. Au total, 42 projets et notes programmatiques (enveloppes territoriales regroupant différents appuis similaires, à destination des collectivités) ont été autorisés au cours des quatre comités de pilotage de l’année, ou le cas échéant, en consultation exceptionnelle hors comité de pilotage. »

L’AFD précise qu’« en 2023, le FOM [a été] doté de 9,4 millions d’euros en AE. Les CP seront désormais versés par des appels de fonds suivant la chronique de paiement indiquée dans la lettre de cadrage 2023 : 2 millions d’euros en 2023, 3,7 millions d’euros en 2024, 3,6 millions d’euros en 2025. » ([15])

Le tableau ci-après récapitule le nombre de projets et les engagements financés par le FOM par thèmes :

fonds outre-mer - thÉmatiques et projets

Secteurs

Nombre
de projets

Somme des engagements AFD

en euros

Aménagement et équipement

58

8 628 483

Climat / Environnement

29

4 876 622

Cohésion sociale

22

4 082 964

Déchets

9

1 268 162

Eau et assainissement

15

4 956 906

Énergie

20

2 877 377

Finance / organisation / Ressources humaines

48

5 889 841

Santé et médico-social

11

2 710 000

Transport / mobilité

8

1 793 575

Total

220

37 083 929

Source : AFD, réponse aux rapporteurs spéciaux.

L’encart ci-dessous présente quelques exemples des initiatives financées par le FOM.

« Sur la base d’une analyse menée en novembre 2022, les principaux thèmes des appuis concernent l’aménagement et les équipements des collectivités. Il peut s’agir de projets de construction de halls sportifs en Martinique (Gros Morne), de réaménagement de structures d’accueil à Saint-Denis à La Réunion, de mise en œuvre des PLU, du dragage du Port de l’Ouest en Guyane, de la sécurisation des écoles de Kani-Kéli, de la cuisine centrale de Saint Joseph à La Réunion… Tous ces appuis concourent à la mise en œuvre des projets des PPI des collectivités.

« L’eau et l’assainissement constituent également un secteur clé d’intervention du FOM, avec par exemple la formation dans le cadre du Plan eau DOM (1,2 million d’euros), l’appui à la transformation du syndicat mixte ouvert (SOM) en Guadeloupe, l’extension et la réhabilitation de stations d’épuration (STEP) comme à Pierrefonds à La Réunion (1,4 million d’euros).

« Les appuis et études dans les domaines de l’environnement et du climat peuvent se traduire par des accompagnements sur les plans climat‑air‑énergie territoriaux (Terres australes et antarctiques françaises, communauté d’agglomération du Centre Littoral en Guyane…), des appuis à la mise en œuvre des contrats de relance et de transition écologique (cinq communes en Martinique), la réalisation d’études sur la submersion marine (Nouméa) ou sur la ressource halieutique (projet ACCOBIOM).

« Le secteur du numérique (inclus dans les projets « cohésion sociale ») a également fait l’objet de plusieurs octrois : appui à la structuration de la filière en Martinique par le biais d’une enveloppe programmatique dédiée (Saint-Joseph, CCI, Martinique Digitale), et appui à la création de 5 Maisons du numérique à Mayotte notamment. »

Source : AFD, réponse aux rapporteurs spéciaux.

Pour la DGOM ([16]), « l’outil est à présent pleinement identifié et reconnu par les acteurs locaux, qui mettent en avant sa pertinence et sa souplesse, le Fonds permettant de soutenir des projets dans des secteurs très divers (sport, eau et assainissement, énergie, scolaire, tourisme, transports et déchets), en lien avec les besoins des territoires. »

Les rapporteurs spéciaux saluent les apports du Fonds outre-mer, tout en relativisant la bonne connaissance des collectivités ultra-marines du dispositif, au regard des témoignages qu’ils ont recueillis.

Ils constatent que si les crédits du Fonds outre-mer ont été majoritairement orientés vers des projets en 2020, 2021 et 2022, se traduisant par des AE, les décaissements suivent très lentement.


ENGAGEMENTS DES CRÉDITS DU fonds outre-mer

Thématique

Enveloppe ouverte

AE engagées en 2021

CP consommés en 2021

CP consommés en 2022

Prévision de consommation de CP 2023

Restes à payer à fin 2023

Ingénierie au profit des collectivités territoriales

30 000 000

30 000 000

4 577 008

0*

5 637 468

19 785 524

Source : DGOM, réponse aux rapporteurs spéciaux.

* D’après la DGOM utilisant des données de l’AFD, en 2021, seuls 0,13 million d’euros ont été consommés sur les 4,58 millions versés à titre d’avance. Dès lors, le reliquat de l’avance versée s’est avéré suffisant pour faire face aux dépenses à couvrir en 2022 (3,34 millions d’euros), ce qui explique l’absence de CP constatée durant cette année, mais ne signifie pas qu’il n’y a pas eu de dépense.

Pour la DGOM, la lenteur des décaissements est à mettre en rapport avec les éléments suivants :

« – en premier lieu, la mise en place du dispositif a nécessité, pour le Fonds 5.0 comme pour le Fonds outre-mer, des opérations préalables pour l’AFD (prise en compte du dispositif dans le système d’information opérationnel de l’AFD, mise en place du cycle d’instruction des projets) ;

« – l’autorisation d’engagement donnée en comité de pilotage, à l’issue de l’instruction d’une demande, permet d’apporter une réponse favorable au besoin de la collectivité concernée, mais ne correspond évidemment pas à l’engagement net des crédits, qui n’intervient qu’ultérieurement, à l’issue de la passation des marchés. Sur un échantillon de 28 projets étudiés, le délai moyen entre la décision du comité de pilotage et le premier versement était de 151 jours, soit 4,5 mois ;

« – la temporalité des dépenses est directement tributaire des modes d’appui retenu. Les missions d’ingénierie, qui constituent les trois quarts des ressources du Fonds 5.0 et 87 % de celles du Fonds outre-mer, nécessitent le lancement d’appels d’offres et la sélection d’un prestataire : un délai de plusieurs mois est donc incompressible entre le comité de pilotage et le début de la réalisation de la mission d’appui ;

« – le contexte sanitaire a pu retarder des dépenses, en imposant le report de missions de terrain. Les territoires ultramarins ont été particulièrement affectés avec des mesures de restriction qui sont, pour certaines d’entre elles, encore en vigueur au premier semestre 2022 ;

« – des évolutions des process et principes de la gestion du FOM visant à une plus rapide exécution ont été apportées (exemple : resserrement sur l’accompagnement des collectivités, sur les investissements liés au Plan de relance), ou sont en cours d’examen (exemple : mise en place d’un accord-cadre ciblant les principales thématiques d’appui du FOM). »

Source : DGOM, réponse aux rapporteurs spéciaux.


D’après la DGOM, « des échanges interministériels sont en cours afin de rendre possible l’intervention d’Expertise France, filiale de l’AFD, dans les territoires ultramarins : cette intervention permettrait en effet de faire l’économie du délai de passation des marchés (prestation in-house). »

C.   L’agence nationale de la cohÉsion des territoires

1.   Une agence créée en 2019 qui propose à toutes les collectivités territoriales des expertises en ingénierie

Créée par la loi du 22 juillet 2019, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), placée sous la tutelle des ministres chargés de l’aménagement du territoire, des collectivités territoriales et de la politique de la ville, a notamment été créée pour renforcer l’accès à l’ingénierie des collectivités territoriales. Elle a pour mission, en tenant compte des particularités, des atouts et des besoins de chaque territoire, de conseiller et de soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans la conception, la définition et la mise en œuvre de leurs projets.

Elle exerce ses missions sur l’ensemble du territoire national, avec un ciblage prioritaire de son action sur les territoires caractérisés par des contraintes géographiques, des difficultés en matière démographique, économique, sociale, environnementale ou d’accès aux services publics, avec une attention particulière pour les territoires ultramarins.

Compétences et moyens d’intervention de l’ANCT

Principales compétences thématiques

– accès aux services,

– revitalisation du centre des villes (petites et moyennes) exerçant des fonctions de centralité,

– développement des territoires ruraux,

– aménagement, développement et protection des massifs de montagne,

– soutien à la réindustrialisation des territoires non métropolitains (métropoles au sein loi Maptam),

– aménagement numérique et couverture mobile,

– développement des usages numériques,

– amélioration des conditions de vie des quartiers prioritaires de la politique de la ville,

– revitalisation commerciale, artisanale et immobilière,

– soutien aux projets touristiques territoriaux,

– appui à la structuration de projets de territoires,

– prise en compte de manière transversale des grandes transitions (écologique, numérique, économique, démographique, sociale) dans les territoires.

Moyens d’intervention

– soutien en ingénierie de projet : mise à disposition d’experts de haut niveau pour faciliter la définition et la réalisation des projets locaux.

– appui aux collectivités locales pour les aider à faire émerger et à piloter leurs projets par le biais des Fabriques prospectives de territoire.

– assistance à maîtrise d’ouvrage publique (montage, instruction, financement de projets…), la maîtrise d’ouvrage et la gestion d’actifs immobiliers, et capitalise les bonnes pratiques.

– définition et pilotage des programmes d’appui nationaux.

– outils d’observation, d’analyses de données et de cartographie avec l’Observatoire des territoires et l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV).

Source : ANCT, réponse aux rapporteurs spéciaux.

Les interventions en expertise et ingénierie s’inscrivent :

 dans la mise en œuvre des programmes territorialisés de l’ANCT (Action cœur de ville, Petites villes de demain, Territoires d’industrie, Montagne…), qui s’adressent à des collectivités présentant des difficultés similaires en leur offrant des solutions d’ingénierie adaptées ;

 dans une offre d’ingénierie dite « sur mesure ». Dans ce cadre, l’ANCT intervient en subsidiarité de l’ingénierie locale, c’est-à-dire que le préfet, délégué territorial de l’agence, ou ses services, peut solliciter le niveau central de l’agence dès lors que l’ingénierie disponible localement ne répond pas au besoin exprimé par une collectivité.

« Depuis 2021, la totalité des demandes remontées au niveau central de l’agence (le chef de projet outre-mer de l’ANCT) par les délégués territoriaux a reçu une suite favorable, avec validation de la demande en revue de projet de l’ANCT. Une trentaine d’accompagnements ont été décidés et mis en place par l’ANCT via son marché d’ingénierie pour la quasi-totalité (et parfois par des subventions directes) : environ les deux tiers ont concerné l’élaboration des CRTE et un tiers différents projets sur mesure portant sur des thématiques en lien avec la revitalisation commerciale, le développement économique, l’inclusion numérique, la gestion urbaine de proximité, le foncier, l’aménagement urbain…

« Le marché national d’ingénierie de l’ANCT comporte 11 lots nationaux mobilisables dans l’Hexagone et dans les DROM ainsi que 6 lots territoriaux dédiés aux DROM (3 sur le bassin Antilles‑Guyane et 3 sur l’Océan indien). De façon à tenir compte de la situation financière des collectivités ultra-marines, le conseil d’administration de l’agence a décidé en 2021 que l’ensemble des communes de plus 3 500 habitants et des EPCI de plus de 15 000 habitants situés outre-mer bénéficient d’un financement des prestations par l’ANCT à hauteur de 80 %. À l’instar de la France entière, les collectivités de strate inférieure disposent d’une prise en charge à 100 %.

« L’ANCT intervient principalement auprès des collectivités en tant que financeur, en prenant en charge 100 % ou 80 % (en fonction de la taille de la collectivité) des prestations externalisées d’ingénierie. »

Source : ANCT, réponse aux rapporteurs spéciaux.

