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N°1530

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 juillet 2023.

 

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145-7 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur l’évaluation de la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020
relative aux conditions de mise sur le marché
de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire
pour les betteraves sucrières

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Hélène LAPORTE  et M. Stéphane TRAVERT

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

première partie : rappel du contexte d’adoption de la loi n° 2020-1578  du 14 décembre 2020

I. Les néonicotinoïdes, leur mode d’action et leurs effets sur la biodiversité

1. Définition des substances de la famille des néonicotinoïdes

2. Mode d’action

II. L’interdiction des néonicotinoïdes dans le cadre de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages

III. L’adoption de la loi de 2020 permettant de déroger à l’interdiction

1. Une crise importante provoquée par une épidémie de jaunisse en 2020

2. La loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières

Seconde partie : évaluation de la loi N° 2020-1578 DU 14 DÉCEMBRE 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières

I. évaluation des conséquences des dérogations accordées en application de la loi n° 2020-1578

1. Les conséquences juridiques

a. Une loi jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel

b. Les arrêtés de dérogation pris en application de la loi en 2021 et 2022

c. L’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) et l’annulation des arrêtés par le Conseil d’État français

2. Les conséquences économiques, financières et sociales

a. La filière betterave sucrière en France

b. Le contexte économique précédant la loi de 2020

c. Bilan des effets économiques, financiers et sociaux de la loi de 2020

i. Évolution des surfaces betteravières : une baisse contenue par les dispositions de la loi de 2020, qui s’accélère en 2023

ii. Évolution des rendements : les dérogations accordées en 2021 et 2022 ont permis de maintenir les rendements malgré l’épisode de sécheresse de 2022

iii. Préservation des emplois : un effet stabilisateur de la loi

iv. Rentabilité et compétitivité

v. Investissement

vi. Conclusion : la loi de 2020 a joué un rôle stabilisateur sur le plan économique et social pour la filière, particulièrement nécessaire après la « crise du sucre » de 2019 et l’épidémie de jaunisse de 2020

3. Les conséquences environnementales de la loi de 2020

a. Rappel des conséquences sur l’environnement de l’utilisation des néonicotinoïdes en traitement de semences

b. L’ampleur de l’utilisation de semences enrobées aux néonicotinoïdes dans le cadre des dérogations

c. Évaluation de l’efficacité des mesures d’atténuation des conséquences sur l’environnement de l’emploi des semences traitées aux néonicotinoïdes prévues par la loi

d. Des conditions d’emploi destinées à la protection des insectes pollinisateurs, des oiseaux, des mammifères sauvages, de l’eau et des opérateurs eux-mêmes

e. Les conséquences sur l’environnement et la santé humaine des solutions chimiques alternatives aux néonicotinoïdes pendant la période  2020-2023

f. Conclusions des rapporteurs concernant l’évaluation des effets environnementaux de la loi

II. Évaluation du fonctionnement et de l’efficacité du conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux néonicotinoïdes

1. Missions, composition et fonctionnement du conseil de surveillance

a. Les missions du conseil de surveillance

b. La composition du conseil de surveillance

c. Fonctionnement du conseil de surveillance

2. Un conseil de surveillance fortement critiqué

a. Une mise en place très rapide, qui a établi les premiers échanges dans un climat de hâte, voire d’urgence

b. Des éléments objectifs montrent que le conseil de surveillance a respecté la lettre de la loi, en exerçant l’ensemble des missions qui lui avait été confiées

c. Le conseil de surveillance a néanmoins échoué à être un véritable lieu de dialogue et a été perçu par certains de ses membres comme une « chambre d’enregistrement » de décisions de dérogation prise hors de son sein

III. évaluation de la mise en œuvre et des résultats du plan national de recherche et d’innovation (PNRI) et du plan national pollinisateurs 2021-2026

1. Le plan national de recherche et innovation (PNRI) constitue un succès remarquable et doit être prolongé

a. Des financements à la hauteur des enjeux

b. Le contenu du PNRI

i. Une gouvernance complexe mais efficace

ii. Vingt-cinq projets menés dans le cadre du PNRI et 65 fermes-pilotes représentant 750 hectares

c. Des avancées majeures

d. L’appréciation des rapporteurs

2. Le plan national pollinisateurs 2021-2026

Conclusion et perspectives

Proposition des rapporteurs

EXAMEN EN COMMISSION

Liste des personnes auditionnées

Personnes rencontrÉes dans le cadre d’un dÉplacement dans l’Aisne le vendredi 30 juin 2023

annexe 1 :  bibliographie relative aux effets des nÉonicotinoïdes sur l’environnement et la santÉ humaine, transmise par l’INRAe aux rapporteurs

Annexe 2 :  liste des projets retenus dans le cadre du PNRI

Annexe 3 : mise en œuvre par le ministre de l’agriculture et de la souverainetÉ alimentaire des dispositions des articles 53 et 54 du rÈglement 178/2002

 


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   Introduction

Le présent rapport d’évaluation intervient dans un contexte particulier : si la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 permettait, de manière très strictement encadrée, de déroger pour une période de trois ans à l’interdiction des néonicotinoïdes pour la seule culture de la betterave sucrière, l’arrêt du 19 janvier 2023 de la Cour de Justice de l’Union européenne ([1]) (CJUE) est venu mettre un terme – avec une certaine imprévisibilité et soudaineté pour les acteurs de la filière sucrière – à cette possibilité offerte aux pouvoirs publics.

La loi que vos rapporteurs, Mme Hélène Laporte (députée de la 2ème circonscription du Lot-et-Garonne) et M. Stéphane Travert (député de la 3ème circonscription de la Manche), ont été chargés d’évaluer par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale constitue donc un objet très précisément borné dans le temps puisqu’elle n’a été appliquée que pendant une période de deux ans, correspondant à deux campagnes betteravières.

Lors de son audition par vos rapporteurs le 27 juin 2023, le représentant de la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne s’est interrogé sur l’utilité de procéder à une telle évaluation, soulignant que la loi était, de son point de vue, nulle et non avenue. Il est vrai que le Conseil d’État français, tirant les conséquences de l’arrêt de la CJUE a annulé les arrêtés de dérogation du 5 février 2021 et du 31 janvier 2022, pris en application de la loi de 2020.

L’évaluation de la loi de 2020 est pourtant, du point de vue de vos rapporteurs, riche d’enseignements.

Il faut d’abord noter que l’annulation a posteriori des arrêtés par le Conseil d’État n’a évidemment pas empêché leur mise en œuvre sur le terrain. La loi a donc produit des effets – économiques, financiers, sociaux et environnementaux – qu’il convient d’évaluer, conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée nationale.

Élargissant le champ de leurs réflexions, vos rapporteurs souhaitent également faire de cette évaluation une forme de « cas d’école » emblématique de deux phénomènes qui tendent à creuser, entre les agriculteurs français et les pouvoirs publics, un fossé d’incompréhension qu’il est essentiel de combler au plus vite.

Le premier phénomène est celui de l’insuffisant suivi de la mise en œuvre et de l’accompagnement des filières dans le cadre de l’application de la loi, tant par les parlementaires eux-mêmes que par les services de l’État et les ministères. De l’aveu de nombreuses personnes auditionnées par vos rapporteurs – et, pour certaines d’entre elles, concernées au premier chef – il faut déplorer un véritable défaut de suivi de la mise en œuvre de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016 qui interdisait les néonicotinoïdes. La situation d’impasse dans laquelle s’est trouvée la filière en 2020 face à l’épidémie de jaunisse provoquée par une arrivée précoce et massive de pucerons constitue un « échec collectif » qu’un effort de suivi et d’anticipation aurait pu éviter. Vos rapporteurs souhaitent donc insister sur l’importance des missions de contrôle – en particulier de suivi de l’application et de l’évaluation de la loi – qui constituent une part importante non seulement du contrôle de l’action du Gouvernement par le Parlement mais aussi du dialogue entre le législateur et les acteurs auxquels s’applique la loi votée.

Le deuxième phénomène illustre les enjeux attachés au respect de la sécurité juridique et de la prévisibilité de la norme. Lors de leurs auditions et dans le cadre du déplacement qu’ils ont effectué dans l’Aisne, les agriculteurs rencontrés par vos rapporteurs ont exprimé leur inquiétude et leur malaise face à des normes nationales et européennes qu’ils perçoivent comme imprévisibles et contradictoires. Vos rapporteurs souhaitent se faire l’écho de ces difficultés, qui découragent les agriculteurs comme les industriels. Le sentiment profond d’un décalage entre le temps politique et les temps de la recherche, de l’agriculture et de l’industrie – qui ne s’accommodent de l’immédiateté ni pour la mise en œuvre de solutions alternatives à grande échelle, ni pour celle de plans d’assolement, ni pour la prise de décisions d’investissements parfois importants – nourrit un découragement de la part des acteurs. La contradiction entre une décision nationale – la loi de 2020 qui devait s’appliquer pendant trois ans – et une décision européenne – l’arrêt de la CJUE qui a mis fin immédiatement à toute possibilité de dérogation – donne à la profession agricole et aux industriels le sentiment d’une confusion au plus haut niveau politique, qui renforce leur défiance. C’est donc la crédibilité de la parole politique et la cohérence l’action publique qui sont ici en jeu.

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Vos rapporteurs ont entendu, dans le cadre de leurs travaux entamés le 23 mai 2023, l’ensemble des acteurs susceptibles de les éclairer et de nourrir leur évaluation. Ils tiennent à remercier les personnes qui se sont rendues disponibles pour répondre à leurs questions ainsi que l’ensemble des professionnels qui les ont reçus, sur le terrain, lors de leur déplacement dans l’Aisne.

La première partie du présent rapport rappelle le contexte d’adoption de la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 ainsi que les éléments scientifiques permettant d’éclairer le lecteur sur la nature des produits phytopharmaceutiques concernés.

Le rapport s’attache à évaluer, dans sa seconde partie, conformément au troisième alinéa de l’article 145-7 du règlement de l’Assemblée nationale :

1)       l’ensemble des effets juridiques, économiques, financiers, sociaux et environnementaux résultant des arrêtés interministériels pris en 2021 et 2022 en s’appuyant sur les éléments – parfois lacunaires ou insuffisants du fait du faible recul temporel dont vos rapporteurs disposent – dont ils ont pu avoir connaissance ;

2)       le fonctionnement et l’efficacité du conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances ;

3)       la mise en œuvre et les résultats du plan national de recherche et d’innovation (PNRI), qui sans être directement mentionné dans la loi en constitue le nécessaire corolaire, ainsi que, plus succinctement, du plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation 2021-2026.

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Au terme de leurs travaux, vos rapporteurs souhaitent insister sur les conclusions – et la proposition – suivantes :

         l’importance capitale, pour les parlementaires et le pouvoir exécutif, d’assurer un suivi rigoureux de la bonne application de la loi votée afin d’éviter, en particulier dans le secteur agricole, de laisser des filières face à une impasse technique. L’interdiction des néonicotinoïdes et la recherche scientifique nécessaire pour permettre l’adaptation des agriculteurs auraient dû être davantage préparées et accompagnées entre 2016 et 2020. Les avancées permises par le plan national de recherche et d’innovation (PNRI), lancé en 2020 en parallèle de la loi, témoigne de l’efficacité de ce type de dispositif lorsqu’ils sont pleinement investis par les acteurs et dotés de moyens financiers à la hauteur des enjeux. Sur ce point, vos rapporteurs font leur le slogan « pas d’interdiction sans solution », y ajoutant : « pas de solution sans une recherche et un accompagnement public de la filière ambitieux ». Ils prônent un prolongement du PNRI, comme l’envisage le Gouvernement ;

Proposition des rapporteurs : prolonger la durée du plan national de recherche et innovation (PNRI), lancé en janvier 2021 et qui doit s’achever en 2023.

         l’absolue nécessité de faire cesser la concurrence déloyale entre producteurs de betteraves qui résulte actuellement des différences de législation et de l’arrêt de la CJUE du 19 janvier dernier. Cette position partagée des rapporteurs rejoint leur volonté de ne pas mettre l’agriculture française en défaut par des « surtranspositions » et d’agir en Européens, notamment sur les sujets susceptibles de mettre à mal la compétitivité des producteurs français. Ils plaident également pour un renforcement des clauses miroirs afin d’éviter l’importation au sein de l’Union européenne de produits traités avec des substances interdites sur son territoire.


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   première partie :
rappel du contexte d’adoption de la loi n° 2020-1578
du 14 décembre 2020

I.   Les néonicotinoïdes, leur mode d’action et leurs effets sur la biodiversité

1.   Définition des substances de la famille des néonicotinoïdes

Les néonicotinoïdes (NNI) sont des substances insecticides utilisées notamment – mais pas uniquement puisqu’elles sont, par exemple, présentes dans certains colliers antipuces destinés aux animaux domestiques – dans des produits phytopharmaceutiques utilisés en agriculture. Elles peuvent être utilisées sous différentes formes – en granulés, en traitement de semences ou en pulvérisation.

Ces substances se distinguent par les caractéristiques suivantes :

         elles sont systémiques, c’est-à-dire qu’elles se diffusent dans l’ensemble de la plante (feuillage, tige, racine, fleurs, pollen) ;

         elles sont rémanentes dans le sol qui a porté une semence enrobée ou une plante traitée ([2]). Il s’agit, en effet, d’un produit stable, avec des durées de demi-vie ([3])  importantes ;

         elles sont dites « à large spectre d’action », garantissant la protection de la plante contre un grand nombre d’insectes.

Ces caractéristiques, qui fondent l’efficacité des produits à base de néonicotinoïdes contre les ravageurs, expliquent également les graves conséquences sur l’environnement qui ont mené à l’interdiction de ces substances ([4]).

Cinq substances appartenant à la famille des néonicotinoïdes ont été ou sont utilisées en agriculture :

         la clothianidine ;

         l’imidaclopride ;

         le thiaméthoxame ;

         le thiaclopride ;

         l’acétamipride, qui est la dernière substance encore approuvée au sein de l’Union européenne (jusqu’en 2033).

Concernant plus précisément les semences de betteraves, les néonicotinoïdes utilisés sont :

         la clothianidine de Bayer, avec une demi-vie estimée entre 13 et 1 386 jours ;

         l’imidaclopride de Bayer, avec une demi-vie de 104 à 228 jours ;

         le thiamethoxame de Syngenta, avec une demi-vie de 7 à 72 jours ([5]).

D’autres substances sont utilisées, notamment comme biocide ou médicament vétérinaire.

Liste des substances actives néonicotinoïdes et des réglementations concernées

Figure 1. Source : Anses

2.   Mode d’action

Les néonicotinoïdes agissent au niveau des synapses à acétylcholine, affectant le système nerveux des insectes. Ils affectent donc les pollinisateurs entraînant, en fonction des doses d’exposition, des effets sublétaux (difficulté d’orientation empêchant le vol retour vers la ruche) ou mortel (une dose de l’ordre du nanogramme entraînant la mort pour une abeille) ([6]).

II.   L’interdiction des néonicotinoïdes dans le cadre de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages

Vos rapporteurs ont jugé intéressant de revenir sur le contexte et les conséquences de l’adoption de l’interdiction générale des néonicotinoïdes en France.

Il importe, en effet, de bien articuler l’histoire d’une interdiction nationale et celle d’interdictions plus progressives décidées au niveau européen.

