N° 1502

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juillet 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

au nom de la dÉlÉgation aux outre-MER

 

sur l’autonomie alimentaire des outre-mer

 

PAR

M. MARC LE FUR ET Mme ESTELLE YOUSSOUFFA,

 

 

Députés

 

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

premiÈre partie : Des outre-mer encore trop dÉpendants des importations alimentaires

I. une dÉpendance alimentaire qui s’est gÉnÉralisÉe

A. les outre-mer sont pourtant des terres fertiles

1. Des conditions physiques et climatiques idéales

2. Des territoires qui, jadis, nourrissaient la « métropole »

B. Des territoires devenus importateurs alimentaires

1. Un tournant pris à la fin du vingtième siècle

2. Un changement radical en une génération

3. Une évolution des habitudes alimentaires

C. contraintes territoriales et spÉcificitÉs locales

1. Des territoires isolés et souvent de tailles réduites

2. Un modèle basé sur des exportations « historiques »

3. Une diversité de territoires et de situations

II. La deuxiÈme ZEE au monde importe 70 % de son poisson

A. les outre-mer sous-exploitent les ocÉans

1. Une pêche trop artisanale

2. Des habitudes alimentaires inadaptées

3. Il est impératif de former les jeunes

B. La nÉcessitÉ de renouveler les flottilles de pÊche

1. Les inconvénients d’une flotte vieillissante

2. 2022 : feu vert et financement de l’Union européenne

3. Les difficultés de mise en œuvre

4. 2023 : une fin de non-recevoir de la part de l’Union européenne

5. Les contradictions de l’Union européennes en matière de pêche

deuxiÈme partie : les situations opposÉes des Îles de l’ocÉan indien

I. Une agriculture diversifiÉe et performante à la RÉunion

A. Des conditions favorables

1. Un département aux caractéristiques proches de la moyenne nationale

2. Une forte capacité à produire localement

3. Le cas particulier du riz, aliment de base essentiellement importé

4. Des flux d’importations qui restent importants

B. Les difficultÉs auxquelles se heurte la RÉunion

1. Le manque de main d’œuvre et de foncier brident l’agriculture

2. Peu de structures coopératives et des banques frileuses

3. La concurrence des produits dits « de dégagement »

4. Les difficultés d’accès aux herbicides, insecticides et fongicides

C. La protection du pouvoir d’achat des rÉunionnais

1. Une île pionnière en matière de Bouclier qualité prix (BQP)

2. Un dispositif reconnu comme efficace

3. Le rôle ambigu de l’octroi de mer

D. La pÊche

1. Un secteur trop artisanal

2. Une flotte vieillissante difficile à renouveler

3. Une activité pourtant capable d’exporter

II. Mayotte, une terre Fertile confrontÉe À des handicaps

A. Une agriculture vivriÈre ÉmiettÉe

1. De petites surfaces pour des agriculteurs pauvres et peu formés

2. Un mode de distribution qui échappe aux statistiques

B. Les contraintEs liÉes À l’afflux migratoire

1. Un contexte défavorable

2. L’insécurité : une obsession et une réalité

C. Des difficultÉs structurelles

1. Le défi de trouver des financements pour s’installer

2. Des produits parfois dangereux à consommer

3. L’eau commence à manquer à Mayotte

4. Des aides et subventions agricoles non entièrement consommées

5. Les déficiences du Bouclier qualité prix (BQP) mahorais

D. Un rapport À la mer contrariÉ

1. Une desserte maritime largement perfectible

2. Un port à moderniser pour répondre aux enjeux de développement

3. La problématique du renouvellement de la flotte de pêche

4. Le potentiel halieutique doit être exploité par les Mahorais

5. La pêche illégale à Mayotte

E. Une forte dÉpendance aux importations

1. Des importations de légumes qui ne fléchissent pas

2. Le riz : un produit de base bénéficiant d’une certaine stabilité

3. Les importations de fruits : une hausse prodigieuse

4. Les importations de viande : une hausse suivie d’une stabilisation

5. Au bilan, des taux de couverture inégaux et assez faibles

troisiÈme partie : Les antilles

I. LA GUADELOUPE

A. Un secteur agricole en manque de dynamisme

1. Le vieillissement des chefs d’exploitation

2. Des jeunes agriculteurs de moins en moins nombreux

3. Un secteur de la pêche vieillissant et peu attractif

4. Un territoire contraignant pour la production agricole

B. Les contraintes qui favorisent l’importation

1. Une place prépondérante de la canne à sucre

2. Les aides du POSEI ne favorisent pas la diversification

3. Des taux de couverture intermédiaires et homogènes

4. Une demande pour les produits importés plus forte

5. Un déficit commercial lié aux exportations et aux habitudes alimentaires

II. LA MARTINIQUE

A. une agriculture vieillissante

1. Le vieillissement de la population

2. Une pêche quasiment à l’abandon

3. L’élevage en forte régression

4. Des contraintes géophysiques sur la production agricole

B. un recours grandissant aux importations

1. Des taux de couverture contrastés selon les produits

2. Le déficit de la balance commerciale

3. Un secteur agro-alimentaire parmi les plus dynamiques des outre-mer

4. Des aides concentrées sur les cultures d’exploitation

III. Saint-Martin

A. Un secteur agricole qui a pÉriclitÉ

1. Une chute importante du nombre d’exploitations

2. Les obstacles structurels à la stabilité du secteur agricole

3. L’élevage : une filière centrale mais dont l’activité diminue

B. L’absence d’une véritable filière pÊche

IV. Saint-barthÉlemy

A. Une agriculture trÈs limitÉe

1. Une augmentation limitée mais réelle du nombre d’exploitations

2. Un manque d’eau préjudiciable

3. Une volonté de la collectivité de développer l’agriculture

B. la pÊche : une activitÉ en pleine structuration

1. Une filière qui retrouve un certain dynamisme

2. L’aide attendue de la collectivité

quatriÈme partie : LA situation contrastÉe des territoires du pacifique

I. La nouvelle CalÉdonie

A. des conditions favorables À l’agriculture

1. Un grand dynamisme agricole

2. Les avantages d’une grande décentralisation

3. Une pêche performante

B. Des freins au dÉveloppement de l’agriculture

1. Un paradoxal manque de foncier

2. Les rares terres disponibles sont très convoitées

C. un taux de couverture variable

1. Les résultats disparates de l’élevage

2. Une marge de progression pour les fruits et légumes

3. Une faible production de céréales malgré un plan volontariste

II. Wallis et Futuna

A. des terres d’importation plus que de production

1. Une très grande dépendance aux produits importés

2. Une terre très fertile mais peu cultivée

3. Les spécificités de l’élevage porcin

B. Une ressource halieutique exploitÉe par d’autres

1. Une pêche artisanale qui pourrait être développée

2. Une zone maritime qui doit être mieux contrôlée

3. Les contraintes liées à la desserte maritime de l’archipel

C. un enjeu de santÉ publique

III. La polynÉsie française

A. Une production alimentaire locale insuffisante

1. Malgré une autoconsommation non négligeable, la Polynésie dépend des importations

2. Une pêche plus active que dans d’autres territoires

3. Des nuances à apporter selon les archipels

4. Des sources d’approvisionnement diversifiées

5. Une desserte maritime globalement satisfaisante

B. L’abandon de l’alimentation traditionnelle

1. L’évolution des habitudes alimentaires

2. Le développement des pathologies liées à l’obésité

C. Les difficultÉs d’installation des jeunes agriculteurs

1. Des tensions perceptibles sur le foncier en Polynésie

2. Une formation et un accompagnement encore insuffisants

3. Une filière bio très limitée

4. Les agriculteurs Polynésiens moins aidés que d’autres

D. Un plan volontariste du gouvernement local

1. Un schéma directeur agricole 2021-2030 ambitieux

2. Le développement de la filière halieutique

3. Une autonomie avantageuse

cinquiÈme partie : les cas particuliers de la Guyane et de Saint-Pierre-et-miquelon

I. La guyane

A. Une grande dÉpendance aux importations

1. Une tendance générale à la dépendance aux importations

2. Des importations de viande en constante augmentation

3. Une forte hausse de la demande de légumineuses

4. Une demande de fruits en augmentation depuis 2009

5. Des fluctuations importantes pour la demande de céréales

B. Un important potentiel agricole

1. Un dynamisme démographique

2. Un territoire ayant un important foncier inexploité

3. L’urbanisation favorise la consommation de produits importés

C. Une marge de progression en matiÈre de pÊche

1. Des efforts en cours pour renouveler la flotte de pêche

2. La nécessaire lutte contre la pêche clandestine

II. SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON

A. Une activitÉ agricole encore trop faible

1. Des conditions climatiques défavorables

2. Une production maraîchère en augmentation ces dernières années

B. Une Économie largement importatrice

1. Des exportations dépendantes des campagnes de pêche

2. Une filière « viandes » marquée par les importations

3. Un taux de couverture évolutif pour les cultures maraîchères

C. une richesse halieutique sous-exploitÉe

1. Une contraction historique de la pêche industrielle

2. Une ressource pourtant importante

sixiÈme partie : les pistes de rÉflexion de la mission d’information

I. l’agriculture ultramarine : de la terre et des hommes

1. Un sujet récurrent : le manque de foncier

2. Valoriser la ressource humaine de l’agriculture ultramarine

II. Les contraintes matÉrielles À surmonter

1. La question des produits phytosanitaires

2. Le nécessaire renouvellement des flottilles de pêche

III. Autonomie alimentaire et vie chÈre : deux sujets connexes

1. Les importations contribuent-elles à la cherté de la vie ?

2. Les marchés étroits ne permettent pas les économies d’échelle

IV. rÉcapitulatif des prÉconisations des rapporteurs

1. Évolutions culturelles et structurelles

2. Quelques pistes spécifiques à Mayotte

3. Rétablir l’équité en matière phytosanitaire

4. Protéger les ZEE et favoriser la pêche

Examen par la dÉlÉgation

ANNEXES

I. liste des auditions

iI. contributions

 


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 INTRODUCTION 

La souveraineté de la France sur les outre-mer s’exerce d’abord au travers de la souveraineté alimentaire. Nourrir les populations ultramarines est la première mission que doit s’assigner notre pays ; les Nations Unies elles-mêmes considèrent la sécurité alimentaire des territoires comme une priorité.

Dans l’ordre du monde qui régnait avant le covid et avant la guerre en Ukraine, le sujet alimentaire ne se posait pas. Il était admis que l’économie mondialisée, avec ses flux logistiques permanents, ses porte-conteneurs et ses avions cargos, permettrait de pourvoir au ravitaillement des outre-mer.

Mais les désordres internationaux issus de la crise sanitaire mondiale ont modifié l’appréciation de la situation : les gouvernements ont vu des routes logistiques coupées, un trafic maritime fortement perturbé et des pénuries que l’on croyait impossibles apparaître. Certains produits ont manqué.

C’est ainsi que la marine nationale a été mise à contribution d’une manière exceptionnelle. Des porte-hélicoptères d’assaut de type Mistral ont ravitaillé les outre-mer face aux carences d’un secteur privé entravé par le covid et la désorganisation des flux logistiques.

Plus récemment, un conflit militaire pourtant localisé dans l’est de l’Ukraine a mis en évidence d’autres fragilités des chaînes logistiques : non seulement l’interruption – heureusement temporaire – des exportations de céréales ukrainiennes a menacé de famine des populations défavorisées d’Afrique, mais la cessation des exportations de gaz russe a également fragilisé une partie de la production alimentaire, le gaz étant indispensable à la production d’engrais azotés.

Par ailleurs, la recherche de la sécurité alimentaire, davantage que celle de l’autosuffisance, n’a pas que des vertus logistiques : il s’agit aussi de rapprocher les régimes alimentaires ultramarins des productions locales et de tenter de s’affranchir d’une consommation mondialisée ultra transformée et très riche en calories, rarement adaptée aux besoins et aux climats des territoires ultramarins, principalement tropicaux ou équatoriaux. L’espérance de vie en outre-mer est déjà inférieure à celle enregistrée en moyenne nationale. La santé des populations ultramarines, très concernées par les problèmes de surpoids et les maladies qui en découlent, ne pourrait que bénéficier d’une plus grande consommation de produits locaux.

Ces raisons ont poussé les autorités politiques françaises à promouvoir la recherche d’une autonomie alimentaire des outre-mer dans le but de sécuriser l’alimentation de leurs habitants en cas de nouvelles perturbations logistiques et de gagner en indépendance, même si une autosuffisance totale peut paraître illusoire.

Dès 2019, lors d’un déplacement à La Réunion, le président de la République, M. Emmanuel Macron, a fixé l’objectif de rapprocher les collectivités ultramarines de l’autosuffisance alimentaire ; le message a d’autant plus été compris et relayé par les élus locaux que, peu après, une crise sanitaire et une guerre ont perturbé les approvisionnements.

Paradoxalement, la politique agricole commune (PAC) a toujours eu pour objectif de réduire la production agricole européenne, considérée comme trop abondante. Dans les outre-mer, le sujet est diamétralement opposé : le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) est un outil qui met à la disposition de ces régions ultrapériphériques (RUP) les aides européennes destinées à augmenter la production et à structurer les filières. L’Europe produit trop, ses outre-mer pas assez…

À l’automne 2022, la Délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale a décidé de confier une mission d’information sur ce sujet à deux de ses membres : un député de la France hexagonale (M. Marc Le Fur, Côte d’Armor, LR) et une députée ultramarine (Mme Estelle Youssouffa, Mayotte, LIOT). Les deux rapporteurs ont mené dix-huit auditions à Paris et plusieurs dizaines dans les outre-mer, ce qui les a conduits à rencontrer plus d’une centaine de spécialistes, dont de nombreux exploitants agricoles.

Ils ont effectué deux déplacements en outre-mer qui les ont amenés sur quatre territoires différents : La Réunion, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna. Les territoires qui n’ont pas pu être visités ont fait l’objet, pour la plupart, d’auditions en visioconférence.

C’est le résultat de ces travaux que présente le rapport. Son objet est avant tout de dresser un état des lieux de la dépendance des territoires ultramarins aux importations, mais aussi de proposer un nombre raisonnable de pistes de réflexions réalistes sur un sujet d’une importance hautement stratégique qui touche à la subsistance même de certains territoires.

 


premiÈre partie : Des outre-mer encore trop dÉpendants des importations alimentaires

Les populations ultramarines devraient être 2,54 millions en 2035, ce qui devrait nécessiter une augmentation annuelle du nombre de repas de près de 300 millions par an. Si les territoires n’ont pas tous la même dynamique démographique – avec des populations jeunes et en augmentation à Mayotte et en Guyane et vieillissantes et en diminution aux Antilles – ils se caractérisent par une augmentation de la restauration hors domicile, liée à l’essor de l’urbanisation et de son mode de vie intense.

I.   une dÉpendance alimentaire qui s’est gÉnÉralisÉe

Terres incontestablement fertiles pour la plupart, les outre-mer qui nourrissaient jadis la « métropole » à l’époque coloniale ont basculé dans une fâcheuse dépendance aux importations à la fin du vingtième siècle, lorsque les habitudes alimentaires ont évolué vers une uniformisation, du fait de la mondialisation.

Le relatif désintérêt des ultramarins pour les activités halieutiques ont rendu les outre-mer, tous baignés de mers ou d’océans poissonneux, grandement dépendants des importations de poissons et de fruits de mer.

A.   les outre-mer sont pourtant des terres fertiles

1.   Des conditions physiques et climatiques idéales

Les territoires d’outre-mer possèdent des caractéristiques géographiques particulièrement propices à l’agriculture et à la pêche avec, pour la plupart d’entre eux, un climat tropical ou subtropical humide, souvent des terres volcaniques très fertiles et de vastes surfaces maritimes. À eux seuls, les cinq départements d’outre-mer comptabilisent 26 000 exploitations agricoles, représentant un potentiel agricole certain ; en outre, la France dispose de la seconde Zone Économique Exclusive (ZEE) mondiale, c’est-à-dire de la surface maritime sur laquelle un État souverain dispose de l’exclusivité de l’exploitation des ressources.

Malgré ce potentiel indéniable et en dépit d’un phénomène d’autoconsommation difficile à mesurer, les outre-mer sont non seulement loin de l’autonomie alimentaire mais semblent s’en éloigner, : le taux moyen de dépendance aux importations alimentaires de ces territoires augmente régulièrement, passant de 54 % en 1995 à 71 % en 2011, alors que l’une des raisons d’être de la politique agricole commune européenne – à laquelle émargent les départements ultramarins – consiste à réduire la dépendance alimentaire. Le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) est un outil qui met à la disposition de ces régions ultrapériphériques (RUF) les aides européennes et nationales destinées au secteur agricole.

Le POSEI

Le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) est l’outil de mise à disposition des aides européennes et nationales au secteur agricole pour toutes les régions ultrapériphériques (RUP). Il vise globalement à améliorer la compétitivité économique et technique des filières agricoles ultramarines.

Le statut de RUP, défini à l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, a permis la création d’outils adaptés à la situation particulière des outre-mer. Le POSEI répond à des problématiques telles que la faible superficie exploitable, le relief et le climat, les facteurs structurels handicapants pour le développement des filières agricoles ultramarines.

Le POSEI se décline en deux volets :

- les mesures en faveur des productions agricoles locales (MFPAL) regroupent les aides aux filières dites « traditionnelles » (banane, canne/sucre/rhum) ainsi que les aides à la diversification végétale et à l’alimentation animale ;

- le régime spécifique d’approvisionnement (RSA) consiste en une aide à l’importation d’intrants nécessaires au bon fonctionnement et développement des filières agricoles (engrais par exemple). Ce volet est le corollaire du premier.

Le POSEI est doté d’une enveloppe annuelle de 320 millions d’euros environ pour les outre-mer français. Il finance des opérations visant à stimuler et professionnaliser la production, structurer les filières, maintenir et améliorer le niveau de vie des producteurs.

Contrairement à la Politique agricole commune (PAC) qui a pour objectif de réduire les surproductions enregistrées dans plusieurs secteurs au sein de l’Union européenne, le POSEI a pour double ambition de développer quantitativement la production agricole dans les RUP et de structurer les filières de commercialisation.

2.   Des territoires qui, jadis, nourrissaient la « métropole »

Pendant longtemps, les outre-mer ont nourri l’hexagone que l’on appelait alors « métropole ». L’Atlas colonial publié par l’Illustration en 1938 évoque, au sujet de la Polynésie, « un sol d’une fécondité prodigieuse » (p. 280).

Ce même ouvrage souligne que « le climat de Nouvelle-Calédonie est favorable aussi bien aux cultures tropicales qu’à celles des pays tempérés. Les légumes, en particulier y poussent fort bien. (…) Le cerf abonde, malgré la chasse qui lui est faite (…) Le poisson est abondant, les espèces variées, sont d’une excellente qualité » (p. 270).

Le même ouvrage présente la Martinique comme « un pays essentiellement agricole » (p. 260) et énumère ses « cultures variées : bananes, ananas, mangues, avocats, grenades, sapotilles, barbadines, goyaves, (…) ». Au sortir de la grande crise économique des années trente, la Martinique exporte beaucoup plus (193 millions de francs) qu’elle n’importe (147,5 millions de francs). Et « les produits exportés sont : le sucre, le rhum, le cacao, les peaux brutes, les conserves confitures et liqueurs ». En 1938, non seulement la Martinique exporte des produits alimentaires bruts, mais aussi des produits transformés par son industrie agroalimentaire.

Pour sa part, « la Guadeloupe est un des pays les plus fertiles du globe » (p. 253). La liste des produits agricoles qui y poussent est particulièrement longue et se conclut par un jugement sans appel : « Les cultures vivrières y poussent bien (ignames, cousse-couche, madères, malangas, pois, maïs, patates et artichauts) ». Comme pour la Martinique, le commerce y est largement excédentaire puisque l’ouvrage précise : « En 1935, le montant des importations a été de 115 millions de francs et celui des exportations de 162 millions » (p. 254).

Sans surprise, les exportations sont quasi exclusivement d’ordre alimentaire : « Les exportations de la Guadeloupe consistent en sucre, noix de coco, rhum, tafia, café, coton, cacao, roucou, campêche, vanille (etc.) ». Les importations en revanche, consistent en machines, matériaux de construction, chevaux, huiles et autres produits principalement non alimentaires nécessaires au développement de l’île.

Seule la Guyane, à peine peuplée de 25 000 habitants à l’époque, ne parvenait pas à subvenir à ses besoins dans les années 1930. Mais le rédacteur de l’Atlas colonial indique que, « avec ses 300 000 hectares de savane, ses excellents pâturages, et en améliorant ses méthodes d’élevage, [la Guyane] pourrait non seulement se suffire mais encore exporter » (p. 266).

B.   Des territoires devenus importateurs alimentaires

1.   Un tournant pris à la fin du vingtième siècle

C’est au cours des années 1970-1980 que les outre-mer ont perdu leur autonomie alimentaire. Le tableau ci-après, malheureusement limité aux DOM, confirme que les outre-mer étaient largement autosuffisants sur le plan alimentaire au début des années 1960, à l’exception de la Guyane. Le taux de couverture des exportations alimentaires sur les importations de même nature s’élevait à 400 % pour la Guadeloupe, 384 % pour la Martinique et 202 % pour La Réunion. Pour un kilo de nourriture importée, les Antillais en exportaient 4 !

Ce taux s’est effondré dans les deux décennies qui ont suivi puisque, en 1993, les quatre collectivités d’outre-mer étudiées étaient devenues déficitaires, leur taux de couverture alimentaire fluctuant entre 37 % et 51 % : pour un kilo de nourriture exportée, les ultramarins en importaient deux ou trois.

La situation s’est encore dégradée dans les décennies suivantes et les taux de couverture ont encore chuté puisque, en 2016, ils se trouvent désormais compris entre 6 % et 37 % : pour un kilo de nourriture exportée, les outre-mer en importent entre 3 et 15 selon les territoires.

 

Évolution des échanges de produits agricoles et agro-alimentaires des actuels DROM entre 1962 et 2016

2.   Un changement radical en une génération

La production locale représente une part minoritaire de l’approvisionnement des distributeurs ultramarins, qui privilégient le recours aux produits importés plus concurrentiels. Malgré une autoconsommation non négligeable mais difficile à quantifier, seuls 26 % des approvisionnements des outre-mer proviennent de la production locale.

À l’exception notable de La Réunion, l’offre locale est généralement limitée et l’importation présente donc une solution commode d’approvisionnement. Et lorsque l’offre locale existe, elle est souvent insuffisante pour couvrir la demande, notamment en termes de variété et de quantité. À cette insuffisance quantitative s’ajoute le fait que les produits importés sont souvent bien moins chers.

Le taux de dépendance alimentaire, tel que mesuré par l’Agence de la transition écologique (ADEME) en mai 2022, est mis en valeur par le diagramme suivant : si la Guyane et Mayotte ne produisent plus que le tiers de leur consommation, la situation est encore plus grave pour les autres territoires qui dépendent des importations à hauteur de 76 % à 87 %, voire 98 % pour Saint-Pierre-et-Miquelon.

Les représentants des banques alimentaires, que les rapporteurs ont entendus, ont alerté sur les difficultés d’obtenir, dans les outre-mer, des produits locaux pour aider les foyers les plus modestes dans leur alimentation. En dépit des aides reçues par les conseils généraux locaux et malgré des actions menées auprès des agriculteurs locaux dont certains éprouvent des difficultés à écouler leur marchandise, les banques alimentaires dans les outre-mer sont dépendantes, pour les aliments qu’elles distribuent, des produits importés.

Taux de dépendance alimentaire des outre-mer mesuré par l’ADEME

3.   Une évolution des habitudes alimentaires

Ce sont les changements d’habitudes alimentaires et probablement la mondialisation des modes de consommation qui ont détourné les populations des régimes alimentaires traditionnels de leurs territoires d’origine. Le graphique ci-après, issu du même rapport de l’ADEME, décrit une évolution vers l’uniformisation de l’alimentation ultramarine. On y relève notamment la faiblesse de la consommation de poisson, sauf peut-être en Polynésie, dans des territoires qui sont tous dotés de zones de pêche tellement riches qu’elles attirent des pêcheurs illégaux. La faible quantité de fruits consommés à la Martinique, à Mayotte ou en Nouvelle-Calédonie, tous territoires aux sols très fertiles et au climat favorable, laisse perplexe.

Composition de l’alimentation dans les outre-mer (hors boissons)

en grammes / jour / habitant

Enfin, le dernier graphique, toujours issu des travaux de l’ADEME, analyse les boissons consommées par les outre-mer. Le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon, au climat si particulier, présente un profil atypique. En revanche, on est sidéré par la place prise par les alcools (hors la musulmane Mayotte), les boissons sucrées et le café, ce qui laisse peu de place aux eaux et autres thés… On peut au moins penser que, en matière de boissons alcoolisées, les productions locales parviennent sans difficulté à couvrir la plus grande partie de la demande.

Boissons consommées dans les outre-mer (hors eau du robinet) en gramme/jour/habitant

Les rapporteurs ne peuvent que regretter l’évolution des habitudes alimentaires des populations ultramarines, tentées par une nourriture mondialisée et influencées par le marketing habile des grandes entreprises de l’agroalimentaire. Les pouvoirs publics doivent sensibiliser ces publics, en particulier par le biais de la restauration collective en milieu scolaire, en expliquant tous les avantages qu’il y a à consommer une nourriture locale, aussi bien sur le plan économique que sur le plan sanitaire.

Préconisation : mettre en avant les plats locaux grâce à la restauration collective, notamment à l’école, afin d’orienter les habitudes alimentaires vers des produits locaux, ce qui permettrait à la fois de diminuer les importations et de reprendre des habitudes alimentaires plus saines.

C.   contraintes territoriales et spÉcificitÉs locales

1.   Des territoires isolés et souvent de tailles réduites

Les territoires ultramarins sont marqués par des contraintes géophysiques qui pèsent sur leurs économies : éloignement des principaux pôles économiques mondiaux couplé à un faible niveau d’insertion dans leurs espaces économiques de proximité, difficultés d’accès liées à leur insularité (ou à leur isolement, pour la Guyane), exposition aux aléas climatiques ou encore étroitesse des territoires qui ne permet que difficilement l’extension des surfaces agricoles.

Cette superficie réduite signifie, en plus d’une faible disponibilité des sols pour l’agriculture aggravée par l’urbanisation, une étroitesse des marchés (faible demande et unités de production très petites) ce qui, dans une économie mondialisée, favorise une dépendance vis-à-vis de l’extérieur.

L’éloignement des pôles économiques est l’une des causes d’un surenchérissement des matières premières et des intrants agricoles, ce qui génère des coûts de production plus élevés qu’en Europe, mais aussi plus élevés que ceux des voisins régionaux des outre-mer.

Les contraintes de transport rendent les produits ultramarins peu compétitifs par rapport à leurs concurrents. Les producteurs antillais considèrent par exemple que leurs produits sont difficiles à exporter, même dans le bassin caraïbe, en raison du manque de fiabilité des transporteurs, des barrières normatives et douanières, de l’existence d’une industrie locale plus compétitive, car pouvant s’appuyer sur une main-d’œuvre moins chère, et de l’écart de niveau de vie.

2.   Un modèle basé sur des exportations « historiques »

La dépendance aux importations est renforcée par un modèle agricole basé sur l’exportation, notamment aux Antilles et à la Réunion avec la canne à sucre, le rhum, la banane ou encore l’ananas. Alors qu’il existe des outils fiscaux – tels l’octroi de mer – pour protéger certains secteurs économiques, ceux-ci se révèlent peu efficaces pour l’agriculture et l’agro-alimentaire qui doivent faire face à une concurrence internationale commercialement agressive car souvent « moins-disante » sur le plan social et sur le plan environnemental.

Or les aides publiques sont concentrées sur les produits destinés à l’exportation. En effet, pour des raisons historiques, les exploitations de canne à sucre comme de banane représentent une part importante des terres agricoles utilisées et sont les principales filières agricoles en termes d’emplois.

Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) est l’organisme français de recherche agronomique et de coopération internationale pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes. Dans un rapport particulièrement détaillé paru en janvier 2022 ([1]), le Cirad souligne que « les aides aux cultures végétales hors canne-à-sucre et banane, représentent respectivement 8 %, 3,8 %, 1,5 % et 5,6 % en Guadeloupe, Martinique, Guyane et à la Réunion ».

En outre, seules les exploitations agricoles déclarées sont logiquement celles qui reçoivent les aides mais, ce faisant, certaines cultures vivrières consacrées notamment à l’autoconsommation ne sont pas prises en compte, masquant une partie de la réalité des territoires.

Trop peu d’attention est accordée aux exploitations familiales, qui sont pourtant à l’origine d’une part significative des ressources agricoles ultramarines. Le nombre de ces exploitations tend à diminuer du fait de la faiblesse des aides publiques dont elles bénéficient. De ce fait, l’agriculture familiale n’a pas bénéficié de la mécanisation, de l’agrandissement des exploitations, des innovations de l’agronomie, etc.

3.   Une diversité de territoires et de situations

Les territoires ultramarins se différencient par leurs dynamismes démographiques contrastés avec des populations jeunes et en hausse à la Guyane et à Mayotte et vieillissantes et en diminution aux Antilles. Ainsi, hormis la Guyane qui voit son nombre d’actifs agricoles augmenter, les autres collectivités, au contraire ont une population active agricole vieillissante ce qui révèle un problème d’attractivité du secteur : les revenus y sont faibles et les conditions de travail difficiles, surtout lorsque herbicides et pesticides sont interdits et qu’il faut sarcler ou désherber à la main.

Ces réalités sociogéographiques engendrent des capacités de production différentes. Du côté de la demande, les niveaux de vie sont très contrastés entre un PIB de 24 500 € par habitant en Martinique et les 9 000 € par habitant à Mayotte. Enfin, les régimes alimentaires varient selon les territoires, même si une tendance à l’uniformisation se dessine. C’est pourquoi une politique visant l’autonomie alimentaire devra s’adapter à ces diverses réalités territoriales pour être réussie.

II.   La deuxiÈme ZEE au monde importe 70 % de son poisson

La France qui dispose, grâce aux outre-mer, de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) mondiale derrière les États-Unis, importe 70 % des poissons et fruits de mer qu’elle consomme.

A.   les outre-mer sous-exploitent les ocÉans

1.   Une pêche trop artisanale

Si notre pays importe en moyenne 70 % des produits de la mer qu’il consomme, ce taux varie selon les départements et grimpe à… 88 % à La Réunion. Pour la Guadeloupe, c’est 73 % des fruits de mer consommés qui sont importés. Paradoxalement, les îles sont très dépendantes.