2.   L’ANCT et les outre-mer

Si l’ensemble des programmes et interventions de l’ANCT s’appliquent dans l’Hexagone comme dans les cinq DROM (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion), les rapporteurs spéciaux rappellent que compte tenu du statut des collectivités d’outre-mer (COM) régies par l’article 74 de la Constitution (Polynésie française, Wallis et Futuna, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre et Miquelon) et de la Nouvelle-Calédonie, les interventions de l’ANCT y sont limitées ([17])

Les rapporteurs relèvent avec grand intérêt que « la dimension d’ingénierie territoriale est renforcée dans les outre-mer, avec une adaptation des aides de l’ANCT et de ses partenaires au cas par cas, de façon à tenir compte des difficultés financières et d’ingénierie des collectivités ultra-marines. S’il n’existe pas de programme ou de dispositif propre aux outre-mer, des ajustements spécifiques [sont mis en place], notamment grâce à la convention de partenariat entre l’ANCT et la DGOM de façon à proposer un suivi spécifique des besoins des territoires ultramarins ».

Pour l’ANCT, « cet objectif de prise en compte des spécificités ultra-marines et d’adaptation se traduit de façon plus générale à travers la réalisation par l’ANCT de Feuilles de route ultramarines. » ([18])

Exemples de soutiens à l’ingénierie renforcés dans les territoires ultramarins

– financement des quatre postes de chefs de projet « Petites villes de demain » (PVD) de Martinique porté à 85 % et du poste de chef de projet ACV de Pointe-à-Pitre à 100 % ;

– dérogation de l’ANAH pour permettre le financement d’un chef de projet ACV pour des communes également concernées par le NPNRU sur un même quartier de centre-ville (Fort de France, Cayenne, Saint André) ;

– extension de l’assistance à management de projet renforcée (AMP) d’une durée de 50 jours (par un prestataire de la Banque des territoires) aux communes ACV des Antilles et prolongation de celle mise en place au bénéfice de 5 collectivités de Guyane et Mayotte ;

– mise à disposition d’un dispositif similaire d’AMP auprès de l’ensemble des communes PVD des DROM (contre 25 % d’entre elles dans l’Hexagone) ;

– études financées conjointement par l’ANCT et la DGOM, par exemple : étude sur le tourisme durable et l’agrotourisme à La Réunion ; diagnostics pour la réalisation de plans territoriaux de lutte contre les discriminations à l’échelle des quartiers prioritaires de la ville (QPV) des 4 contrats de ville de Martinique ;

– missions d’appui : interventions par exemple du chef de projet outre-mer de l’ANCT, notamment lors de missions de moyenne durée dans les DROM (la dernière ayant eu lieu sur 10 jours en Guyane, en février 2023) ;

– participation à la demande du ministre délégué aux outre-mer à la mission flash d’appui à la revitalisation urbaine du centre-ville de Fort-de-France (janvier 2023).

Source : ANCT, réponse aux rapporteurs spéciaux.

L’ANCT assure aux rapporteurs spéciaux faire le nécessaire pour identifier au préalable l’offre d’ingénierie la plus adaptée aux collectivités, dans une démarche de complémentarité : « le délégué territorial [le préfet] et ses services doivent pour chaque demande d’appui identifier les aides à l’ingénierie publique et parapublique appropriées. Selon cette logique, l’ANCT a conclu des conventions de partenariat avec la Banque des territoires, l’Agence de l’environnement de la maîtrise de l’énergie (Ademe), le Cerema (qui disposent chacun d’une délégation dans les DROM), l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) et l’agence nationale de l’habitat (ANAH). Dans les outre-mer, l’AFD est également un partenaire un important [de l’ANCT] pour le soutien à l’ingénierie des collectivités. »

D.   L’expertise technique du Cerema

1.   Présentation

Sous tutelle du ministère de la transition écologique, le Cerema (centre d’études et d’expertise pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) est un établissement public qui résulte de la fusion en 2013 de onze services de l’État. Le Cerema accompagne l’État et les collectivités territoriales dans les domaines d’activité suivants : l’expertise et l’ingénierie territoriale, le bâtiment, les mobilités, les infrastructures de transport, l’environnement et les risques, la mer et le littoral.

Les prestations d’expertise et d’ingénierie facturées aux collectivités (sur des fonds qui peuvent être attribués par l’AFD ou d’autres opérateurs) et le pilotage de projets nationaux alimentent ses ressources propres.

Le Cerema est le « premier établissement à pilotage partagé entre l’État et les collectivités territoriales », évolution mise en œuvre par l’article 159 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique puis par le décret n° 2022-897 du 16 juin 2022, « faisant du Cerema le premier établissement public à pilotage partagé, par l’État et par les collectivités territoriales. »

Le conseil d’administration a approuvé en mars 2023 les demandes d’adhésion ([19]) de 634 collectivités et groupements.

LES ADHÉSIONS AU CEREMA

 

France entière

Outre-mer

Régions

14

Toutes

Départements

70

Toutes les collectivités uniques

Groupements de collectivités

272

Communautés d’agglo 13 (sur 16)

Communauté de communes 5 (sur 7)

Communes

278

15 (sur 129)

Source : Cerema, réponse aux rapporteurs spéciaux.

Les territoires qui relèvent de l’article 74 de la Constitution n’entrent pas dans le périmètre d’action du Cerema, la loi ne l’ayant pas prévu expressément. D’après le Cerema, « Une démarche est en cours avec l’appui du ministère de l’intérieur et des outre-mer pour remédier à cela au travers d’une modification législative. » ([20])

Recommandation n° 3 : Compléter l’article 159 de la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique pour permettre au Cerema d’élargir ses activités aux territoires de l’article 74 de la Constitution.

2.   Une demande croissante dans les territoires ultramarins

La plupart des programmes sont déclinés dans les territoires ultra-marins, certains (surlignés dans le tableau ci-dessous) étant plus « adaptés que d’autres aux spécificités ultra-marines ».

 

Programme

Écoquartiers 2030

Challenge Cube.S

Rénovation thermique des bâtiments publics

Une voirie pour tous

France Mobilités

EMC2

Sécurité passages à niveau

Accidentologie, SI, connaissance et ...

Programme national Ponts

AP gestion des OA des petites collectivités

Territoires engagés pour la nature

GEMAPI

Appui et modélisation pour la prévision des inondations

Plan Tourisme

Résorption des décharges littorales

Cartographie du trait de côte

ACV

PVD

Avenir montagne

Territoires d’industrie

CRTE

Source : Cerema, réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.


Depuis juillet 2021, le Cerema a ouvert des implantations en outre-mer. La direction territoriale outre-mer est organisée en deux agences : une agence Océan indien implantée à La Réunion et à Mayotte, et une agence Antilles‑Guyane implantée en Guyane. Une implantation dans les Antilles est prévue en 2024.

LES MOYENS DU CEREMA OUTRE-MER

Zone d’intervention

Dimensionnement actuel

Direction

2 agents

Océan indien

4 agents à La Réunion

2 agents à Mayotte

Antilles - Guyane

5 agents en Guyane

1 agent en préfiguration pour les Antilles

Total situation actuelle

14 agents

Source : Cerema, réponse aux rapporteurs spéciaux.

Toutefois « au regard du volume d’activité dans ces territoires, le nombre d’agents sur place ne permet pas de produire l’ensemble des études, en termes de volumétrie et de diversité de l’expertise. La direction territoriale Outre-mer du Cerema doit donc faire appel à la capacité et à la disponibilité des autres directions de métropole. »

D’après le Cerema, les recettes tierces (sommes des prestations facturées aux collectivités territoriales) engagées en 2022 sur les territoires ultramarins se sont élevées à 1,7 million d’euros pour un financement apporté par le Cerema de l’ordre de 2,7 millions d’euros.

Le diagramme suivant représente l’activité du Cerema en 2022 en outre-mer par domaines d’activité. Le domaine des infrastructures, activité historique du Cerema, pèse à lui seul plus de la moitié des recettes tierces.

RÉpartition des recettes* signÉes en 2022 par domaine d’activitÉ

(Somme des recettes : 1,71 million d’euros)

Source : réponse du Cerema aux rapporteurs spéciaux.

Les recettes correspondent aux prestations facturées aux collectivités territoriales.

« Actuellement le domaine des infrastructures (>50% de l’activité) présente de nombreuses demandes. Les demandes portant sur les risques et les mobilités constituent une part importante et leur niveau de sollicitation devrait perdurer. Sur le domaine du bâtiment et celui des énergies renouvelables, l’impact de l’évolution réglementaire et de la conjoncture économique devrait voir fortement augmenter le nombre de sollicitations. »

Exemple de réalisations dans les territoires ultramarins

– Établissement des plans de prévention bruit (PPBE) pour les communes de Saint-Pierre, du Tampon et Saint-Denis

– Expertise géotechnique d’un glissement de terrain dans le lotissement la Vigie (Rémire-Montjoly)

– Appui au département de Mayotte dans la gestion du glissement de terrain de Soulou impactant une route départementale

– Audit sécurité routière préalable à la mise à 2x2 voies du viaduc de la Nouvelle Route du Littoral (Région Réunion)

– Évaluation des coûts de reconstruction des infrastructures routières après le passage de la tempête Fiona en Guadeloupe (Routes de Guadeloupe)

– Accompagnement de la commune de Punauïa (Polynésie Française) dans la réalisation du plan général d’affectation (PGA)

– Appui à la gestion du littoral dans le cadre de l’appel à projet de l’ANEL (communauté de communes Petite Terre – Mayotte).

Source : Cerema, réponse aux rapporteurs spéciaux.

D’après le Cerema, les besoins très importants des collectivités ultra-marines vont le conduire à devoir augmenter son investissement.

« À titre d’exemple, la situation en termes d’infrastructures de transport et de mobilité à Mayotte (pas d’investissement lourd depuis au moins 2 décennies, transports collectifs largement insuffisants, prévisions d’un doublement de la mobilité motorisée d’ici 2030) est très préoccupante et nécessite la mise en œuvre d’un plan « Marshall » de remise à niveau du réseau routier national et départemental et du développement des transports collectifs et des modes actifs. La mise en œuvre d’un tel projet mobilisera le Cerema à hauteur de 5 agents sur Mayotte.

« Par ailleurs, le Cerema souhaite dès 2023, au regard des besoins exprimés et des nombreux adhérents aux Antilles, ouvrir une nouvelle implantation. »

Source : Cerema, réponse aux rapporteurs spéciaux.

Les rapporteurs spéciaux entendent les préoccupations du Cerema pour qui « il est donc nécessaire de recruter des agents supplémentaires, dans une situation de plafond d’emplois fortement contraint. »

Le plafond d’emplois du CEREMA autorisé par la LFI 2023 ([21]) est stable, après de nombreuses années consécutives de réduction d’effectifs.

« Le Cerema vient de sortir d’une importante réforme visant à rendre plus efficientes les fonctions support et à rationaliser son action métier sur des missions stratégiques. L’établissement n’a donc que peu de moyens pour augmenter sa capacité de production et l’adapter aux besoins qui seront exprimés par les collectivités, notamment dans le cadre de l’ouverture de sa gouvernance. »

Source : Cerema, réponse aux rapporteurs spéciaux.

Les rapporteurs spéciaux appuient ici la demande du Cerema de moyens supplémentaires au regard des demandes croissantes des collectivités ultramarines.

Recommandation n° 4 : Flécher une partie des moyens financiers et humains en faveur de l’ingénierie vers le Cerema, la trajectoire baissière des effectifs constatée ces dernières années ne devant pas compromettre ses activités.

 


III.   approfondir les dispositifs existants pour atteindre l’objectif de convergence et garantir un emploi efficient des deniers publics

Les rapporteurs spéciaux reconnaissent l’apport fondamental des différents dispositifs d’aide à l’ingénierie. Malgré l’identification d’axes prioritaires et de nouveaux outils, comme le Fonds outre-mer, les rapporteurs spéciaux font le constat du caractère incomplet des outils mis en place.

A.   amÉliorer la lisibilitÉ des dispositifs, aujourd’hui ÉclatÉs, gÉnÉraliser les plateformes

1.   Un maquis de dispositifs difficilement compréhensible

Les rapporteurs spéciaux ont constaté au cours de leurs auditions que le caractère éclaté et diffus de l’offre d’ingénierie complique la possibilité pour les collectivités territoriales de se saisir des dispositifs, malgré les efforts des services déconcentrés de l’État et des opérateurs.

