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N° 1327

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 juin 2023.

 

 

RAPPORT  D’INFORMATION

 

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de l’article 145 du Règlement

 

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

 

 

en conclusion des travaux de la mission d’information
sur l’avenir de l’audiovisuel public,

 

 

et présenté

 

 

par MM. Jean-Jacques GAULTIER, Président,

et

Quentin BATAILLON, Rapporteur

 

——


La mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public est composée de : M. Jean-Jacques Gaultier, président, M. Quentin Bataillon, rapporteur ; Mme Ségolène Amiot, M. Philippe Ballard, M. Bruno Bilde, Mme Céline Calvez, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. Inaki Echaniz, M. Laurent Esquenet-Goxe, M. Stéphane Lenormand, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Emmanuel Pellerin, M. Stéphane Peu, Mme Béatrice Piron, Mme Cécile Rilhac, Mme Sophie Taillé-Polian.

 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos du Président de la mission

Avant-propos du rapporteur de la mission

Introduction

Première partie : Réaffirmer les missions du service public de l’audiovisuel en les modernisant

I. Un audiovisuel public tiers de confiance des Français

A. Une adhésion du public maintenue malgré un bouleversement du paysage audiovisueL

1. Un niveau de satisfaction contrasté à l’égard du service public de l’audiovisuel et des médias

2. Des audiences toujours importantes dans un contexte d’augmentation de l’âge moyen du public

a. Des résultats en progression

b. Un contexte de vieillissement général des audiences du linéaire qui contraste avec les usages digitaux

3. Des usages transformés

4. Un paysage de l’audiovisuel soumis à des bouleversements profonds et rapides

B. La centralité du service public dans le paysage audiovisuel : un enjeu démocratique et économique

1. La corrélation entre la force du service public et la confiance dans les institutions

2. Un enjeu de souveraineté culturelle doublé d’un outil de soft power

a. Une spécificité européenne à défendre

b. Un vecteur de diffusion mondiale

3. Un acteur économique essentiel pour le secteur de la création sous toutes ses formes

II. La spécificité du service public doit être réaffirmée pour une meilleure différenciation

A. Une différenciation et une identité parfois trop peu visibles

B. Montrer plus d’audace dans les programmes et continuer les efforts pour une meilleure représentativité de tous les genres

C. La limitation de la publicité sur les antennes du service public, gage de spécificité

1. Un encadrement différencié des recettes publicitaires et de parrainage sur le service public

2. Un marché publicitaire média qui se déporte, sauf pour les sociétés de l’audiovisuel public

a. Pour Radio France, un plafonnement adapté

b. Sur les antennes nationales de France Télévisions, une réelle confusion

3. Faire disparaitre les annonceurs sur France Télévisions de 20 heures à 6 heures

III. Un audiovisuel public accessible à tous et recentré sur des orientations stratégiques communes

A. Des missions dont la pertinence demeure : les conforter grâce à des efforts mieux coordonnés

1. Fournir une information fiable à toutes les échelles de territoire et tous les niveaux d’analyse

a. Une information fiable à toutes les échelles géographiques

b. Une analyse au service d’une meilleure appréhension de l’information

c. Contribuer à la vitalité du débat démocratique

2. Une responsabilité de diffuseur

3. Maintenir l’accès gratuit au sport sur la TNT

B. Miser sur la complémentarité des offres linéaires et de la consommation à la demande avec une stratégie de marques réaffirmée

1. Renforcer l’identification éditoriale

2. Utiliser les plateformes tierces de façon raisonnée

3. Poursuivre la nécessaire rationalisation des offres et parier sur la continuité entre linéaire et non linéaire et une plus grande interopérabilité

4. Gagner en visibilité en investissant dans les nouveaux moyens de diffusion et en valorisant l’accès

a. Accélérer l’investissement dans tous les moyens de diffusion

b. La visibilité des services de médias d’intérêt général

Deuxième partie : créer une société holding au service d’une stratégie unifiée des organismes de l’audiovisuel public

I. Utiliser des outils de pilotage rÉnovés pour une stratégie partagÉe

A. Des contrats d’objectifs et de moyens plus transparents et engageant davantage l’état

1. Les contrats d’objectifs et de moyens doivent être plus transparents

2. Des indicateurs à ne pas multiplier et à mieux harmoniser

3. Des conditions de publicité insuffisantes

B. Des engagements réciproques plus prévisibles et mieux respectés

1. Des contrôles déjà importants des résultats de l’audiovisuel public

2. Un meilleur respect par l’État de ses engagements pour garantir une véritable visibilité pluriannuelle

3. Pour une durée des COM cohérente avec les obligations de l’audiovisuel public en termes d’investissement et d’engagement auprès de ses partenaires

II. Mieux piloter les coopérations grâce à une holding stratégique réunissant France télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA

A. Un bilan des coopérations mitigé

1. Des synergies de moyens qui restent marginales pour les budgets des entités

2. Des coopérations stratégiques intéressantes, au déploiement néanmoins trop lent

B. Une holding stratégique, pilote de projets transversaux au service de marques identifiées par le public

1. Les projets prioritaires

a. Le pilotage des coopérations engagées

b. La priorité du développement numérique : la création de passerelles entre les univers numériques des entités

c. Le levier financier

2. La holding : un projet au service de l’indépendance de l’audiovisuel public

a. Une procédure de nomination qui présentera toutes les garanties de l’indépendance

b. Un calendrier de mise en place à articuler à la réforme du financement de l’audiovisuel public

Troisième partie : Consolider les modalités de financement de l’audiovisuel public pour assurer son indépendance

I. Des scénarios de financement qui ne présentent pas les garanties attendues

A. La récente réforme de la contribution à l’audiovisuel public

1. La nécessaire réforme de la contribution à l’audiovisuel public

2. La solution transitoire retenue, fruit d’une initiative parlementaire

B. Pour l’après 2024, les solutions non retenues

1. Plusieurs taxes sont liées aux missions du service public audiovisuel

2. Une contribution universelle élargie à tous les foyers n’est pas souhaitable

3. Les risques d’un financement par le budget général de l’État

a. Des incertitudes sur la trajectoire de recettes et les régulations infraannuelles

b. Le risque d’attrition des ressources

c. Un risque « réputationnel » pour l’audiovisuel public extérieur : de médias de service public à média d’État

d. De potentiels garde-fous inadaptés

II. Une ressource affectée, garantie de l’indépendance

A. Conserver le compte de concours financiers pour pérenniser un financement par taxe affectée après 2024

1. L’indispensable maintien du compte de concours financiers pour prémunir les entités des régulations infra-annuelles

2. L’affectation d’une part de TVA : un système qui favorise le débat parlementaire

3. La nécessité d’une proposition de loi organique réformant la loi organique relative aux lois de finances

4. Un financement compensatoire pour France Télévisions : la taxe sur les services numériques

a. L’exemple espagnol

b. En France, la taxe sur les services numériques

B. Un prélèvement sur recettes au profit de la chaîne culturelle européenne ARTE-France

C. Les vraies garanties d’indépendance passent par le niveau de financement et le respect de la trajectoire attendue

1. Le respect pluriannuel des engagements financiers de l’État

a. La Constitution ne permet pas une pluriannualité contraignante

b. Annexer les COM aux lois de programmation des finances publiques

2. Un niveau de financement compatible avec les missions assignées à l’audiovisuel public

a. Le Conseil constitutionnel n’a pas lié la question de l’indépendance de l’audiovisuel public à la nature du circuit de financement, mais bien au niveau de financement

b. Contrainte budgétaire et pression sur les effectifs : les limites de l’exercice ?

c. Quelle dynamique de financement ?

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Liste des propositions

CONTRIBUTIONS

Contribution au rapport de la mission sur l’avenir de l’audiovisuel public de Madame Ségolène Amiot Députée du groupe parlementaire de la France insoumise - NUPES en complément de celle de Madame la Députée Sophie Taillé-Polian, M. le Député Frédéric Maillot, M. le Député Iñaki Echaniz et M. le Député Alexis Corbière.

Annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

Annexe n°2 : Déplacement de la mission à Londres, Royaume-Uni  (30 et 31 janvier 2023)

 


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   Avant-propos du Président de la mission

Une mission d’information parlementaire, c’est d’abord l’occasion, l’opportunité, et avant tout l’obligation, de faire entendre la voix singulière du Parlement. Cette voix singulière s’exprime ici après l’audition de plus de deux cents personnes, pendant plus de sept mois.

Dans un domaine essentiel pour notre démocratie et notre souveraineté culturelle, le Parlement n’a pas vocation à jouer le rôle ingrat du muet du sérail ou d’un quelconque sleeping partner ([1]) !

Quitte à bousculer, il doit proposer et apporter une véritable valeur ajoutée pour l’audiovisuel public en matière de finances, de gouvernance, d’identité et de spécificité de ses missions :

– une identité publique réaffirmée, à l’instar de nos voisins européens et dans l’esprit de la loi de 2009, sans publicité ni parrainage après 20 heures ;

– une gouvernance réformée, plus cohérente et convergente, abandonnant une organisation en silos, véritable exception européenne, en contrepartie de finances confortées et assurées dans la durée par une prolongation de l’affectation d’une fraction des recettes de TVA, la création d’un prélèvement sur recettes de l’État pour ARTE-France et l’ajout d’une fraction des recettes de la taxe sur les services numériques pour compenser la suppression de la publicité après 20 heures.

Les recettes tirées de l’augmentation importante de la publicité digitale par les géants du numérique (Google, Meta, Amazon, etc.) devront compenser la baisse des revenus issus de la publicité pour le service public.

Pour ce faire, une proposition de loi organique modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) sera déposée par votre président et votre rapporteur, en même temps que le présent rapport.

La vision transpartisane de cette proposition de loi organique, ainsi que l’accord et la complémentarité de vues avec la proposition de loi sénatoriale ([2]) déposée au même moment par M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat et dont le rapporteur est le sénateur Jean-Raymond Hugonet, sont une véritable chance.

À l’heure de la guerre des images et de l’information, dans un monde en perpétuel changement et bousculé par les plateformes et les réseaux sociaux, le statu quo est impossible et mortifère !

Plus que jamais, je crois à la légitimité, à la pertinence, à la nécessité d’un média public qui ne soit pas pour autant un média gouvernemental !

Pour cela, depuis Lampedusa, Tancrède et son célèbre Guépard, fleuron de la culture et de la littérature européenne, Palme d’Or à Cannes en 1963 grâce à Visconti, nous savons « qu’il faut que tout change pour que rien ne change ! ».

En matière d’audiovisuel public, c’est maintenant et le Parlement peut et doit y contribuer. Il faut révolutionner l’audiovisuel public pour conserver sa spécificité, son indépendance et ce qu’il fait mieux que le secteur privé.

 

 

 

Jean-Jacques Gaultier

 


–– 1 ––

 

   Avant-propos du rapporteur de la mission

À l’heure de la société des écrans, cette mission vient rappeler le rôle central que doit jouer l’audiovisuel public, en proposant des moyens pour le renforcer.

L’audiovisuel public symbolise notre culture commune, notre imaginaire collectif. Il porte les grands événements qui rassemblent la Nation.

L’information, de qualité, libre et neutre est devenue un enjeu démocratique fort, notamment face à la menace des fausses informations.

L’audiovisuel public doit être, pour tous, une fenêtre ouverte sur le monde et vers les autres.

À travers chacun de ses programmes, même les plus distrayants, il doit affirmer sa spécificité à travers un « plus culturel ». Ce « supplément d’âme culturel » que décrit si bien M. Thierry Ardisson.

 L’audiovisuel public a tous les moyens d’innover, de surprendre le public, d’être un véritable laboratoire de nouvelles émissions et de nouveaux concepts. Et, ainsi, libérer tout le génie audiovisuel français.

Bref, pour reprendre les mots d’Hervé Bourges : un audiovisuel public « populaire de qualité ».

 

 

 

Quentin Bataillon

 

 


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   Introduction

 

75 heures d’auditions à l’Assemblée nationale, des déplacements de terrain auprès de cinq des entités de l’audiovisuel public, un déplacement à Londres pour rencontrer des responsables de la BBC, de Channel 4 et des régulateurs britanniques : tel a été le socle de la réflexion des membres de la mission, de votre rapporteur et de votre président au cours de ces sept derniers mois. Qu’il soit d’ailleurs précisé, en guise d’introduction, que le présent rapport associe votre président et votre rapporteur, d’une seule et unique voix.

C’est d’ailleurs d’un commun accord qu’il a été décidé de débuter ce travail en partant des usages des Français. Quel regard ceux-ci portent-ils sur leur audiovisuel public ? Comment évoluent leurs usages audiovisuels ? Comment assurer la défense de nos entités et leur robustesse dans un environnement numérique qui noie les consommateurs sous un flot informationnel et créatif ? Comment, avant tout et surtout, assurer leur indépendance ?

Ces enjeux ont récemment été résumés par Mme Nathalie Sonnac dans Le nouveau monde des médias ([3]) : « préserver le contrat de confiance entre citoyens et institutions autour d’une information fiable et préserver notre singularité culturelle face à la concurrence déloyale ».

L’analyse des missions, des audiences, des injonctions qui ont été faites au service public de l’audiovisuel au fil des années s’est doublée d’une mise en perspective qui a été le fil rouge du présent rapport : comment assurer la spécificité et l’indépendance de notre service public de l’audiovisuel ?

La réponse à cette question doit nécessairement s’inscrire dans un cadre juridique précis, puisque le Conseil constitutionnel n’a cessé, au fil de ses décisions depuis la fin des années 1980 – et jusqu’à sa décision de l’été 2022 sur le projet de loi de finances rectificative qui a supprimé la contribution à l’audiovisuel public –, de rappeler que la garantie des ressources du secteur de l’audiovisuel constitue un élément de son indépendance qui concourt elle-même à la mise en œuvre de la liberté de communication.

À cet égard, la troisième partie du présent rapport détaille les raisons pour lesquelles la normalisation budgétaire des crédits de l’audiovisuel public – à savoir la transformation du compte de concours financiers en une mission budgétaire « classique » – est apparue comme la piste de financement à exclure. C’est une solution à trois entrées que votre président et votre rapporteur proposent : la pérennisation du financement de l’essentiel de l’audiovisuel public par l’affectation d’une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), seule taxe à même de pourvoir aux besoins de financement des entités, via le compte de concours financiers ; l’instauration d’un mécanisme du prélèvement sur recettes de l’État au profit d’ARTE-France dont la création résulte d’un traité interétatique ; la fin effective de la présence d’annonceurs sur les antennes nationales et la plateforme de France Télévisions entre 20 heures et 6 heures, compensée à l’euro près par l’affectation d’une fraction des recettes de la taxe sur les services numériques, avant d’envisager le relèvement de son taux. Car c’est avant tout la prévisibilité et le niveau du financement qui assureront l’indépendance des entités.

Ces mesures budgétaires constituent le cœur du présent rapport et la priorité de votre président et de votre rapporteur qui déposent d’ailleurs conjointement une proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public (n° 1324).

Parallèlement, comme nous le verrons en deuxième partie du rapport, pour que les médias publics conservent leur place de premier plan dans le paysage audiovisuel national et une résonnance au-delà de nos frontières, il apparaît urgent de consolider les efforts de mutualisation et de plateformisation engagés par les différentes entités, pour aller plus vite et plus loin. À cet effet, l’audiovisuel public doit être doté de tous les outils permettant un meilleur pilotage des projets stratégiques tout en garantissant une plus grande indépendance de la structure dans son ensemble. Cela pourrait passer par la constitution d’une société holding, et la filialisation des entités France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA. Cette holding conduirait les projets de coopération engagés mais non achevés, et des projets plus stratégiques afin d’assurer l’avenir de cette entité dans le monde numérique.

Enfin et ce sera l’objet de la première partie du rapport, pour que l’audiovisuel public soit vu et entendu, il doit rester ce tiers de confiance qu’il est déjà en proposant des contenus de qualité, éclectiques, audacieux et répondant aux préoccupations des Français. La stratégie de puissance par la taille que certains recherchent est vouée à l’échec : c’est par le contenu éditorial et la visibilité des offres que notre audiovisuel parviendra à toucher les Français.

 

Le présent rapport a été adopté par les membres de la mission sur l’avenir de l’audiovisuel public au cours de la réunion du mardi 6 juin 2023.

 


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   Première partie : Réaffirmer les missions du service public de l’audiovisuel en les modernisant

 

I.   Un audiovisuel public tiers de confiance des Français

A.   Une adhésion du public maintenue malgré un bouleversement du paysage audiovisueL

1.   Un niveau de satisfaction contrasté à l’égard du service public de l’audiovisuel et des médias

Par l’importance des moyens qui lui sont consacrés et la grande spécificité de ses missions tout autant que par son histoire, l’audiovisuel public constitue un pan particulier du service public en France. Or, selon les études d’opinion, si les Français expriment un fort attachement aux services publics (attachement qui dépasse les clivages partisans), ils sont également nombreux à se déclarer insatisfaits des conditions de leur mise en œuvre. D’après Frédéric Dabi, directeur de l’IFOP ([4]), interrogé sur les résultats d’une étude réalisée en novembre 2022 et portant sur « Le regard des Français sur les services publics » ([5]), la notion de service public est entendue de façon large par ceux-ci, et la dégradation de son accessibilité est vécue comme un véritable affaiblissement de l’autorité de l’État.

Pourtant, tandis que 61 % des Français interrogés dans le cadre de cette étude considèrent que les services publics fonctionnent mal (soit, pour la première fois que cette étude est conduite, une nette majorité des répondants), ils sont 69 % à estimer que le service public de l’audiovisuel fonctionne bien, mieux que les transports publics par exemple (55 %). Lorsque les Français sont interrogés dans le détail, les opinions favorables sont en outre plus élevées, avec 81 % d’opinions favorables pour le service public de la radio et 71 % concernant la télévision publique. Le service public de l’audiovisuel semble donc bénéficier d’une image et d’une popularité préservées face à un certain désarroi croissant des Français quant aux conditions de mise en œuvre du service public entendu de façon plus générale.

le jugement des français sur le fonctionnement des services publics

(en %)

 

Total
Bien

Très bien

Assez bien

Total

Mal

Assez mal

Très mal

TOTAL

La radio publique : (Radio France : France Inter, France Musique, France Culture, Franceinfo, France Bleu)

81

23

58

19

13

6

100

La télévision publique (France Télévisions : France 2, France 3, France 4, France 5)

74

21

53

26

19

7

100

L’audiovisuel public

69

13

56

31

23

8

100

Les transports publics

55

7

48

45

35

10

100

Source : Le regard des Français sur les services publics – IFOP novembre 2022

 

Récapitulatif « total bien », en fonction de la proximité politique

(en %)

 

Ensemble des Français
29-30 novembre 2022

Réponses en fonction de la proximité politique

 

LFI

SOC

EELV

RE

LR

RN

Sans sympathie partisane

La radio publique :
(Radio France : France Inter, France Musique, France Culture, Franceinfo, France Bleu)

81

87

87

96

87

94

79

77

La télévision publique
(France Télévisions : France 2, France 3, France 4, France 5)

74

74

82

89

86

84

75

69

L’audiovisuel public

69

68

77

88

82

88

67

62

Les transports publics

55

36

63

61

69

53

49

57

Source : Le regard des Français sur les services publics – IFOP novembre 2022

NB : La France Insoumise (LFI), Parti socialiste (SOC), Europe Écologie les Verts (EELV), Renaissance (RE), Les Républicains (LR), Rassemblement National (RN)


Dans un autre sondage réalisé par la société Harris en 2022 ([6]), 85 % des personnes interrogées jugeaient l’audiovisuel public important. Il semble donc qu’il existe un certain consensus sur le caractère essentiel de cette mission de service public, accompagné d’une évaluation majoritairement positive de sa mise en œuvre : la même étude indique que 71 % des Français interrogés ont une bonne image des chaînes publiques de télévision.

On peut toutefois relever d’emblée que ces niveaux élevés d’opinion favorable s’accompagnent de deux observations paradoxales, également mises en lumière par les études d’opinion.

En premier lieu, cette opinion majoritairement favorable s’inscrit dans le contexte d’un sentiment général mitigé envers les médias, envisagés de façon plus globale, souligné par d’autres sondages. Ainsi 55 % des personnes interrogées pour l’étude de l’IFOP de juin 2021, « Le regard des Français sur les médias et l’information », font part d’un fort sentiment de défiance à l’égard des médias, qui concerne particulièrement la fiabilité de l’information délivrée. Cela ne manque pas de susciter l’étonnement dès lors que les Français, interrogés dans une étude de l’institut OpinionWay de 2018 ([7]) sont par ailleurs 77 % à considérer que la mission des médias publics est d’informer ([8]). Les médias de service public apparaissent ainsi identifiés favorablement, mais la mission d’information qui leur est largement reconnue doit être effectuée dans le contexte d’une forte méfiance du public, ce qui leur impose un niveau d’exigence très important.

En second lieu, cette perception plutôt favorable va de pair avec un niveau de satisfaction à l’égard des contenus proposés par l’audiovisuel public qui se situe en-deçà de celui observé chez nos grands voisins européens, et qui demeure très modéré : l’étude précitée de 2018 de l’institut OpinionWay voit 56 % des Français interrogés se déclarent satisfaits par les programmes proposés par les médias publics, alors que ce taux de satisfaction atteint 85 % au Royaume-Uni, 61 % en Allemagne et 60 % en Espagne.

L’audiovisuel public concentre donc de fortes attentes, mais certaines de ses missions centrales, comme l’information, subissent les répercussions d’un climat de méfiance qui s’étend à tout l’univers médiatique. Ce climat s’explique par plusieurs facteurs, dont la plupart sont désormais bien connus et constituent déjà des objets de préoccupation des pouvoirs publics, et plus particulièrement du législateur. La diversification des sources d’information a brouillé la hiérarchie de leurs légitimités, rendant plus floues les frontières entre opinion et information. L’environnement médiatique a vu l’opacité des conditions de fabrication de l’information s’accroître : alors que certains secteurs, comme la presse, voient l’exigence de transparence confirmée et amplifiée par la législation nationale, il demeure très complexe, voire impossible, d’encadrer la production d’information sur les réseaux et de sanctionner les abus, a fortiori pour des acteurs sis à l’étranger.

La multiplication des émetteurs a entraîné avec elle la montée en puissance des fausses informations, rendant d’une acuité extrême la question de la vérifiabilité des sources. Le développement à ce jour peu encadré des nouveaux outils d’intelligence artificielle ne manquera pas de renforcer ces risques et de rendre plus floue encore la distinction entre le vrai et le faux.

Dans ce paysage transformé, l’audiovisuel public se doit plus que jamais d’être une référence en termes de fiabilité : or, selon l’étude OpinionWay de 2018, seuls 66 % des Français interrogés considèrent les médias publics comme des sources d’information fiables. Dans l’étude menée par l’institut Harris pour France Télévisions quatre ans plus tard en 2022, 69 % des Français interrogés se déclaraient satisfaits des journaux et magazines d’information des chaînes de télévision publiques. Ces bons résultats constituent une base déjà solide, mais qui doit encore être élargie et renforcée. Au sein d’un paysage médiatique bouleversé et foisonnant, source d’une « fatigue informationnelle » qui risque de détourner le public de l’information, le service public se doit de se positionner comme le tiers de confiance vers lequel se tourner pour trouver une information de qualité, fiable et indépendante.

2.   Des audiences toujours importantes dans un contexte d’augmentation de l’âge moyen du public

a.   Des résultats en progression

Les scores d’audience ainsi que leur évolution sur la période récente témoignent d’une adhésion au service offert par l’audiovisuel public. Les différentes entités de l’audiovisuel public ont engrangé des succès notables et ont investi de nouveaux terrains de façon innovante et efficace.

Le groupe France Télévisions voit ainsi sa part d’audience progresser en 2022 de 0,3 point pour s’établir à 29,4 % pour l’ensemble de ses chaînes : 50 millions de Français sont en contact chaque semaine avec les programmes proposés par le groupe, sur les chaînes linéaires ou les plateformes à la demande. La plateforme France.tv enregistre ainsi, en 2022, 23,5 millions de visiteurs uniques par mois, affichant une progression nette de 13 % par rapport à 2021, tandis que le média multicanal Franceinfo est suivi par 27 millions d’utilisateurs chaque semaine (sur la chaîne télévisée du canal 27, la radio et le site internet, enregistrant une progression de 7 % par rapport à 2021) ([9]). La plateforme internet consacrée à l’information Franceinfo.fr compte près de 6 millions de visites quotidiennes en 2022, ce qui la place à la première place des plateformes d’actualité en France, devant les sites de la presse quotidienne en ligne.

Radio France enregistre également de très bons résultats, puisque l’ensemble de ses antennes rassemblent quotidiennement 15 millions d’auditeurs (les sept radios du groupe cumulant une part d’audience de 30,7 % fin 2022), même si ces résultats s’inscrivent dans un paysage radiophonique dont le volume total des audiences décline progressivement, ce qui relativise quelque peu ces performances. Le savoir-faire du groupe, qui produit presque l’intégralité de ses contenus en interne, lui a toutefois permis de se positionner très favorablement sur le marché en plein essor du podcast. Avec près de 87 millions d’écoutes à la demande en décembre 2022, Radio France représente 47 % des écoutes enregistrées par la mesure eStat podcasts et place 15 de ses podcasts dans les 30 podcasts les plus écoutés, confirmant sa place d’acteur de référence en France dans ce secteur.

Pour France Médias Monde, les mesures d’audience peuvent s’avérer plus complexes : tous les pays dans lesquels les chaînes du groupe sont diffusées ne produisent pas nécessairement ces données et les usages sont multiples, avec une part du numérique en forte croissance. Dans son avis du 27 octobre 2022 sur le rapport d’exécution des contrats d’objectifs et de moyens (COM), l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) relève toutefois une baisse de l’audience de 2,8 % (baisse qui, anticipée dans le COM du groupe, permettait néanmoins de voir l’objectif visé atteint), repli imputé en partie à la sortie de la crise sanitaire, et qui n’a pas empêché une croissance de 1,8 % de l’audience linéaire.

Entre 2019 et 2021, ARTE-France a constamment dépassé les parts d’audience française fixées comme objectifs dans les contrats d’objectifs et de moyens (COM) successifs : elle a ainsi atteint 2,9 % d’audience en 2021, pour un objectif cible supérieur à 2,4 %. Elle est également parvenue à proposer 1 200 heures de contenu sur sa plateforme pour chacune des six langues proposées, notamment grâce aux aides reçues par l’Union européenne, ce qui permet à la chaîne binationale de toucher 80 % des citoyens européens dans leur langue maternelle. Cela la place dans une position avantageuse pour incarner la plateforme audiovisuelle de service public européenne de demain.

Il convient également de mentionner pour l’INA – qui se qualifie de média patrimonial du service public – la belle progression de la plateforme Madelen, avec 53 500 abonnés fin 2022, soit une croissance de 21 % sur un an, ainsi que le travail réalisé sur le volet de la plateforme Lumni destiné aux enseignants. La refonte du site Lumni Enseignement à partir de l’ancien site « Éduthèque » menée en partenariat avec France Télévisions et le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse s’est traduite par une augmentation de 60 % des pages vues.

b.   Un contexte de vieillissement général des audiences du linéaire qui contraste avec les usages digitaux

Néanmoins, ces bons résultats de part d’audience ne sauraient masquer un vieillissement des téléspectateurs et auditeurs du service public de l’audiovisuel. Ce phénomène concerne de façon plus générale le public des services linéaires et touche ainsi également les chaînes télévisées privées gratuites. Les chiffres présentés par le président de Médiamétrie, M. Yannick Carriou, durant son audition, indiquent ainsi que la baisse de la durée d’écoute depuis 2019 est particulièrement sensible chez les classes d’âges des 25/49 ans (moins 15 %), et des 15/24 ans (moins 19 %).

Parmi la tranche d’âge des 15/34 ans, la télévision linéaire n’est plus majoritaire dans les usages de vidéos, puisqu’elle représente 27 % du temps de consommation vidéo des 15/24 ans, et 42 % du temps de consommation vidéo des 25/34 ans en 2022. L’âge moyen sur une couverture hebdomadaire moyennisée, tel que calculé par Médiamétrie, fait ainsi apparaître un vieillissement général du public de la télévision, de 45,3 ans en 2021 à 45,6 ans en 2022. Dans cet ensemble, l’âge moyen du public du groupe France Télévisions passe de 47,9 à 49,2 ans soit un vieillissement supérieur à celui de ses premiers concurrents, le groupe TF1 (avec un âge moyen du public passant de 46,6 à 47,2 ans) et le groupe M6 (avec un âge moyen du public passant de 46,6 à 47,4 ans) ([10]).

Il convient toutefois de noter que la moyenne d’âge des auditeurs est pondérée par la durée d’écoute. Les aînés ont des durées d’écoute plus importantes, ce qui amplifie leur représentation dans le calcul de la moyenne d’âge.

Le rajeunissement des audiences digitales d’ARTE-France montre que la stratégie d’accessibilité large, quel que soit le support, est la bonne et qu’une reconquête des publics les plus jeunes est possible. Le maintien de la visibilité de la marque incite les publics à basculer d’un environnement numérique à un autre, à explorer ou à revenir au linéaire avec leurs repères et leurs éléments d’identification.

Mais là aussi, des nuances doivent être apportées. La frontière entre les digital natives, soit les générations nées à l’orée du XXIe siècle, dans le bain des technologies numériques, et les générations précédentes (appelées analogic natives par les chercheuses Virginie Sonet et Héloïse Boudon ([11])), pourrait être plus poreuse qu’on peut le penser.

Un usage bien ancré conduit les générations plus âgées à consacrer plus de temps aux usages linéaires, dont elles maîtrisent mieux les références et caractéristiques techniques. Il serait faux d’en déduire leur incapacité à s’approprier les nouveaux usages, ou à apprécier des programmes innovants. Bien que peu de données soit disponibles sur le profil des abonnés des nouvelles plateformes, il est indéniable que celles-ci attirent également les publics plus âgés, eux aussi séduits par la consommation à la demande et la possibilité de « binger » des séries ([12]). Virginie Sonet et Héloïse Boudon montrent ainsi que, loin d’être un public captif du linéaire, les générations plus avancées sont prêtes à voir évoluer leurs pratiques de consommation : souvent initiées par les générations plus jeunes, qui partagent les codes de leurs abonnements aux services en ligne par exemple, elles opèrent pour une large part ([13]) une transition vers de nouvelles pratiques. La conception d’une répartition entre linéaire pour les publics plus âgés et non-linéaire pour les publics les plus jeunes mériterait donc probablement une sérieuse révision, au vu d’évolutions de pratiques que les périodes de confinement n’ont fait que catalyser.

3.   Des usages transformés

L’observation des taux d’équipement des ménages montre que ceux-ci sont encore plus de 90 % à disposer d’un appareil de télévision à leur domicile, malgré la multiplication du nombre d’écrans par foyer : 5,6 désormais selon Médiamétrie, soit une hausse de 6 % depuis 2014. Le taux d’équipement des foyers en ordinateurs (huit foyers sur dix) approche ainsi progressivement celui en téléviseurs, et la possession de plus en plus précoce d’un smartphone par chaque membre de la famille contribue également à la prolifération des écrans : à celle-ci sont associés des usages plus divers et plus personnalisés.

Par ailleurs, certaines pratiques tendent à se diffuser à des populations plus larges : le jeu vidéo est ainsi devenu ces dernières années l’une des pratiques culturelles les plus populaires, avec plus d’un foyer sur trois équipé d’une console raccordée à la télévision et 71 % des Français déclarant jouer aux jeux vidéo au moins occasionnellement, quand 52 % y jouent régulièrement ([14]). Il s’agit d’une industrie en forte expansion et du seul secteur culturel ayant connu une croissance importante durant la crise sanitaire (20 %).

La télévision, en tant qu’écran, reste quotidiennement allumée 4 h 16 en moyenne ([15]), la consommation de programmes télévisés continuant de représenter 80 % de cette durée, avec 43,3 millions de téléspectateurs quotidiens. Toutefois, la consommation de programmes télévisés connaît depuis 2012 une lente tendance baissière : elle est passée de 3 h 50 par jour à 3 h 26 en 2022. Sur l’écran de télévision, d’autres usages sont apparus et se sont installés dans les foyers : services de vidéo à la demande, jeux vidéo, vidéos en ligne. Ces usages complémentaires, qui s’élevaient à 37 minutes de temps d’écoute quotidienne en 2019, comptent en 2022 pour 52 minutes du temps passé devant l’écran de télévision, soit une progression de 39 % ces trois dernières années.

 

Les usages se diversifient à un rythme dont il faut souligner la rapidité : près d’un foyer sur deux est désormais abonné à un service de vidéo à la demande (47 %), soit une progression de 18 % par rapport à 2019. La période de la crise sanitaire, en imposant des pratiques culturelles plus sédentaires lors des phases de confinement, a sans nul doute contribué à l’accélération de tendances de consommation déjà à l’œuvre. Face à ces transformations, et confrontés aux bouleversements induits sur leurs sources de revenus, les acteurs traditionnels se sont trouvés en peine de s’adapter à un rythme similaire : ils doivent aujourd’hui rattraper ce retard.

4.   Un paysage de l’audiovisuel soumis à des bouleversements profonds et rapides

En 2004, le président-directeur de TF1, Patrick Le Lay, pouvait encore écrire : « La logique de TF1 est une logique de puissance. Nous vendons à nos clients une audience de masse, un nombre d’individus susceptibles de regarder un spot de publicité. Pour les annonceurs, le temps d’antenne ne représente rien d’autre que des contacts clients. De l’attention humaine. » Partant de cette citation, les auteures du rapport Votre attention s’il vous plaît ! ([16]), Anne Alombert et Olga Kokshagina, rappellent que la question de la captation et de l’exploitation de l’attention n’est pas nouvelle et a précédé le développement des usages numériques. Toutefois, la multiplication des canaux de diffusion de contenus audiovisuels et la variété toujours renouvelée des formats disponibles ont conduit à une fragmentation inédite de l’attention pouvant être obtenue du public.

Les différents types de plateformes (réseaux sociaux, services de vidéo à la demande avec ou sans abonnement) ont généré de nouveaux usages beaucoup plus personnalisés désormais largement diffusés et installés. Ces nouvelles habitudes de consommation imposent aux services de médias reposant depuis des décennies sur une diffusion linéaire d’adapter leur stratégie d’approche du public, dans un milieu où la concurrence pour l’attention ne cesse donc de s’intensifier. En outre, ce marché de l’attention voit également ses limites géographiques redessinées et tend à se mondialiser, mettant en cause une forme d’insularité nationale que l’on croyait garantie par l’exception culturelle. Les acteurs mondiaux de l’audiovisuel sont désormais capables de s’adresser à une pluralité de publics nationaux et cherchent à s’implanter dans le secteur de la création par la production de contenus, ne se contentant plus d’une simple stratégie de diffusion.

Face à ces acteurs puissants et aux nouveaux modes de consommation, les médias de service public se trouvent pris dans deux logiques parfois contradictoires. En tant que dépositaires de missions de service public, leur rôle doit être de s’adresser au public le plus large, selon un principe d’universalité, de fédérer ce public autour de programmes rassembleurs, et de participer ainsi au renforcement de la cohésion sociale ‒ mission qui leur est expressément dévolue par la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Ils doivent donc rechercher à la fois des contenus susceptibles d’attirer le plus grand nombre, mais également être en mesure de créer des rendez-vous, des temps de visionnage ou d’écoute partagés, qui permettront aux programmes diffusés d’avoir une certaine résonance dans le débat public et dans la vie du pays.

Cette ambition fédératrice assignée au service public de l’audiovisuel, qui correspondait bien au modèle de la diffusion linéaire, avec l’idée d’un public communiant dans une expérience partagée, semble toutefois profondément remise en question par les évolutions déjà évoquées. Les contenus ne se consomment plus seulement sur la télévision, et la multiplication des écrans favorise l’individualisation de l’expérience, particulièrement, mais pas seulement, parmi la frange la plus jeune du public. Face au risque de voir le public délaisser ses programmes, le service public se trouve donc dans l’obligation de s’adapter aux usages et de promouvoir, parallèlement au modèle fédérateur classique de la télévision linéaire, l’accès par de nouveaux canaux. Il lui faut concilier une stratégie d’universalité du contenu (qui n’est pas synonyme d’uniformité) et de personnalisation des usages. Comme le relevait déjà Richard Burnley, directeur juridique de l’Union européenne de radio-télévision, en 2017 ([17]) : « L’application du principe d’universalité doit évoluer, ne serait-ce que pour refléter la nouvelle dynamique du marché audiovisuel. Les citoyens veulent désormais pouvoir accéder aux contenus des médias de service public où qu’ils se trouvent, et à n’importe quel moment. »

Il convient de souligner que cette difficile conciliation s’inscrit en outre dans le cadre d’une pluralité de missions, l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 s’étant, au fil des années et au gré des lois modificatives successives, enrichi d’une abondance d’objectifs souvent très ambitieux et légitimes, mais sans hiérarchisation entre eux.

Les effets de ces transformations rapidement évoquées du secteur audiovisuel s’étendent au-delà du service public, puisque les chaînes privées gratuites sont directement concernées par l’éclatement du marché de l’attention et ses conséquences sur le marché publicitaire. Un véritable transfert de valeur s’est ainsi opéré ces dernières années en faveur des supports numériques (voir infra).

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, dans une étude menée avec le cabinet de conseil Bearing point ([18]), affirmait déjà en 2018 : « L’apparition au début des années 2000 de la publicité sur internet a entraîné une profonde modification des stratégies de dépenses publicitaires des annonceurs au profit de la publicité en ligne et au détriment des activités traditionnelles des médias dits "historiques" ». Ainsi, entre 2000 et 2017, les recettes publicitaires de la télévision ont baissé de 17 %, passant de 3,9 à 3,2 milliards d’euros, tandis que la radio a perdu 15 % de ses recettes entre 2007 et 2017. Les médias des télévisions et radios ne sont pas parvenus à compenser ces pertes par une augmentation équivalente des revenus de la publicité sur leurs supports de diffusion digitale.

Depuis cette étude, cette tendance s’est confirmée : les recettes publicitaires des acteurs classiques de l’audiovisuel ont vu leur part baisser par rapport à celles des grands acteurs du numérique, qui présentent en outre la particularité d’afficher des dominations très marquées sur leur marché. Selon le 29e Observatoire de l’e‑pub ([19]), le trio Google-Meta-Amazon compte toujours en 2022 pour les deux tiers du marché de la publicité numérique, un marché en hausse de 10 % par rapport à 2021.

Ces différents éléments se conjuguent pour créer une situation structurellement difficile pour le secteur des chaînes télévisées et radiophoniques gratuites, bouleversant les équilibres antérieurs. Votre président et votre rapporteur appellent à une réflexion renouvelée en matière de concurrence sur la notion de marché pertinent de la publicité, le marché numérique, sur lequel les acteurs des médias traditionnels sont plutôt en position de faiblesse, constituant désormais un prolongement des marchés de la télévision et de la radio classiques.

B.   La centralité du service public dans le paysage audiovisuel : un enjeu démocratique et économique

1.   La corrélation entre la force du service public et la confiance dans les institutions

L’importance d’acteurs publics indépendants dans le secteur audiovisuel et l’accent mis sur le service public que constitue la diffusion de programmes à caractère informatif, éducatif ou divertissant, ne vont pas de soi et constituent des spécificités fortes de l’espace audiovisuel européen.

Ainsi, aux États-Unis, le secteur public de l’audiovisuel représente une part très minoritaire de l’offre de diffusion : le paysage télévisuel y est dominé par cinq réseaux nationaux privés à couverture nationale : ABC (Disney), CBS, NBCU (Comcast), The CW Television Network (fusion de CBS et Time Warner) et Fox. Face à eux existe un seul réseau public national, PBS (Public Broadcasting System), qui compte environ 350 stations mais dont le financement repose de façon minoritaire sur la contribution de l’État américain.

 

Cette notion de service public de l’audiovisuel libre et indépendant constitue une particularité forte de l’espace européen : l’Union européenne reconnaît son importance en affirmant le droit des États à financer ces services. Le traité d’Amsterdam, entré en vigueur le 1er mai 1999 a en effet donné lieu à un protocole interprétatif sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres, qui, après avoir tenu compte du fait « que la radiodiffusion de service public dans les États membres est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu’à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias », reconnaît « la compétence des États membres de pourvoir au financement du service public de radiodiffusion dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l’accomplissement de la mission de service public telle qu’elle a été conférée, définie et organisée par chaque État membre ».

Interrogée par la mission, Mme Florence Hartmann, responsable du service d’analyse médias de l’Union européenne de radiodiffusion (UER) soulignait la forte corrélation existant entre l’audience des médias de service public et la force des démocraties concernées, telle que mesurée par l’Indice de démocratie ([20]). La satisfaction exprimée par les citoyens quant à la qualité de la vie démocratique de leur pays est également étroitement associée à la perception d’un niveau de financement adéquat des médias de service public. Dans une étude publiée en 2021 ([21]) et incluant 51 États sur les 55 composant l’UER, l’institution mettait en lumière une série de bénéfices majeurs liés à la force des médias de secteur public : les pays où ceux-ci sont les mieux financés et où les audiences sont les plus importantes sont également les pays présentant des niveaux d’intérêt plus forts des citoyens dans la vie politique et une confiance plus grande dans leur capacité à y participer, mais aussi des taux de rejet plus significatifs des méthodes autoritaires de gouvernement.

Face aux problématiques nouvelles de la désinformation, les médias publics sont aussi perçus, toujours selon l’étude citée par Mme Hartmann lors de son audition, comme plus à même de fournir une information fiable et pluraliste, et moins soumise aux intérêts privés. Dans 90 % des 31 pays européens étudiés par l’UER, les médias de service public sont ainsi considérés comme les plus fiables du paysage médiatique (dans 25 des 27 pays de l’Union européenne, à l’exception de la Pologne et de la Hongrie). Une corrélation s’observe entre confiance entre les médias de service public et préoccupation à l’égard de la désinformation : une plus grande confiance dans les médias de service public va de pair avec une moindre inquiétude à l’égard de la désinformation.

 

Mme Nathalie Sonnac, auditionnée par la mission d’information, insiste sur le lien consubstantiel entre l’existence d’un service public audiovisuel fort et la santé de la démocratie ([22]) : par leur mission fondamentale de garants d’une information de qualité, bien public essentiel, les médias de service public constituent l’un des piliers du débat public démocratique. Ils constituent un rempart contre ce que le politologue Yascha Mounk, professeur de l’Université John Hopkins cité par Mme Sonnac, nomme la « déconsolidation démocratique », qui se traduit notamment par un moindre attachement à vivre dans un régime démocratique et par une perte de confiance dans les institutions démocratiques.

Le dernier « Baromètre de la confiance politique » réalisé par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) en février 2023 fait apparaître que les Français interrogés sont 64 % à considérer que la démocratie ne fonctionne pas bien – pour 24 %, elle ne fonctionne même « pas bien du tout » – contre 39 % pour nos voisins allemands ([23]). Si les Français restent, selon cette étude, 82 % à adhérer à l’importance « d’avoir un système politique démocratique », ils sont néanmoins 19 % à estimer souhaitable que « l’armée dirige le pays ». Maintenir les conditions d’un espace public informé apparaît donc comme l’une des premières missions du service public de l’audiovisuel et rien de moins qu’un enjeu primordial pour la démocratie.

2.   Un enjeu de souveraineté culturelle doublé d’un outil de soft power

a.   Une spécificité européenne à défendre

Au-delà de la dimension démocratique touchant aux conditions d’exercice de la vie politique, l’existence d’un service public de l’audiovisuel fort constitue également une priorité pour lutter contre l’uniformisation culturelle que pourrait entraîner la prédominance d’acteurs internationaux dans la création et la diffusion de contenus culturels et d’information. Plus qu’un simple instrument de défense, les médias de service public peuvent aussi s’affirmer comme de véritables vecteurs de transmission et de diffusion des valeurs et traits culturels européens ou nationaux. Lors de son audition, Mme Florence Hartmann soulignait ainsi combien les médias de service public sont à même de promouvoir des contenus européens dans un marché de plus en plus dominé par les groupes américains : 78 % des abonnements à des services de vidéo à la demande en Europe sont ainsi souscrits auprès des plateformes américaines, contre 22 % auprès de groupes européens. Cela explique que 74 % des médias de service public européens placent la transformation numérique au cœur de leur stratégie d’entreprise, non seulement pour tenter de rivaliser avec ces grands acteurs, notamment nord-américains mais pas exclusivement, mais aussi pour atteindre des publics dont l’accès aux contenus peut désormais se faire majoritairement par l’intermédiaire de smartphones.

La législation européenne reconnaît la spécificité et l’importance du secteur de l’audiovisuel et a veillé à protéger le secteur culturel européen en permettant une meilleure rémunération des droits d’auteur par les plateformes et en assurant leur contribution à la diffusion et la création d’œuvres européennes ([24]). La législation sur la liberté des médias, proposée par la Commission européenne en septembre 2022 et encore en cours de discussion au Conseil de l’Union européenne, cherche par ailleurs à garantir des médias libres et à assurer leur pluralité. Cela passe notamment par l’instauration de nouveaux moyens pour protéger les médias de service public, particulièrement touchés par les risques d’ingérence politique dans leur ligne éditoriale ([25]).

b.   Un vecteur de diffusion mondiale

Dans le cas de la France, cet outil d’influence contribue à la promotion de la francophonie et à la diffusion des valeurs démocratiques en s’appuyant sur des canaux à l’audience mondiale.

Le service public audiovisuel français extérieur repose sur les différentes chaînes de France Médias Monde ([26]), qui permettent de toucher un public sur tous les continents avec France 24, la chaîne d’information continue (en français, en anglais, en arabe et en espagnol) ; Radio France internationale (RFI), la radio mondiale (en français et 15 autres langues) et Monte Carlo Doualiya (MCD), la radio en langue arabe. Les trois médias émettent à l’échelle du monde, en 20 langues ([27]). Cette stratégie de plurilinguisme au plus près du public étranger dans sa diversité constitue un axe fort du développement de France Médias Monde. Le groupe cherche également à user de tous les types de diffusion pour assurer une accessibilité maximale à ses programmes : il s’agit en effet de s’adapter aux contraintes et usages techniques des différents pays, mais également, parfois, de pouvoir contourner certaines restrictions imposées aux chaînes de l’audiovisuel public extérieur français pour des raisons politiques internationales.

 

Par ailleurs, l’audiovisuel public français peut également s’appuyer sur le groupe international TV5 Monde, détenu et financé par les entités de l’audiovisuel public de six États (la France, la Suisse, le Canada, le Québec, la Belgique et Monaco) et qui diffuse ses programmes dans deux cents États : elle est ainsi par exemple la seule chaîne entièrement francophone diffusée en Chine. Considérée comme l’opérateur unique de diffusion de l’Organisation internationale de la francophonie par l’institution en vertu de la représentativité des partenaires qui constituent TV5 Monde, elle diffuse les Jeux de la Francophonie tous les quatre ans. Elle permet également de contribuer à l’apprentissage du français, notamment en Afrique, avec près de 50 millions de téléspectateurs dans quinze pays en audience hebdomadaire : elle est la première chaîne en République démocratique du Congo avec une audience hebdomadaire de 63,2 % sur les 15 ans et plus ([28]).

Les dirigeants de l’audiovisuel public français rencontrés à l’occasion des travaux de la mission n’ont pas manqué de souligner unanimement l’importance de disposer de médias nationaux indépendants dans un contexte de guerre informationnelle croissante. Il ne s’agit pas ici de plaider pour que le service public audiovisuel constitue un média d’État, ce qui irait à l’encontre des objectifs de pluralisme et d’indépendance constitutifs de son identité, mais de rappeler l’importance du maintien d’une voix française dans le concert international de l’information. Cette voix française, qui doit être le reflet de la culture et de la société dans sa diversité, ne saurait se confondre avec la « voix de la France », au risque de perdre son statut de tiers de confiance pour des populations étrangères : c’est aussi pourquoi il importe de donner toutes les garanties de son indépendance à l’audiovisuel public extérieur.

3.   Un acteur économique essentiel pour le secteur de la création sous toutes ses formes

Au niveau européen, l’UER estime que les médias de service public investissent 86 % des dépenses pour leurs programmes dans des contenus originaux. Ils sont ainsi à l’origine de la création de 57 % de tous les titres de fiction produits dans l’Union européenne. Pour chaque emploi au sein des radiodiffuseurs publics, 2 à 3 postes supplémentaires sont créés dans le reste de l’économie : il y a donc là un enjeu économique incontournable pour le secteur.

Il faut insister sur le double rôle de l’audiovisuel public pour la culture et la création audiovisuelle et cinématographique : un rôle moteur dans la production de contenus (avec des modèles divers : coproduction, financement de productions indépendantes, production en interne), mais également une mission majeure d’exposition au public par la diffusion de ceux-ci (voir infra).

Les entités de l’audiovisuel public français n’échappent pas à cette règle et occupent une place centrale dans le financement de la création audiovisuelle et cinématographique de notre pays aux côtés des autres services de télévision dont Canal + et, dans une bien moindre mesure, des services de médias audiovisuels à la demande ([29]).

Toutes les chaînes de télévision françaises ont l’obligation d’investir 3,2 % de leur chiffre d’affaires dans la coproduction de films de cinéma (3,5 % pour France 2 et France 3), dont 2,5 % dans des œuvres en langue française. Les investissements prennent la forme de coproductions, de « parts producteurs » et de préachats de droits de diffusions en direct (linéaire) et sur plateforme (non linéaire).

En 2021, France Télévisions a ainsi financé la création d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques ([30]) à hauteur de 498,3 millions d’euros soit ([31]) :

– 283 millions d’euros pour les œuvres patrimoniales de fiction ;

– 107 millions d’euros pour le documentaire ;

– 32 millions d’euros pour l’animation ;

– 17 millions d’euros pour le spectacle vivant ;

– 59,3 millions d’euros pour les œuvres cinématographiques ([32]).

