N° 1406

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juin 2023

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 8, du Règlement

PAR le comitÉ d’Évaluation et de contrÔle des politiques publiques

 

sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’information (n° 3232)
du 22 juillet 2020 sur l’évaluation de l’accès à l’enseignement supérieur

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Thomas CAZENAVE et Hendrik DAVI

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE : LE CONSTAT PARTAGÉ D’UN GÂCHIS COLLECTIF EN MATIÈRE D’ORIENTATION ET D’ACCÈS À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

I. L’ORIENTATION EN MANQUE DE COHÉRENCE

A. UNE ABSENCE DE RÉELLE STRATÉGIE NATIONALE

1. Améliorer la réussite des étudiants

2. Achever la démocratisation de l’enseignement supérieur

3. Le droit à l’orientation

B. UN GRAND NOMBRE DE PARTIES PRENANTES DONT LES RÔLES SONT INSUFFISAMMENT PRÉCISÉS

1. La multiplicité des acteurs dans l’accompagnement à l’orientation

a. Les acteurs publics

b. La difficile identification du secteur privé de l’orientation

2. L’éclatement des acteurs au sein même du système éducatif

a. Les professeurs principaux

b. Les professeurs référents

c. Les psychologues de l’Éducation nationale

d. L’ensemble des personnels enseignants

3. L’orientation dans l’enseignement supérieur

C. LA MISE EN ŒUVRE DE LEURS NOUVELLES COMPÉTENCES PAR LES RÉGIONS

1. La déclinaison du cadre national de référence

2. Les régions

3. Les nouvelles attentes

D. LE DIALOGUE INSUFFISANT ENTRE LES DIFFÉRENTS PARTENAIRES

1. L’articulation parfois difficile entre les autorités académiques et les régions

a. Le point de vue des régions

b. L’action des régions diversement perçue

2. Le peu de relations entre le secondaire et le supérieur

II. DES ÉLÈVES INSUFFISAMMENT ACCOMPAGNÉS POUR ÊTRE PLEINEMENT ACTEURS DE LEUR ORIENTATION

A. UN ACCOMPAGNEMENT HÉTÉROGÈNE

1. L’organisation de l’accompagnement

2. La mise en place très inégale des 54 heures consacrées à l’orientation

a. Un dispositif obligatoire ou non ?

b. Des horaires finalement très variables

i. La perception des bénéficiaires

ii. Le regard des autorités académiques

iii. Le point de vue des personnels des établissements scolaires

iv. La position de l’administration centrale

3. De nombreux élèves mal accompagnés

a. Un accompagnement très inégal

b. Les ressources alternatives à l’accompagnement

c. L’accompagnement dans la procédure Parcoursup

B. DES ENSEIGNANTS TROP PEU FORMÉS AUX ENJEUX DE L’ORIENTATION

1. L’orientation comme compétence des enseignants

a. Les répertoires des métiers et des compétences

b. Les enjeux de la formation

2. Le ressenti et la réticence des enseignants

C. LA QUESTION DES MOYENS ALLOUÉS À L’ORIENTATION

D. L’ONISEP, UN OPÉRATEUR QUI A VU SON RÔLE BOULEVERSÉ

1. Les conséquences pour l’ONISEP du transfert de personnels vers les régions

a. D’importants changements structurels

b. La reformulation bienvenue des missions de l’ONISEP

c. L’évolution des relations avec les régions

2. Une évolution diversement appréciée

III. LA PLACE TOUJOURS IMPORTANTE DES DÉTERMINANTS SOCIAUX DANS L’ORIENTATION

A. LE POIDS DES ORIGINES SOCIOCULTURELLES

1. Les familles, premières prescriptrices en matière d’orientation

2. Le poids des inégalités socioculturelles dans l’orientation des élèves

a. Les inégalités socioculturelles

b. La dimension territoriale des inégalités

B. L’INFLUENCE DU GENRE AU MOMENT DE L’ORIENTATION

1. Une part toujours importante d’inégalité de genre, notamment dans les filières scientifiques

2. L’autocensure toujours importante malgré des évolutions récentes

a. L’addition des déterminismes

b. L’exemple des cordées de la réussite

IV. PARCOURSUP : UN SYSTÈME D’AFFECTATION À JUGER À L’AUNE DE SES OBJECTIFS

A. COMMENT ÉVALUER LA PERFORMANCE DE LA PROCÉDURE INSTITUÉE EN 2018 ?

1. Une information proche de l’exhaustivité

2. L’appariement entre les vœux et les formations

3. Sur les mesures d’équité plus volontaristes

a. Les quotas de boursiers

b. Les places réservées pour les bacheliers technologiques et professionnels

c. Les quotas territoriaux

4. La transparence de l’information ne suffit pas

a. Le principe et sa déclinaison

b. Une approche loin de tout résoudre

B. UN PROCESSUS QUI DEMEURE STRESSANT POUR LES ÉTUDIANTS ET LEURS familles

1. Le stress croissant autour de la plateforme

a. Les émotions inhérentes à l’orientation

b. Un calendrier trop resserré

c. Avancer la hiérarchisation des vœux ?

2. La compréhension du mécanisme, condition de sa légitimité

a. L’impératif de la transparence

b. La nécessaire transparence des commissions d’examen des vœux

c. Un système d’appariement en tension faute de places dans le supérieur

DEUXIÈME PARTIE : POUR UNE POLITIQUE PUBLIQUE DE L’ORIENTATION AU SERVICE DE LA RÉUSSITE DE TOUS LES ÉLÈVES

I. CLARIFIER LES OBJECTIFS ET FORMALISER LA POLITIQUE PUBLIQUE DE L’ORIENTATION

A. PRÉCISER LE RÔLE RESPECTIF DES ACTEURS

1. Le partage des compétences entre l’État et les régions

a. Le cadre actuel

b. Les revendications de l’association des régions de France

2. Le nécessaire maintien de la compétence de l’Éducation nationale

B. GARANTIR UN PILOTAGE NATIONAL

1. La nécessité d’une coordination efficace

2. Le programme Avenir(s) comme outil de coordination ?

C. FORMALISER LA POLITIQUE PUBLIQUE DE L’ORIENTATION

1. L’opportunité du lancement du chantier des politiques publiques prioritaires

2. Adopter un texte politique

II. ASSURER UN ACCOMPAGNEMENT EFFECTIF DES ÉLÈVES

A. FORMER LES ENSEIGNANTS AUX ENJEUX DE L’ACCOMPAGNEMENT À L’ORIENTATION

1. Le schéma directeur de la formation continue et ses déclinaisons

2. La montée en puissance de l’orientation dans les catalogues de formation

3. Assurer le remplacement des professeurs en formation

B. GARANTIR UN PARCOURS D’ORIENTATION EFFECTIF

1. Intégrer l’orientation dans l’emploi du temps des élèves

2. Recalibrer les missions des psy-EN et leurs moyens

C. UN REGARD SUR LES PROJETS FINANCÉS PAR LES PROGRAMMES D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR (PIA)

1. Quelques exemples

a. Compas, en Occitanie

b. « À vous le sup’ » (Académie de Lille)

c. « Oser ! » (Picardie)

d. Noria, en Alsace

e. Acorda, à Toulouse

2. Prendre la mesure de l’intérêt des synergies ainsi créées

III. UNE OUVERTURE DES ÉTABLISSEMENTS AVEC UN ENCADREMENT RENFORCÉ

A. UNE OUVERTURE DES ÉTABLISSEMENTS SUR L’EXTÉRIEUR QUI FAIT PARFOIS DÉBAT

B. REPENSER LES INTERVENTIONS EXTÉRIEURES AFIN D’OUVRIR LES HORIZONS DES ÉLÈVES

IV. GARANTIR UNE ORIENTATION PLUS TRANSPARENTE ET PLUS JUSTE

A. QUESTIONNER QUELQUES ÉLÉMENTS DE PROCÉDURE

1. L’utilité de la lettre motivée

2. La fiche « Avenir »

3. Un calendrier encore trop contraint

B. UNE PLUS GRANDE TRANSPARENCE DE LA PLATEFORME ET DE LA PROCÉDURE

1. Cartographier les filières en tension

2. La visibilité de l’enseignement supérieur privé

a. La présentation des établissements d’enseignement supérieur

b. S’assurer de la qualité des établissements d’enseignement supérieur privés présents sur Parcoursup

3. Communiquer les statistiques d’insertion professionnelle des différentes formations

4. L’accès encore difficile des chercheurs aux données de la plateforme

5. Le fonctionnement des commissions d’examen des vœux

a. La question récurrente des lycées d’origine

b. Le besoin des lycéens de comprendre les critères de sélection

C. OBLIGER LES FILIÈRES SÉLECTIVES À CLASSER TOUS LES CANDIDATS

V. CONFORTER LES DISPOSITIFS EN FAVEUR DE LA RÉUSSITE DES ÉTUDIANTS

A. L’EFFICACITÉ ENCORE INCERTAINE DES « OUI SI »

B. LES DISPOSITIFS DE RÉORIENTATION

CONCLUSION

EXAMEN PAR LE COMITÉ

ANNEXE N° 1 : TABLEAU DE SUIVI DES PROPOSITIONS

ANNEXE N° 2 : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

 


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   SYNTHÈSE



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   INTRODUCTION

Lors de sa réunion du 24 octobre 2018, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a inscrit à son programme de travail une évaluation de l’accès à l’enseignement supérieur, demandée par le groupe Socialistes et apparentés, et sollicité, sur le fondement de l’article L. 132-5 du code des juridictions financières, l’assistance de la Cour des comptes dont le rapport lui a été présenté, le 27 février 2020, par Mme Sophie Moati, présidente de la 3ème chambre.

Les rapporteurs du CEC, M. Régis Juanico (SOC) et Mme Nathalie Sarles (LaREM), se sont alors saisis des analyses de la Cour et ont mené leurs propres travaux avant de publier leurs conclusions le 22 juillet 2020.

Le 20 octobre 2022, le CEC a décidé de lancer un suivi des conclusions de ce dernier rapport, suivi qu’il a confié à MM. Thomas Cazenave (RE) et Hendrik Davi (LFI‑NUPES).

Du fait du changement de législature intervenu entre le rapport initial et le rapport de suivi, et même si les travaux du CEC se caractérisent par une certaine continuité, les rapporteurs ont estimé ne pas devoir se cantonner à une analyse de l’application des propositions de leurs prédécesseurs, mais bien d’entreprendre une réévaluation de l’ensemble des questions relatives à l’accès à l’enseignement supérieur qui ne se limitent pas, loin de là, à la seule plateforme Parcoursup.

Il apparaît en fait que nombre de problématiques se posent dans des termes comparables en 2023 et en 2020, et que le constat partagé du gâchis collectif en matière d’orientation et d’accès à l’enseignement supérieur justifie une affirmation de cette politique publique prioritaire au service de la réussite de tous les élèves.

 


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PREMIÈRE PARTIE : LE CONSTAT PARTAGÉ D’UN GÂCHIS COLLECTIF EN MATIÈRE D’ORIENTATION ET D’ACCÈS À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

« La réalité, c’est que nous ne faisons pas notre travail comme il se doit en termes d’orientation ». C’est ainsi que le Président de la République résumait la question en présentant le projet de réforme du lycée professionnel aux recteurs le 25 août 2022, soulignant notamment les déterminismes à l’œuvre pour conduire le plus souvent contre leur gré les élèves vers l’enseignement professionnel. Ce « gâchis collectif », comme M. Emmanuel Macron le dénonçait, est tout sauf récent. Nombreux sont les travaux qui, depuis longtemps, ont identifié les problématiques en cause et leurs effets : poids des déterminants sociaux, manque d’accompagnement des élèves, de coordination entre les acteurs.

I.   L’ORIENTATION EN MANQUE DE COHÉRENCE

Comme le relevait M. Pascal Charvet, inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale dans un rapport publié en juin 2019, ce n’est que récemment « que l’orientation s’est constituée progressivement comme un champ des politiques publiques à organiser. Cependant, malgré les évolutions en la matière, l’orientation scolaire et professionnelle est restée traversée par des logiques institutionnelles parfois dissonantes et redondantes. À cet égard, le constat selon lequel la France possède un système d’orientation dont les opérateurs, les décideurs et les financements sont fragmentés, est unanimement partagé » ([1]).

Les réformes introduites ces dernières années dans le champ de l’orientation, au premier rang desquelles l’adoption en 2018 de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (loi ORE) ([2]), ont eu pour ambition d’améliorer la réussite des étudiants et de renforcer la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur. C’est dans ce contexte qu’il importe d’analyser les objectifs et priorités qui ont été assignés, sans définition d’une réelle stratégie nationale ni correction des constats du rapport Charvet.

A.   UNE ABSENCE DE RÉELLE STRATÉGIE NATIONALE

L’analyse que dressait le rapport Charvet en juin 2019 n’a en effet rien perdu de sa pertinence et nombre d’observateurs la partagent encore. L’orientation pâtit de ne pas voir ses objectifs formalisés dans une stratégie sur laquelle articuler une politique.

1.   Améliorer la réussite des étudiants

La réforme du lycée et du baccalauréat, décidée à l’orée des années 2020, s’est faite en articulation étroite avec celle de l’entrée dans l’enseignement supérieur. L’objectif affiché de cet ensemble de réformes, qui a complètement transformé notre système éducatif, était d’instaurer des mesures visant à améliorer la réussite des étudiants, plus de 90 % des lycéens d’une classe d’âge obtenant le baccalauréat ([3]) mais seulement 30 % des étudiants réussissant leur première année de licence. Certains chercheurs contestent toutefois ce point de vue et soulignent que, en réalité, les taux de redoublement et d’abandon sont constants depuis les années 1960 : en moyenne 30 % des étudiants abandonnent, 30 % redoublent et 30 % passent en seconde année. Par ailleurs, l’abandon dans un cursus signifie souvent la réorientation dans un autre, avec un grand nombre de réussites par ce biais. Le premier cycle peut être considéré dans ce cas-là comme un cycle de découverte. Si l’on examine le devenir des étudiants six ans après leur inscription en licence, le système français n’est pas aussi inefficace que pourrait le laisser suggérer l’examen du seul « taux d’échec » en licence.

Mais nous ne pouvons nous satisfaire collectivement de ce taux d’échec important en licence.

Comme le rappelait Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, en décembre 2017 lors de la discussion générale du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants devant la représentation nationale, l’attention du Gouvernement s’est portée sur l’échec en première année de licence. Pour y remédier, le Gouvernement proposait notamment de renforcer l’accompagnement des futurs étudiants durant les quelques mois de la procédure d’entrée dans l’enseignement supérieur, et « de donner à nos équipes pédagogiques, au sein des établissements, les moyens de saisir à bras-le-corps l’enjeu de la réussite étudiante et d’accompagner toute notre jeunesse au moment de son entrée dans l’enseignement supérieur » ([4]). En présentant le projet de loi, la ministre affirmait vouloir replacer l’étudiant au centre de la procédure d’orientation, « en le rendant pleinement acteur de ses choix, mais aussi au centre de notre enseignement supérieur, en personnalisant les parcours qui lui sont offerts pour lui donner toutes les chances de réussir ».

Mais les réformes successives n’ont pas amélioré significativement la réussite en licence. Parmi les bacheliers 2014, 63 % ont obtenu un bac+3 six ans après leur baccalauréat, mais 28 % des étudiants sont sortis sans diplôme. Au début des années 2000, ce taux d’échec était inférieur de huit points.

Les données fournies par le ministère confirment que ce taux de réussite en licence en trois ou quatre ans a peu augmenté en passant de 46,7 % pour les étudiants inscrits en 2007 à 50,15 % pour ceux de 2015.

Le bilan demeure insatisfaisant malgré les réformes successives, puisque 24,2 % des étudiants inscrits pour la première fois en première année de licence en 2019-2020 ont abandonné l’université, sans réorientation. Néanmoins, on peut nuancer ce constat en regard du contexte caractérisé par l’augmentation de la démographie étudiante. Selon la ministre, l’une des raisons de ces échecs relatifs est que cet accompagnement devait s’inscrire dans la durée et débuter bien en amont de l’entrée dans l’enseignement supérieur, comme le recommandait le Plan Étudiants présenté quelques mois plus tôt, et « permettre à chaque lycéen de construire progressivement son orientation, (…) à son rythme (…) ». Rythme, ajoutait la ministre, qu’il faut évidemment respecter, « mais notre responsabilité collective, c’est de définir des étapes, qui permettront à chacun de mûrir ses choix, d’affirmer progressivement des envies et d’identifier des perspectives ».

De là l’insertion d’un certain nombre de nouveaux dispositifs au lycée, destinés à aider les élèves dans ce processus de construction et à renforcer la cohésion entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur : désignation de deux professeurs principaux, institution de deux semaines dédiées à l’orientation, renforcement du rôle des conseils de classe, tutorat, accompagnement personnalisé, outils numériques, ou encore resserrement des liens entre l’enseignement secondaire et supérieur, pour créer la continuité nécessaire.

L’orientation est en conséquence un élément central de cette ambition dont l’importance ne cesse d’être soulignée. Avant de présenter quelques initiatives qui se mettront progressivement en place dans les collèges volontaires ([5]), la circulaire de rentrée de 2022 définira l’orientation comme un facteur d’égalité des chances en rappelant que « les enjeux d’égalité concernent aussi la découverte du monde du travail, alors que les plus informés des élèves sont ceux qui, souvent, poursuivront les études les plus longues et auront les meilleures conditions pour construire progressivement leur parcours ».

De ce point de vue, le rapport Mathiot insistait sur le fait que les changements dans l’organisation de la scolarité au lycée et dans l’examen final ne devaient pas faire oublier l’importance cardinale de l’orientation : « Tout ce qui va dans le sens du renforcement de l’orientation et de l’appui à la construction de projets participe d’une ambition scolaire plus générale et permet aussi, voire surtout, de lutter contre les inégalités qui existent entre les élèves. On sait bien, en effet, et même si beaucoup se joue bien sûr avant le lycée, que les choix d’orientation au sein du lycée et pour l’enseignement supérieur renvoient trop souvent aux origines des élèves (sociale et territoriale), à leur accès très différent à l’information et à des formes très ancrées d’autocensure. S’il y a encore un sens à parler de promesse républicaine, elle se situe sans doute ici : dans la création des conditions réelles de l’égalité. » ([6])

Néanmoins, cette focalisation justifiée sur les insuffisances de notre système d’orientation ne doit pas masquer que la réussite en licence dépend aussi du niveau et des modalités d’encadrement dans l’enseignement supérieur. Nous savons par exemple que la réussite est corrélée au taux de dépense par étudiant.

taux de réussite et coût de la formation

Source : « État de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en France », n° 14 ; MESRI‐DGESIP/DGRI‐SIES, SCOLARITÉ. Cohortes 2015‐2016. Taux de réussite CPGE : poursuite d’étude à + 2 ans.

2.   Achever la démocratisation de l’enseignement supérieur

Cette démocratisation est d’autant plus nécessaire que nous avons besoin de plus en plus de salariés qualifiés, y compris dans les métiers techniques. L’enjeu demeure la lutte contre les déterminismes sociaux.

Parallèlement à la réflexion engagée sur la réforme du baccalauréat, une réorganisation complète du lycée a donc été entreprise de manière à assurer le continuum ([7]) entre le lycée et le supérieur. Le rapport Mathiot insistait sur le fait qu’il était « absolument souhaitable que le baccalauréat à venir et le lycée qui le précèdera et y conduira soient fortement articulés à l’enjeu de la poursuite d’études supérieures, à la définition par l’élève de ses vœux et à un objectif de réussite du plus grand nombre » ([8]). À cet effet, des enseignements communs combinés à des enseignements de spécialités se sont substitués aux séries existantes, et la réforme du baccalauréat a fait une place importante au contrôle continu, pour permettre de juger de la progression des élèves, en contrepartie de la réduction du nombre des épreuves finales à l’examen.

Le second objectif de la vague de réformes introduites par le Gouvernement a entendu achever la démocratisation de l’enseignement supérieur. Pour la ministre, éducation et qualification sont les meilleures armes pour faire face aux multiples mutations que le monde contemporain connaît et il s’agit de les rendre accessibles au plus grand nombre, de permettre aux jeunes générations d’accéder à des niveaux de formation plus élevés.

C’est la raison pour laquelle un dispositif transparent et caractérisé par l’importance de l’information sur les formations de l’enseignement supérieur mise à disposition des lycéens candidats est instauré pour remplacer la plateforme APB, qui avait recours, in fine, au tirage au sort – mode d’affectation arbitraire – dans certaines filières en tension. En outre, des quotas de boursiers ou géographiques sont institués pour corriger les inégalités sociales et territoriales d’accès à l’enseignement supérieur et faciliter les mobilités. Pour la ministre de l’enseignement supérieur, ces mesures sont essentielles pour donner tout son sens à une réforme de progrès « qui rende pleinement à l’enseignement supérieur sa fonction de tremplin vers la réussite et de moteur de l’égalité ».

3.   Le droit à l’orientation

Il est utile de rappeler, dans un premier temps, comment est défini le droit à l’orientation.

Il convient enfin de souligner que le conseil en orientation est un droit depuis la loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation. L’article L. 313-1 du code de l’éducation dispose que le droit au conseil en orientation et à l’information sur les enseignements et l’obtention d’une qualification professionnelle, sur les professions et les débouchés, fait partie du droit à l’éducation, lequel est « garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté » ([9]).

Le code de l’éducation définit l’orientation comme « le résultat du processus continu d’élaboration et de réalisation du projet personnel de formation et d’insertion sociale et professionnelle que l’élève de collège, puis de lycée, mène en fonction de ses aspirations et de ses capacités » ([10]).

L’article L. 331-7 du code précise que l’orientation et les formations proposées aux élèves tiennent compte du développement de leurs aspirations et aptitudes, des perspectives de débouchés professionnels et des besoins de la société. Ce processus doit favoriser une représentation équilibrée entre hommes et femmes dans les filières de formation. Dès la fin de la classe de seconde, rappelle la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), chaque lycéen est appelé à consolider son projet d’études en procédant au choix de ses spécialités dans la voie générale ou d’une série dans la voie technologique. Sa réflexion se poursuit et s’intensifie pendant les deux années du cycle terminal en parallèle, et grâce au travail mené dans les enseignements de spécialité, pour préparer les deux questions que l’élève présente au jury lors de l’épreuve terminale du Grand oral ([11]).

Les dispositions du code s’intéressent ensuite essentiellement à la procédure d’orientation. Un parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel, introduit en 2013 ([12]) – dénommé « parcours Avenir » depuis 2015 – est proposé aux élèves du second degré pour éclairer leurs choix et élaborer leur projet. Il doit permettre à chacun « de comprendre le monde économique et professionnel, de connaître la diversité des métiers et des formations, de développer son sens de l’engagement et de l’initiative et d’élaborer son projet d’orientation scolaire et professionnelle » ([13]). Il est défini avec les élèves et leurs parents sous la responsabilité du chef d’établissement, étant entendu que le choix de l’orientation est de la responsabilité des familles ([14]).

Ce parcours individuel, mis en place pour chaque élève de la sixième à la terminale, relève des enseignements dispensés dans les collèges, étant précisé que « pendant la scolarité obligatoire, les connaissances et compétences acquises par les élèves dans le cadre de ce parcours sont prises en compte pour la validation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture (…) » ([15]). Au lycée, l’évaluation des acquis est prise en compte dans le livret scolaire des élèves, après avis du conseil de classe.

Afin de permettre à chaque famille de connaître des éléments d’appréciation concernant l’élève, des « relations d’information mutuelle » ([16]) sont établies entre les enseignants et les familles. Il est précisé que le processus « est conduit avec l’aide des représentants légaux de l’élève, des personnels concernés de l’établissement scolaire, notamment l’équipe de direction, des personnels enseignants, d’éducation et de santé scolaire, et des personnels d’orientation », la participation de l’élève en garantissant le caractère personnel.

Le processus prend appui sur le suivi de son parcours scolaire, incluant notamment l’évaluation de la progression de ses acquis, réalisé par les personnels enseignants, avec le concours des personnels d’éducation et d’orientation, sur son information et celle de ses représentants légaux et sur le dialogue entre ces derniers et les membres de l’équipe éducative, cela dans une perspective de développement des potentialités de l’élève et d’égalité d’accès aux formations des filles et des garçons. Une synthèse en est régulièrement transmise à l’élève et à ses représentants légaux. Elle leur propose les objectifs et modalités pédagogiques permettant l’élaboration puis la réalisation du projet personnel de l’élève ([17]).

Les décisions d’orientation interviennent sur la base du bilan de l’élève, de l’information fournie et des résultats du dialogue entre les membres de l’équipe éducative et les parents. Ceux-ci formulent les demandes d’orientation, examinées par le conseil de classe qui émet des propositions ([18]). Tant les demandes que les propositions et décisions d’orientation en fin de classe de seconde doivent, sauf cas particulier, s’inscrire dans le cadre des voies d’orientation, générale ou technologique, définies par arrêté du ministre ([19]).

C’est aux familles, « éclairées par le dialogue avec les membres de l’équipe éducative et par l’avis du conseil de classe » ([20]), qu’incombent les choix des enseignements de spécialité en première et en terminale. Pour faciliter leur décision, les chefs d’établissement leur fournissent « l’information concernant les contenus, la carte des enseignements de spécialité ainsi que les articulations les plus cohérentes avec les filières d’études supérieures » ([21]). Le directeur général de l’enseignement scolaire insiste sur l’importance du dialogue à instaurer qui permettra aux familles d’émettre en fin d’année des choix définitifs en toute connaissance de cause pour la réussite et l’implication de l’élève dans la suite de son parcours.

B.   UN GRAND NOMBRE DE PARTIES PRENANTES DONT LES RÔLES SONT INSUFFISAMMENT PRÉCISÉS

1.   La multiplicité des acteurs dans l’accompagnement à l’orientation

Il serait imprudent de dire que le panorama que le rapport du CEC de 2020 ([22]) avait tracé s’est éclairci. Le maquis qui était décrit est toujours le même et l’écosystème de l’orientation met en présence des acteurs qui sont loin d’être des partenaires agissant de manière coordonnée ou simplement ayant connaissance de la mission et des actions menées par les autres.

a.   Les acteurs publics

Les intervenants sont nombreux. Pour ne mentionner dans un premier temps que ceux qui relèvent du secteur public, les régions, qui ont vu leur rôle s’étoffer de manière importante en 2018, et l’État, se partagent les missions. Les intervenants au nom de l’État se situent au niveau national, régional, départemental et local et interviennent dans des instances de différentes natures ([23]) :

– au sein du rectorat de région, la délégation de région académique à l’information et à l’orientation (DRAIO) impulse, coordonne et accompagne la politique régionale en matière d’orientation et de lutte contre le décrochage scolaire. Elle est l’interlocutrice de la région et des partenaires pour l’orientation et pour la lutte contre le décrochage scolaire ;

– au sein du rectorat d’académie, le service académique de l’information et de l’orientation (SAIO) pilote la politique académique d’orientation et de lutte contre le décrochage et est chargé des services académiques d’information et d’orientation. Le chef du service est également délégué régional de l’ONISEP ; la direction départementale des services de l’Éducation nationale (DSDEN) met en œuvre la politique académique en matière d’orientation et de lutte contre le décrochage scolaire, et participe à l’animation, à la coordination et au contrôle des actions d’information et d’orientation du ministère de l’Éducation nationale ;

– au sein des établissements scolaires, les chefs d’établissement, professeurs principaux, professeurs référents et psychologues de l’éducation sont les acteurs opérationnels de l’orientation, et jouent tous un rôle important dans l’accompagnement des élèves au long de leur scolarité dans le secondaire.

Dans la sphère publique, d’autres parties prenantes interviennent ([24]), au rôle parfois central, tel l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP), tant au niveau national que régional. Aux différents niveaux de l’action publique, se trouvent des structures d’information et d’orientation : les services publics régionaux de l’orientation (SPRO), introduits par la loi de 2014 sur l’orientation professionnelle, de la responsabilité des conseils régionaux ; au niveau infra‑départemental, les centres d’information et d’orientation (CIO) – on en dénombre 431 sur le territoire national ; ou encore les services communs universitaires d’information et d’orientation (SCUIO), implantés dans les établissements d’enseignement supérieur.

b.   La difficile identification du secteur privé de l’orientation

Le secteur privé est un acteur de l’orientation. La découverte des métiers ainsi que la connaissance des milieux professionnels peuvent nécessiter l’intervention des acteurs privé dans le processus d’orientation. Il convient toutefois d’être vigilant quant à la qualité de cette intervention et à la nécessité qu’elle soit coordonnée avec les objectifs de la politique publique de l’orientation.

Il existe un grand nombre d’intervenants privés dont la croissance répond vraisemblablement aux besoins qu’ils se proposent de venir combler pour répondre aux attentes non satisfaites. Il est impossible ici de les énumérer, car la situation est telle que les représentants des autorités académiques entendus par les rapporteurs n’hésitent pas à reconnaître qu’il leur est difficile d’identifier l’ensemble des acteurs qui interviennent dans les établissements scolaires sur leur territoire, tant l’offre autour de l’orientation proposée par des coaches privés, des associations ou autres start-up est désormais foisonnante, désordonnée, et insuffisamment contrôlée.

Ces acteurs privés, qui proposent une offre de services aujourd’hui pléthorique autour de l’accompagnement à l’orientation, se sont développés à la faveur de l’adoption de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([25]) qui a transféré l’information aux régions, dans la mesure où celles‑ci, ne disposant pas des ressources nécessaires pour intervenir dans les établissements, sous-traitent. À ce propos, interrogé sur le fait de savoir de quelle manière et avec qui les régions travaillaient pour la mise en œuvre de leurs compétences, M. François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire, a surtout mis en avant le fait que les régions intervenaient en premier lieu avec les membres du SPRO, dont la liste est fixée par décret ([26]), ainsi qu’avec les chambres consulaires (CCI, chambres des métiers, chambres d’agriculture). D’autres organismes interviennent, qui ont passé des conventions avec le SPRO, les opérateurs de compétences (OPCO), l’Agefiph ([27]), les Cités des métiers, ou encore le réseau WorldSkills, qui organise les Olympiades des métiers et qui est devenu un partenaire incontournable des régions. Enfin, les régions s’appuient sur des réseaux d’associations et de partenaires de l’emploi, notamment dans le champ de l’éducation populaire.

Chacun comprend qu’il est effectivement impossible à une région d’exercer elle-même les missions d’information sur les formations et les métiers. Pour ne prendre qu’un exemple, une région comme la Nouvelle‑Aquitaine compte quelque 500 000 élèves, pour lesquels le déploiement d’actions sur l’ensemble du territoire auprès de tous les établissements suppose des moyens considérables dont ne dispose pas une direction régionale de l’orientation employant moins d’une quarantaine d’agents. D’où le fait que, dans le même temps, ces acteurs privés se pressent, parfois très nombreux, aux portes des régions pour leur offrir leurs services.

L’autre facteur, plus problématique, qui explique le développement important de l’offre privée dans le champ de l’orientation tient aux besoins très bien identifiés par nombre de structures autour des procédures de Parcoursup et de l’angoisse qu’elles provoquent. Beaucoup d’acteurs se positionnent sur des démarches de coaching pour proposer un accompagnement spécifique, en marge de l’orientation stricto sensu. Ce nouveau marché privé surfe sur l’anxiété des élèves et se développe de manière exponentielle, ayant pignon sur rue dans les salons d’orientation où ils démarchent les familles désemparées ([28]). Plus largement, c’est aussi d’équité qu’il s’agit comme le faisait remarquer l’IGÉSR en 2020 qui insistait sur le fait que « les pouvoirs publics ont un rôle majeur à jouer en la matière, dans la mesure où la production et la mise à disposition d’une information de qualité recouvrent un enjeu d’équité. Le service public régional d’orientation devrait ainsi être en mesure de fournir aux élèves et aux étudiants tous les éléments nécessaires à leur choix. Pour l’heure, les difficultés d’accès à l’information sur l’insertion professionnelle laissent le champ libre à certains acteurs privés, dont le rôle croissant tend à creuser les inégalités sociales en matière d’accès et de traitement de l’information, et donc d’orientation » ([29]).

Le fait que le service public ne le fasse pas, ou pas suffisamment, permet à des agences privées de se positionner, faisait remarquer Mme Agnès van Zanten. Elles sont notamment très présentes dans les salons, que les jeunes des milieux populaires, plus influençables, visitent souvent seuls ou avec leurs amis comme une activité ludique, à la différence des jeunes d’origine favorisée qui s’y rendent plutôt avec leurs parents. Elles utilisent tous les outils du marketing pour les canaliser vers les établissements privés ([30]). Ce sujet est d’autant plus aigu qu’il arrive que dans certains salons 80 % à 90 % des établissements présents sont privés. Dans le même temps, divers facteurs – financiers, attractivité et filières en tension, réserves d’ordre idéologiques à l’égard du secteur marchand – concourent au fait que quand les établissements publics « participent à des salons privés, ils y occupent une place marginale du fait de leur faible nombre, de la localisation et la taille de leurs stands, de leur décoration peu attractive et de l’attitude de retrait de leurs animateurs » ([31]).

En outre, certaines régions, telle l’Île-de-France, délèguent à des entreprises privées les présentations relatives à l’orientation, notamment dans les lycées professionnels. Des biais peuvent ainsi apparaître dans l’information transmise, qui peut être plus tournée vers l’aide à la rédaction de CV qu’à la formulation du projet motivé, qui serait plus pertinente dans une perspective d’accès à l’enseignement supérieur.

Cet état de fait doit interpeller les décideurs publics car, a minima, la multiplication de ces acteurs privés ne peut que complexifier encore une offre de service nécessairement inégale sur le terrain. Elle peut aussi être facteur de désinformation, induire des biais et ajouter, de ce fait, aux poids des déterminismes socioculturels qui jouent dans la prise de décision des lycéens et de leurs parents. Cela ne peut qu’inviter à une clarification du paysage et à ce que soient posées des règles communes qui garantissent la qualité des interventions proposées.

Un accompagnement insuffisant

« La délégation d’une partie du travail d’aide à l’orientation des jeunes dans l’enseignement supérieur aux organisateurs et aux intervenants des salons, bien qu’implicite, s’accompagne d’un parrainage symbolique et parfois d’un soutien financier de la part de l’État. Elle encourage ainsi les professionnels de l’éducation à utiliser ce dispositif et le dote d’un statut qui incite les jeunes et leurs parents à faire confiance aux informations et aux conseils qui y sont diffusés.

« Or les salons sont (co)organisés par des groupes média privés et regroupent majoritairement, en tout cas en Île-de-France, des établissements privés. Ces acteurs mobilisent des discours et des outils marchands à dominante expressive qui ne sont pas neutres : ils visent à attirer les visiteurs vers des formations et des services pour la plupart payants, en les détournant d’une offre publique peu coûteuse et offrant des diplômes reconnus par l’État.

« (…) Le manque de familiarité avec l’enseignement supérieur, la difficulté à décrypter les messages publicitaires, mais aussi le sentiment qu’éprouvent beaucoup des jeunes des classes populaires et des petites classes moyennes d’être à la fois peu accompagnés dans l’élaboration de leurs projets d’études et de ne recevoir que des messages négatifs de la part de leurs enseignants comme de la plateforme Parcoursup, les rendent très perméables à l’influence de ces acteurs marchands. (…) les stratégies que mettent en œuvre les acteurs marchands des salons sont susceptibles de creuser les inégalités entre jeunes par le biais de mécanismes assez distincts de ceux à l’œuvre dans les institutions d’enseignement, dont ils redoublent néanmoins les effets. »

Source : Le cadrage ‟enchantéˮ des choix étudiants dans les salons de l’enseignement supérieur, op. cit., page 92.

Cela ne retire rien à la nécessité d’impliquer le monde professionnel dans le cadre de projets notamment définis avec les partenaires locaux : découverte des entreprises, rencontres avec des professionnels, stages, etc. Mais cette implication doit être mieux encadrée et ne pas suppléer au déficit du service public.

2.   L’éclatement des acteurs au sein même du système éducatif

Au sein des établissements d’enseignement, plusieurs catégories de personnels de l’Éducation nationale concourent, à un titre ou un autre, à l’orientation des élèves. Les réformes du lycée et du baccalauréat ont induit une profonde évolution de leurs rôles.

Le décret n° 2021-954 du 19 juillet 2021 institue le professeur référent de groupe d’élèves et redéfinit la mission du professeur principal en classe de première et de terminale en voie générale et technologique. Désignés par le chef d’établissement, l’un et l’autre sont chargés de coordonner le suivi des élèves et la préparation de leur orientation, en liaison avec les psychologues de l’Éducation nationale (psy-EN) et en concertation avec les parents ([32]). Il est précisé que le professeur référent assure un suivi individualisé renforcé des élèves dont il a la charge et assure les missions du professeur principal en cas d’absence.

a.   Les professeurs principaux

Comme l’avait rappelé le rapport de 2020, les professeurs principaux ont vu leur rôle renforcé en 2018. Une circulaire du directeur général de l’enseignement scolaire ([33]) a précisé leurs missions au sein des établissements scolaires. Cette révision a fait suite à l’annonce du Plan Étudiants, présenté par le Premier ministre le 30 octobre 2017, dans lequel il était notamment fait mention du doublement des professeurs principaux en terminale pour accompagner les élèves individuellement dans la construction de leur projet d’études.

Dès la classe de troisième, ils accompagnent les élèves, notamment dans l’élaboration et la consolidation de leur parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel – parcours Avenir – en collaboration avec le psy-EN avec lequel ils contribuent à donner une information sur l’enseignement supérieur, notamment sur les attendus des formations, et sur le monde professionnel, en lien avec les actions organisées par les régions. Ils participent à des actions spécifiques annuelles, notamment les semaines de l’orientation et les périodes d’observation en milieu professionnel ou les périodes d’immersion dans l’enseignement supérieur.

Au lycée, leur rôle dans l’accompagnement au choix de l’orientation est renforcé et en concertation avec les parents d’élèves. Chargés d’assurer la coordination du suivi des acquis, de l’évaluation et de l’accompagnement des élèves au sein de l’équipe pédagogique, ils guident les élèves dans leurs choix de spécialités ou de séries à partir de la seconde, sur la base des résultats obtenus. Ils donnent une information sur l’enseignement supérieur, notamment les attendus des formations, ainsi que sur le monde professionnel, en lien avec les actions organisées par les régions. Ils contribuent aussi à la mise en œuvre des procédures d’orientation, d’affectation et d’admission dans l’enseignement supérieur.

L’augmentation du nombre des missions des professeurs principaux complique leur recrutement.

Ce qu’il manque à la politique d’orientation

« L’orientation est donc considérée comme une mission centrale du système éducatif assurée par un travail d’équipe où chaque catégorie de personnel collabore dans la continuité. Mais c’est une autre réalité que donne à voir la description des missions de chaque catégorie de personnel impliquée : il s’agit alors d’un empilement de tâches prescrites dont la coordination est laissée à la seule bonne volonté d’acteurs qui ne disposent pas des mêmes moyens de formation et d’information, travaillent dans des lieux différents et souvent éloignés, et pour lesquels il n’est prévu aucune structure de rencontre ni de temps de travail commun. Sont ainsi de fait juxtaposées les prescriptions destinées d’un côté aux personnels des établissements, chefs d’établissement et enseignants principalement, professeurs documentalistes et conseillers principaux d’éducation plus marginalement, et de l’autre aux conseillers d’orientation (conseillers d’orientation-psychologues devenus psychologues de l’Éducation nationale). Les liens entre ces deux catégories de personnels, ceux des établissements et ceux des centres d’information et d’orientation, apparaissent institutionnellement presque inexistants. Cette situation constitue probablement une des difficultés majeures de la mise en œuvre d’un dispositif d’orientation cohérent dans le système éducatif français. »

Source : « Éducation à l’orientation, comment construire un parcours d’orientation tout au long de la scolarité ; CNESCO, rapport scientifique, novembre 2018.

b.   Les professeurs référents

Une note de service du directeur général de l’enseignement scolaire du 23 août 2021 ([34]) indique que la désignation des professeurs référents est de la responsabilité des établissements, en fonction de leur organisation et du besoin des élèves et relève de son projet. Les référents peuvent intervenir en complément de la mission des professeurs principaux ou s’y substituer, par exemple pour présenter en conseil de classe leurs observations sur les conseils en orientation formulés par l’équipe. Leur intervention peut ne concerner que les élèves des classes de première ou de terminale, ou des deux niveaux. Avec ce dispositif, il s’agit en tout cas de veiller à la complémentarité des activités et que l’ensemble des missions prévues pour le suivi pédagogique des élèves et leur accompagnement à l’orientation soient prises en charge.

Le dispositif est effectif depuis la rentrée 2021 et il monte en puissance progressivement. Selon les indications données aux rapporteurs par la DGESCO, moins de 20 % des établissements l’avaient mis en place la première année, la publication tardive des textes, notamment le décret, publié le 19 juillet 2021 ([35]), expliquant pour partie cela. Aujourd’hui, près de 30 % des établissements publics locaux d'enseignement (EPLE) ont instauré des professeurs référents([36])

Leur mission est censée faciliter l’accompagnement pédagogique et l’orientation des élèves dans une logique de suivi individualisé renforcé ([37]). À cet effet, le professeur référent devrait encadrer un groupe de douze à dix-huit élèves qu’il accompagne, dans la mesure du possible, jusqu’à la fin du cycle terminal. Il suit en théorie le parcours individuel de chacun, scolarité comme projet d’orientation, propose conseil et tutorat. Il est censé organiser le cas échéant un accompagnement pédagogique individuel adapté à chacun qu’il accompagne dans la conception du projet d’orientation, en collaboration avec le psy-EN et en lien avec les parents. En outre, le référent « guide les élèves dans leurs recherches sur les attendus des formations de l’enseignement supérieur et les débouchés professionnels des différents cursus » et les accompagne pendant les deux années du cycle terminal dans leur démarche de réflexion sur leur projet de poursuite d’études. En terminale, il devrait assister les élèves dans les démarches à mettre en œuvre sur Parcoursup en vue de leur préinscription en première année dans l’enseignement supérieur.

c.   Les psychologues de l’Éducation nationale

Le décret n° 2017-120 du 1er février 2017 a créé le corps des psychologues de l’éducation qui s’est substitué à celui des conseillers d’orientation-psychologues, existant depuis 1991. Ceux qui exercent dans la spécialité « éducation, développement et apprentissage » travaillent dans les écoles maternelles et élémentaires, ceux qui relèvent de la spécialité « éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle » sont affectés dans les centres d’information et d’orientation et dans les établissements du second degré relevant du secteur de leur CIO.

Le rôle des psy-EN dans l’orientation est éminent : ils « conseillent et accompagnent tous les élèves et leurs familles, ainsi que les étudiants, dans l’élaboration de leurs projets scolaires, universitaires et professionnels. En lien avec les équipes de direction des établissements, ils contribuent à la conception du volet orientation des projets d’établissement ainsi qu’à la réflexion et à l’analyse des effets des procédures d’orientation et d’affectation. Ils participent aux actions de lutte contre le décrochage et, en lien avec le service public régional de l’orientation, au premier accueil de toute personne en recherche de solutions pour son orientation » ([38]).

Au sein des établissements, avec les conseillers principaux d’orientation, ils apportent leur expertise et collaborent avec l’équipe pédagogique qui établit la synthèse du suivi des élèves. En d’autres termes, c’est à l’équipe pédagogique, à laquelle le psy-EN apporte sa connaissance, qu’appartient le rôle principal en matière d’orientation. Avec les conseillers principaux d’éducation et les enseignants, les psy-EN participent également à la diffusion des actions d’information que les régions organisent et à leur appropriation par les élèves et leurs représentants légaux.

Une circulaire du 28 avril 2017 a précisé les missions de chacune des deux spécialités du métier, les uns exerçant en primaire, les autres en secondaire et en CIO. Certaines des activités de ceux-ci sont individuelles, et prennent la forme d’entretiens destinés à favoriser le développement psychologique et social des adolescents, à les aider à adopter une approche positive vis-à-vis des apprentissages, à se projeter dans l’avenir de manière ambitieuse, ou encore à prendre conscience des enjeux de l’orientation et de l’affectation.

D’autres activités sont d’essence plus collective et font participer les psy‑EN à la vie des établissements. Ils travaillent ainsi avec les enseignants pour sensibiliser les élèves, les étudiants et les familles aux enjeux de l’orientation, à la connaissance des milieux professionnels, des diplômes et des parcours de formation. Ils conseillent le chef d’établissement pour l’élaboration du programme d’orientation du projet d’établissement qui garantit la cohérence des actions des différents intervenants auprès des élèves. Ils participent aux actions définies dans ce cadre ainsi qu’aux initiatives visant à rendre accessibles aux jeunes les dispositifs d’aide à l’orientation et d’affectation déclinées dans l’académie, ou menées en matière de décrochage scolaire.

