N° 1699

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 octobre 2023.

 

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

au nom de la délégation aux droits des enfants (1)

sur l’activité de la Délégation

(octobre 2022 – septembre 2023)

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Perrine GOULET

 

Députée

 

(1) La composition de la Délégation figure au verso de la présente page.


 

La Délégation aux droits des enfants est composée de : Mme Perrine Goulet, présidente ; M. Paul Christophe, Mme Michèle Peyron, Mme Isabelle Santiago, Mme Isabelle Valentin, viceprésidents ; M. Philippe Dunoyer, Mme Maud Petit, secrétaires ; M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, Mme Anne-Laure Blin, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Sophie Errante, M. Philippe Fait, M. Perceval Gaillard, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Servane Hugues, Mme Caroline Janvier, Mme Hélène Laporte, Mme Laure Lavalette, Mme Karine Lebon, Mme Christine Loir, M. Laurent Marcangeli, Mme Alexandra Martin, Mme Marianne Maximi, Mme Caroline Parmentier, Mme Francesca Pasquini, M. Alexandre Portier, M. Éric Poulliat, Mme Angélique Ranc, M. Hervé Saulignac, M. Olivier Serva, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Bruno Studer, M. Léo Walter.

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

l’activitÉ lÉgislative

A. la contribution de la délégation au travail lÉgislatif

1. L’enfant co-victime des violences intrafamiliales

2. L’enfant victime du numérique

B. la prise en compte de la parole de l’enfant dans l’Élaboration des textes lÉgislatifs

1. Les attentes des enfants

2. Les apports des enfants sur des propositions de loi

l’activitÉ d’Évaluation et de contrôle

A. La protection des droits des enfants

1. Une priorité du quinquennat

a. Charlotte Caubel Secrétaire d’État auprès de la Première ministre chargée de l’enfance

b. Éric Dupont-Moretti Garde des Sceaux

c. Pap Ndiaye ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse

d. Les assises de la pédiatrie et de la santé des enfants

2. Les acteurs

a. La Défenseure des droits et le Défenseur des droits des enfants

b. L’UNICEF France

3. La situation des enfants français de retour de la zone du Nord-Est syrien

B. La protection de l’enfance en danger

1. Les acteurs de la lutte contre les violences faites aux enfants

a. La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants

b. Le groupement d’intérêt public France enfance protégée

2. Un éclairage particulier sur les violences faites aux mineurs en Outre-mer

C. la petite enfance

a. L’état des lieux

i. Jean-Christophe Combe ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées

ii. L’Inspection générale des affaires sociales

b. Les acteurs

i. L’Association des maires de France

ii. La Caisse nationale des allocations familiales

iii. Les syndicats et fédérations des professionnels de la petite enfance

D. l’enfant et le numÉrique

1. Les défis posés par le numérique

2. L’éducation au numérique

a. Jean Noël Barrot ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications

b. La question de l’éducation au numérique

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

 


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   introduction

 

 

 

Créée en septembre 2022 en Conférence des présidents et mise en place en octobre 2022, la Délégation aux droits des enfants a mené une activité soutenue durant sa première année, avec pour boussole la défense de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Saluée au niveau national par la Défenseure des droits Mme Claire Hédon et la présidente de l’UNICEF France Mme Adeline Hazan, la création d’une instance dédiée aux droits de l’enfant a également été remarquée par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU comme une avancée importante dans l’application des articles 4 et 42 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), qui stipulent respectivement que « les États parties s’engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention » et que « les États parties s’engagent à faire largement connaître les principes et les dispositions de la présente Convention, par des moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants. »

La Présidente appelle de ses vœux le Sénat à suivre l’exemple de l’Assemblée nationale.

L’intérêt d’une telle délégation est de permettre un travail transversal et transpartisan autour de questions relatives aux enfants. Ainsi, son premier rapport sur les violences faites aux mineurs en Outre-mer a abordé des sujets relevant aussi bien de la commission des affaires sociales, de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, de la commission des lois ou de la Délégation aux Outre-mer. Ses trois rapporteurs dont deux appartenant à l’opposition ont permis une expression pluraliste ([1]) .

C’est également l’occasion de porter des questions jusque-là peu examinées comme les enfants français en zone de guerre. La présidente de la délégation a choisi de constituer un groupe de travail, composé d’un membre de la majorité et de l’opposition sous sa présidence ([2])  afin de suivre le rapatriement des enfants de djihadistes français des camps du Nord-Est syrien. Ce groupe a rendu une première communication et poursuivra ses travaux durant toute la législature notamment autour de la prise en charge de ces enfants.

Si la délégation a mis à profit son pouvoir de contrôle, elle a aussi apporté son expertise lors de travaux législatifs portant sur son domaine de compétence. Ainsi, elle a formulé des recommandations afin d’enrichir la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales ([3]) ainsi que sur celles autour du numérique : la première visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne ([4]), la deuxième visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants ([5]) et la troisième relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans ([6]).

Enfin, la délégation a mis en pratique une des dispositions de l’article 12 de la CIDE, prendre en compte la parole des enfants. En partenariat avec l’UNICEF France, elle a invité, tout d’abord, un groupe d’enfants et des classes à faire part de leurs priorités et dans un second temps elle a recueilli leur avis sur des propositions de loi en cours de discussion. Cet exercice a permis aussi aux auteurs de textes législatifs, M. Erwan Balanant sur le harcèlement scolaire ([7]) et M. Bruno Studer sur le contrôle parental sur internet ([8]) et la protection des enfants influenceurs de familiariser les enfants à leurs textes, souvent méconnus. ([9])

Ce premier rapport d’activité s’attachera donc à mettre en lumière ces activités et permettra de contribuer à la visibilité de cette toute jeune délégation.


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   l’activitÉ lÉgislative

 

A.   la contribution de la délégation au travail lÉgislatif

La délégation a choisi d’apporter sa contribution lors de l’examen de textes portant sur son domaine de compétence.

1.   L’enfant co-victime des violences intrafamiliales

Suite à l’augmentation des violences intrafamiliales et face au constat que les enfants en sont les victimes collatérales, le maintien de liens, mêmes infimes, avec un parent violent ou incestueux peut sévèrement entraver la reconstruction de l’enfant. C’est pourquoi, lors de son audition par la délégation, le garde des Sceaux Éric Dupont-Moretti avait annoncé une évolution des textes sur la question de l’autorité parentale. C’est dans ce cadre qu’Isabelle Santiago et plusieurs de ses collègues ont déposé une proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales. ([10])

La délégation a tenu à apporter son expertise et a chargé Mme Nicole Dubré-Chirat d’un rapport pour information sur cette proposition de loi. ([11])

La rapporteure a souligné que la proposition de loi permettait une meilleure protection des enfants sur deux points. En premier lieu, en étendant la suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale lorsque son auteur commet des violences contre le parent victime ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de 8 jours, ou pour viol ou agression sexuelle contre l’enfant lui-même. En deuxième lieu, le dispositif offre la possibilité d’une mesure conservatoire durant l’instruction.

Toutefois, la rapporteure a appelé à pallier certaines imprécisions de la proposition de loi. La notion de « violences intrafamiliales » nécessite une définition claire et constante, qui permettrait de lier l’inceste aux violences, et qui rajouterait les agressions sexuelles ainsi que les actes d’une exceptionnelle gravité (comme la torture ou les actes de barbarie) au viol. Par ailleurs, la rapporteure appelle à la vigilance quant aux conséquences juridiques et pratiques du retrait automatique de l’autorité parentale. En effet, il subsiste des doutes sur la conformité d’une telle évolution aux exigences constitutionnelles notamment au regard des principes d’individualisation des peines et de l’indépendance des fonctions juridictionnelles. Par ailleurs, la rapporteure a mis en garde contre l’éventuelle instrumentalisation des procédures par un des parents ou encore sur le risque de la privation absolue du lien familial avec l’enfant. Un tel niveau de sanction contre les parents violents pourrait également encourager les juges à prononcer des relaxes.

La rapporteure a donc présenté quelques pistes pour enrichir la proposition de loi. Le retrait automatique de l’autorité parentale devrait être réservé pour les cas de condamnation pour crime ou agression sexuelle sur l’enfant, tout en laissant la possibilité pour le juge d’y déroger sur motivation expresse. Concernant les autres formes de violences intrafamiliales, comme celles ayant entrainé une ITT de plus de 8 jours, il est nécessaire de prévoir la saisine obligatoire du juge ainsi que de privilégier le recours aux ordonnances de protection.

La rapporteure a également proposé de reprendre une idée précédemment développée par la proposition de loi déposée par Mme Marie Tamarelle- Verhaeghe ([12]), à savoir la création d’une nouvelle infraction autonome pour les enfants exposés aux violences conjugales. Il serait temps de reconnaître à l’enfant le statut de victime de violences conjugales. Enfin, un article additionnel prévoyant un nouveau cas de délégation forcée de l’autorité parentale serait pertinent.

 

2.   L’enfant victime du numérique

Les enfants sont particulièrement vulnérables sur le net où ils sont exposés à une diversité de dangers : cybercriminalité et pédocriminalité, violation de leur vie privée, cyber harcèlement, biais cognitifs des algorithmes, ou encore exposition aux idéologies radicales. Dans le même temps, de nombreuses études scientifiques alertent sur les conséquences néfastes sur la santé physique et mentale d’une surexposition aux écrans. C’est pourquoi, le législateur cherche à réguler l’espace numérique et ses acteurs afin de protéger les mineurs. Plusieurs députés ont ainsi présenté plusieurs évolutions législatives.