Pour eux, le risque est celui d’une action publique désordonnée. La Cour des comptes déplore que les différents dispositifs « pâtissent d’un manque de coordination et donc de visibilité ». ([22])

Les services de la préfecture de Guadeloupe relèvent que « les outils de conduite de projets et les procédures d’instruction des demandes de subventions ne sont ni connus, ni utilisés par les collectivités du fait des raisons énoncées plus haut », lesquelles sont la conséquence des faiblesses structurelles des collectivités territoriales. Elle indique également aux rapporteurs spéciaux que « des structures telles que l’établissement public foncier (EPF), le conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) et les unités départementales de l’architecture et du patrimoine (UDAP) sont insuffisamment utilisées dans leur composante d’ingénierie. » ([23])

 

L’extrême diversité des dispositifs proposés : l’exemple de la Guadeloupe

« À ce jour, les acteurs en capacité de fournir aux collectivités un appui technique ou méthodologique sur le territoire guadeloupéen sont les suivants :

« – les services de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour les communes inscrites dans les CRTE ou Action cœur de ville ;

« – la Banque des territoires ;

« – l’Agence française de développement ;

« – la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) ;

« – l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ademe) ;

« – le Centre d’étude et d’expertise sur l’environnement, la mobilité et l’environnement (Cerema) ;

« Plusieurs autres acteurs peuvent également être amenés à fournir aux collectivités un appui technique ou méthodologique, lorsque les demandes d’assistance portent sur des problématiques plus spécifiques :

« – l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) ;

« – la direction de l’alimentation de l’agriculture et de la forêt (DAAF) ;

« – l’agence départementale d’information sur le logement (ADIL) ;

« – le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) ;

« – le conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement (CAUE). »

Source : services de la préfecture de la Guadeloupe, réponse aux rapporteurs spéciaux.

L’AFD estime que « l’ampleur des besoins est telle que les dispositifs ne se font pas concurrence ; tous les dispositifs existants de l’État et de ses opérateurs ne permettent malheureusement pas de répondre à l’ensemble des besoins. » ([24])

Pour certaines personnes auditionnées, il y aurait trop d’offres d’ingénierie similaires, ce qui renforcerait l’illisibilité des moyens disponibles et appuierait un besoin de simplification et d’identification d’un « chef de file ».

2.   Améliorer la connaissance des dispositifs

De nombreuses personnes auditionnées ont indiqué attendre avec grand intérêt la présentation du recensement actuellement mené par l’ANCT de l’offre d’ingénierie mobilisable, qui viendra enrichir le site « Aides territoires ». ([25])

 Le travail de recensement mené par l’ANCT pour le site « Aide Territoires »

« Dans le cadre de leur convention de partenariat signée en 2022, l’ANCT et la DGOM sont convenues d’œuvrer à améliorer la coordination des dispositifs et aides en matière d’ingénierie à destination de ces territoires, dans l’objectif de faciliter l’accès à une ingénierie publique et parapublique adaptée aux outre-mer.

« À cette fin, l’ANCT a effectué un travail de recensement (en cours de finalisation) et de cartographie comparée de l’offre d’ingénierie mobilisable dans les outre-mer par les porteurs d’aides publics et para-publics nationaux (Banque des territoires, Ademe, Cerema, Anah, Anru, Atout France, Office français de la biodiversité, Agence française de développement (AFD), DGOM et bien sûr ANCT).

« Ce travail a vocation à répondre à une forte demande exprimée par les territoires d’une plus grande lisibilité des aides mises à disposition par des porteurs publics ou parapublics nationaux, leur articulation et leurs conditions de mobilisation. Il pourra être utilisé au niveau déconcentré dans le cadre des comités locaux de cohésion des territoires (CLCT). Il sera partagé avec les différents opérateurs nationaux concernés afin de tirer des enseignements communs sur l’articulation entre ces différentes aides, la façon d’améliorer leur complémentarité dans la chaîne d’ingénierie et d’identifier ensemble les types ou thématiques d’ingénierie pour lesquels les réponses sont manquantes ou insuffisantes. »

Source : ANCT, réponse aux rapporteurs spéciaux.

Les rapporteurs spéciaux saluent ce travail indispensable de recensement, et son intérêt pour les services des collectivités territoriales en matière d’accessibilité de l’information.

Cette avancée viendra utilement compléter les initiatives locales comme celle des services de la préfecture de Guadeloupe qui a indiqué qu’« un projet d’annuaire des acteurs de l’ingénierie disponible sur le territoire a été entériné par le SGAR. Le but de cet outil est de fédérer les ressources disponibles afin de permettre aux collectivités de solliciter des experts locaux dans leurs domaines et thématiques de compétences afin de les conseiller au mieux et de leur apporter les réponses nécessaires pour la concrétisation de leurs objectifs. »

Les rapporteurs spéciaux soutiennent par ailleurs l’idée des services de la préfecture de Guyane de réfléchir à compléter le site « Aides territoires » par un dispositif permettant, pour une collectivité déterminée, de suivre ses projets de financements. Ce dispositif pourrait inclure « une alerte instantanée sur les décaissements à mettre en œuvre, le calendrier de réalisation, le calendrier contractuel (convention de financement), le cas échéant les partenaires financiers ou en ingénierie à mobiliser. » ([26])

Pour eux, ce travail de recensement est d’autant plus nécessaire qu’une collectivité cherche souvent non pas un financement mais des financements complémentaires.

Recommandation n° 5 : À l’issue du travail de recensement des dispositifs d’aide en ingénierie par l’ANCT, devant compléter le site « Aides Territoires, » prévoir des actions de communication à l’attention des collectivités territoriales et intégrer aux formations des élus et des personnels un module spécifique d’utilisation des ressources du site internet.

Recommandation n° 6 : Réfléchir aux moyens de compléter l’offre du site « Aides Territoires » par des fonctionnalités permettant aux collectivités territoriales de suivre leurs financements publics.

Les rapporteurs spéciaux relèvent avec grand intérêt les initiatives prévues par les services de la préfecture de Guadeloupe : « il est proposé de mettre en œuvre, dès à présent, des actions pour favoriser la connaissance et l’appropriation des dispositifs financiers de l’État par les collectivités. En effet, la mobilisation régulière du « comité local de cohésion des territoires », porté par le préfet, délégué local de l’ANCT, le SGAR et la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL), permet d’assurer l’animation et la cohésion des actions des différents acteurs du territoire. » ([27])

Les services de la préfecture de Guadeloupe signalent également aux rapporteurs spéciaux, pour ce qui est des politiques publiques d’amélioration de l’habitat, que la mobilisation des outils de l’Agence nationale pour l’habitat (Anah) – vente d’immeubles à rénover, dispositif d’intervention immobilière et foncière, copropriétés dégradées – reste délicate et qu’il est là aussi important d’améliorer la connaissance des aides.

« L’appui depuis la métropole, assuré par les chargés de missions territoriaux de l’Agence nationale pour l’habitat (Anah), n’est pas suffisant. Les porteurs de projet ont besoin d’un accompagnement de proximité pour assurer l’exécution et le suivi au quotidien de ces dossiers complexes. Le recrutement d’un chargé de mission « expert projets complexes Anah », éventuellement mutualisé à l’échelle Antilles ou Antilles Guyane serait un plus. La mise à disposition de personnels de l’agence au sein des services déconcentrés n’est actuellement pas permise par le règlement général de l’Anah. »

3.   Généraliser les plateformes

La Cour des comptes relevait en 2022 « un manque de coordination, préjudiciable à la bonne conduite des projets » ([28]) dans l’accompagnement des collectivités. Elle proposait de « généraliser les plateformes d’ingénierie dans les territoires ultramarins, en y consacrant les effectifs et les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement, et [d’] améliorer la coordination des dispositifs d’ingénierie au profit de ces territoires en faisant de ces plateformes l’interlocuteur unique des collectivités ».

a.   Les succès des plateformes d’appui aux collectivités territoriales en place et le travail de préfiguration en Guadeloupe

Les plateformes d’appui aux collectivités territoriales sont actuellement au nombre de deux, l’une à Mayotte et l’autre en Guyane. Leur caractère innovant tient notamment à la pluralité de l’expertise proposée, tant en ingénierie de projet qu’en ingénierie structurelle (notamment dans le domaine de l’ingénierie financière), et à leur caractère mutualisateur.

Les auditions menées par les rapporteurs spéciaux auprès de la DGOM et des préfectures ont confirmé l’intérêt de ces dispositifs. Pour les rapporteurs spéciaux, le développement des plateformes présente un caractère prioritaire.

Pour la DGOM, si « l’ANCT coordonne déjà, en lien avec les préfets et les SGAR, les besoins d’ingénierie au niveau local », « il pourrait être intéressant d’aller au-delà de cette coordination, car le besoin d’avoir un interlocuteur unique pour tous les besoins d’ingénierie a été formulé à plusieurs reprises » ([29]).

Les services de la préfecture de La Réunion estiment que « généraliser des plateformes d’ingénierie dans les territoires ultramarins, en y consacrant les effectifs et les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement, aurait le mérite de mutualiser des compétences en matière d’ingénierie au profit des collectivités du territoire et leur permettrait ainsi de recourir à des expertises sans mise en concurrence. » De plus, cette solution « favoriserait également une proximité entre l’État et les collectivités tout en améliorant la mise en œuvre des opérations et donc une meilleure consommation de crédit au profit du territoire. » ([30])

Les rapporteurs spéciaux :

– appellent à une généralisation, pour chaque territoire ultramarin, de plateformes de mutualisation des ressources Les collectivités pourraient avoir accès à un guide des offres de services en matière d’appui technique et opérationnel déjà existants et actuellement déployés par des acteurs publics ou privés ;

– relèvent l’intérêt du travail préparatoire déjà mené par la préfecture de Guadeloupe, en vue de la création d’une agence territoriale d’ingénierie, présenté en deuxième partie du présent rapport.

Parmi les moyens de répondre aux difficultés en ingénierie, les services de la préfecture évoquent précisément la création d’un guichet unique, constatant que « les collectivités locales du fait d’une offre disparate en ingénierie [localement] ne savent pas toujours à qui s’adresser. Il est donc proposé de mettre en place un guichet unique au service des collectivités. Elles pourront ainsi y faire part de leur projet, obtenir un accompagnement permettant aux collectivités de faire mûrir leur projet, de contractualiser les financements publics et disposer d’un suivi jusqu’à la mise en œuvre du projet. »

 apprécient l’extension, en Guyane, des services proposés par la plateforme en préfecture aux sous-préfectures. Les rapporteurs spéciaux appellent en effet à ne pas répéter sur les territoires ultramarins la tradition centralisatrice hexagonale.

b.   L’impératif de prendre en compte les spécificités de chaque territoire

Les rapporteurs spéciaux insistent sur la nécessité de prendre en compte les particularités des territoires, dans une approche « sur mesure », sinon les collectivités territoriales ne s’en saisiront pas et les efforts resteront vains.

Ils saluent à cet égard la stratégie déployée en Guadeloupe d’une phase de préfiguration, depuis 2022, qui devrait se concrétiser par la création d’une agence d’ingénierie territoriale. Comme le rappelle la DGOM, « le contrat de convergence et de transformation (CCT) 2020-2023 de la Guadeloupe prévoyait en effet, dans ses principes, la mise en place d’une agence partenariale d’ingénierie. La consultation des collectivités a toutefois montré le besoin d’une phase de préfiguration. Il a donc été décidé de doter les services du SGAR d’une cellule d’ingénierie en préfiguration d’une future agence » ([31]) en ingénierie.