Dans un cadre plus large, les psy-EN contribuent au service public régional de l’orientation (SPRO), notamment pour l’accompagnement des jeunes sortant du système éducatif sans qualification dans le cadre du droit au retour en formation, et mobilisent « leurs compétences de psychologues, leurs connaissances du système éducatif et des métiers, au service de l’élaboration d’études, d’analyses et de documents adaptés aux besoins des élèves et des étudiants » dans le cadre de l’activité des délégations régionales de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (Dronisep) et des services académiques d’information et d’orientation (SAIO).

Enfin, ils contribuent « à l’information et à la formation des personnels de l’éducation nationale sur les processus psychologiques et sociaux d’élaboration des projets d’avenir à l’adolescence, sur les facteurs qui les influencent et qui peuvent en réduire les ambitions et sur les procédures d’orientation et d’affectation, ainsi que sur la connaissance des métiers et des formations » et facilitent les relations entre les collèges et les lycées et entre les lycées et les établissements d’enseignement supérieur.

Certains acteurs ont fait part aux rapporteurs de la difficulté à recruter, puis maintenir en poste les psy-EN. Les profils recrutés sont souvent plus motivés par le soutien psychologique, dont l’activité a fortement augmenté avec le COVID, que par l’aide à l’orientation. Par ailleurs, leur faible nombre (1 pour 1 500 élèves) questionne leur capacité à effectuer un suivi individuel et à conseiller les élèves sur leur orientation. Les psy-EN nous ont aussi rappelé l’importance d’exercer au sein des CIO, à l’extérieur des établissements scolaires, ce qui est important pour ceux des élèves dont le parcours scolaire est le plus fragilisé. Or, les établissements ne prévoient pas suffisamment de temps dédié, qui permettrait aux familles de se rendre dans les CIO parfois éloignés, dont les horaires d’ouverture ne sont par ailleurs pas toujours compatibles avec les emplois du temps des familles.

d.   L’ensemble des personnels enseignants

Les autres enseignants, moins directement au cœur des procédures d’orientation et de l’accompagnement des élèves, sont néanmoins des acteurs importants, dans la mesure où cette mission relève de leurs obligations de service. Ce sont eux qui sont au contact des élèves et sont donc, de toute façon, prescripteurs d’orientation et de conseils.

Le décret « relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d’enseignement du second degré » ([39]) précise en effet que, outre le service d’enseignement qu’ils sont tenus d’assumer, tous les enseignants sont également tenus d’assurer « les missions liées au service d’enseignement qui comprennent (…) l’aide et le suivi du travail personnel des élèves, leur évaluation, le conseil aux élèves dans le choix de leur projet d’orientation en collaboration avec les personnels d’éducation et d’orientation, les relations avec les parents d’élèves, (…). Dans ce cadre, ils peuvent être appelés à travailler en équipe pluri-professionnelle associant les personnels de santé, sociaux, d’orientation et d’éducation ».

3.   L’orientation dans l’enseignement supérieur

Au rang des missions du service public de l’enseignement supérieur figurent l’orientation, la promotion sociale et l’insertion professionnelle ([40]). Il offre des formations scientifiques, culturelles et professionnelles et concourt à la réussite et à l’orientation des étudiants, celle-ci comportant une information sur le déroulement des études, les débouchés, les passages d’une formation à une autre ([41]), chaque cycle faisant une part à l’orientation des étudiants. Ainsi, « dans la continuité des enseignements dispensés dans le second cycle de l’enseignement du second degré », le premier cycle de l’enseignement supérieur a notamment, entre autres finalités, «  d’accompagner tout étudiant dans l’identification et dans la constitution d’un projet personnel et professionnel, sur la base d’un enseignement pluridisciplinaire et ainsi d’une spécialisation progressive des études ; 3° De permettre l’orientation de l’étudiant, dans le respect de sa liberté de choix, en le préparant soit aux formations qu’il se propose de suivre dans le deuxième cycle, soit à l’entrée dans la vie active après l’acquisition d’une qualification sanctionnée par un titre ou un diplôme » ([42]).

Le service universitaire d’insertion et d’orientation-insertion professionnelle (SUIO‑IP) accompagne les lycéens, les étudiants et les jeunes diplômés dans leur démarche d’orientation, de réorientation et d’insertion professionnelle. Il leur offre un accompagnement, individualisé ou non, dans l’élaboration de leur projet personnel et professionnel et peut mettre à leur disposition des conseillers chargés de les assister dans la construction de leur projet d’études, des outils d’aide à l’évaluation des compétences, de la documentation spécifique sur les poursuites d’études, les métiers, les débouchés, les concours administratifs. Il apporte une aide concrète : guides de rédaction de CV, de lettres de motivation, etc. Il organise ou participe aux événements dédiés à l’information, l’orientation et la réorientation : salons, forums, ateliers, etc.

C.   LA MISE EN ŒUVRE DE LEURS NOUVELLES COMPÉTENCES PAR LES RÉGIONS

À la date du rapport précédent du CEC, en juillet 2020, la mise en œuvre de la nouvelle mission des régions en matière d’information sur l’orientation n’était encore qu’à ses prémices. Trois conventions sur douze, seulement, avaient été signées avec l’État en application du cadre national de référence. Certaines régions semblaient plus avancées que d’autres, ayant par exemple créé des agences de l’orientation, fonctionnant parfois avec des personnels transférés de l’ONISEP. Néanmoins, les informations recueillies par les rapporteurs leur permettaient de souligner les préoccupations exprimées par leurs interlocuteurs, telles que la question de la bonne articulation de l’action des régions avec celle des acteurs traditionnels de l’orientation, le maintien d’une orientation nationale auprès des élèves ou le sort des personnels transférés. Si la situation est variable selon l’implication des régions, les inquiétudes demeurent vives, compte tenu de leur ambition de voir leurs compétences étendues.

1.   La déclinaison du cadre national de référence

L’article 18 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a confié aux régions l’organisation d’actions d’information sur les métiers et les formations et sur la mixité des métiers et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dans un cadre garantissant l’unité du service public de l’orientation et l’égalité d’accès à l’information de tous. En 2019, un décret ([43]), suivi de la conclusion du cadre national de référence ([44]) annoncé par la loi, a précisé les rôles respectifs de l’État et des régions, ainsi que les principes guidant l’intervention de celles-ci dans les établissements scolaires.

Aux termes de cet ensemble de textes, l’État conserve sa compétence au niveau national dans la définition et la mise en œuvre de la politique d’orientation des élèves et des étudiants avec l’appui de l’ensemble des structures dédiées, notamment les CIO, les services d’orientation et d’insertion professionnelle des établissements d’enseignement supérieur (SCUIO-IP) et l’ONISEP. L’accompagnement des élèves relève des missions de service public de l’éducation et l’État contribue à l’appropriation de l’information sur les métiers et les formations, notamment celle diffusée par les régions.

Les régions inscrivent leur action dans le cadre du service public régional de l’orientation (SPRO), construisent une représentation objective du monde économique et social et des métiers, proposent « une offre de services concourant à favoriser l’ouverture sur le monde économique et professionnel, notamment par l’organisation d’actions d’information sur les métiers et les formations, et de découverte de l’entreprise à destination des élèves, des apprentis ainsi que des étudiants et de leurs familles, sur l’ensemble du territoire régional, en complément des actions qui peuvent être délivrées par les établissements euxmêmes, notamment ceux de l’enseignement supérieur (…) » ([45]). Le cadre national de référence précise également que l’intervention des régions dans les établissements se fait en concertation avec les personnels de l’Éducation nationale, et qu’elles élaborent, avec le concours de l’ONISEP, la documentation de portée régionale sur les enseignements et les professions.

En tout état de cause, cette architecture entend tirer profit du fait que les régions, grâce aux actions qu’elles mènent sur leurs territoires en faveur du développement économique et de l’emploi, sont « en situation d’apporter une valeur ajoutée importante pour l’enrichissement des bases nationales existantes à partir des réalités locales attestées » ([46]). Si l’État garde la responsabilité de l’orientation, « la région devient pleinement partie prenante de ce processus en agissant de manière concrète et opérationnelle sur l’information produite et sur les modalités de transmission et de mise à disposition de cette information », organisée en coordination et avec la participation des personnels de l’éducation, notamment les psychologues de l’Éducation nationale (psy-EN).

La répartition des rôles en matière d’orientation

Source : Refonder l’orientation, un enjeu État-régions, rapport Charvet, 2019, page 53.

En d’autres termes, c’est une synergie qui est ainsi organisée pour que l’État et les régions interviennent de manière coordonnée et complémentaire, en veillant à la cohérence et à la continuité de leurs actions respectives ou conjointes en matière d’information et d’orientation pour, notamment, améliorer la démarche d’information des élèves et lutter contre l’autocensure des jeunes et les discriminations.

2.   Les régions

Toutes les régions ne se sont pas saisies de leurs nouvelles compétences de la même manière ni avec la même rapidité. Dans la majeure partie des cas, c’est sur la base du SPRO préexistant depuis 2014 qu’elles se sont développées.

L’orientation est un champ de compétences dans lequel les régions sont désormais toutes engagées. Chacune met en œuvre ses actions sur la base des priorités qu’elle définit, proposant des solutions pour une orientation de proximité adaptée à la diversité des territoires, permettant aux jeunes de découvrir les métiers et de choisir leur formation en toute connaissance de cause, d’élargir leurs horizons et les parcours possibles, sortir de stéréotypes et des déterminismes sociaux et pour co-construire une boîte à outils avec les équipes éducatives, ainsi que le présente Régions de France ([47]).

Les régions ont pris au sérieux leurs compétences concernant l’orientation, selon M. François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire ([48]), compte tenu de leurs responsabilités en matière d’éducation et par nécessité, vu les insuffisances en matière d’orientation. Selon lui, elles y ont apporté de l’énergie, de l’expertise et des financements, parfois pour des opérations portées par d’autres acteurs, par exemple les « Nuits de l’orientation », développées sous le label des chambres de commerce.

Pour Régions de France, en effet, beaucoup a été fait depuis l’entrée en vigueur de la loi malgré le contexte sanitaire difficile et les contraintes budgétaires, dans un contexte institutionnel complexe qu’il faudrait réviser. M. François Bonneau, également président de la commission éducation, orientation, formation et emploi de Régions de France, précise que les régions ont mis en place des dispositifs innovants et qu’une gamme complète est désormais disponible partout : Orientibus, plateformes numériques, applications géolocalisées, casques de réalité virtuelle, etc. ; réseaux de professionnels – les ambassadeurs métiers ; événements (Nuits de l’orientation, salons, etc.) ; dispositifs de coopération entre acteurs ou dans le cadre des Campus des métiers et des qualifications (CMQ), etc. Mais pour Régions de France, l’enjeu aujourd’hui consiste à changer d’échelle, pour faire en sorte que tous les collégiens et lycéens puissent avoir accès à cette offre. Cela commence en cinquième, avec l’expérimentation sur la découverte des métiers conduite depuis cette année dans 640 collèges. Les régions considèrent que le manque de réel transfert de moyens pose la question de la capacité à organiser la massification de ces services essentiels. Ainsi, la Nouvelle-Aquitaine compte 644 collèges et 395 lycées publics. Avec quelque 80 000 jeunes par niveau, la cible de bénéficiaires sur le Bac-5/Bac+3 représente plus de 600 000 jeunes.

Selon les informations résultant d’une analyse exhaustive réalisée en septembre 2022 par l’Observatoire des politiques régionales pour le compte de Régions de France, tant au plan institutionnel qu’en ce qui concerne les actions menées, les régions ont aujourd’hui toutes considérablement avancé dans l’appropriation de leurs compétences.

S’agissant de l’organisation institutionnelle, si les débuts ont parfois été balbutiants, plus de huit régions sur dix ont désormais un vice-président du conseil chargé de l’orientation et près de neuf sur dix ont créé une direction de l’orientation. Quatre régions – Normandie, Nouvelle‑Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes et, depuis le 1er janvier 2023, Île-de-France – ont par ailleurs créé une agence de l’orientation. D’autres régions ont fait le choix de développer des services en interne, avec des Maisons de l’orientation ou des agents « volants », notamment. Mais au total, ces services employaient 361 ETP en septembre 2022, soit en moyenne seulement 24 par région ([49]). Dans près de neuf régions sur dix, les actions d’information sur les métiers ont été intégrées au service public régional d’orientation.

Les régions ont consacré près de 86 M€ à l’orientation en 2022, soit en moyenne quelque 5 M€ par région. Le budget le plus important est celui de la région Auvergne-Rhône-Alpes (26,5 M€) suivi par ceux des régions Nouvelle‑Aquitaine (10,5 M€) et d’Occitanie (10 M€). M. François Bonneau a précisé que la région qu’il préside avait consacré 3,9 M€ à l’orientation et à l’information, en plus du travail quotidien d’un service de vingt-deux agents, dont douze ingénieurs de l’orientation déployés dans les territoires. Cette mobilisation a permis, en deux ans, de mener plus de deux cents actions sur le territoire pour améliorer les choix d’orientation des jeunes. Des actions ont été déployées dans chaque territoire comme le « Klub extraordinaire », un outil immersif, visité par plus de 6 000 personnes, qui a circulé dans près d’une soixantaine de villes et villages de la région, ou encore « l’Apprenti‑tour » qui a parcouru 2 400 km pour aller au plus près des habitants durant trois mois pour valoriser les formations en alternance et les métiers.

Les budgets consacrÉs À l’orientation par les rÉgions en 2022

Source : Régions de Frances – Observatoire des politiques régionales – mise en œuvre du SPRO – septembre 2022.

Les postes de dépense les plus importants sont dédiés à l’organisation de salons et autres événements (1,4 M€ en moyenne), l’animation de réseaux et la formation (1 M€), le financement de sites, de numéros verts, de réseaux sociaux pour 4,7 M€ et d’outils d’orientation – casques virtuels, Orientibus, etc. – (0,38 M€). L’édition de guides représente un poste de dépense modeste, avec une enveloppe moyenne de 130 000 euros. Les « autres dépenses » représentent environ 2 M€ par région.

La déclinaison de leur intervention sur le terrain est variable : près du tiers des régions ont une « Maison de la région », 40 % emploient des « agents volants » et les deux tiers utilisent d’autres moyens : Maisons de l’orientation, coordination de différents réseaux de partenaires, financements de cités de métiers et de maisons régionales de l’orientation, etc. Comme le montre le graphique ci-dessous, les modalités d’actions qu’elles mettent en œuvre en matière d’information aux métiers dans les établissements scolaires sont des plus variées : organisation d’événements dédiés, de campagnes de sensibilisation, mise en place de formations dédiées, de portails en ligne, publication de guides, mise en place d’un réseau d’ambassadeurs des métiers ou d’actions d’immersion en entreprise, etc.

Actions d’information aux mÉtiers mises en œuvre par les RÉgions
dans les Établissements scolaires depuis la Loi « lcap » ([50])

Source : Régions de Frances – Observatoire des politiques régionales – mise en œuvre du SPRO – septembre 2022.

Le diagramme ci-dessous montre que l’action des régions est principalement dirigée en direction des publics scolaire et universitaire.

Les Publics cibles

Source : Régions de Frances – Observatoire des politiques régionales – mise en œuvre du SPRO – septembre 2022.

Au rang de l’organisation d’événements dédiés, citons les rencontres régionales de l’orientation et le Mondial des métiers en Auvergne-Rhône-Alpes, les forums de l’orientation et les nuits de l’orientation en Centre-Val de Loire, le festival annuel des métiers en Île-de-France, en Martinique, un programme d’émissions de télévision fondé sur une compétition inter-établissements scolaires en vue de promouvoir des filières professionnelles (cuisine et pâtisserie) ainsi qu’un show mode organisé par les élèves pour valoriser les filières des métiers de la mode et de l’esthétique, la tournée des métiers sur les territoires en Normandie, l’organisation de conférences territoriales des métiers et de l’orientation (CTMO) en Nouvelle-Aquitaine, ou encore les salons Travail Avenir Formation (TAF) en Occitanie.

L’organisation de campagnes de sensibilisation prend également diverses formes selon les régions. Elles sont surtout mises en place sur les réseaux sociaux, les sites institutionnels, ciblent parfois les établissements scolaires (journées itinérantes). La mise en place de formations dédiées vise à la découverte de métiers et de filières, par exemple l’agroalimentaire, la filière forestière, les métiers de l’aide à la personne, ou le bâtiment, en Auvergne-Rhône-Alpes, les métiers du sanitaire et social, de la sécurité civile, du numérique en Centre-Val de Loire. Elles sont parfois destinées aux enseignants ou aux parents d’élèves, ainsi que des personnels du SPRO. Les guides publiés sont destinés aux jeunes. La plupart des régions publient des guides « Après la troisième », « Après le bac » ou « CAP » ; certaines publient aussi des guides thématiques.

Malgré le foisonnement des initiatives, il est difficile d’évaluer à ce stade l’efficacité de ces dispositifs. En outre, la disparité des dépenses selon les régions pose le problème de l’égalité d’accès à une information de qualité sur les métiers.

3.   Les nouvelles attentes

Cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi, les régions expriment malgré tout et sans détour une forte frustration pour plusieurs raisons.

Elles estiment en premier lieu que le législateur n’est pas allé au bout de sa démarche et que les régions n’ont pas la possibilité de mettre en œuvre comme elles l’entendent les compétences qui leur ont été dévolues. Ainsi, le cadre national de référence mériterait d’aller plus loin, en renforçant la possibilité offerte aux régions de pouvoir intervenir plus directement auprès des équipes pédagogiques et des établissements pour faciliter la mise en œuvre des actions. Le partage entre l’information sur les métiers et les formations, du ressort des régions, et l’accompagnement à l’orientation, relevant du périmètre de l’Éducation nationale est ambigu, selon elles, et mériterait d’être précisé. De même, au niveau de l’enseignement supérieur, la répartition des rôles encore plus floue entre les acteurs ne permet‑elle pas une action structurée : les établissements d’enseignement supérieur proposent de multiples dispositifs d’accompagnement pour soutenir les étudiants dans les choix qu’ils ont à opérer au long de leur cursus et jusqu’à leur insertion professionnelle, qui reposent sur une double collaboration : avec l’ONISEP, pour l’élaboration de la documentation sur les formations, et avec les régions pour l’appréhension des besoins socio-économiques dans les différents territoires et les perspectives d’insertion professionnelle.

En outre, pour cordiales et régulières que soient les relations, la collaboration avec les autorités académiques ne facilite pas toujours la mise en œuvre des plans d’action régionaux. De fait, malgré les instances de pilotage et de réalisation État/Région mises en œuvre à un rythme régulier pour dresser l’avancement des conventions-cadre, les régions jugent qu’elles sont trop souvent considérées comme un exécutant de « commandes nationales », via l’ONISEP ou le ministère.

Sur le terrain, les équipes pédagogiques demeurent réticentes, notamment au niveau des collèges où la région n’est pas la collectivité naturellement identifiée. L’expérimentation de la découverte des métiers à partir de cette année dans les classes de cinquième est perçue comme une opportunité pour les régions.

Enfin, pour le président de la commission éducation, orientation, formation et emploi de Régions de France, la question est finalement posée de la volonté de réforme portée par l’État, dans la mesure où si des compétences ont été transférées aux régions, l’ONISEP est resté en position de les concurrencer, augmentant ainsi l’illisibilité et l’inefficacité des politiques publiques et gênant les régions dans l’appropriation complète de leur mission sur leurs territoires.

D.   LE DIALOGUE INSUFFISANT ENTRE LES DIFFÉRENTS PARTENAIRES

L’articulation entre les différents partenaires est une question centrale pour assurer le meilleur accompagnement des jeunes dans leur parcours d’orientation et l’article L. 6111-3 du code du travail prévoit notamment à ce propos que « lorsque ces actions [d’information sur les métiers et les formations, organisées par les régions] ont lieu dans un établissement scolaire, elles sont organisées en coordination avec les psychologues de l’éducation nationale et les enseignants volontaires formés à cet effet ». Les constats sur le terrain laissent entendre qu’une marge d’amélioration subsiste encore.

1.   L’articulation parfois difficile entre les autorités académiques et les régions

a.   Le point de vue des régions

Dans l’ensemble, les régions estiment aujourd’hui entretenir de bonnes relations avec les autorités académiques : dans 27 académies, 56 % les jugent « plutôt bonnes », 38 % « très bonnes ». Les relations sont perçues comme inscrites dans un esprit constructif, et les académies peuvent contribuer au fonctionnement des agences de l’orientation de diverses manières : mise à disposition d’agents, participation active à la gouvernance. Les relations sont parfois contractualisées et font l’objet de réunions régulières, d’un travail de co-construction jugé satisfaisant qui reste cependant à mettre en œuvre sur le terrain.

Certaines difficultés, parfois qualifiées de « majeures », sont toutefois mentionnées, qui tiennent souvent aux divergences d’objectifs ou de stratégies entre autorités académiques et régionales. Ainsi, en Auvergne-Rhône-Alpes, la région indique avoir proposé de développer des actions spécifiques sur la connaissance des métiers et des secteurs économiques dans le cadre du programme annuel de professionnalisation du CARIF-OREF ([51]), sans avoir eu de retour de la part du rectorat. Dans d’autres cas, c’est d’une grande difficulté à mobiliser les équipes de l’Éducation nationale sur l’offre proposée par la région, malgré les bonnes relations avec le DRAIO, ou à programmer des actions de formation devant s’insérer dans la programmation du rectorat, qu’il est fait état.

De la même manière, près de 80 % des régions considèrent les relations avec les chefs d’établissement plutôt bonnes et même très bonnes (7 % des cas). Les responsables des agences régionales de Normandie et de Corse les jugent en revanche « plutôt mauvaises ». Il y a souvent une attente au niveau régional pour que ces relations soient développées. S’agissant des relations avec les enseignants, 78 % d’entre elles les considèrent plutôt bonnes. Elles sont en tout cas encore peu fréquentes. La perception est comparable en ce qui concerne les relations avec les documentalistes et les psy-EN : 63 % des régions considérant les relations quotidiennes avec les documentalistes comme plutôt bonnes. De même en est-il des relations avec les psy-EN plutôt bonnes pour 64 % des régions.

Plus des deux tiers des régions ont mis en place des actions de formation ouvertes aux personnels de l’éducation, qui prennent la forme de webinaires sur les réalités des secteurs en tension, sur le rôle de la région dans ce champ, ou encore d’accueil pour les personnels de direction et inspecteurs récemment affectés en région ou d’immersion dans une filière économique pour les professeurs stagiaires.

Globalement, le constat général et la perception, du côté des régions, sont que les choses prennent forme peu à peu mais que l’évolution n’est pas totalement aboutie, car la relation avec de nombreux acteurs du SPRO reste complexe, en premier lieu avec les différentes composantes de l’Éducation nationale. Beaucoup repose encore sur la bonne volonté des acteurs locaux qui impulsent des dynamiques positives qui peuvent toutefois rester fragiles pour ces mêmes raisons. Il conviendrait en conséquence de travailler à l’institutionnalisation des relations, que les régions mûrissent une vision collective débouchant sur une clarification des compétences respectives permettant une meilleure visibilité du rôle de chacun, tant pour les établissements que pour les élèves et leurs familles. Pour d’autres, la loi a attribué la compétence de l’information sur les métiers aux régions et il faudrait maintenant que l’État engage un chantier important du champ de l’orientation scolaire et simplifie le paysage en s’appuyant sur l’expérience des régions en matière de formation professionnelle comme le propose le Livre blanc ([52]).

À un autre niveau, les relations des régions avec l’ONISEP sont qualifiées de bonnes par plus de 80 % des régions. Lorsque des problèmes sont évoqués, les régions dénoncent surtout une forme de repli sur soi de l’Office, sur ses propres projets, sans lien avec les problématiques régionales. L’ONISEP est parfois décrit comme avançant seul sans se préoccuper de la région, mise devant le fait accompli, au point que certaines d’entre elles déclarent avoir envie de s’affranchir de l’ONISEP national, d’autres ayant internalisé la production des publications régionales sans recourir à l’offre de service de l’Office.

b.   L’action des régions diversement perçue

La DGESCO indique tout d’abord que de nombreux groupes de travail ont été mis en place entre les acteurs régionaux et les régions académiques, dans un premier temps pour l’élaboration des conventions, qui ont ensuite donné lieu à de nombreuses actions communes : « Bus de l’orientation », dans les territoires ruraux d’Auvergne-Rhône-Alpes ou des Hauts-de-France, et « Orientibus » en Pays de la Loire, Centre-Val de Loire ; « Métiers 360 » permettant de découvrir les métiers avec des casques virtuels en Bourgogne-Franche-Comté ; organisation d’événements (salons, forums…) associant les partenaires des régions ; Printemps de l’orientation ; etc.

Pour les autorités académiques que les rapporteurs ont entendues, l’intervention des régions représente sans conteste une plus-value par certains aspects.

C’est le cas notamment en matière de communication où la force de frappe des régions est jugée plus efficace et où l’on reconnaît au ministère être moins bien positionné, malgré les outils mis en place. La communication sur le Printemps de l’orientation en est un exemple. De même, la valeur ajoutée des régions peut être dans la mobilisation de leur réseau d’entreprises, privées ou publiques, pour trouver des professionnels permettant de faire découvrir des métiers aux élèves.

Après des périodes de rodage qui ont parfois pu être un peu houleuses, les choses se stabilisent et des collaborations se sont mises en place. L’instruction des dossiers, par exemple sur la sous-traitance de l’information métiers à des branches professionnelles, peut se faire désormais en commun, ce qui n’était pas le cas dans les premiers temps. De même, le montage de l’expérimentation « Découverte des métiers » lancée cette année par le ministère dans les collèges à partir de la classe de cinquième, se fait-il en partenariat entre les régions, les autorités académiques et l’ONISEP.

Pour autant, si une certaine fluidité s’est instaurée, il n’est pas certain qu’elle soit perceptible au niveau des établissements scolaires. Ne serait-ce que parce que l’articulation entre les compétences d’une collectivité régionale et celles des collectivités départementales est tout aussi complexe.

En outre, la qualité de l’action des régions est jugée comme très variable, compte tenu de la manière dont elles se sont emparées de cette compétence. Pour ne mentionner que la production de supports d’information, certaines ont recruté des personnels de l’ONISEP qui éditorialisaient les brochures, quand d’autres ont créé leurs propres outils et cela se traduit par une différence dans la qualité de ce qui est proposé aux élèves.

De fait, les élèves et leurs parents sont critiques sur l’action de certaines régions et pour eux, le bilan de la réforme de 2018 est globalement négatif. Si dans certains cas cela s’est bien passé, dans d’autres, la situation est décrite comme dramatique avec parfois des outils de recherche si indigents que les élèves et leurs familles ne fréquentent pas les plateformes régionales. Pour les associations de parents d’élèves, il est donc essentiel que les moyens alloués à l’ONISEP soient préservés car c’est un outil précieux qui reste la première source d’information. Les régions ne font parfois pas ce que l’on est en droit d’attendre d’elles et le rôle d’information qu’elles jouent est mal perceptible, certaines se contentant de produire un petit document distribué chaque année, souvent incomplet et d’une lecture rebutante.

Selon les associations de parents d’élèves, ces déséquilibres induisent de fortes inégalités territoriales dans la manière dont l’information est transmise aux élèves, ce que confirment en audition les syndicats de lycéens.

Sur un autre plan, les échos reçus de la part des établissements attirent l’attention, dans la mesure où selon l’enquête annuelle de la DGESCO, les deux tiers des chefs d’établissement indiquent qu’aucune coordination avec la région n’est prévue pour les actions d’information auprès des élèves, près des trois quarts estimant par ailleurs travailler peu avec la région.

À l’instar des parents d’élèves, les responsables nationaux des associations de chefs d’établissement que les rapporteurs ont auditionnés sont très réservés sur la qualité des documents fournis par les régions. Souvent, elles se contenteraient de proposer des brochures en format dématérialisé, sans les actualiser et comportant parfois des informations erronées. Ailleurs, et fréquemment, elles délèguent et financent des associations, dont certaines se contentent d’envoyer aux établissements des éléments clefs en mains, « totalement indigents », à charge pour les enseignants de les présenter aux élèves comme ils peuvent. Pour les associations de chefs d’établissement, le transfert de la compétence d’information sur l’orientation aux régions n’est effectif au mieux qu’au niveau de leurs sites web, et, de manière regrettable, le reste fonctionnant sans aucune coordination avec ce que font les psy-EN.

2.   Le peu de relations entre le secondaire et le supérieur

L’articulation entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur est centrale dans la problématique du continuum « -3+3 ». L’idée-même de continuité entre les deux niveaux d’enseignement sous-entend clairement qu’ils partagent une responsabilité dans l’accompagnement des lycéens et des étudiants, cette continuité étant même qualifiée de « priorité absolue » par Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, lors du débat sur le projet de loi ORE en décembre 2017.

De ce point de vue, selon les témoignages recueillis par les rapporteurs, des progrès ont été enregistrés ces dernières années, notamment grâce à Parcoursup qui a en quelque sorte contraint les personnels de l’enseignement secondaire à mieux connaître l’offre de formation universitaire. Pour Mme Valérie Cabuil, rectrice de la région Hauts-de-France et de l’académie de Lille, présidente de la conférence des recteurs ([53]), le besoin s’est aussi fait sentir, dans les lycées, d’inviter des enseignants du supérieur à venir s’exprimer dans les classes. Dans le même esprit, les commissions d’accès à l’enseignement supérieur (CAES), instituées par la loi ORE pour traiter les dossiers des candidats sans proposition d’admission en fin de procédure Parcoursup, ont joué un rôle considérable dans ce rapprochement, en réunissant des chefs d’établissement du secondaire et du supérieur et des responsables des collectivités territoriales, sous la présidence des recteurs d’académie.

Pour autant, il n’est pas un témoignage recueilli sur cette question par les rapporteurs qui diverge du constat général selon lequel l’articulation entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur souffre encore d’un manque de relations et de connaissance réciproques. Manque de relations qui peut être la manifestation d’une véritable fermeture. Ainsi, certains responsables de projets développés dans le cadre des Territoires d’innovation pédagogique ont‑ils indiqué ([54]) avoir parfois des difficultés à entrer dans les établissements d’enseignement secondaire. Si certains chefs d’établissement sont particulièrement motivés et dynamiques, il reste souvent difficile de collaborer avec eux.

Pour M. Gilles Roussel, président de l’Université Gustave Eiffel, président du Comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP) ([55]), les enseignants des lycées méconnaissent l’enseignement supérieur et son fonctionnement et l’accompagnement des élèves en pâtit. Les liens doivent être plus étroits. Sans connaître toutes les formations disponibles, les enseignants du secondaire doivent être en capacité de faire un travail d’intermédiation permettant aux élèves d’entrer en contact avec les bonnes personnes au sein de l’enseignement supérieur.

Ce manque de connaissance du système global et d’ouverture des établissements d’enseignement secondaire vers le supérieur contribue à l’autocensure de certains lycéens, auxquels il arrive qu’on propose de préférence des formations supérieures dans l’environnement proche, par exemple des BTS du lycée dans lequel l’élève est scolarisé.

Cela étant, la réciproque est aussi vraie et la responsabilité du manque d’ouverture ne repose pas uniquement sur les épaules des personnels de l’enseignement secondaire. Les enseignants du supérieur, et plus généralement les acteurs de l’enseignement supérieur, ont également un rôle à jouer dans l’accompagnement des lycéens pour leur choix d’orientation, comme le rappelaient Mme Mélanie Caillot et M. Olivier Sidokpohou, inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) ([56]). Ils préconisent des partages d’information et des temps de rencontres entres les acteurs de l’enseignement scolaire et les acteurs de l’enseignement supérieur : ainsi, « au vu du déficit d’information constaté par la mission chez certaines commissions d’examen des vœux, qui peinent à justifier leurs choix de critères de classement des candidatures ou à en percevoir les effets, et dans les lycées vis-à-vis de certaines formations, notamment les formations courtes, il semble souhaitable à la mission d’augmenter les actions d’information en direction de ces publics, y compris des séminaires mixtes où l’enseignement secondaire et supérieur peuvent se rencontrer et partager leurs constats et leurs interrogations sur la notation en lycée et sur les critères d’appréciation des dossiers Parcoursup » ([57]). Le niveau de méconnaissance est tel, relèvent les inspecteurs généraux, que certains aspects de la réforme du lycée aussi importants que les spécialités étaient, à la date de leur rapport, encore mal identifiés voire incompris par les enseignants du supérieur qui les confondaient encore avec les options.

Ce constat de l’IGÉSR reste d’actualité, soulignent les personnels de l’Éducation nationale comme ceux de l’enseignement supérieur. Pour les chefs d’établissement auditionnés ([58]), la réforme n’a pas encore été totalement assimilée par le supérieur. Cela prend évidemment du temps et si les choses progressent, le supérieur ne s’adapte pas assez vite aux évolutions du lycée qui, en retour, peine à créer du lien. Pour les syndicats de professeurs principaux ([59]), si les exigences des formations, notamment scientifiques, commencent à être bien connues, dans d’autres cas, la situation est parfois catastrophique tant il est difficile de connaître les attendus de certaines prépas pour essayer d’informer les élèves. Même si des améliorations peuvent être constatées, pour les syndicats de l’enseignement supérieur le constat est identique, de liens trop distendus et difficiles à resserrer, alors que l’articulation entre les formations pré et post‑bac est primordiale. Les équipes pédagogiques, notamment dans les universités, manquent de temps pour cela, et la succession de réformes importantes, des calendriers, la diversité des profils des bacheliers ajoutent à la difficulté pour les uns et les autres de connaître les programmes, les attendus et les débouchés. En cela, les formations hébergées dans les lycées – sections de technicien supérieur (STS), prépas – sont évidemment favorisées du fait de l’unité de lieu et d’équipe éducative.

Ces difficultés sont évidemment accrues dans le cas des lycées de campagne isolés : lorsque des enseignants du supérieur se déplacent dans les lycées pour présenter les filières et les attendus de leurs formations, c’est principalement dans les établissements de proximité qu’ils se rendent et non dans les lycées ruraux, confortant par là même les biais territoriaux de l’orientation.

Incontestablement, les engagements pris en janvier 2019 par les signataires de la « Charte pour une orientation au service de la liberté de choix et de la réussite des lycéens » ([60]) sont toujours d’une brûlante actualité : « Les signataires s’engagent à accompagner les établissements scolaires et d’enseignement supérieur pour favoriser la bonne compréhension de la réforme du baccalauréat général et technologique, les objectifs des nouveaux programmes et les enjeux associés à une orientation progressive des lycéens, en particulier des plus jeunes. Ils favorisent, en concertation avec les autorités académiques et régionales, les échanges entre personnels de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur, avec l’investissement des acteurs de l’enseignement supérieur dans les dispositifs d’information et d’orientation des lycéens de terminale. Ces actions comprendront l’intervention directe des étudiants auprès des lycéens, et plus particulièrement des étudiants ambassadeurs identifiés via la plateforme Parcoursup », affirmait l’article 1er du texte. L’article 6 prévoyait par ailleurs que les deux ministères « organisent des temps d’information et de formation associant les équipes de direction et les équipes pédagogiques et éducatives de l’enseignement secondaire et supérieur, pour faciliter l’information des lycéens et de leurs familles qui reste à être mis en œuvre. » À l’évidence, ces dispositions restent à mettre en œuvre.

II.   DES ÉLÈVES INSUFFISAMMENT ACCOMPAGNÉS POUR ÊTRE PLEINEMENT ACTEURS DE LEUR ORIENTATION

L’accompagnement des élèves est le fil rouge de l’orientation tout au long de la scolarité. La réalité des faits et le ressenti des intéressés montrent une grande hétérogénéité dans les actions menées. La formation insuffisante des enseignants aux enjeux de l’orientation et le manque de moyens qui y sont consacrés pèsent dans ce constat.

A.   UN ACCOMPAGNEMENT HÉTÉROGÈNE

La réforme du lycée et du baccalauréat a rendu encore plus crucial l’accompagnement des lycéens, ne serait-ce que parce que les choix de spécialité qu’ils doivent faire dès la seconde supposent que leur ait été donné un minimum d’éclairage. C’est pourquoi l’IGÉSR, dans le rapport thématique précité ([61]), reprenait les chiffres d’une enquête de la DGESCO pour souligner « le décalage manifeste entre la finalité du parcours Avenir – permettre aux élèves de développer leur capacité à s’orienter – et la réalité sur le terrain » : quatre établissements sur dix seulement inscrivaient le parcours Avenir dans leur projet d’établissement ([62]) et à peine un sur deux associait réellement l’équipe pédagogique à sa mise en œuvre. Hormis les professeurs principaux, les enseignants étaient faiblement impliqués, les instances des établissements n’étant par ailleurs quasiment pas sollicitées.

Tel que l’IGÉSR le décrit, l’accompagnement est très disparate sur le terrain, dépendant fortement des acteurs et de leur implication. D’où certaines différences entre la théorie et la pratique, à cause du manque de temps, du poids des programmes, de l’accent mis sur la préparation du baccalauréat, ou encore de l’implication inégale des équipes. Tout cela contribue à expliquer que la logique de parcours, le suivi qu’elle implique, soient difficiles à mettre en œuvre.

Les conclusions que peuvent formuler aujourd’hui les rapporteurs sont identiques à celles de l’Inspection générale. Les élèves sont toujours mal accompagnés dans leur orientation, l’exemple, emblématique, de l’utilisation par les établissements des 54 heures dédiées, confirmant clairement le besoin de lignes directrices mieux définies.

1.   L’organisation de l’accompagnement

Si la Charte de 2019 précitée rappelait que les choix du lycéen « sont éclairés par l’accompagnement constant des équipes éducatives et des professionnels de l’orientation qui l’aident à trouver la motivation et les repères nécessaires pour conforter, avec sa réussite au lycée, les bases de sa réussite après le baccalauréat » ([63]), les établissements et les enseignants ont toute liberté pour développer les actions pertinentes comme ils l’entendent.

À cet effet, le ministère a produit des vade-mecum à destination des enseignants destinés à les guider et à leur proposer des pistes d’action possibles et des ressources pour organiser l’accompagnement. Ils sont destinés l’un au collège, l’autre au lycée général et technologique, le troisième à la voie professionnelle.

Le document rappelle le rôle confié aux régions depuis 2019, mais que « c’est au sein des établissements scolaires que chaque élève doit bénéficier d’un accompagnement à l’orientation au plus près de ses aspirations et de ses besoins afin de favoriser l’égalité des chances. Le chef d’établissement est le garant de l’effectivité et de la cohérence des actions menées auprès des élèves ». Trois axes pédagogiques déclinent l’aide au choix de l’orientation : découvrir le monde professionnel et s’y repérer ; connaître les formations de l’enseignement supérieur et leurs débouchés ; élaborer son projet d’orientation. Il est rappelé que le plan d’action pour la mise en œuvre de ces axes est défini dans le volet orientation du projet d’établissement, lequel s’inscrit dans le cadre du plan académique établi en lien avec la région. Il est aussi précisé que « le choix des actions menées et des partenariats peut être élaboré par les équipes éducatives, dans le cadre du conseil pédagogique, afin de prendre en compte les spécificités ou les besoins locaux et de permettre les expérimentations ».

Des actions pédagogiques sont proposées aux enseignants pour les trois années de lycée, sur la base d’une progression méthodique des connaissances des élèves :

– la classe de seconde est présentée comme un temps de découverte et d’exploration, au cours duquel « les lycéens s’engagent dans une démarche exploratoire du monde professionnel et des domaines de formation. Les objectifs sont de dépasser les représentations liées au genre ou au milieu social d’origine et de choisir leur voie et leurs enseignements de spécialité ou leur série pour le cycle terminal du lycée. Les semaines de l’orientation contribuent tout particulièrement à initier cette démarche exploratoire. Une période d’observation en milieu professionnel est possible au cours de l’année scolaire. Ces actions seront élaborées en lien étroit avec les régions notamment en organisant l’information sur les métiers et les formations ». L’organisation des activités tout au long de l’année pourrait être celle-ci :

En classe de seconde gÉnÉrale et technologique

Source : Vade-mecum, « L’accompagnement à l’orientation au lycée général et technologique », Ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, janvier 2023.

– l’année de première est une période d’approfondissement pendant laquelle « les lycéens poursuivent l’exploration des secteurs professionnels et des domaines de formation. Ils sont amenés à approfondir leurs recherches sur des secteurs en lien avec leurs intérêts, à étudier des cas concrets, à travailler à partir de rencontres avec des professionnels ou des enseignants-chercheurs et à mener des projets de groupe. Ils se familiarisent avec les enseignements et les méthodes de travail post-baccalauréat via des journées d’immersion dans des établissements de l’enseignement supérieur. » Les séquences suivantes sont suggérées :

en classe de premiÈre (GÉNÉRALE ET TECHNOLOGIQUE)

Source : ibid.

– enfin, la terminale voit la finalisation du projet et la formulation de vœux de poursuite d’études. À ce niveau, « les lycéens affinent leur projet d’orientation, ils formulent des vœux de poursuite d’études, complètent leur dossier sur la plateforme Parcoursup, s’entraînent à présenter leur projet et se préparent à l’entrée dans l’enseignement supérieur. Ils approfondissent leur connaissance des enseignements et des méthodes d’enseignement par des journées d’immersion dans des établissements de l’enseignement supérieur, des journées portes ouvertes, des séances organisées par les universités et autres établissements de l’enseignement supérieur... » Ce travail pourrait se décliner de la manière suivante :

En terminale (GÉNÉRALE ET TECHNOLOGIQUE)

Source : ibid.

Des repères et des ressources pédagogiques sont proposés aux enseignants pour les aider à mettre en œuvre ce chantier, étant aussi rappelé que des actions sont élaborées par les équipes en coordination avec les régions, que celles susceptibles de lutter contre les phénomènes d’autocensure et les déterminismes de genre devront être privilégiées, et que l’année est scandée par deux moments forts : la semaine de l’orientation, entre novembre et décembre et le printemps de l’orientation, entre janvier et mars.

Le document rappelle en outre que le volume horaire dédié à cet accompagnement est, à titre indicatif, de 54 heures annuelles. C’est une des questions centrales.

2.   La mise en place très inégale des 54 heures consacrées à l’orientation

La manière dont les établissements mettent en œuvre ce quota est l’un des points les plus discutés.

a.   Un dispositif obligatoire ou non ?

Le dispositif instituant un volume horaire annuel de 54 heures consacré à l’orientation résulte d’un arrêté du ministre de l’Éducation nationale en date du 16 juillet 2018, « relatif à l’organisation et aux volumes horaires des enseignements du cycle terminal des lycées, sanctionnés par le baccalauréat général ».

L’article 4 rappelle que « les élèves bénéficient d’un accompagnement personnalisé, dont une aide à l’orientation, selon leurs besoins. L’accompagnement personnalisé est destiné à soutenir la capacité d’apprendre et de progresser des élèves, notamment dans leur travail personnel, à améliorer leurs compétences et à contribuer à la construction de leur autonomie intellectuelle. En classe de terminale, l’accompagnement personnalisé prend appui prioritairement sur les enseignements de spécialité. L’accompagnement au choix de l’orientation mentionné au premier alinéa implique l’intervention des membres de l’équipe éducative et, le cas échéant, des personnes et organismes invités par l’établissement et qui peuvent être mandatés par le conseil régional. Les modalités d’organisation de l’accompagnement personnalisé et, notamment, de l’accompagnement au choix de l’orientation sont fixées par le conseil d’administration ».

L’article 5 précise que « conformément au dernier alinéa de l’article D. 3332 du code de l’éducation, un dispositif de tutorat est proposé à tous les élèves. Il consiste à les conseiller et à les guider dans leur parcours de formation et d’orientation ».

Enfin, l’annexe fixe les horaires des enseignements communs, des enseignements de spécialité et optionnels, et précise que « l’accompagnement aux choix de l’orientation » est de « 54 heures, à titre indicatif, selon les besoins des élèves et les modalités de l’accompagnement à l’orientation mises en place dans l’établissement ».

L’analyse de l’IGÉSR

« Officiellement, l’accompagnement et l’aide à l’orientation bénéficient d’un volume de 54 heures au cours de chacune des trois années de lycée et de 265 heures dédiées dans la voie professionnelle à la consolidation des acquis, à l’accompagnement personnalisé et au choix de l’orientation. Au-delà du volume horaire consacré à l’aide à l’orientation dans le cadre des réformes en cours dans l’enseignement secondaire, le plan d’action pour la mise en œuvre des trois axes de l’accompagnement à l’orientation est censé être défini dans le volet orientation du projet d’établissement, lui-même inscrit dans le cadre du plan académique établi en lien avec la région. »

Nonobstant, il ressort « que les priorités et les actions menées en matière d’information et d’accompagnement des élèves sont rarement formalisées et que la politique d’orientation se résume le plus souvent aux grands axes de la politique nationale et/ou académique, ce qui pose la question de la prise en compte effective du public accueilli et du rôle des différents acteurs concernés ».