La délégation a confié une mission flash à Mme Christine Loir sur les jeunes et le numérique, autour de ces propositions de loi. ([13])

Concernant la première proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne déposée par M. Laurent Marcangeli ([14]), la rapporteure se félicite de la définition juridique du terme de « réseaux sociaux » proposée. L’instauration d’une majorité numérique à 15 ans, qu’un enfant doit atteindre afin de s’inscrire sur ces plateformes, est une évolution pertinente. Cependant, la rapporteure s’interroge quant à son application concrète, la loi contraignant les sites pornographiques à respecter la majorité à 18 ans rencontrant d’ores et déjà des difficultés à être respectée. La proposition faite par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) relative à la vérification de l’âge par l’intermédiaire de la carte bancaire apparaît comme une solution intéressante. Par ailleurs, la rapporteure déplore la possibilité pour le dépositaire de l’autorité parentale d’autoriser son enfant à déroger à cette condition de majorité.

Concernant la deuxième proposition de loi, visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants déposée par M. Bruno Studer ([15]), l’extension de ce droit au champ des réseaux sociaux est la suite logique d’un renforcement de la protection de leur vie privée. En effet, l’exposition de ces jeunes mineurs par leurs parents sur internet est souvent faite sans leur consentement, et peut parfois constituer des violences éducatives ordinaires, particulièrement lorsque les contenus sont humiliants. La rapporteure appelle à aller plus loin, pour que certaines publications numériques qui constituent des actes de maltraitances soient sanctionnées par le droit pénal.

Enfin, la troisième proposition de loi relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans déposée par Mme Caroline Janvier ([16]) poursuit une logique de prévention en apportant des outils de lutte contre la surexposition des enfants aux écrans. Cependant, la rapporteure émet des doutes sur le caractère législatif de l’essentiel de ces dispositions. Elle ne souhaite pas non plus que l’État se désengage de ces problématiques en déléguant l’organisation de cette politique publique de prévention et de sensibilisation aux collectivités territoriales.

La rapporteure souligne l’importance d’accompagner toutes ces évolutions législatives de sanctions, afin d’en garantir l’effectivité. L’élaboration d’une politique ambitieuse d’éducation au numérique des mineurs, de leurs parents, mais aussi des enseignants et de tout autre professionnel intervenant auprès de la jeunesse (médecins généralistes, obstétriciens et gynécologues, pédiatres) est absolument essentielle. La mise en place de cours à la citoyenneté numérique dans les établissements scolaires et l’instauration d’un permis numérique pourraient constituer des pistes.

B.   la prise en compte de la parole de l’enfant dans l’Élaboration des textes lÉgislatifs

 

La Délégation aux droits de l’enfant a organisé deux rencontres avec des enfants en partenariat avec l’UNICEF, afin de prendre en compte leur parole, notamment dans les travaux de la délégation et contribuer à enrichir les textes législatifs.

Ces échanges ont aussi permis aux députés, auteurs de textes législatifs de présenter aux enfants leurs dispositifs.

1.   Les attentes des enfants

Lors du premier débat, la lutte contre le harcèlement scolaire, qu’il soit physique au sein de l’établissement ou numérique sur les réseaux sociaux a suscité de nombreuses prises de parole et apparaît comme une des principales préoccupations des enfants. De nombreux jeunes ont évoqué la banalisation et la minimisation du harcèlement, qui reste un sujet tabou à l’école primaire. À cette occasion, le constat a été fait que peu d’enfants présents connaissaient la loi portée par M. Erwan Balanant. Ce dernier a donc résumé le dispositif en rappelant les trois axes du texte, prévention, accompagnement et protection. Une des participantes a présenté sa fonction d’ambassadrice contre le harcèlement qui vise notamment à sensibiliser les élèves avec la réalisation d’un clip vidéo dans les collèges (projet pHARe).

Beaucoup de témoignages ont fait part du manque de réactivité de la communauté éducative, qui n’est pas suffisamment formée. Un enfant a lié le bien-être intra-scolaire au bien être extra-scolaire.

Ils ont plaidé pour des brigades du vivre ensemble, des échanges entre le harceleur et le harcelé, voire d’un bulletin relatant les faits de harcèlement.

2.   Les apports des enfants sur des propositions de loi

Le deuxième débat s’est inscrit à l’occasion de la discussion de la proposition de loi de M. Bruno Studer sur le droit à l’image des mineurs ([17]). Avant l’examen du texte en séance, la délégation a recueilli les propositions des enfants et M. Bruno Studer a présenté sa proposition de loi.

Les jeunes sont favorables à une meilleure éducation au numérique et à une sensibilisation aux dangers d’internet. S’agissant de la question des enfants influenceurs, les notions de consentement avec la prévalence de l’avis de l’enfant, du droit à l’image, de l’utilisation des données personnelles mais aussi de travail dissimulé ont été abordées par les enfants. La sensibilisation des parents a été soulevée comme étant un point essentiel, D’autres sujets ont été évoqués par les enfants : la surexposition aux écrans, la banalisation des images inadaptées (violence ou nudité) dans les films ou jeux vidéo.

Les participants ont proposé plusieurs pistes comme la présence de stages de sensibilisation à l’école et dans l’entreprise pour les parents par la médecine du travail, de vidéos ou d’affiches dans les salles d’attente des médecins. Les parents devraient être également sensibilisés dès la naissance par l’intermédiaire des centres de protection maternelle et infantile (PMI).

Une des propositions des enfants a été reprise lors de l’examen de la proposition de loi relative à la prévention aux expositions excessives aux écrans. La présidente de la Délégation aux droits des enfants Mme Perrine Goulet a déposé un amendement visant à compléter l’article 2 de ce texte qui prévoit que des messages de prévention devront figurer dans le carnet de naissance des enfants. Il a été proposé que de tels messages soient également intégrés dans leur carnet de santé. Il a été adopté.

 


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   l’activitÉ d’Évaluation et de contrôle

A.   La protection des droits des enfants

Lors de ses premiers mois d’activité, la délégation a entendu les principaux acteurs œuvrant à défendre le droit des enfants.

1.   Une priorité du quinquennat

Deux comités interministériels à l’enfance se sont tenus en novembre 2022 et en juin 2023. La délégation a auditionné les principaux ministres participant à ces actions.

a.   Charlotte Caubel Secrétaire d’État auprès de la Première ministre chargée de l’enfance

Pour sa première réunion, le mardi 25 octobre 2022, la Délégation aux droits des enfants a auditionné Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre chargée de l’enfance. La ministre a affirmé que la création de cette délégation était « une grande chance » et qu’elle deviendrait un interlocuteur de choix. La protection de l’enfance fait partie des priorités du nouveau quinquennat, c’est pourquoi l’élaboration d’une action interministérielle est indispensable. Outre le champ des affaires sociales et de l’éducation, la protection de l’enfance doit se diffuser dans la politique numérique, la lutte contre les violences scolaires, sexuelles et intrafamiliales.

Même si les départements restent chefs de file de la protection de l’enfance, le renforcement de l’État auprès de ces derniers est nécessaire. La recentralisation de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ainsi que l’élaboration d’un document budgétaire de politique transversale répertoriant les différents crédits alloués aux domaines de l’enfance en sont la traduction.

Le contrôle de la qualité de prise en charge de l’ASE suppose un renforcement des services de l’État. La ministre a, à ce titre, sollicité des postes supplémentaires. Elle a rappelé que les casiers judiciaires de certains professionnels étaient déjà contrôlés.

Le groupement d’intérêt public (GIP) France enfance protégée permettra une coordination entre tous les acteurs : l’État, les présidents de conseils départementaux et les associations. Il devrait être opérationnel en janvier 2023. De plus, les comités départementaux de protection de l’enfance, en cours d’expérimentation, doivent permettre l’établissement d’un diagnostic commun sur les cas les plus complexes, en réunissant le département, le préfet, l’agence régionale de santé et l’autorité judiciaire.

La ministre a annoncé une campagne de sensibilisation aux violences sexuelles et la création d’un dispositif d’accompagnement des professionnels confrontés à la révélation de violences sexuelles.

S’agissant de la lutte contre la pornographie, la ministre a proposé d’imposer l’utilisation d’une carte bancaire pour pouvoir accéder aux sites, ce qui constituerait un premier filtre. De plus, l’éducation à la vie affective et à la sexualité doit être effective à l’école.

Suite à la présentation du rapport du Comité des droits de l’enfant de l’ONU relatif à l’application par la France de la CIDE, la délégation a entendu de nouveau la ministre le 12 juillet 2023. Elle s’est félicitée de ce que le Comité constate des progrès importants accomplis depuis six ans. Le comité a notamment salué la création de la Délégation aux droits des enfants, l’instauration d’un secrétariat chargé de l’enfance, la mise en place de différentes politiques publiques comme la politique des 1 000 premiers jours, les plans de lutte contre les violences et la prostitution, le déploiement des unités pédiatriques d’enfant en danger (Uaped) ainsi que la généralisation des mécanismes de participation des enfants dans l’élaboration des politiques publiques.

Il reste toutefois une marge d’amélioration sur certains sujets : la qualité de la politique de protection de l’enfance, la prise en charge des enfants en situation de handicap, la santé physique et mentale des enfants, la lutte contre la pauvreté, et surtout deux axes prioritaires, selon le Comité, que sont les enfants migrants et les enfants dans les territoires ultramarins. S’agissant des mineurs non accompagnés, ils devraient faire l’objet d’un texte particulier, prévoyant notamment l’interdiction de placer des enfants dans les centres de rétention administratifs. La ministre relève par ailleurs des délais de jugement insatisfaisants.

Lors du comité interministériel à l’enfance de juin 2023, 5 priorités en ont été dégagées : la lutte contre les violences faites aux enfants, la santé, l’accompagnement des enfants les plus fragiles (notamment ceux pris en charge par l’ASE et ceux en situation de handicap), le service public de la petite enfance et les liens entre enfance et numérique. Sur ce dernier point, la ministre a salué les récents développements législatifs.

La ministre regrette que la restitution des assises de la pédiatrie et de la santé n’ait pu avoir lieu en juin, comme initialement prévu. Elle juge que les propositions sont « assez disruptives » et « peu concertées » et qu’elles méritent, ce faisant, un examen plus minutieux.