L’accord interprofessionnel conclu par France Télévisions le 9 juillet 2019, en conformité avec les objectifs du Gouvernement énoncés en 2018, a été transcrit dans le cahier des charges du groupe et prévoit un engagement en valeur absolue de 420 millions d’euros dans la création audiovisuelle jusqu’à la fin 2022 (engagement qui a donc été dépassé), tout en garantissant la diversité des investissements du groupe dans tous les genres de la création audiovisuelle. Arrivé à échéance le 31 décembre 2022, l’accord de 2019 a été reconduit pour un an dans l’attente de la signature du prochain COM.

En 2021, TV5 Monde a investi 3,3 millions d’euros dans la production cinématographique au titre des mêmes obligations.

ARTE-France, via sa filiale ARTE France cinéma a contribué à la production d’œuvres cinématographiques européennes à hauteur de 87,45 millions d’euros en 2022, dont 9,2 millions d’euros pour des œuvres cinématographiques. La chaîne n’est pas soumise aux obligations des chaînes françaises mais elle respecte le même type d’engagement et même davantage, en investissant 3,5 % de ses ressources dans la création cinématographique.

Il convient de préciser que les acteurs du secteur sont attachés à l’existence des deux filiales distinctes chez France Télévisions (France 2 Cinéma et France 3 Cinéma), qui permettent de maintenir une certaine diversité dans les projets soutenus en les présentant à deux « guichets » différents, en plus d’ARTE France cinéma et de TV5 Monde.

Votre président et votre rapporteur conviennent qu’il ne faut pas réduire le nombre d’interlocuteurs susceptibles de soutenir les projets, les lignes éditoriales étant distinctes.

Le soutien à la production indépendante est également déterminant pour le secteur (voir encadré).

Le soutien de France Télévisions à la production indépendante

Depuis l’accord interprofessionnel conclu par France Télévisions le 9 juillet 2019 en application de l’article 15 du décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010, la société doit consacrer au moins 82,5 % de ses investissements à la production indépendante, fixant ainsi à 17,5 % le niveau des investissements dans la création que la société peut développer en interne par sa propre capacité de production. Cet accord permet à france.tv studio de produire ou coproduire des œuvres financées par France Télévisions à hauteur d’environ 75 millions d’euros.

Le décret du 30 décembre 2021 relatif à la contribution à la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre, dit décret TNT, ouvre la possibilité pour un éditeur d’investir jusqu’à 33 % de son chiffre d’affaires dans la production dépendante, ce qui pourrait permettre de renforcer la capacité de production interne de France Télévisions en matière d’œuvres. L’obligation d’investissement dans la production indépendante de France Télévisions est encore fixée dans son cahier des charges à un niveau supérieur (82,5 %), afin de tenir compte de l’accord interprofessionnel.

Il convient toutefois de souligner qu’actuellement le seuil maximum de 17,5 % de production « en interne » n’est pas atteint puis que celle-ci ne représente que 13 % du volume produit ([33]), et que la contribution du groupe au secteur de la production audiovisuelle est, comme mentionné, déterminante pour l’écosystème.

Il est par ailleurs nécessaire de rappeler que Canal +, acteur historique français, demeure le premier financeur du cinéma français avec un engagement d’investissement à hauteur de 200 millions d’euros chaque année soit environ 60 % de l’ensemble des investissements des chaînes de télévisions françaises dans le cinéma.

II.   La spécificité du service public doit être réaffirmée pour une meilleure différenciation

A.   Une différenciation et une identité parfois trop peu visibles

Si le service public de l’audiovisuel recueille un taux de confiance et d’opinion favorables que semblent confirmer ses bonnes audiences, tant en télévision qu’en radio, il apparaît surprenant que cela puisse s’accompagner d’une perception parfois confuse de son périmètre réel ou de la spécificité des contenus proposés. La chaîne TF1 continue ainsi d’être perçue comme une chaîne de service public par 16 % des Français, selon l’étude OpinionWay menée pour le Sénat en 2018, bien que les chaînes de la télévision publique et de la radio publique semblent relativement bien identifiées.

La même étude montre que, selon les Français interrogés, pour toutes les catégories de programmes proposés (séries, émissions de divertissement, information, sport) à l’exception des documentaires, les contenus du service public apparaissent relativement similaires à ceux des chaînes privées. De plus, là où les séries proposées par leur audiovisuel public nationale sont considérées comme différentes à 60 % par les Allemands, les Français ne sont ainsi que 45 % à considérer les séries de l’audiovisuel public domestique comme différentes des programmes proposés dans des genres équivalents par les chaînes privées.

Renforcer l’identité spécifique de l’audiovisuel public doit passer par la poursuite d’une stratégie de marque plus forte pour ses différentes chaînes. L’importance de la marque comme label de qualité est particulièrement notable pour la chaîne ARTE, qui a choisi d’investir plusieurs plateformes tierces tout en y engageant un fort travail d’éditorialisation, moyen nécessaire et efficace pour la transposition démultipliée de son univers. Cette stratégie permet de multiplier les contacts avec des publics plus variés, de diversifier les audiences et de ramener ensuite les spectateurs vers ses propres canaux.

Au sein du groupe France Télévisions, les différentes chaînes affichent des univers différents, dont les contours peuvent néanmoins continuer d’apparaître flous pour les téléspectateurs. En s’affirmant comme grande chaîne généraliste, France 2 se donne la capacité d’attirer un public très large autour de propositions fédératrices, mais elle ne peut manquer, soit d’empiéter sur le terrain de chaînes plus « spécialisées » du groupe (en proposant par exemple des fictions régionales), soit, à l’inverse, de voir fondre son caractère distinctif face aux chaînes commerciales lorsque ses propositions de programmes patrimoniaux ou de divertissement finissent par trop s’approcher de celles de ses concurrentes.

B.   Montrer plus d’audace dans les programmes et continuer les efforts pour une meilleure représentativité de tous les genres

Les chaînes du service public de l’audiovisuel, contrairement aux acteurs du privé, ne tirent pas l’essentiel de leur financement d’un marché publicitaire dont nous avons vu qu’il s’avérait de moins en moins favorable aux acteurs traditionnels. À ce titre, elles jouissent d’une forme de liberté à l’égard des annonceurs dont elles devraient pouvoir tirer un plus grand parti pour proposer des contenus moins soumis à la pression immédiate de l’audience et porteurs de plus d’audace. La présidente de France Télévisions, Mme Delphine Ernotte, peut ainsi affirmer devant la mission d’information que « le fait que notre modèle économique ne repose pas à titre principal sur la publicité, à la différence des chaînes privées, nous permet également de développer une programmation plus universelle et moins segmentée ».

Si de nombreuses initiatives innovantes sont à saluer et rencontrent leur public (qu’il s’agisse des multiples formats de podcasts produits par Radio France, de séries de grande qualité proposées par ARTE ou d’émissions comme « Les rencontres du Papotin » pour France Télévisions), le service public pourrait aller plus loin dans le caractère innovant des programmes proposés. La volonté de reconduire des succès passés ou de se conformer aux attentes projetées du public (notamment dans sa dimension démographique) ne devraient pas guider les propositions du service public.

La fréquence de programmation de certains genres de fiction en première ou deuxième partie de soirée (particulièrement le genre policier) pourrait par exemple être remise en question. Ainsi, comme le relevait en audition le Syndicat des producteurs indépendants (SPI) par la voix de sa déléguée générale adjointe Mme Emmanuelle Mauger, « la fiction est un programme qui coute très cher mais qui en même temps est porteur de l’audience de l’ensemble des chaînes. Il y a une tendance naturelle à aller vers un programme compétitif, alors il y a beaucoup de polars ». Le rapport de l’Arcom sur l’exécution du cahier des charges de France Télévisions en 2021 confirme ce constat : entre 21 heures et 23 heures, France 3 diffuse 51 % de séries policières et 41 % de téléfilms policiers d’espionnage soit 92 % des diffusions. Sur France 2, ce taux atteint 58 %.

Par ailleurs, les programmes les plus exigeants ne doivent pas être cantonnés aux chaînes rassemblant le moins d’audience. Ainsi, il faut saluer l’existence d’une chaîne consacrée exclusivement à la culture en soirée (Culturebox), ce qui permet de donner de la visibilité – sur une chaîne de la TNT et à des horaires de grande écoute – à des programmes autrefois diffusés la nuit. Pour autant, cela ne saurait justifier qu’elle concentre à terme l’essentiel de la diffusion des spectacles : comme le montre le tableau ci-dessous, il n’apparaît pas infondé d’affirmer que les programmes culturels se trouvent au fil des ans davantage relégués sur les chaînes aux audiences les plus faibles du groupe France Télévisions.


Volume de spectacle vivant diffusé

(en heures de programmes)

 

2019

2021

France 2 et France 3 ([34])

375

133

France 4 et France 5

434

687

Volume total

809

820

Source : rapport de l’Arcom d’avril 2023 sur l’exécution du cahier des charges de France Télévisions pour l’année 2021 ([35])

Il convient toutefois de souligner que les études réalisées par Médiamétrie mettent en exergue la diversité des genres présente en « prime time » sur les chaînes du service public télévisuel, et notamment de France 2 : 18 genres sur 24 étaient ainsi représentés en première partie de soirée sur la chaîne en 2021 (en légère augmentation : ils étaient 17 en 2020), contre 8 pour la moyenne des autres chaînes de la TNT. La diversité de l’offre doit donc faire l’objet d’un bilan équilibré, qui n’empêche pas de souhaiter que le service public de l’audiovisuel pousse encore plus loin les exigences de qualité et de pluralité des programmes, au regard des moyens qui lui sont consacrés.

La place consacrée au documentaire et au magazine sur les chaînes de la télévision publique constitue à cet égard une bonne illustration de la spécificité et de l’exigence que doit rechercher le service public audiovisuel. Ainsi, alors qu’ils apparaissent comme très peu représentés sur les grandes chaînes privées généralistes concurrentes de France Télévisions, ils comptent au contraire pour 30 % des premières parties de soirée de France 2 et plus du tiers de celles-ci pour France 3. L’offre documentaire est perçue comme particulièrement différente et appréciée sur les médias audiovisuels publics : l’étude Harris Interactive montre ainsi que 75 % des Français interrogés se déclarent satisfaits des contenus proposés par le service public pour ce genre de programme (soit le taux de satisfaction le plus élevé), 69 % des personnes interrogées se disant par ailleurs satisfaites des journaux, magazines d’information et magazines de société du service public (deuxième taux de satisfaction le plus élevé). Dans l’ensemble, le genre documentaire a d’ailleurs évolué pour se rapprocher des publics grâce à une écriture moins élitiste.

Le groupe France Télévisions est déjà identifié par les professionnels comme l’un des principaux piliers pour le secteur de l’animation en France. Ce secteur trop souvent oublié est pourtant l’un des fleurons de la création audiovisuelle française : il représente seulement 10 % de la production audiovisuelle, mais en constitue 40 % à l’export. La production française connait en effet un grand succès à l’international, faisant de la France le troisième exportateur mondial du secteur. Au-delà de son poids économique, l’animation permet aussi d’amener le jeune public vers la télévision linéaire, qui peut ainsi apporter un contenu de qualité aux enfants qui n’ont pas accès aux plateformes internet. Il faut à ce titre saluer le succès de la plateforme Okoo de France Télévisions, et souligner le soulagement ressenti par le secteur de l’animation lors du maintien de la chaîne France 4. Selon Stéphane Le Bars, délégué général d’AnimFrance, syndicat du secteur de la production audiovisuelle et cinématographique indépendante d’animation, entendu par la mission, l’effort pourrait aller encore plus loin et l’audiovisuel public investir le terrain de l’animation pour jeunes adultes (15/30 ans) et pour adultes, deux secteurs pour l’instant peu exploités en France mais qui montrent à l’étranger de grands succès.

Au-delà de la contribution par les investissements financiers dans la production d’œuvres culturelles, les programmes de critique et de débat proposés sur les antennes du service public audiovisuel contribuent également à l’exposition des œuvres du champ culturel. À cet égard, il faut noter que la seule émission littéraire de première partie de soirée de la TNT (« La Grande Librairie ») est diffusée sur la chaîne France 5 et constitue une référence depuis de nombreuses années. Par ailleurs, France 2 a choisi en 2023 de mieux valoriser le cinéma grâce à une émission hebdomadaire qui lui est consacrée le dimanche, « Beau geste », dont on pourra toutefois regretter la programmation tardive. Votre président et votre rapporteur tiennent à saluer le succès du partenariat entre le Festival de Cannes et France Télévisions, notamment pour les succès d’audience des cérémonies d’ouverture et de clôture.

Les outre-mer sur le service public de l’audiovisuel

La stratégie du service public de l’audiovisuel pour les outre-mer a fait l’objet d’une profonde réorientation ces dernières années. Dès juillet 2018, le Gouvernement exprimait le fait que l’organisation du service public audiovisuel ne permettait pas de donner la visibilité nécessaire aux territoires ultramarins et à leurs habitants et pointait la nécessité d’une intégration plus forte au sein de la programmation de l’ensemble des autres chaînes de France Télévisions des sujets relatifs aux outre-mer, relevant au passage les audiences trop confidentielles de la chaîne France Ô.

Ce constat posé a mené, suite au rapport d’un groupe de travail parlementaire mené par la sénatrice Catherine Conconne et le député Raphaël Gérard, à la conclusion le 11 juillet 2019 d’un premier « Pacte de visibilité pour l’Outre-mer » par Franck Riester, ministre de la culture, Annick Girardin, alors ministre des outre-mer, et Mme Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions. Il comprenait 25 engagements afin de donner plus de place aux programmes et sujets ultramarins sur les chaînes à forte audience du groupe – France 2, France 3 et France 5 – ainsi que sur internet, avec le lancement de la plateforme numérique Outre-mer La 1ère. La décision de suspendre la diffusion de la chaîne France Ô était par ailleurs confirmée avec une interruption définitive des programmes sur la TNT le 24 août 2020. Un comité de suivi est depuis réuni chaque année afin de vérifier que les engagements pris dans le cadre du Pacte de visibilité sont bien remplis. Lors de la réunion du 7e comité de suivi, le 12 décembre 2022, le groupe France Télévisions a annoncé avoir rempli ses objectifs, citant notamment la multiplication par quatre, entre 2019 et 2022, du nombre de sujets consacrés aux outre-mer dans les éditions nationales d’information, et une hausse de la fréquentation de l’offre numérique de 74 % par rapport à 2019, avec 12,26 millions de visites en moyenne mensuelle.

Dans son avis du 7 octobre 2022 sur le rapport d’exécution du COM de France Télévisions, l’Arcom souligne le respect de l’engagement de diffusion d’au moins 12 programmes ultramarins en première partie de soirée chaque année (en comptabilisant 36 pour 2021), mais relève que « ces bons résultats de la programmation ultramarine de première partie soirée sur France 2 et France 3 reposent principalement sur la fiction et les documentaires dits "de découverte et de voyages", l’actualité, l’histoire ou la culture ultramarine étant encore peu abordés. » En outre, le portail Outre-mer La 1ère paraît selon l’Arcom, malgré des marges d’amélioration existantes signalées par les usagers, apporter une offre riche, notamment d’informations locales en ligne, de documentaires et de fictions.

On relèvera toutefois plusieurs sujets de préoccupation relatifs à la visibilité des outre‑mer qui justifieraient des travaux dans le cadre d’une mission d’information parlementaire : la chute de la représentation des personnes ultramarines de 7 points en 2021 (pour l’ensemble des chaînes), suite à la disparition de France Ô, constatée par l’Arcom dans son « baromètre de la diversité à la télévision » de 2021 ; la diffusion des évènements sportifs, qui continue de souffrir de lacunes, ainsi que la question de l’amélioration des indicateurs contenus dans les COM, afin de promouvoir une réelle diversité des genres dans les programmes mettant en scène les outre-mer en première partie de soirée. Une telle mission pourrait également se pencher sur les suites données au « Pacte élargi pour la visibilité des Outre-mer », passé entre l’État et l’ensemble des sociétés publiques, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, ARTE-France, TV5 Monde et l’INA, le 22 octobre 2021, afin d’évaluer la mise en œuvre effective des coopérations prévues.

C.   La limitation de la publicité sur les antennes du service public, gage de spécificité

Lors de son audition, Mme Florence Hartmann a considéré qu’il était dangereux pour les médias de service public qu’une partie de leur financement repose sur une ressource aussi volatile que la publicité.

Les perspectives de contraintes et de concurrence sur la croissance des revenus publicitaires supposent d’inviter les sociétés à se tourner vers des ressources propres plus diversifiées, offrant une marge de manœuvre plus significative et ayant moins de répercussions sur l’équilibre financier des concurrents du privé. Comme évoqué précédemment, cela participe aussi de la différenciation des antennes, en particulier en soirée. À cet égard, il est distinctif et apprécié que la chaîne ARTE s’interdise d’avoir recours à des ressources publicitaires ([36]).

En France le montant total des recettes publicitaires de l’audiovisuel public atteignait 465,8 millions d’euros en 2022.

Recettes publicitaires des entités de l’audiovisuel public (2018 – 2022)

(en millions d’euros)

Recettes publicitaires par entité

2018

2019

2020

2021

2022

Recettes publicitaires de France télévisions

347,7

351,9

333,1

380,9

392,8

dont recettes publicitaires sur les antennes linéaires

241,2

245,1

224,4

252,2

264,5

dont parrainages

85

84,6

84,9

97,7

95,9

dont recettes digitales

21,5

22,2

23,8

31,0

32,4

Recettes publicitaires de Radio France

50,8

55,2

56,7

59,8

64,1

dont recettes publicitaires sur les antennes linéaires (sous plafond)

34,4

34,7

32,1

34,8

35,6

dont parrainages (sous plafond)

7,5

6,3

4,4

6,0

5,7

dont recettes digitales

3,2

6,8

11,1

13,4

15,8

dont messages d’intérêt général

5,7

7,4

9,1

5,6

7

Recettes publicitaires de France Médias Monde

4,8

5,0

4,2

5,2

6,1

dont recettes digitales

1,3

1,5

2,0

2,3

3,1

Recettes publicitaires de TV5 Monde

3,0

2,8

2,5

2,7

2,8

Total

406,3

414,9

396,5

448,6

465,8

Le total ne comprend pas les messages d’intérêt général de France Télévisions alors que Radio France inclut le produit de ces messages.

Sources : rapports d’exécution des contrats d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions pour les années 2018 à 2021, rapports d’exécution des COM de Radio France et France Médias Monde pour les années 2018 à 2022, lois de règlement de 2018 à 2022 et données fournies par les entités concernées.

 

Le choix de non recours à la publicité sur les antennes des services publics audiovisuels en Europe

D’après le rapport du Service d’analyse médias de l’UER, présenté devant la mission par Mme Florence Hartmann, parmi les pays de la zone européenne de radiodiffusion (définie par l’Union internationale des télécommunications), les médias de service public étaient financés à hauteur de 77 % par de l’argent public en 2021 (65 organismes dans 48 pays).

Au Royaume-Uni, la BBC ne dispose pas de recettes publicitaires pour ses chaînes nationales. Seul BBC global news qui exploite BBC world news est en partie financé par de la publicité mais cela ne concerne pas les téléspectateurs résidant au Royaume-Uni. En effet, des publicités peuvent apparaitre sur les environnements numériques mais seulement lorsque l’utilisateur est situé en dehors du Royaume-Uni.

Le rapport des inspections précité rappelle qu’en Suède les entreprises de l’audiovisuel public (Télévision Suède, Radio Suède, société suédoise de radiodiffusion éducative) ont des ressources essentiellement publiques : environ 96 % de leurs ressources totales en 2020 avec une interdiction totale de diffusion de la publicité. Les quelques ressources propres dont disposent les entreprises de l’audiovisuel public suédois sont issues de parrainage d’évènements sportifs (sauf Radio Suède qui n’est pas autorisée à en faire), de droits d’exploitation ou de programmation.

Aux Pays-Bas, la situation est différente. En effet, l’audiovisuel public est financé à 85 % par des ressources publiques (via le budget de l’État). Cette part diminue régulièrement depuis quelques années. La publicité est autorisée mais elle est limitée à un seuil de 10 % du temps total de diffusion par an. Il existe également des interdictions particulières : pas d’interruption des programmes par de la publicité, pas de publicité pendant la diffusion de programmes pour enfants, et pas de publicité en ligne. Il a été question de la suppression totale de la publicité sur l’audiovisuel public en 2019, mais la réticence des sociétés de l’audiovisuel public s’est fait entendre. Finalement, en 2020, décision a été prise de réduire de moitié le temps consacré aux publicités entre 2022 et 2027.

En Espagne, l’audiovisuel public, incarné par la RTVE (RadioTélévision Espagnole) puisait une très grande partie de ses ressources dans le marché publicitaire (environ 40 %) jusqu’à une réforme de 2009 qui a interdit la publicité sur les chaînes du groupe.

Au Danemark, l’audiovisuel public est très fort, concentrant 80 % de parts d’audiences sur la télévision et 78 % sur la radio. L’audiovisuel public danois est composé de Danemark Radio (DR), TV2 Danemark, et des sociétés régionales de TV2 Danemark. La publicité est complètement interdite pour DR et pour les sociétés régionales de TV2. En revanche, elle est autorisée pour TV2 avec des restrictions quant aux plages horaires et à l’interruption des programmes.

En Allemagne, l’audiovisuel public est financé quasi exclusivement par une redevance. En effet, les ressources propres des sociétés de l’audiovisuel public en 2020 représentaient moins de 2,5 % de leurs ressources totales, les ressources publicitaires représentant seulement une partie de ce pourcentage. La publicité sur les chaînes de l’audiovisuel public est ainsi très réglementée : elle n’est pas autorisée lors de la diffusion des programmes pour enfants et des émissions cultuelles. Elle est complètement interdite à partir de 20 heures, les jours fériés et les dimanches ; le parrainage est également concerné par cette interdiction. Les règles relatives à la durée maximale de publicité par jour et par heure varient en fonction des Länder.

 

1.   Un encadrement différencié des recettes publicitaires et de parrainage sur le service public

● Le recours à la publicité

Depuis plusieurs années, des mesures ont été prises pour diminuer la publicité présente sur le service public de l’audiovisuel : le recours aux recettes publicitaires est donc strictement encadré pour les opérateurs de l’audiovisuel public. La limitation de la publicité est censée constituer un élément fort de différenciation par rapport aux autres chaînes de télévision et radio gratuites.

En application de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, les chaînes de France Télévisions ne devaient en effet plus diffuser de publicités commerciales de 20 heures à 6 heures du matin. L’objectif de cette loi était ainsi clairement de sortir le service public d’une logique commerciale et de sa dépendance aux revenus venant des annonceurs, avec un objectif politique de suppression totale, à terme, de la publicité sur la télévision publique (comme c’est le cas pour la chaîne ARTE).

Cette limite s’ajoute à d’autres règles plus générales encadrant la publicité sur les chaînes publiques, comme la limitation à 6 minutes de publicité par heure en moyenne quotidienne et à 8 minutes par heure d’horloge depuis le 1er janvier 2009 (contre 9 minutes de publicité par heure en moyenne quotidienne et 12 minutes par heure d’horloge pour les chaînes privées), ou les interdictions ([37]) et restrictions ([38]) de secteurs pouvant figurer sur les écrans publicitaires. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2018, aucune publicité commerciale ne peut être diffusée sur les chaînes de France Télévisions 15 minutes avant et après un programme destiné prioritairement aux enfants de moins de douze ans.

S’agissant des 24 décrochages régionaux de France 3, la diffusion de publicités est autorisée par le VI de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 créé par l’article 28 de la loi du 5 mars 2009 précitée. Cela représente un volume horaire considérable, notamment après 20 heures, dans les écrans publicitaires intitulés « 20.12 », « 20.15 » et « 22.55 » : sans compter les publicités collectives génériques et les messages d’intérêt général, 574 heures de publicités de marques ont été diffusées sur le réseau régional en 2021 ([39]).

Le groupe Radio France fait l’objet d’un plafonnement de ses recettes publicitaires ([40]), aussi bien en termes de chiffre d’affaires (42 millions d’euros annuels, plafond fixé par le COM) que de volume. Le décret n° 2016-405 du 5 avril 2016 portant modification du cahier des charges de la société nationale de programme Radio France prévoit ainsi une limite de 17 minutes par jour de messages publicitaires, dont 3 minutes maximum sur la tranche matinale (de 7 heures à 9 heures).

● L’alternative des parrainages

S’agissant des parrainages, l’article 17 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 définit précisément cette notion, distincte de la publicité, comme « toute contribution d’une entreprise ou d’une personne morale publique ou privée ou d’une personne physique, n’exerçant pas d’activités d’édition de services de télévision ou de médias audiovisuels à la demande ou de fourniture de services de plateformes de partage de vidéos ou de production d’œuvres audiovisuelles, au financement de services de télévision ou de programmes dans le but de promouvoir son nom, sa marque, son image, ses activités, ses produits ou ses services ».

Le décret n° 2017-193 du 15 février 2017 portant modification du régime du parrainage télévisé modifie celui-ci tel qu’il résultait du décret du 27 mars 1992 précité et élargit considérablement les moyens d’identification du parrain. Cette identification peut depuis se faire par : « le nom, le logo ou un autre symbole du parrain, notamment au moyen d’une référence à ses produits ou services ou d’un signe distinctif » ([41]). Là se trouve l’origine de la confusion entre publicité et parrainages aux yeux des auditeurs et, surtout, des téléspectateurs.

Les « services de plateformes de partage de vidéos » ont été inclus dans le champ des acteurs ne pouvant pas parrainer des programmes par le décret n° 2021‑1922 du 30 décembre 2021.

D’autres restrictions viennent également encadrer le recours aux parrainages : les émissions d’information politique, de débats politiques et les journaux d’information ne peuvent pas être parrainées, les entreprises qui ont pour activité principale la fabrication ou la vente de boissons alcoolisées, de tabac ou de produits de vapotage ne sont pas autorisées à parrainer des programmes, et certains établissements ou entreprises pharmaceutiques ne peuvent pas parrainer des émissions relatives à la santé.

2.   Un marché publicitaire média qui se déporte, sauf pour les sociétés de l’audiovisuel public

Comme évoqué précédemment, les recettes publicitaires numériques, tous secteurs confondus ‒ dont les recherches sur internet, les réseaux sociaux, etc. ‒ ont connu une très forte hausse ces dernières années en passant, entre 2005 et 2021, de 2 % à 53 % du total des revenus globaux tirés de la publicité.

Les recettes de la publicité numérique ont progressé de 203 % en près d’une décennie (entre 2013 et 2022) pour s’élever à 8,5 milliards d’euros en 2022, en hausse de 42 % par rapport à 2019. Cette progression profite également aux antennes publiques et leur profitera encore à l’avenir avec la plateformisation de la disponibilité de leurs contenus vidéo et audio.

Pour autant, il convient de rappeler les ordres de grandeur : les recettes numériques des médias (c’est-à-dire l’extension de la marque – télévision, radio ou presse – dans le domaine numérique, en excluant toute diversification 100 % numérique) se sont établies à 614 millions d’euros en 2022, en hausse de 41,7 % par rapport à 2019. Le baromètre BUMP distingue le digital audio ([42]) (29 millions d’euros) et le digital vidéo ([43]) (231 millions d’euros).

a.   Pour Radio France, un plafonnement adapté

Le secteur de la radio dans son ensemble connaît une baisse significative et progressive de ses recettes publicitaires (836 millions d’euros en 2005, 699 millions en 2022), accentuée par la crise sanitaire (‑ 2,1 % entre 2019 et 2022).

À l’inverse de cette dynamique, Radio France a connu une progression de ses recettes publicitaires hertziennes et numériques entre 2017 et 2022, suite à l’ouverture de la publicité commerciale sur les antennes du groupe en 2016. Cette ouverture s’est par ailleurs doublée d’une nouvelle approche publicitaire, initiée en 2020, visant à exclure progressivement les produits et services les plus polluants tout en élargissant le volume et les espaces publicitaires de Radio France consacrés aux produits ou organismes responsables.

Les recettes publicitaires de Radio France se sont établies en 2022 à 64,1 millions d’euros, contre 50,8 millions d’euros en 2018. Le plafond de 42 millions fixé dans le COM n’est pas dépassé puisque les publicités commerciales (35,57 millions d’euros) et les parrainages (5,73 millions d’euros ([44])) sur les antennes atteignent 41,3 millions d’euros, auxquels il faut ajouter les recettes des messages d’intérêt général (7 millions d’euros) et celles de la publicité numérique (15,8 millions d’euros), hors plafond, dont il conviendra de surveiller l’évolution dans les années à venir.

b.   Sur les antennes nationales de France Télévisions, une réelle confusion

Les données qui suivent sont issues des études du baromètre unifié du marché publicitaire (BUMP).

S’agissant de la télévision dans son ensemble, les recettes publicitaires sont en légère hausse (+ 2,4 % entre 2019 et 2022 à 3,485 milliards d’euros) en valeur absolue mais en baisse en proportion face à l’essor du numérique. Si les recettes publicitaires télévisuelles représentaient 31 % du total des recettes des médias en 2005, cette part s’élevait à un peu moins de 25 % en 2021.

En revanche, la tendance récente montre un vrai recul des recettes publicitaires de la télévision à hauteur de 7,2 % au premier trimestre 2023 par rapport au premier trimestre 2022. Cela explique les positions offensives des grandes chaînes de télévisions privées à l’égard de France Télévisions.

Dans ce contexte, depuis 2018, France Télévisions a connu une augmentation de ses recettes publicitaires sur les antennes linéaires, y compris sur le parrainage, et sur les supports numériques.

évolution des Recettes publicitaires de France télévisions

(en millions d’euros)

 

2018

2019

2020

2021

2022

Recettes publicitaires sur les antennes linéaires

241,2

245,1

224,4

252,2

264,5

Parrainages

85

84,6

84,9

97,7

95,9

Recettes publicitaires digitales

21,5

22,2

23,8

31,0

32,4

Total des recettes publicitaires de France Télévisions

347,7

351,9

333,1

380,9

392,8

Le total ne comprend pas les messages d’intérêt général de France Télévisions.

Le recours au parrainage, qui concerne toutes les antennes, est jugé excessif par votre président et votre rapporteur. Le même constat s’impose lorsque l’on regarde des contenus sur la plateforme France.tv : même la diffusion de la télévision linéaire y est entrecoupée de publicités.

nombre de contrats de parrainage
selon les services de télévision concernés

 

Nombre de contrats de parrainage

France 2

661

France 3 national

457

France 3 régional

286

France 4

81

France 5

219

Réseau Outre-mer 1ère

798*

Source : France Télévisions

*Addition des contrats des différentes chaînes du réseau Outre-mer 1ère.

3.   Faire disparaitre les annonceurs sur France Télévisions de 20 heures à 6 heures

Régulièrement mise en avant comme facteur de différenciation avec l’audiovisuel privé, la place de la publicité au sein de l’audiovisuel public, en particulier de France Télévisions et Radio France, fait l’objet de débats récurrents.

Les téléspectateurs peuvent avoir l’impression que la règle d’interdiction de la publicité sur le service public télévisuel entre 20 heures et 6 heures est largement contournée en raison de la présence importante des parrainages, des messages d’intérêt général et des publicités génériques. Cela conduit à une situation regrettable, qui nuit à la spécificité du service public de l’audiovisuel.

Plus largement, le décret de 2017 a contribué à effacer la distinction entre publicité et parrainage, quels que soient les diffuseurs, y compris privés. Ceci est plus spécifiquement lié à la mise en avant du produit. Aux yeux des téléspectateurs, la distinction n’est pas aisée.

Les documents commerciaux de France Télévisions Publicité entretiennent eux-mêmes la confusion ; ainsi peut-on y lire : « Boostez votre reach en cumulant votre plan classique avec du sponsoring ».

Certains acteurs considèrent que la suppression des parrainages renforcerait la spécificité éditoriale de l’audiovisuel public tout en permettant un début plus précoce des programmes en soirée sur France Télévisions.

Les sénateurs rapporteurs de la mission conjointe de contrôle sur le financement de l’audiovisuel public, MM. Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi, avaient proposé de supprimer les recettes de parrainage de France Télévisions et de Radio France. Selon eux, cette suppression permettrait de renouer avec l’esprit de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 et de commencer plus tôt les programmes de soirée avec une totale liberté éditoriale. Les sénateurs pointaient en outre une dépendance à l’audience difficilement compatible avec l’affirmation d’une identité forte de service public.

Votre président et votre rapporteur proposent de supprimer toute présence des annonceurs entre 20 heures et 6 heures sur les antennes et plateformes de France télévisions, en l’étendant à la publicité numérique et aux parrainages ([45]) .

Selon eux, il convient de réaffirmer l’objectif d’une diminution progressive de la publicité, sous toutes ses formes, sur les antennes télévisées comme radiophoniques du service public. Il s’agirait à la fois de conforter la logique de service public échappant aux logiques commerciales, mais également de ne pas déséquilibrer un marché publicitaire dont il a été rappelé qu’il voyait ses principaux annonceurs migrer progressivement vers les supports numériques.

Conscients que l’interdiction du parrainage et de la publicité numérique de 20 heures à 6 heures priverait France Télévisions de près d’un tiers de ses recettes publicitaires, vos rapporteurs proposent de compenser ces pertes de recettes par l’affectation au groupe, à l’euro près, d’une fraction du produit de la taxe sur les services numériques (voir infra, troisième partie).

III.   Un audiovisuel public accessible à tous et recentré sur des orientations stratégiques communes

A.   Des missions dont la pertinence demeure : les conforter grâce à des efforts mieux coordonnés

1.   Fournir une information fiable à toutes les échelles de territoire et tous les niveaux d’analyse

Fournir au public une information fiable et indépendante constitue aujourd’hui l’une des missions prioritaires du service public de l’audiovisuel. Comme indiqué supra, la mission d’informer est la mieux identifiée par les Français dans les études d’opinion. L’enquête menée par l’institut Harris pour France Télévisions en décembre 2021 fait apparaître que les Français sont 73 % à penser que les chaînes de télévision publiques remplissent bien leur mission consistant à fournir des informations sur le reste du monde, part qui est de 68 % s’agissant de la production d’informations de proximité. Toutefois, 61 % des Français interrogés pensent que les chaînes de télévision publiques s’acquittent bien de leur mission d’informer de manière neutre, ce qui peut paraître trop peu alors les Allemands interrogés sont 71 % à estimer que leurs chaînes de télévision publiques nationales remplissent cette mission de manière satisfaisante.

L’UER insiste sur l’importance de cette mission dans le contexte d’une multiplication des sources d’information, qui rend celle-ci aisément manipulable pour des motifs politiques ou commerciaux : « Les médias de service public, eux, font figure de référence en matière d’impartialité et constituent un point de repère propice à la formulation et l’expression d’opinions et d’idées diverses. C’est grâce aux médias de service public que peuvent se tenir les débats ouverts, libres et passionnés, reflets des sociétés démocratiques. » ([46])

L’audiovisuel public français dispose de tous les outils et de nombreux atouts pour remplir cette mission d’information avec efficacité, mais des voies d’amélioration existent pour renforcer l’attrait du public et mieux tirer parti de la complémentarité des chaînes.

a.   Une information fiable à toutes les échelles géographiques

Au niveau international, FMM permet de disposer de relais linguistiques nombreux afin d’aller chercher l’information au plus près et de la fournir aux publics français comme étrangers qui composent l’audience des différentes chaînes du groupe. Fin 2022, la couverture mondiale de France 24 s’établissait à 521,7 millions de foyers (en progression de 40 millions de foyers par rapport à 2021 et alors même que sa diffusion a été coupée à près de 28 millions de foyers en Russie et au Mali ([47])). Concernant les audiences des différentes chaînes, RFI, France 24 et MCD enregistrent 259,6 millions de contacts hebdomadaires (moyenne pour l’année 2022). Le groupe compte des spécialistes reconnus, intervenant régulièrement sur les autres antennes du service public, et dispose de précieuses compétences spécifiques en matière de sécurité pour l’exercice des missions des journalistes sur des terrains parfois dangereux. Ces compétences sont utilement mutualisées au sein de l’ensemble du service public (elles font l’objet d’une formation sur la sûreté commercialisée par l’INA), et cette mutualisation doit pouvoir être encore renforcée.

Pour aller plus loin dans l’efficacité de la mission exercée par FMM, l’aire linguistique de diffusion des programmes pourrait être élargie par l’investissement dans de nouvelles langues, comme le turc. Une troisième implantation de proximité dans l’aire moyen-orientale, à Beyrouth par exemple, pourrait également s’avérer utile. Le contexte de la guerre en Ukraine a rappelé l’importance en Europe de la diffusion d’une information vérifiée et responsable : FMM a lancé à partir de son centre régional de Bucarest une offre en langue ukrainienne, à 100 % numérique, qui s’est traduite par 540 000 visites sur le site dédié. Le coût de développement de cette offre dématérialisée est estimé à un peu plus d’un million d’euros par an par FMM. De manière générale il s’agit, par le développement continu du plurilinguisme, de créer les conditions de la confiance envers un média français à dimension mondiale, grâce à une stratégie de proximité avec les publics ciblés.

 

Concernant l’information européenne, plusieurs éléments de contexte amènent votre président et votre rapporteur à vouloir souligner l’importance d’une juste représentation de ces enjeux sur le service public de l’audiovisuel : la perspective des élections européennes en 2024, l’actualité de la guerre en Ukraine et le désengagement progressif de l’audiovisuel public français de la chaîne Euronews créent de nouveaux besoins d’information et d’éducation sur l’Europe. Ce besoin avait d’ailleurs déjà été identifié par l’Assemblée nationale, dans le rapport d’information du 20 octobre 2021 de Mme Sabine Thillaye publié au nom de la commission des affaires européennes et relatif à la prise en compte des sujets européens dans les médias audiovisuels ([48]). Le rapport soulignait les efforts entrepris par France info et France Télévisions pour la création d’émissions ou de grands rendez-vous sur les sujets européens, mais évoquait une meilleure représentation de ces sujets chez nos voisins européens, et rappelait qu’ARTE ne pouvait seule remplir cette mission.

Au niveau national, il convient en premier lieu de souligner que France Télévisions diffuse quotidiennement 9 h 25 de contenus d’information (journaux télévisés et magazines), hors l’offre en continu de Franceinfo, fruit de la coopération entre France Télévisions et Radio France, mais qui associe aussi FMM et l’INA. Cette coopération est à l’œuvre très concrètement dans la programmation : un tiers de la grille des programmes de la chaîne d’information en continu Franceinfo est fourni par France 24, qui est notamment diffusée sur la chaîne de télévision Franceinfo (toutes les nuits de minuit à 6 h 30), et l’INA. Or, 80 % des 25 % de programmes d’actualité française de FMM proviennent de France Télévisions : les coopérations existent donc déjà, mais mériteraient sans doute d’être encore renforcées pour gagner en impact sur le terrain de l’information.

La radio France info présente une audience cumulée de 9,2 % pour la saison 2021-2022 ([49]), et est devenue la troisième radio la plus écoutée par les Français, ce qui constitue une belle réussite, même si les audiences totales du média radio s’érodent tendanciellement ces dernières années. La chaîne de télévision Franceinfo éprouve en revanche des difficultés à trouver sa place dans l’environnement plus concurrentiel de l’information en continu télévisée, alors même qu’elle offre une programmation diversifiée. Trois autres chaînes d’information en continu existent en effet sur la TNT (BFM TV, CNews, LCI), et la chaîne publique enregistre depuis sa création les audiences les plus faibles au sein de ce groupe, avec une part d’audience, certes en hausse depuis 2016, mais plafonnant à 0,9 % en 2022 ([50]), soit nettement derrière la chaîne d’information la plus regardée, BFM TV (qui dépasse les 3 % de part d’audience en 2022 ([51])). Cela peut apparaître regrettable, d’autant plus que la télévision continue d’être le média privilégié par les Français pour l’accès à l’information : selon le Baromètre de la confiance dans les médias de 2023 ([52]), ils sont en effet 71 % à utiliser la télévision une fois par jour pour s’informer de l’actualité (contre 52 % internet, 49 % la presse papier et digitale, 39 % la radio).

La question des positionnements relatifs des chaînes télévisées Franceinfo et France 24 pourrait être soulevée, malgré la différence des publics visés. France 24 en français s’adresse au public francophone à l’étranger, et il s’agit de ne pas d’oublier cette spécificité (France 24 n’a ainsi pas vocation à être une chaîne d’information en continu généraliste au plan national), mais la chaîne télévisée Franceinfo pourrait sans doute tirer davantage profit de l’expertise internationale développée chez FMM : sur ce plan, les collaborations doivent donc être accrues et renforcées. La faisabilité de l’idée parfois évoquée d’une « newsroom » commune aux différentes rédactions du service public (Radio France, France 24 et France Télévisions) mériterait d’être examinée, non pour réduire le nombre des journalistes travaillant au sein de celles-ci, mais pour conforter les coopérations et encourager la transmission des compétences. La priorité devrait d’abord être celle de la création d’une cellule commune de vérification des informations et de riposte aux fake news, face à la démultiplication de ce type de contenus.

Au niveau local, le service public de l’audiovisuel poursuit une transformation dont les résultats sont très attendus, notamment pour ses contenus d’information. Depuis 2019 ont été initiées des matinales communes entre les stations locales de France Bleu et de France 3, 100 % régionales : il s’agit d’émissions animées par les journalistes et animateurs des stations de France Bleu, filmées par les équipes de France 3, France Télévisions pouvant également fournir des images (reportages, actualités). Cette coopération éditoriale renforcée au plan territorial s’est accompagnée d’une plateforme numérique commune pour l’information de proximité, nommée « Ici », sous la forme d’une application mobile et d’un site internet.

À ce jour, il existe 31 matinales communes entre les deux antennes sur les 44 projetées, et l’achèvement de leur déploiement est prévu à l’horizon 2023, après avoir été annoncé pour 2022. La marque unique « Ici », portée par un groupement d’intérêt économique (GIE) entre France Télévisions et Radio France a vocation à offrir une signature éditoriale commune et devrait s’incarner plus avant, à la rentrée, dans la mise en œuvre de nouvelles éditions remaniées des journaux de France 3, faisant la part belle à la dimension régionale et locale de l’information (selon le projet « Tempo » annoncé par la présidente de France Télévisions, Mme Delphine Ernotte en juillet 2022).

La régionalisation plus poussée des offres de France 3 est un vrai atout de différenciation par rapport à la plupart des chaînes privées : les éditions d’information seront totalement régionales à compter de septembre 2023. Les éditions « Ici midi » et « Ici soir » devraient ainsi remplacer les « 12/13 » et les « 19/20 » nationaux et régionaux de France 3 par « 24 journaux télévisés complets, construits, pensés par les rédactions régionales » ([53]) afin de fournir une actualité de proximité, nationale et internationale.

Ce projet vise aussi à proposer une « offre d’information plus servicielle », comme l’a qualifiée lors de son audition la présidente de Radio France Mme Sibyle Veil : soit une information axée sur la proximité et le quotidien du public. Cette information de proximité se veut une réponse à la « fatigue informationnelle » en offrant des contenus plus en lien avec les préoccupations du public au jour le jour. Les audiences de France Bleu, aujourd’hui en baisse, montrent malheureusement que les besoins de proximité du public peinent encore à trouver une réponse qui le satisfasse.

Cela est d’autant plus regrettable que les médias locaux sont ceux qui recueillent les taux de confiance les plus importants : une étude de l’Ifop de 2021 ([54]) indique ainsi que les Français interrogés sont 80 % à faire confiance aux médias locaux (contre 73 % aux médias nationaux, et 19 % aux réseaux sociaux), et 78 % à penser que l’offre de médias audiovisuels pourrait être enrichie dans leur ville ou région. Ils sont en outre 80 % à penser que les pouvoirs publics devraient engager des actions pour soutenir les radios et télévisions de territoire, locales et régionales. Bien qu’il ne soit pas précisé dans l’étude si ce soutien devrait s’effectuer prioritairement en direction de médias publics, ces résultats ne soulignent pas moins l’attachement et l’appétence du public pour une information de proximité.

Le projet éditorial commun « Tempo » devrait s’accompagner d’un rapprochement physique des équipes de France Télévisions et Radio France dans les régions, dans le cadre d’un schéma immobilier partagé déployé au gré des déménagements futurs des équipes, à l’échéance des baux d’occupation. Ainsi, lorsqu’une rédaction sera amenée à changer de locaux sera étudiée la question d’une localisation commune avec le partenaire radiophonique ou télévisuel. Plusieurs dizaines d’implantations physiques apparaissent ainsi mutualisables ([55]) et une opération de ce type a déjà été réalisée pour l’antenne de Rennes.

Le retard enregistré par le déploiement de ces initiatives de rapprochement met en relief la difficulté à mener des coopérations « par le bas » et à réunir autour de projets des équipes vivant leurs métiers comme a priori différents : il faut former les personnels, repenser parfois les rôles de chacun et apprendre comment travailler ensemble à des équipes qui n’y étaient pas forcément habituées. La transformation des journaux télévisés de France 3, qui nécessitera là aussi d’établir de nouvelles relations de travail au niveau local et avec le niveau national, pourrait également s’accompagner de difficultés et de retards. Si le lancement de ces initiatives est à saluer, on peut toutefois s’interroger sur les conditions futures de leur pilotage en l’absence d’une structure de coordination stratégique. Les rapprochements nécessaires des entités du service public doivent se matérialiser dans de tels projets, seuls à même de donner un sens concret aux synergies réalisées et qui s’appuient sur le désir de répondre aux attentes du public. Le suivi de leur mise en œuvre ne saurait toutefois reposer uniquement sur la bonne volonté des équipes ou des dirigeants qui en sont à l’origine ‒ même si ce sont des prérequis indispensables.

b.   Une analyse au service d’une meilleure appréhension de l’information

Dans le contexte informationnel actuel, le service public de l’audiovisuel ne peut pas se contenter de livrer une information objective, vérifiée et fiable, mais doit également donner au public des clés de compréhension et des éléments d’analyse de l’actualité. Les émissions de reportage et d’investigation constituent à cet égard, aux côtés des magazines d’information, des outils essentiels pour fournir le recul indispensable à la réflexion et à la mise en perspective.

Le service public a vocation à proposer ces clés de décryptage et de vérification de l’information pour aider le public à mieux distinguer les sources et à identifier les fausses informations. Cela passe notamment par le développement d’une force de frappe commune contre les infox, qui permettrait de mieux identifier l’apport des journalistes du service public et constituerait un signal de confiance à l’égard des téléspectateurs et auditeurs. Des initiatives de vérification des faits et de lutte contre la désinformation existent déjà, notamment le hashtag de France Télévisions #vraioufake sur les réseaux sociaux, qui permet de mettre en lumière des fausses informations. Les différentes rédactions des entités du service public pourraient utilement collaborer pour mettre en commun leurs ressources sur ces enjeux, face à des phénomènes dont la puissance et la viralité ne sont plus à démontrer.

Face aux transformations du paysage médiatique déjà évoquées, il apparaît indispensable de développer, notamment pour les plus jeunes mais pas seulement, une véritable éducation aux médias et à l’information, conformément aux recommandations de la mission flash sur l’éducation critique aux médias ([56]).

Elle permet en effet d’offrir au public les compétences et connaissances nécessaires à un meilleur discernement quant à la qualité et aux significations des contenus auxquels il est exposé. En 2021, 85 % des jeunes âgés de 10 à 15 ans croyaient à au moins une théorie du complot ([57]) et 69 % des adolescents admettaient ne jamais rechercher, ou très rarement, la source d’une information. Les initiatives développées le sont souvent en direction du jeune public, mais une offre complémentaire pourrait venir s’adresser spécifiquement aux publics plus âgés, dont il est démontré qu’ils contribuent largement à la diffusion de fausses nouvelles sur les réseaux sociaux. En 2019, une étude américaine publiée par Science Advances ([58]) montrait ainsi que les plus de 65 ans sont les utilisateurs d’internet qui partagent le plus les fake news. En moyenne, les utilisateurs de cette classe d’âge le font sept fois plus que celui du groupe des 18/29 ans.

Aujourd’hui, les entités du service public sont toutes engagées dans des projets d’éducation aux médias et à l’information en direction de la jeunesse, souvent menés en coopération entre elles et avec des acteurs tiers, tels que l’Éducation nationale (particulièrement sous l’égide du Centre pour l’éducation aux médias et à l’information ‒ Clémi). On évoquera par exemple les coproductions de programmes comme « Les clés des médias » (coproduction France Télévisions, Radio France, Canopé, Clémi et ministère de l’Éducation nationale) ou « Data sciences vs fake » (coproduction France Télévisions, ARTE, Univers sciences et TV5 Monde), mais aussi des opérations de terrain dans les établissements scolaires menées par de nombreux journalistes du secteur public (par exemple, 4 000 élèves ont bénéficié d’une intervention d’un journaliste de France Médias Monde en 2021, en France et à l’international).

La variété des initiatives conduites constitue une richesse et reflète la grande pluralité des approches disponibles. Une initiative comme le « Tour de France académique de l’éducation aux médias, à l’information et à la citoyenneté », inscrit au plan académique de formation, en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, le Clémi et le réseau académique, illustre bien les continuités possibles dans plusieurs secteurs majeurs du service public.

La plateforme éducative Lumni est l’une des coopérations les plus abouties entre les différentes entités du service public de l’audiovisuel, et a joué un rôle remarquable au moment où les élèves français étaient contraints de rester à la maison lors des confinements successifs. Lancée en novembre 2019, elle proposait déjà plus de 14 000 ressources fin 2020. Elle comporte un volet grand public piloté par France Télévisions et un volet destiné au corps enseignant (Lumni enseignement), récemment remanié, piloté par l’INA. Les différentes entreprises de l’audiovisuel public continuent de coopérer afin d’enrichir la proposition des deux offres. La plateforme est aujourd’hui connue de 47 % des familles et des élèves et elle ne cesse de monter en puissance avec 1,2 million de visiteurs uniques par mois (soit une hausse de 78 % par rapport à 2019) ([59]).

L’éducation aux médias et à l’information doit continuer de monter en puissance au sein du service public de l’audiovisuel, car elle conduit à conforter celui-ci dans son rôle de référence et parce qu’elle répond à une mission essentielle de service public autant qu’à un vrai besoin. L’éducation aux médias et à l’information constitue un terrain privilégié de coopération entre les différentes entités de l’audiovisuel public : son importance dans les objectifs stratégiques communs doit être renforcée et elle doit relever des priorités éditoriales du service public de l’information. Le « Tour de France » des académies organisé par France Télévisions est à ce titre remarquable.