Pour l’Inspection générale, ce qui ressort souvent est une « absence de politique globale et de démarche structurée visant à inscrire les élèves dans une dynamique d’orientation progressive. Le conseil pédagogique est peu mobilisé et l’essentiel des actions est calé sur le calendrier académique (intentions d’orientation, recommandations, journées portes ouvertes, renseignement de l’application Parcoursup, sanctuarisation d’heures d’aide personnalisée consacrées à la préparation de l’orientation, etc.) », et « le plus souvent, la politique d’orientation se résume à un catalogue d’actions ponctuelles et de rendezvous plus ou moins formels, parfois préparés avec les fédérations de parents d’élèves, voire avec les collectivités, notamment les régions, dans le cadre de leurs nouvelles compétences en matière d’information sur les métiers et les formations. Elle repose largement, en l’absence de réflexion collective et de programme d’action clairement défini, sur l’initiative individuelle et l’engagement de certains professeurs (…) ».

Source : L’orientation, de la quatrième au master, rapport thématique annuel, IGÉSR, 2020, pages 193‑194.

b.   Des horaires finalement très variables

À entendre les nombreux témoignages que les rapporteurs ont recueillis, l’impression prévaut qu’entre le cadrage décrit ci-dessus et la réalité, le hiatus est assez profond. Il mérite d’être présenté.

i.   La perception des bénéficiaires

C’est en premier lieu celle des premiers intéressés, les syndicats de lycéens, pour lesquels les 54 heures sont malheureusement loin d’être effectives, au point qu’ils estiment qu’au total, près d’un tiers des lycéens n’ont pas de temps dédié à l’orientation. Ils jugent que le nombre d’heures dédiées à l’orientation dépend à la fois des lycées et des professeurs principaux. En outre, faute d’horaires dédiés, le rattrapage des retards de programme apparaît plus important pour les professeurs que les activités d’orientation. Le manque de temps des équipes pédagogiques pour se consacrer à l’orientation – entre autres dû à la lourdeur des programmes – pour prendre le temps d’informer et d’accompagner les élèves est souligné par les différentes organisations syndicales auditionnées. Il s’ensuit par conséquent des différences qui peuvent être assez nettes entre établissements, et selon le niveau des classes et leur rythme de progression dans les enseignements, le temps disponible et consacré à l’orientation sera plus ou moins important. D’où l’on déduit une certaine forme d’inégalité entre les élèves qui ne pourront jamais tous bénéficier du même accompagnement.

Les représentants des associations de parents d’élèves partagent tout à fait ce sentiment ([64]), et jugent que sans obligation inscrite dans l’emploi du temps, rien ne se fera. Pour elles, le débat porte entre une volonté politique d’un côté et le souhait tout aussi légitime des enseignants de pouvoir faire leur programme sans restriction de moyens.

ii.   Le regard des autorités académiques

Mme Valérie Cabuil, présidente de la conférence des recteurs, rappelait le principe d’autonomie des établissements ([65]), qui disposent de ce fait d’une grande marge de manœuvre dans l’utilisation de leurs moyens, ce qui se traduit, s’agissant du volume horaire de 54 heures, par des organisations très différentes selon les établissements. Tant que ce volume ne sera pas inscrit dans l’emploi du temps des élèves, il ne pourra en être autrement, dans la mesure où cela supposerait soit d’enlever des enseignements disciplinaires, ce qui n’est pas idéal, soit d’augmenter la grille horaire des élèves.

De sorte que pour les autorités académiques, la seule possibilité d’action est aujourd’hui de faire prendre conscience aux équipes de direction de l’importance du sujet. L’orientation est ainsi au cœur des questions abordées par les directeurs académiques des services de l’Éducation nationale (DASEN), notamment lors des sessions annuelles d’évaluation des chefs d’établissement. Mais les indicateurs concernant l’orientation sont difficiles à appréhender. Néanmoins, les DASEN entendus par les rapporteurs n’hésitent pas à reconnaître qu’il leur est impossible d’avoir une idée précise et de fournir à la représentation nationale des données fiables sur ce point : les informations que font remonter les chefs d’établissement sont purement déclaratives, les heures en question sont rarement inscrites comme telles, et lorsqu’elles le sont, on sait qu’elles sont souvent utilisées pour poursuivre les cours…

Pour la DGESCO, les dialogues de gestion des académies et régions académiques montrent qu’il existe une évaluation de la mise en œuvre de l’accompagnement à l’orientation dans les établissements. Les recteurs rappellent en début d’année les objectifs d’accompagnement à l’orientation et insistent dans la circulaire de rentrée sur la mise en œuvre effective de l’horaire dédié au-delà de l’inscription dans le volet d’orientation du projet d’établissement et de la présentation en conseil d’administration. Ils se saisissent des dialogues de gestion avec les établissements pour évaluer le volet orientation des projets d’établissements, mais agissent, comme le soulignait Mme Valérie Cabuil, plus dans une démarche de dialogue que de contrôle. De leur côté, les délégués régionaux académiques à l’information et à l’orientation (DRAIO), les chefs du service académique d’information et d’orientation (CSAIO) et les inspecteurs de l’Éducation nationale chargés de l’information et de l’orientation (IEN-IO) jouent un rôle d’information et d’accompagnement auprès des établissements et des équipes et d’interlocuteurs des régions dans les champs de l’orientation et de la lutte contre le décrochage scolaire. La proposition n° 2 du rapport de 2020, qui proposait de « charger les recteurs d’académie d’évaluer la mise en œuvre de l’accompagnement à l’orientation dans les établissements », est en conséquence pleinement mise en œuvre.

iii.   Le point de vue des personnels des établissements scolaires

Les représentants des syndicats de chefs d’établissement et d’enseignants entendus par les rapporteurs, convergent dans leur analyse de la question.

Nul ne conteste que l’utilisation du quota de 54 heures d’orientation est très inégale selon les établissements. Plusieurs raisons l’expliquent.

En premier lieu, se pose la question des moyens, à plusieurs niveaux. C’est tout d’abord le fait que ces heures ne sont pas financées dans les dotations horaires globales des lycées et sont laissées à l’initiative des établissements, les professeurs principaux les prenant en charge comme ils le peuvent, dans les conditions d’exercice difficiles qui sont les leurs : « ce n’est pas leur métier, ils ne sont le plus souvent pas formés à cette mission complexe, et manquent de temps pour coordonner et solliciter tous les acteurs potentiels. » Raison pour laquelle certains des personnels auditionnés argumentent sur l’autonomie des établissements pour refuser l’idée de sanctuariser un volume horaire dans l’emploi du temps, sauf à introduire une rigidité inutile : compte tenu des problématiques spécifiques de chaque établissement et des besoins non uniformes des élèves, c’est au niveau du chef d’établissement que les solutions doivent être traitées.

En outre, la marge d’autonomie horaire sur laquelle peuvent jouer les chefs d’établissement est avant tout dédiée à la mise en place de projets, qui ne concernent pas l’orientation. Elle est par exemple de 8 heures en terminale, durant lesquelles il faut inclure les divers groupes à effectifs réduits – en langues, en spécialité, etc. – opération au terme de laquelle il ne reste rien. Pour certains des chefs d’établissement, l’architecture du dispositif a donc mené à une impasse et relève plus de l’incantation qu’autre chose, dès lors qu’aucun moyen n’a été fourni.

S’agissant des horaires d’enseignement, la lourdeur des programmes est mise en avant pour refuser la sanctuarisation des 54 heures et pour certains enseignants, il est hors de question d’utiliser des heures non adossées à des enseignements pour parler d’orientation. Les emplois du temps sont tellement éclatés et chargés depuis la réforme du lycée que dégager du temps est très compliqué. De fait, dans certains établissements qui tentent de consacrer les 54 heures à des activités d’orientation, les conférences et rencontres qui sont organisées sur la base de la présence facultative ratent finalement leur cible : souvent fixées soit le mercredi après-midi soit en soirée, elles n’attirent de fait que les élèves les plus motivés qui n’en ont pas besoin pour se repérer et se positionner sur Parcoursup.

C’est ce qui ressort des travaux de chercheurs. Ainsi, Mme Chloé Pannier, doctorante en sciences de l’éducation ([66]), a-t-elle pu constater dans le cadre de ses études de terrain dans des lycées des Pays de la Loire, que les 54 heures n’avaient pas pu être mises en place dans les emplois du temps des élèves. Tous les enseignants n’ont pas le volume horaire dédié à cet accompagnement, qui se joue donc soit durant les heures de vie de classe, soit durant les heures d’accompagnement personnalisé. Il y a donc de fortes différences entre les établissements, qui ont des pratiques variées selon leur politique d’établissement, leur bassin et le public qu’ils accueillent et n’engagent parfois pas les ressources permettant de mettre en place un véritable accompagnement à l’orientation.

iv.   La position de l’administration centrale

De son côté, la DGESCO a apporté quelques précisions aux rapporteurs sur cette question importante.

En premier lieu, Mme Marie-Christine Szilas, adjointe au chef du bureau de l’orientation et de la lutte contre le décrochage ([67]), a notamment présenté les résultats de l’enquête sur les mesures relatives à l’orientation réalisée en 2022 auprès des chefs de services académiques d’information et d’orientation et des chefs d’établissement de collège et de lycée. Selon cette enquête, l’horaire dédié se met progressivement en place, avec des disparités d’un établissement à l’autre. Il apparaît que ces heures « sont inscrites dans le projet d’établissement dans plus de deux établissements sur trois, mais qu’elles semblent manquer de visibilité pour les élèves, les familles et parfois même les équipes éducatives » ([68]). Il ressort de l’enquête qu’un peu plus d’un tiers des répondants ([69]) ont inscrit les 54 heures à l’emploi du temps et que pour un quart d’entre eux, ces horaires sont inscrits au temps consacré au parcours Avenir. On peut donc estimer que ces 54 heures d’orientation ne sont pas effectives dans la majorité des établissements.

Pour le reste, la DGESCO fait valoir qu’inscrire ce quota horaire dans l’emploi du temps des élèves reviendrait à ajouter 1 h 30 de cours hebdomadaire dédiée à l’orientation, ce qui aurait pour conséquence de rendre moins flexibles les emplois du temps et par conséquent de compliquer l’organisation des interventions de professionnels. En d’autres termes, les établissements doivent, a minima, obligatoirement consacrer 54 heures à l’orientation, en ayant toute liberté pour cela. Selon la DGESCO, ce temps peut être utilisé de maintes façons : rencontre avec des professionnels, temps d’échange avec les professeurs principaux ou les référents pour des conseils techniques – compréhension du dispositif Parcoursup, rédaction de lettre de motivation –, demi-journées dédiées aux salons de l’éducation ou des métiers, journées d’immersion dans les universités, etc. Cette souplesse permet aux établissements d’adapter l’organisation des actions selon les besoins des élèves, le projet de l’établissement et les spécificités locales. Elle permet de faciliter la mise en place d’événements comme le printemps de l’orientation, les forums, les périodes d’immersion en milieu professionnel ou dans les établissements d’enseignement supérieur.

Dans cet ordre d’idées, une expérimentation « Découverte des métiers » est mise en œuvre durant l’année scolaire 2022‑2023 dans plus de 640 collèges dans toutes les académies. Elle s’inscrit dans la perspective de la mise en place dans l’emploi du temps des collégiens d’un temps dédié de découverte des métiers dès la classe de cinquième au sein des évolutions en cours de réflexion pour le collège. L’enjeu de l’expérimentation est d’améliorer l’information des élèves quant à la diversité des métiers et des formations. Il s’agit de permettre aux collèges volontaires de tester des organisations pour mettre en place des temps dédiés réguliers et formalisés, développer des partenariats avec les acteurs du monde professionnel et déployer des actions au sein et en dehors du collège avec l’appui des collectivités territoriales, en particulier des régions. La mise en œuvre de la proposition n° 5 du rapport de 2020, qui visait à « préparer à l’orientation les élèves dès le collège, par des activités portant sur la connaissance de soi et sur la découverte des filières et des métiers », se voit de la sorte amorcée.

3.   De nombreux élèves mal accompagnés

a.   Un accompagnement très inégal

Tous les observateurs entendus par les rapporteurs partagent le même constat : de nombreux élèves sont mal accompagnés dans leur orientation. M. Jules Donzelot estime qu’« il y a une véritable inertie des pouvoirs publics » quant à leurs obligations, qui devrait inciter, compte tenu de l’urgence, à la mobilisation massive du secteur associatif spécialisé dans l’aide à l’orientation. Mme Emmanuelle Vignoli, professeure à l’Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle (INETOP/CNAM), est interpellée par le nombre d’élèves soulagés par la présence et le soutien de leurs parents. Mme Agnès van Zanten, se montre frappée par l’inégale qualité du service d’orientation rendu aux élèves selon les établissements considérés.

Ses recherches mettent en évidence avec constance qu’il y a dans les lycées favorisés, une nette focalisation sur l’anticipation de l’orientation, qui peut commencer en troisième, et d’une manière très personnalisée, grâce à plus de temps et de personnel disponible pour vraiment s’occuper des vœux des élèves et de leurs changements, fréquents à cet âge.

En revanche, dans les lycées défavorisés, l’orientation prend place beaucoup plus tard, souvent au moment de l’ouverture de Parcoursup, est organisée en séances souvent collectives et avant tout procédurales, sur le calendrier de Parcoursup par exemple. Selon Mme Agnès van Zanten, cela s’explique entre autres par le grand nombre de problèmes à régler : réussite au baccalauréat, décrochage scolaire, problèmes sociaux des élèves, grèves des enseignants… L’orientation n’est qu’un sujet parmi d’autres, qui n’a pas le même rang de priorité.

Mme Agnès van Zanten souligne également les grandes différences dans l’accompagnement à l’orientation entre les filières. Dans les filières de l’enseignement professionnel, une bien moindre attention y est portée que dans les filières technologique ou générale, et ce clivage se superpose aux distinctions observées entre établissements publics ou privés.

b.   Les ressources alternatives à l’accompagnement

Faute d’accompagnement efficace au sein des établissements, les élèves tendent à se tourner vers des sources alternatives, notamment les sites de Parcoursup et de l’ONISEP, les journées portes ouvertes des établissements d’enseignement supérieur. Le sondage annuel du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) montre cependant que, s’ils n’occupent pas la première place parmi les sources d’information qu’ils utilisent, les salons de l’orientation sont une source d’information appréciée des néo-bacheliers.

les ressources d’information les plus utiles

Source : Ipsos, Enquête d’opinion des néo-bacheliers sur Parcoursup, septembre 2022.

Sur ce point, les travaux de Mme van Zanten confirment l’impact des déterminants sociaux sur les pratiques des familles et des élèves, comme en témoignent ses recherches sur la fréquentation des salons : « Ces parents [des classes défavorisées], comme leurs enfants, se tournent (…) vers les salons d’orientation, quand ils sont au pied du mur, c’est-à-dire à l’approche de la fin de la période pour effectuer les vœux sur la plateforme numérique ou pendant la phase complémentaire d’affectation. Cette absence d’anticipation, qui se double d’une absence d’exploitation ultérieure de la visite du salon, traduit à la fois la peur qu’ont ces adultes et ces jeunes de s’engager dans l’univers des études supérieures et leur difficulté à faire un usage stratégique des informations et des conseils. Ces dispositions sont étroitement liées à leur position sociale, mais également aux établissements fréquentés par les lycéens des classes populaires, parmi lesquels on observe aussi bien une faible anticipation de l’orientation vers le supérieur qu’un traitement générique des vœux des jeunes. » ([70])

c.   L’accompagnement dans la procédure Parcoursup

S’agissant de l’accompagnement des élèves à l’approche de la procédure Parcoursup, la situation est contrastée. D’une part, les trois quarts des lycéens indiquent avoir été accompagnés au niveau de la création de leur dossier sur Parcoursup, et de la formulation de leurs vœux, les établissements accompagnant souvent tous les élèves dans ces étapes.

L’accompagnement des néo-bacheliers sur Parcoursup

Source : Ipsos, ibid.

D’autre part, aux dires des lycéens interrogés dans le sondage, l’accompagnement par les professeurs principaux ou par le lycée à réception des réponses des formations, n’est plus majoritaire. Les réponses positives ont tendance à se tasser par rapport à l’année précédente ([71]). L’initiative n’émane des autorités scolaires que dans un quart des cas. Ces données confirment les impressions données par les lycéens auditionnés qui mettent en cause le manque de temps des professeurs pour informer et accompagner les élèves, lesquels eux aussi, manquent de temps.

Une majorité de lycéens non accompagnés en fin de procédure

Source : Ipsos, ibid.

Par ailleurs, selon les indications communiquées par la DGESCO, dès la sixième, les interlocuteurs sont mentionnés dans le carnet de liaison entre l’école et la famille et les espaces numériques de travail (ENT). Le psy-EN présente le CIO et un kiosque de l’ONISEP se trouve au centre de documentation et d’information (CDI) où les élèves peuvent avoir les informations à leur disposition. Se trouve en conséquence pleinement mise en œuvre la proposition n° 6 que les rapporteurs avaient formulée en 2020 : « Dès le collège, communiquer aux élèves et aux familles un récapitulatif des interlocuteurs compétents sur les questions d’orientation (psy‑EN, enseignants, ressources ONISEP, CIO…), avec les modalités de prise de contact ».

B.   DES ENSEIGNANTS TROP PEU FORMÉS AUX ENJEUX DE L’ORIENTATION

La question de la formation des enseignants fait sans doute partie des problématiques les plus aiguës de l’orientation. Elle contribue très sensiblement à expliquer les déficiences du système.

1.   L’orientation comme compétence des enseignants

Deux arguments ont été fréquemment entendus par les rapporteurs, arguments qui jouent sur la qualité de l’accompagnement des élèves : cette mission ne relèverait pas de la responsabilité des enseignants qui, par manque de formation, se sentent en outre illégitimes à entrer sur ce terrain.

a.   Les répertoires des métiers et des compétences

Le répertoire des métiers de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur et de la recherche ([72]) apporte des indications précieuses de ce point de vue. Ainsi, parmi les activités principales présentées dans la fiche « Enseignants », qui concerne des personnels divers – professeur des écoles, professeur des écoles spécialisé, professeur des écoles maître-formateur, directeur d’école, professeur en lycée, LP, collège, sur zone de remplacement, formateur dans un CFA ([73]) – figure le fait d’« assurer un suivi personnalisé des élèves en lien avec les familles et participer à leur projet d’orientation ».

En complément, le dictionnaire des compétences ([74]), également commun aux deux ministères, présente celles requises de manière structurée et transversale entre familles professionnelles et emplois-types et en précise le contenu. Ainsi, dans le domaine « Éducation-Formation », la connaissance des méthodes et outils d’aide à l’orientation scolaire et professionnelle est-elle définie comme la connaissance et la maîtrise des techniques d’entretien permettant d’aider les jeunes à construire leur projet d’orientation scolaire ou professionnelle. Parmi les compétences opérationnelles figure « Communiquer des informations en matière d’orientation », définie comme la détention des connaissances générales des méthodes et des outils en matière d’orientation et de l’insertion professionnelle.

Ces dispositions, en cohérence avec celles du code de l’éducation ([75]), confirment que l’accompagnement à l’orientation relève bien des obligations de service des enseignants, mais certains expriment leurs réticences et considèrent que cela ne devrait pas être dans leur mission. Cette situation nous interpelle. Elle rappelle que cette mission nécessite des moyens dédiés, notamment en termes de formation.

Ces dispositions ont d’ailleurs été complétées depuis la rentrée 2019 avec l’entrée en vigueur d’un nouveau référentiel de formation des enseignants. Le cadre général ([76]) en trace le profil et précise notamment les objectifs et axes de formation en fonction de ce qu’il est aujourd’hui attendu.

Aussi, le professeur ou le personnel d’éducation du XXIe siècle doit-il, par son enseignement et sa posture, favoriser « le développement de la confiance en soi et en l’école, la formation de l’esprit critique, la construction progressive de l’autonomie, l’exercice de la créativité et de la responsabilité, la communication et la coopération. Il accompagne le parcours de formation des élèves en les aidant à construire leurs choix et leur orientation ».

Au sein du référentiel de formation des professeurs de lycée et de collège ([77]), une compétence commune (CC5), intitulée « Accompagner les élèves dans leur parcours de formation et d’orientation », est présentée comme relevant des différents axes, objectifs et attendus de la formation, à savoir : « L’enseignant, acteur de la communauté éducative et du service public de l’éducation nationale », « L’enseignant, pilote de son enseignement, efficace dans la transmission des savoirs fondamentaux et la construction des apprentissages », et « L’enseignant, praticien réflexif, acteur de son développement professionnel ».

Ainsi compétent, l’enseignant « apporte sa contribution à l’accompagnement du parcours de l’élève et à son orientation en coopérant de manière constructive avec les membres de l’équipe éducative et en instaurant une relation de confiance avec les parents. Il collabore en équipe pour déterminer les progressions, préparer le matériel d’évaluation et l’interprétation des productions des élèves au regard du développement des compétences visées ».

b.   Les enjeux de la formation

Il est intéressant de relever que les psy-EN sont les seuls personnels qui concourent à l’orientation des élèves pour lesquels le code de l’éducation prévoit que leur formation initiale « leur assure une connaissance étendue des filières de formation, du monde économique, de l’entreprise, des dispositifs de qualification, des métiers et des compétences qui sont nécessaires à leur exercice » ([78]) ainsi que sur l’égalité entre les femmes et les hommes, la sensibilisation aux stéréotypes de genre et la prévention de tels stéréotypes. Les seuls également qui « sont tenus d’actualiser régulièrement leurs connaissances au cours de leur carrière » ([79]), à la différence singulière des enseignants pour lesquels la formation continue n’est toujours pas obligatoire. Mme Emmanuelle Vignoli confirme que les psy-EN ont dans leur formation tous les éléments requis pour remplir leur mission auprès des élèves. Elle attire toutefois l’attention sur le fait que les conditions de recrutement ont récemment évolué et que des psychologues de profils très variés peuvent désormais postuler après un an de formation accélérée sur la question de l’orientation scolaire et professionnelle. Jusqu’à récemment, cette formation sur la spécialité était de deux ans, incluant connaissances théoriques en psychologie, dans le domaine de l’information, d’économie avec le marché du travail, stages en entreprise et en CIO. La réduction de la formation de spécialité à une seule année, dont une partie est consacrée à un stage, ne peut qu’avoir des impacts sur la formation théorique.

La compétence reconnue à tous les personnels enseignants suppose l’acquisition d’un domaine de connaissances à maîtriser. Elles sont détaillées par le référentiel, notamment « Connaître les principes et les modalités d’orientation des élèves et les parcours scolaires ; Prendre part aux conseils et aux actions d’animation permettant aux élèves de mieux se connaître, de construire leur projet de formation et leur orientation. »

Pour autant, comme le précisait M. Jean Hubac, chef du service de l’accompagnement des politiques éducatives à la DGESCO ([80]), le thème de l’orientation n’apparaît pas explicitement dans la ventilation du temps global de formation des professeurs du second degré, à la différence notamment des conseillers principaux d’éducation, pour lesquels l’orientation est présente, avec d’autres thématiques au sein du bloc « Stratégie de mise en œuvre de l’action éducative », doit représenter au moins 30 % du temps global de formation. Il inclut la formation sur le développement des compétences psychosociales des élèves, la définition et la mise en œuvre collective du volet éducatif du projet d’établissement d’une part, et l’accompagnement du parcours de l’élève et du projet d’orientation avec les acteurs de la communauté éducative et le suivi individuel et collectif des élèves, d’autre part.

Il ressort de ces dispositions que, d’une manière générale, l’orientation occupe une place transversale dans la formation des personnels d’éducation ([81]), et notamment pour les conseillers principaux d’éducation (CPE), pour lesquels les maquettes de modules de formation sont plus fournies.

Il convient encore de préciser que la formation des lauréats de concours non issus des masters MEEF ([82]) dispensés dans les INSPÉ ([83]) suit exactement le référentiel. On peut en conclure que les enseignants du second degré reçoivent en début de carrière une formation leur permettant un premier accompagnement, étant entendu que, comme le faisaient remarquer certains des acteurs auditionnés, la responsabilité de professeur principal est rarement confiée à un nouvel enseignant.

Conformément aux règles d’autonomie des établissements d’enseignement supérieur, il appartient à chaque INSPÉ de mettre en œuvre ces dispositions. C’est la raison pour laquelle chacun a une approche individuelle et il est difficile d’avoir une visibilité précise, tenant aussi aux différences d’intitulés rendant les comparaisons malaisées.

2.   Le ressenti et la réticence des enseignants

Reste que les enseignants ne se sentent souvent pas formés pour assumer cette mission et, de ce fait, ne se considèrent pas légitimes. Une certaine réticence à assumer les fonctions relatives à l’orientation est nettement perceptible, alimentée par la question de l’insuffisance des moyens.

Mme Chloé Pannier ([84]) mène des recherches partant du projet « Étoile » ([85]), et analyse notamment la question de la réception de la politique d’orientation menée à l’échelon de l’établissement et par les enseignants, premiers acteurs concernés.

Les entretiens qu’elle a eus avec les enseignants, les psy-EN et chefs d’établissement, et ses observations de terrain lui permettent de dresser des constats préliminaires où apparaît un profond manque de formation sur l’accompagnement à l’orientation. La plupart des enseignants rencontrés n’ont pas eu de formation à l’orientation en formation initiale, et se sont auto-formés. Les possibilités de formation continue leur paraissent par ailleurs limitées et dès lors qu’ils ne peuvent y consacrer que peu de temps, leur priorité se tourne vers les formations utiles à leur discipline ou aux apprentissages en classes. En tout état de cause, la question de l’orientation reste périphérique. Si certains enseignants souhaiteraient mettre en place l’accompagnement à l’orientation, ils estiment ne pas détenir les ressources nécessaires pour cela. Ils jugent qu’ils ne devraient pas en être responsables, craignant de participer à une désinformation des élèves et de mal les orienter, d’autant plus compte tenu de la complexité du sujet et de la pléthore d’informations disponibles.

Sur ce schéma global, divers autres aspects semblent se greffer, estime la chercheuse. En premier lieu générationnels, les enseignants les plus anciens paraissant plus attachés à l’aspect disciplinaire de leur fonction. Disciplinaires, aussi, certaines matières permettant d’introduire plus facilement une information sur l’orientation que d’autres. Comme le faisait remarquer M. Christophe Michaut, professeur en sciences de l’éducation à l’université de Nantes ([86]), les enseignants ont effectivement une réelle difficulté à scénariser un accompagnement à l’orientation et à traiter par exemple du thème de l’autocensure, comme ils savent le faire pour un enseignement disciplinaire. Ce à quoi s’ajoute une forme de désarroi général face aux stratégies à adopter vis-à-vis de Parcoursup, sur lesquelles les enseignants interrogés dans le cadre de cette enquête de terrain se sentent perdus.

Au-delà de ces données de terrain, toutes ces questions sont bien connues. Depuis des années, nombre de rapports ont insisté sur le sujet et le manque de formation est un des arguments que les rapporteurs ont le plus fréquemment entendus pour justifier une réticence de la part des enseignants quant à la mission d’accompagnement à l’orientation qu’il leur est demandée d’assurer. Il y a en effet parfois exprimé un sentiment d’illégitimité et de désarroi à l’idée de faire un métier pour lequel ils n’ont pas été recrutés ni formés. Le nombre croissant d’enseignants contractuels recrutés en urgence ces derniers temps, via des procédures parfois inhabituelles ([87]), laisse penser que ce sentiment demeurera prégnant à très court terme pour une part importante du personnel.

Nombre d’interlocuteurs estiment que cette mission, par nature, ne relève pas de leur compétence, laquelle est et doit être centrée sur la transmission des connaissances disciplinaires. Pour certains syndicats, l’orientation n’est même pas le métier des professeurs principaux, fussent‑ils affectés en terminale. Il serait même dangereux d’ériger les enseignants en experts de l’orientation, compte tenu des risques de biais dans l’orientation et de surcroît d’inégalités, eu égard aux différences de parcours personnels des uns et des autres.

D’autres se refusent à participer à la sélection. Pour les tenants de cette position, les problèmes que rencontre l’orientation sont aussi dus à une pénurie de moyens et il est difficile de vouloir leur faire porter une part du fardeau. Ils font ainsi valoir qu’il y a, aux côtés des enseignants, des professionnels de l’orientation, qui devraient être en nombre suffisant, pour se charger d’accompagner les élèves. De nombreux métiers, en diverses instances, s’occupent de l’orientation, mais de manière disséminée et peut-être pas suffisamment au plus près des lycéens, qu’il serait nécessaire de coordonner. Les enseignants, en revanche, assument une charge de travail dans un agenda extrêmement contraint, qui rend très difficile de distraire du temps pour le consacrer à autre chose. C’est notamment le cas en terminale où les élèves doivent se concentrer sur les épreuves du baccalauréat tout en posant leurs choix sur Parcoursup. Il s’agit d’une course contre la montre ingérable pour eux et pour les professeurs principaux qui doivent recevoir les élèves un à un et sans créneau horaire dédié, ce qui suppose de leur faire manquer des cours.

D’une certaine manière, il ressort de ces éléments, comme le faisaient remarquer plusieurs des responsables académiques entendus par les rapporteurs, un certain décalage entre la nécessité de renforcer l’accompagnement à l’orientation et la réalité de terrain.

Des transformations structurelles importantes ont été menées – Parcoursup, réforme du lycée et du baccalauréat, etc. – des textes de cadrage ont été pris au niveau de l’État, déclinés de manière détaillée en régions, des ressources de multiples natures sont proposées, des actions fortes et inscrites dans la durée sont lancées, telles les cordées de la réussite ou divers dispositifs mis en œuvre dans les régions académiques. Pour autant, malgré ce panel de textes, d’outils et de leviers qui n’existaient pas il y a encore quelques années, l’accompagnement à l’orientation reste très tardif dans la scolarité, et peu investi, très segmenté entre de multiples acteurs.

C.   LA QUESTION DES MOYENS ALLOUÉS À L’ORIENTATION

Le manque de moyens à disposition des enseignants est souvent avancé pour justifier la faible efficacité des mesures d’orientation, ou la réticence des personnels à s’impliquer plus, compte tenu de leur charge de travail quotidienne, très chronophage, même s’ils bénéficient d’une prime ([88]) en rétribution de leur tâche d’orientation. Chacun sait que l’une des raisons de la crise des recrutements que traverse l’Éducation nationale aujourd’hui qui oblige au recours de contractuels est en grande partie due aux conditions de travail et de rémunérations.

La mention la plus récurrente porte sur les 54 heures non mises en œuvre faute d’être budgétées sur la dotation budgétaire globale des établissements. « Ces heures n’existent pas ! », estiment certains syndicats. Les chefs d’établissement et professeurs principaux bricolent ce qu’ils peuvent, dans un contexte où ils sont déjà surchargés, sans disposer de temps pour coordonner le travail de leurs collègues et solliciter les acteurs potentiels. La difficulté parfois rencontrée à recruter un deuxième professeur principal se ferait sentir pour cette raison.

L’unanimité se fait aussi pour dénoncer la faiblesse des effectifs des psyEN. Selon les estimations qui ont été données, il y a environ un psy-EN pour 1 500 élèves. Cette situation conduit à un manque de disponibilité, qu’ont souligné les syndicats de lycéens en audition. Chaque psy-EN est amené à intervenir dans les établissements du ressort du CIO dans lequel il est affecté, aux termes de la circulaire du 28 avril 2017. Compte tenu de leur faible nombre, ils doivent travailler dans trois ou quatre lycées différents ([89]) et rencontrent de ce fait peu d’élèves. Mme Emmanuelle Vignoli, professeure au CNAM ([90]), remarquait que si les retours sur les psy-EN de la part des élèves pouvaient être très positifs, sur le volet psychologie de leur mission et le soutien qu’ils peuvent apporter dans des moments d’anxiété, ils étaient en revanche parfois négatifs sur la dimension accompagnement à l’orientation, car insuffisamment disponibles. Certains élèves n’en rencontrent tout simplement pas.

Dans ces conditions, à raison d’une journée, au mieux, par semaine, dans chaque établissement, assumer les missions dont ils sont chargés – entre autres : réaliser des entretiens individuels approfondis, encourager la mobilisation scolaire, participer au suivi des élèves en difficulté, participer à la vie des établissements, travailler en collaboration avec les enseignants sur les problématiques d’orientation, contribuer à l’élaboration du projet du CIO, conseiller les chefs d’établissement dans l’élaboration du volet orientation du projet d’établissement, etc. – relève de la gageure.

Cette situation est d’autant plus problématique que ce corps est, historiquement, celui de l’expertise dans le champ de l’orientation et de l’accompagnement et que, de par leur formation spécifique, les psy-EN restent les seuls à disposer de la culture transversale nécessaire. Enfin, s’y ajoute le fait, conjoncturellement, que, au sortir de la crise sanitaire, l’activité des psy-EN se trouve plus tirée vers le volet « psy » que vers l’orientation, compte tenu des besoins des élèves. Cette question a aussi un impact sur les recrutements : aujourd’hui, des postes ne sont pas pourvus, beaucoup de psychologues préférant se destiner à la pratique privée, plus lucrative.

D.   L’ONISEP, UN OPÉRATEUR QUI A VU SON RÔLE BOULEVERSÉ

La réforme de 2018 a eu des répercussions importantes sur un acteur majeur de l’orientation, l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP).

Pour l’exercice de leurs nouvelles compétences, les régions se sont notamment vues transférer « les missions exercées par les délégations régionales de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions en matière de diffusion de la documentation ainsi que d’élaboration des publications à portée régionale relatives à l’orientation scolaire et professionnelle des élèves et des étudiants » ([91]). Ce transfert de missions s’est accompagné d’un transfert des personnels qui en étaient chargés.

1.   Les conséquences pour l’ONISEP du transfert de personnels vers les régions

Concrètement, cette évolution des missions s’est traduite pour l’ONISEP par la diminution d’une part importante de ses effectifs à hauteur de 155 ETP, dont le transfert vers les régions a été achevé au 31 décembre 2022.

Cela ne s’est pas fait sans quelques difficultés internes, tant au niveau de l’institution que de ses employés.

a.   D’importants changements structurels

Pour Mme Frédérique Alexandre-Bailly, directrice générale, il en est tout d’abord résulté un affaiblissement de l’Office ([92]). En récupérant les tâches de gestion liées aux délégations régionales, les services centraux ont vu leur charge de travail alourdie. Dans le même temps, les équipes déconcentrées en académie ont été réduites et sont désormais très petites ([93]). Comme les régions n’avaient pas encore pris toutes leurs compétences en main, cela a eu un impact sur les missions anciennement dévolues à l’ONISEP. L’Office a aussi été privé de revenus importants tirés de la vente de ses productions dans les salons d’orientation. Le changement a également eu des conséquences sur la cohérence des équipes régionales et la perception de l’activité de l’Office par ses partenaires : réduction de la capacité à communiquer avec les établissements dans les académies ; moindre suivi technique de l’application Folios ([94]) dans les établissements ; incompréhension et perte de repères de la part de certains interlocuteurs traditionnels – les psy‑EN, notamment – devant l’évolution de l’Office qui avait cessé de produire ses guides académiques.

Les personnels dont l’ONISEP s’est séparé étaient éditeurs, PAOistes, logisticiens, qui participaient à l’élaboration des guides académiques pour les élèves de troisième et de terminale, présentant l’offre de formation en seconde et dans l’enseignement supérieur, au sein de l’académie. Une partie d’entre eux ont préféré changer d’activité plutôt que d’être transférés aux régions. Cela a notamment été le cas des documentalistes qui travaillaient autrefois de façon intégrée, de la recherche de données à l’édition de guides.

La réforme a nécessité une restructuration complète des délégations régionales qui s’est traduite par la désignation d’un directeur territorial unique par région académique – à la place des délégués régionaux adjoints, antérieurement un par académie. Il est assisté d’au moins un responsable d’accompagnement pédagogique, chargé en particulier des formations de formateurs et positionné dans chaque académie au plus près du terrain et fortement lié aux services d’ingénierie pédagogique de l’orientation des SAIO. Il est aussi assisté d’au moins un responsable de données, chargé d’alimenter les bases de données sur les formations.

Ainsi réduites en nombre, les équipes ont été rapprochées physiquement des équipes académiques d’information et d’orientation, DRAIO adjoints, antérieurement délégués régionaux de l’ONISEP jusqu’en 2015, afin de reconstituer un travail de réseau, en synergie avec les services centraux.

b.   La reformulation bienvenue des missions de l’ONISEP

L’ONISEP a aussi repensé son rôle et sa stratégie, son articulation avec les autres acteurs de l’écosystème de l’orientation ainsi que sa communication, via les newsletters académiques et les réseaux sociaux. Selon les indications données aux rapporteurs par Mme Frédérique Alexandre-Bailly, directrice générale de l’Office ([95]), sa mission a ainsi été redéfinie autour de deux axes :

– « informer », c’est-à-dire délivrer à tous les publics une information fiable et exhaustive sur les activités professionnelles, les métiers, les systèmes de formation et de qualification ; assurer un accès facilité et adapté aux usagers via des services, des productions numériques et imprimées, adossés à des bases de données actualisées en permanence ;

– « accompagner », et donc mettre à disposition des jeunes, de leur famille et de ceux qui les guident, des outils et des dispositifs pédagogiques leur permettant d’acquérir la compétence à savoir s’orienter tout au long de la vie.

Pour la directrice générale, cette nouvelle mission comporte quatre éléments clefs. L’ONISEP conserve la mission d’alimenter et de piloter la base nationale des formations initiales diplômantes ; il étend sa mission d’information sur les métiers et les formations, à une mission d’information sur l’orientation en général, se positionne en spécialiste de la pédagogie de l’orientation au service des élèves et des adultes qui les accompagnent en cela. Enfin, de par sa structure en réseau et son positionnement national, il se trouve à l’interface des différents acteurs de l’orientation pour faciliter le bon impact des politiques d’orientation.

Cette réorganisation de la mission de l’Office a été validée par ses deux ministères de tutelle et a été incluse dans le contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2021-2023. Elle fait l’objet d’un décret actuellement en cours de signature, qui modifiera la partie réglementaire du code de l’éducation en ce sens.

c.   L’évolution des relations avec les régions

Aux termes du cadre national de référence, l’ONISEP accompagne les régions pour le bon exercice de leur mission d’information. Concrètement, les responsables de données recueillent l’information sur les formations, qui sont fiabilisées par les services documentaires centraux et mises en open data.

Jusqu’à l’an dernier, l’ONISEP a accompagné les régions dans leur montée en compétence, commençant à transférer les données à celles en capacité de s’en saisir à partir de 2020, tout en continuant à aider celles qui ne s’étaient pas organisées. La normalisation a été progressive jusqu’en 2022.

Aujourd’hui, l’ONISEP accompagne les régions de trois manières, à l’échelon territorial, via la Dronisep, à l’échelon national, via des réunions entre Régions de France et les services centraux, et en se chargeant des pages nationales des guides de troisième et de terminale pour garantir que tous les élèves bénéficient des mêmes informations validées par les services compétents des deux ministères concernés.

Par ailleurs, neuf conventions avec les régions académiques ont été signées pour préciser le concours de l’ONISEP à la politique de région académique afin de mieux délimiter ce qui relève du travail local ou concourt à la politique nationale. Ont ainsi été conclus des accords en Centre-Val de Loire, Corse, Guyane, Hauts‑de‑France, Île-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Pays de la Loire et La Réunion.

2.   Une évolution diversement appréciée

Un certain nombre de parties prenantes ont exprimé leur préoccupation devant cette évolution de l’Office depuis 2018, souhaitant qu’il garde ses prérogatives et plaidant pour que ses moyens soient préservés. C’est notamment la position des associations de parents d’élèves entendues par les rapporteurs pour lesquelles l’ONISEP est un outil précieux, et même la source d’information première, la plus complète et très accessible. Il en est de même des syndicats de lycéens, qui invitent toutefois l’ONISEP à moderniser ses supports.

Les responsables régionaux que les rapporteurs ont entendus, tel M. JeanLouis Nembrini, vice-président du conseil régional de NouvelleAquitaine ([96]), considèrent en effet que l’ONISEP s’est renforcé et, alors que la loi aurait dû permettre de décentraliser la question de l’orientation, c’est à une recentralisation que l’on a assistée, le transfert des personnels ayant permis de réduire la taille des délégations régionales de l’Office sans que le pilotage vertical ne soit modifié. M. François Bonneau, président du conseil régional de Centre-Val de Loire, vice‑président de Régions de France, partage ce sentiment : en premier lieu, parce que très peu de moyens opérationnels ont été transférés de l’ONISEP aux régions ([97]). En outre, l’Office, qui devait être un espace de coopération avec une vraie animation impulsée par les régions, serait actuellement en phase de restructuration pour « remettre beaucoup de verticalité », alors même que le champ de l’information sur les métiers a clairement été confié aux régions par la loi. Pour le président de la commission éducation, orientation, formation et emploi de Régions de France, il s’agit là d’un élément de fragilisation de l’édifice.

III.   LA PLACE TOUJOURS IMPORTANTE DES DÉTERMINANTS SOCIAUX DANS L’ORIENTATION

On observe toujours que le poids des déterminants socioculturels ne diminue pas, quels que soient les correctifs que l’on instaure.

A.   LE POIDS DES ORIGINES SOCIOCULTURELLES

L’observation des trajectoires des élèves confirme qu’elles restent en grande partie prédéterminées par un certain nombre de facteurs au poids intangible. Le milieu d’origine des élèves et les inégalités sociales conditionnent les parcours scolaires et la réussite des élèves.

1.   Les familles, premières prescriptrices en matière d’orientation

Aujourd’hui comme hier, les familles et les proches restent les personnes avec lesquelles les élèves échangent le plus pour obtenir des conseils sur leur projet d’orientation. C’est ce qui ressort notamment chaque année du sondage annuel du MESR auprès des néo-bacheliers. Selon l’édition de septembre 2022, cela avait été le cas pour 77 % des lycéens interrogés et cette proportion a tendance à augmenter régulièrement. En revanche, sur les trois dernières années, la part des échanges avec les professeurs principaux diminue régulièrement : en septembre 2020, ils faisaient partie des acteurs avec lesquels 64 % des lycéens avaient cherché à échanger pour être conseillés, mais 60 % un an plus tard et seulement 56 % en 2022. Alors que la loi leur a donné plus de responsabilités concernant l’information sur l’orientation, ils apparaissent de moins en moins comme des personnes ressources. Ce constat est préoccupant. Les autres acteurs de proximité de l’orientation sont très nettement moins sollicités : seuls un peu plus d’un cinquième des élèves se sont tournés vers les psy-EN, 15 % vers les CIO, cependant que les CPE sont ignorés.

Les acteurs de l’orientation avec lesquels les élèves
cherchent à échanger sur leur orientation

Source : Ipsos, Enquête d’opinion des néo-bacheliers sur Parcoursup, septembre 2022.

Cet aspect est loin d’être sans conséquence sur les choix formulés et participe des phénomènes de reproduction sociale. En premier lieu car les familles et les proches ont tendance à conseiller ce qu’ils connaissent et correspond à leur propre niveau d’études ou trajectoire professionnelle ; en second lieu parce que leur proximité avec le système scolaire, et la connaissance qu’ils en ont, diffèrent profondément selon le milieu social auquel ils appartiennent.

Cela se traduit de diverses manières, comme l’ont confirmé les acteurs de l’Éducation nationale et les sociologues entendus par les rapporteurs. Par exemple les professeurs principaux ont en règle générale moins de contacts avec les familles défavorisées et parfois, dans certains territoires, le plus grand mal à les rencontrer pour échanger avec elles sur l’orientation de leur enfant. L’accompagnement est alors des plus difficile. Ainsi, dans l’enseignement professionnel, les professeurs principaux appellent les parents par téléphone, les autres modalités – Pronote, mails, messages donnés aux élèves – ne fonctionnant pas. Malgré cela, seulement 40 % des familles participent aux réunions.