Les premiers néonicotinoïdes ont été mis sur le marché dans les années 1990. Comme l’ont rappelé leurs représentants lors de leur audition par vos rapporteurs, ce sont apiculteurs qui « lancent l’alerte » dès la fin des années 1990 auprès des pouvoirs publics, constatant des mortalités anormales chez leurs abeilles. Ils interpellent le ministre de l’agriculture, M. Jean Glavany, en 1997. Une commission d’experts placée auprès du ministre est plus particulièrement saisie des conséquences sur les pollinisateurs de l’utilisation des néonicotinoïdes dans le cadre de la culture du tournesol.

En 1998, la Coordination des apiculteurs de France réunit sous la tour Eiffel plus d’un millier d’apiculteurs.

En 1999, l’utilisation de l’imidaclopride (Gaucho) pour le traitement des semences de tournesol est suspendue.

En 2003, le CNRS démontre pour la première fois le caractère « systémique » de ces substances, c’est-à-dire une diffusion dans l’organisme de la plante dans son ensemble et met en lumière la dégradation des capacités d’apprentissage des abeilles.

L’année suivante, l’interdiction de l’utilisation de l’imidaclopride est étendue aux semences de maïs. D’autres produits à base de néonicotinoïdes (thiaméthoxame et clothianidine) seront suspendus, puis à nouveau autorisés, entre 2008 et 2010.

La situation connaît une évolution importante avec, au niveau européen, les travaux de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) qui débouchent, en 2013, sur un moratoire de la Commission européenne imposant des restrictions concernant l’usage de trois néonicotinoïdes (la clothianidine, l’imidaclopride et la thiaméthoxame) pour les cultures prisées des pollinisateurs.

C’est dans ce contexte, comme l’a rappelé lors de son audition Mme Barbara Pompili, alors secrétaire d’État chargée de la Biodiversité, qu’est publié le rapport d’évaluation sur les pollinisateurs, la pollinisation et la production alimentaire ([7]) par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES).

Les enjeux pour l’environnement attachés aux néonicotinoïdes deviennent l’objet d’une mobilisation citoyenne forte.

Dans le cadre de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, les débats parlementaires ont été longs et, parfois, houleux, sur l’interdiction des néonicotinoïdes. En troisième lecture, après deux heures de débat ([8]), un amendement est adopté ([9]) par 36 voix contre 31, prévoyant l’interdiction des produits à base de néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018. Contrairement au texte issu de la commission – et, de l’avis des observateurs politiques ce tempérament a permis le basculement du vote en faveur de l’amendement – des dérogations pouvaient être accordées jusqu’au 1er juillet 2020 sur le fondement d’un bilan établi par l’Anses, comparant les bénéfices et les risques liés aux usages de ces produits avec ceux de produits de substitution ou de méthodes alternatives. Ces dispositions de l’article 125 de la loi sont codifiées aux premier et deuxième alinéas du II de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime. Cette interdiction a été, en outre, étendue aux produits contenant une ou des substances actives présentant des modes d’action identiques à ceux de la famille des néonicotinoïdes par l’article 83 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « EGALIM ».

En 2018, l’Anses publie son premier rapport sur les alternatives chimiques et non chimiques des néonicotinoïdes ([10]).

La même année, la Commission européenne interdit l’usage de trois substances (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame) au niveau européen, sauf pour les usages sous serre.

Des dérogations seront accordées en France, par l’arrêté du 7 mai 2019 ([11]) pour l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à base d’acétamipride pour les filières noisette, figuier et navet. Elles correspondent à des situations d’impasse techniques identifiées par l’Anses dans le cadre de son rapport de 2018.

En 2019, après sa réévaluation, la thiaclopride est interdite dans l’Union européenne. Les demandes de renouvellement des substances clothianidine et thiaméthoxame et imidaclopride n’ont pas été soutenues par les soumissionnaires.

Ainsi, seule demeure autorisée au niveau européen l’acétamipride, jugée moins dangereuses par les autorités sanitaires – mais aussi moins efficace et moins simple d’utilisation par la filière selon les professionnels.

III.   L’adoption de la loi de 2020 permettant de déroger à l’interdiction

1.   Une crise importante provoquée par une épidémie de jaunisse en 2020

En 2020, la filière « betterave sucrière » est confrontée à une prolifération de pucerons porteurs de virus de la jaunisse, entraînant de très fortes pertes de rendements (voir graphique ci-dessous), avec des dégâts plus particulièrement marqués au sud du bassin parisien (voir tableau ci-dessous).

Rendement en France de la culture de betteraves sucrières
(par tonne à 16 degrés de teneur en sucre) 1970-2020

Figure 2 : Source : réponses écrites de M. Henri Havard, interministériel pour la filière sucre

 

 

 

 

 

 

 

 

Baisse de rendements de la culture de la betterave sucrière à l’hectare entre 2018 et 2020

Figure 3 : Source : réponses écrites de M. Henri Havard, interministériel pour la filière sucre

Quatre virus appartenant à trois familles virales distinctes ([12]) ont été identifiés sur les betteraves en France.

En 2020, les attaques de pucerons verts (myzus percisae) se caractérisent par leur intensité et leur précocité, devançant de six semaines l’arrivée des auxiliaires (syrphes, coccinelles et chrysopes) qui jouent habituellement un rôle de régulateur biologique.

L’épidémie de jaunisse de 2020 : chronologie

Dès le 15 avril, des pucerons verts de Myzus persicae ont été observés dans toutes les régions betteravières françaises. L’hiver particulièrement doux de 2020 a été favorable au maintien d’importantes populations de pucerons, notamment du Myzus Persicae, et des réservoirs des virus de la jaunisse.

Le printemps chaud qui a suivi a favorisé une reproduction rapide du puceron, qui produit en moyenne 3,3 descendances par jour, sous forme d’insectes formés et consommateurs immédiats de betterave, à 25 °C, contre 1,1 à 10 °C.

Après l’interdiction des insecticides en enrobage de semences, les agriculteurs ne disposaient plus que de deux produits utilisables en pulvérisation foliaire : le Teppeki et le Movento (pour lequel des dérogations pour des passages complémentaires avaient été obtenues).

Malgré l’utilisation de l’outil « alerte pucerons » et l’application de Teppeki et Movento, les populations de pucerons n’ont pas pu être contrôlées. Les conditions climatiques ont été très favorables au Myzus Persicae et à son mode de multiplication par parthénogénèse.

Des ronds de jaunisse sont apparus dès la fin mai en Centre-Val de Loire et en
Île-de-France.

À la fin du mois de juin, malgré les traitements insecticides, des jaunisses virales étaient observables dans tous les départements betteraviers avec un gradient nordsud très marqué. Dans les départements du sud toutes les parcelles étaient touchées sur 30 à 100 % de leur surface.

Le 10 juillet, les symptômes de jaunisse étaient présents sur l’ensemble du territoire betteravier français avec un gradient croissant du nord (régions les moins impactées) au sud où 100 % des parcelles étaient infectées.

Au 20 juillet, le gradient d’infestation des parcelles allait de 15 % au nord à 80 à 100 % au sud. Dans cette zone, les parcelles étaient touchées sur 80 à 100 % de leurs surfaces.

À la fin du mois de septembre, la situation continuait à se dégrader avec des symptômes de jaunisse s’amplifiant dans toutes les régions, à l’exception du Nord Pas-de-Calais.

Les premières récoltes réalisées dans les parcelles les plus touchées du
Centre-Val de Loire confirmaient des pertes de productivité dépassant les 60 %.

Dans l’ensemble, les pertes sur l’ensemble de la sole betteravière française, au regard de la moyenne olympique ([13])  des 5 dernières années, ont été évaluées à 30 % avec de fortes disparités régionales, ces pertes pouvant atteindre jusqu’à 80 % dans les zones les plus touchées.

Source : Association interprofessionnelle de la betterave et du sucre (AIBS)

 

 

 

Au total, les pertes résultant des effets combinés de la sécheresse et de l’épidémie de jaunisse en 2020 ont entraîné, d’après les chiffres transmis par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire à vos rapporteurs :

         une perte de rendement de 27 % au niveau national et qui a dépassé 50 % sur certains départements (Eure-et-Loir, Seine-et-Marne, etc.), avec un rendement national inférieur à 65 t/ha (contre 87 t/ha en moyenne quinquennale), perte inédite pour ce secteur où les variations de rendement interannuelles sont moins importantes que pour d’autres cultures ;

         une baisse de la production de sucre d’environ 31 %, qui a pour effet un renchérissement des coûts de production à la tonne de sucre (en raison des coûts fixes de fonctionnement).

La profession estime que les pertes pour l’amont étaient comprises entre 200 millions d’euros (M€) et 300 M€ et de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros pour l’aval. La perte de rendement a été en partie indemnisée par une aide de minimis d’environ 57 M€ pour près de 8 000 planteurs (voir encadré cidessous).

Le système d’indemnisation des planteurs les plus touchés par la jaunisse

Annoncée par M. le ministre Julien Denormandie, « une indemnisation des planteurs les plus touchés, dans le cadre des aides de minimis », a également été mise en œuvre à compter de la fin de l’année 2021.

Le système d’indemnisation a été contraint par le cadre réglementaire des aides dites « de minimis », avec un plafonnement des aides à 20 000 € qui a pénalisé les exploitations dont les surfaces betteravières étaient importantes et très touchées par la jaunisse.

La plateforme FranceAgriMer de déclaration des pertes pour dégâts liés à la jaunisse des betteraves en 2020 a été ouverte du 8 mars au 23 avril 2021.

L’indemnisation reposait sur les principes de calcul suivant : le calcul des pertes était établi sur la base du rendement des trois meilleures années sur les cinq dernières années (2015-2019). La franchise s’élevait à 30 % pour les planteurs assurés climatiques et 35 % pour les non-assurés. Le prix d’indemnisation était fixé à 26 € la tonne. Une déduction du montant potentiellement indemnisable des indemnisations perçues au titre de l’assurance climatique était effectuée. Les indemnités (hors assurance récolte) étaient soumises au plafond de minimis (maximum 20 000 euros sur 3 ans et moins si l’agriculteur avait déjà bénéficié d’aides au titre de ce régime).

Initialement annoncé au premier trimestre 2021, le paiement des indemnisations a pris du retard dans son instruction qui s’est faite par lots : les premiers dossiers ont été payés à la mi-juin pour les planteurs non assurés aléas-climatiques, à la mi-juillet pour les planteurs assurés. Les dossiers qui présentaient des écarts entre, d’une part, les données saisies par les agriculteurs et, d’autre part, les données connues de l’administration (surfaces betteravières, tonnages et/ou montants d’assurances) ont été vérifiés pendant l’été par les DDT. Ces dossiers ont pu être payés à la mi-septembre, après avoir été rectifiés le cas échéant.

7791 planteurs ont été indemnisés pour un total d’environ 57 millions d’euros.

2.   La loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières

Dans ce contexte de grave épidémie de jaunisse de la betterave et alors que la filière se trouvait dans une situation d’impasse technique, le Gouvernement a déposé un projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire le 3 septembre 2020, assorti d’une étude d’impact ([14]) et d’un avis du Conseil d’État ([15]).

La discussion du texte est menée dans des délais très resserrés : examiné en première lecture à l’Assemblée nationale les 5 et 6 octobre 2020, puis au Sénat le 27 octobre, le projet de loi a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire le 29 octobre, d’une adoption le 4 novembre et d’une promulgation, le 14 décembre 2020, après un avis de conformité du Conseil constitutionnel ([16]).

La loi finalement adoptée comporte trois articles.

L’article 1er confirme le principe de l’interdiction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances, précisées par décret, et des semences traitées avec ces produits. Il prévoit, jusqu’au 1er juillet 2023, la possibilité de déroger à cette interdiction par arrêtés conjoints des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement, pris après avis du conseil de surveillance (voir infra), dans les conditions prévues à l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil.

L’article 53 du règlement n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil

Situations d’urgence en matière de protection phytosanitaire

1. Par dérogation à l’article 28 et dans des circonstances particulières, un État membre peut autoriser, pour une période n’excédant pas cent vingt jours, la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en vue d’un usage limité et contrôlé, lorsqu’une telle mesure s’impose en raison d’un danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables.

L’État membre concerné informe immédiatement les autres États membres et la Commission de la mesure adoptée, en fournissant des informations détaillées sur la situation et les dispositions prises pour assurer la sécurité des consommateurs.

2. La Commission peut solliciter l’avis de l’Autorité ou lui demander une assistance scientifique ou technique ([17]).

L’Autorité communique son avis ou les résultats de ses travaux à la Commission dans le mois suivant la date de la demande.

3. Si nécessaire, il est décidé, selon la procédure de réglementation visée à l’article 79, paragraphe 3, si et dans quelles conditions l’État membre :

a)      peut ou ne peut pas prolonger ou répéter la durée de la mesure ; ou

b)     retire ou modifie la mesure prise.

4. Les paragraphes 1 à 3 ne s’appliquent pas aux produits phytopharmaceutiques contenant des organismes génétiquement modifiés ou composés de tels organismes, sauf si cette dissémination a été acceptée conformément à la directive 2001/18/CE.

Le législateur a souhaité encadrer cette possibilité de dérogation de garanties supplémentaires :

         en interdisant temporairement, dans des conditions définies par les arrêtés des ministres, le semis, la plantation et la replantation de végétaux attractifs d’insectes pollinisateurs après l’emploi de semences traitées avec des produits contenant les substances concernées ;

         en créant un conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances dont la composition, l’organisation et le fonctionnement sont précisés par décret.

 

L’article 2 restreint le champ des possibles dérogations aux seules semences de betteraves sucrières.

L’article 3 prévoit que les ministres chargés de l’agriculture et de la consommation puissent prendre, dans le respect des articles 53 et 54 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002, des mesures conservatoires afin de suspendre ou de fixer des conditions particulières à l’introduction, l’importation et la mise sur le marché en France de denrées alimentaires ou produits agricoles. Cet article reprend, en droit national, des dispositions du droit européen qui étaient déjà applicables. Son évaluation n’est pas au cœur des travaux d’évaluation menés par vos rapporteurs mais l’ensemble des mises en œuvre de cette disposition au cours de la période 20202023 fait l’objet d’une recension figurant en annexe (annexe 3).

Six mois après sa promulgation, l’ensemble des textes réglementaires nécessaires à l’application de la loi avaient été publiés, le rapport d’application de MM. les députés Grégory Besson-Moreau et Thierry Benoit soulignant que « la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières nécessitait l’intervention de trois décrets : tous ont été publiés dans les délais requis. La loi est par conséquent pleinement appliquée » ([18]).

 


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   Seconde partie :
évaluation de la loi N° 2020-1578 DU 14 DÉCEMBRE 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières

I.   évaluation des conséquences des dérogations accordées en application de la loi n° 2020-1578

1.   Les conséquences juridiques

L’étude d’impact du projet de loi notait simplement, concernant les conséquences juridiques du projet de loi de 2020 que l’article unique du texte initial modifiait le II de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime et permettait la mise en œuvre de la faculté ouverte par l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009.

a.   Une loi jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel, saisi par des parlementaires dans les conditions prévues à l’article 61 de la Constitution a rendu une décision n° 2020-809 DC le 10 décembre 2020 concluant à la conformité du texte à la Constitution.