Depuis 2013 et surtout depuis 2018, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et désormais l’Arcom s’investit en faveur de cette politique publique d’éducation aux médias et à l’information en menant des actions en menant des actions auprès :

– des personnels enseignants en contribuant à des actions de formation et en mettant à disposition des ressources pédagogiques ;

– des publics scolaires ;

– des acteurs de l’audiovisuel qu’il régule, par le biais de leurs conventions.

Le président de l’Arcom souhaite en conséquence que l’Autorité dispose de davantage de ressources financières pour mener ce type d’action. Ainsi propose-t-il d’affecter au budget de fonctionnement de l’Arcom, garante de la liberté de communication, le produit des sanctions pécuniaires prononcées à l’encontre des éditeurs de services de télévisions. En application de l’article L. 116-5 du code du cinéma et de l’image animée, le produit de ces sanctions est aujourd’hui affecté au Centre national du cinéma et de l’image animée. Votre président et votre rapporteur souscrivent à cette proposition.

Ils souhaitent également relayer la proposition des rapporteurs de la mission flash précitée de nommer un délégué interministériel à l’éducation aux médias et à l’information pour mieux en coordonner les différents volets ministériels et veiller au renouvellement et au suivi des conventions sur ce sujet.

c.   Contribuer à la vitalité du débat démocratique

L’existence d’une information indépendante, vérifiée et fiable constitue la condition nécessaire, mais non suffisante, à l’existence d’un débat public démocratique. Outre les outils de décryptage évoqués, permettant l’analyse de l’actualité et sa compréhension la plus juste, des espaces de débat contradictoire doivent pouvoir exister sur le service public de l’audiovisuel. Cela apparaît particulièrement essentiel à l’heure où l’étude des réseaux sociaux a montré les biais cognitifs qu’ils accentuent : renforcement des opinions et évitement des informations contrevenant à nos croyances via la personnalisation des contenus qui nous sont délivrés de façon algorithmique (biais de confirmation), effet d’exposition (qui fait apprécier davantage une chose à laquelle on est plus fréquemment exposé), biais de cadrage (influence exercée sur le choix ou l’adhésion d’un individu par la manière dont sont présentées les différentes options ou informations).

Pour contrer la logique d’enfermement que semblent conforter les processus algorithmiques, il est nécessaire de sanctuariser un espace public de confrontation, particulièrement, mais pas seulement, en amont des consultations électorales. Cela passe notamment par des émissions de débat politique répondant aux exigences du pluralisme. Il est significatif à cet égard de constater que lors des élections législatives de 2022, l’antenne de France 2 a concentré 70 % du temps de parole des représentants des partis politiques sur l’ensemble du temps que les chaînes France 2, France 3, France 5, M6 et TF1 ([60]) ont consacré à ce sujet.

2.   Une responsabilité de diffuseur

Premier soutien de la création audiovisuelle, le service public joue un rôle clé dans la production et la promotion de la diversité des œuvres (voir supra).

Les chaînes du service public ont une responsabilité de diffuseur et pour certains publics éloignés de l’offre culturelle pour des raisons diverses (géographiques ou économiques) ou ceux que l’on désigne comme les publics « empêchés » (personnes malades ou à mobilité très réduite, personnes très âgées, hospitalisées, détenues), cette mission revêt une importance critique.

La stratégie de reconquête de la jeunesse, identifiée par la présidente Delphine Ernotte, est à encourager, compte tenu du vieillissement des publics et de la montée en puissance des réseaux sociaux.

Pour une grille globale de programmes nationale d’un montant alloué de 903 millions d’euros en 2022 ([61]), France Télévisions présente ainsi des engagements d’investissements à hauteur de 500 millions d’euros (dont 60 millions d’euros pour le cinéma et 440 millions d’euros pour l’audiovisuel), un objectif en hausse d’environ 20 millions d’euros par rapport à 2019. Outre cette cible d’investissement inscrite dans le COM de France Télévisions, celui-ci comporte un objectif annuel de diffusion de spectacle vivant en première partie de soirée, passé de 11 en 2019 à 52 en 2022.

L’offre de France Télévisions ([62]) représente, au sein des chaînes nationales gratuites :

– 62,3 % de l’offre en journaux télévisés ;

– 40 % des documentaires (dont 25 % sur France 5) ;

– 49,8 % du genre concerts/spectacles, avec toutefois un basculement notable de ces programmes de France 2 et France 3 vers France 4 avec la création de la case Culturebox et France 5 ;

– 13 % de l’offre cinéma (contre 22 % en 2019, en lien avec la réorientation éditoriale de France 4) ;

– 44,8 % de l’offre d’animation.

À ces programmes s’ajoutent les émissions culturelles et musicales. Les engagements de France Télévisions en faveur de la culture se sont également accrus avec la création à moyens constants de la chaîne Culturebox ou le partenariat pour la diffusion du Festival de Cannes. Si cet effort doit être souligné, il convient d’insister sur l’importance de la visibilité de la culture sur toutes les chaînes du groupe, et à des horaires permettant l’accessibilité des œuvres au public le plus large, notamment les plus jeunes.

Il faut d’ailleurs noter qu’au plus fort de la crise sanitaire, les entités du service public de l’audiovisuel ont pu contribuer au soutien d’un secteur gravement touché par les conséquences des restrictions de déplacement et des fermetures des lieux culturels. Le plan de relance a aussi permis d’accroître le volume des commandes pour Radio France, avec 327 œuvres commandées en 2021 (soit une augmentation de 25 % en 2021, après une augmentation de 4 % en 2020), dépassant en cela largement l’objectif de 250 figurant dans le COM.

3.   Maintenir l’accès gratuit au sport sur la TNT

L’accès du plus grand nombre aux compétitions sportives majeures contribue à militer pour le maintien d’une diffusion linéaire : le direct est en effet un élément essentiel, si ce n’est primordial, à la diffusion de tels évènements. La gratuité de l’accès par la TNT contribue en outre à la diffusion la plus large, et à faire des grands rendez-vous sportifs des moments fédérateurs et festifs. L’expérience passée de l’acquisition de droits de diffusion d’évènements sportifs majeurs, auparavant accessibles gratuitement sur le service public, par des plateformes en ligne nécessitant un abonnement pour accéder à la retransmission, n’apparaît satisfaisante ni pour la représentation des sports concernés dans l’espace public, ni pour le public lui-même, forcément moins nombreux à bénéficier du spectacle sportif.

Alors que l’inflation impose de plus en plus aux Français d’opérer des choix en matière d’abonnements et d’accès aux offres culturelles et sportives, l’offre gratuite de l’audiovisuel public s’inscrit dans un contexte concurrentiel qui a subi de profondes transformations lors des dernières années. L’existence ou l’arrivée de chaînes payantes spécialisées (beIN, RMC Sport, Canal+) s’ajoute en effet à la volonté de certaines plateformes de diffuser également des évènements sportifs afin de renforcer l’éventail de leurs produits d’appel (Amazon) ou de se spécialiser sur le créneau du streaming sportif (DAZN).

Un tel phénomène contribue à une hausse des droits de retransmission : France Télévisions évoque ainsi une multiplication par trois des montants des droits sportifs en trente ans et explique avoir dû renoncer à l’acquisition des droits de diffusion de certaines compétitions. Cela explique aussi en partie le constat de l’Arcom ([63]), qui souligne qu’à partir de 2016, « le volume de programmes sportifs en télévision gratuite a entamé une baisse notable et continue (5 394 heures en 2020 contre 7 782 heures en 2019 et 9 437 heures en 2016) ». Aujourd’hui, plus d’un Français sur quatre paie pour avoir accès au sport.

Le service public joue un rôle essentiel dans l’accès gratuit aux évènements sportifs fédérateurs grâce à la diffusion de 10 des 21 évènements d’importance majeure ([64]) sur France Télévisions : les Jeux olympiques, le Tournoi des 6 Nations, le Tour de France, Roland Garros, la course Paris Roubaix, le Top 14 ou encore la Champions Cup. Le groupe ne dispose néanmoins pas de moyens illimités pour rivaliser avec ses concurrents lors de l’acquisition des droits. Les compétitions ou épreuves comprises dans cette liste de 21 évènements bénéficient d’un degré particulier de protection pour favoriser leur accès gratuit au plus grand nombre : en effet, les chaînes payantes qui acquièrent les droits de diffusion de ces évènements sont dans l’obligation de proposer leur retransmission aux chaînes gratuites, selon des « termes raisonnables » comme le prévoit le décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004.

Attendue de longue date, la révision de la liste des évènements d’importance majeure s’avère nécessaire, notamment pour mieux intégrer le sport féminin et le parasport, et a fait l’objet de plusieurs consultations publiques. France Télévisions a eu un rôle véritablement pionner pour l’exposition du sport féminin, en diffusant la finale féminine de la Fed Cup dès 2016, le rugby féminin en 2019, le Tour de France féminin en 2022. La part du sport féminin sur ses antennes équivaut aujourd’hui à celle de l’ensemble des trois chaînes généralistes privées concurrentes (48 % sur France Télévisions, 21 % sur TF1, 20 % sur M6 et 7 % sur Canal). Quelques semaines avant la Coupe du monde de football féminin de 2023 en Océanie, les droits de diffusion de la compétition n’avaient toujours pas trouvé preneurs, illustrant les difficultés liées aux négociations des montants de ces droits. Il est fondamental pour la promotion de cette discipline féminine que cette manifestation sportive soit diffusée.

La révision à venir du décret relatif aux évènements d’importance majeure ne suffira toutefois pas à rétablir l’équilibre entre les différents acteurs, les plateformes échappant pour l’heure à l’obligation faite aux chaînes payantes par abonnement de céder à des services de télévision à accès libre diffusées sur la TNT certains droits relatifs à des évènements sportifs. Par ailleurs, le partage des diffusions des manifestations sportives entre les sociétés privées à accès gratuit et les sociétés de l’audiovisuel public devrait être encouragé afin d’assurer un accès le plus large possible pour le public et de contribuer à freiner l’inflation des droits de diffusion.

B.   Miser sur la complémentarité des offres linéaires et de la consommation à la demande avec une stratégie de marques réaffirmée

Il est inutile d’opposer diffusion linéaire et non linéaire, les modes de diffusion étant complémentaires dans le temps et dans les publics couverts. Reste que, pour les professionnels, il est important que des médias à forte notoriété diffusent toujours des contenus en linéaire afin de décupler celle-ci. Prenant l’exemple des podcasts de Radio France, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) a rappelé lors de son audition que la diffusion à l’antenne contribue au succès d’un programme disponible sur les plateformes.

1.   Renforcer l’identification éditoriale

La multiplicité des offres de contenu disponibles rend aujourd’hui centrale la question de l’identification des chaînes, qui doivent affirmer une identité reconnaissable susceptible de susciter la confiance du public et son envie de découverte. Cette construction d’une véritable marque est essentielle, car à cette marque sont associées certaines qualités, valeurs ou promesses éditoriales qui permettent d’assurer la fidélité du public. Dans un environnement médiatique, et particulièrement numérique, où la stratégie de puissance ne peut être le choix des médias de service public, leurs moyens financiers ne pouvant rivaliser avec ceux de géants multinationaux, le développement d’une relation de confiance et de familiarité devient un paramètre essentiel de l’adhésion aux chaînes et de la consommation de leurs programmes.

La construction d’une marque identifiable passe par un univers visuel reconnaissable et une éditorialisation poussée des contenus, susceptible de faire apparaître la cohérence de l’identité de chaque marque. À cet égard, la chaîne ARTE fait presque figure de cas d’école. Chaîne binationale, ARTE a depuis longtemps fait le pari de l’éclectisme l’amenant à proposer des contenus exigeants et inattendus, tout en recherchant toujours la mise en avant de son caractère très européen, notamment grâce à une stratégie de partenariats, tant pour les productions audiovisuelles et cinématographiques que pour les représentations de spectacle vivant, avec de multiples institutions (la chaîne a ainsi noué des partenariats avec 23 opéras européens) ou acteurs de nombreux pays. À la stratégie de puissance évoquée, qui supposerait que le service public de l’audiovisuel puisse présenter une taille critique lui permettant de rivaliser avec des acteurs mondiaux, ce qui semble pour l’instant hors d’atteinte, M. Bruno Patino, président d’ARTE, auditionné par la mission d’information, oppose une stratégie d’agilité et d’affinités, consistant à faire le pari d’un lien privilégié avec le spectateur, tout en donnant des moyens renforcés à la « découvrabilité » des programmes.

Pour mettre en œuvre cette stratégie, l’excellence technologique et l’excellence éditoriale doivent être poursuivies de concert, et permettre une plus grande différenciation du service public. Ainsi par exemple, les stratégies d’individualisation algorithmiques de l’offre de contenu, proposées par les plateformes américaines ou Canal + et auxquelles le public s’est désormais habitué, doivent pouvoir être mises au service des objectifs du service public. Elles doivent favoriser la découverte, emmener le public là où il ne serait pas forcément allé et l’autoriser à penser hors de son cadre de référence, au lieu de l’enfermer dans ses choix précédents pour maximiser son exposition à des contenus lui plaisant a priori. L’application développée par Radio France poursuit cet objectif de réintroduire une forme de sérendipité dans les recommandations proposées sur la plateforme, avec pour objectif assumé de remettre de l’humain dans l’algorithme et, mieux encore, de bâtir un algorithme de service public.

Dans un océan de contenus disponibles, l’enjeu pour le service public de l’audiovisuel est désormais de faire connaître son offre et de faire en sorte qu’elle se distingue : cela passe donc par des moyens importants donnés à la communication autour des programmes, mais également par le lien construit avec le public. Il ne s’agit pas de chercher à capitaliser sur les succès passés, ou de donner au public ce qu’il attend, mais bien de lui proposer ce qu’il ignorait attendre, et de s’assurer qu’il puisse rencontrer cette proposition.

2.   Utiliser les plateformes tierces de façon raisonnée

Mettre en œuvre une stratégie de diffusion reposant sur l’identification par la marque ne signifie pas se priver de la chambre de résonance que constituent les plateformes et les réseaux sociaux, à condition d’y apporter un univers éditorial distinctif.

Pour la chaîne ARTE, une stratégie « d’hyper-distribution » concernant l’utilisation des plateformes et des réseaux sociaux permet de diversifier les voies d’accès à ses programmes, et de toucher des publics différents dans leurs usages. ARTE a ainsi rapidement rendu accessibles ses programmes sur des environnements tiers, ce qui lui permet de cumuler aujourd’hui plus de 22 millions d’abonnés sur les plateformes vidéo YouTube et Twitch, à travers des chaînes dédiées et des émissions originales. On observe ainsi des moyennes d’âge différentes de l’audience selon les voies d’entrées et son audience a doublé chez les 15/34 ans entre 2019 et 2021. La chaîne a très tôt misé sur la plateformisation de ses contenus, dépassant l’idée de cantonner le non-linéaire à une télévision de rattrapage. Le groupe développe une offre de vidéos à la demande institutionnelle (« médiathèque numérique » accessible notamment grâce à l’abonnement à certaines médiathèques municipales) et des plateformes ciblées pour des publics spécifiques (Educ’ARTE pour les enseignants et les élèves de la 6e à la terminale).

Pour le groupe France Médias Monde, des enjeux différents ont poussé à l’élaboration d’une « hyper-distribution raisonnée ». Il s’agit ici aussi de s’adapter aux modalités très diverses d’usages selon les publics approchés, en tenant compte cette fois d’impératifs techniques ou politiques. Le public de France Médias Monde impose ce panel de stratégies de diffusion, allant ainsi des populations les plus isolées (avec par exemple un accès internet faible dans certaines zones rurales africaines, où l’onde courte reste un vecteur pertinent) aux pays les plus connectés (FMM a ainsi fait le choix d’une diffusion over the top (OTT) ([65]) aux États-Unis, à défaut de pouvoir être présent sur le câble ou les bouquets satellitaires pour des raisons budgétaires). France Médias Monde cherche à développer une stratégie de présence mondiale qui organise la complémentarité entre sa distribution broadcast, développée et puissante, et la distribution numérique. La diffusion numérique permet en effet de proposer un complément ou une alternative, dans certaines zones ciblées, à la diffusion de ses offres linéaires, toujours disponibles en plus des contenus numériques spécifiques.

Radio France a choisi avec succès d’investir fortement dans le développement d’une application et un site propriétaires permettant de regrouper ses contenus et d’accueillir d’autres contenus audio du service public, mais également d’intégrer Radioplayer France, une plateforme regroupant cinq autres groupes : Altice Média, Lagardère News, Les Indés Radios, les radios du Groupe M6, NRJ Group et donnant accès à 230 radios, 700 webradios et plus de 200 000 podcasts. Cette stratégie duale repose notamment sur l’intérêt que présente la possibilité pour un acteur plus puissant comme Radioplayer de conclure des accords avec les acteurs internationaux, notamment avec les constructeurs automobiles, pour permettre d’être visible sur les interfaces embarquées des voitures.

3.   Poursuivre la nécessaire rationalisation des offres et parier sur la continuité entre linéaire et non linéaire et une plus grande interopérabilité

Le renforcement de l’identité des chaînes radiophoniques et télévisées du secteur public, ainsi qu’une stratégie efficace de présence sur les plateformes et les réseaux sociaux pour étendre leur sphère de visibilité, doivent aussi passer par des efforts de rationalisation de l’offre, des plus grandes continuité et complémentarité entre linéaire et non-linéaire ainsi qu’un passage plus fluide entre les différentes plateformes du service public.

La rationalisation de l’offre doit contribuer à une meilleure concentration des efforts éditoriaux pour plus d’impact et de visibilité pour le public : ainsi, la présidente de France Télévisions a indiqué lors de son audition par la mission d’information que le groupe était passé d’un très grand nombre de plateformes à deux seulement (France.tv et Franceinfo). L’existence d’une multiplicité d’offres linéaires ou non, sous des noms distincts (Okoo, Lumni, Slash tv, Culture prime et Culture box), pourrait toutefois être interrogée : si elle répond au besoin de venir à la rencontre des différentes fractions du public, elle peut aussi entraîner une certaine confusion dans l’identification et la reconnaissance de l’appartenance au service public. Une dénomination commune pourrait utilement accompagner ces déclinaisons afin de renforcer la visibilité de l’appartenance de ces différents types de contenus et d’accès au même média de service public.

L’ambition du groupe télévisuel est désormais de faire de France.tv la première plateforme gratuite d’ici à 2024 : les chiffres de croissance de la fréquentation de France.tv apparaissent à cet égard prometteurs. La plateforme enregistrait en effet 23,5 millions de visiteurs uniques par mois en 2022 (soit une croissance de 13 % en un an), oscillant entre la première et la deuxième place des plateformes gratuites de streaming.

Comme précédemment évoqué, Radio France avait réalisé un effort comparable de plateformisation en rassemblant sur une seule application et un seul site toutes les chaînes du groupe, soit les six chaînes nationales, France Bleu et les 44 radios locales, l’ensemble des webs radios musicales ainsi que les formations musicales du groupe, qui peuvent toutes être écoutées en direct. L’application et le site proposent également un vaste – et croissant – catalogue de ses contenus, ainsi que l’accès à des contenus tiers du service public audiovisuel français (RFI, France Télévisions, ARTE...) ou étranger (avec des partenariats suisse et canadien).

Aujourd’hui, plusieurs grandes plateformes du service public permettent donc un accès à une riche bibliothèque de contenus, et des progrès substantiels ont été opérés pour parvenir à la création d’acteurs de taille critique sur le territoire national.

Le prochain chapitre du devenir de l’audiovisuel public doit être écrit en commun par ses différents acteurs : il n’est pas normal qu’il soit aujourd’hui plus facile de naviguer d’une plateforme privée vers le service public qu’entre deux plateformes de celui-ci. Au-delà des projets menés en coproduction ou en complémentarité, qui à l’évidence gagneraient à être approfondis, les référencements croisés de contenus entre les entités du service public devraient être la norme entre leurs plateformes. L’élaboration d’un moteur de recherche commun du service public de l’audiovisuel peut apparaître comme un défi technologique majeur, dans la mesure où chaque entreprise ou entité possède son propre système d’information et son architecture technique particulière. Il conviendrait toutefois que les utilisateurs puissent au moins accéder à des suggestions de contenus provenant d’autres plateformes de l’audiovisuel public lorsqu’ils effectuent une recherche thématique.

La mise en place d’un identifiant commun pour l’inscription aux différentes plateformes de l’audiovisuel public, dont la rationalisation devrait être poursuivie, permettrait à la fois de simplifier l’expérience de l’utilisateur et d’améliorer son confort d’usage, et de recueillir des données précieuses sur les usagers de l’audiovisuel public. Alors que les progrès de l’intelligence artificielle ouvrent tous les jours de nouvelles perspectives de traitement des données et métadonnées, le sujet de ces traitements devrait faire l’objet d’une réflexion prospective au sein du service public de l’audiovisuel. Là encore, l’ambition ne peut se limiter à ce que ces réflexions et travaux de recherche nécessaires soient menés isolément par chaque entité ; de nouveaux espaces collectifs de travail doivent rapidement être envisagés et mis en place.

4.   Gagner en visibilité en investissant dans les nouveaux moyens de diffusion et en valorisant l’accès

a.   Accélérer l’investissement dans tous les moyens de diffusion

Alors que la technologie HbbTV (pour Hybrid Broadcast Broadband TV) est plébiscitée chez certains de nos grands voisins européens, elle n’a pour l’instant pas encore été pleinement développée en France. Cette technologie déployée dans de nombreuses marques de téléviseurs connectés permet pourtant d’améliorer les conditions de visionnage de la télévision en proposant un ensemble de services interactifs tels que la télévision de rattrapage, l’accès à des vidéos à la demande, à des contenus répertoriés de façon thématique, pour les appareils raccordés à la TNT, et cela que le téléviseur ait ou non un accès à internet. Il s’agit donc d’une modernisation très intéressante de la TNT, ouvrant de nombreuses possibilités nouvelles. Une expérimentation est actuellement menée par la chaîne ARTE-France sur le canal 77 de la TNT jusqu’au 31 janvier 2026, après avoir été prolongée plusieurs fois.

Le groupe France Télévisions s’est également dit convaincu de l’intérêt du développement de la HbbTV et de l’ultra haute définition (UHD), notamment afin de contribuer à la modernisation de la TNT, qui reste la seule modalité de réception de la télévision pour 20 % des Français. Il convient enfin de souligner que la HbbTV constitue un mode de réception dix fois moins énergivore que l’OTT et l’IPTV (des modes de réception passant par le réseau internet). Dans le contexte de la diffusion prochaine des Jeux olympiques et paralympiques en 2024, ces modes de diffusion enrichis présenteront un intérêt certain pour proposer des fonctionnalités adaptées aux compétitions sportives. Pourtant, et malgré l’expression de cette conviction, la stratégie du groupe n’apparaît à ce jour pas très claire quant au soutien à la HbbTV.

S’agissant du déploiement de la UHD sur la TNT, le ministre de la Culture Franck Riester déclarait le 26 février 2020 devant la commission des Affaires culturelles, à l’occasion de l’examen du projet de loi du 5 décembre 2019 relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique : « Nous généraliserons l’ultra-haute définition sur le réseau de télévision numérique terrestre (TNT) d’ici à 2024, pour que nos concitoyens aient notamment un accès de grande qualité aux retransmissions des Jeux Olympiques. » La discussion parlementaire sur ce texte, interrompue par la crise sanitaire, avait finalement été abandonnée. Le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, déposé le 4 avril 2021 au Sénat et qui reprenait en partie le dispositif du texte précédent, ne comprenait pas initialement de dispositions relatives à la modernisation de la TNT et à l’extension de l’UHD. Celles-ci ont été ajoutées et leur périmètre défini lors de la navette parlementaire : elles ont conduit à modifier les lois du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication pour permettre la diffusion de programmes « dans des formats d’images améliorés », et du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, afin d’organiser l’obligation de compatibilité des téléviseurs et adaptateurs mis sur le marché à la réception de programmes gratuits en UHD.

La diffusion expérimentale en UHD est donc encadrée, et l’Arcom peut délivrer des autorisations pour une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi, dont la durée ne peut être supérieure à cinq ans. L’expérimentation peut donc se déployer entre 2021 et 2029, ce qui permet notamment de couvrir les Jeux olympiques de 2024. L’Arcom a autorisé la société TDF (Télédiffusion de France, opérateur d’infrastructure du secteur numérique et audiovisuel) à mener des expérimentations de diffusion en UHD sur certains canaux de la TNT (chaînes 81, 82 et 83). France Télévisions devrait expérimenter la diffusion en UHD lors des prochains Jeux olympiques diffusés sur France 2 et France 3, et a lancé en mars 2023 un appel d’offre ayant pour objet de confier à un opérateur la collecte de signaux des différents services de télévisions en UHD sur la TNT. Le déploiement de ce mode de diffusion devrait être échelonné pour les deux chaînes du service public en plusieurs vagues, entre septembre 2023 et janvier 2024, et couvrir tout le territoire national. Les chaînes privées TF1, M6 et Canal + disposent déjà de programmes en UHD, accessibles de façon assez variable (selon les fournisseurs d’accès à internet et la compatibilité des box, avec des boîtiers externes par des dispositifs OTT ou le téléviseur, mais non sur la TNT).

S’agissant de la compatibilité des téléviseurs et des adaptateurs TNT à la réception de programmes gratuits en UHD, la loi de 2021 reprend le mécanisme mise en place par la loi de 2007 dans la perspective de la bascule de l’analogique au numérique (2011) puis du passage à la HD (2016), avec des obligations progressives de compatibilité des téléviseurs et la création d’un label. Le nouveau dispositif fixe le calendrier des obligations de compatibilité avec l’UHD applicables à la vente de téléviseurs et d’adaptateurs TNT au grand public. Ce calendrier commencera à s’appliquer à partir du moment où 25 % de la population aura accès à la diffusion de programmes en UHD. L’Arcom devra rendre publique l’information relative au franchissement de ce seuil de couverture, et l’obligation s’appliquera ensuite progressivement aux téléviseurs selon leur taille. D’ici à 2028, la quasi-totalité des foyers sera équipée d’un téléviseur 4K selon le groupe France Télévisions.

Concernant la radio, le développement de la technologie DAB+, ou radio numérique terrestre, apparaît comme de nature à résoudre plusieurs défis rencontrés actuellement par la diffusion FM. Là aussi, la France se situe relativement en retard par rapport à ses voisins en termes de déploiement, alors que la diffusion par DAB+ présente des coûts significativement inférieurs ainsi que de nombreux avantages pour la qualité d’écoute. Interrogée sur le sujet par la mission, la présidente de Radio France Mme Sibyle Veil s’est dite très favorable au déploiement de la DAB+. Cette technologie devrait en outre être à même de résoudre le problème de la saturation des fréquences FM et offrir une solution au mécontentement récurrent des groupes privés au regard de la préemption des fréquences par le service public de la radio.

L’Arcom, qui soutient le déploiement de cette technologie, verrait son action décuplée si elle disposait du versement des sanctions pécuniaires qu’elle prononce, suivant la même proposition que celle formulée supra par votre président et votre rapporteur au sujet du développement de l’éducation aux médias et à l’information.

b.   La visibilité des services de médias d’intérêt général

Comme déjà évoqué, l’accessibilité et la visibilité du service public sont des conditions essentielles pour lui permettre de remplir les nombreuses missions qui lui sont assignées. Pour assurer celles-ci, il semble primordial que les chaînes du service public audiovisuel puissent être facilement trouvées sur les différents appareils et médias. À l’heure actuelle, la visibilité de l’audiovisuel public tend à s’amoindrir dans les différents univers connectés, mais l’assujettissement des interfaces à l’obligation de mise en avant des services d’intérêt général (SIG) devrait permettre de contrecarrer cette tendance.

L’enjeu de la visibilité se pose aujourd’hui dans des termes renouvelés face aux transformations de l’équipement du public et des modes de réception. Aujourd’hui, la plus grande partie (84 %) ([66]) des foyers français équipés en téléviseurs et accédant à internet disposent d’une télévision connectée : le décodeur TV des fournisseurs à internet (la « box ») est ainsi le premier moyen de connexion. On observe une progression d’autres voies d’accès : une voie indirecte, avec l’augmentation des connexions via des consoles de jeux, des boîtiers tiers dits « over the top » ([67]) (de type Chromecast ou Apple TV), et une voie directe, avec l’équipement croissant des foyers en smart TV, qui disposent d’une interface d’accueil permettant un accès à différents services en ligne. Sur le poste principal de télévision, la réception exclusivement par internet (IPTV) est majoritaire et progresse (61,4 % des foyers équipés en télévision), tandis que la réception par la TNT connaît une lente décroissance (de 39 % des foyers équipés fin 2017 à 34,5 % en 2022).

Face aux transformations des modes de consommation, les chaînes « historiques », mais plus largement les chaînes de la TNT, tendent à voir leur accessibilité diminuer. Alors qu’elles apparaissaient auparavant directement à l’écran dès lors que l’utilisateur allumait celui-ci, il faut désormais souvent passer par les interfaces d’accueil ou les magasins d’applications des téléviseurs connectés. En rapprochant l’objet télévision des smartphones, les smart TV peuvent mettre en avant des applications préinstallées et permettent aux utilisateurs de compléter et de personnaliser l’interface d’accueil de leur téléviseur. Or, la place réservée sur les interfaces d’accueil pour des applications dites « pré embarquées » ([68]) constitue un service offert par les équipementiers (pour la plupart étrangers) à un prix très élevé, trop élevé pour les éditeurs seulement nationaux. Les chaînes traditionnelles de la télévision se retrouvent aujourd’hui reléguées bien après les plateformes mondiales, quand les chaînes appartenant aux mêmes groupes que les boîtiers fournis par les fournisseurs d’accès à internet (FAI) peuvent parfois bénéficier d’une exposition améliorée.

Il convient également d’évoquer la transformation des télécommandes ([69]), qui s’avère, là aussi, défavorable aux chaînes traditionnelles, puisque l’on observe fréquemment l’arrivée de boutons d’accès direct à certaines plateformes (accès privilégié évidemment monnayé auprès des constructeurs), mais également la disparition progressive des boutons numérotés, ce qui accélère la disparition de la télévision en direct des interfaces des appareils.

Au regard de ces évolutions, la directive relative aux services de médias audiovisuels de 2010 (dite « directive SMA ») a été révisée en 2018 et son article 7 bis prévoit désormais que « les États peuvent prendre des mesures afin d’assurer une visibilité appropriée pour les services de médias audiovisuels d’intérêt général ». Transposée par la France à l’article 20-7 de la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication, cette disposition permet ainsi d’inscrire dans la loi française que les constructeurs d’équipements connectés et les FAI sont tenus, dès lors qu’ils dépassent certains seuils d’équipements vendus ou d’abonnés, de mettre en avant les médias reconnus comme services d’intérêt général. Cette qualité est reconnue par la loi aux médias du secteur public de la communication audiovisuelle ([70]), mais pourra également être attribuée à d’autres services tels que les chaînes privées.

L’application complète de l’article 20-7 de la loi de 1986 transposant les nouvelles obligations issues de la directive SMA modifiée est conditionnée à l’établissement des seuils susmentionnés et à la définition du périmètre des services de médias reconnus comme services d’intérêt général.

Concernant les acteurs auxquels s’applique l’obligation de mise en avant, le décret n° 2022-1541 du 7 décembre 2022 ([71]) a déterminé deux seuils :

– pour les smart TV, box internet et appareils permettant de connecter un téléviseur à internet et aux consoles connectées, est retenu le seuil de 150 000 appareils commercialisés ou loués lors de la dernière année par marque et par type d’appareil ;

– pour les plateformes et magasins d’applications des équipements connectés, le seuil d’application de l’obligation est fixé à 3 millions de visiteurs uniques en moyenne par mois au cours de l’année.

Ces seuils déterminés, la liste des interfaces concernées a été publiée par l’Arcom le 14 mars 2023, laissant aux acteurs jusqu’à la fin de l’année 2023 pour mettre en œuvre les obligations établies (qui ne pourront raisonnablement s’appliquer au parc déjà installé). Cette liste a vocation à être actualisée chaque année. L’Arcom avait souligné, dès son avis du 22 juillet 2022 sur le projet de décret pris pour l’application de l’article 20-7 de la loi de 1986, la double difficulté de disposer de chiffres et de mesures fiables quant aux seuils proposés, et de soumettre au dispositif les acteurs situés hors du territoire national. Ce deuxième point doit particulièrement retenir notre attention.

Toutefois, la mise en conformité à leurs obligations par les interfaces assujetties ne pourra s’engager qu’à partir de la définition des services de médias d’intérêt général bénéficiant de la visibilité. Cette seconde liste, qui doit là aussi être établie par l’Arcom, n’a pas encore été publiée. L’Arcom a souhaité mener un cycle de consultations publiques afin de délimiter le périmètre des services concernés : ceux-ci pourraient ainsi se limiter aux entités de l’audiovisuel public, mais également intégrer des chaînes privées, ce qui nécessite d’établir des critères objectifs d’éligibilité. En Allemagne, la liste publiée par l’autorité de régulation (die Medienanstalten) le 29 septembre 2022 a ainsi conduit à reconnaître comme services d’intérêt général plus de 300 services ([72]). Or, la multiplication des services reconnus pose, de fait, la question de leur visibilité.

La question du périmètre apparaît donc tout aussi centrale que délicate pour l’autorité de régulation. Concernant la télévision, votre président et votre rapporteur estiment qu’un périmètre conduisant à inclure à la fois les acteurs du service public et les chaînes bénéficiant d’un conventionnement avec l’Arcom (soit les chaînes de la TNT ou de la bande FM) aurait le mérite de la simplicité et de regrouper toutes les chaînes « traditionnelles » déjà sous le contrôle de l’autorité de régulation. Les obligations de mise en avant devront permettre aux services reconnus d’intérêt général :

 d’apparaître dans les premières lignes des pages d’accueil des interfaces connectées,

 d’être accessibles avec le même nombre de manipulations ou « clics » que ceux nécessaires pour l’accès aux services les mieux exposés

 d’être mieux référencés par les algorithmes des magasins d’applications, pour leurs contenus à la fois linéaire et non-linéaire.

Enfin, l’éditeur du contenu devra impérativement être identifié et conservé.

Il convient enfin de souligner qu’un projet de loi britannique actuellement en discussion entend également garantir l’exposition des services de rattrapage des chaînes de l’audiovisuel public (BBC iPlayer, ITVX) sur les téléviseurs connectés et les terminaux numériques.


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   Deuxième partie : créer une société holding au service d’une stratégie unifiée des organismes de l’audiovisuel public

I.   Utiliser des outils de pilotage rÉnovés pour une stratégie partagÉe

Pour que les médias publics conservent leur place de premier plan dans le paysage audiovisuel national et une résonnance au-delà des frontières, il apparaît urgent de consolider les efforts engagés, pour aller plus vite et plus loin. À cet effet, l’audiovisuel public doit être doté de tous les outils permettant un meilleur pilotage des projets stratégiques tout en garantissant une plus grande indépendance de la structure dans son ensemble.

A.   Des contrats d’objectifs et de moyens plus transparents et engageant davantage l’état

1.   Les contrats d’objectifs et de moyens doivent être plus transparents

L’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que l’État conclut des contrats d’objectifs et de moyens (COM) avec les organismes de l’audiovisuel public suivants : les sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (FMM), ARTE-France et l’établissement public de l’État à caractère industriel et commercial, l’Institut national de l’audiovisuel (INA).

Ces contrats doivent notamment déterminer, pour chaque entité, des engagements de fond sur l’accessibilité et la diversité des programmes :

– pour garantir la diversité et l’innovation dans la création ;

– pour assurer l’adaptation des programmes de télévision (sauf messages publicitaires) aux personnes sourdes ou malentendantes ;

– pour assurer la diffusion de programmes de télévision accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes au moyen de dispositifs adaptés ;

– concernant France Télévisions, pour inscrire des montants minimaux d’investissements dans la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d’expression originale française, en pourcentage de ses recettes et en valeur absolue.

Ils doivent également contenir les engagements quant au développement stratégique et à la gestion de chaque entité :

– les axes prioritaires de développement ;

– le coût prévisionnel annuel des activités et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d’exécution et de résultats retenus ;

– le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ;

– le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage ;

– les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d’un prix ;

– les axes d’amélioration de la gestion financière et des ressources humaines.

Les COM constituent donc des documents stratégiques tout à fait structurants pour les organismes de l’audiovisuel public ; ils présentent des feuilles de route sur plusieurs années (de trois à cinq ans selon l’article 53 de la loi de 1986) et comprennent des objectifs précis afin de mettre en œuvre le cahier des charges propre à chaque organisme, lequel est fixé par décret.

Les COM sont négociés entre l’État (les ministères de l’Économie, du Budget et de la Culture) et chacun des organismes de l’audiovisuel public. Afin que celui qui a négocié le contrat soit également celui qui rend des comptes, la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision précitée a prévu qu’un nouveau contrat puisse être conclu après la nomination d’un nouveau président, le cas échéant.

Lors des derniers COM, une partie commune a pour la première fois été élaborée pour les cinq sociétés et établissement de l’audiovisuel public, afin de partager des objectifs stratégiques et de déterminer de manière concertée des orientations pluriannuelles. Les durées des COM ont également été alignées pour la période 2020-2022, avec un avenant prolongeant récemment leur durée d’un an, sauf pour ARTE-France qui a disposé d’une prolongation de deux ans, afin de correspondre au renouvellement du projet de groupe de la chaîne.

Ces éléments de convergence constituent un progrès important, qu’il convient de saluer, car le dialogue ainsi initié semblait encore difficilement imaginable quelques années auparavant. Une telle dynamique ouvre incontestablement la voie à de meilleures coopérations. Néanmoins, ces premières pierres posées sur le chemin d’une coopération renforcée apparaissent aujourd’hui aux yeux de votre président et de votre rapporteur comme des jalons à dépasser pour aller plus loin dans les synergies rendues nécessaires par la transformation de l’univers audiovisuel.

2.   Des indicateurs à ne pas multiplier et à mieux harmoniser

Les COM comprennent pour chaque organisme des objectifs communs et des objectifs propres, qui permettent de fixer les buts à atteindre et d’inscrire dans la durée les progrès attendus. Les derniers avenants aux COM destinés à prolonger ceux-ci pour l’année 2023 comprenaient ainsi cinq objectifs communs aux trois sociétés concernées (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde) et six objectifs spécifiques à chaque organisme. Ce nombre pourrait sembler relativement restreint, comparé aux 59 indicateurs du contrat d’objectifs et de moyens de la RTBF par exemple, mais ces onze objectifs sont en réalité assez généraux et comprennent un à plusieurs indicateurs par entité. Ainsi, pour l’ensemble des COM des organismes de l’audiovisuel public, l’Arcom dénombre une centaine d’indicateurs ([73]).

Votre président et votre rapporteur estiment qu’il n’est pas pertinent de multiplier les objectifs au risque de diluer les grandes priorités et de les voir devenir potentiellement concurrents ou contradictoires entre eux. Concernant les indicateurs permettant l’évaluation de l’atteinte des objectifs, un travail de modernisation et de consolidation serait sans doute utile à l’occasion de la négociation en cours des nouveaux COM.

En effet, sans aller jusqu’à supprimer tout objectif spécifique à chaque organisme dans les COM, il apparaît en revanche inévitable que l’effort initié pour partager des objectifs entre les différentes entités soit poursuivi, en lien avec l’approfondissement des synergies et des collaborations. Il serait aussi utile de disposer d’indicateurs modernisés permettant de mieux comparer les objectifs et résultats de chaque organisme. Votre rapporteur et votre président souscrivent donc à l’appel de l’Arcom ([74]) visant à l’harmonisation de ces outils de pilotage essentiels.

La mesure des audiences et celle de la productivité ne s’opèrent pas selon les mêmes modes de calcul, les indicateurs fondés sur des sondages d’opinion adoptant des méthodologies variées. L’Autorité souligne également l’absence de convergence quant à la mesure de l’impact environnemental des différents organismes de l’audiovisuel public – mesure ardemment recommandée par la Cour des comptes dans son dernier rapport d’analyse de l’exécution budgétaire du compte Avances à l’audiovisuel public –, et la nécessité d’engager enfin l’harmonisation des plans d’affaires, toutes orientations que partagent votre président et votre rapporteur.

De la même façon, alors que certains plaident pour que chaque antenne du groupe France Télévisions soit soumise à un cahier des charges spécifique pour une répartition plus précise de ses obligations, votre président et votre rapporteur estiment que cela équivaudrait à un retour en arrière, la constitution du groupe France Télévisions ayant précisément vocation à créer des mutualisations entre les chaînes et à introduire une certaine souplesse d’organisation.

3.   Des conditions de publicité insuffisantes

La négociation des COM entre les organismes de l’audiovisuel public et leur actionnaire – l’État – n’est pas publique et ne fait pas l’objet d’un encadrement très précis. La durée de cette négociation peut donc être variable, différer selon les organismes et prendre des formes diverses. Elle n’est pas ouverte à la consultation à proprement parler. De nombreux acteurs du secteur audiovisuel ne sont ainsi ni consultés ni informés quant à la teneur des discussions menées, alors même que les objectifs inscrits dans les COM peuvent avoir des répercussions très concrètes sur l’exercice de leur activité et les conditions économiques de l’exercice de celle-ci. Ils découvriront ces objectifs grâce aux informations que relaieront les parlementaires ou l’Arcom, chargés de se prononcer sur les COM une fois ceux-ci établis et juste avant leur signature définitive. Ces acteurs n’auront pas d’accès direct à ces COM, ceux-ci n’étant pas des documents publics.

En application de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, les COM sont en effet transmis, avant leur signature, aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat : ils peuvent alors faire l’objet d’un débat au Parlement et les commissions compétentes peuvent formuler un avis dans un délai de six semaines. L’Arcom se voit également transmettre les COM avant leur signature par le ministre de la Culture, et rend sur eux un avis public.

S’agissant de documents donnant les grandes orientations du service public de l’audiovisuel pour plusieurs années, et afin de favoriser l’adhésion du public aux marques qu’il recouvre, il pourrait être intéressant d’organiser des consultations publiques sur les priorités à privilégier (les missions du service public assignées à l’audiovisuel ayant eu tendance à se multiplier dans la loi). Il ne s’agit pas ici de remettre en cause l’existence d’axes stratégiques présentés par les candidats retenus par l’Arcom pour la présidence des différents organismes, ou l’influence primordiale que ces axes doivent avoir sur le projet d’entreprise tel qu’il sera présenté à la tutelle par la voie des COM. Mais il semblerait légitime de donner l’opportunité au public d’exprimer ses attentes quant aux médias publics, et judicieux de pouvoir intégrer celles-ci dans les réflexions stratégiques destinées à organiser la mise en œuvre de leurs missions pour plusieurs années. Certains organes déjà en place, comme le Conseil consultatif des programmes de France Télévisions, instance composée de téléspectateurs représentatifs renouvelée annuellement, pourraient ainsi s’exprimer sur les grandes missions du service public de l’audiovisuel et voir leur réflexion prise en compte en amont de l’élaboration des COM.

 

Cette consultation pourrait également être ouverte aux professionnels du secteur de l’audiovisuel et du cinéma, ce qui aurait le mérite de rendre plus transparentes les prises de position des parties prenantes. Ces formes de consultation pourraient être formalisées dans le cadre d’un calendrier plus précis de négociation des COM, au sein par exemple d’une conférence réunissant les conseils d’administration et les différents acteurs du secteur sur plusieurs jours.

Ces formes de dialogue permettraient de faire émerger les contraintes propres de chacun, mais également de proposer un bilan des COM finissants, afin de remédier à certaines difficultés apparues lors de leur mise en œuvre. Il s’agit ici de proposer d’accroître la transparence des relations entre les organismes du secteur audiovisuel public et leurs partenaires, non de lier les médias publics par un avis qui demeurerait consultatif. Les représentants des salariés présents au sein des conseils d’administration des différentes entités et les représentants syndicaux pourraient également relayer les attentes et souhaits des personnels de ces entreprises lors de ces cycles de discussion préalables.

B.   Des engagements réciproques plus prévisibles et mieux respectés

1.   Des contrôles déjà importants des résultats de l’audiovisuel public

Les résultats des organismes de l’audiovisuel public, tant en termes budgétaires et financiers qu’au plan des objectifs fixés par les cahiers des charges et déclinés dans les COM, font l’objet de contrôles rigoureux et nombreux.

Le compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public fait ainsi l’objet d’un rapport spécial de la commission des finances de chaque assemblée ainsi que d’un rapport pour avis des commissions des affaires culturelles au moment de la présentation du projet de loi de finances. Les six programmes qui composent le compte correspondent à chacune de ses entités (France Télévisions, Radio France, ARTE-France, Institut national de l’audiovisuel, France Médias Monde). À ce titre, la mission donne aussi lieu chaque année à la publication de la part du Gouvernement d’un programme annuel de performances et d’un rapport annuel de performances une fois le budget exécuté. Votre président et votre rapporteur saluent à cet égard la volonté de rapprocher les indicateurs utilisés pour ces travaux de prévision et d’évaluation de ceux figurant dans les COM : il convient d’aller encore plus loin dans cette harmonisation pour renforcer la vision stratégique pluriannuelle de l’État à cet égard.

Parallèlement à ces documents gouvernementaux et aux rapports parlementaires qui leur répondent lors du dialogue que constitue la discussion du projet de loi de finances au Parlement, la publicité et le contrôle des objectifs et résultats de l’audiovisuel public sont également contrôlés dans les documents budgétaires produits par la Cour des comptes, notamment un document annuel d’analyse de l’exécution budgétaire. À la faveur du dernier exercice analysé, la Cour note d’ailleurs que « les comptes certifiés par les commissaires aux comptes des organismes de l’audiovisuel public, éclairés par les explications qui sont fournies tout au long de l’année dans le cadre du dialogue de gestion, notamment lors de la préparation des conseils d’administration, fournissent aux administrations des informations d’une qualité satisfaisante » ([75]).

Concernant plus spécifiquement les COM, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, ARTE-France et l’INA transmettent chaque année un rapport sur leur exécution à l’Assemblée nationale et au Sénat. Les présidents de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde sont en outre tenus par la loi à la présentation du rapport sur l’exécution du COM de la société qu’ils président, devant les commissions chargées des affaires culturelles et des finances des deux assemblées ([76]).

Votre président et votre rapporteur considèrent que la production de ces documents informe utilement le Parlement mais ils s’interrogent sur ces deux modalités distinctes de présentation : pour ARTE-France et l’INA d’un côté, pour les autres entités de l’autre. Ces rapports d’exécution sont transmis à l’Arcom pour avis concernant France Télévisions, Radio France et la société en charge de l’audiovisuel extérieur. Cet avis est rendu public.

À ces rapports annuels sur le respect des obligations inhérentes aux COM s’ajoutent les rapports annuels d’exécution des cahiers des charges produits par France Télévisions, France Médias Monde et Radio France et communiqués à l’Arcom, qui publie elle-même un rapport public à partir des documents transmis.

Enfin, en vertu de l’article 47-4 du 30 septembre 1986 précitée, quatre ans après le début du mandat des présidents nommés par l’Arcom (soit ceux de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde), celle-ci rend un avis motivé sur les résultats de ces sociétés au regard de leur projet stratégique. Cet avis est transmis aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Il est indéniable que les organismes de l’audiovisuel public connaissent déjà des formes de contrôle très abouties quant à l’atteinte des objectifs fixés, ce qui apparaît légitime dès lors qu’ils sont financés par des fonds publics. Dans ce contexte, l’objectif de votre président et de votre rapporteur n’est pas d’ajouter de la lourdeur à ces différents processus, qui sont nécessaires mais requièrent malgré tout une implication et une disponibilité dont le caractère relativement chronophage ne doit pas être sous-estimé.

2.   Un meilleur respect par l’État de ses engagements pour garantir une véritable visibilité pluriannuelle

À ces contrôles poussés doit toutefois répondre une responsabilité accrue de l’État dans le respect de ses engagements, en matière tant de calendrier pour l’établissement des COM que de prévisibilité pluriannuelle des moyens accordés aux organismes de l’audiovisuel public.

L’expérience passée a en effet montré que l’État n’était pas toujours exemplaire quant au respect du rythme des COM, certains exercices ayant pu commencer avant même que le COM ne soit conclu. Si la crise sanitaire, qui a conduit à l’abandon du projet de loi sur l’audiovisuel de 2019 destiné à moderniser la loi du 30 septembre 1986, peut expliquer le retard pris pour l’adoption des COM 2020-2022 (puisque celui-ci n’a finalement été signé qu’en 2021), il s’agit là d’une situation tout à fait exceptionnelle qui ne doit pas se répéter.

Au regard des nombreux contrôles auxquels sont soumis les organismes de l’audiovisuel public quant au respect de leurs objectifs, il ne paraît pas anormal à votre président et à votre rapporteur que les objectifs et les trajectoires de financement qu’il détermine lui-même engagent plus fortement l’État. Cette exigence d’engagement accrue apparaît comme une juste réciprocité, et pourrait prendre la forme d’un mécanisme d’alerte auprès de l’autorité de régulation du secteur au cas où les moyens dévolus à l’audiovisuel public viendraient à s’écarter, au-delà d’un certain seuil, des trajectoires fixées en amont dans des perspectives pluriannuelles et issues des concertations ([77]).

Ce mécanisme d’alerte aurait pour effet de donner plus de publicité à ces écarts et d’amener l’Arcom à se prononcer sur leur caractère justifié ou non, à la lumière d’un ensemble de critères macroéconomiques prédéfinis dont l’évolution pourrait le cas échéant expliquer de telles déviations en raison de leurs conséquences objectives sur les ressources budgétaires de l’État (évolution du taux d’inflation, des taux d’intérêt, etc.). Dès lors que l’Arcom serait saisie dans le cadre de ce mécanisme d’alerte, le Gouvernement pourrait avoir l’obligation de fournir des explications aux commissions chargées des finances et des affaires culturelles de l’Assemblée et du Sénat.