Cela confirme les recherches de Mme Annabelle Allouch, sociologue, maître de conférences à l’université de Picardie Jules Verne ([98]), qui explique que l’implication des familles varie aussi considérablement selon l’origine sociale. Ses travaux les plus récents montrent en outre une évolution assez nette, depuis la réforme du lycée et du baccalauréat et l’entrée en vigueur de la loi ORE, dans la manière dont les familles endossent leur rôle vis-à-vis du système scolaire, en lien avec l’exigence très forte de transparence vis-à-vis de Parcoursup. Elle observe ainsi une présence et un contrôle accru des familles à l’égard de l’institution et des personnels, notamment tout au long du processus, et des pressions de diverses formes – souvent amicales, recours gracieux par mail – exercées sur les enseignants, autour des notations et des bulletins, dès la seconde, voire au collège. Certaines pressions peuvent aller jusqu’à des formes de contestation plus fermes, y compris jusqu’au contentieux porté devant le tribunal administratif. Les relations entre les enseignants et les familles peuvent en être altérées, ce qui est préjudiciable pour tout le monde. Si cela reste encore rare, c’est en tout cas en particulier le fait des familles des classes moyennes et supérieures, les familles défavorisées restant en retrait.

Il importe aussi de rappeler que les familles n’ont qu’une faible connaissance des processus d’orientation. Mme Chrystèle Mercier, PDG de l’Étudiant ([99]), faisait remarquer qu’elles étaient très dépourvues face à la multitude de formations disponibles sur Parcoursup. Dans un système complexe où l’accompagnement reste très hétérogène d’un établissement à l’autre, la plateforme Parcoursup génère une anxiété forte. Comme les familles jouent un rôle prépondérant dans le conseil à leurs enfants, leur désarroi peut avoir un impact majeur sur l’orientation qui sera choisie.

2.   Le poids des inégalités socioculturelles dans l’orientation des élèves

Les données de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale sont toujours préoccupantes. Elles confirment la profondeur des inégalités dans les parcours scolaires mises par ailleurs en évidence par les recherches sociologiques.

a.   Les inégalités socioculturelles

La dernière synthèse établie par la DEPP ([100]) rappelle l’importance des inégalités de performance dès les débuts de la scolarité : « Dès l’entrée à l’école les inégalités de performances scolaires selon le milieu social des parents sont fortes. Si elles sont stables en français, au cours de l’école élémentaire, elles augmentent en mathématiques. Ainsi, en sixième, à la rentrée 2021, parmi les 20 % d’élèves les plus favorisés socialement, neuf sur dix ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne des attendus des connaissances et compétences en mathématiques. » Dans le même temps, « seule la moitié des 20 % d’élèves les moins favorisés atteint une maîtrise satisfaisante », le taux de maîtrise des élèves les plus favorisés dépassant celui des plus défavorisés de 41 points.

Ces inégalités sont stables depuis 2009 et perdurent au long de la scolarité, puisque la France est l’un des pays européens où elles sont le plus prononcées à l’âge de quinze ans. Comme le précise la DEPP, ces écarts en matière de parcours s’expliquent par des différences de compétences liées en partie à l’origine sociale mais aussi, à notes équivalentes, par des différences dans les choix d’orientation selon l’origine sociale et le contexte familial : « En particulier, à notes équivalentes, les élèves issus des milieux favorisés font beaucoup plus souvent des choix d’orientation vers la seconde générale et technologique que ceux issus des milieux populaires », comme le met en évidence le diagramme ci-dessous, qui montre aussi que, inversement, plus les notes des élèves des classes défavorisées sont moyennes, moins le choix se tourne vers la seconde GT, alors qu’il reste élevé dans les classes favorisées.

Souhaits d’une orientation en 2De gt selon le milieu social
et les notes obtenues au contrôle continu du brevet

Source : DEPP, L’état de l’école, 2022 (éd. web).

Inévitablement, le niveau de diplôme se trouve ensuite socialement discriminé par l’origine des élèves. Le diagramme suivant illustre les différences considérables de ce point de vue : dix ans après leur entrée en sixième, au moins 85 % des enfants dont les parents sont enseignants, cadres, professions libérales ou chefs d’entreprise, sont titulaires du baccalauréat général ou technologique, ce qui n’est le cas que de 35 % des enfants d’employés de service ou d’ouvriers non qualifiés, et de 25 % des enfants de personnes sans emploi.

niveau de diplôme dix ans après l’entrée en sixième selon le milieu social

(en %)

Source : DEPP, L’état de l’école, 2022, page 73.

M. Julien Grenet, directeur de recherches au CNRS, professeur associé à l’École d’économie de Paris (PSE) et directeur-adjoint de l’Institut des politiques publiques ([101]), rappelait à ce propos le constat général des recherches sociologiques sur les inégalités sociales et de genre, qui sont fortes dans l’enseignement supérieur et restent constantes depuis plusieurs décennies : environ 30 % des étudiants suivant des formations de type BTS et licences non sélectives sont d’origine favorisée (enfants de cadres, professions libérales, cadres, professions libérales, etc.) ; les formations de type licences sélectives, écoles de médecine, d’architecture comportent entre 50 % et 60 % d’élèves favorisés, quand les étudiants des formations les plus sélectives type classes préparatoires sont à 70 % ou 80 % d’élèves issus de classes favorisées, sans que l’on voie la moindre réduction des inégalités sociales, de genre ou territoriales, depuis au moins les années 2000.

b.   La dimension territoriale des inégalités

En second lieu, les inégalités territoriales perdurent également. Le rapport de 2020 du CEC avait mentionné l’inégale répartition des établissements d’enseignement supérieur qui affecte la mobilité sociale des jeunes, les plus défavorisés priorisant les universités proches de leur domicile pour des raisons de coûts. La mobilité inter-académies est de ce fait socialement discriminée, d’autant plus que le calendrier d’instruction des dossiers de prestations sociales, décalé par rapport à celui de la procédure de Parcoursup, induit des incertitudes lourdes et des freins, lorsqu’un déménagement est à envisager pour un lycéen. La mobilité géographique est d’autant plus discriminée pour les élèves de zones rurales, plus éloignés des pôles universitaires, qui ont tendance à s’orienter plutôt vers des filières techniques courtes.

Les données les plus récentes publiées par la DEPP soulignent que si l’orientation en seconde générale et technologique dépend en partie des résultats scolaires des élèves et de leur milieu social, le contexte géographique est également important. Ainsi, « dans les départements où les élèves sont majoritairement scolarisés dans des communes urbaines denses ou très denses, l’orientation en seconde GT est plus fréquente. La diversité et la proximité des formations, notamment d’enseignement supérieur, favorisent les aspirations à des études longues. Inversement, dans les territoires éloignés des grandes villes, à résultats scolaires équivalents, l’orientation des élèves se fait plus souvent dans l’enseignement professionnel. » ([102]) M. Marc Dedeire, professeur à l’université Paul‑Valéry, Montpellier III et responsable du projet Compas, confirmait devant les rapporteurs ([103]) qu’en région Occitanie les problématiques d’autocensure étaient extrêmement importantes dans les territoires démographiquement les moins denses.

Part des collégiens scolarisés dans des communes urbaines denses
ou très denses à la rentrée 2021

Source : DEPP, L’état de l’école, 2022, page 75.

Les élèves et les familles se projettent moins souvent sur des parcours d’études impliquant des déplacements longs, a fortiori des déménagements, et l’ambition de leur choix d’orientation en pâtit. De même, la voie professionnelle s’avère‑t‑elle plus développée dans la moitié nord de la France où les taux d’orientation en seconde générale et technologique (GT) sont les plus faibles, l’Île‑de-France mise à part.

taux de passage en seconde gt à la rentrée 2021

Source : DEPP, ibid.

D’une manière générale, les disparités territoriales restent donc particulièrement marquées en France, et les écarts de parcours scolaire suivent une logique, dans laquelle le type de territoire a une grande importance en termes de caractéristiques sociales, de réussite et de parcours scolaire. En premier lieu, l’orientation vers la voie générale et technologique est moins fréquente dans les zones rurales par rapport aux communes urbaines denses. En effet, selon une étude de la DEPP, « à niveau scolaire et caractéristiques sociodémographiques équivalents, le fait de résider dans le rural éloigné ou dans le rural périphérique peu dense diminue respectivement, de 17 points et de 12 points la probabilité d’aller en seconde générale et technologique par rapport à un élève issu de l’urbain très dense » ([104]). Des différences sont également visibles selon les régions académiques. Ainsi, « en Bretagne et dans les pays de la Loire par exemple, les communes urbaines denses présentent des caractéristiques sociales et scolaires très favorables ; dans les Hauts-de-France et la région Grand Est, ce sont les zones périphériques qui semblent les plus favorisées », résume une étude complémentaire de la DEPP ([105]).

Une plus forte mobilité géographique depuis 2018

Depuis 2018, la mobilité étudiante dès la première année post bac s’est fortement accrue. La mobilité n’est jamais imposée sur Parcoursup, elle correspond à un choix de l’étudiant. Dans un contexte post crise sanitaire, on observe que la mobilité géographique continue de progresser.

Pour l’année 2022 :

694 005 candidats ont confirmé au moins un vœu en dehors de leur académie de résidence, soit 74,2 % d’entre eux (près de 12 000 candidats supplémentaires par rapport à 2021).

456 717 candidats ont reçu au moins une proposition d’admission pour une formation en dehors de leur académie, soit 65,8 % (12 200 candidats supplémentaires par rapport à 2021).

215 112 candidats ont accepté une proposition d’admission en dehors de leur académie de résidence, soit 47,1 % d’entre eux (1 760 candidats supplémentaires par rapport à 2021).

La part des lycéens ayant confirmé au moins un vœu hors de l’académie de résidence évolue légèrement et atteint 75 %. Ils sont plus nombreux que l’année dernière à recevoir une proposition d’admission en mobilité : 69,5 % d’entre eux, soit une progression d’1,4 point par rapport à 2021.

La part des lycéens qui acceptent cette mobilité est similaire à celle de l’année dernière : 150 000 lycéens ont accepté une formation en dehors de leur académie.

Source : Parcoursup, Bilan de la procédure d’admission 2022

Le Président de la République le disait en quelques mots en août 2022 : « En troisième, un collégien sur trois s’oriente dans la voie professionnelle, un sur trois, mais c’est trop souvent sans l’avoir voulu. Les lycées professionnels comptent deux tiers des décrocheurs et accèdent plus difficilement à l’emploi. Et nous avons de facto, collectivement, malgré tous les moyens mis, la bonne volonté collective et le professionnalisme, l’engagement de tous les acteurs, du déterminisme social. Vous avez plus d’enfants d’ouvriers et moins d’enfants de cadres dans la voie professionnelle, qu’il n’y en a dans la voie générale, et que, malgré le fait que nous avons énormément de métiers en tension depuis de nombreuses années, ils devraient être formés par cette voie professionnelle. Deux ans après l’obtention de leur diplôme, 41 %, simplement, des titulaires d’un CAP ont un emploi, et 53 % pour ceux qui ont un Bac Pro. »

Tous les travaux confirment cette donnée constante que le rapport de 2020 avait rappelée, et sur laquelle nombre d’interlocuteurs ont encore insisté devant les rapporteurs. Mme Valérie Cabuil ([106]), rectrice de la région académique des Hauts‑de‑France, rectrice de l’académie de Lille et présidente de la conférence des recteurs, résumait en quelques mots la force des déterminismes sociaux en rappelant que l’indice de position sociale des collèges est de 100 environ pour la France entière, de 111 pour le lycée général mais de 85 seulement pour les lycées professionnels, ou que seuls 20 % des jeunes confiés à l’aide sociale à l’enfance se dirigent vers un baccalauréat général. Cet aspect est d’autant plus prégnant que, comme le fait remarquer Mme Claire Mazeron, DASEN chargée des lycées et de la liaison avec l’enseignement supérieur au sein de l’académie de Paris ([107]), l’orientation entre les trois filières, telle qu’elle existe, est toujours ressentie comme un tri social plus que comme un choix ([108]). Le système fonctionne comme un tamis qui ne garde que les meilleurs des élèves : en fin de troisième, l’orientation vers le baccalauréat professionnel se fait toujours par défaut, alors même qu’elle concerne le tiers des lycéens de France, comme un peu plus tard, à l’issue de la seconde, les moins bons seront dirigés vers un baccalauréat technologique. M. Dylan Ayissi ([109]) donnait les résultats d’une enquête que le collectif « Une voie pour tous » dont il est le porte-parole a réalisée en janvier 2023, selon laquelle 43 % des élèves de la voie professionnelle disent avoir été incités dans leur orientation. Ce sont les publics les plus fragiles, socialement et économiquement, qui sont dirigés vers l’enseignement professionnel, 60 % des lycéens y entrant avec au moins un an de retard.

B.   L’INFLUENCE DU GENRE AU MOMENT DE L’ORIENTATION

L’intériorisation des contraintes, que les rapporteurs du CEC avaient soulignée en 2020, ne semble pas non plus avoir évolué. Elle façonne toujours le manque d’ambition.

1.   Une part toujours importante d’inégalité de genre, notamment dans les filières scientifiques

Les dernières études disponibles continuent de mettre en évidence les différences de parcours scolaire entre filles et garçons, perceptibles dès l’école élémentaire au niveau des résultats en mathématiques et en français. Les analyses de la DEPP montrent que les écarts de compétence se maintiennent ensuite au collège et que « les orientations ultérieures reposent en partie sur ces compétences différenciées mais aussi sur des représentations et ambitions différentes ».

Cela se traduit par des proportions différentes de filles selon les spécialités et filières. Ainsi, si elles sont moins nombreuses dans les spécialités professionnelles et technologiques (42 %), les filles sont largement majoritaires dans les spécialités et séries débouchant sur des métiers très féminisés – du secteur sanitaire et social, notamment – plus que l’électricité ou l’électronique. Si certaines doublettes dans la filière générale sont relativement paritaires – comme « mathématiques et SVT » – d’autres présentent des écarts considérables qui sembleraient indiquer que la réforme du baccalauréat a accru la ségrégation dans les filières scientifiques, comme l’illustre le diagramme ci‑dessous qui montre notamment la part très faible des filles, de surcroît en diminution, dans la doublette « mathématiques, numérique et sciences informatiques ».

Part des filles en classe de terminale dans une sélection de doublettes,
de séries ou de spécialités à la rentrée 2021

(en %)

DEPP, L’état de l’école, 2022, page 74.

Inévitablement, les orientations ultérieures dans l’enseignement supérieur sont cohérentes avec ces constats, en ce qu’elles prolongent ces tendances : « La nature de la formation dépend de la tendance disciplinaire et professionnelle avec les filles qui s’orientent davantage vers les formations de santé et de lettres au contraire des garçons vers les formations technologiques ou scientifiques. Le type de formation dépend des stratégies et des motivations construites par les individus selon leur genre avec des garçons plus ambitieux à niveau scolaire égal et plus présents dans les filières sélectives », indique la DEPP. De sorte que, en fin de scolarité supérieure, les femmes sont plus diplômées que les hommes tout en étant sous-représentées parmi les titulaires de doctorat ou ingénieurs.

Répartition des sortants de formation initiale
en fonction de leur diplôme le plus élevé

(en %)

Source : DEPP, op. cit., page 75.

Le CRÉDOC a cherché à comprendre les raisons de la faible proportion de filles dans les filières scientifiques et de celle des garçons dans les formations liées aux soins et à l’action sociale et si les arguments liés au cloisonnement des filières selon le sexe se déclinaient de la même manière chez les filles et les garçons. Il s’est également penché sur les freins et attentes en termes de choix d’orientation et professionnels et a étudié les critères qui pouvaient décourager les filles et les garçons dans le choix de certaines filières, ou qui inversement étaient retenus dans l’élaboration de leur projet professionnel ([110]). Il en ressort que l’orientation dépend en partie de représentations genrées, les filles étant notamment en manque de modèles – se trouve ici illustré le poids des familles et des proches comme conseils en orientation – pour envisager les filières scientifiques et techniques, qui, pour cette raison, les attirent moins, et plus influencées par leurs professeurs et les psy-EN qui leur en conseillent d’autres. Le manque de confiance en elles quant à leur possible réussite dans ces filières est également un frein pour plus d’un quart d’entre elles. Inversement, si les garçons se tournent peu vers les filières sanitaires et sociales, c’est plutôt par une attirance moindre.

les principales raisons de l’orientation

Source : CRÉDOC, op. cit.

Les chercheurs que les rapporteurs ont auditionnés confirment que les très forts contrastes entre filières en termes de disparités de genre n’évoluent pas. M. Julien Grenet ou Mme Sophie Orange ([111]) convergent sur le manque de féminisation des classes préparatoires scientifiques, des écoles d’ingénieurs, des BTS production ou des STAPS ([112]), dans lesquels la proportion d’étudiantes reste autour de 30 %, quand les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) littéraires ou les licences de lettres et de langues restent au contraire très féminisées. C’est l’une des raisons pour lesquelles certains, tel M. Guillaume Gellé, président de France Universités, président de l’Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA) ([113]), suggère que le travail sur les stéréotypes de genre devrait être entrepris très tôt, peut-être dès l’école primaire.

Il reste encore des marges importantes de progression pour briser les représentations à l’origine des inégalités observées dans l’orientation des filles et des garçons, d’autant plus que les travaux mettent en lumière les effets cumulatifs des déterminants, qui se répètent aux différents paliers d’orientation, troisième, seconde, première. Ces déterminants sont par ailleurs un enjeu important dans les filières comme le numérique où nous manquons cruellement de personnels qualifiés. La féminisation est indispensable si nous voulons avoir des salariés qualifiés aussi dans ces secteurs.

2.   L’autocensure toujours importante malgré des évolutions récentes

a.   L’addition des déterminismes

« Quant à l’autocensure, elle vient de la société, des parents et du regard des enfants. Nous étudions plusieurs pistes pour la combattre dès l’école primaire et permettre à l’enfant de croire en ses capacités. Il faut aussi convaincre sa famille qui peut parfois, de bonne foi et au nom de ce qui semble un certain réalisme, freiner ses ambitions plutôt que l’encourager. Avec le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, nous voulons agir de l’école primaire au lycée, afin de donner envie et de rendre possible, en nous adressant aussi bien aux élèves qu’à leurs parents. Pour assurer l’équité d’accès – à laquelle nous croyons profondément –, nous devons traiter le problème d’autocensure à la racine. » ([114])

Les propos que la ministre de l’enseignement supérieur tenait lors du débat sur « Les errements de Parcoursup et les difficultés de l’enseignement supérieur » suffisent à définir le sujet.

Quoi qu’il en soit des mesures prises pour essayer de la combattre, l’autocensure des élèves dans leurs choix d’orientation reste un défi fondamental. D’une certaine manière, elle est la résultante des différents facteurs qui pèsent peu ou prou, chacun à leur niveau, sur la prise de décision, et dont les effets sont cumulatifs.

Sur ce plan aussi, les études les plus récentes de la DEPP confirment les constats antérieurs, hélas d’une grande stabilité. Concernant le choix des mathématiques, par exemple, toujours très discriminant socialement, les élèves d’origine sociale très favorisée sont 64 % à suivre un enseignement en terminale, de spécialité ou optionnel, cependant que les élèves d’origine sociale défavorisée ne sont que 45 % dans ce cas. ([115]) Si d’une manière générale, le choix d’un enseignement optionnel est beaucoup plus discriminé par l’origine sociale que par le sexe, le fait que les garçons et les élèves d’origine sociale très favorisée soient 28 % à suivre l’enseignement optionnel « mathématiques expertes », contre seulement 4 % des filles d’origine sociale défavorisée, confirme l’effet cumulatif des facteurs. De même les élèves d’origine sociale très favorisée – 39 % des élèves de terminale générale – sont‑ils surreprésentés parmi ceux ayant choisi mathématiques ou physique-chimie comme enseignement de spécialité (47 % et 46 %, respectivement), alors que, inversement, les élèves d’origine sociale défavorisée – 21 % des élèves de terminale générale – sont surreprésentés en LLCA ([116]) (28 %), éducation physique, pratiques et cultures sportives (27 %), HLP ([117]) (26 %) et LLCER ([118]) (25 %) ([119]).

Ce n’est pas tant d’un manque d’ambition qu’il s’agit, que de l’effet d’une addition de déterminismes, dont l’impact majeur touche avant tout les élèves des classes défavorisées. Comme l’analyse Mme Agnès van Zanten, c’est un problème structurel auquel contribue à sa manière le « malthusianisme » des formations sélectives, grandes écoles et autres, qui préfèrent ne pas recruter tous les étudiants qu’elles pourraient recevoir, contribuant par le fait même à répercuter les phénomènes de tension sur d’autres établissements. M. Julien Grenet rappelle aussi sur ce sujet qu’on n’explique que la moitié des écarts d’accès aux filières sélectives entre catégories sociales favorisées et défavorisées par les résultats scolaires, le reste s’expliquant par d’autres facteurs, et notamment le fait que beaucoup d’élèves d’origine défavorisée n’ont pas une information précise sur ces filières, et sont parfois éloignés géographiquement des sources d’information et des lieux d’études.

Divers dispositifs sont envisageables de ce point de vue, pour tenter de réduire ces distances. M. Julien Grenet évoquait notamment la transparence de l’information à donner aux étudiants qui ont la capacité de réussir dans ces filières. Des campagnes de ciblage ont ainsi été lancées dans certains pays pour contrer l’auto-dévalorisation des élèves des classes défavorisées. Il a été montré qu’elles ont un effet très puissant pour lever les barrières psychologiques et les inciter à envisager des études ambitieuses, en attirant l’attention sur l’intérêt de leur profil. Parmi ce genre de dispositifs figurent les cordées de la réussite.

b.   L’exemple des cordées de la réussite

Le dispositif des cordées de la réussite n’a cessé de monter en puissance depuis sa création il y a une quinzaine d’années au point d’intéresser aujourd’hui quelque 185 000 élèves par an, près de 800 établissements du second degré étant concernés.

Les cordées actuelles, qui ont fusionné sous cette appellation deux dispositifs précédents pour créer un continuum d’accompagnement de la troisième au post-baccalauréat, sont destinées en priorité aux élèves scolarisés en éducation prioritaire ou en quartiers prioritaires de la ville (QPV), aux collégiens et lycéens de zone rurale et isolée ainsi qu’aux lycéens professionnels et technologiques. Ces dispositifs ont pour ambition de faire de l’accompagnement à l’orientation un réel levier d’égalité des chances, en donnant « à chacun les moyens de sa réussite dans l’élaboration de son projet personnel d’orientation quel que soit le parcours envisagé : poursuite d’études dans l’enseignement supérieur ou insertion professionnelle directe » ([120]). Le dispositif propose un parcours progressif et cohérent pour l’élève en fonction de ses besoins, reposant sur diverses modalités d’accompagnement : actions individuelles ou collectives (tutorat, mentorat, ouverture sociale et culturelle, découverte des métiers, du monde de l’entreprise…).

mode de fonctionnement des cordées de la réussite

https://journals.openedition.org/edso/docannexe/image/13002/img-1-small480.png

Source : « Les cordées de la réussite, intentions et effets d’un dispositif pour l’égalité des chances, enquête dans l’académie de Strasbourg », Sophie Kennel.

Selon les documents budgétaires présentés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, les cordées s’inscrivent dans le cadre du continuum « -3+3 » et visent à « accroître l’ambition scolaire des jeunes collégiens et lycéens issus des milieux sociaux modestes et à lever les obstacles psychologiques, sociaux et culturels qui peuvent freiner leur accès aux formations de l’enseignement supérieur, notamment aux filières d’excellence ». Elles permettent « d’accentuer significativement le taux d’accès dans l’enseignement supérieur, notamment en ce qui concerne les sections de STS et d’IUT ».

De ce point de vue, la plupart des observateurs sont plus prudents concernant le bilan de ces dispositifs. Comme il n’y a pas de suivi statistique des élèves « encordés », il est en premier lieu très difficile d’en mesurer les effets sur la durée. Mme Valérie Cabuil fait remarquer qu’il n’y a sans doute pas d’évolution de la population dans l’enseignement supérieur, mais que, en revanche, il existe un effet inspirant et entraînant des cordées qui facilitent une meilleure connaissance entre le secondaire et le supérieur ([121]). Mais selon les études sociologiques de terrain, cette politique d’individualisation massive de l’accompagnement ([122]), qui repose sur l’idée d’un effet d’entraînement sur les autres élèves, ne bénéficie pas à la population qu’elle vise mais surtout aux élèves des classes moyennes scolarisés dans les établissements populaires, voire boursiers, d’un bon niveau scolaire. Ainsi, une étude auprès de jeunes inscrits dans des cordées dans l’académie de Strasbourg ([123]) relève que ces élèves « ont déjà une volonté de poursuivre des études supérieures et qu’ils voient le dispositif comme un levier pour atteindre cet objectif. Ils sont 74 % à déclarer savoir ce qu’ils veulent faire plus tard et 77 % ont confiance en leur avenir. De façon très affirmative, 97 % déclarent être ambitieux et le même pourcentage affiche une forte motivation pour leur scolarité ». À l’évidence, il ne s’agit pas là du cœur de cible des cordées de la réussite, supposées s’adresser aux élèves qui s’autocensurent et ne se projettent pas dans leur orientation ou la subissent. Les élèves qui s’inscrivent dans les cordées de la réussite ont au contraire un projet préexistant à leur entrée dans le dispositif et sont confiants. Leur participation à une cordée représente un plus dans leur parcours, qui leur permet notamment une acculturation avec l’enseignement supérieur, conclut l’auteure.

Les cordées de la réussite : l’importance de la visibilité du parcours

95,5 % des lycéens qui ont participé à une cordée de la réussite durant leur scolarité au lycée et qui ont souhaité que cette caractéristique figure dans leur dossier ont reçu une proposition ; 86,9 % d’entre eux l’ont acceptée.

Les candidats dont le parcours dans les cordées de la réussite a été mentionné, avec leur accord, dans le dossier disposent d’un taux de proposition d’admission sensiblement supérieur au reste de la population lycéenne de terminale. Ce gain est particulièrement important pour les lycéens issus de la voie professionnelle avec un écart positif de 6,7 points par rapport aux autres lycéens de cette voie n’ayant pas été inscrits en cordées ou n’ayant pas signalé cette caractéristique dans leur dossier.

Pour l’accès à l’enseignement supérieur, les formations présentes sur Parcoursup peuvent valoriser la participation des lycéens aux cordées de la réussite lors de l’examen des candidatures. Pour 2023, plus d’un tiers des formations (hors apprentissage) ont fait ce choix, et cette information est désormais explicitement visible des lycéens et de leurs familles sur la fiche formation.

Source : Jérôme Teillard, chef de projet Parcoursup, DGESIP.

IV.   PARCOURSUP : UN SYSTÈME D’AFFECTATION À JUGER À L’AUNE DE SES OBJECTIFS

Au-delà de la fin du tirage au sort des candidats dans les filières en tension, principale raison d’être de la réforme de 2018 et de la création de Parcoursup, les changements introduits dans le processus d’appariement des candidats poursuivaient des objectifs politiques majeurs, formulés en termes d’équité et de démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur.

Tel n’est pas le cas en revanche d’autres aspects qui tiennent davantage à la procédure qui a été instaurée, qui continue de susciter de nombreuses critiques et sur laquelle un certain nombre de questions restent posées, en termes de transparence et d’efficacité.

A.   COMMENT ÉVALUER LA PERFORMANCE DE LA PROCÉDURE INSTITUÉE EN 2018 ?

Nos concitoyens imputent parfois à Parcoursup des responsabilités qu’elle n’a pas. La plateforme d’appariement de l’offre et de la demande de formations de l’enseignement supérieur n’est par exemple pas responsable du nombre de places dans les différentes formations ni des dysfonctionnements de l’orientation dans l’enseignement secondaire. Si des étudiants n’ont pas de places dans certaines filières, c’est aussi que l’on manque d’enseignants et de locaux pour les accueillir. Il n’en reste pas moins utile de se pencher sur les mérites ou insuffisances intrinsèques de Parcoursup qui a profondément transformé les modalités d’accès à l’enseignement supérieur et progressivement centralisé le processus d’affectation dans l’enseignement supérieur.

Parcoursup depuis 2018 : l’évolution en quelques chiffres

Les formations présentes : 13 200 en 2018 ; 21 000 pour la rentrée 2023

Les candidats : 4,5 millions passés par la plateforme depuis 2018

L’apprentissage : 2 600 formations proposées en 2018 ; 7 500 en fin de procédure 2022 ; 146 000 alternants en 2019 ; 216 000 en 2022

La mobilité : 112 600 lycéens ont fait le choix de la mobilité en 2018 ; 150 000 en 2022

Les lycéens sans proposition : 955 accompagnés non affectés en 2018 ; 160 en 2022

Les « Oui si » : 59 000 « oui si » proposés en 2018 ; 105 000 en 2022 par 1 700 formations ; 27 000 étudiants accompagnés en « oui si » en 2022

Les taux de réussite en L1 : de 41 % aux examens de juin 2017 à 45 % aux examens de juin 2019 et 48 % aux examens de juin 2021 (53 % en 2020, mais influencés par les conditions de passation des épreuves eu égard au contexte sanitaire)

La durée de la phase principale d’admission : 108 jours en 2018 ; 44 jours en 2022, soit 64 jours de moins

Source : Jérôme Teillard, chef de projet Parcoursup, DGESIP.

1.   Une information proche de l’exhaustivité

L’exhaustivité de l’information disponible sur la plateforme Parcoursup est probablement l’une des questions sur lesquelles les évolutions ont été les plus fortes depuis cinq ans. Elle porte autant sur le nombre de formations accessibles que sur l’importance et la précision des informations données par les établissements d’enseignement supérieur, l’objectif des ministères étant, comme le rappelaient Mme Rachel-Marie Pradeilles-Duval, cheffe du service de l’instruction publique et de l’action pédagogique de la DGESCO, et M. Jérôme Teillard, chef du projet Réforme de l’accès à l’enseignement supérieur, direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) ([124]), que l’ensemble des élèves puissent avoir une vision claire de toutes les formations de l’enseignement supérieur sur tout le territoire, sans filtre et en direct.

De ce point de vue, comme le rappelle le dernier bilan de la procédure d’admission ([125]) le nombre de formations présentées sur la plateforme est aujourd’hui de 21 000, à comparer aux 13 500 lors de la première session en 2018. L’effort d’exhaustivité de l’information a sans conteste été conséquent. Il avait d’ailleurs été salué comme « sans précédent » par le CESP, dès son premier rapport annuel au Parlement.

l’évolution de l’offre de formation sur Parcoursup

Source : Parcoursup : Bilan de la procédure d’admission 2022.

De nombreuses améliorations ont également été apportées année après année aux informations disponibles sur la plateforme, qui comprennent désormais le descriptif des formations présenté par les établissements, des éléments permettant de comprendre les critères de sélection des candidats, une grille d’analyse explicitant l’importance attachée à chacun (résultats scolaires, compétences, savoir-faire, motivation, savoir-être, cohérence du projet, engagement, etc.). Les conditions pour candidater, le nombre de places disponibles dans la formation, rapporté au nombre de candidats des années précédentes, et des indications, succinctes, sur les débouchés professionnels font également partie des données accessibles.

Il ressort du sondage annuel effectué auprès des néo-bacheliers par le MESRI que ces informations sont dans l’ensemble jugées utiles aux candidats, comme le traduit le graphique ci-dessous.

La perception de l’utilitÉ de la plateforme

Source : Ipsos ; enquête d’opinion des néo-bacheliers sur Parcoursup, septembre 2022.

Pour autant, on relève que, si elle reste encore très nettement positive, la perception qu’ont les bacheliers des fiches descriptives est chaque année moins bonne, en termes de clarté, de lisibilité ou d’exhaustivité. Dans le même temps, si leur nombre reste encore minime, de plus en plus de bacheliers les trouvent difficiles à comprendre.

Le regard sur les fiches descriptives des formations

Source : Ibid.

La mise à disposition d’une quantité impressionnante d’informations ne résout pas tout. Comme le reconnaissait Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur, le 4 avril dernier lors du débat de l’Assemblée nationale, « aujourd’hui, l’un des principaux problèmes de Parcoursup tient à l’augmentation de l’offre de formation – le nombre de formations proposées a atteint 21 000 en quelques années. Au fond, la plateforme souffre de la richesse de son offre, qui complique sa gestion, mais désormais, partout en France, chaque étudiant a la possibilité d’accéder à une formation ».

2.   L’appariement entre les vœux et les formations

M. Jérôme Teillard a précisé pour les rapporteurs les informations données dans le rapport annuel, qui concernent l’ensemble des candidats, répartis entre les catégories présentées ci-dessus.

Sur 936 000 candidats en 2022 (contre 931 000 en 2021) :

– 622 000 étaient lycéens (635 000 en 2021) ;

– 186 000 étaient des étudiants en recherche d’une réorientation (182 000 en 2021) ;

– 33 000 candidats (25 000 en 2021), étaient soit de nationalité étrangère, soit français scolarisés à l’étranger. 80 % d’entre eux sont scolarisés hors de l’Union européenne et n’ont accès qu’à l’offre de formations sélectives. Ce sont aussi des candidats de l’UE, traités comme des Français mais avec une scolarité étrangère. Peuvent figurer dans cet ensemble des lycéens français (14 % de ce total) résidant à l’étranger et scolarisés dans un établissement non AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger) ;

– 95 000 (89 000 en 2021) étaient des candidats en reprise d’études, non scolarisés. Parmi eux, des salariés, des demandeurs d’emploi, des personnes sans activité. Une fois identifiés, ces candidats sont suivis via un dispositif spécifique, « Parcours plus », destiné à trouver des solutions hors Parcoursup – bilan de compétences porté par France Compétences, formation continue portée par l’université et les régions, etc. – afin de trouver la réponse la plus adaptée.

Les candidats inscrits sur Parcoursup en 2022

Source : Parcoursup, ibid.

Selon le ministère ([126]), en 2022, au premier jour de la phase d’admission, 57,8 % des 574 000 bacheliers avaient reçu une proposition. Plus de 242 000 bacheliers étaient donc sans réponse le lendemain, ce qui génère stress et angoisse pour les étudiants et leurs familles. Au terme de la procédure, 30 000 bacheliers n’ont obtenu aucune proposition (5 %). Surtout, 18,1 % d’entre eux n’ont accepté aucune proposition et n’ont donc pas trouvé de formation qui leur convenaient sur Parcoursup, ce qui représente 103 170 étudiants. Certains peuvent aussi poursuivre d’autres projets ([127]). Comme il n’existe pas de hiérarchisation des vœux, il est difficile par ailleurs de savoir si les étudiants ayant accepté une proposition sont pleinement satisfaits de celle-ci.

Cependant, la phase principale de la procédure est aujourd’hui plus dynamique, ce qui devrait réduire la durée de la période, et l’angoisse due à l’absence de proposition, comme le confirme le tableau de bord quotidien publié par le ministère : le 1er juin 2023, 379 141 candidats sur 629 464 ayant confirmé au moins un vœu, avaient d’ores et déjà reçu une ou plusieurs propositions d’admission, soit 60,2 %. Pour les étudiants en demande de réorientation, les chiffres étaient de 72 030 étudiants ayant reçu une ou plusieurs propositions, sur un total de 163 255, soit 44,1 %.

À la date du 11 juin 2023, comme le montre le tableau ci-dessous, ce sont 531 794 candidats qui ont reçu des propositions, soit 84,5 %. Par ailleurs, 3 016 candidats ont déjà quitté la plateforme avant de recevoir une proposition d’admission. Dans le même temps, 116 051 candidats en réorientation ont reçu des propositions, soit 71,1 % de cette catégorie, 1 038 ayant par ailleurs quitté la plateforme.

tableau de bord : suivi de la phase d’admission Parcoursup 2023
(données actualisées au 11 juin) ([128])

Source : enseignementsup-recherche.gouv.fr

 

évolution du nombre cumulé de propositions d’admissions
envoyées aux candidats entre 2020 et 2022

Source : Parcoursup, ibid.

À partir du début juillet, des commissions d’accès à l’enseignement supérieur (CAES) sont réunies dans chaque académie pour accompagner les candidats qui le souhaitent et les aider à trouver une formation. Un suivi personnalisé est organisé pour les informer. Onze séquences d’informations spécifiques ont ainsi été organisées l’an dernier : appels téléphoniques, mails, sms, pour inciter les candidats à se saisir de l’opportunité. En 2022, à l’issue de la procédure, un total de 18 900 candidats ont saisi la CAES. Ce chiffre en est diminution depuis 2020 – 23 400 élèves avaient alors eu recours aux CAES – compte tenu de la baisse de la démographie lycéenne, ainsi que de la meilleure efficacité de la phase principale et de l’orientation.

Évolution de la saisine des caes

 

2019

2020

2021

2022

Nombre de saisines

25  970

34 831

23 400

18 900

Nombre de bacheliers accompagnés en fin de procédure

1175

591

239

160

Dont : bac général

Non disponible

113

28

14

           bac technologique

Non disponible

151

60

48

           bac professionnel

Non disponible

327

151

98

Source : Rapports annuels Parcoursup.

En 2022, en fin de procédure, 160 bacheliers étaient encore accompagnés par les CAES qui restent mobilisées jusqu’à la fin du mois d’octobre pour leur proposer une solution. Parmi ces 160 lycéens n’ayant pas eu de proposition, figuraient 98 bacheliers professionnels ayant sollicité un accompagnement et qui restaient sans solution en fin de procédure, dont beaucoup avaient également déclaré avoir un autre projet en parallèle de Parcoursup, dont des projets d’accès direct à l’emploi dans un contexte de reprise de l’emploi des jeunes, de mobilité internationale ou autres, y compris l’accès à des formations en apprentissage non encore inscrites sur la plateforme. Ils étaient respectivement 239 et 151 dans ce cas en 2021.

Entre-temps, les autres candidats auront trouvé une solution soit via la CAES soit via la phase complémentaire ou auront quitté la plateforme pour éventuellement suivre d’autres projets. Cela peut aussi expliquer l’explosion de l’offre privée : en 2022, 187 000 lycéens et étudiants, tout en confirmant leurs vœux, avaient indiqué avoir simultanément d’autres projets d’insertion dans la vie active, de formation hors Parcoursup ou d’études à l’étranger.

Cela étant, l’efficacité de la plateforme doit avant tout se mesurer au taux d’acceptation des propositions qui sont faites en réponse aux souhaits des candidats. De ce point de vue, il faut rappeler que le rapport de 2020 avait souligné que l’appariement était comparable à celui d’APB mais que les évolutions constatées mettaient en évidence que Parcoursup était avant tout conçu pour les néo‑bacheliers, pour lesquels le taux d’acceptation croissait régulièrement, quand celui des candidats en réorientation ou en reprise d’études était beaucoup moins positif.

Trois ans plus tard, les données montrent les évolutions suivantes :

situation à la fin de la phase principale

 

Pourcentage de candidats acceptant une proposition

Série du bac

2019

2020

2021

2022

Ensemble

84,2 %

83,8 %

83,4 %

82,2 %

Général

87,5 %

88,6 %

89,0 %

87,8 %

Technologique

81,8 %

79,6 %

78,1 %

76,0 %

Professionnel

72,3 %

69,1 %

66,5 %

65,2 %

Source : Notes flash du SIES, « Parcoursup : les propositions d’admission dans l’enseignement supérieur », années 2019 à 2022 (champ : candidats effectifs inscrits sur Parcoursup et diplômés du bac dans l’année).

Ces données montrent que, si pour les titulaires du baccalauréat général, le taux d’acceptation des propositions faites par les commissions d’examen des vœux (CEV) est stable depuis 2019, il tend en revanche à se tasser pour l’ensemble des néo-bacheliers : 82,2 % d’entre eux ayant accepté une proposition en 2022, contre 84,2 % en 2019. Cette évolution est notamment due à la baisse des taux d’acceptation beaucoup plus nette constatée pour les bacheliers technologiques 76 % en 2022 contre 81,8 % en 2019, et aux bacheliers professionnels dont le taux d’acceptation des propositions chute de 72,3 % en 2019 à 65,2 % en 2022.

Interrogé à ce propos, M. Jérôme Teillard avance que, sans qu’il y ait de réponse définitive, deux éléments jouent concernant les néo-bacheliers technologiques et professionnels.

En premier lieu, le fort développement de l’apprentissage depuis cinq ans surtout sur le périmètre BTS qui intéresse beaucoup ces deux publics. Ainsi, s’agissant de la campagne de vœux pour 2023, la sous-direction des systèmes d’information et des études statistiques (SIES) relève en effet que « parmi les 636 000 élèves de terminale scolarisés en France en 2023 et inscrits sur Parcoursup, 96,1 % ont confirmé au moins un vœu hors apprentissage en phase principale (PP). En baisse les deux années précédentes, les effectifs d’élèves de terminale inscrits sur Parcoursup, comme le nombre de ceux qui ont confirmé au moins un vœu, augmentent en 2023 (respectivement + 9 000 et + 5 000), progressions conformes à la hausse observée des élèves en terminale. Cependant, la part de ceux qui ont confirmé au moins un vœu en PP, de 96,1 % en 2023, fléchit de 0,6 point. Cette baisse concerne essentiellement les terminales de la voie professionnelle (- 2,4 points). Les élèves de cette série, qui est la seule à voir son effectif de terminales diminuer (- 4 100), ont davantage tendance à ne demander que des formations en apprentissage ou à opter pour une insertion professionnelle dans un contexte favorable à l’emploi » ([129]). M. Jérôme Teillard précise également qu’une part de l’offre de formation en apprentissage est restée non prise en compte, avec en conséquence des acceptations de contrats se faisant hors de la plateforme.

L’analyse du Comité éthique et scientifique de Parcoursup

« En 2021, 82 % des néo-bacheliers candidats à Parcoursup sont admis. Mais si 18 % des candidats ne sont pas admis, ceci ne signifie pas qu’ils n’ont pas trouvé de place dans l’enseignement supérieur. Ces 18 % recouvrent deux situations : 6 % des candidats n’ont eu aucune proposition et 12 % ont quitté la plateforme avec au moins une proposition qu’ils n’ont pas acceptée.

« Les candidats de cette seconde catégorie avaient une proposition provenant évidemment de l’un de leurs vœux. Le CESP a évoqué ce point dans son dernier rapport et l’étude de la région PACA a apporté des éléments éclairants sur les diverses raisons de départ : départs pour des formations privées hors contrat qui ne sont pas sur Parcoursup, départs à l’étranger, départs dans la vie active, découragements liés à la longueur de la procédure. De plus, il est probable que des candidats n’ayant pas de proposition aient, eux aussi, saisi des opportunités sans attendre d’en recevoir une.

« En outre, le nombre d’admis est sans doute sous-estimé car les chiffres nationaux, que ce soit ceux du SIES ou du dossier de presse, ne comprennent pas toutes les admissions en apprentissage, plus tardives que les autres. Mais surtout, l’admission en apprentissage est subordonnée au contrat avec un employeur et les CFA ne font pas remonter toutes les données dans Parcoursup. Le ministère tente de résoudre ce problème qui est complexe étant donnée la multiplicité des acteurs de l’apprentissage. »

Source : CESP, rapport 2023, page 23.

En outre, depuis la reprise de l’emploi des jeunes, une tendance se dessine, plus marquée chez les lycéens professionnels, à faire le choix de l’insertion directe dans l’emploi plutôt que la poursuite d’études, ce qui se traduit par un certain décrochage en cours d’année de terminale. Pour M. Jérôme Teillard, cela a eu un impact sur les acceptations sur les années 2021-2022 en particulier où la reprise de l’emploi des jeunes a été marquée.

Enfin, le tassement du taux d’acceptation peut aussi refléter en partie le fait que de nombreux candidats indiquent avoir en parallèle d’autres projets, hors Parcoursup. Ils étaient quelque 133 000 lycéens en 2021 et 142 000 en 2022.

S’agissant des candidats en réorientation, le taux d’acceptation était de 62,3% en 2020, 62,5 % en 2021 et 64,1 % l’an dernier.

Parcoursup 2023 : état de la procédure au mois de mai

« À la fin de la période de confirmation des vœux de la phase principale au 6 avril 2023, 611 000 lycéens scolarisés en France ont confirmé au moins un vœu sur Parcoursup, soit 96,1 % des 636 000 terminales inscrits sur Parcoursup. Le nombre d’élèves qui ont confirmé un vœu augmente cette année (+ 5 000), effet de la hausse du nombre d’élèves en terminale. Cette augmentation affecte peu la structure moyenne des listes de vœux, mais conduit à plus de diversité dans les formations choisies. »

Source : « Parcoursup 2023, les vœux des lycéens à l’entrée dans l’enseignement supérieur », note flash SIES n° 5, mai 2023.