Recommandation n° 7 : Généraliser les plateformes d’ingénierie, en les dotant des moyens humains et financiers correspondants, tout en respectant les particularités des territoires, dans l’objectif dans un second temps d’atteindre une offre de guichet unique des collectivités territoriales.

c.   Un approfondissement du rôle clé des préfets et des services déconcentrés de l’État

Les rapporteurs spéciaux recommandent, à l’image des plateformes territoriales de Mayotte et de la Guyane, de confier l’organisation et l’animation des futures plateformes aux services déconcentrés de l’État. Pour les services de la préfecture de La Réunion, cela « permettrait probablement plus de souplesse dans la mobilisation des compétences regroupées au sein de la plateforme. » ([32])

Les rapporteurs spéciaux y voient un approfondissement du rôle clé qu’assument déjà les préfets et les services déconcentrés. Ils rappellent en effet que :

– le préfet est le délégué territorial de l’ANCT dans son département ; pour toutes les demandes des collectivités (ultramarines ou non) relatives à l’aide à l’ingénierie « sur mesure », les services du préfet, délégué territorial de l’agence, ou de son délégué adjoint (secrétaire général aux affaires régionales (SGAR) ou DEAL selon les territoires), constituent le point d’entrée unique ;

– d’après l’AFD, « toutes les demandes d’appui en ingénierie (FOM et COROM) font l’objet d’une validation préalable de la part des préfectures. Les relations sont nourries et les échanges fréquents » ;

– d’après le Cerema, « les agences locales du Cerema ont des relations régulières avec les services techniques des collectivités territoriales, le SGAR, les directeurs, adjoints et chefs des services déconcentrés de l’État (DEAL…). »

Tous les interlocuteurs des rapporteurs spéciaux participant à l’offre en ingénierie ont confirmé aux rapporteurs spéciaux qu’ils réorientent systématiquement en cas de besoin les collectivités sur le service de l’État ou l’opérateur compétents. Pour les rapporteurs spéciaux, la création d’un guichet unique facilitera l’identification du meilleur dispositif pour la collectivité.

Pour autant, les rapporteurs spéciaux signalent qu’une coordination de l’offre des dispositifs au plus près des collectivités, dans un objectif de lisibilité et de réactivité, doit conserver les spécificités des opérateurs (AFD, ANCT, Cerema, Banque des territoires…) dans l’instruction des dossiers, « chacun de ces établissements ayant ses propres règles d’éligibilité des dossiers, d’instruction (modalités et délais) » ([33]).

B.   favoriser une montÉe en compÉtences des agents

1.   L’incontournable renforcement des compétences internes

Les rapporteurs spéciaux partagent le constat des services de la préfecture de Guyane, selon lequel la plateforme d’appui ne pourra pas tout résoudre : « la PACT ne pourra pas à elle seule en effet se substituer aux lacunes des administrations communales. C’est au contraire le binôme PACT/ cadres de la fonction publique territoriale qu’il convient de développer dans une optique de conseil, d’expertise et de montée en compétences. »

C’est aussi ce qu’ont exprimé les services de la préfecture de La Réunion, pour qui l’idée d’une généralisation des plateformes ne doit toutefois pas conduire à « obérer la capacité des collectivités à renforcer leurs compétences internes et à se structurer durablement, seul scénario qui leur permettrait d’assumer pleinement les compétences qui leur ont été confiées dans le cadre des vagues successives de décentralisation » ([34]).

Au-delà des fragilités présentées en première partie, les rapporteurs spéciaux partagent le constat d’un nécessaire développement du recours à la formation professionnelle. Ils appuient les différentes initiatives qui tendent à :

– densifier l’encadrement intermédiaire ;

– approfondir la montée en compétences des agents en place dans les collectivités, notamment pour l’acquisition de compétences internes en suivi opérationnel des projets ;

– mieux faire connaître les webinaires régulièrement organisés, via le Club outre-mer du site internet Aides et territoires, par l’AFD et l’ANCT, qui permettent de présenter les dispositifs d’appui mobilisables dans ces territoires.

Ils rappellent toutefois les différentes fragilités structurelles présentées en première partie.

Plusieurs services préfectoraux ont signalé aux rapporteurs spéciaux une formation inégale des élus locaux sur des domaines à forts enjeux pour leur administration (urbanisme, gestion des ressources humaines, marchés publics, budget), alors que certains d’entre eux ne maîtrisent pas toujours les dispositifs et procédures dont ils assurent le pilotage

Les rapporteurs spéciaux estiment que les plateformes pourraient également être un support à des propositions de formations ciblées. En Guyane, « la PACT a aussi pour feuille de route d’identifier les besoins et de proposer des pistes de formation aux élus et techniciens, au vu de son retour d’expérience dans la conduite des projets ; un rapport sera à produire d’ici la fin de l’année en ce sens ».

Les rapporteurs spéciaux appuient la recommandation des services de la préfecture de La Réunion pour développer des formations initiales locales universitaires pour permettre aux collectivités de recruter des personnels disposant des compétences techniques utiles à la mise en œuvre de leurs prérogatives et pour agir auprès des grandes écoles nationales basées dans l’Hexagone pour faire connaître les territoires ultramarins.

2.   Mieux faire connaître les ressources du Centre national de la fonction publique territoriale

Les rapporteurs spéciaux souhaitent ici mettre en évidence les ressources du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), établissement public unique paritaire déconcentré qui assure des missions de formation et d’emploi à destination des collectivités territoriales et de leur 1,9 million d’agents territoriaux, et qui comprend cinq délégations régionales ultramarines.

Présentation du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT)

« Le CNFPT construit et organise les formations obligatoires dispensées à l’ensemble des agents territoriaux, de toutes catégories, A, B et C, tout au long de leur vie professionnelle :

« – les formations d’intégration,

« – les formations de professionnalisation,

« – les formations réglementées, adaptées aux exigences et contraintes de certains métiers (police municipale et sapeurs-pompiers notamment).

« L’établissement conçoit et dispense également des formations et un accompagnement, non obligatoires : les formations de perfectionnement, les formations diplômantes ou certifiantes, les préparations aux concours et examens professionnels de la fonction publique territoriale.

« Le CNFPT assure la publicité de tous les emplois de cadres de direction et accompagne les fonctionnaires momentanément privés d’emploi.

« Le code général de la fonction publique (article L. 451-17) prévoit que le CNFPT est majoritairement financé par une cotisation obligatoire prélevée sur la masse salariale des collectivités territoriales et de leurs établissements publics locaux qui ont au moins, au 1er janvier de l’année de recouvrement, un emploi à temps complet inscrit à leur budget.

« Le conseil d’administration du CNFPT vote le taux de la cotisation qui ne peut excéder 0,9 %.

« En vertu de l’article L. 451-12 du CGFP, le CNFPT dispose, en tant qu’établissement national déconcentré, d’une délégation établie dans chaque région à savoir dans les 13 régions administratives de l’Hexagone ainsi que dans les 5 départements et régions d’outre-mer (DROM).

« En revanche, l’établissement n’est pas implanté des collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution (Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et Miquelon, Wallis-et-Futuna, Polynésie Française), ni dans les territoires et collectivités à statut particulier relevant de l’article 72 à savoir respectivement les TAAF et la Nouvelle-Calédonie.

« En fonction des dispositions législatives particulières propres aux COM en matière de fonction publique territoriale ou locale et de formation et à la demande des autorités en charge de ces collectivités, des conventions de partenariat de formation de leurs agents sont mises en œuvre avec le CNFPT. »

Source : CNFPT, réponse aux rapporteurs spéciaux.

Les actions de formation du CNFPT sont la traduction d’un programme établi en fonction des plans de formation élaborés par les collectivités territoriales. Ce programme est donc établi en grande partie sur la base des besoins et demandes exprimés par les collectivités elles-mêmes. « Au niveau de chaque délégation régionale du CNFPT, un conseil régional d’orientation (CRO), composé paritairement de représentants des collectivités territoriales et de représentants des organisations syndicales de fonctionnaires territoriaux, élabore le programme annuel des formations qui doivent être assurées par la délégation. »

Pour le CNFPT, « l’organisation du CNFPT en treize délégations en France hexagonale et cinq délégations outre-mer permet une adaptation aux besoins spécifiques de chaque territoire de la République. À ce titre, chaque délégation est à l’écoute des attentes et des besoins de ses collectivités et de leurs agents. Les délégations régionales des DROM ont donc au même titre que les autres des demandes de formation spécifiques. »

Typologie des formations proposées par le CNFPT

« – des programmes des formations statutaires sont définis dans les conditions prévues par les statuts particuliers propres aux différents cadres d’emplois de la fonction publique territoriale, communs à toutes les collectivités territoriales ;

« – des formations non obligatoires qui peuvent donner lieu à des programmes spécifiques aux collectivités ultramarines. Par exemple, la délégation Guyane du CNFPT a mis en place une formation pour les piroguiers compte tenu de la géographie de ce territoire, et des modes de déplacements induits par celle-ci. La délégation de La Réunion, a mis en place un itinéraire de formation RUN 974 « mieux connaître son histoire pour mieux servir son territoire » lié au besoin de connaissance de l’histoire du territoire (peuplement d’une île – moins de 300 ans – esclavage, départementalisation…) pour éclairer les enjeux économiques et sociétaux des grandes politiques publiques » ;

« – des formations dites « intra », c’est-à-dire organisées pour les agents d’une même collectivité, peuvent être spécifiques aux collectivités ultra-marines dans la mesure où elles doivent répondre aux besoins spécifiquement définis par les collectivités pour lesquelles elles sont réalisées ».

Source : CNFPT, réponse aux rapporteurs spéciaux.

Les rapporteurs spéciaux relèvent également avec grand intérêt l’existence d’adaptations locales dans toutes les délégations du CNFPT, et en particulier dans les délégations outre-mer. Par exemple, en Guyane, dans les communes éloignées du littoral et donc peu accessibles, des préparations concours sont organisées de manière dérogatoire « en intra », c’est-à-dire sans que les préparationnaires aient à quitter les communes.

De plus, « la quasi-totalité des formations est suivie par les stagiaires sur le territoire de leur délégation de rattachement ou à défaut sur le territoire de l’espace de coopération au sein duquel celle-ci fonctionne : Antilles-Guyane (Martinique, Guadeloupe, Guyane) et Océan Indien (La Réunion, Mayotte) » sans parler de l’accès des stagiaires ultramarins « à l’offre de webinaires de l’établissement au même titre et dans les mêmes conditions que l’ensemble des stagiaires de l’Hexagone ».

Le CNFPT a signé des conventions avec certains territoires ultra-marins, pour lesquels il propose des formations ainsi que des missions d’expertise et de conseil.

Présentation des conventions du CNFPT avec la Polynésie française

Le CNFPT a conclu trois conventions avec la Polynésie française : une convention avec le Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie Française (SPCF) ; une avec le Centre de gestion et de formation de la Polynésie (qui est un peu l’équivalent du CNFPT et d’un centre de gestion pour les 18 communes de la Polynésie française) et une avec la collectivité territoriale de Polynésie.

Depuis 2012, le CNFPT est engagé auprès du centre de gestion et de formation de la Polynésie française (CGFPF) via un programme d’appui de formation des agents des communes de Polynésie française adapté aux besoins de ce territoire afin d’accompagner la mise en place des réformes communales.

Les axes de collaboration de la convention pour les années 2021-2023 visent à :

– Accompagner la mise en œuvre des 5 parcours métiers suivants : directeur général des services, acheteur public, responsable état civil, directeur financier, directeur des ressources humaines ;

– Consolider la compétence pédagogique du CGFPF en renforçant les compétences pédagogiques des intervenants locaux (formation de formateurs...) ;

– Déployer et promouvoir l’innovation dans l’action publique - Favoriser la mise en réseau des cadres communaux polynésiens.

Source : CNFPT, réponse aux rapporteurs spéciaux.

Les rapporteurs spéciaux saluent avec intérêt l’organisation par le CNFPT des Rencontres Territoriales des Antilles et de la Guyane, manifestation se déroulant alternativement dans l’un des trois départements français d’Amérique tous les deux ans, à l’image des Entretiens Territoriaux de Strasbourg que le CNFPT organise depuis une vingtaine d’années.

Ils reconnaissent à cette manifestation l’intérêt de faciliter l’accès des élus et cadres en charge de la gestion des collectivités ultramarines à des conférences et débats sur des thématiques de politiques publiques d’actualité.

Interrogé par les rapporteurs spéciaux sur les formations suivies par les agents des collectivités territoriales ultramarines, le CNFPT leur a indiqué qu’elles « sont principalement liées à la recherche d’efficacité et de bon fonctionnement des services ainsi qu’à la qualité du service rendu aux usagers. Il s’agit donc d’abord de formations permettant l’acquisition des compétences de base nécessaires pour exercer les métiers territoriaux adaptés au contexte local et assurer la délivrance des services indispensables à la vie des usagers. » Le CNFPT ajoute que « les besoins et les attentes spécifiques des agents portent essentiellement sur les domaines techniques, de management et de gestion des ressources humaines. »

Pour le CNFPT, « cette situation s’explique notamment par la structure de la fonction publique territoriale dans ces territoires, laquelle se caractérise par une surreprésentation des catégories C, une surreprésentation des faibles niveaux de qualification et une sous-représentation des catégories A et B. »

Les rapporteurs spéciaux regrettent que l’offre de formation du CNFPT ne soit pas autant utilisée par les collectivités territoriales ultramarines et leurs agents qu’elle pourrait l’être.

Recommandation n° 8 : Encourager le recours aux programmes du CNFPT, dont l’offre de formation recouvre notamment des dispositifs sur-mesure conçus avec les collectivités territoriales.

C.   consolider toute la chaÎne d’ingÉnierie et les dispositifs d’accompagnement sur le long terme

1.   Renforcer l’aide en amont pour une véritable aide à la maîtrise d’ouvrage

Les rapporteurs spéciaux se font l’écho de différents élus ultramarins leur ayant signalé que le manque d’ingénierie en amont prive certaines collectivités de la possibilité de solliciter précisément une aide en ingénierie, par exemple pour une aide à la maîtrise d’œuvre, et de l’intérêt d’une aide supplémentaire pour « aider à rendre les projets matures ».

Ce cas de figure a également été présenté aux rapporteurs spéciaux par la préfecture de la Guadeloupe.

L’intérêt d’une « ingénierie amont »

« Le champ d’intervention de l’ingénierie publique de l’État couvre un champ très étendu d’expertises et d’appuis spécifiques qu’il peut mobiliser en direction des territoires en ce qui concerne, l’ingénierie de projet, l’ingénierie administrative, l’ingénierie réglementaire et juridique, l’ingénierie financière etc.

« En revanche, les collectivités ont besoin en premier lieu d’une ingénierie de « maîtrise d’ouvrage » internalisée, formée et pérenne qui pourrait parfois être couverte par des postes mutualisés entre les communes et leurs groupements intercommunaux.

« Mais elles ont aussi besoin d’une ingénierie d’appui, de soutien d’experts polyvalents et neutres en capacité de prendre la mesure du contexte et des enjeux spécifiques de la collectivité pour défendre ses intérêts, ingénierie « amont » permettant aussi d’entrer dans le cycle vertueux des dispositifs d’accompagnement.

« Ces carences en ingénierie « amont » excluent souvent les collectivités de la possibilité de s’inscrire dans des dispositifs permettant de trouver un cadre et un accompagnement financier pour faire émerger ou concrétiser les projets qu’elles voudraient porter, dispositifs de soutien bénéficiant ainsi le plus souvent aux collectivités disposant déjà d’une capacité d’action interne structurée. »

Source : services de la préfecture de la Guadeloupe, réponse aux rapporteurs spéciaux.

Certains élus auditionnés par les rapporteurs spéciaux n’identifient pas les ressources de l’AFD (Fonds outre-mer) comme suffisantes pour accompagner les collectivités en amont, et estiment qu’on ne peut considérer les aides déjà existantes comme de véritables aides en maîtrise d’ouvrage : en effet, à titre d’exemple, pour obtenir le financement d’une étude de maîtrise d’œuvre sur un projet, il faut au préalable définir le cahier des charges techniques, phase pour laquelle les collectivités n’ayant pas les ressources internes sont laissées à elles-mêmes.

Les rapporteurs spéciaux présentent ici les solutions imaginées en Guadeloupe et en Guyane.

– en Guadeloupe, la cellule d’ingénierie lancée en 2022 en préfiguration d’une future agence territoriale d’ingénierie propose un accompagnement des collectivités très en amont dans le montage des projets. Cela doit permettre « aux collectivités, de nouer les partenariats (…) permettant la conception, l’utilisation et le suivi des outils en lien avec les aspirations et projets des différents élus et acteurs locaux du service public. » 

« Au niveau du SGAR, dans l’appui aux collectivités, des revues de projets sont organisées de façon régulière par la cellule ingénierie afin de garantir un déroulement optimal des opérations. Les revues de projets sont réalisées en présence des parties prenantes du projet tel que (liste non exhaustive) :

« – pôle de gestion et animation des dispositifs économiques de l’État (PGAE)

« – chargés de mission de l’unité AOC de la DEAL

« – directeur général des services des collectivités

« – directeur général des services techniques

« – agents en charge du montage et suivi des projets etc.

« Cette mission essentielle permet de guider les collectivités de manière opérationnelle et technique sur les projets financés par des dispositifs de l’État. Pour cela, la cellule a la charge d’identifier les difficultés que connaissent les collectivités territoriales et de proposer, quand cela est faisable, des moyens d’action efficaces afin de débloquer la situation ou d’acter le désengagement quand le projet n’est pas en mesure d’être continué. Par ailleurs, lors de ces revues de projets, organisées de façon bimestrielle, les collectivités font également part de leurs futurs projets, ce qui permet donc :

« – d’assurer une amélioration qualitative des demandes de financement auprès des porteurs d’aide, notamment l’État ;

« – garantir un déroulement optimal des opérations après engagement des dépenses ;

« – vérifier la viabilité des ambitions stratégiques portées par la collectivité ;

« – anticiper les points bloquants du futur projet (administratifs, financiers, fonciers…).

Source : services de la préfecture de la Guadeloupe, réponse aux rapporteurs spéciaux.

– Pour les services de la préfecture de Guyane, « l’action de la PACT, visant à sécuriser le lancement et la mise en œuvre du projet, ne peut être efficace que si elle est en mesure d’appréhender l’ensemble de la conduite des projets, quand bien même la commune estime être en mesure d’assurer en interne et sans difficultés pressenties certains des aspects de la maîtrise d’ouvrage. »

C’est pourquoi « la simple recherche de financements pour un projet sans diagnostic technico-juridique de celui-ci n’est pas du ressort de la PACT. »

« La PACT a notamment :

« – proposé la rédaction de délibérations visant à définir le projet, le plan de financement, la relecture ou le partage de modèle de pièces de marchés de travaux ou d’études (construction d’un groupe scolaire à Grand-Santi ou Iracoubo, rénovation énergétique de l’école du bourg de Montsinéry, gîte de Ouanary, rénovation de la salle des fêtes de Cacao, maison des cultures, France Service à Maripasoula par exemple),

« – estimé le coût des opérations en vue de constituer les demandes de financement à la DETR-DSIL ou sur la dotation scolaire du budget opérationnel de programme (BOP) 123 Conditions de vie outre-mer.

« La PACT [assiste aussi les] collectivités désireuses d’élaborer une stratégie pluriannuelle d’investissement, en vue d’élaborer un plan pluriannuel d’investissement (PPI). »

Source : services de la préfecture de la Guyane, réponse aux rapporteurs spéciaux.

Les rapporteurs spéciaux appellent à approfondir l’aide à l’ingénierie en amont, pour aider à la conception des projets, pour remédier à ce qu’ils considèrent aujourd’hui comme un angle mort.

Recommandation n° 9 : Compte tenu du caractère technique des dossiers à soumettre pour obtenir une aide à la maîtrise d’ouvrage, approfondir l’aide à l’ingénierie en amont, pour aider à concevoir et finaliser le projet d’un point de vue technique et opérationnel.

2.   Consolider toute la chaîne d’ingénierie, certains champs n’étant actuellement pas couverts

Au-delà de l’ingénierie « amont », les rapporteurs spéciaux constatent qu’il y aurait également grand intérêt à consolider toute la chaîne d’ingénierie.

– L’ANCT relève qu’« au-delà de leurs difficultés financières souvent majorées, (…) un besoin général de renforcement des capacités des communes et EPCI ultra-marins dans leurs fonctions de maîtrise d’ouvrage et de portage de leurs projets [est identifié], sur l’ensemble de la chaîne d’ingénierie (de la transformation d’une idée en projet à la réalisation concrète de celui-ci). »

D’après l’ANCT, les « difficultés [tiennent] tout à la fois [de] l’expression du besoin initial d’appui, [de] la réponse à des appels à projet ou AMI, [du] pilotage de missions externalisées d’ingénierie, [et de] la prise en compte des préconisations et outils résultant des missions d’appui, jusqu’à la réalisation effective des projets (enjeu de transformation des autorisations d’engagement en crédits de paiement). »

L’ANCT a fait part aux rapporteurs spéciaux d’une réflexion en cours avec ses directeurs territoriaux et directeurs territoriaux adjoints « au sujet de demandes d’accompagnement en ingénierie sur des diagnostics urbains et socio‑territoriaux ou encore sur la thématique du tourisme. »

– Pour les services de la préfecture de Guadeloupe, « un appui au suivi de projets pluriannuels et en matière de rédaction de cahier des charges dans le cadre de la passation des marchés publics permettrait une meilleure exécution des opérations financées par l’État. »

Les services de la préfecture relèvent également que « des champs importants sont peu ou pas couverts par les dispositifs d’ingénierie existants et il convient donc de les développer. »

Domaines insuffisamment couverts par les dispositifs d’ingénierie

« – la réalisation des études pré-opérationnelles (opportunité-faisabilité). Celles-ci ont pour objectif de permettre aux collectivités de confirmer ou de modifier le projet initial en connaissance de cause et leur permettre d’en dérouler les phases ultérieures de façon plus sécure.

« – l’analyse financière de la collectivité en investissement et en fonctionnement (la capacité d’auto-financement provient de l’excédent constaté sur le budget de fonctionnement, or cet aspect n’est que trop rarement recherché). Cette analyse doit permettre de déterminer la capacité d’investissement de la collectivité, de l’aider à mettre en place des plans de trésorerie par opération, de consolider les plans de trésorerie des opérations retenues dans la programmation pluriannuelle d’investissement à mettre en place.

« – l’ingénierie foncière permettant à la collectivité de valoriser son patrimoine, de trouver des accords d’échange de foncier avec des privés ou de préempter au bon moment, d’étudier la passation de baux emphytéotiques, plutôt que des ventes de terrain pour améliorer les recettes de fonctionnement.

« – le conseil et l’assistance en achat public, permettant de bien choisir les procédures, en maîtriser les délais et bénéficier d’une expertise sur la rédaction des pièces marchés et d’une assistance à l’analyse des offres et à la signature des contrats (notamment en cas de mandat ou de concession).

« – l’assistance au management de projet, notamment pour la mise en place du planning et du suivi de la réalisation de l’opération et de ses phases importantes, en tenant compte de tous les aspects réglementaires, des délais de la commande publique et du benchmarking d’opérations similaires en Guadeloupe. Cette assistance permettant également de prévoir les remontées de dépenses pour le versement des subventions obtenues. »

Source : services de la préfecture de la Guadeloupe, réponse aux rapporteurs spéciaux.

3.   Généraliser une offre de plus long terme

Les rapporteurs spéciaux constatent que l’appui ponctuel de cabinets d’étude, qui constitue une part importante de l’aide en ingénierie, n’est pas suffisant au regard des besoins des collectivités.

Or, si certaines initiatives s’inscrivent sur un temps long, elles s’avèrent limitées en nombre.

À titre d’exemple la collectivité de Saint-Martin a bénéficié d’un accompagnement de l’AFD, après le passage de l’ouragan Irma en 2017, non seulement pour l’aider à mettre en œuvre son plan d’investissement, mais pour effectuer un audit des marchés publics et de la situation financière de la collectivité, mais aussi pour appuyer celle-ci dans l’acquisition de compétences en gestion des ressources humaines ([35]).