Les recours contestaient notamment la conformité à plusieurs articles de la Charte de l’environnement des dispositions de l’article 1er de la loi. Le Conseil constitutionnel avait rappelé que les limitations portées par le législateur à l’exercice du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé consacré par l’article 1er de la Charte de l’environnement ne sauraient être liées qu’à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.

Le Conseil constitutionnel a également rappelé les incidences sur la biodiversité – en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux –, la qualité des sols et de l’eau et les risques pour la santé humaine qu’entraînait l’utilisation de ces produits.

Soulignant que le législateur avait permis, par exception, certains usages de ces produits, le Conseil constitutionnel relève néanmoins :

         qu’il a cantonné l’application des dispositions de la loi au seul traitement des betteraves sucrières ;

         qu’il s’agissait de faire face à de graves dangers menaçant la culture de ces plantes et préserver par-là les entreprises agricoles et industrielles de ce secteur et leurs capacités de production. Le Conseil constitutionnel estime ainsi que le législateur a poursuivi un motif d’intérêt général ;

         que la possibilité de déroger à l’interdiction d’utilisation des produits en cause était transitoire et n’était ouverte que jusqu’au 1er juillet 2023 ;

         qu’elle s’inscrivait dans le cadre de l’article 53 du règlement européen du 21 octobre 2009, applicable aux situations d’urgence en matière de protection phytosanitaire qui ne permet qu’un « usage limité et contrôlé » des produits en cause, dans le cadre d’une autorisation délivrée pour une période n’excédant pas cent vingt jours, à condition que cet usage soit justifié par « des circonstances particulières » et qu’il s’impose « en raison d’un danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables » ;

         qu’enfin, la seule utilisation pour l’enrobage des semences, à l’exclusion de toute pulvérisation, était « de nature à limiter les risques de dispersion de ces substances » et que les contraintes concernant les cultures suivant les betteraves est de nature à réduire l’exposition des insectes aux résidus de produits employés.

Le Conseil constitutionnel concluait au regard « de l’ensemble des garanties dont elles sont assorties et compte tenu en particulier de ce qu’elles sont applicables exclusivement jusqu’au 1er juillet 2023 » que les dispositions contestées sont conformes à la Constitution.

b.   Les arrêtés de dérogation pris en application de la loi en 2021 et 2022

Deux arrêtés du ministre de l’agriculture et de l’alimentation et de la ministre de la transition écologique ont été pris, en date du 5 février 2021 ([19]) et du 31 janvier 2022 ([20]), sur le fondement de la loi n° 2020-1578, pour autoriser provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiaméthoxame et préciser les cultures qui pouvaient être semées, plantées ou replantées au titre des campagnes suivantes.

Ces deux arrêtés autorisent ainsi, pour une durée de 120 jours, l’utilisation de semences enrobées au moyen du GAUCHO 600 FS produit par Bayer dont la substance active est l’imidaclopride (600g/L) et du CRUISER SB produit par Syngenta. La classification des produits et les doses maximales sont indiquées dans le tableau ci-dessous :

 

 

GAUCHO 600 FS

CRUISER SB

Classification

H 400 - Dangers pour le milieu aquatique - Danger aigu, catégorie 1

H 410 - Dangers pour le milieu aquatique - Danger chronique, catégorie 1

H302 - Toxicité aiguë (par voie orale), catégorie 4

H 400 - Dangers pour le milieu aquatique - Danger aigu, catégorie 1

H 410 - Dangers pour le milieu aquatique - Danger chronique, catégorie 1

H302 - Toxicité aiguë (par voie orale), catégorie 4

Dose maximale

0,112 L/U

1 U = 100 000 graines

Soit 67,5 g de s.a./U

Densité maximale de semis : 1,3 U/ha

0,075 L/U

1 U = 100 000 graines

Soit 45 g de s.a. /U

Densité de semis maximale : 1,3 U/ha

Les arrêtés fixent des conditions d’emploi destinées à garantir la préservation des insectes pollinisateurs, des oiseaux et mammifères sauvages, de l’eau, de l’environnement et de l’opérateur lui-même (voir infra au 3 du présent II).

c.   L’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) et l’annulation des arrêtés par le Conseil d’État français

L’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) du 19 janvier dernier ([21]), dans le cadre d’une question préjudicielle au titre de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), introduite par le Conseil d’État belge, a surpris les acteurs de la filière betteravière tout comme le Gouvernement français.

Des dérogations fréquemment accordées au sein de l’Union européenne et validées par l’EFSA

L’EFSA a procédé à l’évaluation des autorisations d’urgence accordées par 11 États membres de l’UE pour l’utilisation d’insecticides à base de néonicotinoïdes sur la betterave sucrière en 2020 et 2021.

Les évaluations couvrent ainsi 17 autorisations d’urgence pour des produits phytopharmaceutiques contenant de la clothianidine, de l’imidaclopride, du thiaméthoxame et du thiaclopride accordées par la Belgique, la Croatie, le Danemark, la Finlande, la France, l’Allemagne, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie et l’Espagne.

L’EFSA a conclu que dans les 17 cas, les autorisations d’urgence étaient justifiées, soit parce qu’il n’y avait pas d’autres produits ou méthodes – chimiques ou non – disponibles, soit parce qu’il y avait un risque que l’organisme nuisible devienne résistant aux produits alternatifs disponibles.

Source : site de la Commission européenne

La CJUE, interprétant le premier paragraphe de l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil conclut qu’il ne permet pas à un État membre « d’autoriser la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en vue du traitement de semences, ainsi que la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de ces produits, dès lors que la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de ces mêmes produits ont été expressément interdites par un règlement d’exécution ».

Cette interprétation s’appuie notamment sur les dispositions de l’article 28 du même règlement qui dispose qu’un « produit phytopharmaceutique ne peut être mis sur le marché ou utilisé que s’il a été autorisé dans l’État membre concerné conformément au présent règlement ».

Cette décision, de portée très générale, pose aux yeux de vos rapporteurs deux difficultés majeures :

         elle vient contredire une interprétation constante, confirmée par la Commission européenne et l’EFSA qui avaient jusqu’à présent validé les dérogations pour l’utilisation de substances de la famille des néonicotinoïdes (y compris expressément interdites dans le cadre européen) accordées par les États membres sur le fondement de l’article 53 ;

         elle est ambiguë : si les représentants de la Commission européenne ont bien affirmé devant vos rapporteurs que cette décision s’appliquait tant pour les substances pulvérisées que pour l’enrobage de semences, l’interprétation de certains États membres semble différer, le Gouvernement confirmant dans ses réponses écrites à vos rapporteurs « qu’à ce stade, la France n’a pas, malgré ses demandes répétées, obtenues d’analyse juridique de la Commission européenne, ce qui a permis à certains États membres de ne pas tenir compte et de maintenir leurs dérogations octroyées avant la décision de la CJUE pour des traitements de semences ».

Le ministère français de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire a, de son côté, estimé que l’arrêt de la CJUE devait être immédiatement pris en compte et que le risque juridique qui aurait pesé sur les planteurs était trop important pour envisager une troisième année de dérogation.

Le Conseil d’État français a tiré les conséquences de cet arrêt dans une décision du 3 mai 2023, annulant les arrêtés du 5 février 2021 et du 31 janvier 2022.

La France se trouve donc, du fait des dispositions de son droit national – qui comporte une interdiction générale des néonicotinoïdes, d’une part, et une unique possibilité d’y déroger pour le seul traitement des semences, d’autre part – et de la décision de la CJUE – qui interdit expressément l’utilisation des néonicotinoïdes pour l’enrobage des semences – dans une situation dans laquelle le recours aux néonicotinoïdes est impossible, alors même que la loi de 2020 prévoyait la possibilité d’une troisième année de dérogation et que ses concurrents peuvent recourir à l’acétamipride ou profitent de la confusion actuelle sur l’interprétation de l’arrêt de la CJUE pour utiliser des substances interdites expressément par le droit européen.

Cette situation est douloureusement vécue par les producteurs et l’ensemble de la filière, qui déplorent une concurrence déloyale des autres producteurs de l’Union européenne.

La décision de la CJUE vient, par ailleurs, « percuter » – tel est le terme utilisé par le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ([22]), le programme de travail du plan national recherche et innovation (PNRI), programmé pour une durée de trois ans à compter de janvier 2023.

Vos rapporteurs regrettent particulièrement cette situation qui expose les producteurs français à une concurrence déloyale de la part des autres betteraviers européens.

2.   Les conséquences économiques, financières et sociales

Les conséquences économiques, financières et sociales de la loi sont malaisées à évaluer avec précision du fait de la brève période au cours de laquelle la loi a produit ses effets et de la temporalité plus longue dans laquelle s’inscrivent les décisions industrielles, qu’il s’agisse d’investissement ou d’emplois.

Les impacts économiques, financiers et sociaux de la loi tels qu’anticipés dans l’étude d’impact du projet de loi (2020)

L’étude d’impact de 2020 décrivait ainsi les effets attendus de la possibilité de déroger à l’interdiction des néonicotinoïdes :

– la préservation [des] emplois directs et indirects. L’effet recherché est en particulier d’éviter que les agriculteurs, subissant des pertes de chiffre d’affaires pouvant aller jusqu’à 1 000 €/ha non compensables totalement, y compris par une indemnisation, fassent le choix de se tourner vers d’autres cultures. Cela conduirait à diminuer fortement la production nationale de betteraves et de sucre, induirait des fermetures de sucreries fragilisant ainsi l’ensemble de la filière française. (…) ;

– la réforme est susceptible de contribuer au renforcement de la compétitivité des entreprises françaises en leur permettant de bénéficier de moyens de lutte phytosanitaires supplémentaires, selon une procédure prévue par le droit de l’Union européenne, activée par les entreprises des autres États membres. La mesure permet donc aux filières bénéficiant de dérogations de gagner en compétitivité. Elle ne peut donc que favoriser l’investissement des entreprises, quelle que soit leur taille.

Plusieurs indicateurs peuvent néanmoins être mobilisés pour procéder à l’évaluation des conséquences économiques de la loi, dont notamment i) l’évolution des surfaces betteravières au cours de la période, ii) l’évolution des rendements iii) l’évolution des emplois, iv) la rentabilité et la compétitivité de la filière v) les investissements industriels consentis pendant la période.

a.   La filière betterave sucrière en France

Il faut rappeler, en premier lieu, l’importance économique de la filière sucrière en France, qui représente un chiffre d’affaires compris entre 2,5 et 4,5 milliards d’euros, selon les rendements annuels, sur les marchés du sucre et de l’éthanol et un chiffre d’affaires variant entre 1 et 1,5 milliard d’euros, selon les rendements annuels, pour le secteur betteravier. 60 000 emplois directs, indirects et induits ([23]) dépendent du secteur, qui repose sur 23 700 agriculteurs.

La France est ainsi le premier producteur de sucre européen (suivie de près par l’Allemagne), avec une production s’élevant à 4,6 millions de tonnes (Mt) en 2021-2022 pour 15,2 Mt dans l’Union européenne. La production de la France, l’Allemagne et la Pologne représentent environ 70 % de la production européenne

La filière agricole n’est pas dissociable des outils industriels qui lui sont attachés : la France métropolitaine compte cinq entreprises sucrières (Tereos, Cristal Union, Saint Louis Sucre, Lesaffre Frères, Ouvré Fils SA) et 20 sucreries réparties essentiellement dans les régions Centre-Val de Loire, Grand-Est, Hauts‑de-France, Île-de-France et Normandie ([24]).

b.   Le contexte économique précédant la loi de 2020

Le contexte économique précédant l’épidémie de jaunisse de 2020 mérite d’être rappelé : la filière française et européenne a fait face, après la fin des quotas sucriers, à une grave crise de surproduction, qui l’avait considérablement fragilisée (voir encadré ci-dessous).

La fin des quotas sucriers et ses conséquences économiques

Le système de quotas sucriers a été introduit avec les premières règles sur l’organisation commune du marché du sucre (OCM) en 1968, avec pour corollaire un prix de soutien pour les producteurs à un niveau nettement supérieur au prix du marché mondial.

Une importante réforme adoptée par les États membres en 2006 prévoyait la réduction progressive des prix de soutien de la betterave et du sucre, la suppression progressive de l’intervention publique jusqu’en 2008-2009, la cessation du paiement des restitutions à l’exportation dès 2008, avec notamment un mécanisme de soutien à la restructuration de l’ensemble du secteur qui a eu lieu entre 2006 et 2010. À cette occasion, les États membres se sont entendus pour fixer à 2015 la fin des quotas.

Un système de compensation volontaire (5,4 milliards d’euros) pour l’arrêt de l’activité a abouti à la réduction de la production sous quota d’environ 6 millions de tonnes et a conduit à la création d’un secteur européen du sucre plus compétitif, considéré comme prêt à entrer en concurrence sur un marché déréglementé de l’UE plus proche des prix internationaux, et à bénéficier des débouchés commerciaux, tant sur le marché intérieur que sur les marchés mondiaux.

Le Parlement européen et les États membres ont finalement reporté, dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune (PAC) de 2013 le système des quotas jusqu’à la fin de la campagne de commercialisation du sucre 2016-2017, avec une fin des quotas fixée au 30 septembre 2017.

Les cours du sucre élevés de 2015 à 2017 ont encouragé la production.

Un an après la fin des quotas sucriers, la filière a fait face à une forte baisse des cours mondiaux du sucre, qui s’est répercutée sur les prix européens (baisse de 37 % entre janvier 2017 et janvier 2019) et a provoqué une baisse des prix de la betterave, une baisse des surfaces, une baisse des productions de sucre et une hausse des coûts de production industriels, ce qui a amené certains industriels (Südzucker, Cristal Union) à se restructurer : 7 sucreries ont fermé en 2020 en Europe, dont 4 en France (Eppeville, Toury, Cagny et Bourdon).

c.   Bilan des effets économiques, financiers et sociaux de la loi de 2020

i.   Évolution des surfaces betteravières : une baisse contenue par les dispositions de la loi de 2020, qui s’accélère en 2023

D’après l’AIBS, l’évolution des surfaces de production de betteraves entre 2020 et 2023 témoigne du fait que la loi de 2020 a permis d’atteindre les objectifs économiques et sociaux fixés dans le cadre de la discussion de la loi. Les surfaces en 2020 étaient de 418 000 hectares (ha) et sont passées à 400 000 en 2021, ce qui représente une baisse de 4,5 % seulement malgré le choc que constitue l’épidémie pour les producteurs. Elles sont restées stables en 2022. Elles connaissent une nouvelle chute en 2023, tombant à 370 000 ha, soit une baisse de 7,5 % que la filière attribue en partie à la décision de la CJUE alors même que les prix d’achat de betteraves sont élevés (45 € la tonne), de même que le cours du sucre.

Surfaces et production de sucre en France

Figure 4 : source : MASA. La ligne verticale rouge marque la fin des quotas sucriers.

 

surfaces emblavées (2018-2023)

Figure 5 : source : délégué interministériel pour la filière sucre

 

ii.   Évolution des rendements : les dérogations accordées en 2021 et 2022 ont permis de maintenir les rendements malgré l’épisode de sécheresse de 2022

Les rendements de la culture de betteraves (en tonne à l’hectare) ont évolué de la manière suivante depuis 2013 :

Figure 6 : source : Cultures sucre

Les dérogations accordées pour l’utilisation de semences enrobées aux néonicotinoïdes semblent donc avoir permis une stabilisation des rendements, après les faibles performances résultant de l’épidémie de jaunisse de la campagne 2020-2021 et malgré la sécheresse qui a marqué la campagne 2022-2023.

iii.   Préservation des emplois : un effet stabilisateur de la loi

L’interprofession (AIBS), interrogée par vos rapporteurs, considère que « les dérogations ont permis de préserver, ou de limiter la diminution du nombre d’emplois directs et indirects de la filière ».