3.   Sur les mesures d’équité plus volontaristes

Pour contribuer à la réalisation des différents objectifs, un certain nombre d’initiatives volontaristes ont été introduites dont l’efficacité reste pour l’heure difficilement mesurable.

a.   Les quotas de boursiers

L’un des éléments importants de la loi ORE en regard de son objectif de démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur est l’institution de quotas de boursiers, destinés à rehausser la présence des étudiants de classes défavorisées ([130]). Ainsi, pour les filières non sélectives, lorsque le nombre de candidats excède les capacités d’accueil d’une formation, le recteur « fixe un pourcentage minimal de bacheliers retenus bénéficiaires d’une bourse nationale de lycée, en fonction du rapport entre le nombre de ces bacheliers boursiers candidats à l’accès à cette formation et le nombre total de demandes d’inscription dans cette formation » ([131]). En ce qui concerne les filières sélectives, le recteur « fixe un pourcentage minimal de bacheliers retenus bénéficiaires d’une bourse nationale de lycée ».

Cette discrimination positive sur critères sociaux a été unanimement saluée. Elle permet de garantir que le taux de boursiers de la population acceptée dans la formation soit au moins identique à celui des candidats. De fait, les rapports du Comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP) ont très vite souligné la montée en puissance de ce dispositif et l’intérêt des corrections qu’il apporte. Si la première année l’effet a été modeste, marqué par un certain flou dans l’interprétation du texte, dès l’année suivante, le cadrage du ministère a permis la diffusion par les recteurs de règles harmonisées, de sorte qu’entre 2018 et 2019 le pourcentage de formations appliquant un quota de boursiers inférieur à la proportion de boursiers parmi les candidats a chuté de 51 % à 2 % et 13 000 bacheliers boursiers ont été admis dans une formation dans laquelle ils n’auraient pas eu de proposition sans les quotas.

Concrètement, comme le rappelait M. Jérôme Teillard, les commissions d’examen des vœux de chaque formation étudient les dossiers et décident des critères de sélection, à l’exception des taux de boursiers et des taux de priorité territoriales, qui sont discutés par les recteurs et les présidents d’université, et sont ajoutés par Parcoursup a posteriori. Cette procédure a pour effet de modifier les rangs de classement arrêtés par les CEV en faisant remonter les candidats boursiers jusqu’à saturation des quotas. Cette démarche n’est pas toujours bien perçue par les autres candidats et peut générer des incompréhensions ou des sentiments d’injustice. Les chefs d’établissement auditionnés ont ainsi fait part de manifestations de mécontentement de la part de parents estimant leur enfant lésé par l’avantage concédé aux boursiers.

La proportion de boursiers candidats dans Parcoursup a augmenté pour se rapprocher du pourcentage de boursiers parmi les lycéens, et l’augmentation régulière du nombre d’entre eux ayant reçu une proposition dans le cadre de la procédure principale ou complémentaire a continué, y compris dans les formations sélectives. En outre, depuis 2021, les établissements d’enseignement supérieur peuvent également prendre en compte la participation des candidats aux cordées de la réussite, lesquelles couvrent désormais les publics prioritaires dans tous les territoires. Selon le rapport du CESP, pour la session de 2021, plus de 99 % des candidats issus de cordées avaient ainsi reçu et accepté une proposition dans Parcoursup.

Selon les données figurant dans le dernier bilan annuel de la procédure Parcoursup, grâce à ces dispositifs, la proportion de bacheliers boursiers admis dans l’enseignement supérieur a évolué de la manière suivante :

– entre 2018 et 2021, la part des bacheliers boursiers admis dans l’enseignement supérieur est passé de 20 % à 25 % ([132]) ;

– pour l’année 2022, la part des lycéens boursiers ayant reçu une proposition d’admission s’est stabilisée au niveau atteint depuis 2020, soit neuf lycéens boursiers sur dix : 143 066 lycéens boursiers ont ainsi reçu au moins une proposition d’admission, soit 91,2 % d’entre eux ;

– 117 207 lycéens boursiers ont accepté une proposition d’admission, soit 81,9 % d’entre eux ;

– plus de 12 350 formations sont aujourd’hui concernées par l’application des taux boursiers.

Pour autant, sur la longue durée, à savoir depuis 2012, le CESP remarquait l’an dernier que l’on « n’enregistre pas de progression significative, et, même dans certaines formations sélectives, un tassement, voire une régression du nombre de boursiers inscrits. C’est le cas notamment dans les écoles d’ingénieurs (qui passent de 26 % de boursiers en 2012 à 22,8 % en 2020), y compris celles internes aux universités (39 % de boursiers en 2012 et seulement 34 % en 2020) ou encore dans les CPGE scientifiques (28 % de boursiers en 2012 et 26,7 % en 2020 » ([133]).

Ces éléments, qui sont donc pour partie antérieurs à l’introduction de mesures de discrimination positive en 2018, tendent cependant à être confirmés par des statistiques plus récentes présentés par le SIES, comme en témoigne le graphique ci-dessous, qui montre par exemple que si la part des boursiers a globalement augmenté en institut universitaire de technologie (IUT) de 1,2 % depuis 2016-2017, elle a en revanche diminué de 0,1 % depuis 2020-2021.

Évolution du % de boursiers dans l’enseignement supérieur
selon les filiÈres

Source : « Les boursiers sur critères sociaux en 2021-2022 », note flash du SIES, n° 23, septembre 2022.

Plus que ces données globales qui concernent l’ensemble des étudiants boursiers, la mesure véritablement pertinente porte en fait sur le nombre de lycéens pour lesquels cette politique de discrimination positive a réellement été décisive, à savoir ceux qui, sans cela, n’auraient pas pu s’inscrire dans une formation d’enseignement supérieur.

Le bilan de Parcoursup indique qu’on estime leur nombre à quelque 12 300 lycéens. Rapporté au nombre total de boursiers ayant reçu une proposition, l’effet positif de la mesure n’a donc concerné que 8,6 % des lycéens boursiers ayant candidaté (12 300 lycéens boursiers pour lesquels la mesure a été décisive/143 066 boursiers ayant reçu au moins une proposition d’admission), que l’on peut raisonnablement considérer comme modestement efficace.

De fait, pour les sociologues que les rapporteurs ont auditionnés, ce dispositif, pour positif qu’il soit, a surtout le mérite de concrétiser l’objectif d’équité sociale dans l’accès à l’enseignement supérieur, mais les taux de boursiers restent trop modestes pour avoir des effets significatifs, notamment dans les filières sélectives, et le résultat est encore décevant. Si l’effet peut être significatif dans certains cas, comme dans la filière santé, l’impact sur la diversité dans les filières sélectives reste insuffisant. La raison tient, entre autres, à la faiblesse des taux, parfois inférieurs, notamment dans des établissements privés sous contrat, au plancher de 5 %. D’une certaine manière, les conclusions qu’avait portées la Cour des comptes en 2020 sur la faible efficacité de cette mesure restent valables. Comme l’analyse M. Julien Grenet : « Dans les formations non sélectives en tension, l’impact limité des quotas de boursiers tient en partie au fait que nombre d’entre elles, en particulier les licences de droit les plus prestigieuses, se sont vu appliquer des quotas de boursiers sensiblement inférieurs à la proportion de boursiers constatée parmi leurs candidats ; (…) Dans les formations sélectives, particulièrement en CPGE, l’effet limité des quotas semble davantage imputable à la faible proportion de boursiers parmi les candidats à ces formations (moins de 10 %) qu’au nonrespect des quotas. Pour espérer augmenter de manière significative la part des boursiers admis dans ces formations, il semblerait plus judicieux de fixer le taux minimum de boursiers non pas en référence à leur part parmi les candidats, mais à un niveau sensiblement plus élevé, en y ajoutant par exemple 5 à 10 points de pourcentage. » ([134])

Le SIES précise par ailleurs que la baisse des effectifs de boursiers est en partie liée à l’augmentation de l’apprentissage, notamment dans les formations courtes, et relève que depuis plusieurs années, les proportions de boursiers dans les filières sélectives (CPGE, école de commerce, formation d’ingénieur) sont en baisse([135])

b.   Les places réservées pour les bacheliers technologiques et professionnels

Le dispositif introduit par la loi de 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche permettant au recteur de fixer un pourcentage minimal de bacheliers professionnels et de bacheliers technologiques pour l’accès aux sections de techniciens supérieurs (STS) et aux IUT, a été révisé par la loi ORE. La forte croissance des bacheliers professionnels constatée ces dernières années n’a en effet pas permis à tous de poursuivre leurs études en STS, faute de création de places suffisantes. Comme le rappelait la Cour des comptes dans son rapport en 2020, entre 2000 et 2017, le nombre de places dans la filière s’est accru de 7 %, soit 18 000 places, quand le nombre de bacheliers professionnels augmentait dans le même temps de 95 %, c’est-à-dire de 86 000 titulaires ! En d’autres termes, l’accès aux STS a été fortement contraint, obligeant nombre de bacheliers à se tourner par défaut vers des licences ou à renoncer à entreprendre des études supérieures.

En outre, la création du diplôme de bachelor universitaire de technologie (BUT) permet d’augmenter le nombre de bacheliers technologiques admis dans cette filière, dans la mesure où la moitié des places en IUT leur ont été réservées, mais le prolongement d’une année de DUT ne s’est pas accompagné de moyens suffisants. La part de bacheliers technologiques dans les IUT est désormais en nette progression, + 6,6 % entre 2020 et 2021. Ils représentent aujourd’hui plus de 40 % des inscrits en IUT contre moins de 29 % en 2013. Inversement, la proportion des bacheliers généraux a diminué de plus de 9 %. En revanche, la part des bacheliers professionnels diminue et ne représente aujourd’hui plus que 1,4 % des effectifs des IUT ([136]).

Les données statistiques relatives aux bacheliers technologiques et professionnels ([137]) mettent en évidence d’autres éléments intéressants.

En premier lieu, le nombre de bacheliers technologiques admis en BUT continue à progresser : en 2022, 39 317 titulaires ont reçu au moins une proposition en IUT, soit 50,9 % d’entre eux, contre 38,1 % en 2018. 20 802 ont accepté une proposition d’admission en IUT, soit 52,9 % de ceux à qui une proposition a été faite.

évolution de la part des bacheliers technologiques
ayant reçu une proposition d’admission en BUT

Source : Parcoursup, ibid.

S’agissant de l’affectation des bacheliers professionnels, le taux de proposition (82,6 %) en 2022 a été supérieur de 1,1 % par rapport à 2021 (81,5 %) ; il reste toutefois inférieur à celui des autres lycéens.

Sur près de 160 000 lycéens professionnels inscrits sur Parcoursup en 2022, plus de 105 000 ont confirmé au moins un vœu, soit 66 %. Concrètement, l’an dernier :

– 92 292 bacheliers professionnels ont confirmé au moins un vœu en STS, soit 87,6 % d’entre eux ;

– 70 277 bacheliers professionnels ont reçu au moins une proposition en STS, soit 76,1 % d’entre eux (72,8 % en 2021) ;

– 44 421 bacheliers professionnels ont accepté une proposition d’admission en STS, soit 63,2 % d’entre (63,5 % en 2021). Cette évolution du taux d’acceptation peut être mise en relation avec le développement d’opportunités plus grandes offertes aux lycéens professionnels dans un contexte de reprise du marché de l’emploi des jeunes.

Source : Parcoursup, Bilan de la procédure d’admission 2022.

Enfin, 97,1 % des bacheliers professionnels avec avis favorable à la poursuite d’études supérieures ont reçu une proposition d’admission, soit un taux supérieur à celui de 2021, ce qui s’inscrit en cohérence avec la dynamique de promotion de l’accompagnement à l’orientation mise en place par l’expérimentation dite « Bac pro–STS ». Le graphique ci-dessous montre l’évolution conséquente de la part des bacheliers professionnels auxquels une proposition d’admission en BTS a été faite.

évolution de la part des bacheliers professionnels
ayant reçu une proposition d’admission en bts

Source : Parcoursup, ibid.

c.   Les quotas territoriaux

La loi ORE dispose également que le recteur fixe, en concertation avec les présidents d’établissements d’enseignement supérieur, un taux maximal de néo‑bacheliers originaires d’autres académies que celle de l’établissement. À ce propos, une certaine ambiguïté avait été soulignée, notamment par le comité de suivi de la loi ORE : si le Plan Étudiants avait souhaité favoriser la mobilité géographique, la loi elle-même semblait la limiter.

Dès l’année suivante cependant, les critères ont été assouplis dans le sens d’une plus grande mobilité, notamment du fait de la révision de la sectorisation intervenue en Île-de-France, les trois académies (Paris, Versailles et Créteil) constituant désormais un territoire unique restreignant l’application des quotas aux seuls lycéens ne résidant pas dans la région. La fin de cette sectorisation, selon laquelle les lycéens des académies de Versailles et Créteil n’étaient pas prioritaires pour les licences proposées par les établissements parisiens, a entraîné un changement très important puisque désormais ce sont près de 70 % des étudiants à Paris qui sont originaires de ces deux académies.

Par ailleurs, au niveau national, les quotas maxima de non-résidents par formation ont été relevés de manière importante et les dernières publications du SIES ([138]) montrent de réels effets au niveau national, puisque à la rentrée 2020, presque un néo-bachelier sur cinq changeait d’académie au moment de son entrée dans l’enseignement supérieur ([139]). Des différences régionales perceptibles subsistent, certaines académies étant plus réceptrices de nouveaux étudiants que d’autres, mais aujourd’hui, selon le SIES, « le néo-bachelier qui n’a pas trouvé la formation qu’il souhaite dans son académie ou qui n’a pas été retenu près de chez lui, n’hésite pas à changer d’académie pour entreprendre les études désirées ».

Ces conclusions sont sans doute à nuancer, dans la mesure où des inégalités persistent, faisant de la question de la mobilité géographique un sujet qui reste à travailler. M. Julien Grenet faisait notamment remarquer que certains des établissements les plus côtés restent marqués par une très forte homogénéité quant à l’origine géographique des étudiants qu’ils admettent : le quart des élèves intégrant Polytechnique, l’ENS-Ulm ou HEC ont fait leurs études à Paris, alors que les bacheliers parisiens ne représentent que 3 % des bacheliers au niveau national.

Surtout, comme le relève l’étude du SIES, « les néo-bacheliers mobiles sont moins souvent boursiers en terminale que les non-mobiles (21 % contre 26 % pour les non-mobiles). Cette différence peut s’expliquer, en partie, par les origines sociales de ces étudiants : près de la moitié des néo-bacheliers mobiles ont une origine sociale très favorisée (48 %) contre un peu moins de deux sur cinq pour les non-mobiles (38 %) ». De même, il apparaît que les néo-bacheliers mobiles ont plus fréquemment que les autres obtenu un baccalauréat général (72 % contre 65 %), notamment dans la série scientifique, et qu’ils sont donc moins souvent issus de la voie technologique (19 %) ou professionnelle (9 %). Ils ont aussi un meilleur niveau scolaire, 21 % ayant obtenu une mention TB au baccalauréat, contre 13 % pour les non-mobiles.

Néanmoins, la mobilité n’est pas toujours facile dans un contexte de pénurie de logements étudiants et d’augmentation du coût de la vie étudiante. C’est aussi sur ces freins qu’il faut travailler en planifiant une construction massive de logements étudiants et en améliorant leurs ressources. À ce propos, le Gouvernement a annoncé la revalorisation des bourses des étudiants à hauteur de 500 M€ avec un nouveau système de barème.

4.   La transparence de l’information ne suffit pas

a.   Le principe et sa déclinaison

En présentant les principes sur lesquels Parcoursup serait fondé, Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, avait fait de la question de la transparence et de l’exhaustivité des informations mises à disposition des élèves l’alpha et l’oméga de l’orientation : « Je veux y insister, car c’est un point déterminant à mes yeux : ce qui rend l’orientation de nos jeunes si difficile aujourd’hui, c’est qu’elle se fait trop souvent dans une sorte de brouillard, faute d’une information claire et fiable sur les formations elles-mêmes et sur leurs débouchés. » ([140])

Elle indiquait que désormais, pour chaque formation, les attendus seraient publics, afin que les lycéens connaissent précisément le contenu des cursus et leurs exigences pour pouvoir se décider en toute connaissance de cause et éviter de formuler des choix sur des malentendus ou des idées reçues. « Ce faisant, ajoutait la ministre, nous lutterons contre ces inégalités masquées qui séparent insidieusement ceux qui savent de ceux qui ne savent pas, l’accès à l’information étant l’un des marqueurs sociaux les plus puissants. » Grâce à Parcoursup, le futur étudiant serait pleinement acteur de ses choix, au cœur de la procédure d’affectation et de l’enseignement supérieur.

Cette approche de la procédure d’entrée dans l’enseignement supérieur est en accord avec la philosophie générale de l’orientation, organisée sur un mode individualisé. Comme l’indique le code de l’éducation, les choix d’orientation sont de la responsabilité des familles elles-mêmes et l’éducation à l’orientation vise à donner à chaque élève les outils, à acquérir les compétences et la méthode pour construire son propre projet et réussir dans les études et l’insertion professionnelle.

L’approche se traduit par un certain nombre de dispositifs au sein du collège et du lycée. Ainsi, les heures d’accompagnement à l’orientation : douze heures annuelles en classe de quatrième, trente-six en troisième, portées à cinquante‑quatre au lycée général et technologique. Surtout, l’axe principal reste, tant au niveau de l’orientation que de la procédure d’entrée dans l’enseignement supérieur, la mise à disposition de toute l’information nécessaire pour permettre aux élèves et à leurs familles de faire leurs choix en toute connaissance de cause.

C’est dans le même esprit qu’une « Charte des attendus » avait été conclue entre les ministères de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur et la Conférence des présidents d’université (CPU), la Conférence des directeurs d’écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI) et la Conférence des grandes écoles (CGE) dès le mois de décembre 2017. Il s’agissait de soutenir le Plan Étudiants et d’aider les lycéens et leurs familles à comprendre les attentes des établissements en termes de connaissances ou d’aptitudes nécessaires pour réussir dans chacune des filières et leur donner les moyens de se situer par rapport à ces exigences au moment de formuler leurs vœux. Ces attendus étaient aussi une « pièce maîtresse » dans l’appréciation des professeurs et l’avis du chef d’établissement à formuler dans la fiche Avenir. De fait, il apparaît que ce type d’information est effectivement positif puisque 69 % des néo-bacheliers interrogés dans le cadre du sondage annuel du MESRI sur Parcoursup déclarent que la présentation des critères généraux d’examen des vœux de chaque formation leur a permis de comprendre ce qui était important pour y avoir accès et d’évaluer leurs chances de succès pour 58 % d’entre eux ([141]).

b.   Une approche loin de tout résoudre

Compte tenu de la prégnance des déterminismes déjà cités, ce dispositif ne semble pas suffisant pour réduire les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur.

En effet, pour Mme Sophie Orange, sociologue, maître de conférences à l’université de Nantes ([142]), les dernières réformes ont renforcé l’individualisation de l’orientation et la responsabilisation toujours plus importante des élèves et de leurs familles. La fourniture d’une information foisonnante, qui prétend à l’exhaustivité, revient à dire aux familles qu’elles ont tous les éléments en main pour faire un choix rationnel et, incidemment, que leur erreur sera de leur responsabilité. Or, ses travaux de recherche lui ont par exemple permis de montrer que les bacheliers d’origine populaire ont parfois des difficultés à raisonner de manière abstraite, sur des types de formation et des appellations génériques. Ils développent plutôt un rapport à l’enseignement supérieur fondé sur l’expérience ou sur les exemples de leur entourage. Penser à leur avenir de façon stratégique, comme Parcoursup, comme APB antérieurement, les invite à le faire, suppose une logique et une capacité à s’extraire du monde dans lequel on est, pour envisager le long terme. Les lycéens qui sont les premiers de leur famille à accéder à l’enseignement supérieur n’en ont pas forcément les ressources.

Cet aspect est d’autant plus prégnant que, comme M. Julien Grenet ([143]) ou Mme Ariane Féry, directrice de la rédaction de l’Étudiant ([144]), le font remarquer, il faut aussi une très bonne connaissance de la structuration de l’enseignement supérieur pour simplement pouvoir se repérer dans les 21 000 formations désormais présentées sur Parcoursup. En outre, si le système français est effectivement aujourd’hui plus transparent grâce à Parcoursup, ce n’est pas pour autant qu’il est plus juste car la transparence n’est en rien un gage d’égalité, compte tenu des différences profondes qui existent dans la manière d’accéder à l’information et de la traiter. En cela, les inégalités face au numérique sont déterminantes et jouent fortement au profit des lycéens favorisés.

Cette approche montre qu’il faut que la communauté éducative aide les familles et les élèves à traiter cette quantité foisonnante d’informations.

B.   UN PROCESSUS QUI DEMEURE STRESSANT POUR LES ÉTUDIANTS ET LEURS familles

La perception des lycéens vis-à-vis de la plateforme paraît quelque peu ambivalente. D’une part, ils considèrent qu’elle a un rôle important à jouer, comme en témoigne le tableau ci-dessous. Ils pensent très majoritairement qu’elle leur permet de formuler des vœux librement, mais sont beaucoup moins convaincus du fait qu’elle leur ouvre de nouveaux horizons qu’ils ne connaissaient pas ou pour lesquels ils n’auraient pas osé formuler de vœux.

les sentiments ambivalents des lycÉens vis-À-vis de Parcoursup

Source : Ipsos ; Enquête d’opinion des néo-bacheliers sur Parcoursup, septembre 2022.

Mais, d’autre part, même si la plateforme Parcoursup ne cesse d’être améliorée année après année, force est de constater qu’elle suscite bien plus de commentaires critiques qu’elle ne reçoit de satisfecit.

1.   Le stress croissant autour de la plateforme

a.   Les émotions inhérentes à l’orientation

Mme Emmanuelle Vignoli indiquait aux rapporteurs que l’orientation est par nature source d’angoisse ([145]) et met en œuvre de nombreuses émotions motivées par autant de causes et de facteurs, comme la peur d’échouer ou de décevoir, notamment, qui est plus prégnante chez les élèves de milieux défavorisés. L’anxiété se déclenche notamment dans des situations à l’issue incertaine et sur laquelle on a le sentiment d’avoir peu de prise.

En ce sens, la plateforme Parcoursup occupe une place à part, compte tenu des enjeux qu’elle représente pour l’avenir des candidats. S’y ajoute le sentiment que beaucoup de choses leur échappent dans un processus piloté par un algorithme supposé arbitraire. La plateforme révèle leur incertitude sur leur projet d’études supérieures ou au contraire la crainte de ne pas obtenir ce dont ils rêvent et de voir leurs perspectives compromises.

Quoi qu’il en soit, comme des dizaines d’articles de presse l’ont évoqué depuis l’ouverture de la campagne, la plateforme est jugée unanimement stressante, et de plus en plus, année après année, comme l’illustre le graphique ci‑dessous. Plus le temps passe, plus des améliorations y sont apportées, et plus la procédure angoisse les élèves. Dans le même temps, elle est aussi ressentie comme moins claire (- 6 points par rapport à 2020), moins fiable (- 17 points), moins personnalisée (- 9 points), plus lente (- 8 points), moins transparente (- 12 points) et surtout moins juste, ce dernier item ayant perdu vingt points en deux ans !

une procÉdure incommode pour les lycÉens

Source : Ipsos ; Enquête d’opinion des néo-bacheliers sur Parcoursup, septembre 2022.

Le constat quant au stress est sans doute celui qui est le plus spontanément exprimé. Les parents, les enseignants dénoncent tous le fait que les élèves de terminale sont dans un état psychologique très difficile à partir du début de l’année civile. Ils doivent mener la réflexion sur les choix à faire pour le début du mois de mars, choix devant lesquels nombre d’entre eux sont désemparés. Dans le même temps, ils doivent préparer les épreuves du baccalauréat, dont le calendrier coïncide quasiment avec celui de Parcoursup. Par ailleurs, la pression du contrôle continu depuis au moins la classe de première ne s’allège pas pour autant. Il y a à l’évidence dans cette conjonction un côté délétère qui n’est pas sans influence sur la santé psychique des jeunes.

Deux facteurs, au moins, que le CESP, notamment, a identifiés depuis plusieurs années et relevant directement de Parcoursup, sont en cause dans cette angoisse.

b.   Un calendrier trop resserré

Au-delà de la question du stress induit chez les lycéens par le seul fait d’entrer dans un processus d’orientation et de sélection, s’ajoute le fait qu’ils sont submergés depuis le début de l’année par les nombreuses exigences de la procédure, entre autres la rédaction d’une dizaine de lettres de motivation différentes – exercice inédit pour eux – et cela dans des délais extrêmement contraints, tout en préparant les épreuves du baccalauréat.

Comme certains d’entre eux le faisaient remarquer aux rapporteurs ([146]) et comme l’illustre le tableau ci-dessous, la procédure débute mi-janvier, deux mois avant les épreuves des enseignements de spécialité, sur la préparation desquelles les élèves sont évidemment très concentrés. Cela, sachant que la date limite de formulation des vœux, qui nécessite une certaine disponibilité d’esprit, en termes de projection pour son avenir, est le 8 mars.

Calendrier de l’annÉe de terminale 2022-2023

Source : Parcoursup, Bilan de la procédure d’admission 2022.

La course contre la montre, lancée au moment même où ils doivent engager un travail d’accompagnement final avec leurs élèves, est jugée absolument ingérable par les enseignants et les professeurs principaux. Dans le même temps, ils doivent trouver des créneaux horaires avec les psy-EN, avec éventuellement les assistants sociaux, pour pouvoir engager à temps les procédures d’aide au logement ou autres, etc. Le stress de la procédure est tel qu’il induit désormais des cas de souffrance psychologique sérieux. ([147])

c.   Avancer la hiérarchisation des vœux ?

Par ailleurs, le CESP, parmi de nombreux autres observateurs, jugent nécessaire de réintroduire dans la procédure une forme de hiérarchisation des vœux de manière à réduire le niveau de stress des élèves. Non pas dès le début de procédure, comme c’était le cas avec APB, mais plutôt autour de la mi‑juin, moment plus opportun selon le CESP. M. Julien Grenet juge de même que la non‑hiérarchisation telle qu’elle a été décidée est contestable et se prononce également pour cette date, soit au moment où les élèves ont eu le temps de mûrir leurs choix. Elle a surtout pour effet de contrarier l’efficacité du dispositif, dans la mesure où « ne pas demander aux candidats de classer leurs vœux a pour inconvénient majeur de ralentir considérablement le processus d’appariement » ([148]) indépendamment des risques induits sur l’équité de la procédure, compte tenu des biais sociaux et territoriaux touchant les étudiants devant régler d’importantes questions matérielles au cours de l’été en prévision de la rentrée. M. Jules Donzelot juge en outre qu’il est important de trouver un moyen de remettre une certaine priorisation pour que l’élève ait l’impression qu’on accorde de l’importance à ce qu’il souhaite, et revenir à un meilleur équilibre, dans la mesure où le système actuel est en faveur de l’établissement au détriment de l’élève.

Ces remarques et propositions ne semblent pas pertinentes pour la direction de Parcoursup, dans la mesure où, à cette date du 15 juin, se tiennent des épreuves écrites et orales du baccalauréat, et débute d’autre part la phase complémentaire de la procédure. La coïncidence ne laisserait pas suffisamment de temps aux lycéens pour s’adapter, faire des choix raisonnés et serait donc contreproductive, risquant d’engendrer un surcroît de stress. D’autres interlocuteurs estiment au contraire que, quoi qu’il en soit de la procédure, les élèves continuent de faire leur hiérarchisation, même si elle est non formalisée.

Au demeurant, il convient aussi de remarquer que si cette question est d’une certaine importance, elle n’est cependant pas la plus prioritaire pour les lycéens, qui sont plus d’un tiers à relever l’intérêt de n’avoir pas à classer des vœux par ordre de préférence.

Les principales attentes des nÉo-bacheliers en 2022

Source : Ipsos, enquête 2022, ibid.

Le CESP recommande d’établir un programme pluriannuel de recherche incluant notamment une étude de faisabilité sur la hiérarchisation des vœux restant en attente et sur les préférences des candidats.

La plateforme est le réceptacle des critiques d’un processus qui est intrinsèquement stressant. Les élèves souvent trop peu accompagnés dans leur orientation se retrouvent dans une situation très complexe. La transformation de Parcoursup ne permettra pas de résoudre toute la problématique de l’angoisse autour de l’orientation. Les rapporteurs considèrent qu’il est essentiel d’accompagner au mieux les étudiants afin de répondre à la problématique de leur stress. Les rapporteurs du CEC en 2020, sans se prononcer à proprement parler pour la hiérarchisation, avait suggéré – proposition n° 12 – de « mettre en place une enquête nationale permettant de mieux évaluer qualitativement les affectations via Parcoursup, en recueillant notamment les préférences relatives des candidats ». Cela n’a pas été mis en œuvre et n’est pas envisagé, a-t-il été indiqué aux rapporteurs, dès lors que les candidats peuvent sur Parcoursup faire leurs choix librement et avoir le dernier mot dans leur choix de formation, et que les efforts se portent vers un meilleur accompagnement des élèves en amont, via un renforcement du parcours d’orientation.

2.   La compréhension du mécanisme, condition de sa légitimité

Il peut paraître surprenant de voir que, malgré les efforts de communication importants qui sont faits depuis plusieurs années pour expliquer le fonctionnement de la plateforme, un certain nombre de certitudes continuent d’être exprimées avec constance pour justifier le rejet de Parcoursup. Les rapporteurs ont ainsi entendu à plusieurs reprises, par exemple de la part des représentants de syndicats de lycéens, qu’il était « anormal que des algorithmes décident de leur avenir ». Le sentiment prévaut, chez nombre d’observateurs, en témoigne par exemple le débat à l’Assemblée nationale, que « de l’humain » doit être réintroduit dans une procédure trop automatique. L’incompréhension par les enseignants du fonctionnement de la plateforme limite leur capacité à accompagner les élèves.

Alors que le Gouvernement avait fait de la transparence de la procédure une exigence majeure, la perception des intéressés reste forte que tout se joue au contraire dans une « opacité technocratique », générant de très nombreuses inégalités : entre les territoires, selon le lieu d’habitation, la région académique ou la réputation du lycée d’origine des candidats, mais aussi entre les élèves, selon la catégorie socioprofessionnelle (CSP) de leurs parents, comme l’argumentent les syndicats de lycéens entendus par les rapporteurs ([149]). En d’autres termes, les acteurs questionnent la confiance dans le système et sa légitimité. Ce sujet est d’autant plus important que la procédure et sa plateforme ont été présentées comme participant de la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur.

a.   L’impératif de la transparence

À ce propos, force est constater que la seule transparence de l’information ne suffit pas puisque, comme le rappelait M. Gilles Roussel, président du CESP ([150]), l’algorithme national est publié et commenté. Au-delà de la transparence, c’est de l’appropriation d’un objet complexe qu’il s’agit, qui mérite un travail de transmission, des explications, pour présenter aux intéressés ce qu’est un algorithme et le démystifier. Dans son dernier rapport, le CESP « réitère sa préconisation d’enseigner au lycée, de façon adaptée au niveau, les principes de l’algorithme d’appariement de Parcoursup (notamment en SNT et en NSI). Il s’agirait là d’une première étape pour acculturer à la problématique une large population. Il y ajoute le souhait que les enseignants de terminale soient, eux aussi, formés au fonctionnement de cet algorithme. » ([151])

Or, M. Jérôme Teillard a indiqué de son côté aux rapporteurs que la formation des enseignants était précisément une priorité, qui se traduit notamment par l’envoi d’une newsletter mensuelle à tous les lycées publics et privés sous contrat, ainsi qu’aux associations de parents d’élèves, incluant des outils pédagogiques destinés aux enseignants. Dès le mois de décembre sont mis à disposition des chefs d’établissement des PowerPoint leur permettant de faire des présentations aux enseignants et aux lycéens. Ultérieurement, lors de la phase de confirmation des vœux, des fiches méthodologiques sont produites pour les enseignants – « Comment j’accompagne un élève pour faire son projet de formation motivé », « Comment j’accompagne un élève pour valoriser des expériences personnelles », etc.) – notamment utiles pour aider les élèves refusés partout et auxquels il a été conseillé de se rapprocher de leur lycée pour avoir un accompagnement ou pour les amener à réfléchir à nouveau à leur projet.

Par ailleurs, le site de la plateforme dispose depuis cette année d’un petit quiz « Bien connaître Parcoursup ». Des vidéos sont également disponibles, avec des responsables de formations ([152]). Compte tenu de l’effet limité sur le terrain, M. Jérôme Teillard convient volontiers qu’il importe d’aller encore plus loin et de développer des ressources qui sont précisément en train d’être élaborées en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale et l’ONISEP, pour que les élèves ne se retrouvent pas au dernier moment au pied du mur sans connaissance de la plateforme. Un site, à la disposition des enseignants, permet ainsi de faire des simulations de candidatures et de voir exactement toutes les interfaces de la plateforme. Un autre est en voie de préparation sur les étapes ultérieures, à réception des propositions d’admission, etc. M. Jérôme Teillard précise que ces outils sont élaborés en collaboration avec les usagers, lycéens, étudiants et parents d’élèves, grâce notamment avec un travail proactif avec les trois grandes fédérations de parents d’élèves – FCPE, PEEP et APEL – avec lesquelles trois séminaires annuels, en visioconférence, sont organisés, permettant une diffusion maximale de l’information.

b.   La nécessaire transparence des commissions d’examen des vœux

Dans le même ordre d’idées, le CESP recommande aussi de veiller au bon équilibre entre la place de l’humain et celle des algorithmes, notamment au niveau des commissions d’examen des vœux (CEV) des établissements, et que les arbitrages soient débattus en toute transparence, avec des attendus clairement présentés aux intéressés. Plus que le questionnement sur l’algorithme de la plateforme, c’est en effet sur le fonctionnement des CEV que les soupçons pèsent et sur lesquelles l’exigence de transparence s’est focalisée.

Comme le fait remarquer M. Cédric Hugrée, sociologue, chargé de recherche au CNRS ([153]), l’impression prévaut que Parcoursup a permis à la fois une montée des aspirations, facilitée par le fait que pour la première fois l’ensemble des formations disponibles sont visibles sur une seule plateforme, contrebalancée par la montée des incertitudes induite par la multitude d’algorithmes locaux – de fait quelque 2 800, correspondant au nombre de formations – chacun avec ses critères de priorisation. Les témoignages sont multiples de l’incompréhension, logique, des enseignants et des lycéens face aux décisions divergentes portées sur des dossiers de candidatures pourtant équivalents. Il pourrait difficilement en être autrement dans un contexte où, comme vient de le confirmer une récente enquête du journal Le Monde ([154]), le nombre de critères pris en compte et leur pondération sont variables, le paramétrage des outils propre à chaque commission, et où la confidentialité des débats préalables aux décisions reste de mise.

M. Guillaume Gellé, président de France Universités ([155]), estime qu’il y a beaucoup d’idées reçues sur les CEV et que la place de l’humain y a été renforcée. Elle est aujourd’hui extrêmement importante, notamment sur un certain nombre des sujets évoqués dans le rapport du CEC, telles les questions de reprises d’études et de réorientation, dont le traitement ne pourrait en aucun cas être algorithmique. Il réitère l’argument de la nécessaire latitude du jury dans son étude des dossiers et son processus de décision, qui empêche de ce fait une transparence absolue dont les effets seraient contreproductifs. Pour autant, compte tenu du degré de défiance envers le système, de la méconnaissance dans laquelle les premiers intéressés, voire les observateurs, se trouvent, il paraît indispensable d’envisager un meilleur équilibre entre les deux aspects. À ce propos, le CESP avait rappelé dans son premier rapport les principes qui fondent la perception du caractère juste d’une décision algorithmique : transparence ; intelligibilité ; loyauté ; égalité de traitement. Ils restent d’une brûlante pertinence et devraient être le fil rouge de la pratique de chaque formation.

Les conditions de la perception d’une décision juste

« Parcoursup contribue à la prise de décisions produisant des effets juridiques sur les individus. La littérature scientifique sur la perception du caractère juste des décisions issues d’un traitement algorithmique indique que plusieurs conditions sont requises pour que des individus, en l’occurrence un élève, un étudiant et sa famille, considèrent la décision comme juste. Il faut pour cela que les conditions suivantes soient réunies :

«  La procédure ayant abouti à cette décision est connue (principe de transparence),

«  La description de la procédure est intelligible et donc comprise par ceux à qui elle s’adresse (principe d’intelligibilité),

«  La personne concernée peut s’assurer que la procédure a bien été appliquée (principe de loyauté),

«  Tous les individus font l’objet d’une procédure analogue, en fonction de critères en rapport avec l’objet de la loi, tels qu’en l’espèce ceux relatifs aux boursiers, aux non‑résidents ou aux ‟meilleurs bacheliersˮ, sous réserve de dérogations possibles pour les candidats invoquant des ‟circonstances exceptionnellesˮ (principe d’égalité de traitement). »

Source : Rapport au Parlement du Comité éthique et scientifique de Parcoursup, 2019, page 35.

c.   Un système d’appariement en tension faute de places dans le supérieur

Nous devons bien avoir à l’esprit que l’exigence de transparence et le relatif manque de satisfaction proviennent en partie du manque de places dans certaines filières. Rappelons qu’entre 2010 et 2022, le nombre d’étudiants inscrits à l’université est passé de 1,5 million à 1,7 million ; dans les autres établissements post‑bac, il est passé de 800 000 à 1,2 million. Mais les budgets des universités et les recrutements des enseignants n’ont pas suivi. La dépense par étudiant a baissé de près de 10 %, et le taux d’encadrement est passé de 1 enseignant pour 38,4 en 2012 à 1 pour 47,3 en 2019.

Or, dans tout système d’appariement, si le flux entrant est trop fortement supérieur au flux sortant, cela génère des tensions. Le système aurait beau être extrêmement efficace et juste, si trop d’élèves n’obtiennent pas la formation de leur choix alors qu’ils estiment avoir le niveau pour la suivre, cela génère une frustration qui se reporte alors sur la plateforme. Le débat sur l’offre de formation dans l’enseignement supérieur est une question centrale que nous ne pouvons éluder. L’exigence de transparence ne doit pas cacher le vrai débat sur les moyens, notamment en termes de locaux et d’enseignants.

Comme le souligne le CESP ([156]), « l’un des grands enjeux de l’accès à l’enseignement supérieur concerne l’équilibre entre l’offre et la demande. Les formations sélectives l’ont résolu en utilisant le niveau scolaire pour réguler l’accès, allant jusqu’à refuser des candidats sans pour autant remplir. Pour les formations non sélectives (licences universitaires), l’une des solutions consisteraitelle à ajuster l’offre à la demande en augmentant les capacités d’accueil des formations les plus demandées ? Il n’en est rien car l’offre de formation d’un établissement ne peut pas être déterminée par la seule demande ».

Les choix doivent notamment être faits en fonction des grands enjeux auxquels nous faisons face et des pénuries de main-d’œuvre y compris dans des secteurs hautement qualifiés (médecine, numérique…) et faute de places suffisantes dans certaines formations.

 


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DEUXIÈME PARTIE : POUR UNE POLITIQUE PUBLIQUE DE L’ORIENTATION AU SERVICE DE LA RÉUSSITE DE TOUS LES ÉLÈVES

Les constats qui viennent d’être formulés conduisent de toute évidence à la conclusion qu’il est désormais impératif de donner une impulsion politique, nouvelle et forte pour permettre un réel accompagnement à l’orientation des jeunes. Il convient que le rôle des différents acteurs soit clarifié et coordonné, et que certaines questions, telle la formation des enseignants, soient érigées en priorités.

I.   CLARIFIER LES OBJECTIFS ET FORMALISER LA POLITIQUE PUBLIQUE DE L’ORIENTATION

Cet ensemble de constats confirme le manque de cohérence d’une politique d’orientation qui se développe néanmoins dans notre pays grâce à la prise de conscience de nombreux acteurs intervenant à tous les niveaux, avec à leur disposition une panoplie d’instruments aussi nombreux que d’un grand intérêt. Pour autant, le Président de la République n’aurait sans doute pas parlé de « gâchis collectif » si le dispositif répondait réellement aux besoins des jeunes et de la société auxquels il est destiné.

Comme il y a trois ans lorsque le CEC a adopté son précédent rapport, l’écosystème de l’orientation présente un enchevêtrement d’outils – le cas échéant contradictoires – empilés successivement les uns sur les autres, toujours aussi illisible tant pour ses bénéficiaires que pour les parties prenantes, toujours aussi peu efficace pour traiter les enjeux majeurs de la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur ([157]). Comme le faisait remarquer l’inspecteur général Pascal Charvet en introduction de son rapport, « en dépit du travail souvent important et dynamique, sur le terrain, des acteurs professionnels de l’orientation, des chefs d’établissement, des professeurs, des conseillers principaux d’éducation, ainsi que d’associations agréées, l’absence d’une politique cohérente et lisible sur le long terme a pu provoquer un recul de la France sur l’aide apportée aux jeunes pour construire leur avenir » ([158]).

A.   PRÉCISER LE RÔLE RESPECTIF DES ACTEURS

La définition d’une véritable politique nationale de l’orientation suppose en premier lieu que soient clairement précisés les objectifs et les missions de chacun des acteurs.

1.   Le partage des compétences entre l’État et les régions

a.   Le cadre actuel

La rédaction actuelle du code du travail est sans ambiguïté. L’article L. 6111‑3 dispose en effet que « l’État définit, au niveau national, la politique d’orientation des élèves et des étudiants dans les établissements scolaires et les établissements d’enseignement supérieur ». C’est également lui qui met en œuvre cette politique et délivre l’information nécessaire aux intéressés, avec notamment l’appui des centres publics d’orientation scolaire et professionnelle et des services universitaires chargés de l’accueil, de l’information et de l’orientation des étudiants.

Ce n’est que dans ce cadre précis que les régions peuvent organiser depuis la loi de 2018 « des » actions d’information que le législateur a clairement voulues comme complémentaires de celles de l’État. Ainsi, lors du débat parlementaire sur la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, disait qu’il s’agissait avec cette mesure de garantir le « droit à la vérité en matière d’orientation de deux façons complémentaires, en instaurant la transparence du taux d’insertion dans l’emploi, du taux de réussite aux diplômes de tous les centres de formation d’apprentis et de tous les lycées professionnels, mais aussi en élargissant la compétence des régions en matière d’orientation » qui « organiseront avec tous les collèges et lycées une découverte des filières et des métiers par la rencontre de professionnels qui viendront parler de leur passion. (…) » ([159]). De leur côté, les rapporteures de la commission des affaires sociales et de la commission des affaires culturelles mettaient l’accent sur la complémentarité ainsi offerte aux élèves en matière de découverte des métiers et sur l’importance de la coordination entre les régions et le monde éducatif.

b.   Les revendications de l’association des régions de France

Après cinq ans de mise en œuvre de la loi, les régions revendiquent aujourd’hui d’aller plus loin et plaident pour une révision législative importante. Selon le Livre blanc qu’elles ont adopté en mars 2022, les jeunes doivent pouvoir compter sur l’accompagnement de la région dès la première année de collège afin de préparer leur entrée dans la vie professionnelle.

Pour ce faire, les régions proposent en premier lieu d’ouvrir la gouvernance des lycées vers l’extérieur, en distinguant la fonction de proviseur et celle de président du conseil d’administration. Ce dernier serait choisi parmi les membres extérieurs à l’établissement afin de faciliter son ouverture, sur le modèle de l’enseignement agricole, et les gestionnaires, qui mettent en œuvre les moyens de la collectivité, seraient transférés aux régions. Surtout, selon les régions, il conviendrait également de transférer de l’Éducation nationale aux régions l’ensemble des moyens relatifs à la compétence en matière d’orientation, afin qu’elles soient chefs de file de l’orientation des jeunes et des demandeurs d’emploi. Le Livre blanc propose de créer des agences régionales de l’orientation professionnelle sous le pilotage des régions, associant l’ensemble des acteurs – collèges, lycées, universités, Pôle emploi, APEC, Cap emploi, missions locales, CARIF-OREF, associations ad hoc et branches professionnelles – qui seraient chargées d’animer des campus par bassin d’emploi.

Les régions estiment n’avoir obtenu qu’une partie de la compétence, sans disposer de tous les moyens nécessaires pour la mettre en œuvre correctement. Il s’agit donc pour elles de mettre fin au morcellement et d’achever le transfert depuis l’Éducation nationale des moyens budgétaires et humains concernés, délégués régionaux de l’ONISEP et directeurs de CIO, pour obtenir l’intégralité de la compétence orientation professionnelle. Certaines, telle la région Nouvelle‑Aquitaine, mènent d’ores et déjà des politiques d’expérimentation volontaristes dans le but de saisir toutes les opportunités, dépassant le champ strict de leurs compétences.