S’agissant de la prévention et de la protection de l’enfance, le Gouvernement détaillera le plan 2023-2027de lutte contre les violences faites aux enfants à l’automne. Par ailleurs, une campagne choc sur l’inceste aura lieu à la rentrée. La ministre a procédé au déploiement des comités départementaux pour la protection de l’enfance (CDPE) et a lancé une valorisation des bonnes pratiques avec la présidente du GIP France enfance protégée. S’agissant des décrets d’application de la loi du 7 février 2022 relative à la protection de l’enfance, la ministre a rappelé qu’ils nécessitaient la consultation de plusieurs instances, ce qui retarde leur publication. Enfin, le lancement du service public de la petite enfance sera prévu dans le projet de loi pour le plein-emploi et s’appuiera sur la nouvelle convention d’objectifs et de gestion de la Caisse nationale des allocations familiales.

Un autre chantier qu’elle juge majeur est le renforcement de la connaissance des droits des enfants. Le ministre de la justice et de l’Éducation nationale travaillent de concert sur ce point, notamment par l’intermédiaire d’« éducadroit », avec la Défenseure des droits. La ministre a également demandé une refonte des programmes en matière d’éducation sexuelle pour y intégrer les questions de droits et de protection.

Enfin, la ministre a également abordé la question des émeutes urbaines survenues en juillet 2023. Elle estime que, vis-à-vis de ces quartiers, l’action gouvernementale doit être conduite sous deux axes : la prévention spécialisée et la parentalité.

b.   Éric Dupont-Moretti Garde des Sceaux

Auditionné le 14 décembre 2022, le Garde des Sceaux Éric Dupont-Moretti a salué la création de la Délégation aux droits des enfants, qui représente à ses yeux un « formidable outil pour faire avancer les choses ». Il a présenté, en premier lieu, les derniers chantiers relatifs à la justice des mineurs que constituent notamment :

– la réforme du code de la justice pénale des mineurs, qui a permis de faire passer les délais de jugement de 18 mois à 9 mois, de diminuer le nombre de mineurs incarcérés et placés en détention provisoire ainsi que de mieux prendre en compte la parole des mineurs ;

– en matière civile, la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a amélioré la prise en charge des mineurs non accompagnés et renforcé l’accompagnement des jeunes majeurs ; elle a également permis la généralisation de la présence d’un avocat auprès du mineur.

La lutte contre les violences faites aux enfants s’appuiera sur les recommandations de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), une circulaire sera publiée visant à lutter contre les violences sur mineurs

Le ministre a, en deuxième lieu, listé les actions de son ministère qu’il compte améliorer :

– renforcer la plateforme Pharos ;

– mieux prendre en charge les enfants victimes en développant un dispositif d’accompagnement tout au long du processus pénal. En 2024, chaque département devrait être doté d’une unité pédiatrique d’enfant en danger (Uaped). La fonction d’administrateur ad hoc (qui s’appellerait « parrain judiciaire ») sera développée auprès des enfants victimes lors d’actions en justice. Le chien d’assistance judiciaire sera déployé plus largement pour conforter les enfants victimes durant l’enquête et le procès. Le fil directeur est qu’ « il faut que la justice rassure l’enfant », ce qui impose de disposer d’un dispositif d’accompagnement du mineur victime tout du long du procès pénal, qu’il devrait présenter prochainement. Il a notamment annoncé qu’il mettrait en place un dispositif inspiré de l’étranger pour permettre aux enfants de se familiariser avec la salle d’audience en amont du procès afin que les mineurs appréhendent moins le fait de témoigner dans un procès ;

– généraliser des points d’accès au droit dans les établissements pénitentiaires pour mineurs, étant entendu que « protéger les enfants, c’est aussi leur permettre de connaître leurs droits afin qu’ils sachent comment les faire valoir » ;

– faire statuer systématiquement le juge pénal en cas de violences faites aux enfants s’agissant du maintien de l’exercice de l’autorité parentale tout en rappelant les risques constitutionnels si un tel jugement intervenait avant toute condamnation. Il s’est toutefois dit favorable à ce qu’une telle suspension intervienne en cas de poursuites par le procureur de la République en liaison avec le juge aux affaires familiales (JAF).

Le ministre a, par ailleurs, tenu à rappeler que, s’agissant du rapatriement d’enfants français maintenus dans des camps du Nord-Est syrien, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) n’a pas condamné la France pour avoir refusé le rapatriement des familles de combattants terroristes retenues en Syrie mais a reproché le manque de formalisme et de motivation du processus décisionnel conduisant au non-rapatriement. Aussi, il a rappelé que la France ne peut pas être tenue pour responsable des conditions de vie dans les camps étant donné qu’elle n’y exerce pas sa juridiction. M. Éric Dupont Moretti a rappelé que les demandes ont été réexaminées et qu’une réponse motivée a été transmise aux familles. Toutes les demandes pourront, désormais, faire l’objet d’un recours devant le juge administratif.

Par ailleurs, il a précisé que la Chancellerie suit avec beaucoup d’attention le règlement européen CSA (Child Sexual Abuse) qui vise à lutter contre la pédopornographie en ligne. La Commission européenne prévoit de durcir les obligations générales des fournisseurs en ligne et de définir des obligations plus ciblées de détection, de retrait, de blocage et d’identification des contenus, sous la responsabilité d’autorités nationales de coordination.

c.   Pap Ndiaye ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse

Lors de son audition, le mardi 31 janvier 2023, le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse Pap Ndiaye a tenu à rappeler l’importance de l’éducation à la sexualité à l’école. Si celle-ci est obligatoire depuis 2001, 90 % des élèves n’avaient pourtant pas reçu de cours l’année passée. Or, cette éducation à la sexualité est cruciale pour que la jeunesse comprenne le respect de soi-même et des autres ; elle a besoin d’informations fiables pour prévenir les violences sexuelles, sexistes, les discriminations, les LGBTphobies et toutes formes de harcèlement ainsi que pour favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes. Le ministre a donc rappelé qu’il est nécessaire de permettre aux enfants de se poser les bonnes questions et d’obtenir des réponses et, en conséquence, de mieux former les enseignants. Sur le sujet plus spécifique de la lutte contre l’homophobie, le ministère a par ailleurs créé des groupes de prévention, de sensibilisation et d’action contre les LGBTphobies dans chaque académie.

Le ministre a ensuite tenu à encourager la lutte contre le harcèlement scolaire, alors même qu’un élève sur dix en est victime à un moment de sa scolarité. La généralisation du programme pHARe à toutes les écoles élémentaires et à tous les collèges depuis la rentrée 2022 permet de prévenir et de lutter contre le harcèlement. Ce programme, reste en revanche facultatif dans les lycées. Il appelle également à un état des lieux précis du harcèlement. Le ministre estime également qu’en complément de la politique de prévention, il est nécessaire de sanctionner plus sévèrement les harceleurs, grâce à la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire. Sur ces questions, il convient de mettre en place, au sein des établissements scolaires, une sensibilisation aux bons usages du numérique.

S’agissant de l’école inclusive, le ministre a annoncé que son ministère réfléchissait aux modalités de la mise en place d’un acte II de l’école inclusive qui vise à repenser les liens entre le milieu ordinaire et le milieu médico-éducatif. Le ministre a rappelé que face à la question du manque d’attractivité du métier d’accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH), ces derniers bénéficieront d’une augmentation de 10 % de leur rémunération à la rentrée 2023. Cette revalorisation s’ajoutera à la prime d’éducation prioritaire qui leur est versée depuis janvier 2023. Le ministre a également insisté sur la nécessité de tendre vers les 35 heures pour ces métiers, contre 24 heures en moyenne actuellement ; il a salué la mise en place d’un contrat à durée indéterminée (CDI) au bout de trois ans contre six auparavant.

La question des violences intrafamiliales a été évoquée, l’école constituant un lieu privilégié pour les repérer. Un livret de formation élaboré par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) est utilisé par le personnel du ministère et ce dernier a également publié un vade-mecum à destination des enseignants et personnels de l’Éducation nationale.

Les difficultés d’accès à la santé à l’école tiennent, selon le ministre, au fait qu’un tiers des postes de médecins scolaires sont actuellement vacants. Une mission des trois inspections générales devrait rendre ses conclusions sur ce sujet prochainement.

Enfin, a été évoquée la suppression de l’heure de technologie en sixième, due au fait que le ministre estime nécessaire de se recentrer sur les savoirs fondamentaux face au constat que 25 % des élèves ont des difficultés de lecture et un tiers sont en difficulté en mathématiques à leur entrée en sixième.

d.   Les assises de la pédiatrie et de la santé des enfants

Auditionnés le 14 juin 2003 les co-présidents des assises de la pédiatrie et de la santé des enfants, M. Adrien Taquet et Mme Christèle Gras le Guen ont présenté un état de l’avancée de leurs travaux, à quelques mois de la remise de leurs conclusions à l’automne. Le droit à la santé est un droit fondamental, qui peine encore à être garanti pour tous les enfants. Chaque année, les urgences pédiatriques connaissent une véritable crise, ce qui a justifié une réflexion structurelle et globale, sur le long terme, en partant des besoins de l’enfant.

Ces travaux se sont articulés autour de six axes, afin de permettre des échanges entre professionnels et associations. Les parents et les enfants ont également été associés.

Les assises ont permis l’élaboration d’une stratégie décennale, contenant des propositions dont le Gouvernement pourra s’inspirer. Un préalable est cependant nécessaire : la création d’un choc d’attractivité, pour une meilleure reconnaissance, valorisation et formation des professionnels de la santé de l’enfant. Ainsi, il faut absolument augmenter le nombre de professionnels, former à la santé de l’enfant - notamment en remettant de la pédiatrie dans les études de santé - et libérer du temps médical.

Huit domaines d’action ont été identifiés :

– améliorer la santé de l’enfant à chaque étape de sa vie, en luttant contre la mortalité infantile, grâce au programme des 1 000 premiers jours et aux PMI, ainsi qu’en rénovant la santé scolaire ;

– refaire des urgences le lieu des urgences, en recourant notamment à la technologie ;

– en finir avec les pertes de chance des enfants aux besoins spécifiques, en appréhendant mieux la précarité en santé en développant des dispositifs « aller vers » comme le dispositif « M. T dents ». S’agissant de la santé des enfants protégés deux expérimentations sont en cours, « Pégase » et « Santé protégée » afin de proposer un suivi médical annuel à ces enfants. Quant aux enfants en situation de handicap, il faut améliorer leur accès aux soins primaires ;

– ne plus négliger les questions de santé mentale, en insistant sur la prévention. Il faut également insister sur le repérage précoce du mal-être infantile, en renforçant les maisons des adolescents et en créant des maisons mobiles. Il est important aussi de s’appuyer sur les psychologues qui doivent avoir les moyens de gérer les situations avant qu’elles ne se dégradent et deviennent problématiques ;

– être attentif aux nouveaux risques pour la santé des enfants du fait de leur environnement (nutrition, perturbateurs endocriniens, tabagisme…) ;

– mettre en place une refonte des carrières, qui pourrait passer par la consécration d’un statut commun de la santé publique.

La situation particulière des enfants ultra-marins a été prise en compte, et certaines préconisations comme la prévention du syndrome de l’alcoolisation fœtale faites par le rapport de la délégation sur les violences faites aux mineurs en Outre-mer ont été reprises.

Enfin, concernant la prévention des violences sexuelles et la santé sexuelle, les enfants sont les premiers gardiens de leur corps, c’est pourquoi il faut donc leur inculquer les notions de consentement et d’intimité dès le plus jeune âge comme en Finlande ou en Suède. Face aux résultats décevants des cours d’éducation sexuelle à l’école, l’Éducation nationale doit réactualiser le contenu de cet enseignement.

 

2.   Les acteurs

a.   La Défenseure des droits et le Défenseur des droits des enfants

Auditionnés le mercredi 30 novembre 2023, la Défenseure des droits Claire Hédon et son adjoint le Défenseur des droits des enfants Éric Delemar se sont tout d’abord félicités de la création de cette délégation. Ils ont, dans un premier temps, présenté les recours dont ils sont saisis. Les demandes recouvrent aussi bien la petite enfance et la scolarité (harcèlement scolaire, refus de scolarisation, violences de professionnels à l’égard d’enfants) que la protection de l’enfance (violences institutionnelles, dysfonctionnement d’établissements accueillant des mineurs, non-respect de décisions de justice et des décisions de placement), le handicap (défauts d’AESH, défaut d’aménagement d’examens) ou la filiation et la justice familiale (enlèvements d’enfants, non mise en place de visites médiatisées).

L’institution s’est notamment saisie de la situation alarmante dans laquelle se trouvent les services de protection de l’enfance de trois départements. Ces dysfonctionnements provoquent des ruptures dans les parcours des enfants pris en charge, ce qui en retour peut aggraver leurs difficultés et traumatismes.

La Défenseure des droits a également alerté sur la situation de la pédiatrie et de la pédopsychiatrie, où l’accès au soin des enfants est lourdement entravé. Parmi les autres points de vigilance, l’institution a également alerté sur la situation de mineurs enfermés dans des lieux de détention en Syrie, sur la situation dramatique des Outre-mer, sur les inégalités importantes entre les établissements pénitentiaires pour mineurs et les quartiers pour mineurs ainsi qu’entre garçons et filles incarcérés, ou encore sur le risque de dévoiement de la loi anti-squat avec une augmentation des expulsions de familles sans passer devant le juge.

Claire Hédon a présenté le dernier rapport qui porte sur la protection de la vie privée des enfants. Il souligne que ces derniers ont droit à des espaces d’intimité et à la préservation de leurs espaces de vie comme la construction des sanitaires dans les écoles. Il est essentiel de forger chez les enfants une conscience de l’intime. Les cours d’éducation sexuelle sont un outil pertinent pour y parvenir, mais ils ne sont que 15 % à être effectifs. S’agissant du numérique, la protection ne doit pas conduire à une surveillance excessive. L’institution est particulièrement vigilante quant aux outils de géolocalisation et à l’usage de la vidéosurveillance dans les établissements scolaires.

L’audition a été l’occasion de formuler diverses préconisations : changement du ratio éducateur spécialisé/enfant, accompagnement bienveillant à la parentalité, développement d’une formation commune AESH/enseignants ainsi qu’une formation des dirigeants d’établissements scolaires au handicap, déploiement des campagnes de lutte contre les discriminations, association du Parlement au moment de la production par l’État de son rapport annuel sur l’application de la CIDE, garantie du droit à l’oubli et promotion du contrôle parental, rajout de modules obligatoires d’éducation au numérique dès le collège.

De manière plus large, la gouvernance de la protection de l’enfance doit être au plus proche des équipes sur le terrain : une véritable coordination entre les acteurs locaux et nationaux (départements, personnel médico-social, associations, Éducation nationale) doit se faire, ce qui suppose un décloisonnement des différentes institutions. Le fractionnement actuel de la politique publique conduit à déresponsabiliser les acteurs.

b.   L’UNICEF France

Auditionnée le 17 novembre 2022, la présidente de l’UNICEF Adeline Hazan a salué, à son tour, la création de la délégation, en espérant que le Sénat fasse de même. Elle a regretté cependant qu’il n’y ait toujours pas de ministère entièrement consacré à l’enfance. Un tel choix permettrait d’impulser une stratégie pour l’enfance dans son intégralité. Les différents plans annoncés ces dernières années gagneraient à être inclus dans une grande stratégie nationale.

La politique de l’enfance doit absolument prendre en compte les besoins spécifiques de certains enfants : ceux en situation de précarité ou sans domicile fixe, les migrants, les enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) ou la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), ou bien encore les enfants souffrant de troubles mentaux ou en situation de handicap.

Mme Adeline Hazan a également insisté sur un point essentiel de l’action de l’UNICEF, la participation des enfants dans l’élaboration des décisions qui les concernent : leur parole doit être libre et entendue.

Elle a présenté le dernier rapport de l’UNICEF relatif aux conséquences en terme de santé mentale sur les enfants ne bénéficiant pas de solution d’hébergement. Le manque de statistiques officielles illustre, selon elle, l’insuffisante préoccupation des pouvoirs publics. Mme Adeline Hazan a préconisé la construction massive de logements (notamment sociaux) ainsi que la priorisation des familles avec enfants lors de l’attribution de ces logements. Elle propose un droit opposable à l’accueil du jeune enfant. L’UNICEF France est par ailleurs réservée sur l’effectivité du plan de lutte contre la pauvreté présentée par la France dans le cadre de la garantie européenne pour l’enfance. Cette feuille de route contient des annonces positives (zéro enfant sans logement d’ici 2030, service public de la petite enfance), mais elle n’est accompagnée d’aucun plan de financement.

L’agence a également rédigé pour la première fois un rapport sur l’état des droits de l’enfant en France dans le cadre de l’examen opéré par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU. Elle alerte de nouveau sur les multiples condamnations de la France du fait de l’enfermement d’enfants dans des centres de rétention administrative. Elle partage les préoccupations de la Défenseure des droits sur la situation alarmante de la protection de l’enfance dans certains départements. Pour la présidente, la création d’un fonds national de péréquation pour soulager les collectivités serait essentielle. Il faudrait également faciliter la possibilité pour le juge de prononcer une astreinte financière pour accélérer l’application des décisions de placement.

Enfin, l’agence est très attentive à la situation des mineurs non accompagnés et elle réclame une présomption de minorité garantissant une protection immédiate, jusqu’à ce que le contraire soit prouvé sous la responsabilité du juge et non plus du préfet. Elle s’oppose fermement à la généralisation du fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM).

De nombreux autres sujets ont été abordés : les violences intrafamiliales (l’UNICEF ne parle d’ailleurs plus d’autorité parentale mais de responsabilité parentale), le droit à l’éducation, le droit à un environnement sain sans air pollué, la santé mentale, la crise des métiers de l’enfance, le rapatriement des enfants des camps du Nord-Est de la Syrie ou encore l’attention particulière qui doit être portée aux territoires ultra-marins. Un état des lieux des droits des enfants en Outre-mer a commencé. La présidente a également annoncé le lancement du réseau d’écoles amies des droits de l’enfant, sur le modèle des villes amies des enfants. Ces écoles s’engageront à sensibiliser les enfants (et leurs parents par extension) sur leurs droits et à entretenir un climat scolaire bienveillant.

3.   La situation des enfants français de retour de la zone du Nord-Est syrien

La Délégation aux droits des enfants a mis en place un groupe de travail sur la prise en charge des enfants français de retour de la zone du Nord-Est syrien, afin de permettre aux députés d’être informés sur cette question et d’opérer un suivi durant toute la législature. Le groupe de travail a mené une dizaine d’auditions, a effectué une visite à l’hôpital Avicenne de Bobigny, au service de psychopathologie de l’enfant, de l’adolescent, psychiatrie générale et addictologie, et a reçu des contributions écrites de la part d’associations.

Le retour sur le sol français des enfants s’opère selon trois modalités : les retours personnels, les retours dits « Cazeneuve » résultant d’une expulsion administrative, majoritairement depuis la Turquie et le rapatriement par les autorités françaises depuis les camps du Nord-Est syrien.

Dans ce dernier cas, la position française a évolué. Après avoir procédé à des opérations ponctuelles de rapatriement au cas par cas, depuis l’été 2022, la France a mené trois rapatriements importants de mères et d’enfants. Le ministère des Affaires étrangères a également souligné que la règle était de rapatrier toute la fratrie même si des enfants sont devenus majeurs dans les camps.

Selon le Parquet national antiterroriste (PNAT), 301 enfants seraient revenus de la zone syrienne par l’intermédiaire de ces rapatriements. Il resterait environ 50 femmes et une centaine d’enfants dans les camps. Selon les juges antiterroristes, la majorité des mères qui sont toujours dans les camps ne souhaiteraient pas revenir en France.

S’agissant de la prise en charge de ces enfants, le postulat est d’appliquer le droit commun de la protection de l’enfance, avec des aménagements justifiés par leurs parcours. Leur prise en charge pluridisciplinaire comporte un volet judiciaire, sanitaire, scolaire, et social.

Les enfants sont séparés de leur mère, qui conserve néanmoins l’autorité parentale et sont confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) et pris en charge par des familles d’accueil ou dans des structures d’accueils de la protection de l’enfance. Le Parquet saisit sous 8 jours le juge des enfants qui dispose ensuite de 15 jours pour tenir une audience en assistance éducative à laquelle participe le Parquet, l’ASE, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), le ou les parents et l’enfant.

Le juge des enfants ordonne une double mesure : une mesure de placement auprès de l’ASE et une mesure PJJ. Coté PJJ, il y a en premier lieu une mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE) de 6 mois afin d’étudier la dynamique familiale puis débute une action éducative en milieu ouvert (AEMO) dans le temps de placement, puis quand l’enfant revient auprès de sa famille élargie.

Les enfants font l’objet d’un bilan somatique et médico-psychologique à leur arrivée. Ils suivent ensuite des consultations individuelles hebdomadaires dans un service de pédopsychiatrie pendant au moins trois à six mois.

Ils sont scolarisés dans la mesure du possible, après un bilan médical et social et une période de préscolarisation pour éviter une insertion trop brutale. Les parents sont tenus informés du suivi scolaire sans connaître le nom de l’établissement ni de l’enseignant. La scolarisation s’effectue normalement, sans aménagement particulier. Les équipes pédagogiques ne connaissent pas le parcours des enfants, ils ont pour seules informations, la rupture de scolarisation et le placement. Les retours sont positifs dans le primaire et à consolider dans le secondaire compte tenu du faible nombre d’enfants de cet âge.

Le suivi de ces enfants est coordonné au niveau du département de résidence, au sein des cellules de prévention de la radicalisation et d’accompagnement des familles restreintes (CPRAF) qui permet de coordonner l’action de différents ministères : intérieur, santé, éducation et justice soit les magistrats, le DASEN, l’agence régionale de santé (ARS), le référent laïcité (PJJ) et de partager les informations autour de l’enfant.

Le groupe de travail a pu identifier des points d’amélioration dans la prise en charge de ces enfants :

– la brutale séparation avec leurs mères cause un nouveau traumatisme, et est très souvent suivie d’une difficulté à maintenir le contact en prison (conditions d’accueil aux parloirs, correspondance aléatoire) ;

La présidente Perrine Goulet a, dans ce cadre, déposé un amendement au rapport annexé du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice afin d’engager une réflexion sur l’implantation de nouveaux quartiers dédiés aux femmes radicalisées afin de mieux les répartir sur le territoire. En effet, seul le centre pénitentiaire de Rennes possède ce type d’unité, ce qui complique le maintien du lien entre les mères et leurs enfants lorsque ces derniers sont placés au plus près de leur famille élargie. Il a été adopté.

– le désarroi des familles d’accueil qui ne sont pas suffisamment formées et soutenues pour accompagner ces enfants ;

– la délicate question de l’état-civil et de la filiation, qui entraîne des complications au niveau de la reconnaissance des droits de chacun et entrave l’appropriation par ces enfants de leur identité ;

– ou encore l’articulation difficile entre le juge des enfants et le reste des acteurs.

L’évolution de ces enfants est positive dans la grande majorité des cas, même si certaines phases de leur vie ont été identifiées à risque (entrée à l’école, découverte de la famille élargie, procès des parents…). Certains font preuve de résilience et cherchent à mener une vie normale, d’autres restent fortement perturbés. Ils font face à un conflit de loyauté vis-à-vis de leur mère.

Ainsi, il y a autant de profils que d’enfants, et il est impossible de prévoir leur évolution psychique. Le suivi, notamment médical, doit se faire sur le long terme, et une étude scientifique sur le sujet pourrait s’avérer utile.

Les travaux du groupe de travail ont confirmé la nécessité de rapatrier tous les enfants français des camps, pour mettre fin aux multiples violations de leurs droits et entamer un processus de réparation, en leur permettant un accompagnement médico-psychologique et leur scolarisation.

B.   La protection de l’enfance en danger

Parallèlement, la délégation a suivi les politiques menées pour prévenir les violences physiques et sexuelles faites aux enfants et améliorer leur prise en charge. Un accent particulier a été mis sur la situation des mineurs en Outre-mer.

1.   Les acteurs de la lutte contre les violences faites aux enfants

a.   La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants

Le mardi 6 décembre 2022, la Délégation aux droits des enfants a reçu Édouard Durand, co-président de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) dont la mission principale est de recueillir la parole des adultes ayant été victimes de telles violences au cours de leur enfance. Cette écoute à l’âge adulte doit permettre d’améliorer le repérage et la prévention. Il faut inspirer confiance aux victimes et les croire pour libérer la parole, et combattre l’impunité des agresseurs.

La CIIVISE a formulé des préconisations, en espérant qu’elles se traduisent dans les politiques publiques, qui se fondent sur quatre axes fondamentaux :

– le repérage des enfants victimes, qui doit absolument se faire par le questionnement systématique ;

– le traitement judiciaire des violences sexuelles ;

– la réparation incluant un parcours de soins, notamment ceux spécialisés en psycho-trauma ;

– la prévention.

La lutte contre ces violences doit absolument prendre en compte les besoins fondamentaux de l’enfant. La CIIVISE insiste sur la nécessité d’une doctrine nationale relative à la protection de ces victimes, pour effacer les divergences de prise en charge sur le territoire. Cela suppose notamment que le Parlement s’oriente vers une législation impérative, notamment en ce qui concerne le retrait de l’autorité parentale du parent condamné pour inceste qui devrait devenir automatique. De plus, il est nécessaire de sécuriser l’audience et le procès, afin d’éviter une victimisation supplémentaire. La CIIVISE recommande l’accompagnement de l’enfant par un avocat spécialisé et l’accompagnement du parent protecteur par un administrateur ad hoc. L’enregistrement de l’audition pour éviter à la victime de répéter son calvaire, ou les expériences avec les chiens d’assistance judiciaire sont aussi des pistes sérieuses d’amélioration.

L’école doit également être un lieu sécurisé pour l’enfant. Les séances d’éducation à la vie sexuelle et affective doivent permettre d’éveiller les enfants à l’intimité corporelle, et les adultes au respect de cette intimité. La CIIVISE va prochainement élaborer un guide pour accompagner les enseignants sur ces sujets.

Une attention particulière doit être portée aux enfants handicapés, qui sont plus touchés par les violences sexuelles et incestueuses, ainsi qu’aux nouvelles formes de violences rencontrées sur l’espace numérique (grooming, partage de contenus pédopornographiques ou contenus autoproduits par les enfants).

Enfin, la CIIVISE reste attentive à la lutte contre les violences conjugales : le mécanisme de la violence étant similaire, la commission a pu s’inspirer du protocole pour les féminicides pour appréhender la souffrance psychique de l’enfant et garantir sa protection ainsi que celle du parent protecteur.

Tout cela suppose plus de moyens, et surtout des personnels hautement qualifiés pour prendre en charge ces enfants. Le triptyque formation, spécialisation et sélection doit concerner les médecins, les assistantes sociales, les policiers et gendarmes. En contrepartie, l’obligation de signalement qui leur incombe doit être clarifiée, et une cellule de conseil et de soutien unique et centralisée doit être mise à leur disposition.

b.   Le groupement d’intérêt public France enfance protégée

La Délégation aux droits des enfants a auditionné le 29 mars 2023 la présidente Florence Dabin ainsi que le directeur général Pierre Stecker du tout nouveau groupement d’intérêt public (GIP) France enfance protégée, qui regroupe des organes travaillant à la protection de l’enfance. À ce titre, la présidente a regretté l’absence de parlementaires au sein de son conseil d’administration, mais un sénateur et un député seront présents dans le conseil national de l’adoption.

Mme Florence Dabin a rappelé sa volonté d’octroyer une place centrale à l’enfant dans une logique de parcours plus fluide et a insisté sur la prévention afin que la protection n’arrive qu’en dernier recours. L’échelon départemental reste le plus pertinent pour l’action publique en matière de protection de l’enfance car ces collectivités de proximité bénéficient d’un ancrage territorial qui permet de prendre en compte les spécificités. Cependant, le service public de l’enfance en danger reste national et s’imbrique avec une diversité de services de l’État, comme la justice.

Une réflexion générale doit être menée sur la PMI, afin de la recentrer sur ses missions de santé publique et guider les parents sur la vie de leur enfant dès le plus jeune âge.

La présidente a insisté sur la nécessité d’insuffler un discours optimiste afin d’améliorer l’attractivité des métiers de l’enfance. Par exemple, des rencontres sont régulièrement organisées avec des délégations d’assistants familiaux, afin de discuter sur les problématiques rencontrées dans le métier (extrême féminisation, droit au répit).

M. Pierre Stecker a ensuite décliné la feuille de route pour 2023 du GIP :

– structurer la mission de secrétariat général des conseils nationaux le composant ;

– reprendre les missions de l’agence française de l’adoption, en mettant en place une base de données nationales sur les agréments en matière d’adoption ;

– moderniser le service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger (119) en le rendant plus accessible avec la mise en place d’un tchat ; par ailleurs il intègrera une plateforme d’écoute pour contribuer à la lutte contre la prostitution des mineurs à destination des professionnels et des jeunes ;

– accroître la visibilité de l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) en le faisant évoluer vers un centre national de ressources. La question de la négligence devrait faire partie des nouveaux thèmes de recherche.

Enfin, la présidente s’est également montrée attentive aux préoccupations des départements ultra-marins qui font partie intégrante du GIP. Des langues régionales seront rajoutées aux services de traduction du 119, et un groupe des observatoires départementaux de protection de l’enfance des territoires d’Outre-mer a été créé.

2.   Un éclairage particulier sur les violences faites aux mineurs en Outre-mer

Le 16 novembre 2022, la Délégation aux droits des enfants a décidé la création d’une mission d’information sur la lutte contre les violences faites aux mineurs en Outre-mer. En choisissant de porter son attention sur ces territoires, la délégation a ainsi voulu manifester son intérêt pour ces régions souvent occultées des études ou rapports sur cette question.

Dans un premier temps les rapporteurs dressent le constat d’une situation difficile. Dans tous ces territoires, on relève des taux importants de violences physiques, psychiques ou sexuelles. Un des constats inquiétants est le niveau élevé des violences intrafamiliales dont les mineurs demeurent les victimes directes et collatérales. Des facteurs spécifiques expliquent ces chiffres, forte précarité socio-économique avec des taux de pauvreté supérieurs à la moyenne nationale, prévalence de familles monoparentales mais aussi persistance des violences éducatives. Par ailleurs, la prise en charge des mineurs en danger, déjà délicate en Hexagone, est défaillante, notamment en Guyane et à Mayotte. Les familles d’accueil ne sont pas assez professionnalisées et en nombre insuffisant.

Dans un deuxième temps, les rapporteurs proposent des pistes d’amélioration et formulent 34 recommandations.

Avant tout ils recommandent d’adapter les dispositifs aux réalités locales. Ils insistent particulièrement sur les actions de prévention, à destination des parents mais aussi des enfants, actions de soutien à la parentalité ou sensibilisation à l’école. S’agissant de la gouvernance, une plus grande coordination est nécessaire ainsi que des moyens humains et financiers accrus. Enfin, la prise en charge des victimes, tant judiciaire que sanitaire, doit également être améliorée.

C.   la petite enfance

Dans la perspective de la mise en place d’un service public de la petite enfance, la délégation a choisi de conduire un cycle d’auditions sur cette question.

a.   L’état des lieux

i.   Jean-Christophe Combe ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées

Auditionné le mardi 6 décembre 2022, le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées Jean-Christophe Combe, a dressé un état des lieux des différentes mesures annoncées dans le domaine de la petite enfance.

La création du service public de la petite enfance est une priorité de son ministère. Ce service public doit permettre l’accueil du jeune enfant afin de faciliter le retour au travail des parents et réduire les inégalités entre les hommes et les femmes. Depuis la crise sanitaire, la mise en place d’un plan de plus de 200 millions d’euros a permis de créer de nouvelles places en crèche. De même, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 facilite le recours à un assistant maternel en réformant le complément de libre choix du mode de garde afin que les ménages modestes puissent y recourir. Il sera étendu aux enfants âgés de 6 à 12 ans et vivant dans une famille monoparentale. Enfin, un fonds d’innovation pour la petite enfance, doté de 10 millions d’euros, permettra de financer des initiatives locales qui pourront inspirer le futur service public.

Concernant les métiers de la petite enfance, des discussions avec le comité de filière sont organisées pour accompagner une revalorisation salariale ainsi qu’une amélioration des conditions de vie au travail. Dans la continuité du Ségur de la santé, un plan global pour les métiers du soin, du lien et de l’accompagnement a été annoncé. La mise en place d’une convention collective unique et étendue pour le secteur sanitaire, social et médico-social est en préparation, pour permettre une offre de parcours professionnels transversaux.

Le ministre a rappelé que tout ce travail devait se faire en collaboration avec les départements, notamment dans le cadre du comité des financeurs et d’une gouvernance partagée avec l’État, ainsi qu’avec les caisses d’allocation familiales (CAF).

Il a réaffirmé que la politique des 1 000 premiers jours serait poursuivie autour de trois priorités, accompagnement de la naissance, congés de naissance et mode d’accueil des enfants. Le doublement du congé paternité assorti d’une partie obligatoire va dans ce sens.

Enfin, le ministre a souligné que le PLFSS pour 2023 consacrerait des moyens pour la prise en charge des enfants en situation de handicap et des enfants autistes. 65 millions d’euros seront alloués pour prolonger la stratégie nationale sur l’autisme. Des unités d’enseignement externalisées polyhandicap supplémentaires seront implantées à la rentrée 2023. Un acte II de l’école inclusive favorisera la coopération entre les écoles et les établissements médico-sociaux, 25 millions d’euros sont prévus, à ce titre, dans le PLFSS pour 2023.

S’agissant de la lutte contre la pauvreté, l’élaboration d’un pacte des solidarités comprendra trois axes : prévention et lutte contre la pauvreté, inclusion dans l’emploi, prévention du basculement dans la pauvreté et la grande exclusion. Une attention particulière sera portée aux familles monoparentales. À partir de janvier 2023, les pensions alimentaires seront automatiquement versées aux caisses d’allocations familiales qui les reverseront aux bénéficiaires. L’allocation de soutien familial a été revalorisée de 50 %. Enfin, 7 millions d’euros dans le PLFSS pour 2023 seront consacrés au développement de la cantine à un euro.

ii.   L’Inspection générale des affaires sociales

Auditionnés le mercredi 3 mai 2023, le docteur Nicole Bohic et MM. Jean Baptiste Frossard, Christophe Itier, membres de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), auteurs du rapport sur la qualité de l’accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches ([18]) ont estimé que la qualité de l’accueil dans ces établissements était très hétérogène.

Ils regrettent que les politiques publiques ne se soient pas construites autour de l’intérêt supérieur de l’enfant, mais sur l’objectif de plein emploi et de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Ils recommandent la poursuite d’objectifs qualitatifs d’amélioration des conditions de travail, et la réduction du taux d’encadrement à 1 adulte pour 5 enfants contre 1 pour 8 à l’heure actuelle.

Les personnels sont de moins en moins formés et qualifiés. Les auteurs pointent des certificats d’aptitude professionnelle (CAP) préparés à distance, en candidats libres, et qui possèdent donc très peu de connaissances pratiques. Un socle commun de compétences pour les métiers de la petite enfance est donc à développer.

Une autre piste est celle d’allonger les congés parentaux et augmenter leur rémunération, pour permettre aux parents – surtout les pères – de garder leurs enfants très jeunes à la maison.

Toutes ces normes de qualité doivent être inscrites dans la trajectoire de la branche famille dans la future convention d’objectifs et de moyens (COG) de la Caisse nationale d’allocations familiales. Les comités départementaux de service aux familles pourraient assurer l’animation de ces objectifs ainsi que la formation continue des professionnels.

Il faut également élargir le contrôle exercé par la protection maternelle et infantile (PMI) et ne plus seulement le centrer sur des questions d’hygiène et de sécurité. Tous les établissements devraient être contrôlés et de manière plus régulière. À ce titre, les données de la caisse d’allocations familiales (CAF), qui contrôle la performance économique et sociale des établissements, ne sont pas exploitées alors qu’elles pourraient servir pour l’élaboration de standards de qualité. Les contrôles de la PMI et de la CAF doivent se coordonner. Une expérimentation est en cours à Annecy.

Les financements doivent s’orienter vers la qualité de l’accueil. La tarification à l’acte n’est pas satisfaisante, et ne le permet pas. La transparence financière des opérateurs privés est insuffisante, et laisse donc subsister des zones de risques. Pour y remédier et mieux responsabiliser les gestionnaires, la mise en place de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) est une piste intéressante. En outre, l’articulation du financement entre les collectivités territoriales et la branche famille doit être clarifiée.

Le secteur est sensibilisé à la maltraitance, les moments à risque (repas, sieste…) ont été identifiés. Il faut développer chez les professionnels une culture de l’erreur et de partage d’expériences. De plus, il faut continuer de les sensibiliser, avec les parents, au signalement à la PMI. Il faudrait également graduer les sanctions en cas de dysfonctionnements.

Les schémas départementaux des services aux familles devraient recenser les personnels manquants. En revanche, la création de places d’accueil ne peut se faire plus rapidement que le temps nécessaire pour la formation qualitative de professionnels.

b.   Les acteurs

i.   L’Association des maires de France

Auditionné le 18 janvier 2023, le co-président du groupe de travail petite enfance et parentalité à l’Association des maires de France (AMF), M. Xavier Madelaine a rappelé que si le principe même du service public de la petite enfance est unanimement salué, les élus attendent plus de précisions sur ses contours et modalités, notamment concernant son financement. Le calendrier présenté par le Gouvernement reste trop évasif, d’autant plus que les prochaines élections municipales constituent une échéance pour les élus qui doivent pouvoir chiffrer leurs programmes.

L’AMF est favorable à la transformation de la compétence facultative de l’accueil du jeune enfant par les communes en une compétence obligatoire, particulièrement pour les territoires ruraux. Actuellement, les politiques de la petite enfance dépendent de la volonté politique des élus, ce qui entraîne de fortes disparités sur le territoire. Certains élus se montrent réticents face à cette évolution législative car ils craignent de perdre des dynamiques qu’ils ont précédemment mises en place. Par contre, l’AMF est opposée à la mise en place d’un droit opposable pour la garde d’enfants : en effet, les disparités territoriales et la diversité des pratiques risqueraient de compromettre l’effectivité d’un tel droit.

L’organisation de l’offre d’accueil est assurée par les caisses d’allocations familiales (CAF), qui établissent un diagnostic et établissent un schéma avec les collectivités qui tient compte des spécificités locales. Les relations avec les CAF ont beaucoup progressé, et la PMI va prochainement s’y greffer. Mais une harmonisation entre les CAF reste nécessaire, notamment sur la mise en place des maisons d’assistantes maternelles (MAM). On pourrait également systématiser la mise en place d’un établissement d’accueil pour les enfants lorsqu’un projet de construction de nouveaux lotissements est établi. Tout doit être prévu en amont dans les conventions territoriales globales, y compris la prise en charge des enfants en situation de handicap.

La politique des communes ne se limite pas à la petite enfance, elles accompagnent également les autres tranches d’âge, notamment grâce au périscolaire. L’AMF plaide pour une continuité de la prise en charge de l’enfant, de sa naissance à la fin de son parcours scolaire. Pour cela, l’articulation avec les départements est fondamentale puisqu’ils possèdent la compétence dans les domaines de la parentalité et la jeunesse : la participation aux comités départementaux des services aux familles est à ce titre un outil. Le rôle des départements sur le contrôle des établissements d’accueil du jeune enfant doit être renforcé, puisqu’ils sont déjà spécialisés et disposent des professionnels compétents. Tout ne peut pas être confié aux communes.

Les relais petite enfance et les réseaux sociaux sont de bons leviers pour informer les familles et permettre la communication entre acteurs. Mais il faut y associer des moyens suffisants.

Le recrutement de personnels est une des principales attentes de la part tant des familles que des élus. Les problématiques de rémunération et de formation des personnels sont communes à tous les fonctionnaires territoriaux : temps partiel, salaire insuffisant, mise en place aléatoire du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP), situation difficile des centres de formation pour la fonction publique territoriale… Il faut cependant différencier les salariés ayant le statut de fonctionnaire et les salariés du privé. S’agissant de la formation, l’AMF est très peu associée à l’élaboration des programmes de formation.

ii.   La Caisse nationale des allocations familiales

Auditionnée le mardi 9 mai 2023, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) représentée par sa présidente du conseil d’administration, Mme Isabelle Sancerni, et son directeur général, M. Nicolas Grivel, a dressé un état des lieux des discussions relatives à sa nouvelle convention d’objectifs et de gestion (COG).

Le futur service public de la petite enfance sera au cœur de cette COG. Quatre grands axes ont déjà été actés :

– une meilleure information des familles sur l’offre disponible ;

– l’adaptation de cette offre d’un point de vue quantitatif et d’implantation territoriale (les Outre-mer affichent 13 places pour 100 enfants pour une moyenne nationale de 60 places pour 100 enfants) ;

– une approche globale du sujet pour éviter le cloisonnement des solutions ;

– l’amélioration de la qualité du service public.

La question de la gouvernance est centrale : les niveaux communaux et intercommunaux sont cruciaux pour l’organisation territoriale de l’information et des solutions données aux familles, mais la branche famille de la CNAF se positionnera dans un rôle d’accompagnateur via le financement et l’ingénierie, le conseil et l’appui aux acteurs locaux. Les caisses d’allocation familiale (CAF) viendront en complément, en apportant leur expérience et savoir-faire.

S’agissant des conclusions du rapport présenté par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur l’accueil dans les crèches, selon M. Nicolas Grivel, les approches quantitatives et qualitatives du service de la petite enfance ne doivent pas s’opposer. Si le cadre normatif de la CNAF était modifié afin d’améliorer la qualité du service, de nombreux impacts financiers difficiles à anticiper en découleraient. La question de la quantité continuera à se poser face à l’évolution démographique. La Première ministre a évoqué le chiffre de 200 000 solutions, ce qui ne recouvre pas seulement les crèches. En outre, les annonces de création de places supposent toujours au préalable d’avoir suffisamment de professionnels pour accueillir dans de bonnes conditions les enfants.

Concernant le contrôle des établissements et la procédure d’agrément, la CNAF travaille en collaboration avec la protection maternelle et infantile (PMI). Le futur service public sera l’occasion de renforcer cette coopération. Une expérimentation sur un nouveau partage des compétences est en cours en Haute-Savoie.

Le secteur privé lucratif doit suivre le secteur public dans ses évolutions : les mêmes règles de financement et de fonctionnement doivent s’appliquer.

Afin d’inciter à l’accueil des enfants en situation de handicap le « bonus handicap » a été transformé en « bonus inclusion handicap » et sera applicable dès le premier enfant accueilli, ce qui permettra à des crèches en milieu rural d’en bénéficier.

Quant au projet de solidarité à la source afin de lutter contre le non-recours aux prestations, deux évolutions contribueront à sa mise en œuvre progressive, sur les fiches de paie figurera la mention du montant de l’aide sociale et une expérimentation sera menée dans une trentaine de CAF avec des déclarations pré- remplies.

iii.   Les syndicats et fédérations des professionnels de la petite enfance

Le mercredi 15 mars 2023, la délégation a organisé une table ronde avec les syndicats et les fédérations de la filière professionnelle de la petite enfance afin de recueillir leurs revendications et leurs recommandations.

S’agissant du service public de la petite enfance, trois objectifs essentiels doivent l’animer : l’universalisme, la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, et la lutte contre les inégalités. Pour y parvenir, la gratuité des services, la mise en place d’aides financières pour l’équipement et le renouvellement des matériels, une plus grande accessibilité sur tout le territoire sont des pistes. Cependant, les intervenants ont regretté que les concertations et réflexions ne soient pas centrées sur l’enfant ni sur l’accueil des familles, mais soient plutôt d’ordre quantitatif. Sur ce dernier point, la création annoncée de 200 000 places n’est pas suffisante face au chiffre de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) qui recense 400 000 enfants sans mode de garde. D’autres auraient préféré un service public de l’enfance, ce qui aurait permis le regroupement d’autres pôles comme le soutien à la parentalité, encore la protection de l’enfance et le médico-social.

Les modes d’accueil et les compétences des professionnels du secteur doivent se diversifier, notamment pour permettre de répondre à des besoins ponctuels comme la réouverture des haltes garderies.

Les syndicats ont unanimement alerté sur le taux d’encadrement qui n’est plus adapté (la recommandation de la commission des 1 000 premiers jours d’un adulte pour 5 enfants devrait être retenue), le manque de contrôle des établissements ainsi que sur le recrutement de personnels non qualifiés. Pour certains, il serait plus judicieux de diminuer le nombre de places pour garantir des conditions d’accueil conformes au respect des enfants et des conditions de travail des professionnels, le temps que l’on puisse recruter suffisamment de personnels qualifiés pour accueillir tous les enfants. D’autant plus que 44 % des assistants maternels sont destinés à partir à la retraite d’ici 2030. Les assistants maternels devraient être réintégrés dans le code du travail.

La tarification horaire de l’accueil du jeune enfant devrait également évoluer, puisqu’elle n’est pas adaptée aux besoins des enfants. À la place, un forfait à la demi-journée serait souhaitable.

Le fonctionnement de la PMI mériterait une réforme, notamment en ce qui concerne l’agrément des structures ainsi que le contrôle et l’accompagnement des personnels

Les puéricultrices, qui sont nombreuses à devoir se déclarer illégalement autoentrepreneurs, réclament un statut d’infirmière en pratique avancée (IPA) pour pouvoir travailler sur la prévention et proposer une offre de services plus large.

D’autres propositions de réforme ont été formulées : mise en place d’un congé d’allaitement comme dans les pays nordiques, adaptation des conditions d’accueil des enfants handicapés, lutte contre les impayés, réévaluation des micro‑crèches, création d’un service d’astreinte, intégration des parents à la commission d’attribution des places. L’enfant ne doit jamais être une variable d’ajustement.

D.   l’enfant et le numÉrique

À la suite d’un colloque consacré à la protection des mineurs dans le monde numérique, la délégation a auditionné le ministre en charge de ces questions et a décidé la création d’une mission d’information sur l’éducation au numérique des jeunes.

1.   Les défis posés par le numérique

Le 14 décembre 2022, la Délégation aux droits des enfants a organisé un colloque portant sur le numérique et la protection des mineurs autour de trois thématiques, le cyber harcèlement, l’accès à la pornographie et la protection de la vie privée, regroupant une dizaine d’intervenants, acteurs associatifs, organes institutionnels et plateformes numériques.

La première table ronde autour de la lutte contre les pratiques de cyber-harcèlement a souligné l’accroissement de ce phénomène : 20 % des enfants déclarent avoir été confrontés à une situation de harcèlement en ligne. En conséquence, l’Éducation nationale a détaillé son dispositif mis en place : équipe dédiée au cyber-harcèlement et programme pHARe. Par ailleurs, la loi visant à combattre le harcèlement scolaire ([19]) impose la mise en place d’un programme de prévention et des méthodes de résolution des conflits dans tous les établissements scolaires. L’Éducation nationale, préconise à ce titre la généralisation du programme pHARe dans les lycées, d’en enrichir les ressources et de les rendre accessibles à tous les enseignants. Elle souhaite également ouvrir la plateforme 3018 le dimanche et expérimenter la plateforme d’évaluation et de certification des compétences numériques (Pix) dès la 6e. L’association Vers Le Haut préconise pour sa part de sensibiliser davantage les parents, ce qui pourrait notamment se faire, pour TikTok, au moment de la rentrée scolaire. Les réseaux sociaux ont eux-mêmes commencé à mettre en place des systèmes de modération de contenus afin de prévenir le harcèlement en ligne. Snapchat recommande de mieux sensibiliser les enfants quant au signalement des faits de harcèlement ainsi que de mener une réflexion sur la notion de civisme en ligne et d’éthique du numérique en prolongement de l’éducation civique. Webedia dispose d’outils de modération et coopère avec Pharos, notamment pour mener des réquisitions. Il recommande que la création d’un nouveau compte en ligne soit soumise à un temps de confiance nécessaire à l’ouverture de fonctionnalités plus avancées avec score de confiance pour débloquer des fonctionnalités et préconise également de bannir les pseudonymes.

La deuxième table ronde portait sur la protection des mineurs contre les contenus à caractère pornographique, auxquels un tiers des enfants se retrouvent exposés avant 12 ans. Selon l’association Caméléon, en s’habituant à visionner de telles images, les mineurs ne sont plus en mesure de déterminer les actes relevant ou non de violences. Par ailleurs, l’hypersexualisation des enfants en fait des proies faciles pour les pédocriminels présents sur internet. L’association préconise en conséquence de rendre obligatoire sur les plateformes la présence d’un référent formé pour faire de la modération et de la prévention active et lutter contre l’exploitation sexuelle des mineurs ainsi que d’augmenter les moyens humains, financiers et matériels des enquêteurs spécialisés et de sensibiliser plus généralement les forces de l’ordre à ces sujets. L’association ACPE relève par ailleurs un risque exacerbé de prostitution des mineurs en ligne, laquelle a augmenté de 10 points entre 2013 et 2017. Pour l’association OPEN, l’Éducation nationale devrait davantage s’investir dans ces domaines : les notions de consentement, de plaisir et de rapport au corps devraient être intégrés à l’éducation des enfants. Se pose également la question du contrôle de l’âge pour accéder à certains contenus, qui fait l’objet de réflexions au sein de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) et de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM).

La troisième table ronde s’est intéressée à la protection de la vie privée de l’enfant sur internet, face au phénomène de plus en plus fréquent de diffusion des images de leurs enfants sur les réseaux sociaux par leurs propres parents. La CNIL propose d’améliorer et de simplifier le dispositif de signalement des contenus puis, a posteriori, d’envoyer un rapport de suivi de son signalement à la personne qui a alerté sur le contenu. Pour l’association Génération numérique, il conviendrait de passer une sorte de permis au numérique pour utiliser internet. L’association estime qu’un mineur devrait suivre entre 30 et 35 heures d’éducation à la citoyenneté dans le monde numérique au cours de sa vie scolaire. Selon Microsoft, il est crucial aujourd’hui, pour les plateformes numériques, de naviguer entre la viabilité de leur modèle économique, l’intérêt réputationnel et la responsabilité sociale de l’entreprise.

2.   L’éducation au numérique

a.   Jean Noël Barrot ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications

Auditionné le 14 février 2023, le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications Jean-Noël Barrot, a reconnu que les enfants accédaient de façon insuffisamment contrôlée à des contenus qui ne leur sont pas adaptés et qu’ils étaient également des victimes privilégiées du cyber‑harcèlement et de la prédation sexuelle en ligne. Par ailleurs, des études scientifiques commencent à établir un lien de causalité entre les réseaux sociaux et le mal-être des jeunes.

Le ministre estime en conséquence qu’il est primordial d’adopter des mesures de prévention et de sensibilisation tant à destination des parents que des enfants eux-mêmes, et de responsabiliser les acteurs du monde numérique afin de garantir la bonne application de la loi, notamment en ce qui concerne l’âge minimal pour accéder à du contenu pornographique en ligne.

S’agissant de la sensibilisation des parents, le ministre a tenu à saluer la loi ([20]), qui a généralisé le contrôle parental à tous les appareils numériques vendus en France. Cependant, le ministre a précisé que cet outil ne s’avérera efficace que si les parents en connaissent les modalités d’utilisation et le bon usage. Ainsi, le Gouvernement a mis en place le site internet « jeprotègemonenfant.gouv.fr » qui accompagne les parents. Le Gouvernement encourage par ailleurs le déploiement de campus de la parentalité numérique en labellisant sur le territoire ce type d’initiatives. En ce qui concerne la sensibilisation des enfants, le ministre a mis en avant le fait que tous les enfants de 6e disposeront, à partir de la rentrée 2023, d’un « passeport pour internet », module de sensibilisation conçu par Pix (plateforme d’évaluation et de certification des compétences numériques) pour appréhender les risques auxquels ils peuvent être exposés en ligne et apprendre les bonnes pratiques. Par ailleurs, le 3018 a fait l’objet d’un renforcement de ses moyens, voyant sa ligne désormais ouverte 7 jours sur 7 de 9 heures à 23 heures.

Quant à la responsabilisation des acteurs du numérique, le ministre s’est félicité des avancées permises par le règlement européen sur les services numériques (DSA), qui devrait entrer en vigueur en France en 2023. Ce règlement aura pour conséquence d’assujettir les plateformes numériques à certaines responsabilités de modération ainsi que d’analyse des risques qu’elles font peser sur leurs utilisateurs. En vertu du DSA, les plateformes auront également l’obligation de prendre les mesures appropriées et proportionnées pour assurer le plus haut niveau de protection de la vie privée et la sécurité des mineurs (interfaces adaptées, paramètres spécifiques, blocage de tout contact direct avec un mineur extérieur au cercle d’amis) et auront l’interdiction de diffuser de la publicité ciblée vis-à-vis des mineurs.

Enfin, le ministre a rappelé l’importance de l’effectivité de la loi, qui dispose notamment actuellement que l’accès aux sites à contenus pornographiques est interdit aux mineurs. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a mis en demeure cinq sites pornographiques afin qu’ils vérifient effectivement l’âge de leurs utilisateurs. À l’issue de la période de 15 jours prévue par la loi, le président de l’ARCOM a saisi le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir l’interruption de leurs services auprès des fournisseurs d’accès à internet ou par le biais du déréférencement. Le Gouvernement est actuellement en train de réfléchir à une solution de vérification de l’âge des utilisateurs respectant le principe du double anonymat : celui qui fournit l’attestation de majorité ne sait pas à quelle fin elle sera utilisée et le site sur lequel l’attestation est utilisée ne connaît pas l’identité de la personne.

b.   La question de l’éducation au numérique

Le 29 mars 2023, la Délégation aux droits des enfants a décidé la création d’une mission d’information sur l’éducation et le numérique. ([21])

Cette dernière s’est attachée à réfléchir sur l’articulation entre l’éducation et le numérique pour garantir au mieux l’intérêt supérieur de l’enfant. Les rapporteurs ont constaté qu’initialement, l’articulation privilégiée a consisté en une éducation par le numérique. Les outils numériques étaient ainsi appréhendés par l’Éducation nationale comme étant au service des apprentissages. La fourniture de matériel informatique a, par conséquent, été favorisée au sein des établissements scolaires. Cependant, la pertinence de ces outils n’a pas toujours fait ses preuves, essentiellement en raison d’un manque de concertation ayant eu pour conséquence un équipement inadapté aux besoins réels des établissements scolaires. Dans le même temps, les pouvoirs publics ont commencé à prendre conscience des dangers que le numérique pouvait présenter pour les enfants : ils ont ainsi cherché à protéger ces derniers en les éloignant du numérique. Il est donc apparu nécessaire d’éduquer les enfants au numérique avant de leur en permettre l’usage. Des amorces d’éducation au numérique existent mais restent éparses et sont invisibilisées par la multiplication d’acteurs qui agissent sans cohérence et sans un pilotage de l’État. Les rapporteurs plaident donc pour la reconnaissance d’une discipline à part entière d’éducation au numérique au sein des programmes scolaires ainsi que par l’instauration d’une véritable politique publique, pilotée par l’État, d’éducation au numérique de l’ensemble de la société. Protéger l’intérêt supérieur de l’enfant passe nécessairement par l’implication non seulement des personnels de l’Éducation nationale et des parents, mais également, plus largement, des médias et des plateformes numériques.

 

 

   EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du mercredi 4 octobre 2023, la Délégation aux droits des enfants a procédé à la présentation du rapport d’activité de la session 2022-2023

La vidéo de cette réunion est consultable à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/W92Q4B

 

Puis la Délégation en autorise la publication.

 

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([1]) Rapport d’information n° 1026 présenté par M. Philippe Dunoyer, Mme Karine Lebon et M. Olivier Serva Lutte contre les violences faites aux mineurs en outre-mer, mars 2023.

([2]) Mme Francesca Pasquini, M. Éric Poulliat.

([3])  Proposition de loi n° 658 (2e rectifiée) visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co‑victimes de violences intrafamiliales, présentée par Mme Isabelle Santiago et ses collègues.

([4]) Proposition de loi n° 739 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne présentée par M. Laurent Marcangeli et les membres du groupe Horizons.

([5])  Proposition de loi n °758 visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants présentée par M. Bruno Studer et les membres du groupe Renaissance.

([6])  Proposition de loi n°5081 relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans présentée par Mme Caroline Janvier et ses collègues.

([7])  Loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire.

([8])  Loi n° 2022-300 du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet.

([9])  Loi n° 2020-1 266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.

([10])  Proposition de loi n° 658 (2e rectifié) visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co‑victimes de violences intrafamiliales, présentée par Mme Isabelle Santiago et ses collègues.

([11]) Rapport pour information n° 806 présenté par Mme Nicole Dubré-Chirat, Proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales janvier 2023.

([12])  Proposition de loi n° 4747 visant à protéger les enfants exposés aux violences au sein du couple présentée par Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe et ses collègues.

([13]) Rapport d’information n °911 présenté par Mme Christine Loir en conclusion d’une mission flash sur les jeunes et le numérique, mars 2023.

([14]) Proposition de loi n° 739 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne présentée par M. Laurent Marcangeli et les membres du groupe Horizons.

([15])  Proposition de loi n °758 visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants présentée par M. Bruno Studer et les membres du groupe Renaissance.

([16]) Proposition de loi n °5081 relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans présentée par Mme Caroline Janvier et ses collègues.

([17])  Proposition de loi n °758 visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants présentée par M. Bruno Studer et les membres du groupe Renaissance.

([18]) Inspection générale des affaires sociales Docteur Nicole Bohic et MM. Jean Baptiste Frossard, Christophe Itier Thierry Leconte Qualité de l’accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches , mars 2023.

([19])  Loi n° 2022-300 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire

([20]) Loi n° 2022-300 du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet.

([21]) Rapport d’information n° 1681 présenté par Mme Charlotte Goetschy Bolognese et M. Hervé Saulignac Éducation et numérique, septembre 2023.