3.   Pour une durée des COM cohérente avec les obligations de l’audiovisuel public en termes d’investissement et d’engagement auprès de ses partenaires

La ministre de la culture, Mme Rima Abdul-Malak, a annoncé la décision d’élaborer des COM d’une durée plus longue que celle qui a pu avoir cours lors des derniers exercices (ainsi, concernant le groupe France Télévisions, entre 2001 et 2015, la durée moyenne des COM passés avec l’État était-elle de deux ans et demi). Votre président et votre rapporteur souscrivent pleinement à cette orientation.

Il faut parvenir à trouver un juste équilibre entre la prévisibilité pluriannuelle nécessaire à la mise en œuvre de projets d’envergure (qu’il s’agisse d’investissements dans la production de contenus ou dans des moyens technologiques, en constante évolution), et l’agilité que ne permettrait pas un carcan financier déployé sur une durée trop importante.

Pour de nombreux partenaires du secteur audiovisuel public interrogés par la mission, une durée de cinq ans semble assurer le meilleur équilibre à cet égard. Cette durée permet en effet de disposer de la latitude nécessaire à la conception et la mise en œuvre des projets, à la mobilisation des divers financements et à leur réalisation.

Quoi qu’il en soit de la holding, les mandats des dirigeants de l’audiovisuel public doivent être alignés sur la durée des COM. Le démarrage des COM devant alors intervenir un an après le début du mandat du dirigeant, pour laisser à celui-ci le temps de discuter des implications du projet stratégique fondant sa nomination (tant dans les objectifs communs que dans ses objectifs propres).

ARTE-France étant déjà lié par son propre projet de groupe fixé en commun par les parties allemande et française, la durée de son COM doit désormais s’établir sur quatre années.

II.   Mieux piloter les coopérations grâce à une holding stratégique réunissant France télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA

A.   Un bilan des coopérations mitigé

De réels efforts ont été entrepris depuis la signature des derniers COM des organismes de l’audiovisuel public pour amorcer des coopérations plus profondes : les objectifs communs, l’alignement de la période couverte pour les différentes entités sont des signes encourageants d’une volonté commune plus affirmée. Toutefois, force est de constater le rythme insatisfaisant des progrès pour des projets de coopération parfois entrepris depuis de nombreuses années. Ces projets et les efforts de concertation qu’ils supposent reposent en outre principalement sur la volonté affichée des dirigeantes et dirigeants actuels des médias de service public, ce qui n’apparaît pas satisfaisant pour un service public essentiel. Les réformes de structure et les progrès dans les synergies nécessaires au maintien d’un audiovisuel public fort ne sauraient être conditionnés à la personnalité des responsables à la tête des entités et à la qualité des relations qu’ils entretiennent entre eux.

Dans son avis du 7 octobre 2022 relatif au rapport d’exécution des contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde pour l’année 2021, l’Arcom observe que la coopération entre les entités composant l’audiovisuel public (qui pourrait être source de synergies de moyens) « demeure limitée », et que « la convergence TV-radio est très en-deçà de la situation d’autres services publics européens ». L’Arcom semble ainsi réitérer le constat émis lors de son avis du 15 janvier 2021 sur les projets de COM, dans lequel l’autorité avait « regretté le manque d’ambition de ces derniers en matière de synergies au sein de l’audiovisuel public et l’absence de structure de pilotage ou de coordination des chantiers communs ». Ce constat répété d’une année à l’autre doit, de l’avis de votre président et de votre rapporteur, trouver une réponse institutionnelle forte et cohérente : l’organisation des différents organismes nationaux de l’audiovisuel public doit refléter cette ardente obligation de coopération et, surtout, de mise en commun des investissements, par exemple sur le numérique, l’exploitation des données des utilisateurs ou l’usage de l’intelligence artificielle.

1.   Des synergies de moyens qui restent marginales pour les budgets des entités

Le développement des synergies et des partenariats entre entreprises de l’audiovisuel public constitue le deuxième des objectifs communs des COM 2020/2022. Cet objectif s’applique à des partenariats éditoriaux, destinés à promouvoir des projets communs en direction du public, comme le média global Franceinfo ou la plateforme Lumni, mais peut aussi être décliné dans des projets relatifs aux fonctions support des entités. Ces projets sont également suivis par des indicateurs, qui font l’objet d’une évaluation par l’Arcom lors de son avis sur l’exécution des COM.

À cet égard, l’indicateur 2.3 des COM 2020/2022, « nombre de marchés groupés », fait apparaitre une progression intéressante. En effet, après la création en 2017 du Club achats de l’audiovisuel public, les groupements d’achats entre les entités concernées ont progressé de façon significative en 2021, tant en nombre de marchés groupés passés (de 26 en 2017 à 40) qu’en montants financiers engagés (de 30 à 45 millions d’euros ([78])). Comme le relevait la rapporteure pour avis de la mission Avances à l’audiovisuel public pour le projet de loi de finances pour 2023, Mme Fabienne Colboc, « le montant mutualisé des marchés groupés est en progression de 140 % depuis 2020 et a été multiplié par 2,4 depuis 2019 » ([79]). Dans son avis sur le rapport d’exécution des COM d’octobre 2022, l’Arcom note cependant que ce volume de marchés groupés demeure très modeste au regard des budgets cumulés des trois groupes ou de la dotation publique (qui était de 2,4 milliards d’euros pour le seul groupe France Télévisions en 2022).

L’établissement d’un schéma immobilier partagé, prévoyant des rapprochements dans les lieux où cela est jugé pertinent, semble là aussi encore peu avancé. Identifié dans la liste des projets de coopérations prioritaires de l’audiovisuel public à horizon 2022 et figurant dans l’annexe des COM 2020/2022 comme l’une des priorités opérationnelles, l’objectif de « Réaliser un schéma prévisionnel des rapprochements immobiliers pertinents entre France Télévisions, Radio France et l’INA à horizon 5 ans » connaît une mise en œuvre très limitée.

De possibles synergies relatives aux emprises immobilières de France Bleu et France 3 ont été identifiées par les entreprises, mais parmi les 62 implantations théoriquement mutualisables (dès lors que les deux entités sont implantées dans la même ville), 20 projets ont été jugés non réalisables (en raison de problèmes de dimensionnement spatial, d’incompatibilité géographique, etc.) et seules 5 villes font ou ont fait l’objet de mutualisations ou de rapprochement de locaux ([80]). Pour les 37 implantations restantes, la faisabilité des rapprochements est systématiquement étudiée dès lors qu’un bail arrive à échéance chez Radio France ou France Télévisions. Le bilan de ce plan de schéma immobilier partagé apparaît donc pour le moins mince et peu significatif à l’échelle de l’ensemble de l’audiovisuel public : le seul pôle immobilier commun réellement constitué mentionné par la présidente de France Télévisions Mme Delphine Ernotte lors de son audition par la mission est celui de Rennes.

L’annexe des COM 2020/2022 fixait d’autres objectifs de mutualisations techniques ou logistiques, comme

– la poursuite des collaborations en matière informatique ;

– la poursuite des coopérations en matière d’études et la création d’un baromètre commun de mesure qualitative des programmes ;

– l’engagement d’une réflexion sur la formation pilotée par l’INA sur l’opportunité de créer une entité de formation professionnelle commune de l’audiovisuel public et une offre de formation initiale sans condition de diplôme consacrée aux métiers de l’audiovisuel, pilotée par l’INA et France Télévisions.

À ce jour le degré de réalisation de ces objectifs se révèle peu satisfaisant. Concernant les actions de formation mutualisées, le rapport de l’Arcom sur l’exécution des COM mentionne des évolutions très timorées, voire des reculs, dès lors que leur volume rapporté au volume horaire total de formation est passé entre les années 2019 et 2021 de 10 % à 8 % pour France Médias Monde, de 3 % à 2 % pour France Télévisions, et de 3 % à 5 % pour Radio France. Cette quasi-stagnation conduit même l’Autorité à s’interroger sur la pertinence de cette initiative.

Questionné à ce sujet, le président-directeur général de l’INA, M. Laurent Vallet, a souligné la difficulté, pour les entreprises du service public de l’audiovisuel, de recourir de manière privilégiée aux services de l’INA en matière de formation, dès lors que ces organismes sont soumis au code de la commande publique et doivent procéder par appel d’offres. Comme il le rappelait : « Aujourd’hui, lorsqu’elles souhaitent passer des contrats de prestation de formation, les autres entités de l’audiovisuel public sont obligées de procéder à une mise en concurrence ». Cet obstacle juridique et structurel, qui entrave cette perspective de mutualisation de la formation des personnels sous l’égide de l’INA, pourrait là aussi être surmonté dans le cas d’un rapprochement des organismes de l’audiovisuel public sous une même ombrelle.

Dans le domaine informatique, la diversité des systèmes d’information propres à chaque entité contrarie également la réalisation de mutualisations indispensables qui pourraient pourtant générer d’importantes économies d’échelle. Des enjeux nouveaux comme la meilleure maîtrise du risque cyber ou encore l’utilisation et le partage des données gagneraient à être étudiés et mis en œuvre dans le cadre de la coopération entre entités, comme le prévoit la partie commune du COM. Ces évolutions structurelles des fonctions support n’entameraient en rien la visibilité et l’identité des différents organismes de l’audiovisuel, mais leur permettraient des changements d’échelle auxquels elles auraient tout à gagner. Le principe d’un « Club data » animé par l’INA, annoncé en 2021 et qui devait être lancé en 2022 est à saluer, mais sa mise en œuvre effective se fait attendre. Il vise à partager les bonnes pratiques entre ses différents membres, pour ce qui concerne la gouvernance des données au sein des entreprises de l’audiovisuel public.

Fait significatif, comme ne manque jamais de le rappeler Mme Céline Calvez, membre de la mission, aucun organisme de l’audiovisuel public n’est aujourd’hui en mesure d’isoler, au sein de ses dépenses totales, le montant des dépenses réalisées dans le cadre des coopérations pourtant prévues par le COM. Il s’agit là d’une difficulté majeure en ce que cet état de fait empêche toute forme d’évaluation exhaustive de cet effort, qui devrait pourtant aujourd’hui irriguer toute l’action de l’audiovisuel public.

2.   Des coopérations stratégiques intéressantes, au déploiement néanmoins trop lent

Il existe toutefois de nombreux projets de collaboration concrète, à géométrie variable, entre les acteurs de l’audiovisuel public, mais dont les délais de déploiement témoignent parfois de la difficulté à coordonner les efforts d’entités de taille différente et souvent composées de métiers divers.

Le renforcement de l’offre de proximité par le déploiement de matinales communes à France 3 et France Bleu s’est accompagné de réticences de la part des équipes concernées. À défaut d’un véritable projet éditorial défini et partagé dès leur mise en œuvre, ces matinales filmées ont subi le reproche d’être de la « mauvaise télévision » ou de la « radio filmée » sur France 3, tout en prenant des moyens aux stations de France Bleu, dont les audiences tendent à baisser par ailleurs. Ces réticences expliquent en partie le retard pris dans l’extension de cette expérience à l’échelle des 44 antennes locales : ainsi, si l’objectif initial était en 2019 de parvenir à leur généralisation en 2022, l’objectif désormais affiché est d’atteindre 36 matinales communes en 2023. Il convient de souligner qu’il s’agissait déjà de la cible prévue pour l’année 2022, qui n’aura donc pas été atteinte. Entendu par la mission d’information, M. Philippe Martinetti, directeur du réseau régional de France 3, évoquait une généralisation désormais prévue pour 2025. Malgré ce retard de trois ans par rapport à la cible initialement posée, Philippe Martinetti réfutait l’existence de difficultés particulières dans cette mise en œuvre, tout en admettant qu’il restait des marges de progrès dans la coordination des antennes locales.

Par ailleurs, la création de la plateforme numérique Ici, autre collaboration entre les antennes de France 3 et France Bleu, semble aussi peiner au démarrage, avec une juxtaposition de contenus mis à disposition du public sans effort satisfaisant de ligne éditoriale partagée. Porté par un GIE entre les deux entreprises et lancé en avril 2022, ce nouveau média rassemble l’intégralité des productions quotidiennes des 44 stations locales de France Bleu et des 24 antennes régionales de France 3. Toutefois, sans l’instauration systématique de véritables conférences de rédactions communes, le risque demeure d’un manque de cohésion et d’identité pour cette plateforme de proximité : or, comme cela a déjà été souligné, seule une marque immédiatement identifiable par sa ligne éditoriale claire permet désormais de fidéliser le public.

L’offre culturelle Culture Prime, lancée en novembre 2018, se présente comme un label commun comptant plus de 2 600 vidéos produites par France Télévisions, l’INA, Radio France et ARTE. D’abord principalement mise à disposition sur Facebook, cette offre de vidéos s’est progressivement déployée sur d’autres plateformes et réseaux sociaux (Instagram, TikTok, Youtube), faisant aussi l’objet de publications croisées par l’ensemble des médias des partenaires. Chaque mois, les vidéos Culture Prime totalisent en moyenne plus de 22 millions de vidéos sur l’ensemble des supports ([81]). Facebook, la plateforme principale de diffusion, comptabilise à ce jour plus de 900 000 abonnés.

Depuis 2021, un community manager commun a été recruté pour coordonner l’offre de Culture Prime sur les différents réseaux. Malgré cela, la baisse de fréquentation constatée en 2021 pose la question de la coordination avec d’autres initiatives sur le terrain de la promotion des contenus culturels. Ainsi, la chaîne Culturebox, lancée en février 2021 et diffusée en soirée sur France 4 à partir de mai 2021 par France Télévisions, n’a-t-elle pas de stratégie coordonnée avec Culture Prime, alors même que le groupe France Télévisions est partie prenante de cette coopération. On pourrait en outre s’interroger sur la pertinence de disposer de deux marques différentes au sein de l’audiovisuel public pour l’axe culturel, d’autant plus que le terme « prime » peut prêter à confusion avec l’offre d’une autre grande plateforme de contenus.

De manière générale, les initiatives de coopération, pourtant nombreuses, semblent donc souvent trop éclatées, voire dispersées le nombre d’acteurs impliqués apparaissant aussi variable, comme le montre le tableau ci-dessous, alors même qu’elles sont fréquemment impulsées par les directions des entités de l’audiovisuel public. Les difficultés de coordination dans la mise en œuvre sur le terrain semblent donc refléter une lacune dans la coopération stratégique entre les différentes entités dès le lancement, et lors du suivi, de ces projets.

CoopÉrations numÉriques et Éditoriales de l’audiovisuel public

(grisé : entités participantes)

 

France Télévisions

Radio France

INA

FMM

Arte

TV5 Monde

Renforcement de l’offre de proximité :

- déploiement de matinales communes à France 3 et France Bleu ;

- lancement d’ Ici par France Bleu et France 3

 

 

 

 

 

 

Plateforme Franceinfo

 

 

 

 

 

 

Lumni, offre éducative de l’audiovisuel public

 

 

 

 

 

 

Culture prime

 

 

 

 

 

 

Application mobile Radio France

 

 

 

 

 

 

TV5MONDEplus

 

 

 

 

 

 

 

Convention de visibilité Radio France et INA (2021-2025) pour éditorialiser et rendre plus attractifs sur l’application Radio France et le site madelen.ina.fr le fonds d’archives de l’INA

 

 

 

 

 

 

Convention pour la captation et la diffusion, par ARTE-France, des représentations des formations musicales de Radio France

 

 

 

 

 

 

Captation et retransmission commune d’évènements culturels

 

 

 

 

 

 

Coproductions et coopérations éditoriales

 

 

 

 

 

 

Collections européennes : lancée par Arte ; mise en avant de documentaires européens

 

 

 

 

 

 

 

Pacte pour la visibilité des outre-mer

 

 

 

 

 

 

Pacte pour la jeunesse

 

 

 

 

 

 

Source : Avis de Mme Fabienne Colboc sur la mission Avances à l’audiovisuel public, octobre 2022.

Selon votre président et votre rapporteur, les retards et difficultés rencontrés lors de la mise en place de ces collaborations concrètes plaident pour l’existence d’une structure de gouvernance capable de jouer le rôle de chef de file et de facilitateur entre les entités. Cette structure aurait pour mission de veiller au suivi du cap commun et à l’avancée programmée des collaborations.

B.   Une holding stratégique, pilote de projets transversaux au service de marques identifiées par le public

Au vu des difficultés identifiées et de la nécessité d’accélérer le rythme des rapprochements et synergies tant éditoriales que relatives aux fonctions support, votre président et votre rapporteur estiment qu’il est aujourd’hui nécessaire de réorganiser le secteur de l’audiovisuel public en créant à sa tête une société mère permettant de le doter d’une unité de direction. Cette holding, qui devra rester une structure légère en termes d’effectifs et de coûts, permettra aux médias publics d’affronter en commun les défis d’avenir que constituent la transformation numérique et l’installation dans le paysage audiovisuel des Français d’acteurs de dimension mondiale, et de parachever les coopérations déjà engagées.

La transmission des projets de COM des entités de l’audiovisuel public seront cette année, pour les commissions chargées des affaires culturelles des assemblées parlementaires, la dernière occasion de juger de la prise en compte de ce besoin urgent de partage d’objectifs communs. Votre président et votre rapporteur sont convaincus qu’il faut dépasser le cloisonnement de l’objet social de chaque société, fixer des objectifs chiffrés et temporels proches pour chaque projet et penser collectivement l’avenir.

1.   Les projets prioritaires

a.   Le pilotage des coopérations engagées

Détenant la totalité du capital des sociétés filiales de la holding, la société mère qu’il est proposé de créer disposera aussi des leviers de gouvernance nécessaires à l’aboutissement des projets engagés dont les difficultés ont été évoquées supra : la présidence non-exécutive des sociétés-filles par le président‑directeur-général de la holding, l’existence d’administrateurs communs aux conseils d’administration de la société-mère et des sociétés-filles seront à même d’assurer la cohérence et la continuité des projets entre les sociétés.

Ainsi, la position de la holding lui permettra de disposer d’une force d’impulsion pour la mise en œuvre des pactes signés en 2021 et destinés à faire émerger des partenariats dans le domaine des émissions destinées au jeune public et des programmes ultramarins, qui n’ont pas encore donné lieu à des coopérations pleinement effectives. Ce type d’enjeux transversaux, où doit se manifester le plus la complémentarité des sociétés de l’audiovisuel public et de leurs antennes, se prête particulièrement à l’orientation et au suivi permis par l’organisation sous forme de holding. En effet, à défaut de désigner un chef de file sur ce type de projets communs, le risque de l’inertie est toujours présent, et explique les retards constatés par les coopérations amorcées. En introduisant une structure de coordination, légère mais néanmoins dotée d’outils de direction effectifs et influents, les sociétés de l’audiovisuel public deviendront comptables de manière égale au regard des objectifs qui seront assignés à chacune.

Bien qu’il ne s’agisse absolument pas de mettre en commun la responsabilité éditoriale des programmes au niveau de la société-mère, celle-ci disposera des capacités nécessaires au suivi des collaborations éditoriales engagées, au besoin en initiant des réformes de structure sur le terrain. Une société-mère pourrait ainsi apparaître comme un acteur tiers permettant la conciliation ou rendant les arbitrages nécessaires dès lors que surgiraient des difficultés pratiques de coopération. Pour le déploiement du volet de proximité développé par France Télévisions et Radio France à travers les projets Tempo et la plateforme Ici par France Bleu et France 3, la société mère pourrait jouer le rôle de relai entre les différents acteurs engagés et veiller à introduire plus de fluidité, tout en garantissant l’existence d’un projet éditorial partagé et abouti.

Sans tête commune, les projets peuvent se heurter aux orientations divergentes des sociétés, mais la société-mère ne constitue ni une fin en soi, ni un agent destiné à traquer les économies à réaliser. Votre président et votre rapporteur considèrent en effet que les entités de l’audiovisuel sont arrivées au bout de cette logique d’effort budgétaire, qu’elles ont d’ailleurs respectée. Poursuivre dans cette direction pourrait compromettre la mise en œuvre de leurs missions telle que nous les connaissons. En revanche, la société-mère serait particulièrement à même de détecter les gisements de coopération permettant de maximiser l’impact des moyens budgétaires engagés, et de mettre autour d’une même table des acteurs n’ayant pas encore acquis le réflexe de travailler ensemble. Par ailleurs, l’existence de cette nouvelle structure permettrait d’éviter la multiplication des structures juridiques ad hoc pour chaque projet (GIE, etc.) et donc de clarifier le paysage juridique d’ensemble.

Il s’agirait donc d’introduire un pilotage plus efficace des projets transversaux, qui ont eu tendance à s’accumuler progressivement, au fur et à mesure des COM successifs, sans dégager une réelle stratégie commune et intégrée pour l’ensemble de l’audiovisuel public.

Ce pilotage par la holding serait également l’occasion d’aller plus loin que le périmètre des coopérations aujourd’hui connues : votre président et votre rapporteur souhaitent ainsi renforcer la dimension internationale de Franceinfo par l’intégration de l’expertise des équipes de France 24 au sein du média Franceinfo, dont ils appellent de leurs vœux la montée en puissance ([82]) .

b.   La priorité du développement numérique : la création de passerelles entre les univers numériques des entités

À l’heure actuelle, la première des priorités, reconnue unanimement comme telle par tous les dirigeants des organismes de l’audiovisuel public auditionnés par la mission d’information, consiste en la transition vers un modèle de diffusion et de promotion des contenus adapté aux usages numériques et toujours complémentaire aux modes de diffusion linéaires.

Cette conciliation impose une réelle mutualisation des moyens techniques et des talents présents chez les personnels des différentes entités. En effet, sur un marché de l’emploi extrêmement concurrentiel pour les compétences de développement numérique, le secteur public de l’audiovisuel apparaît moins attractif, et subit une rotation importante des personnels les plus qualifiés. La création d’un pôle commun dévolu aux projets numériques pourrait insuffler une dynamique et se matérialiser par une task force susceptible d’impliquer davantage ces personnels et de les motiver à demeurer plus longtemps en poste en les faisant travailler ensemble sur des projets structurants.

Pour autant, l’idée d’une plateforme numérique commune à toutes les entités publiques n’est pas celle retenue par votre président et votre rapporteur. Les marques déjà connues des auditeurs, spectateurs et internautes sont précieuses, porteuses d’identités différentes, de lignes éditoriales consolidées au fil des années, et sont le fruit d’un travail précieux des équipes et de leurs dirigeants. Elles fonctionnement comme des repères de confiance dans un flux informationnel saturé. La stratégie de la course à la taille est vouée à l’échec face à la puissance des plateformes mondiales, les déboires de la plateforme Salto en portent le témoignage. Plus que la construction d’un mastodonte de l’audiovisuel public, il faut développer des outils numériques les plus agiles possibles, exploiter les données des utilisateurs en commun et dans le respect de leurs choix, utiliser de façon raisonnée l’intelligence artificielle et créer des passerelles entre les univers, à l’image de ce que propose Canal + avec Mycanal.

Votre président et votre rapporteur sont convaincus que l’interopérabilité des plateformes avec la possibilité de référencements croisés sont des prérequis évidents et indispensables pour la montée en puissance des plateformes du service public de l’audiovisuel, malgré d’indéniables écueils techniques à surmonter.

Pour la mise en œuvre des développements techniques, il faudra compter avec ARTE-France qui promeut le projet ([83]) – sur le périmètre de l’ensemble des entités de l’audiovisuel public – d’un mode de connexion unique (Single Sign On ou SSO) et d’un moteur de recherche transverse, commun aux organismes de l’audiovisuel public français.

Le moteur de recherche transverse afficherait sur chacune des plateformes des résultats vers des programmes d’autres diffuseurs, sur le modèle des recommandations. Le mode de connexion ou l’identifiant unique faciliterait également l’interconnexion entre ces différentes offres numériques, sur un modèle proche de celui de FranceConnect pour les autres services publics.

Pour ARTE-France, ces deux initiatives contribueraient à atteindre trois objectifs : « enrichir l’offre délinéarisée des sociétés de l’audiovisuel public, à la fois en termes de volume, de diversité et de modalités d’accès aux contenus ; mutualiser une partie des coûts de développement liés aux évolutions techniques nécessaires, dans un souci d’économie et d’efficience des dépenses publiques ; améliorer la sécurité des données utilisateurs, en agissant dans le strict respect de la législation et des recommandations européennes en matière de données personnelles. » ([84])

c.   Le levier financier

Accompagnant la mise en œuvre de la holding, les COM pourraient devenir des « conventions stratégiques pluriannuelles » (CSP), plus synthétiques et ayant pour priorité de déterminer un cadre d’engagement entre l’État et les organismes de l’audiovisuel public. Ces CSP détermineraient une stratégie et les moyens qui leur seraient consacrés au cours de la période de cinq ans proposée, ce qui leur permettrait de se recentrer sur la stratégie financière et de développement.

En lieu et place des cinq COM actuels, deux CSP seraient conservées : l’une relative à ARTE-France, ce qui permettrait de garantir des conditions d’indépendance financière de la chaîne compatibles avec les dispositions du traité interétatique à l’origine de la création d’ARTE ; la seconde relative à la holding qui serait constituée, dans laquelle des objectifs seraient déterminés pour la société-mère en tant que telle, et pour chacune des sociétés-filles.

Ces deux conventions détermineraient notamment, en cohérence avec les missions de service public telles que définies à l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication :

– les orientations stratégiques et les axes prioritaires du développement de la société concernée ;

– le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d’exécution et de résultats qui sont retenus. Des indicateurs non contraignants pourraient être élaborés au niveau des différentes chaînes d’un groupe, afin d’identifier plus précisément la façon dont sont remplies par chacune les obligations induites par les cahiers des charges ;

– le montant des ressources publiques devant être affectées à ARTE-France et à la société-mère.

Concernant la société-mère de la holding, une distinction devra être opérée entre :

– la part maximale du budget total que celle-ci conservera aux fins de mener ses missions propres (une part qui devra être la plus limitée possible) ;

– la part du budget que celle-ci sera chargée de répartir, ainsi que les modalités de cette répartition, entre les sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, l’Institut national de l’audiovisuel ainsi que les filiales communes ;

– le cas échéant, la part que la holding consacrera à la conduite de projets d’intérêt commun à tout ou partie de ses filiales.

Les projets de CSP seraient transmis par le Gouvernement aux commissions des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères, du Sénat et de l’Assemblée nationale qui pourraient formuler un avis. Les conventions pourraient également faire l’objet d’un débat au Parlement. Les modalités de contrôle de leur exécution par le Parlement resteraient inchangées.

2.   La holding : un projet au service de l’indépendance de l’audiovisuel public

a.   Une procédure de nomination qui présentera toutes les garanties de l’indépendance

La nomination des dirigeants de l’audiovisuel public doit s’efforcer de répondre à trois exigences :

– garantir l’indépendance des lignes éditoriales des sociétés de programmes, particulièrement importante concernant le secteur de l’information ;

– permettre le recrutement de personnalités hautement compétentes et qualifiées pour ces missions de direction ;

– assurer la défense des intérêts du public et le respect de la mission de service public.

Depuis la libéralisation du secteur de la communication audiovisuelle, initiée par la loi du 29 juillet 1982, plusieurs systèmes de nomination ont été expérimentés pour tenter de concilier ces trois impératifs.

– les articles 39, 41, 43 et 57 de la loi n° XX du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle prévoyaient que les présidents des sociétés nationales de programme étaient nommés parmi les membres des conseils d’administration de ces sociétés, désignés par la première instance indépendante de régulation du secteur audiovisuel, la Haute autorité de la communication audiovisuelle (qui désignait donc un administrateur, président, par conseil d’administration) ;

– l’article 47 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication disposait, dans sa première version, que les présidents des sociétés nationales de programme étaient nommés par la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL, instance de régulation indépendante ayant succédé à la Haute autorité), à la majorité de ses membres, parmi les personnalités qu’elle avait désignées au sein des conseils d’administration de ces sociétés. Seul le président de la société Radio France Internationale (RFI) faisait exception, son président étant nommé par la CNCL parmi les représentants de l’État au sein du conseil d’administration. Le mandat des présidents des sociétés nationales de programme pouvait leur être retiré dans les mêmes conditions. La création du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et la constitution de la société France Télévisions n’ont conduit à aucun changement dans ce mode de nomination ;

– la loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France (AEF) a confié cette prérogative au Président de la République selon la procédure prévue à l’article 13 alinéa 5 de la Constitution (et la loi organique du 25 juillet 2010, qui prévoit les emplois concernés par cette procédure) ;

– la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public revient sur la réforme de 2009 et rend le pouvoir de nomination et de révocation au CSA, afin de renforcer l’indépendance des présidents des sociétés nationales de programme, en garantissant qu’ils soient non plus nommés et révoqués directement à l’initiative du pouvoir exécutif mais par une autorité indépendante. L’article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit depuis lors que les présidents des sociétés nationales de programme sont nommés pour cinq ans par le CSA (l’Arcom depuis sa constitution), à la majorité des membres qui le composent. L’autorité de régulation se fonde sur les projets stratégiques présentés par les candidats et détermine la méthode d’examen des candidatures.

Le président de l’INA est choisi parmi les membres du conseil d’administration représentant l’État, et nommé en application de l’article 50 de la loi du 30 septembre 1986 pour cinq ans par décret en conseil des ministres, après avis des commissions permanentes chargées des affaires culturelles, conformément à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique déposé le 5 mars 2020 prévoyait une nomination du PDG de France médias pour cinq ans par décret du président de la République après avis conforme de l’Arcom et après avis des commissions parlementaires compétentes conformément à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Pour cette raison, le projet de loi était accompagné d’un projet de loi organique modifiant les conditions d’application de l’article 13 de la Constitution, ce que les sénateurs, dans leur proposition de loi d’avril 2023 n’ont pas prévu. Ces deniers ont proposé une nomination par « décret délibéré en Conseil des ministres sur proposition du conseil d’administration après avis conforme de l’Arcom », c’est-à-dire que le pouvoir d’opposition des commissions des assemblées (aux trois cinquièmes de leurs membres) serait supprimé alors que le Président de la République conserverait son pouvoir de nomination.

Le président et le rapporteur s’accordent pour affirmer que compte tenu des attentes fortes du public en matière d’indépendance, d’ailleurs également réclamée par les dirigeants de l’audiovisuel public, une nomination par le Président de la République est à exclure. Il conviendrait de faire nommer le PDG de la holding par le conseil d’administration de la société, après avis conformes de l’Arcom et des commissions chargées des affaires culturelles des assemblées ([85]).

S’agissant des directeurs généraux des entités, le président et le rapporteur se rallient partiellement à la proposition des sénateurs, issue du projet de loi du 5 mars 2020 précité, de prévoir une nomination par le conseil d’administration de chaque société sur proposition de son président, à la majorité des membres et après avis de l’Arcom. Le présent et le rapporteur proposent que l’avis soit simple, afin de laisser aux conseils d’administration des entités et au PDG de la holding le choix des personnes et des projets.

b.   Un calendrier de mise en place à articuler à la réforme du financement de l’audiovisuel public

La proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle déposée le 21 avril 2023 au Sénat comprend un calendrier de mise en place d’une holding au 1er janvier 2024.

Compte tenu des dates d’examen de cette proposition de loi et de présentation du présent rapport, votre président et votre rapporteur considèrent que le calendrier proposé par les sénateurs est prématuré.

L’élaboration des COM des entités sur lesquels travaille actuellement le ministère de la culture déterminera pour les années à venir les priorités stratégiques de notre audiovisuel public. Le moment est venu de tenir compte de l’urgence de certaines coopérations et des enjeux de transformation et de mise en commun sur le numérique. Les projets de COM qui seront soumis aux commissions des affaires culturelles des assemblées avant la fin de l’année 2023 constitueront une forme de dernière chance pour les entités, à gouvernance inchangée.

Parallèlement, votre président et votre rapporteur déposeront une proposition de loi organique modifiant la loi organique relative aux lois de finances. L’inscription à l’ordre du jour d’une telle proposition de loi organique et son examen parlementaire prendront plusieurs mois avant une adoption définitive qui devra intervenir avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2025.

Compte tenu de ces calendriers, la création de la société holding ne deviendrait effective qu’après la mise en place des mécanismes de financement pérennes pour l’audiovisuel public.

Le calendrier pourrait donc être le suivant :

– 1er janvier de l’année n : création de la société holding et prise de fonctions de son président-directeur général ;

– 1er juillet de l’année n : désignation, par les conseils d’administrations des quatre directeurs généraux des entités ;

– 1er janvier de l’année n+1 : entrée en vigueur de la nouvelle CSP négociée par le président-directeur général de la société holding et ses nouveaux directeurs généraux.

Un tel dispositif permettrait de disposer d’un semestre pour déterminer les orientations stratégiques de la holding et désigner les directeurs généraux, et d’un semestre pour décliner la CSP selon les entités avec les projets des cinq dirigeants.

Bénéficier d’un an de décalage entre l’entrée en vigueur de la nouvelle CSP et la nomination du PDG lui donnera la possibilité de n’avoir qu’à exécuter la CSP précédente pour se consacrer à son projet. Dès la deuxième année de son mandat, le dirigeant aura à conduire les orientations qu’il aura lui-même négociées et décidées, en lien avec ses directeurs généraux.


–– 1 ––

 

   Troisième partie : Consolider les modalités de financement de l’audiovisuel public pour assurer son indépendance

La présente mission a débuté ses travaux avec la volonté de ne pas se focaliser sur les modalités de financement de l’audiovisuel public. La question des attentes des publics, la définition ou la redéfinition des missions des entités et la gouvernance des structures apparaissaient prioritaires au président et au rapporteur. Réformé avec la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, le financement de l’audiovisuel public venait aussi de faire l’objet d’un débat approfondi dès les premières semaines de la XVIe législature de l’Assemblée nationale.

Très vite pourtant, lors des premières auditions, il est apparu que les débats sur les missions et la gouvernance de l’audiovisuel public étaient directement liés à la question de son financement, qui constitue l’un des piliers de son indépendance. Par ailleurs, alors que le projet de loi de finances rectificative pour 2022 prévoyait initialement la suppression de la contribution à l’audiovisuel public et un financement par le budget général de l’État, cette budgétisation est, lors des débats, apparue comme une piste à exclure. À l’initiative des groupes de la majorité ainsi que du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, le Parlement a opté pour une solution transitoire consistant à affecter au compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), et ce jusqu’au 31 décembre 2024. C’est cette modalité de financement qui a très tôt semblé la plus appropriée au président et au rapporteur, compte tenu des exigences constitutionnelles et organiques, en particulier celles de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

La présente partie expose toutes les modalités de financement envisageables. Comme n’a pas manqué de le rappeler le Gouvernement dans ses observations lors de la saisine du Conseil constitutionnel sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022, « si le législateur est tenu à une obligation de résultat, qui est d’assurer à l’audiovisuel public les ressources garantissant son indépendance, il n’est pas contraint, constitutionnellement, quant aux moyens permettant d’atteindre ce résultat, c’est-à-dire quant à la technique de financement choisie ».

Votre président et votre rapporteur sont d’accord avec leurs collègues membres de la mission sur la nécessité absolue dassurer le respect de la liberté de communication protégée par larticle 11 de la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789, comme celui des objectifs de valeur constitutionnelle de pluralisme et dindépendance des médias. Comme la clairement indiqué le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009 sur la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, la garantie des ressources de laudiovisuel public constitue lun des éléments assurant son indépendance. La présente partie s’attachera à exposer les différents mécanismes budgétaires qui s’offrent aux parlementaires pour répondre à cette exigence démocratique.

Pour votre président, la contribution à l’audiovisuel public a disparu faute d’une réforme qui aurait dû être menée plus tôt. Or il y a maintenant urgence à trouver un financement pérenne pour assurer la prévisibilité indispensable à l’accomplissement des missions des dirigeants de l’audiovisuel public.

I.   Des scénarios de financement qui ne présentent pas les garanties attendues

La loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 précitée a substitué à la contribution à l’audiovisuel public l’affectation d’une fraction de produit de la TVA. Cette réforme a été l’occasion de mener une réflexion sur le sens de la taxation et, plus largement, sur les garanties de financement attendues pour que l’audiovisuel public accomplisse ses missions dans de bonnes conditions.

Le compte de concours financiers a été conservé et retrace aujourd’hui :

– en dépenses : le montant des avances accordées aux entités de l’audiovisuel public (via six programmes budgétaires correspondant aux six sociétés et établissement de l’audiovisuel public). Ces avances prennent la forme de versements mensuels ;

– en recettes : une fraction du produit de la TVA, exprimée en euros. C’est un article de la première partie de la loi de finances qui en prévoit le montant.

A.   La récente réforme de la contribution à l’audiovisuel public

1.   La nécessaire réforme de la contribution à l’audiovisuel public

La contribution à l’audiovisuel public (CAP) était une taxe affectée aux organismes de l’audiovisuel public ([86]) prévue par les articles 1605 à 1605 quater du code général des impôts.

Créée par la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, la contribution s’était substituée à la redevance audiovisuelle instituée par la loi du 31 mai 1933 lors de l’essor de la radiodiffusion publique, puis élargie à la télévision par la loi du 30 juillet 1949. Le terme de redevance suggérait un paiement pour un service rendu alors que le fait générateur résidait dans la possession d’un matériel (téléviseur ou « tout autre dispositif assimilé »).

La contribution était due par les personnes physiques imposables à la taxe dhabitation, si elles détenaient un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision (dès lors quils étaient munis dun écran, entraient dans cette catégorie les magnétoscopes, les lecteurs ou lecteurs‑enregistreurs de DVD ainsi que les vidéoprojecteurs équipés dun tuner) pour lusage privatif de leur foyer ainsi que par les autres personnes physiques et par les personnes morales – dont les entreprises – qui détenaient un tel appareil dans un local situé en France.

Le nombre de redevables de la contribution n’avait cessé de diminuer au fil des années sous l’effet de trois phénomènes : la stabilité du nombre de contribuables exonérés du paiement de la contribution ([87]) – 5 millions sur 29 millions de redevables –, la diminution du taux d’équipement des Français en téléviseurs ou dispositifs assimilés et la sous-déclaration de la possession d’équipements de ce type.

Le fait générateur de la contribution était par ailleurs devenu désuet avec le changement des usages de consommation des contenus audiovisuels et, techniquement, la réforme était devenue nécessaire compte tenu de la fin annoncée de la taxe d’habitation dès 2023 pour les résidences principales, collectée conjointement avec la contribution ([88]).

2.   La solution transitoire retenue, fruit d’une initiative parlementaire

Conformément à la recommandation n° 5 de la mission de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles dont le rapport Réforme du financement de l’audiovisuel public a été dévoilé au moment de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2022, le Parlement a élaboré un régime transitoire pour les années 2022 à 2024, qui a consisté à affecter aux sociétés de l’audiovisuel public, via le compte de concours financier n° 903-60, une fraction du produit de la TVA.

Ce choix résulte d’une initiative transpartisane des groupes de la majorité, Renaissance, Démocrate et Horizons, et de plusieurs membres du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale qui ont perçu les risques de la budgétisation – nous y reviendrons – et vu dans la TVA un impôt au produit élevé et suffisamment universel. La TVA constitue en effet l’impôt présentant le plus fort rendement au sein du budget de l’État, et il est par ailleurs acquitté par l’ensemble des agents économiques : ménages, entreprises, administrations publiques.

Le Conseil des prélèvements obligatoires ([89]) rappelait ainsi que « sur le plan budgétaire, les recettes de TVA, de l’ordre de 186 milliards d’euros en 2021, ont poursuivi leur évolution haussière, caractéristique du dynamisme de cette imposition, avec un rendement en hausse de 7 % entre 2015 et 2021 en tenant compte de l’accroissement du produit intérieur brut (PIB). » Il notait toutefois que « la répartition de cette recette a sensiblement évolué car, en 2021, le budget de l’État ne recevait plus que 51 % du produit de la TVA contre 93 % en 2015 : cette évolution tient aux affectations croissantes de TVA à la fois aux organismes de protection sociale et aux collectivités territoriales, notamment en compensation de la révision ou de la suppression d’autres prélèvements obligatoires ». Le Conseil des prélèvements obligatoires faisait en outre part d’interrogations quant à son affectation croissante en dehors du budget de l’État. En 2021, les recettes de la TVA affectées à l’État se sont néanmoins élevées à quelque 92,4 milliards d’euros.

En suivant cette logique, la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques prévoit qu’à compter du dépôt du projet de loi de finances pour 2025, les impositions de toutes natures ne pourront être ou rester affectées à un tiers autre que les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales que si cet organisme est doté de la personnalité morale et si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées.

Les auteurs du rapport des inspections générales précité ont précisé que même si la teneur du lien avec les missions de service public confiées n’est pas précisément caractérisée, il semble difficile de considérer qu’un tel lien existerait entre la TVA et les missions de service public confiées aux sociétés d’audiovisuel public, point de vue que partagent votre président et votre rapporteur.

En prévoyant un dispositif transitoire jusqu’au 31 décembre 2024, le législateur a avancé prudemment et ouvert le débat pour les deux années et demi de transition. Le Parlement a jugé que la nature des missions de l’audiovisuel public justifiait un tel mécanisme budgétaire.

Il convient par ailleurs de rappeler que cette affectation ne s’est pas accompagnée d’une hausse corrélative de la TVA.

B.   Pour l’après 2024, les solutions non retenues

Lors de son audition, les représentants de la direction du budget ont présenté les trois alternatives pour le financement de l’audiovisuel public à partir de 2025 : pérenniser l’affectation d’une fraction de produit de la TVA, affecter une nouvelle recette par la création d’un nouvel impôt, ou recourir au budget général de l’État.

1.   Plusieurs taxes sont liées aux missions du service public audiovisuel

La fiscalité affectée est la mieux à même de garantir l’indépendance des organismes de l’audiovisuel public et la prévisibilité de leurs ressources. Plusieurs taxes sont déjà affectées à l’établissement public que constitue le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Il existe par ailleurs un dispositif de rémunération des ayants-droit pour copie privée.

● Ainsi le CNC se voit affecter la taxe sur les éditeurs et les distributeurs de services de télévision (TST) prévue à l’article L. 115-6 du code du cinéma et de l’image animée : pour les éditeurs de services de télévision, la taxe est calculée en appliquant un taux de 5,65 % sur une assiette qui comprend les recettes publicitaires, après un abattement de 11 millions d’euros ; pour les distributeurs de services de télévision, la taxe est calculée en appliquant un barème progressif de 0,5 à 3,5 % sur une assiette qui comprend les sommes acquittées par les clients au titre des abonnements à des services de télévision, après un abattement de 10 %.

● Par ailleurs, le CNC est bénéficiaire du produit de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne des contenus audiovisuels (TSV), définie par l’article 1609 sexdecies B du code général des impôts. Son taux est de 2 %, porté à 10 % pour les vidéos à caractère pornographique ou d’incitation à la violence, sur une assiette qui comprend à la fois les sommes versées par les clients et les revenus de la publicité. Sont soumises à cette taxe : les activités de vente ou location de vidéogrammes à l’usage privé du public, de mise à disposition du public en France de services donnant accès à titre onéreux à des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, sur demande individuelle formulée par un procédé de communication électronique (de type Netflix), de mise à disposition du public en France de services donnant ou permettant l’accès à titre gratuit à des contenus audiovisuels, sur demande individuelle formulée par un procédé de communication électronique (de type YouTube).

● La taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) prévue à l’article 302 bis KH du code général des impôts est quant à elle versée au budget général de l’État. Elle est fixée au taux de 1,3 % du montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers aux opérateurs de communications électroniques avec abattements ([90]). Sont notamment visés les abonnements au service téléphonique sur réseaux fixes, ceux sur réseaux mobiles, les abonnements pour accéder à internet.

Créée pour financer la suppression de la publicité après 20 heures sur France Télévisions, elle a d’abord été affectée au budget général tandis que l’État rétrocédait au groupe une partie de son rendement. Elle a été intégralement affectée à France Télévisions entre 2016 et 2018, avant d’être à nouveau versée au budget général de l’État depuis.

 

Rendement des taxes liées aux missions du service public audiovisuel

(en millions d’euros)

 

Prévision 2023

Affectataire

Taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne des contenus audiovisuels (TSV)

108

CNC

Taxe sur les distributeurs de services de télévision (TST-D)

202

CNC

Taxe sur les éditeurs de services de télévision (TST-E)

264

CNC

La taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE)

260

Budget général de l’État

Source : Loi de finances pour 2023, documents budgétaires.

● D’une toute autre nature puisqu’il ne s’agit pas d’une taxe, la « rémunération pour copie privée » vise à compenser pour les ayants droit (auteurs, artistes et producteurs), le préjudice lié à la copie à titre privé de leurs œuvres. Cette rémunération est versée par l’intermédiaire de la société Copie France aux ayants droit. La société la prélève sur l’ensemble des supports d’enregistrement selon un barème fixé par une commission administrative composée de représentants des ayants droit, des fabricants de supports d’enregistrement et des consommateurs. Cette redevance, acquittée à l’origine au moment de l’achat de supports d’enregistrement (cassettes, disques compacts), s’est progressivement adaptée aux évolutions technologiques : les téléphones portables en constituent aujourd’hui la principale source. Cette rémunération génère environ 300 millions d’euros par an, redistribués aux ayants droit.

À partir de ce dispositif, avait été envisagée la création d’une taxe assise sur le prix de tous les appareils connectés vendus : ordinateurs, tablettes, smartphones, consoles de jeux, téléviseurs et autres dispositifs connectés à internet. Telle était l’idée de M. Pierre Lescure, dans son rapport de mission « Acte II de l’exception culturelle à l’ère du numérique. Contribution aux politiques culturelles à l’ère numérique », remis au Premier ministre en 2013 : adosser la rémunération pour copie privée à une « taxe sur les appareils connectés, assise sur l’ensemble des terminaux et indépendante de leur capacité de stockage ».

Votre président et votre rapporteur considèrent qu’il ne faut pas empiéter sur la compensation dont bénéficient les artistes pour la copie privée de leurs œuvres.

En outre, le rendement de taxes de ce type est sans commune mesure avec les besoins de financement de l’audiovisuel public qui, en 2023, s’élève à 3,8 milliards d’euros.

 

 

 

Par ailleurs, quand bien même le produit de la taxe serait suffisant, il est par définition variable et soumis aux aléas économiques. De ce fait, il est indispensable de pouvoir compléter la ressource avec une part du budget général (10 %, le plus souvent), comme le permettent les comptes d’affectation spéciale ([91]).

Le principal inconvénient de cette solution est son acceptabilité sociale et politique, dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat des Français. Le Président de la République s’est d’ailleurs engagé à ne pas créer de nouvelle taxe.

2.   Une contribution universelle élargie à tous les foyers n’est pas souhaitable

D’autres sources de financement de l’audiovisuel public ont été explorées à titre subsidiaire :

– sur le modèle allemand, la création d’une taxe forfaitaire universelle, indépendante de la détention d’appareils permettant d’accéder à des contenus audiovisuels publics : elle permettrait de simplifier la détermination des redevables, d’assurer un haut niveau de financement et d’affirmer le bénéfice que tire l’ensemble de la société du bon fonctionnement de ce service public. Toutefois, les foyers antérieurement non soumis à la CAP, parce que ne détenant pas de téléviseur ou bénéficiant d’un dégrèvement, auraient été assujettis ;

– sur le modèle scandinave, la création d’une taxe individuelle assise sur les revenus du travail ou du capital, progressive jusqu’à un certain montant : une telle option présente l’avantage d’être socialement plus juste, mais l’inconvénient de couper le lien entre une part importante des usagers de l’audiovisuel public et son financement, seuls 45 % des contribuables étant par exemple assujettis à l’impôt sur le revenu en France.

Ces deux pistes avaient également été explorées par la mission des inspections générales avant d’être abandonnées. On en retrouve le détail à l’annexe VI de leur rapport.

3.   Les risques d’un financement par le budget général de l’État

Avant d’examiner les effets induits par une budgétisation du financement des entités de l’audiovisuel public, le président et le rapporteur tiennent à souligner le caractère unanime de l’opposition des professionnels du secteur audiovisuel à cette forme de normalisation budgétaire.

 

Le dispositif de l’article 1er du projet de loi de finances rectificative pour 2022 tel que déposé à l’Assemblée nationale prévoyait :

– la suppression de la CAP dans le code général des impôts ainsi que, en conséquence, la suppression de l’assujettissement des entités de l’audiovisuel public à la TVA à 2,1 % ([92]) ;

– la clôture du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public ([93]) par lequel transitaient le produit de la CAP ainsi et les compensations budgétaires de l’État au profit des entités de l’audiovisuel public, remplacé par un dispositif de subvention par le budget de l’État à compter du 1er août 2022 ;

– la restitution de la part de la CAP déjà versée mensuellement par les particuliers au titre de 2022 ;

– la compensation de la suppression sous la forme d’une subvention du budget général de l’État versée en une seule fois en début d’année et ce à compter du 1er janvier 2023.

Le débat parlementaire qui s’est tenu à l’été 2022 a été l’occasion de mettre en exergue les incertitudes induites par la budgétisation et l’importance de certains mécanismes de gestion budgétaire.

a.   Des incertitudes sur la trajectoire de recettes et les régulations infra‑annuelles

Quel que soit le mode de financement  redevance, affectation d’une recette, financement par le budget général de l’État  , le contrôle parlementaire s’opère, en toute transparence, sur les dépenses et la répartition des crédits entre entités.

Les recettes de la redevance ou de la taxe affectée transitent par un compte de concours financiers composé de plusieurs programmes budgétaires. La transformation du compte de concours financiers en une mission budgétaire ne modifie pas son architecture interne répartie en programmes. Le contrôle parlementaire s’effectue – lors de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances – sur la répartition de ces crédits entre programmes, dans la limite du plafond de la mission ou du compte de concours financiers.

En revanche, côté recettes, lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, un financement par le budget général de l’État supprime toute possibilité de discussion sur le montant de l’enveloppe globale affectée à la mission. Les parlementaires ne peuvent augmenter les crédits de la mission, issus du budget général de l’État. À l’inverse, s’agissant d’une taxe affectée ou d’une redevance, le contrôle parlementaire est étendu au montant de la recette (voir infra).

Ainsi une dotation du budget de l’État met les parlementaires face à un choix contraint, une enveloppe fermée dont le montant est décidé par le Gouvernement dans son projet de loi initial. La trajectoire baissière de ces dernières années et l’augmentation actuelle de la dette publique pourraient faire de l’audiovisuel public une variable d’ajustement des comptes publics au même titre que n’importe quelle mission budgétaire. Or la spécificité des missions de l’audiovisuel public plaide pour écarter les organismes qui le composent de toute mesure de « normalisation ». Nous l’avons vu, l’audiovisuel public n’est pas un service public comme un autre.

Comme toutes les entreprises, les organismes de l’audiovisuel public ont besoin de visibilité et cela est encore plus vrai dans le domaine de la création où les financements d’aujourd’hui font les programmes de demain selon une logique de développement programmée sur plusieurs années.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2022 comportait une garantie non négligeable : le versement intégral du montant de la dotation dans un délai d’un mois maximum à compter de l’ouverture de la gestion, en début d’année. Ce mécanisme aurait permis d’engager l’État sans qu’il puisse agir sur le solde des crédits votés en loi de finances non encore décaissés. Aucune modification infra-annuelle (gel de crédits, annulations ou reports) n’aurait pu de facto être effectuée. Il n’en demeurait pas moins que l’existence de compensations budgétaires aux effets fiscaux incertains et qui avaient vocation à être réévaluées en fin de gestion offrait une possibilité de régulation à la main de l’exécutif.

b.   Le risque d’attrition des ressources

 Le cas de la France

La part budgétaire du compte de concours financiers n’a cessé de diminuer ces dernières années, conformément à la trajectoire baissière de financement décidée par les majorités successives.

Le rapport de la mission des inspections générales précité rappelle par exemple que « des crédits budgétaires ont été alloués au développement de l’audiovisuel extérieur à travers le financement de la montée en puissance de France Médias Monde, portés de 165 millions d’euros en 2005 à 296,7 millions d’euros en 2008. [Ces crédits] ont commencé à diminuer dès 2009 pour disparaître en 2015. »

Parallèlement, la suppression de la publicité sur France Télévisions après 20 heures, actée par la loi du 5 mars 2009 précitée s’est accompagnée d’une compensation de la perte de recettes, à hauteur de 415 millions d’euros en 2009 par la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (voir supra). Mais, dès 2013, cette compensation a progressivement décru jusqu’à disparaître complètement au 1er janvier 2019.

Avant l’abaissement du montant de la CAP de 139 euros à 138 euros, le dynamisme de cette recette avait été progressivement annulé par la baisse des dotations budgétaires.

En 2018, le Gouvernement a arrêté une trajectoire d’économies de 190 millions deuros s’achevant en 2022, confirmée par les COM signés au printemps 2021 avec les sociétés et l’établissement de laudiovisuel public. Ces économies résultaient de la mise en œuvre dun plan de transformation des entités.

Il faut cependant relever que l’État est intervenu auprès des sociétés pour leur permettre de surmonter les conséquences financières de la crise sanitaire.

évolution des Ressources publiques de l’audiovisuel public entre 2005 et 2022

(en millions d’euros)

Source : Rapport des inspections générales « Réforme du financement de l’audiovisuel public », juin 2022

Ainsi, la part budgétisée du financement des entités a toujours été utilisée comme variable d’ajustement de la dotation, parfois à la hausse mais le plus souvent à la baisse.

 Les exemples étrangers

Plusieurs exemples étrangers montrent une corrélation entre budgétisation et diminution des moyens de l’audiovisuel public. Il en a souvent résulté un développement de la publicité en compensation, au risque d’une déstabilisation du secteur privé.

Ainsi dans le périmètre des pays membres de l’Union Européenne de Radio‑Télévision, lorsqu’une redevance a été remplacée par une budgétisation, les entités de l’audiovisuel public ont en moyenne perdu 9 % de leur financement (sur la base d’une comparaison des trois années avant la réforme avec les trois années qui l’ont suivie) ; cela a touché par exemple le Danemark, la Macédoine du Nord, la Norvège et la Roumanie. Selon ce même mode de calcul, les pays qui ont réformé leur redevance ont vu le financement des entités augmenter de 14 % ; s’agissant des taxes affectées, les financements ont en moyenne augmenté de 6 % (c’est le cas de la Finlande et de la Suède).

c.   Un risque « réputationnel » pour l’audiovisuel public extérieur : de médias de service public à média d’État

Depuis la France, nous ne percevons pas toujours combien l’audiovisuel public français rayonne à l’extérieur de nos frontières. France 24, Monte Carlo Doualiya, RFI sont autant de canaux d’information et de diffusion culturelle à l’étranger, sur les actualités internationales, pour des auditeurs et téléspectateurs francophones ou francophiles. Ces canaux ne s’adressent d’ailleurs pas particulièrement aux Français de l’étranger : les programmes sont conçus comme des liens culturels avec la francophonie et apportent, en français ou dans leur langue propre, une information « libre, indépendante, vérifiée et équilibrée » ([94]).

La diffusion des contenus dans 21 langues constitue d’ailleurs le moyen le plus efficace pour se rapprocher des préoccupations des auditeurs, à l’étranger. Ce souci de proximité expose notre audiovisuel public extérieur à la concurrence des autres médias des pays d’influence qui n’ont pas les mêmes exigences déontologiques et le souci de diffuser les valeurs démocratiques qui sont celles de la France. FMM est devenue une cible pour ces médias d’influence qui, par là même, attaquent la France et ses valeurs.

Or comme le rappelait lors de son audition par la mission M. Matthieu Peyraud, directeur de la diplomatie d’influence au ministère de l’Europe et des affaires étrangères « toute la crédibilité de FMM tient au fait qu’elle ne représente pas la voix officielle de la France, comme en témoignent des contenus diffusés qui ne sont pas complaisants avec notre politique étrangère ».

La diffusion des contenus de FMM fait l’objet d’attaques ciblées : coupures de signal, refus de visas pour les journalistes ou, plus structurellement, qualification de l’audiovisuel public extérieur de « média d’État » par d’autres États ou par des plateformes de communications électroniques. Or quand on connaît la puissance financière des audiovisuels publics étrangers et l’influence des réseaux sociaux, il y a là un vrai risque de fragilisation de notre audiovisuel public extérieur.

 

Ressources publiques des principaux médias publics internationaux

(en millions d’euros)

Pays

Média

Budget

Année

France

FMM

254,2

2022

Allemagne

Deutsche Welle

 

396

 

2021

Royaume-Uni

BBC World Service

 

356 (302 millions de livres)

 

2021

États-Unis

Agency for Global Media (USAGM)

685 (809,9 millions de dollars)

2021

Russie

Sputnik et RT

430

2021

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé à Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public.

Comme le rappelait M. Peyraud, il est primordial de préserver la spécificité d’un financement indépendant de l’audiovisuel public extérieur, compte tenu de ce qu’il a appelé le « risque réputationnel ». La budgétisation pourrait être interprétée comme une prise de contrôle par l’État, argumebt qui risquerait d’être utilisé pour affaiblir les médias publics français dans leur diffusion à l’étranger « dans un contexte où ces médias sont de plus en plus fréquemment attaqués et accusés d’être la voix de la France, notamment en Afrique ». Toute la difficulté réside dans le fait qu’il n’existe pas de consensus sur la définition d’une chaîne de service public et d’une chaîne gouvernementale. Le directeur a néanmoins fait part de la définition de la chaîne gouvernementale par l’Unesco : « média dans lequel les journalistes sont soumis directement ou indirectement à l’ingérence ou l’influence des politiques », alors que les médias de service publics sont indépendants. L’indépendance financière est un élément essentiel de la définition.

La plupart des opérateurs et médias étrangers se fondent sur un faisceau d’indices pour juger du degré d’indépendance d’un média donné. Au niveau international, le financement indépendant du budget de l’État est le premier des critères pris en compte. Dans sa contribution écrite adressée à la mission, la présidente directrice générale de France Médias Monde, Mme Marie-Christine Saragosse, a montré toute l’attention qu’elle porte à ce sujet : « À l’échelle mondiale, la manière dont sont financés les médias internationaux est scrutée de près par de nombreux acteurs qui font la distinction entre des "médias d’État" et des "médias de service public", comme c’est le cas par exemple de YouTube. De même, les récentes décisions de Twitter, qui a qualifié NPR et la BBC de médias affiliés à l’État puis de médias financés par le gouvernement illustrent la sensibilité et l’importance de la nature du financement des médias. Certains influenceurs financés par les russes "anti-français" s’en sont d’ailleurs saisis pour réclamer sur les réseaux sociaux une qualification équivalente pour France 24 et RFI. C’est en se fondant sur la réalité de leur financement que NPR et BBC peuvent protester contre cette décision de Twitter et engager avec les équipes d’Elon Musk une discussion qui pourra permettre de réviser cette décision incompréhensible. Ce dernier a fini par qualifier la BBC de "média financé sur fonds publics". »

Très concrètement, la suppression de la CAP a eu une première conséquence en Allemagne où, ajoute Mme Saragosse, « le régulateur local (le MABB) a estimé en juin dernier que les garanties d’indépendance de RFI vis-à-vis de l’État ne seraient plus réunies en raison de la budgétisation initialement envisagée par le Gouvernement, faisant ainsi courir le risque du non-renouvellement de sa fréquence FM (dont RFI dispose depuis 1994). La fin d’un financement affecté pour les médias de FMM ferait donc courir le risque qu’une telle position ne se propage à d’autres pays, alors que RFI dispose d’un des plus grands parcs de FM au monde (et qui sont, par nature, des fréquences de souveraineté dépendant de chaque État) ».

Il faut espérer que la solution transitoire d’affectation d’une fraction de TVA permettra de mettre fin à cette menace.

d.   De potentiels garde-fous inadaptés

En Allemagne, le montant de la contribution audiovisuelle est déterminé pour quatre années dans le cadre d’une procédure en trois étapes qui comprend l’intervention, déterminante, de la KEF ([95]), la commission d’évaluation des besoins financiers des sociétés de l’audiovisuel public. Instaurée en 1975, la KEF est une commission indépendante chargée d’évaluer les besoins de financement que les radiodiffuseurs publics lui déclarent et de recommander aux Länder le montant idoine de la contribution à l’audiovisuel public. Elle est composée de seize experts indépendants, nommés par chacun des Länder. Les membres justifient de différentes qualifications techniques.

Les représentants d’ARTE-France ont ainsi rappelé le processus à la mission : « dans un premier temps, les organismes de radiodiffusion de l’audiovisuel public (ARD, ZDF, Deutschlandradio) font part de leurs besoins de financement à la KEF (1e étape). La KEF examine ces demandes et propose ensuite un montant de contribution (2e étape). Enfin, sur la base de la proposition de la KEF, le montant définitif de la contribution est fixé par le biais d’un traité entre la France et les 16 Länder allemands. »

La KEF se prononce tous les quatre ans sur le taux de la redevance. Mais sa vigilance est constante ; il s’agit d’une commission professionnalisée et permanente. Ainsi, comme le rappelle le rapport des inspections générales, « elle émet un rapport intermédiaire au bout de deux ans pour réévaluer les prévisions, revenir sur certains besoins ou, au contraire, identifier de nouveaux besoins qui pourraient être pris en compte lors de la phase quadriennale suivante ».

Reprenant ce modèle tout en l’adaptant, la première des recommandations des inspecteurs généraux est d’inscrire dans la LOLF la création d’une commission technique indépendante chargée d’expertiser les besoins financiers des sociétés d’audiovisuel public et l’adéquation à leurs missions. Sa composition, distincte de l’Arcom mais bénéficiant de ses moyens, s’inspirerait du Haut conseil des finances publiques, entité indépendante du Gouvernement et du Parlement, émettant des avis sur les finances publiques. Les missions de la commission seraient les suivantes : valider la définition des besoins de façon pluriannuelle sur la période du COM, réaliser un bilan d’exécution du COM à mi-parcours, et délivrer un avis public dans l’hypothèse où le Gouvernement déciderait de s’écarter de la trajectoire du COM en cours d’exécution.

Les sénateurs ([96]) ont repris cette idée en nommant la commission et en précisant sa composition et les modalités de son contrôle : « Recommandation n° 3 : Mettre en place une commission indépendante, l’Autorité supérieure de l’audiovisuel public (ASAP), présidée par un magistrat de la Cour des comptes et composée en outre de quatre personnalités qualifiées, nommées par les commissions chargées des finances et de la culture de l’Assemblée nationale et du Sénat, chargée d’évaluer annuellement le coût des missions de service public assignées aux sociétés de l’audiovisuel public et de proposer au Gouvernement et au Parlement une trajectoire financière pluriannuelle pour les sociétés de l’audiovisuel public, répondant au financement des priorités qu’elle estimerait nécessaires. Elle émettrait également un avis sur le montant de la dotation budgétaire prévu en projet de loi de finances et établirait un état annuel des moyens dédiés à l’audiovisuel extérieur en les comparant à ceux mis en œuvre au sein d’autres États comparables. »

Votre président et votre rapporteur émettent des réserves sur ce scénario, élaboré dans la perspective d’une budgétisation du financement de l’audiovisuel public. Ils jugent de telles commissions, que ce soit la KEF ou les adaptations proposées par les inspecteurs et les sénateurs, trop éloignées de notre culture politique et administrative. S’agissant du modèle du Haut conseil des finances publiques, il faut rappeler que ses avis ne sont pas contraignants, pas plus que les trajectoires définies par les lois de programmation propres à une politique publique ou les lois de programmation des finances publiques.

Ajouter une commission à côté de l’Arcom serait peu compréhensible au regard du contrôle que l’Autorité exerce déjà sur les nominations des dirigeants des entités et sur le respect des cahiers des charges. Comme le rappelait Mme Marie‑Christine Saragosse dans une contribution écrite adressée à la mission « les sociétés de l’audiovisuel public sont déjà soumises à un cadre de redevabilité très exigeant vis-à-vis de l’Arcom (compétente pour suivre les missions, les bilans et évaluer les actions de chaque société), du Parlement comme de leurs ministères de tutelle. Cela implique une lourde charge administrative chaque année (rapport d’exécution du cahier des charges, rapport d’exécution du COM, etc., sans compter les autres obligations légales de droit commun (déclaration de performance extra-financière, rapport de gestion et d’activité). »

Ces contrôles sont d’ailleurs entremêlés à celui opéré par leurs ministères de tutelle et par le Parlement, qui ne s’est jamais privé de formuler des critiques. C’est bien également notre Parlement, qui, en vertu de la Constitution et de la LOLF doit rester souverain dans l’affectation des crédits nécessaires au financement des services publics. Mais les conditions de ce financement doivent respecter l’indépendance de ce service public si singulier.

Les sénateurs ont évoqué le cadre de la détermination des crédits dévolus aux pouvoirs publics (Présidence de la République, Conseil constitutionnel, Assemblée nationale, Sénat, Cour de justice de la République). Ceux-ci déterminent eux-mêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement : il s’agit d’une règle inhérente au principe de leur autonomie financière, qui garantit la séparation des pouvoirs. Cet usage a été consacré par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2001‑457 DC du 27 décembre 2001 sur la loi organique relative aux lois de finances.

Il en résulte que les crédits de cette mission sont présentés à part dans les documents budgétaires (article 7 de la LOLF), même s’ils sont, comme les autres, soumis au vote du Parlement. Les procédures de contrôle interne et externe de leurs comptes dépendent des choix de leurs instances de gouvernance (Cour des comptes ou audits externes).

Les sénateurs ont finalement écarté pour les sociétés et établissement de l’audiovisuel public cette forme d’autonomie budgétaire car ces organismes ne peuvent être assimilés à des pouvoirs publics constitutionnels : « L’objectif à valeur constitutionnelle de pluralisme et d’indépendance des médias ne saurait en effet conférer un tel rang aux entreprises publiques de médias. »

II.   Une ressource affectée, garantie de l’indépendance

L’adéquation du financement public aux missions, sans régulation infra-annuelle des montants attribués, et la prévisibilité pluriannuelle de ces ressources constituent les piliers de l’indépendance de l’audiovisuel public que votre président et votre rapporteur souhaitent assurer. Mais de telles garanties se heurtent à notre Constitution ainsi qu’à notre cadre budgétaire, défini par la LOLF.

Les dirigeants de l’audiovisuel public avaient salué le choix de l’affectation d’une partie du produit de la TVA, bien que ce dernier soit partagé avec d’autres affectataires, la réforme ayant conduit à placer les organismes de l’audiovisuel public sur le même plan que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale, seuls bénéficiaires jusqu’alors, en dehors de l’État lui-même, d’une fraction de ce produit.

Le statut particulier d’ARTE-France justifie par ailleurs que soit créé un mode de financement spécifique, à même de garantir le respect des engagements internationaux de la France à l’égard de l’Allemagne.

A.   Conserver le compte de concours financiers pour pérenniser un financement par taxe affectée après 2024

La décision du Parlement de substituer à la CAP une fraction du produit de la TVA s’est assortie du maintien du compte de concours financiers. Doté de crédits limitatifs votés par le Parlement en seconde partie de la loi de finances, le compte de concours financier constitue une exception au principe de non-affectation, c’est-à-dire à l’interdiction d’affecter une recette à une dépense spécifique.

Le maintien du compte de concours financiers est indispensable pour maintenir l’affectation d’une partie du produit de la TVA à l’audiovisuel public et, du fait de sa nature juridique, il permet de prémunir les entités de la mise en réserve de certains crédits.

1.   L’indispensable maintien du compte de concours financiers pour prémunir les entités des régulations infra-annuelles

Les comptes de concours financiers sont conçus pour retracer les prêts et avances consentis par l’État.

Au plan budgétaire, le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public a été créé au 1er janvier 2006 par l’article 46 de la loi n° 2005‑1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 en remplacement du compte d’avances n° 903-60 Avances aux organismes de l’audiovisuel public.

Ainsi, le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public permettait à l’État d’avancer aux entités de l’audiovisuel public les recettes attendues de la CAP pour l’année à venir ([97]) ; il était également complété par une part de crédits budgétaires, issus du budget général de l’État. Les avances étaient versées chaque mois aux organismes bénéficiaires, à raison d’un douzième du montant prévisionnel des recettes du compte.

Le projet initial de budgétisation prévoyait deux garanties à même d’assurer aux entités que les crédits qui leur sont attribués en lois de finances ne seraient, à aucun moment, annulés ([98]) (annulation par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances en application de l’article 14 de la LOLF) ou mis en réserve (taux défini en loi de finances en application du 4° bis de l’article 51 de la LOLF). Était ainsi prévu le versement des avances en une seule fois en début d’exercice.

La loi de finances rectificative pour 2022 précitée a maintenu le compte de concours financiers et prévu qu’il soit exclusivement alimenté par une fraction du produit de la TVA. La mise en réserve des crédits ne concernant que les crédits du budget général, le compte de concours financiers en protège les organismes de l’audiovisuel public. S’agissant des annulations de crédits, elles ne pourraient être opérées que par le vote du Parlement sur un projet de loi de finances rectificative.

Ce dispositif du compte de concours financiers respecte ainsi le souhait formulé à maintes reprises par les organismes de l’audiovisuel public de bénéficier d’une taxe affectée (ici, une fraction), dotée d’un plafond de crédits voté en loi de finances.

2.   L’affectation d’une part de TVA : un système qui favorise le débat parlementaire

L’affectation d’une part de TVA au financement de l’audiovisuel public ne changera pas la mécanique antérieure qui consistait à piloter les crédits en fonction de la dépense attendue. En revanche, la discussion du financement en recettes (première partie de la loi de finances) et en dépenses (seconde partie) est favorable au débat parlementaire.

Avec la CAP, le Parlement pouvait agir, en première partie de la loi de finances, sur le montant des recettes en modulant le montant de la contribution : le droit d’amendement des parlementaires s’étendant en deuxième partie de la loi de finances aux dépenses du compte de concours financiers, c’est-à-dire aux dotations accordées aux organismes, à la hausse comme à la baisse ([99]). Ainsi le montant de la contribution, longtemps fixé à 139 euros en France métropolitaine, a été abaissé à 138 euros en application de larticle 88 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 – afin de tenir compte de la trajectoire d’économies décidée par le Gouvernement – et ce jusqu’à sa suppression. À l’inverse, entre 2010 et 2018, le montant de la contribution a été indexé sur lindice des prix à la consommation hors tabac avant que la loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 y déroge, comme toutes les lois de finances postérieures.

Le montant de la contribution, souvent considérée comme intouchable, était modifiable par le Gouvernement et le Parlement chaque année en loi de finances.

Il en est de même avec l’affectation d’une fraction de recette, dont le montant peut être aisément modifié en première partie de loi de finances avec, de surcroît, l’avantage de la lisibilité du montant inscrit en valeur absolue et l’absence de complément budgétaire comme variable d’ajustement.

3.   La nécessité d’une proposition de loi organique réformant la loi organique relative aux lois de finances

La possibilité, à droit constant, de conserver le mécanisme d’affectation d’une fraction du produit de la TVA pour financer l’audiovisuel public au-delà du 31 décembre 2024 a été au cœur des interrogations lors des auditions conduites par la mission d’information, ainsi que dans la presse.

En adoptant un amendement bornant au 31 décembre 2024 le système de financement retenu, les sénateurs ont alerté le Parlement et le Gouvernement sur l’incompatibilité du dispositif avec la dernière révision de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. L’exposé sommaire de l’amendement était ainsi rédigé « L’article 2 de [la LOLF], tel que modifié par l’article 3 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publique prévoit en effet qu’à partir de 2025, pour un tiers bénéficiant déjà d’une affectation de taxe, celle-ci ne peut être maintenue que si elle est en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. Or le lien entre consommation et audiovisuel public apparaît difficile à étayer. »

Auditionnés par la mission, les représentants de la direction du Budget ont clairement fait valoir que cette pérennisation serait incompatible avec l’article 2 de la LOLF dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2021 précitée. Ils écartaient d’ailleurs l’idée d’une nouvelle modification de la LOLF et privilégiaient un scénario de « normalisation » au sein du budget général de l’État.

Votre président et votre rapporteur sont d’accord avec eux s’agissant de l’incompatibilité, mais ils considèrent qu’il convient de modifier la LOLF dès que possible, et en tout état de cause avant le dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2025, afin de pérenniser le financement de l’audiovisuel public par une fraction de TVA. Il serait regrettable et périlleux que les dirigeants, les salariés et les partenaires des sociétés de l’audiovisuel public restent encore un an et demi sans connaître les conditions de leur futur financement.

En conséquence, votre président et votre rapporteur déposeront une proposition de loi organique portant modification de l’article 2 de la LOLF, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, applicable à compter du dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2025. Le dispositif proposé prévoit que des impositions de toutes natures puissent être directement affectées aux organismes de l’audiovisuel public.

 

Les spécificités de l’examen parlementaire des projets et propositions de loi organiques

Les lois organiques sont des lois prises dans les domaines limitativement énumérés par la Constitution pour en déterminer certaines modalités d’application. Comme elles prolongent directement le texte constitutionnel, la Constitution a entouré leur adoption de garanties procédurales supplémentaires :

‒ comme pour les lois ordinaires, les projets ou propositions de lois organiques ne peuvent être examinés par la première assemblée saisie qu’à l’expiration d’un délai de six semaines après leur dépôt. Toutefois, en cas d’engagement de la procédure accélérée, subsiste un délai spécifique, fixé à quinze jours, ce qui n’est pas le cas pour les autres lois ;

‒ il ne peut être présenté aucun amendement ou article additionnel tendant à introduire dans le projet ou la proposition des dispositions ne revêtant pas le caractère organique ;

‒ au-delà du lien « même indirect » qu’il doit avoir avec l’une des dispositions du projet ou de la proposition initialement déposé, un amendement, pour être recevable, doit avoir pour fondement l’un des articles ayant permis le dépôt du projet ou de la proposition organique ;

‒ en cas de désaccord entre les deux assemblées, la loi organique ne peut être adoptée en dernière lecture par l’Assemblée nationale qu’à la majorité absolue de ses membres.

4.   Un financement compensatoire pour France Télévisions : la taxe sur les services numériques

a.   L’exemple espagnol

Depuis la suppression de la publicité en Espagne, le financement de la Radiotelevisión española (RTVE) est mixte : une partie est assurée par le budget de l’État, une partie l’est par le produit de la taxe sur la réservation du domaine public de radioélectrique, et une partie résulte d’une contribution des opérateurs privés de télévision et de télécommunication. Cette dernière source de financement a été établie pour compenser la suppression des ressources publicitaires.

Ce point a été à l’origine de contestations de la part des opérateurs de télécommunications, ce qui a donné lieu au renvoi d’une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne, à l’initiative des juridictions espagnoles. Par une loi 13/2002 du 7 juillet 2022 ([100]), la contribution des services de télécommunication a été remplacée par une taxe sur le chiffre d’affaires des plateformes numériques. Il est donc intéressant de voir que la part publicitaire des ressources de l’audiovisuel public espagnol a été remplacée par une contribution des géants numériques qui accaparent progressivement des parts de marché publicitaire.

b.   En France, la taxe sur les services numériques

En attendant l’entrée en vigueur d’une réforme de la fiscalité des multinationales dans le cadre de l’OCDE ([101]), la France a elle-même décidé, par la loi n° 2019‑759 du 24 juillet 2019, d’adopter une taxe sur les services numériques (TSN) ([102]).

Cette taxe s’élève à 3 % du chiffre d’affaires numérique réalisé en France. Elle concerne les recettes tirées :

– des prestations de ciblage publicitaire qui s’appuient sur les données collectées auprès des internautes, notamment via les moteurs de recherche et les réseaux sociaux ;

– de la mise à disposition d’un service de mise en relation entre internautes, que ce service permette ou non à ces internautes de réaliser des transactions directement entre eux ;

– de la vente des données utilisateurs à des fins publicitaires.

Cette taxe s’applique aux entreprises qui réalisent 750 millions d’euros de chiffre d’affaires numérique au niveau mondial et 25 millions d’euros de chiffre d’affaires numérique en France, soit vraisemblablement Meta, Google, Amazon, Apple ou encore Snapchat. La part des revenus rattachée au territoire national est calculée à partir des revenus mondiaux auxquels est appliqué un coefficient de présence numérique en France.

Cette modalité de calcul exclut de facto la quasi-totalité des sociétés françaises. Le secret fiscal ne permet pas d’avoir connaissance de la liste des sociétés assujetties mais plusieurs articles de presse font état du fait que Leboncoin, société d’origine française désormais à capital norvégien et Criteo, société française, pourraient y être assujetties.

Le rendement des recettes de la taxe progresse chaque année.

Rendement annuel de la taxe sur les services numériques

(en millions d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

2023

Rendement

277

375

474

518

670

Source : documents budgétaires.

Le dynamisme des recettes s’explique principalement par l’accélération de la numérisation de l’économie pendant la crise sanitaire. Ces transformations ont notamment été favorables à l’activité des entreprises visées par la taxe (les activités de plateformes d’intermédiation, de publicité ciblée en ligne et de vente de données personnelles à des fins publicitaires).

Vos rapporteurs proposent d’affecter une fraction du produit de cette taxe à France Télévisions, en compensation de l’interdiction de recours aux annonceurs entre 20 heures et 6 heures. À terme, un relèvement du taux de cette taxe devra être examiné.

Il est raisonnable de penser qu’il existe un lien entre la taxe et les missions de l’audiovisuel public au sens du deuxième alinéa du II de l’article 2 de la LOLF ([103]) mais la proposition de loi organique du président et du rapporteur évoquée supra sera de nature à sécuriser le mécanisme d’affectation.

B.   Un prélèvement sur recettes au profit de la chaîne culturelle européenne ARTE-France

Le recours à un prélèvement sur recettes (PSR) pour financer l’ensemble des organismes de l’audiovisuel public français est une idée proposée par M. Bruno Studer, député et ancien président de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, qu’il a formalisée par le dépôt d’une proposition de loi organique visant à garantir le financement indépendant de l’audiovisuel public ([104]).

Le PSR est un outil budgétaire dérogatoire ([105]), prévu à l’article 6 de la LOLF, qui permet de rétrocéder un montant déterminé des recettes de l’État au profit des collectivités territoriales ou de l’Union européenne. Les PSR sont apparus en 1969 pour compenser à certaines collectivités territoriales la suppression d’impôts locaux, puis en 1971 pour assurer une contribution au budget des Communautés européennes.

Le principal avantage des PSR est d’assurer un budget prévisible, évaluatif, et non soumis à variations infra-annuelles.

Les PSR permettent à des opérations a priori assimilables à des dépenses, car donnant lieu à des décaissements, d’être traitées comme des opérations sur recettes.

S’agissant du prélèvement au profit de l’Union européenne, son utilisation fait l’objet d’un débat global suivi d’un vote.

Avant la réforme, les crédits étant sortis du budget de l’État, les documents budgétaires ne détaillaient pas leur utilisation. La loi organique du 28 décembre 2021 précitée a en effet amélioré l’information du Parlement par la création d’un rapport sur la situation des finances publiques locales. Aussi, le dernier alinéa de l’article 6 de la LOLF, dans sa rédaction résultant de l’article 7 de la loi organique du 28 décembre 2021 précitée a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-831 DC du 23 décembre 2021, sous la réserve énoncée au paragraphe 36 aux termes de laquelle « les documents joints au projet de loi de finances de l’année en application de l’article 51 de cette même loi organique devront comporter des justifications aussi précises sur ces prélèvements qu’en matière de recettes et de dépenses. En outre, l’analyse des prévisions de chaque prélèvement sur les recettes de l’État devra figurer dans une annexe explicative. » Aussi, le paragraphe 34 de la même décision prévoit que le législateur organique puisse créer des PSR « dès lors que sont précisément et limitativement définis les bénéficiaires et l’objet des prélèvements sur les recettes de l’État, et que sont satisfaits les objectifs de clarté et d’efficacité du contrôle parlementaire. »

Les PSR sont régulièrement critiqués par la Cour des comptes, qui y voit une dérogation aux principes d’unité et d’universalité budgétaires. Aussi votre président et votre rapporteur considèrent-ils que l’usage d’un prélèvement sur recettes doit être limité dans son objet et justifié par des principes qui dépassent le cadre organique.

Or il faut revenir trente ans en arrière pour se souvenir que la chaîne culturelle européenne ARTE a été créée par un traité international, conclu le 2 octobre 1990 entre la France et les États fédérés de la République fédérale d’Allemagne puis ratifié.

Comme tous les traités, il s’impose aux lois organiques et ordinaires nationales, en application de l’article 55 de la Constitution.

Ce traité prévoit ([106]) et organise l’indépendance éditoriale et financière de chacune des composantes de la chaîne (groupement européen d’intérêt économique – GEIE – , pôle allemand, pôle français).

 

Il résulte ainsi d’une norme internationale que le pôle d’ARTE-France est tenu de fournir les programmes et les moyens financiers nécessaires au fonctionnement de la chaîne franco-allemande, et ce dans une proportion strictement équivalente à celle de la partie allemande, sur la base du budget arrêté par l’assemblée générale du GEIE.

Pour les représentants d’ARTE-France entendus par la mission, « la détermination des ressources publiques attribuées au pôle français afin de lui permettre de remplir ses obligations internationales vis-à-vis du GEIE obéit à des règles propres et échappe à la détermination exclusive par le Parlement français, prévue pour le droit commun des organismes financés par l’État. »

Votre président et votre rapporteur considèrent que cet argument justifie la création d’un PSR au profit d’ARTE. Un tel mécanisme contribuerait au respect des engagements internationaux de la France en assurant l’indépendance financière de la chaîne ([107]) et la parité de l’apport de l’État français au financement du GEIE par rapport à celui versé par la partie allemande.

La distinction du financement d’ARTE-France et des autres entités aura aussi du sens compte tenu de la durée des COM que votre président et votre rapporteur préconisent : quatre ans pour ARTE-France (cinq ans pour les autres entités), conformément au budget prévisionnel élaboré par le GEIE et à la durée de la procédure parallèle d’évaluation des besoins financiers d’ARTE-Deutschland, également établie sur quatre ans.

C.   Les vraies garanties d’indépendance passent par le niveau de financement et le respect de la trajectoire attendue

La liberté de la radiodiffusion consacrée par la loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne garantit un financement de l’audiovisuel public conforme à ses besoins. ARTE-Deutschland bénéficie ainsi d’une visibilité pluriannuelle garantie jusqu’en 2024 et travaille d’ores-et-déjà sur le financement pour la période 2025-2028, les radiodiffuseurs ayant dû formaliser leurs besoins de financement pour ces quatre années au plus tard le 30 avril 2023.

Ainsi, la proposition d’allonger la durée des COM à cinq ans (quatre ans pour ARTE-France) est un élément non négligeable de prévisibilité puisque les COM comportent une trajectoire financière négociée avec les entités. Reste que l’État doit être contraint à les respecter.

Comment s’engager sur des productions, souvent des co-productions, sans la garantie de bénéficier d’un financement assuré ? Une œuvre patrimoniale met en moyenne trois ans à se réaliser. Comment construire une grille de programmes sans cette prévisibilité ?

1.   Le respect pluriannuel des engagements financiers de l’État

a.   La Constitution ne permet pas une pluriannualité contraignante

Le Parlement est, chaque année, souverain pour la détermination des ressources et des charges de l’État. Il ne saurait se lier les mains pour l’avenir et s’auto-contraindre. Quand bien même les lois de programmation des finances publiques fixent une trajectoire budgétaire pluriannuelle, le Parlement peut y déroger. D’ailleurs, la CAP ne constituait pas, en soi, une garantie des ressources puisque son montant était voté chaque année en loi de finances et que son produit était complété d’une part budgétaire.

Le principe d’annualité budgétaire découle de la Constitution, même s’il n’y figure pas explicitement. C’est le Conseil constitutionnel, dans une décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001 qui a jugé que « le principe de l’annualité de la loi de finances […] découle de l’article 47 de la Constitution ». Ce même article 47 de la Constitution dispose que « Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique ».

En se prononçant sur la portée des lois de programmation des finances publiques, le Conseil constitutionnel, dans une décision n° 2012-653 DC, Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, a rappelé que les rendre contraignantes nécessiterait une réforme constitutionnelle : « Considérant que la Constitution fixe les prérogatives du Gouvernement et du Parlement dans l’élaboration et l’adoption des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ; que le principe de l’annualité des lois de finances découle des articles 34 et 47 de la Constitution et s’applique dans le cadre de l’année civile ; qu’introduire directement des dispositions contraignantes et permanentes imposant le respect des règles relatives à l’équilibre des finances publiques exige la modification de ces dispositions constitutionnelles » ([108]).

Dès lors, comment répondre au besoin de prévisibilité des entités de l’audiovisuel public et du secteur privé qui travaillent en collaboration pour constituer les grilles des programmes dans le respect de notre Constitution ? Le Parlement doit veiller à assurer à l’audiovisuel public les moyens d’assurer les missions que lui assignent la loi et les COM et ce sur la durée, en respectant ses propres engagements financiers.

b.   Annexer les COM aux lois de programmation des finances publiques

Rien n’est plus fort, formellement, que le Parlement, tel que la Constitution l’a prévu, et les parlementaires peuvent, chaque année, juger des priorités budgétaires présentées par le Gouvernement.

La loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a créé les lois de programmation des finances publiques qui sont des lois ordinaires fixant – pour une période de trois ans minimum – une trajectoire d’évolution de l’ensemble des finances publiques.

Depuis la ratification, le 22 octobre 2012, du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance et l’adoption de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, les lois de programmations des finances publiques ont vocation à assurer le respect des dispositifs européens de discipline budgétaire ([109]). Elles prévoient le respect des règles relatives à l’équilibre des finances publiques, mais leur portée juridique réelle demeure assez relative, le non-respect de leurs dispositions étant fréquent et ne faisant pas l’objet, à proprement parler, de sanctions. Le vote de la représentation nationale s’inscrit dans une démarche de gestion pluriannuelle des finances publiques tendue vers l’équilibre budgétaire.

Les dispositions de la loi organique n° XX relative à la modernisation de la gestion des finances publiques du 28 décembre 2021 ont enrichi le contenu et renforcé la portée des lois de programmation des finances publiques. Le Parlement disposera à l’avenir d’informations et de capacité de contrôle accrus. L’exposé sommaire du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ([110]) précise d’ailleurs que « le législateur financier pourra, en particulier, année après année, observer la cohérence entre les textes financiers annuels et la trajectoire sur laquelle s’engage le Gouvernement ». En effet, c’est le Haut conseil des finances publiques qui est chargé de se prononcer sur le respect des objectifs de dépenses des administrations publiques au regard des orientations pluriannuelles définies dans la loi de programmation des finances publiques et de vérifier la cohérence de la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques avec les engagements européens de la France. Depuis l’entrée en vigueur de la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques du 28 décembre 2021 précitée le Haut conseil apprécie le réalisme des prévisions macroéconomiques et de finances publiques du Gouvernement et se prononce sur la cohérence des objectifs annuels présentés dans les textes financiers avec les objectifs pluriannuels de finances publiques.

Faut-il renforcer la portée contraignante des lois de programmation des finances publiques ? Le débat ne cesse d’animer la représentation nationale mais il se heurte, quelle que soit la politique publique concernée, au cadre constitutionnel.

À cadre constitutionnel constant, les lois de programmation des finances publiques revêtent une forme de solennité qu’il revient aux parlementaires de respecter par leur vote à l’occasion des lois de finances.

En matière de finances publiques affectées à l’audiovisuel public, seuls les COM (qui deviendront les futures conventions stratégiques pluriannuelles) concourent aujourd’hui à l’objectif de prévisibilité, mais sans garanties et sur une durée jugée trop courte. Pourtant ils sont bâtis sur une trajectoire pluriannuelle, gage de bonne gestion par l’anticipation des recettes et des charges à venir et par la possibilité de planifier les dépenses et les investissements. L’allongement de leur durée sera de nature à améliorer l’engagement financier de l’État et les conditions d’exercice des missions de l’audiovisuel public.

Votre président et votre rapporteur proposent de renforcer le caractère contraignant des COM en les complétant d’une trajectoire financière et en les annexant aux lois de programmation des finances publiques, comme le permet la combinaison de l’article 1 E de la LOLF qui prévoit qu’« un rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques et donnant lieu à approbation par le Parlement indique : […] 8° Toute autre information utile au contrôle du respect des plafonds et objectifs mentionnés aux 2° et 3° de l’article 1er B, notamment les principes permettant de comparer les montants que la loi de programmation des finances publiques prévoit avec les montants figurant dans les lois de finances de l’année et les lois de financement de la sécurité sociale de l’année » ([111]), et de l’article 1 B de la même loi organique aux termes duquel « outre celles mentionnées à l’article 1er A, les orientations pluriannuelles des finances publiques définies par la loi de programmation des finances publiques comprennent, pour chacun des exercices auxquels elles se rapportent : […] 2° Un montant maximal pour les crédits du budget général de l’État, pour les prélèvements sur les recettes de l’État ainsi que pour les créations, suppressions ou modifications d’impositions de toutes natures affectées à des personnes publiques ou privées autres que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de sécurité sociale […] ».

2.   Un niveau de financement compatible avec les missions assignées à l’audiovisuel public

a.   Le Conseil constitutionnel n’a pas lié la question de l’indépendance de l’audiovisuel public à la nature du circuit de financement, mais bien au niveau de financement

La décision du Conseil constitutionnel n° 2022-842 DC du 12 août 2022, Loi de finances rectificative pour 2022 résulte de la saisine de 60 députés et 60 sénateurs dont les griefs sont reproduits ci-après : « Les sénateurs et députés requérants reprochaient [au dispositif prévu à l’article 6 du projet de loi] de priver de garanties légales la liberté de communication des pensées et des opinions ainsi que l’indépendance et le pluralisme des médias, faute d’assurer la pérennité du financement de l’audiovisuel public. Au soutien de ce grief, ils faisaient valoir qu’elles ne prévoient l’affectation à ce secteur d’une fraction de taxe sur la valeur ajoutée que jusqu’au 31 décembre 2024. En outre, pour les années 2023 et 2024, les députés faisaient valoir que le montant affecté n’était pas garanti, dès lors que le législateur peut le modifier, et les sénateurs faisaient valoir que les modalités de détermination de ce montant étaient insuffisamment définies. Pour les mêmes motifs, les sénateurs requérants soutenaient que ces dispositions étaient entachées d’incompétence négative.

Les députés requérants estimaient également qu’elles méconnaissaient un principe fondamental reconnu par les lois de la République, qui résultait selon eux de la loi du 31 mai 1933 précitée, en vertu duquel le secteur de l’audiovisuel public devrait être financé par une redevance.

Enfin, les députés alléguaient que ces dispositions présentaient une complexité excessive, en méconnaissance de l’objectif d’intelligibilité de la loi. »

Dès sa décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009 ([112]), le Conseil constitutionnel a précisé que la garantie des ressources de laudiovisuel public constituait lun des éléments assurant son indépendance.

Dans le considérant 18 de cette même décision, le Conseil indique que l’interdiction de la publicité sur France Télévisions prévue par la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision « qui a pour effet de priver cette société nationale de programme d’une part significative de ses ressources, doit être regardée comme affectant la garantie de ses ressources, qui constitue un élément de son indépendance ». Le considérant 19 précise que « dans le respect de l’indépendance de France Télévisions, il incombera donc à chaque loi de finances de fixer le montant de la compensation financière par l’État de la perte de recettes publicitaires de cette société afin qu’elle soit à même d’exercer les missions de service public qui lui sont confiées. »

Après avoir rappelé sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel s’est dit « attentif, dans le cadre de son contrôle du respect de la liberté de communication des pensées et des opinions, à ce que, dès lors qu’il organise un tel secteur [audiovisuel], le législateur prévoie un ensemble de garanties propres à assurer l’expression effective des différents courants de pensée dans les programmes proposés aux auditeurs et téléspectateurs et notamment, à ce titre, à ce que soit assurée une indépendance des concepteurs de ces programmes à l’égard d’intérêts publics et privés. Ainsi que ceci a été expressément jugé en 2009 par le Conseil constitutionnel, la garantie donnée par la loi au secteur public de l’audiovisuel quant à ses ressources constitue un élément de cette indépendance. »

Dans sa décision du 12 août 2022, loi de finances rectificative pour 2022, le Conseil a jugé l’article 6 du projet de loi de finances rectificative pour 2022 (PLFR) conforme à la Constitution tout en précisant qu’« il incombera au législateur, d’une part, dans les lois de finances pour les années 2023 et 2024 et, d’autre part, pour la période postérieure au 31 décembre 2024, de fixer le montant de ces recettes afin que les sociétés et l’établissement de l’audiovisuel public soient à même d’exercer les missions de service public qui leur sont confiées » (paragraphe 30).

C’est donc le Conseil constitutionnel qui est juge du respect du niveau de financement attribué à l’audiovisuel public afin que les sociétés soient à même d’exercer les missions de service public qui leurs sont confiées. Il s’est en effet dit « juge du respect de ces exigences ». À ceci près, comme l’indique le rapport des inspections générales de juin 2022, antérieur à la décision du Conseil constitutionnel que « si une compensation significative a bien été prévue en 2009, les lois de finances ont progressivement réduit leur niveau, avant de la supprimer totalement en 2018, sans que le Conseil constitutionnel ne rappelle la réserve d’interprétation qu’il avait posée en 2009, et sans qu’il ne censure ce non-respect de la garantie des ressources telle qu’il l’avait énoncée. » Les auteurs du rapport rappellent d’ailleurs à juste titre que « dans la mesure où le Conseil constitutionnel n’a pas l’obligation, lorsqu’il est saisi d’un projet de loi, de se saisir d’office d’une disposition, il n’est pas possible d’interpréter son silence à cet égard ».

b.   Contrainte budgétaire et pression sur les effectifs : les limites de l’exercice ?

 Une trajectoire financière contrainte entre 2018 et 2022

L’exercice 2022 constituait la dernière année de la trajectoire pluriannuelle de diminution des dotations de l’État aux entreprises de l’audiovisuel public, qui prévoyait 190 millions d’euros d’économies entre 2018 et 2022 par rapport à la somme prévue dans les COM conclus entre 2015 et 2017. Ce plan avait pour objectifs d’adapter le secteur à son environnement, notamment technologique, et de contribuer au redressement des finances publiques par une exigence d’efficacité accrue. La baisse des dotations s’est poursuivie sur la période, conformément à la trajectoire d’économies annoncée. En effet selon l’Arcom ([113]), au terme de l’exercice 2022, « les entreprises de l’audiovisuel public auront respecté l’intégralité de la trajectoire d’économies de 190 millions d’euros fixée par l’État pour la période 2019-2022 ».

 

Le plan d’économies décidé par le Gouvernement en juillet 2018 s’est traduit, entre 2019 et 2022, par une baisse des dotations de 6,3 % pour France télévisions, de 3,3 % pour Radio France et de 1,4 % en moyenne pour les autres entités, ceci hors plan de relance.

Les représentants de la SACD auditionnés par la mission ont salué le fait que les engagements de production de France Télévisions n’avaient pas pour autant diminué sur le cinéma et l’audiovisuel malgré les baisses de ressources.

évolution des dotations publiques

(en millions d’euros TTC)

 

2018

2019

2020

2021

2022

LFI 2023

Évolution 2018-22

France Télévisions

2 567,9

2 543,1

2 481,9

2 421,0

2 406,803

2 430,514

- 161,1

ARTE-France

285,4

283,3

281,1

279,0

278,646

303,464

- 6,8

Radio France

608,8

604,7

599,6

591,4

588,792

623,406

- 20,0

FMM

263,2

261,5

260,5

260,0

259,563

284,734

- 3,6

INA

90,4

89,2

88,2

89,7

89,738

93,629

- 0,7

TV5 Monde

79,0

77,7

77,7

77,7

77,774

79,966

- 1,2

total

3 894,7

3 859,6

3 789,0

3 719,0

3 701,3

3 815,7

- 193,4

Source : Cour des comptes d’après données budgétaires.

Dotations aux sociétés de l’audiovisuel public

(en millions d’euros TTC)

Source : Cour des comptes d’après données budgétaires.

En conséquence des demandes des autorités de tutelle, les sociétés et établissement de l’audiovisuel public ont réalisé ces dernières années d’importants efforts d’économies qui se sont traduits par une diminution du nombre d’emplois permanents : - 1 495 équivalents temps plein en dix ans ([114]) et - 605 ETP depuis 2019 sur un total de 7 693 ETP permanents en 2022 chez France Télévisions, par exemple.

Un accord de rupture conventionnelle collective a été mis en place par Radio France en octobre 2020 (accord « Emploi 2022 »), prévoyant 340 départs volontaires d’ici 2022 (en partie réalisé), la plupart sur les fonctions supports, désormais mieux optimisées, mais également au cœur des métiers de la Maison de la radio et de la musique avec, par exemple, la réduction d’un tiers des effectifs du chœur symphonique de Radio France et la fermeture des antennes locales de FIP.

Selon M. Laurent Vallet, président directeur général de l’INA, depuis 2015, l’établissement a réduit ses effectifs de près de 7 %.

Pour la plupart des organismes, cela s’est traduit par une hausse des effectifs non permanents, mais dans une bien moindre mesure. Lorsque des emplois ont été créés c’est le plus souvent pour accélérer le développement numérique et les projets éditoriaux tels que la chaîne publique d’information en continu ou encore le développement de l’offre de proximité.

Le tableau suivant est issu des rapports annuels de performances du compte Avances à l’audiovisuel public accompagnant les lois de règlement des années 2018 à 2022.

Nombre d’Emplois par entreprise de l’audiovisuel public

(en équivalent temps plein)

Organisme

Type d’emploi

2017

2018

2019

2020

2021

2022

France télévisions

Permanent

 

 

8 298

7 969

7 871

7 693

Non permanent

 

 

1 158

1 053

1 179

1 257

ARTE-France ([115])

Permanent

279,9

248,4

249,3

267,45

271,4

272,3

Non permanent

France médias monde

Permanent

1 339

1 369

1 373

1 364

1 375

1 375

Non permanent

413

409

384

359

383

408

INA

Permanent

925

920

915

921

898

882

Non permanent

70

74

68

75

61

68,8

Radio France

Permanent

 

 

4 102

4 088

4 071

4 070

Non permanent

 

 

375

383

414

415

 L’année 2023, une année particulière

L’année 2023 constitue un tournant du fait du changement de mode de financement (première année pleine) qui a induit des effets fiscaux non négligeables auprès des entités. Pour l’essentiel, il s’agit de l’assujettissement à la TVA ([116]) et du paiement de la taxe sur les salaires ([117]). L’État a pris ses responsabilités et intégralement compensé ces effets (estimés à 78,6 millions d’euros) ([118]). Il faudra que le législateur reste attentif à la pérennisation de ces compensations qui constituent des « effets de bords » de la réforme.

Hors compensation de ces effets fiscaux, l’augmentation de la dotation s’est élevée à 112 millions d’euros entre 2022 et 2023, couvrant, selon la rapporteure pour avis « principalement le financement de l’augmentation tendancielle de l’activité des entités (pour les projets en cours, notamment), l’accroissement de leur masse salariale en lien avec le "glissement vieillesse technicité", et la compensation des effets de l’inflation ».

La rapporteure pour avis rappelait que, « hasard des chiffres, la hausse des dotations prévue pour 2023 [190 millions d’euros] correspond précisément au montant de la trajectoire de baisse des crédits décidée par le Gouvernement en 2018 et mise en œuvre jusqu’en 2022 ». Le Plan de relance a constitué un complément, échelonné sur les exercices 2021 et 2022 et doté de 73 millions d’euros. Il a permis aux opérateurs « de jouer leur rôle d’amortisseur de crise pour l’écosystème audiovisuel, artistique et culturel » ([119]).

Votre président et votre rapporteur considèrent que nous sommes arrivés en 2023 au terme de l’exercice de contrainte budgétaire, les entités devant faire face à leurs engagements et à leurs besoins dans de bonnes conditions, sans restreindre les budgets des programmes. Si la tendance se poursuivait, elle engendrerait de vrais risques pour le financement de la création (voir supra) et le niveau des emplois.

 Le financement de l’audiovisuel public français se situe à la 15e place européenne

Si l’on se place dans une perspective européenne, il faut relever qu’avec un financement des médias de service public à hauteur de 0,16 % du PIB, la France se situait en 2021 à la quatorzième place européenne, loin derrière le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Autriche ou l’Espagne. Cela représentait la même année 62 euros par habitant en France contre 115 euros en Allemagne et 113 euros au Royaume‑Uni.

 

Recettes d’exploitation des médias de service public (2021)

(en euro par habitant)

Source : présentation de l’UER.

 

Si l’on analyse les effectifs des principaux groupes audiovisuels publics européens, en 2019, la BBC comptait 21 800 emplois, l’ARD et la ZDF allemandes 31 100, la RAI italienne 12 700 emplois et RTVE en Espagne 6 600 emplois. Avec un peu plus de 16 000 emplois permanents et non permanents, l’audiovisuel public Français se situe dans la moyenne européenne.

c.   Quelle dynamique de financement ?

En proposant une réforme de la gouvernance des principales entités de l’audiovisuel public, votre président et votre rapporteur n’envisagent pas d’économies de structures à court terme. Un tel projet doit s’inscrire dans une dynamique nouvelle de poursuite de projets structurants et de développement de nouveaux axes de transformation, telle que la mise en commun des moyens numériques.

Ces nouveaux projets, pilotés par la holding, en lien avec les directeurs généraux des entités concernées, pourront nécessiter des financements supplémentaires. Il reviendra au PDG de la holding de négocier la trajectoire financière de son COM, à même de mettre en œuvre les orientations stratégiques de l’entreprise.

Sur le temps long, une fois les structures mises en place, il conviendra de prendre en compte une trajectoire dynamique de financement afin de sécuriser l’audiovisuel public face à l’inflation. C’est d’ailleurs ce qui était prévu par le code général des impôts s’agissant de la CAP (article 1605 du code général des impôts auquel les lois de finances pour 2019, 2020, 2021 et 2022 ont systématiquement dérogé). Le montant de la CAP était ainsi indexé chaque année sur l’indice des prix à la consommation hors tabac, tel qu’il est prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l’année considérée. Votre président et votre rapporteur sont favorables à la prise en compte de l’inflation dans la détermination des crédits affectés à l’audiovisuel public, à condition de contenir strictement les dépenses de fonctionnement non affectées par l’inflation.

La Belgique dispose d’un tel mécanisme, ainsi que l’a exposé aux membres de la mission M. Jean-Paul Philippot, administrateur général de la Radio-télévision belge de la communauté française (RTBF). La dotation inclut une péréquation sur la base de deux critères : le coût de la vie avec une indexation sur l’inflation ‒ les salaires belges étant indexés sur l’inflation ‒ et une majoration supplémentaire de 2 % ([120]). La dotation à la RTBF a ainsi augmenté de 15 % entre 2022 et 2023.

Jusqu’en 2018 la dotation publique à la Radio Télévision Suisse francophone (RTS) suivait l’évolution de la population du pays. En France, la démographie est prise en compte pour la détermination des seuils de concentration applicables à la possession de services de radio et de services de télévision locaux.

Si les recettes de notre audiovisuel public stagnent et que l’inflation se poursuit, les sociétés publiques risquent de subir une véritable marginalisation face à la puissance financière des plateformes audiovisuelles.


  1 

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles et de l’éducation s’est réunie le mercredi 7 juin 2022 pour examiner le rapport d’information présenté par M. JeanJacques Gaultier, président, et M. Quentin Bataillon, rapporteur, en conclusion des travaux de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public ([121]).

Mme la présidente Isabelle Rauch. Mes chers collègues, nous allons examiner ce matin les rapports de deux missions d’information lancées à l’automne dernier. Le premier rapport est celui de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Cette mission est composée de vingt membres, elle est présidée par Jean-Jacques Gaultier et son rapporteur est Quentin Bataillon. Elle a été créée dans le contexte de la réforme de l’audiovisuel public actée en juillet dernier par la suppression de la contribution à l’audiovisuel public et alors que les contrats d’objectifs et de moyens (COM) de ces entités ont été prolongés d’une année afin de permettre une réflexion de fond. La mission a effectué un nombre impressionnant d’auditions et de visites. Je sais que mes collègues ont de nombreuses questions à vous poser, aussi je me limiterai à une seule question qui me tient particulièrement à cœur, en tant que frontalière : comment avez-vous pris en compte les spécificités de la chaîne de service public franco-allemande ARTE, qui est régie par un traité international ? Je vous donne la parole pour une vingtaine de minutes à vous deux afin que vous nous présentiez les conclusions de vos travaux.

M. Jean-Jacques Gaultier, président de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Merci madame la présidente. Nous sommes très heureux de pouvoir exposer nos travaux après sept mois d’auditions. Nous avons rencontré plus de deux cents personnes et nous avons effectué de nombreux déplacements, en France comme à l’étranger – notamment au siège de la British Broadcasting Company (BBC). Si notre mission s’intitule « mission sur l’avenir de l’audiovisuel public », c’est tout d’abord parce que nous croyons que l’audiovisuel public a un avenir. Il a un rôle central, lié à des enjeux démocratiques à une époque où l’information peut être manipulée à des fins commerciales ou politiques. D’ailleurs, près de 80 % des jeunes croient en une théorie du complot. Il répond aussi à un enjeu de souveraineté culturelle, à une époque où nous risquons d’assister à une uniformisation de la culture autour de plateformes américaines ou chinoises. Enfin, nous voyons un enjeu économique dans la mesure où l’audiovisuel français reste de loin le premier financeur de la création artistique, qu’il s’agisse des fictions françaises, des documentaires, des films d’animation et bien entendu des droits d’auteur.

Dans notre rapport, nous avons souhaité effectuer une comparaison par rapport à nos voisins européens. Le niveau de financement de l’audiovisuel français se situe à un niveau moyen par rapport aux autres pays européens. Il est presque deux fois moindre – rapporté à la population – qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni, légèrement plus faible qu’en Suisse ou en Belgique mais supérieur à celui de l’Italie ou de l’Espagne. Nous constatons une spécificité française au niveau de l’organisation de l’audiovisuel public, qui est davantage morcelée que dans les autres pays européens. Une autre particularité est liée au fait que la publicité a été bannie sur bon nombre de chaînes publiques européennes. Elle est totalement absente au Royaume-Uni, en Espagne et dans les pays d’Europe nordique (Danemark, Norvège, Suède, Finlande) et presque absente en Allemagne (complètement absente après vingt heures, le week-end et les jours fériés).

Notre rapport est centré sur le financement de l’audiovisuel public. Nous énumérons tout d’abord les options qui nous semblent inenvisageables, en commençant par la création d’une nouvelle taxe qui remplacerait la contribution qui a été supprimée. Ce serait une décision difficilement soutenable dans un pays où le taux de prélèvement obligatoire atteint 45 % que de recréer un impôt après en avoir supprimé un. En outre, la gestion d’une ressource fiscale de seulement 3,2 milliards d’euros serait problématique. Nous avons également écarté l’hypothèse de la budgétisation dans la mesure où quasiment toutes les personnes que nous avons auditionnées y étaient défavorables. Les deux principales raisons sont un risque d’attrition des ressources publiques (comme en Espagne ou aux Pays-Bas) et un risque réputationnel compte tenu d’une forme de dépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif. Nos voisins allemands nous ont notamment exhortés à ne pas transformer les médias publics en médias gouvernementaux.

Nous soutenons en revanche la solution transitoire qui a été imaginée par les parlementaires à l’été dernier. Le dispositif est censé se terminer fin décembre 2024 (sauf évolution législative) et les personnes auditionnées encouragent à pérenniser un tel mode de financement. Deux conditions préalables ont été cependant formulées : déposer une proposition de loi organique modifiant la LOLF et permettant de pérenniser cette solution, et créer un dispositif spécifique pour la chaîne ARTE-France, qui comme vous l’avez souligné, est régie par un traité inter-étatique depuis 1990 et avait été écartée du projet de holding en 2020. Nous proposons d’utiliser un prélèvement sur recettes (PSR) à l’aide d’un outil dérogatoire réservé aux collectivités locales et à l’Union Européenne, et il se trouve qu’ARTE est une chaîne européenne. Cela permettrait de montrer que la France respecte ses engagements européens en la matière. Le financement serait assuré par trois ressources : la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), le PSR pour ARTE et les ressources propres – sachant que le recours à la publicité doit rester limité, comme l’ont bien compris nos voisins européens. Nous proposons de supprimer les annonces publicitaires entre vingt heures et six heures, et de compenser ce manque à gagner pour France Télévisions par le biais de la taxe sur les services numériques. Cette taxe s’applique aux plateformes de partage de contenus qui réalisent plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires au niveau mondial et plus de 25 millions d’euros en France, c’est-à-dire des acteurs tels que Google, Amazon, Meta (Facebook) et Apple. Cette taxe est extrêmement dynamique. Les revenus publicitaires de ces géants d’internet augmentant, nous pourrions prélever une partie de ces recettes pour compenser la baisse des revenus publicitaires de l’audiovisuel public.

Nous proposons également des mesures visant à améliorer la gouvernance mais nous aurons certainement l’occasion de détailler ce point en répondant à vos questions. En résumé, je pense que nous avons besoin de davantage de convergence, de cohérence et de coopération, en allant plus vite, plus loin, plus fort et plus efficacement sur la voie où nous nous sommes déjà engagés. J’insiste une nouvelle fois sur une exception française avec la coexistence de six entités audiovisuelles publiques là où nos voisins belges, suisses ou britanniques n’ont souvent qu’une seule institution regroupant la télévision, la radio et les services numériques.

Nous estimons que la priorité doit être donnée à l’information. Les Français sont attachés à l’audiovisuel public, qui rassemble environ 30 % de l’audience, à la télévision comme à la radio, mais ils sont assez critiques à l’égard de la qualité des informations communiquées dans les médias (publics comme privés). L’audiovisuel public a un rôle majeur à jouer pour proposer une information fiable, vérifiée et indépendante. Je rappelle que 85 % des jeunes croient à une théorie du complot. Pour ceux qui ne vérifient pas les sources d’information, l’audiovisuel public doit délivrer un message très fort. Il se doit aussi de garantir un accès large et démocratique à la culture et au sport. Enfin, indépendamment de la numérisation, nous nous devons de moderniser la TNT par l’introduction de l’ultra-haute définition. La TNT reste le seul moyen de recevoir la télévision pour 20 % des Français.

M. Quentin Bataillon, rapporteur de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Madame la présidente, chers collègues, nous sommes heureux de vous présenter aujourd’hui les conclusions communes et transpartisanes de notre mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Nous avons fait le choix d’une méthodologie exigeante afin d’apporter une réponse complète et d’aboutir à des propositions fortes et crédibles. Dès le lancement de la mission, nous nous sommes engagés à auditionner tous les représentants qui le souhaitaient. Nous avons ainsi réalisé soixante-quinze heures d’auditions avec plus de deux cents personnes et nous nous sommes déplacés auprès de plus de cinquante entités d’audiovisuel public. Nous avons rencontré les responsables de la BBC et de Channel 4 ainsi que les régulateurs de l’audiovisuel britannique à Londres.

C’est sur ce socle solide que reposent les conclusions qui ont été adoptées hier par les députés membres de la mission d’information. C’est d’ailleurs d’un commun accord que nous avons décidé de fonder nos travaux sur une analyse de l’usage que font les Français de l’audiovisuel public. Au-delà des intérêts légitimes de tel ou tel acteur ou de tel ou tel secteur, nous ne devons pas oublier que nous légiférons pour nos concitoyens et que ce sont eux qui le financent à travers la TVA prélevée sur leurs achats. J’y vois aussi une forme de justice sociale car notre niveau de consommation est directement lié à notre niveau de revenus.

Quel regard nos compatriotes portent-ils sur l’audiovisuel public ? Quelle différenciation attendent-ils vis-à-vis des chaînes privées ? Comment leur usage audiovisuel évolue-t-il ? Comment assurer la défense de nos entités et leur robustesse dans un environnement numérique qui noie les consommateurs sous un flot informationnel et créatif ? Comment assurer également leur indépendance ? Ces enjeux ont récemment été résumés par Mme Nathalie Sonnac dans Le Nouveau Monde des Médias : « préserver le contrat de confiance entre citoyens et institutions autour d’une information fiable et préserver notre singularité culturelle face à la concurrence déloyale ».

À l’heure de la société des écrans, cette mission vient rappeler le rôle central que joue l’audiovisuel public, en proposant trente propositions pour le révolutionner et le renforcer. En effet, je fais partie de ceux qui pensent que le statu quo sur plusieurs sujets sonnerait la mort programmée de l’audiovisuel public visible et robuste. Pour cela, deux questions dominent : pourquoi l’audiovisuel public et comment assurer la spécificité et l’indépendance de celui-ci ? C’est le sens de la première partie du rapport.

L’audiovisuel public symbolise notre culture commune, notre imaginaire collectif, il porte les grands événements qui rassemblent notre Nation. L’information libre et neutre est d’ailleurs devenue un enjeu démocratique fort, notamment face à la menace des fausses informations. À ce titre, nous formulons des propositions fortes pour développer, et notamment pour les plus jeunes, une véritable éducation aux médias et à l’information, coordonnée dans l’ensemble du service public audiovisuel, conformément aux recommandations de la mission flash sur l’éducation critique aux médias. L’audiovisuel public doit être, pour tous, une fenêtre ouverte sur le monde et vers les autres. À travers chacun de ses programmes, même les plus discriminants, il doit affirmer sa spécificité vers un plus culturel. L’audiovisuel public a tous les moyens d’innover et de surprendre le public, d’être un véritable laboratoire de nouvelles émissions et de nouveaux concepts, et ainsi de libérer tout le génie audiovisuel français. Nous prônons un audiovisuel public populaire et de qualité. Pour que l’audiovisuel public soit vu et entendu, il doit rester ce tiers de confiance qu’il est déjà en proposant des contenus qualitatifs, éclectiques, audacieux et répondant aux préoccupations des Français. La stratégie de puissance par la taille que certains recherchent est vouée à l’échec. C’est par le contenu éditorial et la visibilité des offres que notre audiovisuel parviendra à toucher les Français. C’est sur cette spécificité que le rapport est très exigeant. Cette position est assumée car il en va de la justification même de l’existence d’un audiovisuel public.

Dès lors, je salue l’ensemble des sociétés qui composent notre audiovisuel public ainsi que leurs dirigeantes et dirigeants pour le travail exceptionnel qu’ils réalisent, animés d’une conception du service public de l’audiovisuel et de l’information : France Télévisions avec Mme Delphine Ernotte, Radio France avec Mme Sibyle Veil, France Médias Monde avec Mme Marie-Christine Saragosse, l’Institut national de l’audiovisuel avec M. Laurent Vallet, ARTE avec M. Bruno Patino et TV5 Monde avec M. Yves Bigot. Je salue également à travers eux le personnel des maisons qu’ils représentent. Je pense aussi à tous ceux qui représentent le secteur audiovisuel et cinématographique ainsi que tous nos auteurs.

Permettez-moi de me concentrer à présent sur le contexte à l’origine de notre mission : la réforme du financement de l’audiovisuel public initiée par le projet de loi de finances rectificative pour 2022 et la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Cette promesse de campagne a été réalisée dès les premières semaines du nouveau mandat présidentiel. Dès lors, nous avons écarté toute création d’une nouvelle taxe, pour les mêmes raisons évoquées par le président et pour éviter que des foyers jusque-là exonérés compte tenu de leurs revenus modestes ne soient soumis à cette nouvelle taxe. Nous avons également écarté la budgétisation assez rapidement, car elle était porteuse de forts risques pour la pérennité financière et l’indépendance de l’audiovisuel public. Celui-ci aurait pu être perçu à l’étranger comme un média gouvernemental et non plus public. Cela n’aurait pas été sans conséquences, surtout dans le contexte géopolitique actuel.

Nous vous proposons donc de modifier la loi organique relative aux lois de finances dès que possible et en tout état de cause avant le dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2025. Notre proposition vise à pérenniser le financement de l’audiovisuel public par l’affectation d’une fraction de TVA tout en maintenant le compte de concours financier pour prémunir les entités des régulations infra-annuelles. Ceci est essentiel et c’est d’ailleurs le sens de l’amendement qui avait été déposé par Jean-Jacques Gaultier, Aurore Bergé et moi‑même à l’été 2022. Nous vous proposons également de modifier la LOLF afin de créer un prélèvement sur recettes au profit d’ARTE-France afin de respecter les engagements internationaux de la France. Nous proposons également de renforcer le caractère contraignant des contrats d’objectifs et de moyens en les annexant aux lois de programmation de finances publiques, tout en créant un mécanisme d’alerte auprès de l’Arcom au cas où les moyens dévolus à l’audiovisuel viendraient à s’écarter au-delà d’un certain seuil, des trajectoires fixées en amont dans les perspectives plurianuelles issues des concertations.

Ces mesures budgétaires constituent le cœur du présent rapport et notre priorité. Nous avons donc conjointement déposé une proposition de loi organique portant cette réforme de l’audiovisuel public.

Concernant la publicité, nous réaffirmons l’esprit de 2009 et surtout la promesse alors faite aux Français de l’arrêt de la publicité entre vingt heures et six heures sur France Télévisions. L’absence de publicité est une attente très forte de nos compatriotes. C’est aussi le premier élément distinctif de l’audiovisuel public et le modèle choisi par de nombreux voisins européens. Nous devons donc tendre vers ce modèle. Bien entendu, nous nous devons de compenser les pertes de recettes publicitaires qui en résultent, en affectant à l’euro près – j’insiste sur ce point – une partie de la taxe sur les services numériques. C’est d’ailleurs vers eux que la fuite des revenus publicitaires s’opère et ce serait donc une juste mesure que d’en récupérer une partie ainsi. C’est seulement à cette condition que nous proposons l’arrêt total de la publicité et des parrainages sur France Télévisions de vingt heures à six heures et ce, sur tous les supports (y compris numériques). Cependant, nous refusons le plafonnement financier des publicités chez France Télévisions et appelons à maintenir le niveau du plafonnement actuel des publicités chez Radio France. En effet, il faut prendre en compte les limites du marché publicitaire et la situation des radios privées qui en dépendent.

Comme je le disais en début d’intervention, l’audiovisuel public doit être visible et disponible. Ainsi, plutôt que de créer une plateforme unique qui serait surchargée et ne répondrait pas aux différents usages, nous appelons à élaborer une stratégie d’interopérabilité des plateformes digitales existantes avec la mise en place d’un moteur de recherche commun et d’un identifiant de connexion unique. Nous proposons la création d’un véritable France Connect de l’audiovisuel public. Nous proposons de retenir le périmètre des chaînes TNT pour la qualification des services d’intérêt général et de renforcer la visibilité de ceux-ci sur différents canaux. Je pense notamment aux télécommandes et aux télévisions connectées. Cela va aussi dans le sens de la mission flash qui avait été réalisée l’an dernier par notre commission.

Nous appelons enfin à prolonger le travail d’harmonisation des objectifs et indicateurs inscrits dans les contrats d’objectifs et de moyens des différents groupes afin de favoriser un pilotage plus stratégique des coopérations. Pour relever les grands défis qui leur font face, les entités de l’audiovisuel public doivent faire le choix d’une stratégie de diffusion commune. Cela passe par des investissements conséquents et mutualisés et par un pilotage commun, notamment en matière d’information. Je pense bien sûr à la proximité entre France 2 et France 3. À ce titre, je salue les efforts déjà engagés par Radio France et France Télévisions, sous l’impulsion des ministres Franck Riester et Roselyne Bachelot et grâce à l’accélération nette suscitée par la ministre Rima Abdul Malak. Je pense aussi à l’international. En effet, l’ambition d’une « CNN à la française » souhaitée par le Président Jacques Chirac en 2002, n’est malheureusement pas une réalité, et nous pouvons y remédier, notamment avec un rapprochement fort entre France 24 et Franceinfo TV. Nous proposons également de créditer l’audiovisuel extérieur afin de lui permettre d’acquérir une nouvelle implantation de moyens à Beyrouth. Nous réaffirmons donc le rôle central des contrats d’objectifs et de moyens dans le cadre de la synergie devenue aussi urgente qu’indispensable. Ils doivent également être plus longs – cinq ans, alignés sur les mandats des dirigeants – et plus transparents avec des consultations publiques et sectorielles. Nous pensons que ces prochains contrats sont cruciaux et que s’ils ne sont pas à la hauteur des enjeux, une évolution profonde de la gouvernance et de la structuration de l’audiovisuel public devra avoir lieu, avec l’établissement d’une holding légère et stratégique. En ce sens, une proposition très précise est énoncée dans le rapport, pour ne pas dire une solution clefs en main, avec une résonance forte et concrète déjà en dicussion au Sénat. Nous aurons, je l’imagine, l’occasion d’y revenir durant nos débats.

Mes chers collègues, avant de répondre à vos questions, je tiens à remercier Mme la présidente pour sa confiance. Mon dernier mot sera bien sûr pour le président de notre mission, pour exprimer le plaisir que j’ai eu de travailler avec lui. J’ai apprécié son exigence, sa solidité, son impartialité, son esprit de méthode et sa ponctualité !

Mme la présidente Isabelle Rauch. Merci pour cette présentation. Je donne la parole aux représentants des groupes.

Mme Céline Calvez (RE). Au nom du groupe Renaissance, je salue le rapport de la mission d’information, qui fait du financement de l’audiovisuel public sa priorité et qui répond parfaitement aux attentes du secteur en proposant une solution concrète permettant de garantir de la stabilité au service public auquel les Français sont attachés. Vous proposez ainsi la pérennisation de l’affectation d’une part de la TVA qui avait été imaginée l’année dernière lorsque nous avons supprimé la contribution à l’audiovisuel public. Pour ce faire, vous proposez une modification de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Je salue par ailleurs le courage dont vous avez fait preuve en proposant pour objectif de réduire la publicité sur les canaux audiovisuels publics, ce qui constitue un facteur différenciant de l’audiovisuel public auquel nos concitoyens sont sensibles. Cette volonté ne sera pas accompagnée d’une baisse de moyens pour l’audiovisuel public car vous formulez une condition, qui est la compensation des pertes de revenus publicitaires par un prélèvement sur la taxe sur les services numériques.

Enfin, votre rapport propose une modification de la gouvernance des entreprises de l’audiovisuel public. Si la possibilité de créer une holding est évoquée, à l’instar d’une proposition récente de nos collègues sénateurs, vous proposez avant cela d’instaurer une meilleure articulation des contrats d’objectifs et de moyens. Cette proposition semble parfaitement répondre aux objectifs recherchés, dans la mesure où la périodicité des contrats des différentes entités s’est synchronisée et que les négociations s’effectuent pour une période quinquennale. L’approfondissement de ces contrats s’accompagnerait d’un accroissement des responsabilités et permettrait de renforcer la coopération entre les différentes sociétés de l’audiovisuel public tout en améliorant leur gouvernance et leurs missions.

Je renouvelle l’expression de confiance du groupe Renaissance en l’audiovisuel public.

M. Philippe Ballard (RN). Je souhaite tout d’abord rappeler la position du Rassemblent National à propos de l’audiovisuel public. Nous sommes en faveur d’une privatisation qui permettrait de donner naissance à un groupe puissant, s’il était associé à TF1 et M6. Nous savons que ces deux derniers étaient animés par une volonté de fusion mais il en a malheureusement été décidé autrement par l’Autorité de la concurrence. La naissance d’un groupe de dimension européenne permettrait à la France d’opposer une résistance face aux mastodontes que sont Netflix, Amazon et Google. Bien évidemment, ce nouveau groupe serait soumis à un cahier des charges l’obligeant à consacrer une part de son temps d’antenne à la culture et à l’information.

Le service public provoque des tensions. On y constate une logique de plus en plus commerciale avec la tendance à la banalisation de la publicité sur France Télévisions aux horaires où celle-ci est censée être absente. Nous estimons ainsi que 25 % du chiffre d’affaires publicitaire de France Télévisions est réalisé à ces horaires en principe protégés. De plus, France Télévisions utilise parfois ses investissements auprès des sociétés de production comme une arme de rétorsion. Je fais référence notamment à Newen, qui s’interroge sur de telles pratiques, loin de l’intérêt des téléspectateurs.

Enfin, nous assistons de plus en plus à des dérives du service public, France Télévisions se vantant encore de diffuser la semaine dernière un programme faisant la promotion, à une heure de grande écoute, de drag queens, et France inter ayant défendu, dans un article, l’idée que l’instinct maternel ne serait qu’une invention capitalistique de la révolution industrielle ! Le service public n’est que le triste reflet d’une caste déconnectée et à la dérive, complètement éloignée de ses missions de service public et de ce que peuvent attendre les Français, même s’il faut bien reconnaître que, parfois, des émissions de qualité arrivent à se glisser dans la grille des programmes.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Pendant sa campagne, le Président avait promis la suppression de la redevance audiovisuelle sans proposer de réelle solution de remplacement. Lorsqu’il s’agit de détruire le service public, il n’y a pas mieux, vous en savez quelque chose ! C’est maintenant à vous, M. le président et M. le rapporteur, de trouver des solutions. Ce ne sont pourtant pas les solutions qui manquent dans ce rapport mais vous ne nous proposez qu’une loi organique pour contourner l’obstacle de l’article 2 de la LOLF et pour permettre de financer l’audiovisuel public par une fraction de la TVA, impôt qui pèse d’abord sur les plus modestes et qui va de pair avec l’inflation.

Pourtant, des solutions concrètes ont été proposées par les experts auditionnés, comme par exemple une taxe audiovisuelle sur les personnes morales avec des tranches évolutives, qui aurait garanti un financement de façon pérenne, égalitaire et indépendante.

L’indépendance est capitale pour les professionnels du secteur. Ce n’est pas votre passion mais cela compte encore un peu pour les Français, quand il s’agit d’information et de confiance. Vos propositions vont à l’encontre du principe d’indépendance. Votre modèle est celui des synergies et de la mutualisation. En résumé, on casse l’indépendance des rédactions en les forçant à fusionner sous la houlette d’une holding qui se chargera d’uniformiser les lignes éditoriales. Revenir à l’ORTF alors que nous devons repenser notre modèle à l’ère du numérique est ubuesque !

Mais derrière ce travail d’information et de création, il y a des personnes dont les conditions d’exercice vont se dégrader davantage, à l’image des soignants de l’hôpital public et des professeurs de l’Éducation nationale. Comment justifierez-vous la future dégradation de l’audiovisuel public aux personnels et aux usagers ?

Mme Frédérique Meunier (LR). Merci pour la qualité de ce rapport réalisé après sept mois d’auditions. Assurer la souveraineté audiovisuelle de la France est une nécessité et il est également primordial de proposer un service public audiovisuel indépendant et de qualité. L’une des propositions phares de ce rapport, également formulée par le sénateur Laurent Lafon, est la création d’une holding stratégique. L’Arcom a observé que la coopération entre les entités de l’audiovisuel public demeurait limitée. Aussi, vous proposez la création d’une structure de gouvernance capable de jouer le rôle de chef de file et de facilitateur entre les entités. Vous avez raison, en accord avec les dirigeants de l’audiovisuel public, de souhaiter l’indépendance de cette entité avec un président-directeur général (PDG) qui serait nommé par le conseil d’administration et non par le Président de la République.

L’audiovisuel public français est face à l’inévitable montée des plateformes numériques. Pour faire face à l’omniprésence de celles-ci, vous affirmez qu’il n’est pas question d’en créer une commune et qu’elle serait vouée à l’échec. Alors que proposez-vous pour lutter contre ces plateformes qui monopolisent le streaming ? Les groupes privés avaient dénoncé les dérives du groupe France Télévisions dans un courrier destiné à la Première ministre Élisabeth Borne. En effet, alors que France Télévisions a l’interdiction de diffuser de la publicité après vingt heures, cette règle est contournée avec largesse. Ces groupes privés estiment que 25 % du chiffre d’affaires publicitaire de France Télévisions sont réalisés à ces horaires dits protégés. C’est donc dans ce contexte de tension entre le service public et les chaînes privées que vous souhaitez supprimer toute présence des annonceurs entre vingt heures et six heures sur les antennes nationales et sur les plateformes de France Télévisions en étendant cette interdiction à la publicité numérique et aux parrainages. Comment pensez-vous que le secteur public va réagir et croyez-vous que la compensation des pertes de recettes financières que vous proposez lui conviendra ?

Mme Sophie Mette (Dem). Au nom du groupe des Démocrates, je vous remercie pour la présentation de votre rapport. Il est le fruit d’un travail conséquent et j’ai constaté l’importance du travail mené, avec un grand nombre d’auditions. Le document soulève deux questions essentielles : comment assurer la défense de l’audiovisuel public dans un environnement numérique qui noie les consommateurs sous un flot informationnel et créatif et comment, surtout, assurer son indépendance ?

Vous préconisez notamment l’allocation d’une fraction des recettes de la taxe sur les services numériques pour compenser la suppression de la publicité après vingt heures. Cette recommandation fait vivement réagir dans le domaine de l’audiovisuel public. Le parrainage représente moins de cinq minutes par jour entre vingt heures et minuit en 2022. Cela semble résiduel au regard de la concentration des investissements du secteur autour du carrefour d’audience entre vingt heures et vingt-deux heures. Surtout, la suppression des fenêtres de parrainage risquerait de conduire non pas à un report sur les chaînes privées mais vers les plateformes étrangères et nouvellement ouvertes à la publicité telles que Netflix et Amazon Prime. Pour rappel, lors de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques en 2009, les reports des 400 millions d’euros d’investissements n’ont pas bénéficié aux autres chaînes. S’il s’agit de priver le service public de ressources certaines pour une compensation qui inquiète l’ensemble des équipes compte tenu des difficultés qu’elle implique, il faut se montrer très prudents.

Des craintes se font aussi entendre à propos des conséquences de deux de vos propositions : la diminution du suivi des usages que font les annonceurs et la limitation du développement de nouvelles offres digitales pour le groupe public. Que répondez-vous à ces inquiétudes ?

M. Inaki Echaniz (SOC). C’est dans un contexte d’urgence et d’impréparation que s’est créée cette mission d’information, contrainte de raisonner à l’envers : trouver une solution de financement avant de déterminer quelles missions et quel avenir on souhaite donner à l’audiovisuel public. La solution proposée pour le financement est de maintenir l’affectation d’une part de la TVA. Au-delà du fait que nous considérions cette mesure comme très injuste, une telle piste nous semble difficilement réalisable. Elle nécessiterait de modifier deux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances. Deux ans après la dernière LOLF, qui est entrée en vigueur vingt ans après la précédente, pensez-vous vraiment, M. le rapporteur, qu’il soit possible de voter une nouvelle LOLF d’ici 2025, d’autant plus dans le contexte politique actuel ? Si elle était suivie, les incertitudes qui entourent cette piste fragiliseraient le financement de l’audiovisuel public et en cas d’échec, nous risquerions de retomber sur la piste de la budgétisation que tous les députés contestent.

Par ailleurs, dans ce contexte budgétaire incertain, si toute publicité était retirée après vingt heures, nous serions inquiets que l’audiovisuel public se voie retirer une ressource avant même que n’ait été réglée la question du financement. La proposition de compensation à l’euro près par une taxe sur les services numériques semble très fragile. En effet, la taxe sur les services numériques ne sera sans doute pas pérenne : les discussions en cours au niveau de l’OCDE autour d’une future taxe sur les profits générés par les activités numériques des multinationales conduiraient à la disparition de la taxe sur les services numériques en cas d’accord. Avez-vous envisagé cela et comment pouvez-vous nous assurer la pérennité de cette ressource ?

Enfin, l’avenir de l’audiovisuel public doit-il passer par une holding ? Nous n’en sommes vraiment pas convaincus, d’autant que les synergies entre les différentes sociétés sont déjà nombreuses. Si elles étaient moins inquiètes sur la façon de boucler leur budget et de freiner ces questions de gouvernance, peut-être auraient-elles plus de marges de manœuvre pour développer leurs coopérations. Une nouvelle fois, dans un contexte de guerre de l’information, d’attaques virales donnant lieu de vérité, d’atteintes contre la presse et sa liberté, partout dans le monde et jusqu’en France, tous les modes de financement et de gouvernance ne se valent pas quand il s’agit de garantir la liberté de l’information et l’indépendance des rédactions. Nous pensons que vous n’avez pas retenu les bonnes solutions.

Mme Béatrice Bellamy (HOR). Tout d’abord, je vous remercie pour la qualité de ce travail, qui permet à la représentation nationale de débattre de ce sujet majeur. Ce rapport est lui-même l’aboutissement de plusieurs mois d’études, de constats et de propositions construites et partagées. L’audiovisuel public n’est pas une mince question. Il fait encore partie du quotidien de nombreux foyers. Le contexte se transforme, la technique avance, et l’audiovisuel évolue à grande vitesse. Les usages par nos compatriotes changent également. Ces bouleversements et les ruptures qu’ils entraînent nécessitent des arbitrages et des décisions majeures. Les modalités de financement n’en sont pas les moindres. Après en avoir déjà débattu ici, elles constituent toujours une source d’interrogation. C’est donc le cœur de votre rapport.

Aussi, après avoir exclu les pistes de financement qui ne vous semblent pas opportunes, vous détaillez une solution dite « à trois entrées ». Monsieur le rapporteur, il me paraît primordial de garantir l’indépendance et le pluralisme de l’audiovisuel public. Dans ce cadre, quel serait selon vous le meilleur mode de financement et surtout pourriez-vous nous expliquer comment les recommandations que vous émettez permettraient de garantir ce pluralisme indispensable ?

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo - NUPES). Vous dites croire à l’audiovisuel public, vouloir le protéger. Permettez-moi d’en douter. En réalité, vous le fragilisez. C’est d’autant plus grave quand on connaît l’enjeu démocratique fondamental lié à l’accès à une information de qualité, à la culture et à l’enrichissement de l’exception culturelle française. Et ceci d’autant plus alors que le deuxième groupe le plus présent à l’Assemblée nationale envisagerait purement et simplement de supprimer le service public de l’audiovisuel ! Alors oui, dans ce contexte, vos propositions fragilisent ce service public !

Vous adoptez une posture très « service public » en disant que vous êtes défavorables à la publicité. Les Écologistes sont défavorables à la publicité sur le service public audiovisuel, bien sûr, mais qui peut croire à la fable de la compensation à l’euro près qui n’a jamais été tenue dans le temps ? Vous proposez de taxer les plateformes de streaming, très bien, mais soyez ambitieux et assumez, dans votre rapport, la nécessité d’un investissement massif dans le service public de l’audiovisuel pour lui permettre de relever les défis qui sont les siens, au lieu de simplement demander l’arrêt de la baisse des ressources. Cette baisse a été tragique pour l’audiovisuel public, qui a subi moult plans sociaux et une dégradation majeure des conditions de travail des personnels.

La proposition basée sur la TVA est en fait une budgétisation cachée, c’est-à-dire une atteinte à l’indépendance du service public de l’audiovisuel qu’une taxe affectée lui garantissait. Vous ne souhaitez pas revenir là-dessus, et cela ne vous permet pas de vous prémunir de participer à l’affaiblissement du service public en remettant en cause son indépendance financière. Et ce ne sont pas les quelques petits ajustements que vous proposez qui pourront nous rassurer !

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). J’aimerais tout d’abord remercier le président et le rapporteur pour ce rapport, dont nous soutenons l’esprit général de défense du service public de l’audiovisuel et qui réaffirme sa spécificité. Nous avons bien vu comment, à l’occasion de la suppression de la taxe audiovisuelle, l’extrême droite et ses relais ont prôné la disparition du service public. À l’inverse, nous pensons qu’un service public puissant et indépendant, doté des moyens nécessaires à son action et avec des programmes spécifiques et des identités fortes, est le signe d’une démocratie qui fonctionne.

Nous partageons votre constat quant au fait que la fiscalité affectée est la mieux à même de garantir l’indépendance de l’audiovisuel public et la prévisibilité de ses ressources. Ce n’est pas toujours dit comme cela au sein de la majorité du gouvernement et nous nous en félicitons. C’est pour cela que nous militons pour une réforme de la contribution audiovisuelle publique, option que vous écartez. Nous contestons vos conclusions à ce sujet puisque vous vous prononcez en faveur du système provisoire actuel. Nous partageons vos conclusions quant à l’arrêt nécessaire des efforts financiers demandés à l’audiovisuel public. Poursuivre dans cette direction compromettrait la mise en œuvre de ses missions mais malheureusement, il a déjà été affaibli. Pour mémoire, la cure d’austérité imposée entre 2019 et 2022 s’est traduite par une baisse des dotations de 6,3 % pour France Télévisions et de 3,4 % pour Radio Fiance. C’est un contre-sens car les performances de l’audiovisuel public étaient bonnes et on peut supposer que sans cette cure d’austérité, elles auraient été meilleures, ce qui aurait été profitable au service public.

Enfin, nous restons opposés au principe de la holding, outil qui ne nous paraît pas adapté. Nous aurons l’occasion d’en débattre au cours des prochaines semaines.

M. Jean-Jacques Gaultier, président de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Mme Calvez, nous partageons une partie de vos positions à propos de l’affectation d’une tranche de TVA. Je pense que nous avons une opportunité à saisir au sujet des contrats d’objectifs et de moyens. Cinq objectifs communs ont été définis et cinq ou six objectifs spécifiques par entité. Il faut donc utiliser ces objectifs communs, nous efforcer de les harmoniser, et utiliser le fait que la durée des contrats ait été alignée. Cela devrait permettre de développer les coopérations. Certaines ont été engagées, certes, mais force est de reconnaître qu’elles ne sont pas encore abouties.

M. Ballard, je connais votre expérience de l’audiovisuel ainsi que la ligne politique du Rassemblement National en faveur de la privatisation, je souligne que personne aujourd’hui ne songerait revenir à un modèle où France Télévisions serait scindée en silos comme à une certaine époque. On ne peut pas décider de privatiser France 2 car elle est associée à France 3, France 4, France 5, etc. Il faudrait alors privatiser tout France Télévisions. Je considère qu’il y a de la place pour des acteurs privés fors et compétitifs mais aussi pour un acteur public fort et compétitif, avec des objectifs communs aux premiers mais aussi des missions spécifiques.

Il y a eu certes des dérapages dans l’audiovisuel public mais il y en a eu aussi dans le domaine privé. Personne n’a le monopole des dérapages et ceux-ci doivent être, dans les deux cas, unanimement sanctionnés par l’Arcom. À ceci près que l’Arcom sanctionne également les invités politiques, a fortiori en période électorale. C’est tout à fait normal et c’est même son rôle. Je serais beaucoup plus réservé quant à des sanctions qui seraient infligées à des journalistes car une autorité qui sanctionnerait des journalistes mettrait à mal la démocratie.

Mme Amiot, je comprends votre « coup de sang » d’hier. Sachez que le rapporteur et moi respectons toutes les sensibilités politiques. En sept mois d’auditions, nous avons donné la parole à tous ceux qui ont participé à nos auditions. Lorsque vous avez voulu partir, je vous ai incitée à rester, à vous exprimer et à voter. J’ai tenu les mêmes propos face à M. Corbière, qui n’a pas voulu s’exprimer. Nous avons néanmoins pris vos deux votes en considération. À titre personnel, je regrette cet épisode alors que nos travaux s’étaient fort bien déroulés pendant sept mois.

Pour répondre à votre question, la création d’un nouvel impôt pour financer l’audiovisuel public me semble se heurter à deux difficultés. Tout d’abord, après avoir expliqué aux Français que pour des raisons de préservation de pouvoir d’achat et de suppression du vecteur associé (la taxe d’habitation), il apparaissait opportun de supprimer un impôt, en réintroduire un nouveau serait difficilement soutenable politiquement parlant. Par ailleurs, la création d’un impôt pour 3,2 milliards d’euros (l’équivalent de ce qui était généré après dégrèvements par l’ancienne contribution à l’audiovisuel public) engendrerait des coûts de gestion importants au regard de cette somme.

Quant à l’indépendance de l’audiovisuel public à laquelle nous sommes tous attachés, je rappelle que le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur cette question. À ses yeux, l’indépendance est bien davantage liée au niveau du financement et à sa trajectoire qu’à son circuit de financement.

Mme Meunier, bien évidemment, l’environnement évolue très rapidement et dans un tel contexte, une cible immobile serait facile à atteindre. Si l’audiovisuel n’évoluait pas alors que tous les autres acteurs évoluent et que de nouveaux usages apparaissent, ce serait assez dangereux. Deux stratégies s’opposent au niveau des plateformes. La première est une stratégie de puissance, incarnée notamment par les plateformes américaines qui fonctionnent selon un modèle mondialisé. Les investissements de ces acteurs se chiffrent en milliards d’euros. Leur capitalisation boursière dépasse le budget des États ! Si nous ne pouvons pas nous aligner sur cette stratégie de puissance, je pense que nous pouvons opter pour la stratégie d’affinité. C’est le choix d’ARTE, par exemple. L’idée est de jouer sur une ligne éditoriale bien identifiée et d’utiliser les marques. La marque Arte est aujourd’hui reconnue et appréciée. Bien évidemment, comme M. Tim Davie, le patron de la BBC, l’a rappelé lors de notre visite, le streaming, la plateformisation et l’usage à la demande sont des enjeux majeurs vis-à-vis des jeunes. Si les jeunes ne viennent plus sur l’audiovisuel public, il faut que ce soit lui qui aille vers eux en fréquentant les réseaux sociaux et les plateformes. Vu les montants d’investissement nécessaires, il conviendrait de mettre en commun des moyens financiers et humains. Des investissements majeurs sont nécessaires en matière de cybersécurité et d’intelligence artificielle (interopérabilité des plateformes, moteur de recherche et identifiants communs, etc.).

M. Quentin Bataillon, rapporteur de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Je vous rassure quant au fait que nous avons adopté une approche très spécifique pour ARTE. Cette chaîne est composée d’un groupement européen d’intérêt économique (GEIE) entre l’Allemagne et la France et de deux entités en France et en Allemagne. Le financement de l’ensemble est assuré à parité par les deux pays. Par ailleurs, les contrats d’objectifs et de moyens d’ARTE dureront quatre ans et non cinq, ce qui correspond aux usages allemands en la matière. La société de holding se doit également de respecter les traités entre la France et l’Allemagne. Le financement sera assuré par un prélèvement sur recettes. Nous réaffirmons l’engagement bilatéral aux côtés de nos amis allemands. Enfin, la stratégie de diffusion d’ARTE est exemplaire avec une logique éditoriale forte, des contenus puissants – comme nous l’avons vu récemment à Cannes. Sa plateforme est un exemple pour France Télévisions et elle est en première ligne pour proposer l’interopérabilité. C’est tout à son honneur. Sa stratégie vers les jeunes, notamment via Youtube, doit aussi être un exemple pour les autres sociétés audiovisuelles publiques. Beaucoup de jeunes connaissent ARTE grâce à sa chaîne Youtube et certains ignorent que c’est également une chaîne de télévision. ARTE est donc un très bel exemple de réussite pour l’audiovisuel public.

J’aimerais remercier Mme Céline Calvez pour ses mots. Je connais son expertise en matière d’audiovisuel (notamment public). Elle a été rapporteure dans le cadre du dernier PLFR. Je connais également son rôle dans le domaine des COM, notamment à travers la proposition d’une incitation financière à mener des coopérations au sein de ces contrats.

Nous sommes en forte divergence quant au souhait du groupe Rassemblement National de privatiser l’audiovisuel public. Au-delà du fait que nous pensons que ce dernier est un acteur fort dans le domaine de l’information et de la création culturelle, je ne pense pas que le marché serait en capacité d’absorber toutes ces chaînes si elles basculaient dans le privé. Le marché publicitaire ne suffirait pas à financer l’ensemble de ces chaînes et nous assisterions donc à un écroulement rapide de l’ensemble des chaînes de la TNT. En dehors du fait que nous sommes rigoureusement opposés à une privatisation du service public audiovisuel, ce serait techniquement impossible à réaliser car le marché ne fonctionnerait plus.

Mme Mette, la suppression de la publicité après vingt heures était effectivement un engagement fort en 2009. Une ouverture a ensuite été permise avec les parrainages puis avec la publicité sur les supports numériques. Nous comprenons que le financement soit une question cruciale pour France Télévisions et c’est la raison pour laquelle nous soutenons une proposition de compensation à l’euro près. Nous pensons d’ailleurs qu’il vaudrait mieux opter pour la compensation aujourd’hui, avant que le marché publicitaire linéaire ne s’écroule potentiellement. Les revenus qui seraient compensés pourraient donc être plus importants que les revenus publicitaires futurs dans l’hypothèse d’un statu quo. Pour le public, l’arrêt de la publicité après vingt heures a été perçu comme un gain qualitatif. Au fil du temps, il a été troublé par la réapparition de publicités via les parrainages. Supprimer complètement la publicité sur les chaînes publiques permettrait d’attirer davantage de nos concitoyens vers elles après vingt heures. Selon la logique « 360 degrés », il conviendrait alors d’appliquer la même politique pour le numérique. Les recettes globales s’élèvent à 32,4 millions d’euros (sur l’ensemble de la journée) pour la partie digitale et à 95,9 millions d’euros pour les parrainages. Cela vous donne un ordre d’idée du montant de la compensation pour une suppression totale entre vingt heures et six heures. À l’échelle du financement global de France Télévisions, ni même par rapport à l’ensemble des recettes publicitaires, ce n'est pas énorme. Je pense donc que ce geste est souhaitable vis-à-vis du public, ne serait-ce que pour respecter la parole qui avait été donnée en 2009.

M. Echaniz, votre question sur la LOLF est très pertinente en effet. Ce qui est certain, c’est que si aucun nouveau dispositif n’est institué avant le 31 décembre 2024, nous irons vers la budgétisation pure et simple. Je pense que nous sommes d’accord quant au fait que ce n’est pas souhaitable. Il y a donc urgence et c’est pourquoi nous avons immédiatement déposé une proposition de loi aujourd’hui même, en même temps que nous présentons les conclusions de notre mission. Nous pouvions difficilement aller plus vite. Le président conduit des négociations afin que cette proposition de loi puisse être débattue avant la fin de l’année 2024. Nous avons déjà engagé des discussions avec les sénateurs en vue d’essayer de dégager une majorité dans les deux chambres.

Au sujet de la holding, nous souhaitons donner une chance supplémentaire aux contrats d’objectifs et de moyens. La ministre Rima Abdul Malak a réalisé un travail important en ce sens. Nous avons même vu Radio France et France Télévisions émettre des propositions pour renforcer leur proximité. Nous pensons qu’il faut aller beaucoup plus loin et plus rapidement. Nous pensons qu’il faudrait faire de même à l’international. Cette holding pourrait être une option si les contrats d’objectifs et de moyens n’étaient pas à la hauteur des attentes en matière de synergies. L’idée est que cette structure soit la plus légère et la moins onéreuse possible, comme en son temps la société qui avait été créée au moment du regroupement entre France 2 et France 3, qui employait moins de quarante salariés.

Mme Bellamy, la question de l’indépendance est effectivement cruciale. L’Arcom a débattu en son sein sur le respect du pluralisme. Nous avons également échangé au sein de cette commission sur les règles d’équité et de légalité. Ce débat n’était pas complètement lié au sujet de notre mission mais nous aurons l’occasion d’y revenir car il peut nourrir des interrogations chez nos concitoyens, notamment lorsqu’il s’agit de répartir le temps de parole en période électorale. À propos de l’indépendance, le signal que nous enverrons à l’international est extrêmement important. Nous avons donc réuni toutes les garanties, notamment vis-à-vis de France Médias Monde, quant au fait que l’affectation d’une fraction de la TVA permettrait de maintenir le classement de nos entités en chaînes de l’audiovisuel public et non pas gouvernementales.

Mme Taillé-Polian, ce sera le Parlement qui sera garant de la compensation à l’euro près. Nous demandons au Gouvernement de prendre cet engagement mais les montants des ressources financières sont déterminés par le Parlement. Nous devons composer avec le principe d’annualité des comptes publics (dans le cadre du projet de loi de finances). Je pense que nous sommes assez vigilants pour veiller à ce que la compensation soit respectée.

Au sujet des baisses budgétaires, le service public audiovisuel français a été soumis au même régime que ses équivalents européens, même si un effort supplémentaire pourrait être requis pour l’audiovisuel extérieur. Je rappelle par ailleurs que le montant alloué à l’audiovisuel public a augmenté à l’occasion du dernier projet de loi de finances.

Je remercie M. Peu pour son soutien général à notre rapport. Nous entendons que votre groupe était plutôt favorable à une réforme de la contribution à l’audiovisuel public, mais à présent qu’elle a été supprimée, nous ne pensons pas qu’il soit opportun de recréer un impôt. D’où notre proposition d’affecter une fraction de la TVA. Nous sommes par ailleurs d’accord quant au fait qu’il convient d’arrêter de soumettre l’audiovisuel public à des efforts financiers, car celui-ci fait face à des défis majeurs et devra réaliser des investissements importants.

M. Jean-Jacques Gaultier, président de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Comme l’ont souligné MM. Echaniz et Peu et Mme Meunier, une des grandes différences par rapport au texte proposé en 2020 et même par rapport à la proposition de loi du Sénat, est que le président de la société de holding ne soit pas nommé par le Président de la République. Il s’agissait là d’une crainte pour les organisations syndicales. Nous sommes très attachés à l’indépendance de l’audiovisuel public et nous ne souhaitons donc pas qu’il soit fait usage de l’article 13 de la Constitution comme cela avait été envisagé. C’est donc le Conseil d’administration, avec un avis conforme de l’Arcom, ainsi que des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui procédera à cette nomination. Cela nous semble être une forte garantie d’indépendance.

J’ai également une précision en réponse aux préoccupations exprimées par Mmes Mette, Taillé-Polian et Meunier : si la compensation n’est pas garantie, la publicité ne sera pas supprimée. Je ne pense pas que la taxe sur les services numériques serait remise en cause dans la mesure où personne ne se lamenterait d’un impôt qui frapperait Amazon, Meta et consorts. En outre, cette ressource est très dynamique. En 2019, elle générait 270 millions d’euros de recettes et nous avons atteint 670 millions d’euros en 2022. Le marché publicitaire était estimé à 16 milliards d’euros l’année dernière et pour la première fois, les revenus générés par la publicité digitale ont surpassé ceux des cinq médias traditionnels (presse, radio, télévision, cinéma et panneaux publicitaires). Les ressources publicitaires digitales continuent d’augmenter tandis que celles des médias traditionnels stagnent voire régressent. Il me semblerait cohérent de compenser des pertes publicitaires par des ressources basées sur un vecteur publicitaire en développement. Notre objectif n’est pas de pénaliser les entités audiovisuelles publiques mais d’assurer leur spécificité éditoriale, une bonne identité et donc une bonne différenciation par rapport aux chaînes privées.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Je donne à présent la parole aux autres députés qui l’ont demandée.

Mme Fabienne Colboc (RE). Tout d’abord, je vous remercie pour votre travail complet et de qualité. Je souhaite vous interroger au sujet du financement de l’audiovisuel public. Tout d’abord, en ce qui concerne la suppression de la publicité et en particulier la fin des parrainages entre vingt heures et six heures avec une compensation à l’euro près pour revenir à l’esprit de la loi de 2009, cela marquerait une spécificité de l’audiovisuel public, qui ne doit pas être un média d’État. Cette spécificité doit aussi s’appliquer à travers le financement au-delà de 2024. Vous préconisez le maintien de la solution temporaire d’affectation d’une fraction de la TVA. Cette solution garantit l’indépendance de l’audiovisuel public mais elle nécessite de modifier la LOLF. Vous avez dit que vous aviez déposé une proposition de loi mais pouvez-vous en dire plus sur le calendrier envisagé pour la suppression des parrainages ?

Mme Béatrice Piron (RE). Merci encore pour votre rapport riche de trente propositions. En 2022, la suppression de la redevance audiovisuelle a permis de soulager les Français qui étaient redevables de cette taxe injuste. Nous sommes depuis dans une incertitude au-delà de 2024. Nous sommes nombreux à redouter la budgétisation, ce qui aurait des conséquences plus ou moins significatives selon les entreprises. Nous connaissons tous la distinction entre les médias publics, qui sont financés par des fonds publics et qui diffusent des émissions dans l’intérêt du public tout en restant impartiaux, et les médias gouvernementaux, qui sont contrôlés par l’État et peuvent être un instrument de pouvoir. À cet égard, la budgétisation n’est pas considérée comme une garantie d’indépendance.  RFI, emblème historique de France Médias Monde et symbole du rayonnement culturel de la France à l’extérieur, a vécu des coupures de signal dans certains pays et a été menacée, y compris par nos amis allemands, avec le scénario de la budgétisation.

Votre rapport propose de modifier la LOLF afin de pérenniser l’affectation d’une fraction de la TVA ; pouvez-vous nous en dire plus sur la perception par les acteurs de ce secteur de cette solution et sur les difficultés de mise en œuvre éventuelles ?

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Nous assistons à une situation ubuesque. Nous aurions pu parler de l’avenir de l’audiovisuel à l’occasion de la remise de ce rapport mais nous sommes principalement préoccupés par les conséquences de la décision brutale et injustifiée de M. Emmanuel Macron de supprimer la redevance audiovisuelle. L’essentiel du travail de la mission a finalement consisté à essayer de bricoler un dispositif pour garantir un financement pérenne à l’audiovisuel public, qui est confronté par ailleurs à des problèmes de financement depuis quelques années. Des salariés m’ont alertée, comme par exemple les matinaliers de France Bleu à propos de la sous-traitance et du non-respect du droit du travail. Vos propositions reviennent à entériner cette fragilisation du financement à travers l’affectation d’une fraction de TVA, que vous présentez d’ailleurs comme un impôt juste alors que c’est une aberration comme vous le savez ! Vous reconnaissez aussi qu’il y a urgence à modifier la LOLF car vous ne savez guère quelle serait l’alternative.

M. Alexandre Portier (LR). Merci pour le travail réalisé et la richesse de votre analyse. L’Association des chaînes privées a envoyé un courrier à la Première ministre en mai dernier afin de lui réclamer une clarification des règles du jeu en matière de programmation et de publicité. France Télévisions n’est pas régie par les mêmes règles que les chaînes privées en la matière. Pensez-vous que, dans le cadre du nouveau contrat d’objectifs et de moyens signé avec l’Arcom pour la période 2024-2028, des indicateurs plus poussés et des objectifs plus précis soient nécessaires pour évaluer l’atteinte de ces objectifs chaîne par chaîne, ce qui permettrait d’avoir un regard plus pertinent sur l’utilisation de la fraction de la TVA désormais allouée à l’audiovisuel public ?

M. Bertrand Sorre (RE). À mon tour, je vous remercie pour la qualité de votre travail et de votre présentation. Le paysage médiatique est en profonde mutation. De nouveaux canaux de diffusion de programmes émergent. Nos écrans de smartphones, ordinateurs ou tablettes sont devenus nos écrans de télévision. Ces nouveaux usages et ces nouvelles façons de consommer les programmes télévisuels se multiplient. Les offres de programmes qui attirent les jeunes restent des formats courts et consommables rapidement. Nous constatons que de nouvelles chaînes développent leurs plateformes afin d’offrir à leurs utilisateurs leurs émissions préférées en replay, gratuitement ou sous forme d’abonnement. La télévision se consomme désormais à la carte et non plus en flux. Aussi, M. le président et M. le rapporteur, pensez-vous que face à cette nouvelle façon de consommer la télévision, le cadre légal de l’audiovisuel public ait besoin d’être adapté ?

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). Dans ce rapport d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public, vous ne consacrez qu’un encadré aux Outre-mer. Est-ce parce que nous représentons seulement 4 % de la population ? Ceci n’est pas une question mais plutôt un constat… Lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, nous avons demandé que les budgets pour les campagnes médias soient à la hauteur de ceux consacrés pour l’Hexagone. Pourtant, les programmes, la production locale ni même les quotas de diversité ne sont à la hauteur de nos attentes. Ma question est simple : quelles mesures fortes pourrions-nous envisager pour faire en sorte que le service public de l’audiovisuel soit véritablement au service du public ultramarin ? En deux mots, ne faites pas la télé réunionnaise sans nous les Réunionnais !

M. Laurent Esquenet-Goxes (Dem). Tout d’abord, je tenais à vous féliciter pour le travail considérable de la mission et la rédaction de ce rapport. Si certaines propositions soulèvent des questions, d’autres méritent notre attention. Je pense en particulier aux propositions de garantie budgétaire. À ce titre, je m’inquiète à propos de l’interdiction de la publicité et des compensations prévues qui pourraient ne pas être pérennes ni suivre la dynamique de croissance d’autres modes de financement de l’audiovisuel public.

Je me félicite par ailleurs qu’il ait été décidé de renforcer la place de l’Europe dans l’audiovisuel public. Pour que cela ne reste pas un vœu pieux, il me semble indispensable de mettre en place des objectifs spécifiques dans les futurs contrats d’objectifs et de moyens. Partagez-vous cette recommandation ?

M. Emmanuel Pellerin (RE). Je vous félicite tout d’abord pour la qualité de ce travail transpartisan. Votre rapport fait état des défis liés à la diffusion des programmes par la TNT et les ondes FM, en termes de coûts, d’écologie, de souveraineté, de qualité, d’écoute, etc. Toutefois, selon l’enquête annuelle sur l’équipement des Français de juillet 2018, seulement 8 % des foyers français seraient équipés en postes adaptés à la technologie DAB+. De même, la dernière étude du marché des portables signale qu’à la fin du deuxième trimestre 2020, la France atteignait 13 % d’équipement en récepteurs DAB/DAB+ contre 73 % en Norvège ou 67 % au Royaume-Uni. Face à de tels retards de déploiement, j’aimerais savoir comment la technologie DAB+ pourrait contribuer à la modernisation de l’audiovisuel public en France.

M. Alexis Corbière (LFI-NUPES). Je remercie à mon tour le président et le rapporteur pour la qualité de leur travail. Ma critique ne porte pas sur la tâche exécutée mais sur les propositions. Le ton du rapport tranche avec les propos assez choquants qui avaient été tenus par le Président de la République en décembre 2017. Il avait dit, je le rappelle, que l’audiovisuel public était une « honte » en termes de gouvernance et dans l’attitude de ses dirigeants. Tout vient de là. Diverses opérations ont eu lieu afin de « reprendre en main » l’audiovisuel public. La proposition de holding que vous émettez s’inscrit sans aucun doute dans cette démarche. Vous dites que le Président de cette holding ne sera pas nommé par la Président de la République mais par le conseil d’administration mais vous ne définissez même pas la composition de ce conseil ! Si l’on considère par exemple le conseil d’administration de France Télévisions, la moitié des quatorze membres est proche du pouvoir et est directement nommée par le pouvoir actuel. Nous risquons donc d’aller vers une nouvelle ORTF. Cela ne nous rassure donc pas pour l’indépendance de l’audiovisuel public.

Mme Cécile Rilhac (RE). J’aimerais souligner le devoir d’exemplarité à propos de la présentation de la diversité française dans le paysage audiovisuel public. La diversité recouvre la variété des origines géographiques, des cultures, des âges, des apparences physiques, etc. Les sociétés de l’audiovisuel public ont une responsabilité sociale particulière dans la mesure où les programmes qu’ils diffusent contribuent à façonner les représentations sociales et constituent des leviers privilégiés pour déconstruire les préjugés discriminatoires et pour lutter contre les stéréotypes.

France Télévisions s’est emparée du sujet, notamment dans le cadre du pacte de visibilité des Outre-mer initié à la suite des travaux menés par notre collègue Raphaël Gérard, qui a abouti à une feuille de route ambitieuse en matière de promotion de la visibilité des Outre‑mer et à la définition d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs très précis qui permettent d’objectiver les effets du groupe en ce sens.

Il serait opportun, dans un souci de promouvoir la diversité et donc la cohésion sociale, d’amplifier cette dynamique en encourageant l’ensemble des chaînes du service public à adopter une démarche similaire et à se doter d’indicateurs leur permettant d’évaluer leur contribution à une plus juste représentation de la société française. Quelles sont les pistes identifiées pour renforcer les obligations dans ce domaine ?

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Je salue à mon tour la qualité du travail fourni, minutieux et saluer le travail transpartisan car à part un groupe, nous sommes collectivement attachés à notre audiovisuel public. Je partage l’objectif du maintien et du renforcement d’un financement spécialement affecté à l’audiovisuel public, ainsi que celui de l’amélioration de la disponibilité et de la visibilité des contenus, et du renforcement des groupes audiovisuels publics autour d’orientations stratégiques communes

Deux préconisations m’interpellent, à commencer par celle de la holding. Les groupes de l’audiovisuel public font face à des enjeux majeurs avec la montée en puissance des GAFAM. N’est-il pas préférable de continuer à améliorer les synergies et à renforcer les coopérations avant de créer cette structure de gouvernance commune ?

Ma deuxième question porte sur la fin des parrainages et de la publicité sur le numérique. Là encore, ne faudrait-il pas consolider le financement de l’audiovisuel public avant de supprimer cette recette, certes marginale ?

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). Dans le cadre de la législature précédente, j’avais fait état, à plusieurs reprises, du rapport des sénateurs Leleux et Gatollin de 2015, qui proposait de regrouper l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public au sein d’une entité commune dont le PDG serait nommé par son instance de direction collégiale, conformément au droit commun des entreprises. Cette proposition avait été reprise dans l’article 59 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique mais les travaux de l’Assemblée nationale ont été affectés par la crise sanitaire. L’essentiel des dispositions de ce texte a été voté entre-temps en même temps que d’autres textes mais sans entériner la fusion des entités d’audiovisuel public. Le sénateur Lafon a donc repris cette disposition dans une proposition de loi en cours de discussion au Sénat. Vous formulez à votre tour le souhait de constituer une holding de l’audiovisuel public. Cela fait pourtant huit ans que nous attendons une telle évolution. Pensez-vous que le texte actuellement débattu au Sénat sera prochainement discuté à l’Assemblée nationale ?

M. Belkhir Belhaddad (RE). Merci pour votre excellent travail. Ma question concerne la retransmission de la Coupe du monde de football féminine qui aura lieu en Australie et en Nouvelle-Zélande cette année. En effet, à ce jour, la France n’a pas transmis d’offre financière permettant la retransmission de ces matches sur le réseau audiovisuel public. Cette situation est anormale à mes yeux. Je sais que vous avez évoqué le sujet à travers deux propositions de votre rapport. N’est-ce pas le rôle de l’audiovisuel public d’accorder au sport féminin la place que chacun veut lui reconnaître dans ses discours ?

M. Maxime Minot (LR). J’aimerais revenir sur un sujet qui nous a beaucoup préoccupés ce matin : la disparition du parrainage après vingt heures et de la publicité digitale. Rappelons-nous que lors de la disparition de la publicité en 2009, France Télévisions avait bénéficié d’une compensation par le biais de la taxe sur les opérateurs de communications et d’électronique, à hauteur de 450 millions d’euros. Ce chiffre n’a d’ailleurs cessé de diminuer pour tomber à zéro en 2017. Le fait que la proposition du rapport soit d’affecter une fraction de la TVA à l’audiovisuel public ne change pas grand-chose car le plafond d’une taxe affectée peut changer chaque année à travers le PLF comme vous le savez. Ce manque à gagner serait lourd de conséquences pour tout l’écosystème de la création française, dont France Télévisions est aujourd’hui, et de loin, le premier financeur avec 500 millions d’euros investis chaque année dans la création audiovisuelle et cinématographique. Une telle annonce pourrait déstabiliser le secteur et susciter de sa part de fortes réactions. La suppression de la redevance ajoutée à la suppression de ces partenariats risque de mener l’audiovisuel public à sa perte ; que proposez-vous donc pour compenser ce manque à gagner ?

Mme la présidente Isabelle Rauch. Merci monsieur le député. Nous sommes arrivés à la fin des questions. Je laisse au président et au rapporteur de la mission le soin d’y répondre.

M. Jean-Jacques Gaultier, président de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Pour ce qui est des négociations des contrats d’objectifs et de moyens, nous pointons dans notre rapport un manque de transparence. Qui ici est au fait de l’état de ces discussions ? Personne ! Quoi qu’il en soit, la proposition de loi organique que nous déposons aujourd’hui permettrait de continuer à affecter une fraction de la TVA à l’audiovisuel public. Le prélèvement sur recettes serait créé pour ARTE. Dans l’article 1er de notre proposition de loi, nous prévoyons bien la possibilité pour les sociétés de l’audiovisuel public de recevoir tous types de taxes, et donc éventuellement une taxe sur les services numériques. La publicité digitale chez ces géants résulte de la vente de données personnelles ou des services de référencement sur les moteurs de recherche. Cette taxe assise sur la publicité compense une perte de revenus publicitaires. Il y a donc bien un rapport entre la taxe et son affectation mais pour plus de sécurité, nous avons prévu une modification l’article 1er de la proposition de loi.

J’ai bien entendu la remarque de Mme Béatrice Piron sur France Médias Monde. Les interrogations de nos amis allemands à propos de la budgétisation étaient les mêmes qu’au sein d’ARTE. L’hypothèse de l’affectation d’une part de TVA a répondu à ces inquiétudes. Je rappelle que Mme Marie-Christine Saragosse, au cours de son audition, se déclarait favorable à ce principe.

Concernant les craintes exposées par Mme Sarah Legrain, nous avons auditionné les représentants du personnel qui siègent dans les conseils d’administration et les organisations syndicales – une soixantaine de personnes en tout – et je n’ai pas vu d’hostilité majeure à propos du maintien de l’affectation d’une fraction de TVA.

M. Alexandre Portier faisait référence à la polémique lancée récemment par l’association des chaînes privées telles que TF1, M6, Canal+, etc. Je pense que tout le monde a eu l’occasion de communiquer. Quant à la répartition de l’offre culturelle sur les chaînes de télévision publiques, nous avons abouti à une proposition équilibrée. Les chaînes privées souhaitaient la définition d’un cahier des charges spécifique pour chaque chaîne publique mais dans la mesure où toutes les chaînes de France Télévisions font partie d’une entreprise unique, une certaine souplesse dans l’organisation et une forme de mutualisation est souhaitable. Sinon, quel serait l’intérêt de créer une entreprise unique ? Nous ne sommes donc pas favorables à un cahier des charges spécifique à chaque chaîne. Ce serait du reste excessivement lourd à gérer. Pour autant, il nous apparaît souhaitable de définir des indicateurs par chaîne afin de garantir un accès à une offre culturelle large à tous les publics, y compris sur des chaînes généralistes et à des horaires accessibles. Je vois d’ailleurs que France Télévisions a fait des efforts en la matière car certains spectacles autrefois diffusés la nuit se retrouvent programmés en soirée.

Comme M. Bertrand Sorre l’a souligné, l’arrivée de nouveaux opérateurs et la transformation des usages sont un tsunami et dans ce contexte, je ne vois pas comment l’audiovisuel public pourrait se dispenser d’évoluer. D’ailleurs, la Présidente de France Télévisions appelait un changement en décembre 2022 : selon elle, le statu quo était impossible. La convergence et la mutualisation nous apparaissent nécessaires car vu le caractère massif des investissements à opérer, la mise en commun des ressources et des compétences en facilitera la réalisation. Je pense notamment à la transition numérique pour s’adapter à la volonté des téléspectateurs – et notamment les jeunes – d’accéder à des programmes à la demande.

Nous souhaitions qu’une mission spécifique soit constituée afin de réfléchir à la problématique ultramarine. Toutes les sociétés audiovisuelles publiques ont signé un pacte de visibilité des Outre-mer en 2021. Nous sommes favorables à la constitution d’un comité de suivi et d’évaluation des mesures de coopération, qui ont été annoncées et engagées mais qui n’ont pas encore abouti. L’engagement de France Télévisions de consacrer douze soirées par an à l’Outre-mer n’est pas considérable. Nous avons noté un certain manque de diversité dans ces programmes, qui étaient essentiellement axés sur les voyages et la découverte alors que l’on pourrait imaginer des programmes mettant en valeur l’histoire ou les personnalités de ces régions.

Des Outre-mer, je passe à l’Europe. Comment ne pas s’intéresser à l’Europe aujourd’hui ? L’Europe est en guerre, et je pense également à la situation particulière d’Euronews, qui a perdu beaucoup de crédibilité et de moyens. La chaîne a été créée grâce à l’implication d’acteurs publics puis elle est devenue une chaîne majoritairement privée avec des acteurs publics très minoritaires. Euronews s’est endettée et a enclenché un plan social majeur et la chaîne est en perte de vitesse. Nous sommes favorables à ce que des indicateurs sur l’Europe soient intégrés aux contrats d’objectifs et de moyens, sachant que des élections européennes sont annoncées, qu’un conflit est en cours en Ukraine et qu’Euronews n’assure plus complètement ses missions. Je souscris donc à cette proposition.

La technologie DAB+ permet d’obtenir une meilleure qualité d’écoute tout en économisant sur les coûts de diffusion et sur la consommation énergétique – un an de diffusion avec cette technologie revient à l’équivalent d’un mois de diffusion sur la bande FM – et je pense que nous devons nous engager dans son développement. Un objectif de 50 % de couverture de la population en 2023 avait été défini ; nous sommes très en retard par rapport à cet objectif et par rapport à nos voisins. Aux pays que vous avez cités, nous pourrions ajouter la Suisse, où les 100 % de couverture sont quasiment atteints. Nous avons même envisagé l’octroi de moyens supplémentaires à l’Arcom pour lui permettre d’accompagner la montée en puissance de cette technologie.

Pour répondre à Mme Rilhac, la question des diversités fait effectivement partie des enjeux au niveau des contrats d’objectifs et de moyens, avec des objectifs communs et spécifiques. S’agissant des objectifs communs, les sociétés de l’audiovisuel public se doivent d’être exemplaires tant en ce qui concerne l’égalité entre les femmes et les hommes que la question des handicaps, les aspects environnementaux et le respect de la diversité et de sa représentation dans la société. Ces objectifs doivent donc être maintenus et les indicateurs doivent être correctement évalués.

Au sujet de l’organisation de la gouvernance, la fusion proposée en 2015 puis en 2022 par le Sénat semble être aujourd’hui une marche trop haute. C’est la raison pour laquelle les sénateurs proposent plutôt une holding. Par rapport à une fusion, cette option permet de maintenir une spécificité éditoriale pour chaque société, ainsi que les conventions collectives existantes. Le calendrier proposé par le Sénat (janvier 2024) me semble cependant prématuré. La priorité à mes yeux est de régler la question du financement. Je ne reviens pas sur le mode de désignation du dirigeant de cette société de holding.

M. Tim Davie avait imaginé dans un premier temps que la TNT disparaîtrait d’ici une dizaine d’années. Il a peut-être exagéré mais l’on constate une attrition de la TNT au rythme de 5 % par an. Il n’est donc pas exclu que d’ici une vingtaine d’années, elle finisse par disparaître. Pour l’heure, la TNT reste le seul moyen de réception de la télévision pour 20 % des Français. Nous devons investir dans le digital tout en modernisant notre TNT et pour investir dans le digital, la mise en commun des moyens humains et financiers est nécessaire.

Pour ce qui est du sport, une liste de vingt et un EIM (événements d’importance majeure) avait été définie en 2004. Certains ont disparu entre-temps, comme le Grand Prix de France de Formule 1. Nous mettions en avant les Jeux Olympiques mais pas les Jeux Paralympiques, les matches de l’équipe de France dans différents sports mais il ne faudrait pas oublier les équipes féminines. Il me semble donc nécessaire d’actualiser le décret qui définit les EIM. Cela ne suffira pas, il faudra légiférer aussi car en 2004, les plateformes n’existaient pas, et elles doivent être incorporées au texte. Les chaînes privées payantes qui acquièrent des droits sont obligées d’en rétrocéder aux chaînes gratuites et le même traitement devrait s’appliquer aux plateformes de diffusion. Nous avions pu voir ainsi une plateforme confisquer les droits de diffusion d’un match de tennis entre MM. Novak Djokovic et Rafael Nadal.

Au sujet des parrainages, j’attire votre attention sur le fait que nous avons assisté à une montée en puissance de ces derniers et que la définition légale a été modifiée. Depuis 2017, les parrains ont le droit de mettre en avant non seulement leur nom et leur logo mais également leurs produits. Le téléspectateur moyen est totalement incapable de différencier un parrainage d’une publicité. La montée en puissance des parrainages chez France Télévisions se traduit dans les recettes publicitaires. Notre proposition est claire : en l’absence de compensation, nous sommes opposés à leur suppression. Ce serait un comble que de voir les recettes publicitaires augmenter pour les chaînes publiques – chez France Télévisions comme chez Radio France – alors que la tendance est baissière ailleurs en Europe. Il n’y a qu’en France que nous avons maintenu un système hybride entre dotations publiques et publicité. Ce serait impossible de supprimer complètement la publicité car le montant à compenser pour France Télévisions atteindrait 400 millions d’euros mais nous devons rechercher un certain équilibre. Je rappelle d’ailleurs que les décrochages régionaux de France 3 ne sont pas concernés dans la mesure où ils échappaient au cadre de la loi de 2009.

M. Quentin Bataillon, rapporteur de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Bien entendu, si la compensation à l’euro près de la perte des revenus publicitaires n’est pas obtenue, nous ne sommes pas favorables à cette suppression. Il ne s’agirait pas de fragiliser inutilement l’audiovisuel public.

Pour répondre à Mme Béatrice Piron, il existe un véritable enjeu au niveau de l’audiovisuel public extérieur. C’est la raison pour laquelle nous soutenons la création d’une implantation supplémentaire à Beyrouth. Cela permettrait de diffuser des informations dans les pays arabes et de renforcer le « soft power » français. Nous pouvons aussi voir un enjeu structurel, à travers notamment la mutualisation entre France 24 et France Info. La BBC ne dispose pas de davantage de moyens à l’extérieur mais la différence est que le ministère des Affaires étrangères apporte un soutien financier spécifique. Cela a été porteur de résultats en 2020 et nous soutenons fortement de telles initiatives.

Nous observons effectivement une évolution des usages. Des évolutions législatives sont à prévoir également.

J’ai participé à l’élaboration du pacte relatif à l’Outre-mer pour France Télévisions, étant donné que je travaillais à l’époque au ministère de la Culture. Ce pacte est aujourd’hui respecté. L’Arcom a la possibilité de l’étendre aux autres sociétés audiovisuelles publiques. Une mission spécifique sur ce sujet serait la bienvenue.

M. Esquenet-Goxes, je tenais tout d’abord à vous remercier pour votre assiduité lors de nos séances de travail. Je connais votre engagement sur les questions européennes et je pense effectivement qu’à l’approche des élections européennes, nous devons davantage parler de l’Europe, qui plus est dans le contexte actuel où Euronews est en difficulté. France Télévisions doit prendre toute sa part à cet effort pédagogique. Je sais qu’ARTE a également prévu des programmes spécifiques. Comptez donc sur notre vigilance et je sais que vous resterez un acteur important pour les questions européennes dans le domaine de l’audiovisuel public.

Vous avez raison, M. Pellerin, nous sommes très en retard dans le développement de la technologie DAB+. Nous devrons bien entendu être vigilants durant la période transitoire durant laquelle la diffusion sur la bande FM coexistera afin de ne pas pénaliser les chaînes de radio. Une fois que nous serons prêts, nous pourrons basculer totalement vers la technologie DAB+. Nous avons certes pris du retard, notamment par rapport aux Suisses, mais nous avons formulé une proposition ambitieuse. Dans la mesure où le déploiement de cette technologie nécessite des moyens supplémentaires, nous proposons que les amendes infligées par l’Arcom à certains groupes audiovisuels ne profitent pas au CNC – qui n’en a pas véritablement besoin – mais restent à disposition de l’Arcom pour financer des missions d’information et de communication sur l’éducation aux médias ainsi que sur le déploiement du DAB+.

M. Raphaël Gérard a été l’un des principaux architectes du pacte de l’Outre-mer pour l’audiovisuel mais il s’est également investi sur le thème de la diversité. L’audiovisuel public doit faire en sorte de dresser un portrait fidèle de la société française. Il a un rôle important à jouer pour promouvoir la diversité et les différents genres et nous devons y être très attentifs – l’Arcom l’est de plus en plus. Vous avez donc tout à fait raison d’appeler à davantage d’actions en ce sens.

Pour répondre à M. Patrier-Leitus, j’insiste une nouvelle fois sur le fait que nous ne concevons pas l’arrêt des parrainages sans compensation financière. Nous pensons par ailleurs que la création d’une holding pourrait jouer le rôle de catalyseur dans le rapprochement des différentes sociétés. C’est d’ailleurs aussi l’opinion des sénateurs. Je profite de l’occasion pour saluer l’excellent travail des sénateurs Leleu et Gatollin. Ils ont été visionnaires car nous marchons encore dans leurs pas sur un certain nombre de sujets.

Bien entendu, la Coupe du monde de football féminine est un événement de première importance. Il me semble effectivement nécessaire de revoir le décret qui définit les événements d’intérêt majeur. Les événements qu’il s’agit de protéger sont aussi pour lesquels la compétition d’acquisition des droits de diffusion est la plus rude. Néanmoins, ce n’est pas le cas du sport féminin. Nous espérons que cela évoluera le plus rapidement possible mais entre-temps, nous soutenons la démocratisation du sport féminin. Nous approuvons les actions conduites par la ministre Amélie Oudéa-Castéra en ce sens. France Télévisions doit prendre toute sa part dans la diffusion du sport féminin, dans l’espoir qu’un jour, les droits soient autant disputés que pour les compétitions masculines. L’accès gratuit et en linéaire des événements sportifs est aussi pour nous une priorité, et pour cela, des ententes entre chaînes privées et publiques sont parfois nécessaires. L’objectif n’est pas de faire exploser le montant des droits de diffusion mais de travailler en bonne intelligence afin que les grandes compétitions jouissent de la meilleure visibilité possible et ce gratuitement.

Je rappelle par ailleurs qu’il appartient à la présidente de France Télévisions d’opérer les choix budgétaires et je lui fais entièrement confiance, vu l’excellent travail qu’elle a réalisé par le passé, afin que la création artistique ne pâtisse pas de mesures d’économies.

Mme la présidente Isabelle Rauch. À mon tour, j’aimerais vous féliciter pour le travail que vous avez mené. La commande initiale consistait effectivement à vous baser sur une analyse de l’évolution des usages et de la perception du service audiovisuel public par les Français. Vous y avez complètement répondu.

Nous vous avons également invités à imaginer un modèle de gouvernance, et vous avez mis en avant l’importance des contrats d’objectifs et de moyens.

Enfin, vous avez abordé la question du financement, sur laquelle nous avons largement débattu ce matin, et présenté la proposition de loi organique qui est destinée à sécuriser les financements.

En application du septième alinéa de l’article 145 du règlement de l’Assemblée nationale, la Commission autorise la publication du rapport.

 

 


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   Liste des propositions

La priorité : le financement public

1.  Mettre fin à l’exercice de contrainte budgétaire mené depuis 2018 afin de donner à l’audiovisuel public les moyens de mener les investissements nécessaires aux nouveaux défis qui l’attendent.

2.  Modifier la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) dès que possible, et en tout état de cause avant le dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2025, afin de pérenniser le financement de l’audiovisuel public par une fraction de TVA, tout en maintenant le compte de concours financiers pour prémunir les entités des régulations infra-annuelles.

3.  Modifier également la LOLF pour créer un prélèvement sur recettes au profit d’ARTE, afin de contribuer au respect des engagements internationaux de la France.

4.  Compenser les pertes de recettes publicitaires par l’affectation, à l’euro près, d’une fraction du produit de la taxe sur les services numériques.

5.  Renforcer le caractère contraignant des COM en les complétant d’une trajectoire financière et en les annexant aux lois de programmation des finances publiques.

6.  Créer un mécanisme d’alerte auprès de l’Arcom au cas où les moyens dévolus à l’audiovisuel public viendraient à s’écarter, au-delà d’un certain seuil, des trajectoires fixées en amont dans des perspectives pluriannuelles et issues des concertations.

Assurer la visibilité et la disponibilité des contenus de l’audiovisuel public :

7.  Construire une vraie stratégie d’interopérabilité et de dialogue éditorial des plateformes digitales du service public de l’audiovisuel.

8.  Travailler à la mise en place d’un moteur de recherche commun du service public de l’audiovisuel pour faciliter les renvois entre les différentes plateformes digitales existantes par des référencements croisés.

9.  Poursuivre l’objectif d’un identifiant commun pour l’inscription aux différentes plateformes de l’audiovisuel public afin de faciliter l’expérience des utilisateurs et de faciliter la mise en commun de données.

10. Élaborer un périmètre conduisant à inclure à la fois les acteurs du service public et les chaînes bénéficiant d’un conventionnement avec l’Arcom (soit les chaînes de la TNT ou de la bande FM) pour la qualification de « services d’intérêt général » et renforcer la visibilité de ceux-ci par différents canaux (télécommandes, carrousels de présentation sur les application ou appareils connectés, etc.).

11. Opérer un travail d’harmonisation et d’amélioration des objectifs et indicateurs inscrits dans les COM des différents groupes afin de favoriser un pilotage plus stratégique des coopérations.

Réaffirmer la singularité du service public :

12. Mener une réflexion approfondie en matière de concurrence sur la notion de marché pertinent pour la publicité.

13. Supprimer toute présence des annonceurs entre 20 heures et 6 heures sur les antennes nationales et plateformes de France télévisions, en étendant l’interdiction à la publicité numérique et aux parrainages.

14. Parallèlement, réaffirmer l’objectif d’une diminution progressive de la publicité, sous toutes ses formes, sur les antennes télévisées comme radiophoniques du service public.

15. Renforcer l’efficacité de l’audiovisuel public extérieur grâce à une diffusion en turc et à une nouvelle implantation moyen-orientale à Beyrouth.

16. Renforcer l’offre d’information et de programme relatifs à l’Europe sur l’ensemble du service public.

17. Maintenir les programmes culturels les plus exigeants sur les chaînes généralistes du service public sans les cantonner aux canaux de diffusion plus confidentiels.

18. Étudier la possibilité d’une salle de rédaction (« newsroom ») commune à plusieurs rédactions du service public (Radio France, France 24 et France Télévisions) afin d’approfondir les collaborations et de mieux profiter de la diversité des compétences présentes dans l’ensemble de l’audiovisuel public.

19. Renforcer la dimension internationale de Franceinfo par l’intégration de l’expertise des équipes de France 24 au sein du média Franceinfo pour favoriser sa montée en puissance.

20. Développer, notamment pour les plus jeunes mais pas seulement, une véritable éducation aux médias et à l’information coordonnée dans l’ensemble du service public de l’audiovisuel, conformément aux recommandations de la mission flash sur l’éducation critique aux médias.

21. Affecter au budget de fonctionnement de l’Arcom, garante de la liberté de communication, le produit des sanctions pécuniaires prononcées à l’encontre des éditeurs de services de télévisions afin de favoriser les actions menées par l’Autorité en matière d’éducation aux médias et à l’information et de déploiement du DAB+.

22. Nommer un délégué interministériel à l’éducation aux médias et à l’information pour mieux en coordonner les différents volets ministériels et veiller au renouvellement et au suivi des conventions sur ce sujet.

23. Parvenir à une révision équilibrée de la liste des évènements sportifs d’importance majeure tels que définis par le décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004.

24. Encourager le partage des diffusions des manifestations sportives entre les sociétés privées à accès gratuit et les sociétés de l’audiovisuel public afin d’assurer un accès le plus large possible pour le public et de contribuer à freiner l’inflation des droits de diffusion.

25. Harmoniser de façon urgente les plans d’affaire des différentes entreprises de l’audiovisuel public et mener un travail commun sur la mesure de leur impact environnemental.

26. Ne pas définir de cahiers des charges par chaîne pour le groupe France Télévisions, mais disposer d’indicateurs différenciés pour mesurer objectivement la répartition des obligations du groupe sur ses antennes.

Améliorer la stratégie commune des entités et leur pilotage :

27. Organiser des consultations publiques préalables à la négociation des COM et associer les différents acteurs du secteur audiovisuel et cinématographique à la phase initiale de leur discussion.

28. Aligner les mandats des dirigeants de l’audiovisuel public sur la durée des COM, qui devra être allongée à quatre ans (ARTE-France) ou cinq ans (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, INA).

29. Créer une structure de gouvernance capable de jouer le rôle de chef de file et de facilitateur entre les entités de l’audiovisuel public, afin de veiller au suivi du cap commun et à l’avancée programmée des collaborations.

30. Dans l’hypothèse de la création d’une société holding, assurer l’indépendance de l’audiovisuel public en faisant nommer son président directeur général par le conseil d’administration de la société, après avis conformes de l’Arcom et des commissions chargées des affaires culturelles des assemblées.

 


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   CONTRIBUTIONS

 


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Par les député•es

Sophie TAILLÉ-POLIAN, Alexis CORBIÈRE,

Iñaki ECHANIZ et Stéphane PEU

 

membres de la mission d’information de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation sur l’avenir de l’audiovisuel public

 

 

 

 

 

 

Introduction

 

 

Cette contribution au rapport d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public a été rédigée à l’initiative des députés de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation membres de la mission d’information, issus des quatre groupes de l’intergroupe NUPES, Écologiste, La France insoumise, Socialistes et apparentés et Gauche démocrate et républicaine.

 

Ils et elles saluent le travail important d’auditions réalisé par le président et le rapporteur de la mission d’information mais craignent que sous couvert de défense du service public, ce rapport risque en réalité de le fragiliser.

 

Dans un monde hyperconnecté, le droit à l’information doit-être une priorité. L’information est un sujet d’intérêt général : une presse libre et indépendante constitue un pilier de la citoyenneté en République. Notre Constitution, dans son article 34, stipule que la loi fixe les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ». Ainsi, une information diverse, non filtrée par les intérêts financiers et politiques, doit être garantie pour la bonne marche de notre démocratie. C’est le rôle du service public de l’audiovisuel, indispensable dans le contexte actuel de l’accès à l’information, dans un contexte d’intense concentration des médias autour d’une ligne politique assumée, et dans un contexte où l’exception culturelle française reste un combat quotidien face à des plateformes dont l’objet est avant tout la rentabilité.

 

Mais la suppression de la redevance à l’audiovisuel public, comme premier acte politique du second mandat d’Emmanuel Macron, est une faute originelle qu’il convient désormais de réparer pour lever le doute toujours persistant sur les garanties de son indépendance et la pérennité de ses financements, sur sa capacité à offrir aux français et aux françaises une information fiable de qualité et une offre culturelle populaire, diverse et intelligente. La création par l’Assemblée nationale d’une mission sur l’avenir de l’audiovisuel public était donc une nécessité.

 

Les députés partagent certaines préconisations des rapporteurs relatives à la création d’une marque “audiovisuel public”, identifiée et valorisée par le public comme une offre capable de s’extraire des logiques commerciales et rentables de l’audiovisuel privé, également caractérisée par l’indépendance et la fiabilité de l’information qu’elle délivre. À ce titre, ils et elles accueillent positivement les recommandations relatives au développement de l’éducation aux médias en en confiant le rôle (et les moyens) à l’ARCOM ; à la nécessité de garantir la diffusion des grands événements sportifs fédérateurs sur le service public, notamment par une mise à jour du décret listant les événements majeurs ; à la mutualisation de moyens dédiés à la lutte contre les fake-news et à une stratégie numérique et data commune. Pour autant, les députés s’opposent fermement à la préconisation de mise en place d’une holding rassemblant les médias publics. Faire de la radio et de la télévision sont deux métiers différents. Ils et elles soutiennent la proposition de suppression de la publicité comme élément différenciant le service public du privé, si les garanties financières pour compenser la fin de la publicité sur France Télévisions sont réunies. L’audiovisuel public subit lui aussi la politique d’austérité d’Emmanuel Macron qui n’a de cesse d’affaiblir les services publics depuis plus de six ans. Le service public d’information n’échappe pas à la fronde du président, le qualifiant même de « honte de la République » lorsque la présidente de France Télévisions avait réclamé des moyens supplémentaires en 2017. Ils et elles regrettent l’absence de préconisations visant à garantir à l’audiovisuel public le retour à une hausse résolue de ses ressources, afin d’être à la hauteur de l’ambition que le rapport lui prête, garant de son indépendance et qui soit juste aux yeux des Français et des Françaises.

 

 

La mise en place d’un holding des médias publics serait inutile et dangereuse pour l’audiovisuel public

 

À la lecture du rapport il est difficile de voir le lien logique entre le bilan positif des dynamiques des médias publics décrit dans la première partie et la nécessité de les placer sous la coupe d’une holding. La première partie décrit une bonne image chez les Français comparée avec ses homologues du privé ; de bonnes audiences selon les médias, ou du moins généralement à la hausse ; de nombreux exemples de transition numérique réussies, à l’image des services d’ARTE et du rajeunissement de son public, du succès incontestable des podcasts radio France ou de celui des plateformes à France.tv et Franceinfo. Les députés ne voient pas la nécessité d’initier un nouveau bouleversement. Il est à craindre qu’un tel changement balaie le travail accompli et risque de susciter une nouvelle inertie de ces institutions après 10 ans de plan social de transition, sans compter les conséquences sur les salariés.

 

Pour ce qui est des mutualisations informatiques envisageables, il semble qu’elles peuvent tout à fait être réalisées sans la mise en place d’une holding, à l’image de l’initiative “Club data” animé par l’INA qui doit bientôt voir le jour. Outre la crainte de remettre une pièce dans la réorganisation permanente, l’idée du regroupement des médias publics procède d’une vision bureaucratique qui ne colle pas à la diversité que représentent les métiers et savoir-faire incluse dans l’audiovisuel public. Sa réussite tient à la diversité de ses marques et à sa capacité à parler à des Français de tous les horizons.

 

Enfin, alors même que nous n’avons pas encore fêté les 50 ans de la disparition de l’ORTF, la perspective de la mise en place d’une holding fait peser une forte menace sur l’indépendance de l’audiovisuel public. Les modalités de désignation mises en place, si elles excluent la nomination pure et simple par le président de la République, ne présentent pas les garanties nécessaires à l’indépendance. Les pouvoirs accordés au PDG de la holding, notamment d’attribution budgétaire entre les différentes entités, font craindre une aggravation des pressions du pouvoir sur l’information publique au moment où les tentatives de restreindre les libertés de la presse se multiplient par des pressions, voire directement par la loi à l’image de la loi Sécurité globale, finalement censurée dans son article 24 qui prévoyait l’interdiction de la collecte et diffusion d’image de forces de l’ordre en action.

Pour conclure, l’idée d’une holding de l’audiovisuel public risque fort de se traduire à la fois par des surcoûts et de la complexité, à une période où les entreprises de l’audiovisuel public devraient avant tout pouvoir se concentrer sur les grands défis qu’elles auront à affronter, notamment approfondir leurs coopérations en matière d’information pour lutter plus efficacement contre les fake news, renforcer leur partenariat sur la proximité pour offrir aux Français des contenus locaux, au plus près de leurs lieux de vie ou encore reconquérir un public jeune qui s’éloigne de plus en plus de la télévision traditionnelle et de la radio, au profit des plateformes vidéos gratuites comme YouTube et des offres payantes à l’image de Netflix ou d’Amazon.

 

La poursuite et l’amplification des coopérations des entreprises de l’audiovisuel public, qui a déjà produit des effets notables (ex : création de franceinfo avec France TV et Radio France ; création de ICI – l’application et le site internet de la proximité par France TV et Radio France, partenariats nombreux en matière de commande publique, d’innovation et de numérique…), s’amplifiera encore d’ici à 2028 aussi une holding ne semble-t-elle pas nécessaire.

 

Le constat de l’état financier exsangue de l’audiovisuel public dressé par les rapporteurs ne semble pas appeler de recommandation de leur part pour y faire face

Les rapporteurs retracent à juste titre la trajectoire d’austérité budgétaire qu’a connu l’audiovisuel public en 10 ans, jusqu’à l’année dernière où les budgets n’ont suivi que partiellement l’inflation. La fin de la compensation de la disparition de la publicité progressive jusqu’à son arrêt complet le 1er janvier 2019, l’arrêt de l’indexation sur l’inflation de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) actée par les lois de finances 2019, 2020, 2021 et 2022, sa diminution, ont contribué à faire diminuer le budget de 0,20% du PIB il y a 10 ans, à 0,16% aujourd’hui. Des résultats très loin des références anglaise (0,28%) et allemande (0,27%).

 

S’ils alertent afin que cette trajectoire baissière s’arrête, nous sommes étonnés que les nombreuses auditions menées ne se traduisent pas par la formulation de leur part de la nécessité de doter l’audiovisuel public de nouveaux moyens, d’y investir massivement au regard des enjeux démocratiques et culturels. Les députés partagent la crainte des rapporteurs que la forte inflation de cette année ne soit pas compensée au PLF 2024 et les risques sur le niveau d’emploi que cela pourrait engendrer. Par ailleurs, la proposition de création d’une holding représente des coûts propres, s’ils ne sont pas compensés par de nouvelles ressources comme le préconisent les rapporteurs, ils vont nécessairement être piochés dans les budgets des filiales et détériorer encore leur santé fragile.

 

La pérennisation de l’attribution d’une fraction de la Taxe sur la Valeur Ajoutée à l’audiovisuel public n’est ni juste, ni garante de son indépendance

 

Les députés accueillent favorablement la proposition de la création d’un mécanisme d’alerte auprès de l’Arcom au cas où les moyens dévolus à l’audiovisuel public viendraient à s’écarter des trajectoires financières fixées. La recommandation visant au renforcement du caractère contraignant des COM par leur annexion aux lois de programmation des finances publiques semble une idée de nature à renforcer le rôle du parlement dans les orientations de l’audiovisuel public.

 

Ils et elles partagent les recommandations relatives au travail d’amélioration des objectifs et indicateurs inscrits dans les COM des différents groupes, l’organisation de consultations publiques préalables à leur négociation et l’alignement des mandats des dirigeants de l’audiovisuel public sur la durée des COM. Pour autant, ils et elles estiment ces recommandations largement insuffisantes à garantir le financement dans la durée de l’audiovisuel public et la crainte que fait peser l’attribution d’une fraction de TVA, moins protectrice que ne l’était l’attribution d’une vraie taxe affectée. La loi de programmation des finances publiques n’est aucunement une garantie de respect des engagements pluriannuels de l’Etat, comme l’ont montré le non-respect des LPFP des deux dernières années et la proposition du gouvernement rejetée en ce moment même.

 

Les députés ajoutent qu’adosser le financement de l’audiovisuel public sur la TVA de manière pérenne est fiscalement injuste. La TVA pèse d’autant plus sur un agent économique qu’il consomme une fraction plus importante de son revenu. Les ménages aux revenus modestes ayant une plus forte propension marginale à consommer sont donc davantage frappés par la TVA. Le taux d’effort (montant de TVA acquitté par rapport au revenu total) est donc décroissant avec le niveau de vie, en partie parce que les revenus élevés consacrent une part plus importante à l’épargne que les plus modestes, ce qui en fait l’impôt le plus injuste. Si le gouvernement refuse la création de nouvelles taxes, nous refusons que la part de TVA finançant les services publics soit de plus en plus importante, car il s’agit là d’une dynamique fiscale anti-redistributive.

 

Les députés regrettent que certaines solutions examinées par le rapport comme le retour d’une CAP payée par tous les français dans différentes proportions selon leurs revenus ; de l’attribution d’une fraction de l’impôt sur le revenu, augmenté à due proportion ; du modèle allemand d’une commission indépendante en charge de l’évaluation des besoins financiers de l’audiovisuel public… que toutes ces propositions aient été rejetées malgré le constat alarmant sur la situation financière de l’audiovisuel public. Pour rappel, les députés de la NUPES proposaient l’été dernier d’instituer une contribution universelle et progressive directement affectée au financement de l’audiovisuel public. Elle permettait d’être plus juste sur le plan fiscal, en baissant le niveau de la redevance pour 85% des foyers, et mieux garante de la nécessaire indépendance des radios et télévisions publiques dans l’exercice de leurs missions de service public.

 

Il semble difficile d’exiger autant de nouvelles coopérations, de nouveaux projets d’adaptation à la transition numérique et de réinvention des programmes des médias publics sans envisager l’augmentation des dotations.

 

Enfin, une telle piste nécessiterait de modifier des règles qui sont fixées par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Deux ans après la dernière LOLF de 2021, qui intervenait vingt ans après la précédente, il semble difficilement envisageable de voter une nouvelle LOLF d’ici 2025, d’autant plus dans le contexte politique actuel. Si elle était suivie, les incertitudes qui entourent cette piste viendraient ainsi fragiliser le financement de l’audiovisuel public, et en cas d’échec, nous risquerions de retomber sur la piste de la budgétisation que les députés contestent.

 

La nécessité de garanties financières pour compenser la fin de la publicité sur France Télévisions

 

Les députés partagent les conclusions des rapporteurs qui énoncent l’incompatibilité structurelle et philosophique de la présence de publicité commerciale sur le service public audiovisuel. Ils et elles soutiennent la suppression de la publicité sur France Télévisions de 20h à 6h, y compris le recours aux “parrainages” publicitaires.

 

Cependant, ils alertent sur la perte de ressources importante que cela représente pour France Télévisions et la nécessité qu’elle soit compensée dans son intégralité. Alors que l’arrêt de la publicité après 20h a déjà représenté une perte sèche, faute des compensations annoncées, les députés craignent que ce ne soit de nouveau le cas. Ils s’inquiètent du fait que l’audiovisuel public se voit retirer une nouvelle fois une ressource sans que n’ait été encore réglé la question de son financement. Afin d’éviter que l’histoire ne se répète, ils exigent des garanties claires sur l’affectation de la taxe sur les services numériques proposée.

 

Or cette ressource envisagée pour compenser cette perte semble très fragile. En effet, la taxe sur les services numériques ne sera sans doute pas pérenne : les discussions en cours au sein de l’OCDE autour d’une future taxe des profits générés par les activités numériques des multinationales amènerait la TSN à disparaître en cas d’accord. Alors que le rapport conforte l’idée que les géants du numériques à l’origine d’un bouleversement du secteur culturel doivent être mis à contribution pour ne pas effacer les acteurs indispensables à la diversité culturelle et créatrice et à la production d’une information indépendante, les députés appellent à une taxe sur les services numériques pérenne et au relèvement de son taux.

 

Pour conclure, les députés alertent sur le fait que si la compensation à l’euro prêt n’avait pas lieu pour sur le long terme, cela entraînera des conséquences significatives sur la capacité du groupe à continuer de soutenir la création au niveau où elle le fait aujourd’hui (France Télévisions investit chaque année 500 M€/an dans la création).

 

Mettre les Outre-mer au cœur de l’audiovisuel public

 

Le rapport évoque brièvement la situation de la représentation des Outre-mer au sein de l’audiovisuel public. Celle-ci est loin d’être satisfaisante ni en termes de programme, de production locale ou de représentation dans les chaînes du groupe. Nous nous sommes opposés à la suppression de France ô qui aurait pu être un outil pertinent. Nous attendons une série de mesures fortes et nous pouvons regretter que les recommandations faites par ce rapport sur la place du service public audiovisuel dans sa dimension ultramarine restent à la marge de nos attentes. En effet, si des engagements ont été pris en 2019 pour permettre aux programmes ultramarins de mieux rayonner et que l’ARCOM a reconnu le respect des chaînes sur son engagement à diffuser des programmes ultramarins, nous pouvons faire mieux que proposer l’exotisme de nos paysages. En ce sens, si l’objectif de diversité à la télévision était rempli, une amélioration du spectre des programmes pourra être appréciée.

 

Où est la prise en compte de la parole des salariés dans ce rapport ?

 

Les députés s’étonnent d’autant plus que les rapporteurs n’appellent pas à augmenter la dotation de l’audiovisuel public que les organisations de représentations de salariés ont été unanimes dans leur cri d’alarme sur la dégradation des conditions de travail et d’exercice des métiers de l’audiovisuel public. L’ubérisation à l’œuvre dans la profession de journalistes et dans les métiers de l’audiovisuel affaiblit la qualité de leur travail comme en témoignent les différentes enquêtes ayant émaillé ces dernières années sur les conditions de travail dégradées dans les médias publics. Les députés rappellent que les bonnes conditions d’exercice du travail des journalistes sont le corollaire de leur indépendance et regrettent que le rapport ne relaie pas leur crainte que la constitution d’une holding ne conduise à de nouvelles suppressions de postes. Les députés proposent de titulariser les salariés précaires exerçant un travail pérenne, à commencer par les permittents.

 

Contribution au rapport de la mission sur l’avenir de l’audiovisuel public de Madame Ségolène Amiot Députée du groupe parlementaire de la France insoumise - NUPES en complément de celle de Madame la Députée Sophie Taillé-Polian, M. le Député Frédéric Maillot, M. le Député Iñaki Echaniz et M. le Député Alexis Corbière.

 

Dans un monde hyper-connecté, le droit à l’information doit-être une priorité. C’est un sujet d’intérêt général : une presse libre et indépendante constitue un pilier de la citoyenneté en République. Notre Constitution, dans son article 34, stipule que la loi fixe les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ».

Ainsi, une information diverse, non filtrée par les intérêts financiers et politiques, doit être garantie pour la bonne marche de notre démocratie. C’est le rôle de l’audiovisuel public notamment : informer, éduquer, divertir de façon objective et sûre. À l’heure de la prolifération de fausses informations, de la concentration croissante des médias et des tentatives d’ingérences étrangères, le rôle du service public de l’audiovisuel est primordial et la question de son financement est cruciale.

 

Malheureusement, l’audiovisuel public subit lui aussi la politique d’austérité d’Emmanuel Macron qui n’a de cesse d’affaiblir les services publics depuis plus de six ans. Le service public d’information n’échappe pas à la fronde du président, le qualifiant même de « honte de la République » lorsque la présidente de France.TV avait réclamé des moyens supplémentaires en 2017.

 

Cette année le gouvernement veut nous faire croire à des avancées et des efforts budgétaires en faveur de l’audiovisuel public. Avec un budget global de 3,8 milliards d’euros dans le Projet de Loi de Finances 2023, le budget de l’Audiovisuel public est effectivement en augmentation de +3,09%. Mais en prenant en compte une inflation à 5,2% en 2023 ce n’est pas une augmentation mais une nouvelle diminution des crédits pour l’audiovisuel public.

 

Le gouvernement fait subir une austérité à l’audiovisuel public depuis 5 ans, avec la fermeture de la chaîne France Ô en 2020, une baisse de 229,25 millions d’euros par rapport au budget 2017, l’annonce de la fin des éditions nationales de France 3, puis la suppression de la redevance de l’audiovisuel public, qui était pourtant sa principale source de revenus. La première proposition du gouvernement était un financement par budgétisation pour remplacer la redevance, la fin de cette ressource affectée revient à soumettre, chaque année, l’audiovisuel public au bon vouloir du gouvernement mettant fin au principe d’indépendance. Mais le Gouvernement s’est rendu compte que cela serait censuré par le Conseil Constitutionnel. Ils ont alors profité du PLFR affectant une partie de la TVA … sauf qu’ils avaient oublié que l’article 2 de la LOLF prévoit qu’à partir de 2025, le bénéfice de la taxe ne peut être maintenu que si celle-ci est en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. « Or le lien entre consommation et audiovisuel public apparaît difficile à étayer » conclut le rapport. Le rapport propose de « Mettre fin à l’exercice de contrainte budgétaire mené depuis 2018 afin de donner à l’audiovisuel public les moyens de mener les investissements nécessaires aux nouveaux défis qui l’attendent. » Mais plutôt que proposer une réelle solution, le rapporteur et le président annoncent déposer une proposition de loi organique « dès que possible, et en tout état de cause avant le dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2025, afin de pérenniser le financement de l’audiovisuel public par une fraction de TVA, tout en maintenant le compte de concours financiers pour prémunir les entités des régulations infra-annuelles ». Une aberration quand on sait que l’économiste Julia Cagé a proposé, lors de son audition, « un impôt dédié à l’audiovisuel public, indexé sur les revenus des particuliers et des personnes morales, avec des tranches évolutives afin de garantir son financement de façon pérenne, égalitaire et indépendante », option qui a semblé mettre d’accord l’ensemble des experts présents ce jour là. La proposition faite dans ce rapport n’est en aucun cas économiquement juste, mais surtout, elle met en danger la pérennisation du financement et l’indépendance de l’audiovisuel public.

 

Dans ce rapport, les propositions vont à l’encontre de ce principe d’indépendance. Le modèle proposé se résume en deux mots : « Synergie » et « mutualisation » ! En résumé, on casse l’indépendance des rédactions en les fusionnant, sous la houlette d’une holding qui se chargera d’uniformiser les lignes éditoriales. Revenir à l’ORTF alors qu’on doit repenser notre modèle à l’ère du numérique, est ubuesque! Mais derrière le travail d’information et de création du service de l’audiovisuel public, il y a des personnes dont les conditions d’exercices vont se dégrader davantage, à l’image des soignants dans l’hôpital public et des professeurs de l’éducation nationale.

 

Des coupes et des fusions qui se répercutent en premier lieu sur les effectifs. La question de l’emploi dans l’audiovisuel public est alarmante. La ligne du gouvernement est claire, faire mieux avec moins. Un objectif inatteignable auquel sont contraints tous les services publics de l’audiovisuel. France Télévision par exemple compte 1500 salariés de moins qu’en 2012 soit une baisse de 15% des effectifs alors que les missions se sont multipliées. Idem chez Radio France, où le nombre d’ETP (équivalent temps plein) est en baisse continue. L’absence d’ambition du gouvernement dans ce domaine est criante sur le terrain. Il fait le choix, chaque année, de diminuer le budget accordé à ce secteur, tout en rêvant d’avoir une “BBC à la française” sans le budget qui va avec.

 

Plusieurs enquêtes ont révélé au grand jour les conditions de travail actuelles des jeunes journalistes à Radio France faute de moyens suffisants : « Radio France vit au-dessus de ses moyens. On est constamment en sous-effectifs et tout le monde doit se démultiplier pour atteindre les ambitions de l’entreprise. La situation des salariés dans les locaux est catastrophique » explique Matthieu Darriet, co-secrétaire national du Syndicat national des journalistes (SNJ) dans un article de Libération du 10 juin 2022. Le rapport réalisé par un cabinet d’expertise, demandé par les élus des comités sociaux et économiques (CSE) indique « La gravité des situations décrites par une partie des salariés correspond aux situations les pires qu’il soit possible d’identifier dans une entreprise de cette envergure en France. » et alerte sur des « conditions de travail illégales ».

 

Outre des milliers d’emplois directs et indirects, la redevance finançait aussi la moitié de la production audiovisuelle française (fictions, documentaires, films d’animation, cinéma, spectacle vivant…), avec les baisses successives de crédits, c’est tout un secteur qui se retrouve amputé d’une partie de son activité.

L’audiovisuel public fait face au défi du changement des modes de consommation de la production audiovisuelle. La concurrence des plates-formes audiovisuelles qui répondent à un besoin à la demande oblige l’audiovisuel public à se réinventer mais pour cela il doit s’appuyer sur ses forces, sans essayer de copier le secteur privé. Corseté par les décrets Tasca, le service public ne détient même plus les droits de ce qu’il a payé ! Et n’a donc pas les moyens de proposer des catalogues de contenus attractifs pour concurrencer les plateformes de streaming comme Netflix.

 

Pour ce qui est de l’information, nous nous trouvons dans une situation où la faiblesse du contre-pouvoir que représente l’audiovisuel public est inacceptable face aux principales plateformes numériques et aux groupes de médias privés. Nous ne pouvons pas laisser les grands groupes privés décider seuls ce qui peut ou non être diffusé. Le gouvernement a fait le choix politique de laisser faire et se refuse à toute régulation. Ainsi, les aides à la presse ne garantissent toujours aucun pluralisme et même pire, on subit un phénomène de concentration des médias toujours plus important. Rappelons que 7 milliardaires concentrent non seulement les grandes franchises médiatiques, mais également une énorme portion des aides directes à la presse. Un phénomène qui menace à la fois l’équilibre économique du secteur et la crédibilité et la pluralité de l’information.

 

Pourtant, France Télévisions reste le premier média des Français·es et touche 81% de la population en moyenne chaque semaine, quel que soit l’écran, soit près de 49 millions de personnes. Le taux de confiance des spectateurs et spectatrices reste constant et fort. Les branches de l’audiovisuel public doivent apporter chaque jour une meilleure connaissance aux citoyens, réduire les inégalités d’information et générer une couverture de l’actualité diversifiée et critique. Pour assumer ces missions de service public, il est nécessaire qu’elles soient correctement financées et protégées de toutes interférences et ingérences, via une ressource publique juste et sanctuarisée. Mais pour les médias comme pour le reste, Macron n’a qu’un modèle : le privé et ses grands patrons !

 

Nous reconnaissons que la redevance, devenue injuste et obsolète, doit être réformée et modernisée. D’un montant unique de 138 euros en hexagone pour les ménages détenteurs d’un téléviseur, elle pèse davantage sur les foyers modestes, quand d’autres y échappent, alors qu’avec l’essor des supports numériques, nous sommes de plus en plus nombreux et nombreuses à bénéficier des offres de l’audiovisuel public sur nos appareils numériques et plus uniquement à la télévision.

 

Toutefois, l’exécutif ne peut brandir dans l’urgence la suppression de la redevance, au nom du pouvoir d’achat, sans aucune réflexion stratégique sur l’organisation et l’avenir de l’audiovisuel public. La libéralisation du secteur par la création de la holding France Médias (projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique finalement abandonné après une première lecture en commission des Affaires culturelles et de l’éducation à l’Assemblée nationale en 2020 ou la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle du sénateur Laurent Lafon examinée au Sénat en juin 2023) va à l’encontre des missions et des forces de l’audiovisuel public.

 

Plutôt que la suppression de la redevance, nous proposons la création d’une contribution audiovisuelle, universelle et progressive aux côtés de chercheurs comme Julia Cagé et d’autres groupes de la NUPES. Elle serait mieux répartie car assumée par tous les foyers, indépendamment de la détention d’un téléviseur. Elle serait adaptée aux capacités des ménages avec des montants progressifs. Ainsi, elle serait une réelle mesure de pouvoir d’achat en ce qu’elle baisserait le montant de la redevance pour 85% des foyers. Pour les 12 millions de foyers les plus modestes par exemple, elle coûterait entre 0 et 30 euros, contre 138 euros auparavant.  Nous voulons également que les sociétés (personnes morales) continuent elles aussi à participer à cette contribution audiovisuelle, universelle et progressive à la hauteur de leurs moyens. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Par exemple, en 2020, les GAFAM ont payé à la France, 375 millions d’euros « autant dire un pourboire » (taxe à hauteur de 3 %). C’est une solution qui fait consensus puisqu’elle bénéficie du soutien d’une majorité des Français·es qui sont attachés à un financement affecté de l’audiovisuel public, mais qui souhaitent le rendre plus juste (l’Enquête électorale de juin 2022 citée par Julia Cagé dans son rapport Une autre redevance est possible publié en juin 2022).

 

Pour reconstruire un service public de qualité, des moyens supplémentaires doivent être mobilisés pour assurer la proximité sur le territoire hexagonal et ultramarin, la présence internationale, la diversité des programmes, la création et l’investigation. Le financement de l’audiovisuel public doit, de ce fait, être libéré de l’influence directe de l’exécutif et des intérêts financiers. Nous devons lui garantir un financement pérenne et évolutif pour atteindre à terme le niveau de financement des grands voisins européens. Cela doit se faire dans un esprit de justice fiscale, l’affectation d’une fraction de la TVA est par conséquent un contre-exemple car il pèse davantage sur les plus modestes. 

 

Le groupe parlementaire La France insoumise-NUPES souhaite une réforme du secteur des médias, mais diamétralement opposée à celle d’E. Macron : une plus grande indépendance, avec plus de moyens pour assurer la qualité de l’audiovisuel public et moins de publicité. Parce que nous ne voulons ni d’un audiovisuel public aux ordres du pouvoir politique ni d’un paysage audiovisuel dominé par le secteur privé. Pour garantir cette indépendance, nous proposons dans le programme de l’Avenir en commun, l’élection au Parlement des présidents de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde. Nous souhaitons également démocratiser les conseils d’administration des sociétés de l’audiovisuel public en renforçant la participation des représentants du personnel.

 

Nous sommes convaincus qu’un lien fort entre les Français·es et l’audiovisuel public est un gage de qualité de l’information indépendante et donc d’une bonne santé démocratique. Par exemple, nous proposons de créer un Conseil national des médias qui fusionne les missions de l’actuel ARCOM, de la Commission paritaire des publications et agences de presse, de l’ancienne Autorité de régulation de la distribution de la presse, du Bureau de vérification de la publicité à laquelle sera adossée la Commission de déontologie journalistique. Ce conseil sera constitué de représentants des pouvoirs exécutifs et législatifs, de représentants des professionnels du secteur et de représentants des usagers des médias. Il sera chargé de missions renforcées, notamment dans le contrôle du respect de la loi anti-concentration et des cahiers des charges de l’audiovisuel avec un pouvoir d’intervention accru. Chargé d’être un véritable contre-pouvoir citoyen, il garantira le pluralisme des opinions et des supports ainsi que la qualité de tous les médias.

 

La liberté et l’accès à l’information ne peuvent attendre. Pour défendre dès maintenant un pluralisme d’information bien mal en point dans notre pays et à l’inverse du projet du gouvernement, nous avons établi une série de propositions dans notre livret thématique consacré aux médias, “L’information est un bien commun”. Nous souhaitons ainsi inscrire dans la Constitution un droit à l’information – et son corollaire nécessaire, la liberté de la presse – ainsi qu’à la culture et à l’existence d’un audiovisuel public comme faisant partie de l’intérêt général. Les principes d’indépendance des médias, tant vis-à-vis du pouvoir politique que des puissances de l’argent, devront être rappelés dans la loi fondamentale. Nous proposons également une loi-cadre anti-concentration qui portera sur l’organisation et la régulation des médias, et notamment sur les grands principes de propriété et de financement.

 

Nous souhaitons garantir le financement de l’Audiovisuel public, y compris l’Audiovisuel extérieur, et de ses projets de développements, avec les propositions suivantes :

 

UN SERVICE PUBLIC DE L’AUDIOVISUEL

       Créer un pôle public de l’audiovisuel avec une politique de création et de programmation de l’audiovisuel public sur le long terme.

       Recréer un pôle de production interne au service des chaînes publiques (avec des décentralisations régionales et des salariés permanents).

       Une caisse de contribution à la création.

       Titulariser les salariés précaires exerçant un travail pérenne, à commencer par les permittents, et instaurer des critères sociaux pour l’achat de productions à des sociétés privées.

       Faire élire par le Parlement la présidence de l’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde) à l’issue d’une campagne publique de présentation des candidatures et projets en compétition. La démocratisation des conseils d’administration sera renforcée avec une participation accrue des représentants du personnel.

UNE DÉONTOLOGIE DES MÉDIAS

       Créer un conseil national des médias garant du pluralisme des opinions et des supports, de la sincérité et de l’honnêteté des informations que les françaises et les français reçoivent ainsi que la qualité de tous les médias, au sein duquel une commission de déontologie journalistique veillera démocratiquement à promouvoir le respect des règles d’éthique professionnelles.

       Un audiovisuel émancipateur au service du peuple en instaurant l’interopérabilité pour sortir du monopole des plateformes sur internet.

       Protéger les médias des pouvoirs politiques et financiers et garantir leur indépendance.

       Protéger la profession de journaliste.

       La liberté d’expression doit être confiée à l’autorité judiciaire.

 

UN FINANCEMENT PÉRENNE ET SUFFISANT

       Un financement indépendant et pérenne par une contribution audiovisuelle, universelle et progressive en incluant les personnes morales pour plus de justice fiscale. L’objectif est d’atteindre à terme un budget comparable à celui de nos grands voisins européens.

       Amplifier davantage la taxation GAFAM.

       Renforcer le service public de l’audiovisuel avec un budget pluriannuel

       Des garanties rendant impossible les baisses de crédits en cours d’année

       Revoir les décrets Tasca et permettre à France.tv d’être propriétaire des productions qu’elle finance majoritairement. Cela permettra à France.tv de constituer un vrai catalogue d’œuvres et d’augmenter ses recettes commerciales avec des ventes à l’étranger

       Permettre l’accès aux antennes aux producteurs indépendants, souvent garant de créativité, en particulier dans le documentaire,

       Faire preuve de plus de vigilance quant aux marges des grands producteurs/animateurs privés qui coûtent chers et n’apportent aucune plus-value sur les antennes de France Télévisions

 


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   Annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

(par ordre chronologique)

 

 

       OpinionWay  M. Frédéric Micheau, directeur général adjoint, directeur des études d’opinion

       Table ronde d’universitaires :

– Mme Julia Cagé, professeure d’économie à Sciences Po Paris, spécialiste de l’économie des médias

 Mme Nathalie Sonnac, professeure en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris Panthéon-Assas, ancienne membre du collège du Conseil supérieur de l’audiovisuel

 Mme Pauline Trouillard, docteure en droit, chercheuse à Yale, spécialiste du financement de l’audiovisuel

 M. Patrick Eveno, professeur émérite à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialiste des médias

       M. Anthony Requin, inspecteur général des finances, M. Louis de Crevoisier, inspecteur des finances, Mme Sylviane Tarsot-Gillery et Mme Sylvie Clément-Cuzin, inspectrices des affaires culturelles, auteurs du rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires culturelles « La concentration dans le secteur des médias à l’ère numérique : de la réglementation à la régulation » remis en mars 2022

       Mme Laurence Franceschini, conseillère d’État

       Syndicat des producteurs audio indépendants (PIA) – M. Joël Ronez, président, Mme Candice Smadja et M. Julien Neuville, membres

       Syndicat des radios indépendantes (SIRTI) (*) – M. Christophe Schalk, président, et M. Kevin Moignoux, secrétaire général

       IFOP – M. Frédéric Dabi, directeur général délégué

       M. Mathieu Gallet, président du conseil d’administration d’ETX Studios, directeur général de Majelan, ancien président de Radio France et de l’Institut national de l’audiovisuel

       Bureau de la radio (*)  Mme Anne Fauconnier, déléguée générale Mme Aurélie Brévan, directrice des relations institutionnelles du groupe NRJ, M. Alain Liberty, directeur des affaires institutionnelles du groupe Lagardère, et M. Frédéric Dejonckheere, responsable des affaires publiques et réglementaires du groupe Altice France

       Médiamétrie (*)  M. Yannick Carriou, directeur général, M. Julien Rosanvallon, directeur adjoint, et M. Briac Gilois, consultant Boury Tallon & Associés

       Union européenne de Radio-Télévision (UER)  Mme Florence Hartmann, responsable du MIS (Service d’Analyse Médias), et Mme Beatriz Pastor y Puga, responsable des relations avec les membres Sud de l’UER

       Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) (*) – M. Pascal Rogard, directeur général, M. Patrick Raude, secrétaire général, et M. Guillaume Prieur, directeur des affaires institutionnelles et européennes

       M. Philippe Vinçon, Inspecteur général des finances, Mmes Sandra Desmettre et Maroussia Outters-Perehinec, Inspectrices des finances, MM. Guy Amsellem et Philippe Nicolas, Inspecteurs généraux des affaires culturelles, auteurs du rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires culturelles « Réforme du financement de l’audiovisuel public » remis en juin 2022

       Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musiques (SACEM) (*)  Mme Cécile Rap-Veber, directrice générale-gérante, M. David El Sayegh, directeur général adjoint, et M. Blaise Mistler, directeur des relations institutionnelles

       Société civile des auteurs multimédia (SCAM) (*)  M. Hervé Rony, directeur général, et M. Vianney Baudeu, conseiller affaires institutionnelles et européennes

       Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la culture – Mme Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles, Mme Laure Leclerc, sous-directrice de l’audiovisuel, et M. Ludovic Berthelot, chef du service des médias

       Groupe Les Échos – M. Pierre Louette, président-directeur général

       Table ronde des représentants de salariés présents aux conseils d’administration des entités de l’audiovisuel public :

 France Télévisions (*)  M. Nathanaël de Rincquesen

– France Médias Monde (*) – M. Sébastien Farcis, correspondant de RFI en Inde et en Asie du Sud

 Radio France (*) – M. François Joulaud et M. Lionel Thompson

 TV5 Monde – Mme Béatrice Combe, secrétaire du Comité social et économique, Mme Mylène Girardeau, reporter-cheffe d’édition, M. Vincent Buchalski, chargé de l’élaboration des conducteurs TV5Monde Orient, et M. Sébastien Legeay, coordinateur programmes Sports

 ARTE-France (*)  Mme Audrey Kamga, Sales Manager ARTE-France, Mme Elisabetta Zampa, M. Samuel Bernardeau, représentant des salariés au conseil d’administration d’ARTE GEIE, et M. Manfred Walser, secrétaire du conseil social et économique d’ARTE G.E.I.E. Strasbourg

 Institut national de l’audiovisuel – M. Stéphane Baron, délégué syndical central, représentant du conseil social et économique au conseil d’administration, et secrétaire national du Syndicat National des Médias CFDT, M. Alain Lavanne et Mme Samia Djedai, élus administrateurs salariés au conseil d’administration de l’INA

       TV5 Monde – M. Yves Bigot, président directeur général, et M. Thomas Derobe, secrétaire général

       Guilde des auteurs et réalisateurs de reportages et de documentaires (GARRD) (*)  M. Vincent de Cointet, président, M. Nicolas Jallot, vice-président, Mme Sandra Rude, administratrice, et Mme Perle Schmidt-Morand, déléguée générale

       Table ronde des représentants syndicaux de France Médias Monde (*) 

– Mme Patricia Lecompte et M. Rodolphe Paccard, délégués syndicaux CFDT

– Mme Dalila Gomri, cheffe d’édition et Mme Maria Afonso, chroniqueuse, FO

– Mme Sabine Mellet, déléguée syndicale CGT, et Mme Soraya Morvan Smith, élue CGT au conseil social et économique

– Mme Natalia Olivares et M. Raphael Moran, journalistes, délégués syndicaux SNJ

 M. Soufiane Errami, journaliste réseaux sociaux, délégué syndical CFTC

– M. William Maunier, secrétaire général SNRT-CGT Audiovisuel

       Table ronde des représentants syndicaux de Radio France (*) 

 M. François Joulaud, administrateur salarié-e-s, et M. Renaud Dalmar, délégué syndical central et secrétaire national du syndicat national des média CFDT

M. Matthieu Darriet, co-secrétaire du SNJ

 MM. Benoit Gaspard et Thierry Chareyre, délégués syndicaux SUD

       Table ronde des représentants syndicaux de l’Institut national de l’audiovisuel

– MM. Stéphane Baron et Christophe Barbier, délégués syndicaux CFDT

 Mme Isabelle Pégurri et M. Jean-Marc Pican, délégué.es syndicaux CGT

 M. Pierre Cortese, délégué syndical FO-Ina

       Table ronde des représentants syndicaux de France Télévisions (*) 

– Mme Yvonne Roehrig, déléguée syndicale centrale CFDT, et M. Christophe Pauly, délégué syndical CFDT

– MM. Renaud Bernard et Claude Lauret, délégués syndicaux centraux FO

– M. Pierre Mouchel, et Mme Karine Baste Régis, CGT

– M. Didier Givodan, délégué syndical central, et M. Antoine Chuzeville, délégué syndical central, SNJ

       Table ronde des représentants syndicaux de ARTE-France (*) 

– M. William Maunier, secrétaire général du SNRT-CGT Audiovisuel, et Mme Elisabetta Zampa, déléguée syndicales SNRT-CGT ARTE-France

– M. Samuel Bernardeau, délégué syndical et représentant syndical au conseil social et économique ARTE G.E.I.E, et M. Manfred Walser, secrétaire du conseil social et économique ARTE G.E.I.E et membre de la délégation syndicale SNME-CFDT

– M. Jean-Luc Maetz, délégué syndical, et Mme Marie Forgiarini, UNSA-SRCTA

       Syndicat des producteurs et créateurs d’émissions de programmes audiovisuels (SPECT) (*) – M. Jérôme Caza, président, M. Jacques Clément, vice-président, et M. Vincent Gisbert, délégué général

       Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle  Direction du budget – M. Jean-Marc Oléron, sous-directeur (de la 8e sous-direction), et M. Bao Nguyen-Hui, adjoint au sous-directeur

       Fédération des industries du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia (FICAM) (*) – M. Didier Huck, président, et M. Jean-Yves Mirski, délégué général

       Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom)  M. Roch-Olivier Maistre, président, M. Guillaume Blanchot, directeur général, et Mme Justine Boniface, directrice de cabinet

       Syndicat des producteurs indépendants (SPI)  M. Gilles Sacuto, président, Mme Nora Melhli, présidente du collège Audiovisuel, M. Sébastien Colin, délégué général, Mme Emmanuelle Mauger, déléguée générale adjointe, et M. Benoit de Daran, Affaires publiques consultants (APC)

       Les Cinéastes de l’ARP (société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs) (*)  M. Radu Mihaileanu, vice-président, Mme Lucie Girre, déléguée générale, et Mme Joyce Dardanne, déléguée générale adjointe

       Association des producteurs indépendants (API) (*) – Mme Hortense de Labriffe, déléguée générale

       Union des Réalisatrices et des Réalisateurs (U2R) – M. Laurent Jaoui, président, Mme Lou Jeunet, vice-présidente, et Mme Dominique Attal, déléguée générale

       Radio Télévision Suisse (RTS)  M. Pascal Crittin, directeur

       Radio Télévision Belge Francophone (RTBF)  M. Jean-Paul Philippot, administrateur général

       Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international - Sous-direction de la culture et des médias  M. Matthieu Peyraud, directeur de la diplomatie d’influence, et Mme Aurélie Lachkar, rédactrice audiovisuel public et privé

       Union des producteurs de cinéma (UPC) (*)  Mme Isabelle Madelaine, présidente, et Mme Valérie Lepine-Karnik, déléguée générale

       Syndicat des professionnels de l’audiovisuel d’outre-mer (SPADOM) –M. Mario Lechat, président, et Mme Mayia Letexier, vice-présidente

       Éditeurs-distributeurs de films de cinéma :

 Distributeurs Indépendants Réunis Européens (DIRE)  M. Eric Lagesse, coprésident des DIRE, président-directeur général de Pyramide Distribution, et M. Hugues Quattrone, délégué général

 Fédération Nationale des Editeurs de Films (FNEF) (*)  M. Victor Hadida, président de la FNEF, président de la société Metropolitan Filmexport, et Mme Hélène Herschel, déléguée générale de la FNEF

 Syndicat des Distributeurs Indépendants (SDI) (*)  M.Étienne Ollagnier, co-président du SDI, président de la société Jour2Fête et de Party Sales, et Mme Emmanuelle Döry, déléguée générale du SDI

       Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC)  M. Dominique Boutonnat, président, M. Olivier Henrard, directeur général délégué, M. Vincent Villette, directeur financier et juridique, et Mme Valérie Bourgoin, directrice de l’audiovisuel, et M. Lionel Bertinet, directeur du cinéma

       Groupe Altice (*)  M. Laurent Halimi, secrétaire général, et Mme Marie Lhermelin, secrétaire générale adjointe

       Réseau France 3  M. Philippe Martinetti, directeur du réseau régional, et Mme Livia Saurin, directrice des relations avec les pouvoirs publics

       Réseau France Bleu – M. Charles-Emmanuel Bon, secrétaire général de Radio France, et Mme Bérénice Ravache, directrice déléguée de France Bleu

       Groupe TF1 (*)  M. Rodolphe Belmer, président directeur général, Mme Julie Burguburu, secrétaire générale, Mme Peggy Le Gouvello, directrice des relations extérieures, et M. Clément Schirmann, responsable des affaires publiques

       AnimFrance (*)  M. Samuel Kaminka, président du collège TV et supports digitaux, Mme Katell France, vice-présidente TV, et M. Stéphane Le Bars, délégué général

       Groupe M6 (*)  M. Nicolas de Tavernost, président du directoire, et Mme Marie Grau-Chevallereau, directrice des études réglementaires au Secrétariat général

       Orange (*) – M. Guillaume Lacroix, directeur produits et services France, Mme Claire Chalvidant, directrice adjointe affaires publiques groupe, et M. François David, responsable réglementation TV

       Radio France (*)  Mme Sibyle Veil, présidente-directrice générale, M. Charles-Emmanuel Bon, secrétaire général, et Mme Marie Message, directrice générale adjointe en charge des moyens et des organisations

       SATEV/FFAP (Syndicat des Agences de Presse Audiovisuelles / Fédération française des agences de Presse) (*)  M. Christian Gérin, président, et Mme Florence Braka, directrice générale

       Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) (*)  Mme Iris Bucher, présidente, Mme Isabelle Degeorges, vice-présidente Fiction, M. Fabrice Coat, vice-président Documentaire, et M. Stéphane Le Bars, délégué général

       France Télévisions (*) – Mme Delphine Ernotte-Cunci, présidente-directrice générale, M. Christophe Tardieu, secrétaire général, Mme Livia Saurin, directrice des relations avec les pouvoirs publics, et M. Bruno Loutrel, directeur de cabinet

       France Médias Monde (*)  Mme Marie-Christine Saragosse, présidente directrice générale, M. Victor Rocaris, directeur général en charge du pôle Ressources, M. Thomas Legrand-Hedel, directeur de la communication et des relations institutionnelles, et Mme Fanny Boyer, adjointe au directeur en charge des relations institutionnelles

       Institut national de l’audiovisuel (INA) – M. Laurent Vallet, président-directeur général, Mme Agnès Chauveau, directrice générale déléguée, M. Mathieu de Seauve, secrétaire général, et Mme Déborah Münzer, conseillère du président-directeur général

       ARTE-France (*)  M. Bruno Patino, président, M. Frédéric Bereyziat, directeur général en charges des ressources, et Mme Lucile Lebreton, chargée de mission

       Groupe Canal + (*)  M. Maxime Saada, président du directoire, Mme Laetitia Ménasé, secrétaire générale, Mme Laure Gaultier, directrice de cabinet du président, et Mme Amélie Meynard, directrice des affaires publiques

       La Chaîne publique parlementaire-Assemblée nationale (LCPAN) –M. Bertrand Delais, président-directeur général, et M. Valentin Dreumont, community manager

       Public Sénat – M. Christopher Baldelli, président-directeur général, et M. Guillaume Pfister secrétaire général

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


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   Annexe n°2 :
Déplacement de la mission à Londres, Royaume-Uni
(30 et 31 janvier 2023)

 

            Ambassade de France au Royaume-Uni : SE Hélène Duchêne, ambassadrice, M. Bertrand Buchwalter, attaché culturel, et M. Dragoslav Zachariev, attaché audiovisuel

            Channel 4 : Mme Alexandra Mahon, directrice générale

            British broadcasting corporation (BBC) : M. Tim Davie, directeur général, et Mmes Clare Sumner et Kate Saunders, direction des politiques

            Ministère du numérique, de la culture, des médias et des sports (DCMS) – M. Robert Specterman-Green, directeur des médias et des industries créatives

            Office of communication (Ofcom) : M. Kevin Bakhurst, directeur des politiques de contenus et les médias et membre exécutif du Conseil, et plusieurs de ses collègues

            Sir Peter Lytton Bazalgette, dirigeant et producteur de télévision britannique, président de la Royal Television Society et vice-président de la National Film School

            Dr David Levy, directeur de l’Institut Reuters

            Mme Claire Enders, fondatrice de Enders Analysis

    

 


([1]) Dans le monde de l’entreprise, l’expression désigne les investisseurs qui ne participent ni directement ni indirectement à la gestion et à la définition de la stratégie de l’entreprise.

([2]) Proposition de loi n°545 relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle déposée le 21 avril 2023 au Sénat.

([3]) Le nouveau monde des médias. Une urgence démocratique, paru le 22 mars 2023.

([4]) Institut français d’opinion publique.

([5]) « Le regard des Français sur le fonctionnement des services publics », IFOP pour le JDD.fr , 7 novembre 2022.

([6])  « Les Français et la télévision : un regard singulier en Europe ? » Enquête Harris Interactive pour France Télévisions, 12 janvier 2022.

([7])  « L’avenir de l’audiovisuel public », OpinionWay, juin 2018.

([8])  Il s’agit de la mission de service public de l’audiovisuel la mieux identifiée par le panel interrogé.

([9]) Chiffres de France Télévisions : https://www.francetvpub.fr/audiences-2022-france-televisions-1er-media-des-francais/

([10]) Sources : Médiamétrie-Médiamat –Base Individus 4 ans et + équipés TV / FTV avec F2, F3, F5, F4 et France info/ TF1 (TF1, TMC, TFX, TF1 séries films, LCI), Canal + (C+, C8, Cstar, Cnews), Next (BFM, RMC découverte, RMC Story).

([11]) Virginie Sonet et Héloïse Boudon, « À plus de 50 ans, la ménagère fait sa mise à jour numérique – La reconfiguration des pratiques télévisuelles des foyers Analogic Natives », Réseaux, n° 229, 2021.

([12]) Regarder à la suite tous les épisodes d’une série télévisée ou d’un groupe de films.

([13]) Les chercheuses observent que cette transition s’opère souvent grâce aux femmes, qui agissent comme des intermédiaires entre les générations, étant plus disposées à écouter les recommandations de leurs enfants adultes.

([14]) Étude SELL/Médiamétrie « Les français et le jeu vidéo », réalisée sur Internet du 1 au 24 septembre 2020, auprès d’un échantillon de 4 072 internautes de 10 ans et plus.

([15]) Médiamétrie – Médiamat – Base Ind4+ équipés TV – Couverture au seuil de 10 secondes consécutives – DEI modélisée, 2023.

([16]) Anne Alombert et Olga Kokshagina, Votre attention, s’il vous plaît !, Conseil national du numérique, juillet 2022.

([17])  Richard Burnley, Principes relatifs à la mission des médias de service public à l’ère du numérique, Union européenne de radio-télévision, décembre 2017.

([18]) Médias et Publicités en ligne - 2018 : Transfert de valeur et nouvelles pratiques, CSA, Ministère de la Culture, Bearing point, 25 juillet 2018 : https://www.csa.fr/Informer/Collections-du-CSA/Thema-Toutes-les-etudes-realisees-ou-co-realisees-par-le-CSA-sur-des-themes-specifiques/Les-etudes-corealisees-avec-le-CSA/Medias-et-Publicites-en-ligne-2018-Transfert-de-valeur-et-nouvelles-pratiques

([19]) Source : 29e Observatoire de l’e-pub du Syndicat des régies Internet (SRI) et de l’Union des Entreprises de conseil et d’Achat Media (UDECAM), février 2023 https://www.sri-france.org/observatoire-epub/29eme-observatoire-de-le-pub/

 

([20]) L’Indice de démocratie est une évaluation annuelle du niveau de la démocratie des États dans le monde à partir de 60 critères, qui a été créée par le groupe de presse britannique The Economist Group.

([21]) Union Européenne de Radio-Télévision (European Broadcasting Union – EBU), Democracy and public service media, décembre 2021.

([22]) Notamment dans son dernier ouvrage Le nouveau monde des médias, Odile Jacob, mars 2023.

([23]) Baromètre de la confiance politique / vague 14 – février 2023, Opinioway pour Sciences Po, Cevipof.

([24])  Notamment dans la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information et la directive 93/83/CEE du Conseil, du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble, la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive dite « Services de médias audiovisuels », SMA), textes plusieurs fois modifiés.

([25]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur (législation européenne sur la liberté des médias) et modifiant la directive 2010/13/UE : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52022PC0457

([26]) Constitué en holding en 2008, France Médias Monde a vocation à porter la stratégie de l’audiovisuel public extérieur français.

([27]) Parmi lesquelles les langues suivantes : français, anglais, arabe, créole haïtien, espagnol, haoussa, khmer, kiswahili, mandenkan, persan, fulfulde, portugais, portugais brésilien, roumain, russe, vietnamien, ukrainien, mandarin simplifié et traditionnel.

([28]) Chiffres basés sur l’étude Africascope septembre 2018 – juin 2019.

([29]) Les grands principes encadrant les obligations d’investissement dans la production audiovisuelle et cinématographique sont prévus par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 qui renvoie à trois décrets le soin de fixer les obligations de production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles : pour les services de télévision hertziens le décret n° 2021-1926 dit « décret TNT », pour les services de télévision non hertziens le décret n° 2021-1924 dit « décret CabSat » et pour les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) le décret n° 2021-793 dit « décret SMAD ».

([30]) Œuvres d’expression originale française et œuvres européennes.

([31]) Source : thémas de l’Arcom.

([32]) 34,9 millions d’euros pour France 2 et 24,4 millions d’euros pour France 3.

([33]) Plus belle France Télévisions ? Une stratégie commerciale en questions, Rapport d’information de la commission des finances du Sénat n° 650.

([34])  Ces chiffres incluent les diffusions nocturnes sur France 2 et France 3, supprimées avec la création de Culturebox en soirée.

([35])  Chiffres issus du rapport de l’Arcom sur l’exécution du cahier des charges de France Télévisions en 2021 https://www.arcom.fr/nos-ressources/etudes-et-donnees/mediatheque/rapport-sur-lexecution-du-cahier-des-charges-de-france-televisions-annee-2021.

([36]) Par la combinaison des articles 1er § 2 du traité interétatique créant la chaîne culturelle européenne et de l’article. 19.1 du contrat de formation du groupement européen d’intérêt économique.

([37]) Les secteurs interdits de publicité sont : les boissons alcoolisées de plus de 1,2° ; les produits du tabac ;les médicaments sur prescription médicale, les armes à feu (sauf chaînes spécialisées) ; les préparations alimentaires pour nourrisson ; les produits phytosanitaires.

([38]) Les secteurs faisant l’objet de restrictions sont : la distribution, pour ses opérations commerciales de promotion, les secteurs assujettis à des règles de diffusion dont les jeux d’argent et de paris sportifs, limités d’accès (interdits dans et autour des programmes à destination de mineurs).

([39]) Cf. p. 17 des annexes au Rapport sur l’exécution du cahier des charges de France Télévisions, année 2021, Arcom.

([40])  Pour mémoire, la publicité n’est pas autorisée sur les antennes suivantes : France Culture, France Musique, le Mouv’ et Fip.

([41]) Le dispositif reprend les dispositions de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 sur les services de médias audiovisuels relatives aux différentes mentions du parrain dans les programmes télévisés (article 2).

([42]) Recettes des web radios, assistants vocaux, podcasts.

([43]) Recettes d’affichage de publicités dans le flux vidéo.

([44]) Les recettes de parrainage ont plutôt tendance à diminuer (7,5 millions d’euros en 2018).

([45]) Les publicités de marques diffusées après 20h aujourd’hui résultent d’une autorisation expresse de l’Arcom et concernent les émissions spéciales telles que celle du Téléthon. Ces exceptions n’ont pas vocation à disparaitre.

([46]) Principes relatifs à la mission des médias de service public à l’ère du numérique, Richard Burnley, UER, décembre 2017.

([47]) Données fournies par France Médias Monde.

([48]) Rapport d’information n° 4600.

([49]) Chiffres Médiamétrie, audition du 11 janvier 2023.

([50]) Chiffres Médiamétrie.

([51]) Chiffres Médiamétrie.

([52])  La confiance des Français dans les médias, Résultats 2023 du baromètre La Croix/Kantar Public onepoint.

([53]) Philippe Martinetti, directeur du réseau régional de France 3.

([54]) L’attachement des Français aux médias audiovisuels locaux, Ifop en partenariat avec le Sirti et Locales tv, septembre 2021.

([55]) Réponses au questionnaire budgétaire, projet de loi de finances pour 2023.

([56]) Assemblée nationale, mission flash sur l’éducation critique aux médias, présentée par Mme Spillebout et M. Ballard, Commission des affaires culturelles et de l’éducation, 15 février 2023.

([57]) Enquête Milan presse – CSA réalisée de 2 au 8 novembre 2021 auprès de 1005 adolescents âgés de 10 à 15 ans.

([58]) https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.aau4586.

([59]) Chiffres fournis par France Télévisions.

([60]) Arcom.

([61]) Audition de Mme Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions.

([62])  Pour le détail, voir le rapport de l’Arcom sur l’exécution du cahier des charges de France Télévisions en 2021.

([63]) Contribution de l’Arcom à la consultation publique sur la modernisation de la liste des événements d’importance majeure, mars 2022.

([64]) Tels que définis par le décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004 pris pour l’application de l’article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000786247/

([65]) C’est-à-dire par le contournement de l’infrastructure de réseau, notamment les fournisseurs d’accès à internet.

([66]) Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers Résultats des 1er et 2e trimestres 2022, pour la télévision, Arcom, mars 2023.

([67]) Selon la définition utilisée par l’Arcom, un boîtier tiers est un équipement permettant de visualiser dans une interface spécifique et en streaming des programmes audiovisuels (en direct ou à la demande). Ils permettent généralement de « basculer » un flux vidéo lancé sur un appareil mobile vers un téléviseur.

([68]) Soit des applications déjà installées lors de la première mise en service de l’appareil.

([69]) Voir les conclusions de la mission « flash » sur la configuration des télécommandes et des écrans d’accueil des équipements audiovisuels, Assemblée nationale, Mmes Sophie Mette et Michèle Victory, 23 février 2022

([70]) France Télévisions, Radio France, Arte, La Chaîne parlementaire Assemblée nationale, Public Sénat et TV5 Monde.

([71]) Décret n° 2022-1541 du 7 décembre fixant le seuil de déclenchement et le délai d’application des obligations de visibilité appropriées des services d’intérêt général, pris après avis de l’Arcom et de l’Arcep.

([72]) https://www.die-medienanstalten.de/public-value.

([73]) Arcom, Avis du 30 novembre 2022 déjà cité.

([74])  Avis n° 2022- 17 du 30 novembre 2022 relatif aux projets d’avenants aux contrats d’objectifs et de moyens 2020-2022 de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde pour l’exercice 2023, Arcom.

([75]) Analyse de l’exécution budgétaire 2022, Compte de concours financier « Avances à l’audiovisuel public », Cour des comptes, avril 2023.

([76]) Article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

([77])  Voir infra pour le détail de l’annexion des COM aux lois de programmation des finances publiques.

([78]) Avis précité de l’Arcom du 7 octobre 2022.

([79])  Avis de Mme Fabienne Colboc présenté au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi de finances pour 2023, Avances à l’audiovisuel public, 20 octobre 2022.

([80]) Avec une mutualisation en cours de réalisation à Rennes ; une mutualisation en cours à Toulon ; le rapprochement de locaux en proximité à Pau et Tours ; le regroupement de France 3 dans les locaux actuels de France Bleu en cours d’étude pour Châteauroux.

([81]) Chiffes fournis en réponse au questionnaire budgétaire.

([82]) Suivant l’idée du Président Jacques Chirac d’une « CNN à la française ».  

([83]) À noter que les moyens liés à l’édition et à l’exploitation des offres numériques de la chaîne sont localisés au sein du GEIE. L’ensemble des décisions stratégiques relatives à ces actifs sont donc prises conjointement par la partie française et la partie allemande, dans le cadre de l’assemblée générale du groupement.

([84]) Contribution écrite d’ARTE-France.

([85]) Le détail des majorités requises au sein des commissions sera arbitré dans le cadre de la discussion d’un tel dispositif législatif.

([86]) Au profit des sociétés et de l’établissement public visés par les articles 44 (les sociétés nationales de programme France Télévisions et Radio France et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France), 45 (société ARTE-France) et 49 (l’établissement public Institut national de l’audiovisuel) de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ainsi que de la société TV5 Monde.

([87])  Les personnes exonérées du paiement de la taxe d’habitation, les personnes veuves, âgées ou infirmes et de condition modeste et celles dont le revenu fiscal de référence était égal à zéro.

([88])  Les limites intrinsèques de la contribution à l’audiovisuel public sont exposées en détail dans le rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles « Réforme du financement de l’audiovisuel public », juin 2022.

([89]) Rapport du Conseil des prélèvements obligatoires « La taxe sur la valeur ajoutée (TVA), un impôt à recentrer sur son objectif de rendement pour les finances publiques », février 2023.

([90]) SFR, Orange, Bouygues Telecom, Free.

([91])  Budgétairement, les comptes d’affectation spéciale (CAS) qui retracent l’affectation de la recette à la dépense permettent d’affecter une taxe en relation directe, par nature, avec la dépense, d’échapper au respect des normes budgétaires de dépense, tout en recevant des versements complémentaires du budget général.

([92]) La CAP était soumise à la TVA au taux réduit de 2,10 %. Cette taxation permettait d’exonérer les opérateurs du paiement de la taxe sur les salaires, prévue à l’article 231 du code général des impôts. La suppression de la CAP a conduit à l’assujettissement des entités à la taxe sur les salaires. Cet effet fiscal est budgétairement intégralement compensé.

([93]) Clôture prévue au 31 décembre 2022.

([94]) Rapport d’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de France Médias Monde, année 2022.

([95]) Kommission zur Ermittlung des Finanzbedarfs der Rundfunkanstalten (Commission pour l’évaluation des besoins financiers des radiodiffuseurs).

([96]) MM. Karoutchi et Hugonet, Mission conjointe de contrôle sur le financement de l’audiovisuel public de la commission des Finances et de la commission de la Culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, rapport d’information n° 651 (2021-2022), déposé le 8 juin 2022.

([97])  Et non un remboursement par les entités elles-mêmes.

([98]) Article 14 de la LOLF « Afin de prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances afférente à l’année concernée, un crédit peut être annulé par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances. […] Avant sa publication, tout décret d’annulation est transmis pour information aux commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et aux autres commissions concernées. Le montant cumulé des crédits annulés par décret en vertu du présent article et de l’article 13 ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année en cours. »

([99])  Dans ce dernier cas, avec l’obligation de compenser la perte de recettes, en application de l’article 40 de la Constitution.

([100]) https://www.boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-2022-11311

([101]) La Convention multilatérale visant à lutter contre l’érosion de la base imposable et le transfert des bénéfices (BEPS) est en négociation depuis plusieurs années. Elle comprend, le Pilier I, qui vise à allouer l’assiette taxable là où est créée la valeur et à établir une règle de répartition des bénéfices et droits d’imposition entre les juridictions pour réattribuer une partie des droits d’imposition aux juridictions de marché, où est réalisée l’activité commerciale. Le Pilier II vise à la mise en place d’un taux d’imposition minimal de 15 %, ce qui constitue une mesure simple et efficace contre la concurrence fiscale entre pays.

([102]) Taxe sur certains services fournis par les grandes entreprises du secteur numérique.

([103]) « Les impositions de toutes natures ne peuvent, sous les mêmes réserves, être affectées à un tiers autre que ceux mentionnés au premier alinéa du présent II et leur affectation ne peut être maintenue que si ce tiers est doté de la personnalité morale et si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. »

([104]) Proposition de loi organique n° 159 visant à garantir le financement indépendant de l’audiovisuel public, 25 juillet 2022.

([105]) Dérogatoire au premier alinéa de l’article 6 de la loi organique, selon lequel « les ressources et les charges budgétaires de l’État sont retracées dans le budget sous forme de recettes et de dépenses ».

([106])  Article 1er du traité interétatique du 2 octobre 1990 : « La Chaîne Culturelle Européenne a la responsabilité exclusive de la programmation. Elle est également responsable de la réalisation des programmes, qu’elle assume de même que la gestion du personnel et du budget sous la surveillance et le contrôle des seuls sociétaires et, partant, à l’exclusion de toute intervention d’autorités publiques, y compris d’autorités indépendantes chargées de la régulation de l’audiovisuel dans le pays du siège. De même, la direction, la gestion et la rémunération du personnel ainsi que l’établissement du budget des sociétaires français et allemand relèvent de la seule responsabilité de ces mêmes sociétaires ».

([107]) Le recours à des ressources publicitaires est en outre exclu pour les programmes de la chaîne.

([108]) Conseil constitutionnel, décision n° 2012-653 DC, Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG), considérant 21.

([109]) Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’union économique et monétaire (TSCG) du 2 mars 2012 prévoit que des institutions budgétaires indépendantes vérifient, au niveau national, le respect des règles communes sur le solde public structurel et qu’un mécanisme de correction est déclenché en cas d’écart important de ce dernier par rapport à son objectif de moyen terme ou à sa trajectoire d’ajustement.

([110]) Projet de loi déposé à l’Assemblée nationale le 26 septembre 2022. La discussion du projet de loi a débuté à l’automne 2022 mais elle n’est pas arrivée à son terme, à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire, le 15 décembre 2022.

([111]) Article 1 E de la LOLF.

([112])  Conseil constitutionnel, décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

([113]) Avis du 7 octobre 2022 relatif au rapport d’exécution des contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde pour l’année 2021 : https://www.arcom.fr/nos-ressources/espace-juridique/textes-juridiques/avis-du-7-octobre-2022-relatif-au-rapport-dexecution-des-contrats-dobjectifs-et-de-moyens-de-france-televisions-radio-france-et-france-medias-monde-pour-lannee-2021

 

([114]) Entre 2012 et 2022.

([115]) Pas de différenciation permanent/non permanent.

([116]) Les entités dont les activités donnent lieu à valorisation économique ont perdu le droit à déduction de TVA sur leurs achats.

([117]) La perception de la CAP était soumise à la TVA afin, notamment, d’exonérer ses bénéficiaires du paiement de la taxe sur les salaires. Depuis la réforme, les entités de l’audiovisuel public doivent s’acquitter de cette taxe.

([118]) Pour le détail, voir l’avis budgétaire de Mme Fabienne Colboc sur le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, fait au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, n °374, tome I, 20 octobre 2022.

([119]) Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2021, compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, Cour des comptes, juillet 2022.

([120])  destinée à couvrir une partie des dépenses évoluant plus vite que l’inflation, en particulier l’évolution de la masse salariale (évolution des carrières et des échelles barémiques), les coûts de production audiovisuelle et du développement numérique.

([121]) https://assnat.fr/Iriwi0