La revendication des régions

« En cette rentrée, l’ambition des régions reste de répondre aux besoins des équipes éducatives, chargées de concevoir avec leurs services les heures dédiées à l’information sur les métiers, au collège puis au lycée (54 heures par an).

« Les régions croient à cette mission belle et essentielle : accompagner nos jeunes dans la construction de leur avenir.

« En revanche, la loi de 2018 ne résout pas la difficulté que rencontrent encore les régions pour mobiliser les équipes pédagogiques sur les actions qu’elles organisent. Particulièrement au collège où la région n’est pas naturellement identifiée. Il faut aussi former les professeurs principaux et tous les personnels de l’Éducation nationale qui interviennent sur le sujet orientation. Pour qu’ils aient le réflexe de se tourner vers la région et son offre de services. Cela relève de la responsabilité de l’État. Aujourd’hui, les régions souhaitent aller plus loin : elles souhaitent être reconnues comme cheffes de file de l’orientation des jeunes et des demandeurs d’emploi. La nouvelle demi-journée en 5e consacrée à la découverte du milieu professionnel (18 heures par élève sur l’année) peut être mise en œuvre par les régions, à condition que la réforme de 2018 soit complétée pour leur donner cette responsabilité. Les régions souhaitent agir en partenariat avec l’Éducation nationale sur l’éducation à l’orientation, et s’interrogent sur l’avenir de l’ONISEP (programme Avenir(s). »

Source : Régions de France, « Rentrée scolaire 2022 - Les régions engagées pour l’éducation et l’orientation ».

M. François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire et président de la commission éducation, orientation, formation et emploi de Régions de France, a précisé devant les rapporteurs ([160]) que cette revendication portait aussi sur la construction du plan académique de formation des professeurs principaux à laquelle les régions souhaitent être associées, soulignant que celles‑ci avaient fait leurs preuves depuis 2018 et que personne ne se plaignait de la qualité et de la neutralité des guides d’orientation qu’elles éditent désormais.

Régions de France précise que, dans la nouvelle architecture, l’Éducation nationale conserverait sa mission essentielle d’éducation à l’orientation et la responsabilité opérationnelle de l’orientation, de la validation des choix et de l’affectation des élèves, via Affelnet et Parcoursup.

2.   Le nécessaire maintien de la compétence de l’Éducation nationale

Sans dénier aux régions le rôle important qu’elles peuvent jouer sur le terrain, il semble toutefois difficile de leur confier le rôle de chef de file de l’orientation et l’intégralité des moyens financiers et humains.

Plusieurs raisons plaident en faveur de cette position.

En premier lieu, parce que la réduction des inégalités sociales et territoriales d’orientation suppose la définition d’un socle d’objectifs nationaux, communs. La mise en œuvre des actions destinées à les atteindre doit donc être impulsée par l’État, et déclinée aux différents échelons territoriaux – jusqu’aux EPLE – complétée des aménagements nécessaires au traitement de problématiques locales spécifiques – taux de décrochage, etc. En d’autres termes, il s’agit que la politique de l’orientation, définie sur la base des enjeux nationaux, soit mise en œuvre en prenant en compte les particularités régionales.

Dans cette optique, confier la politique d’orientation aux régions risquerait au contraire de maintenir une certaine inégalité territoriale dans l’information diffusée auprès des jeunes – que ce soit en termes de contenus, de moyens consacrés, voire de qualité.

En outre, nul ne conteste le rôle prééminent que tiennent et doivent continuer de tenir les psy-EN et les personnels du corps enseignant dans l’orientation, premiers prescripteurs après les parents d’élèves. C’est la raison pour laquelle, quelles que soient les insuffisances constatées sur la manière dont l’éducation à l’orientation est aujourd’hui mise en œuvre dans les établissements scolaires, les réflexions en cours visent toutes à l’améliorer et à la renforcer plutôt qu’à envisager de la confier à d’autres. Le renforcement de l’éducation à l’orientation doit être évidemment être prioritairement mis en œuvre au sein de l’école obligatoire, notamment dans une perspective de réduction des inégalités.

Il ne s’agit pas d’imposer une quelconque uniformité, contre laquelle le président François Bonneau alertait les rapporteurs, mais de garantir la prééminence du rôle de l’Éducation nationale qui est et doit rester pivot. Dans cette optique, il semble donc important que les enseignants continuent à travailler en synergie avec leurs partenaires traditionnels que sont les délégations régionales de l’ONISEP et les CIO. Cela n’exclut en rien les apports et actions complémentaires qui peuvent être mis en œuvre en parallèle et en coordination, dans une bonne synergie avec les efforts des régions, des associations, etc.

Se pose enfin la question de l’interprétation de textes qui restent sans doute à clarifier. Aux termes des dispositions actuelles, comme les rapporteurs l’ont rappelé, les régions se voient confier une contribution à l’information des publics, et non toute l’information, ni la politique d’orientation, qui reste d’essence nationale. L’ONISEP garde par exemple la compétence et la responsabilité de produire l’information nationale, chaque région ayant celle de produire l’information à portée régionale. Néanmoins, cela est différemment interprété par les collectivités régionales et nombre d’acteurs soulignent la distorsion parfois importante entre, d’une part, les enjeux purement locaux et régionaux et d’autre part, ce qui relève d’une politique nationale, et quelques divergences de priorités exprimées par les autorités régionales. Il existe un risque d’« adéquationnisme » de l’orientation aux besoins du marché du travail régional, accentué par le tropisme des régions pour l’orientation professionnelle. Les régions ont une connaissance du tissu économique local mais l’orientation ne peut être conditionnée par ce seul facteur, et le tropisme aux enjeux locaux peut être contreproductif pour l’enseignement supérieur, où précisément la mobilité territoriale est de plus en plus forte. Rares sont les étudiants en master qui étudient là où résident leurs familles. Cantonner les étudiants à un bassin d’emploi local peut donc se révéler préjudiciable à l’échelle nationale.

Ce risque est notamment identifié par les responsables de plusieurs des projets mis en œuvre dans le cadre des « Territoires d’innovation pédagogique » (TIP) lors de leur audition ([161]) qui ont fait remarquer aux rapporteurs que, en règle générale, les régions ne sont pas les partenaires les plus « faciles », ignorant parfois les projets qui ne sont pas de leur initiative. Les régions considèrent souvent ces initiatives comme concurrentes ou restent très centrées sur les problématiques de métiers en tension sur le territoire, alors que l’ambition des projets développés dans le cadre des TIP vise, in fine, à tirer les élèves vers le haut, sans perspective régionale. Des crispations sont même ressenties, certaines régions pouvant se situer dans une logique de concurrence, défendant une tout autre approche, sans envisager de synergie.

Pour toutes ces raisons, les rapporteurs ne souhaitent pas davantage décentraliser la politique de l’orientation.

B.   GARANTIR UN PILOTAGE NATIONAL

Le maintien de la compétence de l’État ne signifie pas le maintien du statu quo. Il impose de mieux définir les modalités de coordination des acteurs, et de conserver à l’ONISEP un rôle central.

1.   La nécessité d’une coordination efficace

Le développement d’actions en vue de la poursuite des objectifs de la politique nationale de l’orientation suppose la mise en œuvre de mécanismes de pilotage et de coordination faisant l’objet d’un consensus entre les parties prenantes, de manière à en garantir l’efficacité, tant au plan politique que technique, au sein de la communauté éducative élargie au monde associatif et économique.

La dimension politique passe tout d’abord par le dialogue national entre les ministères de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur avec les régions, décliné ensuite sur le terrain au niveau de chaque région académique, d’une part, et de chaque académie, d’autre part.

Sur un plan plus technique, les objectifs doivent eux-mêmes être déclinés au sein de l’Éducation nationale et partagés avec l’ensemble des acteurs : autorités académiques, DASEN, inspecteurs, chefs d’établissement, enseignants, jusqu’aux parents d’élèves, pour leur mise en œuvre, auxquels seront associés les partenaires locaux du secteur économique et associatif, et dont le degré devra pouvoir être évalué, dans la mesure où des indicateurs auront pu être déterminés.

C’est la raison pour laquelle les rapporteurs proposent la création d’un délégué interministériel à l’orientation.

2.   Le programme Avenir(s) comme outil de coordination ?

La réforme de l’ONISEP à partir de 2020, dans le cadre de l’évolution de ses missions et de ses publications, l’a amené en parallèle à une réflexion stratégique afin d’accompagner la réforme du lycée sur les implications concrètes de la création des enseignements de spécialités. Cette réflexion a conduit l’Office à l’élaboration d’un programme complet de services numériques à l’orientation permettant de réunir tous les sites serviciels comme « Seconde, Première » ([162]), « Nouvelle voie pro » ([163]), « Cordées de la Réussite » ([164]), « Horizon 21 » ([165]), afin de ne pas disperser l’attention des élèves, et de leur présenter les informations dont ils ont besoin au moment voulu.

Ce programme a fait l’objet d’une décision du Premier ministre en décembre 2021, et a abouti à la signature d’une convention avec l’Agence nationale de la recherche (ANR), pour un investissement d’avenir sur le programme France 2030, de 30 M€ d’euros sur dix ans.

Avec ce programme, nommé « Avenir(s) », l’Office offre trois types d’outils numériques, qui permettront à partir de la rentrée 2024, à tous les élèves dès la cinquième et jusqu’à au moins bac+2, de disposer d’une plateforme unique d’accompagnement à l’orientation avec un compte personnel, associé à un portfolio de compétences portable vers le passeport de compétences du ministère du travail, et vers un portfolio élaboré pour l’enseignement supérieur, dont la réalisation est confiée à l’Université de Savoie Mont-Blanc.

Le programme mettra en outre à disposition de tous les citoyens, à commencer par les enseignants, une application visant à permettre à chacun de prendre conscience de ses compétences transversales.

La plateforme comportera également une interface pour les enseignants sur laquelle ils pourront suivre les progrès de leurs élèves, avoir recours à une banque de connaissance sur l’orientation et à une ligne dédiée au service « Mon Orientation en Ligne » pour répondre à leurs questions. Une troisième interface sera dédiée au pilotage, en premier lieu du volet orientation du projet d’établissement, puis à la politique d’orientation de l’académie, et enfin à l’échelle régionale.

Au niveau national, la gouvernance du programme Avenir(s) associe les deux ministères de tutelle de l’ONISEP ainsi que le ministère du travail, Régions de France, le MEDEF et la CPME. À l’échelle régionale, le programme sera copiloté par le président de région et le recteur de région académique, dans une optique de coopération régionale impliquant des différences d’une région à l’autre.

Selon Mme Frédérique Alexandre-Bailly, directrice générale de l’ONISEP ([166]), ce programme est fondé sur un concept nommé « Savoir devenir soi », repris de l’ikigaï japonais dans lequel le jeune apprend progressivement à comparer ce qui lui fait envie avec, d’une part, le niveau de maîtrise de connaissances et de compétences qu’il possède à un moment donné, d’autre part avec le niveau attendu par les employeurs et par les formations, et enfin, avec ses valeurs.

Ce programme Avenir(s) peut devenir un fil rouge pour les jeunes, avec une possibilité de s’inscrire dans le long terme, de garder la mémoire de ce que l’on a fait, et d’un usage quasi obligatoire. Le référentiel des compétences à s’orienter que l’ONISEP vient de finaliser ([167]) en est la première brique, qui sera bientôt suivi des référentiels « collège » et « enseignement supérieur ».

Au-delà de ce premier aspect important, le programme Avenir(s) apparaît aux yeux de la directrice générale de l’Office, comme l’outil permettant à la fois de traiter les questions du manque de coordination entre les acteurs et du besoin de territorialisation. Tel qu’il est conçu, il peut être une colonne vertébrale nationale avec des différenciations régionales organisées et gouvernées par des instances de co-pilotage, recteur et président de région. En outre, l’ambition est qu’il s’articule avec le nouveau répertoire opérationnel des métiers et des compétences « ROME 4.0 », que Pôle emploi a présenté en début d’année, ainsi qu’avec le passeport de compétences du ministère du travail.

M. François Bonneau considère le programme Avenir(s) comme nécessaire en ce qu’il permettra de conserver une visibilité sur l’ensemble du continuum national de l’orientation. La mise en œuvre différenciée selon les régions et la gouvernance partagée sont des garanties pour le vice-président de Régions de France, qui avertit toutefois que le programme ne peut être efficace que s’il est le résultat coordonné de toutes les initiatives territoriales mises en œuvre au niveau régional.

L’intérêt de l’initiative de l’ONISEP semble évident dans la mesure où elle permettra, dans un site unique, de réunir toute l’information utile à l’orientation des jeunes. Pour autant, comme le faisaient remarquer aussi bien M. François Bonneau que M. Claude Maranges, directeur du département Formation et vie étudiante de l’université de Toulouse, et responsable du projet Acorda ([168]), l’accompagnement personnalisé des élèves sur l’orientation restera crucial, sauf à ce que cette information soit inutile faute pour eux de savoir l’utiliser. Sachant que l’accompagnement diffère considérablement selon les établissements, ce n’est pas tant l’enjeu numérique qui est primordial que le renforcement du soutien aux collégiens et aux lycéens de la part des enseignants. Un effort important sur la formation continue des enseignants n’en est que plus indispensable.

Mais pour que ce programme soit un véritable outil de coordination, il faut que le projet soit lui-même pérennisé et adossé dans la durée à l’ONISEP. Les moyens alloués à l’Office doivent augmenter pour tenir compte du renforcement de cette mission centrale de coordination. Mme Frédérique Alexandre-Bailly a rappelé la fragilité du processus en cours, qui dépendait beaucoup de l’énergie qu’elle avait elle-même déployée pour renforcer le rôle de coordination de l’Office.

La proposition n° 3 du rapport de 2020 visait à « évaluer les compétences des élèves à s’orienter selon un référentiel construit avec les experts et acteurs de terrain ».

Selon les informations communiquées aux rapporteurs par la DGESCO et l’ONISEP, celui-ci, s’appuyant sur des travaux de recherches, a soutenu la construction d’un référentiel de compétences à s’orienter pour le lycée inscrit dans le cadre du programme Avenir(s) qui a pour ambition d’aider les jeunes à construire leur parcours de formation et leurs projets professionnels tout au long de la vie. Selon les précisions de la directrice générale de l’ONISEP, ce document, qui a été élaboré avec le laboratoire Lapéa ([169]), est le fruit d’une réflexion à laquelle ont participé l’IGÉSR, les IEN, les CIO, les services académiques d’information et d’orientation et les enseignants, avant d’être testé par des lycéens. Les académies s’en saisissent d’ores et déjà, des applications sont testées et des versions, destinées au collège et au lycée professionnel vont être déclinées. Il a été finalisé en juin 2022.

Cette approche a fait émerger un ensemble de quinze compétences, réparties en trois grandes catégories : s’informer et se repérer dans la société de l’information ; se découvrir et cultiver ses ambitions ; se construire et se projeter dans un monde incertain. Le programme doit permettre d’outiller les jeunes en mettant à disposition :

– une plateforme nationale d’accompagnement avec l’ensemble des ressources de l’ONISEP ;

– des portfolios de compétences, l’un pour l’enseignement secondaire, l’autre pour l’enseignement supérieur et de développement des compétences.

La DGESCO précise que ce travail se poursuit par une expérimentation dans les académies qui s’en saisissent, l’articulation avec les apprentissages au lycée et l’identification d’observables dans les programmes disciplinaires mettant en œuvre les compétences à s’orienter.

Les rapporteurs souhaitent que le pilotage de ce programme soit confié au délégué interministériel à l’orientation. Ils notent que la troisième des propositions du rapport de 2020 a été intégralement mise en œuvre.

C.   FORMALISER LA POLITIQUE PUBLIQUE DE L’ORIENTATION

1.   L’opportunité du lancement du chantier des politiques publiques prioritaires

Aux yeux des rapporteurs, il existe aujourd’hui une fenêtre d’opportunité pour concrétiser l’ambition que la France se dote enfin d’une véritable politique nationale de l’orientation, puisque, en septembre dernier, le Gouvernement a inscrit la refondation de la politique d’orientation parmi les soixante politiques publiques prioritaires de son action.

Interrogée par les rapporteurs sur la mise en œuvre de cette démarche, la DGESCO a indiqué que l’engagement du ministère de l’Éducation nationale dans cette refonte de l’orientation se concrétisait « au travers de plusieurs dispositions de la loi pour choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, de la réforme du lycée général et technologique, de la transformation de la voie professionnelle : une compétence partagée de l’État et des régions sur l’information des élèves, étudiants et apprentis sur les métiers et les formations ; un accompagnement à l’orientation renforcé par un horaire dédié au collège (12 heures en quatrième et 36 heures en troisième), au lycée général et technologique (54 heures à chaque niveau) et un horaire de consolidation, accompagnement personnalisé et préparation à l’orientation au lycée professionnel (192 heures sur les deux années de CAP et 265 heures sur les trois années de bac pro) ; des choix d’orientation progressifs dans la voie générale avec la suppression des séries à la faveur des choix des enseignements de spécialité permettant de se projeter dans la poursuite d’études dans l’enseignement supérieur ; la mise en place de secondes ‟famille de métiersˮ dans la voie professionnelle permettant de se déterminer à la fin de la seconde pour une spécialité de bac pro après avoir bénéficié d’une année commune à plusieurs spécialités partageant des compétences identiques ; la mise en place de modules de préparation à l’insertion professionnelle ou à la poursuite d’études en classe de terminale professionnelle ; une information systématisée sur l’insertion professionnelle et les poursuites d’études après les formations avec la plateforme InserJeunes ».

La DGESCO a en outre rappelé aux rapporteurs les chantiers et défis en cours, au rang desquels la découverte des métiers dès le collège, entamée cette année par une expérimentation dans les classes de cinquième de plus de 640 établissements et ayant vocation à être généralisée. Elle consiste notamment à dégager des temps de découverte du milieu de l’entreprise, bien identifiables pour les élèves, les familles, pour les équipes pédagogiques et les partenaires économiques et territoriaux. La lutte contre les déterminismes de genre dans les choix d’orientation est un autre chantier, qui vise, dans un premier temps, à atteindre une plus grande mixité entre les filles et les garçons dans les enseignements scientifiques et techniques, et à inciter les élèves, notamment les filles, à s’orienter vers les études puis les métiers numériques. La DGESCO précise qu’un plan d’action pour l’attractivité des spécialités et des baccalauréats numériques, en priorité en direction des filles, sera mis en œuvre au lycée, étendu dans le cadre de la réforme du lycée professionnel.

Pour les rapporteurs, pour importants qu’ils soient, ces quelques chantiers ne paraissent cependant pas à la hauteur des enjeux. La refondation de la politique nationale de l’orientation doit évidemment prendre à bras-le-corps les problématiques d’inégalités sociales et territoriales auxquelles elle se heurte depuis des décennies. En se contentant de rappeler quelques axes qui devraient supposément être mis en œuvre depuis maintenant cinq ans, ils ne semblent pas non plus prendre exactement la mesure de l’urgence avec laquelle le Gouvernement entend se saisir de cette question.

2.   Adopter un texte politique

En février 2022, les rapporteurs d’une mission « flash » de la commission des affaires culturelles sur la mise en œuvre des réformes législatives de l’orientation ([170]) souhaitaient « la définition d’une véritable politique publique de l’orientation, matérialisée par un document de politique générale, fixant les objectifs et indicateurs de réussite, et faisant l’objet d’une évaluation indépendante associant des travaux de recherche pluridisciplinaires dotés de moyens suffisants : une telle ligne directrice rendrait le dialogue plus aisé et permettrait d’aligner tous les acteurs sur des objectifs partagés ».

Les rapporteurs partagent cette conclusion, estimant que seul un document de cette nature, impliquant l’ensemble des parties prenantes, serait de nature à lancer la dynamique nécessaire. Ils proposent d’établir une feuille de route avec des objectifs clairement fixés permettant un suivi et une évaluation de la politique publique de l’orientation.

Nombre d’observateurs et de parties prenantes sont également convaincus de la nécessité de définir dans un texte de politique générale les attendus en matière d’orientation. Ainsi l’IGÉSR en 2020, pour qui « la coordination des nombreux acteurs censés intervenir auprès des élèves et des étudiants nécessite de préciser ce que les ministères attendent précisément de chacun d’entre eux et à quel projet commun ils contribuent. Bien que ces acteurs puissent se référer à des textes précisant leur rôles et missions, ces textes en l’état ne font pas système. Or, c’est de l’action du plus grand nombre, en particulier les enseignants, appuyée par celle des professionnels de l’orientation, les psychologues de l’éducation nationale, action par ailleurs convergente avec celle des parents, que l’on peut attendre des avancées significatives en matière d’accompagnement et d’aide à l’orientation » ([171]). Plusieurs des experts entendus par les rapporteurs, tel M. Jules Donzelot, insistent aussi sur l’impératif de la cohérence et du pragmatisme qui devraient soustendre la politique de l’orientation, articulée sur les activités mises en œuvre par les différents acteurs de l’Éducation nationale, de l’ONISEP, et les actions complémentaires, notamment des associations labellisées par l’Office, dans le cadre d’un cursus global d’aide à l’orientation, initié dès le CM2.

II.   ASSURER UN ACCOMPAGNEMENT EFFECTIF DES ÉLÈVES

La politique nationale de l’orientation devra également garantir un accompagnement effectif aux élèves.

A.   FORMER LES ENSEIGNANTS AUX ENJEUX DE L’ACCOMPAGNEMENT À L’ORIENTATION

Comme les rapporteurs l’ont montré ([172]), la formation initiale ne fait pas une grande place aux problématiques d’orientation et induit un sentiment fréquent d’illégitimité des enseignants à s’aventurer auprès de leurs élèves de peur de les égarer. D’une part, les professeurs doivent connaître les mécanismes de reproduction sociale et d’autocensure pour les détecter et surtout éviter eux‑mêmes de les renforcer. D’autre part, ils doivent connaître à grands traits les formations et les métiers. Enfin, ils doivent bien maîtriser le fonctionnement de la plateforme Parcoursup, mais aussi les modes de sélection opérés par les commissions d’examen des vœux. Tout cela alors qu’ils sont aussi censés être bien formés à leur enseignement disciplinaire et à la pédagogie. Nous le voyons bien, ce n’est pas si simple. C’est pour cette raison qu’ils auront toujours besoin de professionnels de l’orientation comme les psy-EN, qui pourront toujours les aiguiller.

Les INSPÉ et les écoles académiques de la formation continue (EAFC) commencent à introduire des éléments qui devraient peu à peu contribuer à changer la donne.

En outre, des progrès commencent à se dessiner en ce qui concerne la formation continue, nécessairement plus adaptée, même si cela reste inégal et que, malgré les recommandations du Grenelle de l’éducation, elle reste toujours facultative.

La proposition n° 4 du rapport de 2020 visait à « généraliser les modules d’accompagnement à l’orientation dans la formation initiale et continue des enseignants ». Elle est à ce jour partiellement remplie.

1.   Le schéma directeur de la formation continue et ses déclinaisons

Le schéma directeur de la formation continue, en vigueur jusqu’en 2025, a été défini par une circulaire du directeur général de l’enseignement secondaire ([173]), qui rappelle le rôle central de la formation professionnelle et les priorités retenues, articulées autour de six axes. Le deuxième vise à « Accompagner et former les équipes pédagogiques et éducatives afin de perfectionner les pratiques professionnelles et de favoriser la réussite scolaire de tous ainsi que l’éducation tout au long de la vie ». Y figurent sept priorités dont celle (II‑5) de « Développer le pilotage et l’accompagnement des projets d’orientation des élèves et favoriser la continuité du parcours scolaire », qui devra être déclinée en un certain nombre de thématiques : prévention du décrochage scolaire ; psychologie de l’adolescent ; techniques de conduite d’entretien ; relation écoles-familles dans l’élaboration du projet d’orientation ; continuité école-collège-lycée ; lutte contre les déterminismes sociaux et de genre dans l’orientation ; continuum lycée-université ; relations école‑entreprise ; partenariat État-région.

C’est sur cette base que le ministère élabore le programme national de formation (PNF) qui ne reprend pas systématiquement la totalité des priorités ni des thématiques. Selon les informations recueillies auprès de la DGESCO, il prévoit néanmoins que des formations de formateurs sont organisées tous les ans sur la thématique de l’orientation. Aussi le PNF 2019-2020 et le PNF 2020-2021 ont‑ils permis de former en deux étapes 331 personnes, puis 110, au « Pilotage de l’accompagnement à l’orientation dans les collèges et les lycées dans le cadre du nouveau partage de compétences État-Régions ». Sur la thématique « Consolider l’accompagnement à l’orientation », 110 formateurs académiques spécialisés dans les questions d’accompagnement à l’orientation, des chargés d’accompagnement pédagogique de l’ONISEP et des directeurs de CIO, ont également été formés. L’axe du PNF 2021-2022 a été centré sur la « Lutte contre tous les déterminismes à l’œuvre dans les choix d’orientation et ouvrir le champ des possibles » (110 personnels formés à distance) et le PNF 2022‑2023 prévoit une formation autour de deux axes : « Piloter et formaliser le volet orientation du projet d’établissement au sein du nouvel écosystème des acteurs de l’orientation » ; « Développer le pilotage et l’accompagnement des projets d’orientation des élèves et favoriser la continuité des parcours scolaires ». ([174])

2.   La montée en puissance de l’orientation dans les catalogues de formation

Pour la DGESCO, les tendances nationales marquent actuellement une nette progression, puisque 1 244 modules de formation sont prévus pour plus de 65 000 journées stagiaires sur la thématique du nouveau schéma directeur de la formation continue : « Projets d’orientation et parcours scolaire ». Pour le ministère, cela traduit un intérêt renouvelé pour la thématique de l’orientation qui, jusqu’alors, attirait beaucoup moins de candidats : ces dix dernières années, y étaient consacrées entre 30 000 et 40 000 journées stagiaires par an. La seule exception notable a été un « effet Parcoursup » en 2018-2019, le déploiement de la plateforme et la mise en place des actions spécifiques à l’orientation post-bac ayant engendré une augmentation ponctuelle des formations sur ce thème.

Par ailleurs, selon la DGESCO, les plans académiques de formation, élaborés en prenant appui sur l’analyse des demandes individuelles et collectives collectées dans les académies, mettent actuellement l’accent sur le continuum « -3/+3 » : ce sujet mobilise cette année quelque 18 000 journées stagiaires et la continuité école/collège/lycée un peu plus de 14 000 journées stagiaires. Ce sont également des thématiques qui voient une accélération notable du nombre de journées de stages qui leur sont consacrées depuis 2019. En outre, d’autres formations émergent, telles celles en faveur de la lutte contre les déterminismes dans l’orientation (près de 4 400 journées stagiaires), sur les dispositifs concernant les relations école-entreprise (plus de 7 600 journées stagiaires). Tout cela participe de la volonté des autorités académiques de former les enseignants à accompagner et guider les élèves dans la construction de leur parcours d’orientation.

Les rapporteurs, comme en 2020, recommandent un effort bien plus significatif sur la formation initiale et continue des enseignants et que cet effort puisse être suivi concrètement dans le temps par la DGESCO.

La formation continue en orientation au sein de l’académie de Paris

Le catalogue de l’offre de formation continue de l’académie de Paris propose pour l’année 2022-2023 plusieurs parcours transversaux sur « dix enjeux de l’école de demain ». Concernant les problématiques d’orientation, plusieurs thématiques sont abordées :

« Lutter contre les inégalités d’orientation : connaître la démarche ADVP ([175]) », abordée lors d’un parcours de six à trente heures, laissé au libre choix des intéressés, composé de cinq modules.

D’autres thématiques sont également proposées :

« Construire et animer une cordée de la réussite », trente heures de formation en huit modules différents ;

« Comment soutenir les orientations et développer les connaissances des élèves de troisième », cinq modules en vingt-et-une heures ;

« Quelles filières, quelles méthodes pour préparer l’orientation et l’affectation post‑2GT », cinq modules en dix-huit heures ;

« Comment accompagner les lycéens à franchir le cap vers l’enseignement supérieur », cinq modules, vingt-et-une heures ;

« Savoir identifier les causes, les signes et les indicateurs de décrochage scolaire », cinq modules, vingt-quatre heures ;

« Reconnaître les causes du décrochage scolaire et définir les outils de l’accompagnement », quatre modules, dix-huit heures ;

« Comment devenir un acteur professionnel certifié contre le décrochage scolaire », cent vingt heures ;

« La motivation : comment accompagner l’élève dans l’apprentissage de l’orientation », trois à trente en heures en cinq modules au choix ;

« Avec quels outils peut-on participer activement à la construction de l’orientation », cinq modules de six à trente heures au choix.

Source : Académie de Paris, EAFC, Lab’ Sorbonne.

À cet ensemble, s’ajoute le fait que l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation (IH2EF) propose chaque année un séminaire sur le continuum « -3/+3 » ou que l’ONISEP organise des webinaires en petits groupes et sous formes d’ateliers pour accompagner les équipes éducatives et former les enseignants aux modalités d’accompagnement à l’orientation. Près de 600 ressources pédagogiques, pour les différents niveaux, sont ainsi mises à disposition des équipes éducatives sur les plateformes Folios et Etincel.

S’y ajoutent aussi les écoles académiques de la formation continue (EAFC) créées en 2019 et qui se mettent progressivement en place depuis janvier 2022 dans le ressort des académies. Les EAFC s’inscrivent dans la volonté de transformer l’offre de formation continue, qu’il s’agit de rendre plus structurée, plus lisible, plus cohérente, personnalisée et accessible à l’ensemble des personnels, à tous les échelons du territoire. En lien avec les établissements d’enseignement supérieur et les INSPÉ, les formations dispensées par les EAFC seront qualifiantes et diplômantes. De la sorte, elles ont vocation à accompagner le développement professionnel individuel des personnels tout au long de leur carrière. Il est prématuré d’en tirer un premier bilan dans la mesure où les premières écoles ont ouvert en septembre 2022.

Pour positive que soit cette évolution, notamment quant au nombre de journées stagiaires organisées cette année, elle reste, aux yeux des rapporteurs, bien trop modeste, compte tenu de l’ampleur des besoins et du nombre d’enseignants concernés.

3.   Assurer le remplacement des professeurs en formation

L’offre de formation continue peut encore être améliorée. Mais de nombreux acteurs auditionnés ont fait remarquer aux rapporteurs que le principal frein à la formation continue des enseignants, est le fait qu’ils sont rarement remplacés quand ils partent en formation. Il est essentiel de prendre au sérieux la formation continue et donc permettre à tous les enseignants qui le souhaitent d’être remplacés quand ils partent en formation. Cela nécessite par conséquent de recruter des enseignants. Par ailleurs, dans de nombreuses académies, le nombre d’enseignants en situation précaire est très élevé.

B.   GARANTIR UN PARCOURS D’ORIENTATION EFFECTIF

1.   Intégrer l’orientation dans l’emploi du temps des élèves

Dans la logique des développements précédents, l’effectivité d’un parcours d’orientation des élèves suppose une inscription à leur emploi du temps des 54 heures annuelles dédiées. En d’autres termes, il s’agit de rendre obligatoire ce quota et de réitérer la proposition que les rapporteurs du CEC ont formulée en 2020. Il faut un horaire dédié au parcours d’orientation, inscrit dans l’emploi du temps des élèves et doté dans les dotations horaires globales (DHG) des établissements.

L’orientation est, selon les référentiels des métiers, l’une des missions des enseignants. Chacun convient du fait que, en l’état actuel, il est très difficile aux enseignants de pouvoir consacrer ce temps à des activités d’orientation, mais que, dans le même temps, cette situation entretient l’inégalité profonde – dénoncée de toutes parts – dans laquelle se trouvent les élèves sur l’ensemble du territoire. La politique d’orientation mise en œuvre par les EPLE reste dépendante des pratiques des équipes, de leur intérêt personnel, de leur mobilisation, de leur formation ou de leur disponibilité.

L’orientation est un droit, comme le rappelle le code de l’éducation, et il ne saurait être admis que les conditions de son exercice soient aussi inégales, voire inexistantes, le rendant de facto facultatif.

L’inscription de l’orientation dans les programmes fondamentaux obligatoires garantira au contraire que chaque élève de France bénéficie d’un socle commun de compétences à s’orienter pouvant faire espérer, à terme, une atténuation des mécanismes de reproduction sociale. Compte tenu de la lourdeur des emplois du temps, il ne s’agirait pas de consacrer l’intégralité de ce quota d’heures à des séances de cours et un partage équilibré devra être fait en cohérence avec les activités hors des établissements.

Les rapporteurs proposent l’inscription de cette obligation dans les emplois du temps, en cohérence avec la proposition de faire de l’orientation une véritable politique publique, financée, et dont les effets seront évaluables sur la base d’indicateurs partagés par les différentes parties prenantes.

Ils rappellent que, soulignant que l’importance cruciale de l’accompagnement à l’orientation est aujourd’hui reconnue de tous, tout comme le levier qu’il représente pour lutter contre les inégalités, les rapporteurs de 2020 avaient conclu qu’il devait devenir une réalité dans tous les lycées. Ils avaient en conséquence repris à leur compte la recommandation de la Cour des comptes sur ce sujet et formulé leur première proposition visant à « Inscrire comme obligatoire dans l’emploi du temps des élèves des lycées les 54 heures annuelles consacrées spécifiquement à l’orientation ».

Les auteurs du rapport de 2020 avaient également présenté la proposition n° 9 visant à « mettre en place un outil d’aide à l’orientation fondé sur l’analyse des classements, afin de permettre aux candidats d’accroître leurs chances d’accéder à la formation de leur choix et de lutter contre l’autocensure ». La mise en œuvre de cette proposition n’a pas été engagée. Selon les indications communiquées par la DGESCO, il est jugé que, malgré son intérêt, ce type d’outil demeure une source d’autocensure. Les candidats issus de catégories sociales défavorisées tendent à se détourner des formations plus sélectives ou moins insérantes (formations très spécifiques comme les formations artistiques…) du fait du risque que ce type de parcours peut représenter. Les informations disponibles sur les fiches formations de Parcoursup indiquent clairement pour l’année précédente les taux de pression des candidatures et les admissions selon la voie d’origine.

2.   Recalibrer les missions des psy-EN et leurs moyens

Les psy-EN jouent un rôle central dans l’accompagnement à l’orientation. Ils sont les seuls personnels de l’Éducation nationale formés sur ces questions. Après un cursus de psychologie, les lauréats du concours de psychologue de l’Éducation nationale suivent une année supplémentaire de formation en tant que fonctionnaire stagiaire. Cette formation est composée d’un stage en CIO et de cours dispensés à l’université dans les départements en charge de la formation des psychologues de l’Éducation nationale. Cela leur permet d’acquérir des connaissances et compétences spécifiques, indispensables à l’exercice de leur fonction d’accompagnement à l’orientation.

Les psychologues de l’Éducation nationale sont chargés de contribuer à créer les conditions d’un équilibre psychologique des élèves favorisant leur réussite et leur investissement scolaires. Cette mission de suivi et de soutien psychologique est cruciale. Son importance s’est accrue ces dernières années en raison de l’impact de la crise du Covid-19 sur la santé mentale des plus jeunes.

En outre, les psychologues de l’Éducation nationale de la spécialité « éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle » ont pour mission d’accompagner les élèves et les étudiants dans l’élaboration progressive de leur projet d’orientation. En lien avec les équipes éducatives, ils participent à la conception et à la mise en œuvre d’actions permettant l’appropriation d’informations sur les formations et les métiers et l’évolution de leurs représentations. Ils contribuent à l’élaboration de parcours de réussite des élèves en leur permettant de prendre conscience des enjeux de leur formation et de s’orienter vers une qualification visant leur insertion socioprofessionnelle. Ils informent ainsi les élèves et leurs familles ainsi que les étudiants, et les conseillent dans l’élaboration de leurs projets scolaires, universitaires et professionnels.

Le psy-EN a donc pour mission d’accompagner les familles et les élèves, mais aussi les enseignants.

Actuellement, on dénombre 1 psy-EN pour 1 500 élèves. Leur nombre semble insuffisant pour qu’ils puissent à la fois accompagner psychologiquement les élèves en difficulté et en même temps être aux côtés des enseignants pour l’accompagnement à l’orientation. Il est donc important de s’interroger sur le rôle dévolu aux psy-EN ainsi que sur leur nombre. Il est également important de noter qu’actuellement nombre de psy-EN sont recrutés de façon contractuelle et n’ont pas bénéficié de l’indispensable année de formation et de stage.

Selon les recommandations européennes, il faudrait atteindre un psychologue dans l’éducation pour 1 000 élèves ([176]).

Les rapporteurs estiment nécessaire un audit sur la cohérence des missions et les besoins en psy-EN sur tout le territoire.

C.   UN REGARD SUR LES PROJETS FINANCÉS PAR LES PROGRAMMES D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR (PIA)

L’action « Territoires d’innovation pédagogique », encadrée par une convention signée entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations en décembre 2017, a eu pour but de financer des innovations dans le domaine éducatif, principalement pour l’enseignement scolaire et la transition avec l’enseignement supérieur. Plusieurs dispositifs importants ont de ce fait été lancés, qui concernent directement les problématiques d’orientation et notamment celle du continuum « -3+3 ». Les rapporteurs ont entendu les responsables de certains d’entre eux. Le montant total de l’action « Territoires d’innovation pédagogique », dans le cadre du programme « Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche », est de 250 M€. Elle comporte notamment un volet consacré à l’orientation des élèves de l’enseignement scolaire vers le premier cycle des études supérieures, constitué de deux appels à projets en appui au Plan Étudiants et à la réforme de l’accès aux formations post-baccalauréat : « Dispositifs territoriaux pour l’orientation vers les études supérieures » et « MOOC et solutions numériques pour l’orientation vers les études supérieures » ([177]).

1.   Quelques exemples

a.   Compas, en Occitanie

Le projet Compas (« Construire et mûrir son projet d’accès au supérieur »), mis en œuvre dans l’Occitanie-Est, sur l’académie de Montpellier, est fondé sur trois angles visant à : créer un écosystème de l’information et de l’orientation, avec des partenaires identifiés depuis très longtemps ; assurer un continuum pédagogique -3/+3 ; ouvrir le champ des possibles, compte tenu des problématiques socioculturelles du territoire, notamment marquées par des taux de décrochage et d’autocensure très élevés et de boursiers très importants, plus de 50 % dans certains établissements de l’enseignement supérieur.

Participent au projet l’ensemble des acteurs de l’enseignement public du territoire : toutes les universités de l’académie de Montpellier ainsi que toutes les universités partenaires (Montpellier, Nîmes, Perpignan, ENSAM, ENSCM, École des Mines d’Alès). Des laboratoires de recherche, les associations de parents d’élèves et le Crous de Montpellier sont également partenaires, de même que les 127 établissements scolaires, organisés en huit réseaux de lycées.

Les axes stratÉgiques du projet compas

Source : Marc Dedeire, université Paul Valéry Montpellier 3, responsable du projet Compas.

b.   « À vous le sup’ » (Académie de Lille)

En région Hauts-de-France, le projet « À vous le sup’ » vise à créer un véritable écosystème territorial de l’orientation pour accompagner les collégiens et lycéens dans leur ambition vers l’enseignement supérieur sur un territoire également caractérisé par ses inégalités. À cet effet, « À vous le sup’ » est centré sur les élèves de la troisième à la terminale, ainsi que sur leur entourage familial et éducatif, sur les deux périmètres que sont la Métropole européenne de Lille (MEL), qui réunit quelque 31 000 lycéens (enseignement général et technologique) et près de 12 000 collégiens de troisième.

Plusieurs axes sont traités en vue d’aider les jeunes dans l’élaboration de leur projet personnel et de formation, d’augmenter les chances de réussite du lycéen dans l’enseignement supérieur, et de favoriser leur épanouissement professionnel et personnel. Quatre objectifs sont plus particulièrement poursuivis dans cette optique : donner du sens au projet d’orientation de l’élève, en créant un dispositif de proximité et de médiation entre les élèves et le monde socio‑économique ; créer un hub de l’orientation et un espace « ressources », en développant des ressources numériques interactives d’information et de sensibilisation à l’orientation pour les élèves et leur entourage ; rendre le lycéen acteur de son parcours grâce à une projection dans la vie étudiante, en levant l’autocensure et en le préparant à la poursuite d’études supérieures par une bonne connaissance des parcours de formation et une immersion dans les établissements du supérieur ; apporter une démarche qualité et réflexive sur le projet avec l’appui d’un groupe de recherche pluridisciplinaire.

Les partenaires du projet sont nombreux : autour de l’université de Lille, l’académie de Lille, qui compte vingt-et-un lycées partenaires, le conseil régional des Hauts-de-France, la Métropole européenne de Lille, Sciences Po Lille, les Campus des Métiers et des Qualifications – Autonomie Longévité Santé (CMQ ALS), ainsi que des partenaires associatifs : l’association Université Populaire de Lille, l’AFEV et Article 1.

c.   « Oser ! » (Picardie)

Le projet « Oser ! », développé en Picardie, est porté par trois universités : Artois, Picardie Jules Verne et Littoral Côte d’Opale, qui couvrent 87 % du territoire et s’adressent à 61 % de la population des Hauts-de-France. Ce partenariat associe les académies de Lille et d’Amiens, les collectivités territoriales, les établissements scolaires du secondaire, les centres d’information et d’orientation, etc., cependant que participent au pilotage les rectorats, les instituts de formation sanitaire, les établissements du secondaire, les collectivités territoriales, le monde associatif et le milieu socio-économique. L’objectif est de mieux répondre aux enjeux de formation, d’insertion et de réussite des élèves, étudiants, adultes en reprise d’étude, et aux nécessités d’information de leurs accompagnants : parents, professeurs principaux, psychologues de l’Éducation nationale, référents pour l’insertion professionnelle et la relation école-entreprise, personnels des services d’orientation…

Quatre objectifs sont poursuivis : assurer un accès égal et de qualité à l’information sur les études supérieures pour l’ensemble des apprenants du territoire et de leurs accompagnants ; engager les apprenants dans une démarche d’exploration, de construction et de projection de soi, en relation avec les possibilités ouvertes par les formations existantes et le monde du travail ; modifier les représentations de l’enseignement supérieur et du monde professionnel chez les apprenants et leurs accompagnants ; accompagner les apprenants vers la réussite académique et une insertion professionnelle choisie.

Le projet s’appuie notamment sur une grande action : le déploiement de minibus de l’orientation se déplaçant dans les cours des établissements scolaires et sur l’ensemble du territoire des trois universités à la rencontre des lycéens, des collégiens et de leurs accompagnants.

d.   Noria, en Alsace

Le projet Noria est structuré sur des axes plus technologiques ou numériques comme en témoigne le diagramme ci-dessous.

les outils du projet Noria

Source : Camille Fauth, université de Strasbourg, responsable du projet Noria.

Il s’attache en effet surtout à développer des outils simples, ludiques et graphiques pour amorcer la réflexion des élèves sur l’orientation, en complément de l’action d’information des professeurs principaux et des professionnels de l’orientation. Deux parcours sont proposés aux élèves en fonction de leurs besoins : « Je cherche l’inspiration » ou « Je trouve l’information ». Des lieux et supports divers sont utilisés pour aller à la rencontre des intéressés : chaîne YouTube, tiers-lieux, comme des MJC, des bibliothèques, et différentes activités sont proposées : ateliers scientifiques, préparation de candidatures, découverte des études, conférences, challenges élèves-étudiants, « hackathon » de l’orientation, etc.

e.   Acorda, à Toulouse

Le projet Acorda est porté par l’université fédérale Toulouse Midi‑Pyrénées. Il a pour finalité de fournir un accompagnement individualisé aux familles des étudiants par l’Association de la fondation étudiante pour la ville ‑ AFEV (transmission des mallettes, échanges avec les étudiants, information sur les actions mises en œuvre) et au travers deux événements de type « forum » en Haute‑Garonne et Ariège.

Il organise aussi des conférences dans la région (Haute-Garonne, Gers, Tarn) pour faire découvrir des métiers avec des professionnels, faire réaliser des mini-stages dans l’enseignement supérieur (suivi de cours, accueil par un étudiant ambassadeur, repas, visite d’établissement), et mener des campagnes de sensibilisation sur le poids des stéréotypes à l’orientation.

2.   Prendre la mesure de l’intérêt des synergies ainsi créées

Ces différents projets, comme les nombreux autres qui sont actuellement développés grâce aux fonds des PIA, présentent l’intérêt de donner aux parties prenantes la possibilité de coordonner de nombreux acteurs en s’appuyant sur des moyens pluriannuels importants, leur permettant d’irriguer profondément et durablement les territoires, souvent périphériques.