En Guadeloupe, « l’État a déployé une assistance technique auprès du SMGEAG composée de cinq ETP à ce stade. Il s’agit de cadres A+ (IPEF…) mis à disposition par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le ministère de la santé qui viennent seconder l’encadrement supérieur du syndicat et l’accompagner dans sa structuration opérationnelle. »

Constatant qu’il est parfois difficile pour des opérateurs comme l’ANCT de recruter des chargés de projet spécialisés, les rapporteurs spéciaux voient aussi dans le rallongement des missions un facteur d’amélioration de l’attractivité.

a.   Réfléchir à une extension du modèle mis en place dans le cadre des COROM (contrats de redressement en outre-mer)

Les rapporteurs spéciaux encouragent une réflexion sur les moyens d’étendre le modèle mis en place dans le cadre des contrats COROM (contrat de redressement en outre-mer), les experts étant mis à la disposition des collectivités pour une longue durée.

Les contrats de redressement outre-mer (Corom)

Introduit par amendement à la loi de finances initiale pour 2021, les contrats de redressement outre-mer (Corom) visent à apporter un soutien spécifique de l’État aux communes ultramarines souhaitant assainir leur situation financière et réduire les délais de paiement de leurs fournisseurs locaux. Les communes qui signent un Corom s’engagent, en contrepartie d’un soutien financier de l’État, à redresser leur situation financière.

Doté d’une enveloppe de 30 millions d’euros sur trois ans (ouverture de 10 millions d’euros de CP par an), le dispositif Corom permet d’apporter aux communes qui en font la demande un appui technique par l’envoi d’experts et un appui financier individualisé. L’État conditionne le versement des subventions au respect par les collectivités de leur engagement à redresser leur situation financière, par la fiabilisation des comptes et la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement.

Sept communes ont actuellement signé un COROM : Pointe-à-Pitre et Basse-Terre pour la Guadeloupe ; Fort-de-France et Saint-Pierre pour la Martinique ; Cayenne et Iracoubo pour la Guyane et Saint-Benoît pour La Réunion.

Source : DGOM, réponse au questionnaire PLF 2023 des rapporteurs spéciaux.

b.   Concrétiser la proposition de la direction générale des outre-mer de créer des plateformes d’ingénierie composées d’experts d’Expertise France

La DGOM « milite » « pour la création de plateformes d’ingénieries permanentes, armées par les assistantes techniques d’Expertise France ». Cette option qui pourrait « être expérimentée pendant 3 ans » est aujourd’hui discutée entre les différents ministères tutelles de l’AFD. « Expertise France, dont c’est le cœur de métier, pourrait en effet intervenir dans ces territoires pour des opérations de renforcement de capacités, sur le modèle qu’elle a développé dans les pays émergents. »

« L’objectif serait de renforcer les compétences des collectivités par la mobilisation d’experts pour des missions longues (2 ans renouvelables) qui pourraient intervenir sur des opérations d’assistance technique (expertise et conseil) faute de compétences suffisantes sur place, et favoriser la montée en compétences des services par un transfert de savoir-faire aux équipes des collectivités.

« Les collectivités locales comme les préfets sont demandeuses de ce type d’appui sur mesure. »

Source : DGOM, réponse aux rapporteurs spéciaux.

Les rapporteurs spéciaux approuvent cette démarche, en alertant sur l’impératif de coordonner ces futures plateformes avec les moyens déployés par les services préfectoraux et les plateformes déjà existantes.

Recommandation n° 10 : Autoriser et financer le recrutement par Expertise France d’experts pour des missions longues d’accompagnement et de formation des personnels des collectivités territoriales.

c.   Saisir l’opportunité de la prochaine révision de l’accord-cadre d’appui à l’ingénierie de l’ANCT pour proposer un accompagnement de plus long terme

L’accord-cadre d’appui à l’ingénierie de l’ANCT arrive à échéance fin 2024 : les rapporteurs spéciaux suggèrent de réfléchir à cette occasion à une offre d’accompagnement de plus long terme.

D’après l’ANCT, ce pourrait être l’occasion de « faire évoluer certains aspects de l’accompagnement de l’Agence en tenant compte des besoins spécifiques des collectivités ultra-marines, en articulation et en complémentarité avec les autres aides à l’ingénierie publiques et parapubliques activables outre-mer (Banque des territoires, Ademe, Cerema, Agence nationale de l’habitat (Anah), Agence nationale pour la rénovation urbaine – Anru, Atout France, office français de la biodiversité (OFB), AFD, DGOM). Le travail de cartographie comparée de ces offres d’ingénierie actuellement réalisé par l’ANCT, en lien avec ces partenaires et avec les préfectures, constituera un point d’appui utile dans cet exercice. »

Cette réflexion pourra être l’occasion de réfléchir aux « conditions d’une extension de l’accompagnement au-delà des phases d’études préalables et d’opportunité et de cadrage et de montage pré-opérationnel des projets auxquelles les interventions de l’ANCT sont actuellement limitées ».

L’ANCT a également signalé aux rapporteurs spéciaux avoir été sollicitée par la DGOM « pour réfléchir avec elle à un dispositif d’appui qui reposerait sur un accompagnement à moyen terme (possiblement jusqu’à 2 ans) pour renforcer les capacités globales des collectivités en vue du portage de leurs projets (fonctions marchés publics, finances, voire RH) et la mobilisation d’une expertise technique sur une même durée en appui aux projets des collectivités. »

L’ANCT fait toutefois remarquer qu’« au regard de ses objectifs, la mise en œuvre d’un tel dispositif dépasserait les missions et capacités d’intervention propres de l’ANCT et de son marché d’ingénierie même revu. D’autres pistes sont étudiées, notamment en lien avec les dispositions d’appui à l’ingénierie envisagées dans le cadre du futur programme « France ruralité » ou dans le cadre de la nouvelle génération de CCT. »

Recommandation n° 11 : À l’occasion de la prochaine révision de l’accord-cadre d’appui à l’ingénierie de l’ANCT, prévoir un accompagnement en amont des phases d’études préalables et d’opportunité et de cadrage et de montage pré-opérationnel des projets, en coordination avec les autres dispositifs d’ingénierie publics.

d.   Prévoir dans les appels à projet une enveloppe budgétaire spécifique pour l’ingénierie de projet

Les services de la préfecture de La Réunion ont soumis aux rapporteurs spéciaux leur réflexion sur la mise en place, dans les subventions attribuées à des projets, d’une « part dédiée à l’ingénierie de projet ». D’après eux, « une solution de ce type est mise en place dans le cadre du fonds vert et sera également mise en œuvre dans le cadre du Fonds social européen (FSE+) pour permettre aux porteurs de projets de mobiliser les compétences administratives et financières nécessaires au suivi du dossier de demande de subvention lui-même (suivi des paiements et des justificatifs de solde). »

4.   Envisager l’intégration de dispositifs d’ingénierie aux prochains contrats de convergence et de transformation (CCT)

Les contrats de convergence et de transformation 2019-2022 ont été dotés d’avenants pour l’année 2023, avant la préparation de la prochaine génération de contrats.

D’après les services de la préfecture de La Réunion, l’avenant de prolongation du CCT de La Réunion pour l’année 2023 a été l’occasion d’intégrer une nouvelle disposition au CCT, « pour répondre à des besoins important d’ingénierie des collectivités » pour appuyer les collectivités en cohérence et en complémentarité avec les dispositifs portés par l’ANCT et le fonds vert, à partir du programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire. Les rapporteurs spéciaux encouragent les différents partenaires (État, opérateurs, collectivités territoriales) à envisager l’intégration aux prochains CCT de dispositifs d’ingénierie adaptés aux territoires. La DGOM a indiqué aux rapporteurs spéciaux qu’« une telle organisation pourrait être encouragée, chaque fois que possible ».

Recommandation n° 12 : En concertation avec les collectivités territoriales, saisir l’opportunité de la préparation des prochains contrats de convergence et de transformation pour intégrer une dimension « ingénierie ».

5.   Réfléchir à un partenariat entre l’AFD et le Cerema pour l’utilisation du Fonds outre-mer

D’après le Cerema, « la DGOM souhaite que le Cerema soit un acteur dans la mobilisation du FOM (Fonds Outre-mer). Un travail est actuellement mené entre le Cerema et l’AFD pour améliorer le dispositif. Une convention dédiée à l’Outre-mer va être signée en ce sens entre l’AFD et le Cerema. » Les rapporteurs spéciaux seront attentifs aux développements futurs qui pourraient en effet répondre aux demandes exprimées au Cerema par les collectivités, d’autant que certaines interventions du Cerema en faveur des collectivités peuvent être financées par l’AFD.

Pour les rapporteurs spéciaux, si un tel développement se concrétise, une revalorisation des crédits portés par le programme Conditions de vie outre-mer à destination du Fonds outre-mer sera indispensable.

6.   Mutualiser l’ingénierie dans les établissements publics de coopération intercommunale au cas par cas

Les rapporteurs spéciaux relèvent que certaines communautés d’agglomération, comme en Guadeloupe, ont recruté « des chargés de mission d’appui aux communes, qui animent le réseau des secrétaires de mairie, aide à l’élaboration des cahiers des charges, puis aux appels d’offres. D’autres ont créé des cellules d’assistance technique légères qui travaillent en transversalité, fédèrent les expertises des agents dans toutes les directions et interviennent en équipe mobile d’ingénierie maillant le territoire. »

Il s’agit pour les rapporteurs spéciaux d’une réflexion intéressante, qui doit prendre en compte au cas par cas les relations entre les collectivités territoriales et l’organe intercommunal, notamment quant au choix de transférer certaines compétences ([36]). Il leur a également été signalé que certains groupements intercommunaux devaient compléter leurs capacités en ingénierie afin d’assumer pleinement les compétences qui leur ont été récemment accordées par la loi n°2015‑991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République dite NOTRe).


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion de 14 heures, le lundi 5 juin 2023, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Christian Baptiste et Mme Karine Lebon, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Outre‑Mer, sur leur rapport d’information sur l’évaluation des dispositifs d’ingénierie proposés aux collectivités territoriales ultramarines, présenté en application de l’article 146, alinéa 3, du règlement de l’Assemblée nationale.

M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Le déficit en ingénierie des collectivités territoriales ultramarines est malheureusement une difficulté récurrente, constatée dans la quasi-totalité des territoires.

L’ingénierie, ce sont les capacités d’expertise, par exemple pour la mise en œuvre d’un projet concret, mais aussi des capacités à maîtriser des processus administratifs – règles de la commande publique et bon usage des subventions par exemple.

Ce n’est pas un sujet propre aux outre-mer : l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT) apporte son aide à toutes les collectivités. Mais toutes les personnes auditionnées ont insisté sur l’importance de ce sujet dans les outre-mer.

Le manque de capacités d’ingénierie constitue l’origine principale des difficultés de mise en œuvre des projets planifiés par les collectivités au sein de leur programmation pluriannuelle des investissements. Au sein du programme 123 Conditions de vie outre-mer, l’immense majorité des crédits sont des crédits d’intervention ; autrement dit, ce n’est pas l’État qui dépense directement l’argent. Ces transferts sont majoritairement des transferts aux collectivités territoriales. Or on constate que les projets tardent à sortir de terre.

Pendant la discussion du projet de loi de finances, vous avez dit, monsieur le ministre délégué, que l’argent est bien là, que ce n’est pas cela le problème. C’est vrai, mais nous estimons que pour atteindre l’objectif de convergence fixé par la loi Erom, l’État doit aider les collectivités territoriales ultramarines à dépenser ces crédits. Sinon, nous ne progresserons pas.

Mme Karine Lebon, rapporteure spéciale. Des dispositifs existent déjà, bien entendu. Ce problème est identifié depuis plusieurs années. L’État, par ses services déconcentrés et ses opérateurs, met beaucoup en œuvre, et pas seulement dans le cadre de la mission Outre-mer. Nous avons donc voulu expertiser ce qui existe et échanger avec les exécutifs locaux pour connaître leur sentiment.