La diminution du nombre de planteurs a été relativement contenue. D’après les informations transmises à vos rapporteurs par M. Henri Havard, délégué interministériel pour la filière sucre, le nombre de planteurs de betteraves a connu l’évolution suivante :

         Une diminution de 2,30 % pour la période 2020-2021 ;

         Une diminution de 1,27 % pour la période 2021-2022.

De même, la période est marquée par une stabilisation de l’emploi dans le secteur industriel sucrier. Après la fermeture de quatre sucreries en France en 2020, l’outil industriel a semblé se stabiliser entre mars 2020 et mars 2023.

Tereos a annoncé, le 8 mars 2023, la fermeture de deux sites industriels en France, le site d’Escaudœuvres dans le Nord (123 postes) et de sa distillerie de Morains dans la Marne (26 postes). Cette décision, néanmoins, n’est que partiellement justifiée par « les contraintes réglementaires (législatives, sanitaires, environnementales) et économiques qui se traduisent par une réduction durable des emblavements » ([25]) . Elle s’explique également par des « enjeux de décarbonation et de modernisation de ses infrastructures ».

Il convient donc de noter que la loi de 2020, en permettant une certaine stabilisation des rendements agricoles, a contribué à une stabilisation de l’outil industriel. Lors de leur déplacement à la sucrerie d’Origny-Sainte-Benoîte dans l’Aisne, vos rapporteurs ont été particulièrement sensibles à la nécessité d’offrir une réelle visibilité aux acteurs industriels de la filière, sinon sur la production betteravière dont ils disposeront, du moins sur la stabilité du cadre réglementaire et législatif dans lequel s’inscrira leur activité au cours des prochaines années.

iv.   Rentabilité et compétitivité

En permettant aux producteurs français d’utiliser des produits phytosanitaires équivalents à ceux des autres producteurs européens, la loi de 2020 a contribué à améliorer la compétitivité de la filière française.

Il faut noter que les coûts de production de la betterave ont légèrement progressé (4 %) entre 2020-2021 et 2021-2022, du fait de la conjoncture générale et notamment de l’augmentation du prix du fuel (+ 24 %) ([26]). La marge brute par hectare dégagée par l’atelier betterave est estimée, en moyenne, autour de 200 €/ha en 2021-2022 (voir le graphique ci-dessous pour l’évolution de long terme) ([27]).

Évolution 2016-2023 des coûts de production, des recettes
et des marges du poste betteravier

Figure 7 : source : rapport annuel de la CGB 2022

L’interprofession sucrière (AIBS) a indiqué à vos rapporteurs que « l’utilisation de semences enrobées a permis d’éviter les traitements insecticides en pulvérisation foliaire, qui ne permettent pas une maîtrise des proliférations précoces des pucerons (coût additionnel compris entre 130 et 140 €/ha) ».

Les effets de la loi sur la compétitivité de la filière betterave sucrière sont difficiles à distinguer d’autres facteurs économiques ou résultant du contexte international qui ont pu jouer sur cette compétitivité au cours de la période. Par ailleurs, les statistiques les plus récentes, produites notamment par FranceAgriMer, ne distinguent pas le sucre de canne du sucre de betterave, présentant les performances de la filière dans son ensemble.

Il convient d’abord de rappeler que la filière sucrière contribue de manière positive à la balance commerciale agroalimentaire française – devenue déficitaire depuis 2022 (voir graphique cidessous).

 

 

 

 

 

 

Balance commerciale de la France pour les produits
agricoles et alimentaires

Figure 8 : source : FranceAgriMer

Pour la période 2022-2023 que couvre la loi, il faut noter un relèvement et une stabilisation des parts de marchés françaises (voir graphique ci-dessous).

parts des marchés (2007-2022)

Figure 9 : source : FranceAgriMer

En 2022, la France est devenue le quatrième exportateur mondial de sucre en valeur, derrière le Brésil, l’Inde et la Thaïlande, surpassant les performances à l’export de l’Australie. Son solde commercial pour ce produit est positif (1,4 M€) et en forte progression (+ 49 %) par rapport à 2021 (921 M€). La France est le premier exportateur de sucre de l’Union européenne (28 % des exportations européennes en valeur). Ces exportations se répartissent pour près de 81 % vers les pays de l’UE et 19 % vers les pays tiers. Au sein de l’UE, les principales destinations du sucre et produits du sucre français sont l’Espagne, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas. Les évolutions les plus notables concernant les exportations vers des pays de l’Union européenne concernent les exportations vers l’Italie (+ 70 %), la Belgique (+ 40 %), l’Espagne (+ 35 %) et les Pays-Bas (+ 56 %). Pour les pays tiers, la principale destination demeure le Royaume-Uni avec 192 M€ sur un total de 439 M€ et une progression de + 53 %.

Au sein de ces performances de la filière sucrière, la filière betteravière contribue également positivement au solde commercial (voir graphique cidessous).

Solde commercial français pour la filière betteravière

Figure 10 : Source : rapport annuel de la CGB 2022

Vos rapporteurs tiennent à souligner que la question de la compétitivité de la filière betteravière française face à ses concurrents et, notamment, son principal concurrent européen qu’est l’Allemagne, constitue un enjeu essentiel pour les prochaines années. À ce titre, il faut souligner que la France a d’ores et déjà perdu « le match des surfaces », comme le soulignait le rapport d’activité 2022 de la CGB. Entre 2017 et 2022, les surfaces françaises de betterave dédiées au sucre (hors jus vert) a baissé de 21 % contre 9 % en Allemagne. L’Allemagne est, contrairement à la France, parvenu à inverser la tendance de la baisse des surfaces dès la reprise du cours du sucre en 2021 (voir graphiques ci-dessous)

 

v.   Investissement

L’étude d’impact précisait, parmi les effets attendus de la loi, qu’elle devait favoriser les investissements de la filière. Il est délicat, parmi les investissements, souvent de moyen et long terme dans le secteur industriel, de distinguer ceux qui auraient été permis par la mise en œuvre de la loi de ceux qui auraient eu lieu sans son adoption. Les effets imputables aux dispositions de la loi ne peuvent, en effet, être isolés d’un cadre économique, agronomique et réglementaire plus large.

L’interprofession (AIBS) a rappelé à vos rapporteurs que « les acteurs de la filière [avaient] poursuivi la modernisation de leurs outils de production, agricoles et industriels, dans un objectif d’optimisation énergétique, de décarbonation ». Ces investissements de moyen et long terme ne sont pas directement imputables à la loi et sont difficilement quantifiables dans leur ensemble. L’hypothèse selon laquelle la loi de 2020, en contribuant à garantir des rendements betteraviers, a pu favoriser les plus récentes décisions d’investissement peut néanmoins être avancée.

Les investissements consentis par la filière en matière de recherche sont, en revanche, plus aisément quantifiables et directement liés à l’adoption de la loi ([28]).

La filière contribue ainsi, sur ses fonds propres, aux actions de recherche menées dans le cadre du plan national de recherche et innovation (PNRI) :

− l’ITB sur dotation AIBS pour un montant de 426 000 € ;

− la CGB pour un montant de 94 000 € ;

− les fabricants de sucre pour un montant de 405 000 €.

vi.   Conclusion : la loi de 2020 a joué un rôle stabilisateur sur le plan économique et social pour la filière, particulièrement nécessaire après la « crise du sucre » de 2019 et l’épidémie de jaunisse de 2020

La loi semble donc avoir eu un effet stabilisateur sur la filière, sur le plan économique et social.

Les personnes rencontrées lors des auditions ou sur le terrain par vos rapporteurs ont, en outre, souligné que les conséquences économiques de la décision de la CJUE – qui pourraient permettre, avec un raisonnement a contrario, de mettre en évidence l’effet stabilisateur de la loi de 2020 pour la filière – ont été atténuées par

− les prix actuellement attractifs de la betterave et du sucre ;

− les engagements de long terme (cinq ans) qui engagent certaines coopératives et leurs fournisseurs ;

− le calendrier qui a fait que cette décision est intervenue alors que les décisions d’assolement étaient déjà prises.

Vos rapporteurs considèrent donc que les effets économiques et sociaux de la loi de 2020 répondent aux objectifs que se fixait le législateur au moment de l’adoption du texte.

3.   Les conséquences environnementales de la loi de 2020

L’évaluation précise des conséquences environnementales de l’utilisation des néonicotinoïdes sur une courte période – les campagnes 2021 et 2022 – et en disposant, en outre, un faible recul, est malaisée.

Vos rapporteurs ont ainsi cherché à épouser la logique adoptée dans le cadre de l’étude d’impact du projet de loi ([29]), comme le Règlement de l’Assemblée nationale les y invite ([30]).

Ils souhaitent donc rappeler les conséquences sur l’environnement de l’utilisation des néonicotinoïdes – en particulier lorsqu’elles sont utilisées sous la forme de semences enrobées (a). Afin de prendre la mesure des conséquences résultant spécifiquement de l’utilisation de ces semences au cours des campagnes 2021 et 2022, ils se proposent de faire le pont sur la répartition géographique et les surfaces qui ont fait l’objet d’un emblavement de betteraves au moyen de semences enrobées (b). Ils établiront ensuite une évaluation des dispositions prises, dans le cadre de la loi et des arrêtés pris pour son application, afin de limiter les conséquences sur l’environnement de ces néonicotinoïdes (c) et rappelleront, enfin, les conséquences sur l’environnement des produits de substitution disponibles pour la période 2020-2022 (d).

Les impacts environnementaux de la loi tels qu’anticipés dans l’étude d’impact du projet de loi (2020)

« Jusqu’à la campagne 2018/2019 incluse, du fait de l’utilisation de semences enrobées il n’y avait pas de traitement insecticide en végétation contre les pucerons mais un traitement en fin de culture contre d’autres insectes (coléoptères, noctuelles, thrips et cicadelles...) à l’aide de pyréthrinoïdes (lambda-cyhalothrine, deltaméthrine).

« Pour la campagne 2019/2020, suite à l’interdiction des NNI la régulation des pucerons en début de culture s’est faite via un traitement avec la flonicamide et deux traitements avec du spirotetramat. Pour la campagne 2020/2021, il y a eu un traitement flonicamide et trois traitements spirotetramat.

« Utiliser des semences enrobées par un produit à base de NNI permet donc de s’affranchir de trois voire quatre traitements foliaires. De même, restreindre les dérogations à des plantes récoltées avant la floraison et ne pas planter par la suite des cultures attractives de pollinisateurs, et ce pendant une durée à déterminer, permettra de réduire l’exposition des insectes pollinisateurs aux NNI. L’avis de l’Anses sera sollicité sur ce point. Une synthèse de la littérature concernant les risques liés aux NNI4 met en effet en évidence des risques élevés pour les insectes non cibles, en particulier les pollinisateurs domestiques ou sauvages, mais aussi les oiseaux ([31]) lorsqu’ils consomment des graines traitées par les NNI, les mammifères, les organismes aquatiques et les organismes vivant dans le sol.

« Plusieurs études ([32]) sur la gestion de l’eau ont par ailleurs démontré que, du fait de leur solubilité forte dans l’eau (acétamipride, thiamétoxame, imidaclopride) ou de leur persistance dans les sols et les milieux aquatiques (clothianidine, imidaclopride, thiaméthoxame, thiaclopride), la contamination de l’environnement est étendue et des traces de ces substances sont détectées dans des zones non traitées.

« L’étude du groupe de travail de l’Anses remise en 2018 établit une comparaison des risques posés par les NNI et leurs alternatives :

«  Les indicateurs de risque alimentaire des néonicotinoïdes (imidaclopride, thiaclopride et thiaméthoxame dans le cas de la betterave industrielle) sont inférieurs à ceux calculés pour les alternatives pyréthrinoïdes autorisées, à l’exception de la lambda-cyhalothrine et de la deltaméthrine (non utilisés contre les pucerons) ;

«  Les indicateurs de risque pour la santé humaine hors alimentation sont plus élevés pour les alternatives chimiques autorisées que pour les néonicotinoïdes ;

«  Les indicateurs de risque pour les oiseaux et mammifères de l’imidaclopride et du thiaméthoxame sont supérieurs à celui de l’alternative chimique autorisée pour ce qui concerne les risques pour les oiseaux, mammifères, abeilles, vers de terre. Ils sont en revanche inférieurs pour les risques pour les organismes aquatiques et similaires pour les risques pour les eaux souterraines ».

Étude d’impacts pages 18 et 19

a.   Rappel des conséquences sur l’environnement de l’utilisation des néonicotinoïdes en traitement de semences

Les très graves conséquences de l’utilisation des néonicotinoïdes sur l’environnement sont fermement établies par la science et ne peuvent faire l’objet d’aucune remise en cause, ni minimisation.

Le rapport de M. le député Grégory Besson-Moreau, rédigé au nom de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale lors de la discussion du texte en 2020 était explicite sur ce point : « Le principal risque attaché à l’utilisation de substances néonicotinoïdes pèse sur insectes non cibles, en particulier les pollinisateurs domestiques ou sauvages ([33]), dont les populations ont fortement décliné ([34]). Ces substances peuvent également présenter des risques pour les oiseaux ([35]) lorsqu’ils consomment des graines traitées par les néonicotinoïdes, de même que pour les mammifères, les organismes aquatiques et les organismes vivant dans le sol. Enfin, la forte solubilité des néonicotinoïdes dans l’eau et leur persistance dans les sols ([36]) et les milieux aquatiques ([37]) entraînent une contamination étendue de l’environnement, y compris dans les zones non traitées ([38]) ».

Les connaissances scientifiques ont, en outre évolué sur le sujet au cours des dernières années, ouvrant de nouveaux champs d’investigation. Les réponses écrites transmises à vos rapporteurs par l’INRAe soulignent qu’« à la lumière des nouvelles approches et méthodologies disponibles, les conclusions concernant le métabolisme des NNI, les effets létaux et sublétaux sur l’individu, l’exposition des abeilles aux substances actives, la projection des risques de mortalités étendus à la colonie d’abeilles ont fait consensus au niveau scientifique international. Les connaissances évoluent à présent sur les effets vis-à-vis des autres organismes en particulier les mammifères, remettant en question l’innocuité et l’absence de résidus des NNI chez l’homme (p.ex. Wang et al, 2020) ([39]). Il faut noter aujourd’hui la plus grande part des recherches menées en collaboration avec des équipes internationales ».

L’approche sur le risque d’exposition a notamment évolué à la suite de la publication de Wintermantel et al (2020), faisant état d’une diffusion
spatio-temporelle beaucoup plus importante dans l’environnement, et exposant les abeilles à des niveaux parfois bien au-delà du seuil du fait des grandes surfaces agricoles qu’elles couvrent, avec une extension de la problématique aux abeilles sauvages.

Lors de leur audition par vos rapporteurs, les représentantes des services du ministère de la transition écologique (MTE) ont insisté sur les conséquences, qu’elles estiment insuffisamment mises en avant dans le cadre des débats de 2020, de l’utilisation des néonicotinoïdes sur les pollutions des eaux et les organismes aquatiques, citant notamment une étude japonaise parue dans la revue Science en 2019 ([40]).

Enfin, une autre étude japonaise parue en 2019, à laquelle a pris part le chercheur français M. Jean-Marc Bonmatin, tend à montrer des effets sur le cerveau et le système nerveux central des nouveau-nés dans des cas d’exposition pendant la grossesse aux néonicotinoïdes ([41]).

Les éléments transmis à vos rapporteurs par l’INRAe soulignent que les néonicotinoïdes utilisés en enrobage de semences ne garantissent pas la préservation de l’environnement : à la suite du semis et de la germination, une fraction des NNI présents à la surface des semences est absorbée par la plante, circule dans la sève brute et la sève élaborée, assurant ainsi la protection contre les insectes. La fraction des NNI non absorbée reste dans le sol, dans la pellicule d’enrobage. La durée de la décroissance de cette fraction dépend de la demi-vie de la molécule. L’INRAe, prenant une hypothèse caractérisée de « conservatoire » d’une demi-vie de 228 jours indique qu’il restera dans le sol 50 % de la fraction restante au bout de 128 jours, 25 % au bout de 456 jours – la décroissance se poursuivant ainsi de manière exponentielle en tendant vers 0. En outre, comme l’ont souligné les représentantes du MTE lors de leur audition, l’utilisation de semences enrobées contribue à la pollution des eaux qui ruissellent et favorisent ainsi la dispersion des substances.

Par ailleurs, l’argument selon lequel la betterave sucrière est une plante bisannuelle, qui ne fleurit pas la première année au cours de laquelle la racine est récoltée a été fréquemment invoqué dans le cadre des débats parlementaires sur la loi. Cependant, comme le souligne l’INRAe, elle peut abriter, comme toutes les cultures, des plantes adventices dont les chénopodes et les amarantes, qui appartiennent comme la betterave à la famille des chénopodiacées et qui sont très abondamment butinées par les abeilles domestiques pour leurs ressources de pollen, contribuant ainsi à porter des atteintes à ces pollinisateurs.

Vos rapporteurs souhaitent, enfin, mettre à la disposition du lecteur, en annexe du présent rapport, la bibliographie qui leur a été transmise par l’INRAe et qui référence les principales études scientifiques portant sur les effets des néonicotinoïdes (annexe I).

b.   L’ampleur de l’utilisation de semences enrobées aux néonicotinoïdes dans le cadre des dérogations

Ce rappel des faits scientifiquement établis sur les conséquences des néonicotinoïdes sur l’environnement et la santé humaine a servi de fondement à l’analyse de vos rapporteurs, qui ont ensuite cherché à établir l’ampleur des conséquences de la loi de 2020 – notamment en s’appuyant sur le volume des surfaces plantées avec des semences enrobées.

Le taux d’utilisation de semences traitées aux néonicotinoïdes (thiaméthoxame et imidaclopride pour 98 % des betteraves semées en France) au niveau national s’établit à :

− 91 % des surfaces en 2021,

− 83 % des surfaces en 2022 ([42]).

C’est donc la quasi-totalité de la production française – en particulier en 2021 – qui était issue de semences traitées aux néonicotinoïdes.

D’importantes différences régionales doivent néanmoins être notées. Elles résultent des rotations culturales habituelles dans ces régions, qui n’auraient pu être menées si des semences enrobées avaient été utilisées (voir supra). Ainsi, pour 2022, le taux d’utilisation de semences traitées aux néonicotinoïdes était de :

− Près de 100 % pour les régions Île-de-France et le sud du bassin parisien, particulièrement éprouvé par l’épidémie de jaunisse de 2020 ;

− 45 % en Alsace (du fait de la rotation avec le maïs) ;

− 60 % dans le Nord-Pas-de-Calais et en Normandie (du fait des cultures de pommes de terre, de lin et de légumes entrant dans la rotation).

c.   Évaluation de l’efficacité des mesures d’atténuation des conséquences sur l’environnement de l’emploi des semences traitées aux néonicotinoïdes prévues par la loi

Des mesures ont, en outre, été mises en œuvre pour limiter les conséquences sur l’environnement, en application du I de l’article 1er de la loi de 2020, qui disposait que « dans des conditions définies par les arrêtés mentionnés au deuxième alinéa du présent II, le semis, la plantation et la replantation de végétaux attractifs d’insectes pollinisateurs sont temporairement interdits après l’emploi de semences traitées avec des produits contenant les substances mentionnées au premier alinéa du présent II ».

L’annexe 2 des deux arrêtés de dérogation successifs des 5 février 2021 et 31 janvier 2022 était intitulée : « cultures pouvant être semées, plantées ou replantées lors des campagnes suivant une culture de betteraves sucrières dont les semences ont été traitées avec la substance active imidaclopride ou thiamethoxame ».

Annexe 2 de l’arrêté du 5 février 2021

Cultures pouvant être semées, plantées ou replantées lors des campagnes suivant une culture de betteraves sucrières dont les semences ont été traitées avec la substance active imidaclopride ou thiamethoxame

Après une culture en 2021 de betteraves sucrières dont les semences ont été traitées avec de l’imidaclopride ou du thiamethoxame, seules les cultures suivantes (incluant les cultures intermédiaires) peuvent être semées, plantées ou replantées :

- à partir de la campagne 2022 : Avoine, Blé, Choux, Cultures fourragères non attractives, Cultures légumières non attractives, Endive, Fétuque (semences), Moha, Oignon, Orge, Ray-grass, Seigle ;

- à partir de la campagne 2023 : Chanvre, Maïs, Pavot/œillette, Pomme de terre ;

- à partir de la campagne 2024 : Colza, Cultures fourragères mellifères, Cultures légumières mellifères, Féverole, Lin fibre, Luzerne, Moutarde tardive, Phacélie, Pois, Radis, Tournesol, Trèfle, Vesce.

Figure 11 : source : rapport annuel de la CGB 2022

Lorsqu’une culture n’était pas mentionnée au sein de ces annexes, elle était, de fait, repoussée à N + 4.

L’INRAe, dans les réponses écrites transmises à vos rapporteurs souligne que ces restrictions en matière de cultures dites « suivantes »ont permis « de protéger les insectes pollinisateurs, et notamment les abeilles qui collectent nectar et pollen sur le colza et pollen sur maïs. Ces dispositions ont été appliquées sans restriction ni réserve par les agriculteurs planteurs de betterave ».

Si ces mesures ne permettent évidemment pas de neutraliser l’ensemble des effets néfastes de l’utilisation des néonicotinoïdes sur l’environnement, elles semblent cependant avoir été appliquées avec rigueur et avoir permis d’atténuer les effets sur les pollinisateurs. Dans certaines régions, ces contraintes ont d’ailleurs conduit les producteurs à renoncer à l’enrobage des semences avec des néonicotinoïdes pour pouvoir faire succéder aux betteraves des cultures interdites par l’arrêté (voir supra).

Par ailleurs, des mesures d’atténuation ou de compensation étaient explicitement prévues par les arrêtés. L’arrêté du 5 février 2021 précise ainsi, dans son annexe 2 bis les mesures d’atténuation et de compensation pour les cultures de maïs (autorisées en N + 2) :

1° Utilisation, sur une largeur d’au moins dix-huit rangs de betteraves qui ne peut être inférieure à huit mètres, de semences de betteraves non traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxame sur le pourtour des parcelles traitées avec ces produits ;

2° Implantation en 2021 et 2022 sur l’exploitation concernée, à une distance adaptée, de surfaces mellifères à raison de 2 % des surfaces implantées de semences de betteraves traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxame.

Il précise également les mesures d’atténuation et de compensation à mettre en œuvre pour les cultures de colza (autorisées en N+3), qui consistent en l’implantation d’un mélange composé d’au moins 50 % d’une variété précoce à floraison de type Es Alicia ou d’une variété équivalente, sur une surface représentant au moins 10 % de la sole de colza de l’exploitation concernée et sur laquelle n’ont pas été cultivées des betteraves traitées avec de l’imidaclopride ou du thiamethoxame au cours des trois années précédentes.

d.   Des conditions d’emploi destinées à la protection des insectes pollinisateurs, des oiseaux, des mammifères sauvages, de l’eau et des opérateurs eux-mêmes

Les arrêtés fixent des conditions d’emploi des semences traitées aux néonicotinoïdes qui sont destinées à limiter les risques pour les insectes pollinisateurs, les oiseaux, les mammifères sauvages, la pollution des eaux et la santé humaine (voir encadré ci-après).

Conditions d’emploi fixées dans les arrêtés

Protection des insectes pollinisateurs

– Ne pas semer une culture en fleur comme culture de remplacement en cas de destruction précoce de la culture issue des graines traitées ;

– Limiter les cultures suivantes, y compris les cultures intermédiaires, conformément à l’annexe 2 ;

– Limiter la floraison des adventices dans les cultures suivantes ;

– Limiter l’implantation des cultures intermédiaires après la culture suivante à des cultures peu attractives pour les abeilles et les autres pollinisateurs conformément à l’annexe 2, ou éviter les floraisons, ou recourir à une destruction avant floraison.

Protection des oiseaux et des mammifères sauvages

 S’assurer que les semences traitées soient entièrement incorporées dans le sol, notamment en bout de sillons ;

 Récupérer les semences traitées accidentellement répandues.

Protection de l’eau et de l’environnement

– Ne pas polluer l’eau avec le produit ou son emballage. Ne pas nettoyer le matériel d’application près des eaux de surface. Éviter la contamination via les systèmes d’évacuation des eaux à partir des cours de ferme ou des routes ;

– Laver tous les équipements de protection après utilisation ;

– L’équipement de semis doit assurer un degré élevé d’incorporation dans le sol ainsi que la réduction au minimum des pertes et des émissions de poussières (semoir mécanique ou semoir pneumatique à déflecteur) ;

– Ne pas semer les semences traitées au thiamethoxame ou à l’imidaclopride plus d’une fois par an ;

– Ne pas semer les semences traitées au thiamethoxame ou à l’imidaclopride plus d’une année sur trois sur la même parcelle.

Équipements de protection individuelle de l’opérateur lors de la phase de semis

Lors du chargement et du nettoyage du semoir :

– Gants en nitrile certifiés NF EN ISO 374-1/A1 et NF EN 16523-1+A1 (type A) ;

– EPI vestimentaire conforme à la norme NF EN ISO 27065/A1 (combinaison ou ensemble veste + pantalon) ;

– EPI partiel (tablier à manches longues ou blouse) de catégorie III type 3 (PB) porté sur le vêtement de travail ;

– Protection respiratoire certifiée minimum P2 ;

– Lunettes de protection ou écran facial certifié EN 166 (CE, sigle 3).

Lors du semis :

– Gants en nitrile certifiés NF EN ISO 374-1/A1 et NF EN ISO 374-2 (types A, B ou C) à usage unique, en cas d’intervention sur le semoir ;

– EPI vestimentaire conforme à la norme NF EN ISO 27065/A1 (combinaison ou ensemble veste + pantalon)

Lors de toute manipulation des semences traitées :

– Gants en nitrile certifiés NF EN ISO 374-1/A1 et NF EN 16523-1+A1 (type A) ;

– EPI vestimentaire conforme à la norme NF EN ISO 27065/A1 (combinaison ou ensemble veste + pantalon).

Étiquetage

L’étiquette et les documents accompagnant les semences traitées doivent mentionner l’ensemble des informations prévues au 4 de l’article 49 du règlement (CE) n° 1107/2009.

e.   Les conséquences sur l’environnement et la santé humaine des solutions chimiques alternatives aux néonicotinoïdes pendant la période
2020-2023

Les substances autorisées par l’Anses ou par dérogation du ministère de l’agriculture étaient – et sont toujours – pour la période 2020-2023 deux substances de la famille des pyréthrinoïdes, la flonicamide (substance active du Teppeki) et le spirotetramat (substance active du Movento).

En 2020, la forte pression de populations de pucerons et la forte pression parasitaire qui en a résulté avaient conduit à l’octroi d’une dérogation au titre de l’article 53 du règlement 1107/2009 pour autoriser trois applications foliaires du Movento. Cette dérogation permet au besoin de compléter les traitements déjà autorisés, notamment le recours au Teppeki, rendu possible sur betteraves dès le stade « 2 feuilles » par décision de l’Anses du 16 janvier 2019.

Les effets des pyréthrinoïdes sur la santé et l’environnement, comparativement à ceux des NNI, ont été examinés par l’Anses dans le cadre du rapport comparant les bénéfices et les risques de l’usage des néonicotinoïdes avec ceux des produits et autres alternatives disponibles, portant sur les impacts sur l’environnement, sur la santé publique et sur l’activité agricole, publié en mai 2018.

Le rapport compare les risques pour la santé (exposition alimentaire et non alimentaire) et pour six compartiments de l’environnement (organismes aquatiques, vers de terre, oiseaux, mammifères, abeilles et eaux souterraines) et les risques pour les eaux souterraines (dégradation et mobilité de la substance) des néonicotinoïdes et des alternatives chimiques.

Ces indicateurs mettent clairement en évidence l’impact potentiel des NNI sur les pollinisateurs et les eaux souterraines. Les substances alternatives ne sont pas exemptes de risques.

L’INRAe indique ainsi que les classements et phases de risque de ces deux molécules sont :

       Pour le flonicamide

       Pour le spirotétramate

f.   Conclusions des rapporteurs concernant l’évaluation des effets environnementaux de la loi

Vos rapporteurs ne peuvent que conclure de l’ensemble des éléments exposés, que les arrêtés de dérogation pris en application de la loi de 2020 ont eu des effets négatifs sur l’environnement, du fait de la dangerosité des substances autorisées. L’étude d’impact de la loi était très claire sur ce point et les débats parlementaires lors de la discussion du texte ont été très largement consacrés à cet enjeu essentiel. Vos rapporteurs estiment néanmoins que les conditions d’emploi et les mesures d’atténuation prévues par les arrêtés de dérogation ont été mises en application avec sérieux par les agriculteurs et ont pu permettre – dans des proportions difficiles à quantifier – de limiter quelque peu les conséquences, en particulier sur les pollinisateurs, les mammifères et les oiseaux. De même, ils rappellent que l’usage d’insecticides de substitution tels qu’employés entre 2018 et 2020 et en 2023 n’est pas dénué d’effet sur l’environnement et la santé humaine.

 

II.   Évaluation du fonctionnement et de l’efficacité du conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux néonicotinoïdes

1.   Missions, composition et fonctionnement du conseil de surveillance

a.   Les missions du conseil de surveillance

Les missions du conseil de surveillance confiées par la loi sont au nombre de quatre :

         contrôler les avancées et l’efficacité des tests en matière de recherche et de mise en œuvre d’alternatives aux néonicotinoïdes et vérifier la conformité de ces avancées au plan de recherche sur les alternatives aux néonicotinoïdes de la filière concernée par un arrêté de dérogation ;

         émettre un avis sur les dérogations et les conséquences de ces dernières sur l’environnement et la situation économique de la filière ;

         suivre et émettre un avis sur l’état d’avancement du plan de prévention proposé par la filière concernée ;

         publier un rapport annuel, remis chaque année avant le 15 octobre au Gouvernement et au Parlement.

b.   La composition du conseil de surveillance

Le conseil de surveillance a été présidé successivement par MM. le député Grégory Besson-Moreau, rapporteur à l’Assemblée nationale de la loi de 2020, et le sénateur Pierre Louault.

Le conseil comprend trente-quatre membres en incluant les représentants de la filière et M. Henri Havard, le délégué interministériel pour la filière sucre (voir encadré ci-dessous).

Rappel de la composition du conseil de surveillance :

– Quatre députés ;

– Quatre sénateurs ;

– Un représentant du Conseil économique, social et environnemental désigné par son président (mandat de cinq ans) ;

– Une personnalité désignée en raison de sa compétence en matière d’environnement (mandat de cinq ans) ;

– Une personnalité désignée en raison de sa compétence en matière d’agriculture (mandat de cinq ans) ;

– Le directeur général de la prévention des risques au ministère chargé de l’environnement ou son représentant ;

– Le directeur de l’eau et de la biodiversité au ministère chargé de l’environnement ou son représentant ;

– Le directeur général de la performance économique et environnementale des entreprises au ministère chargé de l’agriculture ou son représentant ;

– Le directeur général de l’alimentation au ministère chargé de l’agriculture ou son représentant ;

– Le directeur général de l’enseignement et de la recherche au ministère chargé de l’agriculture ou son représentant ;

– Le directeur général de la santé au ministère chargé de la santé ou son représentant ;

– Le président-directeur général de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement ou son représentant ;

– Le directeur général de l’Office français de la biodiversité ou son représentant ;

– Le président de chacune des organisations professionnelles agricoles représentatives habilitées en application de l’article R. 514-39 ou son représentant ;

– Trois représentants d’associations de protection de l’environnement agréées au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement (mandat de cinq ans) ;

– Le président de l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation ou son représentant ;

– Le président de l’Institut technique de l’agriculture et de l’alimentation biologiques ou son représentant ;

– Le président de l’interprofession des produits de la ruche (InterApi), ou son représentant ;

– Le président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture ou son représentant.

Le décret précise que le conseil de surveillance comprend également, en fonction de l’ordre du jour, deux représentants de la filière de production et de la transformation et un représentant de l’Institut technique de la filière concernée désignés par le président, ainsi que, le cas échéant, le délégué interministériel pour la filière. En pratique les représentants de la filière et le délégué interministériel ont systématiquement été invités aux réunions du conseil par son président.

Le président du conseil est nommé, parmi ses membres parlementaires, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement.

c.   Fonctionnement du conseil de surveillance

Le conseil de surveillance se réunit trimestriellement. En cas d’urgence les ministres de l’agriculture et de l’environnement peuvent le convoquer sur le fondement d’un ordre du jour établi par eux.

Le fonctionnement du conseil est régi par les articles R. 133-3 à R.133-15 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions fixées par décret. Un règlement intérieur est venu compléter ou préciser certaines dispositions de ces textes.

Le conseil délibère valablement sans condition de quorum. En cas de partage égal des voix, la voix du président est prépondérante. À l’issue de la réunion du conseil, son avis est réputé rendu.

La direction générale de l’alimentation du ministère de l’agriculture assure le secrétariat du conseil. Elle assiste le président du conseil pour préparer les séances du conseil, établir les relevés de décisions, avis et rapports et les transmettre à leurs destinataires.

Les frais de déplacement des membres, des experts ou personnalités invitées à titre exceptionnel à une séance du conseil sont remboursés dans les conditions prévues par le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l’État.

2.   Un conseil de surveillance fortement critiqué

a.   Une mise en place très rapide, qui a établi les premiers échanges dans un climat de hâte, voire d’urgence

L’installation du conseil de surveillance a été extrêmement rapide, la première réunion se déroulant dans un climat d’urgence. Les membres ont été désignés entre le 15 décembre 2020 et le 15 janvier 2021. Le conseil a tenu sa première réunion le 22 janvier pour rendre son avis sur le projet d’arrêté du Gouvernement permettant d’employer des semences traitées aux néonicotinoïdes pour les semis de mars 2021. Il s’est ensuite réuni afin d’arrêter son fonctionnement lors de sa deuxième réunion, tenue le 25 mai 2021 à Laon ([43]). Cette chronologie heurtée a pu donner le sentiment que le conseil n’avait été mis en place que pour entériner une décision déjà prise.

b.   Des éléments objectifs montrent que le conseil de surveillance a respecté la lettre de la loi, en exerçant l’ensemble des missions qui lui avait été confiées

Conformément à la loi, le conseil s’est réuni tous les trimestres depuis début 2021 et a exercé les missions qui lui ont été confiées. Ainsi il s’est prononcé sur les arrêtés de dérogations en 2021 et 2022, a donné son avis sur le plan de prévention de la filière en 2021 et 2022 et a suivi les avancées du PNRI qui a fait l’objet d’une présentation quasi-systématique lors de chaque réunion.

Les propositions de dérogation étaient construites au sein du conseil de surveillance, via une procédure de vote, en s’appuyant sur une analyse des risques. Cette analyse reposait sur des approches par modélisation, conduites par l’INRAe et discutées avec les experts de l’ITB. Le risque était estimé à partir de la date d’arrivée probable des pucerons, sachant que plus l’arrivée est précoce, plus le risque d’épidémie est important. Les composantes suivantes étaient utilisées pour estimer ces risques :

         Un modèle reliant la date d’arrivée des pucerons et la température moyenne sur la période allant du 1er janvier au 14 février. Le modèle de Qi, établi par la recherche anglaise, a été utilisé. Au cours du PNRI, ce modèle a fait l’objet de travaux, en vue de l’améliorer. La précision en a été améliorée (R2) mais la régression reste inchangée. Au terme du PNRI, ces modèles améliorés seront utiles pour la conduite de la protection des cultures ;

         Dans la mesure où la dérogation est analysée en décembre et janvier, c’est-à-dire avant que les températures effectives ne soient disponibles, une seconde composante est la prévision des températures. Pour cela, tous les modèles météorologiques disponibles à l’échelle européenne sont mobilisés, avec des prédictions initialisées à partir des données réelles disponibles au 1er novembre (données et simulations disponibles au 15 novembre), 1er décembre (données et simulations disponibles au 15 décembre) et 1er janvier (données et simulations disponibles au 15 janvier). Une analyse de la cohérence des différents modèles est assurée par des experts de l’INRAe en relation avec les experts météorologues de Météo France ;

         L’état du réservoir viral. Ceci fut clairement le point le plus délicat, car en janvier 2021 et janvier 2022, dates d’instruction des deux dérogations, la connaissance des réservoirs était – de l’aveu même de l’INRAe – rudimentaire ;

         La possibilité de mettre en œuvre de pratiques agricoles (prophylactiques, curatives, variétés notamment) susceptibles de réduire l’incidence à une date donnée d’arrivée.

Ceci conduit à produire des cartes régionalisées de risque. En moyenne, le risque était plus faible en 2021 qu’en 2020 et celui de 2022 s’est situé entre ces deux années ([44]).

c.   Le conseil de surveillance a néanmoins échoué à être un véritable lieu de dialogue et a été perçu par certains de ses membres comme une « chambre d’enregistrement » de décisions de dérogation prise hors de son sein

Ce bilan « de façade » doit néanmoins être nuancé : les auditions menées par vos rapporteurs ont été trop souvent l’occasion pour les acteurs de déplorer un manque de dialogue et d’échanges pour que ces doléances ne soient pas prises au sérieux.

Plusieurs acteurs ont eu le sentiment que le conseil de surveillance constituait une chambre d’enregistrement de décision de dérogation prise de manière systématique.

Le représentant de la Confédération paysanne, M. Stéphane Delmotte, a ainsi déclaré lors de son audition que « [ses] prises de parole lui avaient valu des remarques désagréables notamment de la part du président du conseil de surveillance qui [lui] a fait remarquer que la culture en bio représentait une part infinitésimale de la production : ça reflétait le fond de la pensée de la majorité des participants à ce conseil. Ce conseil avait été créé pour trouver des alternatives : c’était ce qui était affiché. Mais le véritable objet du conseil, c’était de reconduire et de permettre année après année l’usage des NNI » ([45]).

M. François Veillerette, qui représentait Générations futures au sein du conseil de surveillance, a déploré qu’au-delà de la composition du conseil, trop favorable, de son point de vue, à la filière sucrière, les documents nécessaires aux échanges soient envoyés tardivement, « pas de manière très transparente » et que les dérogations aient été adoptées sur le fondement de données peu claires concernant les prévisions météo et en l’absence d’éléments objectifs permettant de considérer qu’il existait des réservoirs conséquents de virus ([46]) .

M. Jacques Caplat qui représentait Agir pour l’environnement et que vos rapporteurs n’ont pu rencontrer malgré plusieurs propositions d’échanges en visioconférence, a indiqué par courriel considérer qu’il fallait « parler de " manquements graves ", qui posent de vraies questions de régulation démocratique (décisions prises sur la base d’informations erronées, rétention d’informations, etc.) » ([47]).

La représentante de l’Anses au sein du conseil n’a pas souhaité continuer son implication – en tant qu’observateur à tout le moins – au sein du conseil estimant qu’il n’y avait « pas assez de prospectives vers des méthodes nouvelles c’est-à-dire en faveur de la recherche d’alternatives. Les travaux ont plus été axés sur les dérogations » ([48]).

M. Franck Alétru, Président du syndicat national d’apiculture, a regretté lors de son audition l’absence d’écoute dont les apiculteurs semblent avoir été victimes, déclarant ainsi : « La problématique apicole n’était absolument pas prise en compte. On avait proposé de planter des surfaces mellifères ridicules : on s’en est indigné, on n’a jamais tenu compte de nos remarques. On a fini par quitter le conseil. Il n’y avait rien. Aucun échange, vraiment rien. On avait interrogé l’Institut technique apicole : ils n’avaient pas une meilleure écoute. On était des spectateurs non pris en considération. Les visites de terrain étaient orientées vers des exploitations d’agriculteurs de terrain produisant des betteraves, ce qui était logique ; mais il n’y a eu aucune visite chez les apiculteurs. On a considéré que devant un tel constat, on n’avait pas notre place. On ne cherchait pas à être un grain de sable : on a dit ce qu’on avait à dire, on a écrit. Il y avait un entêtement à ne pas entendre, au sein du conseil de surveillance » ([49]).

Le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire réfute ces accusations et affirme que « tous les membres du conseil ont été traités également et disposent avant chaque séance du conseil du même niveau d’information. Par ailleurs, les services du Gouvernement, et tout particulièrement le délégué interministériel, ont été constamment disponibles pour dialoguer avec l’une ou l’autre partie dès lors que ces dernières auraient sollicité un échange particulier, ce qui n’a pas été le cas. Par ailleurs, il convient de mentionner que deux groupes de travail réunissant la filière " betterave sucre " et la filière apicole et les services de l’État ont été organisés par le délégué interministériel pour la filière sucre en juin et octobre 2021 à la demande du président de conseil de surveillance. Ces groupes de travail ont constitué l’occasion d’échanges sur les mesures d’accompagnement prévue par la filière dans le cadre de l’engagement n° 3 de son plan de prévention joint en annexe VIII (Optimiser les pratiques pour protéger et favoriser les pollinisateurs et les auxiliaires des cultures). Le peu d’avancées de ces travaux et le caractère extrêmement négatif des positions de la filière apicole, très critique sur les opérations de la filière " betterave sucre " sans proposer d’alternative, ont conduit ce groupe de travail à interrompre des travaux qui, de toute évidence, ne permettaient pas de progresser » ([50]).

Le sentiment de vos rapporteurs, au terme des auditions qu’ils ont mené, est mitigé. Si le conseil de surveillance a bien rempli les missions qui lui étaient confiées par la loi, il semble qu’il ne soit pas parvenu à créer un espace de dialogue ouvert – qu’aurait exigé l’esprit dans lequel la loi a été votée – ce qui est très regrettable. Les conditions dans lesquelles le conseil a été installé et la nécessité de prendre des décisions rapides à l’hiver 2021 ont pu partiellement expliquer cette atmosphère. Vos rapporteurs considèrent néanmoins que les échanges n’y ont pas été suffisamment apaisés et constructifs et le déplorent.

III.   évaluation de la mise en œuvre et des résultats du plan national de recherche et d’innovation (PNRI) et du plan national pollinisateurs 2021-2026

État des travaux de recherche sur les alternatives aux néonicotinoïdes et les efforts financiers consentis en leur faveur avant l’adoption de la loi de 2020

Le programme national de développement agricole et rural (PNDAR), avec son instrument financier dédié, le compte d’affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR), œuvre à encourager les approches innovantes et les innovations de rupture. Plusieurs leviers avaient fait l’objet de travaux de recherches et d’innovation achevés, en cours ou en projet sur les alternatives aux néonicotinoïdes avant 2020. Il est cependant à noter qu’aucun appel à projet n’avait été alors monté spécifiquement pour répondre au sujet des alternatives NNI sur pucerons de la betterave via cet instrument.

En revanche, l’appel à projets Ecophyto R&I de 2017 avait explicitement tourné son ambition vers le sujet des alternatives aux NNI. Cela représente 12 projets pour une somme totale de 1,13 M€ de subventions. Plusieurs projets relatifs à la problématique des pucerons avaient été alors financés (ABCD-B, PLANTSERV, REGULEG, AGRONICOLEG, APHIDINNOV, DEFOLALTPC, PALPUF), dont un spécifiquement sur l’évaluation des solutions pour la protection contre les maladies à virus transmises par des pucerons sur les principales grandes cultures, avec un volet centré sur la betterave (ABCD-B, porté par Arvalis et associant l’Institut Technique de la Betterave pour le volet du projet consacré à cette culture).

Par ailleurs, de nombreux travaux se sont concentrés sur les leviers qui peuvent servir à lutter contre les pucerons et les viroses d’une manière plus générale, en l’absence de néonicotinoïdes (sélection générique, pose de filets anti-insectes, etc.).

Par ailleurs, plusieurs solutions retenues dans le cadre du PNRI « Betteraves » avaient été envisagées avant 2020 comme pistes de travail par l’INRAe et l’ITB, sans toutefois avoir abouti à des projets en soi, telles que :

 analyser les réservoirs principaux de pucerons ;

 étudier le rôle du statut nutritif de la plante sur l’appétence vis-à-vis des pucerons ;

 modifier l’itinéraire technique (e.g. décalage de la date de semis) ;

 combiner des solutions à effet partiel ;

 intégrer l’ensemble des approches à l’échelle du paysage ;

 freiner le développement de pucerons par des plantes de service (féverole, avoine, notamment).

S’agissant des professionnels de la betterave plus particulièrement, la mobilisation pour trouver des alternatives aux produits phytopharmaceutiques face à la jaunisse de la betterave est récente (2018). Trois projets de recherche impliquant l’ITB et d’autres acteurs (INRAe ou le Groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences, dit « GEVES » ainsi que d’autres instituts techniques agricoles) ont travaillé sur des questions scientifiques directement liées à la jaunisse, et représentent un soutien public direct supérieur à 700 000 €. Sur la période 2014-20, plus d’un million d’euros par an de soutien public direct à la R&D sur la betterave a été attribué via le CASDAR et le Programme d’investissement d’avenir (PIA).

Les solutions alors travaillées par l’ITB devaient aboutir au développement de kits de diagnostic permettant d’analyser si les pucerons sont porteurs de virus et s’il est nécessaire de traiter (2023), des variétés tolérantes (2025) et des solutions agronomiques ou paysagères (2028).

Source : éléments écrits transmis par le MASA à vos rapporteurs

1.   Le plan national de recherche et innovation (PNRI) constitue un succès remarquable et doit être prolongé

Si la loi de 2020 avait pour objectif de permettre à la filière de passer un cap délicat sur le plan économique, elle était avant tout destinée – et son caractère strictement limité dans le temps en témoigne – à permettre à la recherche d’effectuer des avancées suffisantes pour proposer aux agriculteurs des alternatives crédibles aux néonicotinoïdes.

L’évaluation de la loi est donc indissociable de celle du plan national de recherche et innovation (PNRI), qui en constitue le corollaire. Celui-ci est unanimement salué par les acteurs entendus en audition par vos rapporteurs. Le PNRI témoigne de l’efficacité de la recherche en matière agricole lorsque les moyens nécessaires y sont consacrés et qu’une contrainte de temps rend indispensable l’obtention rapide de résultats pouvant être mis en œuvre à grande échelle. Le PNRI est à cet égard, exemplaire. Vos rapporteurs tiennent donc à saluer le travail conduit par l’ensemble des parties prenantes, en particulier les membres du comité de coordination technique (CCT) dont l’engagement leur a été décrit comme exceptionnel.

Vos rapporteurs plaident donc pour un prolongement du PNRI, d’au moins deux à trois années, conformément à l’hypothèse examinée par le Gouvernement. En effet, lors de sa dernière séance du 20 avril 2023, le conseil de surveillance a fait part au Gouvernement de son souhait de voir le PNRI prolongé et le Gouvernement a prié le comité de coordination technique (CCT) du PNRI de rédiger une proposition de « PNRI 2 », qui doit lui être remise à la fin du mois de juillet. Le Gouvernement a indiqué à vos rapporteurs que cette prolongation de programme sera arbitrée dans le courant de l’automne 2023.

Proposition des rapporteurs : prolonger la durée du plan national de recherche et innovation (PNRI), lancé en janvier 2021 et qui doit s’achever en 2023.

a.   Des financements à la hauteur des enjeux

Le financement public initial du plan était de 6,95 millions d’euros (M€) pour une période de trois ans ([51]) . Fin 2021, un abondement de 250 000 € a été accordé au PNRI pour financer deux projets supplémentaires. C’est donc un financement total de 7,20 M€ qui a été consenti par les pouvoirs publics pour le PNRI.

À ce financement public direct, il faut ajouter les contributions des acteurs privés et de l’INRAe qui s’élèvent, d’après les dernières estimations disponibles transmises par le ministère à vos rapporteurs, à un peu plus de 11 M€ pour un total d’environ 20 M€ sur trois ans.

L’AIBS souligne que le PNRI a permis de mobiliser, en quelques mois, un nombre très important d’équipes de recherche, avec près de 200 chercheurs participant à 23 programmes de recherche.

b.   Le contenu du PNRI

i.   Une gouvernance complexe mais efficace

Le PNRI comprend trois organes de gouvernance :

         Le comité de coordination technique (CCT) qui compte 14 membres représentant l’INRAe, l’ITB, l’État (CGDD (MTECT), MASA (DGER) et délégué interministériel), les opérateurs du financement public (FranceAgriMer et DGER) et la filière (président de l’AIBS, représentant des sucriers et des planteurs) ;

         Le comité scientifique et de suivi (CSS) qui est indépendant du CCT (seul son président est membre de ce dernier) ;

         Le comité de suivi ministériel (CSM), qui se réunit semestriellement et regroupe les cabinets des ministères de l’agriculture et de l’écologie.

Cette gouvernance, à première vue complexe, s’est révélée très efficace. L’engagement exceptionnel des membres du CCT a, par ailleurs, été salué par de nombreuses personnes auditionnées par vos rapporteurs.

ii.   Vingt-cinq projets menés dans le cadre du PNRI et 65 fermes-pilotes représentant 750 hectares

Le plan national de recherche et d’innovation (PNRI) a pour objectif de trouver des solutions alternatives et des systèmes de production alternatifs à l’usage des néonicotinoïdes c’est-à-dire, selon les termes employés par l’INRAe, « à identifier, avant 2024, des solutions qui, seules ou combinées, protégeront les cultures de betterave à sucre des virus de jaunisse ».

À son lancement, le PNRI représente une vingtaine de projets regroupant une trentaine d’acteurs publics et privés, portant sur des approches diverses (variétés résistantes, plantes compagnes, biocontrôle, endophytes, auxiliaires...). Par ailleurs, sont menés dans le cadre du PNRI des travaux en laboratoire et en « fermes-pilotes ». Ces 65 fermes-pilotes représentent une surface de 750 hectares et constituent l’une des originalités du plan – et l’un des gages de son efficacité : il s’agit de « vraies » fermes hors les surfaces attribuées à la recherche par les instituts techniques, les chambres d’agriculture ou l’INRAe). L’ensemble de ces travaux permet aujourd’hui d’évaluer les solutions proposées et expérimentées, seules ou en combinaison.

Le PNRI compte aujourd’hui 25 projets ([52]), dont :

         23 projets scientifiques

         2 projets transverses concernant la communication et le transfert des solutions du PNRI vers les agriculteurs et la coordination du programme.

Ces projets visent à

         mieux comprendre la jaunisse et mieux prédire les risques (les réservoirs de virus ; les sources d’alimentation des pucerons ; les modélisations pour anticiper les vols de pucerons, les risques de jaunisse et la simulation des impacts des leviers) ;

         faire émerger des solutions à l’échelle de la culture, notamment en modifiant l’itinéraire cultural de la betterave (des plantes compagnes ; des bandes fleuries ; des graminées pendant l’interculture qui libèrent des composés insecticides lors de leur décomposition) ;

         mobiliser largement tous les leviers techniques (génétiques avec de nouvelles variétés tolérantes ou résistantes à la jaunisse ; avec des mélanges de variétés ; biocontrôle avec les lâchers de prédateurs, les composés odorants pour repousser les pucerons ou attirer ses prédateurs, les plantes de service qui perturbent le comportement des pucerons) ;

         prendre en compte la dimension économique indispensable (évaluation de chaque solution et de chaque combinaison de solutions ; dispositif de concertation entre agriculteurs pour gérer la maladie en « bien commun » ; dispositif d’indemnisation complémentaire).

Le PNRI est aujourd’hui dans une phase d’évaluation et de validation des solutions.

c.   Des avancées majeures

Le PNRI a permis des avancées majeures.

En 2023, trois projets du PNRI ont été déployés par anticipation dans le cadre du plan d’urgence mis en place par le Gouvernement pour 2023 :

         l’analyse de risque issue des travaux du projet de modélisation et gestion des risques dit « SEPIM » ([53]) ;

         un itinéraire technique sur l’implantation de plantes compagnes ;

         le déploiement de mesures prophylactiques visant à abaisser les réservoirs viraux.

Le bilan du déploiement de ces mesures n’est pas encore disponible. Il sera effectué pour la rentrée de septembre 2023.

Les deux méthodes prophylactiques proposées aux agriculteurs dès 2023

Dans le cadre du PNRI, deux méthodes prophylactiques ont été proposées aux agriculteurs en 2023 et ont fait l’objet de fiches de conseils diffusées auprès des producteurs.

– La gestion des réservoirs viraux, qui consiste à améliorer la gestion des cordons de déterrage, lorsque les résidus n’ont pas été épandus, puis enfouis dans la parcelle au cours de l’automne précédent. Il est alors conseillé de limiter la pression virale en retournant les andains de déterrage en période de gel ou lorsque la terre est suffisamment sèche et maniable ou de recourir à l’emploi de glyphosate pour éliminer les repousses de betteraves.

– L’implantation de plantes compagnes (avoine rude ou orge de printemps) a montré de bons résultats dans le cadre du PNRI avec une réduction de l’ordre de 50 % des populations de pucerons. Néanmoins, le comité de coordination a décidé de ne pas diffuser cette recommandation largement mais d’accompagner des acteurs volontaires. L’itinéraire technique demandait, en effet, à être affiné pour limiter les pertes de rendement, qui pouvaientt atteindre 36 %. Dans ce cadre, l’emploi d’un herbicide
anti-graminé pour éliminer la plante compagne est nécessaire.

L’enjeu des semis de mars 2024 est de présenter les solutions les plus prometteuses issues du PNRI. Ainsi le plan d’essais 2023 validé par le CCT repose sur la combinaison des solutions suivantes :

Solutions les plus prometteuses identifiées dans le cadre du PNRI

Réduire la présence de pucerons

Maximiser la prédation des pucerons

Réduire les réservoirs viraux

  • Variétés résistantes (à effet répulsif)
  • Teppeki (insecticide)
  • Huile de paraffine
  • Plantes compagnes
  • Kairomones
  • Plantes compagnes
  • Phéromones d’alarme
  • Œufs et larves de chrysopes
  • Bandes fleuries
  • Variétés résistantes en production de semences
  • Teppeki et Huile de paraffine
  • Plantes compagnes, en production de semences
  • Lecanicillium sur colza proche
  • Suppression des repousses de betteraves
  • Gestion des restes de betteraves (feuilles, collets) après arrachage (« cordons de déterrage »)

L’INRAe indique qu’il faut poursuivre les travaux afin d’avancer sur les leviers mobilisables mais aussi étendre les tests avec les fermes-pilotes en se concentrant sur les combinaisons de solutions et travailler sur les approches assurantielles complémentaires.

Le Gouvernement souligne, par ailleurs, qu’outre la question de la temporalité contrainte dans laquelle s’effectue cet effort de recherche, le grand enjeu du PNRI est désormais l’acceptation et l’appropriation des solutions par les agriculteurs, une fois démontrées leur efficacité et leur viabilité technique et économique.

d.   L’appréciation des rapporteurs

Vos rapporteurs saluent le travail mené par l’ensemble des acteurs impliqués dans le cadre du PNRI, qui semble constituer, aux yeux de tous les acteurs auditionnés, un exemple très vertueux de recherche appliquée menée dans des délais contraints.

2.   Le plan national pollinisateurs 2021-2026

Le plan national pollinisateurs constitue également un corollaire de la loi de 2020. Lancé en 2021, il se décline selon six axes principaux :

         l’amélioration des connaissances scientifiques ;

         la mise en œuvre de leviers économiques et d’accompagnement des agriculteurs, apiculteurs et forestiers ;

         l’accompagnement des autres secteurs d’activité (aménagements urbains, infrastructures linéaires, sites industriels, sites à grande emprise foncière, aires protégées) ;

         la préservation du bon état de santé des abeilles et autres pollinisateurs ;

         la réglementation pour la protection des pollinisateurs lors de l’autorisation et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ;

         le partage des pratiques agricoles favorables aux pollinisateurs.

Les actions prioritaires du plan sont les suivantes :

         établir des listes rouges dans le cadre de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) des insectes pollinisateurs sauvages sur le territoire national, pour disposer de données objectives permettant d’orienter les actions de conservation ;

         mieux connaître les comportements et ressources alimentaires des pollinisateurs, pour déterminer l’influence des pratiques agricoles et apicoles et l’impact du changement climatique sur ces ressources, et faire émerger des solutions innovantes ;

         acquérir de nouvelles connaissances sur les facteurs de stress des pollinisateurs, et les mécanismes d’adaptation des pollinisateurs aux stress, pour proposer des stratégies d’adaptation pertinentes ;

         mobiliser une diversité d’acteurs et disséminer largement les pratiques favorables aux pollinisateurs. Le plan prévoit l’intégration d’actions favorables aux insectes pollinisateurs dans les pratiques de nombreux secteurs d’activité : agriculture, forêt, aménagement urbain, industries, infrastructures de transport, ainsi que dans les espaces naturels protégés ;

         établir un partenariat avec le conseil national des villes et villages fleuris, pour renforcer la prise en compte des insectes pollinisateurs et de la pollinisation par les collectivités, et impliquer la société civile dans des actions en faveur des insectes pollinisateurs ;

         préserver le bon état de santé des abeilles, notamment via divers leviers d’accompagnement des apiculteurs : formation, maîtrise sanitaires des exploitations apicoles et le déploiement de l’observatoire des mortalités et des affaiblissements de l’abeille mellifère (OMAA) sur l’ensemble du territoire national ;

         soutenir la filière apicole, pour garantir la viabilité économique des exploitations apicoles françaises et le maintien d’un cheptel apicole important sur le territoire national ;

         renforcer la protection des pollinisateurs lors de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, avec notamment la révision de l’arrêté du 28 novembre 2003 relatif aux conditions d’utilisation des produits phytopharmaceutiques en période de floraison.

Si le caractère récent du lancement de ce plan n’a pas permis à vos rapporteurs d’en établir une évaluation suffisamment étoffée pour être présentée dans le cadre de ce rapport, ils ne peuvent que déplorer – reprenant les doléances exprimées par Mme Barbara Pompili, ancienne ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires – les délais ayant précédé la mise en œuvre de ce plan, qui a été lancé près d’un an après l’entrée en vigueur de la loi alors qu’ils auraient dû être concomitants.

 


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   Conclusion et perspectives

En conclusion de leurs travaux, vos rapporteurs estiment que les effets produits par la loi de 2020 sont conformes à ceux attendus au moment du vote de la loi tels qu’ils étaient décrits dans l’étude d’impact et tels qu’ils ont été formulés dans le cadre notamment des débats parlementaires.

La loi de 2020 a joué un effet de stabilisateur économique pour la filière et a surtout permis de poursuivre – et de renforcer très fortement – les efforts de recherche en matière de lutte contre la jaunisse. Elle constitue, en cela, un succès. La recherche variétale, notamment, concentre les espoirs des producteurs et devrait permettre, associée aux autres solutions testées dans le cadre du PNRI, de rassurer la filière face au risque de jaunisse, dans des délais de deux à trois ans. D’ici-là, il est essentiel que les pouvoirs publics maintiennent leur soutien à la filière, y compris un soutien financier en cas de nouvelle épidémie comparable à celle de 2020.

Le bilan est plus mitigé concernant le fonctionnement du conseil de surveillance (art. 1er de la loi), qui semble n’avoir pas permis des échanges sereins et constructifs de l’ensemble des parties prenantes. Quant au bilan environnemental de la loi, il ne peut être que négatif du fait de la dangerosité des substances concernées – cette appréciation doit néanmoins être nuancée : les mesures d’atténuation, les règles sur les cultures suivantes et les conditions d’emploi des semences ont permis de limiter quelque peu les effets néfastes des néonicotinoïdes. Ils rappellent, en outre, que les conséquences sur l’environnement des substances chimiques alternatives aux néonicotinoïdes ne sont pas neutres pour l’environnement.

En conclusion, vos rapporteurs réitèrent leur soutien à la filière et partagent son sentiment quant aux effets brutaux et qui ne pouvaient être anticipés de l’arrêt de la CJUE du 19 janvier 2023.

Ils seront particulièrement attentifs à la mise en œuvre du plan de soutien aux planteurs de betteraves et à la filière sucrière française, annoncée le 9 février dernier par le Gouvernement, qui comporte notamment l’accélération des travaux du PNRI et la mise en place d’une aide aux planteurs en cas de pertes de rendements liés à la jaunisse en 2023 – vos rapporteurs se réjouissent d’ailleurs que, pour l’heure, la menace d’une épidémie grave semble s’éloigner.

 


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   Proposition des rapporteurs

Proposition des rapporteurs : prolonger la durée du plan national de recherche et innovation (PNRI), lancé en janvier 2021 et qui doit s’achever en 2023.

 


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EXAMEN EN COMMISSION

 

Au cours de la réunion du mercredi 12 juillet 2023, la commission des affaires économiques a examiné le rapport d’évaluation de la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières (Mme Hélène Laporte et M. Stéphane Travert, rapporteurs).

Ce point de l’ordre du jour n’ayant pas fait l’objet d’un compte rendu écrit, les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/WXIXDv.

 

 


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Liste des personnes auditionnées

Par ordre chronologique

Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) *

M. Franck Sander, président de la CGB

M. Fabien Hamot, membre du bureau de la CGB et président de la délégation CGB de la Somme

M. Timothée Masson, directeur des services économie et syndical

Association interprofessionnelle de la betterave et du sucre (AIBS) *

M. Alain Carré, président

M. Thierry Gokelaere, directeur

Mme Morgane Esteve, responsable affaires publiques de Tereos

Institut Technique de la Betterave (ITB)

M. Vincent Laudinat, directeur général

Mme Fabienne Maupas, directrice scientifique

Chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne *

M. Jérémy Bailles, agriculteur, producteur de betteraves porte graines

M. Jean-Michel Ruchaud, représentant la Chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne

Confédération paysanne

M. Stéphane Delmotte

Audition commune :

Union nationale de l’apiculture française (UNAF) *

M. Yves Delaunay, administrateur de l’UNAF

Mme Clémence Remy, responsable « filière et environnement de l’abeille »

M. Foucaud Berthelot, chargé de projets « Environnement de l’abeille »

Syndicat national d’apiculture (SNA) *

M. Franck Alétru, président

 

Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l’environnement (INRAe)

M. Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture

M. Marc Gauchée, conseiller du président-directeur général pour les relations parlementaires et institutionnelles

Coordination rurale

Mme Aurélie Hallain, présidente de la Coordination Rurale d’Eure-et-Loir

M. Henri Havard, délégué interministériel pour la filière sucre

Agence nationale sécurité sanitaire alimentaire nationale (Anses)

Mme Charlotte Grastilleur, directrice générale déléguée du pôle produits règlementés.

Mme Jovana Deravel, chargée de mission pôle produits règlementés

Générations futures

M. François Veillerette

Mme Barbara Pompili, députée, ancienne ministre

Chambres d’agriculture *

M. Philippe Noyau, élu référent sur les sujets phytosanitaires

M. Etienne Bertin, chargé d’affaires publiques

Commission européenne

M. Pierre Bascou, directeur général adjoint de la direction générale « Agriculture et développement rural »

M. Klaus Berend, directeur chargé de la sécurité alimentaire, de la durabilité et de l’innovation au sein de la direction générale « Santé et sécurité alimentaire »

Mme Delphine Batho, députée, ancienne ministre

Ministère de la transition écologique

Mme Agnès Lefranc sous-directrice « Santé-environnement, produits chimiques et agriculture » au sein de la direction générale de la prévention des risques (DGPR)

Mme Marie-Laure Metayer, directrice adjointe de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN)

M. Gilles Lebreton, député européen

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, accompagné de :

Mme Julie Brayer Mankor, conseillère filières végétales, santé des végétaux et planification écologique

M. Yves Auffret, conseiller politique agricole commune (PAC), affaires européennes et internationales

Mme Claire Tholance, conseillère parlementaire

M. Antoine Le Gal, référent de la direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER)

Monsieur Bruno Printz, adjoint du chef du bureau des intrants et du biocontrôle au sein de la direction générale de l’alimentation

M. Henri Havard, délégué interministériel pour la filière sucre

Mme Anne Girel-Zajdenweber, adjointe au directeur de la sous-direction « filières agroalimentaires » au sein de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)

Mme Raphaëlle Malot, chef du bureau des grandes cultures, semences et produits transformés au sein de la sous-direction « filières agroalimentaires »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


—  1  —

   Personnes rencontrÉes
dans le cadre d’un dÉplacement dans l’Aisne
le vendredi 30 juin 2023

Les rapporteurs ont été accompagnés par M. Julien Dive, député de la deuxième circonscription de l’Aisne dans le cadre de ces visites.

Exploitation du Tilloy à Remaucourt

M. Damien Sebbe, agriculteur

M. Guillaume Gandon, président de la confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) de l’Aisne

M. Bruno Cardot, administrateur de la CGB de l’Aisne

M. Emmanuel Pigeon, directeur de la CGB des Hauts-de-France

 

Sucrerie d’Origny-Sainte-Benoîte (Tereos)

M. Henri Benard, directeur des opérations agricoles

M. Stéphane Caudron, agriculteur, membre du conseil de région Picardie Est

M. Philippe Guenal, directeur du cluster Picardie

M. Florent Lhotte, agriculteur, membre du conseil coopératif de Tereos, président du conseil de région Picardie Est

M. Laurent Perrette, responsable des affaires publiques ;

M. David Sergent, secrétaire général chargé de la gouvernance et des fonctions support aux opérations agricoles

 

Pôle expérimental de l’ITB du Griffon à Laon

M. Ghislain Malatesta, directeur expérimentation et expertise régionale de l’ITB.

 


—  1  —

   annexe 1 :
bibliographie relative aux effets des nÉonicotinoïdes sur l’environnement et la santÉ humaine, transmise par l’INRAe aux rapporteurs

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Simon-Delso, N., Amaral-Rogers, V., Belzunces, L. P., Bonmatin, J. M., Chagnon, M., Downs, C.,.. . Wiemers, M. (2015). Systemic insecticides (neonicotinoids and fipronil) : trends, uses, mode of action and metabolites. Environ Sci Pollut Res Int, 22(1), 5-34. doi : 10.1007/s11356-014-3470-y

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Wang, A. Z., Mahai, G. G., Wan, Y. J., Yang, Z., He, Z. Y., Xu, S. Q., & Xia, W. (2020). Assessment of imidacloprid related exposure using imidacloprid-olefin and desnitro-imidacloprid : Neonicotinoid insecticides in human urine in Wuhan, China. [Article]. Environment International, 141. doi : 10.1016/j.envint.2020.105785

Wintermantel, D., Odoux, J.-F., Decourtye, A., Henry, M., Allier, F., & Bretagnolle, V. (2019). Neonicotinoid-induced mortality risk for bees foraging on oilseed rape nectar persists despite EU moratorium. Science of the Total Environment (704), 135400. doi: https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2019.135400.

 


—  1  —

   Annexe 2 :
liste des projets retenus dans le cadre du PNRI

 


   Annexe 3 : mise en œuvre par le ministre de l’agriculture et de la souverainetÉ alimentaire des dispositions des articles 53 et 54 du rÈglement 178/2002

Rappel des dispositions de l’article 3 de la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières :

« L’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les ministres chargés de l'agriculture et de la consommation peuvent, dans le respect des articles 53 et 54 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, prendre des mesures conservatoires afin de suspendre ou de fixer des conditions particulières à l'introduction, l'importation et la mise sur le marché en France de denrées alimentaires ou produits agricoles mentionnés au premier alinéa du présent article. »

« La présente loi sera exécutée comme loi de l’État. »

Pour la période 2020-2023, le ministère a pris trois mesures d’urgence pour fixer des conditions particulières à l’introduction, l’importation et la mise sur le marché en France de denrées alimentaires en application des articles 53 et 54 du règlement 178/2002.

Deux de ces mesures concernaient des denrées d’origine végétale :  

         en 2020, interdiction temporaire d’importation des cerises traitées au diméthoate (arrêté du 8 avril 2020). Cette mesure n’a plus été nécessaire en 2021 avec l’entrée en application de l’abaissement de la limite maximale de résidus (LMR) européenne à 0,01 mg/kg ;

         en 2023, interdiction temporaire d’importation des cerises traitées au phosmet (arrêté du 16 mars 2023).

Une mesure concerne des produits d’origine végétale : des arrêtés de 2022 et 2023 portent suspension de l’introduction, l’importation et la mise sur le marché en France de viandes et produits à base de viande issus d'animaux provenant de pays tiers ayant reçu des médicaments antimicrobiens pour favoriser la croissance ou augmenter le rendement.


([1]) Arrêt de la CJUE 19/01/2023 - Pesticide Action Network Europe e.a, affaire C-162/21, consultable en ligne : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=6678B26F2B21714D88C2458B2EF0CC70?text=&docid=269405&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=1705542

([2]) La rémanence est la capacité d’une substance active à exercer son action longtemps après son application.

([3]) Une demi-vie est le temps mis par une substance (molécule, médicament ou autre) pour perdre la moitié de son activité pharmacologique ou physiologique.

([4]) Voir le 4 de la seconde partie du présent rapport, consacré aux conséquences environnementales de la loi, en particulier.

([5]) Les autres NNI ne concernent pas la betterave (Acetamipride de Bayer commercialisé par Certis-Scotts, et appliqué uniquement en végétation et Thiaclopride, de Bayer) ou ne sont pas commercialisés en France (Dinotéfurane de Mitsui Chemicals et Nitenpyrame de Jiangsu).

Source : éléments transmis par l’INRAe à vos rapporteurs.

([6]) Éléments écrits transmis par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) à vos rapporteurs.

([7]) Résumé consultable en ligne : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/rapport_evaluation_pollinisateurs-IPBES.pdf  

([8]) Les débats sont consultables en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2015-2016/20160222.asp  

([9]) https://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/3833/AN/452.asp

([10]) L’expertise, en trois tomes, est consultable en ligne : https://www.anses.fr/fr/content/risques-et-b%C3%A9n%C3%A9fices-des-produits-phytopharmaceutiques-%C3%A0-base-de-n%C3%A9onicotino%C3%AFdes-et-de-leurs

([11]) Arrêté du 7 mai 2019 portant dérogation à l’interdiction d’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits mentionnée à l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, consultable en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000038471378

([12]) Closteroviridae, Luteoviridae et Potyviridae.

([13]) Excluant la meilleure et la moins bonne année de la période.

([14]) L’étude d’impact est consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3298_etude-impact.pdf  

([15]) L’avis du Conseil d’État est également consultable en ligne :  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3298_avis-conseil-etat.pdf

([16]) Décision n° 2020-809 DC du Conseil constitutionnel du 10 décembre 2020, également consultable en ligne :  https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2020-809-dc-du-10-decembre-2020-communique-de-presse

([17]) Il s’agit de l’EFSA

([18]) MM. Grégory Besson-Moreau et Thierry Benoit, rapport sur l’application de la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, 13 juillet 2021, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-eco/l15b4368_rapport-information#_Toc256000000

([19]) L’arrêté du 5 février 2021 autorisant provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxame est consultable en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043099904

([20]) L’arrêté du 31 janvier 2022 autorisant provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxame et précisant les cultures qui peuvent être semées, plantées ou replantées au titre des campagnes suivantes : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045098120

([21]) L’arrêt est consultable en ligne : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=269405&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=1486798  

([22]) Communiqué de presse du Ministère, en date du 23 janvier 2023, consultable en ligne : https://agriculture.gouv.fr/decision-de-la-cour-de-justice-de-lunion-europeenne-relatif-lutilisation-des-neonicotinoides-pour-0

([23]) Ces chiffres ont été transmis à vos rapporteurs par l’AIBS, qui indique que chaque emploi direct en industrie génère 10 emplois indirects et induits

([24]) En tenant compte de la prochaine fermeture de la sucrerie d’Escaudoeuvres dans le Nord

([25]) Communiqué de presse de Tereos en date du 8 mars 2023, consultable en ligne : https://tereos.com/app/uploads/2023/03/2023-03-08-fr-tereos-annonce-un-projet-de-reorganisation-industrielle-en-france.pdf

([26]) Rapport annuel de la CGB 2022, consultable en ligne : https://www.cgb-france.fr/wp-content/uploads/2022/12/Rapport-Annuel-CGB2022-WEB_compressed.pdf  

([27]) Ibid

([28]) Le III du présent rapport est consacré à l’évaluation du plan national recherche et innovation (PNRI), qui constitue le corolaire de la loi de 2020.

([29]) Cette étude d’impact (2020) est consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3298_etude-impact.pdf  

([30]) Troisième alinéa de l’article 145-7

([31]) Hallmann CA, Foppen RP, van Turnhout CA, de Kroon H, Jongejans E (2014) Declines in insectivorous birds are associated with high neonicotinoid concentrations. Nature 511 : 341–343.

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([33])  L. W. Pisa, V. Amaral-Rogers et alii, « Effets des néonicotinoïdes et du fipronil sur les invertébrés non-cible», Environmental Science and Pollution research, 22, 68-102 (2015)

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([34])  Ben A. Woodcook, Nicholas J. B. Isaac et alii, « Impacts of neonicotinoid use on long-term population changes in wild bees in England », Natures Communication 7 (2016)

([35])  F. Millot, A. Decors et alii, « Field evidence of bird poisonings by imidacloprid-treated seeds :a review of incidents reported by the French SAGIR networkfrom 1995 to 2014 », Environmental Science and Pollution research (2016)

([36])  A. Jones, P. Harrington, & G. Turnbull « Neonicotinoid concentrations in arable soils after seed treatment applications in preceding years » Pest Management Science, 70(12), 1780-1784, 2014

([37])  F. Sánchez-Bayo, K. Goka, & D. Hayasaka « Contamination of the Aquatic Environment with Neonicotinoids and its Implication for Ecosystems », Frontiers in Environmental Science, 4(71), 2016

([38])  D. Wintermantel, J-F Odoux, A. Decourtye, M. Henry, F. Allier, & V. Bretagnolle, « Neonicotinoid-induced mortality risk for bees foraging on oilseed rape nectar persists despite EU moratorium. Science of the Total Environment, (704), 2019

([39]) Wang, A. Z., Mahai, G. G., Wan, Y. J., Yang, Z., He, Z. Y., Xu, S. Q., & Xia, W. (2020). Assessment of imidacloprid related exposure using imidacloprid-olefin and desnitro-imidacloprid : Neonicotinoid insecticides in human urine in Wuhan, China. [Article]. Environment International, 141. doi : 10.1016/j.envint.2020.105785

([40]) Yamamuro M et al (2019), Neonicotinoids disrupt aquatic food webs and decrease fishery yields, Science 366, 620–623

([41]) Ichikawa G, Kuribayashi R, Ikenaka Y, Ichise T, Nakayama SMM, et al. (2019) LC-ESI/MS/MS analysis of neonicotinoids in urine of very low birth weight infants at birth. PLOS ONE 14(7): e0219208. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0219208.

([42]) Données transmises à vos rapporteurs par l’AIBS

([43]) Source : premier rapport d’activité du conseil remis au Parlement

([44]) L’ensemble des éléments présentés dans cette sous-partie sont issus des réponses écrites du MASA et de l’INRAe au questionnaire des rapporteurs qui leur a été adressé

([45]) Audition du 30 mai 2023

([46]) Audition du 20 juin 2023

([47]) Courriel en date 25 mai 2023

([48]) Réponses écrites de l’Anses au questionnaire adressé par les rapporteurs

([49]) Audition du 30 mai 2023

([50]) Réponses écrites du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire au questionnaire des rapporteurs

([51])  1,95 M€ issu du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) et 5 M€ issu du plan de relance

([52]) Voir annexe 2

([53])  Surveillance, évaluation, prévision, interpolation et mitigation (d’où l’acronyme SEPIM) des risques relatifs à la jaunisse de la betterave