S’il est trop tôt pour tirer le bilan de ces projets lancés il y a deux ou trois ans, qui au demeurant ont parfois pâti de la crise sanitaire au moment de leur démarrage, il est intéressant de remarquer que l’opportunité de ces financements a surtout permis des effets de levier pour des expérimentations qui préexistaient parfois dans les établissements sans pouvoir être mises en œuvre. Comme le faisait remarquer M. Guillaume Gellé, ce sont surtout des dynamiques collectives beaucoup plus fortes qui peuvent s’enclencher entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur, dont les échanges sont décuplés.

En outre, le pilotage des projets qui associent de nombreux partenaires sur le terrain permet une évaluation régulière, au long cours, par les structures universitaires de recherche associées. Il paraît opportun que les résultats bénéficient d’une large communication pour que les réussites puissent être répliquées sur les autres territoires.

Enfin, le principal problème, déjà souligné, est que ces initiatives ne touchent qu’une partie du territoire national. Les élèves de ces zones territoriales bénéficient donc de financements dont ne bénéficient pas les autres. Cela constitue une rupture de l’égalité d’accès à l’information concernant l’orientation. Par ailleurs, de nombreux dispositifs sont redondants et la logique « projet » empêche les mutualisations nécessaires, qui se font heureusement parfois de façon ad hoc grâce à l’ONISEP.

Ces initiatives entrent parfois en confrontation avec les initiatives des régions. Si cela peut être très intéressant pour les élèves, le manque de pilotage de la politique de l’orientation empêche une bonne coordination de ces dispositifs avec l’existant. Les rapporteurs recommandent que ces programmes relèvent de la compétence du délégué interministériel à l’orientation dont ils demandent la création.

III.   UNE OUVERTURE DES ÉTABLISSEMENTS AVEC UN ENCADREMENT RENFORCÉ

L’orientation des élèves ne peut se concevoir sans la participation d’acteurs extérieurs au système scolaire. Comme on l’a vu, ces interventions sont multiples et leur offre de service pléthorique. Pour autant, elles doivent être dûment encadrées pour éviter certaines dérives.

A.   UNE OUVERTURE DES ÉTABLISSEMENTS SUR L’EXTÉRIEUR QUI FAIT PARFOIS DÉBAT

La présence de partenaires extérieurs dans les établissements scolaires est indispensable dans le processus d’information des élèves. Il ne s’agit pas d’attendre de leur part une aide à l’orientation, mais de contribuer à ouvrir le champ des possibles pour les élèves en leur présentant des métiers et des filières. À l’heure actuelle, les témoignages recueillis par les rapporteurs mettent en évidence certains risques.

Le recours au secteur associatif ou privé suppose un travail d’identification préalable permettant de déterminer qui est en capacité d’exercer la compétence d’information sur les métiers et formations. Cela nécessite un processus de labellisation mené en commun entre les autorités académiques et la région pour retenir les tiers de confiance à même d’intervenir dans les établissements auprès des élèves.

Ce travail prend du temps et, dans l’intervalle, se posent certains problèmes d’ordre déontologique. Il n’est pas rare que certains de ces acteurs, mandatés par des instances publiques ou invités, interviennent dans les établissements scolaires et les salons plus pour promouvoir et vendre leurs propres formations, activités de coaching et autres applications, que pour proposer un véritable service d’orientation et d’accompagnement. Les exemples sont nombreux de ce genre de dérives.

Selon d’autres témoignages, il arrive aussi que des officines privées, sous couvert d’associations légitimées par la région, profitent de l’opportunité pour récupérer les données privées des élèves afin de les recontacter ultérieurement pour leur proposer des services de coaching payants.

Dans le même ordre d’idées, dans les lycées professionnels, le discours des représentants d’entreprises délégués par les régions tend parfois à canaliser les élèves vers certains secteurs d’emploi plus que vers les études. Nombreux sont par exemple les corps de métier désireux d’intervenir massivement et de manière uniforme dans tous les lycées professionnels, indépendamment des priorités définies au sein de chaque établissement et hors de tout partenariat académique. Les motivations sont dans ce cas assez éloignées d’une approche orientée vers l’intérêt des élèves et tendent plus à répondre à celui des acteurs professionnels.

Autant de pratiques qui sont à l’évidence loin d’une éthique de l’information sur l’orientation qui doit être désintéressée, maîtriser les processus et les aspects techniques et contribuer à ouvrir le champ des possibles pour contrer les effets des déterminismes sociaux. Cela justifie que tous les acteurs extérieurs soient titulaires d’une habilitation académique pour intervenir dans les établissements.

Par ailleurs, en dernière instance, l’équipe pédagogique, enseignants et psy‑EN, doit pouvoir valider les propositions d’intervention pour qu’elles soient cohérentes avec les besoins identifiés.

B.   REPENSER LES INTERVENTIONS EXTÉRIEURES AFIN D’OUVRIR LES HORIZONS DES ÉLÈVES

Deux axes doivent en conséquence être impérativement privilégiés pour encadrer les interventions des acteurs extérieurs.

Il convient d’éviter qu’ils utilisent le temps mis à leur disposition dans le cadre des quotas d’heures dédiées à l’orientation pour diffuser un discours qui ne réponde pas aux besoins des élèves.

À cet effet, un certain nombre d’associations reçoivent un agrément après une procédure d’habilitation, nationale ou académique, qui leur permet d’accéder aux établissements scolaires et d’intervenir dans le cadre d’un partenariat mis en œuvre localement, en accord avec le projet d’établissement et les axes définis par l’équipe éducative. Comme le font remarquer plusieurs des chefs d’établissement, une procédure comparable pourrait être instaurée vis-à-vis des différents partenaires extérieurs afin que la teneur et la qualité de leur discours en direction des lycéens puissent être garanties.

IV.   GARANTIR UNE ORIENTATION PLUS TRANSPARENTE ET PLUS JUSTE

A.   QUESTIONNER QUELQUES ÉLÉMENTS DE PROCÉDURE

Dans le cadre de la procédure de Parcoursup, un certain nombre d’éléments procéduraux appellent quelques questionnements. La convergence des témoignages que les rapporteurs ont entendus invite à une réflexion.

1.   L’utilité de la lettre motivée

La lettre motivée est un élément de la procédure de Parcoursup qui fait l’objet de certains questionnements en regard de son utilité qui semble relative par rapport aux efforts qu’elle exige au pire moment de la part des lycéens.

Plusieurs griefs sont avancés, notamment son caractère discriminatoire, l’exercice étant conditionné par les mêmes déterminants socioculturels que ceux qui marquent toute la procédure : comme le fait remarquer Mme Annabelle Allouch, s’il est stressant pour tous les jeunes de se projeter dans une perspective lointaine, un lycéen qui est le premier de sa famille à envisager d’entreprendre des études supérieures et dont aucun des proches n’a jamais eu à formaliser sa motivation se trouve nécessairement défavorisé.

En outre, nombre de témoignages laissent entendre que l’usage qu’en font les CEV est relativement modeste et qu’il s’agit d’un document qui est surtout lu lorsque la nécessité de départager des candidats justifie une étude du dossier plus complète dans les filières en tension, notamment, après une première sélection, ou lorsque leur profil moins classique invite à s’interroger sur leurs motivations pour évaluer leurs chances de réussite ([178]).

Le caractère chronophage de cette pièce du dossier n’en est que plus problématique lorsqu’elle doit être répétée autant de fois que le lycéen formule de choix sur Parcoursup.

D’autres pensent que la lettre de motivation présente une utilité. Le rapport de 2020 jugeait qu’il s’agissait d’un exercice d’une « forte utilité car il permet de cristalliser la réflexion des lycéens sur leur orientation. La rédaction d’un document personnel est pour certains d’entre eux une tâche difficile mais elle demeure irremplaçable comme support des aspirations et des attentes vis-à-vis des formations demandées ».

Pour autant, il y a peut-être quelque paradoxe à rejeter tout à la fois un système de sélection automatisé comme l’était APB et un aspect de la procédure qui garantit la dimension humaine du processus de sélection. En effet, par son existence-même, la lettre de motivation devrait rassurer les lycéens quant au fait que ce n’est pas un algorithme qui décide de leur avenir. Mais si le lycéen n’a pas la certitude qu’elle est lue, cela a l’effet inverse.

2.   La fiche « Avenir »

Ce document, présenté comme « un outil de dialogue entre les acteurs de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur qui permet d’assurer un meilleur accompagnement des lycéens tout au long de la procédure d’admission et d’éclairer les formations de l’enseignement supérieur » ([179]), est une pièce centrale dans la procédure de Parcoursup. Formulée pour chacun des vœux émis par le candidat, elle comporte des renseignements qui vont permettre à la commission de sélection de l’établissement d’enseignement supérieur de se prononcer : moyenne des notes des deux premiers trimestres pour chaque discipline enseignée en terminale ; positionnement de l’élève dans la classe ; effectif de la classe et appréciation des professeurs ; éléments d’appréciation complémentaire sur les « compétences transversales » de l’élève, renseignée par les professeurs principaux (méthode de travail, autonomie, capacité à s’investir, esprit d’initiative…) ; avis et appréciation du chef d’établissement sur les vœux et la capacité de l’élève à réussir dans la formation demandée. En d’autres termes, avec ce dernier item, la fiche ne se limite pas aux résultats scolaires, mais fait la synthèse des avis des différents enseignants sur le parcours de l’élève, et aboutit à un avis global sur sa capacité à réussir dans l’enseignement supérieur pour chacune des formations qu’il a demandées. À lui seul, ce dernier aspect interroge, dans la mesure où il suppose que les chefs d’établissement et professeurs principaux aient une connaissance fine des différentes formations envisagées par les élèves pour fonder leur jugement. On sait que c’est loin d’être le cas.

Par ailleurs, en début de procédure, c’est-à-dire jusqu’à la transmission des fiches au début du mois d’avril, les lycéens peuvent consulter les notes et éléments de classement qui y sont portés et signaler le cas échéant des erreurs ou des manques. Ils ne peuvent ensuite plus le faire jusqu’au 1er juin, date à partir de laquelle elles leur seront de nouveau accessibles, cette fois-ci dans leur intégralité, comme le précise le site de la plateforme. Ce n’est qu’à partir du 2 juin que les appréciations des professeurs et l’avis du chef d’établissement seront consultables par les élèves. Consécutivement, pendant cette période de deux mois, les élèves sont maintenus dans une situation dans laquelle ils n’ont aucune idée de l’appréciation qui a été portée sur leur parcours et de la position de l’équipe pédagogique quant à leurs différentes candidatures. Le fait de ne pas avoir connaissance de ce qui est devenu en quelques années le principal instrument d’arbitrage des candidatures leur interdit d’estimer leurs chances de succès et ajoute au vécu difficile de cette période, comme le faisait remarquer M. Jules Donzelot, parmi d’autres observateurs.

Dans une perspective de dédramatisation, les rapporteurs proposent que la version intégrale de la fiche Avenir soit accessible au lycéen dès sa transmission par son lycée d’origine à l’établissement d’enseignement supérieur.

Enfin, il n’est pas forcément utile de systématiser la publication des activités extra-scolaires qui peuvent présenter un caractère discriminant. La règle devrait être que celles-ci n’aient pas à être présentées, sauf lorsque le lien avec la filière choisie en rend la publication pertinente, comme en musique ou en sport.

Les rapporteurs proposent de questionner la présence de certains critères dans la plateforme Parcoursup, comme la lettre de motivation ou le lycée d’origine, afin de ne pas renforcer les déterminismes au moment de l’admission dans l’enseignement supérieur.

3.   Un calendrier encore trop contraint

Les rapporteurs ont évoqué plus haut la question du stress induit par le calendrier resserré de la procédure sur Parcoursup, qui impose aux lycéens de prendre des décisions majeures pour leur avenir dans un temps où ils sont sans doute le moins disponibles pour cela.

Depuis son premier rapport, le CESP plaide pour un raccourcissement de la durée de la procédure. De ce point de vue, des efforts considérables ont été réalisés, comme en témoigne le graphique ci-dessous qui montre que la phase d’admission est aujourd’hui 2,5 fois plus rapide que la première année.

la durÉe de la phase d’admission sur Parcoursup

Source : Parcoursup, bilan de la procédure d’admission 2022.

Néanmoins, le CESP relevait encore dans sa dernière livraison que plus de 17 000 bacheliers, soit 4 %, sont toujours en attente au bout de deux mois de procédure de la proposition qu’ils finiront par accepter, l’attente étant par ailleurs bien supérieure pour les bacheliers technologiques et professionnels, alors même qu’ils ont souvent besoin de connaître tôt leur affectation pour des raisons financières. Cela explique peut-être en partie leur taux d’acceptation inférieur.

Interrogé à ce sujet, M. Jérôme Teillard a indiqué aux rapporteurs que l’accélération de la phase principale allait se poursuivre, tout d’abord en démarrant la procédure plus tôt, de façon à générer des propositions à plus de candidats plus tôt, et réduire ainsi le sentiment d’attente, et consécutivement le stress induit. Le second défi est de terminer la procédure plus tôt, suivant aussi la recommandation constante du CESP. L’une des pistes envisageables, selon M. Gilles Roussel, président du CESP, pourrait être d’organiser les épreuves spécialisées beaucoup plus tôt. La libération du troisième trimestre de terminale permettrait alors un travail commun entre les lycéens et les universités sur les questions d’orientation et d’accès à l’enseignement supérieur.

Néanmoins, le troisième trimestre est déjà en partie libéré puisque les épreuves ont lieu en mars. En outre, il n’est pas sûr que réduire les enseignements disciplinaires en terminale soit un facteur permettant de renforcer la réussite en BTS ou en licence. Les rapporteurs proposent qu’une réflexion soit menée au sujet de la fin de l’année de terminale.

B.   UNE PLUS GRANDE TRANSPARENCE DE LA PLATEFORME ET DE LA PROCÉDURE

La transparence de l’information pourrait encore être améliorée sur divers points.

1.   Cartographier les filières en tension

Entendu par les rapporteurs, M. Julien Grenet les a alertés sur la question des filières en tension, dont le nombre a beaucoup augmenté. Selon lui, depuis le début de Parcoursup, on est passés de 15 à 40 % de licences sélectives de facto puisqu’elles ne peuvent pas accueillir tous les étudiants. La surcharge de candidats au sein de ces filières, dans les établissements de la région parisienne notamment, a un impact direct sur leur niveau de sélection. Face à ce problème, les rapporteurs proposent de mettre en place une cartographie rigoureuse des filières en tension.

Une telle cartographie permettrait d’objectiver rigoureusement le degré de tension de ces filières et de recruter les enseignants-chercheurs nécessaires, notamment dans le cas de filières conduisant elles-mêmes à des métiers en tension – santé, éducation, formations d’ingénieurs. La cartographie permettrait également d’objectiver l’instauration des procédures sélectives de ces filières.

L’offre de formation doit être à l’intersection des besoins de qualification, des souhaits des étudiants et des portefeuilles des formations existantes. Si nous ne sommes pas capables de bien articuler les besoins en qualification, d’une part, avec les souhaits des étudiants, d’autre part, il sera difficile de faire évoluer de façon rationnelle l’offre de l’enseignement supérieur public. Le risque est grand de voir l’offre privée, coûteuse pour le budget des familles modestes, se substituer à l’offre publique et capter des élèves de milieux moins favorisés économiquement.

La proposition n° 13 du rapport de 2020 visait à « créer des places supplémentaires en sections de techniciens supérieurs (STS), notamment par redéploiement de moyens résultant de la suppression des places vacantes dans les formations peu prisées ». La DGESIP a indiqué aux rapporteurs les raisons pour lesquelles elle n’était pas mise en œuvre.

En premier lieu, la carte des formations est établie au plan territorial, en prenant en compte les attentes des candidats mais également les besoins des employeurs. En conséquence, les évolutions supposent une bonne visibilité des informations sur l’attractivité des formations, sur l’insertion des diplômés et sur le développement de l’offre en apprentissage, qui dans le supérieur a largement concerné le niveau BTS depuis 2020.

En outre, la création de places suppose un dialogue entre ministères puisque les moyens de financement des places en BTS sont inscrits sur le programme 141 relevant du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse. Il suppose également un dialogue avec les conseils régionaux. Ces dialogues doivent également faire converger de nombreuses parties prenantes (filières professionnelles, établissements, rectorats, services régionaux en charge de l’immobilier et des plateformes techniques, usagers, collectivités locales très investies sur ces formations très territorialisées), dans un calendrier nécessairement pluriannuel, alors que les variations des besoins tant du côté des étudiants que des filières sont de plus en plus difficiles à anticiper. La DGESIP précise enfin que des actions ont été menées pour simplifier ce processus, installer une vision plus maîtrisée des cartes de formation au niveau régional, avec le projet de le faire aussi au niveau national de manière consolidée, pour un meilleur ajustement du nombre des places dans les formations STS. En tout état de cause, la proposition n° 13 n’a pas été mise en œuvre.

2.   La visibilité de l’enseignement supérieur privé

La loi impose que l’offre de formation des établissements d’enseignement supérieur privé soit présente sur Parcoursup et bénéficie de la visibilité nécessaire, dans la mesure où ils respectent les critères établis.

a.   La présentation des établissements d’enseignement supérieur

Interrogé sur la façon dont Parcoursup semblait parfois privilégier les établissements d’enseignement supérieur privé dans la présentation des réponses aux requêtes des candidats en recherche de formations, M. Jérôme Teillard a indiqué aux rapporteurs que depuis 2021 les réponses sont présentées selon la pertinence des mots clefs, c’est-à-dire leur plus grande correspondance entre les mots saisis et les noms des formations et d’établissement, afin de rester au plus près de la recherche effectuée.

La présentation d’établissements publics ou privés se fait, elle, de manière aléatoire, selon des critères qui évoluent chaque semaine. Un équilibre doit en effet être trouvé pour, d’une part, ne pas perturber un candidat qui effectuant ses recherches sur plusieurs jours, ne trouverait pas les mêmes résultats d’un jour à l’autre et, d’autre part, ne pas laisser les mêmes formations toujours apparaître en premier, ce qui pourrait induire des biais.

La plateforme utilise également l’index de données de l’ONISEP qui permet au moteur de recherche de présenter aux candidats des formations similaires et d’ouvrir ainsi les perspectives. Lorsqu’un lycéen se voit proposer une formation donnée, des formations ayant une grande similitude avec celle-ci apparaissent également pour essayer d’élargir les opportunités. Ce complément est affiné avec l’analyse des parcours des lycéens sur Parcoursup, et des similitudes de choix qui peuvent apparaître. Des travaux sont par ailleurs en cours pour améliorer la plateforme sur la question des formations similaires pour croiser approche thématique et approche géographique, afin de pouvoir proposer aux candidats des formations proches de leur domicile pouvant les intéresser.

En outre, plusieurs types de filtres peuvent être saisis par les candidats, quant au type d’établissement, public ou privé, notamment, mais aussi au sein du secteur privé, entre les établissements sous contrat ou hors contrat. De même est-il possible de choisir précisément le type de formation recherché, par nature de diplôme visé – BTS, licence, sélective ou non, professionnelle, DEUST, BUT, etc. – ou plus largement, la filière : formations d’ingénieur, commerciales, vétérinaires, de santé, d’hôtellerie, etc.

Enfin, à la demande du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), la visibilité concernant les frais de scolarité, le statut de la formation et l’éligibilité ou non aux bourses des formations a été renforcée et les fiches descriptives des formations précisent ces informations au sein d’une rubrique spécifique. De la même manière, d’autres filtres permettent de ne sélectionner que des formations en apprentissage ou des formations proposant des aménagements particuliers, par exemple au bénéfice des sportifs de haut niveau.

Ces aspects sont révisés chaque année grâce à un travail à l’écoute des retours formulés par les élèves et les parents qui permet aussi, le cas échéant, de clarifier certains intitulés de formations.

Enfin, M. Jérôme Teillard a indiqué que, avant l’ouverture de la session 2024 de Parcoursup, les codes de la carte et du moteur de recherche seraient publiés.

b.   S’assurer de la qualité des établissements d’enseignement supérieur privés présents sur Parcoursup

Néanmoins, malgré ces progrès indéniables, certains observateurs jugent aujourd’hui encore nécessaire de mieux cadrer les choses, au point que M. Gilles Roussel indique que l’un des prochains sujets sur lesquels se penchera le CESP portera sur le référencement de certaines formations privées dans Parcoursup, la question se posant de savoir si elles ont véritablement leur place sur la plateforme.

Pour M. Guillaume Gellé, président de France Universités, ce n’est pas tant de la question de la nature administrative des établissements dont il faut s’inquiéter que de leur mission. Il juge que Parcoursup est un outil remarquable pour la quantité d’informations qu’il met à la disposition des lycéens, mais que la question de l’évaluation de la qualité de ces formations reste posée. Néanmoins, le caractère administratif compte : nous ne pouvons nous réjouir que des étudiants soient contraints de s’endetter pour suivre des formations privées dont la qualité n’est pas toujours contrôlée, alors que des formations publiques équivalentes et de meilleure qualité existent.

Ce n’est donc aujourd’hui pas tant d’un enjeu de visibilité qu’il s’agit que de qualité des formations. Pour France Universités, la question est telle que les présidents d’universités ont demandé un moratoire pour la délivrance de labels par l’État sur les formations du premier cycle. M. Guillaume Gellé rappelle en ce sens que les universités délivrent des diplômes nationaux, sur la base d’un cahier des charges établi par l’État, qu’elles sont inscrites dans des processus d’évaluation par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres). Cela garantit une qualité homogène au niveau national entre les différents diplômes. Tout autre est la situation pour certains des établissements d’enseignement supérieur privé, des grades de licence étant par exemple délivrés à des bachelors d’écoles privées.

En outre, l’articulation avec la recherche est un élément cardinal de l’enseignement supérieur, qui se traduit notamment par l’intervention d’enseignants-chercheurs dans le premier cycle universitaire. Cela n’est pas toujours le cas d’antennes décentralisées de certaines écoles privées proposant des formations menant au grade de licence.

Sur ces aspects d’une importance majeure, les conclusions d’une enquête de terrain effectuée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à la fin de l’année dernière, confirment qu’il est impératif que le ministère examine avec la plus grande attention la vitrine que représente Parcoursup pour l’enseignement supérieur privé.

Selon le site du MESRI, « dans un paysage de la formation en forte évolution et dans le souci d’assurer l’information la plus précise et documentée possible aux lycéens, apprentis, étudiants en réorientation et aux familles, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a souhaité afficher de manière claire, par l’apposition d’un label, toutes les formations de l’enseignement supérieur dont la qualité académique est spécifiquement contrôlée par l’État, qu’elles soient dispensées par un établissement public ou privé ». Pour ce faire, les établissements, publics ou privés, sont invités à utiliser dans leur communication – site web, supports d’information – les labels « contrôlé par l’État », pour les formations pour lesquelles ils sont explicitement autorisés à le faire par le ministère. Ces labels, créés en 2019, sont positionnés dans Parcoursup sur la fiche présentant les caractéristiques détaillées de chaque formation.

La DGCCRF a entrepris de vérifier les pratiques commerciales des établissements privés ([180]) apposant ces labels dans les domaines du respect des obligations d’information précontractuelle, du respect des obligations sur les prix et la facturation, de l’absence de clauses contractuelles illicites ou abusives et du respect des règles relatives à la vente à distance. Les résultats particulièrement édifiants relaient les préoccupations exprimées par France Universités devant les rapporteurs puisque la DGCCRF a relevé des anomalies dans tous les domaines : « Dans la communication de plusieurs établissements, l’usage de mentions valorisantes dépourvues de toute justification vérifiable a été constaté comme, par exemple, des mentions sur l’employabilité post-diplôme ou sur des partenariats non formalisés avec des grandes entreprises. De même, la pratique consistant à afficher un prix promotionnel à côté d’un prix barré, sans pouvoir justifier de ce que le prix barré a réellement été pratiqué, a été relevée. Des avis partiaux, car provenant de consommateurs devenus des employés de l’établissement – rendus via Google – ont par ailleurs été constatés. Enfin, les enquêteurs ont identifié l’utilisation de termes tels que ‟licence”, ‟master” ou ‟doctorat” ou d’un terme approchant, sans que l’établissement y soit habilité. »

La DGCCRF souligne également que près d’un établissement sur deux manque à ses obligations en matière précontractuelle, notamment quant au prix total de la formation, que 40 % d’entre eux proposent des contrats contenant des clauses abusives – modification unilatérale ou rupture discrétionnaire du contrat, résiliation du contrat en cas de défaut de paiement, l’étudiant n’étant plus autorisé à poursuivre la formation ni à s’inscrire à l’examen de fin d’année, alors que le solde de la formation reste dû et peut être recouvré par tous moyens. Au total, la DGCCRF conclut que plus de 56 % des 80 établissements contrôlés étaient en anomalie sur au moins un des points de la réglementation, et indique qu’elle a procédé à 72 avertissements, 38 injonctions, quatre procès-verbaux pénaux, dont deux ont donné lieu à contentieux. Compte tenu de la gravité de ces constats, la DGCCRF indique avoir reconduit son enquête.

M. Jérôme Teillard s’est voulu rassurant en précisant aux rapporteurs les règles régissant l’intégration sur la plateforme des établissements d’enseignement supérieur privé. Un arrêté a été pris à cet effet le 19 novembre 2021 en application de l’article D. 612-1 du code de l’éducation. Les règles sont transparentes et la procédure se fait en plusieurs étapes successives. Les formations inscrites sur Parcoursup adhèrent contractuellement au moment où elles s’inscrivent à la Charte de la procédure nationale de préinscription Parcoursup, concertée avec les têtes de réseaux, qui prescrit des engagements à prendre en termes de transparence, d’information et de pratiques à l’égard des usagers, d’égalité de traitement.

Si cette procédure est effectivement nécessaire, elle ne garantit cependant pas que les règles en soient respectées : les établissements privés que la DGCCRF a épinglés avaient également souscrit auprès du ministère un engagement contractuel…

3.   Communiquer les statistiques d’insertion professionnelle des différentes formations

Selon la DGESCO, les taux InserJeunes sont désormais intégrés dans les fiches d’information des formations conduisant à un BTS sur Parcoursup, ces données étant par ailleurs disponibles pour l’ensemble des formations professionnelles post troisième sur la plateforme Affelnet.

Pour autant, si la dimension statistique est nécessaire sur l’insertion professionnelle des anciens étudiants, cet aspect reste insuffisant. Sur ce point, il y a une certaine unanimité des observateurs sur le fait que l’information disponible sur InserJeunes reste aussi parcellaire que peu explicite pour les collégiens et lycéens – si tant est qu’elle contribue réellement à celle des enseignants…

Comme le faisait en effet remarquer Mme Ariane Féry, directrice de la rédaction de l’Étudiant, les jeunes ne connaissent pas vraiment les métiers. Ce qu’ils connaissent le mieux, une fois encore, se résume aux professions qu’exercent les adultes de leur entourage immédiat, et ils manquent de visibilité sur ce que sont véritablement les différents métiers, ce qu’ils impliquent, et la variété des tâches que les uns et les autres supposent. En ce sens, pour utiles et nécessaires que soient les données figurant sur InserJeunes, elles ne contribuent pas à la compréhension des métiers de la part des élèves.

Or, cette compréhension est essentielle pour permettre aux jeunes de se projeter et de visualiser vers quel avenir ils sont en train de se tourner. Nombre de jeunes ont besoin de sortir de l’abstraction et d’avoir une connaissance précise pour cela. Cela confirme l’importance de la diversité et de la complémentarité des approches en matière d’accompagnement à l’orientation, pour permettre de répondre aux attentes des uns et des autres.

Les rapporteurs proposent en conséquence que l’information disponible sur Parcoursup permette aux candidats, non seulement de connaître les taux d’insertion, mais aussi d’avoir une présentation plus précise des perspectives que leur offrent les formations en termes de métiers. Ils rejoignent en cela l’esprit de la proposition n° 8 du rapport de 2020, qui avait pour but de « mieux informer les candidats inscrits sur Parcoursup en proposant des vidéos de témoignages d’anciens étudiants et en renseignant systématiquement le taux d’insertion professionnelle sur les fiches des formations », qui n’a été que partiellement mise en œuvre.

Quelles que soient les modalités que prend l’éclairage sur l’insertion professionnelle des anciens étudiants, il reste indispensable.

4.   L’accès encore difficile des chercheurs aux données de la plateforme

La proposition n° 7 du rapport de 2020 invitait à « faciliter l’accès des chercheurs aux données brutes collectées par la plateforme Parcoursup ».

Cette revendication est aussi formulée depuis le début par divers observateurs, le CESP en premier lieu, mais également quelques-uns des chercheurs que les rapporteurs ont entendus et qui mettent l’accent sur cette question importante, sur laquelle notre pays est en retrait par rapport à nombre d’autres.

Interrogée à ce propos, la DGESIP a renvoyé à la présentation du quatrième rapport du CESP qui avait rappelé qu’il existait trois modes d’accès aux données de Parcoursup :

– les chercheurs peuvent tout d’abord travailler sur le site Progedo où les services producteurs déposent des fichiers, mis gratuitement à disposition des chercheurs qui peuvent les exporter sur leurs ordinateurs en les sécurisant. Ce site ne peut recevoir que des bases de données entièrement anonymisées, rendant impossible l’identification d’un individu ou d’une personne morale par le croisement des variables. Les variables de localisation sont donc absentes des fichiers et cette anonymisation conduit à réduire les variables transmises et donc à limiter fortement les études des chercheurs ;

 les chercheurs peuvent également s’abonner auprès de Centre d’accès sécurisé aux données (CASD), le SIES y déposant les données de Parcoursup « pseudo-anonymisées », c’est-à-dire ne comportant aucune information directement nominative (nom, prénom, numéro de téléphone portable, numéro de carte bancaire, etc.). Le croisement des données peut toutefois permettre l’identification d’un individu. Ces données sont beaucoup plus riches et intéressantes pour les chercheurs, incluant par exemple, en ce qui concerne APB et Parcoursup, toutes les variables de la base source, hormis les noms, prénoms, etc. Les chercheurs qui y ont accès travaillent sur le centre de calcul du CASD qui contrôle toute exportation des chercheurs, et vérifie notamment l’absence de données individuelles ;

 enfin, les chercheurs peuvent aussi travailler dans les locaux du service statistique ministériel responsable de ces données, et travailler sur un ordinateur dédié à cet effet, d’où ils ont accès à la totalité des bases de données, ne pouvant toutefois exporter que les résultats anonymisés de leurs travaux.

Ces progrès par rapport à la situation initiale sur laquelle le CESP avait longuement insisté dans son premier rapport, sont indéniables. Ils restent néanmoins à parfaire, comme le CESP le rappelait encore l’an dernier. En outre, les chercheurs que les rapporteurs ont auditionnés ont unanimement souligné l’extrême lourdeur de la procédure d’obtention des données sur lesquelles ils ont à travailler pour leurs projets. La situation est telle que les équipes de chercheurs retenues pour les trois projets lancés à la fin 2019 par le MESRI sur Parcoursup ([181]) n’ont pu entamer leur travaux qu’avec plusieurs mois de retard, jusqu’à près d’un an après l’attribution du projet. L’un des projets n’a obtenu les données qu’après dix mois d’attente. En outre, s’agissant de travailler sur des données anonymisées, les conditions d’obtention sont particulières : le chercheur fait une demande d’autorisation au fournisseur de données, suit ensuite une formation d’éthique, de secret statistique, avant de recevoir une carte avec prise d’empreinte digitale, procédure à la suite de laquelle il peut se connecter sur le serveur du CASD, payant, qui tourne sous Windows 7. Le terminal fourni pour se connecter interdit toute connexion parallèle à internet et ne peut être déplacé, empêchant par exemple le chercheur de travailler à domicile le week-end s’il le souhaite, des protocoles spécifiques étant par ailleurs prévus pour différentes opérations, voire payants.

En outre, les données transmises sont toujours brutes et non documentées, et la situation que le CESP avait relevée dans son rapport en février 2022 n’a pas évolué. Dans la mesure où elles représentent plus de sept cents tables et plus de mille données, le travail préalable de description pour comprendre le matériau à analyser est considérable et source de retards additionnels. Autant de conditions de travail auxquelles les chercheurs ne sont pas accoutumés et qui ne facilitent pas leurs travaux.

D’autres chercheurs auditionnés par les rapporteurs ont également regretté cette situation qui se traduit par le fait que le nombre de projets de recherche sur Parcoursup est aujourd’hui encore extrêmement réduit.

5.   Le fonctionnement des commissions d’examen des vœux

a.   La question récurrente des lycées d’origine

Parmi les éléments sur lesquels la transparence pourrait être aisément améliorée, la question du lycée d’origine des candidats est toujours des plus discutée. Le rapport du CEC de 2020 en avait fait le sujet de sa proposition n° 10 : « Anonymiser le lycée d’origine et lui substituer une mesure de l’écart entre les résultats du baccalauréat et la notation au contrôle continu ».

Pour la DGESIP, cette question est en quelque sorte mal posée, dans la mesure où, à l’heure actuelle, si l’information sur le lycée d’origine est visible dans le dossier Parcoursup, elle ne constitue pas pour autant un critère, n’étant pas remontée par l’outil d’aide à la décision mis à la disposition des formations par Parcoursup. En outre, il convient surtout de ne pas perdre de vue qu’il s’agit d’un élément qui peut être utilisé par les professeurs en charge de l’examen des dossiers pour poursuivre leurs actions en faveur de l’ouverture sociale de l’enseignement supérieur, notamment, dans le cadre des cordées de la réussite : la loi de programmation de la recherche du 24 décembre 2020 a en effet explicitement permis aux formations de l’enseignement supérieur de tenir compte dans leurs critères d’examen sur Parcoursup de la participation des bacheliers aux dispositifs de cette nature, en précisant que « pour l’examen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription mentionnée au deuxième alinéa du présent I, les établissements dispensant une formation d’enseignement supérieur peuvent tenir compte de la participation des bacheliers aux dispositifs d’accompagnement mis en place entre les établissements d’enseignement pour garantir l’égalité des chances » ([182]). C’est le sens du propos de Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur, lors du débat du 4 avril 2023 à l’Assemblée nationale en réponse à une question sur ce sujet, selon laquelle dans la majorité des cas, lorsque les CEV se servent de l’information du lycée d’origine, c’est souvent « pour favoriser l’ouverture sociale, souvent dans le cadre des cordées de la réussite : pour qu’un tel programme se concrétise, les ‟têtes de cordéeˮ que sont les établissements d’enseignement supérieur doivent avoir connaissance du lycée d’origine pour savoir s’il fait partie des établissements ‟encordésˮ. En général, l’information est donc utilisée, quand elle l’est, en vue d’améliorer la mixité sociale ».

À cela s’ajoute le fait, selon la DGESIP, que toutes les formations de l’enseignement supérieur sont sensibilisées et alertées sur les enjeux de non‑discrimination et s’engagent sur le respect de ces principes.

La DGESIP souligne en outre qu’un cadrage du contrôle continu est engagé par le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse qui devra avoir une incidence concrète sur l’hétérogénéité des notes selon les lycées, qui est en fait, le véritable enjeu de l’anonymisation. Enfin, le nouveau contexte créé par la réforme du lycée et la prise en compte des notes des épreuves d’enseignement de spécialité dans le dossier Parcoursup nécessiterait un travail d’expertise plus affiné.

De très nombreux observateurs sont réservés sur cette analyse.

C’est le cas de M. Gilles Roussel, président du CESP, qui indique ne pas disposer d’étude précise sur la prise en compte ou non du lycée d’origine dans les classements des établissements d’enseignement supérieur, mais que des formations l’utilisent comme un des critères de classement, et pas uniquement les classes préparatoires, cet aspect n’étant pas précisément renseigné sur les sites des établissements. Les choses se mettent en place progressivement, au niveau des critères de pondération, et le CESP souhaite que les établissements aillent toujours plus loin en matière de transparence. Cela apparaît notamment important pour les dossiers des étudiants atypiques et ce, pour toutes les formations, sélectives ou non.

Les travaux de Mme Agnès van Zanten sur le terrain lui permettent d’affirmer qu’il s’agit bien d’un critère pris en compte par les CEV ([183]), lorsqu’elle constate, après avoir étudié sur deux années les filières santé, que plus de 50 % des élèves choisis par une université parisienne venaient de lycées privés. Même si le privé oriente davantage vers les filières de santé et les écoles de management, toute l’analyse a conduit à la conclusion irréfutable qu’il y avait une prise en compte du lycée d’origine, les effets éventuels de demande ou de notes ne suffisant pas à expliquer la part d’étudiants issus du privé.

Le fait que le lycée d’origine soit un élément de discrimination non négligeable dans certaines formations est également la conclusion à laquelle arrivent d’autres personnes auditionnées par les rapporteurs, qui pour se placer sur un terrain moins scientifique, en sont tout aussi convaincus, ainsi les représentants des chefs d’établissement ou des DASEN : pour Mme Claire Mazeron, DASEN chargée des lycées et de la liaison avec l’enseignement supérieur, académie de Paris, la proposition n° 10 du rapport est fondamentale. Elle précise que la réforme Affelnet conduite à Paris depuis deux ans se heurte au discours des familles qui choisissent le lycée de leurs enfants à l’entrée en seconde en fonction de sa réputation. L’anonymisation serait vraiment le point le plus prioritaire pour rassurer les familles en amont quant au choix du lycée et aussi pour avoir plus de mixité dans les formations post-baccalauréat.

Pour ces différentes raisons, les rapporteurs réitèrent à leur tour qu’il leur semble d’un intérêt majeur que soit interrogée la mention des lycées d’origine.

b.   Le besoin des lycéens de comprendre les critères de sélection

Mme Sylvie Retailleau le reconnaissait devant la représentation nationale le 5 avril 2023 : le fait que les candidats ont désormais la possibilité d’accéder via Parcoursup à quelque 21 000 formations rend leur choix plus complexe et « des améliorations doivent être apportées pour éclaircir l’information et pour rendre moins opaques les critères d’admission », lesquels sont des facteurs importants d’inégalité.

Certes, la plateforme Parcoursup présente, pour chaque formation, un onglet « Comprendre les critères d’analyse des candidatures » qui présente la grille d’analyse avec les pourcentages accordés par les CEV aux résultats scolaires, aux compétences, au savoir-être, aux engagements extra-scolaires, etc., parfois de manière très détaillée.

Pour autant, pour de nombreux observateurs, ce sont surtout les formules de préclassement automatisées qu’il importerait de rendre publiques afin que les élèves sachent, suffisamment en amont, quelles sont leurs chances de pouvoir accéder aux formations.

À l’heure actuelle, la procédure présente deux dimensions quelque peu contradictoires : d’une part, une grande visibilité de l’offre, et Parcoursup est une réussite de ce point de vue, mais d’autre part, un mode de traitement des vœux qui mérite davantage de transparence et de précisions. Des formations sélectionnent les candidats, sans que ceux-ci et leurs familles aient la moindre visibilité.

Comme le soulignaient plusieurs sociologues auditionnés, Parcoursup propose toute l’information possible, mais certains élèves sont en difficulté pour l’utiliser et ce n’est pas parce que la plateforme enrichit l’information que ceux des milieux populaires la reçoivent. Sans accompagnement pour la traiter, l’information est inutile. Si, en outre, ces mêmes lycéens se heurtent à l’opacité du fonctionnement des CEV et restent dans l’ignorance des éléments sur lesquels ils seront finalement jugés, la procédure dans son ensemble paraît reposer sur une forme d’arbitraire.

C.   OBLIGER LES FILIÈRES SÉLECTIVES À CLASSER TOUS LES CANDIDATS

Le CESP a très tôt relevé l’anomalie selon laquelle, alors que les formations sélectives étaient les seules à classer leurs candidats avant Parcoursup, les formations non sélectives pour lesquelles le nombre de candidatures est supérieur à leurs capacités d’accueil opèrent désormais également un classement. Pour le CESP, la distinction réglementaire entre formations sélectives et non sélectives ne correspond pas forcément à la réalité, dans la mesure où il se peut que certaines formations sélectives ne soient pas attractives, quand des formations non sélectives le sont. En outre, le CESP expliquait en 2020 que les formations sélectives peuvent refuser des candidats sans leur proposer d’admission conditionnée, « oui si », alors qu’elles le pourraient. Pour ces raisons, le CESP s’interrogeait sur la légitimité de « maintenir cette dichotomie de notre enseignement supérieur alors que les formations sélectives représentent pas moins de 56 % des places offertes ». ([184])

Or, comme le font remarquer par exemple M. Julien Grenet ou Mme Agnès van Zanten, à partir du moment où l’on autorise les filières « non sélectives » à classer les étudiants en fonction de leurs dossiers scolaires, plus rien ne justifie la distinction entre « sélectif » et « non sélectif ». Pour autant, certaines filières sélectives, n’ayant pas l’obligation de classer tous les candidats, pratiquent une « politique malthusienne » en refusant des candidats ex ante, alors même qu’elles sont financées sur leurs capacités d’accueil et non sur le nombre d’étudiants qu’elles admettent. M. Gilles Roussel rappelait que beaucoup de formations sélectives ne font effectivement pas le plein, encore aujourd’hui. Le CESP réitère sa recommandation d’un classement global, refusant que certains candidats soient exclus sans raison, alors même que des places sont toujours vacantes.

Les rapporteurs partagent l’analyse du CESP concernant les filières sélectives et reprennent à leur compte cette recommandation selon laquelle les formations sélectives devraient avoir l’obligation de classer tous les candidats.

V.   CONFORTER LES DISPOSITIFS EN FAVEUR DE LA RÉUSSITE DES ÉTUDIANTS

Selon les informations que la DGESIP a communiquées aux rapporteurs, la ministre de l’enseignement supérieur a souhaité la mise en place des contrats d’objectif et de moyens pluriannuels pour un dialogue renforcé avec les établissements assorti d’évaluation a posteriori sur des indicateurs robustes, centrés sur les étudiants. En outre, dans le cadre des soixante politiques publiques prioritaires mises en chantier en septembre dernier par le Gouvernement, deux sont consacrées à la vie étudiante. Ils « permettent de suivre sur un large champ, tant les effets des dispositifs d’aide sur les parcours de formation des étudiants, notamment en terme de réussite, que sur leurs conditions de vie. Ce suivi est décliné régionalement », précise la DGESIP.

La proposition n° 14 du rapport de 2020 visait à « intégrer dans le dialogue de gestion État-universités, sous le contrôle du recteur, une mesure de l’efficacité des dispositifs d’aide à la réussite des étudiants ». Elle peut donc être considérée comme en voie de mise en œuvre.

A.   L’EFFICACITÉ ENCORE INCERTAINE DES « OUI SI »

Pour autant, comme les rapporteurs l’ont montré plus haut, l’analyse de terrain qui a été faite de la procédure des « oui si » montre que son efficacité reste encore mal connue, en raison des incertitudes quant aux contours et aux modalités des dispositifs d’accompagnement à la réussite, ainsi que des différences entre la lettre de la loi et la pratique des établissements.

Quoi qu’il en soit de cet aspect, qui appelle sans doute de la part du ministère la publication d’une circulaire, l’essentiel, aux yeux des rapporteurs, réside dans la nécessité d’en pérenniser le financement.

La loi ORE a précisé que l’inscription d’un candidat pouvait être subordonnée à son acceptation « du bénéfice des dispositifs d’accompagnement pédagogique ou du parcours de formation personnalisé proposés par l’établissement pour favoriser sa réussite ». ([185])

Pour Mme Frédérique Vidal, il s’agissait de définir un contrat de réussite pédagogique entre le candidat ayant besoin de consolider certaines connaissances et l’établissement dont les équipes pédagogiques lui proposeront des modules méthodologiques ou des enseignements lui permettant de se renforcer ([186]). La ministre de l’enseignement supérieur précisait que « c’est au futur étudiant, et à lui seul, de choisir la formation qu’il souhaite rejoindre – et ce choix nous engage. Mais, de l’autre, c’est aux équipes pédagogiques de définir les modalités qui lui permettront de mettre toutes les chances de son côté pour atteindre cet objectif ».

Les dispositifs d’aide à la réussite en premier cycle

Mis en place depuis 2018, les dispositifs d’aide à la réussite, dits « oui‑si », sont des leviers essentiels pour réduire l’échec dans le 1er cycle universitaire. Ces dispositifs sont notamment proposés aux étudiants via Parcoursup : lorsqu’un candidat reçoit une réponse « oui-si » de la part d’une formation, cela signifie qu’il est accepté par la formation et qu’il bénéficiera d’un accompagnement spécifique (remise à niveau, soutien disciplinaire ou méthodologique...) dont les modalités sont détaillées dans son dossier.

Près de 1 700 dispositifs d’aide à la réussite sont ainsi proposés via Parcoursup.

105 000 propositions d’admission « oui-si » ont été formulées par les établissements.