Nous avons ainsi auditionné les préfets de nos territoires respectifs, la Guadeloupe et La Réunion, ainsi que ceux de Mayotte et de la Guyane pour leurs deux plateformes d’ingénierie à caractère précurseur. Nous avons également entendu des associations de maires. De plus, nous avons auditionné l’Agence française de développement, qui gère le fonds outre-mer grâce à des crédits de la mission Outre-mer, l’Agence nationale de la cohésion des territoires, et le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement). Nous avons également entendu le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) pour évoquer les questions de formation.

Voici nos conclusions.

Premièrement, le besoin de renforcement de l’aide en ingénierie fait consensus parmi toutes les institutions auditionnées. Les collectivités ultramarines présentent des fragilités : un problème d’attractivité dans certains territoires, comme Mayotte ; un turnover important ; une surreprésentation fréquente des catégories C et B ; un encadrement intermédiaire souvent insuffisant. On nous a même signalé un phénomène de concurrence entre collectivités pour le recrutement de personnels bénéficiant de compétences techniques et administratives. Or, nous l’avons constaté, les procédures sont très complexes ; le montage de dossiers pour répondre aux appels d’offres est particulièrement ardu.

Deuxièmement, l’offre est vaste, mais mérite des aménagements. Il faut impérativement mieux la coordonner et l’organiser. Nous avons constaté avec un grand étonnement qu’il n’en existait pas pour l’instant de répertoire général. Les maires l’ont déploré. L’ANCT est en train de faire ce travail ; nous nous en réjouissons, car il apportera plus de clarté.

Troisièmement, il y a encore des manques. Les maires nous disent ainsi que le caractère technique des appels à projets rend nécessaire une aide plus en amont. Il manque aussi une aide au plus long cours, destinée à permettre à la collectivité de développer ses capacités internes.

M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Ce constat étant fait, nous vous proposons une douzaine de recommandations.

Mais, en préambule, deux remarques. Premièrement, l’aide apportée par des opérateurs ou par les services déconcentrés de l’État ne doit en aucun cas entraver la libre administration des collectivités territoriales et se substituer à leur capacité décisionnaire. Or les associations de maires auditionnées nous ont indiqué que la frontière est parfois ténue.

Deuxièmement, lors des auditions, nous avons entendu de la part de la Cour des comptes quelque chose comme « il faut arrêter de mettre de l’argent là où on sait qu’il ne sera pas dépensé ». Pour nous, ce n’est pas comme cela qu’il faut voir les choses. Les territoires ont besoin de ces crédits ; je ne vais pas vous énumérer leurs retards par rapport à l’Hexagone, leurs besoins en logements sociaux, ou en écoles à Mayotte, où les classes sont partagées entre deux niveaux, matin et après-midi, faute de mieux. L’État a un devoir d’accompagnement des territoires. Il faut tout faire pour renforcer cet accompagnement afin que les dispositifs soient connus et correctement utilisés.

Voici nos principales recommandations.

Premièrement, mieux coordonner les moyens existants. Les élus nous disent qu’il y en a beaucoup, mais pas assez ordonnés, et qu’ils ne savent pas toujours vers qui se tourner. La coordination doit se faire autour des services de la préfecture. Pour nous, cela va de pair avec une généralisation des plateformes, qui proposent à la fois de l’ingénierie de projet et de l’ingénierie technique et qui savent orienter les collectivités vers les opérateurs qui peuvent les soutenir.

Mme Karine Lebon, rapporteure spéciale. Ce n’est pas parce qu’une enveloppe n’est pas consommée qu’elle est inutile : peut-être les crédits ne sont-ils pas adaptés – il en a été question à propos du montage de dossiers. Les élus nous disent que l’offre n’est pas tout à fait adaptée à leurs besoins. Il existe certes une assistance à maîtrise d’ouvrage, mais pour candidater aux financements ou à l’envoi d’un chargé de mission dans le cadre du fonds outre-mer, il faut constituer un dossier qui nécessite déjà de l’ingénierie ! C’est assez kafkaïen, vous en conviendrez. Nous recommandons donc également un approfondissement de l’aide au tout début du projet.

Nous appelons aussi à mieux faire connaître les offres de formation du CNFPT, et nous encourageons les démarches des préfets qui instaurent des formats innovants dans leur territoire pour favoriser la transmission de compétences.

J’en viens aux contrats de convergence et de transformation (CCT) qui s’achèvent – les prochains, pour 2024, seront bientôt lancés. Pour nous, c’est le moment ou jamais de mieux les utiliser pour des actions d’ingénierie. Les derniers n’ont pas été entièrement consommés, loin de là ; plusieurs intervenants nous ont dit que certaines actions étaient trop complexes, sans ingénierie adaptée. Peut-être a-t-on mis la charrue avant les bœufs ; il faut corriger ce défaut pour les prochains CCT.

Parmi nos recommandations figure aussi l’ouverture urgente d’une réflexion sur le retour dans les territoires des forces vives qui les ont quittés pour se former dans l’Hexagone. Cette question, qui dépasse le sujet de l’ingénierie, est, elle aussi, primordiale.

Où en sont les discussions interministérielles en vue d’autoriser une participation d’Expertise France, filiale de l’AFD, aux programmes d’ingénierie ? Plusieurs intervenants nous ont signalé qu’Expertise France pourrait utilement compléter l’offre de l’AFD, par exemple pour le fonds outre-mer.

Pouvons-nous espérer que, dans le cadre de la prochaine discussion budgétaire, des crédits iront au déploiement généralisé des plateformes d’accompagnement territorial ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Les données récentes de l’exécution budgétaire sont encourageantes, mais le montant des restes à payer de la mission pose la question de la capacité à concrétiser les projets engagés – il s’agit de notre capacité collective, celle des collectivités locales comme de l’État, puisque nous définissons les projets ensemble. Le même problème se pose, au-delà de la mission Outre-mer, pour l’ensemble des dispositifs des autres ministères, mais aussi pour la gestion des fonds européens – le cas de Mayotte est tout à fait symbolique.

Face à cette situation, le diagnostic me semble partagé : il faut renforcer les moyens d’ingénierie mis à la disposition des territoires d’outre-mer, afin de permettre à ces derniers de mener à bien les opérations structurantes nécessaires à leur développement. Il s’agit d’une problématique d’ensemble, qui nécessite d’agir à plusieurs niveaux. La solution, in fine, ne viendra pas de l’État, mais du fait que chacun se prenne en main.

Premièrement, le déficit d’ingénierie est lié à des difficultés intrinsèques à beaucoup de collectivités ultramarines. Le faible taux d’encadrement limite la capacité de nombre d’entre elles à concevoir les projets et à les mettre en œuvre. Les difficultés financières de beaucoup de collectivités, liées à une masse salariale trop élevée par rapport à leurs recettes – pour des raisons dont nous pourrions discuter, mais qui ne soulèvent pas de désaccords – les empêchent de recruter les agents de catégorie A dont elles ont besoin. Les effectifs dans les hôpitaux de Pointe-à-Pitre et de Fort-de-France en fournissent une illustration parfaite – mais la réintégration et le départ volontaire se passent bien.

Une première solution à ce problème résultera de l’amélioration de la situation financière des collectivités. C’est le sens, en particulier, des Corom, qui incluent un volet d’assistance technique pour aider les communes signataires à améliorer leur gestion et à retrouver des marges. Cette année, grâce au vote de votre assemblée, nous augmenterons le nombre de bénéficiaires des Corom, au-delà du SMGEAG, d’une petite dizaine ; les négociations sont en cours.

Dégager des marges financières pour recruter des agents plus qualifiés est la première condition, mais elle n’est pas suffisante. Le vivier en matière d’ingénierie est aujourd’hui trop limité. Il faut à mon sens agir sur la formation des agents des collectivités. De beaux parcours de progression des catégories C à B, et B à A, sont possibles. Le CNFPT a un rôle essentiel à jouer dans la promotion et la formation des agents sur place ; je souhaite signer avec lui un contrat fort, quitte à y mettre un peu d’argent – que vous me donnerez lors de la discussion budgétaire…

Deuxièmement, l’offre privée d’ingénierie peine à émerger. Une partie de l’explication réside dans les difficultés financières du principal client, les collectivités, dont les délais de paiement fragilisent leurs prestataires. Nous essayons – c’est difficile, mais je pense y arriver au sein du comité interministériel des outre-mer – de créer un système d’affacturage inversé : tout titulaire d’une créance sur une collectivité locale pourrait se retourner vers un organisme ad hoc et celui-ci, dont les créances seraient garanties par le ministère, se retournerait vers le débiteur. Cela peut rassurer des sociétés privées et des fournisseurs des collectivités comme des hôpitaux.

Il est également nécessaire de recourir à des politiques d’attractivité pour faire venir dans les territoires d’outre-mer les cadres qualifiés du public comme du privé. Nous en discuterons dans le cadre de la proposition de loi visant à renforcer le principe de la continuité territoriale en outre-mer. Je travaille avec le nouveau directeur général de Ladom et les présidents de collectivités pour permettre le retour des compétences. J’espère doubler le financement de Ladom, je l’ai dit, en deux ou trois ans. Ce serait une sorte de Bumidom (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer) inversé ! En revanche, les dispositifs d’aide à l’installation devront émaner des collectivités, dont c’est la compétence.

L’État, quant à lui, intervient par le dispositif Cadres d’avenir, encore récent mais qui donne de premiers résultats prometteurs : des étudiants et des professionnels à fort potentiel sont sélectionnés et accompagnés financièrement pour effectuer une formation universitaire, à condition de revenir exercer ensuite dans leur territoire. Tous les territoires sauf deux sont couverts. Je souhaite par ailleurs, dans le cadre de la redéfinition des missions de Ladom, que l’agence se positionne concernant une aide à l’installation pour les porteurs de projets créateurs de valeur en outre-mer.

Enfin, l’État propose des outils d’assistance technique… qui sont à peu près incompréhensibles. Leur finalité est double : combler le déficit d’ingénierie pour mener à bien les projets d’aujourd’hui, mais aussi former les agents des collectivités pour qu’ils puissent conduire les projets de demain. L’assistance technique a permis d’atteindre des résultats encourageants, mais insuffisants, notamment dans le cadre du fonds outre-mer, l’outil de mon ministère en la matière, doté de 10 millions par an.

Ces dispositifs d’assistance technique sont nombreux et leur coordination pourrait être améliorée. Le renforcement des moyens d’ingénierie des collectivités est un axe de la politique que j’entends, avec Gérald Darmanin, mener sur l’ensemble du territoire. Elle prend de l’ampleur grâce à la création récente de l’ANCT, qui a vocation à jouer un rôle de chef de file, mais dont le positionnement ne me semble pas adapté aux problématiques d’outre-mer. Elle propose en effet une offre d’ingénierie pour l’amont des projets, sur des durées courtes. Or, en outre-mer, le besoin en ingénierie se situe aussi bien en amont, au stade de la conception des projets, qu’en aval, au stade de leur mise en œuvre et des financements, et concerne plutôt des prestations longues, tirant profit de l’inclusion des personnels sur place.

Les dispositifs existants se heurtent en outre à des problèmes de recrutement. J’essaye d’obtenir, et je pense l’emporter même si le ministère des affaires étrangères n’y est pas favorable, que l’on crée des centres d’Expertise France, dotés de moyens en personnel pérennes – trois ans au minimum – par l’AFD ou le Cerema, au moins en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion, pour assurer une offre d’ingénierie sans appels d’offres, afin de ne pas perdre de temps. Ainsi, les dispositifs seraient sur place, mobilisables librement à la demande des collectivités. C’est une proposition forte du comité interministériel des outre-mer. Les réflexions et les arbitrages sont en cours. Je comprends assez mal les interrogations du ministère des affaires étrangères à ce sujet, puisque mon ministère paierait tout. Mais mes derniers échanges avec Matignon me laissent bon espoir d’y parvenir. Je pense que c’est la solution. Si on me suggère de la mettre en œuvre à titre expérimental quelque part pendant deux ans, je m’y opposerai : ce sera partout ou nulle part. C’est un vrai combat.

M. le président Éric Coquerel. Merci aux deux rapporteurs spéciaux de leur rapport très concret – qui explique peut-être le caractère également concret des réponses du ministre, dont je salue l’absence de langue de bois, qu’il s’agisse de la généralisation des plateformes d’ingénierie ou des mesures incitant à l’installation, voire au retour d’agents publics dans leur territoire ou département d’origine. Je suis également satisfait du rôle que vous proposez pour le Cerema. S’il faut vous aider dans vos relations avec les autres ministères, la commission des finances pourra toujours servir de médiateur !

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Emeric Salmon (RN). Le rapport est en effet de très bonne qualité. Il est exact qu’il faut mettre l’accent sur la formation au niveau local : avant de penser à faire revenir les agents, rapprocher la formation des territoires est essentiel si l’on veut disposer du volant d’effectifs nécessaire pour répondre aux besoins.

Vous proposez des mesures incitatives pour faciliter l’installation des agents publics dans les territoires ultramarins rencontrant des problèmes d’attractivité. Vu les besoins, c’est tout à fait compréhensible, mais cette mesure n’englobe-t-elle pas déjà votre autre recommandation de « réfléchir à un dispositif facilitant le retour des forces vives des outre-mer dans leur territoire d’origine ». Il me semble que les agents qu’il s’agit d’inciter à s’installer sont notamment ceux qui, originaires des outre-mer, vivent actuellement dans l’Hexagone et que la précision n’est pas indispensable. En métropole, on ne trouverait pas pertinent d’inciter une personne originaire d’un département à retourner y travailler. Mais je ne connais pas toutes les contraintes propres à l’outre-mer.

M. Emmanuel Lacresse (RE). La commission des finances est particulièrement intéressée par la question de l’ingénierie, car c’est la loi de finances pour 2021 qui a créé les Corom, dotés d’une enveloppe de 30 millions sur trois ans, non seulement pour redresser les finances publiques, mais aussi pour apporter un appui technique, grâce à l’envoi d’experts, et une ingénierie. Trois contrats ont été signés dès 2021 et une dizaine supplémentaire vient d’être mentionnée par le ministre. En matière d’ingénierie, le besoin d’une offre privée, notamment, est fondamental. Or les délais de paiement sont de ce point de vue un obstacle. L’État pourrait-il réorienter dès à présent le fonctionnement des Corom pour remédier à ce problème ?

M. Pascal Lecamp (Dem). Quand on manque de têtes bien formées et rompues aux procédures administratives et de financement, les opportunités manquées sont nombreuses, même lorsque la volonté et les idées sont là. Comment le programme Petites Villes de demain fonctionne-t-il en outre-mer ? Quelles sont exactement les « conditions privilégiées » de sa mise en œuvre par l’ANCT, évoquées par nos rapporteurs spéciaux ? Répondent-elles aux besoins locaux ? Combien de villes sont concernées ? Quelle forme les plateformes d’appui aux collectivités locales prennent-elles, et comment les renforcer pour permettre un meilleur accès à l’information, la différenciation claire des acteurs et un accompagnement de la conception du projet à sa réalisation ?

M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. La non-consommation des crédits – ou l’absence d’avancement des projets – est un sujet fréquent de reproches à propos des territoires dits d’outre-mer. Or le manque d’ingénierie est l’une des causes principales de cette situation. Il existe une multitude d’accompagnements, de plateformes, d’agences, de guichets, mais il faut les mutualiser et les coordonner.

En outre-mer, le programme Petites Villes de demain comporte des spécificités.

Au-delà de la formation, il importe de faire en sorte que nos agents de catégorie B puissent progresser et avoir des responsabilités.

Mme Karine Lebon, rapporteure spéciale. Selon tous les économistes, même le département d’outre-mer le plus développé accuse un retard de quinze ans par rapport à l’Hexagone. Voilà pourquoi il nous paraissait important de parler d’ingénierie.

La question de la formation s’est imposée d’emblée : rapprocher les formations de nos territoires, c’est éviter nombre de déplacements et de déracinements pour notre jeunesse. D’où l’audition du CNFPT.

La question de l’attractivité et des processus qui la favorisent ne se pose pas de la même façon dans les territoires ultramarins qui souffrent d’un dépeuplement, comme la Martinique, par exemple, et à l’inverse à La Réunion, qui n’a pas de problème d’attractivité mais compte très peu de cadres A réunionnais en responsabilité. Les travaux de l’Insee montrent que ces forces vives sont sous-employées par rapport à leur niveau de diplôme. Voilà pourquoi nous avons insisté sur le retour des travailleurs ultramarins dans leur territoire d’origine.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Tout le monde est d’accord pour dire que l’aide à l’ingénierie n’est pas suffisante. Beaucoup font des efforts, mais les dispositifs sont trop difficiles à comprendre, les missions trop nombreuses, trop diverses. Il faut d’abord faire attention à la manière dont l’assistance technique proposée est reçue – elle fonctionne très bien au SMGEAG, mais les choses ont été un peu compliquées au début. Il faut ensuite développer la capacité locale d’ingénierie par la formation, notamment le programme Cadres d’avenir.

La seule solution, je le répète, ce sont des plateformes d’Expertise France, sans appels d’offres, animées par des agents de l’AFD et du Cerema installés localement et chargés de former les cadres locaux qui leur succéderont.

La commission autorise, en application de l’article 146, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information de M. Christian Baptiste et Mme Karine Lebon, rapporteurs spéciaux.

 


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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Cour des comptes

– M. Patrick Barbaste, président des Chambres régionales des comptes de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique et des Chambres territoriales des comptes de SaintBarthélemy et de SaintMartin.

Sur Les financements de l’État en outre-mer (2022) :

– Mme Perrine Tournade et Mme Sandrine Venera, conseillères référendaires ;

Sur la note d’exécution budgétaire pour l’exécution 2022 Outre-mer :

– Mme Clothilde Fretin-Brunet, conseiller référendaire,

– M. Étienne Gradelet, conseiller référendaire en service extraordinaire,

– Mme Sylvie Bou Najm, vérificatrice.

 

Association des maires de Guadeloupe

– M. Jocelyn Sapotille, président.

 

Association des maires du département de La Réunion

– M. Serge Hoareau, président, maire de la commune de Petite-Île, vice‑président du Conseil départemental et de la communauté intercommunale des villes solidaires (CIVIS).

 

Direction générale des Outre-mer, ministère de l’intérieur et des outre-mer

– M. Marc Demulsant, sous-directeur de l’évaluation, de la prospective et de la dépense de l’État,

– Mme Isabelle Richard, sous-directrice des politiques publiques.

 

Préfecture de Mayotte

– Mme Maxime Ahrweiler.

 

Préfecture de Guadeloupe

 M. Xavier Lefort, préfet de la Guadeloupe.

 

 

Préfecture de La Réunion

– M. Jérôme Filippini, préfet de La Réunion.

 

Préfecture de la Guyane

– M. Thierry Queffelec, préfet de la région Guyane.

 

Agence française de développement (AFD)

– M. Charles Trottmann, directeur département des 3 Océans,

– M. Philippe Baumel, responsable du secrétariat des instances en charge des Relations avec les administrateurs et le Parlement.

 

CEREMA

– M. Pascal Berteaud, directeur général,

– Mme Séverine Bes de Berc, directrice de la direction territoriale outre‑mer.

 

Agence nationale de la cohésion des territoires

– M. Stanislas Bourron, directeur général,

– M. Éric Lenoir, chef de projet outre-mer, Direction générale déléguée appui opérationnel et stratégique.

 

 

 

 

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([1]) Ensemble des dépenses budgétaires de l’État en faveur des outre-mer.

([2]) Le DPT 2023 ne retrace pas les dépenses par titre.

([3]) Cour des comptes, Les financements de l’État en outre-mer, mars 2022.

([4]) Réponse aux rapporteurs spéciaux.

([5]) Cour des comptes, Note d’exécution budgétaire pour 2022.

([6]) Réponse au questionnaire budgétaire. PLF 2023.

([7]) Services de la préfecture de la Guadeloupe, réponse aux rapporteurs spéciaux.

([8]) Cour des comptes, ibid.

([9]) https://www.lareunion-mayotte.paps.sante.fr/les-aides-linstallation-42

([10]) réponse de la DGOM au questionnaire des rapporteurs spéciaux en vue du PLF 2023.

([11]) Action cœur de ville (ACV), Petites villes de demain (PVD), Avenir Montagne et des contrats de relance écologique (CRTE) sont des programmes mis en œuvre par l’ANCT.

([12]) D’après les services de la préfecture, un poste est vacant depuis février 2022 : le chargé de mission relations avec les collectivités territoriales, en charge de l’appui technique.

([13]) AFD, réponse aux rapporteurs spéciaux.

([14]) AFD, réponse aux rapporteurs spéciaux.

([15]) S’agissant des sources de financements annexes du FOM, seul un transfert de crédits du P204 (Santé) vers le P123 a eu lieu pour alimenter de manière exceptionnelle le Plan Eau DOM.

([16]) DGOM, réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux, PLF 2023.

([17])  De façon exceptionnelle, le dispositif des Volontaires territoriaux en administration (VTA) a été déployé en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à St‑Pierre et Miquelon et St‑Martin à la demande de ces collectivités.

([18])  Après la réalisation en 2020 d’une feuille de route pour les villes ultramarines engagées dans le programme ACV, un projet de feuille de route outre-mer du programme PVD est en cours d’élaboration par l’Agence en partenariat avec la DGOM, les partenaires nationaux et les territoires dans l’objectif de prendre en compte les spécificités ultra-marines et d’adapter autant que possible les aides de l’ANCT et de ses partenaires.

([19]) « Leur adhésion leur donne accès à des avantages réservés et leur permet d’être pleinement partie prenante de l’établissement. L’entrée des collectivités dans sa gouvernance est une nouvelle étape dans l’évolution du Cerema vers un statut inédit, celui du premier établissement public à la fois national et local au service des transitions territoriales. » Réponse aux rapporteurs spéciaux.

([20]) Source : réponse aux rapporteurs spéciaux.

([21]) programme 159 Expertise, information géographique et météorologie de la mission Écologie.

([22]) Cour des comptes, Les financements de l’État en outre-mer, mars 2022.

([23]) Réponse aux rapporteurs spéciaux.

 

([25]) https://aides-territoires.beta.gouv.fr/

Le site « Aide territoires » est une startup d’État portée par la Direction Générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN) avec le soutien de l’Agence Nationale de Cohésion des Territoires (ANCT) et de la Direction Générale des Infrastructures de Transport et de la Mer (DGITM).

([26])  Services de la préfecture de Guyane, réponse aux rapporteurs spéciaux.

([27]) Source : services de la préfecture de la Guadeloupe, réponse aux rapporteurs spéciaux.

([28]) Ibid.

([29]) Réponse aux rapporteurs spéciaux.

([30]) Réponse aux rapporteurs spéciaux.

([31]) Source : réponse aux rapporteurs spéciaux.

([32]) Source : réponse aux rapporteurs spéciaux.

([33]) Services de la préfecture de la Guadeloupe, réponse aux rapporteurs spéciaux :. « La gouvernance et la coordination de ces plateformes, surtout si elles ont vocation à être l’interlocuteur unique des collectivités doit se faire au plus près de celles-ci. Ceci afin d’installer un climat de confiance et une grande réactivité. S’agissant de dispositifs qui relèvent de l’AFD, de l’ANCT, du Cerema, de la Banque des territoires, chacun de ces établissements ayant ses propres règles d’éligibilité des dossiers, d’instruction (modalités et délais) de ceux-ci, une coordination simple de tous ces dispositifs relève du casse-tête et ne permet pas d’envisager la réactivité attendue d’une telle plateforme. »

([34]) Source : réponse aux rapporteurs spéciaux.

([35]) Signalé par la Cour des comptes, Les financements de l’État en outre-mer.

([36])  En Guadeloupe, à titre exemple « toutes les communes ont délibéré pour refuser le transfert de la compétence urbanisme à l’intercommunalité dans la perspective de réalisation de plans locaux d’urbanisme intercommunaux » (je ne comprends pas ce « dans la perspective », alors que justement ce doit être pour empêcher la réalisation de tels plans ?), d’après les services de la préfecture.