Historiquement, à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon, les outre-mer français ont rarement été tournés vers la mer et il n’existe pas de tradition de pêche hauturière dans les outre-mer français, mer si une pêche côtière de subsistance a toujours existé.

Les professionnels sont peu structurés, souvent artisanaux. Beaucoup pêchent seuls sur de petites unités (Guyane, Mayotte, Wallis et Futuna, etc.)

Le sujet est probablement culturel : en Guyane, la main d’œuvre est exclusivement étrangère (brésilienne, surinamienne, vénézuélienne) les Guyanais n’étant manifestement pas attirés par la filière.

2.   Des habitudes alimentaires inadaptées

L’évolution des habitudes de consommation, désormais mondialisées, doit également être interrogée : les consommateurs ultramarins, comme leurs homologues européens souhaitent trouver les mêmes produits quel que soit leur continent de résidence, à savoir du saumon, du cabillaud ou des noix de Saint-Jacques que l’on ne trouve pas forcément sous certaines latitudes. Les poissons locaux, eux, ne bénéficiant que d’une faible notoriété, comptent peu d’amateurs.

Seules deux collectivités disposent d’une pêche hauturière relativement performante : la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, cette dernière exportant vers un pays très exigeant, le Japon, une partie non négligeable de sa production.

3.   Il est impératif de former les jeunes

Il n’existe actuellement aucun lycée maritime dans les outre-mer, même si la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion disposent d’écoles d’apprentissage maritime. Mais aucune de ces structures n’existe en Guyane ou à Mayotte, par exemple. Une lueur d’espoir : un lycée de la mer ouvrira ses portes en 2025 à La Réunion.

B.   La nÉcessitÉ de renouveler les flottilles de pÊche

Généreuse dans sa politique d’aide au développement, l’Union européenne subventionne les flottilles de pêche de certains pays qui entrent en concurrence avec nos outre-mer. Et les pêcheurs ultramarins qui ont un besoin impérieux de renouveler leurs flottes sont bloqués par les normes européennes, malgré les bonnes intentions affichées.

1.   Les inconvénients d’une flotte vieillissante

En 2020, la flotte française de pêche était officiellement composée de 7 811 navires dont 4 373 navires basés en Europe et 3 438 basés dans les outre-mer. Mais sur ce nombre, un certain nombre d’unités hors d’âge – difficilement quantifiables – ne sont plus actives.

Dans les territoires ultramarins, les pêches hauturière et artisanale coexistent. Les deux activités se distinguent par leurs débouchés : la pêche artisanale est destinée à la consommation locale tandis que la pêche hauturière est tournée vers l’exportation et fournit des volumes de captures beaucoup plus importants. Cette pêche hauturière est principalement pratiquée à La Réunion, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Le vieillissement de la flotte de pêche génère de nombreuses conséquences pour l’activité :

– augmentation des risques d’accident ;

– dégradation des conditions de travail et de vie à bord ;

– forte consommation en carburant ;

– coût de maintenance élevé ;

– difficile montée en gamme des produits de la mer ;

– frein pour l’emploi des jeunes car les vieux navires sont jugés peu attractifs.

Le renouvellement des flottes de pêche ultramarines est donc impératif.

2.   2022 : feu vert et financement de l’Union européenne

Admettant pour les outre-mer une exception à sa logique de réduction des flottilles de pêche, la Commission européenne a, dans un premier temps, autorisé le 28 février 2022 le renouvellement des flottes de pêche dans 5 des RUP françaises, dans le cadre de cinq régimes d’aides d’État, pour un montant de près de 64 millions d’euros (63,8). Cette décision répond à des impératifs de sécurité et d’hygiène pour les pêcheurs et était attendue depuis plusieurs années par les professionnels de la pêche.

Les bénéficiaires sont les marins pêcheurs qui exploiteront les navires de pêche dans les cinq départements et collectivités d’outre-mer :

– Guyane : 17 millions d’euros ;

– Guadeloupe : 16,2 millions d’euros ;

– Martinique : 16,2 millions d’euros ;

– Mayotte : 7,5 millions d’euros ;

– La Réunion : 6,9 millions d’euros.

L’eurodéputé réunionnais Stéphane Bijoux (Renew), l’eurodéputé François-Xavier Bellamy (PPE) ainsi que le Président de la Commission Pêche Pierre Karleskind (Renew) ont porté le dossier. Les observateurs considèrent que cette modernisation des bateaux permettra aux pêcheurs de travailler dans de meilleures conditions et de perpétuer la pêche artisanale et traditionnelle. En effet, l’état actuel de ces navires met en danger la vie des pêcheurs. L’objectif est également d’attirer une nouvelle génération de pêcheurs vers les métiers de la mer. La France a particulièrement soutenu ce projet au niveau politique, notamment avec l’appui du président de la République et de la Première ministre lors d’évènements et échanges européens relatifs aux enjeux sociaux, environnementaux, de développement économique et de souveraineté pour la filière et les territoires ultra-marins.

L’attribution de ces aides se fait à la condition qu’elles soient utilisées pour l’acquisition des nouveaux navires de pêche. Ces derniers devront rester immatriculés dans la RUP pendant au moins 15 ans.

En mars 2023, la Commission européenne a présenté en commission de la pêche du Parlement européen son plan d’action pour le secteur de la pêche. Les députés européens ont donné un feu vert à un nouveau rapport sur les régions ultrapériphériques (RUP), dans la lignée des travaux menés depuis 2021.

3.   Les difficultés de mise en œuvre

La Commission européenne s’est vue imposer par le Parlement européen une disposition qui prévoit que ne peuvent être aidés que les pêcheurs œuvrant sur un segment dit « à l’équilibre », c’est-à-dire ceux où la ressource halieutique ne diminue pas. L’idée de départ semble saine : il n’est pas opportun d’aider les pêcheurs qui travaillent dans des zones qui s’appauvrissent ou qui pêchent des espèces en voie de disparition.

La difficulté vient du fait que pour la grande majorité des zones ultramarines concernées, l’administration de dispose pas de données fiables pour savoir si la ressource est à l’équilibre ou non. D’autant que pour mesurer l’évolution de la ressource, l’UE impose des séries statistiques sur 5 à 7 ans… Dans ces conditions, la Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture n’a pu prouver la stabilité que de 9 segments sur 42. La plupart des financements destinés au renouvellement des flottes de pêche sont donc bloqués.

La réglementation européenne impose aussi l’emport par chaque navire de pêche d’équipements informatiques règlementaires pour mesurer l’activité des navires et le prélèvement de la ressource. Or, ce qui est possible et souhaitable pour un chalutier de haute mer breton ou espagnol mesurant 20 mètres devient impossible pour une pirogue guyanaise ou mahoraise.

4.   2023 : une fin de non-recevoir de la part de l’Union européenne

L’absence de fourniture par la France de données fiables et complètes quant à la stabilité des ressources pêchées n’a pas permis à la Commission européenne d’accorder les aides européennes destinées au renouvellement des flottes de pêche. L’analyse de la Commission européenne est sans appel : « En l'absence de données complètes et compte tenu de la non-prise en compte de tous les indicateurs d’équilibre contenus dans les orientations (biologiques, économiques et techniques), le rapport national […] de la France […] n’a pas été élaboré conformément aux lignes directrices sur l’analyse de l’équilibre entre la capacité de pêche et les possibilités de pêche. […] Le STECF ([2]) souligne également qu’en raison du manque d’informations sur la composition de la flotte et de l’utilisation d’une segmentation alternative de la flotte sans indicateurs de valeur […], le rapport national annuel 2021 de la France remis à la Commission le 31 mai 2022 ne contient pas toutes les informations nécessaires à son évaluation. »

Cette analyse conduit la Commission à conclure, en mai 2023, que l’évaluation de la France n’est ni sincère ni complète, et qu’en conséquence les aides d’État pour le renouvellement des flottes ne peuvent pas être accordées. Un avis que semble partager l’IFREMER lui-même dans un article publié le 9 février 2023 intitulé « Outre-mer : un état des populations de poissons souvent mal connu » et qui laissait déjà entrevoir l’orientation de la décision de la Commission.

Quand on sait que précisément la condition fixée à la France pour l’obtention de ce financement était la production de données complètes et fiables, on mesure la profondeur de l’échec et la déception des premiers concernés, les pêcheurs. L’administration française doit redoubler d’efforts pour fournir les données réclamées par l’Union européenne et ainsi obtenir, même avec retard, les aides européennes au financement du renouvellement des flottilles de pêche ultramarines.

Préconisation : la Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture (DGAMPA) devra consacrer les moyens nécessaires pour fournir à l’Union européenne les données en matière de ressource halieutique nécessaires au déblocage des fonds destinés au renouvellement des flottilles de pêche ultramarines.

5.   Les contradictions de l’Union européennes en matière de pêche

Le Parlement européen a approuvé, le 14 juin 2023, la conclusion d’un protocole de mise en œuvre de l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l’Union européenne et l’île Maurice, en adoptant par 526 voix pour, 37 contre et 52 abstentions les recommandations du député européen François-Xavier Bellamy (PPE, France) relatives à la conclusion de cet accord. Celles-ci soulignent plus particulièrement l’importance du secteur de la pêche pour l’île de la Réunion et Maurice.

Mais les recommandations de M. Bellamy mettent aussi en avant la contradiction qui existe entre d’une part la politique restrictive de l’Union en matière de renouvellement des flottes de pêche dans les régions ultrapériphériques et, d’autre part, les subventions prévues par le protocole et qui contribuent à l’acquisition de nouveaux navires de pêche pour les flottes non européennes.

deuxiÈme partie : les situations opposÉes des Îles de l’ocÉan indien

Bénéficiant d’un marché relativement important, d’une stabilité politique et économique et d’excellentes conditions climatiques, La Réunion présente une production agricole variée et riche, même si la dépendance aux importations reste importante. De son côté, confrontée à une immigration longtemps incontrôlée et à une violence endémique, Mayotte ne parvient pas à développer son agriculture comme elle le pourrait malgré des sols d’une grande fertilité.

I.   Une agriculture diversifiÉe et performante à la RÉunion

A.   Des conditions favorables

1.   Un département aux caractéristiques proches de la moyenne nationale

Fin 2018, selon le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, le secteur de l’agroalimentaire représentait à La Réunion 352 entreprises totalisant 4 473 salariés et 1 202 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit 0,7 % du total de l’agroalimentaire national.

De tous les outre-mer français, le département de La Réunion est certainement celui qui est le plus proche de l’autonomie alimentaire. Plusieurs éléments expliquent ce résultat :

- un territoire et un climat variés, permettant de cultiver une vaste gamme de produits, depuis les cultures subtropicales dans les plaines littorales jusqu’à l’élevage de montagne et les produits laitiers sur les hauteurs de l’île ;

- une population proche de 900 000 habitants, suffisamment importante pour offrir un marché permettant le développement d’industries agroalimentaires ;

- l’appartenance à l’Union européenne qui permet au département de bénéficier du POSEI (Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité), un programme qui tente par ses subventions de gommer le handicap lié à l’éloignement de l’Europe. Ce fonds facilite grandement l’achat d’engins agricoles très onéreux et contribue au dynamisme de l’agroalimentaire ultramarin.

Pour autant, la situation n’est pas idyllique : le changement des habitudes alimentaires de l’île conduit la production traditionnelle à ne plus être en adéquation avec la demande. Lorsqu’un fast-food ouvre ses portes à La Réunion, c’est toujours un succès. Les jeunes se détournent des fruits et légumes locaux au profit de la nourriture « mondialisée », ce qui conduit à une hausse continue du diabète et de l’obésité. La valorisation du rhum, de son côté, fait de l’alcool un autre fléau de santé publique et alimente les violences physiques.

2.   Une forte capacité à produire localement

L’agriculture de l’île peut être divisée en trois productions principales sensiblement équivalentes : la canne à sucre, fortement subventionnées par l’Union européenne, les fruits et légumes et l’élevage.

La canne à sucre est un cas particulier, du fait de sa connotation « coloniale ». Elle est en effet destinée à l’exportation vers l’hexagone, et non à la consommation locale. La Réunion compte environ 6 800 exploitations agricoles en 2019, réparties sur 42 000 hectares de SAU. Sa culture occupe une place significative dans l’espace agricole avec 22 000 hectares, ce qui représente 80 % des terres arables. Mais son avenir pourrait péricliter si l’UE venait à réduire ses subventions. Les terres ainsi récupérées pourraient être utilisées pour des productions destinées à satisfaire la demande alimentaire locale.

Une moindre valorisation du rhum pourrait faciliter le processus de transition agricole et – accessoirement – réduire également l’alcoolisme et la violence qu’il entraîne. Les agriculteurs ont pourtant du mal à réduire la culture de la canne à sucre qui, pour beaucoup, est une « sécurité ». Elle assure une récolte annuelle correctement rémunérée, elle ralentit voire stoppe l’érosion des sols et c’est une des rares plantes à résister à tous les cyclones et à toutes les tempêtes tropicales.

Aujourd’hui, ce département est proche de l’autonomie alimentaire : on estime qu’environ 70 % des besoins sont satisfaits par la production locale, notamment pour les fruits et les légumes, ce taux atteignant même 100 % pour certaines filières comme les œufs, par exemple. Le département a développé un concept PEI (pays) destiné à promouvoir les produits locaux. Mais pour d’autres produits, la couverture est plutôt intermédiaire (41 % pour la viande de volaille, 37 % pour les viandes de boucheries et 28 % pour le lait). En matière porcine, La Réunion importe annuellement 10 000 tonnes de viande pour une production locale de 12 500 tonnes.

3.   Le cas particulier du riz, aliment de base essentiellement importé

À la Réunion, une céréale qui n’a jamais vraiment poussé localement s’est imposée comme un aliment de base proposé à tous les repas : le riz, probablement diffusé par la communauté d’origine indienne implantée sur l’île. Au total, chaque réunionnais adulte consomme en moyenne 65 kg de riz chaque année.

Mais le riz pousse mal à La Réunion car, selon les spécialistes auditionnés, certains oiseaux locaux s’en nourrissent dans les rizières, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays. Aussi, malgré les subventions des autorités locales et les efforts des agriculteurs, la production ne décolle pas : sur les 40 000 tonnes de riz consommées annuellement sur l’île, seules 60 tonnes (1,5 %) sont produites sur place, le reste étant importé, surtout du sous-continent indien ou du Vietnam.

4.   Des flux d’importations qui restent importants

Comme le montre la carte suivante, les viandes importées à la Réunion proviennent essentiellement de l’Union Européenne.

Provenance des importations de viande à la Réunion :

En revanche, certains produits spécifiques comme l’ail ou les oignons, qui jouent un grand rôle dans la cuisine locale, sont importés à 90 %, principalement pour des raisons de coût. Comment lutter contre l’ail importé de Chine vendu 4,50 € le kilo en magasin quand l’ail « pays », même s’il est plus goûteux, est proposé à 12,50 €, un prix comparable à celui qu’on trouve en Europe. Mais l’ail local est produit sans herbicide, ni pesticide, ni fongicide (cf. infra) quand celui produit en Chine s’affranchit de toute contrainte. Résultat : pour 1 200 tonnes d’oignons produits localement, 9 000 tonnes sont importées.

Détail des importations de fruits à la Réunion :

Enfin, l’importation est la seule solution pour certains fruits qui ne poussent pas sur l’île, comme les pommes et les poires, dont les habitants sont friands malgré l’absence de ces produits sur l’île.

La moitié des fruits importés proviennent d’Afrique du sud, ce qui s’explique par la proximité géographique du pays et par son dynamisme agricole. Une autre part importante vient d’Europe pour des raisons historiques et logistiques compréhensibles. Plus inattendus, les importants flux d’Égypte vers La Réunion.

Origine des importations de fruits à la Réunion :

Pourtant, en raison de la fertilité de son sol volcanique, de son climat et de la diversité de ses terres, le territoire produit aussi bien des fruits tropicaux sur son littoral que des bovins et des fromages sur ses terres hautes : il existe des pâturages situés entre 1 000 et 1 500 mètres d’altitude.

Les aides européennes de type POSEI, destinées à compenser les surcoûts de production liés à l’éloignement de l’Union européenne, comptent pour une grande partie des revenus des exploitants, ainsi que les aides liées à l’achat de matériel agricole. En conséquence, le nombre de tracteurs et d’engins agricoles divers en bon état est particulièrement élevé sur l’île.

Enfin, l’Union européenne garantit un prix de la canne à sucre fixé sur six ans et un prix du lait fixé un an à l’avance, ce qui constitue un avantage qui n’existe nulle part ailleurs. Selon les autorités, ce système de fixation des prix permet à de nombreux agriculteurs de se verser un salaire décent et de ne pas dépendre du RSA.

B.   Les difficultÉs auxquelles se heurte la RÉunion

1.   Le manque de main d’œuvre et de foncier brident l’agriculture

L’agriculture réunionnaise est bridée par le manque de main d’œuvre. Le travail dans les champs est physiquement ingrat, surtout lorsque la mécanisation n’est pas possible. La population agricole vieillit et, malgré un taux de chômage élevé (17 % chez les jeunes), le métier d’ouvrier agricole n’attire plus les jeunes. Et comme elle est éloignée de toute autre terre, La Réunion ne peut pas faire appel, contrairement à l’hexagone, à de la main d’œuvre étrangère saisonnière.

Par ailleurs, la superficie des terres arables reste limitée sur cette île montagneuse aux dimensions réduites. Les professionnels regrettent qu’environ 4 000 hectares de terres agricoles soient en permanence laissés en jachère, la plupart du temps dans l’attente d’un reclassement en zone à urbaniser, ce qui permet à leurs propriétaires de réaliser de coquettes plus-values. Les terrains constructibles se négocient entre 250 et 300 € le m², cent fois plus qu’un terrain agricole irrigué.

En conséquence, l’hectare de terre agricole se négocie à un prix particulièrement élevé : 20 000 à 30 000 euros l’hectare irrigué contre 10 000 à 12 000 euros pour un hectare non irrigué. L’installation de jeunes agriculteurs devient donc particulièrement délicate, d’autant que les banques feraient preuve d’une grande frilosité lorsqu’il s’agit de prêter à des agriculteurs qui s’installent.

Pour un jeune qui reprend l’exploitation familiale, le processus se déroule assez facilement. En revanche, un jeune qui quitte le lycée agricole sans soutien familial et qui souhaite s’installer sur une surface type de sept hectares doit donc trouver près de 200 000 euros, rien que pour l’achat des terres, sans compter le matériel nécessaire. La solution du fermage permet à des agriculteurs de travailler des terres sans en être propriétaire, en les louant. Mais elle reste très minoritaire. En conséquence, la plupart des jeunes qui suivent une scolarité au lycée agricole y sont par défaut, n’ayant pas réussi à intégrer la filière générale. C’est souvent une impasse pour eux.

Préconisation : augmenter la surface agricole utilisée dans tous les territoires ultramarins notamment en réduisant les friches, en limitant l’urbanisation des terres agricoles et en facilitant l’identification des propriétaires, s’agissant en particulier des terres coutumières.

2.   Peu de structures coopératives et des banques frileuses

Le manque de structures coopératives pénalise l’industrie agroalimentaire. En effet, l’appétence des agriculteurs réunionnais à entrer dans des structures coopératives est faible. Seuls 30 % des 2 000 maraîchers s’inscrivent dans une structure coopérative, 70 % préférant s’inscrire dans une logique indépendante et vendre leur production sur les marchés.

Or, l’économie agroalimentaire a besoin de flux continus pour rentabiliser les machines et produire dans une logique industrielle. Les chefs d’entreprise ont donc besoin de se tourner vers des coopératives pour sécuriser leur approvisionnement. Le faible nombre de coopératives pénalise donc l’industrie agroalimentaire.

Un autre sujet préoccupe les agriculteurs : la difficulté à obtenir des prêts bancaires, même auprès d’une banque historiquement orientée vers l’agriculture. En outre, les banquiers privilégient les prêts destinés à des cultures sans risque comme la canne à sucre et à se montrer rétifs lorsqu’il s’agit de diversifier la production. Et lorsque les prêts sont obtenus, c’est souvent à des taux élevés.

Pour rassurer les banques, la mission d’information propose que soit créé un dépôt de garantie destiné à garantir les banques en cas de défaillance de l’emprunteur, de manière à les rendre moins réservées.

Préconisation : afin de favoriser l’investissement agricole à La Réunion et à Mayotte, il est créé un fonds de garantie bancaire qui dédommage les établissements bancaires en cas de défaillance de leur client agriculteur.

Face à la frilosité des banques, on commence à voir se développer des prêts proposés par des industriels ou des coopératives, dont on a vu qu’elles n’étaient pas assez nombreuses. Ces pratiques, issues du monde anglo-saxon, ne sont pourtant pas entièrement satisfaisantes car l’agriculteur–emprunteur se lie à l’industriel qui lui prête les fonds et, s’il trouve un débouché mieux rémunéré pour sa production, il ne peut quitter son créancier tant qu’il n’a pas fini de rembourser sa dette.

3.   La concurrence des produits dits « de dégagement »

La Réunion compte 150 éleveurs de volailles, chaque élevage faisant travailler 7 à 8 employés ou sous-traitants, de manière directe ou indirecte.

Ces exploitations locales se heurtent au phénomène des produits dits « de dégagement », c’est-à-dire à des lots de morceaux de volailles (ailes ou cuisses par exemple), dont certains vendeurs européens (polonais, belges, néerlandais) souhaitent se débarrasser car leurs clients traditionnels préfèrent d’autres morceaux. Ces morceaux, qui auraient pu finir au rebut, sont bradés congelés à très bas prix à des importateurs qui les revendent ensuite sur des marchés comme La Réunion où les ailes et les cuisses de poulets sont appréciées.

C’est ainsi que ces aliments, vendus à vil prix car quasiment destinés à être détruits, se retrouvent dans les magasins de La Réunion à 2,80 € le kilo, malgré un octroi de mer à 6,5 %. Les producteurs locaux ne peuvent s’aligner sur un tel niveau de prix, ce qui les met évidemment en difficulté.

Au-delà de ces produits, La Réunion, ainsi que Mayotte, souffre d’une certaine forme de concurrence déloyale. Plusieurs accords ont été négociés par l’Union européenne pour ouvrir le marché européen aux pays de la région (Afrique du sud, Tanzanie, Mozambique, etc.) voire avec des pays plus lointains (Canada, Nouvelle-Zélande, Brésil). Les outre-mer ne sont jamais consultés sur la signature de ces accords, ce qui est regrettable, car les produits issus de ces pays sont évidemment moins chers que ceux des outre-mer, en raison de la différence de niveau de vie ; ils sont surtout de « faible qualité », quand ils ne sont pas impropres à la consommation en raison de l’utilisation frauduleuse mais avérée de produits phytosanitaires interdits à La Réunion.

Au nom d’un libre-échangisme exacerbé, les agriculteurs ultramarins sont menacés. La mission d’information propose que les élus ultramarins soient consultés en amont de la signature par l’Union européenne de ces accords internationaux.

Préconisation : le gouvernement français veille à consulter le plus en amont possible les représentants des agriculteurs ultramarins lorsque des traités internationaux portant sur les produits alimentaires et la pêche sont négociés entre l’Union européenne et des pays tiers.

4.   Les difficultés d’accès aux herbicides, insecticides et fongicides

Pour protéger la santé des agriculteurs et des consommateurs, l’Union européenne et la France ont adopté des normes drastiques interdisant un grand nombre d’engrais, d’insecticides, d’herbicides ou de fongicides. Des produits de substitution ont été mis au point, avec plus ou moins de succès. En Europe, ces produits ont fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché et les agriculteurs peuvent les utiliser.

Or, en raison du climat tropical ou subtropical qui règne sur les outre-mer, ces produits doivent être adaptés et faire l’objet, auprès de l’Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale (ANSES) d’une demande de mise sur le marché spécifique pour y être utilisés. Mais, compte tenu de l’étroitesse des marchés, la plupart des entreprises productrices n’entreprennent pas la démarche. Selon l’ANSES, les sociétés concernées favorisent les produits adaptés aux grandes surfaces agricoles « au détriment des cultures de niche ultramarines ».

Selon l’ANSES, ce n’est pas tellement le coût administratif de la procédure de mise sur le marché qui est rédhibitoire (entre 2 000 € et 100 000 € selon les cas avec un coût moyen de 70 000 €) que le coût de la recherche de la molécule idéale (jusqu’à un million d’euros) qui dissuade les industriels de la chimie.

Il en résulte que les agriculteurs ultra-marins sont donc privés d’herbicides et insecticides, que les agriculteurs doivent sarcler à la main et perdent une partie de leur production en raison des insectes et champignons qui s’y développent. Les pays concurrents (Afrique du sud, Île Maurice, Australie…), non soumis à la règlementation européenne, n’ont pas ce problème : la concurrence devient inéquitable. Et bien souvent les produits de ces pays tiers, obtenus à base d’engrais et d’insecticides interdits par Bruxelles, se retrouvent sur les tables des consommateurs ultra-marins dont la production n’est plus concurrentielle.

Le ministre de l’agriculture, M. Marc Fesneau, a déjà accordé l’extension d’usage pour un herbicide et d’autres sont à l’étude pour ne pas laisser les producteurs sans solution. Ce système de dérogations, qui existe aussi dans l’hexagone n’est toutefois pas viable dans la durée. La première ministre, madame Élisabeth Borne, a annoncé la mise en place d’un plan « Ecophyto 2030 » destiné à mieux anticiper les retraits de certaines autorisations dans les prochaines années développer massivement des alternatives. L’idée est louable et doit être soutenue. Toutefois, un délai de sept ans par rapport à la situation actuelle n’est pas soutenable pour des territoires ultramarins soumis à une concurrence débridée de la part de pays voisins non soumis aux contraintes communautaires. Ce plan national Ecophyto 2030 doit être accéléré dans les outre-mer.

Préconisation : le plan national « Ecophyto 2030 » est décliné en une variante ultramarine « Ecophyto 2025 » dont l’objectif est d’anticiper d’ici deux ans le remplacement des produits phytosanitaires les plus utilisés, déjà retirés ou dont le retrait doit intervenir dans l’intervalle.

Autre difficulté soulevée par les agriculteurs réunionnais : l’absence de direction des outre-mer au sein de l’ANSES, ce qui aurait pour effet de reléguer au second plan les difficultés d’un monde ultramarin peu connu de l’agence. Pour l’ANSES, l’absence de direction des outre-mer n’empêche pas de traiter les sujets ultramarins, d’autant que l’agence ne fait que contrôler et évaluer les dossiers qui lui sont soumis, sans avoir le pouvoir d’inciter les industriels à s’intéresser aux outre-mer. Pour autant, les rapporteurs soutiennent la création d’une direction des outre-mer au sein de l’ANSES, structure qui ne pourrait qu’améliorer la visibilité des territoires en questions et de leurs « maladies orphelines » et jouer un rôle d’aiguillon.

Préconisation : l’ANSES crée en son sein une direction des outre-mer destinée à sensibiliser l’ensemble de l’agence sur les spécificités ultramarines.

C.   La protection du pouvoir d’achat des rÉunionnais

1.   Une île pionnière en matière de Bouclier qualité prix (BQP)

Face à des prix plus élevés dans les outre-mer que dans l’hexagone, les pouvoirs publics ont longtemps cherché à protéger le pouvoir d’achat du consommateur. En 2012, la mise en place à La Réunion, du Bouclier qualité prix (BQP) qui garantit, sans contrainte de la part des distributeurs, des prix maîtrisés sur un certain nombre d’articles (cf. infra), a soulevé l’intérêt des autres outre-mer où il a été généralisé, le dernier territoire à s’en être doté étant Mayotte.

Le Bouclier qualité prix (BQP) : un dispositif original né dans les outre-mer

Instauré en 2012, le bouclier qualité-prix est un panier de produits de consommation courante, vendus dans les grandes surfaces, dont le prix global maximum est négocié chaque année, chaque produit étant libre de fluctuer. Cela signifie que si le prix d’un produit augmente, le prix d’un autre doit diminuer pour rester dans le cadre du « bouclier ».

Chaque année, le prix global et la composition du panier sont négociés sous l’égide du préfet entre les distributeurs, les fournisseurs et tous les intervenants de la chaîne commerciale. Le BQP offre au consommateur la garantie d’un bon rapport qualité-prix pour une liste de produits de grande consommation. En 2022, à la Réunion, ce BQP couvre 153 produits dont la valeur cumulée s’élève à 348 euros. À Wallis et Futuna, en revanche, il regroupe moins de 70 articles, contre 74 à Mayotte.

Ces produits sont répartis en trois catégories :

- produits alimentaires et de première nécessité (100 à La Réunion) ;

- les produits d’hygiène, d’entretien et d’équipement de la maison (44) ;

- les produits infantiles (9).

Le BQP a aussi comme objectif de ne pas promouvoir de produits trop gras, trop sucrés ou trop salés et à intégrer les produits locaux. Économiquement, c’est un dispositif qui permet aux consommateurs de bénéficier de prix modérés et aux producteurs de bénéficier d’une bonne visibilité. Ainsi, à La Réunion, près de la moitié des produits du BQP sont issus de la production locale. Ils sont disponibles dans les 62 points de vente de plus de 950 m² que compte l’île.

Si le BQP ne concerne pour l’instant que la grande distribution, il s’étend progressivement aux petits distributeurs, avec une liste de produits adaptés.

Des contrôles sont réalisés régulièrement par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). En effet, l’administration contrôle deux choses : le bon affichage du dispositif bouclier qualité-prix à l’entrée du magasin et dans les rayons, ainsi que la concordance des prix affichés avec l’accord passé.

À ce jour, le prix global du panier est respecté par les distributeurs, il est même parfois inférieur. En novembre 2022, l’inflation annuelle à La Réunion s’est élevée à 3,9 % contre 5,6 % à l’échelon national.

2.   Un dispositif reconnu comme efficace

Sur ce territoire dynamique, le bouclier qualité prix (BQP) est le plus performant de tous ceux mis en place outre-mer : basé sur un panier plus de 150 produits alimentaires ou d’hygiène de première nécessité, il contraint les commerçants signataires de l’accord, tous volontaires, à ne pas dépasser une certaine hausse tarifaire annuelle.

Cette hausse a été fixée à 0 % en 2022 et l’engagement semble sur le point d’être tenu. La mission a toutefois constaté, en hypermarché, que les rayonnages accueillant les produits du BQP n’étaient pas les mieux achalandés, sans pouvoir déterminer si ces rayons vides témoignaient de l’engouement des Réunionnais pour ces produits ou du manque d’empressement des distributeurs à assurer le réassort d’articles peu lucratifs.

Face à l’augmentation généralisée de l’inflation sur l’ensemble de la planète depuis la fin du covid et les années 2021-2022, l’idée d’appliquer ce dispositif dans l’hexagone est régulièrement évoquée, même si aucun accord avec les distributeurs n’a, pour l’instant, été trouvé.

3.   Le rôle ambigu de l’octroi de mer

La mission d’information a longuement interrogé ses interlocuteurs sur l’octroi de mer, cet impôt fixé localement qui sert autant à alimenter le budget de la collectivité qu’à protéger la production locale en taxant de manière différenciée les produits importés. La protection de la production locale est toutefois illusoire lorsque celle-ci est quasi inexistante, comme c’est le cas avec le riz.

L’octroi de mer

L’octroi de mer est une taxe payée par le consommateur final sur les produits entrant dans les départements d’outre-mer, qu’ils viennent de l’étranger ou d’autres parties du territoire national. Son montant est fixé par chacun des conseils régionaux (ou collectivité territoriale) de ces entités pour lesquelles il s’agit d’une ressource fiscale essentielle (environ un milliard d’euros par an pour l’ensemble des cinq DOM : La Réunion, Martinique, Guadeloupe, Guyane et Mayotte). Le principe de l’octroi de mer existe aussi dans les collectivités ultramarines qui ne relèvent pas de l’article 73 de la Constitution, mais il porte dans un cas un nom différent, comme la « taxe de développement local » en Polynésie.

Outre son apport au budget local, l’octroi de mer a pour objectif d’encourager la production locale et de protéger l’emploi, son taux étant fixé de manière très précise, pour chaque produit importé : les responsables locaux peuvent donc choisir de taxer davantage les importations qui viendraient en concurrence avec les produits fabriqués localement (avec des taux maxima très variables, de 50 % à la Martinique jusqu’à 130 % à Mayotte). Mais l’octroi de mer peut également être modulé de manière à peser le moins possible sur les produits de première nécessité : c’est le cas du riz dans plusieurs départements. Les autorités doivent donc arbitrer entre le souci de protéger l’emploi local ou le pouvoir d’achat des consommateurs, tout en préservant une ressource fiscale qui leur est très précieuse.

En conséquence, ce produit n’est affecté d’aucune TVA ni d’aucun octroi de mer : le choix politique a été fait de privilégier le pouvoir d’achat sur l’aliment de base de la population, quitte à renoncer à certaines ressources publiques ou à renoncer à protéger les agriculteurs.

Pour les autres produits, la TVA ne dépasse jamais 8,5 %, un taux réduit à 2,1 % s’appliquant aux produits de première nécessité. Comme pour la TVA, il existe plusieurs niveaux d’octroi de mer de 0 %, comme nous l’avons vu pour les produits de première nécessité comme le riz jusqu’à 61,5 % pour les alcools les plus forts. Mais le taux le plus fréquemment appliqué, sur environ 80 % des produits, est fixé à 4 %.

À ce taux départemental s’ajoute un taux régional généralement fixé à 2,5 %. Cela signifie donc que la grande majorité des produits importés à La Réunion sont taxés à 4 % (octroi de mer départemental) + 2,5 % (octroi de mer régional) + 8,5 % (TVA), soit 15 %. Les produits non importés, eux, ne sont taxés qu’à 8,5 % (TVA). Dans l’hexagone, la plupart des produits, importés ou pas, sont taxés sur la base d’une TVA à 20 % pour son taux le plus utilisé.

Relevons enfin le rôle ambigu de l’octroi de mer, l’une des principales sources de financement des collectivités locales mais qui s’applique aux seuls produits importés : promouvoir la production locale pour réduire les importations reviendrait, pour les autorités locales, à se priver de ressources financières dont elles ont grandement besoin. Cet impôt si particulier n’est-il pas, in fine, un frein à l’autonomie alimentaire des outre-mer ?

Autre incongruité : d’une manière assez sage, l’octroi de mer ne s’applique pas sur les produits échangés entre la Guadeloupe et la Martinique. En revanche, les produits de Mayotte vendus à La Réunion sont soumis à l’octroi de mer et réciproquement. Quelle est la logique de cette différence de traitement ? Chacun s’accorde à dire qu’il est temps de remettre à plat cet impôt pour lui rendre une cohérence qu’il semble avoir perdue.

D.   La pÊche

Enfin, La Réunion est un département entouré d’une zone économique exclusive (ZEE) immense, surtout si l’on prend en compte les zones françaises environnantes, Tromelin au nord et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) au sud : les Kerguelen, Crozet, St-Paul et Amsterdam. Ces zones particulièrement poissonneuses pourraient contribuer davantage à l’autonomie alimentaire de La Réunion si elles étaient mieux exploitées, d’autant que la ressource n’y est pas menacée. On ne peut que regretter que les pêcheurs français soient si peu nombreux à travailler dans ces zones.

1.   Un secteur trop artisanal

Depuis plusieurs années, la pêche artisanale réunionnaise connaît une baisse continue de ses effectifs. En 2021, elle ne comptait plus que 226 marins contre 247 en 2020 (-8,5 %) répartis sur 165 navires contre 179 un an plus tôt (-7,8 %). La pêche réunionnaise se divise en deux segments : la petite pêche et la pêche palangrière.

Les produits de la petite pêche s’écoulent principalement sur le marché local. Mais compte tenu de la faiblesse de ses moyens, la pêche côtière locale ne parvient pas à répondre à la totalité de la demande, ce qui a conduit La Réunion à importer 10 000 tonnes de poisson par an entre 2012 et 2016, soit un volume équivalent à sa production.

Carte des zones économiques exclusives françaises de l’Océan indien

Ce secteur fait face à une diminution de son activité depuis le milieu des années 2000, avec une baisse d’un tiers de ses effectifs depuis 2004, ce qui s’explique par le vieillissement des pêcheurs professionnels et par la concurrence de pêcheurs informels.

La baisse notable des effectifs de pêcheurs est aussi la conséquence du manque d’attractivité de la filière. Les salaires ne sont pas des plus élevés et les conditions de travail plutôt physiques : la profession suscite peu de vocations chez les jeunes.

La production de la pêche palangrière, c’est-à-dire à l’hameçon et non au filet, se destine quant à elle à la fois à l’exportation et à la vente locale.

La filière est fragile et vulnérable du fait de son exposition à la concurrence des pays voisins ou de la pêche illégale. Après une année 2020 marquée par les perturbations de transport et une baisse de la demande, les volumes exportés ont augmenté de 17 % en 2021, pour une valeur en hausse de 29 %. Les importations, elles, ont reculé de 4,1 % en volume et de 6,4 % en valeur.

2.   Une flotte vieillissante difficile à renouveler

Les pêcheurs doivent également faire face au vieillissement précoce de leurs navires, ce qui complique davantage l’accès au crédit ou à l’assurance. En découlent des problèmes de sécurité et de fortes contraintes économiques, les navires anciens consommant davantage de carburant.

Une modernisation de la flotte semble donc indispensable, mais nécessiterait des investissements massifs. Enfin, le secteur est confronté au manque de formations et à l’absence de structuration qui affectent la pérennité de l’activité.

3.   Une activité pourtant capable d’exporter

La pêche de haute mer réunionnaise est tournée vers les zones maritimes des îles australes françaises, pourtant éloignées de 3 000 km de ses bases. Ces eaux sont riches en légines et en langoustes qui sont exclusivement pêchées par des entreprises françaises. La marchandise pêchée est soumise à des quotas et est strictement contrôlée par l’administration des terres australes et antarctiques françaises basée à La Réunion. Elle est obligatoirement débarquée à la Réunion.

Cette pêche constitue le deuxième secteur exportateur de La Réunion. En 2021, la Chine était le principal destinataire de ces exportations (50 %), suivi des États-Unis (33 %) et du reste de l’Asie (9 %).

 


II.   Mayotte, une terre Fertile confrontÉe À des handicaps

Pour Alexis Ruffet, un des pionniers de l’agroalimentaire présent à Mayotte, l’archipel présente toutes les caractéristiques d’un pays de cocagne, sans même évoquer sa terre d’une exceptionnelle fécondité. Pour lui, les avantages de l’archipel sont au nombre de quatre :

–  des financements européens disponibles, mais sans décaissement, Mayotte étant un département ;

–  la possibilité d’utiliser La Réunion comme une base arrière pour la formation ou la logistique ;

– la présence d’un marché solvable ;

– une restauration scolaire qui représente un marché de 100 000 élèves.

Malgré ces immenses avantages, Mayotte compte hélas un certain nombre de handicaps qui nuisent à son développement agroalimentaire.

A.   Une agriculture vivriÈre ÉmiettÉe

1.   De petites surfaces pour des agriculteurs pauvres et peu formés

Le territoire mahorais est constitué de 4 312 exploitations agricoles, pour une surface agricole utilisée (SAU) totale équivalente à 5 960 hectares. La majorité des exploitations agricoles ont une surface comprise entre 0,6 et 3 hectares. Selon le recensement agricole de Mayotte de 2020, les chefs d’exploitations et les coexploitants sont principalement âgés de 50 à 75 ans.

Répartition des exploitations agricoles par superficie

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La faiblesse de la surface agricole utile n’est pourtant pas un handicap, tant la terre est fertile. Même si la surface agricole utilisée est estimée à environ 6 000 hectares (7 000 disent d’autres), la Direction de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt (DAAF) estime la surface qui pourrait être exploitée à 20 000 hectares potentiels, la part en jachère étant donc largement supérieure à la superficie exploitée. Or, les Mahorais ont pour coutume de dire qu’avec 100 hectares agricoles supplémentaires, l’île pourrait être autosuffisante sur le plan alimentaire, pour peu que la population se stabilise. « Et avec 200 hectares supplémentaires, on pourrait nourrir un million de personnes » affirment-ils.

Les personnes souhaitant s’orienter vers le secteur agricole et porteurs de projets au Point Accueil Installation (PAI) sont pour la plupart peu diplômées ou non-diplômées. Parmi ces porteurs de projets, seuls 12 % à 14 % en moyenne ont obtenu une Capacité Professionnelle Agricole (CPA). La grande majorité des nouveaux agriculteurs s’engage dans des activités agricoles sans formation, le plus souvent par défaut.

Le plus inquiétant est peut-être la diminution drastique du nombre de ménages se déclarant agriculteurs. Alors qu’ils étaient 15 600 en 2010, leur nombre avait diminué à 9 108 en 2017, sept ans plus tard. Et fin 2020, ils n’étaient plus que 4 315 à se déclarer « ménage agricole ». Le plus probable est que les ménages qui ne se déclarent plus comme étant agricoles sont sortis des circuits de distribution soit parce qu’ils ne produisent plus que pour leur propre consommation, soit parce qu’ils commercialisent leur récolte sur le bord des routes, échappant désormais à toute statistique.

2.   Un mode de distribution qui échappe aux statistiques

Dans 47 % des cas, notamment dans le sud de l’île, le mode de commercialisation est celui du circuit court. L’autre voie de commercialisation est la vente de produits directement depuis l’exploitation, sur le bord des routes, ce qui représente 46 % des cas. Cette pratique se retrouve notamment dans les communes du centre et du nord de l’île.

Les cultures de fruits et de légumes représentent l’essentiel de la surface agricole. Les cultures de fruits représentent 3 765 hectares, dont 2 237 sont orientés vers la culture de bananes. Les exploitations de légumes constituent 1 500 hectares, dont 1 322 sont consacrés aux tubercules. Ces deux types de cultures accaparent plus de 92 % de la surface agricole de l’île.

L’élevage concerne majoritairement les volailles, les bovins et les caprins. En 2020, le recensement agricole a dénombré 1 125 élevages de bovins, pour un total de 9 271 têtes. Les troupeaux sont donc de petite taille, rassemblant 8 bêtes en moyenne. La majorité de l’élevage se situe dans les communes de Bandraboua (15 %) et de Tsingoni (14 %), dans le nord de l’île.

B.   Les contraintEs liÉes À l’afflux migratoire

1.   Un contexte défavorable

Mayotte est une île en grande difficulté, victime d’une immigration incontrôlée et d’une violence catastrophique. Lors du passage de la mission d’information, de violentes émeutes ont éclaté à la suite d’affrontements entre bandes rivales. Depuis cette période, le gouvernement a réagi en lançant l’opération Wuambushu destinée à éradiquer la plus grande partie de l’habitat insalubre, à éloigner les immigrés en situation irrégulière et à reloger les autres familles. Si cette opération était menée à son terme avec succès, elle serait de nature à stabiliser la population locale et à réduire l’anxiété ambiante, préjudiciable aux activités économiques.

La population légale de l’archipel est estimée par l’INSEE à 300 000 habitants, au 1er Janvier 2022, mais ces chiffres sont remis en cause par les élus locaux qui s’appuient sur les naissances annuelles de plus de 10 000 bébés. Les statistiques basées sur la consommation de riz, aliment de base local, laissent entrevoir une population réelle supérieure à 450 000 habitants.

Dans ces conditions, la recherche d’une autonomie alimentaire relève de la gageure. Lors des confinements liés au covid, la marine nationale avait dû ravitailler l’archipel grâce au porte-hélicoptères Mistral depuis l’île de La Réunion.

La mission d’information a pourtant pu rencontrer des entrepreneurs ambitieux et énergiques. La mission a aussi rencontré de jeunes agriculteurs courageux mais tous ont mis en exergue le poids que fait peser cette immigration incontrôlée sur leurs cultures, régulièrement pillées à la veille des récoltes ainsi que sur leur vie, menacée en permanence par des clandestins. De fait, toutes les installations sont gardiennées la nuit et doivent être protégées.

Trois difficultés principales peuvent dissuader des techniciens de haut niveau de s’installer à Mayotte :

– le niveau important de violence ;

– le niveau élevé des prix à la consommation ;

– le faible niveau scolaire des écoles.

2.   L’insécurité : une obsession et une réalité

Les chefs d’entreprise ont besoin de visibilité pour investir et l’immigration incontrôlée, à travers l’insécurité et la violence qu’elle engendre, n’est pas propice à l’activité économique. Beaucoup de cadres travaillant à Mayotte préfèrent laisser leur famille à La Réunion, se rendant en avion quatre jours par semaine sur leur lieu de travail et quittant l’archipel à l’approche du week-end.

La mission d’information souhaite attirer l’attention sur le risque sécuritaire qui condamne nombre d’agriculteurs à perdre tout ou partie de leur récolte ou de leur élevage. Tous les agriculteurs rencontrés ont des histoires de vol – avec ou sans violence – à raconter, la plupart ayant admis qu’une partie de leur travail avait vocation à leur échapper. Et il n’est pas rare que les plants soient volés en même temps que les fruits. Les agriculteurs portent rarement plainte, la démarche n’aboutissant jamais et étant considérée comme une perte de temps.

Un agriculteur propriétaire de 19 hectares de champs et de vergers reconnaissait se faire voler chaque année environ les deux tiers de sa récolte (ananas, litchis, mangues, bananes, etc.) par des immigrés clandestins. Il expliquait que les vols étaient plus fréquents lorsque les exploitants ne vivaient pas sur place et ne pouvaient pas faire de rondes nocturnes pour dissuader les voleurs. Or, l’administration ne délivre de permis de construire que lorsque le terrain dispose de l’eau courante, ce qui n’est pas toujours le cas. Compte-tenu des circonstances si particulières, la mission d’information propose que cette condition soit levée dans le cas d’agriculteurs souhaitant bâtir leur maison dans leur exploitation dans le but de protéger leur récolte.

Préconisation : autoriser à Mayotte, comme cela semble être le cas dans d’autres départements, les agriculteurs qui le souhaitent à construire leur logement sur leur exploitation dans le but de mieux protéger leur récolte contre le vol, même si le terrain ne dispose pas d’eau courante et des commodités habituellement requises.

C.   Des difficultÉs structurelles

1.   Le défi de trouver des financements pour s’installer

L’installation d’un jeune agriculteur qui ne dispose pas d’un capital de départ est toujours une entreprise difficile. Cela l’est encore plus à Mayotte.

En effet, en l’absence de caution, les banques sont très réticentes à prêter et, lorsqu’elles consentent un crédit, c’est souvent à des taux très élevés : on a évoqué des taux proches des crédits à la consommation, de l’ordre de 6 à 7 %.

L’Agence française de développement (AFD), présente à Mayotte et sollicitée lorsque les banques font défaut, ne traite que les projets d’un montant au moins égal à 3 millions d’euros, ce qui élimine la plupart des petits agriculteurs. L’absence de la Banque publique d’investissement (BPI) ne facilite pas l’obtention de financements.

Le POSEI européen n’est pas très élevé à Mayotte : avec 6 millions d’euros, l’archipel ne bénéficie que de 1,7 % du montant total de ce programme. Il est prévu une augmentation de deux millions d’euros par an de ce fonds jusqu’à atteindre d’ici quelques années un montant de 20 millions d’euros pour Mayotte. Un effort particulier doit être porté pour aider les agriculteurs Mahorais les plus modestes et les moins formés à accéder à la constitution de dossiers de demandes de subventions, dossiers réputés complexes. Alors qu’ils constituent le gros de la population agricole à Mayotte, ils sont dans l’incapacité d’accéder au système de subventions et de prêts.

2.   Des produits parfois dangereux à consommer

La production agricole de Mayotte présente un paradoxe : la production légale est en grande partie « bio » dans la mesure où les intrants sont très chers, pas toujours disponibles et où la terre volcanique locale est naturellement fertile. En revanche, la production clandestine des immigrés utilise beaucoup d’herbicides et de pesticides interdits et entrés illégalement sur le territoire, ce qui rend la plupart des fruits et légumes issus de cette agriculture impropres à la consommation et favorise l’émergence de maladies cutanées, de cancers, voire d’infertilité. Il n’existe donc pas de demi-mesure à Mayotte : soit les produits sont légaux et donc généralement bio, soit ils sont produits par des clandestins et probablement impropres à la consommation.

Préconisation : développer des labels afin d’informer le consommateur d’une part de la qualité et d’autre part du caractère local des produits alimentaires proposés.

La Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt de Mayotte (DAAF) est consciente de la gravité de la situation mais argue d’effectifs trop réduits pour pouvoir intervenir efficacement sur l’ensemble des productions clandestines dont une faible partie seulement est détruite malgré les risques qu’elles font courir. De l’avis général, « l’urgence alimentaire nous a fait fermer trop longtemps les yeux sur les dangers des cultures clandestines. Il faut maintenant sévir. »

Préconisation : renforcer les contrôles pour interdire la mise en vente des produits agricoles qui sont cultivés en utilisant des produits phytosanitaires (herbicides, insecticides, etc.) prohibés.

Comme le clame l’un des principaux acteurs de l’agroalimentaire mahorais : « Ici, il faut plus d’État, pas moins ! »

De la même manière, les cultures sur brûlis qui avaient disparu il y a vingt ans grâce à l’action de la DAAF ont fait leurs réapparitions dans les zones tenues par les clandestins, au mépris de la pollution et de sauvegarde de la biodiversité.

3.   L’eau commence à manquer à Mayotte

Si la terre mahoraise est naturellement très fertile, l’eau potable est une denrée rare sur l’archipel. Les périodes de sécheresse liées au dérèglement climatique se succèdent et, sur un territoire aux dimensions réduites, les nappes phréatiques sont forcément limitées. De plus, un sous-investissement chronique dans les infrastructures de production d’eau potable et l’explosion démographique ont créé une situation de déficit structurel. Il en résulte des coupures d’eau de plus en plus fréquentes et quotidiennes. La crise de l’eau de 2023 à Mayotte est inédite et potentiellement durable puisque l’ONU annonce deux années de dérèglement météorologique avec le phénomène climatique El Niño qui pourrait provoquer sécheresses et inondations catastrophiques. Au-delà de l’inconfort et des risques sanitaires pour la population, cette situation de déficit en eau potable sur le territoire est une menace évidente pour tout développement économique.

Par ailleurs, avec les grandes quantités de produits phytosanitaires interdits car dangereux mais introduits clandestinement par les immigrants, la maigre nappe phréatique mahoraise risque de devenir à terme impropre à la consommation.

Les industries agroalimentaires que la mission d’information a visitées doivent donc désormais acheter de l’eau de mer dessalée à grand frais pour le nettoyage des installations. L’eau de pluie récupérée après les orages tropicaux, parfois généreux, ne peut pas être utilisée : la règlementation européenne s’y oppose pour des raisons sanitaires.

Préconisation : examiner la possibilité d’utiliser exceptionnellement l’eau de pluie pour l’agriculture à Mayotte et financer des réservoirs pour les agriculteurs.

4.   Des aides et subventions agricoles non entièrement consommées

Des actions et subventions existent pour soutenir l’agriculture locale. Une grande diversité de subventions directes au fonctionnement est observée, principalement divisée entre les crédits européens du POSEI (Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité, cf. supra) et ceux du FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural). Et la tendance du montant de ces aides est à la hausse depuis 2018.

Il existe toutefois un différentiel notable entre les subventions obtenues et les sommes réellement consommées. La plupart des dossiers n’ont pas consommé la totalité de leur subvention, certains projets ayant été abandonnés, d’autres sous réalisés. Le tableau ci-après montre sans ambiguïté que, pour l’année 2021, sur 85,2 millions d’euros engagés, seuls 41,8 ont réellement été payés : les crédits européens existent. Encore faut-il les utiliser.

Les rapporteurs tiennent, à ce stade, à souligner le manque d’effectifs de la préfecture de Mayotte par rapport à des départements de taille comparable. Pour 300 000 habitants officiels mais près de 450 000 en réalité, le pôle concurrence de la préfecture de Mayotte ne compte que six ETPT (équivalents temps pleins travaillés) contre près d’une trentaine à La Réunion pour 800 000 habitants. Les agents sont compétents et motivés mais dépassés par l’ampleur de la tâche.

 

Préconisation : ajuster les effectifs des services préfectoraux de Mayotte en tenant compte de la population réelle et non de la population officielle. Augmenter en particulier les effectifs de la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF) de Mayotte pour mener des contrôles efficaces et dissuasifs sur les cultures clandestines.

Engagement et paiement des aides européennes du FEADER à Mayotte

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5.   Les déficiences du Bouclier qualité prix (BQP) mahorais

Le Bouclier qualité prix (BQP), tant vanté à La Réunion, ne fonctionne pas à Mayotte. Bien que son principe ait été signé en août 2022, tous les observateurs s’accordent sur son inefficacité. Composé de seulement 74 produits contre plus de 150 à La Réunion, il voit ses prix augmenter chaque mois, contrairement à l’effet recherché.

Alors que deux opérateurs importants (Bourbon distribution de Mayotte et Sodifran/Sodiscount) se sont engagés, 22 % des produits sont absents chez l’un des opérateurs contre 44 % chez l’autre. L’administration préfectorale entérine l’échec, reconnaissant que nombre de documents justificatifs ne sont pas fournis, que l’affichage des prix est déficient, que l’identification des produits n’est pas satisfaisante et que l’étiquetage est trompeur. Enfin, la concordance entre les prix affichés et ceux inscrits sur les tickets de caisse est comprise entre 85 % et 91 % seulement.

L’administration se retranche derrière le caractère non contraignant du Bouclier qualité prix pour justifier l’absence de sanction des commerçants.

Au final, le différentiel de prix entre Mayotte et l’hexagone est estimé à 161 % : un panier type de 137 produits dont la valeur est de 391 euros sur le territoire hexagonal a été estimé à 517 euros à La Réunion et à 630 euros à Mayotte, soit un niveau de 161 lorsqu’il est de 100 à Paris.

D.   Un rapport À la mer contrariÉ

Le poisson a longtemps été la principale source protéinée dans l’alimentation traditionnelle à Mayotte avec la pêche de subsistance effectuée à la fois par les hommes en pirogue à balancier et par les femmes avec la pêche à pied dite pêche au djarifa (tissu filtrant, vielles moustiquaires). Quant à la viande bovine, elle était très peu consommée de par sa rareté et son coût élevé.

Malheureusement, la mode importée du poulet, beaucoup moins cher notamment s’agissant d’« éléments de dégagement », a détrôné le produit de la pêche, même si d’aucuns estiment que le poisson commence à revenir en grâce.

Mais le rapport à la mer de Mayotte ne concerne pas que la ressource halieutique. La mer est aussi la voie par laquelle arrive, tant bien que mal, le ravitaillement.

1.   Une desserte maritime largement perfectible

Selon Ida Nel, la présidente de Mayotte Channel Gateway (MCG) le délégataire de service public gestionnaire du port de Longoni, « alors qu’un conteneur mettait 14 jours pour venir de Marseille dans les années 1998-2000, il faut aujourd’hui compter 50 à 70 jours ».

La desserte maritime de Mayotte, indispensable à l’approvisionnement des Mahorais, a été mise en cause par la plupart de nos interlocuteurs qui reprochent aux armateurs de placer l’île en fin de ligne et de ne pas toujours respecter les calendriers annoncés. Au départ de La Réunion, les conteneurs peuvent faire des détours inattendus avant d’atteindre Mayotte, (parfois en deux mois !) ce qui conduit les produits frais à arriver à destination dans un état de conservation impropre à la consommation. Un responsable de la grande distribution a confessé jusqu’à un million d’euros de gaspillage annuel pour son entreprise en raison des aléas de la ligne reliant La Réunion à Mayotte : une fois arrivés à Longoni, les produits sont jetés car immangeables.

Il n’existe pas de liaison maritime fiable et régulière entre La Réunion et Mayotte, les navires desservant d’abord d’autres marchés plus importants comme l’Ile Maurice ou Madagascar. En conséquence, livrer des produits frais entre La Réunion et Mayotte est devenu quasiment impossible.

Le coût du conteneur est aussi une variable à prendre en compte. Non seulement son prix a flambé ces dernières années, mais il est plus cher sur l’archipel. Ainsi, si l’on estime que le coût du transport génère en moyenne mondiale un coefficient multiplicateur du prix du produit de 1,38, pour Mayotte ce coefficient est de 1,80. Cela signifie qu’un objet d’une valeur d’un euro coûtera 1,38 euro après un transport en porte-conteneurs en moyenne mondiale. Mais il coûtera 1,80 euros s’il est expédié à Mayotte.

2.   Un port à moderniser pour répondre aux enjeux de développement

Le port de Longoni a été mis en service, il y a 31 ans, en 1992. Son quai principal, s’est rapidement détérioré avec le temps et n’est plus aux normes. Un nombre limité de compagnies l’utilisent. Depuis le 5 novembre 2009, le conseil départemental détient la compétence de gestion du port de Longoni. Il a délégué la gestion du port à MCG pour quinze ans, de 2013 à 2028, mais il conserve la maitrise d’ouvrage des travaux d’investissements et d’entretien des ouvrages portuaires. Le Conseil départemental a ainsi commencé les travaux de réparation du quai principal en 2021 pour une livraison originellement prévue en 2022. Mais les travaux ont pris énormément de retard et la livraison a été repoussée à 2025. Ce délai supplémentaire rend difficile le positionnement du port de Longoni comme base arrière du projet gazier de Total au Mozambique. En effet outre les enjeux d’importation dont les volumes ne cessent d’augmenter avec la forte croissance démographique (doublement de la population d’ici 30 ans) du territoire, le projet gazier de Total au Mozambique est une réelle opportunité pour l’économie de l’île.

En effet, Mayotte, seul territoire français se trouvant à 450 km des futures activités gazières de Total au Mozambique, offre plusieurs avantages, avec un environnement économique et social français (banque et santé), la sécurité et la stabilité politique ce qui n’est pas le cas des autres territoires de la zone. Mais les retards des travaux du quai maritime non conforme, conjugués à une piste aéroportuaire courte n’acceptant que certains types d’appareils, constituent autant de freins au développement et au désenclavement de l’île. Ce qui n’est pas sans conséquence sur le coût de la vie à Mayotte, estimé à 160 % de la moyenne nationale.

Les liaisons maritimes vers Mayotte sont rares, le port dispose actuellement de peu d’entrepôts de stockage et les capacités de déchargement sont limitées. Aujourd’hui, des projets sont en cours pour obtenir la construction d’un quai flottant et l’aménagement d’une nouvelle zone de stockage censée répondre à la demande insulaire mais aussi, en partie, aux besoins logistiques du projet gazier de Total au Mozambique.

Les capacités surfaciques limitées du port de Longoni ont pour conséquence, un coût de location d’un espace de stockage largement plus élevé que dans les ports concurrents. Il n’y a pas de zone réfrigérée dans le port de Mayotte. Or, 80 % du ravitaillement est congelé. Quand un conteneur réfrigéré arrive, il faut donc le « brancher » sur le réseau électrique local pour un coût de 42 euros par jour qui s’ajoutent au transport, à la location du conteneur et au stationnement sur le port…

Et comme Mayotte n’exporte aucune production, les conteneurs repartent à vide, ce qui augmente le coût du transport, contrairement aux Antilles où les conteneurs qui arrivent chargés de produits importés repartent en Europe pleins de bananes, d’ananas ou de bouteilles de rhum.

Ainsi, malgré une terre volcanique fertile et un climat tropical propice, les tomates ([3]) de bonne qualité proviennent d’Europe par avion et se retrouvent dans les rayons à 15 euros le kilo à Mayotte !

Préconisation : inciter les compagnies maritimes à desservir Mayotte avec plus de régularité ; Négocier les prix du fret aérien afin de suppléer le fret maritime notamment pour les produits frais ; Développer les infrastructures aéroportuaires, en réalisant les travaux d’extension et de modernisation du port de Longoni ainsi que l’aménagement d’une piste longue à l’aéroport de Mayotte.

3.   La problématique du renouvellement de la flotte de pêche

À Mayotte le renouvellement de la flottille de pêche est présenté comme une priorité par les acteurs économiques du secteur ainsi que les services de l’État.

Le service maritime et littoral de la DEAL de Mayotte donne les chiffres de 129 embarcations immatriculées au registre européen et 89 barques immatriculées au registre provisoire ou en cours de régularisation. Mayotte dispose d'une dérogation européenne pour renforcer sa capacité de pêche sur le segment des navires de moins de 12 mètres jusqu’au 31 décembre 2025. Il s’agit d'une véritable opportunité pour faciliter l’entrée en service de nouvelles embarcations homologuées et rattachées à des entreprises de pêche structurées et respectueuses des exigences de la politique commune des pêches, si tant est que le territoire arrive à capter les aides européennes.

L’Union européenne exige de l’administration française la preuve que la ressource n’est pas surexploitée, ce sur quoi chacun s’accorde. Mais faute de pouvoir produire des chiffres suffisamment fiables et des séries suffisamment longues, la Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture (DGAMPA) n’a pas réussi à obtenir les financements permettant le renouvellement des flottilles de pêche ultramarines (cf. supra).

En effet l’absence de données sur l’état des stocks de ressources halieutiques ne permet pas de fournir la preuve scientifique d’un équilibre des ressources à Mayotte. Faute de données disponibles, la Commission européenne considère les segments en déséquilibre et ne valide pas le lancement du régime d’aide national dont doit bénéficier l’archipel à hauteur de 7,5 millions d’euros.

Le Parc Naturel Marin de Mayotte est impliqué dans deux projets de collecte des données sur l’état des ressources halieutiques : ACCOBIOM et DEMERSTOCK. En principe, un historique de cinq ans sur l’état des ressources est nécessaire pour fournir la preuve de l’équilibre. La collecte des données auprès des pêcheurs est difficile dans la mesure où les règles de la commande publique s’imposent au Parc Marin et qu’il n’est pas simple d’établir devis et factures auprès d’une population qui privilégie la rémunération en liquide et ne possède pas toujours de compte en banque rattaché à une entreprise de pêche. Des solutions doivent être recherchées en lien avec les partenaires institutionnels dont la CAPAM pour soutenir l’acquisition de données auprès des pêcheurs. L’absence de l’Ifremer sur le territoire peut également interroger au regard de l'étendue de la zone économique exclusive et de sa couverture intégrale au sein d’une aire marine protégée.

Préconisation : Déployer une délégation de l’Ifremer à Mayotte avec des moyens humains et matériels correspondant aux besoins en matière de recherche sur le milieu marin à Mayotte.

Un plan de compensation des surcoûts sur le programme 2014-2021 disposait de 4 405 472,91 euros. Cela se traduisait avec un prévisionnel sur le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) de 1 625 485 euros et correspond à un montant payé de 554 909,05 euros. Des déprogrammations ont été effectuées sur ce fond.

Les aides européennes sont très complexes à obtenir et ne sont pas compatibles avec la situation précaire des artisans pêcheurs qui ne sont pas assez structurés mais qui ne peuvent renouveler par eux-mêmes leur flotte d’autant qu’ils éprouvent les plus grandes difficultés à obtenir des crédits à des taux raisonnables. De plus la chambre de commerce et d’industrie de Mayotte fait payer aux pêcheurs une place au port de plaisance ce qui ajoute des frais dans cette activité fragile.

Le graphique ci-après, issu du rapport de l’Ifremer « Activité des navires de pêche – Quartier maritime Dzaoudzi (2019) », montre que la majorité des navires de pêche mahorais ont entre 11 et 30 ans. Certaines barques anciennes ne pourront pas être homologuées. Et sur un total d’environ 150 engins répertoriés, seulement cinq mesurent plus de 12 mètres, ce qui leur permet de sortir du lagon en pleine sécurité. Pour les autres, toute sortie en haute mer est risquée.

Âge des navires de pêche à Mayotte

Pendant ce temps, Chinois, Malgaches et clandestins profitent de la faible présence de la Marine nationale dans les eaux mahoraises (35 jours par an selon le ministère de la défense) pour pêcher de manière illégale. Lorsqu’un navire thonier remonte ses filets, il conserve les thons mais rejette à la mer les autres poissons attrapés et généralement morts. Il nous a été affirmé que ce seul rejet d’un navire thonier équivalait à une année de pêche de l’ensemble des pêcheurs mahorais.

Des pêcheurs étrangers pêchent également dans les eaux mahoraises de manière légale : des accords conclus entre l’Union européenne et les Seychelles et, plus récemment, avec l’île Maurice (cf. supra), permettent aux navires de ces pays de pêcher dans les eaux européennes, les eaux seychelloises et mauriciennes étant, en contrepartie ouvertes aux navires européens. Dans la réalité, ces accords profitent aux chalutiers espagnols ou portugais qui pêchent régulièrement dans les eaux des Seychelles ou de Maurice pendant que les navires hauturiers seychellois ou mauriciens – souvent financés par l’aide au développement de l’Union européenne – prélèvent dans les eaux mahoraises ou réunionnaises, au grand dam des pêcheurs locaux sous-équipés et qui ne sortent pas des eaux de leur lagon pour des raisons de sécurité…

4.   Le potentiel halieutique doit être exploité par les Mahorais

Avec une zone économique exclusive de 68 381 km², le secteur de la pêche constitue un potentiel important pour Mayotte. En 2014 (pas de données plus récentes obtenues), la consommation locale était estimée à 3 712 tonnes de poissons (sources plan de compensation des surcoûts de la pêche à Mayotte ([4])) soit 17 kg par personne (compte population INSEE), dont 1 500 tonnes de poissons congelés importés. Le prix moyen du kilo de poisson est compris entre 5 et 8 euros sur le marché informel quand il est compris en 8 et 12 euros le kilo dans les poissonneries.

La pêche mahoraise doit absolument être aidée car elle pourrait contribuer à l’autonomie alimentaire, d’autant que les Mahorais mangeraient plus de poissons si les pêcheurs en proposaient davantage et à des prix raisonnables.

Avec un lagon propice, l’activité aquacole pourrait suppléer la pêche pour répondre aux besoins de la population et redevenir une filière exportatrice rentable. L’aquaculture a commencé en 1999 sur le territoire avec les premiers élevages, d’ombrines tropicales (Sciaenops ocellatus) essentiellement. Elle a connu un essor jusqu’en 2005 en devenant la première activité exportatrice de Mayotte avec 163 tonnes de poissons produits et un chiffre d’affaires de 752 500 euros. L’activité n’a malheureusement pas perduré, en partie à cause de problèmes structurels d’organisation de la filière et des contraintes liées à l’approvisionnement en juvéniles et en aliments. La relance de la filière est aujourd’hui à l’étude.

La mission d’information a visité la BENAPA, fumerie de poissons mahoraise spécialisée notamment dans le thon. Pour produire, cette société a besoin de trois choses : du thon, du bois de hêtre et du sel. Si le thon est bien pêché dans la ZEE mahoraise, il l’est par des navires espagnols, suédois ou d’autres nationalités européennes, libres d’utiliser les eaux françaises. Le bois de hêtre est importé d’Europe car celui qui pousse à Mayotte ne fait pas l’objet d’une traçabilité rigoureuse et l’usage de tout autre bois modifierait le goût du poisson. Enfin, le sel est également importé car celui présent en grande quantité à Madagascar toute proche n’est pas, non plus, l’objet d’une traçabilité rigoureuse.

Il en résulte que les thoniers européens qui opèrent dans les eaux mahoraises font, le plus souvent, transformer leurs poissons aux Seychelles, car l’organisation y est plus simple et la main d’œuvre moins chère. Et la plus grande partie du poisson consommé à Mayotte arrive surgelée d’Asie (Vietnam, Indonésie, Philippines…).

Les acteurs de la filière halieutique mahoraise regrettent que l’administration qui assure le suivi de la pêche dans l’Océan indien soit basée à La Réunion, Mayotte n’étant de ce point de vue qu’une antenne territoriale. Le tribunal maritime, par exemple, est situé à La Réunion, même si sa compétence s’étend jusqu’à Mayotte. De la même manière, les Mahorais ont le sentiment – mais est-il justifié ? – que les redevances payées par les thoniers étrangers évoluant dans la ZEE française bénéficiaient davantage à La Réunion qu’à leur archipel. De toute évidence, une plus grande transparence s’impose.

Pour pérenniser le secteur de la pêche à Mayotte, il faut former les marins en renforçant l’attractivité de la profession auprès des jeunes mahorais, par exemple par la mise en place de marées-découvertes qui permettent aux jeunes de découvrir le métier de marin-pêcheur, ou encore le financement de formations pour régulariser les pêcheurs actuellement en activité. Il est également nécessaire d’accompagner les pêcheurs dans l’utilisation des futures halles de pêche pour assurer la pesée et la traçabilité des produits de la pêche dans le respect des conditions réglementaires.

Si les problématiques de pêche maritime à Mayotte concernent principalement les poissons, il ne faut pas négliger l’encadrement de la pêche au poulpe. Un encadrement plus marqué de cette activité (délivrance d’autorisations, réalisation de contrôles, etc.) doit participer à l'émergence d'un modèle de pêche durable à Mayotte.

Préconisation : délocaliser à Mayotte les services administratifs qui gèrent l’activité halieutique dans la ZEE mahoraise et introduire plus de transparence dans le circuit des redevances payées par les pêcheurs étrangers. Financer des ports et des halles de pêche à Mayotte pour donner des outils aux pêcheurs. Accompagner les pêcheurs pour l’obtention des aides au renouvellement de la flottille. Accompagner le secteur de la pêche à se structurer et à former la nouvelle génération de marins pêcheurs. Réinvestir dans la filière aquacole qui est prometteuse à Mayotte.

5.   La pêche illégale à Mayotte

La durabilité de la pêche à Mayotte passe notamment par le financement de formations ou la réalisation de sessions de validation des acquis de l'expérience. Au regard du code des transports, tout capitaine de navire de pêche professionnel doit être de nationalité française : le respect de cette condition de nationalité est un défi pour le territoire, le secteur de la pêche peinant à attirer de jeunes recrues mahoraises et étant composé d’un nombre conséquent d’étrangers.

Un arrêté préfectoral encadre l’activité de pêche maritime, en dressant notamment une liste des espèces interdites ou en fixant des quantités maximales de capture en fonction des espèces. Le non-respect de cet arrêté place tout armement professionnel dans une situation de pêche illicite. De plus, toute capture doit faire l’objet de la complétion d’une fiche de pêche qui est adressée à l’administration chargée de la mer. Ces obligations déclaratives ne sont à l’heure actuelle que très faiblement respectées sur le territoire.

Tout manquement relatif à l’un des points évoqués place le navire concerné dans une situation de pêche illégale.

Actuellement la surveillance de la ZEE des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), de Mayotte et de la Réunion, se fait avec un navire et un équipage du groupe Cap Bourbon (entreprise réunionnaise) : les contrôles sont insuffisants.

Beaucoup d’acteurs de la mer à Mayotte sont des Comoriens, en majorité en situation irrégulière et qui tiennent des ports clandestins. Une opération de lutte contre la pêche illégale dans la commune de Koungou à Majicavo Koropa (port clandestin) en juin 2023, a notamment permis aux gendarmes et aux affaires maritimes de saisir 24 kwassa faussement immatriculés ainsi que quinze moteurs. Les forces de l’ordre ont également interpellé sur place neuf étrangers en situation irrégulière. On estime à environ 150 le nombre de barques non immatriculées travaillant en toute illégalité. Les barques motorisées sont à 80 % utilisées dans les réseaux de trafic humain entre les Comores et Mayotte.

Les coopératives et poissonneries légales à Mayotte représentent moins de 20 % de la vente de poissons. Plus de 80 % de la vente est illégale. Les barques à glaciaire rapportent à leurs propriétaires environ 15 000 euros par mois avec 700 à 800 euros de charge. Ces pêcheurs vendent près d’une tonne de poissons par semaine.

Un trafic d’achat de poisson se fait également entre Madagascar et Mayotte. De récentes actions de surveillance et contrôle des pêches ont permis d’identifier l’existence de liaisons régulières d’approvisionnement non déclaré en poissons malgaches depuis Nosy Bé, généralement à bord de navires à l’immatriculation falsifiée ou non identifiée par les affaires maritimes. La lutte contre cette activité doit être encouragée. Aussi, si la demande en espèces de poissons en provenance de Madagascar est une réalité forte du territoire, des initiatives entrepreneuriales pourraient parfaitement voir le jour pour structurer l’offre et mettre en place l’importation de poissons en provenance de Madagascar dans le respect de la réglementation.

Préconisation : financer une vedette de patrouille maritime de 15 à 18 mètres de long pour que les affaires maritimes puissent assurer la surveillance de la ZEE mahoraise. Donner plus de moyens humains et matériels pour le contrôle de la pêche illégale à Mayotte. Accompagner les pêcheurs pour l’obtention des aides au renouvellement de la flottille.

E.   Une forte dÉpendance aux importations

1.   Des importations de légumes qui ne fléchissent pas

Entre 2018 et 2020, les importations de légumes ont connu une croissance annuelle de 19,4 %, passant de 4 084 tonnes à 5 822 tonnes. En 2021, les importations ont culminé pour atteindre 6 108 tonnes (+4,9 % par rapport à 2020).

Les produits importés proviennent majoritairement de Madagascar (41,7 %), du reste de la France (25,6 %), et d’Inde (19,5 %). Le premier légume importé est l’oignon, du fait de son importance dans la cuisine mahoraise et de l’incapacité de l’île à répondre à sa demande intérieure. En 2021, 2 532 tonnes ont été importées (+1,4 % par rapport à 2020), la majorité provenant de Madagascar et d’Inde. La seconde place dans les importations mahoraises de légumes en 2021 est occupée par les ignames, une plante tropicale (23,3 % en 2018), avec Madagascar comme fournisseur exclusif.

L’importation des légumes surgelés augmente depuis 2014 avec une accélération à partir de 2020 (+19,7 % en 2020 et +17 % en 2021). Ils proviennent majoritairement de France hexagonale (58,7 %) et de Belgique (33 %).

Les importations de légumes à Mayotte entre 2014 et 2021

2.   Le riz : un produit de base bénéficiant d’une certaine stabilité

Le riz est un produit important de la cuisine mahoraise : il constitue le féculent de base consommé par la quasi-totalité de la population.

Son importation est en croissance globale et régulière depuis huit ans. Après une hausse de 13,2 % en volume des importations entre 2018 et 2020, un retour au niveau de 2018 a été observé en 2021. Les principaux fournisseurs de riz de Mayotte sont la Thaïlande et le Cambodge, qui représentent à eux deux plus de 80 % des importations de l’archipel.

3.   Les importations de fruits : une hausse prodigieuse

Les importations de fruits ont atteint un niveau record en 2021, avec une hausse de 28,9 % par rapport à 2020, et 5 054 tonnes importées. Les principaux fournisseurs sont l’Afrique du Sud (37,4 %), l’Egypte (20,9 %) et la France hexagonale (20,4 %). La majorité des fruits importés sont des agrumes (44,5 % des volumes totaux) et des pommes (29,6 %).

La hausse des importations d’agrumes de 2019 s’est intensifiée et atteint un rythme annuel moyen de 46,4 % en 2021. Les principaux fournisseurs sont l’Égypte (45,9 %) et l’Afrique du Sud (36,9 %). Le rythme de croissance des importations de pommes a retrouvé celui de 2019, après une pause en 2020 du fait de la pandémie.

Concernant la poire et le raisin, les tendances sont légèrement différentes. Après une forte augmentation des importations de poires en 2018 et 2019, une baisse constante s’observe depuis 2020 (d’environ 11 %). L’année 2020 a aussi été marquée par une baisse de 15,9 % des importations de raisins avec un retour à la hausse en 2021 (+9,6 %).

Une augmentation continue des importations de fruits

4.   Les importations de viande : une hausse suivie d’une stabilisation

Après avoir augmenté de plus de 15 % en 2020, 2021 observe un léger repli des importations de produits carnés (5 %) issus principalement de Pologne (35,7 %) et de France hexagonale (21,6 %). Le marché est toutefois resté relativement stable sur la période avec une légère hausse.

La viande la plus consommée à Mayotte est la volaille (trois quarts des importations totales de viande), avec une augmentation moyenne de 5,2 % au cours des huit dernières années.

Les importations de viandes à Mayotte, en légère baisse en 2021

Entre 2014 et 2020, la consommation des viandes ovine et caprine a été multipliée par trois tandis que les importations de bovins ont marqué quant à elles, en 2021, un fléchissement de 4,1 %, après la forte hausse de 15,6 % de 2020. Cette tendance peut s’expliquer par la crise de 2020 qui semble donc avoir modifié les habitudes de consommation et perturbé le marché, bien que la part des produits carnés dans les importations reste faible.

5.   Au bilan, des taux de couverture inégaux et assez faibles

Le graphique suivant tiré du rapport du Cirad (cf. supra) montre des taux de couvertures assez faibles à l’exception de trois filières très spécifiques : les œufs, en raison de la présence d’une dynamique et ambitieuse PME avicole, le manioc et les bananes.

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À ces trois exceptions près les autres taux de couvertures sont très faibles qu’il s’agisse des volailles, des autres viandes (bovins, caprins, ovins…), des produits laitiers, des céréales et notamment du riz, aliment de base et importé à 99,9 %, etc.

La situation est également décevante pour les fruits et légumes dont seulement 41,6 % sont produits localement malgré une terre fertile et des conditions climatiques qui pourraient permettre une plus grande production.

   troisiÈme partie : Les antilles

Les territoires et départements d’outre-mer ont longtemps été caractérisés par une croissance démographique importante et son corollaire : une population jeune et dynamique. Ce n’est plus vrai depuis plusieurs années aux Antilles, la Guadeloupe et surtout la Martinique connaissant désormais une diminution de leur population démographique, liée à une forte baisse de la natalité mais aussi à des phénomènes migratoires exacerbés.

Beaucoup de jeunes quittent le territoire pour poursuivre leurs études ou pour trouver un travail, souvent dans l’hexagone mais aussi dans d’autres territoires comme le Québec. Ceux qui rentrent au pays le font souvent au moment de la retraite, augmentant statistiquement le vieillissement de la population.

I.   LA GUADELOUPE

La diminution de la main d’œuvre agricole combinée à une production orientée, notamment grâce aux aides européennes, vers la canne à sucre et la banane rendent la Guadeloupe très dépendante des importations alimentaires.

A.   Un secteur agricole en manque de dynamisme

1.   Le vieillissement des chefs d’exploitation

Selon le Recensement agricole de 2020, le nombre de chefs d’exploitation guadeloupéen a chuté de 7 % entre 2010 et 2020, passant de 7 889 à 7 331. Cette diminution devrait se poursuivre car un peu plus d’un tiers (34 %) des chefs d’exploitation ont plus de 60 ans (contre 23 % en 2010) : la population agricole vieillit. Ces évolutions démographiques représentent un risque pour la production agricole car la tentation est alors grande de vouloir transmettre les terres agricoles à des promoteurs immobiliers plutôt qu’à de jeunes agriculteurs désargentés. Ce phénomène fragilise également la transmission des savoirs. Ainsi la Guadeloupe a vu, sur la dernière décennie, son nombre d’exploitations agricoles diminuer de 7 %, passant de 7 804 à 7 254.

2.   Des jeunes agriculteurs de moins en moins nombreux

L’étude du Cirad précitée (cf. supra) montre que les aides à l’installation des jeunes agriculteurs en Guadeloupe sont parmi les plus élevées en France, certaines pouvant culminer à 70 000 euros. Malgré cela, seules cinq personnes en ont bénéficié en 2016, chiffre en diminution par rapport à 2012, où 15 jeunes agriculteurs avaient reçu l’aide à l’installation. En s’appuyant sur l’évolution du nombre de jeunes formés comme critère d’attractivité, les chercheurs du Cirad observent « une diminution de 50 % des effectifs en lycée agricole, en centres de formation d’apprentis agricoles (CFAA) et centres de formation professionnelle et de promotion agricoles (CFPPA) et de 19 % en maison familiale rurale » entre les années scolaires 2015/2016 et 2016/2017.

Le Cirad considère qu’une nouvelle approche des modes de production (agroécologie) et de commercialisation (foires, paniers, livraisons à domicile) pourraient rendre le métier plus attractif pour des primo-agriculteurs, qu’il s’agisse de jeunes travailleurs ou d’urbains en reconversion. Une stratégie de communication semble nécessaire afin d’orienter plus de jeunes vers les cursus des métiers agricoles. Surtout, l’accès des jeunes au foncier doit être facilité. À cet égard, l’initiative de la région Guadeloupe de mettre à disposition une réserve foncière publique conditionnée à des pratiques agroécologiques est un exemple qui pourrait être élargi à l’ensemble des territoires ultramarins.

3.   Un secteur de la pêche vieillissant et peu attractif

La Guadeloupe comptait 959 marins-pêcheurs en 2020, un nombre en diminution de plus de 20 % depuis 2010. Cette baisse se conjugue à un vieillissement de la flotte guadeloupéenne : l’âge moyen d’un bateau en 2016 était de 17 ans, ce qui crée des problèmes de sécurité, de coûts (perte d’efficacité énergétique) et d’accès aux assurances et aux crédits. Ces conditions de travail ne facilitent pas l’arrivée de jeunes pêcheurs dans un secteur pêche-aquaculture qui, à l’image du monde agricole guadeloupéen, est vieillissant, avec 28 % des actifs ayant plus de 50 ans.

La faible attractivité des métiers est aussi liée à une offre de formation limitée dans ce territoire avec seulement deux établissements consacrés aux métiers de la mer : l’Institut régional de pêche et de marine (IRPM) et le lycée professionnel privé de Blanchet.

4.   Un territoire contraignant pour la production agricole

Les capacités productives de la Guadeloupe sont limitées par des contraintes géographiques (risques cycloniques et sismiques), environnementales (parcs naturels protégés couvrant 17 000 hectares) et démographiques (densité de population deux fois plus élevée que dans l’hexagone). Les évènements climatiques ont ainsi amplifié la tendance à la baisse de la production agricole destinée à la consommation locale, avec une diminution de 3 000 à 4 000 tonnes par an en moyenne sur la période 2009-2018.

La Guadeloupe a une surface à vocation agricole estimée à 52 000 hectares, alors que la surface agricole utilisée s’établit à 31 000 hectares. Il existe donc un potentiel de 40 % de terres agricoles non utilisées. De plus, l’agroforesterie pourrait être développée sur les réserves forestières publiques détenues par l’Office national des forêts (ONF). La production de biomasse, pouvant servir d’engrais organiques ou être vendue comme source d’énergie (diversification des revenus), pourrait être augmentée grâce au développement des cultures associées.

Le Cirad estime que, pour des produits importés facilement substituables par de la production locale comme les agrumes et les melons (563 ha), les carottes et les navets (135 ha), les racines et tubercules (94 ha), les tomates (63 ha), ou encore les choux (13 ha), il faudrait pour répondre à la demande locale mettre en culture 868 hectares supplémentaires, ce qui ne semble pas insurmontable compte tenu des surfaces potentiellement agricoles et non utilisées.

La Guadeloupe : un assemblage d’ensembles agro-écologiques

B.   Les contraintes qui favorisent l’importation

1.   Une place prépondérante de la canne à sucre

Pour des raisons historiques, la canne à sucre et la banane occupent une place importante avec respectivement 12 417 hectares cultivés et 2 056 hectares, soit respectivement 39 % et 6 % de la surface agricole. Ces cultures historiques restent prépondérantes même si l’on constate une diminution de leurs surfaces lors de ces dix dernières années (-12 % et -16 %). Ces cultures sont essentiellement destinées à la demande extérieure. L’étude du Cirad note que la forte structuration des deux filières favorise leur accès aux aides financières européennes comme le POSEI (Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité).

Pour autant, les subventions ne constituent pas la seule raison de la prédominance de ces cultures : les agriculteurs font remarquer que les bananiers et la canne à sucre résistent aux cyclones, ce qui n’est pas le cas de la plupart des autres fruits et légumes ou des cultures maraîchères que certains tentent de promouvoir. La canne à sucre est aussi connue pour maintenir la terre grâce à ses racines. Tenter de diversifier la production, dans certains cas, c’est prendre un risque.

2.   Les aides du POSEI ne favorisent pas la diversification

Le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) représente une aide de 70 millions d’euros pour l’agriculture guadeloupéenne. Sur ce total, les filières de la banane et de la canne à sucre/rhum en concentrent presque 50 millions. Cette concentration des aides est due au manque de structuration des filières agricoles de l’île hors banane et canne. La perception des aides du POSEI nécessite d’être membre d’une organisation professionnelle, ce que beaucoup d’agriculteurs refusent car ils y voient plus de contraintes que d’avantages : obligation de « livrer régulièrement l’organisation, de tenir une comptabilité, de mutualiser les pertes et les retards de paiement, [d’avoir] les contrôles des différents services de l’État pour s’assurer de la traçabilité des produits et du respect des règlementations sanitaires ». Les contraintes liées aux organisations professionnelles ne sont pas les seules raisons d’un manque d’accès aux aides du POSEI. Ainsi la réalité guadeloupéenne est un nombre important d’exploitations non déclarées, car nombre d’agriculteurs ne sont pas inscrits à la Mutualité sociale agricole (MSA) ni à jour de leurs cotisations, conditions nécessaires pour être éligible aux aides du POSEI. Les agriculteurs ne sont pas suffisamment épaulés pour des démarches longues, complexes et coûteuses, quand certains ne savent pas qu’ils sont éligibles à ces aides.

Montant des aides publiques aux agricultures de Guadeloupe (2018)

3.   Des taux de couverture intermédiaires et homogènes

Conséquence d’une agriculture encore grandement orientée vers les produits d’exportation comme la canne à sucre ou la banane, la Guadeloupe est encore loin de l’autosuffisance alimentaire pour la plupart des produits de consommation courante.

La Guadeloupe a des taux de couverture élevés pour les œufs (entre 70 % et 80 % selon les estimations), intermédiaires pour les légumes (entre 43 % et 55 % selon les légumes), les fruits (43 %) et la viande ovine (50 %), peu élevés concernant les produits de la mer (35 %), les viandes bovines (28 %) et porcine (20 %) et très faible pour la consommation de volaille (entre 8 % et 12 %).

4.   Une demande pour les produits importés plus forte

Selon une étude de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) parue en 2020, les Guadeloupéens les plus âgés consomment plus de production locale, gage de qualité et participant au développement de l’île, que les habitants les plus jeunes qui s’orientent vers des produits importés souvent plus concurrentiels. Ainsi, concernant le poisson, les jeunes se détournent du frais issu de la pêche locale pour des produits surgelés, importés mais moins onéreux. En Guadeloupe, 90 % des poissons consommés sont importés selon le conseiller agriculture du ministère chargé des outre-mer.

À la différence de prix s’ajoute également une évolution des modes de vie avec une urbanisation qui favorise la consommation dans les supermarchés où l’on trouve principalement des produits importés. Toujours selon l’IRD, les ménages les plus favorisés consomment davantage de « poisson surgelé et en conserve, des yaourts, du beurre et des matières grasses totales, des produits sucrés et des aliments gras » car ils fréquentent plus que les ménages modestes les supers et hypermarchés.

5.   Un déficit commercial lié aux exportations et aux habitudes alimentaires

La Guadeloupe exporte principalement trois produits alimentaires : la banane, le sucre et le rhum qui représentent 75 % des exportations en volume. Les importations se concentrent surtout sur les céréales (20 % du volume des importations), les produits laitiers (16 %) et les boissons (13 %). Les importations de produits congelés concernent surtout la viande de volaille.

Alors que la valeur des exportations n’a que très peu augmenté entre 1993 et 2016 (seulement +8 % en valeur), celle des importations a presque doublé. Sur cette même période on constate une augmentation importante des importations de produits congelés (+60 % pour la viande bovine et +84 % pour la viande caprine), ce qui traduit selon les chercheurs du Cirad, une évolution des habitudes alimentaires. Ainsi, « pour la volaille, en vingt ans, les habitudes de consommation ont totalement été inversées. Nous sommes passés de 11 000 tonnes à 2 800 tonnes importées pour les produits frais alors que sur la même période les importations de produits congelés, quasi inexistantes en 1995, atteignent 10 000 tonnes en 2015 ».

Concernant le riz, aliment de base traditionnel de la cuisine guadeloupéenne, les importations ont chuté de 36 % sur la même période, alors que la population a légèrement augmenté, ce qui révèle un véritable changement des habitudes alimentaires.

II.   LA MARTINIQUE

Comme pour la Guadeloupe (cf. supra), le vieillissement de la population agricole, le changement des habitudes alimentaires ainsi que l’orientation de la production agricole vers des cultures d’exportation (canne à sucre, banane…) ont éloigné la Martinique de l’autonomie alimentaire.

A.   une agriculture vieillissante

1.   Le vieillissement de la population

La Martinique connaît, comme la Guadeloupe, un vieillissement de sa population. Alors que 46 % des Martiniquais appartenaient à la tranche des 15-49 ans en 2010, ils ne sont plus 37 % en 2020. Ainsi, au sein des actifs, la part des plus de 50 ans a bondi, passant de 8 % en 2003 à 43 % en 2021. La Martinique connaît une baisse annuelle de sa population de 1 % depuis 2012. Cette baisse est encore plus marquée dans le secteur agricole.

Lors du Recensement agricole, mené en 2010, sur 3 400 chefs d’exploitations, 2 186 avaient entre 40 ans et 59 ans (64 %) et 851 avaient plus de 60 ans (25 %). Lors du recensement suivant, en 2020, le nombre d’exploitations avait chuté de 20 % en dix ans, passant de 3 307 à 2 679. Ces exploitations, qui faisaient vivre 7 740 travailleurs agricoles en 2010 n’en employaient plus que 5 700 en 2020 (-26 %).

Évolution du nombre d’exploitations agricoles et de leur surface moyenne à la Martinique entre 1980 et 2020

À l’exception des cultures historiques telles que la banane et à la canne à sucre cultivées sur de grandes propriétés, l’agriculture martiniquaise est essentiellement constituée de petites exploitations vivrières. En 2020, la surface moyenne par exploitation était de 8,2 hectares.

Les jeunes se détournent manifestement des métiers de l’agriculture dont les revenus sont plus faibles que ceux proposés dans l’industrie, l’artisanat ou les services. Pourtant le taux d’insertion professionnelle après des études dans un établissement agricole est encourageant : 86 % des diplômés d’un bac pro trouvent un emploi en sortie d’étude et 92 % à la suite d’un BTS agricole. Sur l’année scolaire 2021/2022, on comptait 528 élèves au sein des établissements agricoles. Pour autant, beaucoup de jeunes choisissent de migrer vers l’hexagone pour trouver un emploi ou poursuivre des études. En effet le chômage reste plus élevé à la Martinique qu’en moyenne nationale : 13 % de la population active en 2021 contre 8 %. De façon corrélative, le taux d’activité sur l’île (65 % en 2021) est plus faible que celui enregistré dans l’hexagone (73 %).

2.   Une pêche quasiment à l’abandon

En 2015, la Martinique comptait plus d’un millier de marins-pêcheurs (1 015 exactement), pour une économie bleue employant un total de 8 280 personnes qui utilisent des techniques de pêche essentiellement artisanales. En 2021, le territoire comptait officiellement 771 navires de pêche dont 200 inactifs. La quasi-totalité d’entre eux (70,8 %) est uniquement équipée pour de la petite pêche côtière.

À l’instar du secteur agricole, le secteur de la pêche est confronté à deux sortes de vieillissements. En premier lieu, les trois quarts de la population des marins pêcheurs ont maintenant plus de 50 ans (13 % ont plus de 60 ans et 8 % plus de 70 ans). En second lieu, les navires martiniquais vieillissent eux aussi, avec 21 ans d’âge moyen selon l’Ifremer, chiffres publiés en 2018.

En Martinique, la formation pour les métiers de l’économie de la mer est limitée à l’École de formation professionnelle aux métiers maritimes et aquacoles. Ce n’est probablement pas suffisant pour orienter l’île sur la voie de l’autosuffisance en matière halieutique lorsque l’on sait que les Martiniquais consomment en moyenne chaque année environ 20 kg de produits de la mer. En 2020, la production locale ne couvrait que 13,2 % de la consommation martiniquaise et les importations s’élevaient à 6 127 tonnes.

La fermeture de certaines zones côtières à la pêche en raison des retombées liées au chlordécone, ce pesticide interdit tardivement et extrêmement dangereux pour la santé, ne contribue pas à rendre attractives les activités liées à la pêche.

3.    L’élevage en forte régression

Le Recensement agricole de 2020 dénombrait 1 472 exploitations animales, soit une chute de 20 % par rapport à 2010. Logiquement, le cheptel est également en forte baisse sur la décennie, passant de 28 017 têtes en 2010 à 21 775 en 2020 (- 22 %).

En 2021, la production locale de viande a baissé de 1,8 % et s’est établie à 3 523 tonnes et ne couvre que 17 % de la consommation locale de viande, les importations en couvrant 83 %.

4.   Des contraintes géophysiques sur la production agricole

Le territoire martiniquais est soumis à des aléas naturels qui pèsent sur ses capacités productives agricoles : éruptions volcaniques, séismes, cyclones tropicaux, tsunamis et érosion côtière. Avec une superficie de 1 080 km² et une population de moins de 348 000 habitants en 2023, la Martinique est une région densément peuplée avec une densité de 330 habitants au km². L’agriculture n’y occupe plus que 20 % du territoire, soit une surface de 21 900 ha en 2020 contre 25 000 ha en 2010, soit une diminution de 12 %.

La moitié des terres agricoles sont contaminées au chlordécone (soit 10 000 ha) ce qui réduit le nombre de terres exploitables et explique en partie que la demande locale se tourne vers des produits importés. Les observateurs proposent d’utiliser des terres agricoles en friches non contaminées et de préempter des terres non contaminées et reclassées comme zones naturelles à utiliser. Mais le fait même que d’importantes surfaces saines soient encore laissées en jachère prouve le manque d’intérêt de la population pour l’activité agricole.

Les surfaces en friche à remettre en cultures ne seraient pas nécessairement très importantes. Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) a calculé que, pour substituer des produits locaux aux actuelles importations, les agriculteurs martiniquais auraient besoin de 295 hectares pour les agrumes, 130 hectares pour les carottes et les navets, 111 hectares pour les racines et tubercules, 72 hectares pour les tomates ou encore 12 hectares pour les choux. Au total, 620 hectares supplémentaires seulement seraient nécessaires pour répondre entièrement à la demande locale en matière maraîchère.

B.   un recours grandissant aux importations

1.   Des taux de couverture contrastés selon les produits

La Martinique a des taux de couverture assez bons pour les œufs (80 %) et la viande de lapin (72 %), mais nettement plus faibles pour les légumes (38 %), les fruits (29 %), les viandes porcines (25,5-28 %) et bovine (16-20 %), la volaille (11-15 %), le poisson (11,6 %) et les viandes ovine et caprine (3-3,5 %).

La Direction de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt (DAAF) de Martinique estime qu’il faudrait doubler la surface actuelle consacrée à la production de fruits (hors banane) et légumes pour répondre à la demande locale, soit mettre environ 2 000 hectares en culture. Ces chiffres, qui sont un peu supérieurs à ceux du Cirad (cf. supra) mais sur un périmètre qui inclut les fruits, restent dans le domaine du possible, les surfaces en jachère étant importantes.

Avec un taux de dépendance aux importations alimentaires actuellement estimé globalement à 87 %, la Martinique est devenue très dépendante d’autres territoires. Elle ne subvient qu’à 13 % de ses besoins en matière agricoles et se trouverait en forte difficulté si des désordres sanitaires, géopolitiques ou autres venaient à perturber son approvisionnement maritime.

La situation est d’autant plus regrettable que le territoire, comme la Guadeloupe, était globalement autosuffisante sur le plan alimentaire jusqu’aux années 1970-80, période à partir de laquelle les habitudes alimentaires ont fortement évolué avec l’ouverture sur le monde. Depuis cette époque, les taux de couverture des diverses productions agricoles diminuent de manière continue.

2.   Le déficit de la balance commerciale

L’étude du Cirad révèle que la consommation de biens alimentaires des Martiniquais est principalement constituée de produits « ultra-transformés » qui sont aussi des produits importés. Comme nous l’avons vu, la demande en poisson et fruits de mer est très forte en Martinique : 20 kg par habitant et par an.

Or la population se tourne davantage vers des produits surgelés importés d’une part parce qu’ils sont moins chers, d’autre part parce que la pollution au chlordécone (qui a atteint des bandes côtières et a affecté la pêche) a contribué à rompre la confiance entre producteurs et consommateurs. Ainsi, en volume, les importations sont près de sept fois plus importantes que la production locale.

3.   Un secteur agro-alimentaire parmi les plus dynamiques des outre-mer

Pourtant, l’agro-industrie martiniquaise est diversifiée et solide. Elle emploie 3 330 salariés, ce qui représente 39 % de l’emploi manufacturier insulaire.

Les principaux sites de transformation sont les distilleries (7) produisant du rhum, les usines de l’industrie laitière (4), et une sucrerie. Le secteur agro industriel se concentre en effet sur l’industrie des boissons : rhum, bières, jus de fruits, boissons sucrées, etc.

4.   Des aides concentrées sur les cultures d’exploitation

Les cultures de la canne à sucre et de la banane occupent une place prépondérante dans le secteur agricole de l’île. Ainsi elles couvrent presque la moitié de la surface agricole du territoire, soit 5 700 hectares pour la banane et 4 000 hectares pour la canne. Si ces cultures restent largement dominantes, c’est pour des raisons historiques, bien sûr, mais aussi pour des raisons climatiques : la canne retarde l’érosion des sols et résiste aux ouragans. Et si les bananiers résistent moins aux vents violents, ils se remettent à produire des fruits assez rapidement, même après des catastrophes climatiques.

Ces cultures sont réunies par une organisation professionnelle qui fédère les producteurs de bananes, la SICA Banamart, créée en 2004. La commercialisation est assurée par l’Union des groupements de producteurs de bananes de Guadeloupe et de Martinique (UGPBAN), qui regroupe les producteurs des deux îles.

Toutefois, ces cultures sont surtout consacrées à l’exportation et ne répondent pas à la demande locale. En outre, leur rentabilité repose en grande partie sur les aides du POSEI qu’elles concentrent détriment d’autres cultures qui pourraient mieux répondre à la demande locale. Ainsi, le rapport du Cirad montre que « la filière [banane] a reçu, en 2018, 79,5 % des aides du POSEI dévolues à la Martinique, soit plus de 96,5 millions d’euros » et que la filière canne à sucre a perçu, quant à elle, 5,35 millions d’euros soit 4,5 % des aides POSEI.

 


III.   Saint-Martin

L’agriculture de l’île avait autrefois une vocation économique et commerciale et s’appuyait sur l’exploitation des marais salants et la culture du tabac, du coton et de la canne à sucre. L’ouverture au tourisme et la tertiarisation de l’économie de Saint-Martin au milieu du vingtième siècle ont drastiquement réduit la place de l’agriculture.

L’agriculture, l’élevage et la pêche constituent aujourd’hui des activités marginales sur ce territoire. Ce secteur primaire se heurte à un manque de structuration des filières ainsi qu’à des difficultés comme le manque d’eau et les difficultés d’accès au foncier agricole.

A.   Un secteur agricole qui a pÉriclitÉ

1.   Une chute importante du nombre d’exploitations

Selon le Recensement agricole de 2020, le nombre d’exploitations a baissé de 20 % entre 2010 et 2020, passant de 45 à 36. Les terres classées en zone agricole ne représentent plus que 6 % du territoire saint-martinois.

Cette déprise agricole se combine avec la baisse de la surface moyenne des exploitations. La surface agricole utile (SAU) qui était en effet évaluée à 1 500 hectares en 1989, ne comptait plus que 227 hectares en 2020. La tendance à la baisse, engagée depuis le début des années 1990, se poursuit à un rythme moindre depuis les années 2010.

Évolution de la surface agricole utile de la partie française de Saint-Martin

(en hectares)

Pour faire face à cette situation, Saint-Martin a mis en place un Plan territorial de l’agriculture durable en 2021, afin d’offrir une nouvelle dynamique au secteur agricole et de permettre aux productions locales de travailler dans le respect du développement durable.

2.   Les obstacles structurels à la stabilité du secteur agricole

Avec une dépendance quasi-totale aux importations et notamment aux engrais et autres intrants, l’île de Saint Martin doit faire face à des surcoûts de production liés à son insularité et son éloignement.

La rareté de la surface disponible pour l’activité agricole engendre une forte pression sur le foncier. Par ailleurs, peu d’exploitants agricoles disposent de documents permettant de justifier la surface de leur exploitation, ce qui complique leur accès à certaines aides ou à l’aboutissement de certains projets.

Le vieillissement de la population agricole constitue un autre facteur qui limite la transmission des exploitations agricoles. L’âge moyen des chefs d’exploitation est passé de 50 ans en 2010 à 52 ans en 2020. La part des exploitants de moins de 40 ans a baissé et les exploitants de plus de 55 ans représentent maintenant 38 % des effectifs. Cette situation ne facilite pas la transmission du savoir-faire.

Le vieillissement et la diminution de la population agricole se conjuguent avec l’absence d’offre de formation pour les nouveaux exploitants agricoles, et contribuent à la faible structuration de la filière. Cette situation est aggravée par le fait qu’une part importante des agriculteurs n’exerce pas cette activité de manière formelle.

Malgré ce faible développement du secteur agricole, Saint-Martin bénéficie de pratiques très peu polluantes pour les sols et l’eau et peu consommatrices d’engrais chimiques. Le territoire profite également d’une demande croissante pour les produits locaux.

3.   L’élevage : une filière centrale mais dont l’activité diminue

L’activité agricole saint-martinoise est principalement tournée vers l’élevage qui regroupe 26 exploitations. En dépit d’une baisse de 35 % du nombre d’exploitations animales depuis 2010, les fermes d’élevage représentent 72 % du total des exploitations recensées.

La filière bovine est la plus structurée et compte le plus grand nombre d’agriculteurs professionnels. En décembre 2021, l’élevage de bovins et de buffles représentait 39 % des entreprises actives inscrites au fichier agricole.

L’activité agricole animale connaît toutefois une diminution du nombre de cheptels depuis 2010, le nombre de têtes passant de 1 354 en 2010 à 560 en 2020, soit une chute de 59 %.

B.   L’absence d’une véritable filière pÊche

Le secteur halieutique reste très marginal à Saint-Martin : en 2021, seuls 21 pêcheurs professionnels étaient officiellement enregistrés sur l’île. Et même si une partie significative de l’activité halieutique est exercée de manière informelle par des artisans non déclarés, la production locale reste marginale : restaurateurs et habitants semblent certes se fournir sur le marché de Saint-Martin, mais l’essentiel de la consommation provient de l’île voisine britannique d’Anguilla.

Cette situation résulte de l’absence à Saint-Martin d’équipements de transformation du poisson, ce qui ne permet pas de répondre à une demande locale en croissance.


IV.   Saint-barthÉlemy

Archipel de petite taille ayant fait le choix d’un tourisme haut de gamme, la collectivité de Saint-Barthélemy a basé son développement sur l’hôtellerie de luxe et les services qui y sont associés. Compte tenu de sa démographie, de sa topographie, du coût du foncier et d’un réel manque d’eau, les conditions ne sont pas réunies pour favoriser le développement agricole.

A.   Une agriculture trÈs limitÉe

1.   Une augmentation limitée mais réelle du nombre d’exploitations

Le Recensement agricole de 2020 faisait état de six exploitations agricoles, contre trois en 2010. En 2023, quinze agriculteurs sont désormais déclarés auprès des services de la CEM (Chambre économique multi professionnelle). Cette augmentation, même à un niveau très faible, marque la fin de trois décennies de baisse depuis 1980 d’autant que la collectivité locale s’est engagée à soutenir les activités agricoles de l’île.

La progression du nombre d’exploitations s’accompagne d’une réorientation de l’agriculture vers les productions végétales. L’élevage, plus consommateur de surface, connaît quant à lui une nette diminution : le cheptel a été divisé par sept entre 2010 et 2020.

Les exploitants agricoles cultivent de très petites surfaces. En 2020, la SAU totale de l’île a chuté à 1,3 hectare (l’équivalent de deux terrains de foot) contre 25 hectares en 2010. Chaque exploitant en activité cultive donc une surface réduite. Le passage de l’ouragan Irma, en 2017, en ravageant les maigres cultures n’a pas favorisé la dynamique agricole.

Évolution de la surface agricole utile (SAU) à Saint-Barthélemy

2.   Un manque d’eau préjudiciable

Malgré le développement de nouvelles pratiques agricoles pour limiter l’arrosage, l’eau demeure une nécessité pour permettre le développement d’une filière agricole. Or, l’île connaît un déficit d’eau chronique dû à la faible pluviométrie et au manque de ressources naturelles en eau potable : les sources sont rares et nappes phréatiques limitées.

Pour faire face à cette difficulté, la collectivité consacre d’importantes dépenses d’investissement au titre des réseaux et des infrastructures.

3.   Une volonté de la collectivité de développer l’agriculture

Malgré le manque d’eau et le prix du foncier, la collectivité de Saint-Barthélemy a manifesté sa volonté de développer l’agriculture locale et a mis place des projets pour impliquer les producteurs locaux. En 2022, elle a créé l’association pour les agriculteurs de Saint-Barth (APAG SBH).

Différents projets pédagogiques autour de la découverte des plantes, des légumes, etc. ont été mis en place en accord avec les écoles. L’objectif consiste à sensibiliser les élèves aux conditions de développement de la flore et à la valorisation du travail agricole sur l’île de Saint-Barthélemy dans l’espoir de susciter des vocations professionnelles.

Compte tenu des difficultés financières rencontrées par les agriculteurs locaux, la collectivité réfléchit à des mesures de soutien à l’activité :

– proposition de mise à disposition de terrains cultivables plus grands en vue d’accroître leur production ;

– mise en place de tarifs préférentiels sur l’eau en faveur des agriculteurs ;

- projet d’implantation de serres productrices d’énergie ;

– mise en place d’un abattoir pour cabris, animal (en cours d’agrément) traditionnellement consommé à Saint-Barthélemy, en lien avec la volonté de développer une filière de fromages de chèvre ;

– adaptation de la réglementation – actuellement très restrictive – portant sur l’utilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation des cultures.

B.   la pÊche : une activitÉ en pleine structuration

1.   Une filière qui retrouve un certain dynamisme

La pêche constitue la principale activité productive, hors services, à Saint-Barthélemy. En 2021, environ 50 pêcheurs étaient répertoriés. Un tiers de ces pêcheurs a plus de 50 ans, mais un renouvellement des professionnels s’opère depuis quelques années du fait d’une forte attractivité des métiers maritimes et traditionnels sur l’île.

En 2021, environ 58 tonnes de produits de la mer ont été exportées, soit une augmentation de 41,1 % sur un an, dont près de 77 % de poissons et 20 % de langoustes. Ces produits sont presque exclusivement destinés à la Guadeloupe.

Au cours de cette même année, un Comité territorial des pêches et de l’aquaculture (CTPA) de Saint-Barthélemy a été créé afin de fédérer les pêcheurs et d’assurer la défense de leurs intérêts auprès des pouvoirs publics nationaux. Le Comité vise également à professionnaliser l’économie de la mer sur l’île.

La structuration de la filière se poursuit avec la création par les autorités maritimes d’une offre de formation pour les plus jeunes ainsi qu’une validation des acquis professionnels pour les plus âgés. Les anciens pêcheurs ne sont en effet généralement titulaires d’aucun brevet maritime professionnel.

2.   L’aide attendue de la collectivité

Parmi les actions de soutien souhaitées par les professionnels de la pêche, cinq d’entre elles ont été inscrites dans le plan de valorisation de la pêche à dix ans :

– obtenir dans la transparence un carburant au prix « pêche » inférieur à un euro le litre ;

– la construction d’une halle aux poissons destinée à la commercialisation du produit de la pêche ;

– promouvoir les pêcheurs de Saint-Barthélemy en créant des évènements, notamment une fête annuelle ;

– renforcer la formation des marins-pêcheurs de St-Barthélemy sur la base des besoins individualisés des intéressés ;

– mieux valoriser localement le poisson de roche, quitter à en limiter l’exportation.


quatriÈme partie : LA situation contrastÉe des territoires du pacifique

I.   La nouvelle CalÉdonie

La mission d’information a disposé de peu de temps pour approfondir ses connaissances en Nouvelle-Calédonie. En raison des contraintes d’agenda, elle n’y a passé que 24 heures à l’aller sur la route de Wallis et Futuna et autant au retour.

Toutefois, la mission a auditionné l’agence rurale, s’est rendue sur le marché central de Nouméa, a rencontré les dirigeants de l’OCEF (Office de commercialisation et d’entreposage frigorifique), s’est rendue dans le port à la rencontre de la société PESCANA dont elle a visité les locaux ainsi que deux chalutiers et a également visité une l’exploitation agricole de Port-Laguerre, à l’intérieur des terres.

A.   des conditions favorables À l’agriculture

La nécessité d’une autonomie alimentaire, toujours admise, a été renforcée par les confinements liés au covid et par les désordres logistiques et ruptures d’approvisionnement qui en ont découlé.

1.   Un grand dynamisme agricole

La Nouvelle-Calédonie fait preuve d’un très grand dynamisme en matière agricole et halieutique et est pratiquement en mesure de subvenir aux besoins de sa population en matière alimentaire. L’élevage bovin est performant et cherche en permanence à adapter le cheptel aux menaces sanitaires : croisement des races de bovidés pour résister aux tiques, croisement d’ovins pour obtenir les meilleures qualités reproductrices, etc.

Mais si la Nouvelle-Calédonie est presque autosuffisante sur le plan alimentaire, elle dépend d’abord et comme beaucoup de territoires de l’importation des intrants (nourriture animale, engrais) nécessaires à l’élevage et aux cultures. Le territoire se retrouverait donc certainement en situation délicate en cas de fermeture des frontières.

2.   Les avantages d’une grande décentralisation

Placée sous le statut de PTOM (Pays et territoire d’outre-mer), la Nouvelle-Calédonie ne bénéficie pas des crédits du POSEI européen. En revanche, elle dispose d’une grande latitude pour protéger son agriculture en mettant en place des quotas d’importation calibrés en fonction des récoltes attendues localement. C’est actuellement le cas pour 46 fruits et légumes pour lesquels la production locale est ainsi protégée.

De la même manière, les importations de viande sont limitées en fonction des prévisions annuelles de production locale. C’est d’ailleurs le gouvernement néo-calédonien qui fixe, en tenant compte des cours mondiaux, les prix de vente des différentes viandes ainsi que la marge de l’OCEF, l’Office de commercialisation et d’entreposage frigorifique, un EPIC (Établissement public industriel et commercial) créé en 1963 par la Nouvelle-Calédonie, afin d’améliorer les conditions sanitaires de transport, de stockage et de commercialisation des viandes.

Cet organisme public, qui dispose du quasi-monopole de l’abattage, du transport et de la vente des viandes néo-calédoniennes, vend à des cours régulés qui permettent d’amortir les variations des cours mondiaux. Les autorités locales y voient deux avantages principaux :

– les agriculteurs sont correctement rémunérés, ce qui participe de leur développement personnel et réduit leur mal-être, surtout par comparaison à ce qui peut se passer dans l’hexagone ou en Guyane. Il a été souligné que la Nouvelle-Calédonie ne connaît pas de suicide d’agriculteurs ;

– les prix pour les consommateurs néo-calédoniens, grands consommateurs de viande, sont très corrects, souvent moins chers qu’en Europe. Seuls les distributeurs estiment ne pas y trouver leur compte.

L’OCEF, qui dispose du monopole de l’importation et de la distribution des viandes, n’autorise les achats à l’étranger que lorsque la pénurie menace. Il y a quelques années, le territoire était autosuffisant en viande et prohibait donc toute importation. Ce n’est actuellement plus le cas, même si la hausse de la production permet d’entrevoir un retour à l’autosuffisance dans le domaine de la viande.

Le mode de fonctionnement de l’OCEF peut, sous certains aspects, paraître d’un autre temps. Pourtant, il donne satisfaction. L’une des raisons de ce succès tient probablement au fait qu’il s’agit d’un établissement public qui réalise des marges réduites, uniquement destinées à rembourser ses emprunts. L’OCEF n’a aucun actionnaire à rémunérer.

Notons que les importations de produits alimentaires sont taxées, le produit de ces taxes étant reversé à l’agriculture néo-calédonienne. La fiscalité protège donc les agriculteurs locaux tout en finançant la production locale. Le fait de ne pas appartenir à l’Union européenne permet à l’archipel de s’affranchir de beaucoup de contraintes communautaires. Le respect des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à laquelle appartient la Nouvelle-Calédonie ne semble pas primordial.

3.   Une pêche performante

Sur le plan halieutique, l’élevage et la pêche industrielle permettent à la Nouvelle Calédonie de produire des poissons et des fruits de mer d’excellente qualité. La crevette locale est considérée comme la meilleure au monde.

La flotte de 16 chalutiers quasi neufs de la PESCANA impressionne par son caractère moderne et fonctionnel. Toutefois, chacun s’accorde à penser que la ressource halieutique de la ZEE qui dépend de la Nouvelle Calédonie pourrait accueillir davantage de chalutiers, même de plus grande taille. Il semblerait que les eaux du lagon comme celles de la haute mer soient particulièrement poissonneuses et sous-exploitées d’autant que, d’un avis partagé, les navires étrangers n’osent pas s’aventurer dans la ZEE néo-calédonienne qui est particulièrement surveillée.

La Nouvelle-Calédonie compte cinq armateurs et trois ateliers de transformation. Les pêcheurs s’y livrent à 350 campagnes de pêche de 12 jours par an, pour une production annuelle totale de 2 500 tonnes, dont 70 % de thon blanc et 20 % de thon jaune. Au-delà des 250 emplois directs, ce sont aussi 600 emplois indirects, tous locaux, que la filière alimente.

La pêche hauturière permet une autosuffisance alimentaire totale sur plusieurs types de poissons et fruits de mer. En matière de thons, le marché local n’absorbe que 80 % de la production, le reste étant exporté, principalement vers le Japon, l’hexagone ou l’Australie. En 2021, les volumes exportés de thons ont augmenté de 29 % en volume, et de 20 % en valeur.

 

Malgré ces excellents résultats, le développement de la pêche permettrait, sans mettre en danger la ressource, de produire et d’exporter davantage de produits de la mer. La Fédération des pêcheurs hauturiers de Nouvelle-Calédonie préconise pour cela de moderniser et d’agrandir les installations portuaires de Nouméa, pour accueillir davantage d’activité, mais aussi de développer la transformation locale grâce à la création d’une conserverie permettant de créer de la valeur ajoutée. Ces projets ne sauraient être menés à bien sans la création de nouvelles formations liées aux métiers de la mer et de la transformation du poisson.

 

B.   Des freins au dÉveloppement de l’agriculture

1.   Un paradoxal manque de foncier

Le principal problème de la Nouvelle-Calédonie réside dans l’absence de foncier disponible. Malgré une superficie importante (l’équivalent de quatre départements moyens) et une population réduite (270 000 habitants), le territoire se heurte à un réel manque de foncier.

La plupart des terres (82 %) sont en effet des terres « coutumières » appartenant aux communautés indigènes. Or, pour des raisons liées aux règles complexes de l’héritage dans la communauté canaque ainsi qu’en raison de la recherche d’un consensus nécessaire aux transactions, la plupart des terres coutumières ne peuvent être vendues ou louées à des agriculteurs. Mises en jachère, ces terres ne peuvent pas être mises en exploitation alors qu’elles sont pourtant très fertiles.

2.   Les rares terres disponibles sont très convoitées

Cette absence de foncier disponible ralentit également la construction immobilière, alimentant la pénurie de logements et freinant le développement du tourisme par manque d’hôtels. Comme l’a souligné le maire de Païta, « les trois-quarts du territoire néo-calédonien constituent une immensité vide. C’est dommage car, avec notre climat, tout y pousse ».

Comme cela a été confié à la mission, « il y a deux sujets explosifs en Nouvelle-Calédonie : la composition du corps électoral et la propriété foncière ». Comme culturellement les Canaques n’ont jamais vraiment été attirés par l’agriculture, le besoin de cultiver ces terres ne se pose pas pour eux, ce qui rend le problème insoluble.

Il en résulte un coût du foncier agricole assez élevé puisqu’il peut aller de 8 200 euros l’hectare pour les terres les plus pauvres à 80 000 euros l’hectare pour les terres maraîchères les plus riches.

C.   un taux de couverture variable

L’autosuffisance alimentaire s’inscrit comme un enjeu majeur pour le territoire dont le taux de couverture de la production agricole locale dans la consommation totale s’établit à 36,2 % en 2020 contre 27,5 % dix ans plus tôt.

De fortes disparités existent selon les filières.

1.   Les résultats disparates de l’élevage

La couverture en volume des besoins par la production locale de la filière bovine s’est améliorée en 2021 atteignant 65,8 %, tout en restant loin de son niveau de quasi autosuffisance enregistré avant 2005, aux alentours de 90 %. Les importations bovines, principalement en provenance d’Australie et de Nouvelle-Zélande, ont diminué en volume (-3,9 %) mais ont augmenté en valeur (+16,9 %) par rapport à 2020.

La couverture des besoins de la filière volaille se situe autour de 8 % ces dernières années, alors que la production locale d’œufs couvre près de 90 % des besoins. En 2021, les importations de viandes de volaille ont diminué de 11,2 % en volume et de 0,7 % en valeur.

En 2021, la filière porcine a enregistré une augmentation de ses importations de 25,9 % en volume et de 19,9 % en valeur, ce qui a conduit à une dégradation du taux de couverture ramené à 77 % contre 81 % un an plus tôt.

2.   Une marge de progression pour les fruits et légumes

La production de fruits s’articule autour de trois cultures principales : les bananes, les agrumes et les pastèques. Elle a fortement diminué en 2021 : -23,7 % en volume par rapport à 2020. Les importations tous fruits confondus ont augmenté de 7,4 % en volume et sont constituées à plus de 71 % de pommes, poires, raisins, oranges et kiwis. 84 % de ces volumes proviennent d’Australie et de Nouvelle-Zélande.

En 2021, le taux de couverture global de la filière fruitière s’élevait à 44,7 %, en chute de 8,5 points par rapport à 2020.

Pour les légumes frais, la couverture des besoins ne s’est établie, en 2021, qu’à hauteur de 59,3 % contre 68,3 % un an plus tôt en raison d’une forte baisse de la production locale. Les principaux légumes cultivés sont les squashs, les pommes de terre, les salades et les tomates. La production de légumes a diminué de 16,8 % en volume par rapport à 2020 et les importations ont augmenté en volume de 14,4 % et en valeur de 26,2 %. Comme pour les fruits, les légumes importés proviennent principalement de Nouvelle-Zélande et d’Australie.

3.   Une faible production de céréales malgré un plan volontariste

La production céréalière, organisée quasi exclusivement autour du maïs, a été multipliée par plus de quatre en dix ans et a dépassé les 10 000 tonnes en 2020, ce qui s’explique par la mise en œuvre entre 2013 et 2015 d’un plan de relance associant les acteurs de la filière. Toutefois, entre 2020 et 2021, la production a chuté de 25,9 % en volume et de 18,7 % en valeur.

Malgré les efforts déployés par la filière et en dépit du plan de relance, le taux de couverture est toujours resté faible puisqu’il ne dépassait pas 19 % en 2020, au moment où la production céréalière a atteint son pic de 10 000 tonnes. La baisse de la production enregistrée en 2021 a dégradé ce taux qui s’est rétracté à 15,1 %.

 


II.   Wallis et Futuna

Depuis sa création en 2012, la Délégation aux outre-mer ne s’était jamais rendue sur ce territoire si chaleureux et indéfectiblement attaché à la France. La mission d’information y a reçu un accueil enthousiaste. Sur l’île de Futuna, le représentant du Royaume d’Alo a accueilli avec beaucoup d’intérêt la mission : « 75 % de notre nourriture est importée, il y a beaucoup à faire. Je salue votre mission, elle est nécessaire ».

A.   des terres d’importation plus que de production

1.   Une très grande dépendance aux produits importés

D’emblée, il est apparu que ces îles paradisiaques du point de vue du climat et de la fertilité de leurs sols « ne sont pas des terres de production mais de consommation ». Comme nous l’a avoué un de nos interlocuteurs, « quand on a faim, on va attendre le bateau. Il nous ravitaille toutes les trois semaines. On a des pommes fraîches pendant une semaine, puis plus de fruits pendant quinze jours. ».

Wallis et Futuna sont extrêmement dépendantes d’une ligne de cargos qui les dessert toutes les trois semaines. La quasi-totalité des produits – alimentaires et autres – sont importés, souvent de France hexagonale. La configuration des lieux (une passe étroite pour atteindre Wallis), le faible de nombre de pilotes (un seul pour les deux îles), la mauvaise qualité des quais (à Futuna, le fragile ponton n’accepte que des conteneurs remplis à 75 %), l’absence de grues (les cargos doivent décharger avec leurs propres moyens) le faible nombre de rotations, les aléas liés aux conditions météorologiques, etc. rendent les deux îles particulièrement dépendantes aux importations.

Selon le gérant de la principale société importatrice, General Import, un conteneur expédié de Marseille à Wallis revient entre 10 et 12 000 euros dont 6 à 8 000 euros pour le seul trajet final entre Nouméa et Wallis qui nécessite le transbordement sur un cargo spécial plus petit et équipé de grues ; si le conteneur est réfrigéré, le coût de son transport sera de 17 000 euros entre Marseille et Wallis.

Comme le montre le graphique ci-après, les produits agroalimentaires représentent l’essentiel des importations de Wallis-et-Futuna. Après les restrictions consécutives à la pandémie de covid en 2020, on observe une nette hausse des importations en valeur en 2021 : les prix des denrées alimentaires ont fortement augmenté en raison de la désorganisation des chaînes logistiques. En volume, les importations ont diminué de 11 %.

Mais lorsque la continuité logistique est perturbée, non seulement la vie de l’archipel est perturbée car les capacités de stockage sont limitées, mais le gaspillage résultant de la péremption des produits frais est important. Ce gaspillage est généralement compris entre 0,5 % et 2 % du chiffre d’affaires ; en 2022 avec plus de 800 000 euros de produits détruits (2,3 %), l’année a été « catastrophique ».

Il ressort de notre visite que l’homme le plus important du territoire n’est ni le préfet, ni l’évêque, ni même l’un des rois. Il s’agit du responsable de la principale société d’importation, General Import, qui détient 80 % du marché et dont les conteneurs sont attendus tous les 21 jours avec fébrilité. C’est lui qui décide, en fonction des cours, des produits qu’il importera et de ceux qu’il décide de ne pas importer. C’est également lui qui fixe les prix des produits, forcément importés. Et ses décisions, parfois incomprises, peuvent susciter des mouvements sociaux au sein de la population lorsqu’elle se rend compte, par exemple, que le très apprécié corned-beef n’est plus importé pendant deux mois en raison de l’augmentation de son prix, jugée rédhibitoire par l’importateur.

2.   Une terre très fertile mais peu cultivée

Pourtant, la terre de Wallis et Futuna est particulièrement fertile. Les rares agriculteurs et éleveurs qui tentent de l’exploiter obtiennent des résultats très intéressants malgré l’absence totale d’herbicides, pesticides et fongicides, interdits à l’importation. Mais les métiers agricoles n’intéressent plus les jeunes et la recherche de main d’œuvre agricole est devenue une mission impossible. Plutôt que de travailler la terre, les jeunes actifs préfèrent émigrer vers la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, l’Europe ou ailleurs pour trouver un avenir meilleur. Résultat : selon M. Jean-Paul Goepfert, chef du service des statistiques de Wallis et Futuna « 70 % de la surface agricole utile est en jachère alors qu’elle est très fertile ».

Rien qu’en Nouvelle-Calédonie, la communauté wallisienne représente 35 000 personnes contre environ 11 500 habitants à Wallis et Futuna. Et les Wallisiens et Futuniens vivant dans l’hexagone, en Polynésie dans le reste du monde sont estimés en 60 000 personnes. Il y aurait donc environ 106 500 Wallisiens et Futuniens sur terre, dont seulement 11 500 (10,8 %) vivent sur leur territoire d’origine.

Les jeunes îliens ne souhaitent plus travailler la terre, métier pénible et devenu « repoussoir ». Des responsables du Service militaire adapté (SMA) de Nouméa venus démarcher les jeunes Wallisiens sont formels : « les jeunes wallisiens veulent des métiers assis et protégés ». Le beau lycée agricole créé par le premier ministre Michel Rocard en 1989 ne compte que 3 inscrits en 2023 !

L’archipel des îles Fidji, voisin de Wallis et Futuna, après de louables efforts de développement agricole, a réussi à atteindre une quasi autosuffisance en matière alimentaire, ce qui n’est pas le cas de l’archipel français. Selon un observateur, « Futuna pourrait peut-être survivre en autarcie – ce fut déjà le cas entre 1942 et 1944, pendant la guerre du Pacifique – mais pas Wallis. Si un bateau rate une rotation à Wallis, c’est la panique, les gens râlent, stockent et les rayons des magasins se vident. »

3.   Les spécificités de l’élevage porcin

L’élevage porcin constitue l’une des rares activités agricoles florissantes de l’île de Wallis, avec selon les experts, deux à trois fois plus de cochons que d’habitants. En l’absence d’abattoir, les animaux sont tués par les familles, de manière artisanale. L’absence de chambre froide sur l’île ne permet pas de garantir le respect des normes sanitaires, ce qui induit beaucoup de gaspillage.

Les fêtes coutumières font l’objet d’offrandes de porcs, longuement exposés au soleil, et dont la plupart sont malheureusement gaspillés.

La mission a rencontré une entrepreneuse fortement soutenue par les services de l’État et la collectivité et qui tente de bâtir le premier abattoir agréé de Wallis. Les difficultés pour obtenir un crédit puis les défaillances d’un certain nombre d’artisans ont retardé le projet qui devrait pourtant être prêt d’ici la fin de l’année 2023. L’objectif est de rendre possible l’abattage de cinq à six porcs par jour, une chambre froide rendant possible le respect de toutes les normes sanitaires.

Outre l’élevage porcin, les Wallisiens et Futuniens pratiquent également l’élevage des volailles. La production avicole est une filière historiquement performante à Wallis-et-Futuna et qui couvre 60 % des besoins du territoire.

L’agriculture familiale est essentiellement de nature vivrière c’est-à-dire qu’elle a pour objectif premier d’assurer la subsistance de ceux qui la pratiquent. Elle représente 98 % des parcelles cultivées. Les 2 % restants sont cultivés en maraîchage, qui à l’inverse est une culture intensive. Notons que l’autoconsommation, qui échappe par définition à toute statistique précise, semble importante (peut-être 20 % à 25 % à Wallis et 30 % à Futuna) et vient probablement atténuer le triste constat de dépendance alimentaire que les auteurs tracent de l’archipel.

Doté du statut de PTOM (Pays et Territoire d’Outre-Mer) français associé à l’Union européenne, l’archipel de Wallis et Futuna n’est pas éligible au POSEI, même s’il peut par ailleurs bénéficier de certaines aides de Bruxelles. Mais cette absence de POSEI dont bénéficient les départements ultramarins constitue certainement un frein au développement de l’agriculture.

Les difficultés financières des agriculteurs wallisiens et futuniens proviennent également de la difficulté d’accès au crédit, en l’absence de banques spécialisées en matière agricole, comme le Crédit agricole qui, en France hexagonale, a contribué au développement de générations d’agriculteurs.

B.   Une ressource halieutique exploitÉe par d’autres

1.   Une pêche artisanale qui pourrait être développée

Avec une vingtaine de pratiquants individuels sur chacune des deux îles, la pêche reste artisanale sur une ZEE pourtant forte de 262 000 km². Les incursions de pêcheurs étrangers sur un territoire mal contrôlé (la marine nationale est absente de Wallis et Futuna) contribuent à épuiser la ressource halieutique sans profit pour nos pêcheurs qui ont insisté sur l’appauvrissement de la ressource en poissons. L’utilisation de filets dérivants par des pêcheurs clandestins venus principalement d’Asie du sud-est est décrite comme dévastatrice.

Pendant ce temps, les pêcheurs artisanaux de Futuna ramènent rarement plus de 10 à 20 kg de poissons lors de leurs sorties. Ceux de Wallis, qui sortent parfois pendant deux journées d’affilée, peuvent ramener 60 kg par sortie.

Ni Wallis ni Futuna ne disposent de navires de pêche hauturière. L’administration envisage la location et la mise à disposition des pêcheurs locaux, à titre d’essai pendant un an, de navires de 15 à 17 mètres. Les pêcheurs wallisiens volontaires pourraient ainsi, après une formation, se lancer dans des campagnes de pêche hauturières expérimentales. Il semblerait pourtant que les chefs coutumiers locaux ne soient pas favorables à des campagnes de plusieurs jours en haute mer, même si les Wallisiens installés en Polynésie ont démontré leur expertise dans le domaine. L’action de l’administration doit se montrer volontariste.

Préconisation : promouvoir à Wallis et Futuna les expérimentations de pêche hauturière avec le concours de l’administration locale.

Dans son rapport sur le territoire des îles Wallis et Futuna (Exercices 2016-2021), la Cour des Comptes relève que les pêcheurs recensés sur les deux archipels déclarent « produire au total 33 tonnes de poissons, à mettre en regard d’une consommation domestique (…) estimée par l’IEOM à environ 200 tonnes. La consommation de produits de la mer est en chute libre (de 961 tonnes en 2006 à 273 tonnes en 2020) et est aujourd’hui la plus faible de tout le Pacifique sud. Cette diminution de la consommation s’explique par la déprise démographique et surtout par les changements des modes de consommation et les mutations sociétales. »

Et même si les artisans ramenaient suffisamment de poissons pour les commercialiser voire les exporter, ce ne serait pas possible car il n’existe pas de chaîne du froid sur ces îles. Ni Wallis ni Futuna ne disposent de chambre froide pour stocker et commercialiser le produit de la pêche. Une criée destinée à fixer les cours des poissons serait également utile, au moins à Wallis.

Préconisation : créer une chaîne du froid permettant de commercialiser le poisson à Wallis comme à Futuna ; créer une criée au poisson à Wallis.

2.   Une zone maritime qui doit être mieux contrôlée

La pêche doit être aidée d’urgence et la ZEE mieux contrôlée.

Lors des vœux aux armées qu’il a présentés le 20 janvier 2023 sur la base aérienne de Mont-de-Marsan, le président de la République a déclaré « Je souhaite également que nos forces armées soient davantage et mieux présentes dans nos outre-mer et que ces derniers figurent une constellation stratégique à la fois tête de pont relais et point de veille de nos intérêts dans le monde. »

La mission d’information se réjouit de cette annonce et espère que la collectivité de Wallis et Futuna pourra bénéficier d’une présence militaire permanente qui, au-delà de la sécurité qu’elle apportera, permettra de mieux faire respecter la souveraineté française sur la zone économique exclusive.

Préconisation : un navire de la marine nationale doit être basé de manière permanente à Wallis et Futuna pour faire respecter la ZEE de l’archipel.

3.   Les contraintes liées à la desserte maritime de l’archipel

Le cargo qui ravitaille l’archipel toutes les trois semaines constitue un élément indispensable de la vie des insulaires, notamment sur le plan alimentaire. Au cours de ces dernières années, il s’est toujours présenté avec régularité, même pendant la pandémie de covid qui a pourtant perturbé les chaînes logistiques.

L’une des inquiétudes des Wallisiens et Futuniens tient au fait qu’un pilote est indispensable pour aider le cargo à entrer dans le lagon de Wallis et à accoster au précaire appontement de Futuna. Or, il n’y a qu’un seul pilote pour les deux îles, l’intéressé étant basé à Wallis. Une fois qu’il a aidé le cargo à entrer puis à sortir du lagon de Wallis, le pilote rentre à Wallis puis se rend le lendemain en avion à Futuna pour aider le même cargo à s’amarrer au ponton en bois de Futuna. Si les prévisions météo sont mauvaises et que le vol risque d’être annulé, il peut aussi rester sur le cargo et effectuer la traversée à bord. Mais que se passerait-il s’il devait tomber malade au moment de l’arrivée du navire, lorsque les rayons des magasins sont dégarnis et les réfrigérateurs des insulaires vides ?

Populations et autorités de l’archipel réclament la nomination d’un second pilote qui pourrait prendre la relève de son collègue en cas d’imprévu, de manière à ne pas faire courir le risque d’une pénurie alimentaire à l’archipel. La demande peut sembler de bon sens. Mais, en l’absence d’incident, comment justifier la rémunération de deux pilotes qui n’auraient à gérer qu’un cargo tous les 21 jours ?

C.   un enjeu de santÉ publique

La mission n’a pas pu s’empêcher de remarquer que la plupart des autochtones étaient atteints d’obésité souvent sévère. Le changement des habitudes alimentaires (vers des féculents importés, la viande et les frites plutôt que vers les légumes traditionnels comme le taro) et la sédentarisation (en l’absence totale de transports en commun, presque toutes les familles déplacent en Pick-up) font des ravages. Parallèlement à l’obésité, le diabète, l’hypertension et toutes les maladies liées à une mauvaise alimentation sont en expansion. Cette situation est d’autant plus regrettable qu’en l’absence (vérifiée) de tout insecticide, pesticide ou fongicide, 100 % de la production agricole locale est bio. Aucun engrais non plus : seul le lisier est utilisé.

Selon le rectorat de Wallis et Futuna, 90,4 % de la population serait soit en surpoids soit en obésité, 89,3 % ne respecterait pas la recommandation de manger 5 fruits et légumes par jour, 15,1 % souffrirait de diabète et 60 % des jeunes de 10 à 19 ans consulteraient pour des caries dentaires.

Les produits locaux comme le taro, l’igname ou la patate douce sont principalement consommés lors des fêtes traditionnelles. Il faudrait que la population se remette à consommer ces tubercules sains de manière habituelle.

Le petit avion Twin-Otter de 19 places qui fait la liaison entre Wallis et Futuna n’est jamais rempli au-delà de 10 à 12 personnes, chaque passager étant pesé avant le décollage. L’embarquement s’interrompt quand le poids limite est atteint. De même, l’Airbus A320 néo qui relie Nouméa à Wallis et qui compte 180 sièges a longtemps été limité à 160 passagers pour des raisons de poids. Depuis peu, ce chiffre a encore été abaissé à 140, le poids moyen des voyageurs continuant à augmenter. Les passagers occupant deux sièges et à qui l’on fournit une ceinture de sécurité spéciale ne sont pas rares.

Ayant délaissé le mode de vie traditionnel et les aliments locaux au profit de ceux vantés par la mondialisation, le territoire de Wallis et Futuna apparaît extrêmement dépendant des importations. Pourtant, il existe des pionniers que la mission d’information a rencontrés et qui réalisent un travail admirable. Leurs actions (trop) isolées destinées à développer les cultures locales ne suffisent pas. Elles doivent être soutenues, encouragées et dupliquées.

III.   La polynÉsie française

La surface terrestre de la Polynésie est particulièrement réduite puisqu’elle représente le millième de la surface maritime du territoire. Et sur cette surface, la surface agricole utile est plus faible encore.

Le Recensement général agricole de 2012, le plus récent à ce jour, révèle l’affaiblissement de l’agriculture polynésienne, tendance inquiétante qui s’est, selon différentes publications, poursuivie depuis. Entre 1995 et 2012, la perte des outils de production, dont le foncier, a été particulièrement prononcée. La surface agricole hors cocoteraie est passée de 18 534 ha à 10 144 ha, soit une chute de 45,1 %. Le manque d’attractivité du secteur a entraîné une baisse du nombre d’exploitations de plus de 9 %, passant de 6 217 à 5 649 tandis que le nombre d’actifs travaillant dans le secteur a diminué de 15 %. On estime à seulement 30 000 le nombre d’actifs travaillant dans l’agriculture en Polynésie.

Ce déclin a entraîné une diminution de la production commercialisée localement et celle qui est exportée couvre de moins en moins le coût des importations agricoles. Le déficit de la balance commerciale agricole était en hausse de plus de 12 % en 2017. Néanmoins, en dépassant l’échelle macro-économique et en s’efforçant de prendre en compte l’autoconsommation alimentaire estimée en 2015 à plus de 150 millions d’euros, contribution essentielle pour les ménages les plus précaires, l’agriculture revêt une importance socio-économique mais également culturelle fondamentale. Le secteur fournit de l’activité́ à près de 18 % des actifs. En outre, il est également un important facteur de cohésion sociale dans les îles éloignées grâce à la pluriactivité des populations qui maintiennent une agriculture et une pêche de subsistance.

A.   Une production alimentaire locale insuffisante

1.   Malgré une autoconsommation non négligeable, la Polynésie dépend des importations

Jusqu’à une étude précise menée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) en mai 2022 sur l’alimentation durable dans les outre-mer, les autorités locales considéraient que l’autonomie alimentaire de la Polynésie était de l’ordre de 30 % sur les produits commercialisés, la couverture globale des besoins étant estimée à 50 %, si l’on y ajoutait l’autoconsommation.

Mais l’étude de l’ADEME a mis en évidence une réalité plus sombre : les besoins alimentaires des Polynésiens ne sont couverts qu’à hauteur de 28 % par la production locale, dont 16 % par l’autoconsommation et 12 % seulement par la production locale.

Le tableau suivant, construit par les rapporteurs à partir de données rassemblées dans les publications de l’ADEME, semble en contradiction avec les considérations qui précèdent dans la mesure où il indique un niveau d’importation d’environ 34 %. Ce résultat vient du fait qu’il ne présente que certaines filières pour lesquelles existe une production locale (fruits, légumes poissons, etc.) et pas celles pour lesquelles la production locale est très faible et qui représentent pourtant une grande partie de l’alimentation polynésienne telles que les céréales (blé, riz, pâtes), les féculents, les tubercules (pomme de terre, manioc), le lait ou les huiles.

Parts de la production locale, de l’autoconsommation et des importations dans la consommation totale de certaines filières en Polynésie (en tonnes)

Aliments

Production locale

 

auto

consommation

 

importations

 

Consommation totale

 

Fruits

7 936

21,6 %

25 016

68 %

3 836

10,4 %

36 788

100 %

Légumes

3 794

33,9 %

2 352

21 %

5 052

45,1 %

11 198

100 %

Poissons

3 000

17,2 %

14 000

80 %

494

2,8 %

17 494

100 %

Porcs

891

13,1 %

3 593

53 %

2 295

33,9 %

6 779

100 %

Bœufs

187

3 %

203

3,3 %

5 756

93,7 %

6 146

100 %

Volailles

7

0 %

1 638

9 %

16 559

91 %

18 204

100 %

Œufs

3 182

87,7 %

399

11 %

48

1,3 %

3 629

100 %

Total

18 997

19 %

47 201

47 %

34 040

34 %

100 238

100 %

Source : croisement de données publiées dans la publication de l’ADEME « Impact environnemental de l’alimentation en outre-mer – Focus Polynésie française » (mai 2022).

Ainsi, les subventions locales sur les « produits alimentaires de base » que sont le pain, le riz, l’huile ou le beurre favorisent la consommation de produits importés. Les boissons et les produits transformés (conserves, plats sous vide ou surgelés, produits laitiers), qui sont essentiellement importés, ne sont pas non plus pris en compte de ce tableau, faute de données consolidées.

Pour autant, ce tableau a le mérite de nous renseigner sur l’importance de l’autoconsommation dans des domaines classiques (fruits et légumes) ou plus inattendus tels que la pêche ou la filière porcine.

2.   Une pêche plus active que dans d’autres territoires

Il existe en Polynésie deux types de pêche :

– une pêche traditionnelle, pratiquée jusqu’à 30 miles nautiques. Elle est le fait de pêcheurs individuels dont les bateaux, régulièrement vérifiés, sont dans un état satisfaisant. Interdite aux étrangers même européens, elle est réservée aux artisans locaux qui sont aidés et bénéficient, entre autres, d’un gazole détaxé.

– une pêche hauturière également réservée aux Polynésiens et qui compte 60 palangriers actifs regroupant 400 professionnels. Ces navires ramènent actuellement 6 000 tonnes de prises, l’objectif étant d’atteindre les 10 000 tonnes annuelles.

La zone économique exclusive bénéficie d’une surveillance efficace grâce à la présence dissuasive de la marine nationale française qui, couplée à une surveillance satellitaire, repère et repousse très rapidement les rares intrusions.

3.   Des nuances à apporter selon les archipels

Il n’existe pas de statistiques géographiques permettant de différencier le taux d’autonomie ou de dépendance des différents archipels qui composent la Polynésie. Toutefois, l’autoconsommation est plus développée en milieu rural, donc beaucoup plus présente aux Marquises et aux îles australes, et très variable selon la nature des produits. À titre d’exemple, les Polynésiens des îles Tuamotu consomment une forte proportion de poissons pêchés sur place souvent en autoconsommation, tandis que la production de fruits, de légumes et de produits vivriers y est quasiment inexistante.

4.   Des sources d’approvisionnement diversifiées

Si la France hexagonale reste son premier fournisseur (27 % des importations), la Polynésie a su diversifier ses sources d’approvisionnement en faisant appel aux pays bordant l’océan Pacifique : Australie et Nouvelle Zélande (23 %), Asie du sud-est (13 %) et États-Unis (18 %) principalement. L’Europe hors France, avec 17 % de parts de marché, reste un fournisseur non négligeable.

Sources : Service des Douanes 2019

5.   Une desserte maritime globalement satisfaisante

La desserte maritime de la Polynésie est jugée « globalement satisfaisante » par le gouvernement polynésien, à la fois pour ce qui concerne la desserte internationale et la desserte intérieure. Toutefois quelques tensions existent :

– sur le plan international : la tendance à l’augmentation de la taille de bateaux contribue à rendre la destination Polynésie moins attractive. Il en résulte une diminution du nombre de dessertes directes, une partie du flux transitant vers la Nouvelle Zélande où les conteneurs sont réembarqués sur des navires de moindre taille ;

– sur le plan intérieur, la fréquence dépend du flux de marchandises et donc du niveau de population. Pour les îles les moins peuplées, notamment dans les archipels des Tuamotu ou des Gambier, certaines îles peu peuplées sont desservies selon une fréquence mensuelle.

Pour autant, l’instabilité dans laquelle le monde a plongé depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie pourrait se poursuivre voire s’aggraver, notamment en raison des risques de confrontation dans le détroit de Taïwan. Mais comment évoluerait la desserte des archipels océaniens en cas de conflit ouvert entre grandes puissances en mer de Chine ? Nul ne peut le dire.

B.   L’abandon de l’alimentation traditionnelle

1.   L’évolution des habitudes alimentaires

Le début des années 1960 est considéré comme un marqueur par les Polynésiens. Cette période correspond au développement des relations entre la Polynésie et l’hexagone – qu’on appelait alors métropole – avec la construction du centre d’expérimentation du Pacifique. L’arrivée en nombre de scientifiques et militaires, suivie par celle des touristes à partir des années 1970 puis par la mondialisation à la fin du vingtième siècle, a contribué à l’évolution des habitudes alimentaires.

La production locale de biens alimentaires a alors diminué, entraînant selon les autorités polynésiennes, « un recours aux importations permises par les transferts financiers, conduisant la collectivité au niveau de dépendance aux importations que l’on connaît aujourd’hui ».

Les schémas de la page suivante détaillent les habitudes alimentaires de la population polynésienne. On constate que les produits locaux (poissons et fruits de mer, fruits frais, légumes, tubercules) sont devenus minoritaires au profit de produits importés comme les céréales (y compris le riz et les pâtes), les produits surgelés, les charcuteries, les produits sucrés et autres plats préparés.

 

Les habitudes alimentaires en Polynésie française

I. L’assiette alimentaire type (hors boissons) par gramme, par jour et par habitant

II. Les boissons consommées (hors eau du robinet) par gramme, par jour et par habitant

Source : Institut de la statistique de Polynésie française (ISFP) 2019, direction de l’agriculture 2020, enquête budget des familles 2015. Graphiques repris dans la publication de l’ADEME « Impact environnemental de l’alimentation en outre-mer – Focus Polynésie française » (mai 2022).

En matière de boissons, les alcools et boissons sucrées, deux catégories dangereuses pour la santé à forte dose dominent malheureusement le marché. L’eau ne représente que 5 % de la consommation des Polynésiens, 9 % si l’on ajoute le thé.

2.   Le développement des pathologies liées à l’obésité

Ces dynamiques vont de pair avec une transition nutritionnelle marquée par la surconsommation des produits importés, souvent ultra-transformés, qui fait de l’alimentation un problème majeur de santé publique et engendre un coût social élevé́ pour le Pays. En effet, 70 % de la population polynésienne totale est en surpoids dont 40,4 % au stade de l’obésité́. L’espérance de vie des femmes est raccourcie de 6,1 ans par rapport à la moyenne nationale, celle des hommes de 4,5 ans.

Selon le journal Le Monde, « le Coca-Cola de Tahiti, par exemple, est le plus sucré du monde, et chaque année un peu plus, pour conforter une dépendance ». Les prévalences de surcharge pondérale, d’obésité́, de syndrome métabolique, de diabète et, dans une moindre mesure, d’hypertension, sont plus élevées chez les personnes ayant un niveau socioéconomique plus faible que chez les ménages les plus favorisés. Pour les foyers précaires n’ayant que peu recours à l’autoconsommation, les prix élevés d’un régime alimentaire sain sont la principale variable explicative de ces inégalités sociales de santé.

C.   Les difficultÉs d’installation des jeunes agriculteurs

1.   Des tensions perceptibles sur le foncier en Polynésie

Le Recensement général agricole de 2012 a évalué la surface agricole utile à 40 000 ha dont 30 000 ha sont constitués de cocoteraies, 6 500 ha de pâturages et assimilés et 3 500 ha seulement pour les fruits, les légumes, l’horticulture, le maraîchage et les cultures vivrières traditionnelles. Sur ces 3 500 hectares, environ 1 000 ha sont des terres domaniales louées à des agriculteurs.

Comme on le voit, si le foncier disponible semble globalement suffisant en valeur absolue, en pratique la part consacrée aux cultures vivrières reste relativement faible.

Le schéma directeur de l’agriculture évalue à 800 hectares le besoin de nouvelles terres pour les dix prochaines années et, bien qu’il n’existe pas de recensement des terres en friche, la disponibilité foncière en terres non encore cultivées est estimée à au moins 3 000 ha.

Cette surface agricole permet-elle l’installation de jeunes agriculteurs ? Oui, en théorie, selon M. Tearii Te Moana Alpha, ministre de l’agriculture, du foncier et de la recherche jusqu’en mai 2023. L’installation de jeunes sur les lotissements agricoles du Pays est privilégiée, en sortie des filières de formation agricole. Mais l’accès au foncier reste une difficulté pour les jeunes agriculteurs qui n’ont pas accès à des terres familiales à vocation agricole.

En effet, le coût du terrain agricole reste élevé. S’il est raisonnable en terrain dans la mesure où il s’agit d’une location (125 euros par hectare et par an), il peut être 10 à 20 fois plus élevé en terrain privé. Cette caractéristique explique que la surface moyenne exploitée n’était que de deux hectares lors du dernier Recensement général agricole, en 2012.

2.   Une formation et un accompagnement encore insuffisants

Le nombre de structures d’apprentissages aux métiers de l’agriculture en Polynésie semble suffisant : il existe trois lycées agricoles dont deux privés et huit maisons familiales rurales (MFR) qui proposent des formations en alternance, par voie scolaire ou par apprentissage.

Pour autant, les exploitants agricoles sont peu formés : 91 % d’entre eux n’ont pas reçu de formation initiale. Sans doute est-ce dû au fait que la plupart de ces structures sont récentes. En effet, les agriculteurs polynésiens sont relativement âgés puisque le recensement de 2012 leur attribuait un âge moyen de 49 ans.

Le ministère de l’agriculture polynésien reconnaît que les conseils et accompagnements à destination des exploitants agricoles ne sont probablement pas suffisants : « c’est le point faible du dispositif de soutien public actuel » indique le ministre.

Enfin, les difficultés d’accès au crédit constituent-elles un frein à l’installation des agriculteurs, comme cela a pu être relevé sur d’autres territoires ultramarins ? Pas véritablement selon le ministre qui souligne l’aide efficace apportée par une banque de développement locale, la Socredo, ainsi que par l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE) qui permet aux personnes n’ayant pas accès au système bancaire traditionnel de créer leur propre entreprise, grâce notamment au microcrédit accompagné.

3.   Une filière bio très limitée

Si la filière bio reste une culture de niche sur l’ensemble du territoire nation, elle est singulièrement absente de Polynésie où seulement 0,7 % de la surface agricole utile est cultivée en bio. Cela représente 42 exploitations et 259 hectares seulement.

La majorité de la surface bio (63 %) est dévolue aux fruits et légumes. 20 % de la surface agricole bio est consacrée aux graines et à la noix de coco dont il est fait de l’huile. Il existe sur le territoire treize opérateurs spécialisés dans les produits bios, depuis les industriels de l’agroalimentaire jusqu’aux distributeurs.

4.   Les agriculteurs Polynésiens moins aidés que d’autres

Malgré une intervention publique en faveur du secteur agricole en augmentation, l’agriculture polynésienne demeure largement moins soutenue, tant financièrement qu’institutionnellement, que celle des autres collectivités d’outre-mer. La différence de statuts administratifs entre les PTOM (pays et territoires d’outre-mer) que sont la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française et les DROM (départements et régions d’outre-mer) qui, en vertu de l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), bénéficient du statut de région ultrapériphérique (RUP) et donc d’un accès aux fonds nationaux et européens, explique en grande partie ces différences. Il n’en demeure pas moins vrai que la souveraineté alimentaire polynésienne souffre de ces soutiens moindres.

Hors coprah, la Polynésie française est le territoire où les filières animales et végétales, pourtant essentielles à la satisfaction des besoins alimentaires locaux, sont les plus faiblement soutenues. Si l’on en croit le ministre polynésien de l’agriculture, l’addition des montants des aides versées au titre des seules filières animales et végétales met en valeur la faiblesse des soutiens perçus par les agriculteurs polynésiens : en additionnant les montants des aides à ces deux filières, on obtient un total de 8 301 677 euros versés aux agriculteurs de Guyane, 4 747 613 euros pour ceux de Mayotte, 23 462 613 euros pour la Nouvelle-Calédonie et uniquement 4 662 887 euros pour la Polynésie française.

D.   Un plan volontariste du gouvernement local

Conscient des enjeux, le gouvernement polynésien au pouvoir jusqu’aux élections d’avril 2023 a mis en place un « Schéma directeur de l’agriculture (SDA) 2021-2030 » dont un des objectifs est d’améliorer l’autonomie alimentaire de la Polynésie. Ce plan présente 300 actions déclinées en 29 orientations.

Les rapporteurs tiennent à préciser que leurs travaux concernant la Polynésie ont été menés avant le changement de gouvernement consécutif aux élections territoriales d’avril 2023 qui ont vu un changement de majorité. Ils ne peuvent donc pas présumer de la poursuite du plan décrit ci-après.

1.   Un schéma directeur agricole 2021-2030 ambitieux

Le schéma directeur de l’agriculture polynésienne pour les années 2021-2030 est extrêmement ambitieux. Sans entrer dans le détail de ses dispositions, il a pour objectif de développer l’activité́ agricole comme outil de cohésion sociale dans les archipels en favorisant les pratiques respectueuses de l’environnement. À cet effet, quatre dispositifs sont préconisés :

– l’instauration de contrats longs pour l’innovation agroécologique (CTAE) afin de généraliser les pratiques culturales agroécologiques. Ce dispositif reprendrait un des outils du Partenariat européen pour l’innovation agricole, les groupes opérationnels, et serait inspiré par le modèle des eco-schemes en cours de mise en place au sein de la future PAC européenne. Bien que ne faisant pas partie de l’Union européenne, la Polynésie y est « associée » ;

– le versement d’une aide de base aux exploitations agricoles familiales, en fonction du nombre d’unités de travail annuel, de manière à favoriser les filières locales ;

– la création d’un Office de développement des économies agroécologiques pour renforcer l’optimisation technico-économique des exploitations, par le conseil individuel adapté et l’animation de collectifs d’agriculteurs. Cet organisme aurait principalement en charge la vulgarisation et les transferts de bonnes pratiques au niveau des exploitations et l’accompagnement des porteurs de projets, soutenus par les dispositifs d’aides.

– le soutien aux prix des productions soumises à la concurrence permettrait de faciliter leur démarrage, de maintenir leur compétitivité́ face aux importations et d’assurer des revenus corrects aux producteurs.

2.   Le développement de la filière halieutique

Le schéma directeur 2021-2030 s’intéresse aussi à la mer et dresse des perspectives de développement durable en matière halieutique avec l’entrée en flotte d’une cinquantaine de navires au cours des cinq prochaines années ainsi qu’une possibilité́ d’augmentation des captures se situant entre 5 500 et 7 500 tonnes, ce qui correspondrait au doublement des prises actuelles. Malgré une telle augmentation, la production atteindrait des niveaux de captures demeurant inférieurs au potentiel maximum durable de 14 000 tonnes dans la ZEE de la Polynésie française.

Cette stratégie de développement repose sur l’extension de la flotte et l’optimisation de la chaîne de valeur selon quatre objectifs :

– assurer l’accroissement de la flotte hauturière basé sur une exploitation durable des ressources de la ZEE et de ses zones adjacentes. L’effort de pêche dans les zones les plus exploitées (îles de la Société́ et Nord des Tuamotu) devra être maîtrisé, au profit de stratégies d’élargissement du rayon d’action de la flotte hauturière dans d’autres zones (Marquises, Australes, Gambier…) dans le respect des mesures internationales de gestion et de conservation ;

– densifier la chaîne de valeur au profit de la Polynésie, en insérant le développement de la pêche hauturière dans une véritable filière permettant de répondre à ses besoins, en ce qui concerne la fourniture de biens et services aux navires (amont) et l’écoulement des captures sur les marchés (aval) ;

– promouvoir les compétences nécessaires au développement de la filière en dotant les organismes de formation et l’administration des moyens pour répondre aux besoins en matière de formation, de suivi des carrières et de l’emploi des marins, ainsi que de suivi sanitaire des navires et des produits ;

– optimiser le soutien à la filière en adaptant le système des aides directes et indirectes mis en place par le Pays (la Polynésie) au nouveau développement de la filière et en mettant en place un suivi économique.

3.   Une autonomie avantageuse

Pour autant, à ce stade, pour la Direction de l’agriculture polynésienne, la mesure la plus efficace, car disposant du plus fort effet de levier, serait la mise en place d’un dispositif permettant la réalisation des aménagements fonciers (pistes de desserte / défrichage / réseau hydraulique agricole) des zones agricoles privées prises en charge en totalité sur fonds publics.

La grande décentralisation dont elle bénéficie rend la collectivité de Polynésie française maîtresse de la politique qu’elle mène sur le plan économique et, notamment, en matière agricole.

C’est aussi probablement en raison de cette décentralisation que ni l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), très présente dans les départements d’outre-mer, ni le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) ne sont présents en Polynésie, contrairement à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), ce que regrettait le gouvernement local au pouvoir avant les dernières élections (avril 2023) qui souhaitait une présence de ces organismes.

 


cinquiÈme partie : les cas particuliers de la Guyane et de Saint-Pierre-et-miquelon

I.   La guyane

Seule collectivité ultramarine à ne pas être une île et à disposer d’un territoire très vaste, la Guyane se trouve pourtant dans une situation proche de celle des territoires insulaires. Un manque d’appétence de la population locale pour les métiers de l’agriculture ou de la mer, conjugué à un paradoxal manque de surface utile défavorisent la production agricole. Et comme partout, l’uniformisation des goûts favorise les importations de produits associés à l’alimentation mondialisée.

Toutefois, le dynamisme démographique du territoire, les réserves de terres à exploiter ainsi que les potentialités maritimes incitent à l’optimisme.

A.   Une grande dÉpendance aux importations

1.   Une tendance générale à la dépendance aux importations

Depuis une dizaine d’années, les importations alimentaires guyanaises augmentent. Les demandes de produits carnés (animaux vivants, poissons et crustacés) ainsi que celle de végétaux (céréales, fruits, légumes) ont été multipliées par environ 1,5 entre 2009 et 2019.

La France hexagonale est le premier fournisseur de la Guyane avec 68 % des importations en moyenne entre 2016 et 2019. Le reste des importations provient essentiellement des territoires voisins (Martinique, Suriname) mais aussi, pour des raisons historiques liées au Suriname, des Pays-Bas et de Belgique.

Origine des importations alimentaires de la Guyane

2.   Des importations de viande en constante augmentation

Entre 2009 et 2019, les importations de viande en Guyane ont été en augmentation constante, passant de 10 000 tonnes à environ 17 000 tonnes par an. L’absence d’abattoir agréé de volailles sur le territoire guyanais explique que le territoire importe 99 % des volailles qu’il consomme.

En conséquence, les importations de viande sont majoritairement composées de volailles (65 % en 2019), loin devant les porcs (15 %) et les bovins (9 %). En 2019, la viande importée en Guyane provenait principalement de l’hexagone (75,6 %), des Pays-Bas (13,2 %) et d’Allemagne (5 %). La part des importations de viande en provenance des Pays-Bas a presque doublé entre 2017 et 2019, tandis que la part de l’Espagne s’est considérablement réduite à partir de 2018.

3.   Une forte hausse de la demande de légumineuses

Depuis 2009, la demande pour les légumes, plantes et racines alimentaires a fortement augmenté en Guyane. Le total des importations, qui était d’environ 2 000 tonnes en 2009, atteignait près de 5 000 tonnes en 2019.

Les produits les plus demandés sont les pommes de terre, les oignons et légumes non-cuits. Ils représentaient plus de 55 % de la demande d’importations de légumes en Guyane en 2019. Les principaux fournisseurs pour ces produits sont la France hexagonale et les Pays-Bas (pour les oignons et autres légumes alliacés notamment), mais aussi les voisins régionaux comme le Costa Rica et le Mexique (pour les carottes, navets, betteraves), ou encore le Brésil (spécifiquement pour les racines de manioc), dont il est presque le partenaire exclusif avec plus de 80 % de parts de marché.

4.   Une demande de fruits en augmentation depuis 2009

Les importations de fruits en Guyane sont en augmentation constante depuis 2009, avec une hausse nette en 2014, puis un retour à une hausse plus raisonnable à partir de 2016.

Ces produits proviennent majoritairement de France hexagonale (pour plus de 60 %), du Chili (environ 15 %) et de l’Union européenne (environ 10 %). Les produits les plus importés sont les pommes et les agrumes.

5.   Des fluctuations importantes pour la demande de céréales

Les importations de céréales en Guyane sont erratiques. On observe une augmentation entre 2009 et 2013, puis une chute soudaine et brutale entre 2014 et 2017, puis une nouvelle hausse à partir de 2018.

Les céréales les plus demandées en 2019 sont le maïs (pour 33,5 % des importations), le riz (32,8 %) et le blé (23,7 %). Elles sont essentiellement importées de l’hexagone, du Suriname, de la Thaïlande et du Cambodge.

B.   Un important potentiel agricole

1.   Un dynamisme démographique

La Guyane comptait 285 000 habitants en 2020 selon l’INSEE. Il s’agit, avec Mayotte, de la région ayant la plus forte dynamique démographique : + 2,4 % entre 2014 et 2020. Ce dynamisme est porté par une natalité élevée et une forte immigration en provenance d’Haïti, du Suriname et du Brésil. La population devrait continuer d’augmenter, l’INSEE estimant que le territoire comptera 430 000 habitants en 2050, dont un peu plus d’un tiers aura moins de 20 ans. Penser l’autonomie alimentaire en Guyane nécessite donc de prendre en compte cette dynamique démographique. À ce titre, on constate que les effectifs scolaires de l’enseignement agricole ont augmenté, passant de 800 élèves en 2015 à plus de 1 000 en 2020.

Le secteur agricole occupe 20 560 actifs, soit un quart de la population active. La Guyane est le seul département français dont le nombre d’exploitations a augmenté durant la décennie 2010 pour atteindre le nombre de 7 000 aujourd’hui contre 6 000 en 2010.

Les Hmong de Guyane

Les Hmong sont un groupe ethnique d’Asie du sud-est, présent en Indochine, en particulier au Laos et au Tonkin. Agriculteurs montagnards et éleveurs de bétail propriétaires de petites parcelles, ils ont été nombreux à refuser la collectivisation et la sédentarisation imposées par les régimes communistes ayant pris le pouvoir à la fin de la guerre d’Indochine.

Nombre d’entre eux ont fui l’Indochine pour se rendre dans des camps de réfugiés en Thaïlande. Certains pays occidentaux (États-Unis, Argentine, Australie, etc.) ont accepté d’en accueillir. La France, ancienne puissance tutélaire en Indochine a recueilli en 1977, 10 000 réfugiés Hmong originaires du Laos. 2 000 d’entre eux se sont installés en Guyane dont le climat équatorial rappelle celui de leur pays d’origine. L’idée était de profiter de leur expérience en matière agricole pour développer ce vaste territoire peuplé à l’époque de seulement 55 000 habitants.

Installés dans quatre villages qu’ils ont eux-mêmes construits (Cacao en 1977, Javouhey en 1979, Rococoua et Corrossony en 1990) les premiers Hmong ont effectué un important travail de défrichage ce qui a permis d’assurer la pérennité des exploitations. L’agriculture de subsistance des débuts s’est professionnalisée et est devenue rentable, ce qui a incité la plupart des jeunes de la communauté à rester sur place et à s’investir dans les métiers agricoles.

En 2020, ce sont environ 4 400 Hmong ou leurs descendants qui vivaient en Guyane. Même s’ils ne comptent que pour 2 % de la population guyanaise, ils restent les principaux cultivateurs du territoire puisqu’ils représentent 80 % des agriculteurs locaux. Les Hmong produisent 70 % des fruits et légumes du département et fournissent chaque semaine près de 60 tonnes de légumes vendus sur le marché de Cayenne, le plus grand du territoire. Cette production est possible grâce à un maraîchage très varié, les agriculteurs Hmong ayant pour souci de répondre avant tout à la demande locale.

2.   Un territoire ayant un important foncier inexploité

La Guyane est un territoire de huit millions d’hectares dont près de la moitié – 3,4 millions ha – est une zone naturelle protégée (le Parc amazonien de Guyane). Malgré ces contraintes de normes environnementales, il existe une surface agricole en friche de 46 000 hectares, d’une superficie supérieure à la surface agricole exploitée, qui est de 35 000 ha.

S’il existe des marges de manœuvre pour augmenter la SAU, l’accès au foncier pour les jeunes agriculteurs est difficile. Les autorités considèrent qu’environ 75 % des agriculteurs guyanais n’ont pas de titre foncier, ce qui ne leur permet donc pas d’être éligibles aux multiples aides, à commencer par celles à l’installation. On peut déplorer l’absence de Safer (sociétés d’aménagement foncier et d'établissement rural) qui « complique la reprise ou le rachat de terres d’agriculteurs retraités ou en cessation d’activité ». Autre conséquence de ces négligences administratives, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), l’emploi informel occuperait un tiers des actifs agricoles.

La Collectivité territoriale de Guyane prévoit dans son Schéma d’aménagement régional (SAR) de porter la surface agricole utilisée à 75 000 hectares en 2030.

3.   L’urbanisation favorise la consommation de produits importés

La population guyanaise est à 84 % urbaine. Elle cuisine de moins en moins et se porte vers des produits surgelés ou déjà préparés, ce qui favorise les importations. L’étude de Caroline Méjean dans le cadre de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), montre que les produits alimentaires sont en moyenne 40 % plus chers en Guyane que dans l’hexagone, alors que la moitié (53 %) des Guyanais vivent sous le seuil de pauvreté et que l’alimentation est le poste de dépense principal des ménages à faible revenu.

Production locale de fruits et surfaces nécessaires à l’autosuffisance en la matière

L’étude de l’IRD montre également que les aliments les plus consommés par les Guyanais sont le riz, le manioc et le poisson, or le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) estime que ces aliments peuvent être produits localement pour répondre à la demande : « la Guyane, forte d’un potentiel de 10 000 ha de zones humides propices à la culture du riz (polder de Mana, permettant deux cycles de production par an), était autosuffisante et exportatrice de riz jusqu’en 2006 ». La culture du riz nécessite l’irrigation des parcelles or, grâce notamment au barrage de Petit-Saut, la Guyane possède l’une des plus importantes réserves d’eau douce au monde, troisième au monde rapporté au nombre d’habitants. Ainsi, l’amélioration des infrastructures de traitement et d’acheminement de l’eau des canalisations participerait à une plus forte autonomie alimentaire du territoire.

Le Cirad a également proposé une estimation de la surface agricole supplémentaire nécessaire pour répondre à la consommation de jus de fruits (dont le taux de couverture en prenant compte des produits transformés est légèrement supérieur à 80 %). Il ressort de cette étude que 2 500 hectares supplémentaires seraient suffisants pour couvrir les besoins.

C.   Une marge de progression en matiÈre de pÊche

Le secteur de l’économie de la mer emploie presque 300 personnes, mais seulement 200 pêcheurs professionnels. La production de la pêche pourrait être améliorée en comparaison de celle de ses voisins : 5 200 tonnes sont pêchées annuellement en Guyane contre 50 000 tonnes au Suriname et au Guyana. La Guyane peut compter sur un secteur agro-industriel qui se concentre surtout sur la transformation et la conservation de poissons, mollusques et crustacés.

1.   Des efforts en cours pour renouveler la flotte de pêche

Le 3 mai 2023 a été signé à Cayenne une convention tripartite entre le secrétaire d’État chargé de la mer, Hervé Berville, le comité régional des pêches (CRPM) et la collectivité territoriale de Guyane. Son objet est de relancer la filière pêche dans cette collectivité territoriale d’outre-mer.

Selon les déclarations du ministre, ce plan vise à « répondre à l’urgence », et à « occuper l’espace maritime » pour lutter notamment contre la pêche illégale qui mine le secteur. Dans cette optique, une enveloppe de deux millions d’euros de fonds privés apportés par l’armateur CMA-CGM sera accordée. Une manne « immédiatement disponible » qui pourra permettre « l’acquisition de navires plus modernes dans les six prochains mois », a précisé M. Berville.

Le texte prévoit aussi l’installation d’une unité des affaires maritimes à Iracoubo, à mi-chemin entre Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni, villes les plus peuplées du département.

Il met également l’accent sur la formation, avec la création d’un CAP marin-pêcheur au lycée agricole de Matiti d’ici septembre 2024. La main-d’œuvre dans la filière est composée en majorité d’étrangers et, faute de documents administratifs renouvelés à temps, beaucoup se retrouvent empêchés de travailler.

2.   La nécessaire lutte contre la pêche clandestine

Les eaux guyanaises, poissonneuses, sont convoitées et parfois pillées par des pêcheurs venus d’autres pays et ayant compromis le renouvellement des espèces de leurs régions d’origine. Les pays montrés du doigt sont principalement le Suriname, le Brésil et le Venezuela. Conscientes du problème, les autorités françaises multiplient les contrôles et augmentent régulièrement les saisies. Pour la seule année 2022, 208 navires ont été déroutés, 233 tonnes de poissons saisies, 12 navires détruits et un kilométrage impressionnant de filets saisis. Mais comme le font remarquer les responsables, c’est l’absence de pêcheurs guyanais qui semble créer un appel d’air, les pêcheurs clandestins prétendant ne pas causer de préjudice puisqu’il n’existe pas de pêcheurs français…

La promotion de la pêche hauturière auprès des Guyanais est donc un premier pas pour lutter contre ce phénomène. Mais il ne sera pas suffisant. L’Union européenne doit aussi prendre des mesures à l’égard des pays qui ne respectent pas le droit de la pêche, même si Bruxelles est toujours réticente à l’idée de sanctionner le Brésil.

L’une des sanctions les plus efficaces pourrait consister à interdire à ces pays l’accès au marché européen sur certains segments de production, notamment les poissons, puisqu’on sait que certains sont pêchés de manière illégale. Actuellement, le Brésil ou le Suriname transforment et vendent sur le marché européen des poissons qu’ils ont pêchés en toute illégalité dans les eaux françaises ! Il n’est pas rare que des pêcheurs vénézuéliens vendent sur le marché guyanais, sans être inquiétés, le produit de leur pêche clandestine dans les eaux françaises. Leur interdire le marché communautaire serait la moindre des choses.

Préconisation : interdire l’accès au marché de l’Union européenne (ou au moins au marché français) aux poissons et fruits de mer pêchés de manière illégale dans les eaux des ZEE ultramarines.

 


II.   SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON

Les historiens s’accordent sur le fait que le territoire de St-Pierre-et-Miquelon n’a jamais été autosuffisant sur le plan alimentaire. Toutefois, l’archipel, jadis surnommé « le lieu de pêche le plus merveilleux du monde », (Atlas colonial français, 1938, p. 248) a longtemps été largement exportateur net, notamment grâce à la pêche à la morue. Ce n’est plus le cas de nos jours.

A.   Une activitÉ agricole encore trop faible

1.   Des conditions climatiques défavorables

La pauvreté des sols de St-Pierre-et-Miquelon ne permet pas une production agricole abondante et les conditions climatiques y sont instables et défavorables. La culture de plein champ se limite à quelques mois par an. À ces difficultés s’ajoute le caractère insulaire de l’archipel qui renchérit le coût des intrants du fait du transport, lui-même dépendant des conditions météorologiques. L’exportation présente également des difficultés liées à la différence de statut avec le Canada, qui est pourtant son voisin et son débouché le plus proche.

En dépit de cette situation peu favorable, l’archipel a longtemps été un exportateur net de produits alimentaires à une époque où les habitants se nourrissaient principalement du produit de la pêche et du peu de production agricole locale. Mais le changement des habitudes alimentaires et la régression de l’activité halieutique ont augmenté la dépendance aux importations. À Saint-Pierre-et-Miquelon, le secteur agricole emploie moins de 1,5 % des salariés de l’archipel et contribue à une très faible part de la création de richesse.

2.   Une production maraîchère en augmentation ces dernières années

La production maraîchère, très sensible aux variations climatiques, connaît une production très instable, certains produits pouvant manquer complètement d’une année sur l’autre. Le faible nombre d’exploitations agricoles et la faiblesse de la surface cultivée augmentent encore l’aléa de la production. En dépit de ces contraintes, l’archipel enregistre une hausse globale de sa production maraîchère, peut-être favorisée par le réchauffement climatique qui réduit les périodes de neige et de gel et augmente les températures ainsi que les durées d’ensoleillement.

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Pour autant, et malgré des tentatives de diversification, l’autosuffisance maraîchère reste un objectif lointain. À titre d’exemple, la Direction des territoires, de l’alimentation et de la mer (DTAM) de Saint-Pierre-et-Miquelon estime que la production de laitues ne couvre que 55 % des besoins et celle des tomates 12 %.

La marge de progression pour la production agricole est donc très importante. Les habitants de l’archipel sont demandeurs de produits locaux. Mais l’aide des pouvoirs publics sera nécessaire pour aider à l’installation de futurs exploitants, pour valoriser le foncier et pour inciter à la formation agricole. L’archipel possède plusieurs atouts comme un large espace inexploité, une culture agricole ancienne, mais aussi une appétence des consommateurs pour les produits locaux.

B.   Une Économie largement importatrice

Le commerce extérieur de Saint-Pierre-et-Miquelon s’apparente à celui d’une petite économie insulaire caractérisée par la prédominance des importations, et un faible niveau d’exportations. La faiblesse de la production agricole locale a rendu l’approvisionnement extérieur indispensable.

1.   Des exportations dépendantes des campagnes de pêche

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Les exportations de l’archipel ont beaucoup diminué en 2020, après avoir connu une hausse importante pendant quatre années consécutives (de 2015 à 2019). Les produits de la pêche représentent l’essentiel des produits exportés. Ils ont toutefois décru en 2020 (- 36,9 %), malgré une tendance à la hausse depuis 2015.

Le premier débouché pour les exportations de l’archipel est le Canada, du fait de sa proximité géographique. Ce pays absorbe 69,3 % des exportations dont 97,2 % de produits de la mer. Le second partenaire est la France hexagonale qui, malgré son éloignement, reçoit 22,6 % des exportations de l’archipel.

2.   Une filière « viandes » marquée par les importations

La production de viande de l’archipel se concentre principalement sur les élevages ovins et la volaille. La production bovine reste très marginale avec une couverture des besoins estimée à seulement 3 %. La filière est freinée par l’absence de prairies pâturables et par la faiblesse de la surface disponible pour le fourrage.

3.   Un taux de couverture évolutif pour les cultures maraîchères

Les taux de couverture du maraîchage, qui étaient quasi nuls en 2017 (entre 0 et 6 % selon les produits, cf. tableau ci-dessus), ont commencé à se redresser. L’archipel a produit, en 2021, 25,9 % de ses laitues et 48,3 % de ses pommes de terre. En revanche, avec à peine 2,5 % de ses tomates produites sur place, Saint-Pierre-et-Miquelon dépendent encore fortement des importations canadiennes pour ce légume.

C.   une richesse halieutique sous-exploitÉe

1.   Une contraction historique de la pêche industrielle

Le secteur de la pêche a connu une restructuration en 2017, caractérisée d’une part par le rachat de la Société des Nouvelles Pêches de Miquelon (SNPM) par l’armement Le Garrec, et d’autre part par l’acquisition de deux nouveaux chalutiers destinés à optimiser l’exploitation des quotas de l’archipel. Cette reconfiguration a permis de compenser la baisse des prises de pêches de la période 2015-2017. Les pêches sont en effet reparties à la hausse en 2018 (+ 45,9 %).

Malgré l’importance du potentiel halieutique, le produit de la pêche est structurellement en baisse à Saint-Pierre-et-Miquelon (- 20,8 % en 10 ans). Cette évolution reflète la contraction de la pêche industrielle.

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2.   Une ressource pourtant importante

Pourtant, la ressource est importante puisque, au-delà de la ZEE française, les îliens ont aussi accès aux eaux internationales, à des stocks cogérés dans le cadre de l’accord franco-canadien ainsi qu’aux espèces relevant de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique.

La combinaison de ces sources porte le potentiel théorique de pêche de poissons, crustacés et mollusques à plus de 10 500 tonnes annuelles. Pourtant depuis le début des années 2010, le tonnage des produits pêchés n’a jamais dépassé les 3 200 tonnes. En effet, le secteur tend à se concentrer sur une espèce principale, le concombre de mer, en raison de la facilité à le pêcher et de sa rentabilité. Le crabe des neiges et la raie connaissent également une augmentation de leur part dans le total des prises. Cette pratique d’une pêche peu diversifiée renforce la tendance à la sous-exploitation des quotas de l’archipel et donc la gestion peu durable de la ressource.

L’activité aquacole reste encore marginale et a été impactée par la fermeture, en 2020, de l’unique exploitation spécialisée dans la pectiniculture (élevage de coquilles Saint-Jacques). Cependant, un nouveau programme de mytiliculture (élevage de moules) se développe à Miquelon et une première récolte a eu lieu en 2021.


sixiÈme partie : les pistes de rÉflexion de la mission d’information

Au cours de ses auditions et de ses déplacements, la mission d’information sur l’autonomie alimentaire a été saisie de sujets divers car les outre-mer sont tous différents et sont confrontés à des situations variées. Pour autant, quatre thématiques principales se retrouvent chez pratiquement tous les territoires : le manque de foncier, les restrictions d’usage de produits phytosanitaires, l’accès à la profession pour les jeunes et la sous-utilisation de la ressource halieutique.

Les rapporteurs s’efforcent de proposer des pistes de réflexion.

I.   l’agriculture ultramarine : de la terre et des hommes

Les observateurs sont unanimes : l’autonomie alimentaire des outre-mer est un objectif raisonnable, mais suppose de produire davantage localement. Pour cela, de nouvelles surfaces agricoles utiles seront nécessaires ; mais pour travailler ces terres, il conviendra de mieux préparer, conseiller et soutenir les jeunes agriculteurs se lançant dans la profession.

1.   Un sujet récurrent : le manque de foncier

Le manque de foncier est un phénomène constaté dans la plupart des outre-mer mais sous des manières différentes :

– certains territoires (Guadeloupe, Martinique, La Réunion) comptent beaucoup de friches ou de jachères. Il s’agit généralement de terrains appartenant à des agriculteurs approchant de la fin de leur carrière, sans repreneur, et qui cessent de cultiver certaines parcelles en espérant pouvoir les vendre à terme comme terrains constructibles. En conséquence, le prix des terres agricoles tend à augmenter dans ces territoires ;

– à la Martinique, des milliers d’hectares de terres agricoles ne sont plus exploitables en raison de la pollution au chlordécone qu’ils ont subie ;

– d’autres collectivités ne disposent actuellement pas d’assez de terres exploitables en raison de l’étroitesse des territoires par rapport à la population à nourrir. C’est le cas à Mayotte, malgré la superficie de l’archipel. Dans d’autres cas, le manque de fertilité ou d’eau, ainsi que la pression foncière pour bâtir laissent peu de place à l’agriculture : c’est typiquement le cas à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et sur certains archipels polynésiens.

– En Guyane, la superficie du territoire pourrait permettre la mise en valeur de terre agricoles, mais la forêt amazonienne est protégée et les possibilités de défrichage y sont très limitées ;

– en Nouvelle-Calédonie, les territoires existent mais appartiennent pour la plupart aux communautés locales, sous forme d’indivision. La complexité du droit coutumier ainsi que la recherche permanente du consensus rendent très difficiles la vente, la location et la mise en exploitation de ces terres ;

– enfin, Saint-Pierre-et-Miquelon présente un cas particulier : les terres ne manquent pas sur cet archipel peu peuplé, mais elles sont peu productives, notamment en raison du climat.

Ce manque de surface agricole est autant plus regrettable que de l’avis général, il suffirait de peu de superficie supplémentaire pour s’approcher de l’autosuffisance alimentaire : de quelques centaines à quelques milliers d’hectares dans la plupart des cas.

Le grand nombre de friches sur certains territoires laisse augurer d’une extension de l’urbanisation : des précautions doivent être prises pour conserver les meilleures terres agricoles. La mise en place de zones agricoles protégées (ZAP) sur le modèle de ce qui a été mis en place dans les communes de Saint-Esprit et Rivière-Salée, en Martinique, doit être encouragée.

Un territoire fait figure d’exception : Wallis et Futuna, où le foncier, même limité, semble suffisant pour nourrir une population qui ne compte qu’environ 11 500 habitants.

2.   Valoriser la ressource humaine de l’agriculture ultramarine

La population agricole ultramarine est âgée et diminue dans des proportions importantes année après année. Il importe donc de soutenir au maximum les jeunes qui se lancent courageusement dans la voie de métiers agricoles qui sont physiquement très exigeants.

Or, le manque de foncier et, par voie de conséquence, le coût élevé des terres agricoles disponibles constituent un obstacle difficilement surmontable pour les jeunes agriculteurs qui n’ont pas la chance de prendre la suite d’une exploitation familiale. Les interlocuteurs de la mission d’information ont regretté la frilosité des banques en matière de prêts consentis aux jeunes agriculteurs. L’absence, dans beaucoup de territoires ultramarins, d’une banque spécialisée dans le monde agricole aggrave cette situation.

Si les lycées agricoles sont assez nombreux, il est regrettable de constater que la majorité des élèves qui y suivent une formation le font par défaut, n’ayant pas été admis ailleurs et n’ayant pas de projet professionnel agricole. Les rapporteurs regrettent que le lycée agricole de Wallis ne compte actuellement que trois élèves.

II.   Les contraintes matÉrielles À surmonter

1.   La question des produits phytosanitaires

Le contrôle des produits phytosanitaires et l’interdiction des molécules les plus dangereuses ne sont pas critiquables car il en va de la santé publique. Mais les règles du jeu doivent être les mêmes pour tous. Ce n’est pas le cas et c’est ce qui provoque du ressentiment chez les cultivateurs ultramarins qui s’estiment lésés.

En effet, si les molécules interdites sont le plus souvent remplacées par d’autres produits utilisables sous les climats européens tempérés, ce n’est pas le cas dans les outre-mer où les spécificités tropicales, subtropicales ou équatoriales exigent des travaux supplémentaires de la part des grandes entreprises de la chimie. Or, le coût de ces recherches, conjugué au coût d’obtention de l’autorisation de mise sur le marché, est souvent jugé rédhibitoire par les industriels en raison de l’étroitesse des marchés ultramarins.

Privés d’herbicides, d’insecticides et de fongicides, les agriculteurs des outre-mer s’estiment à juste titre doublement pénalisés : à l’égard des pays européens qui disposent de produits pouvant se substituer aux produits phytosanitaires interdits ; mais aussi à l’égard des pays voisins et concurrents qui ne sont pas tenus de respecter les normes européennes draconiennes et peuvent proposer sur les marchés leurs fruits et légumes cultivés à l’aide de produits phytosanitaires interdits dans les outre-mer.

La mission propose plusieurs mesures ayant pour objectif d’aiguillonner la recherche en matière de produits destinés aux outre-mer et de se prémunir contre les produits provenant de pays peu regardants sur les normes phytosanitaires.

2.   Le nécessaire renouvellement des flottilles de pêche

La France qui dispose, grâce aux outre-mer, de la deuxième zone économique exclusive mondiale derrière les États-Unis, importe 70 % des poissons et fruits de mer qu’elle consomme. Cette situation doit être corrigée d’autant que le produit de la pêche participe de l’autonomie alimentaire des territoires et que la ressource est abondante.

Au-delà du relatif désintérêt des Ultramarins pour les métiers de la mer, l’une des principales difficultés réside dans la vétusté des flottilles de pêche actuelles qui, à de rares exceptions près (Nouvelle-Calédonie et Polynésie), ne permettent pas aux pêcheurs ultramarins de mener des campagnes de pêche hauturières. Limités le plus souvent à des activités côtières, les pêcheurs ne peuvent pas exploiter comme ils le voudraient la ressource locale, laissant malheureusement le champ libre à des pêcheurs clandestins, notamment à Mayotte, en Guyane et à Wallis et Futuna.

La Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture (DGAMPA) doit absolument collationner et fournir les informations que l’Union européenne exige pour participer au financement du renouvellement des flottilles de pêches ultramarines vétustes. Au-delà du sujet économique, il en va aussi et surtout de la sécurité des intéressés.

III.   Autonomie alimentaire et vie chÈre : deux sujets connexes

La mission d’information a mené ses travaux parallèlement à la commission d’enquête sur « la vie chère dans les outre-mer » ([5]) conduite par M. Guillaume Vuilletet, président, et M. Johnny Hajjar, rapporteur. Elle n’a pas pu s’empêcher de réfléchir au lien pouvant exister entre importations et coût de la vie.

1.   Les importations contribuent-elles à la cherté de la vie ?

Ayant consacré l’essentiel de ses travaux à la recherche de l’autonomie alimentaire des outre-mer, la mission d’information a été interpellée sur le possible lien existant entre l’importance des importations de denrées alimentaires et le niveau élevé des prix, toujours supérieurs dans les outre-mer à la moyenne nationale.

Les importations contribuent-elles à la cherté de la vie dans les outre-mer ? On est tenté de répondre intuitivement par la positive à cette question, puisque la plupart des importations (sauf produits de première nécessité comme le riz) sont soumises à des taxes que ne connaissent pas les produits élaborés localement. Et les produits importés subissent le coût des transports dont le niveau élevé – qui fait la fortune de certains transporteurs maritimes – est régulièrement dénoncé.

La réponse intuitive mérite pourtant d’être nuancée.

2.   Les marchés étroits ne permettent pas les économies d’échelle

Lorsqu’on se rend sur les marchés ultramarins ou dans des grandes surfaces, on se rend compte que les volailles importées – et donc soumises à l’octroi de mer et au coût du transport – sont parfois moins chères que celles produites localement et non soumises à cet impôt. Cela est vrai également pour un certain nombre de fruits et légumes.

La concurrence de pays voisins dont les coûts de production restent largement inférieurs aux coûts français constituera encore longtemps un désavantage économique pour les outre-mer : le coût de la main d’œuvre, mais aussi celui des intrants ou du carburant, en Afrique du sud, sur l’île Maurice ou à Madagascar joue largement en défaveur des producteurs réunionnais.

Mais au-delà de ces coûts, la production locale ne fait pas forcément baisser les prix, notamment pour des raisons d’économie d’échelle : produire pour de petits marchés de quelques dizaines ou centaines de milliers d’habitants sera toujours plus onéreux que de produire à l’échelle planétaire pour des millions de consommateurs.

Les produits de dégagement en sont l’exemple type : bradés faute d’être détruits, ces produits bas de gamme représentent peu de choses pour les producteurs polonais ou belges qui font leurs marges sur d’autres segments du marché. Ils peuvent donc être vendus – en toute légalité – largement moins chers que les produits élaborés localement à petite échelle.

La recherche de l’autonomie alimentaire ne conduit donc pas forcément à une baisse des prix mais a pour objectif la sécurisation de l’approvisionnement alimentaire des territoires ultramarins, ce qui peut avoir un coût sur des marchés à taille réduite.

 


IV.   rÉcapitulatif des prÉconisations des rapporteurs

1.   Évolutions culturelles et structurelles

Préconisation n° 1 : mettre en avant les plats locaux grâce à la restauration collective, notamment à l’école, afin d’orienter les habitudes alimentaires vers des produits locaux, ce qui permettrait à la fois de diminuer les importations et de reprendre des habitudes alimentaires plus saines.

Préconisation n° 2 : augmenter la surface agricole utilisée dans tous les territoires ultramarins notamment en réduisant les friches, en limitant l’urbanisation des terres agricoles et en facilitant l’identification des propriétaires, s’agissant en particulier des terres coutumières.

Préconisation n° 3 : afin de favoriser l’investissement agricole à La Réunion et à Mayotte, il est créé un fonds de garantie bancaire qui dédommage les établissements bancaires en cas de défaillance de leur client agriculteur.

Préconisation n° 4 : le gouvernement français veille à consulter le plus en amont possible les représentants des agriculteurs ultramarins lorsque des traités internationaux portant sur les produits alimentaires et la pêche sont négociés entre l’Union européenne et des pays tiers.

2.   Quelques pistes spécifiques à Mayotte

Préconisation n° 5 : autoriser à Mayotte, comme cela semble être le cas dans d’autres départements, les agriculteurs qui le souhaitent à construire leur logement sur leur exploitation dans le but de mieux protéger leur récolte contre le vol, même si le terrain ne dispose pas d’eau courante et des commodités habituellement requises.

Préconisation n° 6 : examiner la possibilité d’utiliser exceptionnellement l’eau de pluie pour l’agriculture à Mayotte et financer des réservoirs pour les agriculteurs.

Préconisation n° 7 : ajuster les effectifs des services préfectoraux de Mayotte en tenant compte de la population réelle et non de la population officielle. Augmenter en particulier les effectifs de la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF) de Mayotte pour mener des contrôles efficaces et dissuasifs sur les cultures clandestines.

Préconisation n° 8 : inciter les compagnies maritimes à desservir Mayotte avec plus de régularité ; négocier les prix du fret aérien afin de suppléer le fret maritime notamment pour les produits frais ; développer les infrastructures aéroportuaires, en réalisant les travaux d’extension et de modernisation du port de Longoni ainsi que l’aménagement d’une piste longue à l’aéroport de Mayotte.

Préconisation n° 9 : Déployer une délégation de l’Ifremer à Mayotte avec des moyens humains et matériels correspondant besoins en matière de recherche sur le milieu marin à Mayotte.

Préconisation n° 10 : délocaliser à Mayotte les services administratifs qui gèrent l’activité halieutique dans la ZEE mahoraise et introduire plus de transparence dans le circuit des redevances payées par les pêcheurs étrangers. Financer des ports et des halles de pêche à Mayotte pour donner des outils aux pêcheurs. Accompagner les pêcheurs pour l’obtention des aides au renouvellement de la flottille. Accompagner le secteur de la pêche à se structurer et à former la nouvelle génération de marins pêcheurs. Réinvestir dans la filière aquacole qui est prometteuse à Mayotte.

Préconisation n° 11 : financer une vedette de patrouille maritime de 15 à 18 mètres de long pour que les affaires maritimes puissent assurer la surveillance de la ZEE mahoraise. Donner plus de moyens humains et matériels pour le contrôle de la pêche illégale à Mayotte. Accompagner les pêcheurs pour l’obtention des aides au renouvellement de la flottille.

3.   Rétablir l’équité en matière phytosanitaire

Préconisation n° 12 : le plan national « Ecophyto 2030 » est décliné en une variante ultramarine « Ecophyto 2025 » dont l’objectif est d’anticiper d’ici deux ans le remplacement des produits phytosanitaires les plus utilisés, déjà retirés ou dont le retrait doit intervenir dans l’intervalle.

Préconisation n° 13 : l’ANSES crée en son sein une direction des outre-mer destinée à sensibiliser l’ensemble de l’agence sur les spécificités ultramarines.

Préconisation n° 14 : développer des labels afin d’informer le consommateur d’une part de la qualité et d’autre part du caractère local des produits alimentaires proposés.

Préconisation n° 15 : renforcer les contrôles pour interdire la mise en vente des produits agricoles qui sont cultivés en utilisant des produits phytosanitaires (herbicides, insecticides, etc.) prohibés.

4.   Protéger les ZEE et favoriser la pêche

Préconisation n° 16 : la Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture (DGAMPA) devra consacrer les moyens nécessaires pour fournir à l’Union européenne les données en matière de ressource halieutique nécessaires au déblocage des fonds destinés au renouvellement des flottilles de pêche ultramarines.

Préconisation n° 17 : promouvoir à Wallis et Futuna les expérimentations de pêche hauturière avec le concours de l’administration locale.

Préconisation n° 18 : créer une chaîne du froid permettant de commercialiser le poisson à Wallis comme à Futuna ; créer une criée au poisson à Wallis.

Préconisation n° 19 : un navire de la marine nationale doit être basé de manière permanente à Wallis et Futuna pour faire respecter la ZEE de l’archipel.

Préconisation n° 20 : interdire l’accès au marché de l’Union européenne (ou au moins au marché français) aux poissons et fruits de mer pêchés de manière illégale dans les eaux des ZEE ultramarines.

 


 

Examen par la dÉlÉgation

Lors de sa réunion du 4 juillet 2023, la Délégation aux outre-mer a procédé à la présentation du rapport sur l’autonomie alimentaire des outre-mer.

 

La vidéo de cette réunion est consultable à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/EKhIpW

 

Puis la Délégation adopte le rapport d’information et ses propositions. Elle en autorise sa publication.

 


—  1  —

 

 

ANNEXES

I. liste des auditions

Mercredi 2 novembre 2022 :

Office de Développement de l’Économie Agricole d’Outre-mer (ODEADOM)

- M. Jacques Andrieu, directeur ;

- M. Sivasoubramani Balabascarane, chargé de la mission Observatoire de l’économie agricole d’Outre-mer ;

 

Jeudi 3 novembre 2022 :

Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)

- M. Alain Moulinier, vice-président ;

- M. Henri-Luc Thibault, ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts ;

- Mme Janique Bastok, ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts ;

Délégation interministérielle à la transformation agricole des Outre-mer (DITAOM)

- M. Arnaud Martrenchar, délégué de la DITAOM ;

 

Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) – Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

- M. Jean-Marc Landelle, conseiller Outre-mer et Corse ;

 

Mardi 8 novembre 2022 :

Fédération française des banques alimentaires (FFBA)

- Mme Laurence Champier, directrice générale ;

- Mme Barbara Mauvilain, responsable du service relations institutionnelles ;

 

Fédération des entreprises d’Outre-mer (Fedom)

 

- M. Hervé Mariton, président ;

- Mme Françoise de Palmas Delmont, secrétaire générale ;

 

Mardi 22 novembre 2022 :

Direction générale des Outre-mer (DGOM) – Ministère des Outre-mer

- Mme Isabelle Richard, sous-directrice des politiques publiques ;

- M. Oudi Serva, chef du bureau des politiques agricoles, rurales et maritimes ;

 

Direction générale des douanes et droits indirects – Ministère de l’Économie et des Finances

- Mme Ketty Attal-Toubert, cheffe du département des statistiques et des études du commerce extérieur (DSECE) ;

- M. Boris Guannel, adjoint à la cheffe du DSECE ;

 

Jeudi 24 novembre 2022 :

 

Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad)

 

- M. Jacques Marzin, agro-économiste au Cirad ;

- Mme Sandrine Fréguin-Gresh, économiste agricole et géographe rurale ;

 

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) – Ministère de l’Économie et des Finances

 

- M. Gautier Duflos, chef du bureau Analyse économique et de la veille stratégique ;

 

Mardi 24 janvier 2023 :

 

Ministère des Outre-mer

 

- M. Etienne de la Fouchardière, Conseiller agriculture, pêche, mer et transports ;

 

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)

 

- Charlotte Grastilleur, Directrice générale déléguée du Pôle des produits Réglementés ;

- Jérôme Laville, adjoint au chef de l’unité des décisions de la direction des autorisations de mise sur le marché ;

- Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles.

 

Jeudi 9 février 2023 :

 

Polynésie française

 

- M. Tearii Te Moana Alpha, ministre de l’agriculture, du foncier et de la recherche ;

- Steeve Lefoc, directeur de cabinet ;

- Philippe Couraud, directeur de l’agriculture.

 

Mercredi 15 février 2023 :

 

- Benoît Lombrière, Délégué général adjoint d’EURODOM ; 

- Émeric Bréhier, consultant chez Action Europe ;

- Sonia-Sarah Bakrim, chargée des relations avec les Parlements chez Action Europe ;

 

 

 

Visioconférence du 7 mars 2023 (Guyane)

 

Représentants des services de l’État :

- M. Ivan Martin, DEAL (environnement, aménagement et logement) de Guyane, accompagné de :

- M. Nicolas Daniel (développement durable) ;

- M. Patrice Poncet (DAAF : Alimentation agriculture et forêt) ;

- M. Michel Goron (DGTM : Direction générale des territoires et de la mer).

 

- M. Olivier Damaison : ancien député, délégué du ministre de l’agriculture pour « le mal-être agricole en Guyane » ;

 

Secteur privé :

- M. Éric Martin, représentant le secteur agro-alimentaire en Guyane.

 

 

Visioconférence du 8 mars à 5 heures (Guadeloupe)

 

Représentants des services de l’État :

- M. Sylvain Vedel, DAAF de Guadeloupe ;

- Elie Shitalou, Secrétaire général de l’Interprofession guadeloupéenne de la viande et de l’élevage (IGUAVIE).

 

Visioconférence du 8 mars à 16 heures (Martinique)

 

Représentants des services de l’État :

- M. Vincent Pfister, DAAF de Martinique par intérim

- Bertrand Hateau - chef du service de l'alimentation

- Hervé Lefaix - chef du service de l'information statistique, économique et prospective

 

Représentants associatifs :

- M. Arnaud Marraud des Grottes, responsable de l’association des moyennes et petites industries en Martinique

- M. Hervé Toussay (Association martiniquaise pour la promotion de l’industrie) ;


 

Auditions réalisées à La Réunion (15 au 17 novembre 2022)

 

Mardi 15 novembre

- visite d’une entreprise de transformation de fruits et légumes à Bras-Panon : Royal-Bourbon Industrie. Accueil par M. Daniel Moreau ;

- M. Serge Hoareau Président de l’association des maires de La Réunion et vice-président du Conseil départemental ;

- M. Pascal Augier, directeur de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt (DAAF), M. Richard Feuillade, chef du service économie agricole et forestière de la DAAF, Mme Géraldine Cloquemin, responsable du service alimentaire de la DAAF et Mme Frédérique Stein, du service alimentation de la DAAF ;

- M. Jérôme Filippini, préfet de La Réunion.

 

Mercredi 16 novembre

Table ronde avec les professionnels agricoles :

Table ronde avec les syndicats agricoles :

Table ronde avec les professionnels de la transformation agricole, de la distribution et de l’importation :

- Rencontre avec M. Jean Ruffet, industriel réunionnais spécialisé dans l’agro-alimentaire.

Jeudi 17 novembre

- visite de l’exploitation maraîchère de M. Dijoux à Sainte-Suzanne.

 

 

Auditions réalisées à Mayotte (17 au 19 novembre 2022)

 

Jeudi 17 novembre

- table ronde à la préfecture de Mayotte en présence de M. Thierry Suquet, préfet de Mayotte, M. Ali Moussa Moussa Ben, maire de Bandrélé, M. Abdallah Issouffi, président de la Chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte (CAPAM), M. Philippe Gout, directeur de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt (DAAF) à Mayotte et de M. Alexis Ruffet, éleveur de poulets, gérant de la Société mahoraise de commercialisation.

 

Vendredi 18 novembre

- visite d’un élevage de poulets (Avima) et d’une usine de conditionnement d’œufs (Ovoma) à Dembéni. Accueil par le gérant, M. Alexis Ruffet ;

- visite du port de Longoni, accueil par la gérante, Mme Ida Nel ;

- rencontre à la préfecture de Mamoudzou avec les principaux services de l’État :

- M. Philippe Gout, directeur de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt (DAAF) à Mayotte, M. Philippe Emery, chef du service économie agricole à la DAAF, M. Charlie Claudel, inspecteur de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, Mme Nafissata Mouhoudhoire, directrice-adjointe de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS) de Mayotte, M. Yannick Leres-Bishopp, responsable du pôle Solidarités Insertion à la DEETS.

 

Samedi 19 novembre

- visite d’une exploitation agricole spécialisée dans l’élevage de volaille et le maraîchage. Rencontre avec M. Abdallah Antoy, enseignant au lycée agricole et agriculteur adhérant aux Jeunes agriculteurs, M. Ange Dusom, président des Jeunes agriculteurs des outre-mer, M. Soumaïla Omar, producteur de volailles et M. Soumaïla Moeva, président des Jeunes agriculteurs de Mayotte ;

- visite de l’entreprise BENAPA de fumerie de Poisson à Hajangua. Rencontre avec M. Dominique Marot, gérant de la société, M. Abdou Dhalani, président du Conseil économique, social et environnemental de Mayotte et président du parc naturel marin, Mme Coline Mollaret, chargée de projet alimentaire à la Communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou (Cadema) et Mme Fatima Daoud, agricultrice, membre du syndicat des Jeunes agriculteurs ;

- déjeuner avec le syndicat des Jeunes agriculteurs dans l’exploitation agricole de Mme Irène Avice, à Hajangua ;

- audition du syndicat des jeunes agriculteurs mahorais chez Mme Irène Avice ;

- rencontre avec M. Gamil Kakal, importateur, président exécutif de la société Cananga.

 

 

Auditions réalisées en Nouvelle-Calédonie (1er et 6 décembre 2022)

 

 

Le 1er décembre 2022

 

- rencontre avec le député de la deuxième circonscription, M. Nicolas Metzdorf ;

- visite du marché central de Nouméa ; rencontre avec des commerçants ;

- accueil à l’Agence rurale de Nouvelle-Calédonie et entretien avec sa directrice, Mme Laure Virapin ;

- visite de l’Office de commercialisation et d’entreposage frigorifique (OCEF) et rencontre avec le président de son conseil d’administration, M. Lionnel Brinon.

- visite de la société de pêche hauturière Pescana et rencontre avec son directeur général, M. Mario Lopez ;

 

Le 6 décembre 2022

 

- rencontre avec l’ancien député de la deuxième circonscription, M. Philippe Gomes ;

 

- visite de l’exploitation agricole de Port-Laguerre et rencontre avec des exploitants :

- Nathalie Tostin - responsable de la Biofabrique,

- Manuele Tufele - responsable de la pépinière,

- Charline Galiana - responsable de la station zootechnique,

- Jean-Guy Paillandi - agent polyvalent à la station zootechnique,

- Gilles Mercier - technicien d’appui technique fruit,

- Sheridan Leroy - technicienne d’élevage ovin,

- Michaële Tuikalepa - agent polyvalent de la station zootechnique

- Sabrina Maramin - secrétaire de la direction du développement durable des territoires,

- Manutahi Gariki-Trolet - stagiaire BTS DARC

- Daniel Guepy - éleveur ovin

 

- rencontre avec M. Willy Gatuhau, maire de Païta.

 

 

Auditions réalisées à Wallis et Futuna (du 2 au 5 décembre 2022)

 

1)     à Futuna

 

Le 2 décembre 2022

- rencontre avec M. Francis Izquierdo, délégué du préfet

- visite protocolaire et rencontre avec sa majesté Eufenio Takala, roi de Sigavé ;

- visite protocolaire à la chefferie d’Alo et rencontre avec les ministres coutumiers ;

- déjeuner avec M. Francis Izquierdo, délégué du préfet, M. Mikaele Seo, député de Wallis et Futuna, M. Setuli-Paulo Masei, chef d’antenne de la Direction des services de l’agriculture (DSA) et M. David Badin, représentant la société Général Import à Futuna,

- visite de la plus grande tarodière de Futuna, à Nuku ;

- visite d’une ferme de poules pondeuses à Sigavé ;

- rencontre avec des pêcheurs ;

- table ronde avec M. Francis Izquierdo, délégué du préfet, M. Mikaele Seo, député de Wallis et Futuna, M. Victor Brial, adjoint au délégué du préfet, MM. les conseillers territoriaux de Futuna et M. Setuli-Paulo Masei, chef d’antenne de la Direction des services de l’agriculture (DSA).

 

2)     à Wallis

 

Le 3 décembre 2022

- rencontre avec M. Hervé Jonathan, préfet administrateur supérieur de Wallis et Futuna ;

- rencontre avec Mme Élizabeth Barka-Lamour, directrice de cabinet du préfet ;

- rencontre avec M. Joseph Gestin, directeur de l’alimentation, de l’agriculture, de la forêt et de la pêche ;

- visite protocolaire et rencontre avec sa majesté Patalione Kanimoa, roi de Wallis ;

- visite protocolaire à l’évêque de Wallis ;

- visite de l’exploitation d’une éleveuse qui construit le premier abattoir porcin de l’île ;

- visite de l’exploitation maraîchère de M. Otilone Tokotuu, président de la chambre de commerce et d’industrie, des métiers de l’artisanat et de l’agriculture (CCIMA) de Wallis et Futuna ;

- table ronde avec Mme Anne Flaugnatti, cheffe du service des douanes, M. Otilone Tokotuu, président de la Chambre de commerce et d’industrie, des métiers et d’agriculture (CCIMA), M. Marc Coutel, secrétaire général de la préfecture et M. Heu, chef du village de Vaitupu.

- rencontre avec des représentants des pêcheurs wallisiens chez M. Patita Lauhea, vice-président de la CCIMA ;

- dîner à l’invitation du président de l’Assemblée territoriale de Wallis et Futuna ; rencontre avec les élus territoriaux.

 

Le 5 décembre 2022

- entretien avec M. Jean-Paul Goepfert, chef du service des statistiques de Wallis et Futuna et avec M. Jean-Paul Mailai, responsable de la section Études démographiques ;

- présentation de l’agriculture villageoise (élevage et maraîchage) à Vaitupu ;

- rencontre avec M. Mathieu Fraisse, président de la société importatrice et distributrice Général Import SAS ;

- rencontre avec Mme Régine Vigier, vice-rectrice de Wallis et Futuna ;

- rencontre avec M. Pierre Belliard directeur de l’entreprise d’armement maritime Uvea Marine Services (UMS) ;

- rencontre avec des journalistes de Wallis et Futuna La Première ;

 

 


 

iI. contributions

 

 

 

1.   Contribution reçue de M. Frantz Gumbs, député de Saint-Martin et Saint-Barthélemy

 

 

 

« Pour compléter l’analyse concernant Saint-Barthélemy et Saint-Martin, je souhaite faire observer le regain d’intérêt que montrent ces deux territoires pour les questions agricoles et de pêches.

Ces territoires choisissent aujourd’hui de sortir du 100 % tourisme et du 100 % importations alimentaires.

A Saint-Barthélemy, une sensibilisation aux produits locaux de la terre est conduite notamment dans les écoles.

A Saint-Martin, un abattoir est mis en service en vue de favoriser l’élevage mais aussi afin d’encourager la formation d’agriculteurs.

Par ailleurs, une convention est en œuvre par la fédération nationale des SAFER et la Collectivité de Saint-Martin pour un diagnostic du foncier agricole.

Toujours à Saint-Martin, un comité de pêche locale est en cours de création pour mieux structurer la filière.

Ces territoires s’inscrivent bien dans la perspective d’une moindre dépendance alimentaire et d’une certaine diversification économique. »

 

 


2.   Contribution reçue de M. Jean-Hugues Ratenon, député de La Réunion

 

 

 

 

                         Remarques sur le rapport d’information sur l’autonomie alimentaire des Outre-Mer.

 

Il est écrit : le gouvernement a réagi en lançant l’opération Wuambushu destinée à éradiquer la plus grande partie de l’habitat insalubre, à éloigner les immigrés en situation irrégulière et à reloger les autres familles. Si cette opération était menée à son terme avec succès, elle serait de nature à stabiliser la population locale et à réduire l’anxiété ambiante, préjudiciable aux activités économiques.

Je ne peux pas être d’accord avec cette affirmation.

Pour toutes ces raisons : je ne peux pas approuver ce rapport.

 

Jean Hugues RATENON

Député de la Réunion

 

 

 


3.   Contribution reçue de M. Perceval Gaillard, député de La Réunion

 

 

 

 

RAPPORT SUR L’AUTONOMIE ALIMENTAIRE DES OUTRE-MERS

 

Les raisons pour lesquelles je ne voulais pas voter ce rapport

 

 

Ce rapport aurait pu être intéressant et productif. Malheureusement, il comporte des éléments suffisamment graves pour entraîner un vote contre.

 

Ces éléments ne portent pas uniquement sur les préconisations formulées, mais, et cela est plus grave, sur la manière dont ce rapport a été écrit : en effet, certaines affirmations ne sont absolument pas acceptables.

 

Quelques exemples de ce qui, pour moi, est de nature à générer une forte opposition au texte.

 

Non seulement, est évoquée la question de « l'immigration clandestine à Mayotte » mais surtout ce rapport salue les bienfaits de l'opération Wuambushu du Gouvernement.

 

Quelques phrases qui n’ont rien à faire dans ce rapport et qui sont totalement inacceptables

 

 

Comment peut-on voter un rapport contenant de tels propos ?

Ce contenu raciste « plombe » tout le rapport.

Je ne peux accepter d’associer mon nom à de tels propos.

 

 

 

 

 

D’autres remarques.

 

 

Introduction

 

 

Autres remarques

 

 

SUR LA PÊCHE

 

 

 

 

SUR LA RÉUNION

JE NE PEUX QUE REGRETTER QUE LE RAPPORT N’AIT PAS PRIS EN COMPTE LES RÉSULTATS DU RECENSEMENT AGRICOLE DE 2020 ; LA FICHE TECHNIQUE AURAIT ÉTÉ LA SUIVANTE :

1 ETP pour 4 ha cultivés : l'agriculture réunionnaise est pourvoyeuse d'emplois

Diabète, surpoids et consommation

SUCRE ET SOLE CANNIERE

Concernant l’autonomie alimentaire 

 

 

Sur le riz

 

Sur les importations fruits

L’observatoire des importations de La Réunion a publié son bilan des importations de fruits, légumes et viandes sur la période 2011-2020.

 

 

Sur la question des terres agricoles : le plus simple et le plus efficace, c’est d’étudier le rapport du sénat sur cette question.

 

Sur la question de l’octroi de mer

 

Sur les préconisations :

Certaines sont des vœux pieux : notamment celle qui explique que « le gouvernement français veille à consulter le plus en amont possible les représentants des agriculteurs ultramarins lorsque des traités internationaux portant sur les produits alimentaires et la pêche sont négociés entre l’Union européenne et des pays tiers ».

Dont acte, mais cela ne doit pas faire oublier que la France n’a même pas été capable de défendre les intérêts des outre-mer, lors de la négociation des APE

 

 


4.   Contribution reçue de Mme Nathalie Bassire, députée de La Réunion

 

 

 

Contribution de Nathalie BASSIRE, députée de La Réunion,

suite à la présentation dudit rapport lors de la séance du 4 juillet 2023

 

 

Je salue au préalable le travail remarquable réalisé par mes collègues rapporteurs Madame Estelle YOUSSOUFFA, députée LIOT de Mayotte, et Monsieur Marc LE FUR, député LR de Côte d’Armor, ainsi que toute l’équipe de la Délégation aux Outre-Mer.

Il s’agit là à mon sens d’un rapport exposant un constat globalement complet, des problématiques bien posées et des propositions pertinentes qui méritent d’être approfondies et de donner lieu à des mesures dans le cadre notamment d’amendements aux projets de loi ou de propositions de loi.

Je note tout d’abord la prise en compte de l’hétérogénéité des situations qui reflète la diversité et la richesse de nos territoires ultramarins répartis dans les trois océans.

Je prends acte de quelques similarités fortes notamment en termes de question foncière puisque le caractère insulaire (hors Guyane) implique logiquement une surface agricole par définition limitée, voire en danger face à la pression démographique notamment dans l’océan indien.

Je reste toutefois perplexe sur un point de détail : si la réalité du fléau de l’alcoolisme ne saurait être remise en cause notamment à La Réunion, je ne suis pas certaine que le rhum soit l’alcool le plus consommé localement… Je pense plutôt que la population locale préfère des alcools importés comme le whisky.

Aussi, je ne partage pas l’assertion selon laquelle « une moindre valorisation du rhum pourrait (...) accessoirement réduire également l’alcoolisme et la violence qu’il entraîne ».

Par ailleurs, le point 2 du III de la 6ème partie intitulé « l’étroitesse des marchés locaux ne permet pas des économies d’échelle » est à mon sens discutable et devrait être plus nuancé : je ne suis pas certaine que le problème doit être considéré uniquement sous cet angle de vue des plus convenus.

En effet, on occulte le fait que depuis la départementalisation, l’Etat et l’Europe ont permis par le biais de fonds importants de défiscaliser et d’investir massivement dans le capital au détriment du travail.


 

Ainsi à La Réunion, par exemple, on a construit des abattoirs ou des usines agro-alimentaires (exemple : usine de fabrication de yaourts et produits laitiers) incontestablement surdimensionnés et significativement sous-exploités, puisque le matériel de production acquis est fabriqué pour des marchés européens de plusieurs millions d’habitants.

Il est donc moins cher d’importer que de produire localement faute notamment d’amortissement suffisant de ces investissements disproportionnés : c’est aussi l’une des raisons des surcoûts de production dont souffre la production locale qu’il conviendrait de mettre également en avant.

En termes de proposition, n’aurait-il pas fallu en Outre-Mer privilégier des petites unités artisanales plus adaptées aux marchés locaux avec des produits de qualité (yaourts, bières, viandes …), à l’image de l’exemple des petits abattoirs à Wallis-et-Futuna donné en séance par le député LE FUR ?

Plutôt que d’investir dans le capital (souvent des mêmes possédants), cela aurait peut-être permis de privilégier le travail (main d’œuvre) et donc les emplois locaux …

En favorisant en Outre-Mer une vraie concurrence d’unités de production à taille humaine (en lieu et place de monopoles ou oligopoles susceptibles de donner lieu à des ententes illicites et des prix qui ne baissent pas), et en permettant la création d’emplois donnant du pouvoir d’achat à un plus grand nombre de potentiels consommateurs, cela entraînerait une hausse de la demande, et les prix auraient fini par diminuer à terme sous l’effet conjugué d’une concurrence saine, d’une diminution du chômage et d’une augmentation conséquente de la demande.

Telles sont les observations que j’ai souhaité apporter au rapport d’information susvisé.

 

Nathalie BASSIRE

Députée de La Réunion

Groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires

 

 


([1]) « Étude sur les freins et leviers à l’autosuffisance alimentaire : vers de nouveaux modèles agricoles dans les départements et régions d’outre-mer » Auteurs : Jacques Marzin, Sandrine Freguin-Gresh, Valérie Angeon, Nadine Andrieu, Valentina Banoviez Urrutia, Claire Cerdan, Joël Huat, Benoit Daviron. Janvier 2022.

([2])  Scientific, Technical and Economic Committee for Fisheries (STECF).

([3])  Les tomates produites à Mayotte sont issues en majorité de l’agriculture illégale et sont impropres à la consommation à cause de l’utilisation incontrôlée d’engrais chimiques interdits en Europe. En 2020 « 83 % des tomates analysées ne sont pas conformes, ce qui les rend impropres à la consommation. Parmi les substances présentes dans les produits analysés, se trouve le Diméthoate, un insecticide prohibé depuis février 2016 par la commission européenne, à la suite de la décision de l’agence nationale de sécurité sanitaire et de l'alimentation jugeant cette molécule comme « présentant des risques inacceptables pour les animaux et les hommes ». » Lien : Danger : consommation de tomates achetées sur le bord des routes - Communiqué de presse 2020 - Communiqués de presse - Actualités - Les services de l'État à Mayotte

([4]) Plan de compensation des surcoûts de Mayotte 2014 - 2020 SYNDICAT MARITIME DES PECHEURS PROFESSIONNELS (readkong.com)

([5])  Commission d’enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, créée le 9 février 2023. M. Guillaume Vuilletet, président, et M. Johnny Hajjar, rapporteur.