N° 1720

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2023

 

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
ET À LA DÉCENTRALISATION
 

 

 

SUR LA DÉCENTRALISATION DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT,

 

 

À LA SUITE DES RENCONTRES ORGANISÉES LE 29 JUIN 2023 PAR LA DÉLÉGATION

 

 

 

 

PAR

M. David VALENCE,

Député


 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos du prÉsident de la dÉlÉgation

ACTE DES RENCONTRES

OUVERTURE PAR M. THOMAS CAZENAVE, PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET À LA DÉCENTRALISATION

ALLOCUTION DE M. GUILLAUME KASBARIAN, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION des affaires Économiques

ALLOCUTION DE M. OLIVIER KLEIN, MINISTRE DÉLÉGUÉ CHARGÉ DE LA VILLE ET DU LOGEMENT

TABLE RONDE n° 1 : UNE PLUS GRANDE TERRITORIALISATION DES DISPOSITIFS PUBLICS POURRAIT-ELLE FACILITER LA RELANCE DE L’OFFRE DE LOGEMENTS ?

Mme EMMANUELLE COSSE, PRÉSIDENTE DE l’UNION SOCIALE POUR L’HABITAT (ush)

M. PASCAL BOULANGER, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION DES PROMOTEURS IMMOBILIERS DE France (fpi)

M. BRUNO ARCADIPANE, PRÉSIDENT D’ACTION LOGEMENT GROUPE

Mme CATHERINE SABBAH, DÉLÉGUÉE GÉNÉRALE DE l’INSTITUT DES HAUTES ÉTUDES POUR l’ACTION DANS LE LOGEMENT

INTERVENTIONS DES ÉLUS LOCAUX

INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES

RÉACTIONS DES INTERVENANTS

TABLE RONDE n° 2 : FAUT-IL TRANSFÉRER AUX COLLECTIVITÉS LOCALES LA GESTION DES AIDES À L’AMÉLIORATION DE L’HABITAT ?

Mme VALÉRIE MANCRET-TAYLOR, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE l’AGENCE NATIONALE DE l’habitat (anah)

M. JEAN-PASCAL CHIRAT, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DU CLUB DE L’AMÉLIORATION DE L’HABITAT (cah)

M. LOÏC CANTIN, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DE L’IMMOBILIER (FNAIM)

Mme MARJAN HESSAMFAR, VICE-PRÉSIDENTE DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES ARCHITECtes

INTERVENTIONS DES ÉLUS LOCAUX

INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES

RÉACTIONS DES INTERVENANTS

SYNTHÈSE DES TRAVAUX DU COLLOQUE : la territorialisation de la politique du logement entre décentralisation et cogestion

I. Face À une reconfiguration des enjeux du logement, l’État reste positionnÉ au cœur des dispositifs publics de soutien du secteur

A. Les politiques publiques du logement confrontÉes À un vÉritable « changement de paradigme »

1. Le marché du logement subit les effets d’un déséquilibre de long terme, auquel s’ajoute un rejet de plus en plus fréquent de l’acte de construire

2. La notion d’amélioration de l’habitat, autrefois centrée sur des questions de confort et de salubrité, s’élargit aux enjeux de la transition écologique et de l’adaptation au vieillissement

B. La place centrale de l’État dans la gestion des dispositifs de soutien Aux marchÉs du logement et de l’amélioration de l’habitat

1. Au travers des différents zonages, l’État intervient directement dans la répartition géographique des aides publiques

2. Le principal financeur de la rénovation de l’habitat est une agence nationale : l’ANAH.

II. La dÉcentralisation des aides au logement et à l’amélioration de l’habitat n’apparaît envisageable que sous certaines conditions

A. les conditions de mise en œuvre d’une plus grande dÉcentralisation de la politique de soutien au marchÉ du logement

1. Une décentralisation de la politique de soutien à l’offre de logements n’est envisageable que si on y adjoint des moyens financiers significatifs

2. Il paraît possible de confier plus de responsabilités aux intercommunalités au travers du statut d’autorité organisatrice de l’habitat (AOH)

B. L’optimisation des mécanismes de cogestion entre collectivités et État dans la mise en Œuvre des dispositifs de soutien à l’amélioration de l’habitat

1. À défaut de pouvoir maîtriser l’ensemble du dispositif MaPrimeRénov’, les AOH peuvent intervenir plus activement dans le soutien à la rénovation au travers du conventionnement avec l’ANAH

2. Les intercommunalités sont appelées à jouer un rôle central dans l’accompagnement des ménages pour leurs démarches de rénovation

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

LISTE DES INTERVENANTS

 

   Avant-propos du prÉsident de la dÉlÉgation

En préambule, je veux saluer l’initiative de mon prédécesseur Thomas Cazenave, qui a souhaité organiser ces Rencontres sur la décentralisation de la politique du logement. Le format des Rencontres et la qualité des échanges ont permis de faire émerger des propositions qui enrichissent précieusement les travaux de la délégation.

Premier poste de dépenses des ménages, avec 28,5 % des dépenses de consommation finale en 2020, devant l’alimentation (19,5 %) et le transport (11,8 %), le logement est un secteur qui mobilise d’importants crédits publics : 38 milliards d’euros environ en 2020, soit 1,6 % du produit intérieur brut, bien au‑dessus de la moyenne des pays membres de l’Union européenne (0,5 %).

Comme l’indiquait la Cour des comptes dans une note d’analyse transmise au Gouvernement en novembre 2021 ([1]), cette politique atteint pourtant des résultats « modestes », voire « décevants » au regard de ses objectifs.

Depuis de nombreuses années, notre pays n’est plus en mesure d’offrir à tous ses habitants un logement adapté à leurs besoins. La construction de logements neufs, qui avait connu un pic en 2006, avec 493 800 mises en chantier, s’est ainsi mise à diminuer à partir de 2008. Elle stagne sous le seuil des 435 000 tout au long de la décennie 2010. Dans cet ensemble, la construction de logements sociaux, qui servait d’amortisseur aux fluctuations du marché, a décru sur la même période (106 000 logements en 2019, contre 130 000 en 2013 ([2])). Le nombre de personnes souffrant de mallogement, c’est‑à‑dire ne disposant pas d’un logement digne ou soutenable financièrement, n’a de même cessé de croître pour atteindre 4,1 millions en 2021 ([3]).

Aux yeux de la Cour des comptes, l’origine de cette inefficacité résiderait pour partie dans une « fragmentation des pouvoirs administratifs » entre l’État, qui dispose des principaux leviers fiscaux et réglementaires, le bloc communal, qui délivre les permis de construire et fixe les documents d’urbanisme, et même les départements, qui peuvent se voir déléguer une partie des « aides à la pierre ».

Dès l’année 2021, la Cour envisageait une « option volontariste » consistant à « étudier une décentralisation des politiques du logement » au profit des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou des départements ». Un tel choix, avant tout pragmatique, visait à permettre d’améliorer l’habitat au plus près des bassins de vie dans des conditions plus conformes aux souhaits des populations.

Le temps est venu d’envisager vraiment cette option, d’autant que la crise du logement s’est aggravée ces derniers mois.

S’agissant, tout d’abord, de l’offre de logements, la baisse s’est accélérée : le nombre de permis de construire accordés entre mai 2022 et avril 2023 a chuté de 14 % ; le nombre de mises en chantier ne décolle toujours pas en dépit des intentions des pouvoirs publics (370 900 en 2022). Par ailleurs, avec 2,4 millions de personnes en attente d’un logement social et 330 000 personnes sans domicile fixe à la fin de l’année dernière ([4]), la France voit les situations de détresse se multiplier.

Les besoins liés à l’habitat ont, par ailleurs, beaucoup évolué. Durant les Trente Glorieuses, il s’agissait d’accéder au confort promis par la modernité. Aujourd’hui, le logement doit protéger ses occupants du risque climatique, mais aussi de la perspective de la dépendance dans une société où l’espérance de vie est élevée. Il suffit de considérer le nombre de logements construits au siècle dernier (30 millions, soit environ 80 % du parc total), dont 5,2 millions de « passoires thermiques », pour se rendre compte à quel point la rénovation énergétique des bâtiments est définitivement le « chantier du siècle » pour reprendre les mots de l’ancien ministre délégué en charge de la ville et du logement, M. Olivier Klein.

Dans la foulée des conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) le 5 juin dernier, il appartenait naturellement au Parlement de formuler ses propositions et, au sein de l’Assemblée, à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation d’évaluer l’opportunité d’une décentralisation de la politique du logement.

Notre délégation a donc choisi de consacrer ses deuxièmes Rencontres à cette question. À l’instar de la première session, qui a eu lieu le 2 février 2023 sur le thème des investissements dans la transition écologique, les débats qui se sont tenus le 29 juin dernier visaient à favoriser l’émergence de propositions utiles et de pistes de réforme susceptibles de donner lieu à un débouché législatif, grâce aux regards croisés d’experts et à un dialogue ouvert avec les élus locaux et les parlementaires

Sur chacun des deux aspects évoqués, à savoir le soutien de l’offre de logements et l’amélioration de l’habitat, la décentralisation n’a pas été traitée comme une question de principe, mais comme un moyen et sous l’angle de l’efficacité des politiques publiques.

Il ressort des discussions que, face la crise, un nouvel acte de décentralisation ne peut, à lui seul, répondre à toutes les attentes. Pour autant, confier aux collectivités la responsabilité pleine et effective de certains dispositifs publics peut, sous conditions, contribuer à apporter à la politique du logement la cohérence et l’adaptabilité dont nos concitoyens ont besoin en cette période difficile.

Ainsi, nous pouvons agir sur trois fronts :

1° Il convient de relancer l’acte de construire en donnant davantage de responsabilités aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

La première « pierre » de l’édifice de décentralisation se situe dans le pouvoir normatif. Actuellement, beaucoup de normes applicables à la construction ou à l’offre de logements sont fixées par décret. Il serait plus pertinent de laisser les collectivités procéder directement à des ajustements selon les particularités de leur territoire. À titre d’exemple, des zones où la performance énergétique est plus difficile à atteindre pourraient bénéficier d’une dérogation plus étendue aux limites de hauteur des bâtiments lorsque ceux-ci font preuve d’une « exemplarité environnementale » ([5]).

Bien évidemment, c’est dans le domaine du « zonage » que les perspectives de décentralisation sont les plus fondées. L’expérimentation du « Pinel breton » a montré qu’il pouvait être intéressant de permettre à des communes en tension modérée de bénéficier des dispositifs de défiscalisation dévolus à une autre plus tendue pour un temps déterminé. Les deux principaux types de zonage (ABC, d’une part, 123, d’autre part) « figent » une répartition géographique autour de laquelle s’articulent la plupart des aides à l’accès au logement (aides personnelles au logement, notamment) et à l’investissement locatif (Loc’avantages, prêts à taux zéro, etc.). Laissons les élus locaux « respirer » en leur confiant le soin de moduler cette répartition en fonction des mutations économiques et sociales de leur territoire. Dans cette optique, il pourrait même être envisagé d’autoriser les collectivités concernées à expérimenter la fusion des deux zonages.

La dernière « pierre »  de l’ouvrage consisterait à confier aux collectivités le financement et le suivi des structures d’hébergement, en particulier des centres d’hébergement d’urgence (CHU) et des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ([6]). Les initiatives mises en œuvre dans certaines agglomérations afin de faciliter, dans le cadre du programme « Logement d’abord », l’accès à un logement stable pour les sans-abris montrent que le logement est un continuum que les autorités compétentes doivent maîtriser de bout en bout sous peine d’affecter la cohérence globale de l’action publique.

Reste la question de l’aire géographique, et donc de la strate de collectivité la plus pertinente pour exercer les compétences ainsi transférées.

Les intercommunalités peuvent déjà intervenir dans la fixation des documents d’urbanisme ([7]) et des programmes locaux de l’habitat (PLH) si les communes leur en ont confié la compétence. Elles peuvent désormais obtenir la qualification d’autorité organisatrice de l’habitat (AOH) depuis la loi « 3DS » : cette notion mériterait de gagner en contenu en recouvrant les responsabilités précitées.

2° Ces nouvelles compétences doivent se traduire par des ressources complémentaires. Tous les intervenants qui se sont exprimés lors des Rencontres ont insisté sur l’importance qui s’attache à ce que les collectivités puissent non seulement disposer des fonds nécessaires à la mise en œuvre de projets immobiliers, mais aussi être encouragées à délivrer des permis de construire.

En 2021, la commission présidée par M. François Rebsamen, maire de Dijon, avait déjà identifié ces « oppositions fortes » à la densification que les mairies peuvent rencontrer au niveau local : ces symptômes d’une réticence profonde ont pour effet de bloquer des projets par la seule lassitude qu’ils engendrent chez les élus. Les pouvoirs publics ne doivent pas laisser une telle situation perdurer. Ils doivent assumer clairement leur soutien aux « maires bâtisseurs » lorsque la situation l’exige. À cet égard, on peut saluer les propositions formulées à ce sujet par le CNR Logement sous la forme d’un « bonus » financé à partir d’une partie du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Une autre option, plus conforme à l’esprit même de la décentralisation, consisterait à permettre aux collectivités de déterminer elles‑mêmes leur niveau de financement au travers d’une fiscalité adaptée. Toutes les pistes sont, ici, ouvertes : il ne serait pas absurde, par exemple, de recréer une forme d’impôt résidentiel qui, selon des modalités qui restent à déterminer, bénéficierait aux communes bâtisseuses par le produit de la taxe perçue sur les nouveaux habitants.

3° Il importe, enfin, d’accélérer la rénovation du parc de logements en laissant les collectivités, et notamment les AOH, se saisir de la gestion des dispositifs de soutien à l’amélioration de l’habitat.

Les enjeux du « chantier du siècle » ne sont pas, loin s’en faut, les mêmes d’un bout à l’autre du territoire national. Il n’est pas raisonnable de penser le logement de la même façon dans des départements comme la Haute-Garonne ou le Var, où moins de 10 % des logements ont un diagnostic de performance énergétique (DPE) F ou G, et dans d’autres, tels que la Creuse ou le Cantal, où cette proportion est supérieure à 40 %. Là encore, la notion de territorialisation des aides et de leur concentration prend tout son sens.

Les Rencontres de la délégation ont permis d’objectiver la plus-value apportée par les collectivités lorsqu’elles mettent directement en œuvre une politique publique : les territoires les plus dynamiques dans l’aide à la rénovation des logements sont ceux où il existe des mécanismes de gestion déléguée des aides à la pierre de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). Or, la prime de transition énergétique, mieux connue sous son appellation MaPrimeRénov’, ne rentre pas, pour l’instant, dans le champ des aides susceptibles d’être déléguées aux collectivités. Compte tenu des montants en jeu, soit près de 2,4 milliards d’euros par an, pourquoi ne pas enfin « sauter le pas » en intégrant la prime dans les conventions de délégation ?

Alors que le Gouvernement envisage d’installer un guichet d’accompagnement France Rénov’ par intercommunalité à l’horizon 2025, la délégation aux AOH de l’intégralité des aides couvertes par le label « MaPrimeRénov’ » permettrait d’assurer la cohérence du dispositif. Elle offrirait aux ménages un accès simple et identifié aux informations sur la réglementation applicable et au soutien financier public auquel ils ont droit. Mieux gérée et rendue ainsi plus accessible, la prime pourrait ainsi mieux jouer pleinement son rôle.

Sur chacun de ces différents points, la délégation prolongera ses réflexions et proposera bientôt des évolutions, tant législatives que réglementaires.

* * *

 


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   ACTE DES RENCONTRES

OUVERTURE PAR M. THOMAS CAZENAVE, PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET À LA DÉCENTRALISATION

Je suis heureux de vous accueillir ce matin à l’Assemblée nationale pour cette deuxième édition des Rencontres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui est consacrée à la décentralisation de la politique du logement. Conçues comme un temps d’échanges et d’initiatives, ces Rencontres ont pour ambitions de rassembler des experts et des professionnels de la société civile, appelés à partager leurs connaissances sur le sujet, et de favoriser, au travers d’un dialogue ouvert avec les élus locaux et les parlementaires, l’émergence de propositions utiles et de pistes de réforme susceptibles de donner lieu à un débouché législatif. Je rappelle, à cette occasion, que la première édition des Rencontres, organisée le 2 février dernier, avait porté sur le thème de l’investissement des collectivités territoriales dans la transition écologique.

À cette occasion, je tiens, tout d’abord, à excuser par avance la possible absence de M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement, qui est actuellement retenu au ministère de l’intérieur pour une réunion de la cellule interministérielle de crise consacrée aux violences urbaines qui ont éclaté hier à Nanterre.

Par ailleurs, je remercie M. le président Guillaume Kasbarian d’être présent parmi nous ce matin pour indiquer comment la commission des affaires économiques envisage de traiter dans les prochains mois la question du logement, qui est au cœur de ses compétences. Je remercie également les représentants des associations d’élus présents ainsi que, naturellement, les experts et professionnels du secteur qui se sont mobilisés ce matin.

Nos Rencontres s’organisent dans un contexte particulier pour le logement. Elles s’inscrivent, tout d’abord, dans le cadre de la volonté des pouvoirs publics, exprimée par le président de la République à Château-Gontier le 10 octobre dernier, d’ouvrir « un nouveau chapitre de la décentralisation ». Le logement, politique publique aux compétences imbriquées entre l’État et les collectivités territoriales, se prête parfaitement à des réflexions sur une plus grande responsabilisation des élus locaux.

Dès à présent, je souhaiterais être clair sur un point : une plus grande décentralisation de la politique n’aurait de sens que si elle est mise au service d’une plus grande efficacité de l’action publique.

Nos discussions s’ouvrent alors que se profile une crise sérieuse pour l’ensemble du secteur. La crise touche d’abord l’offre de logements au travers, notamment, d’un affaissement de la construction. En 2022, selon les données communiquées par le ministère du logement, environ 376 000 logements ont été mis en chantier, ce qui représente déjà une baisse de 3,7 % par rapport à 2021, mais surtout correspond à peu près au même niveau qu’en 2016. Cette atonie affecte tout autant le parc privé que le logement social, dont le nombre de nouvelles constructions reste bloqué sous la barre des 100 000 unités depuis deux ans. Je rappelle, par ailleurs, que 2,3 millions de personnes sont aujourd’hui en attente d’un logement social.

Mais les enjeux de la politique du logement portent également sur l’amélioration de l’habitat, et en particulier sur la rénovation énergétique des logements pour faire face à la crise climatique. Le bâtiment est, en France, le deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre, avec 27 % du total des émissions nationales. Selon les données du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), le secteur pesait pour près de 45 % de la consommation d’énergie finale française en 2016. Il a donc un rôle essentiel à jouer dans l’atteinte par notre pays de la neutralité carbone en 2050.

Je voudrais citer quelques chiffres qui permettent de se rendre compte de l’ampleur de la tâche à accomplir : en France, près de 5 millions de logements sont mal isolés et 3,8 millions de ménages ont du mal à s’acquitter de leurs factures de chauffage. La politique de soutien à la rénovation énergétique, matérialisée par le dispositif MaPrimeRénov’ (3,1 milliards d’euros en 2022), vise précisément à résorber ce fléau.

Face à ce double constat, les pouvoirs publics ne sont pas restés sans réponse. Je voudrais saluer à ce sujet les travaux réalisés pendant six mois par le Conseil national de la refondation (CNR) consacré au logement, sous l’égide de la Première ministre et du ministre chargé du logement. Comme vous le savez, le CNR Logement a rendu ses conclusions il y a quelques semaines et la Première ministre a annoncé le 5 juin dernier une première série de mesures. Nous aurons l’occasion d’y revenir tout à l’heure.

Vous l’aurez compris : l’objet de nos discussions de ce matin ne porte pas sur tous les aspects de la politique du logement, mais sur l’intérêt qui s’attacherait à une plus grande décentralisation de cette politique.

La première question à l’ordre du jour est la suivante : est-ce qu’une plus grande responsabilisation des élus serait de nature à faciliter la construction de logements ?

Vous le savez déjà : les collectivités interviennent à des degrés divers dans la politique du logement : c’est, bien sûr, le maire qui accorde les permis de construire et, par ailleurs, il appartient au bloc communal dans son ensemble de fixer les plans d’urbanisme et d’attribuer les logements sociaux. Aussi, on peut se demander s’il convient de donner aux élus locaux plus de compétences en matière de « zonage » afin de relancer la construction, d’aller plus loin dans la délégation des aides à la pierre, voire d’attribuer aux collectivités un pouvoir normatif d’adaptation de l’acte de construire aux spécificités de leur territoire.

La seconde question inscrite ce matin porte sur la place à donner aux collectivités pour que la France puisse atteindre ses objectifs climatiques au travers d’une accélération de la rénovation énergétique des logements. Dans la mesure où elles disposent d’une connaissance fine de leur territoire, ne faudrait-il pas les rendre responsables des « derniers mètres » des politiques menées en matière de soutien à la massification des travaux ?

Dès lors, n’abordons pas la décentralisation comme une question principielle. Il s’agit de déterminer dans quelle mesure une plus grande responsabilisation des collectivités territoriales pourrait contribuer à l’efficacité de la politique du logement dans ses deux aspects évoqués à l’instant.

Avant de céder la parole au président Guillaume Kasbarian, je voudrais saluer chacun des intervenants présents ce matin. Tout d’abord, au titre de la première table ronde, je remercie Mme Emmanuelle Cosse, ancienne ministre du logement et présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH), M. Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers de France (FPI), M. Bruno Arcadipane, président d’Action Logement Groupe et Mme Catherine Sabbah, déléguée générale de l’Institut des hautes études pour l’action dans le logement (IDHEAL) et co-pilote de l’un des groupes de travail du CNR Logement.

Pour la seconde table ronde, je remercie Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), M. Jean‑Pascal Chirat, délégué général du Club de l’amélioration de l’habitat (CAH), M. Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) et Mme Marjan Hessamfar, vice-présidente du conseil national de l’Ordre des architectes, qui remplace Mme Christine Leconte, empêchée ce matin.

S’agissant des associations d’élus, je salue Mme Agnès Thouvenot, première adjointe au maire de Villeurbanne, représentant l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité (AMF), Mme Soizic Perrault, vice‑présidente du conseil départemental du Morbihan, pour Départements de France et, pour France urbaine, M. Emmanuel Heyraud, délégué adjoint, ainsi que M. Michel Bisson, président de la communauté d’agglomération Grand Paris Sud.

ALLOCUTION DE M. GUILLAUME KASBARIAN, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION des affaires Économiques

Je vous remercie, M. le président, de nous réunir aujourd’hui ici pour parler du logement. Dans une période marquée par l’inflation et une baisse du pouvoir d’achat, le logement, premier poste de dépenses des ménages, doit être au cœur de notre réflexion collective à l’Assemblée nationale et la commission que j’ai l’honneur de présider prend une part active à cet exercice.

Vous avez souhaité aborder le sujet sous l’angle de la territorialisation. Nous faisons face actuellement à deux défis majeurs, qui appellent, à mon sens, un approfondissement de l’action des collectivités territoriales.

Premièrement, le défi de l’offre dans le logement neuf. Nous vivons depuis plusieurs années une désaffection profonde pour l’acte de construire, bien analysée en 2021 par la commission pour la relance durable de l’offre de logements. Par conséquent, nous enregistrons un tassement important de la construction de logements neufs. La tendance est particulièrement claire en zone tendue, où les élus locaux éprouvent de plus en plus de difficultés à faire accepter des opérations de construction. Or, les zones en tension sont celles-là même qui connaissent la plus forte rareté foncière, ce qui complique le problème.

Ailleurs, nos attentes environnementales plus fortes, notamment en matière de sobriété foncière, rendent plus difficile pour les Français des classes moyennes d’accéder à la propriété entre trente et quarante ans. Il nous faut à la fois préserver l’attachement des Français aux maisons individuelles, tout en pensant un urbanisme respectueux de nos engagements en faveur de la transition écologique, en particulier de notre trajectoire volontariste de réduction de l’artificialisation des sols et de préservation des terres agricoles.

Une fois ce défi posé, il importe de mieux articuler les interventions locales et nationales. Nous ne pouvons pas admettre le problème et laisser les collectivités seules pour le gérer.

Les territoires doivent pouvoir mobiliser le foncier disponible pour créer du logement. Dans la foulée de la crise sanitaire, nous avions immédiatement pris la mesure de la situation avec la création de l’aide à la relance de la construction durable. C’est aussi ce qui a motivé, plus récemment, le « fonds friches » et le « fonds vert » que les élus plébiscitent tout en alertant, naturellement, sur l’ampleur des moyens à mobiliser. Il convient également d’étoffer les outils que les territoires pourraient mobiliser en matière de récupération des biens sans maître et à l’abandon.

Par ailleurs, la commission des affaires économiques a récemment sollicité les fédérations professionnelles du secteur afin de recueillir leurs suggestions en la matière. Ces réflexions devraient donner lieu à des initiatives législatives à la rentrée sous la forme de propositions de loi ou d’amendements au projet de loi de finances pour 2024.

En second lieu, vous évoquez, M. le président, le défi de l’amélioration de notre parc de logements existants, qui est en partie inadapté à nos besoins. Plus de 5 millions de résidences principales sont des passoires thermiques, dont un grand nombre est situé dans les zones urbaines tendues. La rénovation des logements suscite une interrogation plus large sur les perspectives du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Nous allons devoir mettre à niveau une grande partie de notre parc, ce qui est une opportunité pour la profession.

Bien entendu, la montée en puissance de la filière de la rénovation doit être accompagnée au niveau de la formation des acteurs et du soutien des particuliers dans leurs travaux. Il convient de s’interroger sur le rôle des collectivités dans ce processus.

Depuis la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, nous observons une meilleure association des territoires aux outils de rénovation énergétique. C’est un effort qu’il importe de poursuivre. Je me réjouis, d’ailleurs, que l’accompagnement des travaux par les intercommunalités se renforce de jour en jour. La question posée est d’autant plus importante que le calendrier de la rénovation énergétique des bâtiments que nous avons posé dans cette loi est ambitieux et peut susciter des appréhensions auxquelles nous devons répondre afin qu’elles n’aggravent pas les tensions du secteur.

À la suite des travaux du CNR Logement, le Gouvernement a annoncé une réforme du dispositif MaPrimeRénov’ destinée à renforcer le soutien aux rénovations globales. Au niveau du Parlement, je rappelle que les commissions des affaires économiques et du développement durable et de l’aménagement du territoire ont constitué en mars dernier une mission d’information commune sur la rénovation énergétique des bâtiments afin, notamment, d’évaluer le rôle des collectivités dans l’accompagnement des copropriétés. Cette mission devrait présenter très prochainement les résultats de ses travaux.

Puisque les compétences des collectivités territoriales sont au cœur de nos discussions, je voudrais, si vous le permettez, évoquer deux autres sujets de préoccupation qui intéressent les élus locaux.

Tout d’abord, une tension récurrente, localisée et forte, peut être observée dans certains territoires au niveau de la demande de logements. Ce phénomène est souvent causé par une croissance démographique du territoire conjuguée à une activité économique en expansion. Les territoires dynamiques, ceux qui accueillent des activités en croissance ou des métiers en tension, ne peuvent offrir des conditions de logement adéquates pour ceux qu’il faut recruter.

Ces disparités territoriales mettent par la force des choses nos collectivités au carrefour de ces questions. Lorsqu’une commune aura la chance d’accueillir la construction d’un réacteur nucléaire pressurisé de type EPR, dont nous avons voté la relance au travers de la loi du 22 juin 2023 relative au nucléaire, ou une gigafactory comme le permettra la future loi relative à l’industrie verte, actuellement examinée par l’Assemblée, comment s’y prendra-t-elle pour faciliter le logement des personnes concernées ?

En avril dernier, j’ai accompagné Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre chargée de la transition énergétique, sur le site de construction des deux futurs réacteurs EPR d’EDF à Hinkley Point (Royaume-Uni). Le site doit loger une véritable « ruche » de 9 000 travailleurs. On retrouve les mêmes enjeux à Dunkerque, qui devrait accueillir une gigafactory spécialisée dans la production de batteries pour automobiles, ou à Vannes, où je me suis rendu récemment avec Mme Nicole Le Peih. Il faut donc appeler l’attention des territoires en amont sur cette nécessité de faciliter le logement des employés dont les entreprises ont besoin.

Mon autre sujet de préoccupation a trait à l’attractivité de la location. Les bailleurs n’ont plus toujours confiance dans la sécurité de leur investissement locatif. Face aux incertitudes, ils peuvent être tentés de repositionner leur bien sûr d’autres marchés plus lucratifs ou de le laisser vacant. Il en résulte une attrition de l’offre locative et des difficultés de plus en plus prononcées pour les Français à se loger, notamment pour les jeunes, qui sont plus nombreux à résider dans le locatif.

Les réflexions en cours sur le statut du bailleur vont dans le bon sens et les collectivités territoriales sont bien positionnées pour mieux répartir l’offre. Ainsi, le régime fiscal différencié des biens affectés au logement et au tourisme pourrait être revu. La bonne échelle pour le faire pourrait être l’autorité organisatrice de l’habitat (AOH).

La commission des affaires économiques s’est récemment saisie du problème au travers d’une mission d’information. Mme Annaïg Le Meur et M. Iñaki Echaniz portent aujourd’hui une proposition de loi pour rapprocher les obligations réglementaires qui pèsent sur les logements, d’une part, et sur les meublés de tourisme, d’autre part. Notre commission soutiendra cette initiative de manière transpartisane.

En tout cas, j’espère que les deux tables rondes de ce matin permettront de traiter une partie de ces différentes questions et inspireront de futures coopérations entre la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et la commission des affaires économiques.

À cette occasion, je salue M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement, qui vient d’arriver.


ALLOCUTION DE M. OLIVIER KLEIN, MINISTRE DÉLÉGUÉ CHARGÉ DE LA VILLE ET DU LOGEMENT

Je voudrais, tout d’abord, vous présenter mes excuses pour mon retard à l’ouverture de cette deuxième édition des Rencontres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Le pays connaît actuellement une période de violences sans précédent : ainsi, nous avons appris que la mairie de Garges‑lès‑Gonesse (95) avait entièrement brûlé cette nuit. Le Gouvernement sera tout à l’heure aux côtés du maire de la commune, M. Benoît Jimenez, pour le soutenir dans cette épreuve.

Vous avez, M. le président Cazenave et M. le président Kasbarian, réuni des experts, des parlementaires et des élus locaux autour de la question de la territorialisation de la politique du logement. De mon point de vue d’ancien maire, la décentralisation doit être considérée comme un moyen et non comme une fin en soi.

Il importe donc de définir les domaines d’action qui, une fois transférés, contribueront à résoudre la crise actuelle, en particulier celle touchant l’offre de logements. Je pense, en tout premier lieu, au parc social. Les maires doivent être confortés dans la construction, mais aussi dans l’attribution des logements sociaux : la gestion en flux, qui inquiète parfois, doit s’effectuer de manière partagée.

Dans la même optique, le Gouvernement estime que le dispositif issu de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) doit rester au cœur de nos réflexions. Cette loi a permis de produire près de la moitié des logements sociaux au cours des dernières années et je rappelle que, si les objectifs fixés avaient été intégralement respectés, 70 000 logements sociaux supplémentaires seraient aujourd’hui disponibles.

L’évaluation triennale du dispositif prévue par la loi est actuellement menée par la commission nationale SRU en liaison avec les élus locaux. Face aux carences, il convient bien sûr, de rester ferme, mais aussi de favoriser la conclusion des contrats de mixité sociale instaurés par la loi « 3DS ».

Le CNR Logement a permis de faire émerger un certain nombre de propositions, parmi lesquelles figure la mobilisation du foncier au service des projets de construction engagés par les collectivités. L’État doit aujourd’hui accroître ses efforts en matière de recensement, d’évaluation et d’attribution du foncier. Je rappelle, en outre, qu’il existe des dispositifs facilitateurs pour les personnes à revenus modestes, notamment les organismes de foncier solidaire (OFS), et que ces outils ont vocation à être développés.

La seconde question abordée par ces Rencontres, celle de la rénovation énergétique des logements, est tout aussi essentielle. Le déploiement du dispositif France Rénov’ et la restructuration du dispositif MaPrimeRénov’ autour de deux « piliers », respectivement l’efficacité et la performance, permettront de rapprocher les citoyens des politiques publiques destinées à les accompagner dans leurs travaux.

Sur ce point, les collectivités territoriales ont incontestablement un rôle essentiel à jouer. J’ai récemment visité un espace France Rénov’ à Châteauroux (36), qui était installé dans une agence départementale d’information sur le logement (ADIL). On ne peut qu’être frappé de l’intérêt que présente pour nos concitoyens une telle synergie entre l’État et les collectivités. Je suis convaincu qu’une saine émulation entre collectivités permettra de démultiplier l’impact des politiques nationales au bénéfice des Français.

Certaines copropriétés ont parfois du mal à s’engager dans ce qui apparaît aujourd’hui comme « le chantier du siècle ». Hier, au cours d’un déplacement à Marseille avec le président de la République, j’ai pu constater à quel point il est important de limiter la prolifération des copropriétés dégradées. Les collectivités territoriales ont besoin d’être soutenues dans la détection et l’aide à la rénovation des copropriétés fragiles. Naturellement, l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) dispose de moyens d’action, mais son intervention doit s’appuyer sur la collectivité concernée.

Le Gouvernement engagera prochainement des réformes, à la fois réglementaires et législatives, dans ce domaine. Je ne doute pas qu’un accord transpartisan puisse être trouvé au Parlement compte tenu de l’extrême importance de ce sujet.

Le président Guillaume Kasbarian a évoqué les autorités organisatrices de l’habitat (AOH). Il s’agit, de mon point de vue, d’un excellent outil à condition que l’on définisse ce sur quoi portera la contractualisation avec l’État et à quelle hauteur se situeront les moyens alloués.

D’un point de vue général, même si je n’apprécie pas l’expression de « maire bâtisseur », j’estime que le maire qui accroît sa population doit être plus soutenu qu’il ne l’est aujourd’hui.

 


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TABLE RONDE n° 1 : UNE PLUS GRANDE TERRITORIALISATION DES DISPOSITIFS PUBLICS POURRAIT-ELLE FACILITER LA RELANCE DE L’OFFRE DE LOGEMENTS ?

M. le président Thomas Cazenave. En ouvrant la première table ronde, je veux rappeler, comme l’a déjà fait le ministre, qu’il ne s’agit pas de réfléchir la décentralisation de manière abstraite mais de se demander si une meilleure territorialisation des dispositifs publics, que ce soit les aides à la pierre ou le zonage, peut constituer demain l’un des leviers pour faire face à la crise du logement que nous traversons. Pour débuter nos échanges, je vais donner la parole à Mme Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH) et ancienne ministre du logement. Il se semble que, lors de précédents débats, l’USH avait émis quelques réserves s’agissant d’une décentralisation complète de la politique du logement. Faut-il faire cette décentralisation et quelles formes pourrait-elle prendre par rapport au volet de la construction et du soutien à l’offre ?

Mme EMMANUELLE COSSE, PRÉSIDENTE DE l’UNION SOCIALE POUR L’HABITAT (ush)

Je ne vais pas vous cacher que je suis, comme Monsieur le ministre et les élus locaux, très préoccupée par ce qui s’est passé la nuit dernière.

Je commencerai mon propos par deux remarques.

Décentralisation ou non, il y a une réalité actuelle : le logement est trop cher et trop peu disponible sur l’ensemble du territoire. C’est une problématique nationale qui ne relève pas des seuls élus locaux, de l’État ou de telle ou telle structure. Le président Guillaume Kasbarian a parlé de l’attractivité de territoires – sur laquelle j’ai moi-même travaillé – qui connaissent une formidable dynamique économique, notamment du Pas-de-Calais et du Nord. Pourtant, nous n’avons pas de logements à offrir aux salariés qui vont arriver demain dans ces territoires. Je le dis clairement : on ne peut pas faire le plein emploi sans avoir un plan pour le logement. L’après‑guerre et les Trente glorieuses ont été des années d’essor du logement social, mais aussi du logement privé en accession et de la qualité du logement. Il me paraît impensable que notre modèle puisse être le plein emploi avec des salariés qui vivraient dans des camping-cars, ce que l’on voit aujourd’hui dans certaines démocraties européennes et américaines. L’enjeu n’est pas de savoir qui est responsable ou comment faire mieux, mais de décider de faire ensemble dès maintenant. Malheureusement, nous n’en sommes pas là.

Le logement repose sur un binôme, avec d’un côté l’État qui exerce des compétences régaliennes, de l’autre, le maire qui conduit un certain nombre de politiques publiques, détient le pouvoir d’aménager et délivre les permis de construire. Mais d’autres collectivités, qui n’ont pas la compétence du logement, agissent depuis longtemps en faveur de celui-ci.

C’est le cas des départements qui sont allés au-delà de la question de la prise en charge de la dépendance afin de redynamiser leurs territoires. D’ailleurs, 89 départements ont leur propre office public de l’habitat (OPH). Des régions ont également déployé des actions spécifiques lorsque cela était nécessaire : par exemple, le soutien de la région Languedoc-Roussillon au logement étudiant il y a plus de vingt ans, ou les aides de la région Ile-de-France aux copropriétés dégradées depuis 2005, qui ont conduit plus tard à la mise en place des ORCoD-IN ([8]). Ces collectivités locales, qui ne sont pas en première ligne sur le logement, sont intervenues parce que les communes n’avaient pas les capacités financières pour agir.

Chaque fois que l’on débat sur la décentralisation – et ça a été le cas avec la loi MAPTAM –, apparaît le mythe que la désignation d’un chef-de-file, derrière lequel les autres collectivités se rangeront, résoudra tous les problèmes. Il s’agit d’une vision réductrice de la décentralisatrice parce qu’il faut que chaque collectivité puisse agir en fonction des besoins de son territoire. Ces besoins ne sont pas les mêmes dans un territoire urbain et dense que dans un territoire semi-rural et étalé. La décentralisation fonctionne bien lorsque les élus des différents niveaux de collectivités d’un territoire partagent les mêmes convictions. Quand ce n’est pas le cas, ces territoires s’ankylosent.

J’en viens maintenant à la question posée d’une plus grande territorialisation des dispositifs publics, pour rappeler tout d’abord qu’ils sont déjà largement territorialisés : il y a eu la territorialisation de l’offre de logement (TOL) ([9]) déclinée d’abord en Ile-de-France avant d’être étendue plus largement, il y a les plans locaux de l’habitat (PLH), etc. Les besoins sont donc exprimés. Il manque toutefois une vision d’ensemble de ces besoins résultant de l’addition de tous les plans locaux de l’habitat et de tous les plans locaux d’urbanisme (PLU). Ce travail d’agrégation n’a jamais été fait, même au niveau des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) ([10]).

Dès lors, il s’agit de nous questionner sur notre capacité à agir par rapport à des besoins identifiés. Pour être un peu provocatrice, je m’interroge sur les raisons d’une plus grande décentralisation de la politique du logement : s’agit-il d’être plus efficaces ou de se « débarrasser » d’un fardeau ?

La politique du logement est une politique difficile, avec des réussites mais aussi des échecs. La décentralisation ne doit pas consister à transférer la responsabilité de l’État vers les collectivités territoriales, pour pouvoir dire demain qu’elles ne font pas leur travail. Il est important de lever toute ambiguïté sur ce sujet si l’on veut réussir la décentralisation de la politique du logement.

On l’a vu avec l’exercice de la compétence transports par les collectivités locales, la décentralisation de cette politique publique a été très positive dès lors que les financements ont suivi. Le financement du logement social repose sur quelques aides de l’État mais aussi sur la fiscalité locale, et en particulier sur l’exonération de taxes foncières sur les propriétés bâties (TFPB) qui sont aujourd’hui la première source de financement d’une grande partie des programmes de logements sociaux. Cette exonération n’était plus compensée aux collectivités. L’USH, de concert avec les associations d’élus locaux, a obtenu la prolongation de la compensation de cette exonération pendant six ans pour les nouvelles opérations réalisées sur la période 2020-2026 ([11]). Mais on me dit déjà qu’elle sera supprimée après 2026. Il me semble contradictoire de demander aux collectivités de prendre la responsabilité de la politique du logement, d’un côté, et d’en réduire le financement, de l’autre.

Néanmoins, je crois que décentraliser plus peut être un gage d’efficacité si les éléments de régulation et de planification sont mis en place et mis à jour régulièrement, et si les collectivités territoriales tiennent leurs engagements et respectent leurs obligations légales. Comme le ministre l’a rappelé, nous avons des difficultés à faire appliquer la loi en matière de production de logements sociaux. Mais la régulation ne couvre pas seulement la question du respect de la loi SRU ; elle concerne également l’encadrement des loyers, la capacité à aménager et la délivrance des permis de construire. Il y a des collectivités qui sont très impliquées dans le soutien au logement – social comme privé – et d’autres qui n’ont attribué aucun permis de construire depuis plus de vingt ans malgré le besoin de construire.

Dans son principe, l’USH n’est pas opposée à la décentralisation de la politique du logement, d’autant moins que les collectivités territoriales sont – en quelque sorte – actionnaires des OPH, qui représentent la moitié du parc locatif social actuel. Ce que nous craignons, c’est une décentralisation de compétences qui seraient découpées, entraînant une diminution de la qualité de l’action publique. J’entends par là que, dans le secteur social, au-delà de la construction et de la rénovation du bâti, il y a des politiques de solidarité comme l’adaptation du logement aux personnes âgées ou handicapées et l’habitat spécifique, qui connaît une demande forte.

Ma préoccupation est de savoir si l’on veut découper la politique du logement, au risque de perdre toute cohérence, ou si l’on accepte de la déléguer en un seul bloc, avec les compétences logement, hébergement et DALO ([12]), et le financement qui va avec.

Je constate que beaucoup de collectivités travaillent en « co-gestion » avec l’État sur le sujet du logement et cela nous donne de la visibilité et parfois même du financement complémentaire.

Pour conclure, je ne suis pas certaine que ce soit la décentralisation qui permette de construire plus de logements, mais plutôt des ambitions et des dynamiques locales et nationales partagées. Nous ne pourrons pas faire l’économie d’un débat sur nos besoins et sur les moyens que l’on veut consacrer au logement.

* * *

Le président Thomas Cazenave. Je voudrais vous rassurer, Mme Cosse, sur un point : nos échanges de ce matin n’ont pour seul objectif que de rechercher une plus grande efficacité. Lors de son 51e Congrès, le 1er juin dernier, la Fédération des promoteurs immobiliers de France (FPI) a insisté sur la nécessité d’engager une simplification administrative et de réguler la décentralisation. M. Pascal Boulanger, président de la FPI, la décentralisation peut-elle constituer une réponse à la crise traversée par notre pays ?

M. PASCAL BOULANGER, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION DES PROMOTEURS IMMOBILIERS DE France (fpi)

De notre point de vue, la décentralisation de la politique du logement a déjà eu lieu, dans la mesure où il appartient aux maires de délivrer les permis de construire et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d’établir les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi).

Au fond, il s’agit plus de savoir si notre pays a encore la volonté de construire que de s’interroger sur un éventuel transfert de compétences aux collectivités. Je ne suis pas certain que la décentralisation, en tant que telle, règlera le problème de l’offre de logements s’il n’y a pas de volonté de la part des élus locaux.

Beaucoup d’élus, aujourd’hui, se plaignent de ne plus avoir intérêt à agir compte tenu des difficultés qui se greffent au moindre projet : recours contentieux, travaux bruyants et impopulaires, absence d’infrastructures pour accueillir les nouveaux habitants, etc. Aujourd’hui, le « héros » d’une commune est plus souvent celui qui fait échouer un projet que celui qui le met en œuvre.

Il arrive que des élus refusent de porter des projets immobiliers, même si c’est contraire au plan local d’urbanisme (PLU), car ils préfèrent les mettre en œuvre sous la pression d’un juge plutôt que de les assumer vis-à-vis de leurs administrés.

Dès lors, nous estimons que les maires « bâtisseurs » doivent être plus soutenus. Dans le cadre du CNR Logement, nous avons recommandé qu’une aide financière, sous la forme d’un reversement d’une fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), soit accordée aux maires qui affichent un rythme de construction supérieur à la moyenne constatée antérieurement sur trois ou cinq ans.

Pour résumer, la FPI n’est pas hostile par principe à la décentralisation, mais estime qu’un transfert à des intercommunalités peu volontaristes aurait pour effet de dégrader la situation.

* * *

Le président Thomas Cazenave. Je vous remercie pour la franchise de vos propos. J’invite à présent M. Bruno Arcadipane, président d’Action Logement Groupe, à s’exprimer. Vous avez, je crois, renouvelé en avril dernier une convention avec l’association Régions de France qui rappelait le lien entre l’emploi et le logement.

M. BRUNO ARCADIPANE, PRÉSIDENT D’ACTION LOGEMENT GROUPE

Depuis 1953, année où la participation des employeurs à l’effort de construction (« 1 % logement ») est devenue obligatoire, Action Logement a su s’affirmer comme un groupe au fonctionnement décentralisé. Par ailleurs, nous mettons effectivement au cœur de nos priorités le lien entre l’emploi et le logement.

Avant de répondre précisément à votre question, M. le président, je voudrais, comme l’ont dit avant moi Mme Cosse et M. Boulanger, souligner l’urgence qui s’attache à répondre à la crise qui affecte le secteur. Nous avons un problème d’offre de logements dans sa globalité : on ne construit plus suffisamment, qu’il s’agisse des logements sociaux, des logements privés à prix abordable ou du parc privé traditionnel.

L’optimisation du parc existant, en particulier au regard des objectifs de décarbonation, est un autre sujet de préoccupation pour les acteurs du logement. Vous avez, à juste titre, rappelé dans votre propos introductif que le secteur du bâtiment était responsable de 27 % du total des émissions nationales de gaz à effet de serre. Pour parvenir à les résorber, il faudra plusieurs décennies et des moyens financiers considérables.

Le troisième enjeu a été esquissé par le président Guillaume Kasbarian : la réindustrialisation de la France ne peut se concevoir sans prendre en compte les besoins de logement. Avec la présidente de Régions de France et le président de la région des Hauts‑de‑France, je me suis rendu en avril dernier sur le tracé du futur canal Seine-Nord Europe. Il s’agit là d’un formidable projet de territoire qui génèrera des milliers d’emplois, directs et indirects. Mais où va-t-on loger les employés concernés ? Sur place, pour le moment, rien n’est fait pour.

Enfin, j’évoquerais le problème de l’habitat indigne, contre lequel il convient de lutter si l’on veut éviter que les ensembles soient accaparés par des marchands de sommeil. Je ne rappellerai pas les détails du drame qui a frappé la rue d’Aubagne à Marseille il y a quelques années…

Au vu de ces problèmes, mis bout à bout, le secteur du logement, qu’il soit social ou abordable, a besoin dès à présent de moyens massifs. Faute de réaction rapide, je crains qu’il ne soit trop tard et que l’on s’achemine vers de nouvelles tensions. Bien sûr, les évènements tragiques d’hier à Nanterre n’ont aucun lien avec la crise du logement, mais le logement social constitue un amortisseur qui peut calmer le pays.

J’en viens à la question de la territorialisation, qui me paraît extrêmement complexe. Les 20 000 salariés d’Action Logement se répartissent en 150 points de distribution de services, répartis sur l’ensemble du territoire national depuis Lille à Marseille en passant par Fort-de-France et Mamoudzou. Nous sommes en contact avec les élus et connaissons leurs préoccupations. Très clairement, les élus ne souhaitent pas se voir transférer de nouvelles responsabilités sans les moyens qui vont avec. Tout à l’heure, le ministre chargé de la ville et du logement évoquait les AOH : que met-on dedans et avec quelles ressources financières ?

Action Logement est favorable, sur le principe, à la décentralisation. Il est vrai que l’on peut s’interroger sur la pertinence de la délimitation par simple décret ([13]) depuis Paris des zones éligibles au dispositif de rénovation urbaine (ANRU).

S’agissant des moyens financiers, je rappellerai simplement que le produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) s’élevait à 16,7 milliards d’euros en 2022, contre 7,3 milliards d’euros en 2013. Il a doublé en moins de dix ans. Peut‑être pourrait-on utilement orienter une partie de ces recettes vers le logement social. Par ailleurs, il pourrait être envisagé d’annuler ou, tout au moins, d’étaler le paiement de ces droits qui pèsent sur les transactions immobilières et limitent de facto l’accession de nombreux Français à la propriété.

Nous soutenons, par ailleurs, tout ce qui peut contribuer à améliorer la mobilité des travailleurs, qui reste faible par rapport à ce que l’on observe dans les autres pays européens.

* * *

Le président Thomas Cazenave. Je vous remercie pour la clarté de vos propos. Vous avez, à juste titre, souligné les liens qui existent entre l’emploi et le logement, dont les dynamiques sont éminemment territoriales. J’invite, dès à présent, Mme Catherine Sabbah, déléguée générale de l’Institut des hautes études pour l’action dans le logement (IDHEAL) à exprimer le point du CNR Logement, auquel elle a participé.

Mme CATHERINE SABBAH, DÉLÉGUÉE GÉNÉRALE DE l’INSTITUT DES HAUTES ÉTUDES POUR l’ACTION DANS LE LOGEMENT

Comme vous l’avez évoqué, M. le président, j’ai co-piloté avec M. Mickaël Nogal, ancien député, un groupe de travail du CNR Logement consacré à la réconciliation des Français avec « l’acte de bâtir », que nous avons renommé « la production de logements nouveaux » afin de faire passer l’idée que l’offre de logements ne passait pas nécessairement par de la construction neuve.

À la question de la « décentralisation », qui est posée ce matin et que je qualifierais plutôt de « reterritorialisation », je répondrais en tout premier lieu, comme l’a dit tout à l’heure Mme Cosse, que l’État doit concevoir ce mouvement dans une optique d’efficacité et non « pour se débarrasser d’un fardeau ».

À mes yeux, une approche territoriale est essentielle à la mise en œuvre d’une politique du logement. Dans une de ses études, intitulée « une politique du logement, des politiques de l’habitat » ([14]), l’Institut des hautes études pour l’action dans le logement (IDHEAL) a analysé la façon dont vingt-et-un métropoles et agglomérations ([15]) s’efforçaient d’ajuster, quitte à les déformer parfois, les dispositifs publics de régulation du marché de l’habitat.

Une autre étude, publiée en 2022 et intitulée « Construire où ? pas ! » ([16]) a analysé les effets du zonage ABC ([17]) sur la production de logements : il ressort que, si les territoires les plus tendus sont ceux qui construisent le plus, des découplages géographiques notables entre le zonage et la dynamique de construction ont pu être observés ([18]).

La politique du logement est, en réalité, multiforme et répond à une série d’injonctions diverses et parfois contradictoires : au-delà de la facilitation du logement des citoyens, il s’agit de soutenir le secteur du bâtiment et des travaux publics, d’assurer le droit au logement, de promouvoir la mixité sociale et, plus récemment, de contribuer à la lutte contre le changement climatique. C’est la crainte de voir des collectivités territoriales délaisser certains de ses objectifs par manque de moyens ou d’ambition, ou tout simplement pour des raisons idéologiques, qui explique en partie la préférence de nombreux acteurs du logement à ce que l’État reste le garant des dispositifs d’aide.

Les critères autour desquels devrait s’articuler une politique du logement territorialisée sont plus vastes que ceux traditionnellement utilisés, à savoir la distinction entre une zone « tendue » (métropole) et une zone « détendue » (ville petite et moyenne). Il faudrait également prendre en compte l’évolution démographique, l’attractivité touristique, la situation du marché de l’emploi, l’embolie des structures d’hébergement, la désaffection des centres urbains, la concurrence transfrontalière, la paupérisation des occupants du parc social, le développement de la vacance des logements, la disponibilité du foncier, la présence d’acteurs économiques et, bien sûr, l’héritage politique local. Certaines collectivités se caractérisent, en effet, par l’attention particulière qu’elles prêtent à ces questions sur le long terme.

Dans sa manière d’appréhender la politique du logement, l’État a souvent privilégié les outils fiscaux, comme l’illustre la succession des mécanismes de défiscalisation des investissements locatifs depuis une quarantaine d’années ([19]). Ces dispositifs ont eu pour effet d’homogénéiser des zones aux profils extrêmement variés. Peu agiles, ils ne s’ajustent pas à la réalité des territoires, et en particulier aux investissements des entreprises et aux évolutions de l’attractivité des bassins d’emplois. Selon l’étude « Construire où ? Pas ! » précitée, la construction de logements neufs au cours de la dernière décennie s’est concentrée à 40 % sur seulement 1 % des communes. Le recours à un zonage plus fin apparaît donc souhaitable.

On ne peut pas dire pour autant qu’aucune territorialisation de la politique du logement n’aurait été opérée : les intercommunalités ont été progressivement érigées en acteurs territoriaux du logement au travers des plans locaux de l’habitat (PLH) et des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi). Des moyens significatifs leur ont été alloués au travers de la délégation des aides à la pierre ([20]). Certaines agglomérations se sont pleinement emparées du sujet et ont mis en place des politiques de l’habitat véritablement territorialisées.

Les exemples ne manquent pas. Avec la mise en place du « Pinel breton » en 2020, la métropole de Brest, située en zone B2 (peu tendue), a ainsi obtenu le bénéfice de la défiscalisation avec des plafonds de loyers différents de ceux en vigueur dans le cadre du dispositif national. En 2022, la communauté d’agglomération du Pays Basque a créé un mécanisme de « compensation » obligeant tout propriétaire qui utilise son logement comme meublé de tourisme plus de 120 jours par an à proposer en contrepartie une partie de l’espace en location à l’année. Certaines communes touristiques s’efforcent, dans la même logique, de réglementer le marché du meublé touristique afin de permettre le logement des travailleurs saisonniers. Enfin, à Rennes, la métropole expérimente depuis 2018 un « loyer social unique » dans son parc social ([21]). Dans certains secteurs, il arrive qu’il y ait jusqu’à 14 statuts de logements différents, ce qui constitue une palette d’offres permettant de mieux répondre à la demande.

Dans le cadre du CNR Logement, nous avons logiquement appelé à une montée en puissance des autorités organisatrices de l’habitat (AOH), qui restent encore des « coquilles vides ».

Parmi les pistes envisageables pour soutenir les maires « engagés », expression que nous préférions à celle de « maire bâtisseur », notre rapport suggère, à, l’instar de ce qu’évoquait M. Boulanger tout à l’heure, l’allocation d’une aide forfaitaire calculée sur la moyenne des logements construits ou transformés au cours d’une période donnée. Cette aide, financée à partir du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), serait distribuée par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Nous avons également souligné dans le rapport l’insuffisante prise en compte des territoires dans la fixation des objectifs de logements. Il est, bien sûr, indispensable de conserver un objectif national, mais il convient d’en faire l’addition de sous-objectifs territoriaux, eux-mêmes évalués à partir des réalités locales.

* * *

Le président Thomas Cazenave. Je vous remercie pour toutes les précisions apportées sur la façon dont les collectivités s’approprient la politique du logement. Vous avez évoqué les AOH qui apparaissent comme une « coquille vide ». Je propose d’ouvrir maintenant un temps d’échange avec les représentants d’associations d’élus locaux en commençant par Mme Agnès Thouvenot, première adjointe au maire de Villeurbanne, qui représente l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité (AMF).

INTERVENTIONS DES ÉLUS LOCAUX

Mme Agnès Thouvenot, première adjointe au maire de Villeurbanne. La question du logement relève de l’urgence sociale. Les problèmes à résoudre quand on est élu local sont extrêmement divers : il y a, bien sûr, le logement insalubre et l’habitat indigne, mais aussi les jeunes actifs contraints de restreindre leur vie privée dans des nouvelles formes de location et les couples avec enfants qui ne parviennent pas à trouver un appartement suffisamment grand pour accueillir leur famille.

La décentralisation peut effectivement faire partie des solutions, mais pas à n’importe quel prix. Les capacités d’ingénierie ne sont pas du tout les mêmes d’une intercommunalité à une autre. Aujourd’hui, les directions départementales des territoires (DDT) ne sont plus en mesure d’accompagner les collectivités dans l’élaboration de leurs plans locaux d’urbanisme (PLU) ou de leurs programmes locaux de l’habitat (PLH). On peut craindre, dès lors, que l’État se contente de transférer de nouvelles compétences sans les moyens en ingénierie qui vont avec.

Par ailleurs, il faut que l’État, au travers du préfet, continue à jouer son rôle lorsque les élus locaux ne « jouent pas le jeu ». En matière de logement social, certaines collectivités sont clairement moins volontaristes que d’autres. Les inégalités territoriales qui en résultent ont des répercussions dans d’autres secteurs que celui du logement, notamment l’école.

Nous nous interrogeons également sur la pertinence des périmètres des intercommunalités, qui ne correspondent pas toujours aux bassins de vie et aux viviers d’emplois. Il faudra en tenir compte si l’on décide de mettre les AOH au cœur de la territorialisation de la politique du logement.

D’un point de vue plus global, les politiques connexes à celle du logement ne sont pas mises en cohérence : la gestion de l’hébergement d’urgence relève de l’État, tandis que la programmation des actions en faveur du handicap et les schémas gérontologiques sont fixés par le département. Comment, dès lors, intégrer ces dimensions dans le PLH ? À cette occasion, je signale que la métropole de Lyon a mis en place un dispositif, dénommé « Logement d’abord », visant à faciliter l’accès à un logement ordinaire pour les personnes placées dans les structures d’hébergement.

Bien évidemment, la question des moyens financiers reste centrale. Le fléchage d’une partie des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), évoqué tout à l’heure par M. Arcadipane, me paraît être une option contestable, dès lors que cela pourrait fragiliser les communes, qui en sont partiellement bénéficiaires. Peut-être une hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), mentionnée lors des travaux du CNR Logement, serait-elle une piste à explorer.

Nous regrettons, par ailleurs, la baisse des capacités des bailleurs sociaux, ceux-ci n’étant parfois plus en mesure d’envisager le moindre programme de rénovation de manière globale.

Mme Soizic Perrault, vice-présidente du conseil départemental du Morbihan. Comme vient de le faire Mme Thouvenot, je souhaiterais, tout d’abord, exprimer les réserves de Départements de France à l’encontre de la proposition d’Action Logement relative au DMTO. Il s’agit, comme vous le savez, d’une ressource très importante pour les départements, qui est utilisée pour le soutien à l’ingénierie des communes et le maintien de la vitalité des territoires.

Les élus locaux sont, effectivement, ceux qui connaissent le mieux leur territoire. Pour autant, comme l’indiquait tout à l’heure le président Guillaume Kasbarian, il est de plus en plus difficile de donner satisfaction aux demandes de logements, notamment lorsque le bassin d’emplois est dynamique. La qualité de travailleur n’est plus un critère de choix dans l’attribution d’un logement social. L’État limite la marge de manœuvre des élus, comme il le fait en ce moment en transférant hors d’Île-de-France, sans concertation, les personnes sans domicile fixe.

Le parc social est en train de perdre sa mixité. J’ai le souvenir de deux dossiers que la commission d’attribution des logements sociaux à laquelle je participe n’a pas considéré comme prioritaires. Les demandeurs, respectivement une agente territoriale et un employé d’une enseigne de la grande distribution, ne pouvaient pourtant pas se loger dans le parc privé. Les offices publics de l’habitat (OPH) sont confrontés à de nouveaux publics fragilisés : familles monoparentales, personnes âgées dépendantes ou en situation de handicap, etc.

Par ailleurs, l’annonce du « recentrage » du prêt à taux zéro (PTZ) sur les zones tendues, effectuée par le Gouvernement à l’issue du CNR logement, recueille un avis défavorable de notre part, dans la mesure où ce genre d’outil permet précisément à tous les ménages, quel que soit le lieu où ils veulent vivre, de réaliser leur rêve d’accession à la propriété.

Enfin, s’agissant du zonage, nous avons noté que le Gouvernement envisageait de réformer la classification de 200 communes. Il nous paraît essentiel que les collectivités soient pleinement associées à cette démarche. Ce sont les élus locaux, et plus particulièrement les départements, qui nous paraissent les mieux placés pour se prononcer sur la cartographie des dispositifs d’aide au logement.

 

M. Emmanuel Heyraud, délégué adjoint de France Urbaine. À titre liminaire, je souhaiterais souligner les efforts accomplis par de nombreuses intercommunalités situées en zone tendue pour répondre autant que possible à la demande de logements en dépit des injonctions contradictoires qui s’appliquent à elles, tant au titre de la production de logements sociaux (SRU ([22])) que de la lutte contre l’artificialisation des sols (ZAN ([23])).

De notre point de vue, les origines de la crise que connaît notre pays résident dans une série de décisions malheureuses prises depuis 2017. On peut, bien sûr, citer la réduction de loyer de solidarité (RLS) instaurée en compensation de la baisse des aides personnalisées au logement (APL) ([24]). La suppression de la taxe d’habitation a eu également pour effet pervers de renforcer les réserves des élus à l’encontre de l’acte de construire. Je rappelle, sur ce point, que le coût d’un projet ne se limite pas à la construction elle-même, mais englobe aussi le financement des services publics qui accompagnent les nouveaux arrivants (crèches, écoles, etc.). Aujourd’hui, il faut avoir d’autant plus de courage pour s’engager dans une démarche de construction que le maire bâtisseur est souvent, selon un adage bien connu, « battu aux élections ».

Le contexte général qui entoure les finances publiques, avec le « mur » des investissements en matière de transition écologique et l’absence de visibilité de long terme sur les ressources, incite à la prudence. En ce sens, la proposition, évoquée par M. Boulanger et Mme Sabbah, d’un bonus accordé aux maires bâtisseurs sous la forme d’un reversement de TVA, recueille toutes nos faveurs.

Par ailleurs, je rejoins Mme Sabbah sur l’importance qui s’attache à ce que les objectifs de production de logements soient définis au plus proche des besoins. On affirme souvent qu’il faudrait construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Or, il y a des territoires où le dynamisme démographique et économique est trop faible pour justifier un effort de construction.

Les défis auxquels les élus locaux sont confrontés dans le domaine du logement sont considérables : en 2022, selon l’Observatoire national de la rénovation énergétique, 5,2 millions de logements sont des « passoires thermiques », soit 17 % de l’ensemble du parc. La même année, l’USH recensait plus de 2,4 millions de ménages en attente d’un logement social. Enfin, le logement représentait en 2021 près de 28 % du total des dépenses de consommation finale des ménages, contre 20 % dans les années 1980 ([25]).

Face à cette urgence, notre association avait, comme l’AMF, fait le pari du CNR Logement. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le résultat a été décevant. Après de nombreux mois de réflexions, il est temps de passer aux actes. Parmi les propositions que France Urbaine avait formulées figurait en bonne place le développement de l’expérimentation et de la différenciation, plus que la décentralisation stricto sensu. De manière unanime, les élus estiment qu’un transfert de compétences sans moyens n’aurait aucun sens.

En revanche, nous sommes favorables à une plus grande territorialisation au travers des AOH et nous étions logiquement félicités de leur création par la loi dite « 3DS » ([26]). De plus en plus d’EPCI font le choix de solliciter ce statut : Brest Métropole, Rennes Métropole, la métropole de Lyon, la métropole de Nice Côte d’Azur et Nantes Métropole.

Le zonage pourrait, ainsi, être un des moyens pour les AOH de s’affirmer. La politique du logement se caractérise, en France, par la coexistence de deux systèmes de répartition géographique : celui applicable, tout d’abord, au calcul des aides personnelles au logement ainsi que des plafonds de loyer du logement social ([27]), et qui se compose de quatre codes numériques (1, 1 bis, 2 et 3) ; l’autre, articulé autour de cinq lettres (A, A bis, B1, B2 et C), qui permet de définir les zones de tension entre l’offre et la demande de logements et sert de référence aux dispositifs d’aide à l’accession à la propriété ([28]). Ne pourrait-on pas autoriser les AOH qui le souhaitent à expérimenter la modulation de ces zonages sur leur territoire, voire la fusion des deux dispositifs ?

S’agissant des aides à l’amélioration de l’habitat, France Urbaine souhaite également que les AOH puissent expérimenter une gestion déléguée des aides à la pierre élargie à l’ensemble de MaPrimeRénov’ ([29]) et se voir attribuer la mise en œuvre de l’accompagnement des ménages, en particulier au travers du programme SARE ([30]). Il s’agit de permettre à ces aides de cibler ceux qui en ont le plus besoin.

Par ailleurs, au-delà des dispositifs de foncier solidaire ([31]), qui donnent pleine et entière satisfaction, nous estimons nécessaire de doter les collectivités des outils qui leur permettraient de moins subir la spéculation foncière et de contenir ainsi le coût d’un volet important de tout projet immobilier.

Enfin, s’agissant des meublés touristiques, nous saluons la proposition de loi transpartisane évoquée tout à l’heure par le président Guillaume Kasbarian visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue ([32]). Dans une optique similaire, les perspectives d’une réforme de la fiscalité applicable aux plateformes de réservation, évoquées récemment par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, recueillent la faveur des élus de France Urbaine ([33]).

Pour conclure, France Urbaine est favorable à un processus de décentralisation qui ne soit pas un prétexte pour l’État de se débarrasser d’une charge. Les AOH nous paraissent le meilleur échelon territorial pour organiser et mettre en œuvre les compétences déléguées ou transférées, avec une première étape d’expérimentation. Je précise, à cette occasion, que les collectivités ne souhaitent pas se voir confier la gestion de l’hébergement d’urgence, n’étant pas compétentes en matière de régulation des flux migratoires.

* * *

Le président Thomas Cazenave. Je vous remercie beaucoup. Les parlementaires présents sont désormais invités à réagir à ce qui vient d’être dit.

INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES

M. Daniel Labaronne, député (RE). Je m’interroge sur le niveau de l’offre qui permettrait de répondre aux besoins. Si l’on prend l’ensemble du nombre de logements en France (37 millions), les constructions neuves ne représentent que 1 % du parc. Or, le reste correspond à un vaste ensemble qu’il faut réhabiliter, en particulier les logements vacants, estimés à 3,1 millions en 2022 ([34]). Est-il, dès lors, pertinent de se focaliser uniquement sur la construction neuve ?

M. François Jolivet, député (HOR). Je m’étonne, pour ma part, que les problèmes de transport n’aient pas été évoqués conjointement aux sujets du logement et de l’emploi.

S’agissant de la décentralisation, je rappellerai que l’une des premières lois d’organisation de la politique du logement, en 1977, plaçait l’État au cœur du dispositif ([35]). Les lois de 1982 ont, ensuite, fait émerger le rôle des collectivités territoriales en confiant aux maires le soin de délivrer les permis de construire, cantonnant ainsi le rôle de l’État au logement social.

Aujourd’hui, tous les documents de programmation territoriale, qu’il s’agisse du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), du schéma de cohérence territoriale (SCOT), du programme local de l’habitat (PLH) ou du plan local d’urbanisme (PLU), sont à la main des collectivités ([36]).

Pour autant, il s’avère assez difficile pour un élu de respecter les objectifs du PLH. Les projets des promoteurs sont souvent revus à la baisse afin de ne pas susciter de réactions négatives. Si cela continue ainsi, les promoteurs eux-mêmes vont finir par disparaître.

Il faudrait probablement s’interroger sur les modèles de financement des opérations immobilières, souvent articulées autour des « trois tiers » : un tiers d’accession à la propriété, un tiers de logements financés par le prêt locatif intermédiaire (PLI), un tiers de logements sociaux. Souvent, ce sont les ventes de logements en accession à la propriété qui paient l’avantage tarifaire consenti aux bailleurs sociaux. Je profite de l’occasion pour rappeler que, parmi les logements ouverts à l’accession à la propriété, la plupart sont acquis via un mécanisme de défiscalisation. Seul une petite part correspond à une véritable accession à la propriété.

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). Dans nos réflexions de ce matin, il me paraît indispensable d’aborder de concert les problèmes de logement, les évolutions du marché de l’emploi et les facilités de transport.

Lorsque j’étais vice‑présidente du syndicat mixte du Mantois (78), j’ai été confrontée à la difficulté de répondre aux nombreuses demandes de logements. Dans ma circonscription (Creuse), j’observe aujourd’hui un parc social peu occupé et vieillissant. Il est paradoxal de voir que l’on démolit ces logements, alors qu’il suffirait de les réhabiliter. Très clairement, il faudrait remettre de l’emploi dans les zones où les logements sont disponibles.

Je voudrais également évoquer les capacités des collectivités territoriales à financer la construction ou la rénovation du bâti. Dans leurs projets immobiliers, les maires doivent prendre en compte l’installation ou l’entretien des infrastructures disponibles (écoles, crèches, etc.). Il y a là des coûts de fonctionnement importants. Or, les marges de manœuvre des collectivités ont été réduites à cause de la suppression de la taxe d’habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Les maires rencontrent, par ailleurs, des difficultés pour faire face à l’extension de l’habitat indigne.

Enfin, je souhaiterais souligner les effets pervers des mécanismes de « surloyers » dans le parc social, qui a amené certains ménages à se déporter vers le logement privé. La mixité sociale en a été consécutivement affectée.

M. Dominique Da Silva, député (RE). Je remercie Mme Cosse d’avoir rappelé combien le lien entre l’emploi et le logement est essentiel. Il est regrettable que la politique du Gouvernement ne prenne pas suffisamment ce lien en compte dans sa politique de plein emploi. Pour autant, l’État ne peut pas tout. Les collectivités territoriales ont vocation à intervenir, étant rappelé que le travail doit être collectif. Les employeurs eux‑mêmes mettent en œuvre des mesures spécifiques pour couvrir leurs besoins de recrutement.

Il faut savoir où bien positionner le parc de logements sociaux, c’est-à-dire là où il y a des besoins d’emplois. Je constate, à cet égard, que les quartiers qui subissent actuellement les violences urbaines se caractérisent à la fois par une forte proportion de logements sociaux, mais aussi par un taux de chômage élevé.

Enfin, j’estime qu’un effort doit être fait dans l’amélioration de la mobilité dans le parc social. La stabilité des occupations est une constante depuis des décennies.

M. François Piquemal (LFI-NUPES). Je remercie les participants aux Rencontres d’avoir rappelé le nombre considérable de personnes en attente d’un logement social. À Toulouse, dans ma circonscription, il faut s’acquitter d’un loyer de 658 euros par mois pour se loger, alors que le salaire minimum de croissance (SMIC) s’élève à 1 383 euros nets mensuels.

La décentralisation peut aboutir tout autant au meilleur comme au pire en matière de politique du logement. Quand je vois, par exemple, que certains élus introduisent dans les plans locaux d’urbanisme des clauses limitant la construction de logements sociaux dans certains quartiers, j’estime que l’État doit rester le garant des objectifs nationaux.

M. Boulanger, vous avez posé tout à l’heure la bonne question : la France a‑t‑elle encore envie de construire ? J’ajouterais : pour qui, comment, et avec quels objectifs au regarde des impératifs de non-artificialisation des sols et de transition écologique ? Ici, la place de l’État est centrale. Celui-ci doit redevenir planificateur et donner aux collectivités les moyens de faire face à ces diverses urgences.

M. Stéphane Delautrette (SOC-NUPES). Je rejoins M. Piquemal sur l’idée de planification. Il ne faut pas laisser les promoteurs organiser leur offre sans prendre en compte les besoins des territoires. Il faut mettre en relation le besoin de se loger, de travailler et de se déplacer. Naturellement, la question de l’échelon le plus pertinent pour organiser cette planification se pose. Aujourd’hui, il y a tellement de strates qui interviennent dans la politique du logement (État, communes, intercommunalités, départements et même régions) qu’une clarification s’impose dans une logique d’efficacité.

Par ailleurs, je m’étonne que la question du ZAN ait été peu évoquée jusqu’à présent. Elle renvoie, selon moi, à la capacité de l’autorité organisatrice à réguler les usages du foncier et le niveau de prix, ainsi qu’à lutter contre la rétention foncière. Je salue, à cette occasion, mon collègue Inaki Echaniz qui avait présenté en début d’année une première proposition de loi visant à réguler l’offre de logements en zone tendue ([37]).

En outre, en tant qu’ancien maire, je voudrais insister sur l’importance de l’ingénierie dans la mise en œuvre de tout projet immobilier. Il faut aller au-delà des préventions contre ce qui est perçu comme de simples dépenses de fonctionnement et accompagner massivement les collectivités sur ce point. Enfin, bien évidemment, notre pays ne relèvera pas le défi du logement sans de nouvelles ressources.

Mme Jacqueline Maquet (RE). Pour ma part, je souscris largement à l’idée d’une décentralisation, même si beaucoup de choses ont déjà été accomplies sur ce point. Nos débats ne doivent pas pour autant nous éloigner de l’urgence qui s’attache à la lutte contre la crise actuelle. Comme élue des Hauts-de-France, je me réjouis des projets industriels évoqués tout à l’heure par M. Arcadipane. Ils posent, toutefois, la question des capacités de logement pour les salariés concernés.

* * *

Le président Thomas Cazenave. Avant de clôturer cette première table ronde, je vais donner la parole aux intervenants qui souhaitent répondre aux questions des parlementaires.

RÉACTIONS DES INTERVENANTS

M. Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers de France (FPI). Je suis d’accord avec l’idée selon laquelle la rénovation doit devenir un aspect important de notre activité. Il faut souligner, toutefois, que le modèle économique correspondant n’est pas le même que celui de la construction neuve. Les besoins de rénovation se situent surtout dans des zones abandonnées, où l’on vend moins bien. Rénover un logement coûte, par ailleurs, plus cher que le construire.

En revanche, je ne souscris pas aux propos insinuant que les promoteurs développeraient des ensembles immobiliers sans respecter les PLU ni prendre en compte les besoins des territoires. Je rappelle que, selon les enquêtes que nous avons menées auprès de nos clients, 92 % d’entre eux sont satisfaits de leur logement neuf.

Évidemment, la crise qui frappe le secteur aura des conséquences. La profession est en danger de mort, comme le soulignait tout à l’heure M. Jolivet. La Fédération française du bâtiment (FFB) et celle que je préside prévoient des pertes d’emplois considérables, à hauteur de 300 000 postes d’ici 2025.

Mme Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH). La politique des transports est indissociable de celle du logement. Lorsque j’ai été vice-présidente du conseil régional d’Île-de-France ([38]), j’avais plaidé pour la mise en place d’une « autorité organisatrice du logement » qui aurait été le pendant de l’autorité organisatrice du transport. En ce sens, l’USH reste favorable au principe de la décentralisation sous les réserves évoquées supra.

Vous avez évoqué, MM. Piquemal et Delautrette, la question des moyens dont nous disposons pour répondre à la demande. Ce sujet est crucial. Je voudrais signaler que le marché évolue très vite : en 2022, le nombre de demandeurs d’un logement social (hors mobilité) s’est globalement accru de 7 %, avec des pics à + 11 % dans certaines régions. De plus en plus de personnes quittent le parc privé, lui-même soumis à des tensions au regard de la transition énergétique, pour se tourner vers un logement social.

À cette occasion, je rappelle que le parc social ne regroupe que 5,3 millions de logements en France, soit 17 % des résidences principales. L’essentiel de nos locataires ont un revenu proche du SMIC. Que fait-on pour les travailleurs dont le revenu se situe dans la moyenne basse ? Le marché privé leur est difficilement accessible.

D’un point de vue plus général, les bailleurs sociaux souffrent autant que les promoteurs immobiliers. Nous avons du mal, effectivement, à construire et à nous engager pleinement dans la transition énergétique.

Mais peut-on nous en vouloir, alors que nous contribuons au budget de l’État sans contrepartie ? Les difficultés actuelles ne font que traduire des choix politiques malheureux, notamment l’instauration de la réduction de loyer de solidarité (RLS).

La mobilité dans le parc social est faible parce que les revenus du travail, même pour des contrats à temps plein, sont trop bas dans certains territoires pour que le ménage puisse accéder à un logement du parc privé « bas carbone ». Sur nos 11 millions de locataires, seuls 80 000 paient un « surloyer ».

Au cours des Trente Glorieuses, l’accession à un logement moderne à bas coût avait un vecteur d’ascension sociale. J’espère, Mesdames et Messieurs les députés, que vous en tiendrez compte lorsque vous discuterez de la suppression du prêt à taux zéro.

Mme Catherine Sabbah, déléguée générale de l’Institut des hautes études pour l’action dans le logement (IDHEAL). Comme je l’indiquais tout à l’heure, la territorialisation de la politique du logement a fait l’objet de plusieurs propositions au sein du CNR, qu’il est toujours possible de reprendre.

Je partage le constat de Mme Emmanuelle Cosse concernant les origines de la crise. Celle‑ci s’est déclarée lorsque les taux d’intérêt se sont accrus dans un marché marqué par une hausse sans entrave des prix depuis vingt ans. Le logement coûte indéniablement trop cher. