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N° 1524

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 juillet 2023.

 

 

RAPPORT  D’INFORMATION

 

 

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de l’article 145 du Règlement

 

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

 

 

en conclusion des travaux de la mission d’information
chargée de dresser un panorama et un bilan de l’éducation prioritaire,

 

 

et présenté

 

 

par M. Roger CHUDEAU, Président,

et

Mme Agnès CAREL, Rapporteure

 

 

 

——


 

 

 

La mission d’information chargée de dresser un panorama et un bilan de l’éducation prioritaire est composée de : M. Roger Chudeau, président, Mme Agnès Carel, rapporteure ; M. Idir Boumertit, Mme Anne Brugnera, M. André Chassaigne, Mme Fabienne Colboc, Mme Béatrice Descamps, M. Inaki Echaniz, M. Philippe Fait, Mme Estelle Folest, M. Frantz Gumbs, M. Fabrice Le Vigoureux, M. Christophe Marion, Mme Isabelle Périgault, M. Alexandre Portier, Mme Angélique Ranc, M. Jean-Claude Raux, Mme Cécile Rilhac, M. Léo Walter.

 

 


— 1 —

 

SOMMAIRE

___

Avant-propos du Président

AVANT-PROPOS DE LA RAPPORTEURE

INTRODUCTION

1. Les objectifs de l’éducation prioritaire

a. La mise en œuvre des principes généraux du service public de l’éducation

b. Un objectif spécifique de réduction des écarts de résultats entre les élèves relevant de l’éducation prioritaire et du reste du système éducatif

2. Une politique qui concerne plus de 20 % de la population scolaire dans l’enseignement public

3. Un contexte propice à l’engagement d’une réflexion sur l’éducation prioritaire au Parlement

I. Une approche territoriale de la lutte contre les inégalités scolaires : Les principes de l’éducation prioritaire et leur évolution

A. Une politique publique lancée en 1981, visant à compenser l’effet des inégalités sociales sur la réussite scolaire

1. L’éducation prioritaire comme politique sociale

2. L’éducation prioritaire comme politique territoriale

a. Le zonage, corollaire de la concentration des difficultés dans l’espace

b. Une différenciation progressive, sur fond d’élargissement de la carte de l’éducation prioritaire

3. Une politique pédagogique

B. Le cadre en vigueur : la « refondation » de 2014-2015 et les mesures en faveur de l’éducation prioritaire mises en œuvre depuis 2017

1. Une organisation territoriale fondée sur la distinction entre REP et REP +

a. La différenciation entre REP et REP +, reflet de la gradation des difficultés scolaires et sociales

b. Des dispositifs complémentaires mis en œuvre à partir de 2017

2. Des moyens spécifiques

a. Un taux d’encadrement plus élevé

b. Le renforcement de l’attractivité des postes en éducation prioritaire

II. Le bilan de l’éducation prioritaire : Un état des lieux mitigé

A. Des résulTats en deçà des objectifs pédagogiques

1. La réussite relative du dédoublement des classes

a. Les effets bénéfiques de la réduction des effectifs des classes

b. Améliorer le dispositif en renforçant l’accompagnement et en révisant les méthodes pédagogiques

c. Mettre l’accent sur les très jeunes enfants

2. Les fragilités de la médecine scolaire et de la prise en charge du handicap peuvent accentuer les inégalités

a. La prise en charge du handicap : un manque structurel encore plus pénalisant en éducation prioritaire

b. Le manque de moyens humains de la médecine scolaire accroît les inégalités en éducation prioritaire

3. Des expérimentations à valoriser

a. La liberté pédagogique

b. L’importance du développement des activités sportives ou culturelles

B. L’orientation et l’insertion professionnelle

1. Des dispositifs de soutien pour l’orientation des élèves

a. L’enjeu de l’orientation

b. Les acteurs de l’orientation

2. La nécessaire prise en compte de l’insertion professionnelle à l’issue de la scolarité

III. Une organisation et un pilotage soumis à des évolutions répétées

A. Des interrogations persistantes sur le périmètre de l’éducation prioritaire

1. L’identification des territoires et des établissements concernés

a. Des critères devenus plus explicites et transparents, mais dont la mise en œuvre se heurte à l’absence de révision de la carte des réseaux

b. La variabilité des indicateurs

2. Les limites de l’organisation des réseaux à partir des collèges : le cas des « écoles orphelines »

B. Le besoin de refondation fondée sur l’évaluation et la programmation à long terme

1. L’évaluation et la consultation : des préalables nécessaires à toute réforme

2. Renforcer le pilotage de la politique de l’éducation prioritaire

a. Donner un fondement budgétaire explicite à la politique d’éducation prioritaire

b. Renforcer le pilotage de l’éducation prioritaire pour « faire réseau »

3. Mieux préparer les personnels de l’Éducation nationale aux conditions d’exercice propres à l’éducation prioritaire

4. Recentrer l’éducation prioritaire sur les REP + et mettre en place une allocation progressive des moyens

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Liste des recommandations

CONTRIBUTIONS

ANNEXES

ANNEXE n° 1 : Reformulation d’un bilan de fin de cycle du livret scolaire unique par l’équipe pédagogique d’un collège de l’éducation prioritaire – académie de Clermont-Ferrand

ANNEXE N° 2 : Note de présentation du dispositif Paideia

ANNEXE n° 3 : Lettre de cadrage des missions de l’IA-IPR référent en REP+ – académie de Créteil

annexe N° 4 : Lettre de cadrage de la mission des « formateurs éducation prioritaire » – académie de Créteil

ANNEXE n° 5 : Lettre de mission à l’attention des « formateurs éducation prioritaire » – académie de Créteil

ANNEXE  6 : Liste des personnes entendues par la mission

 


— 1 —

 

   Avant-propos du Président

L’éducation prioritaire est une politique publique relevant de l’action éducatrice de l’État, instituée en 1981, ayant connu de nombreuses réformes, et qui concerne aujourd’hui plus de 20 % des élèves de l’enseignement scolaire. Évaluer une telle politique relève, à première vue, de la gageure.

La politique d’éducation prioritaire est à la fois un totem et un tabou du ministère de l’Éducation nationale depuis plus de quarante ans.

Un totem, car elle est l’expression d’une volonté politique qui renvoie aux principes d’égalité et de fraternité de notre devise républicaine : donner plus à ceux qui ont moins, c’est-à-dire établir les conditions réelles d’une égalité des chances, tel est le présupposé civique et moral de ce dispositif mis en œuvre par Alain Savary en 1981 ([1]). Cette politique, ses présupposés, ses moyens et ses objectifs sont l’expression incontestable de la volonté générale.

Un tabou, parce qu’il s’ensuit qu’il est délicat de procéder à l’évaluation de cette politique publique, d’analyser objectivement son efficacité aux regards des objectifs généraux fixés par la Nation à son système éducatif. Le risque est grand, en effet, d’être immédiatement soupçonné de vouloir suggérer l’échec dispendieux de cette politique, de ne vouloir l’évaluer que pour mieux en finir avec celle-ci.

Ma ligne de conduite, dans la fonction qui m’a été confiée comme président de cette mission d’information, aura été de respecter le totem car il est le fruit de décennies de travail, d’efforts, de dévouement au service de l’éducation des plus défavorisés.

Quant au tabou, j’ai résolu de ne pas lui permettre d’interdire à la mission de chercher à comprendre comment fonctionne l’éducation prioritaire, ce qu’elle produit ou ne produit pas effectivement en matière éducative, ni d’esquisser de possibles évolutions.

Évaluer une politique publique est une affaire ardue parsemée de nombreuses embuches et de nombreux travers : d’une part, le travers descriptif qui reste à la surface des réalités, souvent sous la couverture flatteuse d’un appareil statistique et d’une abondante documentation. D’autre, part, le travers anecdotique, proche du questionnaire de sociologie. L’embuche idéologique, enfin, faite d’arrières pensées sur les conclusions attendues du rapport et qui conduit à biaiser voire à orienter le questionnement.

 

Pour échapper à ces obstacles – inhérents à l’exercice – j’ai d’emblée proposé d’aborder la question du bilan de l’éducation prioritaire sous un angle strictement institutionnel en retournant aux sources légales et réglementaires des missions de l’école.

Le code de l’éducation fixe au système éducatif de très nombreuses missions et priorités, qui peuvent être ramenées schématiquement à trois grandes ambitions : transmettre aux élèves des connaissances, leur transmettre les valeurs de la République, leur permettre de poursuivre leurs études ou leur formation ([2]).

L’éducation prioritaire n’a pas d’autres missions. Elle a simplement des moyens supplémentaires, des formes d’organisation et des modes de fonctionnement spécifiques.

La question est donc de savoir si ces moyens  de tous ordres  sont correctement attribués, administrés et employés et s’ils produisent ce qui en est attendu, c’est-à-dire une correction, une compensation, une réparation des inégalités sociales, culturelles, éducatives qui touchent les élèves de l’éducation prioritaire et ceci au point d’aligner leurs performances scolaires sur celles du « hors REP ».

Telle a donc été la grille de lecture et d’analyse que la mission a appliquée à son champ d’observation. Hauts fonctionnaires, responsables administratifs et pédagogiques, professeurs, universitaires, acteurs de terrain, partenaires, grands témoins, associations, tous ont été auditionnés au prisme de cette grille initiale.

Les réponses à nos questions, présentées et analysées dans le rapport de Mme la Rapporteure Agnès Carel, dessinent un tableau sans doute pas exhaustif, certes, mais certainement suffisamment complet et documenté de l’état actuel de l’éducation prioritaire.

Ce rapport devrait permettre à chaque groupe politique de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation de prendre connaissance du constat qu’a dressé la mission et se faire une opinion sur le sujet.

Sur la base de ce rapport, aussi équilibré et objectif que possible, les diverses sensibilités politiques pourront évidemment s’exprimer, soit pour livrer leur propre analyse des réalités décrites dans le rapport, soit aussi pour dessiner les contours d’une autre, ou d’une nouvelle politique de l’éducation prioritaire.

Il me reste à remercier les collègues députés de tous horizons politiques qui ont participé aux travaux de la mission ou qui les ont suivis.

Mes remerciements vont aussi aux deux administrateurs dont la compétence, la disponibilité et l’efficacité, assorties d’une imperturbable et souriante amabilité, ont permis de réaliser le travail dont les conclusions vont maintenant vous être présentées.

 

 

Roger Chudeau,
président de la mission d’information
chargée de dresser un panorama et un bilan de l’éducation prioritaire.
Juin 2023

 

 


— 1 —

 

   AVANT-PROPOS DE LA RAPPORTEURE

Le rôle de rapporteure de la mission d’information intitulée « bilan et panorama de l’éducation prioritaire » qui m’a été confié est, pour tout parlementaire qui se respecte, l’occasion de faire entendre la voix des élus de la Nation sur un sujet trop longtemps laissé sans évaluation et perspectives réelles.

La mission avait pour finalité de dresser « un panorama à 360 degrés » de la mise en œuvre de la politique d’éducation prioritaire, comme je me suis attachée à le dire lors de chacune de nos auditions et déplacements.

« La politique d’éducation prioritaire a pour objectif de corriger l’impact des inégalités sociales et économiques sur la réussite scolaire par un renforcement de l’action pédagogique et éducative dans les écoles et établissements des territoires qui rencontrent les plus grandes difficultés sociales ». Tel est le postulat de départ posé par le ministère de l’Éducation nationale. Depuis sa création dans les années 1980 jusqu’aux dernières mesures mises en place depuis 2017, l’éducation prioritaire, qui met un coup de projecteur sur des difficultés bien réelles qui existent depuis des décennies, est fondée sur un référentiel prenant en compte l’ensemble des facteurs contribuant à la réussite des élèves.

Des dizaines d’heures d’audition à l’Assemblée nationale, des déplacements de terrain auprès de différents réseaux en milieu urbain et rural, plusieurs visio‑conférences avec des académies ultramarines, tel est le travail d’échanges et de réflexion mené par les membres de la mission, le président et moi-même au cours des neuf derniers mois.

D’un commun accord et de façon transpartisane, j’ai tout au long de cette mission toujours favorisé l’écoute, le partage d’idées et de bonnes pratiques en essayant de n’oublier aucun acteur majeur de l’Éducation prioritaire, permettant à chacun de s’exprimer en responsabilité. Directeurs de service, préfets, recteurs, inspecteurs d’académie, chefs d’établissement, enseignants, associations, chercheurs, syndicats, parents d’élèves… ont ainsi pu exposer leur vision actuelle, leur quotidien dans leur établissement ou aux abords, dans les réseaux ou la cité.

Cette mission n’a pas pour vocation d’approuver toutes les mesures prises depuis 40 ans ; elle tire les leçons du passé et des dernières actions mises en œuvre pour en extraire des préconisations simples mais aussi ambitieuses.

S’il y a bien un défi que la France doit relever c’est celui de l’éducation, qui doit devenir la priorité absolue de notre pays. Les évènements récents nous le rappellent tristement. Mieux former la jeunesse et toute la jeunesse sans exception, c’est mieux préparer les générations futures pour faire face aux transformations de notre société.

Pour cela, il faut d’abord replacer l’enfant, l’adolescent, a fortiori l’élève, au centre des politiques de l’éducation et de l’éducation prioritaire en particulier. Tel est l’objectif de cette mission : proposer une nouvelle approche, développer les moyens existants, en inventer d’autres si nécessaire, mais aussi réorganiser le dispositif pour éviter de laisser de côté des établissements « orphelins » dans les zones urbaines, péri-urbaines, ultramarines et rurales souvent oubliés, et ainsi donner un avenir à chacun.

À la suite du travail de cette mission qui a entendu de nombreux d’acteurs de l’éducation prioritaire, je souhaiterais tout d’abord qu’une grande réflexion soit menée avec toutes les parties prenantes autour d’Assises de l’éducation prioritaire pour débattre, ensemble, de l’avenir de cette politique dans le cadre d’une refonte totale du système, car elle ne saurait se contenter d’une simple énième réforme.

Certes, cette mission avait uniquement pour objet l’éducation prioritaire mais elle ne pouvait se dispenser de réflexions plus générales sur l’Éducation nationale en France. Tel n’est pas le propos du rapport, mais certaines préconisations sont plus générales et peuvent évidemment s’inscrire dans une réflexion plus profonde sur notre système éducatif.

Tout au long de ces travaux, je me suis souvent interrogée sur l’avenir qu’auraient eu ces générations passées par l’éducation prioritaire, si une telle politique n’avait été mise en place. Donner plus à ceux qui ont moins semble un objectif immuable ; il doit d’ailleurs le rester même si le défendre est un combat quotidien.

Le temps semble désormais venu de réfléchir et de mettre à plat certaines dispositions datées qui ne répondent plus aux attentes. Une meilleure répartition des moyens est aujourd’hui attendue ; elle est même inévitable, face à une jeunesse en attente et à une France qui change.

Pour finir, j’ajouterai qu’au fil des mois et de nos auditions, les différentes rencontres m’ont confirmé l’investissement et l’engagement sans faille des nombreux acteurs de l’éducation prioritaire.

Je tiens à remercier les différents membres de la mission, qui se sont investis tout au long de ces mois de travail, et ont participé aux déplacements et aux auditions. Leur présence témoigne de l’importance du sujet et des enjeux de cette politique éducative.

Enfin, j’adresse des remerciements particuliers à chacun des administrateurs pour leur disponibilité et leur promptitude à mener cette mission sur le long terme. Leur accompagnement et leur écoute m’auront permis d’aller au bout de mes réflexions sur cette vaste mission, ô combien indispensable, dans un monde éducatif en constante évolution, qui ne saurait se contenter de résultats parfois modestes qu’on lui connait et qu’on lui reproche.

Je ne peux conclure cet avant-propos sans réaffirmer haut et fort que l’École est le seul et vrai levier de l’égalité des chances, et je forme le vœu que ce rapport contribue à nourrir la réflexion et les réformes nécessaires à entreprendre, pour permettre à chaque enfant de trouver sa place dans notre société. L’émancipation de notre jeunesse passe forcément par l’École en laquelle il faut croire.

 

 

          Agnès Carel

 


— 1 —

 

   INTRODUCTION

 

Mise en place en 1981 à l’initiative du ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Alain Savary, l’éducation prioritaire (EP) consiste en un renforcement des moyens alloués au service public de l’éducation dans un ensemble de territoires et d’établissements scolaires qui concentrent le plus de difficultés sociales. Selon la définition générale qu’en donne la circulaire n° 81-238 du 1er juillet 1981, elle vise à « corriger l’inégalité par le renforcement sélectif de l’action éducative dans les zones et dans les milieux sociaux où le taux d’échec scolaire est le plus élevé ». Le périmètre et les moyens de cette politique publique ont évolué au cours des quatre dernières décennies. En septembre 2022, le bureau de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation a créé une mission d’information visant à dresser un panorama et un bilan de l’éducation prioritaire. Composée de vingt députés, cette mission était présidée par M. Roger Chudeau (RN), qui en avait demandé la création. Mme Agnès Carel (HOR) en a été désignée rapporteure.

Entre novembre 2022 et juin 2023, la mission a réalisé vingt auditions à l’Assemblée nationale, au cours desquelles environ soixante-dix personnes ont été entendues. Des membres de la mission se sont également rendus dans les académies de Clermont-Ferrand, d’Aix-Marseille et de Créteil pour visiter des établissements scolaires, échanger avec leurs équipes pédagogiques et rencontrer les « pilotes » de la politique d’éducation prioritaire au sein des services déconcentrés de l’Éducation nationale. Les personnes avec lesquelles les membres de la mission ont pu s’entretenir reflètent la diversité des acteurs de l’éducation prioritaire. Ainsi, la mission a rencontré aussi bien des représentants de l’administration centrale du ministère de l’Éducation nationale que des acteurs de terrain chargés de la mise en œuvre de cette politique ou directement intéressés par celle-ci – notamment des inspecteurs, des coordonnateurs de réseau, des directeurs d’école et chefs d’établissement, ainsi que des enseignants, des personnels de vie scolaire et des parents d’élèves –, des membres d’autres services de l’État, des élus, des universitaires, de « grands témoins » des politiques éducatives, ou encore des organisations syndicales et des associations de parents d’élèves.

L’intitulé délibérément large de la mission impliquait une approche aussi ouverte que possible. Il s’agissait d’adopter une vision « à 360 degrés », tenant compte de la diversité des territoires et des publics concernés par cette politique, ainsi que des différents moyens qui lui sont consacrés. L’enjeu décisif du périmètre de l’éducation prioritaire, qui repose sur une approche territoriale des politiques éducatives, a notamment été abordé. L’utilisation des moyens spécifiques qu’elle mobilise  régime indemnitaire des personnels, pondération des heures d’enseignement, augmentation du taux d’encadrement des élèves par les enseignants…  a également retenu l’attention des membres. La mission devait aussi rendre compte de l’histoire de l’éducation prioritaire, en dressant un panorama des évolutions qu’elle a connues depuis son lancement au début des années 1980.

Dans l’esprit de la rapporteure Agnès Carel, l’objet de cette mission était double : il s’agissait, d’une part, de collecter des informations ainsi que des éléments d’appréciation auprès d’acteurs et d’observateurs de l’éducation prioritaire et, d’autre part, de dégager des perspectives pour l’évolution de cette politique, en permettant aux membres de la mission et aux différents groupes parlementaires de définir la conception particulière qu’ils se font de son avenir. À cet égard, il convient de souligner que, dès le début de la mission, le président et la rapporteure ont tenu à associer aussi largement que possible les membres de celleci à leurs travaux. La rapporteure souhaite plus particulièrement remercier les députés qui ont participé aux déplacements de la mission ainsi qu’à la réunion d’échange de vues durant laquelle, en vue de la rédaction du rapport, les membres de la mission ont été invités à présenter leurs observations sur les orientations préliminaires de celui-ci. Sur la base des constats réalisés par la mission, la rapporteure formule des recommandations qui tendent à renforcer l’efficacité de cette politique.

1.   Les objectifs de l’éducation prioritaire

a.   La mise en œuvre des principes généraux du service public de l’éducation

Les résultats d’une politique éducative s’apprécient au regard de plusieurs critères. Certains correspondent aux objectifs généraux de l’action éducatrice de l’État, prévus par l’article L. 111-1 du code de l’éducation. Ainsi, aux termes de ce dernier, le service public de l’éducation contribue notamment à « l’égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative », en postulant que « tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser ». Il veille à la « scolarisation inclusive de tous les enfants », sans distinction, ainsi qu’à « la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d’enseignement ». L’école doit également « faire partager aux élèves les valeurs de la République », leur permettre de « développer [leur] personnalité », d’élever leur « niveau de formation initiale et continue », de « s’insérer dans la vie sociale et professionnelle », et d’exercer leur citoyenneté. L’Éducation nationale doit aussi garantir « l’apprentissage et la maîtrise de la langue française » ainsi que « l’acquisition d’une culture générale et d’une qualification reconnue ».

À cet égard, il convient de relever que, si l’éducation prioritaire repose sur des dispositions règlementaires, les principes qui la sous-tendent trouvent un écho dans la partie législative du code de l’éducation. En effet, l’article L. 111-1 précité dispose que « la répartition des moyens du service public de l’éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière économique, territoriale et sociale ». Cette répartition doit tendre à « renforcer l’encadrement des élèves dans les écoles et établissements d’enseignement situés dans des zones d’environnement social défavorisé et des zones d’habitat dispersé, et de permettre de façon générale aux élèves en difficulté, quelle qu’en soit l’origine, en particulier de santé, de bénéficier d’actions de soutien individualisé ». L’inscription de ces objectifs dans le code de l’éducation, qui résulte de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, a précédé la dernière modification d’importance du périmètre de l’éducation prioritaire, intervenue dans le cadre de la « refondation » de cette politique entre 2014 et 2015. Ainsi, les personnes entendues par la mission ont été invitées à présenter leur vision de l’éducation prioritaire au regard, notamment, des objectifs généraux de l’action éducatrice de l’État.

b.   Un objectif spécifique de réduction des écarts de résultats entre les élèves relevant de l’éducation prioritaire et du reste du système éducatif

Les principes de l’action éducatrice de l’État trouvent une déclinaison opérationnelle dans l’éducation prioritaire, qui s’est vu assigner un objectif spécifique de réduction des écarts de résultats entre les élèves qui bénéficient de cette politique et le reste de la population scolaire. Ainsi, la circulaire n° 2014‑077 du 4 juin 2014 énonce un objectif de « réduction à moins de 10 % des écarts entre les élèves scolarisés en éducation prioritaire et ceux scolarisés hors éducation prioritaire dans la maîtrise des compétences de base en français et en mathématiques sans que les résultats globaux ne baissent ». En outre, la circulaire précitée dispose que chaque élève doit acquérir « tous les savoirs et toutes les compétences du socle commun de connaissances, de compétences et de culture » (SCCC) mentionné à l’article L. 121-1-1 du code de l’éducation ([3]). La formulation de ces objectifs est contemporaine de la restructuration de l’éducation prioritaire autour de deux catégories de dispositifs : les réseaux d’éducation prioritaire (REP) et les réseaux d’éducation prioritaire renforcée (REP +), qui correspondent à des niveaux croissants de difficultés scolaires et sociales. Chacun de ces réseaux est formé d’un collège, et des écoles élémentaires et maternelles qui en constituent le secteur de recrutement.

Le projet annuel de performances de la mission Enseignement scolaire annexé à la loi de finances de l’année précise l’objectif de réduction des écarts, sur la base d’indicateurs distincts ([4]). Ainsi, le programme 140 Enseignement public du premier degré et le programme 141 Enseignement public du second degré comportent plusieurs indicateurs qui se rapportent à cet objectif.

● Un premier ensemble d’indicateurs se rapporte à la proportion d’élèves maîtrisant, en fin de CE2 ([5]), de sixième ([6]) et de troisième ([7]), les principales composantes du domaine « langages pour penser et communiquer » du socle commun. Si l’intitulé de ces indicateurs ne mentionne pas explicitement l’objectif de réduction des écarts de performances, la définition des cibles et la décomposition des résultats entre REP, REP + et établissements hors de l’éducation prioritaire participent de cette logique. Ces données correspondent aux résultats des évaluations triennales réalisées à la fin des cycles 2 – qui rassemblent les classes de CP, CE1 et CE2 –, 3 – correspondant aux classes de CM1, CM2 et sixième – et 4 – soit les classes de cinquième, quatrième et troisième – en mathématiques et en français. En d’autres termes, dans la documentation budgétaire, la maîtrise des savoirs fondamentaux constitue l’un des axes d’évaluation de l’efficacité de la politique d’éducation prioritaire à l’échelle nationale, au regard de l’objectif de réduction des écarts de résultats scolaires entre les élèves bénéficiant de celle-ci et ceux ne relevant pas de l’éducation prioritaire.

Proportion d’ÉlÈves maÎtrisant les principales composantes du socle commun en français et en mathÉmatiques

(en %)

 

Comprendre, s’exprimer en utilisant la langue française à l’oral et à l’écrit

Comprendre, s’exprimer en utilisant les langages mathématiques, scientifiques et informatiques

 

Fin de CE2

 

2020

2023 (cible)

2020

2023 (cible)

REP+

52,1

80

51,3

80

REP

54,9

85

52,4

85

Hors EP

75,5

90

73,1

90

Total CE2

71,3

89

69

89

 

Fin de sixième

 

2021

2024 (cible)

2021

2024 (cible)

REP+

62,5

75

59,8

73

REP

72,2

84

49,8

63

Hors EP

83,8

90

77,7

82

Total sixième

81,1

88

73,8

79,3

 

Fin de troisième

 

2022 (cible)

2025 (cible)

2022 (cible)

2025 (cible)

REP+

70

75

60

68

REP

79

83

66

72

Hors EP

90

92

77

80

Total troisième

87

89,5

75

78

Source : Projet annuel de performances de la mission Enseignement scolaire, projet de loi de finances pour 2023.

● L’écart de taux de réussite au diplôme national du brevet (DNB) entre l’éducation prioritaire et le reste du système éducatif constitue un autre indicateur. Ainsi, en 2021, ce taux était de 77,5 % en REP +, de 84,7 % en REP et de 88 % à l’échelle nationale.

 

Écart de taux de réussite au DNB entre éducation prioritaire et hors éducation prioritaire

(en points de pourcentage)

 

2020

2021

2022 (cible)

2023 (cible)

2024 (cible)

2025 (cible)

Écart entre REP + et hors EP

– 7,3

– 10,3

– 8

– 8,5

– 8

– 7,5

Écart entre REP et hors EP

– 5,2

– 6,7

– 4,5

– 5

– 4,5

– 4

Source : Projet annuel de performances de la mission Enseignement scolaire, projet de loi de finances pour 2023.

● La proportion d’élèves entrant en classe de sixième et de troisième avec au moins un an de retard est un autre critère d’évaluation de l’efficacité de la politique d’éducation prioritaire, dans le cadre de la démarche de performance qui sous-tend la présentation des crédits alloués à l’enseignement scolaire.

proportion d’élèves entrant en classe de sixième troisième avec au moins un an de retard

(en %)

 

2020

2021

2022 (cible)

2023 (cible)

2024 (cible)

2025 (cible)

 

Entrée en sixième

REP +

10,3

9,3

8

7

6

5

REP

7,8

7

6

5

4,5

3,5

Hors EP

4,6

4,5

3,5

3

3

2,5

Total

5,4

5,1

4

3,5

3,4

2,8

 

Entrée en troisième

REP +

22,9

20,7

21

20

18

16

REP

16,3

14,7

14,5

14

13

12

Hors EP

8,2

10,2

10

10

9,5

9

Total

12,5

11,6

11,5

11,3

10,6

9,9

Source : Projet annuel de performances de la mission Enseignement scolaire, projet de loi de finances pour 2023.

À ces indicateurs portant sur les résultats scolaires, qui visent à refléter la performance du système éducatif, s’ajoutent des indicateurs de moyens, qui témoignent de l’effort spécifique consenti en faveur de l’éducation prioritaire. Ceux-ci concernent :

– le taux d’encadrement, défini comme le nombre d’élèves par classe. En 2021, à l’école primaire, ce taux atteignait 17,5 élèves par classe en REP +, 18 en REP et 22,9 hors de l’éducation prioritaire. Cet indicateur a ceci de particulier qu’il ne tend pas à réduire l’écart entre l’éducation prioritaire et le reste du système d’enseignement, mais à l’amplifier – conformément au principe selon lequel la résorption des inégalités scolaires présuppose la différenciation des moyens en fonction des caractéristiques sociales des élèves et des établissements ;

– la proportion d’enseignants exerçant en éducation prioritaire faisant état d’une ancienneté – entendue comme le nombre d’années en poste dans l’éducation prioritaire – égale ou supérieure à cinq ans.

 

Écart de Taux d’encadrement à l’École primaire et au collÈge

(différence entre les effectifs d’élèves par classe)

 

2020

2021

2022 (cible)

2023 (cible)

2024 (cible)

2025 (cible)

 

École primaire

Écart entre REP et hors EP

–  4,78

–  4,9

–  5,4

–  5,9

–  5,9

–  5,9

Écart entre REP + et hors EP

–  4,98

–  5,4

–  5,6

–  6

–  6

–  6

 

Collège

Écart entre REP et hors EP

–  3

–  3

–  4

–  4

–  4

–  4

Écart entre REP + et hors EP

–  3,7

–  3,7

–  5

–  5

–  5

–  5

Source : Projet annuel de performances de la mission Enseignement scolaire, projet de loi de finances pour 2023.

 

Part d’enseignants ayant au moins cinq ans d’ancienneté dans leur établissement

(en %)

 

2020

2021

2022 (cible)

2023 (cible)

2024 (cible)

2025 (cible)

 

École primaire

EP

42,8

44,1

45

46

48

50

Hors EP

53,3

53,5

Non renseigné

 

Collège

EP

49,3

51,8

50

53

54

55

Hors EP

62,7

64,1

Non renseigné

Source : Projet annuel de performances de la mission Enseignement scolaire, projet de loi de finances pour 2023.

Le nombre d’établissements scolaires et la proportion d’élèves bénéficiant de l’éducation prioritaire représentent environ un cinquième du système éducatif.

2.   Une politique qui concerne plus de 20 % de la population scolaire dans l’enseignement public

À la rentrée 2022, l’éducation prioritaire comptait 1 092 réseaux, chacun étant constitué d’un collège et des écoles élémentaires qui forment son secteur de recrutement – soit, d’une part, 730 collèges et 4 174 écoles en REP et, d’autre part, 362 collèges et 2 462 écoles en REP +. À la rentrée 2021, 1,144 million d’élèves des écoles élémentaires et 571 000 collégiens, représentant respectivement 20,4 et 21,5 % des enfants scolarisés dans un établissement public, étaient concernés par cette politique.

Proportion d’élèves et nombre d’établissements scolaires concernés par l’éducation prioritaire à la rentrée 2021

 

Part d’écoliers du public
scolarisés en EP

Part de collégiens du public
scolarisés en EP

Collèges

Écoles

Collèges et écoles

REP

12,3 %

14,2 %

729

4 175

4 904

REP +

8,1 %

7,3 %

362

2 458

2 820

EP

20,4 %

21,5 %

1 091

6 633

7 724

Source : direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale, L’état de l’école, 2022.

En 2017, en tenant compte du dédoublement des classes de cours préparatoire (CP) intervenue dans les REP + au début de l’année scolaire 20172018, le coût de la politique d’éducation prioritaire s’élevait à 1,657 milliard d’euros. Ce montant correspond aux financements mobilisés au titre des mesures spécifiques à l’éducation prioritaire. Il s’ajoute aux coûts de fonctionnement communs à l’ensemble de l’Éducation nationale. Ainsi, en 2016, la masse salariale moyenne par élève atteignait 4 878 euros en REP + et 4 566 euros en REP, contre 4 002 euros hors de l’éducation prioritaire – soit un surcoût de respectivement 22 % et 14 % ([8]). En 2021, du fait de la poursuite du dédoublement des classes et de la revalorisation des indemnités versées aux personnels de l’Éducation nationale exerçant en éducation prioritaire, le coût des moyens spécifiques de cette politique était estimé à 2,3 milliards d’euros par an ([9]).

3.   Un contexte propice à l’engagement d’une réflexion sur l’éducation prioritaire au Parlement

Compte tenu de la proportion d’élèves concernée par cette politique et du niveau des moyens dérogatoires qui lui sont consacrés, il semblait opportun qu’une mission parlementaire en dresse un panorama et en établisse un bilan. De surcroît, ce travail de contrôle de l’action éducatrice de l’État trouvait un écho particulier au vu du contexte dans lequel il est intervenu. En effet, la législature précédente a été marquée par la mise en œuvre de plusieurs mesures  au premier rang desquelles le dédoublement des classes de CP et de CE1, puis de grande section  à destination de l’éducation prioritaire, ayant entraîné à la fois une augmentation quantitative des moyens consacrés à cette politique et un renforcement de l’attention portée, dans le débat public, à l’efficacité de cette dernière. Par ailleurs, les travaux de la mission se sont déroulés au moment où le ministère de l’Éducation nationale conduisait une réflexion sur le périmètre de l’éducation prioritaire, qui devrait notamment aboutir à une révision de la carte des réseaux. Ces circonstances n’ont pas affecté le souhait des membres de la mission de réaliser un travail indépendant, destiné au premier chef à l’information du Parlement et des citoyens – sans préjudice de l’éventuelle mise en œuvre, par le Gouvernement, de certaines des préconisations formulées.

Plusieurs points d’attention et pistes d’amélioration de cette politique ont été mis en évidence au cours des travaux de la mission. À titre liminaire, la rapporteure souhaite notamment souligner :

 la nécessité de laisser un temps suffisant aux mesures et aux dispositifs qui constituent la politique d’éducation prioritaire pour qu’ils produisent des effets mesurables. On verra que cette exigence n’a pas toujours été respectée au cours de l’histoire de l’éducation prioritaire ;

 le besoin d’évaluer l’efficacité de chaque mesure ou dispositif de façon rigoureuse avant d’en envisager la pérennisation, la modification ou la suppression ;

 l’intérêt que revêtirait l’organisation d’assises nationales de l’éducation prioritaire, qui réuniraient l’ensemble des acteurs et pourraient servir à la fois de conférence de consensus sur les résultats de cette politique et de cadre de réflexion pour en définir les orientations futures ;

 l’exigence d’une action spécifique en faveur des très jeunes enfants, entre l’âge de deux et quatre ans, qui viserait notamment à élever le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans, afin de lutter contre les inégalités scolaires au moment où elles se cristallisent. À cet égard, la rapporteure préconise la constitution, dans des salles spécifiquement adaptées, de classes d’enseignement précoce, dotées de personnels formés à la prise en charge d’enfants de cet âge ;

 la nécessité d’accroître les moyens de la médecine scolaire dans toutes ses composantes (médecins, infirmiers, psychologues de l’Éducation nationale, auxquels des orthophonistes pourraient être associés) en ciblant en premier lieu les établissements relevant de l’éducation prioritaire ;

 l’importance du renforcement de la coopération entre les établissements scolaires, les services déconcentrés de l’Éducation nationale et les autres services de l’État, en particulier dans le domaine social, culturel et sportif ;

 la nécessité de renforcer la lisibilité des objectifs, des moyens et des résultats de la politique d’éducation prioritaire, dont le Gouvernement devrait rendre compte chaque année dans les projets et les rapports annuels de performances de la mission budgétaire Enseignement scolaire, qui accompagnent respectivement les projets de loi de finances et de loi de règlement ;

 le besoin d’engager une réflexion de fond sur le périmètre de l’éducation prioritaire. En effet, la population scolaire concernée par cette politique a plus que doublé depuis son lancement en 1981, sans pour autant mettre un terme aux contestations de la carte des réseaux, que certains jugent trop restrictive (voir infra, III). De même, la question de certains établissements ruraux et des « écoles orphelines » ne peut pas être occultée. La nécessité de revoir un système binaire fondé sur l’appartenance ou non à un réseau d’éducation prioritaire, sans possibilité d’opérer un classement plus fin nous oblige à réfléchir à de nouveaux systèmes de classification des réseaux d’éducation prioritaire s’appuyant sur de nouveaux indicateurs.

Au terme des travaux de la mission d’information, la rapporteure tient à saluer l’implication et le professionnalisme qui caractérisent les acteurs de l’éducation prioritaire que la mission a rencontrés. Celle-ci s’est rendue dans un collège rural du Puy-de-Dôme, auprès des équipes pédagogiques d’établissements populaires de Clermont-Ferrand, dans les quartiers nord de Marseille et au sein de l’académie de Créteil ; elle a conduit des visioconférences avec les académies de la Guadeloupe, de la Guyane, de La Réunion et de Mayotte. Partout, ses membres se sont entretenus avec des personnels compétents, motivés, soucieux du bien de leurs élèves. À cet égard, le travail collectif, inhérent à la conduite des projets de réseau qui caractérisent l’éducation prioritaire, est apparu comme un levier de mobilisation des personnels, qu’il importe de reconnaître et de préserver.

Le présent rapport comprend trois parties :

 la première partie propose un panorama des principes fondamentaux de l’éducation prioritaire et décrit les principales étapes de l’histoire de cette politique publique, depuis son lancement en 1981 jusqu’à l’organisation en vigueur, issue de la « refondation » de 2014-2015 ;

 la deuxième partie établit un bilan des actions menées au regard des objectifs de l’éducation prioritaire et, plus généralement, du service public de l’éducation ;

 la troisième partie dresse des perspectives concernant le périmètre, l’organisation administrative et le pilotage de l’éducation prioritaire.

 

Le présent rapport a été adopté par les membres de la mission chargée de dresser un panorama et un bilan de l’éducation prioritaire au cours de sa réunion du mardi 11 juillet 2023.

 

 


— 1 —

 

I.   Une approche territoriale de la lutte contre les inégalités scolaires : Les principes de l’éducation prioritaire et leur évolution

Sous une appellation générique inchangée depuis 1981, l’éducation prioritaire a connu plusieurs formes, dont témoigne la succession  et, parfois, la juxtaposition  de dispositifs aux périmètres distincts. En retraçant les principales étapes de son histoire, il est possible de dégager plusieurs caractéristiques fondamentales de l’éducation prioritaire, qui en constituent les principes unificateurs.

A.   Une politique publique lancée en 1981, visant à compenser l’effet des inégalités sociales sur la réussite scolaire

La politique d’éducation prioritaire trouve son fondement dans la circulaire n° 81-238 du 1er juillet 1981, adressée par le ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Alain Savary, aux recteurs et inspecteurs d’académie-directeurs académiques des services de l’Éducation nationale (IA-Dasen). Celle-ci énonce à la fois la finalité et les principes d’action qui sous-tendent cette nouvelle politique. Ainsi, l’éducation prioritaire tend à « corriger l’inégalité par le renforcement sélectif de l’action éducative dans les zones et dans les milieux sociaux où le taux d’échec scolaire est le plus élevé » ([10]).

1.   L’éducation prioritaire comme politique sociale

L’assignation à l’école d’un objectif de « correction » des inégalités supposait que plusieurs conditions soient réunies. Il fallait d’abord démontrer l’existence d’une corrélation entre les caractéristiques sociales des élèves et leurs résultats scolaires. À cet égard, la démocratisation de l’accès à l’enseignement secondaire intervenue au cours des deux décennies précédentes a joué le rôle de révélateur. Deux modifications du cadre institutionnel et juridique des politiques éducatives ont revêtu une importance particulière :

– le report de l’âge de fin de l’obligation d’instruction de quatorze à seize ans par l’ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire, dite « loi Berthouin », s’inscrivant dans une tendance générale d’allongement de la durée de formation dont témoigne l’élargissement de l’accès à l’enseignement secondaire, puis aux études supérieures ;

 la création du collège unique par la loi n° 75-620 du 11 juillet 1975 relative à l’éducation, dite « loi Haby », dont la mise en œuvre est effective à partir de la rentrée 1977, et qui met fin à la distinction entre les filières des anciens collèges d’enseignement général (CEG) et collèges d’enseignement secondaire (CES).

Selon M. Jean-Yves Rochex, professeur émérite de sciences de l’éducation à l’université de Paris 8, ces réformes entraînent le passage « d’un système éducatif segmenté et élitiste vers un système unifié et méritocratique » ([11]). La diversité des profils sociaux des élèves s’accroît au sein d’une même catégorie d’établissements, où l’on dispense un enseignement unifié. Le prolongement et l’harmonisation de la scolarité des élèves de milieux sociaux différents, en facilitant la comparaison entre ces derniers, accentue la prise de conscience de l’effet des déterminismes sociaux sur les résultats scolaires et la poursuite d’études. Ainsi, sous l’effet des transformations du système éducatif, les disparités entre élèves issus de milieux sociaux différents cessent d’être interprétées uniquement en termes de « déficiences individuelles » ([12]) : la sociologie de l’éducation conçoit l’échec scolaire comme un phénomène social qui transcende les dispositions particulières de chaque élève et pose le problème général de la relation entre l’école et les catégories populaires – et, plus généralement, celui des rapports entre l’institution scolaire et la société.

Dans le champ des politiques éducatives, l’éducation prioritaire constitue une réponse particulière au problème des écarts de réussite scolaire fondés sur l’origine sociale des élèves. Il convient de souligner qu’elle n’épuise pas la question des rapports de l’école aux milieux populaires. Selon la distinction opérée par M. Jean-Yves Rochex ([13]), l’éducation prioritaire doit être envisagée comme une politique spécifique, et non pas générique : plutôt qu’une catégorie d’individus – les élèves des milieux populaires –, elle cible les établissements où la concentration des difficultés scolaires et sociales justifie la mobilisation de moyens spécifiques. Le principe sous-jacent de la politique d’éducation prioritaire est qu’une action pédagogique particulière, ciblée sur une partie des établissements et pouvant revêtir plusieurs formes – augmentation du taux d’encadrement, formation spécifique des enseignants, stabilisation des équipes éducatives, recours à des méthodes d’enseignement innovantes, etc. –, est susceptible de réduire l’effet des conditions sociales sur la réussite des élèves.

La mise en œuvre d’un tel principe d’action sous forme de politique éducative impliquait également l’affirmation d’une nouvelle définition de l’égalité devant le service public. Alors que la conception traditionnelle du principe d’égalité conduisait à refuser toute différence de traitement, la différenciation des politiques publiques en fonction des caractéristiques sociales de leurs bénéficiaires trouve plusieurs illustrations à partir des années 1980. L’éducation prioritaire et la politique de la ville, dont l’apparition est concomitante, témoignent l’une et l’autre de cette évolution. Elles participent de l’importance que revêt alors, dans le débat public, la notion de discrimination positive ([14]).

Si l’éducation prioritaire est avant tout conçue comme une politique compensatoire des inégalités, elle a cependant fait l’objet de représentations différentes au cours de ses quatre décennies d’existence. Aussi, selon certains observateurs, la « continuité terminologique et règlementaire » ([15]) qui la caractérise ne doit pas dissimuler les objectifs distincts assignés à cette politique depuis sa création. En premier lieu, certains ont pu voir dans l’éducation prioritaire un cadre propice à l’expérimentation de nouvelles formes d’enseignement et d’un rapport différent de l’école aux milieux populaires. Au-delà de la simple compensation de l’effet des caractéristiques sociales sur les chances de réussite de certains élèves, l’éducation prioritaire remplirait un rôle de préfiguration d’une démocratisation scolaire plus aboutie, généralisable à l’ensemble du système éducatif. Par ailleurs, selon certains observateurs, l’objectif social de l’éducation prioritaire se serait « dilué » au cours du temps. Ainsi, à une politique visant un public défini par ses caractéristiques sociales et répondant à un objectif de transformation de l’école se serait substituée une approche plus individualisée de la réussite éducative, fondée sur l’identification des meilleurs élèves. Parallèlement, la référence aux catégories sociales défavorisées aurait été progressivement atténuée au profit d’une insistance nouvelle sur la diversité des territoires et de leurs besoins.

2.   L’éducation prioritaire comme politique territoriale

Si le sens donné à l’ancrage territorial de l’éducation prioritaire a pu varier au cours de son histoire, le ciblage de cette politique sur des espaces déterminés n’en constitue pas moins l’une des caractéristiques fondamentales de celle-ci.

a.   Le zonage, corollaire de la concentration des difficultés dans l’espace

Lors du lancement de l’éducation prioritaire, la délimitation de zones d’intervention vise à répondre à la concentration, dans un même espace, de plusieurs types de difficultés sociales. Ces dernières ne se limitent pas au fonctionnement de l’école, et englobent les éléments constitutifs du cadre de vie. La circulaire n° 81-536 du 28 décembre 1981 en énumère les composantes : « autant que l’inadaptation de l’appareil scolaire, c’est la conjonction des difficultés dues aux insuffisances constatées dans différents domaines, et notamment ceux du travail, des loisirs, de l’habitat, de la sécurité, qui caractérise une zone prioritaire ». Ainsi, l’éducation prioritaire naît de la reconnaissance d’un rapport de détermination réciproque entre les inégalités scolaires et un ensemble d’autres fractures, inscrites dans l’espace, qui affectent les conditions de vie et d’études dans un territoire donné. Ce constat trouve un prolongement pratique dans la volonté d’associer plusieurs catégories d’acteurs au traitement des difficultés que connaissent les zones prioritaires. Loin de se limiter aux seuls enjeux scolaires, l’identification de ces territoires devait participer d’une approche holiste, nourrie des constats portés par différents acteurs publics – services déconcentrés de l’État, Sécurité sociale, collectivités territoriales –, pour coordonner « tous les moyens d’une intervention multiple dont les effets conjugués ne [pouvaient] que se renforcer » ([16]).

Par ailleurs, la délimitation de zones d’intervention est un principe d’action commun à plusieurs politiques publiques, tout particulièrement au début des années 1980. Ainsi, lors de son audition, Mme Ariane Azéma a établi un parallèle entre la création des zones d’éducation prioritaire (ZEP) et le cadre territorial donné à d’autres politiques publiques mises en œuvre à la même époque ([17]). En particulier, la politique de la ville repose également sur un principe de concentration des moyens en faveur de circonscriptions territoriales définies en fonction de critères sociaux. Plus généralement, les politiques pilotées par la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (Datar) reposaient sur la définition de zones d’intervention et le ciblage des ressources publiques en faveur de celles-ci.

On peut cependant relever que la France n’est pas le seul pays à avoir mis en œuvre une politique scolaire différenciée selon les territoires dans le but de réduire les inégalités sociales à l’école. Les premières illustrations de cette logique sont apparues au milieu des années 1960 aux États-Unis en application de l’Economic Opportunity Act, loi visant à lutter contre la pauvreté adoptée en 1964 dans le contexte de la déségrégation. Certains États européens – en particulier la Suède, la Belgique et le Royaume-Uni – en ont ensuite décliné le principe, selon des modalités différentes : attribution de moyens supplémentaires dans les secteurs défavorisés, régulation de l’affectation des élèves dans les établissements en fonction de critères géographiques et sociaux, etc. La notion française d’éducation prioritaire est d’ailleurs une transposition du terme d’Educational Priority Area (EPA), désignant les circonscriptions territoriales du dispositif britannique instauré en 1967.

En tant que politique publique aux effets circonscrits dans l’espace, l’éducation prioritaire s’expose à des critiques portant sur son périmètre ([18]). Deux catégories d’objection à son organisation territoriale peuvent être distinguées.

● D’une part, une politique éducative visant à répondre à la concentration des difficultés dans l’espace exclut de son champ d’action une partie des élèves dont les caractéristiques sociales constituent pourtant la cible de l’éducation prioritaire. Ainsi, seule une minorité – 30 % – des élèves issus de milieux populaires sont scolarisés dans un établissement qui relève de l’éducation prioritaire ([19]). Le ciblage des moyens sur une partie des établissements est avant tout justifié par le fait que la concentration des difficultés constitue, en soi, un facteur de risque pour la réussite éducative. De ce point de vue, il convient de relever que les collèges qui comptent au moins 60 % d’élèves appartenant aux catégories sociales défavorisées relèvent presque tous de l’éducation prioritaire.

Origine sociale des élèves et proportion d’enfants ayant redoublé au moins une classe selon la catégorie d’établissements, en 2020

Source : Depp, L’état de l’école, 2022, p. 15.

● D’autre part, la sélection de territoires appelés à bénéficier d’une politique publique présuppose des critères, dont il est possible de contester la pertinence.

À cet égard, la circulaire du 1er juillet 1981 mentionnait plusieurs facteurs à prendre en considération dans la délimitation des zones prioritaires. Dans cette énumération figuraient notamment « l’implantation géographique ; la composition socio-économique des familles ; la présence d’enfants étrangers ou non francophones ; des retards scolaires ; la part des élèves de [classes préprofessionnelles de niveau et de classes préparatoires à l’apprentissage] par rapport à l’ensemble des élèves ; les abandons de scolarité au niveau des collèges » ([20]). Ces critères ont ensuite été précisés par la circulaire du 28 décembre 1981. Recommandant de recourir, pour l’identification des nouvelles ZEP, à une « approche globale de ce concept » mêlant des critères de nature différente, celle-ci mentionne à la fois, parmi les indicateurs à prendre en considération, la catégorie socio-professionnelle du chef de famille, la densité de l’habitat, les parts de familles nombreuses et d’étrangers, la qualité de l’habitat, la fréquence des placements d’enfants, ou encore les conditions d’accès au centre-ville et aux zones d’emploi. Ainsi, aux indicateurs internes au système éducatif s’ajoutent des critères sociaux, économiques et démographiques.

Cependant, l’absence de seuils, de valeurs de référence et, plus largement, de pondération entre ces critères conférait une importante marge d’appréciation aux acteurs locaux dans l’élaboration de la carte de l’éducation prioritaire. De surcroît, cette tâche avait été confiée aux services académiques, et non à l’administration centrale du ministère de l’Éducation nationale. Selon certains observateurs, la conjonction de l’absence de cadre national contraignant et de la déconcentration des décisions de classement en zone prioritaire a, dans un premier temps, nui à la cohérence de celles‑ci ([21]).

Les évolutions de la carte de l’éducation prioritaire, fondées sur la différenciation interne du dispositif et son élargissement à de nouveaux établissements, ont permis de rectifier ces incohérences initiales, sans mettre fin aux contestations du périmètre de cette politique.

b.   Une différenciation progressive, sur fond d’élargissement de la carte de l’éducation prioritaire

La création des zones d’éducation prioritaire avait eu lieu en deux temps. Après une première identification des établissements par les services des rectorats à l’été 1981, une démarche plus systématique, fondée sur des indicateurs sociaux, avait abouti en 1982 à l’inclusion dans le dispositif de 503 collèges et 3 730 écoles. On comptait ainsi 362 ZEP durant la première année de mise en œuvre de l’éducation prioritaire. Par rapport à la situation actuelle, certaines zones présentaient la particularité de rassembler plusieurs collèges.

i.   Une phase de croissance au cours des années 1990, qui s’est poursuivie dans le premier degré jusqu’aux années 2010

L’éducation prioritaire a ensuite connu plusieurs phases de « relance ». Celles-ci ont d’abord été caractérisées par l’augmentation du nombre d’établissements et d’élèves concernés. Ainsi, entre 1990 et 1992, de nouvelles ZEP sont créées – on en compte alors 530, qui rassemblent 796 collèges et 5 503 écoles. La croissance du dispositif s’accompagne, à partir de la rentrée 1999, d’une nouvelle structuration des établissements en réseaux, formés le plus souvent d’un collège et des écoles élémentaires de son ressort. Prévue par la circulaire n° 98‑145 du 10 juillet 1998 ([22]), cette organisation devait notamment permettre la division de ZEP jugées trop étendues ou, au contraire, l’entrée de nouveaux établissements dans le dispositif. Dans le premier cas, le resserrement des circonscriptions existantes devait faciliter l’animation et le pilotage du dispositif, conformément aux orientations données au fonctionnement des ZEP en 1981, dont l’action était structurée dans le cadre de projets de zone définis localement par les acteurs de l’Éducation nationale. Parallèlement, la seconde possibilité limitait, voire excluait toute perspective de recentrage des moyens au profit d’un plus petit nombre de territoires. Ainsi, entre 1982 et 1999, le nombre d’élèves relevant de l’éducation prioritaire passe de 781 000 à 1 260 000. La part des effectifs d’écoliers concernés passe dans le même temps de 8 à 12 %, et celle de collégiens de 10 à 21 %. 1 053 collèges et 7 329 écoles font alors l’objet d’un classement en éducation prioritaire.

Les modifications ultérieures du périmètre de cette politique ont confirmé cette extension : si la proportion de collégiens en éducation prioritaire reste stable – autour de 20 % – depuis la fin des années 1990, celle des écoliers continue de croître fortement jusqu’aux années 2010. À compter de la « refondation » de 2014-2015, les proportions d’écoliers et de collégiens concernés par l’éducation prioritaire convergent. De façon structurelle, celles-ci correspondent à un cinquième des effectifs.

Évolution des effectifs d’élèves bénéficiant de l’éducation prioritaire

Source : Cour des comptes, L’éducation prioritaire, 2018.

ii.   La différenciation des dispositifs, condition au maintien de « priorités » dans un contexte d’élargissement de l’éducation prioritaire

La croissance quantitative de l’éducation prioritaire s’est accompagnée d’un processus de différenciation interne. Les élargissements successifs de l’éducation prioritaire ayant accru la diversité des territoires et des publics concernés, une gradation des réseaux a été introduite en fonction d’indicateurs scolaires et sociaux. En 2006, dans un contexte marqué par les émeutes urbaines de 2005, une nouvelle réforme de l’éducation prioritaire voit l’apparition des réseaux de réussite scolaire (RRS) et des réseaux ambition réussite (RAR) ([23]). Les 253 RAR, qui bénéficient de moyens supplémentaires, font l’objet d’un pilotage national. À la rentrée 2012, la plupart des RAR intègrent le nouveau dispositif Éclair (écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite). Un même principe de différenciation est à l’œuvre dans l’organisation de l’éducation prioritaire issue de la « refondation » de 2014-2015, fondée sur la distinction entre REP et REP +.

Les dispositifs d’Éducation prioritaire depuis 1982

Source : Depp, L’éducation prioritaire.

3.   Une politique pédagogique

Dès l’origine, la notion de « renforcement » de l’action éducative soulève le problème du volume et de l’utilisation des moyens spécifiques de l’éducation prioritaire.

b.   Le « renforcement sélectif » des moyens

Le niveau et les modalités du renforcement des moyens du système éducatif au sein de l’éducation prioritaire ont évolué au cours du temps.

La première de ces modalités consiste en l’augmentation du taux d’encadrement des élèves par les enseignants. Dès la circulaire fondatrice du 1er juillet 1981, le taux d’encadrement apparaît comme un indicateur des besoins et, implicitement, comme l’un des principaux leviers du « renforcement » de l’action éducative dans les zones prioritaires. En 1982, 1 700 postes supplémentaires étaient ainsi attribués aux nouvelles ZEP. Ce mode d’intervention s’est ensuite étendu aux personnels administratifs, sociaux et médico-sociaux. Au cours des dix dernières années, l’augmentation des effectifs d’enseignants a notamment pris la forme du dispositif « Plus de maîtres que de classes ». Instauré par la circulaire n° 2012‑201 du 18 décembre 2012, celui-ci prévoyait l’affectation d’un maître supplémentaire au sein d’écoles relevant majoritairement de l’éducation prioritaire. Ensuite, le dédoublement des classes de CP et de CE1 lancé en 2017, puis étendu aux classes de grande section de maternelle à partir de 2020, a simultanément accru les moyens de la politique d’éducation prioritaire et conforté leur ciblage en faveur du premier degré.

Un deuxième levier d’action concerne la composition des équipes éducatives. Pour tenir compte des conditions particulières d’exercice des personnels exerçant dans l’éducation prioritaire et accroître l’attractivité de leurs fonctions, des indemnités spécifiques ont été prévues ([24]). Le bénéfice de ces primes a été récemment élargi aux accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et aux assistants d’éducation (AED) ([25]). Elles s’accompagnent pour les enseignants de l’attribution de points supplémentaires dans le cadre du système d’affectation de l’éducation nationale pour favoriser, au terme d’une période d’engagement de cinq ou huit ans, l’accès des personnels ayant exercé en éducation prioritaire aux postes que ces derniers souhaitent occuper. La stabilisation d’équipes éducatives travaillant dans des conditions souvent difficiles a ainsi constitué l’un des principaux axes de la gestion des effectifs. Enfin, des mesures spécifiques d’accompagnement et un renforcement de la formation des enseignants ont été mis en œuvre, pour mieux les préparer à l’exercice de leurs fonctions.

Toute mobilisation de moyens supplémentaires suppose des choix dans l’allocation de ces derniers. C’est pourquoi l’augmentation quantitative des moyens devait s’accompagner d’une réflexion sur les méthodes de travail et d’enseignement au sein de l’éducation prioritaire. À cet égard, l’articulation entre le cadre national et les initiatives des acteurs, sous la forme de projets conduits localement, constitue l’un des traits dominants de l’éducation prioritaire.

c.   « L’esprit de décentralisation au niveau de la classe » : entre impulsion nationale et initiatives locales

Contemporaine des débuts de la décentralisation ([26]), la mise en place de l’éducation prioritaire participait à certains égards d’une même logique de transfert des processus de décision au plus près du terrain. Ainsi, énumérant les caractéristiques du « modèle français » d’éducation prioritaire, le rapport sur l’éducation prioritaire de l’inspection générale de l’Éducation nationale (Igen) et de l’inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale (Igaen) de 2006 – dit « rapport Armand-Gille » – mentionne en particulier la confiance accordée « à l’imagination des enseignants, à "la liberté pédagogique" pour concevoir les actions éducatives et pédagogiques les plus appropriées […], en préservant le même niveau d’exigence scolaire et les mêmes programmes » ([27]). Dans la mise en œuvre des premiers projets de zone prévus par les circulaires de juillet et décembre 1981, « c’est en quelque sorte l’esprit de décentralisation [qui s’exprime] au niveau de la classe » ([28]). En 2014-2015, chaque réseau s’est doté d’un nouveau projet, témoignant ainsi de la pérennité de ce mode d’organisation. Fondés sur un référentiel ([29]) et des objectifs nationaux, ainsi qu’un diagnostic préalable portant sur la situation des établissements, ces projets font notamment état des actions à entreprendre et des modalités de pilotage de chaque réseau.

Parallèlement, les moyens consacrés au pilotage de l’éducation prioritaire à l’échelon local ont été progressivement renforcés. La circulaire n° 90-028 du 1er février 1990 crée les fonctions de responsable de ZEP, choisi parmi les chefs d’établissement, inspecteurs de l’Éducation nationale et directeurs de centres d’information et d’orientation (CIO). Dans un contexte de renforcement de la politique de la ville, ce responsable est notamment chargé des relations avec les partenaires extérieurs. Il est assisté d’un coordonnateur responsable de « l’animation interne de la zone » ([30]).

À la fin des années 1990, l’expérience de quinze années de mise en œuvre de l’éducation prioritaire a permis d’identifier des « conditions de réussite » communes aux différentes zones. Celles-ci ont été mises en évidence dans le rapport des inspections générales de 1997 sur la réussite scolaire en ZEP – ou « rapport Moisan-Simon » ([31]). Parmi les facteurs identifiés figuraient notamment la scolarisation précoce en maternelle, dès l’âge de deux ans ; la qualité des relations inter-degrés entre les collèges et les écoles ; la stabilité des équipes pédagogiques ; la taille de la ZEP, les plus étendues obtenant des résultats généralement inférieurs aux autres ; ou encore, le travail du coordonnateur de zone. Sans remettre en cause le principe de l’élaboration de projets au sein de chaque zone, l’identification de facteurs de réussite communs permettait l’élaboration d’un cadre national pour structurer ces initiatives. Ainsi, à partir de 1998, les nouveaux réseaux d’éducation prioritaire devaient conclure un « contrat de réussite » sur la base d’objectifs nationaux ([32]).

Dans un esprit comparable, mais sous une forme plus développée et enrichie par les expériences ultérieures, un « référentiel pour l’éducation prioritaire » est entré en vigueur en 2015, dans le cadre de la « refondation » de cette politique.

B.   Le cadre en vigueur : la « refondation » de 2014-2015 et les mesures en faveur de l’éducation prioritaire mises en œuvre depuis 2017

Plusieurs réformes du système éducatif ont été conduites à partir de 2012 sous l’appellation générale de « refondation de l’école » – selon l’intitulé de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013. En particulier, ce mouvement a donné lieu à la « refondation de l’éducation prioritaire », qui en constituait une déclinaison. Aux modifications de la carte de cette politique et à sa réorganisation autour de deux catégories de dispositifs – les REP et REP + – se sont ajoutés des mesures en faveur des personnels de l’Éducation nationale – en particulier l’instauration d’un nouveau régime indemnitaire et d’actions de formation – ainsi qu’un cadre national précisant la pédagogie à mettre en œuvre.

À partir de 2017, des actions supplémentaires ont été lancées pour accroître le taux d’encadrement – par le dédoublement des classes de CP et de CE1, puis de grande section – et la stabilité des équipes éducatives – par la revalorisation des indemnités versées aux personnels exerçant en éducation prioritaire. D’autres initiatives ont permis d’étendre le renforcement de l’action éducative à de nouveaux établissements – notamment dans le cadre des contrats locaux d’accompagnement – ou à de nouvelles tranches d’âge – ce qui constitue l’un des objectifs des cités éducatives, lesquelles visent à accompagner les enfants et jeunes adultes de la naissance à l’âge de vingt-cinq ans.

1.   Une organisation territoriale fondée sur la distinction entre REP et REP +

La circulaire du 4 juin 2014 susmentionnée rappelait que « pour rendre l’éducation prioritaire plus juste, il faut, d’une part, réviser régulièrement sa géographie pour mieux l’adapter aux situations sociales des écoles et collèges et, d'autre part, il faut l’appuyer sur une meilleure différenciation de l’allocation des moyens, qui tienne davantage compte des différences de situations sociales entre écoles et établissements sur l’ensemble du système éducatif ». Ces deux principes  la révision de la carte de l’éducation prioritaire et la différenciation des moyens  ont notamment présidé à la création des REP et REP +, en remplacement des anciens RRS et Éclair.

a.   La différenciation entre REP et REP +, reflet de la gradation des difficultés scolaires et sociales

La création des REP et REP + a été accomplie en deux étapes. Après une phase dite de « préfiguration » à la rentrée 2014, portant sur 102 REP +, la plus grande partie des nouveaux réseaux a été lancée à la rentrée 2015. La nouvelle carte de l’éducation prioritaire issue de la réforme comptait 1 097 réseaux, soit un de moins que le système antérieur. Ainsi, à la différence de ce qui s’était produit lors de la relance de l’éducation prioritaire des années 1997-1998, la réforme du dispositif n’a pas donné lieu à une augmentation du nombre de réseaux – qui est par définition identique à celui des collèges concernés par l’éducation prioritaire. En revanche, la proportion d’élèves des écoles élémentaires concernée par cette politique a continué de croître, en passant de 18 à 20 % entre 2011 et 2015 ([33]). En outre, la proportion de collèges considérés comme les plus en difficulté s’est accrue : alors que 279 établissements faisaient, en 2011, l’objet d’un classement en Éclair, on comptait 352 collèges REP + à la rentrée 2015.

La distinction entre REP et REP + tendait à modifier la nature et le volume des moyens alloués à chaque catégorie de dispositifs, tout en réformant l’implantation géographique de ces derniers au regard de nouveaux critères.

La création des nouveaux réseaux a été menée sur la base d’un indicateur unique fondé sur quatre variables reflétant différentes catégories de difficultés scolaires et sociales. Ainsi, chaque établissement a vu sa situation évaluée au regard :

– du taux d’élèves issus de milieux défavorisés, fondé sur les professions et catégories socio-professionnelles (PCS) des parents ;

– de la part d’élèves boursiers ;

 de la proportion d’élèves entrant en classe de sixième avec au moins une année de retard ;

 du taux d’élèves résidant au sein d’un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) ou à moins de trois cents mètres de l’un de ces derniers.

Cet indicateur composite donnait lieu à un résultat classé sur une échelle de 0 à 20. L’indice moyen des collèges hors de l’éducation prioritaire était de 10,9, contre 9,5 en REP et 8,1 en REP + ([34]).

La mise en œuvre de nouveaux critères d’identification des établissements de l’éducation prioritaire a entraîné d’importantes modifications de la liste de ces derniers. En particulier, deux collèges Éclair et 96 collèges RRS ont cessé de bénéficier de cette politique. En outre, 70 établissements Éclair ont bénéficié d’un classement en REP. À l’inverse, 118 collèges qui ne relevaient pas du dispositif Éclair ont été intégrés à un REP +. La sortie de collèges  ayant entraîné celle des écoles qui constituent leur secteur de recrutement  a suscité des contestations, liées notamment au cas des écoles dites « orphelines », dont la situation est abordée dans la troisième partie du présent rapport.

 

La carte de l’éducation prioritaire issue de la réforme de 2014-2015 se caractérise par des disparités territoriales dans la répartition des réseaux. Ainsi, quatre collèges de REP + sur dix se situent dans cinq départements : les Bouches-du-Rhône, la Guyane, le Nord, La Réunion et la Seine-Saint-Denis. Quatre départements comptent plus d’un cinquième de collégiens scolarisés au sein d’un établissement de REP + : la Seine-Saint-Denis (22,1 %), La Réunion (27 %), Mayotte (41,8 %) et la Guyane (95,7 %). Près d’un tiers des collégiens de la région Hauts-de-France sont concernés par l’éducation prioritaire, contre moins de 7 % des élèves bretons.

Répartition des établissements et des élèves de l’éducation prioritaire par académie et région académique, à la rentrée 2021

Source : Depp, Repères et références statistiques, 2022, p. 54.

Part de collégiens et nombre de collèges en REP + par département, en 2022

Source : Depp, L’éducation prioritaire, document de travail n° 2022.S02, juin 2022.

b.   Des dispositifs complémentaires mis en œuvre à partir de 2017

Si la définition de la carte de l’éducation prioritaire répondait à des données sociales objectives, la concentration de difficultés constatée dans des établissements qui ne relèvent pas de cette politique, ou encore le souhait d’impliquer des acteurs extérieurs à l’Éducation nationale dans une action commune au service de la réussite éducative, ont justifié l’instauration de dispositifs complémentaires.

i.   Les contrats locaux d’accompagnement

Le cas des contrats locaux d’accompagnement (CLA) a notamment retenu l’attention des membres de la mission. Ce dispositif vise à allouer des moyens supplémentaires à des écoles et établissements dont les caractéristiques sociales justifient ce soutien particulier. Conclus par le recteur d’académie et le chef d’établissement, ces contrats permettent une programmation triennale des moyens au regard de projets locaux mis en œuvre par les équipes éducatives. En permettant une allocation différenciée des moyens pour une durée limitée, les CLA visent notamment à résorber les effets de seuil entre les établissements qui bénéficient de l’éducation prioritaire et les autres. À partir de septembre 2021, les CLA ont été mis en œuvre à titre expérimental dans les académies d’Aix-Marseille, Lille et Nantes. La rentrée suivante a vu l’extension du dispositif à douze nouvelles académies, dont cinq en Outre-mer.

 

Ce dispositif a fait l’objet d’appréciations contrastées lors des auditions. Les recteurs d’académies entendus par la mission y voient un moyen de s’adapter à la situation particulière de chaque établissement, et un levier supplémentaire pour soutenir les équipes éducatives qui rencontrent le plus de difficultés ([35]). Les représentants de l’Observatoire des zones prioritaires ont quant à eux déploré le lancement d’un nouveau dispositif en l’absence d’évaluation des projets de réseau et de révision de la carte issue de la réforme de 2014-2015, contrairement à ce qui avait été décidé à l’occasion de celle-ci ([36]). Les représentants de plusieurs organisations syndicales ont également critiqué ce qu’ils perçoivent comme l’opacité des critères d’attribution des moyens mobilisés dans le cadre de ces contrats ([37]). Selon l’expression employée par Mme Ariane Azéma, une partie des acteurs, et plus particulièrement les syndicats de l’Éducation nationale, redoutent une forme d’« arbitraire rectoral » ([38]). À l’inverse, l’éducation prioritaire, dont les moyens sont définis à l’échelle nationale, échappe à ce type de critiques.

ii.   Les cités éducatives

Le besoin de coordonner les acteurs de l’éducation au sein d’un territoire déterminé – qui constitue l’un des principes de l’éducation prioritaire, telle qu’elle était définie notamment dans les circulaires de 1981-1982 – a justifié la création des cités éducatives. Celles-ci constituent un label attribué à des territoires dans le cadre d’un contrat liant les services déconcentrés de l’État (rectorat et préfecture) à une ou plusieurs collectivités territoriales. Elles trouvent leur origine dans le rapport Vivre ensemble  vivre en grand que M. Jean-Louis Borloo a remis au Premier ministre en avril 2018, au terme de la mission que le Président de la République lui avait confiée en 2017.

Le dispositif a été mis en œuvre à partir de 2019, sous la forme d’expérimentations de trois ans donnant lieu à une évaluation ([39]). Il vise à fédérer les acteurs de la réussite éducative dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), en assurant une meilleure coordination et une amplification des mesures mises en œuvre au profit des jeunes, de la naissance à l’âge de vingt-cinq ans. Le label est attribué au terme d’une candidature portée collectivement par les services de l’État et la collectivité concernée parmi les territoires répondant à des critères géographiques, scolaires et sociaux. Ainsi, le dispositif concerne par priorité les « grands quartiers d’habitat social de plus de 5 000 habitants, présentant des dysfonctionnements urbains et avec des enjeux de mixité scolaire » ([40]). Le nombre de cités éducatives a crû progressivement, passant de 80 en 2020 à 126 en 2021, puis 200 en 2022. Elles sont réparties sur l’ensemble du territoire national.

LES CITÉS ÉDUCATIVES EN FRANCE MÉTROPOLITAINE, EN 2022

Source : Agence nationale de la cohésion des territoires.

La labellisation d’un quartier en tant que cité éducative s’ajoute, sans s’y substituer, aux dispositifs de droit commun qui tendent à favoriser l’éducation des jeunes dans les quartiers prioritaires – tels que la construction de places de crèches supplémentaires, le dédoublement de classes dans le cadre des dispositifs d’éducation prioritaire, le développement de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, le dispositif « devoirs faits », le plan mercredi, ou les Cordées de la réussite. Elle s’en distingue dans la mesure où elle repose sur l’implication de plusieurs catégories d’acteurs de l’éducation – parents, associations, collectivités publiques –, dont elle tend à coordonner les initiatives. En ce sens, les cités éducatives participent du dépassement de l’organisation sectorielle qui caractérise certaines politiques publiques – en particulier la politique d’éducation prioritaire, conçue et pilotée par le ministère de l’Éducation nationale, alors même qu’elle vise à répondre, par le renforcement sélectif et territorialisé des moyens à la disposition des établissements scolaires, à des inégalités de destin qui trouvent leur source dans des facteurs géographiques et sociaux extérieurs à ces derniers.

La création d’une cité éducative donne lieu à des financements complémentaires, dont le montant global a atteint 118 millions d’euros entre 2019 et 2023. Le décloisonnement des initiatives des acteurs a pour corollaire la diversification des mesures financées, qui ne se limitent pas à l’Éducation nationale. Ainsi, des équipements culturels, sociaux, médicaux ou sportifs ont été créés ou rénovés dans le cadre des cités éducatives. En 2022, 700 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans étaient concernés par le dispositif.

Ces dispositifs complémentaires s’ajoutent aux moyens spécifiques mobilisés au profit de l’éducation prioritaire.

2.   Des moyens spécifiques

Les moyens de l’éducation prioritaire peuvent être regroupés en deux catégories :

– l’augmentation du nombre de personnels de l’Éducation nationale (enseignants, personnels de vie scolaire, etc.), qui permet d’accroître le taux d’encadrement dans le but, notamment, de renforcer la prise en charge individuelle de chaque enfant par le corps éducatif, tout en favorisant le travail collectif au sein des réseaux (postes de coordonnateur, pondération des heures de service afin de disposer de temps de concertation…). En 2018, alors que le dédoublement des classes de CP et de CE1 n’était que très partiellement mis en œuvre, la Cour des comptes estimait que le « sur-encadrement » représentait 82 % du coût de l’éducation prioritaire ([41]) ;

– les mesures qui tendent à renforcer l’attractivité des postes pour les personnels (régime indemnitaire spécifique, soutien à la mobilité et progression de carrière en contrepartie d’une période minimale d’exercice au sein de l’éducation prioritaire), et qui visent à favoriser la stabilité des équipes éducatives. En 2018, les indemnités spécifiques correspondaient à environ 15 % du coût spécifique de l’éducation prioritaire ([42]).

a.   Un taux d’encadrement plus élevé

L’allocation de postes supplémentaires constitue l’un des principaux moyens d’action de la politique d’éducation prioritaire depuis son lancement. Ces moyens complémentaires visent principalement à permettre une augmentation du taux d’encadrement des élèves par les personnels de l’Éducation nationale.

Dans le cadre de la réforme de 2014-2015, le « sur-encadrement » a notamment pris la forme du dispositif « Plus de maîtres que de classes ». Instauré par la circulaire n° 2012-201 du 18 décembre 2012, celui-ci consistait à affecter un enseignant supplémentaire dans des écoles ou des groupes scolaires relevant principalement de l’éducation prioritaire. Chaque équipe éducative pouvait définir les modalités d’intervention du maître surnuméraire (présence de deux enseignants dans une même classe, constitution de groupes d’élèves pour la remédiation…). La plupart des postes alloués au titre de ce dispositif ont été progressivement affectés à la mise en œuvre du dédoublement des classes.

Mis en œuvre à partir de 2017 en CP et en CE1, étendu aux classes de grande section (GS) à compter de 2020, celui-ci a mobilisé de nouveaux moyens. Ainsi, en 2023, le nombre d’équivalents temps-plein (ETP) de postes d’enseignants mobilisés par cette mesure atteindrait 16 686.


Postes d’enseignants mobilisés par le dédoublement des classes, par rentrée scolaire

Source : données de la DGESCO, citées dans le rapport d’information n° 543 (2021-2022) de la mission d’information sur le bilan des mesures éducatives du quinquennat, fait par Mme Annick Billon, M. Max Brisson et Mme Marie-Pierre Monnier, sénateurs, février 2022, p. 52.

Outre les postes d’enseignants, des effectifs supplémentaires de personnels de vie scolaire (CPE et AED) sont également alloués aux collèges relevant de l’éducation prioritaire, notamment dans le but d’améliorer le climat scolaire. Par ailleurs, les fonctions de coordonnateur de réseau, assurées par un enseignant, donnent lieu à une décharge d’au moins 50 % des obligations de service ([43]).

En outre, le travail collectif que cette politique tend à favoriser – dans le cadre des réseaux comme au sein de chaque établissement – bénéficie de moyens supplémentaires. En particulier, les enseignants qui exercent au sein d’un collège de REP + bénéficient de l’application d’un coefficient de pondération de 1,1 dans le calcul de leurs heures d’enseignement. Aux termes de l’article 8 du décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants du second degré, cette pondération vise à réduire le nombre d’heures passées dans la salle pour « tenir compte du temps consacré au travail en équipe nécessaire à l’organisation de la prise en charge des besoins particuliers des élèves qui y sont scolarisés, aux actions correspondantes ainsi qu’aux relations avec les parents d’élèves ». Ces dispositions trouvent un équivalent pour les enseignants du premier degré, qui bénéficient de dix-huit demi-journées par an consacrées aux mêmes actions, sous la responsabilité des inspecteurs de l’éducation nationale ([44]).

Toutefois, la réduction du nombre d’heures ou de journées d’enseignement ne confère aucun caractère obligatoire à la participation aux temps de travail collectif que les pilotes de réseau, directeurs d’école et chefs d’établissement peuvent organiser. Ainsi, lors des déplacements réalisés par la mission, plusieurs acteurs de l’éducation prioritaire – en particulier des principaux de collège – ont souligné qu’il leur est parfois difficile de prévoir des temps de concertation au sein de l’équipe éducative de l’établissement et, à plus forte raison, entre les équipes du collège et des écoles d’un même réseau. Certains chefs d’établissement s’efforcent en particulier d’organiser ces réunions à des horaires favorables à la participation du plus grand nombre de personnels.

Cet état de fait soulève le problème de l’interprétation de la pondération des heures d’enseignement en REP +. Ainsi, les représentants de plusieurs organisations syndicales entendues par la mission la considèrent comme un moyen de tenir compte du « travail invisible » accompli par les enseignants – y compris les temps de concertation qui, sans être toujours formalisés, sont inhérents à la communauté éducative –, lequel échappe au décompte des heures passées au sein de la classe. Cette mesure constituerait aussi la compensation de conditions particulières d’exercice, au même titre que l’indemnité de sujétions versée aux personnels exerçant en éducation prioritaire.

À cet égard, plusieurs mesures tendent à conforter l’attractivité de l’éducation prioritaire pour les personnels de l’Éducation nationale.

b.   Le renforcement de l’attractivité des postes en éducation prioritaire

Plusieurs leviers, de nature indemnitaire et statutaire, sont susceptibles d’être actionnés pour accroître l’attractivité des postes en éducation prioritaire. Ceux-ci tendent à stabiliser la composition des équipes éducatives en reconnaissant les particularités des conditions d’exercice au sein de l’éducation prioritaire ([45]).

i.   Le volet indemnitaire

En premier lieu, des indemnités particulières ont été instaurées par le décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 portant régime indemnitaire spécifique en faveur des personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP et REP +. Ainsi, les articles 1er et 6 dudit décret prévoient le versement d’une indemnité de sujétions « aux personnels enseignants, aux conseillers principaux d’éducation, aux personnels de direction, aux personnels administratifs et techniques, sociaux et de santé et aux psychologues de l’Éducation nationale » respectivement en fonction en REP + et en REP. Le décret n° 20221534 du 8 décembre 2022, tirant les conséquences de la décision du Conseil d’État susmentionnée, a étendu le bénéfice de la « prime REP/REP + » aux AED ainsi qu’aux AESH. L’article 14 du même décret prévoit également qu’une indemnité de fonctions est allouée aux inspecteurs et aux conseillers pédagogiques de circonscription chargés de la coordination ou de la supervision d’un ou plusieurs réseaux.

L’indemnité de sujétions comprend d’abord une part fixe, qui représente la plus grande partie de son montant. Les primes versées aux personnels exerçant en REP + ont fait l’objet de plusieurs revalorisations depuis 2017. Ainsi, son montant – qui était de 2 312 euros bruts en 2017 – a augmenté de 1 000 euros en 2018 et 2019, puis de 400 euros en 2021. Le montant de la prime REP + atteint 5 114 euros bruts – soit environ 4 400 euros nets – par an pour les enseignants, conseillers principaux d’éducation (CPE) et psychologues de l’Éducation nationale (PsyEN), 3 302 euros pour les inspecteurs et conseillers pédagogiques de circonscription, et 3 263 euros pour les AESH et les AED. Dans les écoles et collèges de REP, ces montants s’établissent respectivement à 1 734, 500 et 1 106 euros.

L’indemnité spécifique comporte aussi une part variable, fondée sur la réalisation « d’objectifs collectifs d’engagement professionnel » (article 1-1 du décret du 28 août 2015). Celle-ci est allouée aux écoles et établissements par le recteur d’académie. La définition de son montant est soumise au respect d’un plafond national, fixé à 702 euros brut par an pour 25 % des agents (600 euros net),403 euros brut – pour 50 % d’entre eux (360 euros net), et 234 euros brut – pour les 25 % restants (200 euros net). En outre, en cas de sortie de l’éducation prioritaire, les personnels conservent le bénéfice de cette indemnité durant trois ans, s’ils restent affectés dans le même établissement.

Parmi les personnes entendues par la mission, il est généralement admis que l’instauration de ces indemnités en 2015 et leur revalorisation à partir de 2017 ont accru la stabilité des équipes éducatives. Ainsi, bien que la part d’enseignants ayant plus de cinq ans d’ancienneté à leur poste soit, dans l’éducation prioritaire, inférieure aux niveaux atteints hors de celle-ci, cette proportion augmente plus rapidement en REP et en REP +. En particulier, alors que ce taux ne s’est accru que de 0,2 et 1,4 point de pourcentage respectivement à l’école et au collège hors de l’éducation prioritaire, il a augmenté de 1,3 et 2,5 points au sein de celle-ci ([46]). Il convient cependant de relever que la difficulté à obtenir une nouvelle affectation peut contribuer à la plus grande stabilité des personnels qui exercent en éducation prioritaire.

S’agissant de l’attractivité des postes, bien qu’il n’existe pas de suivi spécifique des recrutements au sein de l’éducation prioritaire, les constats effectués dans certaines académies – notamment l’académie de Créteil – indiquent que les difficultés rencontrées dans l’ensemble du système éducatif – en particulier l’existence de postes non pourvus – ne sont pas plus importantes dans les établissements de REP et de REP + ([47]).

ii.   Le volet statutaire

Par ailleurs, des mesures statutaires tendent à conférer un avantage aux personnels en fonction dans l’éducation prioritaire quant au déroulement de leur carrière. Ainsi, deux actions composent le volet statutaire du soutien aux personnels au sein de l’éducation prioritaire :

– d’une part, cinq années d’exercice dans une école ou un collège de REP ou REP + entraînent l’attribution de points supplémentaires dans le cadre du système d’affectation des personnels de l’Éducation nationale, ce qui facilite, pour les bénéficiaires de cette mesure, l’obtention d’un poste conforme à leurs souhaits de mobilité ;

– d’autre part, l’accès à la classe exceptionnelle de la grille indiciaire des personnels de l’Éducation nationale est favorisé par l’inclusion des agents exerçant au sein de l’éducation prioritaire dans l’un des « viviers » de personnels éligibles à cet avancement.


— 1 —

 

II.   Le bilan de l’éducation prioritaire : Un état des lieux mitigé

La politique d’éducation prioritaire, si elle atteint partiellement son objectif de réduction des écarts de réussite scolaire, rencontre néanmoins un certain nombre d’obstacles limitant son efficacité.

La mise en œuvre opérationnelle de cette politique publique souffre d’une variabilité excessive dans le temps et de la superposition de trop nombreux dispositifs (REP et REP +, CLA, cités éducatives, Cordées de la réussite, politiques académiques d’allocation différenciée des moyens, actions des collectivités territoriales en matière de carte scolaire, etc.) qui, poursuivant des objectifs connexes, dispersent les moyens et compliquent l’évaluation de son efficacité d’ensemble. L’éducation prioritaire entretient, par ailleurs, des relations complexes avec d’autres politiques publiques telles que la politique de la ville, le programme de réussite éducative, la lutte contre le décrochage scolaire ou la lutte contre la violence. Cette coexistence produit des effets antagonistes : tantôt elle permet de soutenir efficacement la mise en œuvre de l’éducation prioritaire par renfort de moyens, tantôt elle la complique, accentuant, par exemple, la stigmatisation de certains établissements.