Focus sur l’université Bretagne Sud

Ce sont près de 27 000 candidats qui vont bénéficier de ces dispositifs cette année pour l’université Bretagne-Sud (UBS), soit 30 % des étudiants de licence. Depuis leur mise en place en 2018, le taux de passage en L2 a nettement progressé : il est passé de 33 % à 40 %. Le taux d’abandon en L1 (pour les étudiants « oui si ») est passé de 21 % en 2018‑2019 à 7,6 % l’an dernier.

Les réorientations ont également diminué : elles concernaient 21 % des étudiants en 2018‑2019, et seulement 6 % en 2020-2021.

À l’UBS, ces parcours aménagés prennent la forme soit d’une première année en deux ans, complétés par des ateliers : construction du projet professionnel, ouverture culturelle, gestion du stress…, soit d’un dispositif renforcé : soutien disciplinaire et méthodologique, tutorat étudiant, séances d’auto-formation, et rencontres avec les conseillers d’orientation.

L’étudiant bénéficiaire d’un parcours « oui-si » est au centre d’un dispositif qui coordonne plusieurs acteurs : les équipes pédagogiques, les enseignants référents, les tuteurs enseignants et les tuteurs étudiants.

Source : Parcoursup, Bilan de la procédure d’admission 2022.

Les rapporteurs ont tenu à auditionner les auteurs d’une étude commandée par le MESRI ([187]) dont il ressort plusieurs éléments intéressants, qui montrent notamment l’hétérogénéité qui caractérise le dispositif. Cela se manifeste de plusieurs façons et plusieurs raisons l’expliquent.

Il apparaît en premier lieu que l’application de la loi diffère selon les établissements et que la subordination de l’inscription de l’étudiant à son acceptation de la proposition qui lui est faite de suivre un accompagnement pédagogique n’est finalement pas systématique. Certaines équipes pédagogiques en font une réelle obligation, d’autres non, sans qu’il y ait de règles strictes, l’interprétation du dispositif étant finalement propre à chaque établissement.

Ces différences d’interprétation se retrouvent également au niveau de ce qui est ou non considéré comme relevant du dispositif « oui si », sachant que, majoritairement, les établissements n’identifient pas leur dispositifs d’accompagnement comme tels : des mesures nouvelles peuvent se fondre dans celles qui préexistaient et les compléter, certaines être proposées à tous les étudiants et pas seulement à ceux admis en « oui si » ; des étudiants non affectés en « oui si » peuvent suivre des parcours aménagés quand d’autres, admis en « oui si », n’en suivent finalement pas, et que d’autres encore ignorent s’ils en font ou non partie. Ces incertitudes rendent la mesure de l’efficacité du dispositif « oui si » difficile dès lors qu’on ne peut pas l’isoler comme objet d’analyse précis.

Malgré tout, le ressenti des équipes pédagogiques s’avère plutôt positif quant au soutien que cela apporte aux étudiants, qui sont plus fréquemment issus de milieux modestes et titulaires de baccalauréat professionnel ou technologique. En cela, le dispositif est jugé par les chercheurs comme répondant bien au ciblage pour lequel il a été conçu. En termes d’efficacité, les étudiants concernés sont aussi plus présents aux examens que s’ils n’avaient pas été intégrés en « oui si ».

Reste que plusieurs interlocuteurs des rapporteurs, notamment M. Guillaume Gellé, président de France Universités ([188]), font remarquer qu’il est regrettable qu’un mécanisme aussi important pour les ambitions que s’est données la loi ORE ne soit pas budgété, obligeant les universités à obtenir les financements dans le cadre des projets du PIA ([189]). Ce n’est évidemment pas le cas de toutes et, à l’heure où les taux d’encadrement dans les universités ont baissé de 10 % entre 2012 et 2019, l’instauration de mesures d’aide individualisée suppose un effort conséquent de la part des équipes, d’autant que ceux qui en sont chargés, souvent vacataires, ne sont pas toujours formés à la pédagogie. Un peu comme dans le secondaire, le dispositif repose donc en partie sur les épaules de personnels particulièrement motivés.

B.   LES DISPOSITIFS DE RÉORIENTATION

En 2020, les rapporteurs avaient souhaité que le ministère de l’enseignement supérieur et la plateforme Parcoursup s’efforcent de mieux prendre en compte les réorientés et les candidats en reprise d’études, dans la mesure où ils étaient appelés à devenir rapidement de plus en plus nombreux, ainsi que la Cour des comptes l’estimait. Pour cette raison, les rapporteurs avaient formulé la proposition n° 11, visant à « prendre en compte les candidats en réorientation et en reprise d’études dans les analyses relatives à la performance de Parcoursup ».

Selon les indications qui ont été données aux rapporteurs par la DGESIP, même si des focus sont faits sur les publics lycéens et étudiants qui sont les publics cibles de la plateforme, les bilans de la session établis par Parcoursup prennent en compte l’ensemble des publics, dont les étudiants en réorientation. Le rapport annuel du CESP présente également ce détail, qui distingue les inscriptions sur la plateforme par type de candidat.

Les inscriptions sur Parcoursup par catégories de candidats

Source : Rapport CESP 2023, page 28.

Il est à noter que la part des candidats en réorientation est en baisse importante, puisqu’ils ne sont que 163 000 en 2023 ([190]). Cette diminution est de 12 % d’une année sur l’autre, après avoir au contraire augmenté entre 2020 et 2021, pendant la pandémie.

Par ailleurs, un dispositif spécifique a été institué, « Parcours plus », qui permet, lorsqu’un candidat est identifié en reprise d’études, à savoir titulaire d’un baccalauréat de plus de quatre ans, de lui adresser un bref questionnaire dans lequel il renseigne ce qui l’intéresse. Cela permet à la plateforme d’essayer de lui proposer des solutions possiblement en dehors de Parcoursup, telles qu’un bilan de compétences porté par France Compétences, une formation continue portée par l’université et les régions, qui offrent au candidat la possibilité de trouver la réponse la plus adaptée à sa situation.

De nombreuses pistes sont proposées ([191]) pour accompagner les candidats dans leur recherche et les orienter au mieux vers les acteurs de la formation continue ou les sources d’information les plus pertinentes selon les domaines de formation, les types d’établissements, de diplômes.

La proposition n° 11 est en conséquence pleinement mise en œuvre.


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   CONCLUSION

Notre pays fait face à des enjeux écologiques et sociaux importants. Nous ne pourrons pas affronter les défis qui sont devant nous, sans une jeunesse capable d’aller vers les métiers de demain. Dans ce contexte, l’offre de formations et la politique d’orientation sont essentielles. Cette politique d’orientation doit croiser les besoins en qualifications, les souhaits des élèves et l’offre existante en formations.

La politique publique d’orientation des élèves doit donc être un chantier prioritaire de notre pays. Elle doit permettre de lutter contre les déterminismes sociaux.

Or aujourd’hui cette politique est caractérisée par un manque d’objectifs précis et un éclatement des acteurs sans coordination nationale qui se traduit par une dilution des actions menées et des inégalités fortes entre les élèves.

Afin de combattre les inégalités à la racine, il est crucial de fixer des lignes claires, qui définissent les prérogatives de chacun des acteurs et les objectifs de cette politique publique dont l’impact pourra être évalué.

Notre rapport préconise de porter une nouvelle ambition pour la refondation de notre service public d’orientation par la mise en œuvre des propositions suivantes :

1. Se doter d’une politique nationale de l’orientation en définissant des objectifs précis, des moyens et des missions clarifiées pour chacun des acteurs.

2. La création d’un délégué interministériel à l’orientation chargé de la mise en œuvre de la politique publique en lien avec les régions. Il pilotera l’ONISEP, ainsi que les différentes initiatives de l’État pour l’orientation telles que le programme Avenir ou les PIA, et assurera le suivi de la mise en œuvre par les universités des « oui si » afin de les renforcer et les pérenniser.

3. Le renforcement de l’accompagnement à l’orientation avec la mise en place d’un module dédié dans la formation initiale de tous les professeurs et d’une offre de formation continue à l’orientation proposée chaque année aux professeurs principaux, avec une forte incitation pour qu’ils la suivent. L’offre de formation continue doit donc être renforcée sur cette thématique et le remplacement des professeurs assuré le temps de leur formation.

4. Garantir l’effectivité des 54 heures auxquelles tous les élèves ont droit dans tous les établissements, par l’inscription dans les emplois du temps des lycées et la prise en compte dans la Dotation Horaire Globale des établissements.

5. La labélisation des intervenants extérieurs au sein des établissements afin de s’assurer de la qualité des interventions. Ce contrôle a priori doit permettre un accès de ces acteurs aux établissements, en accord avec l’équipe pédagogique, afin de renforcer la découverte des métiers, de l’entreprise et de l’enseignement supérieur.

6. La présence de certains critères dans Parcoursup comme les lettres de motivation ou le lycée d’origine doit être questionnée afin de ne pas renforcer les déterminismes au moment de l’admission dans l’enseignement supérieur.

7. La qualité des formations présentes sur Parcoursup, notamment celles privées hors contrat, doit être mieux contrôlée. Les services de l’État doivent exercer un contrôle strict des formations présentes dans Parcoursup avec exclusion de la plateforme en cas de manquements, soit relevant d’un défaut de déontologie, soit d’une qualité insuffisante des formations.

8. Les filières sélectives doivent être contraintes de classer tous les candidats et ainsi remplir leurs formations au niveau de leurs capacités d’accueil.

9. Les chercheurs doivent pouvoir bénéficier d’un accès plus rapide, plus complet et mieux documenté aux données de Parcoursup et plus généralement aux parcours du collège à l’université, pour mieux comprendre les déterminants de l’échec scolaire.

10. Engager une réflexion sur l’offre de formation avec la mise en place d’une cartographie des filières en tension, qui établisse si ces tensions sont dues à un manque d’offre ou à une trop forte demande et propose donc d’allouer des moyens supplémentaires là où ils font défaut.

 


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   EXAMEN PAR LE COMITÉ

Le Comité a procédé à l’examen du présent rapport d’information lors de sa réunion du mardi 20 juin 2023 et a autorisé sa publication.

Les débats qui ont eu lieu au cours de cette réunion sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13615775_6491999438df1.comite-d-evaluation-et-de-controle-des-politiques-publiques--acces-a-l-enseignement-superieur-20-juin-2023

 


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   ANNEXE N° 1 :
TABLEAU DE SUIVI DES PROPOSITIONS

 

Proposition rejetée ou n’ayant pas fait l’objet d’un début d’application

Proposition ayant fait l’objet d’un avis favorable et d’un début d’application

Proposition appliquée

Proposition n° 1 : Inscrire comme obligatoires dans l’emploi du temps des élèves de lycées les 54 heures annuelles consacrées spécifiquement à l’orientation.

 

 

 

Proposition n° 2 : Charger les recteurs d’académie d’évaluer la mise en œuvre de l’accompagnement à l’orientation dans les établissements.

 

 

 

Proposition n° 3 : Évaluer les compétences des élèves à s’orienter selon un référentiel construit avec les experts et acteurs de terrain.

 

 

 

Proposition n° 4 : Généraliser les modules d’accompagnement à l’orientation dans la formation initiale et continue des enseignants.

 

 

 

Proposition n° 5 : Préparer à l’orientation les élèves dès le collège, par des activités portant sur la connaissance de soi et sur la découverte des filières et des métiers.

 

 

 

Proposition n° 6 : Dès le collège, communiquer aux élèves et aux familles un récapitulatif des interlocuteurs compétents sur les questions d’orientation (psyEN, enseignants, ressources ONISEP, CIO…), avec les modalités de prise de contact.

 

 

 

Proposition n° 7 : Faciliter l’accès des chercheurs aux données brutes collectées par la plateforme Parcoursup.

 

 

 

Proposition n° 8 : Mieux informer les candidats inscrits sur Parcoursup en proposant des vidéos de témoignages d’anciens étudiants et en renseignant systématiquement le taux d’insertion professionnelle sur les fiches des formations.

 

 

 

Proposition n° 9 : Mettre en place un outil d’aide à l’orientation fondé sur l’analyse des classements, afin de permettre aux candidats d’accroître leurs chances d’accéder à la formation de leur choix et de lutter contre l’autocensure.

 

 

 

Proposition n° 10 : Anonymiser le lycée d’origine et lui substituer une mesure de l’écart entre les résultats au baccalauréat et la notation au contrôle continu.

 

 

 

Proposition n° 11 : Prendre en compte les candidats en réorientation et en reprise d’études dans les analyses relatives à la performance de Parcoursup.

 

 

 

Proposition n° 12 : Mettre en place une enquête nationale permettant de mieux évaluer qualitativement les affectations via Parcoursup, en recueillant notamment les préférences relatives des candidats.

 

 

 

Proposition n° 13 : Créer des places supplémentaires en sections de techniciens supérieurs (STS), notamment par redéploiement de moyens résultant de la suppression des places vacantes dans les formations peu prisées.

 

 

 

Proposition n° 14 : Intégrer dans le dialogue de gestion Étatuniversités, sous le contrôle du recteur, une mesure de l’efficacité des dispositifs d’aide à la réussite des étudiants.

 

 

 


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   ANNEXE N° 2 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

1. Auditions :

        Mme Mélanie Caillot et M. Olivier Sidokpohou, inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR), pilotes du rapport « Analyse des vœux et des affectations dans l’enseignement supérieur des bacheliers 2021 après la réforme du lycée général et technologique » (8 décembre 2022)

        Mme Rachel‑Marie Pradeilles‑Duval, cheffe du service de l’instruction publique et de l’action pédagogique, direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, accompagnée de Mme Marie‑Christine Szilas, adjointe au chef du bureau de l’orientation et de la lutte contre le décrochage (8 décembre 2022)

        Mme Laure Vagner-Shaw, cheffe du service de la stratégie des formations et de la vie étudiante, direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP), ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, et M. Jérôme Teillard, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, chef du projet « Réforme de l’accès à l’enseignement supérieur - Parcoursup » (8 décembre 2022)

        M. Gilles Roussel, président du Comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP), président de l’Université Gustave Eiffel (12 janvier 2023)

        M. Alain Fernex, professeur de sciences de l’éducation à l’Université Lumière Lyon 2, directeur de l’Institut des sciences et des pratiques d’éducation et de formation (ISPEF), Mme Alexandra Leyrit, vice-présidente déléguée à la réussite et à la qualité de vie des étudiants de l’Université Jean Monnet Saint-Étienne, et M. Jean-François Giret, directeur de l’Institut de recherche sur l’éducation (Iredu), chargés du projet de recherche « Choix, Orientation, Motivation, Parcours, Accompagnement, Réussite des Etudiants – les étudiants “ Oui, si ” – COMPARE » (12 janvier 2023)

        M. Jean Hubac, chef du service de l’accompagnement des politiques éducatives, adjoint au directeur général de l’enseignement scolaire, et Mme Sandrine Bodin, sous-directrice de l’innovation, de la formation et des ressources, direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse (16 mars 2023)

        Mme Agnès van Zanten, sociologue, directrice de recherche au CNRS, membre du Centre de recherche sur les inégalités sociales (CRIS – Sciences Po) (16 mars 2023)

        Mme Sophie Orange, sociologue, maître de conférences à l’université de Nantes, membre du Centre nantais de sociologie (CENS) et membre junior de l’Institut universitaire de France, et M. Julien Grenet, directeur de recherches au CNRS, professeur associé à l’École d’économie de Paris (PSE), directeur-adjoint de l’Institut des politiques publiques (23 mars 2023)

        Mme Valérie Cabuil, présidente de la conférence des recteurs, rectrice de la région académique des Hauts-de-France et de l’académie de Lille (6 avril 2023)

        Mme Maria Rifqi, professeur en informatique à l’Université de Paris 2, Laboratoire d’économie mathématique et de microéconomie appliquée (LEMMA), chargée du projet LORIET, « La plateforme Parcoursup comme outil au service de la loi ORE selon son efficacité et son équité » (13 avril 2023)

        M. Guillaume Gellé, président de France Universités*, président de l’Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA), accompagné de M. Kévin Neuville, conseiller Relations institutionnelles et parlementaires (13 avril 2023)

        M. Jérôme Teillard, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, chef du projet « Réforme de l’accès à l’enseignement supérieur - Parcoursup », ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (20 avril 2023)

        M. Marc Dedeire, professeur en aménagement de l’espace, université Paul Valéry Montpellier 3, responsable du projet Compas ; Mme Esther Dehoux, maître de conférence en histoire médiévale, vice-présidente de l’université de Lille - Premier cycle, projet « À vous le sup’ » ; Mme Sabine Evrard, maître de conférences en mathématiques, vice‑présidente « Pilotage et qualité des formations, orientation », université de Picardie Jules Verne, cheffe du projet Oser ! ; Mme Camille Fauth, vice‑présidente déléguée « Transition secondaire / supérieur, orientation », université de Strasbourg, projet Noria ; et M. Claude Maranges, directeur du département Formation et Vie étudiante, université de Toulouse, projet Acorda (27 avril 2023)

        Mme Chrystèle Mercier, présidente du groupe L’Étudiant, accompagnée de Mme Ariane Féry, directrice de la rédaction (27 avril 2023)

        Mme Frédérique Alexandre-Bailly, directrice générale de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP) (2 mai 2023)

        Mme Emmanuelle Vignoli, professeur des universités, directrice de l’EPN13 – « Travail, Orientation, Formation, Social » au Centre de recherche sur le travail et le développement (CRTD), coresponsable de l’équipe de recherche « Psychologie de l’orientation » au CNAM (4 mai 2023)

2. Tables rondes :

        M. Louri Chrétienne, président de la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL) ;

        M. Colin Champion, président de la Voix lycéenne ;

        Mme Charlotte Moisan et M. Nathan Weber, co‑secrétaires généraux du Mouvement national lycéen (MNL)*.

        Mme Hania Hamidi, membre du bureau national en charge des affaires universitaires pour l’Union nationale des étudiants de France (UNEF)* ;

        Mme Alissa Fouquet, secrétaire fédérale de Solidaires étudiant-e-s ;

        M. Étienne Matignon, président de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE)*.

        M. Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale (SNPDEN-UNSA) ;

        M. Florian de Trogoff, secrétaire général adjoint et commissaire paritaire national, et Mme Marianne Dodinet, membre du bureau national, Indépendance et Direction (ID-FO) ;

        MM. Yann Massina et Jean-Henri Reynier, représentants du Syndicat général de l’éducation nationale (SGEN-CFDT).

        Mmes Claire Guéville et Corine Tissier, secrétaires nationales de la Fédération syndicale unitaire (FSU) ;

        MM. Olivier Jaulhac et Sébastien Vieille, membres du bureau national du Syndicat national des lycées et collèges de l’école au supérieur (Snalc).

        Mme Patricia Bloch, déléguée régionale académique à l’information et à l’orientation de l’académie d’Île-de-France ;

        M. Olivier Cassar, délégué régional académique à l’information et à l’orientation de l’académie de Provence-Alpes-Côte d’Azur ;

        M. Sébastien Fouchard, délégué régional académique à l’information et à l’orientation de l’académie de Nouvelle-Aquitaine.

        M. Christophe Abraham, secrétaire général de l’Association de parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL), et Mme Hélène Laubignat, élue du bureau national, en charge de l’orientation ;

        Mme Lydie Benay, administratrice de l’Union nationale des associations autonomes de parents d’élèves (UNAAPE) ;

        Mme Catherine Haroutunian, administratrice de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP) en charge de la section PEEP SUP, accompagnée de M. Emmanuel Garot, administrateur ;

        Mme Ghislaine Morvan-Dubois, administratrice nationale de la Fédération des conseils de parents d’élèves de l’enseignement public (FCPE).

        Mme Claire Mazeron, directrice académique des services de l’Éducation nationale de Paris, chargée des lycées et de la liaison avec l’enseignement supérieur, et Mme Virginie Cousin‑Douel, cheffe du service académique d’information et d’orientation ;

        M. Vincent Stanek, directeur académique des services de l’Éducation nationale des Bouches-du-Rhône, et Mme Sandra Fournier, inspectrice de l’Éducation nationale chargée de l’information et de l’orientation ;

        Mme Valentine Tchou, adjointe à la directrice académique des services de l’Éducation nationale de la Gironde, et Mme Lynda Meguenine, inspectrice de l’Éducation nationale chargée de l’information et de l’orientation.

        M. François Bonneau, président du conseil régional de Centre-Val de Loire, vice-président de Régions de France, président de la commission Éducation, orientation, formation et emploi ;

        M. Jean-Louis Nembrini, vice-président du conseil régional de Nouvelle‑Aquitaine, en charge de l’orientation, de l’éducation et de la jeunesse.

        M. Dylan Ayissi, porte-parole du collectif « Une voie pour tous » ;

        M. Axel Benoist, co-secrétaire général du SNUEP-FSU ;

        Mme Adeline Croyère, sous-directrice des lycées et de la formation professionnelle, direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse ;

        M. Martial Martin, président de l’Assemblée des directeurs d’IUT (ADIUT).

        M. Éric de Saint Léger, directeur de l’INSPÉ de l’académie de Versailles, et Mme AnneLise Rotureau, déléguée générale du Réseau des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Réseau des INSPÉ) ;

        M. Christophe Michaut, docteur en sciences de l’éducation, professeur à l’université de Nantes, directeur du Centre de recherche en éducation (CREN) et de l’Observatoire de la réussite universitaire, accompagné de Mme Chloé Pannier, doctorante.

        Mme Annabelle Allouch, maître de conférences en sociologie à l’Université de Picardie Jules Verne, chercheure associée à Sciences Po ;

        M. Jules Donzelot, chercheur associé au Centre Émile Durkheim (EHESS) ;

        M. Cédric Hugrée, chargé de recherche au CNRS.

        M. Christophe Bonnet, secrétaire national du SGEN-CFDT ;

        M. Hervé Christofol, membre du bureau national du SNESUP-FSU ;

        Mme Béatrice Laurent, secrétaire nationale Éducation et culture, et M. Jérôme Giordano, chargé de mission Enseignement supérieur et recherche, UNSA-Éducation ;

        M. Jean-Marc Nicolas, secrétaire général de la CGT FERC-Sup.

 

 

 

* Ces organismes ont procédé à leur enregistrement au répertoire des représentants d’intérêts géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.


([1]) Refonder l’orientation, un enjeu État-régions, rapport de M. Pascal Charvet, juin 2019, page 27.

([2]) Loi n° 2018-166 du 8 mars 2018.

([3]) 96,1 % de réussite au baccalauréat général en 2022, 90,6 % au baccalauréat technologique et 82,3 % au baccalauréat professionnel.

([4]) Assemblée nationale, débat du 12 décembre 2017.

([5]) Telles que de nouvelles activités de découverte des métiers à partir de la classe de cinquième et tout au long du cycle 4 (visites d’entreprises, mini-stages, rencontres avec des professionnels de différents secteurs d’activité), exploitation des ressources conçues par l’ONISEP, les conseils régionaux et les branches professionnelles. La promotion de l’égalité entre les filles et les garçons et la prévention des stéréotypes sociaux ou de genre sont présentées comme centrales de ce point de vue.

([6]) Un nouveau baccalauréat pour contruire le lycée des possibles, rapport de Pierre Mathiot, janvier 2018, page 50.

([7]) Introduit par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.

([8]) Rapport Mathiot, op. cit., page 48.

([9]) Article L. 111-1.

([10]) Article D. 331-23.

([11]) Note de service du 23 août 2021.

([12]) Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, article 47.

([13]) Arrêté du 1er juillet 2015 relatif au parcours Avenir, article 1er.

([14]) Article L. 331-8.

([15]) Arrêté du 1er juillet 2015, article 2.

([16]) Article L. 313-2.

([17]) Article L. 331-24.

([18]) Articles D. 331-31 et D. 331-32.

([19]) Article D. 331-36.

([20]) Article D. 331-38.

([21]) Note de service n° 2018-115 du 26 septembre 2018, DGESCO.

([22]) Accès à l’enseignement supérieur : pour une orientation choisie plutôt que subie, rapport d’information n° 3232 de Mme Nathalie Sarles et M. Régis Juanico, députés, juillet 2020.

([23]) https://eduscol.education.fr/835/l-organisation-territoriale-de-l-orientation

([24]) https://www.education.gouv.fr/reussir-au-lycee/les-lieux-d-information-de-l-orientation-4274

([25]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018.

([26]) Association pour l’emploi des cadres (APEC), Cap emploi, Centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), Centres d’information et d’orientation (CIO), opérateurs du CEP, Pôle emploi, réseau des Missions locales, réseau Information jeunesse, réseau des Structures de proximité emploi-formation (SPEF), Services universitaires d’information, d’orientation et d’insertion professionnelle, Transitions pro.

([27]) Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées.

([28]) https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/01/17/dans-le-sillage-de-parcoursup-la-prosperite-d-un-marche-de-l-anxiete_6158126_4401467.html

([29]) L’orientation : de la quatrième au master, IGÉSR, rapport thématique annuel, 2020.

([30]) Agnès van Zanten, Anne-Claudine Oller et Jessica Pothet ont analysé ce sujet dans Le cadrage ‟enchantéˮ des choix étudiants dans les salons de l’enseignement supérieur, Cereq, « Formations et emplois », 2021/ n° 155, https://journals.openedition.org/formationemploi/9632 ; les auteures y montrent notamment la réception socialement différenciée des messages marchands.

([31]) Agnès van Zanten, Anne-Claudine Oller et Jessica Pothet, ibid.

([32]) Article 421-49-1 du code de l’éducation.

([33]) Circulaire 2018-108 du 10 octobre 2018.

([34]) Rôle du professeur référent de groupe d’élèves.

([35]) Décret n° 2021-954 modifiant les dispositions du code de l’éducation pour définir la fonction de professeur principal et de professeur référent de groupe d’élèves.

([36]) Par ailleurs, selon les précisions apportées par la DGESCO, la répartition des professeurs référents entre enseignants du tronc commun et enseignants de spécialité tend aujourd’hui à s’équilibrer : la première année, seuls 12,3 % des référents étaient enseignants de spécialité, contre 86,8 % d’enseignants du tronc commun. Ils sont respectivement 42,4 % et 48,4 %. Plus rarement, les professeurs référents sont des enseignants volontaires, assurant cette mission indépendamment de leur service.

([37]) Article D. 422-41-1.

([38]) Décret n° 2017-120, article 3.

([39]) Décret n° 2014-940 du 20 août 2014.

([40]) Article L. 123-3 du code de l’éducation.

([41]) Article L. 123-4.

([42]) Article L. 612-2 du code de l’éducation.

([43]) Décret n° 2019-218 du 21 mars 2019 relatif aux nouvelles compétences des régions en matière d’information sur les métiers et les formations.

([44]) « Mise en œuvre des compétences de l’État et des régions en matière d’information et d’orientation pour les publics scolaire, étudiant et apprenti », Bulletin officiel de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, 28 mai 2019.

([45]) Cadre national de référence, article 1er.

([46]) Ibid.

([47]) Régions de France, « Rentrée scolaire 2022 - Les régions engagées pour l’éducation et l’orientation », dossier de presse, 31 août 2022.

([48]) Audition du 23 mars 2023.

([49]) Selon les informations recueillies par les rapporteurs, l’agence ORIANE, créée par la région Île‑de‑France le 1er janvier 2023, comporte 18 ETP.

([50]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([51]) Centre d’animation, de ressources et d’information sur la formation - Observatoire régional de l’emploi et de la formation.

([52]) Vers une République de la confiance, Le livre blanc des régions, Régions de France, mars 2022.

([53]) Audition du 6 avril 2023.

([54]) Table ronde du 27 avril 2023 ; voir infra.

([55]) Audition du 12 janvier 2023.

([56]) Audition du 8 décembre 2022.

([57]) Mélanie Caillot et Olivier Sidokpohou, Analyse des vœux et affectations dans l’enseignement supérieur des bacheliers 2021 après la réforme du lycée général et technologique, rapport n° 2022-004, janvier 2022, page 61.

([58]) Audition du 26 janvier 2023.

([59]) Audition du 26 janvier 2023.

([60]) MESRI, MENJ, Conférence des présidents d’université, Conférence des grandes écoles, Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs et Association des proviseurs de lycées à classes préparatoires aux grandes écoles.

([61]) L’orientation : de la quatrième au master, IGÉSR, rapport thématique annuel, 2020.

([62]) Sachant par ailleurs que la moitié des EPLE n’ont pas formalisé de projet d’établissement ; « Mobiliser la communauté éducative autour du projet d’établissement », Cour des comptes, rapport public thématique, janvier 2023.

([63]) Préambule.

([64]) À l’exception notable de l’APEL pour laquelle, dans les établissements de l’enseignement privé, les choses se passent bien, qui montrent que cela n’est pas impossible.

([65]) Pour mémoire, aux termes de l’article D. 422-2 du code de l’éducation : « Les collèges et les lycées (…) disposent en matière pédagogique et éducative d’une autonomie qui porte sur : 1° L’organisation de l’établissement en classes et en groupes d’élèves ainsi que les modalités de répartition des élèves ; 2° L’emploi des dotations en heures d’enseignement mises à la disposition de l’établissement dans le respect des obligations résultant des horaires réglementaires ; 3° L’organisation du temps scolaire et les modalités de la vie scolaire, sous réserve des dispositions de l’article D. 422-2-1 ; 4° La préparation de l’orientation ainsi que de l’insertion sociale et professionnelle des élèves ; 5° La définition, compte tenu des schémas régionaux de formation, des actions de formation complémentaire et de formation continue destinées aux jeunes et aux adultes ; 6° L’ouverture de l’établissement sur son environnement social, culturel, économique ; 7° Le choix de sujets d’études spécifiques à l’établissement, en particulier pour compléter ceux qui figurent aux programmes nationaux ; 8° Sous réserve de l’accord des familles pour les élèves mineurs, les activités facultatives qui concourent à l’action éducative organisées à l’initiative de l’établissement à l’intention des élèves. »

([66]) Audition du 30 mars 2023.

([67]) Audition du 8 décembre 2022.

([68]) Contribution écrite.

([69]) 5 541 établissements ont répondu à l’enquête, soit 49 % du total.

([70]) Le cadrage ‟enchantéˮ des choix étudiants dans les salons de l’enseignement supérieur, op. cit., page 89.

([71]) Elles sont en très net recul par rapport au sondage de septembre 2020, où près des deux tiers des élèves déclaraient avoir été accompagnés, soit à leur demande (29 %), soit à des moments convenus avec l’établissement (34 %), malgré le contexte sanitaire et la fermeture des établissements.

([72]) https://www.education.gouv.fr/media/19664/download

([73]) Liste non exhaustive.

([74]) https://www.education.gouv.fr/media/19667/download

([75]) Voir supra.

([76]) https://media.devenirenseignant.gouv.fr/file/Mediatheque/38/7/CADRE_GENERAL-Annexe_refeerentiel_formation_-_MEEF_post_CT_du_28032019_1152387.pdf

([77]) https://media.devenirenseignant.gouv.fr/file/Mediatheque/85/1/prof_colleges_lycees-Annexe_referentiel_formation_-_MEEF_post_CT_1151851.pdf

([78]) Article L. 313-1 du code de l’éducation.

([79]) Article L. 313-1.

([80]) Audition du 16 mars 2023.

([81]) Ceux du premier degré n’étant pas concernés.

([82]) Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation.

([83]) Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation.

([84]) Audition du 30 mars 2023.

([85]) Conduit avec les trois universités du territoire ligérien, le rectorat de l’académie de Nantes et la région, en lien avec le CARIF-OREF, « Étoile » est l’un des projets des « Territoires d’innovation pédagogiques », développés grâce aux financements du PIA 3. Il vise spécifiquement à accroître l’éducation à l’orientation et à adapter la politique nationale en matière d’orientation aux besoins plus locaux du territoire, via un ensemble d’actions et de formations à destination des équipes pédagogiques et des lycéens sur l’ensemble du territoire, pour tenter de lever les inégalités en matière d’orientation et favoriser des projets d’orientation éclairés vers le supérieur.

([86]) Audition du 30 mars 2023.

([87]) https://www.lemonde.fr/education/article/2022/06/01/des-enseignants-contractuels-pour-pallier-le-manque-de-candidats-aux-concours_6128474_1473685.html

([88]) L’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE), attribuée aux professeurs exerçant dans le second degré. Elle se compose d’une part fixe liée à l’exercice des fonctions d’enseignant et d’une part variable liée à l’exercice des fonctions de professeur principal. Le montant de la part fixe s’élève à 101 € bruts mensuels. Le montant de la part variable, qui dépend du corps, du cycle et de la division encadrée, s’élève de 75 € bruts mensuels à 134 € bruts mensuels.

([89]) Par ailleurs, le maillage territorial des CIO semble également insuffisant, notamment en zone rurale, pour permettre aux élèves et aux familles d’y avoir accès aisément. Les syndicats estiment que le nombre de CIO devrait être du triple pour éviter à certaines familles de faire 60 à 80 km pour s’y rendre.

([90]) Audition du 4 mai 2023.

([91]) Article L. 124-3-1 du code de l’éducation.

([92]) Audition du 2 mai 2023.

([93]) Avec 155 ETP de moins, l’ONISEP n’a plus eu que 95 ETP répartis dans 30 académies.

([94]) Folios est le support numérique des parcours éducatifs instaurés par la loi d’orientation et de programmation de juillet 2013 : le parcours d’éducation artistique et culturelle (PEAC), le parcours citoyen, le parcours éducatif de santé et le parcours Avenir, qui accompagnent les élèves jusqu’en terminale (CAP ou bac). Folios vise à valoriser les expériences et compétences scolaires et extrascolaires des élèves et à leur permettre de s’approprier leur propre parcours, d’en garder une traçabilité dans le temps et de développer une forme d’autonomie dans leurs apprentissages.

([95]) Audition du 2 mai 2023.

([96]) Audition du 23 mars 2023.

([97]) Au total, selon les données de Régions de France, la compensation versée par l’État est à peine supérieure à 8 M€ quand le total des dépenses que les régions engagent au titre de cette mission frôle les 86 M€.

([98]) Audition du 6 avril 2023.

([99]) Audition du 27 avril 2023.

([100]) L’état de l’école, 2022.

([101]) Audition du 23 mars 2023.

([102]) Ibid., page 75.

([103]) Audition du 27 avril 2023.

([104]) « Le parcours et les aspirations des élèves selon les territoires », Claudine Pirus, DEPP, in Éducation et formations, n° 102, juin 2021, page 353.

([105]) « Les inégalités territoriales en matière de résultats et de parcours scolaires, variations selon le contexte régional, local et le type de territoire », Fabrice Murat, DEPP-MENJ, sous-direction des évaluations et de la performance scolaire, Géographie de l’école, 2021.

([106]) Audition du 6 avril 2023.

([107]) Audition du 9 mars 2023.

([108]) En particulier à Paris, précisait-elle, où les trois voies (générale, technologique et professionnelle) sont extrêmement hiérarchisées par les familles.

([109]) Table ronde du 30 mars 2023.

([110]) « Quelques éléments sur l’opinion des Français sur l’orientation des jeunes selon leur genre et l’éducation à la vie affective et sexuelle », Enquête Conditions de vie et aspirations, terrain mené en janvier 2020, Manon Coulange et Sandra Hoibian, Centre de recherches pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CRÉDOC).

([111]) Audition du 23 mars 2023.

([112]) Sciences et techniques des activités physiques et sportives.

([113]) Audition du 13 avril 2023.

([114]) Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur, débat à l’Assemblée nationale, 4 avril 2023.

([115]) DEPP, note d’information n° 22-19, juin 2022.

([116]) Littérature, langues et cultures de l’antiquité.

([117]) Humanités, littérature et philosophie.

([118]) Langues, littératures et cultures étrangères et régionales.

([119]) DEPP, note d’information n° 23-06, mars 2023.

([120]) PLF 2023, programme 141, enseignement scolaire public du second degré, page 88.

([121]) Cela étant, dans la mesure où il s’agit d’un dispositif parmi d’autres, il serait par nature très difficile d’en isoler l’impact propre.

([122]) Selon la formule d’Annabelle Allouch.

([123]) « Les cordées de la réussite, intentions et effets d’un dispositif pour l’égalité des chances, enquête dans l’académie de Strasbourg », Sophie Kennel, in « Éducation et socialisation », n° 58, 2020 ; https://journals.openedition.org/edso/13002

([124]) Auditions du 8 décembre 2022.

([125]) https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2022-09/bilan-de-la-proc-dure-d-admission-2022-24379_0.pdf

([126]) « Parcoursup 2022 : les propositions d’admission dans l’enseignement supérieur », note flash du SIES, n° 2022, octobre 2022.

([127]) Voir encadré, infra.

([128]) Le tableau de bord Parcoursup, actualisé quotidiennement et automatiquement du 1er juin au 8 juillet, permet de suivre l’évolution de la situation des candidats qui ont au moins confirmé un vœu sur Parcoursup. Il présente les données détaillées pour : les lycéens en terminale scolarisés en France ou préparant le baccalauréat français dans un lycée français à l’étranger ; les étudiants en réorientation ou en remise à niveau scolarisés en France ; les candidats (lycéens ou étudiants de nationalité française, d’un autre pays de l’Union européenne ou d’un pays hors de l’Union européenne) scolarisés à l’étranger en dehors des établissements français. Parmi ceux-ci, les candidats non-européens représentent près de 79 %, les candidats européens (hors nationalité française) 7 % et les lycéens et étudiants français près de 14 %. Pour rappel : les candidats non-européens scolarisés à l’étranger (hors lycée français à l’étranger) font leurs demandes de licence via la procédure Campus France. Ils utilisent la procédure Parcoursup uniquement pour candidater dans des formations sélectives (classes prépas, STS, écoles...). Ce tableau de bord ne fait pas état de la situation des candidats en « reprise d’études » dont l’accompagnement est prévu en lien avec le ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion ainsi que les partenaires de la formation professionnelle associés dans le cadre du module Parcours+ afin, le cas échéant, de leur proposer des formations et des services adaptés à leur profil et à leur projet.

([129]) SIES, « Parcoursup, les vœux des lycéens à l’entrée dans l’enseignement supérieur », note flash n° 5, mai 2023.

([130]) Article L. 612-3-V du code de l’éducation ; voir, supra, la présentation du dispositif.

([131]) Article 1er de la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018.

([132]) Rapport du CESP février 2022.

([133]) CESP, rapport 2022, page 37.

([134]) Julien Grenet, « les algorithmes d’affectation dans le système éducatif français », in Comment ça matche, Presses de Science Po, 2022, page 55.

([135])  « Les boursiers sur critères sociaux en 2021-2022 », note flash du SIES, n° 23, septembre 2022.

([136]) « Étudiants inscrits en DUT/BUT en 2021-2022, SIES, note flash n° 13, juin 2022.

([137]) Communiquées aux rapporteurs par M. Jérôme Teillard.

([138]) Système d’information et d’études statistiques, ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

([139]) « La mobilité géographique à l’entrée dans l’enseignement supérieur », note d’information du SIES n° 2023‑03, mars 2023.

([140]) Assemblée nationale, débat du 12 décembre 2017.

([141]) On relèvera toutefois l’évolution orientée à la baisse de ces taux : 75 % et 72 % pour la compréhension des critères en 2020 et 2021 ; 65 % (2020) et 60 % (2021) pour l’évaluation des chances de succès.

([142]) Audition du 23 mars 2023.

([143]) Audition du 23 mars 2023.

([144]) Audition du 27 avril 2023.

([145]) Audition du 4 mai 2023.

([146]) Table ronde du 26 janvier 2023.

([147]) https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/05/10/face-a-la-pression-scolaire-des-lyceens-en-burn-out_6125402_3224.html

([148]) Comment ça matche, op. cit., page 51.

([149]) Table ronde du 15 décembre 2022.

([150]) Audition du 12 janvier 2023.

([151]) CESP, 5e rapport annuel au Parlement, février 2023, page 16.

([152]) https://www.parcoursup.fr/index.php?desc=vrai_du_faux

([153]) Table ronde du 6 avril 2023.

([154]) Enquête dans les coulisses des commissions d’examen des vœux, Le Monde, 23 mai 2023.

([155]) Audition du 13 avril 2023.

([156]) CESP, 5e rapport annuel au Parlement, page 15.

([157]) Ainsi, selon le Conseil d’analyse économique, le niveau d’inégalité d’accès à l’enseignement supérieur en France serait notamment similaire à celui observé aux États-Unis, alors même que les contextes institutionnels sont très différents ; « Enseignement supérieur : pour un investissement plus juste et plus efficace », Gabrielle Fack et Élise Huillery, Les notes du conseil d’analyse économique, n° 68, décembre 2021.

([158]) Refonder l’orientation, un enjeu État-régions, op. cit., rapport de M. Pascal Charvet, juin 2019, page 4.

([159]) Assemblée nationale, débat du 11 juin 2018.

([160]) Audition du 27 avril 2023.

([161]) Table ronde du 27 avril 2022 ; voir infra.

([162]) https://www.onisep.fr/Choisir-mes-etudes/au-lycee-au-cfa/Actus-2021/secondes-premieres-2022-2023-pour-construire-son-avenir-au-lycee

([163]) https://www.onisep.fr/Choisir-mes-etudes/college/nouvelle-voie-pro-5-etapes-pour-reussir-en-voie-professionnelle

([164]) https://www.cordeesdelareussite.fr/

([165]) https://www.horizons21.fr/

([166]) Audition du 2 mai 2023.

([167]) Voir infra.

([168]) Table ronde du 27 avril 2023.

([169]) Laboratoire de psychologie et d’ergonomie appliquées de l’université de Paris Cité.

([170]) Communication de Mme Sylvie Charrière et M. Frédéric Reiss, rapporteurs, 23 février 2022.

([171]) IGÉSR, op. cit., page 190.

([172]) Voir supra.

([173]) Circulaire du 11 février 2022.

([174]) Il s’agit de former des animateurs de réseaux, IEN, Drafpic, Dava…

([175]) Activation du développement vocationnel et personnel.

([176])  https://www.afpen.fr/wp-content/uploads/2011/02/pdf_resume_doc_ESPIL3.pdf

([177]) https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2019/10/cp_aap_mooc_numeriques_vague_2_20191022_002.pdf

([178]) M. Gilles Roussel indiquait aux rapporteurs n’avoir pas d’élément particulier à ce propos, le CESP n’ayant pas spécifiquement étudié le sujet, mais Mme Sylvie Retailleau soutenait récemment que tel n’était pas le cas et que les lettres étaient souvent étudiées.

([179]) https://eduscol.education.fr/document/47282/download?attachment

([180]) Un échantillon de 80 établissements a été contrôlé.

([181]) Projet COMPARE (« Choix, Orientation, Motivation, Parcours, Accompagnement, Réussite des Étudiants – Les Étudiants « Oui, si » : examen de la modalité " oui, si ", publics concernés, mise en œuvre et effet »), l’Université Jean Monnet de Saint‑Étienne, Université de Lyon II et IREDU ; projet LORIET, « La plateforme Parcoursup comme outil au service de la loi ORE selon son efficacité et son équité », LEMMA, Paris II ; Projet EMO-Orient « L’impact émotionnel de Parcoursup sur les conduites d’orientation », CRTD/CNAM.

([182]) Loi n° 2020-1674, insérant cet alinéa au sein de l’article L. 612-3 du code de l’éducation.

([183]) Audition du 16 mars 2023.

([184]) CESP, rapport 2020, page 24.

([185]) Article L. 612-3-I. du code de l’éducation.

([186]) Assemblée nationale, 12 décembre 2017.

([187]) Audition du 12 janvier 2023 de Mme Alexandra Leyrit, maître de conférences en science de l’éducation, vice-présidente déléguée de l’université Jean Monnet (Saint-Etienne), M. Alain Fernex, professeur de sciences de l’éducation, université Lumière Lyon 2, et M. Jean-François Giret, directeur de l’Institut de recherche sur l’éducation (IREDU), université de Bourgogne, Dijon, co-responsables du projet « Choix, Orientation, Motivation, Parcours, Accompagnement, Réussite des Étudiants (COMPARE) - Les Étudiants "Oui, si".

([188]) Audition du 13 avril 2023.

([189]) Dans son premier rapport, le CESP faisait remarquer à ce propos que « la promotion de l’innovation pédagogique, telle que contenue dans le ‟oui siˮ, soulève la question de la pérennité du financement de ce type de dispositif, essentiel pour assurer l’égalité des chances, mais s’inscrivant dans un contexte de ressources publiques rares. »

([190]) M. Jérôme Teillard précise que, en 2022, les candidats en réorientation en phase principale étaient 186 000, le chiffre de 204 000 indiqué dans le rapport du CESP tenant compte des inscription ultérieures, intervenues en phase complémentaire.

([191]) https://dossier.parcoursup.fr/Candidat/parcoursplus-info