Comme l’ont rappelé de nombreuses personnes auditionnées, cette politique souffre également d’une absence d’évaluation. Certes des outils existent et ils permettent d’opérer des classements d’établissements ou de mesurer les effets des enseignements dispensés aux élèves selon qu’ils appartiennent à des réseaux d’éducation prioritaire ou qu’ils se trouvent hors réseaux. Mais ils ne permettent pas de conduire une analyse précise de la corrélation entre les moyens attribués à cette politique publique et l’atteinte de ses objectifs. Parmi ces outils on dénombre :

– les évaluations nationales qui permettent de mesurer la performance des élèves en français et en mathématiques à la fin de l’école primaire ;

– les évaluations nationales couvrant toutes les disciplines du début de sixième qui se déroulent tous les ans ;

– le cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillons (Cedre) qui apprécie la maîtrise de la langue en proposant des épreuves de dictée et une évaluation du triptyque « lire, écrire, compter » ;

– le programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa), évaluation créée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui vise à tester les compétences des élèves de 15 ans en lecture, sciences et mathématiques ([48]) ;

– le programme international de recherche en lecture scolaire (Pirls), évaluations internationales conçues pour mesurer la littératie ([49]).

De manière autonome, la direction de l’évaluation de la prospective et de la performance (Depp), conduit des études spécifiques sur l’éducation prioritaire. Ces dernières révèlent que des inégalités demeurent, malgré les moyens dont les réseaux disposent.

La Depp a établi que parmi les élèves scolarisés à la rentrée 2020 dans une école publique appartenant à un réseau d’éducation prioritaire (REP ou REP +), 6,7 % sont en retard d’un an en sixième, contre 3,7 % des élèves issus d’une école publique en dehors de ces réseaux. Ce sont dans les départements et les régions d’outre-mer que ces taux sont les plus élevés : 6,7 % en Guadeloupe, 7,2 % à Mayotte et 9,2 % en Guyane ([50]). Elle constate également que l’origine sociale des élèves contribue fortement à ces écarts : 58 % des sixièmes dont l’école relevait du réseau de l’éducation prioritaire sont issus d’un milieu social défavorisé, contre 31 % de ceux issus d’une école publique hors réseau.

A.   Des résulTats en deçà des objectifs pédagogiques

Ce premier constat souligne d’ores et déjà l’importance des trois premiers cycles d’enseignement. En ce sens, le mécanisme du dédoublement des classes apparaît comme un remède que l’éducation prioritaire tente d’administrer au plus tôt. Le pré-élémentaire et l’élémentaire doivent faire l’objet de toutes les attentions et les enseignants doivent pouvoir, en éducation prioritaire plus qu’ailleurs, exercer leur liberté pédagogique et avoir les moyens de conduire des expérimentations. Enfin, le constat de la Depp sur l’origine sociale des familles impose que l’école ne soit pas seule : il convient que les chefs d’établissement et les équipes pédagogiques soient accompagnés par le secteur médico-social.

1.   La réussite relative du dédoublement des classes

L’enseignement public du premier degré concernait, en 2021‑2022, 5,6 millions d’élèves, 347 117 enseignants et 43 904 écoles ([51]).

L’enseignement primaire, au cœur des préoccupations gouvernementales, en particulier s’agissant de la maîtrise des fondamentaux (« lire, écrire, compter ») a bénéficié d’une augmentation de 6,04 % des crédits du programme 140 Enseignement scolaire public du premier degré dans le cadre de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, représentant une augmentation en valeur absolue de 1 462,69 millions d’euros. Sur cet ensemble, 13 millions d’euros sont notamment destinés à la poursuite du dédoublement des classes de grande section en éducation prioritaire et à l’achèvement du plafonnement des effectifs des classes de grande section, CP et CE1 hors éducation prioritaire ([52]).

a.   Les effets bénéfiques de la réduction des effectifs des classes

Afin de favoriser l’égalité des chances et de garantir la meilleure appropriation des savoirs fondamentaux aux âges essentiels de l’apprentissage de la lecture et de la numération, principal levier de la réduction des inégalités sociales, la réduction du nombre d’élèves par classe a été annoncée dès 2017 à l’occasion de la campagne présidentielle.

i.   Objectif et contenu du dispositif

Donner plus à ceux qui ont le moins, desserrer les effectifs de manière significative, renforcer les fondamentaux : telles sont les raisons ayant sous-tendu le dédoublement des classes de CP et de CE1. Mis en place de manière échelonnée sur les rentrées scolaires de 2017 à 2019, il a permis de réduire à douze élèves les effectifs des classes de grande section de maternelle, de CP et de CE1.

Les élèves scolarisés en éducation prioritaire cumulent dès l’entrée en CP des difficultés scolaires et sociales qui demeurent jusqu’à la fin de leur scolarité. Le retard scolaire est notamment appréhendable à travers les résultats des évaluations conduites en début de CP.

Les trois quarts des collégiens en REP + et 59,2 % de ceux scolarisés en REP ont des parents ouvriers ou inactifs, contre 37,6 % des élèves fréquentant les collèges publics hors de l’éducation prioritaire ([53]). Sur la base de ce constat, le choix a été fait de cibler les efforts sur les petites classes afin de corriger au plus tôt les écarts d’apprentissage. Auditionnés par les membres de la mission d’information, des représentants de la Depp ont indiqué que les classes de grande section de maternelle et les classes de CP en REP + comptaient en moyenne respectivement 23,6 élèves et 21,7 élèves en 2015, moyenne ramenée à 15,1 élèves et 12,5 élèves respectivement à la rentrée 2021.

Évolution du nombre d’Élèves par niveau préélémentaire et élémentaire dans le secteur public selon l’appartenance à l’Éducation prioritaire

Source : synthèse de la Depp, L’éducation prioritaire, n° 6, juillet 2022

Le dispositif a d’abord concerné l’école primaire, priorité du Gouvernement, car celle-ci « est déterminante pour la réussite des élèves, c’est dans les premières années de la scolarité qu’on lutte efficacement contre la difficulté scolaire » ([54]). À partir de la rentrée 2020, le dispositif a fait l’objet d’une expérimentation dans les classes de grande section de maternelle de l’éducation prioritaire. Au 1er septembre 2022, 67,84 % des classes de grande section étaient dédoublées et le dispositif devrait être généralisé à la rentrée 2024. Au total, la mesure s’est traduite par la création de 10 800 classes de CP et de CE1 en REP et en REP + et du même nombre de postes d’enseignants.

Sans retirer de moyens aux autres niveaux, ce dispositif a d’abord concerné 2 200 classes de CP en REP + à la rentrée 2017, représentant un total de 60 000 élèves. L’année suivante, il a été élargi à 1 500 classes de CE1 et étendu aux 3 200 classes de CP des REP ; les 3 200 classes de CE1 de ces réseaux en ont bénéficié à compter de la rentrée 2019. La mise en œuvre de ce nouveau dispositif a conduit à une augmentation des crédits des actions 1 Enseignement pré-élémentaire (+ 6 %) et 2 Enseignement élémentaire du programme 140 Enseignement scolaire (+ 6,02 %) entre les lois de finances pour 2022 et pour 2023 ([55]).

Grâce à un encadrement renforcé, et des conditions d’apprentissage optimales pour les élèves, le dédoublement des classes facilite le travail de l’enseignant qui peut plus facilement et plus rapidement identifier les éventuelles difficultés rencontrées par les élèves et les moyens d’y remédier en adaptant sa pédagogie aux besoins des enfants, qu’ils aient des difficultés ou non. Le dédoublement des classes favorise donc la différenciation pédagogique et la pédagogie active tant pour l’enseignement du français que pour celui des mathématiques, mais produit également des effets bénéfiques sur le climat en classe et permet de consolider l’acquisition du langage, notamment dans les classes de grandes sections de maternelle. En 2019, la mesure concernait 20 % d’une classe d’âge, soit environ 300 000 élèves.

Les membres de la mission ont pu observer des exemples d’adaptations de la pédagogie rendues possibles par le dédoublement des classes. À l’école maternelle de Chabreloche (Puy-de-Dôme), certains d’entre eux ont ainsi assisté à une séance de lecture au sein d’une classe de CP dédoublée. Un petit groupe d’élèves écoutant le texte lu par l’enseignante était appelé à en reformuler oralement certains passages, cet exercice tendant à développer les capacités d’analyse et d’expression des élèves. Le nombre limité d’enfants permettait des interactions plus fréquentes et favorisait une attention plus soutenue de l’enseignante à l’égard de chacun d’entre eux. En effet, ce temps face-à-face entre l’élève et l’enseignant permet une meilleure compréhension des difficultés, une reprise corrective si besoin, et permet d’apprécier les besoins de l’élève dans le processus d’apprentissage. Ce constat était notamment partagé par l’équipe éducative de l’école maternelle Castellas-Les-Lions de Marseille, où une enseignante a ainsi fait valoir combien il est difficile, dans des classes comptant jusqu’à 27 élèves, de s’adapter aux besoins de chaque enfant. Cette enseignante évoquait ainsi des élèves qui étaient parfois considérés comme « discrets », qui n’interpellaient pas l’enseignante et qui, grâce à la réduction des effectifs permise par le dédoublement des classes, bénéficient à leur tour, de temps privilégiés. La limitation des effectifs à 14 ou 15 élèves permet de suivre chacun d’entre eux de façon approfondie créant ainsi un vrai binôme « enseignant-élève ».

La réduction des effectifs des classes est en cours, y compris en dehors de l’éducation prioritaire. Les effectifs des classes de grande section, de CP et de CE1 ont été progressivement limités à un plafond de 24 élèves depuis 2020 afin de créer de meilleures conditions de scolarisation en faveur des apprentissages fondamentaux. 2 660 emplois sont consacrés à cette mesure pour l’enseignement public, dont 736 emplois supplémentaires à la rentrée 2022. La part des classes à 24 élèves pour ces niveaux atteint 95 % (contre 86 % à la rentrée 2021) ([56]).

Il convient d’observer que la mise en place du dédoublement des classes s’est faite de manière inégale sur le territoire, malgré l’implication des services de l’Éducation nationale dans l’ensemble des académies ([57]). Dédoubler des classes suppose que les bâtiments scolaires disposent de l’espace suffisant pour les accueillir. Pour résoudre cette problématique, certains établissements ont fait le choix de maintenir l’effectif complet des 24 élèves mais de permettre à deux enseignants d’intervenir sous forme d’un co-enseignement. Le ministère de l’Éducation nationale estime que 86 % des classes sont effectivement dédoublées tandis que 14 % d’entre elles se matérialisent par l’intervention de deux enseignants devant une classe de 24 élèves ([58]).

ii.   Les cas particuliers de la Guyane et de Mayotte

Dans certains territoires, particulièrement en Guyane et à Mayotte, le déploiement du dispositif a peiné à être finalisé. Il a été effectif en 2018 pour les classes de CP et en 2019 pour celles de CE1 ([59]). Auditionnés par la mission d’information, des représentants du rectorat de l’académie de la Guyane ([60]) ont rappelé qu’à l’exception d’un établissement – auquel sont rattachées quatre écoles élémentaires – l’ensemble des collèges de Guyane est classé en éducation prioritaire renforcée, l’indice de position sociale (IPS) moyen étant de 73,2  contre 103,4 à l’échelle nationale. Cette moyenne est constante depuis 2016 et place le territoire parmi les plus pauvres de France, après Mayotte.

Indice de position sociale moyen des collèges guyanais

Source : data. Éducation.gouv.fr

Le territoire cumule les difficultés. D’une part, les équipes éducatives manquent de stabilité, la part d’enseignants contractuels étant comprise entre 18 et 20 % des effectifs. D’autre part, le dédoublement des classes s’est heurté à la question du bâti scolaire.

L’inspectrice d’académie explique que « les difficultés en ressources humaines compliquent le pilotage de la circonscription : l’académie est peu attractive, en particulier l’ouest du territoire qui est éloigné du littoral et situé au cœur du parc amazonien le long du fleuve Maroni ». Cette faible attractivité est à mettre en perspective avec les projections de l’Insee qui estiment que les effectifs de l’enseignement scolaire devraient augmenter d’ici 2030 de 35 % par rapport à 2022 ([61]), soit en tout plus de 65 000 enfants à accueillir dans le premier degré.

Le dédoublement a eu pour effet d’augmenter de près de 40 % le nombre de classes dans les écoles élémentaires. Malgré la mise en place en 2017, d’un plan d’urgence pour la Guyane qui prévoyait le versement par l’État de 150 millions d’euros ([62]) aux communes et à leurs groupements d’ici 2027 afin de construire de nouvelles écoles ([63]), le bâti scolaire disponible sur le territoire est inégalement réparti et demeure insuffisant. Depuis 2017, la surface totale des bâtiments scolaires n’a augmenté que de 6,64 %.

Dans le cas de Mayotte, le recteur d’académie, M. Jacques Mikulovic, a rappelé que, faute de locaux susceptibles d’accueillir l’ensemble de la population scolaire, un système de rotation est mis en œuvre dans environ 40 % des écoles ([64]). Celui-ci consiste à concentrer les heures de classe d’un même groupe d’élèves au cours d’une demi-journée, au lieu d’une journée complète, ce qui permet d’accueillir plus d’élèves. En 2018, le plan pour l’avenir de Mayotte prévoyait 500 millions d’euros supplémentaires en cinq ans pour le bâti et la restauration scolaires.

Ainsi, la rapporteure préconise d’établir un bilan des constructions d’écoles en Guyane et à Mayotte.

Recommandation 1 : Établir un bilan provisoire de la construction de nouvelles écoles et de l’état d’avancement des travaux engagés depuis 2017 en Guyane et à Mayotte.

Répartition géographique des écoles en Guyane

Source : data.éducation.gouv.fr

À l’école maternelle, le dédoublement des classes de grande section peine également à être mis en place. Pourtant ce n’est pas la mobilisation des acteurs publics locaux qui fait défaut. Mme Corinne Galle, adjointe au directeur académique des services de l’Éducation nationale (IA-Daasen) du centre est (littoral de la Guyane) a indiqué aux membres de la mission que dans la mesure où « plus de trente langues sont parlées sur le territoire guyanais et que seuls 30 % des enfants ont le français comme langue maternelle ; [ils ont] fait le choix de créer des grandes sections linguistiques qui sont les seules grandes sections dédoublées de la collectivité » ([65]). Dans les maternelles dédoublées, les pilotes de l’académie ([66]) ont indiqué privilégier les affectations d’enseignants locuteurs des différentes langues parlées sur le territoire. Compte tenu de la particularité de celui-ci, il existe depuis 1998 un soutien spécifique des enseignants par des contractuels – assistants d’éducation – qui assurent les fonctions d’intervenant en langue maternelle (ILM) afin d’améliorer les conditions d’accueil des élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) ([67]). « La prise en compte de la langue maternelle comme levier dans l’apprentissage et la maîtrise du français fait désormais consensus dans les sciences de l’éducation » indique Mme Corinne Melon-Cléante, directrice académique adjointe des services de l’éducation nationale (IA-Daasen). En septembre 2022, l’académie compte 19 grandes sections dédoublées bilingues et en ouvre cinq de plus à la rentrée 2023.

Dans le prolongement de la recommandation n° 1, et compte tenu du contexte géographique et matériel local, la rapporteure est amenée à faire sienne la recommandation des rapporteurs de la mission d’évaluation de la loi pour une école de la confiance, qui considèrent « qu’il conviendrait qu’un nouveau programme de constructions soit élaboré, afin de succéder au plan d’urgence de 2017. Cette mesure paraît d’autant plus nécessaire que l’abaissement de l’âge de début de l’obligation d’instruction est intervenu après le lancement du dernier programme de constructions d’écoles. Depuis, la croissance de la population scolaire s’est accélérée pour les enfants de moins de six ans » ([68]). De manière analogue, la rapporteure préconise la poursuite et l’amplification des efforts en matière de constructions d’écoles à Mayotte.

Recommandation n° 2 : En Guyane et à Mayotte, amplifier l’effort de construction d’écoles en veillant à ce que leur répartition sur le territoire soit cohérente avec l’implantation de la population pour favoriser la mise en place de classes dédoublées, notamment à l’école maternelle.

i.   Des effets bénéfiques : la réduction progressive des écarts et la satisfaction des enseignants

« Une politique publique suppose, dès sa mise en place, qu’il soit pensé à son évaluation » ([69]). Si tel ne fut pas le cas lors du lancement de la politique de l’éducation prioritaire dans les années 1980, l’évaluation du dédoublement des classes a quant à elle bien été prévue dès sa mise en place et des cohortes d’élèves sont suivies depuis la rentrée 2017. Le suivi de ces cohortes est toujours en cours d’évaluation, le ministère de l’Éducation nationale n’ayant pas encore pu publier les résultats de cette étude dont la réalisation fut, par ailleurs, perturbée par la crise de la covid‑19 durant près de deux années scolaires. Néanmoins, les premières estimations de la Depp font état de résultats encourageants en termes de réduction des difficultés scolaires par rapport aux écoles hors éducation prioritaire. Une réduction des écarts en français et en mathématiques entre les résultats des élèves de l’éducation prioritaire et ceux des élèves hors éducation prioritaire est amorcée ([70]) ; l’objectif de 10 % de réduction fixé par la circulaire n° 2014-077 du 4 juin 2014 n’est toutefois pas atteint de manière homogène dans l’ensemble des disciplines.

En février 2019, l’évaluation de l’impact du dédoublement des classes sur les compétences des élèves durant l’année scolaire 2017-2018 ([71]) indiquait que sur les 60 000 élèves scolarisés en CP en éducation prioritaire renforcée, 40 % étaient en très grande difficulté en mathématiques et en français, soit 24 000 élèves. Le dispositif a permis une baisse de cette proportion respectivement de 7,8 points pour le français et de 12,5 points en mathématiques.

À la rentrée 2021, dans le domaine « manipuler des phonèmes » évalué en début de CP, l’écart de performances entre les élèves scolarisés dans le secteur public hors éducation prioritaire et les élèves scolarisés en éducation prioritaire est de 12,2 points de pourcentage contre 11,3 en 2022. Les écarts les plus marqués entre les écoliers de l’éducation prioritaire et ceux hors éducation prioritaire sont constatés en compréhension orale, notamment pour la compréhension de mots lus par l’enseignant où seulement 53 % des élèves de REP et 42 % des élèves de REP + en ont une maitrise satisfaisante, contre 75 % hors EP ([72]). En mathématiques, la proportion d’élèves du secteur public hors éducation prioritaire qui présentent une maîtrise satisfaisante de la résolution de problèmes est de 70 %, contre 53 % des élèves de REP et 46 % de ceux de REP +. Cet écart s’est réduit d’1,2 point lors des évaluations de 2022 ([73]). En fin de CE1, soit après deux années de scolarisation en classe réduite, les élèves de REP + ont des résultats supérieurs aux élèves scolarisés dans des écoles de REP ayant des caractéristiques similaires, mais n’ayant pas bénéficié de la réforme ([74]). Les écarts de performances entre les élèves scolarisés dans le secteur public hors éducation prioritaire et ceux scolarisés en éducation prioritaire se réduisent mais l’objectif des 100 % de réussite est loin d’être atteint.

Auditionnée par les membres de la mission d’information, Mme Fabienne Rosenwald, directrice de la Depp, a constaté « une réduction des écarts de 16 % en matière de littérature et de 38 % en mathématiques depuis la mise en place du dispositif » ([75]). Elle analyse également que « le bon fonctionnement du dispositif n’est pas le fruit d’un changement des pratiques pédagogiques, il est plutôt dû à la qualité des interactions au sein de la classe entre les professeurs et les élèves : les conditions d’apprentissage des élèves sont améliorées ». Cet effet positif du dédoublement a été confirmé par le directeur général de l’enseignement scolaire (Dgesco). Lors de son audition, M. Édouard Geffray a indiqué que « les premiers retours indiquent que les écarts d’acquisition sont réduits jusqu’à six points ». La Depp précise que ces résultats sont conformes aux études françaises et internationales qui établissent un lien entre la baisse significative du nombre d’élèves par classe et l’amélioration des résultats des élèves dans les petites classes. Les premiers résultats de l’évaluation nationale 2023 ont tendance à confirmer la réduction des écarts en français et en mathématiques, en particulier pour les élèves de REP + ([76]).

Écarts de performances en français entre élèves scolarisés hors éducation prioritaire et en éducation prioritaire

NB : En raison du contexte dans lequel l’évaluation a été réalisée, marqué par la crise de la covid-19, les résultats pour l’année 2022 ne sont pas entièrement significatifs.

Par ailleurs, ces premières évaluations révèlent que les enseignants se sentent plus confiants dans leur capacité à faire réussir tous les élèves, à gérer la classe et à pratiquer la différenciation pédagogique. Ce sentiment a été confirmé aux membres de la mission : les enseignants auditionnés ont indiqué pouvoir mieux soutenir leurs élèves.

La Depp indique que « le sentiment d’efficacité personnelle des enseignants de REP + est supérieur à celui des enseignants exerçant en REP » ([77]). Dès 2020, il était établi que les classes dédoublées permettent des pratiques plus orientées vers le soutien de l’élève et la stimulation cognitive dans un climat de classe bienveillant, « les enseignants […] cherchent davantage à motiver leurs élèves et à les soutenir dans leurs apprentissages » ([78]).

Pour l’ensemble de ces raisons, les enseignants rencontrés par les membres de la mission lors de leurs déplacements dans les académies, en particulier à Marseille ([79]), ont unanimement exprimé leur souhait que ce dispositif soit maintenu. En toute logique, le bien-être ressenti dans une classe à petit effectif rejaillit inévitablement sur le vécu de l’enseignant qui, utilisant des pratiques pédagogiques nouvelles, dans un environnement plus apaisé, sera dans de meilleures dispositions pour accomplir ses missions.

La mission souhaite toutefois nuancer ces premiers résultats et rappeler que ces dédoublements se sont accompagnés d’adaptations pédagogiques dont le plein effet ne peut pas encore être observé. Le dispositif doit être maintenu aussi longtemps que nécessaire afin de prendre en compte le temps inhérent à la mise en place d’habitudes d’enseignement pour les professeurs des écoles. Enfin, du point de vue des résultats des élèves, les effets du dédoublement ne seront évaluables que sur les prochaines cohortes d’élèves, les premières ayant été fortement perturbées par la crise de la covid-19 – ce qui conduit à une fluctuation des écarts. À la rentrée 2020, en début de CP les écarts s’étaient de nouveau creusés, les élèves scolarisés en éducation prioritaire ayant davantage souffert de la fermeture des écoles. Dans ce contexte, les membres de la mission estiment qu’il est indispensable de maintenir ce dispositif et de continuer de procéder à son évaluation régulière.

Recommandation n° 3 : Maintenir le dédoublement des classes afin de laisser au dispositif le temps de faire ses preuves et continuer à l’évaluer de façon régulière.

b.   Améliorer le dispositif en renforçant l’accompagnement et en révisant les méthodes pédagogiques

i.   La formation des enseignants

L’augmentation des moyens humains ne suffit pas. La réduction du nombre d’élèves par classe, pour être pleinement bénéfique à tous les élèves, a dû s’accompagner d’une évolution des pratiques pédagogiques afin de proposer des enseignements structurés et explicites, tout en favorisant les réflexions sur la gestion des classes.

L’augmentation du nombre de postes de professeurs des écoles à la faveur du dédoublement (+ 10 800 postes pour les CP et CE1) sera complétée par la création de 1 670 emplois supplémentaires pour le dédoublement des classes de grande section en 2023, dont l’achèvement interviendra à la rentrée 2024 ([80]). Ces créations de postes s’inscrivent dans un contexte marqué par une baisse du nombre de candidats au concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE) qui complique la mise en place du dispositif. La direction générale des ressources humaines de l’Éducation nationale (DGRH) estime à près de 3 000 le nombre d’enseignants manquants en primaire ([81]).

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE CANDIDATS AU CONCOURS EXTERNE de professeur des écoles de l’enseignement public, 1994-2021

Source : ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, Depp.

Pour accompagner les enseignants en classes dédoublées, le ministère de l’Éducation nationale a développé des outils pédagogiques et didactiques (évaluations nationales, aides pédagogiques et formations) à destination des professeurs. Ces outils adaptés aux nouvelles conditions d’enseignement répondent à l’objectif fixé dès 2017 par le Gouvernement d’avoir « 100 % de réussite » des élèves dans la maîtrise des fondamentaux. Cette ambition place la formation des enseignants au cœur de l’ambition gouvernementale.

présentation schématique des outils permettant d’atteindre l’objectif de 100 % de réussite

Source : Éducation nationale, Pour une école de la confiance- Fiche-01.

Mises en place depuis la rentrée 2019, les évaluations nationales d’évaluation des acquis en CP, CE1 et sixième ont été construites par la Depp à partir d’orientations définies par le Conseil scientifique de l’éducation nationale et par la Dgesco, en associant des professeurs des écoles, des maîtres formateurs et des inspecteurs de l’éducation nationale. Elles ont pour but de fournir aux enseignants des repères s’agissant des acquis de leurs élèves afin de leur permettre d’enrichir leurs pratiques pédagogiques en complément de leurs propres constats. Elles permettent également de doter les pilotes d’indicateurs afin qu’ils puissent adapter leur action éducative. Elles permettent enfin, de mesurer les performances du système éducatif.

Un vade-mecum sur le pilotage des classes dédoublées – 100 % de réussite en CP et CE1 – est à la disposition des enseignants sur le site Eduscol ([82]). Ce document :

– propose un cadre à l’ensemble des acteurs du pilotage pédagogique ;

– fait état des facteurs qui concourent à l’efficacité de la mesure de dédoublement et permet aux équipes d’exercer pleinement leur responsabilité pédagogique, dans une logique de complémentarité entre les différents professionnels ;

– propose des outils de pilotage permettant d’évaluer à l’échelle académique la plus-value de la mesure pour les classes de CP et CE1 et d’identifier les besoins de formation.

Enfin, le Réseau Canopé – établissement public à caractère administratif éditeur de ressources pédagogiques –, met à la disposition des enseignants un ensemble d’outils de création et d’accompagnement pédagogiques, notamment en matière de numérique éducatif.

Les enseignants exerçant en éducation prioritaire disposent de conditions particulières d’exercice permettant notamment de développer et de faciliter le travail collectif et la formation continue en matière d’innovation pédagogique. Les équipes de circonscription se sont fortement mobilisées pour accompagner le dédoublement des classes et « près de 6 enseignants sur 10 rapportent un accompagnement soutenu de la mesure en 2018-2019 via des visites ou des réunions organisées fréquemment par la circonscription pour la prise en main de leur classe de CP dédoublé. Les circonscriptions ont également organisé des formations sur le niveau CP portant sur l’apprentissage de la lecture et des mathématiques dont ont bénéficié près de 9 enseignants sur 10. » ([83])

Le parcours de développement professionnel pour les professeurs met l’accent sur une formation spécifique destinée aux professeurs néo-titulaires ([84]) (T1-T2-T3) nommés sur un poste en école maternelle, comme aux professeurs enseignant en école élémentaire et débutant en maternelle. La formation est construite et mise en œuvre au sein de chaque académie ; elle insiste particulièrement sur les connaissances en matière de phonologie, de syntaxe et de lexique, en complément de la formation initiale dispensée par les Instituts nationaux du professorat et de l’éducation (Inspé).

L’éducation prioritaire renforcée offre un temps de concertation et de formation supérieur à celui de l’éducation prioritaire non renforcée. Dans les REP +, les obligations de service des enseignants du premier et du second degré ont été modifiées afin de tenir compte du temps à consacrer au travail en équipe, nécessaire à l’organisation de la prise en charge des besoins particuliers des élèves qui y sont scolarisés, aux actions correspondantes ainsi qu’aux relations avec les parents d’élèves. Le temps d’enseignement est pondéré dans le second degré et il correspond à 18 demi-journées remplacées dans le premier degré.

 

Lors du déplacement des membres de la mission dans l’académie de Créteil, les professeurs des écoles élémentaires Charles Péguy et Jules Ferry ([85]), ont indiqué que le temps de formation manquait en éducation prioritaire et ne permettait pas aux enseignants d’appréhender de nouvelles méthodes pédagogiques. Cette observation est conforme aux résultats de l’enquête internationale Talis publiée en 2018 qui indiquait que les professeurs et les directeurs des écoles ne se sentaient pas suffisamment préparés à l’exercice de leurs missions. Seuls 34 % des enseignants français ont dit s’être sentis suffisamment préparés quand le taux de satisfaction était compris entre 65 % et 85 % dans les autres pays de l’Union européenne où l’enquête a été menée ([86]). Les auditions de professeurs des écoles conduites par les membres de la mission confirment cette observation ([87]). Ceux-ci regrettent un manque de formation initiale aux spécificités de cet enseignement et considèrent que la formation continue, fortement dynamisée au moment de l’instauration du dédoublement, s’essouffle et ne répond plus à leurs attentes.

La rapporteure estime que la diminution des effectifs des classes en éducation prioritaire, ne pourra atteindre ses objectifs sans être accompagnée d’une attention accrue à la pertinence des méthodes, des postures pédagogiques et des modes d’évaluation.

La mission insiste également sur l’implication des collectivités territoriales afin d’étendre les efforts de formation aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) pour qu’ils puissent remplir leur mission, en synergie avec les professeurs, dans le cadre spécifique du dédoublement.

Recommandation n° 4 : Adapter la formation continue des enseignants aux spécificités des classes dédoublées et mettre à leur disposition des outils pédagogiques adaptés au co-enseignement ou à l’enseignement en classe à effectif réduit.

La rapporteure tient à insister sur l’importance du bien-être des enseignants dont elle considère qu’il est le prérequis essentiel à l’apprentissage des élèves ; leur enthousiasme face à la classe est un élément de la pédagogie qu’ils dispensent. Il en est de même du point de vue des familles. Les associations de parents d’élèves ont indiqué aux membres de la mission que la réduction des effectifs permettait aux enseignants de mieux interagir avec les familles : « avoir moins d’élèves dans une classe facilite les échanges et le temps que les enseignants peuvent consacrer aux parents » ([88]). Le dédoublement des classes doit favoriser le développement d’un partenariat efficace entre l’école et les familles.

Interrogée par la mission d’information, la DGRH du ministère de l’Éducation nationale précise qu’il n’existe pas encore d’études nationales qualitatives permettant de mesurer le taux de satisfaction des enseignants dans les classes dédoublées. Son directeur général, M. Vincent Soetemont, indique que « le dispositif de dédoublement est trop récent mais les conditions de travail et la qualité de travail sont appréciées au sein du Baromètre du bien-être des personnels de l’Éducation nationale mis en place par la Depp en 2022 » ([89]). Ce baromètre, conçu en complément d’autres dispositifs tels que l’enquête internationale Talis et l’enquête nationale de climat scolaire et de victimisation auprès des personnels ([90]), vise à suivre et comprendre l’évolution de la qualité de vie au travail des enseignants ; il est un outil de diagnostic des conditions d’exercice afin d’en proposer l’amélioration. M. Soetemont reconnaît néanmoins que ces enquêtes ne prennent pas en compte spécifiquement l’évaluation de la satisfaction et le bien-être des enseignants des classes dédoublées : « Il faudrait affiner l’évaluation. On n’est pas allé dans ce degré de détails, or cela mériterait d’être complété. » Il souligne néanmoins que dans le cadre du Pacte enseignant ([91]), « l’amélioration des conditions de travail, la remise en place de collectif de travail, et l’offre de temps de préparation des contenus d’enseignement pour les professeurs, sont des conditions essentielles pour redonner de l’attractivité au métier » ([92]).

Recommandation n° 5 : Évaluer spécifiquement le bien-être et la satisfaction des enseignants dans les classes dédoublées.

ii.   Favoriser les nouvelles modalités d’apprentissage : apprendre autrement

Dès l’origine, en l’absence d’outils immédiatement disponibles pour les professeurs des écoles, la classe à effectifs allégés a été un laboratoire d’expérimentation de nouvelles manières d’enseigner. Sur la base du constat que près de 20 % des élèves sortent de l’école primaire sans savoir correctement lire, écrire ou compter et que ces difficultés concernent particulièrement les enfants issus de milieux défavorisés, le dédoublement permet aux enseignants de développer de nouvelles méthodes d’apprentissage adaptées à ce nouveau format de classe pour renforcer la maîtrise des savoirs fondamentaux – du langage dès la grande section de maternelle, puis l’apprentissage de la lecture et des mathématiques en CP et CE1.


En septembre 2018, le dispositif « classe à 12 », initié par le ministère de l’Éducation nationale a permis à plus de 2 500 enseignants de se lancer dans l’expérimentation d’une classe à effectif réduit et d’en partager l’expérience sous forme de vidéos échangées et commentées dans le but de favoriser la réflexion et le travail collectif. L’Observatoire des zones prioritaires (OZP) déplore que ce site ne soit plus alimenté depuis le mois de juillet 2021 ([93]).

Certaines académies continuent de mettre en place des pratiques pédagogiques efficaces notamment pour renforcer l’acquisition du langage et de la lecture. Ainsi, lors de leur déplacement dans l’académie de Marseille, les membres de la mission d’information ont pu observer des innovations pédagogiques, en particulier la pratique du co-enseignement. Celle-ci constitue un cas particulier d’utilisation des possibilités offertes par le dédoublement des classes.

Dans le cadre de l’opération « Marseille en grand », l’école primaire Saint‑Jérôme-les-Lilas a bénéficié du fonds d’innovation pédagogique, ce qui a permis une rénovation importante des bâtiments et d’une optimisation de l’espace. Deux co-enseignantes, qui avaient bénéficié d’une formation spécifique et eu l’occasion de se rendre en Finlande pour observer cette nouvelle pratique pédagogique du co‑enseignement, ont réussi à mettre en place, au sein de leur établissement, une pratique d’enseignement plus adaptée aux besoins de ces élèves de CP/CE1. À l’intérieur de ce même espace, ces deux classes habituellement scindées en deux groupes se retrouvent et bénéficient d’un partage de connaissances de leurs enseignantes. Mais avant tout, cela permet à chaque élève d’évoluer à son rythme. Rien n’interdit à l’enfant de CP d’aller vers le programme de CE1 et, inversement, à l’élève de CE1 plus en retrait sur une matière de bénéficier de l’aide et de l’expertise de l’enseignant du CP, afin de consolider ses acquis. L’augmentation du taux d’encadrement  qui est l’objectif central du dédoublement  est ainsi préservée. Le co-enseignement permet notamment la constitution de groupes restreints d’élèves, entre lesquels les deux enseignants peuvent se répartir.

Toutefois, dans la mesure où il s’accompagne d’une modification des conditions d’enseignement, sa mise en œuvre suppose qu’une formation spécifique soit délivrée aux enseignants concernés.

Pour que le co-enseignement soit pleinement au service de l’apprentissage des fondamentaux, ces expérimentations ont mis en lumière le fait qu’il n’est forcément nécessaire de dédoubler l’ensemble des enseignements. Les membres de la mission se sont interrogés sur l’opportunité de dédoubler l’ensemble des disciplines et, suivant une recommandation de l’OZP, ils considèrent qu’assurer l’enseignement de matières telles que l’éducation physique et sportive, l’éducation musicale ou les arts plastiques en classe complète – soit 24 élèves sous l’autorité d’un seul enseignant – permettrait à un autre professeur – alors non mobilisé dans le cadre du dédoublement de ces enseignements – d’être disponible pour renforcer l’accompagnement des élèves de CP ou de CE1 présentant des difficultés dans l’acquisition des fondamentaux.

Recommandation n° 6 : Permettre aux équipes enseignantes de limiter le dédoublement des classes à l’enseignement de certaines disciplines.

La rapporteure propose d’étendre cette recommandation à l’ensemble des cycles élémentaires. Les premiers résultats des évaluations nationales conduites en 2022 mettent en exergue la constance des difficultés des élèves depuis le CP et une hausse des écarts entre l’éducation prioritaire et le reste du système éducatif de 0,8 point en écriture de mots entre 2002 et 2023 ([94]). Un effort particulier doit être fait sur l’enseignement du français. En ce sens, favoriser le co-enseignement de certaines disciplines permettrait de libérer un enseignant pour renforcer les fondamentaux auprès des élèves les plus en difficulté pour les autres niveaux du CP au CM2. Ce dispositif, proche du programme « Plus de maîtres que de classes » mis en place à la rentrée 2013, permettrait de corriger ponctuellement le manque d’effectifs, sans entraîner de besoin supplémentaire de professeurs des écoles. Cette proposition, confortée par la vision de l’OZP, redistribuerait des moyens humains auprès des élèves les plus en difficulté, tout en conservant un effectif constant au sein de l’école.

Recommandation n° 7 : Affecter les moyens humains libérés par la suppression du dédoublement pour certains enseignements de grande section, CP et CE1 au profit des niveaux non dédoublés afin d’y renforcer l’accompagnement individuel des élèves, notamment dans l’acquisition des fondamentaux.

Tout au long des auditions et lors des déplacements, une réflexion a souvent été menée autour des rythmes scolaires et de la capacité de concentration des enfants durant toute une journée. Il s’avère que les choix des horaires favorables à l’apprentissage et des matières enseignées restent à l’appréciation des enseignants. Certes, l’idée de faire du sport l’après-midi semble logique, mais telle n’est pas toujours la pratique des enseignants ; les heures d’enseignement après 14 h 30 devraient être réservées à des enseignements culturels et sportifs – voire à des travaux pratiques ou interdisciplinaires –, laissant la matinée – où la disponibilité intellectuelle est plus grande – au plein apprentissage des fondamentaux.

Recommandation n° 8 : Lancer une consultation nationale sur les rythmes scolaires afin de les rendre plus adaptés et respectueux des besoins de l’enfant, en particulier en éducation prioritaire.

Recommandation n° 9 : Réorganiser le temps scolaire en consacrant, en priorité, les matinées à l’apprentissage des fondamentaux et les après-midi aux activités culturelles et sportives.

La question des rythmes d’apprentissage doit être revue pour être plus en adéquation avec la biologie de l’enfant et plus respectueuse de ses capacités de concentration. De récentes études scientifiques tendent à démontrer que ces dernières sont de l’ordre de 45 minutes, ce qui devrait conduire à proposer un séquençage plus adapté des enseignements. Une sollicitation intellectuelle plus fréquemment renouvelée permettrait de maintenir l’attention de l’élève.

Recommandation n° 10 : Revoir les emplois du temps en respectant des plages horaires de 45 minutes permettant une vigilance, une attention et une disponibilité accrues de l’élève, à partir du cycle 3.

À l’issue de cette journée scolaire et du moment des activités culturelles et sportives, arrive le temps du dispositif « devoirs faits ». Ce dispositif vise d’abord à accompagner les familles qui ne sont pas en mesure d’aider leurs enfants dans le travail scolaire.

Il ne doit conduire ni à affaiblir le lien entre les parents et l’école, ni à les déresponsabiliser. En effet, le temps de renforcement des acquis à la maison permet aux parents de suivre l’évolution scolaire de leurs enfants – et, le cas échéant de prendre la mesure de leurs difficultés – ; il leur permet aussi d’apprécier les compétences et le travail effectué par l’enseignant. Le maintien d’un lien entre les parents et les enseignants est ainsi de nature à restaurer l’autorité de l’école.

Les évaluations de la Depp révèlent également que les effets du dédoublement sont plus limités en classes de CE1 ; ils ne permettent pas nécessairement de réduire les écarts entre les élèves scolarisés en éducation prioritaire et hors éducation prioritaire mais permettent uniquement de maintenir la dynamique amorcée en maternelle et en CP : « alors que l’année de CP permet de réduire les écarts de performances entre secteurs de scolarisation, les vacances scolaires les accentuent » ([95]).

Source : Depp note n° 23-17, avril 2023.

Ce recul de l’acquisition des fondamentaux contribue au creusement des inégalités, les enfants scolarisés en éducation prioritaire ne bénéficiant pas nécessairement du soutien ou de l’entraînement nécessaire pendant les deux mois de congés estivaux dans leur environnement social et culturel. Ce phénomène est d’autant plus inquiétant qu’il existe en dépit d’un certain nombre de dispositifs visant à la consolidation des apprentissages pendant les vacances. L’Éducation nationale, dans le cadre de l’opération « vacances apprenantes » ([96]), propose aux élèves volontaires de participer :

– à des stages de réussite, qui concernent tous les niveaux de l’école primaire jusqu’au lycée. Ces stages ont lieu durant les vacances pour une durée totale de quinze heures – soit trois heures quotidiennes pendant cinq jours ;

– à l’école ouverte, dispositif existant depuis 1991 et à destination des élèves de CP jusqu’en terminale. Il permet aux élèves de bénéficier de soutien scolaire, d’activités éducatives, culturelles et sportives. Depuis 2020, il se décline également hors les murs de l’école sous forme d’excursions culturelles ou sportives ;

– aux colos apprenantes, mises en place à la suite des périodes de confinement liées à la crise de la covid-19. Elles sont proposées par les organisateurs de colonies de vacances ([97]) et ont pour objectif de répondre au besoin d’expériences collectives et de remobilisation des savoirs des enfants et des jeunes, âgés de trois à dix-sept ans.

Les membres de la mission considèrent qu’il pourrait être opportun de mener une réflexion sur la durée des vacances scolaires d’été afin d’endiguer, pour les enfants les plus éloignés de l’école, le recul des apprentissages.

Recommandation n° 11 : Favoriser et démultiplier l’offre des vacances apprenantes, notamment dans le cadre du « pacte enseignant ».

Lors des différents déplacements, tous les interlocuteurs des membres de la mission ont fait part de ce sentiment affaiblissement de la capacité d’apprentissage des élèves au retour des vacances scolaires d’été. Il s’agit là d’un ralentissement dû au manque d’entraînement que subissent parfois pendant deux mois les élèves les plus éloignés de l’école. Ceux-ci ne bénéficient pas forcément d’un environnement leur permettant de prolonger les apprentissages, voire de conforter les acquis. Ainsi, au cours des vacances d’été les écarts de performances entre les élèves augmentent au détriment de ceux scolarisés en éducation prioritaire – cet effet étant plus marqué en REP+ ([98]).

Recommandation n° 12 : Lancer une réflexion sur la durée des vacances scolaires afin de ne pas accentuer les écarts de performances entre secteurs de scolarisation.

Enfin, les travaux conduits par la mission d’information ont également révélé que le retour d’une classe à effectif complet au passage en CE2 mérite d’être repensé. L’augmentation brutale du nombre d’élèves peut les perturber. Ce phénomène s’explique en partie par le changement de climat scolaire et par la disponibilité moins grande de l’enseignant. Lors du déplacement dans l’académie de Créteil, des enseignants ont indiqué aux rapporteurs que « le développement du co-enseignement en CE1 crée une habitude d’interactions entre les élèves et les enseignants, ils sont habitués à apprendre en effectif complet ». Cette rupture est perceptible sur les résultats des élèves à la fin du CE2. Lors de son audition, la Depp a indiqué que « les élèves perdent le bénéfice du dédoublement, les écarts de réussite se reconstituent » ([99]). L’école devrait avoir les moyens de renforcer dans les classes de CE2 les mesures d’accompagnement scolaire permettant de maintenir les bénéfices acquis dans le cadre du dédoublement des classes du premier cycle. La rapporteure considère qu’une des solutions pourrait consister à favoriser le co-enseignement en classe de CE1 pour mieux préparer les élèves à recevoir des enseignements en classe complète. Ainsi prendront-ils l’habitude d’évoluer dans une classe à effectif plus large.

Recommandation n° 13 : Favoriser le co-enseignement en particulier en CE1, pour préparer l’entrée en CE2 et le retour aux classes à effectif complet afin de limiter la dissipation des effets du dédoublement des trois années précédentes.

c.   Mettre l’accent sur les très jeunes enfants

L’école maternelle doit être celle de l’épanouissement et du langage ([100]). Afin de renforcer l’acquisition des fondamentaux à l’école élémentaire, la loi n° 2019‑791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a conforté le rôle de l’école pré-élémentaire en réduisant de six ans à trois ans l’âge à partir duquel l’instruction est obligatoire ([101]).

Si elle salue une telle avancée, la rapporteure considère qu’une lacune demeure pour les enfants dès deux ans, en particulier ceux qui sont le plus défavorisés. Comme le souligne Mme Viviane Bouysse, inspectrice générale de l’Éducation nationale honoraire : « les écarts d’acquisition entre les enfants sont déjà fortement marqués chez les enfants de deux ans en acquisition de la langue, de certains savoir-faire voire même de comportements ; un accueil dans une situation collective est une condition essentielle de réduction des inégalités » ([102]).

Les conclusions du rapport de la commission des 1 000 premiers jours de l’enfant ([103]) confirment qu’il est essentiel de construire des espaces plus propices au développement de l’enfant en repensant le système d’accueil pour réduire au plus tôt les inégalités sociales : « La qualité des modes d’accueil est un enjeu majeur pour le développement socio-émotionnel, psychomoteur et cognitif de l’enfant ainsi que la lutte contre les inégalités sociales » ([104]).

i.   Favoriser l’accueil des enfants dès deux ans

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 113-1 du code de l’éducation, dans la rédaction issue de l’article 8 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République : « dans les classes enfantines ou les écoles maternelles, les enfants peuvent être accueillis dès l’âge de deux ans révolus dans des conditions éducatives et pédagogiques adaptées à leur âge visant leur développement moteur, sensoriel et cognitif, précisées par le ministre chargé de l’éducation nationale. Cet accueil donne lieu à un dialogue avec les familles. Il est organisé en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne et dans les régions d’outre-mer. »

La scolarisation des enfants de deux ans n’est possible que « dans la limite des places disponibles » ([105]). Ainsi, des facteurs tels que le nombre d’écoles et de classes ou le taux d’encadrement des élèves par les enseignants dans un territoire donné déterminent la capacité de l’enseignement scolaire à mettre en œuvre l’accueil anticipé d’enfants qui ne sont pas encore soumis à l’obligation d’instruction. Malgré une augmentation du nombre d’écoliers âgés de deux ans observée à la rentrée 2021 (+ 2 600 élèves), le taux de scolarisation de cette catégorie d’enfants est en baisse. Il s’élevait à 34,6 % en moyenne entre 1999 et 2012 ([106]). Dans leur rapport présenté à la commission des affaires culturelles et de l’éducation en juin 2023, Mme Géraldine Bannier et M. Jérôme Legavre soulignent que dans un contexte national de baisse de la scolarisation à l’âge de deux ans ([107]), celle-ci est plus fréquente dans les écoles appartenant à un dispositif d’éducation prioritaire ([108]). À la rentrée 2021, le taux de scolarisation des enfants de cet âge s’élevait à 17,1 % ainsi répartis : 16,1 % en REP et 18,6 % en REP +,  contre 8,1 % hors éducation prioritaire ([109]).

Une circulaire de 2012 pour la scolarisation des enfants de moins de trois ans prévoit que l’établissement mette en place un projet pédagogique et éducatif inscrit au projet d’école, présenté aux parents. Elle impose que les enseignants qui exercent dans ces structures reçoivent une formation spécifique à l’instar de l’ensemble des membres de l’équipe d’école pour maîtriser les connaissances et les compétences spécifiques à la scolarisation des moins de trois ans. Les formateurs, notamment les conseillers pédagogiques des circonscriptions concernées par ces dispositifs, suivent également une formation adaptée au niveau départemental ou académique pour faciliter l’accompagnement des équipes dans la définition et la mise en œuvre de leur projet ([110]).

Taux de scolarisation des enfants de deux ans par département, en 2020

(en %)

Source : Onape, L’accueil du jeune enfant en 2020, 2021, p. 83. Données issues de DEPP-MEN, « Enquête dans les écoles publiques et privées de l'enseignement pré-élémentaire et élémentaire » in Repères et références statistiques, 2021.

À la suite de leurs travaux, des auditions qu’ils ont conduites et des déplacements qu’ils ont effectués, la rapporteure tient pour essentiel que le nombre des écoliers de deux ans augmente afin que soit opéré un rattrapage de la maîtrise du langage par les enfants avant trois ans dans l’éducation prioritaire. Les membres de la mission identifient plusieurs mesures pouvant être de nature à produire ces effets correctifs des inégalités territoriales et sociales pour les très jeunes enfants :

– favoriser l’accueil des enfants dès l’âge de deux ans en éducation prioritaire. L’acquisition du langage et la socialisation seraient de la sorte renforcées avant l’entrée en petite section – deux objectifs principaux du cycle 1 ([111]). Une telle mesure, qui suppose une augmentation des moyens et une révision des textes réglementaires, permettrait de préparer les enfants à l’apprentissage du collectif et favoriserait le développement du langage dès le plus jeune âge ;

– le dédoublement des classes de petites et moyennes sections en éducation prioritaire renforcée. Soutenue par l’OZP, une telle solution suppose l’augmentation des moyens humains et matériels tels que ceux mis en place lors du déploiement du dispositif en grande section. Ainsi, les trois années du cycle de maternelle seraient mises à profit pour préparer l’apprentissage des fondamentaux auprès des enfants qui en ont le plus besoin ;

– la création de classes d’enseignement précoce, sur le modèle finlandais. Le système éducatif finlandais est en effet considéré comme l’un des meilleurs des pays de l’OCDE ;

Le modèle finlandais d’accueil des très jeunes enfants

La Finlande a obtenu la troisième place au classement Pisa de 2018 (1), derrière l’Estonie et le Canada (la France étant classée dix-huitième).

Le pays n’impose d’obligation scolaire qu’à partir de l’âge de sept ans mais a développé une politique éducative d’accueil des jeunes enfants qui leur permet d’être efficacement préparés à l’acquisition des fondamentaux.

Une éducation précoce municipale est proposée aux familles dès le neuvième mois de l’enfant. Les enseignants suivent une formation spécifiquement adaptée à l’accueil des très jeunes enfants. Les enfants sont accueillis en moyenne à l’âge d’un an et demi, soit juste après la fin du congé parental qui dure 320 jours.

Les modalités d’accueil sont variées, les enfants sont accueillis dans des garderies, jardins d’enfants publics ou privés, toutes étant placées sous l’autorité de la commune dont le service d’éducation précoce propose des activités telles que la musique, les jeux, les travaux manuels afin de promouvoir au plus tôt le développement et l’apprentissage de l’enfant et de développer ses aptitudes sociales. Les adultes y sont en nombre suffisant pour assurer une relation étroite avec chaque enfant. Trois assistantes maternelles et une aide-ménagère encadrent des groupes de douze enfants. L’objectif est d’éveiller les aptitudes des enfants, leur curiosité, leur habileté. Chaque jour est consacré à une discipline, présentée en matinée, les après-midi étant réservés aux jeux (2).

(1) Résultats du Pisa 2018, OCDE, 2019, p. 3. Cette évaluation se déroule tous les trois ans, avec une interruption en 2021 en raison de la pandémie de covid-19. La publication des résultats Pisa 2022 interviendra en décembre 2023.

(2) Rapport de Paul Robert, principal de collège dans le Gard, L’éducation en Finlande : les secrets d’une étonnante réussite.

– le développement des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) à proximité immédiate des écoles maternelles de l’éducation prioritaire, afin de permettre aux équipes pédagogiques de mettre en place de la concertation et d’impliquer les familles sur le rôle crucial de l’école maternelle dans le développement affectif et intellectuel de l’enfant ;

– l’ouverture systématique de l’école aux parents dans les établissements qui accueillent des enfants à partir de deux ans. Pour dynamiser la coopération entre l’école et les responsables légaux des élèves, il paraît fondamental que les équipes pédagogiques soient pleinement disponibles pour les familles. Entretenir des relations de confiance entre les personnels de l’école et les parents permet de mieux satisfaire les besoins des jeunes élèves et de favoriser leur entrée dans les apprentissages. En effet, les échanges et les interactions entre les adultes qui participent à l’instruction et à l’éducation des enfants ont, dès lors qu’ils sont unis par les mêmes valeurs et se soutiennent mutuellement, un impact essentiel sur la confiance que l’enfant aura au sein de l’école ([112]). La Depp indique qu’en éducation prioritaire, « les professeurs des écoles sont plus nombreux (que leurs collègues du secteur public hors EP) à travailler avec les familles en accueillant les parents hors temps de classe » ([113]). Ces échanges avec les familles méritent d’être systématisés s’agissant des très jeunes enfants.

Recommandation n° 14 a : Ouvrir, en collaboration avec les collectivités territoriales, des classes d’enseignement précoce dans les écoles présentant un faible indice de position sociale pour favoriser la scolarisation dès l’âge de deux ans.

Recommandation n° 14 b : Étendre le dédoublement des classes aux petites et moyennes sections en REP +.

Recommandation n° 14 c : Encourager le développement d’établissements d’accueil du jeune enfant à proximité immédiate des écoles maternelles de l’éducation prioritaire.

Recommandation n° 14 d : Solliciter une évaluation nationale de l’acquisition et de la maîtrise du langage par les enfants de deux à trois ans.

Recommandation n° 14 e : Solliciter la création d’une mission parlementaire sur les classes d’enseignement précoce.

Cumulatives ou alternatives, ces mesures supposent toutes que soient pris en compte les besoins spécifiques de ce jeune public. Afin d’optimiser leurs conditions d’accueil, il semble indispensable de travailler en synergie avec l’ensemble des acteurs : l’État en qualité de pilote de cette politique, auquel il revient la charge d’en définir les objectifs et de donner les moyens de mise en œuvre ; les collectivités territoriales (communes et départements) pour le recrutement et la formation des personnels et le développement du bâti. L’association du secteur médico-social semble essentielle, travailleurs sociaux et aide sociale à l’enfance étant les mieux à même d’identifier les familles dans lesquelles les enfants de moins de trois ans devraient bénéficier d’une scolarité précoce.

ii.   Renforcer l’accès à la langue dès l’âge de deux ans et tout au long de la scolarité

La construction de l’oral avec les enfants de moins de trois ans se développe avec des activités langagières, en interaction individuelle avec l’adulte ou en tout petit groupe d’enfants. Elles doivent être réitérées de nombreuses fois et ancrées dans le quotidien de la classe. La connaissance et la manipulation des unités sonores de la langue française font l’objet d’un enseignement progressif dès la petite section où se construit une conscience phonologique devant être régulièrement travaillée. Elle se structure jusqu’à la grande section où la connaissance du nom des lettres et du son qu’elles produisent est progressivement enseignée. La compréhension de l’organisation lexicale et syntaxique de la langue est notamment permise par le travail sur l’oral ([114]).

Pour combler les écarts d’acquisition du langage constatés chez les élèves de l’éducation prioritaire, l’appropriation de la langue française dès le plus jeune âge suppose un enseignement régulier et structuré répondant à ces prescriptions. Cet enseignement doit être accompagné « du développement des compétences communicationnelles et linguistiques » ([115]) qui aideront à l’acquisition des savoirs fondamentaux. Plusieurs circulaires et notes de services proposent aux recteurs et aux enseignants de l’ensemble des niveaux des premier et deuxième cycles des axes ou des méthodes pour accompagner ces apprentissages à tous les stades de leur scolarité ([116]).

Les résultats de l’évaluation Pirls 2021, publiés en mai 2023, attribuent à la France un score de 514 points en compréhension de lecture de ses élèves, plaçant le pays en dessous de la moyenne de l’Union européenne qui est de 527 points ([117]). Les évaluations nationales révèlent de forts écarts en compréhension orale pour les élèves relevant de l’éducation prioritaire. Le déficit de vocabulaire entraîne un défaut de compréhension orale et constitue un frein très important pour l’apprentissage de la lecture ([118]).

Ces résultats doivent également être mis en perspective avec l’augmentation significative du nombre d’enfants allophones nouvellement arrivés sur le territoire. En 2021-2022, tout au long de l’année, ce sont 77 435 d’entre eux qui ont été scolarisés (35 374 dans une école élémentaire et 31 826 dans un collège). Ce nombre représente une augmentation de 20 % par rapport à l’année scolaire 2020‑2021. Entre les années scolaires 2020 et 2022, le nombre d’élèves allophones nouvellement arrivés et scolarisés en niveau élémentaire comme au niveau du collège a augmenté de 23 %. Lors de leur entrée dans le système éducatif français, les besoins éducatifs des élèves allophones nouvellement arrivés sont déterminés par un test de positionnement initial ([119]). Ces élèves sont soit scolarisés dans des unités pédagogiques pour élèves allophones arrivant (UPE2A), soit bénéficient d’un soutien linguistique en classe ordinaire ; ils peuvent bénéficier également de modules d’accueil temporaire. Certains élèves ayant été, dans leur pays d’origine, très peu scolarisés, intègrent généralement une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants non scolarisés antérieurement (UPE2A-NSA) ([120]).

oRGANISATION DE L’ACCUEIL DES élèVES ALLOPHONES

Source : Depp, enquête EANA 201-2022.

Dans un rapport publié en 2019, la Commission européenne a mis en évidence un retard systématique de ces élèves par rapport aux autres, dans la quasi-totalité des systèmes éducatifs européens ([121]).

Retard scolaire des élèves alLophones en élémentaire et au collège

Source : Depp, enquête EANA 2021-2022.

Ces circonstances conduisent la rapporteure à encourager la scolarisation précoce des enfants allophones afin de leur permettre d’acquérir un niveau de langue tel qu’il soit de nature à favoriser leur intégration dans le système éducatif dès l’entrée en petite section.

Recommandation n° 15 : Favoriser la scolarisation dès deux ans pour les enfants allophones.

Cette recommandation s’accompagne de la nécessité d’associer les parents de ces enfants à l’acquisition de la langue et de les aider dans la prise en charge de la scolarité de leurs enfants. À cet égard, un certain nombre de dispositifs existent déjà et permettent d’ouvrir l’école aux familles. Les ateliers « Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des enfants » (OEPRE) en sont un exemple. Dispositif complémentaire au contrat d’intégration républicaine (CIR), crée en 2008, cofinancés par les ministères de l’Intérieur et de l’Éducation nationale, il figure dans le projet d’école ou dans le projet d’établissement. Au-delà de l’aide à l’acquisition du français, ces ateliers contribuent à la transmission des valeurs de la République, à leur mise en œuvre dans la société française mais également à la compréhension du fonctionnement et des attentes de l’école vis-à-vis des élèves et des parents. Le critère principal à la sélection des projets OEPRE est le nombre de parents étrangers identifiés sur le territoire, qui doit être annuellement compris entre douze et quinze.

À l’occasion de leur déplacement dans l’académie de Créteil, les membres de la mission ont pu observer les effets de ce dispositif qui concerne les parents étrangers allophones, en particulier primo-arrivants. Il s’inscrit dans une démarche de coéducation avec d’autres actions menées en direction des parents d’élève.

Recommandation n° 16 : Favoriser la mise en œuvre du dispositif « Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des enfants » dans les établissements qui relèvent de l’éducation prioritaire.

La rapporteure recommande que le nombre d’élèves allophones présents au sein d’un établissement soit un critère pris en compte pour développer une offre d’accompagnement des parents pour la maîtrise du français. À cette fin, les moyens des groupements d’établissements publics locaux d’enseignement (Greta), des universités, des chambres de commerce et d’industrie ainsi que des opérateurs privés et du tissu associatif local pourraient être mobilisés. Des conventions entre les services départementaux de l’Éducation nationale et des partenaires extérieurs (associations, organisme de formation professionnelle, etc.) pourraient être conclues afin que les établissements aient à leur disposition un nombre suffisant de locaux et d’intervenants, notamment professeurs de français langue étrangère (FLE).

Recommandation n° 17 : Proposer aux parents d’élèves allophones un accompagnement pour maîtriser la langue française, et encourager la conclusion de conventions entre l’ensemble des acteurs d’un territoire pour garantir une offre suffisante de formation à la langue française.

Qu’il s’agisse de l’efficacité du dédoublement des classes ou de l’importance de la scolarisation des jeunes enfants pour réduire au plus tôt les inégalités, notamment en matière de maîtrise du langage, l’ensemble des dispositifs d’ores et déjà mis en place ou dont le renforcement ou la création sont proposés par la rapporteure, révèle que l’école  élémentaire et primaire –, et non uniquement le collège, devrait être mieux prise en compte dans la détermination des réseaux de l’éducation prioritaire. L’abaissement de l’obligation scolaire de six à trois ans vient compléter l’attention générale renforcée sur la petite enfance et permet à la rapporteure de proposer qu’une réflexion soit menée pour que le collège ne soit plus le « pivot » de cette politique publique.

Recommandation n° 18 : Mieux prendre en compte la situation des écoles dont les caractéristiques sont différentes de celles de leur collège de rattachement.

L’éducation prioritaire en Irlande et au Portugal

« Depuis la première étude Pisa datant de 2000, on observa que la France est entrée, en 2018, dans une phase de stabilisation des inégalités. Est-ce le résultat de sa politique éducative ? » (1). Lors de leur audition par les membres de la mission, les représentants de l’OCDE ont indiqué que malgré ce constat et l’existence, désormais ancienne, d’une politique d’éducation prioritaire, la France demeurait pourtant l’un des pays les plus inégalitaires de la zone OCDE. « Si la France est dans la moyenne des pays en matière de performances, elle est moins bien classée dès lors que sont pris en compte le profil socio-économique des élèves ou leurs difficultés scolaires. On a en moyenne plus de très bons élèves et plus d’élèves en situation échec. Notre système d’éducation est à deux vitesses : il peine à prendre en charge des difficultés scolaires des élèves et encourage ceux qui sont les plus favorisés » indique ainsi M. Éric Charbonnier, analyste éducation. À titre de comparaison, les deux pays européens mettant en œuvre une politique d’éducation prioritaire considérée comme efficace sont l’Irlande et le Portugal. Ces deux pays se distinguent par l’association des familles à la scolarité des élèves dès les premières années.

En Irlande, la politique du « DEIS system » (2) a été lancée en 2005 dans le but de développer une éducation inclusive. Mise en place avec peu de moyens, dans un contexte de détresse économique du pays, elle a pour but de mettre en relation les écoles et les communautés éducatives. Les écoles ne fonctionnent pas de façon isolée ; les établissements collaborent avec les parents pour comprendre où se situe l’élève. Les résultats révèlent une amélioration de l’apprentissage des fondamentaux en lecture et mathématiques, qui s’observe aussi bien en zone urbaine qu’en zone rurale. Depuis son déploiement, cette politique évaluée régulièrement confirme son efficacité dès l’école primaire.

Le Portugal se situe parmi les pays de l’Union européenne dont les performances moyennes aux enquêtes Pisa sont les plus faibles, mais ces résultats sont contrebalancés par le fait que la variation et les inégalités entre élèves ou entre établissements y sont inférieures à la valeur moyenne de l’ensemble des pays de l’OCDE. Le pays poursuit le double objectif politique d’élever le niveau de formation et d’améliorer les conditions d’enseignement et d’apprentissage pour l’ensemble de la population, d’une part, et de lutter contre l’échec scolaire, d’autre part. Le pays offre un cadre cohérent à ses politiques éducatives. Ainsi, le programme « Territoires éducatifs d’intervention prioritaire (Teip) » initié dès 1996, inspiré des ZEP françaises, permet le regroupement d’écoles et est essentiellement orienté vers le premier cycle scolaire pour diminuer les taux de retard et d’échec scolaire en assurant une liaison entre l’école, la communauté éducative et les parents.

Ces deux exemples confortent la rapporteure au regard des recommandations qu’elle formule et qui tendent à centrer les efforts de l’éducation prioritaire sur les petites classes et d’associer autant que possible les familles à la communauté éducative.

(1)    Propos reccueillis lors de l’audition des représentants de l’OCDE, le 14 février 2023.

(2)    Delivering Equality of Opportunity in Schools.

2.   Les fragilités de la médecine scolaire et de la prise en charge du handicap peuvent accentuer les inégalités

La santé, dans ses dimensions physique, psychique, sociale et environnementale, constitue un facteur important de la réussite éducative, car les inégalités de santé peuvent peser sur les performances scolaires. Les élèves bénéficient donc d’un parcours éducatif de santé, de la maternelle au lycée, afin d’identifier leurs besoins éducatifs particuliers du fait de leur situation sociale, d’une situation de handicap ou d’une maladie chronique. Des conventions, signées entre les recteurs d’académie et les directeurs des agences régionales de santé (ARS), permettent d’identifier des territoires et des publics prioritaires.

La prise en charge, par l’Éducation nationale, des élèves présentant des difficultés, qu’elles soient d’ordre médicales ou scolaires, se fait par le biais de plans d’accompagnement impliquant les chefs d’établissement, les directeurs d’école, la médecine scolaire et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) en fonction de leur nature. Ces plans sont les suivants :

– projet personnalisé élève à haut potentiel (PPEHP) ;

– projet d’accueil personnalisé (PAP) ;

– projet d’accueil individualisé (PAI) ;

– projet personnalisé de scolarisation (PPS) ;

Dans les réseaux d’éducation prioritaire, la prise en charge de ces difficultés est d’autant plus cruciale que le public concerné est plus fragile et les familles moins en mesure d’offrir un accompagnement adapté. Cela impose une mobilisation plus grande des acteurs publics.

a.   La prise en charge du handicap : un manque structurel encore plus pénalisant en éducation prioritaire

Le code de l’éducation impose au service public de l’éducation de veiller « à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction » ([122]), mais aussi de permettre aux élèves de « bénéficier des aides et accompagnements complémentaires nécessaires » dès l’âge de trois ans ([123]). L’accueil des élèves en situation de handicap en milieu scolaire est un élément révélateur de la capacité de l’école à remplir sa mission d’inclusion. Il appartient à l’État de mettre en place « des moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants » en situation de handicap ([124]). La scolarisation des enfants handicapés dans le premier et le second degré s’organise autour d’une coopération entre le ministère de l’Éducation nationale et le ministère chargé de la santé.

Aux termes de l’article L. 146‑9 du code de l’action sociale et des familles, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CADPH), rattachée à une MDPH, est chargée de prendre « les décisions relatives à l’ensemble des droits [d’une] personne, notamment en matière d’attribution de prestations et d’orientation ». Ces décisions sont prises après avis d’une équipe pluridisciplinaire qui évalue les besoins de compensation de l’enfant et propose un plan personnalisé de compensation du handicap. Ces décisions prennent la forme de notifications et sont créatrices de droits.

Les élèves accueillis en milieu scolaire ordinaire, après que la MDPH a mis en place un PPS, peuvent bénéficier de l’accompagnement, individuel ou mutualisé, d’un auxiliaire de vie scolaire (AVS) ou d’un AESH. L’Éducation nationale désigne alors un enseignant référent (ER) qui organise les équipes de suivi de scolarisation et a pour mission de mettre en œuvre les PPS ([125]). Enfin, certains élèves bénéficient d’une scolarisation collective en unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis) ou en unité d’enseignement élémentaire autisme (UEEA).

Lorsqu’ils ne peuvent être accueillis en milieu scolaire ordinaire, les enfants porteurs d’un handicap sont orientés dans des établissements spécialisés : instituts médico-éducatifs (IME) ou instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques (Itep). Le budget de l’école inclusive a augmenté de 11,38 % dans la loi de finances pour 2023 ([126]). Cette augmentation a permis l’ouverture, à la rentrée 2022, de plus de 200 nouvelles unités d’enseignement externalisées des établissements médico-sociaux.

Ces augmentations de crédits ont également permis la mise en place de dispositifs d’appui aux écoles et établissements scolaires (équipes mobiles médico-sociales), aux familles (réseaux départementaux d’accompagnement renforcé pour soutenir les familles) et aux élèves grâce au développement d’une offre de service d’accompagnement spécialisé à domicile des enfants en situation de handicap (Sessad). Enfin, une stratégie nationale à destination des élèves autistes est spécifiquement développée de la maternelle au lycée.

L’augmentation des moyens est d’autant plus importante qu’un rapport des inspections générales des ministères de l’Éducation nationale, du ministère de la Santé et du ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation du mois d’août 2018 constatait que « l’insuffisante formation des personnels, principalement de l’Éducation nationale, est un vrai frein pour une dynamique partenariale avec le secteur médicosocial, pour l’inclusion scolaire, et plus globalement pour l’acceptation des changements de pratiques, d’organisation et même de culture de travail » ([127]).

 

À la rentrée 2021, près de 476 000 enfants ou adolescents en situation de handicap étaient scolarisés, dont 83 % exclusivement en milieu ordinaire, 14 % exclusivement en établissement hospitalier ou médico-social et 3 % en scolarité partagée. Par rapport à 2020, la scolarisation en classe ordinaire progresse de 6 % dans le premier degré et de 7,3 % dans le second degré ([128]). Le ministère de l’Éducation nationale ayant fait de l’inclusion des élèves en situation de handicap une priorité, cette augmentation s’est accompagnée d’une augmentation des crédits dans la loi de finances pour 2023 ([129]).

évolution de la scolarisation des enfants et adolescents
en situation de handicap

Source : Depp, Repères 2022

Les dispositifs collectifs de scolarisation des enfants porteurs d’un handicap dans les premier et second degrés sont, depuis 2015, des Ulis ([130]). En éducation prioritaire, les collèges ont un taux d’Ulis plus important que les établissements hors EP. À la rentrée 2019-2020, 63,5 % des collèges de REP + et 57,4 % des collèges de REP comportaient une Ulis contre 50,5 % pour les établissements publics hors EP. Le nombre d’élèves bénéficiant de l’appui d’une Ulis est en augmentation de + 0,7 % dans le premier degré et de + 4,4 % dans le second degré ([131]).

L’éducation prioritaire ne dispose pas de moyens supplémentaires pour former les équipes à la prise en compte du handicap et ne bénéfice réglementairement que d’une priorité d’affectation des personnels de la médecine scolaire, à la discrétion des recteurs. Afin que les enfants ne se retrouvent pas dans des structures inadaptées, les moyens des établissements qui les accueillent doivent être renforcés.

Recommandation n° 19 : Accroître les moyens consacrés à la scolarisation des élèves en situation de handicap, en priorité dans les écoles et établissements relevant de l’éducation prioritaire, pour répondre aux besoins éducatifs des élèves cumulant les difficultés.

b.   Le manque de moyens humains de la médecine scolaire accroît les inégalités en éducation prioritaire

La politique de santé scolaire n’a pas seulement pour objectif de repérer et d’accompagner les élèves rencontrant des difficultés de santé. Elle est également un vecteur de réduction des inégalités. Dans certains territoires en difficulté, ou pour certaines populations fragilisées, l’école est la seule garantie d’accès à la santé et à un suivi sanitaire pour les élèves. La politique de santé à l’école n’est plus à la hauteur des enjeux : elle ne compte que 20 000 agents publics, personnels de l’Éducation nationale, pour sa mise en œuvre au bénéfice de douze millions d’élèves dont plus de deux millions en éducation prioritaire.

i.   La médecine scolaire souffre moins d’un problème d’argent que d’un problème d’agents…

Les personnels de la médecine scolaire repèrent et accompagnent les élèves rencontrant des difficultés de santé. Ainsi œuvrent des médecins ou des infirmiers scolaires, mais aussi des assistants de service social et des psychologues de l’Éducation nationale (créés en 2017), dont l’expertise porte moins sur les aspects médicaux de la santé des élèves que sur leur bien-être psychique et social. Ils participent notamment à des visites médicales et des campagnes de dépistage obligatoires, en application de l’article L. 541-1 du code de l’éducation ([132]) qui sont au nombre de trois :

– un premier bilan de santé est organisé à l’école pour tous les enfants âgés de trois à quatre ans. En principe, il est effectué par les professionnels de santé du service départemental de la PMI ou par les médecins et les infirmiers de l’Éducation nationale. Ce bilan permet notamment de dépister d’éventuels problèmes d’audition ou de vue et de les résoudre, ceux-ci étant déterminants pour les apprentissages et pour la suite de la scolarité, avant de se tourner vers le repérage d’autres pathologies gênantes. Cette visite doit également permettre de détecter d’autres problématiques environnementales ou sociales, les familles ainsi sensibilisées pouvant par la suite être orientées en tant que de besoin ;

– une visite médicale doit être réalisée au cours de la sixième année de l’enfant. Elle comprend un dépistage des troubles spécifiques du langage et de l’apprentissage. Elle est réalisée par le médecin de l’Éducation nationale. Seuls 21 % des élèves scolarisés en REP et 21,5 % de ceux scolarisés en REP + ont bénéficié de cette visite en 2022 ([133]). En l’absence de données portant sur l’ensemble de la population scolaire, il est impossible de mesurer l’écart de taux de réalisation de cette visite médicale entre l’éducation prioritaire et le reste du système éducatif ;

– un bilan infirmier, réalisé au cours de la douzième année de l’enfant, au moment de l’entrée au collège, afin d’analyser ses antécédents de santé, de recueillir son sentiment sur ses conditions de vie et de l’amener le cas échéant à s’exprimer sur ses difficultés, sa souffrance psychique, son développement pubertaire et ses questionnements relatifs à la sexualité.

Les auditions des directeurs d’école et chefs d’établissement que la mission a conduites ont mis en lumière une situation de manque important s’agissant des moyens humains : l’attractivité des métiers pâtit de conditions de travail dégradées (augmentation de la charge de travail, manque de locaux et d’équipements) et de rémunérations trop faibles – malgré un budget en hausse ([134]) et des efforts de revalorisation indemnitaires ([135]) – ne permettant pas à la médecine scolaire de remplir ses missions.

Les médecins, peu nombreux – moins d’un millier d’équivalents temps plein –, sont absorbés par les bilans de santé individuels obligatoires et l’adaptation de la scolarité des élèves à besoins éducatifs particuliers, en situation de handicap ou atteints de pathologies chroniques ([136]). Les postes ouverts aux concours de recrutement ne sont pourvus que pour moitié ([137]) et le corps est vieillissant ([138]).

Recommandation n° 20 : Encourager le recrutement de médecins scolaires en revalorisant leur grille indiciaire.

Les infirmiers scolaires majoritairement affectés dans les établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) assurent le suivi individualisé des élèves en priorité dans les établissements ruraux ou des réseaux d’éducation prioritaire ([139]) et dans ceux d’une section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa) ou d’une Ulis ([140]). Pour les mêmes raisons que les médecins scolaires, le corps souffre également d’un déficit de candidats aux concours : en 2022 sur 395 postes offerts, 58 n’ont pas été pourvus ([141]). Les académies de Mayotte et de Créteil rencontrent les plus grandes difficultés de recrutement.

Les psychologues de l’éducation nationale (psyEN) présentent un effectif décroissant depuis leur création en 2017. Ils sont environ 7 000 sur l’ensemble du territoire et exercent dans deux spécialités différentes ne bénéficiant pas des mêmes conditions indemnitaires :

– dans le premier degré, ils exercent la spécialité « éducation, développement et apprentissages » (EDA) ;

– dans les collèges, ils exercent la spécialité « éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle » (EDO).

Le corps des assistants de service social des administrations de l’État (Assae) comprend les assistants sociaux affectés au sein des directions académiques des services départementaux de l’Éducation nationale ([142]). Ils interviennent sur un secteur comprenant un ou plusieurs établissements du second degré en priorité en réseau d’éducation prioritaire, en milieu rural ou dans des collèges disposant d’une Segpa, d’une Ulis ou d’une UPE2A. Les difficultés de recrutement sont essentiellement concentrées en Île-de-France.

ii.   …qui exercent sous de trop nombreuses tutelles au sein de dispositifs parfois datés

En application de la circulaire du 10 novembre 2015 relative à la politique éducative sociale et de santé en faveur des élèves, « le recteur élabore la politique éducative sociale et de santé académique en tenant compte des priorités nationales, du contexte local et des spécificités des territoires dans le cadre de son projet académique, en ciblant en particulier les territoires de l’éducation prioritaire (REP et REP +) et les zones rurales isolées » ([143]). Les trop rares moyens humains alloués à la médecine scolaire bénéficient donc par priorité à l’éducation prioritaire qui enregistre, par exemple, des taux de visite médicale obligatoire supérieurs à la moyenne nationale qui est de 18 % ([144]) (contre 21 % en REP et 21,5 % en REP +). Ces taux demeurent néanmoins insuffisants : 100 % des élèves de l’éducation prioritaire devraient pouvoir être pris en charge.

Recommandation n° 21 : Augmenter les moyens de la médecine scolaire dans son ensemble, en favorisant d’abord l’éducation prioritaire.

Enfin, en dépit de l’existence de dispositifs permettant un pilotage efficace des différents acteurs afin d’analyser et de répondre aux besoins des élèves, à l’instar des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) ([145]) ou des pôles ressources ([146]), la médecine scolaire souffre d’une gestion en silos : les médecins et les assistants sociaux sont placés sous l’autorité du Dasen, les infirmiers des chefs d’établissements, les psyEN de spécialité EDA sous celle des inspections académiques et le psyEN, spécialité EDO sous celle du directeur du centre d’information et d’orientation public. De même la superposition des dispositifs d’aide ne permet pas toujours d’actionner le bon levier pour améliorer la réussite scolaire de tous les élèves.

À cet égard, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased), dispositif instauré en 1990 pour apporter des aides spécifiques et différenciées à dominante pédagogique, rééducative ou psychologique, aux élèves signalés en difficulté des écoles maternelles et primaires, divisent la communauté éducative s’agissant de leur efficacité. Ils complètent l’action de l’enseignant ([147]). Des professeurs des écoles spécialisés – maîtres E et G ([148]) – et des psychologues renforcent les équipes pédagogiques depuis la maternelle, jusqu’en CM2, en dehors ou au sein de la classe, dans la prise en charge des difficultés d’apprentissage et de comportement des élèves. Ils contribuent à l’élaboration et à la mise en œuvre des PAP et au suivi des PPS. Placé sous l’autorité et la responsabilité de l’inspecteur de l’Éducation nationale (IEN), le Rased est constitué de l’ensemble des enseignants chargés des aides spécialisées et des psychologues scolaires qui exercent dans la circonscription. Après concertation de ces membres, l’IEN arrête l’organisation générale des actions de prévention et des aides spécialisées dans la circonscription ainsi que ses priorités d’action. Les résultats sont peu évalués et semblent mitigés ([149]). Leur efficacité et leur fonctionnement « souffrent d’une grande hétérogénéité territoriale à laquelle s’ajoute, pour l’élève qui en bénéficie, un effet stigmatisant lié à “l’étiquette” d’élève en difficulté. Les effets sur la progression scolaire de l’élève sont incertains au point que la suppression des Rased a été envisagée en 2007 » ([150]).

La rapporteure considère que leur maintien n’est pas justifié en éducation prioritaire au sein de laquelle une équipe médico-sociale doit être en permanence rattachée à un établissement.

Les membres de la mission considèrent que la performance de la politique de santé scolaire sur le territoire est difficile à évaluer, souvent confuse et inégalement répartie. Son pilotage devrait être assuré à l’échelle nationale et académique pour permettre un meilleur déploiement des ressources.

Recommandation n° 22 : Permettre un pilotage unique et coordonné de la médecine scolaire en renforçant les dispositifs existant dans l’éducation prioritaire.

Focus sur les orthophonistes

L’orthophoniste en milieu scolaire est le professionnel qui accompagne les élèves présentant des difficultés de langage oral (compréhension et expression) et écrit (lecture et écriture). Il agit en prévention et en soutien aux élèves en évaluant leur habileté langagière ce qui permet d’établir les premiers bilans et de les orienter pour un suivi. Il intervient également pour former les enseignants au repérage des premiers troubles et à l’adaptation de leurs apprentissages.

Auditionné par les membres de la mission, M. Mathias Ott, préfet délégué à l’égalité des chances après de la préfète du Val-de-Marne a partagé l’expérience d’une action pédagogique à destination des écoles et structures d’accueil de la petite enfance menée par des orthophonistes dans deux cités éducatives – sur les cinq que compte le département – plus particulièrement sur les communes d’Orly depuis le mois de septembre 2021 et de Valenton depuis le mois de juillet 2022. Il insiste sur les effets positifs de telles initiatives qui permettent une meilleure détection des enfants concernés par des troubles orthophoniques ainsi qu’un accompagnement effectif des équipes enseignantes « une des véritables sources d’inégalité dans nos quartiers prioritaires de la politique de la ville est l’accès à un médecin ou à un orthophoniste. Il est essentiel de permettre aux familles en difficulté d’accéder à ces professionnels pour repérer, en collaboration avec les enseignants, les élèves ayant besoin d’un accompagnement orthophonique avant qu’il ne soit trop tard, qu’ils soient tout simplement labélisés mauvais élèves ou incapable d’y arriver. » (1)

Ces interventions d’orphonistes sont fixées dans le programme d’actions de la cité éducative. Ils interviennent dans le cadre de conventions de partenariat grâce aux subventions allouées aux cités éducatives et facturent leurs prestations. Le recours à un orthophoniste est une action récurrente dans le cadre des cités éducatives qui peut être mise en place dans plusieurs établissements de la ville, de la maternelle au collège.

Afin de dynamiser les quartiers prioritaires de la ville (QPV), des missions d’appui et d’accompagnement ont été attribuées aux cités éducatives, programme lancé en 2019. Ces cités coordonnent la préfecture, les services académiques et les collectivités territoriales autour de l’enjeu éducatif. Dans ce cadre, des actions pédagogiques menées par des orthophonistes peuvent être lancées.

La rapporteure, très favorable à la généralisation des interventions d’orthophonistes dans les cités éducatives, déplore que la cartographie de ce dispositif ne recoupe pas nécessairement celle de l’éducation prioritaire. Elle alerte par ailleurs sur la nécessité d’assurer un contrôle renforcé des modalités de conventionnement de ces professionnels avec les établissements. Afin d’éviter les situations de conflits d’intérêts, elle recommande la mise en place de « clauses de non-concurrence » dans les conventions avec les orthophonistes de sorte que celui qui identifie le besoin ne soit pas celui qui en assure le suivi.

(1)    Propos de M. Mathias Ott, préfet délégué à l’égalité des chances du Val-de-Marne, auditionné par la mission d’information le mardi 13 juin 2023.

Recommandation n° 23 : Affecter un orthophoniste à chaque école et collège de l’éducation prioritaire sous forme de conventionnement ou de recrutement direct par l’Éducation nationale.

 

Par ailleurs, la rapporteure estime que l’amélioration de la prise en charge des troubles des apprentissages, liés à la situation médicale des élèves, devrait s’accompagner d’un renforcement de la connaissance de ces troubles par les enseignants. À cet égard, une attention particulière devrait être portée à ce qu’il est convenu d’appeler les troubles « dys ». Ces derniers recouvrent la dyslexie – qui entraîne des difficultés de lecture –, la dysorthographie – qui concerne l’expression écrite –, la dyscalculie – difficulté à effectuer des calculs –, la dysphasie – trouble du langage oral – et la dyspraxie – déficit de coordination. On peut y associer les troubles de l’attention. En 2019, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) estimait que 5 à 7 % de la population scolaire présentait au moins l’un de ces troubles. Pour 1 à 2 % des enfants, ceux-ci revêtent une forme sévère ([151]). De manière analogue, les troubles du spectre autistique (TSA) pourraient être mieux connus des enseignants. Une attention particulière devrait également être portée aux enfants intellectuellement précoces (EIP). À cette fin, la place des neurosciences et de la psychologie de l’enfant dans la formation initiale et continue des enseignants pourrait être encore élargie.

Recommandation n° 24 : Mieux former les enseignants aux enjeux de la prise en charge des troubles des apprentissages et des besoins particuliers de certains élèves.

Recommandation n° 25 : Mieux former les enseignants aux neurosciences et à la psychologie de l’enfant.

3.   Des expérimentations à valoriser

a.   La liberté pédagogique

i.   L’importance de la liberté pédagogique, vecteur d’expérimentations vertueuses

Si la liberté pédagogique des enseignants n’est pas propre à l’éducation prioritaire, certains aspects de cette politique sont de nature à favoriser les initiatives de terrain, souvent appuyées sur des expériences antérieures tenant lieu de sources d’inspiration.

Ainsi, dans le cadre d’un sondage réalisé à l’occasion d’une journée thématique organisée par le Président du Sénat ([152]), les enseignants interrogés, exerçant en éducation prioritaire, ont indiqué avoir davantage recours à des pédagogies alternatives que les autres professeurs. Sur les 35 % des enseignants déclarant avoir recours à des pédagogies alternatives – pédagogie Montessori ([153]) ou pédagogie Freinet ([154]) – , la part des enseignants en éducation prioritaire était de plus de 60 %.

Le développement du dédoublement des classes en éducation prioritaire a favorisé les expérimentations et l’évolution des pratiques des enseignants. Ils ont un recours plus marqué à la différenciation, à la pédagogie active, à l’étayage ([155]) et à la stimulation cognitive. Ces pratiques ont été observées par les membres de la mission, qui rappellent leur attachement à la liberté pédagogique. Ces expérimentations permettent d’apprendre autrement et imposent de faire confiance aux équipes et à leur expertise, autant d’éléments sur lesquels la rapporteure souhaite que soit portée une attention particulière.

Recommandation n° 26 : Accompagner les enseignants dans le développement de nouvelles pédagogies intégrant pleinement la réduction des effectifs d’élèves.

De manière analogue, l’organisation de temps de concertation dans les écoles et les établissements de REP + – favorisée respectivement par la pondération des heures d’enseignement et l’attribution de demi-journées spécifiques – peut faciliter le travail collectif au sein des équipes pédagogiques. Les représentants de plusieurs collèges ont ainsi présenté aux membres de la mission plusieurs actions témoignant d’un effort collectif d’adaptation de leurs méthodes de travail. La rapporteure souhaite notamment insister sur le cas d’un collège de l’académie de Clermont-Ferrand, dont les enseignants ont élaboré un document présentant, sous une forme plus explicite, les acquis des élèves au regard des domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture (voir annexe n° 1). Annexé au livret scolaire de l’élève, ce document facilite l’identification des besoins de chaque enfant et constitue un support des échanges entre l’équipe enseignante, l’élève et sa famille.

Plus généralement, la mise en œuvre d’expérimentations fondées sur les initiatives des acteurs de terrain a trouvé un nouvel écho au cours des dernières années. Dans son discours aux recteurs du 25 août 2022, le Président de la République a annoncé la création d’un fonds d’innovation pédagogique doté de 500 millions d’euros destiné à soutenir, au plan national, le développement des projets innovants. Les expérimentations conduites dans certains territoires favorisent le développement de nouvelles méthodes d’apprentissage et de nouvelles manières d’organiser les espaces que constituent la salle de classe et la cour de récréation. Lors de leurs déplacements, les membres de la mission ont pu observer des innovations efficaces, des « boîtes à outils » transformant le lien entre l’enseignant et l’élève. La rapporteure en déduit qu’il est essentiel de faire confiance aux enseignants qui connaissent leurs élèves et leurs territoires.

Plusieurs écoles ont lancé une réflexion autour de l’usage de la cour de récréation pour en faire un véritable espace pédagogique, et souhaitent la création d’espaces distincts destinés aux apprentissages fondamentaux. Ainsi la création de jardins pédagogiques, de zones d’échanges, de jeux, de lecture/calme, etc. est mise à l’étude. La cour est aussi un lieu au service de la coéducation et du travail partenarial avec les collectivités – qui sont compétentes en matière de bâti – et les associations. L’apaisement du climat scolaire et l’égalité filles-garçons figurent également parmi les enjeux de la réflexion. Dans le cadre de la stratégie de résilience adoptée en septembre 2017 par la Ville de Paris, la totalité des écoles et collèges de la capitale devrait être transformée en ce sens à l’horizon 2040.

L’exemple de l’école maternelle publique Emeriau ([156]), dans le 15e arrondissement de Paris, permet de mesurer les effets positifs de la co‑construction des activités avec les élèves et son impact sur le climat des classes et la qualité des apprentissages. Dans le cadre du projet européen « Actions innovatrices urbaines » ([157]), l’école a bénéficié de l’accompagnement du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement pour rénover entièrement sa cour ; elle est ainsi construite autour de la cour de récréation qui constitue une véritable oasis de verdure dont l’entretien est de la responsabilité des élèves. Former les enfants, dès le plus jeune âge, au développement durable et à la végétalisation des espaces communs extérieurs est une manière de les sensibiliser aux enjeux climatiques du monde et de leur permettre de développer leur rapport au beau.

Cette expérience, bien qu’elle concerne un établissement qui ne se trouve pas en réseau d’éducation prioritaire, a retenu l’attention de la rapporteure. Elle salue les efforts conduits par la Ville de Paris pour végétaliser les espaces extérieurs des écoles et encourage le déploiement de ces pratiques sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, au-delà de l’intérêt écologique et climatique que revêt ce projet, elle a été sensible aux méthodes pédagogiques innovantes et intégrantes qui font des enfants les acteurs de la classe, où l’autonomie de chacun et l’entraide dans les apprentissages sont très développées dans un climat général apaisé et bienveillant où les compétences non-cognitives sont stimulées en permanence, même au cours des déplacements des enfants dans l’école. Les résultats sont notamment très bons en termes d’apprentissage. Elle insiste sur l’importance de développer ces pratiques à plus grande échelle, notamment dans l’éducation prioritaire où les petits effectifs sont un atout pour la mise en place de telles expériences éducatives.

Recommandation n° 27 : Favoriser le développement des compétences non-cognitives des élèves.

Lors de l’audition de MM. Marc-André Selosse, président de la fédération Biogée et Didier Roux, président de la fondation La main à la pâte, ces derniers ont insisté sur l’importance des enseignements transversaux, qui mettent en relation les connaissances acquises dans différentes disciplines au service de la construction d’un savoir ancré dans l’environnement et l’expérience concrète des élèves ([158]). Si cette méthode d’enseignement n’a pas vocation à se limiter à l’éducation prioritaire, le développement de nouvelles pratiques pédagogiques y revêt une importance particulière.

Recommandation n° 28 : Favoriser les enseignements transversaux interdisciplinaires dès le CP.

ii.   Le plan « Marseille en grand », un vivier de projets innovants

Annoncé par le Président de la République lors de son discours du 2 septembre 2021 au palais du Pharo, le projet « Marseille en grand » comporte un plan de rénovation des écoles et la mise en place d’un réseau de cinquante écoles innovantes. L’académie d’Aix-Marseille compte 33 REP + et 29 REP. Dans cette académie, 22,1 % des écoliers et 22,3 % des collégiens sont scolarisés en éducation prioritaire. Le projet doit permettre de conduire des expérimentations pour réduire les inégalités dans une ville qui comporte les quartiers parmi les plus pauvres de France. Le taux de pauvreté est de 25,1 % en moyenne et il dépasse les 39 % dans certains arrondissements de la ville. Le 3e arrondissement est le plus touché de France métropolitaine : plus d’un habitant sur deux vit sous le seuil de pauvreté (51,3 %).

Ces expérimentations mettent en place un pilotage horizontal de l’école et décloisonnent les relations entre les acteurs de l’éducation. Chaque projet d’école est élaboré en fonction des caractéristiques et des besoins propres de l’établissement. L’équipe pédagogique est accompagnée et soutenue par des conseillers pédagogiques qui sont chargés d’aider à l’élaboration du projet et à la formulation des besoins. En réponse à ces derniers, un plan de formation spécifique est réalisé, afin de contribuer à un accompagnement au plus près des demandes des équipes éducatives. Des moyens financiers supplémentaires sont affectés aux écoles pour leur permettre d’acheter du matériel pédagogique adapté et de bénéficier de l’intervention de professionnels extérieurs. Enfin, un recrutement spécifique est réalisé sur le fondement de fiches de poste construites avec l’équipe pédagogique de chaque école.

Les membres de la mission d’information ont visité certaines de ces écoles innovantes appartenant à des réseaux d’éducation prioritaire, dans les quartiers nord de la ville.

Parmi les innovations et pour répondre au besoin de mouvement des élèves, des classes flexibles ont été mises en place. Ces classes sont équipées d’un mobilier spécifique, plus ergonomique, et mieux adapté à la physiologie des enfants. Le mobilier varie d’une zone à une autre avec des tables amovibles ou des îlots consacrés au travail en groupe. Lors du déplacement de membres de la mission à Marseille, ceux-ci ont notamment pu observer la disposition d’une salle de classe organisée selon ces principes, à l’école élémentaire Saint-Jérôme Les Lilas. Cet aménagement avait été conçu pour la mise en œuvre du co-enseignement.

Certaines écoles ont souhaité mettre en place des classes spécialisées sur certains dispositifs d’apprentissage, et utilisées par l’ensemble des enseignants de l’école. Ainsi a été mis en place un « laboratoire de mathématiques » dans l’école maternelle Menpenti. D’autres écoles disposent d’espaces spécifiques pour l’enseignement des sciences, ou encore l’éducation artistique et culturelle.

Le projet éducatif de territoire (PEDT) de la ville de Marseille vient utilement compléter le plan « Marseille en grand ». Il a notamment conduit à améliorer le taux d’encadrement des enfants pendant la pause méridienne dans les écoles de l’éducation prioritaire ([159]). L’académie a engagé, au cours de l’année 2022‑2023, le développement de nouveaux projets, en élargissant les expérimentations aux collèges et aux lycées.

L’ensemble de ces expérimentations, qu’elles soient marseillaises ou menées sur d’autres territoires, est épars. Leurs résultats ne pourront être appréciés que si elles font l’objet d’un recensement national organisé par chaque rectorat. Un tel recensement offrirait une meilleure visibilité aux expérimentations qui fonctionnent en raison de la nature particulière d’un territoire ou du profil des élèves. Il semble important de donner plus de visibilité aux expérimentations sous l’égide du département de la recherche et du développement, de l’innovation et de l’expérimentation du ministère de l’Éducation nationale (DRDIE). De même, les conseillers académiques recherche-développement, innovation et expérimentations (Cardie), présents dans toutes les académies, doivent faire connaître plus largement la base nationale Innovathèque, qui fait état des pratiques novatrices et des projets expérimentaux mis en œuvre dans les écoles et les établissements scolaires. Les pratiques recensées dans cette base doivent trouver davantage leur place dans la pédagogie actuelle qui oblige à la réflexion et au renouvellement.

Recommandation n° 29 : Donner une plus grande visibilité à la base nationale Innovathèque en diffusant les meilleures pratiques auprès des enseignants et des réseaux.

b.   L’importance du développement des activités sportives ou culturelles

L’éducation artistique et culturelle (EAC) et la pratique sportive sont deux priorités fixées par le Président de la République qui concourent à la recherche de l’égalité d’accès à la culture et au bien-être des élèves. L’EAC repose sur la rencontre avec les artistes et avec les œuvres, sur l’acquisition de connaissances et sur la pratique artistique. Elle s’applique à huit grands domaines que sont : l’ensemble des arts vivants, numériques et visuels, le patrimoine, le livre et la lecture, la culture scientifique, technique et industrielle, la politique mémorielle et l’éducation aux médias et à l’information. La pratique sportive, en plus d’être un instrument de socialisation, est fondamentale pour le développement de l’enfant et conditionne sa santé ([160]). En éducation prioritaire, le développement de ces activités est d’autant plus essentiel qu’elles s’adressent à un public défavorisé pour lequel la pratique de ces activités, souvent synonyme de coût financier, est peu fréquente dans la sphère familiale.

i.   Développer des partenariats inter-collèges à travers des activités culturelles : un moyen pour favoriser la mixité sociale.

Généralisé en janvier 2022 ([161]), le pass culture, contribue à la généralisation de l’EAC. Il comporte deux volets :

– une part individuelle à destination des jeunes de quinze à dix-huit ans qui est gérée par le ministère de la Culture ;

– une part collective pour la mise en place de projets par classe au sein des établissements scolaires à partir de la quatrième, qui est financée par le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse.

Le pass culture collectif est constitué d’un crédit de dépenses, ouvert auprès d’une société à action simplifiée (SAS Pass Culture), structure privée à capitaux publics spécialement créée pour la mise en œuvre du pass culture individuel et scolaire dont l’actionnaire est le ministère de la Culture ([162]). Ce crédit est attribué à chaque établissement public et privé sous contrat proportionnellement à l’effectif d’élèves scolarisés dans les classes de quatrième jusqu’à la terminale.

Il permet à chaque enseignant de disposer, pour sa classe, d’un financement de projets ou d’actions d’EAC effectués en groupe et qui reposent sur un réseau de partenariats. Les collégiens scolarisés en éducation prioritaire bénéficient davantage de cette part collective que l’ensemble des collégiens. Cela constitue une évolution importante en matière de politique d’accès à la culture pour des publics qui en sont souvent éloignés.

Les crédits inscrits à l’action 6 Actions éducatives complémentaires aux enseignements du programme 230 Vie de l’élève de la mission Enseignement scolaire (189 millions d’euros en 2023) sont des crédits de fonctionnement mais ils ont aussi vocation à financer des actions éducatives complémentaires aux enseignements, qui participent à la réussite et à l’épanouissement des élèves. Dans cette action, l’année 2023 a été marquée par l’augmentation du budget du pass culture au titre duquel 51 millions d’euros ont été prévus dans la loi de finances pour 2023, permettant au dispositif d’être étendu aux classes de 5e et de 6e.

Cette action permet aussi le versement de subventions aux associations assurant la mise en œuvre de politiques éducatives à hauteur de 61,33 millions d’euros, et finance également le parcours d’éducation artistique et culturelle pour 2,43 millions d’euros ([163]).

En complément de ce dispositif dont les membres de la mission saluent l’initiative, la rapporteure considère qu’un regroupement d’établissements, fondé sur les IPS ou sur le couplage d’un établissement en éducation prioritaire avec un établissement hors éducation prioritaire, permettrait de renforcer la mixité sociale des élèves en matière d’accès à la culture. Ainsi couplés, les collèges proposeraient un accès à l’EAC favorisant les rencontres entre élèves de différentes origines sociales.

Recommandation n° 30 : Appairer des collèges présentant des caractéristiques sociales différentes dans le cadre d’activités culturelles communes.

ii.   Intégrer aux emplois du temps des élèves des activités sportives et culturelles

Le bien-être des élèves passe aussi par la pratique régulière d’une activité sportive, condition de leur bonne santé et atout dans le dépassement de soi et pour la cohésion de groupe, particulièrement importante en éducation prioritaire. L’éducation physique et sportive doit donc pouvoir être complétée par une activité physique régulière. Les trente minutes d’activité physique quotidienne ont été généralisées à cet effet à compter de la rentrée 2022 dans toutes les écoles de France. Les professeurs des écoles sont accompagnés pour faciliter l’intégration de cette activité dans la journée des élèves. De même, depuis la rentrée 2022, une expérimentation est en cours auprès de 170 collèges pour intégrer deux heures d’éducation physique et sportive de plus par semaine dans les emplois du temps des élèves qui le souhaitent. Les membres de la mission saluent ces initiatives mais constatent que les premiers résultats de ces expérimentations sont mitigés ([164]).

Au collège, les deux heures de sport supplémentaires sont intégrées aux emplois du temps des seuls élèves qui se sont portés volontaires. L’absence de caractère obligatoire de la mesure ne permet pas de favoriser les élèves les plus éloignés de la pratique sportive. Ainsi, ce sont majoritairement les élèves qui pratiquent déjà un sport en club qui bénéficient de ce dispositif. Il est par ailleurs difficile d’obtenir une évaluation du nombre de collèges et d’élèves issus de l’éducation prioritaire qui participent à ces expérimentations.

Le constat est le même s’agissant des activités culturelles. La participation à une chorale, à une troupe de théâtre, un orchestre, un club de lecture ou d’écriture, à des projets d’architecture, aux sorties dans la nature pour des sensibilisations à l’environnement ou la pratique d’une langue étrangère supplémentaire, ne pourront permettre de créer des ouvertures et d’éveiller les élèves que si ces activités revêtent un caractère obligatoire et sont inscrites dans leur emploi du temps. Ainsi, la rapporteure suggère que ces activités sportives et culturelles figurent dans les emplois du temps des collégiens. Cette mesure serait mise en place dans les collèges relevant de l’éducation prioritaire, sur la base d’une heure hebdomadaire. Une étude d’impact d’une telle mesure est nécessaire mais le décloisonnement par niveau apparaît comme une solution de nature à en simplifier la mise en œuvre. Par exemple, l’ensemble des élèves de cinquième pourraient se rassembler une heure par semaine autour d’un projet ; autre exemple, tous les élèves d’un même niveau scolaire pourraient être libérés pendant une heure « décloisonnée », offrant la possibilité à chacun de s’inscrire dans une activité culturelle menée par l’équipe enseignante. Sous une forme obligatoire dans son principe, mais libre de choix dans sa réalisation, ce moment privilégié permettrait aussi une mixité à l’intérieur du collège au sein d’un même niveau. On pourrait ainsi imaginer y préparer le niveau PSC1 ([165]) pour des élèves de quatrième, mettre en place un atelier de codage, favoriser la création de fresques à l’intérieur du collège, etc., avec des intervenants extérieurs venant compléter par leur expertise le travail des enseignants.

Une telle disposition présenterait également l’avantage d’offrir d’autres horizons aux élèves dont le « champ de vision » cognitif est de plus en plus restreint par un usage abusif des réseaux sociaux. Dans l’esprit des dispositifs mis en place par l’Éducation nationale pour diversifier l’accès des élèves à la culture et au sport, il s’agirait d’encourager les alliances éducatives avec les associations, les enseignants et les équipes périscolaires.

Recommandation n° 31 : Au collège, décloisonner les niveaux pour les activités culturelles dans l’éducation prioritaire, sur la base d’un quota d’heures annualisées.

Dans un contexte budgétaire caractérisé par la diminution de près de 35 % des crédits du fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FDSAP) dans le premier degré ([166]), une telle mesure pourrait également y être envisagée. À compter de l’année scolaire 2023-2024, les moyens consacrés au FSDAP, qui ne bénéficient qu’aux communes ayant conservé une organisation du temps scolaire sur neuf demi‑journées ou huit demi-journées comprenant cinq matinées ([167]), seraient progressivement réaffectés afin de consolider certains dispositifs engagés au bénéfice des élèves. En conséquence, les crédits du FSDAP seraient diminués de moitié à la rentrée scolaire 2023 puis éteints à la rentrée 2024.

Si l’influence positive des associations auprès des élèves, notamment en éducation prioritaire, semble établie, les membres de la mission considèrent qu’il appartient aux pouvoirs publics de soutenir les élèves de l’éducation prioritaire dans toutes les dimensions de leur scolarité. Celles-ci incluent notamment le développement des activités culturelles, physiques et sportives.

B.   L’orientation et l’insertion professionnelle

La réussite de la politique d’éducation prioritaire doit également être appréciée à l’aune des deux enjeux que sont l’orientation et l’insertion professionnelle. Ils revêtent une importance particulière pour les élèves de l’éducation prioritaire dont les parcours sont souvent heurtés. Accompagner leur orientation et leur insertion dans le monde du travail est un levier majeur pour l’égalité des chances. Ils constituent également des moyens efficaces pour lutter contre le décrochage scolaire. La lutte contre ce phénomène est une priorité nationale mise en œuvre à travers plusieurs mesures reposant sur la mobilisation de chaque établissement scolaire. Les projets d’établissement doivent comprendre un volet consacré à la « prévention du décrochage » qui, dans les établissements du second degré enregistrant un fort taux d’absentéisme, inclut la nomination d’un « référent décrochage scolaire ». Ce dernier – qui bénéficie d’une indemnité pour missions particulières (IMP) des enseignants du second degré – a pour mission de mobiliser l’équipe éducative et de coordonner ses actions de prévention.

1.   Des dispositifs de soutien pour l’orientation des élèves

L’article D. 331-23 du code de l’éducation définit l’orientation comme « le résultat du processus continu d’élaboration et de réalisation du projet personnel de formation et d’insertion sociale et professionnelle que l’élève de collège, puis de lycée, mène en fonction de ses aspirations et de ses capacités ». Elle prend appui sur le suivi du parcours scolaire de l’élève. Celui-ci est assuré « avec l’aide des représentants légaux de l’élève, des personnels concernés de l’établissement scolaire, notamment l’équipe de direction, des personnels enseignants, d’éducation et de santé scolaire, et des personnels d’orientation » ([168]).

Le collège doit être un lieu de développement propice à une projection vers « l’après », que celui-ci prenne la forme du lycée général, technologique ou professionnel, ou encore des centres de formation des apprentis (CFA). L’orientation doit permettre d’effectuer un choix réfléchi entre ces options.

Un travail doit être mené dès la sixième afin de nourrir l’ambition des collégiens et de leur permettre de choisir une orientation de façon volontaire et non par défaut. À cet égard, il convient donc de mobiliser les moyens nécessaires pour permettre à chaque élève de construire un projet d’orientation.

a.   L’enjeu de l’orientation

L’orientation après la troisième des élèves scolarisés dans un collège en éducation prioritaire est différente de celle des élèves scolarisés hors éducation prioritaire. Ainsi, les collégiens scolarisés en éducation prioritaire poursuivent moins souvent leur scolarité en seconde générale et technologique après la troisième ([169]).

Cette différence se constate assez tôt dans la scolarité des élèves, dès le collège, où la fréquentation des Segpa est plus importante. Ces sections accueillent des jeunes qui, présentant des difficultés graves et durables auxquelles l’école ordinaire n’a pas réussi à répondre, ne maîtrisent pas toutes les connaissances et compétences attendues en fin d’école primaire. Elles permettent d’accompagner les élèves de la sixième à la troisième pour qu’ils aient effectué un cursus complet et puissent se présenter soit au diplôme national du brevet (DNB), notamment dans sa série professionnelle, soit au certificat de formation générale (CFG) et accéder à une formation d’un niveau au moins équivalent à celui du certificat d’aptitude professionnelle (CAP).

Les collèges de l’éducation prioritaire sont beaucoup plus nombreux à proposer une Segpa. C’est le cas de 49,5 % des collèges en REP + et de 41,2 % en REP, contre 21,1 % des collèges hors éducation prioritaire. Les établissements disposent plus souvent de l’offre cumulée d’une Ulis, d’une UPE2A et d’une Segpa : 19,8 % des collèges en REP + et 9,9 % des collèges en REP proposent les trois sections contre 2,7 % des collèges publics hors éducation prioritaire ([170]). Ces taux sont des indicateurs du cumul des difficultés des élèves qui ne suivent pas une scolarité dans les classes générales. Ils imposent de renforcer l’accompagnement des élèves pour éviter le décrochage scolaire et pour faciliter leur insertion.

L’éducation prioritaire enregistre également des taux importants d’orientation vers l’apprentissage et les formations du ministère de l’Agriculture. À la rentrée 2021, 27,4 % des élèves de troisième scolarisés en réseau d’éducation prioritaire étaient orientés vers l’apprentissage contre 4,8 % dans le secteur public hors éducation prioritaire.

Orientation après la troisième à la rentrée 2021

(en %)

Source : Synthèse de la Depp, n° 6, juillet 2022, p. 25.

L’orientation repose sur une organisation territoriale réunissant plusieurs acteurs : les établissements scolaires et les centres d’information et d’orientation répartis sur le territoire. C’est le conseil de classe, présidé par le chef d’établissement, qui examine les demandes d’orientation des élèves et émet des propositions d’orientation en application de l’article D. 331-36 du code de l’éducation, susceptibles d’appel ([171]).

Aux termes de l’article L. 331-7 du code de l’éducation « un parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel est proposé à chaque élève, aux différentes étapes de sa scolarité du second degré ». Cet accompagnement à l’élaboration de son projet d’orientation peut prendre plusieurs formes ; de nombreux dispositifs sont proposés, qui impliquent tous une collaboration des établissements avec les administrations, les collectivités territoriales, les organisations professionnelles, les entreprises et les associations qui contribuent à la mise en œuvre de ce parcours.

Dès la classe de quatrième, un accompagnement à l’orientation est mis en place dans le cadre d’horaires réservés à l’orientation. Ce volume horaire annuel, déterminé par arrêté, est de 12 heures au collège pour les classes de quatrième, de 36 heures pour les classes de troisième ; il est de 54 heures dans les lycées et peut atteindre jusqu’à 191 heures dans les lycées professionnels ([172]).

À la rentrée 2022, des collèges volontaires ont développé leurs collaborations avec les régions et les partenaires du monde économique. De la cinquième à la troisième, des temps consacrés à l’orientation – « les demi-journées Avenir » – ont été mis en place dans le but de faire découvrir des métiers aux collégiens. De même, 642 collèges volontaires répartis dans toutes les académies ont expérimenté durant l’année 2022-2023 la découverte des métiers au collège. L’objectif est de proposer, à partir de la classe de cinquième, des activités pour améliorer l’information des élèves sur la diversité des métiers et des formations. Tout au long du cycle 4, ces expérimentations peuvent prendre la forme de visites d’entreprises, de stages ou de rencontres avec des professionnels de différents secteurs d’activité.

Le développement de ces initiatives est déterminant pour lutter contre le décrochage scolaire ; il est salué par la rapporteure. Des initiatives tendant à renforcer l’accompagnement et la préparation des élèves à leur avenir sont également mises en œuvre dans les lycées. Ces derniers ont mis en place un « droit à l’erreur » permettant aux lycéens, toutes filières confondues, de se réorienter avant les vacances d’automne si la filière qu’ils ont initialement choisie ne leur convient pas.

Le dispositif rénové des « cordées de la réussite » ([173]), dispositif interministériel et partenarial qui a pour objectif de créer un continuum d’accompagnement des élèves depuis la classe de quatrième jusqu’en terminale, est un autre levier en faveur d’une orientation choisie et réussie. En 2022, il a bénéficié à près de 170 000 élèves volontaires, plus particulièrement issus de l’éducation prioritaire, résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ou vivant en zone rurale et isolée. Les élèves bénéficient, entre autres, d’actions de tutorat et d’ouverture culturelle visant à développer leur ambition scolaire. Le dispositif a pour but d’introduire une plus grande équité sociale dans l’accès aux formations de l’enseignement supérieur, et notamment aux filières sélectives.

L’objectif du Gouvernement est d’étendre ce dispositif à tous les collèges de REP et de REP +. Néanmoins, les auditions conduites par les membres de la mission ont fait apparaître des doutes sur son efficacité réelle. Ainsi, le préfet délégué à l’égalité des chances du Val-de-Marne, M. Mathias Ott, a confié être « dubitatif sur les résultats réellement produits par les cordées. Dans le département du Val-de-Marne, nous avons du mal à en évaluer les effets » ([174]).

En partenariat avec l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (Onisep), le printemps de l’orientation est un programme annuel organisé dans les établissements, dont la troisième édition s’est déroulée du 20 au 22 mars derniers. Il permet aux lycéens en classe de terminale de préciser leur projet en mobilisant tous les acteurs de l’éducation et de l’orientation à l’échelle de l’établissement, de l’académie et de la région pour les aider à réfléchir sur leurs perspectives de poursuite d’études ou d’insertion professionnelle. Il se construit dans chaque académie en partenariat avec les établissements d’enseignement supérieur, les représentants de la région, les partenaires du monde économique et professionnel et les associations, en complément des deux semaines de l’orientation qui se déroulent au cours du premier semestre. Les actions proposées consistent en des rencontres, visites d’établissements, webinaires, visioconférences, et journées portes ouvertes à destination des élèves et des familles. Pour le lycée, l’orientation fait l’objet de dispositions spécifiques contenues dans la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants.

Enfin, l’article 15 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance concrétise l’engagement du Gouvernement de lutter contre la pauvreté et le décrochage des jeunes les plus fragiles. Elle prévoit un droit à la formation qui inclut l’emploi, le service civique et l’engagement dans un dispositif spécifique d’accompagnement ou d’insertion sociale et professionnelle. Par ailleurs, la loi prévoit :

 le droit, pour chaque jeune entre seize et dix-huit ans, d’intégrer un parcours adapté à ses besoins et un droit au retour en formation pour tous les jeunes sortis du système éducatif sans diplôme ou n’ayant pas un niveau suffisant de qualification ([175]) ;

– l’obligation de formation pour les jeunes âgés de seize à dix-huit ans ([176]).

L’éducation prioritaire bénéficie d’un dispositif spécifique avec une mission de suivi et d’accompagnement par le biais d’un site internet dédié pour proposer près de 30 000 stages de troisième à ses élèves. En partenariat avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires et le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, le ministère de l’Éducation nationale propose un portail unique sur lequel toutes les informations et tous les conseils nécessaires pour trouver un stage sont mis à la disposition des élèves des quartiers prioritaires.

La rapporteure considère que ces nombreux dispositifs, qui sont autant de leviers au service de l’égalité des chances, méritent d’être renforcés et de faire l’objet d’une adaptation spécifique en éducation prioritaire. À l’instar des « cordées de la réussite » ou de la plateforme « mon stage de troisième » qui sont destinées prioritairement aux élèves de l’éducation prioritaire, les autres dispositifs d’accompagnement à l’orientation et la mobilisation des personnels doivent l’être également. Une telle préconisation suppose l’augmentation des moyens humains pour accompagner le parcours des élèves de l’éducation prioritaire et leur orientation. Or, le présent rapport a déjà démontré la faible attractivité de ces métiers pourtant essentiels.

L’importance de l’ambition : internats d’excellence et cordées de la réussite

Depuis plusieurs années, les dispositifs permettant d’accroître l’ambition scolaire des élèves se sont développés, notamment grâce aux internats d’excellence et aux cordées de la réussite.

Les internats d’excellence ont été mis en place dans la continuité du plan de relance de l’internat scolaire public lancé en 2000, puis du « plan espoir banlieues » de 2008. Leur développement s’inscrit dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA) qui repose sur un partenariat entre le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) et l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT) qui a permis l’augmentation du nombre de places au sein d’internats existants et la création de nouvelles structures. Une nouvelle politique publique de l’internat a été lancée le 1er juillet 2019 qui a permis la création d’un label en 2021 récompensant et encourageant l’enrichissement des projets éducatifs et pédagogiques des internats scolaires construits en collaboration avec les collectivités territoriales. Ce label est accordé aux internats qui remplissent les conditions posées par un cahier des charges. En 2022, ce sont près de 35 000 élèves qui ont été accueillis au sein de 307 internats labellisés, dont 99 collèges et 198 lycées. Les internats d’excellence s’adressent à des élèves qui rencontrent des difficultés particulières d’ordre social, économique ou familial ne leur permettant pas de bénéficier d’un environnement favorable pour réussir leurs études. Ils permettent aux collégiens et aux lycéens qui le souhaitent recevoir un accompagnement pédagogique personnalisé, dans des conditions propices au développement de leur projet éducatif. Ce dispositif s’accompagne d’une aide financière destinée aux familles pour faciliter l’acquittement des frais d’internat. Ces établissements sont animés par des référents qui assurent le suivi des projets labellisés par l’autorité académique.

Les cordées de la réussite, lancées en 2008, ont été renouvelées en 2020 à la suite de la fusion du dispositif avec celui des « parcours d’excellence ». Elles proposent un accompagnement des élèves dans leur parcours d’orientation. Le but des cordées de la réussite est de lutter contre l’autocensure des élèves par un accompagnement continu dès la classe de quatrième, jusqu’aux études supérieures. Son principe repose sur la mise en place d’actions menées par un établissement scolaire (collège ou lycée) « encordé » avec un établissement d’enseignement supérieur « tête de cordée » pour donner à chaque élève les moyens d’élaborer son projet d’orientation. Ce dispositif bénéficie plus particulièrement aux élèves de l’éducation prioritaire, des quartiers prioritaires de la politique de la ville et des zones rurales ou isolées. À la rentrée 2021, 185 000 élèves avaient bénéficié du dispositif, et l’objectif était d’atteindre le nombre de 200 000 élèves à la rentrée 2022. Tous les collèges REP et REP + ont intégré une cordée de la réussite et le dispositif a été étendu aux collèges ruraux. Dans le cadre du plan de relance, d’autres actions ont été déployées, telles que l’ouverture à la rentrée 2023 de 43 nouvelles sections internationales dans des collèges parmi les plus défavorisés, soit une progression de 50 % du nombre total de sections internationales par rapport à 2022. Convaincue par l’importance de tels dispositifs, la rapporteure plaide pour le maintien des moyens financiers qui leur sont alloués.

Afin d’encourager le développement de l’ambition des élèves, il est essentiel de développer les compétences non cognitives. « Si on crée de l’ambition, on crée de la motivation. Si on crée de la motivation, on crée de la réussite » (1). Les membres de la mission ont été alertés par les représentants de l’OCDE quant au fait que « notre pays n’a peut-être pas assez développé de méthodes pédagogiques permettant l’acquisition d’autres compétences que la maîtrise des fondamentaux ("lire, écrire, compter"» (2). Or, développer de telles méthodes permet notamment de renforcer la confiance des élèves en eux-mêmes. « On observe les conséquences de la valorisation des compétences non-cognitives sur les résultats des élèves dans les pays de l’OCDE qui y ont recours. En ce sens, le développement de la méthode Paideia (3) produit, en France, des effets remarquables » (4). C’est aussi le sens du travail de certaines associations, comme la fondation AlphaOmega. Cette dernière apporte son soutien financier et stratégique aux associations qui interviennent dans le champ de l’éducation et notamment dans la lutte contre le décrochage scolaire.

(1)    Propos de M. Olivier Grèzes, IA-Daasen du Val-de-Marne, reccueillis lors du déplacement des membres de la mission dans l’académie de Créteil, le 30 mai 2023.

(2)    Représentants de l’OCDE, audition cit.

(3)    Voir infra encadré du 2 du présent B.

(4)    Représentants de l’OCDE, ibid.

b.   Les acteurs de l’orientation

L’accompagnement à l’orientation engage les équipes éducatives des établissements, la région et les acteurs du monde économique et professionnel. Pour une orientation réussie, il faut du personnel formé et en nombre suffisant pour accompagner les élèves.

C’est le chef d’établissement qui, à la tête de l’équipe éducative, est responsable de la mise en œuvre du programme d’information et d’orientation de celui-ci. Il assure la coordination et le suivi des actions réalisées par les partenaires dans son établissement. Il facilite le dialogue entre les familles, les élèves et l’équipe pédagogique. Il est responsable avec son équipe du suivi du devenir individuel de ses élèves pendant l’année suivant leur sortie de l’établissement. Les enseignants ont des missions qui se sont développées et renforcées avec la mise en œuvre de l’horaire consacré à l’orientation au collège et au lycée et la création des fonctions de professeur référent de groupe d’élèves. Ces enseignants assurent des activités de coordination et de suivi des élèves de la sixième à la terminale dans le cadre du parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel prévu par l’article L. 331‑7 du code de l’éducation.

Au sein des équipes pédagogiques, les professeurs principaux sont désignés par les chefs d’établissement en application de l’article R. 421-10 du même code. Leur rôle, au collège comme au lycée, est essentiel à la réussite des élèves et à leur orientation car ils favorisent dans la classe dont ils sont responsables « les liens entre les élèves, les représentants légaux, les professeurs, les conseillers principaux d’éducation (CPE), les personnels sociaux et de santé, le psychologue de l’Éducation nationale et l’équipe de direction » ([177]). Compte tenu de l’importance de leur mission et du nombre d’élèves qu’ils ont à accompagner, les professeurs principaux, en classe de terminale, peuvent être deux. À la discrétion du chef d’établissement, la nomination de deux professeurs principaux permet notamment de mieux préparer le conseil de classe et de mieux accompagner les élèves dans le choix de leur orientation. Le coût de cette mesure, prévue par la loi de finances pour 2023, pourrait atteindre 25 millions d’euros cette année.

La rapporteure considère que, dans les établissements présentant un IPS inférieur à la moyenne, les missions de suivi de la scolarité et de préparation à l’orientation des professeurs principaux revêtent une importante fondamentale, afin de réduire l’effet des inégalités sociales et de permettre une plus grande égalité des chances entre les élèves. Elle propose que le doublement des professeurs principaux ne soit pas limité à la seule classe de terminale mais mise en place à partir de la classe de seconde dans les établissements présentant un faible IPS.

Recommandation n° 32 : Désigner deux professeurs principaux par classe de la seconde à la terminale dans les lycées dont l’indice de position sociale est inférieur à la moyenne.

Depuis 2021, les professeurs principaux sont accompagnés, de la première à la terminale, par des professeurs référents de groupe d’élèves ([178]). Ces derniers, nommés par les chefs d’établissement, participent aux missions de coordination et de suivi des élèves ainsi qu’à la préparation de leur orientation, dans les mêmes conditions que les professeurs principaux. Les professeurs principaux et les professeurs référents de groupe d’élèves perçoivent une indemnité de suivi et d’orientation des élèves dont le taux relève d’un arrêté du 20 août 2021 ([179]).

Jusqu’en 2016, le concours de conseiller d’orientation psychologue ne concernait que le second degré ; les psychologues du premier degré avaient le statut des professeurs des écoles. Le décret n° 2017-120 du 1er février 2017 portant dispositions statutaires relatives aux psychologues de l’éducation nationale a créé un nouveau corps unique de psychologues qui rassemble les métiers de psychologue scolaire dans le premier degré (psyEN-EDA), de conseiller d’orientation‑psychologue et de directeur de centre d’information et d’orientation dans le second degré (psyEn-EDO). Le présent rapport a déjà établi que le faible nombre de psyEN, qui décroît depuis la création du corps, est un frein à l’inclusion des élèves porteurs d’un handicap ([180]). Il constitue également un obstacle au bon accompagnement des élèves en matière d’orientation. Les psyEN-EDO ([181]) exercent dans les CIO et dans les établissements scolaires (collèges et lycées). S’ils sont membres des équipes pédagogiques et participent à l’élaboration du volet du projet d’établissement consacré à l’orientation, ils sont placés sous l’autorité du directeur du CIO. Au sein de la spécialité EDO, les psyEN mobilisent leurs compétences au service de l’élaboration progressive des projets d’orientation et de formation des élèves. Ils participent à l’information des élèves et à la recherche de solutions pour leur orientation ; ils contribuent au développement psychologique et à la socialisation des adolescents, à la réussite et à l’investissement scolaires de tous les élèves ([182]).

Enfin, les conseillers principaux d’éducation (CPE), personnels de vie scolaire recrutés par concours et titulaires du certificat d’aptitude aux fonctions de conseiller principal d’éducation, participent aux activités éducatives du second degré. Leurs fonctions sont exercées sous la responsabilité du chef d’établissement. Ils participent au fonctionnement de la vie collective de l’établissement en dehors des temps de classe et sont à ce titre en relation avec les équipes pédagogiques de l’établissement et les élèves. De même, ils collaborent avec les enseignants pour assurer le suivi des élèves et participent aux décisions relatives à leur orientation en tant que membres des conseils de classe. Enfin, ils sont chargés de l’animation éducative en organisant la concertation et la participation à la vie scolaire au sein de l’établissement. Au cours de l’année 2021-2022, ils étaient 13 278 – dont 7 037 dans les collèges, 4 261 en lycée général et 1 522 en lycée professionnel. Si l’ensemble des postes offerts aux concours de recrutement de personnels de la vie scolaire sont pourvus, le taux de couverture des postes de CPE souffre d’un décrochage en 2021 ([183]).

L’étendue et la variété de leurs missions ainsi que le grand nombre de leurs interlocuteurs compliquent la réalisation de leurs tâches. Pivots entre l’élève et les équipes pédagogiques, ils sont souvent, avec les professeurs, les premiers à identifier les difficultés scolaires ou personnelles d’un élève. M. Léo Walter a notamment alerté les autres membres de la mission quant à l’importance particulière du rôle des CPE dans les zones rurales et en éducation prioritaire, pour l’amélioration du climat scolaire et l’aide à l’orientation des élèves.

évolution du nombre de postes et de candidats aux concours de CPE et de psychologues de l’Éducation nationale

Source : Depp, Repères et références statistiques, 2022 p. 325.

Des financements supplémentaires ont été consacrés par la loi de finances pour 2023 au renforcement des moyens alloués à l’orientation et à l’information des élèves. Les crédits de l’action 2 Enseignement général et technologique en lycée du programme 141 Enseignement scolaire public du second degré sont ainsi en augmentation pour atteindre un montant de 8 072,70 millions d’euros (+ 5,32 %) ([184]). De même, les crédits de l’action 8 Information et orientation ont crû de 5,34 %, pour atteindre 357,71 millions d’euros, contre 339,58 millions d’euros en 2022. Ces crédits financent, notamment, l’horaire consacré à l’accompagnement au choix de l’orientation au collège comme au lycée et pour toutes les voies de formation, ainsi que les fonctions de professeur référent de groupe d’élèves.

La rapporteure salue ces évolutions mais appelle à des efforts complémentaires en faveur notamment de l’augmentation du nombre de poste de conseillers principaux d’éducation et de psychologues de l’Éducation nationale, en particulier dans la spécialité « éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle »  EDO  en éducation prioritaire. De même, les professeurs principaux, premiers interlocuteurs des élèves et des familles, mériteraient d’être plus nombreux dans les collèges relevant de l’éducation prioritaire renforcée. Sur le modèle du dispositif mis en place pour les classes de terminale en 2017 ([185]), la rapporteure propose que les classes de troisième en REP + disposent de deux professeurs principaux pour favoriser l’orientation des élèves. Ils se répartiraient les tâches d’accompagnement, les rencontres avec les familles, les visites d’entreprises, de forums des métiers et d’établissements scolaires dans le cadre des journées portes ouvertes qu’organisent ces derniers. Chacun des deux professeurs principaux pourrait se consacrer plus particulièrement à une partie de la classe et spécialiser son action sur des perspectives d’orientation particulières. Ce binôme d’enseignants aurait le temps de dialoguer avec les élèves et, ainsi, de les impliquer pleinement dans leur orientation en les « embarquant » dans une vraie réflexion sur la poursuite de leur scolarité.

Recommandation n° 33 : Désigner deux professeurs principaux par classe de troisième dans les collèges de l’éducation prioritaire renforcée.

Si la loi n° 2019-791 pour une école de la confiance a renforcé les dispositifs améliorant l’orientation des élèves et la coordination entre les acteurs de l’Éducation nationale, de l’orientation, de la formation et de l’insertion, les réformes récentes des lycées professionnels et de l’alternance constituent un moyen complémentaire pour aider les jeunes, notamment en éducation prioritaire, à s’insérer dans le monde professionnel. Ces réformes renforcent la collaboration entre les établissements scolaires et les acteurs économiques des territoires où ils se trouvent, afin de permettre l’établissement de véritables passerelles pour les élèves entre la fin de cycle scolaire et l’insertion professionnelle. L’audition des représentants de l’OCDE a confirmé que ces politiques étaient efficaces notamment en matière de lutte contre le décrochage scolaire : « Depuis 2008, il y a une cohérence dans les politiques éducatives de lutte contre le décrochage scolaire et cela porte ses fruits. De plus de 150 000 décrocheurs en 2008, leur nombre est passé sous les 100 000. Le succès de ces politiques tient en partie à la cohérence de la politique publique et au renforcement des relations entre le secondaire et le supérieur » ([186]).

Recommandation n° 34 : Maintenir les relations entre l’enseignement secondaire et supérieur pour l’orientation des élèves.

2.   La nécessaire prise en compte de l’insertion professionnelle à l’issue de la scolarité

Pour conduire une politique d’insertion efficace, il faut résoudre la difficulté consistant à identifier les élèves qui ne poursuivent aucune formation ou n’occupent aucun emploi au terme de l’obligation d’instruction, soit à partir de l’âge de seize ans. Depuis 2011, le système interministériel d’échange d’informations (SIEI) permet aux acteurs de l’Éducation nationale, du ministère de l’Agriculture, des CFA et des missions locales de partager leurs informations afin de repérer le plus tôt possible les jeunes décrocheurs. La création de l’obligation de formation pour les jeunes de seize à dix-huit ans, qui figure désormais au premier alinéa de l’article L. 114-1 du code de l’éducation ([187]), a profondément modifié le suivi et l’aide à l’insertion des jeunes. Le nombre de jeunes concernés par cette obligation est estimé à 95 000 ([188]). Le troisième alinéa du même article prévoit la mise en place d’un dispositif de collecte et de transmission des données dont les modalités sont définies à l’article R. 114-4 du même code. Désormais, les établissements d’enseignement du second degré et les CFA doivent transmettre aux acteurs de l’orientation et de l’insertion les coordonnées de leurs anciens élèves ou apprentis qui ne sont plus inscrits dans un cycle de formation.

En éducation prioritaire le nombre d’élèves qui poursuivent des études supérieures est difficile à évaluer, ce que déplore la rapporteure. Selon elle, le manque de données reflète le besoin d’un suivi plus approfondi des résultats de cette politique (voir infra, III).

En éducation prioritaire, l’insertion professionnelle des élèves ou des adolescents décrocheurs ou éloignés de l’école ([189]) suppose la collaboration de tous les acteurs et services décentralisés et déconcentrés de l’État. « Tel est le cas dans le Val-de-Marne et dans la plupart des départements » indique M. Mathias Ott, préfet à l’égalité des chances de ce département : « la préfecture, le rectorat, la municipalité, les missions locales et Pôle emploi sont impliqués dans ce processus. Il n’y a guère que les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) qui ne participent pas à cet aspect de l’accompagnement des jeunes dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, lesquels recoupent souvent les réseaux d’éducation prioritaire ».

Part de collégiens résidant dans un quartier priorItaire, à la rentrée 2021

Source : Depp, Repères et références statistiques, 2022, p. 55.

Les acteurs locaux de la formation, de l’insertion et de l’emploi, ainsi que les autres acteurs pouvant contribuer à la prise en charge des jeunes décrocheurs, sont rassemblés au sein des plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs (Psad). Celles-ci regroupent les CIO, réseaux Foquale ([190]), missions locales, l’Agence du service civique, la protection judiciaire de la jeunesse, les établissements pour l’insertion dans l’emploi (Épide), le commandement du service militaire volontaire, les CFA, etc. Les Psad, qui agissent sous l’autorité de la région dans le cadre du service public régional de l’orientation, sont co-pilotées par les directions de la mission locale et du CIO territorialement compétentes.

 

La rapporteure regrette que l’ASE ne soit pas associée à cette collaboration des acteurs nationaux et territoriaux. Service du département, l’ASE est notamment chargée de mener des actions éducatives en milieu ouvert ou à domicile et est à ce titre un acteur majeur pour identifier les familles dans lesquels des enfants pourraient bénéficier d’un accompagnement vers l’insertion professionnelle ou le suivi de formations diplômantes. En particulier, les services de l’ASE devraient être associés au programme des cités éducatives.

Recommandation n° 35 : Mieux associer les services de l’aide sociale à l’enfance à l’accompagnement des jeunes dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, notamment dans le cadre des cités éducatives.

Lors de son audition, M. Mathias Ott, a présenté aux membres de la mission l’ensemble des dispositifs, performants, qui sont mis en place pour accompagner l’insertion dans le département du Val-de-Marne, lequel compte 34 REP et 3 REP + ([191]) et présente un fort taux de quartiers prioritaires de la politique de la ville.

En matière d’insertion, il a indiqué aux membres de la mission qu’il existe dix plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs ayant conduit près de 95 % des jeunes de seize à dix-huit ans à accepter, après sollicitation des services de la ville, soit un accompagnement vers une rescolarisation, soit une entrée dans un parcours de formation, un apprentissage ou un service civique. Selon le préfet délégué, « le bilan de cette mesure est très positif ».

Dans le cadre du plan « un jeune une solution » ([192]), l’Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) a mis en place le dispositif de la « promotion 16-18 » à destination des « décrocheurs durs ». Les jeunes adultes qui s’inscrivent dans une promotion sont incités à « s’accrocher » ; il s’agit surtout de « retisser un lien ténu vers une démarche d’insertion pour tenter de les motiver et regarder vers l’avenir. Ce sont un peu les gueules cassées de l’éducation nationale ». Cette promotion permet de redonner confiance aux jeunes dans l’enseignement, l’apprentissage et l’emploi. M. Ott affirme que « ces "promotions" 16-18 sont très utiles. Certes, nous ne disposons pas encore de données chiffrées pour évaluer leur efficacité mais le travail mené vis-à-vis de ce public est très précieux ». Ce plan mobilise un ensemble de leviers : des aides à l’embauche, des formations, des accompagnements, des aides financières aux jeunes en difficulté, etc.

Toujours dans le cadre du plan « un jeune une solution », les contrats d’engagement jeune (CEJ) ont été mis en place en juillet 2020. Cette mobilisation en faveur de l’emploi des jeunes entre seize et vingt-cinq ans a permis à près de quatre millions d’entre eux de trouver un emploi, une formation ou un parcours d’insertion. Piloté par les services de l’État, ce dispositif « fonctionne bien dans le Val-de-Marne et permet, en contrepartie d’une allocation, de remettre le pied à l’étrier à de nombreux jeunes » indique M. Mathias Ott. Le 1er mars 2022, ce dispositif a été renouvelé et mis en œuvre par les missions locales, conjointement avec Pôle emploi ([193]). Il comporte désormais un accompagnement individuel et intensif dans un cadre exigeant qui peut durer de six à douze mois. Le jeune bénéficie d’un accompagnement par un conseiller qui le suit tout au long de son parcours et jusqu’à ce qu’il accède à un emploi durable. Différentes activités sont proposées dans le cadre d’un programme intensif de quinze à vingt heures par semaine, pour lesquelles les bénéficiaires de la mesure perçoivent une allocation ([194]). Au 31 janvier 2023, 301 725 jeunes avaient signé un CEJ, dont 188 715 dans les missions locales. « J’attends les premiers chiffres sur ce contrat d’un nouveau type qui démarre dans le Val-de-Marne mais j’observe qu’il y a de moins de moins en de jeunes qui frappent aux portes des missions locales. Ce phénomène est certainement lié au fait que de moins en moins de gens vont vers les institutions, il nous appartient d’aller les chercher », précise le préfet délégué à l’égalité des chances.

Les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes sont des acteurs du service public de l’emploi qui existent depuis 1982. Elles prennent la forme d’une association ou d’un groupement d’intérêt public, et peuvent à ce titre recruter des salariés. Elles ont pour mission d’aider les jeunes de seize à vingt-cinq ans révolus à résoudre l’ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale en assurant des fonctions d’accueil, d’information, d’orientation et d’accompagnement à l’accès à la formation professionnelle initiale ou continue et à l’emploi. À ce titre, elles favorisent la concertation entre les différents partenaires en vue de renforcer ou compléter les actions conduites par ceux-ci, notamment pour les jeunes rencontrant des difficultés particulières d’insertion professionnelle et sociale. Aux termes de l’article L. 114-1 du code de l’éducation ([195]), les missions locales ont un rôle de contrôle du respect de l’obligation de formation des jeunes à l’aide du dispositif de collecte et de transmission des données placé sous la responsabilité de l’État. Elles sont également dotées d’un pouvoir de convocation du jeune et de son représentant légal en cas d’absence non justifiée à l’entretien visant à permettre un retour en scolarité ou en formation, en cas d’abandon précoce de son parcours d’accompagnement ou lorsqu’il ne répond plus aux sollicitations de la mission locale ([196]). En 2022, le réseau des missions locales, animé par 15 000 salariés, comprenait 440 structures et 6 800 lieux d’accueil sur le territoire métropolitain et ultramarin ([197]).

La rapporteure salue également le travail des écoles de la deuxième chance. À destination de jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans sortis du système scolaire et dépourvus de qualification professionnelle ou de diplôme, ces écoles proposent une formation rémunérée pour aider à l’insertion dans la vie active. Prévues par l’article L. 214-14 du code de l’éducation, les écoles de la deuxième chance participent au service public régional de la formation professionnelle. Ces écoles appartiennent à un « Réseau des écoles de la deuxième chance », association qui tend à assurer une couverture complète et équilibrée du territoire national en concertation avec les collectivités locales et qui délivre aux établissements ou aux organismes de formation le label « d’école de la deuxième chance » pour une durée de quatre ans. Au fil des auditions qu’ils ont conduites, la rapporteure a constaté que le phénomène de perte de repère dans l’avenir et de difficulté à choisir une formation ou un métier est un phénomène nouveau, certainement accentué par la crise de la covid-19 à la suite de laquelle une partie de la jeunesse a perdu la capacité de se projeter dans un projet professionnel. Par le biais de ces écoles, il s’agit de les accompagner pour les aider à identifier un métier et une voie professionnelle qui leur corresponde.

Lors des auditions qu’ils ont conduites, les membres de la mission ont entendu les acteurs publics se féliciter des effets positifs de ces mesures, mais aussi regretter le fonctionnement en silos des différentes structures chargées de repérer et d’accompagner l’insertion des jeunes. La rapporteure déplore néanmoins que ces retours de terrain relèvent plus d’une impression que d’une évaluation rigoureuse. Il existe peu d’indicateurs permettant d’établir le taux d’insertion professionnelle. Dans le cadre du fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP), des financements ont été consacrés à la création d’un système d’information et de partage de données. Celui-ci permet d’accéder aux données et de suivre tous les jeunes qui sortent d’un CFA ou d’un lycée professionnel afin d’évaluer leur insertion. « On publie, pour chaque établissement, des taux de poursuite d’études et d’insertion. On évalue également la valeur ajoutée de chaque lycée, car tous les établissements n’accueillant pas les mêmes profils d’élèves, ces taux ne suffisent pas à refléter la contribution spécifique de chaque lycée en matière d’orientation et d’insertion », indique Mme Fabienne Rosenwald, directrice de la Depp. Elle précise que les premières observations tendent à confirmer que les élèves scolarisés en éducation prioritaire sont moins diplômés et, notamment, qu’ils sont moins souvent titulaires d’un baccalauréat général ou technologique que les autres élèves.

Néanmoins, on ne peut conclure de ces données que la politique d’éducation prioritaire n’aurait aucun effet sur la réussite des élèves. Il est en effet indispensable de tenir compte du profil initial – à la fois scolaire et social – de ces derniers. En effet, les élèves de l’éducation prioritaire présentant plus souvent des caractéristiques sociales associées à un moindre niveau de diplôme, l’existence d’un écart de performances avec les autres élèves ne suffit pas à démontrer l’absence de tout effet correctif de cette politique. Pour en évaluer l’efficacité, il est nécessaire de comparer les niveaux de diplôme d’élèves aux caractéristiques proches, selon qu’ils ont bénéficié ou non de l’éducation prioritaire. Or, selon Mme Rosenwald, lorsque l’on tient compte du « profil initial des élèves, on n’observe plus de différences entre les jeunes sortant d’éducation prioritaire et les autres ; toutes choses égales par ailleurs, on constate même un niveau de diplôme légèrement supérieur pour les élèves issus de l’éducation prioritaire. C’est bien la preuve que le collège arrive à contenir la concentration des difficultés auxquelles sont, en général, exposés les élèves scolarisés en éducation prioritaire » ([198]).

La rapporteure encourage le Gouvernement à conduire une évaluation spécifique à l’éducation prioritaire de l’impact des mesures renforçant l’orientation et l’insertion des jeunes.

Recommandation n° 36 : Conduire des évaluations régulières de l’orientation et de l’insertion des jeunes issus de l’éducation prioritaire.

Par ailleurs, les membres de la mission ont été sensibilisés au travail conduit par le tissu associatif pour accompagner l’insertion des jeunes. La rapporteure considère que l’action de ces associations mériterait d’être valorisée par une communication plus large auprès des acteurs locaux de l’orientation et de l’insertion. Un référencement et un pilotage national, de même qu’un soutien financier, permettraient d’étendre le champ de leur action et d’en accroître l’efficacité.

Fonds Éric Teyssonnière et programme Paideia (voir annexe n° 2)

Partant du constat que l’accès à l’enseignement supérieur reste très inégalitaire en France alors qu’il est un enjeu politique et économique majeur, le fonds Éric Teyssonière développe depuis 2019 une expérimentation pédagogique destinée à réduire les inégalités scolaires d’origine sociale et territoriale. Ces inégalités restent grandement liées à l’origine sociale des élèves et ne peuvent être réduites en abaissant la barrière à l’entrée des grandes écoles ou en imposant aux établissements de l’enseignement supérieur des quotas sociaux car la plupart des jeunes se censurent, ces mesures ne profitant alors qu’à une minorité.

Le programme Paideia développe des partenariats, notamment avec la région académique Bourgogne Franche-Comté et l’Éducation nationale. Depuis sa création, Paideia a développé sa collaboration avec quatre lycées dans deux académies (Créteil et Besançon). Les proviseurs utilisent les contenus proposés par le programme. Ils constituent selon eux une réponse concrète et immédiatement disponible au « manque d’ambition des élèves » et peuvent contribuer à « l’amélioration du climat scolaire ».

L’expérimentation a, en effet, pour objectif d’agir en amont pour donner aux lycéens des catégories défavorisées les moyens d’acquérir un niveau de connaissances et de confiance en soi équivalent à celui des élèves issus d’un milieu social plus fortement doté en capital culturel.

Ce programme, hors parcours scolaire, destiné à des élèves boursiers ayant des résultats scolaires moyens, est axé sur le développement des compétences cognitives et socio-comportementales afin de permettre aux élèves d’acquérir un esprit critique, de développer leur ouverture culturelle et de les aider à développer des stratégies d’apprentissage, autant de compétences que l’Éducation nationale considère comme décisives pour l’amélioration des résultats scolaires, pour la lutte contre le décrochage scolaire, contre le déterminisme social et pour la réussite professionnelle.

Il est composé de sept étapes pour changer le parcours scolaire et permettre à des jeunes en difficulté dans les territoires les plus défavorisés de développer leur potentiel à tous les niveaux afin de contribuer pleinement au développement de la société. Il est mis en œuvre par l’intermédiaire d’une plateforme numérique dénommée « Naboo ».

Il repose sur quatre piliers :

– la lutte contre l’autocensure ;

– les ateliers de la pensée critique ;

– l’appréciation des compétences ;

– le renforcement du lien entre l’école et la famille.

Auditionnés par les membres de la mission (1), M. Éric Teyssonnière, son président, et M. Hakim Hallouch, son directeur, ont indiqué être sur le point de lancer une chaîne YouTube consacrée à la méthodologie et un outil de diagnostic des compétences psychosociales à destination des établissements relevant de l’éducation prioritaire.

Ils ont indiqué aux membres de la mission que, depuis le mois de janvier 2023, de nombreux tests avaient été réalisés dans les lycées ruraux et de banlieues, en lien avec les équipes pédagogiques, sur les méthodes de travail des élèves (stratégie d’apprentissage, autonomie, travail en équipe, etc.). Les principaux résultats de ces tests révèlent que :

– 34 % des élèves indiquent avoir appris quelque chose en regardant les vidéos de méthodes du programme Paideia ;

– le taux est de 85 % s’agissant des élèves les plus fragiles du point de vue scolaire ;

– 90 % des élèves souhaitent avoir davantage de conseils en méthode ;

– 72 % des élèves se sentent plus en confiance après avoir visionné les vidéos du programme.

Quant aux enseignants, ils considèrent ne pas pouvoir investir suffisamment de temps à l’élaboration de stratégies d’apprentissage, l’essentiel de leur temps étant consacré au développement des points du programme scolaire. Ils regrettent de ne pas pouvoir accompagner les élèves sur leurs « représentations erronées » – illusion de maîtriser un sujet, biais d’interprétation, etc. 68 % d’entre eux ont indiqué vouloir changer leur pratique pédagogique afin de développer un enseignement spécifique et des méthodes d’apprentissages en lien avec d’autres disciplines.

Dans ce contexte, chaque contenu proposé par le programme Paideia (les ateliers de pensée critique, les campus, les vidéos de méthodologie en ligne, l’outil de progression sur les compétences, etc.) est développé afin de correspondre aux usages professionnels des enseignants et des chefs d’établissement. Cette précaution est essentielle pour que les équipes pédagogiques n’aient pas l’impression que soit ajoutée une couche au « millefeuille » dans le cadre duquel s’exerce déjà leur activité.

(1) Audition du 14 février 2023.


— 1 —

 

III.   Une organisation et un pilotage soumis à des évolutions répétées

A.   Des interrogations persistantes sur le périmètre de l’éducation prioritaire

L’implantation géographique de l’éducation prioritaire a fait l’objet de contestations de nature différente depuis son lancement.

1.   L’identification des territoires et des établissements concernés

a.   Des critères devenus plus explicites et transparents, mais dont la mise en œuvre se heurte à l’absence de révision de la carte des réseaux

Au début des années 1980, la répartition des premières zones d’éducation prioritaires a été définie dans chaque académie au regard de plusieurs indicateurs scolaires et sociaux ([199]). L’absence de pondération entre ces derniers et le manque de valeurs de référence ont abouti à des incohérences dans la délimitation des zones. Ainsi, M. Jean-Yves Rochex a notamment rappelé que le département de la Nièvre comptait, en 1982, plus de zones prioritaires que la Seine-Saint-Denis. Selon lui, le caractère initialement décentralisé de la répartition des moyens a conforté le poids des acteurs – administratifs et politiques – locaux, au détriment d’une approche fondée sur des critères communs à l’ensemble des territoires.

Il est généralement admis que la carte de l’éducation prioritaire issue de la réforme de 2014-2015, fondée sur les variables mentionnées dans la première partie, demeure, à quelques exceptions près, cohérente en ce qui concerne les REP + ([200]). En revanche, la répartition des REP ne serait « pas toujours adéquate » ([201]). En effet, malgré l’objectivité des critères utilisés, les données qui ont présidé à l’élaboration de la carte des réseaux semblent aujourd’hui datées. Or, la révision quadriennale de la liste des établissements classés en éducation prioritaire n’a eu lieu ni en 2019  qui correspondait à l’échéance prévue en 2015 –, ni depuis. De surcroît, la base retenue pour le calcul des indices de chaque établissement datait parfois de plusieurs années au moment où la nouvelle carte de l’éducation prioritaire a été définie. Aussi, dans une partie des établissements, la mise à jour des indices obtenus en 2015 ferait-elle apparaître un écart avec les valeurs qui ont justifié le classement en éducation prioritaire. À cet égard, la révision de la carte des quartiers prioritaires de la politique de la ville, prévue à la fin de l’année 2023, serait, en l’absence de modification de la carte de l’éducation prioritaire, de nature à amplifier les différences entre la répartition théorique des réseaux et leur implantation effective.

Les contestations de la carte de l’éducation prioritaire prennent appui sur la diversité des indicateurs qui permettent de rendre compte de la situation sociale des établissements.

b.   La variabilité des indicateurs

L’indicateur composite sur la base duquel une nouvelle carte de l’éducation prioritaire a été élaborée il y a huit ans a renforcé la transparence et l’objectivité de la délimitation des réseaux. Toutefois, d’autres modes d’évaluation des facteurs de fragilité à l’égard du système éducatif peuvent lui être préférés.

i.   La publication des indices de position sociale des établissements : un catalyseur de contestations

L’importance qu’a prise, dans le débat sur la mixité scolaire, la publication des indices de position sociale (IPS) a donné une nouvelle base aux contestations de la carte de l’éducation prioritaire – laquelle a été instaurée avant la création de cet indicateur. Élaboré par la Depp en 2016, ce dernier repose sur l’attribution, à chaque profession et catégorie socio-professionnelle (PCS), d’un indice fondé sur plusieurs facteurs ayant une incidence sur la réussite scolaire – tels que le niveau de diplôme des parents, les conditions matérielles d’existence, ou encore les pratiques culturelles ([202]). À cet égard, si la quasi-totalité des établissements de REP + présente un IPS inférieur à 90 – contre une moyenne nationale de 103 –, l’appartenance à un dispositif d’éducation prioritaire ne coïncide pas strictement avec la valeur de cet indice. Ainsi, des établissements hors de l’éducation prioritaire possèdent un IPS inférieur à celui de collèges de REP, voire de REP +. Il en va de même pour certains établissements de REP à l’égard des collèges de REP +.

IPS des collèges, selon le type d’établissement

Source : Depp, note d’information n° 23.16, mars 2023.

En favorisant les comparaisons entre les établissements sur la base d’un même indicateur aisément accessible, la publication des IPS a donné un fondement et un écho supplémentaires aux critiques portant sur l’inadaptation de la carte des réseaux au regard de la situation sociale propre à chacun d’entre eux. En outre, le renforcement des moyens de l’éducation prioritaire à partir de 2017 a pu contribuer au souhait de certaines communautés éducatives de bénéficier du classement en REP ou REP +.

L’IPS repose pour partie sur des caractéristiques sociales proches de celles prises en compte par l’indicateur utilisé en 2015 – notamment les PCS des parents et, indirectement, les résultats scolaires des élèves, dans la mesure où ceux-ci sont corrélés au milieu social d’origine. Toutefois, par rapport à cet indicateur, l’IPS présente la particularité de ne pas tenir compte directement du lieu de résidence des élèves et, par conséquent, de ne pas privilégier les quartiers prioritaires au détriment d’autres types de territoires – en particulier les zones rurales – dans la répartition des réseaux. Utiliser l’IPS comme fondement exclusif de l’appartenance à l’éducation prioritaire tendrait donc à atténuer le lien de celle-ci avec la politique de la ville.

ii.   L’indice d’éloignement et le cas de la ruralité

D’autres indicateurs tendent au contraire à renforcer la prise en compte de l’implantation des établissements, selon des critères différents. En particulier, la Depp a élaboré un indice d’éloignement fondé sur la distance des élèves à l’égard de l’institution scolaire. Parmi les critères pris en considération figurent notamment la part d’élèves qui résident dans une commune rurale peu dense ou très peu dense, la densité de collèges dans un rayon de trois kilomètres, ou encore la distance à la section linguistique et au lycée général et technologique les plus proches ([203]). La carte des collèges possédant l’indice d’éloignement le plus élevé se distingue nettement de celle des réseaux d’éducation prioritaire renforcée ([204]). À titre d’exemple, le département des Alpes-de-Haute-Provence, qui ne compte aucun REP +, rassemble sept collèges à l’indice d’éloignement élevé. L’éloignement ayant une incidence, notamment, sur l’orientation des élèves, les établissements en milieu rural devraient bénéficier d’une attention particulière.

 

Répartition des 200 collèges dont l’indice d’éloignement est le plus élevé

Source : Ariane Azéma et Pierre Mathiot, rapport de la mission « Territoires et réussite », 2019, p. 15.

 

Notes aux épreuves écrites du DNB selon l’indice d’éloignement, l’IPS, la part de boursiers et la part d’élèves en retard à l’entrée en sixième, en 2019

Source : Depp, note d’information n° 19.36, octobre 2019.

L’indice d’éloignement permet notamment de tenir compte de la situation particulière des territoires ruraux. Les difficultés que rencontrent ces derniers au regard de la réussite scolaire sont d’une nature différente de celles qui caractérisent l’éducation prioritaire. Ainsi, alors même que les résultats des élèves ne sont que faiblement corrélés à l’indice d’éloignement de leur établissement, celui-ci est associé à une moindre fréquence de l’orientation en seconde générale et technologique et de la poursuite d’études supérieures. Le taux de passage en seconde générale et technologique n’est ainsi que de 57,2 % pour les collégiens dont l’établissement appartient au dernier décile de la distribution des indices d’éloignement, contre 69,7 % au sein du premier décile. Cette différence s’explique notamment par le poids de l’apprentissage et de l’enseignement agricole.


Formation suivie après la classe de troisième, selon l’indice d’éloignement du collège

(en %)

Source : Depp, note d’information n° 19.36, octobre 2019.

L’emploi d’un indicateur présuppose un choix quant au type de difficultés sociales dont les politiques éducatives visent à combattre les effets. Compte tenu notamment de la très forte relation statistique entre l’IPS et les notes obtenues aux épreuves du DNB, la rapporteure estime que cet indicateur devrait être mobilisé dans le cadre de toute réforme future de la carte des réseaux (voir infra). Par ailleurs, l’indice d’éloignement pourrait être utilisé pour définir des actions spécifiques en matière d’orientation des élèves après la classe de troisième, dans les établissements où la valeur de cet indice est la plus élevée. En particulier, le doublement du nombre de professeurs principaux en classe de troisième, que la rapporteure préconise pour les collèges relevant de l’éducation prioritaire, pourrait être étendu aux établissements qui présentent un indice d’éloignement élevé. En outre, les établissements qui possèdent à la fois un IPS faible et un haut indice d’éloignement devraient bénéficier de moyens supplémentaires.

Recommandation n° 37 : Tenir compte de l’indice d’éloignement des établissements scolaires dans l’allocation des moyens.

2.   Les limites de l’organisation des réseaux à partir des collèges : le cas des « écoles orphelines »

L’une des raisons pour lesquelles l’élargissement de l’éducation prioritaire à une proportion plus importante d’établissements scolaires n’a pas mis fin à la contestation de la carte des réseaux tient à l’organisation de ces derniers à partir des collèges. En effet, si la mise en réseau d’un collège et des écoles qui constituent son secteur de recrutement tend à favoriser la continuité de la prise en charge des élèves entre les différents degrés, cette organisation exclut du dispositif certaines écoles dont les caractéristiques sociales justifieraient un classement en éducation prioritaire, mais dont le collège de rattachement présente une mixité sociale plus importante. Ainsi, la réforme de la carte des réseaux intervenue en 2014-2015 a conduit à ce que des écoles qui faisaient jusqu’alors partie d’un dispositif d’éducation prioritaire cessent d’en bénéficier, sans que leur situation scolaire ou sociale ne se soit améliorée. En 2019, Ariane Azéma et Pierre Mathiot estimaient qu’environ 500 écoles – que l’on qualifie communément d’écoles « orphelines » – se trouvaient dans cette situation.

S’il est possible de considérer que le rattachement à un collège présentant un plus haut niveau de mixité sociale témoigne d’une situation différente de celles que l’éducation prioritaire a vocation à prendre en charge – et qui se caractérisent par la concentration des difficultés –, les différences de traitement qui en résultent entre des écoles aux caractéristiques proches sont souvent mal acceptées. À cet égard, le renforcement des actions en faveur du premier degré – lié notamment au dédoublement des classes – au sein de l’éducation prioritaire, en accentuant ces différences, a conféré une importance accrue à l’appartenance aux réseaux.

À l’aune de la recommandation n° 18 qui propose de ne plus articuler la politique d’éducation prioritaire uniquement autour des collèges mais en prenant en compte la situation des écoles, il paraît opportun d’intégrer aux réseaux d’éducation prioritaire des écoles dites « orphelines » qui s’en trouvent actuellement écartées malgré leurs caractéristiques objectives et leur IPS.

Ainsi, l’organisation, le pilotage et l’évaluation de cette politique pourraient être améliorés.

B.   Le besoin de refondation fondée sur l’évaluation et la programmation à long terme

« Lorsque l’on met en place une politique publique, il est indispensable de penser à son évaluation car c’est très difficile de le faire a posteriori » ([205]). Or, l’évaluation de la politique publique de l’éducation prioritaire n’a pas été prévue lors de son lancement dans les années 1980 et il en fut de même au fil de ses réformes ([206]). Il est difficile de mesurer les effets de cette politique, d’apprécier s’il y a adéquation entre les moyens mis à la disposition des réseaux et l’objectif de réduction des inégalités, pis, d’en évaluer son coût sur les finances de l’État.

Le pilotage de cette politique publique souffre également d’une organisation complexe, comportant trop de strates depuis son pilotage national, académique jusqu’aux réseaux ; il prive les chefs d’établissements de marges d’action permettant de prendre en compte les particularités de leurs établissements.

Enfin, alors même qu’elle devait être provisoire, l’appartenance à un réseau d’éducation prioritaire semble définitivement acquise. Peu d’établissements sortent des réseaux, et leur fonctionnement en serait par ailleurs fragilisé par la perte des moyens qui accompagnent une telle appartenance.

La rapporteure considère que cette situation ne peut durer car elle donne l’impression d’une sorte de fatalité territoriale (« REP un jour, REP toujours ») ou d’une injustice sur le partage des moyens (« Pourquoi pas nous » ?).

1.   L’évaluation et la consultation : des préalables nécessaires à toute réforme

Le parcours chaotique de l’évaluation révèle les difficultés à se saisir de l’ambition originelle de l’éducation prioritaire ; son objectif semble brouillé. Les représentants de l’OZP, auditionnés par les membres de la mission, s’interrogent ainsi : « S’agit-il toujours de mener un combat contre les inégalités sociales ou s’agit-il d’extraire un certain nombre d’élèves des quartiers populaires et de les conduire à la réussite sans considérer la réussite de l’ensemble ? » ([207]).

Ce questionnement est partagé par les membres de la mission qui regrettent que les tableaux de bord mis en place par la Dgesco dans le cadre de la relance de l’éducation prioritaire en 1998, ne soient plus publiés : « Le suivi de l’EP n’est plus assuré depuis 2019 » ([208]). Ces tableaux, renseignés par les réseaux, permettaient de suivre les effets du contrat de réussite. Ils devaient permettre de créer des liens entre les différents acteurs du réseau depuis le ministère jusqu’à l’enseignant et d’apprécier l’efficacité de la politique publique.

Il existe néanmoins quelques outils, épars, qui permettent d’évaluer cette politique, notamment grâce au suivi de cohortes prévu dans le cadre du dédoublement des classes. « Les cohortes permettent d’obtenir des données administratives et d’avoir une vision territoriale tandis que les panels permettent, quant à eux, d’avoir une vision plus fine des relations entre l’école et les familles » ([209]). Consciente des limites que constitue cette absence d’évaluation, la Depp a indiqué aux membres de la mission qu’un nouveau panel était en train d’être mis en place à partir de la petite section pour apprécier les effets de l’éducation prioritaire jusqu’à la fin du secondaire. « Cette étude permettra d’obtenir un descriptif précis des conditions familiales des élèves composant le panel et d’avoir un retour précis sur les résultats des élèves tout au long de leur scolarité. » ([210])

Au-delà de l’évaluation des résultats scolaires, de l’orientation et de l’insertion des élèves de l’éducation prioritaire, des instruments ont été déployés pour mesurer la transmission des valeurs. Ainsi, une étude internationale sur l’éducation civique et la citoyenneté ([211]), organisée par l’organisation internationale indépendante pour l’évaluation scolaire (IEA), devrait se conclure à la fin de l’année 2023. Elle porte sur les compétences dans le cadre de la vie en société et les attitudes en éducation civique autour de valeurs telle que la démocratie. « Cette étude, en lien avec les programmes scolaires, ne couvre pas tout le programme national car elle est conduite avec d’autres pays dont les programmes diffèrent. Elle n’est, par ailleurs, pas centrée sur l’éducation prioritaire. » précise la Depp. Au niveau national, c’est l’étude Cedre ([212]) centrée sur les apprentissages des différentes disciplines, reprenant les travaux d’une enquête de 2005 nommée « Attitude à l’égard de la vie en société » qui devrait permettre d’évaluer la question de l’éducation civique et de la citoyenneté avec une entrée spécifique à l’éducation prioritaire.

Le manque d’évaluation a des effets délétères sur les professionnels. Les auditions conduites par les membres de la mission ont mis en lumière un sentiment de frustration – voire de désespoir – des enseignants qui ne peuvent apprécier l’efficacité de leurs méthodes et peinent à juger le résultat des actions entreprises. « Ils ont le sentiment que chaque changement de politique est le signe de la mauvaise qualité de leurs enseignements. Les méthodes ou les directions qu’ils suivent ne devaient pas être les bonnes puisqu’on en met d’autres en place. C’est un vrai problème. » ([213]) La politique de l’éducation prioritaire doit bénéficier du temps nécessaire à l’évaluation des pratiques des enseignants et de leurs effets sur les résultats des élèves. Le maintien de cette politique et des outils qui l’accompagnent sur la durée permettrait d’améliorer l’information et la formation des acteurs sur le terrain. Le temps a aussi la vertu de permettre la concertation, l’accompagnement de projets, et de favoriser le développement des moyens alloués, qu’il s’agisse du nombre de postes, des temps de formation, de l’allocation des crédits ou des dispositifs d’évaluation. « C’est ce qu’a fait la Suisse pendant quinze ans ! Quels que soient les changements de pilotage national, la politique d’éducation suisse n’a pas changé laissant ainsi aux dispositifs le temps de faire leur preuve. » ([214]) L’éducation prioritaire en France n’a jamais bénéficié d’une telle stabilité : elle a été interrompue, puis réformée au gré des ruptures politiques depuis sa mise en place.

Afin de permettre une évaluation précise de cette politique publique et de laisser aux dispositifs le temps de faire la preuve de leur efficacité, La rapporteure préconise que l’ensemble des dispositifs et des moyens affectés à l’éducation prioritaire soient maintenus pour une durée correspondant au cycle complet de l’éducation obligatoire, soit douze années. Les membres de la mission constatent que des efforts sont faits pour réformer le métier d’enseignant, valoriser la partie pédagogique du métier et les filières professionnelles proposées aux élèves, et considèrent, à l’instar des représentants de l’OCDE, que « ces leviers sont les bons. Ce qui pose problème c’est la méthode employée pour leur mise en œuvre. Les réformes sont trop nombreuses, manquent de cohérence, se superposent, elles sont difficilement évaluables. » ([215])

Recommandation n° 38 : Procéder obligatoirement à l’évaluation de chaque dispositif d’éducation prioritaire avant son éventuelle adaptation ou suppression.

Il convient, en outre, d’associer les différents acteurs aux réflexions qui sont menées sur cette politique publique, au premier rang desquels les chefs d’établissements et les enseignants. Les membres de la mission considèrent qu’il est urgent que cette politique publique soit remise à plat et fasse l’objet d’une évaluation et d’un diagnostic partagés dans le cadre d’assises nationales. « État, collectivités territoriales, académies, chefs d’établissements, enseignements, personnels périscolaires, médecine scolaire, assistant d’éducation pédagogique ou de prévention sécurité, organisations syndicales représentatives des chefs d’établissements, des enseignants, parents d’élèves, élèves, tous doivent être réunis, pour penser l’éducation prioritaire de demain dans le cadre d’assises nationales » ([216]).

Recommandation n° 39 : Organiser des assises nationales de l’éducation prioritaire.

2.   Renforcer le pilotage de la politique de l’éducation prioritaire

Qu’il s’agisse des objectifs qu’elle poursuit et du nombre des acteurs qu’elle implique, la politique publique de l’éducation prioritaire mérite qu’un fondement budgétaire explicite lui soit attribué et que son pilotage permette véritablement de « faire réseau ».

a.   Donner un fondement budgétaire explicite à la politique d’éducation prioritaire

Le coût de l’éducation prioritaire est estimé à 2,3 milliards d’euros en 2021 (il était de 1,6 milliard d’euros en 2017) ([217]). Les moyens mobilisés correspondent notamment au financement des emplois d’enseignants, aux indemnités de sujétion et aux actions de formation. Le coût global de cette action publique est néanmoins difficilement quantifiable car les moyens sont répartis entre différentes missions et programmes : plusieurs programmes de la mission Enseignement scolaire, mission Cohésion des territoires (QPV, cités éducatives), etc. Cette « dispersion » budgétaire n’est pas de nature à permettre l’évaluation précise du coût de cette politique publique ; les membres de la mission regrettant que n’existe aucun document de politique transversale (DPT) spécifique à l’éducation prioritaire.

La nomenclature budgétaire du projet de loi de finances

Aux termes de l’article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), les crédits du budget général « sont regroupés par mission » en fonction de leur destination ; la mission « comprend un ensemble de programmes » eux-mêmes déclinés en actions, selon la finalité de la dépense.

Les missions correspondent aux grandes politiques de l’État, elles sont approuvées par un vote du Parlement. Créées à l’initiative du Gouvernement, elles peuvent être ministérielles ou interministérielles et regroupent un ensemble de programmes concourant à une même politique publique. Le Parlement peut modifier la répartition des crédits entre programmes au sein d’une même mission (1).

Les programmes relèvent d’un seul ministère ; ils définissent le cadre de mise en œuvre des politiques publiques et comportent le montant global et limitatif des crédits. À chaque programme sont associés des objectifs précis ainsi que des résultats attendus. Les programmes sont déclinés en actions indicatives qui précisent la destination des crédits.

Les actions apportent des précisions sur la destination prévue des crédits. À titre d’exemple, le programme Enseignement public du second degré de la mission Enseignement scolaire comprend 13 actions.

(1)    Le projet de loi de finances pour 2023 comptait 33 missions pour le budget général.

À l’instar du président de la mission, la rapporteure souhaite que le financement de cette politique publique soit précisé de sorte qu’il soit aisé d’en évaluer le coût précis pour les finances publiques et qu’elle fasse l’objet d’un véritable débat au Parlement dans le cadre des discussions budgétaires.

Elle propose dès lors que soient envisagées les deux options suivantes :

– la création d’un programme Éducation prioritaire au sein de la mission Enseignement scolaire. Les programmes peuvent être créés par amendement parlementaire lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF). Cette solution présenterait l’avantage d’associer à la conduite de l’éducation prioritaire des objectifs et indicateurs spécifiques permettant d’en évaluer la mise en œuvre. Elle permettrait également aux parlementaires de débattre plus spécifiquement des moyens alloués à cette politique publique, chaque année, à l’occasion de l’examen du PLF et renforcerait son évaluation dans le cadre des projets annuels de performances (PAP), lesquels, pour chaque programme, imposent que soit justifié le montant des crédits demandés au Parlement, et définis les objectifs, les indicateurs et les cibles associées à la politique publique concernée. Enfin, le rapport annuel de performances (RAP), annexé, pour chaque mission, à la loi de règlement, et qui rend compte de la réalisation des objectifs annuels offrirait aux parlementaires une vision complète et précise des moyens mobilisés pour le programme. Cette solution impose toutefois de désigner un responsable de programme ([218]) – qui pourrait être le directeur général de l’enseignement. Dans le respect des dispositions des articles 40 de la Constitution et 47 de la Lolf ([219]), les parlementaires pourraient modifier la répartition des crédits entre les programmes de la mission ;

– créer des actions ou sous-actions spécifiques, ou préciser dans celles existantes les moyens de l’éducation prioritaire au sein des programmes Enseignement public du premier degré et Enseignement public du second degré. Cette solution permettrait de ne pas modifier la nomenclature budgétaire actuelle, mais elle imposerait toutefois d’identifier précisément, au sein de chaque programme de la mission Enseignement scolaire, les autorisations d’engagement et crédits de paiement associés à cette politique publique.

Recommandation n° 40 a : Créer un programme Éducation prioritaire au sein de la mission Enseignement scolaire du budget général de l’État.

Recommandation n° 40 b : Identifier précisément les autorisations d’engagement et les crédits de paiement alloués à l’éducation prioritaire au sein d’actions dans chacun des programmes de la mission Enseignement scolaire du budget général de l’État.

b.   Renforcer le pilotage de l’éducation prioritaire pour « faire réseau »

L’éducation prioritaire est pilotée au niveau national, académique et par le réseau.

Le pilotage national se structure autour de deux instances :

– le comité de pilotage ([220]) dont le rôle est notamment de suivre l’exécution de cette politique – sur la base des orientations du référentiel de l’éducation prioritaire ([221]) – et d’orienter l’action des académies ;

– le comité de suivi ([222]) dont le rôle est de permettre un échange sur la mise en œuvre de la politique entre tous les partenaires institutionnels.

Le pilotage académique est assuré par les directions des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN) auprès desquelles sont nommés des correspondants académiques appartenant, en général, au corps des inspecteurs d’académie‑inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR).

Ce pilotage est également assuré par des inspecteurs d’académie‑directeur académique des services de l’éducation nationale (IA-Dasen). Ils sont accompagnés par des chargés de mission ou des conseillers techniques de l’éducation prioritaire.

Le pilotage du réseau est assuré par les inspecteurs de l’éducation nationale (IEN) et les chefs d’établissements co-pilotes départementaux de l’éducation prioritaire ; le chef d’établissement en relation avec l’IA-IPR référent, avec les coordonnateurs et les formateurs, veillent à la mise en œuvre des orientations nationales et au suivi des projets de réseau. Les réseaux d’éducation prioritaire conçoivent un projet de réseau fondé sur le référentiel de l’éducation prioritaire qui prend en compte l’ensemble des facteurs contribuant à la réussite des élèves et offre un cadre structurant permettant aux personnels d’exercer leur liberté pédagogique en s’appuyant sur des repères précis.

Le référentiel de l’éducation prioritaire

L’ambition du référentiel de l’éducation prioritaire est d’offrir un cadre structurant à l’ensemble des acteurs. Proposé sous forme de principes d’actions pédagogiques et éducatives, il permet aux équipes d’exercer pleinement leur liberté pédagogique en s’appuyant sur des repères solides et fiables formalisés au sein du référentiel de l’éducation prioritaire ([223]).

Ce document évolutif sert de référence pour l’animation et le pilotage local, académique et national.

Il est organisé autour de six priorités :

–  garantir l’acquisition du « lire, écrire, parler » et enseigner plus explicitement les compétences que l’école requiert pour assurer la maîtrise du socle commun ;

– conforter une école bienveillante et exigeante ;

– mettre en place une école qui coopère utilement avec les parents et les partenaires pour la réussite scolaire ;

– favoriser le travail collectif de l’équipe éducative ;

– accueillir, accompagner, soutenir et former les personnels ;

– renforcer le pilotage et l’animation des réseaux.

Les représentants des organisations syndicales auditionnées par la mission ont fait observer que les projets de réseau « n’étaient pas toujours articulés avec les projets d’école, d’établissement, de circonscription ou, lorsqu’ils existent, les projets de territoire » ([224]). La recherche d’une harmonisation dans l’élaboration de ces différents outils permettrait de faciliter le dialogue entre les autorités académiques et les acteurs locaux.

 

 

Afin de véritablement « faire réseau », un ensemble d’actions éducatives et pédagogiques doivent être mises en place de manière durable, coordonnée, complémentaire, cohérente et harmonisée. Le résultat de ces actions doit uniquement bénéficier à la réussite scolaire des élèves grâce à une modification des pratiques de classe et à une organisation adaptée à chaque école ou établissement. En ce sens, les chefs d’établissements, auxquels la rapporteure considère qu’il faut donner le « pouvoir d’agir sur leur réalité », doivent être responsabilisés et bénéficier d’un cadre d’action plus souple. Des objectifs adaptés à la situation particulière de chaque établissement doivent être définis par les pilotes de l’académie dans le cadre d’un dialogue étroit avec chaque responsable d’écoles et d’établissements du réseau.

Recommandation n° 41 : Définir des objectifs de réduction des écarts de performances adaptés à chaque établissement.

À travers les auditions et les déplacements qu’ils ont conduits auprès d’académies aux profils très contrastés, les membres de la mission ont observé une grande diversité du pilotage de l’éducation prioritaire.

« Souvent, les IA-IPR référents de réseau se positionnent davantage comme personnes ressources que comme véritable co-pilotes » ([225]) constate Mme Aurélie Huillery Perrin, IA-IPR. Dans l’académie de Créteil, qui compte 135 réseaux d’éducation prioritaire dont 36 REP + répartis sur trois départements, cette difficulté avait été identifiée, précise-t-elle : « Le pilotage des IA-IPR référents, au niveau académique, est inégalement formalisé et n’est pas toujours considéré comme une priorité » ([226]). Pour uniformiser les pratiques, l’académie a mis en place des lettres de cadrage explicites à l’adresse des IA-IPR référent (voir annexes n° 3 et n° 4). Ce pilotage académique efficace se concrétise par l’élaboration de lettres de mission explicites adressées à chacun des formateurs (voir annexe n° 5). Les missions et objectifs y sont clairement définis et font l’objet d’évaluations régulières.

pilotage des réseaux d’éducation prioritaire au sein de l’académie de créteil

Chef d’établissement (CE) et Formateur éducation prioritaire (FEP)

Source : académie de Créteil

Au-delà de son pilotage, la mise en œuvre d’une politique éducative suppose une préparation adéquate des personnels à l’exercice de leurs fonctions.

3.   Mieux préparer les personnels de l’Éducation nationale aux conditions d’exercice propres à l’éducation prioritaire

L’enjeu de la formation des personnels – en particulier celle des enseignants – soulève la question de la spécificité de l’éducation prioritaire au sein du système d’enseignement. En effet, les dispositions statutaires – notamment les conditions de recrutement, d’affectation et de formation – s’appliquent à l’ensemble des agents d’un même corps. De ce point de vue, loin de constituer une filière distincte, qui serait dotée de personnels issus de corps spécifiques – ce qui est le cas, par exemple, des enseignants des lycées professionnels – l’éducation prioritaire s’inscrit dans le cadre unitaire de l’enseignement qui prévaut jusqu’à la fin du collège. Cette organisation n’a pratiquement jamais été remise en cause par les interlocuteurs de la mission. Seul M. Bernard Ravet, ancien principal de collège, a émis l’hypothèse que les conditions d’exercice sont, dans certains établissements, si particulières qu’une plus grande spécialisation des enseignants – analogue à la différenciation des filières médicales – pourrait être envisagée. À supposer que la diversité des situations scolaires et sociales justifie un tel niveau de différenciation des profils et, le cas échéant, des statuts des enseignants, un système de cet ordre réduirait abusivement la mobilité des personnels et introduirait des différences rigides entre catégories d’établissements.

En revanche, l’existence de conditions d’exercice propres à l’éducation prioritaire n’est pas contestée. Celles-ci se rapportent aussi bien à la pédagogie – par exemple, la pratique du co-enseignement au sein de classes dédoublées – qu’aux moyens consacrés à cette politique, ou encore aux contextes sociaux dans lesquels s’insèrent les établissements. Dès lors, la rapporteure estime que la bonne appréhension de ces spécificités et leur appropriation par les personnels seraient favorisées par une formation spécifique, qui pourrait être dispensée par les Inspé et les écoles académiques de la formation continue. Celle-ci comprendrait notamment une présentation de l’organisation propre à l’éducation prioritaire, en particulier du travail en réseau et des échanges inter-degrés.

Par ailleurs, il serait pertinent que chacun des réseaux répertorie et assure la promotion de toutes les actions menées par les différents acteurs du territoire – notamment des associations – qui interviennent dans le cadre dudit réseau, en les reliant aux priorités définies par le référentiel de l’éducation prioritaire.

Recommandation n° 42 : Dans le cadre de la formation initiale et continue des personnels, renforcer l’information des enseignants sur les conditions particulières d’exercice caractérisant l’éducation prioritaire.

Recommandation n° 43 : Présenter le référentiel de l’éducation prioritaire et les actions mises en œuvre dans chaque réseau aux personnels de l’Éducation nationale qui y exercent, dès leur entrée en fonction.

La rapporteure estime également que l’accompagnement des alternants et des professeurs stagiaires et, plus généralement, des jeunes enseignants, devrait être renforcé, tout particulièrement en éducation prioritaire. En effet, malgré la désignation de deux tuteurs – dont l’un appartient à l’équipe pédagogique de l’Inspé et l’autre, qualifié de « tuteur de terrain », est un professeur expérimenté désigné par le recteur sur proposition des corps d’inspection –, de trop nombreux enseignants peinent à effectuer sereinement la transition du statut d’étudiant à l’exercice de responsabilités auprès des élèves. À cet égard, la rapporteure estime que les compléments de rémunération attachés aux fonctions de tuteur devraient être revalorisés. En outre, compte tenu des conditions particulières d’exercice propres à l’éducation prioritaire, le tutorat devrait y être prolongé, après la fin de l’année de stage, par des actions de mentorat confiées à des enseignants expérimentés, rémunérés à ce titre.

Recommandation n° 44 : Revaloriser financièrement les fonctions des tuteurs des enseignants stagiaires.

Recommandation n° 45 : En éducation prioritaire, instaurer un système de mentorat permettant d’associer un professeur expérimenté à chaque jeune enseignant.

De façon générale, les représentants des rectorats entendus par la mission ont indiqué qu’ils s’efforcent de ne pas affecter d’enseignants stagiaires dans les établissements qui relèvent de l’éducation prioritaire, dans la mesure où ceux-ci présentent des conditions d’exercice plus difficiles. La rapporteure préconise d’encadrer plus strictement l’affectation de stagiaires dans ces établissements, en fixant une règle commune à l’ensemble des académies. Ainsi, cette affectation serait conditionnée à la présence, dans le même établissement, de l’enseignant stagiaire et de son tuteur. Ce dernier pourrait également assurer, à l’issue du stage, les fonctions de mentorat que la rapporteure propose d’instaurer.

Recommandation n° 46 : Conditionner l’affectation d’enseignants stagiaires en éducation prioritaire à la présence de leur tuteur dans le même établissement.

4.   Recentrer l’éducation prioritaire sur les REP + et mettre en place une allocation progressive des moyens

Les membres de la mission en sont convaincus, l’éducation prioritaire ne peut être réduite à une politique de carte et de moyens. Elle doit être une politique globale permettant d’avoir une vision de tous les déterminants de la réussite scolaire ; elle ne doit pas être figée et doit s’appuyer sur un référentiel plus précis que celui qui existe actuellement.

Le présent rapport l’a d’ores et déjà établi, l’éducation prioritaire renforcée parvient à réduire les écarts de réussite et offre aux équipes pédagogiques et aux pilotes académiques les moyens de ce succès (dispositifs prioritaires, personnel supplémentaire, temps de concertation, réduction des effectifs des classes, etc.). À l’issue des travaux de la mission, la rapporteure considère donc que dans le cadre d’une refondation de cette politique publique, les moyens alloués aux REP + doivent être maintenus. Néanmoins, ces réseaux devraient faire l’objet d’une révision triennale afin de prévenir le risque que le système ne se fige et qu’il ne soit plus régulièrement évalué. Nous le savons, les territoires évoluent sous l’effet notamment des conditions de logement et de la politique de la ville, de sorte que chaque réseau doit pouvoir s’adapter à cette réalité sociale en facilitant les entrées comme les sorties.

Recommandation n° 47 : Maintenir les moyens et la structuration actuelle des REP +, tout en prévoyant des évaluations régulières de la répartition de ces réseaux.

Elle considère en revanche que la logique du réseau, sans être remise en cause, doit pouvoir offrir plus de souplesse aux établissements. Aspiration forte des rectorats – notamment exprimée lors des auditions conduites par les membres de la mission avec les académies ultramarines –, une telle solution permettrait d’adapter les dispositifs de l’éducation prioritaire aux spécificités des établissements, et de prendre en compte la diversité des territoires.

Ainsi, elle propose la mise en place d’une allocation progressive des moyens reposant sur un barème dont les indicateurs détermineraient le niveau des moyens alloués. Une telle proposition correspond à la pratique d’autres pays ainsi que l’ont précisé les représentants de l’OCDE lors de leur audition : « La labellisation REP et REP + est atypique par rapport aux autres pays de l’OCDE où l’allocation des moyens est plus progressive et granulaire. Il existe différentes formules, certaines sont très détaillées et comprennent plus de cent critères pris en compte pour l’attribution des moyens. De tels systèmes permettent une appréciation plus fine et plus souple des besoins des écoles et des établissements et évitent d’isoler certains territoires telles que les zones rurales » ([227]). Des pratiques académiques tendent à aller dans ce sens. Ainsi, à Marseille, hors établissements relevant d’un réseau d’éducation prioritaire, le rectorat répartit les moyens aux autres établissements en fonction de leurs caractéristiques sociales ou de réussite selon trois niveaux. La Cour des comptes, dans son rapport de 2018, invitait les autorités académiques à mettre en place une telle allocation progressive des moyens pour les « écoles situées hors réseaux d’éducation prioritaire, mais qui ont des indicateurs sociaux et de réussite scolaire très proches de ceux des écoles classées REP ou REP + » ([228]). Lors de son audition, M. Thierry Tesson ([229]), inspecteur d’académie, chargé de mission pour le programme des cités éducatives, a évoqué la possibilité de recentrer l’éducation prioritaire – définie à l’échelle nationale – sur un « noyau » d’établissements, et de mettre en œuvre, dans le reste du système éducatif, un pilotage local des moyens, confié aux rectorats.

Recommandation n° 48 : Mettre en place une allocation progressive des moyens reposant sur un barème dont les indicateurs détermineraient le niveau des moyens alloués.

La rapporteure considère que la politique de l’éducation prioritaire n’a d’autre fondement que celui de « donner plus à ceux qui ont moins ». Elle souhaite que la mise en place d’une allocation progressive permette d’apporter aux collèges les moyens dont ils ont besoin. De la sorte, certains établissements seraient amenés à sortir du champ de l’éducation prioritaire.

Néanmoins, une telle proposition suppose que soit revue de façon dégressive, pour les établissements qui n’appartiendraient plus aux REP, l’allocation de leurs moyens pendant une période transitoire de trois ans. Celle-ci correspond à la durée du maintien des indemnités spécifiques versées aux personnels exerçant en REP et REP + qui restent en poste dans le même établissement après sa sortie de l’éducation prioritaire ([230]).

Recommandation n° 49 : Veiller à la préservation, pendant une période transitoire de trois ans, des moyens consacrés aux actuels REP.

Au-delà de cette période, compte tenu de l’intérêt que présente le renforcement des liens entre le premier et le second degré, il serait opportun de maintenir le travail en réseau, ainsi que les postes de coordonnateur qui permettent de l’organiser.

Recommandation n° 50 : Dans les actuels REP, maintenir le travail en réseau et les fonctions de coordonnateur après l’expiration de la période transitoire.

Maintenir les REP + d’une part, et mettre en place une allocation progressive de moyens d’autre part, pour tous les établissements qui n’en relèvent pas, impose que soient établis de nouveaux critères afin d’harmoniser cette politique publique sur l’ensemble du territoire. En application de la recommandation n° 39 préconisant la tenue « d’assises nationales de l’éducation prioritaire », la rapporteure ne précisera pas ici quels seraient les indicateurs de référence à retenir pour l’attribution des moyens. Elle souhaite néanmoins redire l’importance de la prise en compte des IPS et des indicateurs sociaux et géographiques. Une telle solution permettrait de sortir du système actuel, trop marginalisant et binaire. Elle offrirait de la perméabilité, de la flexibilité et donnerait des leviers aux chefs d’établissements, leur procurant ainsi une certaine autonomie très attendue et souvent mentionnée lors des auditions et déplacements.

A minima, une réflexion pourrait être menée sur une classification des établissements en plusieurs échelons en réservant l’échelon 1 aux actuels REP+ ; les autres échelons gradués à la lumière des indicateurs (IPS, indicateurs sociaux et géographiques) contribueraient à la mise en place d’allocations progressives de moyens et donneraient aux chefs d’établissement la possibilité de s’approprier tels ou tels dispositifs existants. Cette flexibilité et cette perméabilité entre échelons permettraient d’adapter les moyens aux besoins de chaque établissement.

Recommandation n° 51 : Intégrer l’ensemble des dispositifs existants au nouveau régime d’allocation progressive des moyens.

La rapporteure souhaite souligner que la sortie d’un établissement de l’éducation prioritaire ne signifie pas la fin de la reconnaissance, par les services de l’Éducation nationale, de ses besoins particuliers. D’une part, dans le cadre d’un nouveau régime d’allocation progressive des moyens, les rectorats devront adapter – selon des critères définis à l’échelle nationale – les dotations de chaque établissement à ses caractéristiques scolaires et sociales. D’autre part, les différents dispositifs qui complètent l’éducation prioritaire et participent soit d’une prise en charge des besoins des publics populaires – tels que les cordées de la réussite, vacances apprenantes, etc. –, soit d’un renforcement des moyens des établissements selon des critères sociaux continueront d’être mobilisés par les chefs d’établissement.

À cet égard, la rapporteure considère que les chefs d’établissement, qui disposent d’une connaissance fine de leur structure, de son environnement, de ses points forts et de ses faiblesses, sont les plus à même d’identifier les leviers qu’ils leur semblent utiles de mobiliser.

La mise en place d’un nouveau régime d’allocation progressive des moyens semble incompatible avec le maintien des CLA ([231]). En effet, leur maintien entraînerait la superposition de deux régimes de répartition des ressources qui semblent peu compatibles entre eux ; ils constituent deux réponses différentes au problème des effets de seuil induit par la rigidité de la carte de l’éducation prioritaire. Dans le cas des CLA, il s’agit d’attribuer, selon des critères susceptibles de varier entre les académies, des moyens supplémentaires conditionnés à la mise en œuvre d’un projet par une partie des établissements. À l’inverse, l’allocation progressive de moyens récurrents reposerait sur des critères nationaux, fondés sur des indicateurs géographiques et sociaux, et s’appliquerait à l’ensemble des établissements. Les moyens qui leur sont actuellement consacrés pourraient être mobilisés dans le cadre du nouveau système d’allocation.

Parallèlement à la mise en œuvre d’un tel régime, il convient de lutter contre la concentration des difficultés scolaires et sociales qui caractérise les établissements de l’éducation prioritaire. Ainsi, la rapporteure préconise d’évaluer la délimitation des secteurs de recrutement des écoles et des établissements secondaires  la « carte scolaire »  sur la base d’indicateurs sociaux  en particulier l’IPS  dans le but d’accroître la mixité sociale. De telles mesures – qui relèvent de la compétence des communes ou de leurs groupements pour les écoles, des départements pour les collèges et des régions pour les lycées – constituent le corollaire du renforcement sélectif des moyens auquel procède l’Éducation nationale dans le cadre de l’éducation prioritaire : tandis que cette politique tend à lutter contre les effets de la concentration des difficultés au sein des établissements, la révision de la carte scolaire vise à limiter cette concentration, qui trouve elle-même sa source dans la ségrégation de l’habitat. Les représentants de Départements de France entendus par la mission ont ainsi fait valoir qu’une partie des collectivités territoriales mène une action en faveur de la mixité scolaire et sociale, en jouant sur la délimitation des secteurs de recrutement ([232]).

Recommandation n° 52 : Revoir la carte scolaire à la lumière d’indicateurs sociaux, dans l’objectif de renforcer la mixité scolaire et sociale.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles et de l’éducation s’est réunie le mercredi 12 juillet 2023 pour examiner le rapport d’information présenté par M. Roger Chudeau, président, et Mme Agnès Carel, rapporteure, en conclusion des travaux de la mission d’information chargée de dresser un panorama et un bilan de l’éducation prioritaire.

 

Cette réunion n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit ; elle est accessible sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : https://assnat.fr/cn45aG

 

À l’issue de sa présentation, en application de l’article 145 du Règlement, la commission a autorisé la publication du rapport d’information.

 

    

    

    


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   Liste des recommandations

Guyane et Mayotte

  1. Établir un bilan provisoire de la construction de nouvelles écoles et de l’état d’avancement des travaux engagés depuis 2017 en Guyane et à Mayotte.
  2. En Guyane et à Mayotte, amplifier l’effort de construction d’écoles en veillant à ce que leur répartition sur le territoire soit cohérente avec l’implantation de la population pour favoriser la mise en place de classes dédoublées, notamment à l’école maternelle.

Dédoublement des classes

  1. Maintenir le dédoublement des classes afin de laisser au dispositif le temps de faire ses preuves et continuer à l’évaluer de façon régulière.
  2. Adapter la formation continue des enseignants aux spécificités des classes dédoublées et mettre à leur disposition des outils pédagogiques adaptés au co-enseignement ou à l’enseignement en classe à effectif réduit.
  3. Évaluer spécifiquement le bien-être et la satisfaction des enseignants dans les classes dédoublées.
  4. Permettre aux équipes enseignantes de limiter le dédoublement des classes à l’enseignement de certaines disciplines.
  5. Affecter les moyens humains libérés par la suppression du dédoublement pour certains enseignements de grande section, CP et CE1 au profit des niveaux non dédoublés afin d’y renforcer l’accompagnement individuel des élèves, notamment dans l’acquisition des fondamentaux.
  6. Lancer une consultation nationale sur les rythmes scolaires afin de les rendre plus adaptés et respectueux des besoins de l’enfant, en particulier en éducation prioritaire.
  7. Réorganiser le temps scolaire en consacrant, en priorité, les matinées à l’apprentissage des fondamentaux et les après-midi aux activités culturelles et sportives.
  8. Revoir les emplois du temps en respectant des plages horaires de 45 minutes permettant une vigilance, une attention et une disponibilité accrues de l’élève, à partir du cycle 3.
  9. Favoriser et démultiplier l’offre des vacances apprenantes, notamment dans le cadre du « pacte enseignant ».
  10. Lancer une réflexion sur la durée des vacances scolaires afin de ne pas accentuer les écarts de performances entre secteurs de scolarisation.
  11. Favoriser le co-enseignement en particulier en CE1, pour préparer l’entrée en CE2 et le retour aux classes à effectif complet afin de limiter la dissipation des effets du dédoublement des trois années précédentes.

Actions en faveur des très jeunes enfants

  1. a Ouvrir, en collaboration avec les collectivités territoriales, des classes d’enseignement précoce dans les écoles présentant un faible indice de position sociale pour favoriser la scolarisation dès l’âge de deux ans.

b Étendre le dédoublement des classes aux petites et moyennes sections en REP +.

c Encourager le développement d’établissements d’accueil du jeune enfant à proximité immédiate des écoles maternelles de l’éducation prioritaire.

d Solliciter une évaluation nationale de l’acquisition et de la maîtrise du langage par les enfants de deux à trois ans.

e Solliciter la création d’une mission parlementaire sur les classes d’enseignement précoce. ([233])

  1. Favoriser la scolarisation dès deux ans pour les enfants allophones.
  2. Favoriser la mise en œuvre du dispositif « Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des enfants » dans les établissements qui relèvent de l’éducation prioritaire.
  3. Proposer aux parents d’élèves allophones un accompagnement pour maîtriser la langue française, et encourager la conclusion de conventions entre l’ensemble des acteurs d’un territoire pour garantir une offre suffisante de formation à la langue française.
  4. Mieux prendre en compte la situation des écoles dont les caractéristiques sont différentes de celles de leur collège de rattachement.

Handicap et médecine scolaire

  1. Accroître les moyens consacrés à la scolarisation des élèves en situation de handicap, en priorité dans les écoles et établissements relevant de l’éducation prioritaire, pour répondre aux besoins éducatifs des élèves cumulant les difficultés.
  2. Encourager le recrutement de médecins scolaires en revalorisant leur grille indiciaire.
  3. Augmenter les moyens de la médecine scolaire dans son ensemble, en favorisant d’abord l’éducation prioritaire.
  4. Permettre un pilotage unique et coordonné de la médecine scolaire en renforçant les dispositifs existant dans l’éducation prioritaire.
  5. Affecter un orthophoniste à chaque école et collège de l’éducation prioritaire sous forme de conventionnement ou de recrutement direct par l’Éducation nationale.
  6. Mieux former les enseignants aux enjeux de la prise en charge des troubles des apprentissages et des besoins particuliers de certains élèves.
  7. Mieux former les enseignants aux neurosciences et à la psychologie de l’enfant.

Valorisation des expérimentations

  1. Accompagner les enseignants dans le développement de nouvelles pédagogies intégrant pleinement la réduction des effectifs d’élèves.
  2. Favoriser le développement des compétences non-cognitives des élèves.
  3. Favoriser les enseignements transversaux interdisciplinaires dès le CP.
  4. Donner une plus grande visibilité à la base nationale Innovathèque en diffusant les meilleures pratiques auprès des enseignants et des réseaux.
  5. Appairer des collèges présentant des caractéristiques sociales différentes dans le cadre d’activités culturelles communes.
  6. Au collège, décloisonner les niveaux pour les activités culturelles dans l’éducation prioritaire, sur la base d’un quota d’heures annualisées.

Orientation et insertion professionnelle

  1. Désigner deux professeurs principaux par classe de la seconde à la terminale dans les lycées dont l’indice de position sociale est inférieur à la moyenne.
  2. Désigner deux professeurs principaux par classe de troisième dans les collèges de l’éducation prioritaire renforcée.
  3. Maintenir les relations entre l’enseignement secondaire et supérieur pour l’orientation des élèves.
  4. Mieux associer les services de l’aide sociale à l’enfance à l’accompagnement des jeunes dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, notamment dans le cadre des cités éducatives.
  5. Conduire des évaluations régulières de l’orientation et de l’insertion des jeunes issus de l’éducation prioritaire.

Refondation de l’éducation prioritaire

  1. Tenir compte de l’indice d’éloignement des établissements scolaires dans l’allocation des moyens.
  2. Procéder obligatoirement à l’évaluation de chaque dispositif d’éducation prioritaire avant son éventuelle adaptation ou suppression.
  3. Organiser des assises nationales de l’éducation prioritaire.
  4. a Créer un programme Éducation prioritaire au sein de la mission Enseignement scolaire du budget général de l’État.

b Identifier précisément les autorisations d’engagement et les crédits de paiement alloués à l’éducation prioritaire au sein d’actions dans chacun des programmes de la mission Enseignement scolaire du budget général de l’État. ([234])

  1. Définir des objectifs de réduction des écarts de performances adaptés à chaque établissement.
  2. Dans le cadre de la formation initiale et continue des personnels, renforcer l’information des enseignants sur les conditions particulières d’exercice caractérisant l’éducation prioritaire.
  3. Présenter le référentiel de l’éducation prioritaire et les actions mises en œuvre dans chaque réseau aux personnels de l’Éducation nationale qui y exercent, dès leur entrée en fonction.
  4. Revaloriser financièrement les fonctions des tuteurs des enseignants stagiaires.
  5. En éducation prioritaire, instaurer un système de mentorat permettant d’associer un professeur expérimenté à chaque jeune enseignant.
  6. Conditionner l’affectation d’enseignants stagiaires en éducation prioritaire à la présence de leur tuteur dans le même établissement.
  7. Maintenir les moyens et la structuration actuelle des REP +, tout en prévoyant des évaluations régulières de la répartition de ces réseaux.
  8. Mettre en place une allocation progressive des moyens reposant sur un barème dont les indicateurs détermineraient le niveau des moyens alloués.
  9. Veiller à la préservation, pendant une période transitoire de trois ans, des moyens consacrés aux actuels REP.
  10. Dans les actuels REP, maintenir le travail en réseau et les fonctions de coordonnateur après l’expiration de la période transitoire.
  11. Intégrer l’ensemble des dispositifs existants au nouveau régime d’allocation progressive des moyens.
  12. Revoir la carte scolaire à la lumière d’indicateurs sociaux, dans l’objectif de renforcer la mixité scolaire et sociale.

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   CONTRIBUTIONS

 


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Contribution du groupe Rassemblement national

 

 

1)    Nécessité d’une politique publique d’éducation prioritaire

 

Pour le groupe Rassemblement national, il ne fait aucun doute que la politique publique de l’éducation prioritaire est d’intérêt général.

 

L’« archipellisation » (Jérôme Fourquet) du territoire, l’apparition de « territoires perdus de la République » (Emmanuel Brenner), voire de « territoires conquis de l’islamisme » (Bernard Rougier) placent même cette politique sous le régime de l’urgence et de la priorité absolue.

 

On observe, depuis des décennies, une concentration accrue des défis éducatifs dans les « quartiers » où sont concentrées des populations en grande difficultés sociales et économiques. Les familles sont fréquemment allophones ou disposent d’une faible maîtrise de la langue française, elles sont en outre parfois très éloignées de la culture, des mœurs et du mode vie français. Elles sont naturellement soumises aux pressions constantes d’un islamisme radical conquérant. Enfin, elles sont souvent prises dans les rets de la tyrannie de gangs hyper violents.

 

Pour l’école de République, qui a depuis ses origines une ambition émancipatrice et un projet assimilationniste (assimilation prise au sens large et concernant évidement tous les enfants confiés à l’école), les défis et les responsabilités sont immenses. Dans les REP +, l’action éducatrice de l’État trouve tout son sens en matière de transmission, de défense et d’illustration des idéaux républicains auprès de populations travaillées par des tentatives ou des tentations communautaristes, voire séparatistes.

 

L’enjeu de l’action éducatrice de l’État dans les REP + n’est autre que l’assimilation à la République et à la nation française des enfants qui sont confiés aux écoles et collèges publics de ces secteurs. Cette assimilation passe par une maîtrise réelle et solide des fondamentaux sans lesquels il n’est pas d’éducation ni d’apprentissages possibles, par l’acquisition des repères historiques constitutifs de la nation et de la communauté française (nous faisons ici référence à l’article 21-24 du code civil ‑ modifié par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité ‑ qui énumère les traits qui déterminent « l’assimilation à la communauté française ») et par l’acquisition et l’adoption des valeurs, des codes, des principes et des modes de vie qui caractérisent la République française.

 

2)    La situation actuelle des REP présente de nombreux défauts systémiques qui en obèrent l’efficacité

 

Il existe actuellement 1 092 Réseaux d’éducation prioritaires, où l’on distingue les REP (730 collèges et 4174 écoles) et les REP + (362 collèges, 2 462 écoles). Plus de 21 % des élèves de notre pays relèvent désormais de l’éducation prioritaire.

 

Cette inflation résulte de l’accumulation des réformes dont l’éducation prioritaire a fait l’objet depuis sa création en 1981. Il a été souligné, lors des auditions de la mission, que la politique d’éducation prioritaire n’avait jamais été évaluée globalement par le Ministère de l’Éducation nationale.

 

Selon un travers bien connu de nos administrations, lorsque le portage politique est défaillant, on a assisté à un empilement des dispositifs et à une inflation des moyens, sans renouvellement de la doctrine et sans stratégie explicite.

 

L’élargissement du périmètre de la politique d’éducation prioritaire ne peut évidemment se faire qu’au détriment de la concentration des moyens sur les lieux les plus fragiles et les plus exposés. Trop de priorités tuent la priorité !

 

Cet éparpillement se complexifie encore en raison de la cartographie officielle des REP. Cette cartographie, élaborée lors de la réforme Vallaud-Belkacem des REP de 2014, repose essentiellement sur les indicateurs sociologiques des collèges, « têtes de file » des réseaux. Or l’on note qu’en raison d’évolutions démographiques ou de nouveaux découpages de la carte scolaire, un nombre significatif (mais non chiffré par le MEN) d’écoles sont dites « orphelines ». C’est-à-dire que bien que présentant aujourd’hui un taux d’IPS très bas, elles ne sont pas rattachées à un réseau et ne disposent donc pas des moyens afférents à celui-ci. Il s’ensuit une rupture d’égalité et – pour les acteurs de terrain -un fort sentiment d’injustice. Mais il s’ensuit surtout que des élèves qui en auraient fort besoin sont dépourvus d’aide dédiée. Cette cartographie devait être rénovée en 2019 mais ne l’a pas été (!?). Depuis le rapport Mathiot-Azema de 2019 intitulé « Territoires et réussite », la pertinence d’une cartographie des REP est même ouvertement questionnée.

 

Un autre défaut systémique réside dans la structure même des réseaux d’éducation prioritaire. Ceux-ci réunissent par construction un collège et « ses » écoles de secteur. Or ni l’organisation horaire, ni les obligations de service des personnels enseignants, ni le mode pilotage des projets, ni le régime indemnitaire des personnels ne sont identiques entre collège et l’école primaire. Les difficultés de pilotage que cela produit sont innombrables et ont été abondamment décrites aux parlementaires en mission dans les académies.

Enfin, l’articulation, la coordination, le pilotage des objectifs et moyens de la politique d’éducation prioritaire avec les autres politiques publiques dédiés aux quartiers prioritaires de la ville fait apparaître de nombreux défauts liés à l’organisation en « silos » de ces politiques. Préfet délégué, Conseil général (ASE), CCAS, DASEN sont autant d’autorités et de sources de moyens qui ne coopèrent qu’occasionnellement et très localement, loin de toute stratégie éducative territoriale intégrée, pourtant absolument indispensable en l’état actuel de la situation.

 

 

3)    Les lacunes observées dans la mise en œuvre des objectifs généraux du système éducatif par les REP signent la faillite d’un modèle dépassé 

 

L’affirmation, sans cesse reprise depuis Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, de la priorité absolue à accorder à la maitrise du « lire-écrire-compter », aujourd’hui rebaptisé « fondamentaux », n’a eu aucun effet sur le niveau, ni sur les performances scolaires des élèves de REP en particulier.

 

On observe certes un « frémissement » dans ce domaine en raison du dédoublement des classes de la GS au CE1 – mesure très positive – mais ces progrès restent ténus et surtout très fragiles lorsque les dédoublements cessent en CM.

 

La vérité oblige à dire que nombre d’élèves n’ont depuis la maternelle qu’une approche balbutiante du français et que les trésors de savoir-faire et de dévouement des maîtres font penser à un travail de Sisyphe. Les horaires dédiés à l’apprentissage de la lecture sont clairement insuffisants. Les élèves en grandes difficultés ne sont pas pris en charge par suffisamment de professionnels (RASED, orthophonistes, Psyen). Les dédoublements devraient intervenir dès la petite section de maternelle et ne concerner que les apprentissages fondamentaux, ce qui n’est pas autorisé.

 

Le collège de REP accueille donc encore plus de 60 % d’élèves ne maîtrisant pas la lecture fluide à l’entrée en 6ème. Il ne propose du reste (car cela n’est pas autorisé non plus) aucune structure dédiée à ces élèves qui seront nécessairement « perdus » après quelques mois de secondaire…

 

S’agissant de la transmission explicite des valeurs de la République, première priorité de l’action éducatrice de l’État aux termes du Code de l’Éducation, il n’en a pratiquement jamais été question dans nos échanges avec les acteurs institutionnels et les acteurs de terrain. Ce silence peut être regardé comme une authentique forfaiture au sens littéral. Tout se passe comme si, du décideur politique ministériel à l’opérateur, cette question était de nature trop « polémique » pour être abordé et traité. C’est là méconnaitre les fondements même de l’ambition éducative de la République depuis les origines : former des citoyens français.

 

 

Changer de paradigme :

 

1)     Le groupe Rassemblement national considère qu’il faut à l’éducation prioritaire un véritable pilotage politique national. Pour ce faire il lui faut un programme dédié dans la LOLF, doté de moyens conséquents dans un programme annuel de performance.

 

2)     Une nouvelle cartographie s’impose : resserrée sur les seuls réseaux REP +, elle permettra une forte concentration des moyens, un suivi des projets, une articulation « organique » avec les différents volets de la politique de la Ville.

 

3)     Un plan d’urgence pour l’acquisition « à marche forcée » des fondamentaux semble indispensable si l’on ne veut pas laisser perdurer indéfiniment la fracture scolaire et culturelle actuelle. Ce plan permettra de déroger aux réglementations contraignantes relatives aux ORS des professeurs, à l’intervention de professionnels dans les écoles, aux programmes et horaires scolaires, aux structures des cursus, etc.

 

4)     La politique d’assimilation républicaine sera fléchée comme une priorité et fera l’objet d’un suivi et d’une évaluation spécifiques.

 

Ces mesures feront l’objet de PPL durant cette législature en attendant leur mise en œuvre effective à partir de 2027.


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Contribution de M. Léo Walter (groupe LFI-NUPES)

 

 

  1. La mission d’information a pu auditionner de très nombreux acteurs de l’éducation prioritaire, depuis les enseignants du premier et du second degré jusqu’aux responsables du pilotage ministériel. Le rapport de Madame Carel rend exhaustivement compte de ces auditions et de ces visites et fait 52 recommandations, sur lesquelles je reviendrai.

 

  1. La nécessité d’une prise en compte des besoins d’éducation prioritaire est plus que jamais d’actualité, dans un pays où la paupérisation des Français les plus défavorisés est une réalité ; et où le système éducatif est régulièrement pointé par les instances internationales et les études sociologiques comme renforçant les inégalités. « Donner plus à ceux qui ont moins » doit rester la boussole de cette politique essentielle à l’égalité républicaine. Il serait donc inconcevable que le présent rapport débouche sur la suppression du label REP, tout aussi indispensable que le label REP+.

 

  1. Les observations du Président de la mission lors de la présentation du rapport sont absolument scandaleuses. Il a reproché au rapport (et donc aux personnes auditionnées) de ne pas avoir validé ses obsessions identitaires. La réalité du terrain va manifestement à l’encontre de celles-ci, ce qui est de mon point de vue une excellente nouvelle. Contrairement à ce qu’il a affirmé, l’école française, en éducation prioritaire ou non, est profondément républicaine : nous devons avoir pour unique but de lui permettre de le rester.

 

  1. Les auditions des acteurs de terrain (enseignants, chefs d’établissement…) en REP+, en particulier dans les quartiers nord de Marseille, ont souligné que les moyens supplémentaires alloués au moment de la reclassification des ZEP pour ces établissements prioritaires ont porté leurs fruits :

 

 

  1. Cela souligne d’autant plus les difficultés des REP, voire des établissements exclus des réseaux, et pose plusieurs questions d’importance :

 

 

  1. Il y a une nécessité absolue à organiser l’ensemble des acteurs éducatifs d’un secteur en éducation prioritaire (établissements scolaires certes, avec toutes leurs composantes : chefs d’établissements, CPE, service médico-social, directeurs et enseignants du premier degré ; éducateurs et animateurs ; centres sociaux ; services sociaux ; associations…) autour des élèves et en fonction des tranches d’âge (école / collège / lycée). L’enfant, le jeune doit être replacé au centre d’un « écosystème » associant les professionnels prenant en charge les différents aspects de sa vie scolaire et hors scolarité, pour assurer un suivi optimal et une collaboration effective pour ces populations qui en ont le plus besoin. Les « Cités éducatives » ne répondent pas actuellement, de mon point de vue, à cet objectif.

 

  1. La diminution voire la disparition du secteur médico-social et des RASED dans de nombreux établissements a été pointée comme un facteur aggravant d’inégalités sociales et de difficultés scolaires. Plusieurs collèges mais aussi écoles ont aussi fait état de projets (non encore effectifs) visant à « faire rentrer » le médico-social dans les établissements (locaux prévus pour accueillir des médecins, orthophonistes, etc.). Le nombre d’heures d’« AESH » non assurées est aussi pointé comme une difficulté persistante dans des classes où les élèves ayant besoin d’un accompagnement personnalisé est parfois important – et la question du statut des AESH, et donc de l’attractivité de ce métier essentiel pour une école véritablement inclusive, se pose avec d’autant plus d’acuité en REP.

 

  1. Enfin, la perception de l'enseignement public dans ces zones reste souvent négative, entraînant ainsi une fuite des familles pouvant se le permettre vers le secteur privé, perçu comme plus sécurisé et offrant des conditions d'apprentissage plus favorables. Cette situation renforce les inégalités déjà importantes entre les élèves dans les périmètres d’éducation prioritaire. Ce phénomène accentue les écarts entre les établissements et menace le droit à l’éducation pour tous. Il y a donc nécessité à mettre en place une nouvelle carte scolaire intégrant l’enseignement privé pour mettre fin à la ségrégation scolaire.

 

  1. Les recommandations du rapport font pour moi l’objet d’observations contrastées :

 

 

  1. En guise de conclusion, une liste non exhaustive de préconisations :

 

 

    


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   ANNEXES


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ANNEXE n° 1 :
Reformulation d’un bilan de fin de cycle du livret scolaire unique par l’équipe pédagogique d’un collège de l’éducation prioritaire – académie de Clermont-Ferrand

 

 

 


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ANNEXE N° 2 :
Note de présentation du dispositif Paideia


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ANNEXE n° 3 :
Lettre de cadrage des missions de l’IA-IPR référent en REP+ – académie de Créteil


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annexe N° 4 :
Lettre de cadrage de la mission des « formateurs éducation prioritaire » – académie de Créteil

 

 

 


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ANNEXE n° 5 :
Lettre de mission à l’attention des « formateurs éducation prioritaire » – académie de Créteil

 


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ANNEXE N° 6 :
Liste des personnes entendues par la mission

       Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse – direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco)  M. Édouard Geffray, directeur général, M. Christophe Gehin, chef du service du budget et des politiques territoriales, et Mme Bérénice Hartmann, directrice de cabinet

       Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse – direction générale des ressources humaines (DGRH)  MM. Vincent Soetemont, directeur général, et Marc Estournet, adjoint au directeur général, chef du service des personnels enseignants de l’enseignement scolaire

       Observatoire des zones prioritaires (OZP) – M. Marc Douaire, président, Mme Anne Armand, inspectrice générale de l’Éducation nationale (Igen) honoraire, M. Marc Bablet, inspecteur d’académie-inspecteur pédagogique régional honoraire, Mme Viviane Bouysse, Igen honoraire, MM. François-Régis Guillaume, administrateur civil honoraire, et Alexis Lebert, délégué du préfet de Seine-Saint-Denis

       Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse  direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) – Mme Fabienne Rosenwald, directrice, MM. Jean-Michel Quenet, adjoint à la directrice, chef de service, Philippe Wuillamier, sous-directeur des évaluations et de la performance scolaire, et Thierry Rocher, adjoint au sous-directeur des évaluations et de la performance scolaire

       Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse  Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igésr) – Mmes Anne Szymczak, membre du comité de direction, en charge de la mission enseignement primaire, Nadette Fauvin, membre du collège expertise administrative et éducative, et Caroline Moreau-Fauvarque, membre de la mission enseignement primaire

       M. Jean-Yves Rochex, professeur émérite de sciences de l’éducation à l’université de Paris VIII Saint-Denis

       Mme Ariane Azéma, inspectrice générale de l’éducation, du sport et de la recherche, co-rapporteure de la mission « territoires et réussite »

       Secrétariat général de l’enseignement catholique (SGEC), Mme Nathalie Tretiakow, adjointe du secrétaire général *, en charge du pôle éducatif, MM. Yann Diraison, adjoint du secrétaire général, en charge du pôle ressources, Jean-François Chauvin, chef d’établissement (St Benoît Maupertuis au Mans), et Mme Cécile Christensen, conseillère aux affaires politiques et institutionnelles

       Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse  délégation aux relations européennes et internationales et à la coopération (Dreic) –Mme Nathalie Nikitenko, cheffe de service

       Table-ronde réunissant des observateurs et analystes des politiques éducatives :

 M. Jean-Pierre Obin, inspecteur général honoraire ;

 M. Bernard Ravet, ancien chef d’établissement et auteur ;

 M. Thierry Tesson, chargé de mission auprès du directeur général de l’enseignement scolaire.

       Académie de la Guyane  Mme Corinne Melon Cleante, inspectrice d’académie, directrice académique adjointe des services de l’Éducation nationale, M. Yannick Patient, chargé de mission réussite éducative, Mme Corinne Galle, adjointe au directeur académique des services de l’éducation national, M. Vincent Martin, proviseur du lycée professionnel Jean-Marie Michotte à Cayenne, et Mme Patricia Leveille, principale du collège la Canopée à Matoury

       Académie de la Guadeloupe  Mme Christine Gangloff-Ziegler, rectrice, M. Harry Christophe, vice-recteur, Mme Nicole Dupuy, directrice de cabinet, M. Gérard Jock, directeur académique adjoint des services de l’éducation nationale, Mme Gaëlle Combe, inspectrice d’académie, inspectrice pédagogique régionale d’espagnol, M. Rony Roman, inspecteur de l’éducation nationale  circonscription du 1er degré, M. Pascal Milne, coordonnateur éducation prioritaire, M. Axel Bernard, enseignant de mathématiques au collège Bois Rada, M. Jimmy Eraville, conseiller principal d’éducation au collège Nestor de Kermadec, et Mme Kristine Desplan, conseillère principale d’éducation au collège Front de Mer

       Audition commune :

 Académie de Mayotte  M. Jacques Mikulovic, recteur ;

– Académie de La Réunion  Mme Chantal Manès-Bonnisseau, rectrice, M. Erwan Polard, secrétaire général de région académique, M. Michel Houdu, inspecteur d’académie, directeur académique adjoint des services de l’éducation nationale écoles et collèges, et M. Éric Laffargue, inspecteur d’académie, inspecteur pédagogique régional en charge du dossier de l’éducation prioritaire.

       Fonds Éric Teyssonniere Paideia  MM. Éric Teyssonnière, président-fondateur, Didier Breton, vice-président, et Hakim Hallouch, directeur

       M. Éric Charbonnier et Mme Diana Toledo, analystes éducation à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

       Table-ronde :

– M. Didier Roux, président de la fondation La main à la pâte ;

– M. Marc-André Selosse, président de BioGée, la Fédération des sciences et technologies du vivant, des sciences de la terre et de l’environnement.

       Table-ronde réunissant des représentants syndicaux :

 Syndicat national unitaire des instituteurs, des professeurs, des écoles et des professeurs d’enseignement général de collège  FSU (SNUippFSU) Mme Cécile Stassi, MM. Pierre Caminade et Jonathan Welschinger, secrétaires nationaux ;

– Syndicat des enseignants de l’Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA) – MM. Adrien Misson, délégué national, et Yannick Kiervel, conseiller national ;

Syndicat général de l’Éducation nationale – Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT)  M. Dominique Bruneau, secrétaire fédéral ;

– Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC) – MM. Sébastien Vieille, secrétaire national, et Roland Hesse, membre.

       Union nationale des associations autonomes de parents d’élèves (UNAAPE)  M. Patrick Salaün, président, et Mme Caroline Bonin, secrétaire administrative

       Départements de France  M. Philippe Meyer, conseiller d’Alsace, vice-président délégué en charge de la commission à la réussite éducative et au bilinguisme, Mme Marion Nahant, conseillère « éducation, jeunesse, sports, culture et patrimoine », et M. Brice Lacourieux, conseiller « relations avec le Parlement »

       M. Mathias Ott, préfet délégué à l’égalité des chances auprès de la préfète du Val-de-Marne

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale


([1]) Alain Savary fut ministre de l’Éducation nationale de 1981 à 1984 sous la présidence de François Mitterrand.

([2]) Deuxième alinéa de l’article L. 111-1 du code de l’éducation : « Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l'école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. Le service public de l'éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l'égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité. Par son organisation et ses méthodes, comme par la formation des maîtres qui y enseignent, il favorise la coopération entre les élèves. »

([3]) Aux termes de l’article D. 122-1 du même code, ce socle comprend cinq domaines de formation : « les langages pour penser et communiquer » ; « les méthodes et outils pour apprendre » ; « la formation de la personne et du citoyen » ;  « les systèmes naturels et les systèmes techniques » ; « les représentations du monde et de l’activité humaine ». La circulaire n° 2006-058 du 30 mars 2006 relative aux principes et modalités de la politique de l’éducation prioritaire disposait déjà que tous les élèves « doivent acquérir les connaissances et les compétences du socle commun par le développement d’un environnement de réussite, en atténuant notamment la rupture entre l’école et le collège ». La notion de socle commun est issue de la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école (dite « loi Fillon »).

([4]) Le programme 147 Politique de la ville de la mission Cohésion des territoires comprend aussi un indicateur portant sur les chances de réussite scolaire des élèves scolarisés dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (indicateur 2.1). Son champ d’application se limite aux établissements classés REP + situés dans un quartier prioritaire ou inclus dans le périmètre d’une cité éducative.

([5]) Indicateur 1.1 du programme 140.

([6]) Indicateur 1.1 du programme 141.

([7]) Indicateur 1.2 du programme 141.

([8]) En l’absence de moyens spécifiques, la masse salariale par élève serait inférieure à la moyenne dans les établissements qui relèvent de l’éducation prioritaire, du fait de la moindre ancienneté des personnels.

([9]) Audition de M. Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO), le 16 novembre 2022.

([10]) Circulaire n° 81-238 du 1er juillet 1981.

([11]) Jean-Yves Rochex, « L’éducation prioritaire en France… et ailleurs : éléments d’analyse pour une histoire qui reste à faire », Administration & Éducation, vol. 164, n° 4, 2019, p. 11-16 et audition de M. Jean-Yves Rochex, le 10 janvier 2023.

([12]) Dominique Paty, 12 collèges en France : le fonctionnement réel des collèges publics, La Documentation française, 1997, p. 245, cité dans Lydie Heurdier, « Regards historiques sur 40 ans de politique d’éducation prioritaire en France (1981-2021) », Histoire de l’éducation, n° 159, mai 2023, pp. 9-43.

([13]) Audition de M. Jean-Yves Rochex, le 10 janvier 2023.

([14]) Voir Conseil d’État, Sur le principe d’égalité, rapport public, 1996.

([15]) Jean-Yves Rochex, « L’éducation prioritaire en France… et ailleurs : éléments d’analyse pour une histoire qui reste à faire », op. cit.

([16]) Circulaire n° 81-536 du 28 décembre 1981.

([17]) Audition de Mme Ariane Azéma, inspectrice générale de l’éducation, du sport et de la recherche, le 11 janvier 2023.

([18]) Celles-ci sont abordées plus précisément dans la troisième partie du présent rapport.

([19]) Depp, « L’éducation prioritaire, état des lieux », Note d’information n° 18.02, février 2018 ; Ariane Azéma et Pierre Mathiot, rapport de la mission « Territoires et réussite », novembre 2019, p. 16.

([20]) Les classes préprofessionnelles de niveau (CPPN) et les classes préparatoires à l’apprentissage (CPA), supprimées en 1991, ont accueilli à partir de 1972 des élèves de 4ème et de 3ème au sein des nouveaux collèges uniques. Elles avaient vocation à préparer les élèves aux formations professionnelles, dans l’esprit des anciens collèges d’enseignement technique (CET).

([21]) Lors de son audition, M. Jean-Yves Rochex a notamment rappelé que le département de la Nièvre comptait, en 1981-1982, plus de zones d’éducation prioritaire que la Seine-Saint-Denis.

([22]) Sur la base des orientations définies par la circulaire n° 97-233 du 31 octobre 1997 et des résultats des assises nationales de l’éducation prioritaire organisées en 1998 à Rouen.

([23]) Circulaire n° 2006-058 du 30 mars 2006.

([24]) Ces primes sont décrites plus précisément ci-après.

([25]) CE, 12 avril 2022, n° 452547, Fédération Sud Éducation.

([26]) Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

([27]) Anne Armand et Béatrice Gille (dir.), La contribution de l’éducation prioritaire à l’égalité des chances des élèves, octobre 2006, p. 12.

([28]) Ibid.

([29]) Référentiel de l’éducation prioritaire, voir encadré infra.

([30]) Les modalités de pilotage de l’éducation prioritaire sont décrites dans la troisième partie.

([31]) Igen et Igaen, Les déterminants de la réussite scolaire en zone d’éducation prioritaire, 1997.

([32]) Voir circulaire n° 98-145 du 10 juillet 1998.

([33]) Cour des comptes, L’éducation prioritaire, 2018. Voir également supra.

([34]) Ibid. p. 23 et sqt.

([35]) Audition des recteurs et de représentants des académies de la Guadeloupe et de la Guyane, le 7 février 2023, ainsi que des académies de Mayotte et de La Réunion, le 8 février 2023.

([36]) Audition de représentants de l’Observatoire des zones prioritaires, le 13 décembre 2022.

([37]) Audition de représentants d’organisations syndicales représentatives de l’Éducation nationale, le 16 mai 2023.

([38]) Audition de Mme Ariane Azéma, le 11 janvier 2023.

([39]) Un Comité national de suivi et d’orientation des cités éducatives a été institué en 2019, et placé sous la présidence de Mme Sylvie Charrière, alors députée de Seine-Saint-Denis.

([40]) Agence nationale de la cohésion des territoires, Vade-mecum « Les cités éducatives », octobre 2020.

([41]) Cour des comptes, L’éducation prioritaire, 2018, pp. 31-32.

([42]) Ibid.

([43]) Circulaire n° 2017-090 du 3 mai 2017.

([44]) Article 3-1 du décret n° 2008-775 du 30 juillet 2008 relatif aux obligations de service des personnels enseignants du premier degré, dans la rédaction issue de l’article 1er du décret n° 2014-942 du 20 août 2014.

([45]) Audition de M. Vincent Soetemont, directeur général des ressources humaines (DGRH) du ministère de l’Éducation nationale, le 30 novembre 2022.

([46]) Voir introduction supra et projet annuel de performances de la mission Enseignement scolaire, projet de loi de finances pour 2023.

([47]) Audition de M. Vincent Soetemont, directeur général des ressources humaines (DGRH) du ministère de l’Éducation nationale, le 30 novembre 2022.

([48]) Cette évaluation se déroule tous les trois ans, avec une interruption en 2021 en raison de la pandémie de la covid-19. La publication des résultats Pisa 2022 interviendra en décembre 2023. La dernière enquête date de 2018.

([49]) La littératie se définit comme l’aptitude à lire, à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie quotidienne.

([50]) Depp, Repères et références statistiques, Enseignements, Formation, Recherche, 2022, p. 70.

([51]) Projet annuel de performances 2023 de la mission Enseignement scolaire.

([52]) Effectifs plafonnés à 24 élèves, hors éducation prioritaire, à compter de la rentrée 2023 sur l’ensemble du territoire.

([53]) La Depp a établi que 90 % des collèges en REP + scolarisent plus de 60 % d’élèves d’origine défavorisée ; 73 % des élèves de collèges REP + sont enfants d’ouvriers ou d’inactifs. Depp, L’éducation prioritaire, p.19.

([54]) Réponse du ministre Jean-Michel Blanquer à la députée Valérie Rabault, question n° 22575, JORF, 10 mars 2020.

([55]) L’enseignement pré-élémentaire était doté de 5 852,30 millions d’euros en loi de finances pour 2022, porté à 6 203,47 millions d’euros en loi de finances pour 2023. L’enseignement élémentaire disposait de 11 892 millions d’euros en 2022 contre 12 608 millions d’euros en 2023.

([56]) Avis n° 374, tome III (XVIe législature) sur les crédits de la mission Enseignement scolaire de MM. Philippe Fait et Christophe Marion, députés, projet de loi de finances pour 2023, , p. 15.

([57]) L’organisation de l’enseignement est fortement déconcentrée. La circonscription académique est le lieu reconnu de la mise en œuvre de l’accompagnement nécessaire de toute instruction émanant du ministère et de ses services centraux ou déconcentrés. Les circonscriptions académiques sont définies à la section I du chapitre II du titre II du livre II de la partie réglementaire du code de l’éducation (articles R. 222-1 à R. 222–12).

([58]) Ministère de l’Éducation nationale, Faciliter le passage en classe à 12 pour les enseignants et maximiser la valeur de ce dispositif pour les élèves.

([59]) Table ronde réunissant Mme Corinne Melon Cleante, inspectrice d’académie, M. Yannick Patient, chargé de mission Réussite Éducative, Mme Corinne Galle, IA-Dasen, M. Vincent Martin, proviseur, et Mme Patricia Leveillé, principale, de l’académie de la Guyane, le 7 février 2023.

([60]) La collectivité territoriale de Guyane exerce à la fois les compétences du département et celles de la région.

([61]) Insee, « Près de 120 000 élèves attendus dans les premier et second degrés d’ici 2030 », Insee Analyses Guyane, n° 13, janvier 2016. Le nombre d’enfants scolarisés dans le cycle 1 – qui correspond aux deux premières années d’école maternelle – est passé de 15 397 à 18 513 entre 2018 et 2022.

([62]) Montant versé par tranches annuelles de 15 millions d’euros, auxquels s’ajoutent près de 9 millions d’euros versés dans le cadre du plan de relance consacré à la rénovation thermique des bâtiments scolaires.

([63]) Préfecture de la région Guyane, « Bilan du Plan d’urgence pour la Guyane : Volet santé et éducation », 25 octobre 2022.

([64]) Audition de M. Jacques Mikulovic, recteur de l’académie de Mayotte, le 8 février 2023.

([65]) Table ronde organisée le 7 février 2023.

([66]) Recteur, Dasen, inspecteurs d’académie – inspecteurs pédagogiques régionaux, inspecteurs de l’Éducation nationale, chefs d’établissement.

([67]) Plus d’une trentaine de langues et dialectes sont parlés sur le territoire et, sous l’effet des mouvements migratoires, la proportion d’élèves allophones s’est accrue. Les modalités particulières de prise en charge des EANA – qui bénéficient du droit à l’éducation et à la scolarisation au même titre que les autres enfants soumis à l’instruction obligatoire – sont précisées par la circulaire n° 2012-141 du 2 octobre 2012.

([68]) Rapport n° 1331 sur l’évaluation de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, Mme Géraldine Bannier et M. Jérôme Legavre, députés, 2023, p. 37.

([69]) Mme Fabienne Rosenwald, directrice de la Depp. Propos recueillis lors de l’audition de représentants de la Depp par la mission d’information le mercredi 14 décembre 2022.

([70]) Depp, Dispositif d’observation et d’évaluation « CP dédoublés » : premiers résultats, janvier 2019.

([71]) Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, pour une école de la confiance :  « Dédoublement des classes de CP en éducation prioritaire renforcée : première évaluation ». Cette étude a été réalisée sur la base d’une évaluation de 15 000 de CP répartis dans 408 écoles.

([72]) Les réalisations 2022 affichent une baisse par rapport à l’année 2021 de - 6,3 points en REP et de -5,9 points en REP +.

([73]) Évaluation repères 2022 début de CP, note d’information  23.01 de la Depp, janvier 2023.

([74]) Étude Depp, Évaluation de l’impact de la réduction de la taille des classes de CP et de CE1 en REP+ sur les résultats des élèves et les pratiques des enseignants, septembre 2021.

([75]) Propos recueillis lors de l’audition de la Depp, cit.

([76]) Depp, Évaluation 2023, point d’étape CP, premiers résultats, mars 2023, p. 35.

([77]) Ce sentiment d’efficacité vaut pour trois dimensions : « Réussite de tous », « Gestion de classe » et « Différenciation » pour le niveau CP en 2017-2018 et sur deux dimensions « Réussite de tous » et « Différenciation » pour le niveau CE1 en 2018-2019. Depp, L’éducation prioritaire, Alexia Stéfanou, synthèse de la DEPP, n° 6 – juillet 2022, p.25.

([78]) Depp, note d’information  20.15, avril 2020, p. 3.

([79]) La mission d’information a effectué des déplacements dans les académies de Clermont-Ferrand, d’Aix-Marseille et de Créteil.

([80]) Avis n° 374 sur les crédits de la mission Enseignement scolaire, précité.

([81]) Nombre de postes vacants à la rentrée 2022.

([82]) Vade-mecum – Le pilotage des classes dédoublées – 100 % de réussite en CP et CE1.

([83]) Depp, note d’information, op. cit., étude portant sur 3 513 enseignants exerçant dans 1 131 écoles de REP +, 1 492 enseignants exerçant dans 531 écoles de REP et 807 enseignants exerçant dans 511 écoles publiques hors éducation prioritaire.

([84]) Dans les trois années de titularisation, les professeurs des écoles et les professeurs du second degré bénéficient d’un plan de formation qui leur est dédié. Ils sont identifiés en fonction de leur année de stage comme néo-titulaire T1, T2 ou T3.

([85]) Ces écoles en réseau d’éducation prioritaire dépendent du collège Jules Ferry. Les IPS de ces écoles sont respectivement de 78 et 80.

([86]) Teaching and learning international survey (Talis) est une enquête internationale conduite tous les cinq ans à l’initiative de l’OCDE et à laquelle la France participe depuis 2013. Elle permet de comparer dans le temps et l’espace les systèmes éducatifs des pays participants en donnant la parole aux enseignants, chefs d’établissement et directeurs d’école.

([87]) Notamment à l’occasion de la rencontre avec les professeurs des écoles de l’académie de Créteil.

([88]) Audition de l’Union nationale des associations autonomes de parents d’élèves (Unaape), le 16 mai 2023.

([89]) Audition de la direction générale des ressources humaines de l’Éducation nationale, le 30 novembre 2022.

([90]) La prochaine édition de l’enquête Talis à laquelle 54 pays ont participé, sera publiée en 2024. Par ailleurs, entre 2011 et 2022, neuf enquêtes de climat scolaire et de victimisation ont été menées par la Depp notamment auprès de personnels enseignants et de directeurs d’école ; en 2023, cette enquête sera conduite auprès d’élèves de lycées.

([91]) Ensemble de mesures présentées par le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse le 20 avril 2023 pour revaloriser les rémunérations, les carrières et les missions des professeurs.

([92]) Audition de la direction générale des ressources humaines de l’Éducation nationale, cit.

([93]) Audition de l’Observatoire des zones prioritaires, le mardi 13 décembre 2022.

([94]) Évaluations 2023, point d’étape CP, premiers résultats.

([95]) Depp, note d’information n° 23.17, avril 2023

([96]) Le budget du dispositif « vacances apprenantes » était fixé à 19,9 millions d’euros dans la loi de finances pour 2023.

([97]) Tels que des associations d’éducation populaire, des collectivités territoriales, des structures privées, des comités d’entreprises.

([98]) Voir Depp, note d’information n° 23.17, avril 2023.

([99]) Audition de la Depp, cit.

([100]) Les assises pour l’école maternelle qui se sont tenues en 2018, ont mis en avant deux dimensions essentielles de l’école pré-élémentaire : la prise en compte de la dimension affective de l’enfant et la préparation aux apprentissages scolaires qui suppose une bonne acquisition du langage.

([101]) Désormais, l’article L. 131-1 du code de l’éducation dispose que : « L’instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l’âge de trois ans et jusqu’à l’âge de seize ans ».

([102]) Audition OZP, cit.

([103]) La politique publique des 1 000 premiers jours de l’enfant a été lancée en septembre 2019 à l’initiative du Président de la République par la création d’une commission éponyme, présidée par le neurologue Boris Cyrulnik. La commission a remis un rapport au secrétaire d’État à l’enfance et aux familles, Les 1 000 premiers jours : là où tout commence, en septembre 2020.

([104]) Ibid., p. 108.

([105]) Article D. 113-1 du code de l’éducation.

([106]) Depp, Repères et références statistiques, Enseignements, Formation, Recherche, 2022, p. 66.

([107]) Réduction du taux de scolarisation à l’âge de deux ans pouvant être liée à des facteurs tels que la crise sanitaire de la covid-19, au développement des modalités de prise en charge des enfants en bas âge – notamment dans les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE), tels que les crèches.

([108]) Rapport d’information n° 1331 (XVIe législature) du 7 juin 2023 sur l’évaluation de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, p. 25.

([109]) Certains territoires comme la Guyane ou Mayotte, se distinguent néanmoins par des taux de scolarisation à deux ans inférieurs à la moyenne : 1,8 % en Guyane et 2,2 % à Mayotte.

([110]) Circulaire sur la scolarisation des enfants de moins de trois ans,  2012-202 du 18 décembre 2012. Cette circulaire contenait l’énoncé de dix principes permettant de favoriser l’accueil des enfants de moins de trois ans, parmi lesquels : permettre un accueil différé à l’école en fonction de la date anniversaire de l’enfant, disposer de locaux et de matériel spécifiques, accueillir l’enfant dans l’école de son secteur, proposer des horaires d’entrée et de sortie assouplis par rapport aux enfants des autres classes.

([111]) Premiers apprentissages du cycle unique d’enseignement qui court durant les trois années d’école maternelle.

([112]) Circulaire de rentrée de l’Éducation nationale, note de service n° 2019-087 du 28 mai 2019.

([113]) Depp, L’éducation prioritaire, op.cit., p.39.

([114]) Éducsol, Ressources maternelles : la scolarisation des enfants de moins de trois ans, du langage oral au langage écrit, septembre 2015.

([115]) Éducation nationale, note de service  2019-084 du 28 mai 2019.

([116]) Voir à ce sujet la note précitée et la note de service  2018-050 du 25 avril 2018 sur l’enseignement de la grammaire et du vocabulaire : un enjeu majeur pour la maîtrise de la langue française, ou circulaire n° 2007‑063 du 16 mars 2007 sur la mise en œuvre du socle commun de connaissances et de compétences : l’acquisition du vocabulaire à l’école primaire.

([117]) L’évaluation Pirls 2021 dont les résultats ont été publiés le 16 mai 2023 a concerné 57 pays et 400 000 élèves répartis dans 13 000 écoles. En France, 184 écoles rassemblant 5 340 élèves ont participé à l’évaluation. Les résultats en compréhension de lecture concernent le niveau CM1.

([118]) Depp, « La scolarisation à deux ans », note d’information n° 19, juin 2016.

([119]) Depp, note d’information n° 23.23, juin 2023.

([120]) Cour des comptes, La scolarisation des élèves allophones, mars 2023, p. 36.

([121]) Commission européenne, rapport sur l’intégration des élèves issus de l’immigration dans les écoles en Europe, 2019.

([122]) Article L. 111‑1 du code de l’éducation.

([123]) Article L. 351-1 du code de l’éducation.

([124]) Article L. 112-1 du code de l’éducation.

([125]) En 2021, selon la Depp, on comptait trois élèves handicapés scolarisés en classe ordinaire pour un élève en scolarisation collective (Ulis ou UEEA).

([126]) L’école inclusive figure à l’action 3 « inclusion des élèves en situation de handicap » du programme 230 Vie de l’élève.

([127]) Rapport n° 2018-079 – Évaluation du fonctionnement en dispositif intégré des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques et des perspectives d’extension réalisé par l’inspection générale des affaires sociales (Igas), l’inspection générale de l’Éducation nationale (IGEN) et de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), août 2018, p. 10.

([128]) Depp, Repères et références statistiques : Enseignements, Formation, Recherche, 2022, p. 20.

([129]) Avis budgétaire, op. cit., p. 24 : « les crédits de l’action 3, Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap qui financent l’accompagnement de ces élèves et l’adaptation de l’offre scolaire à leurs besoins sont en hausse de 11,38 % passant de 2 222,38 à 2 475,33 millions d’euros ».

([130]) Avant la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, ces unités étaient dénommées « classes pour l’inclusion scolaire » (Clis).

([131]) Depp, Repères et références statistiques, op. cit.

([132]) Complété par l’arrêté du 3 novembre 2015 relatif à la périodicité et au contenu des visites médicales et de dépistage obligatoires prévues à l’article L. 541-1 du code de l’éducation.

([133]) Taux calculés pour l’année 2022 par la direction du budget, Rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2022.

([134]) Les moyens alloués à la politique de santé scolaire, intégralement inscrits à la mission budgétaire Enseignement scolaire, sont en hausse constante depuis 2018 (+ 5 %) ; ils s’élevaient en 2022 à 1,31 milliard d’euros.

([135]) Les rémunérations sont composées d’une part indiciaire et de parts d’indemnitaires. Si des efforts budgétaires sont régulièrement faits pour revaloriser la part indemnitaire des rémunérations, il n’y a pas eu de modification des grilles indiciaires.

([136]) Dans une communication de la Cour des comptes à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale d’avril 2020, il est indiqué qu’un tiers des postes de médecin de l’Éducation nationale sont vacants ; leur nombre a chuté de 15 % depuis 2013. La moyenne nationale en 2018 est d’un médecin pour 12 572 élèves.

([137]) Au concours 2021, seuls 53,8 % des postes ont été pourvus.

([138]) Lors de son audition le directeur général de l’enseignement scolaire a indiqué que 35 % des effectifs sont âgés de plus de 60 ans.

([139]) Ils bénéficient d’une indemnité d’exercice en REP ou REP +.

([140]) Leurs missions sont définies par la circulaire n° 2015-119 du 10 novembre 2015 relatives aux missions des infirmiers de l’Éducation nationale. Ils sont également chargés de l’accueil et de l’accompagnement dans le cadre de la consultation infirmière de la douzième année de l’enfant, du suivi qu’ils estiment nécessaire de ceux signalés par les membres de l’équipe, du suivi des problèmes de santé complexes ou chroniques et des élèves à besoins particuliers en collaboration avec la protection de l’enfance.

([141]) L’effectif global est estimé à 8 000 infirmiers scolaires.

([142]) Environ 3 000 sur l’ensemble du territoire.

([143]) Circulaire n° 2015-117 du 10 novembre 2015 relative à la politique éducative sociale et de santé en faveur des élèves.

([144]) Taux estimé par la Cour des comptes dans le cadre d’une communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale d’avril 2020. Ce rapport indique par ailleurs que jusqu’en 2019, les taux de visite médicale obligatoire dans la sixième année étaient de 57 % en REP+ et de 56 % en REP. Compte tenu des taux calculés par la direction du budget pour l’année 2022 (21 % en REP et 21,5 en REP+), présentés dans le i du présent b, la rapporteure déplore une importante réduction de la réalisation effective de ces visites en éducation prioritaire.

([145]) Généralisés sur l’ensemble du territoire et dans lesquels la présence du secteur médico-social est croissante.

([146]) Pilotés par l’inspecteur d’académie, les pôles ressources ont pour mission de prévenir et de remédier aux difficultés qui se manifestent dans les écoles afin d’améliorer la réussite scolaire de tous les élèves en regroupant, pour chaque circonscription, tous les personnels (conseillers pédagogiques, maitres-formateurs, animateurs, psyEN, enseignants spécialisés, personnels sociaux et de santé de l’éducation nationale). Les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficultés (Rased) sont une des composantes de ces pôles ressources.

([147]) Circulaire n° 90-082 du 9 avril 1990 relative à la mise en place et à l’organisation des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté et circulaire n° 2014-107 du 18 août 2014 sur le fonctionnement des Rased et les missions des personnels qui y exercent.

([148]) Maître E : aide spécialisée à dominante pédagogique. Maître G : aide spécialisée à dominante rééducative.

([149]) Voir : Marie Duru-Bellat, Les inégalités sociales à l’école : genèse et mythes, 2002 ; Quels effets du passage en Rased sur le parcours scolaire des élèves ?, étude de Claire Bonnard, Jean-François Giret et Céline Sauvageot, document de travail de l’institut de Recherche sur l’Éducation, février 2017 ; ou Bernard Gossot, Rapport de la commission « Élèves en difficulté », 1997.

([150])  M. Mathias Ott, lors de son audition le 13 juin 2023.

([151]) Inserm, Troubles spécifiques des apprentissages. Les « dys », des troubles durables mais qui se prennent en charge, 2017, document mis à jour en 2019.

([152]) Agora de l’éducation : « Refonder l’école de demain », journée thématique organisée par le Sénat le 26 janvier 2022.

([153]) Méthode pédagogique mettant en rapport le développement physiologique et neurologique de l’enfant. La méthode encourage l’enfant à choisir librement ses activités. L’apprentissage se fait par l’expérimentation et l’autonomie.

([154]) Méthode pédagogique alternative qui place les élèves comme des acteurs de leurs apprentissages en favorisant le tâtonnement expérimental. La méthode met en avant l’auto-apprentissage.

([155]) L’étayage est une intervention didactique mise en place par l’enseignant dans le but d’accompagner l’élève vers la réalisation d’une tâche par des petites étapes intermédiaires conduisant au résultat.

([156]) L’école élémentaire et l’école maternelle Emeriau ne font pas partie d’un réseau d’éducation prioritaire ; l’IPS de l’école élémentaire est de 106,1.

([157]) Financé par le fonds européen de développement régional (Feder).

([158]) Audition de MM. Didier Roux et Marc-André Selosse, le 14 mars 2023.

([159]) Le PEDT est un outil de collaboration locale dont l’objectif est de mobiliser toutes les ressources d’un territoire afin de garantir la continuité éducative entre les projets des écoles et les activités proposées aux enfants en dehors du temps scolaire.

([160]) Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps), rapport d’activité 2022.

([161]) Le pass culture a fait l’objet d’une phase d’expérimentation en 2021 sur un échantillon d’établissements situés dans les académies de Versailles et de Rennes.

([162]) Depuis le 14 janvier 2022 une convention de gestion est signée entre la SAS pass Culture et le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse fixant les modalités d’exécution et leurs obligations réciproques. Elle permet notamment de fixer les conditions de versement des crédits et de transmission des effectifs par le ministère et d’imposer le compte rendu de mise en œuvre des projets par la SAS.

([163]) Rapport annuel de performances, annexe au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2022.

([164]) S’agissant du dispositif « 30 minutes d’activité physique quotidienne », il a été généralisé dans 47 000 écoles mais seuls 17 000 kits d’accompagnement (financés par l’Agence nationale du sport et le comité d’organisation des Jeux Paris 2024) ont été distribués. S’agissant des deux heures supplémentaires, le dispositif est mis en place conjointement par la direction des sports et la Dgesco. Cette dernière indique qu’il est trop tôt pour faire un bilan de l’expérimentation mise en place depuis 2022. Par ailleurs, trop peu de collèges se sont portés volontaires pour que les résultats soient significatifs.

([165]) Premier niveau de la formation au premier secours.

([166]) Le fonds est doté dans la loi de finances pour 2023 de 41,6 millions d’euros contre 62,7 millions d’euros dans la loi de finances pour 2022.

([167]) Les communes dont les écoles fonctionnent sur quatre jours ne peuvent plus percevoir cette aide. La participation du FDSAP est versée pour les écoles maternelles et élémentaires publiques ou privées sous contrat pour lesquelles les activités périscolaires sont organisées dans le cadre d’un projet éducatif de territoire (décret n° 2015‑996 du 17 août 2015). L’aide forfaitaire pour ces communes est calculée en fonction du nombre d’élèves éligibles dans les écoles publiques ou privées sous contrat. Elle est de 50 euros par élève et par an, à laquelle s’ajoutent 40 euros par élève et par an pour les seules communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale ou la dotation de solidarité rurale, ainsi que dans les départements d’outre-mer.

([168]) Deuxième alinéa de l’article D. 331-24 du code de l’éducation.

([169]) La Depp indique que « 55,1 % des élèves en troisième en 2020 en REP + et 61,1 % de ceux en REP sont en seconde générale et technologique à la rentrée 2021 contre 67,2 % des élèves issus du secteur public hors EP. », Depp, L’éducation prioritaire, op.cit. p. 25.

([170]) Ibid.

([171]) Dernier alinéa de l’article D. 331-34 du code de l’éducation.

([172]) Volume horaire déterminé par arrêté (voir arrêté du 16 juillet 2018 relatif à l’organisation et aux volumes horaires des enseignements du cycle terminal des lycées, sanctionnés par le baccalauréat général).

([173]) Voir encadré infra.

([174]) Propos recueillis lors de l’audition de M. Ott, le 13 juin 2023.

([175]) Article L. 122-2 du code de l’éducation : « Tout élève qui, à l’issue de la scolarité obligatoire, n’a pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme national ou un titre professionnel enregistré et classé au niveau 3 du répertoire national des certifications professionnelles doit pouvoir poursuivre des études afin d’acquérir ce diplôme ou ce titre. L’État prévoit les moyens nécessaires, dans l’exercice de ses compétences, à la prolongation de scolarité qui en découle. Tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme bénéficie d’une durée complémentaire de formation qualifiante qu’il peut utiliser dans des conditions fixées par décret. Cette durée complémentaire de formation qualifiante peut consister en un droit au retour en formation initiale sous statut scolaire. »

([176]) Article L. 114-1 du code de l’éducation : « La formation est obligatoire pour tout jeune jusqu’à l’âge de sa majorité. »

([177]) Circulaire  2018-108 du 10 octobre 2018.

([178]) Depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2021-954 du 19 juillet 2021 modifiant les dispositions du code de l’éducation pour définir la fonction de professeur principal et de professeur référent de groupe d’élèves.

([179]) Arrêté du 20 août 2021 modifiant l’arrêté du 15 janvier 1993 fixant les taux de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves instituée en faveur des personnels enseignants du second degré.

([180]) Voir supra, 2 du A du présent I.

([181]) Éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle.

([182]) Les crédits de masse salariale des psyEN du premier et du second degré se sont élevés à 490 millions d’euros en 2022.

([183]) Le taux de couverture des postes était de 100 % entre 2008 et 2020. L’année 2021 enregistre un taux de 99,8 %. Source, Depp, Repères, références et statistiques, 2022.

([184]) Contre 7 664,90 millions d’euros en 2022.

([185]) Les fonctions des professeurs principaux et des professeurs référents de groupe d’élèves sont définies par les articles D 331‑23 à D. 331-45 du code de l’éducation.

([186]) Audition de représentants de l’OCDE, cit.

([187]) « La formation est obligatoire pour tout jeune jusqu'à l’âge de sa majorité ».

([188]) Rapport d’information n° 885 (2021-2022) de Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Bernard Fialaire, Mmes Laurence Harribey et Muriel Jourda sur la délinquance des mineurs, enregistré à la présidence du Sénat le 21 septembre 2022.

([189]) Les mineurs ni en études, ni en emploi, ni en formation étaient estimés à 60 000 en 2018.

([190]) Les réseaux Formation qualification emploi (Foquale), au nombre de 380, regroupent les établissements et les dispositifs relevant du ministère de l’Éducation nationale, comme les micro-lycées ou les écoles de la deuxième chance.

([191]) Parmi les autres départements de l’académie de Créteil, la Seine-et-Marne comprend 13 REP et 4 REP +, tandis que la Seine-Saint-Denis en compte respectivement 52 et 29.

([192]) Plan lancé à l’été 2020 et bénéficiant de 9 millions d’euros d’investissement public.

([193]) Conformément à l’article L. 5131-6 du code du travail.

([194]) Le ministère du Travail, du plein emploi et de l’insertion indique que le montant alloué, sous condition de ressources et de respect des engagements, peut atteindre 528 euros par mois.

([195]) Créé par la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.

([196]) Conformément aux articles R. 114-6 et R. 114-7 du code de l’éducation.

([197]) Leur objet et leur fonctionnement sont régis par le chapitre IV du titre Ier du livre III de la cinquième partie du code du travail (articles L. 5314-1 à L. 5314-4).

([198]) Audition Depp, cit.

([199]) Voir supra, « Une politique lancée en 1981, visant à compenser l’effet des inégalités sociales sur la réussite scolaire ».

([200]) Ces variables correspondent aux taux d’élèves boursiers, issus de milieux défavorisés, résidant en quartier prioritaire de la politique de la ville ou en retard à l’entrée en sixième.

([201]) Voir en particulier Ariane Azéma et Pierre Mathiot, rapport de la mission « Territoires et réussite », 2019, p. 9.

([202]) Pour une définition de l’IPS, voir Depp, note d’information n° 23.16, mars 2023.

([203]) Voir Depp, note d’information n° 19.36, octobre 2019.

([204]) Cette carte est reproduite dans la première partie.

([205]) Propos de Mme Fabienne Rosenwald, recueillis lors de l’audition citée.

([206]) Seul le dispositif du dédoublement des classes intégrait dès sa mise en place l’évaluation et le suivi d’une cohorte d’élèves.

([207]) OZP, audition cit.

([208]) Ibid.

([209]) Audition de la Depp, cit.

([210]) Propos de M. Thierry Rocher, adjoint au sous-directeur des évaluations et de la performance scolaire, ibid.

([211]) Étude ICCS (International Civic and Citizenship Education Study) à laquelle la France participe depuis 2022.

([212]) Cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillons.

([213]) Propos de M. Marc Douaire, président de l’OZP, audition cit.

([214]) Ibid.

([215]) Audition de représentants de l’OCDE, cit.

([216]) Audition de représentants de l’OZP, audition cit. Des assises de l’éducation prioritaire ont notamment eu lieu en 2013.

([217]) Audition du directeur général de l’enseignement scolaire, cit.

([218]) Les programmes sont pilotés par à un responsable de programme (Rprog) désigné par le ministre concerné.

([219]) Aux termes de l’article 40 de la Constitution, les parlementaires ne peuvent pas proposer des amendements se traduisant par la création ou l’aggravation d’une charge publique, ou par une diminution non compensée des ressources publiques. En application de l’article 47 de la Lolf, l’éventuelle création ou aggravation de charge opérée par des amendements portant sur les crédits d’une mission s’apprécie au regard du niveau global des crédits de celle-ci.

([220]) En 2017, le comité de pilotage réunissait la Dgesco, la DGRH, la direction des affaires financières, l’Igen et l’IGAENR (les inspections générales ont depuis fusionné).

([221]) Voir encadré infra.

([222]) Le comité de suivi partenarial comprend l’ensemble des acteurs du comité de pilotage auxquels s’ajoutent les recteurs d’académie et des représentants des associations de collectivités territoriales suivantes : Régions de France, Départements de France et Association des maires de France.

([223]) Référentiel de l’éducation prioritaire.

([224]) Table ronde réunissant les organisations syndicales des enseignants, le 16 mai 2023.

([225] Propos recueillis lors du déplacement de la mission dans l’académie de Créteil, le 30 mai 2023.

([226]) Ibid.

([227]) OCDE, audition cit.

([228]) Cour des comptes, L’éducation prioritaire, p. 181.

([229]) Audition du 25 janvier 2023.

([230]) Aux termes du décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 portant régime indemnitaire spécifique en faveur des personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP et REP +.

([231]) Voir supra.

([232]) Audition de représentants de Départements de France, notamment M. Philippe Meyer, conseiller d’Alsace, vice-président délégué en charge de la commission à la réussite éducative et au bilinguisme, le 23 mai 2023.

([233]) Ces recommandations sont complémentaires.

([234]) Ces deux recommandations sont alternatives.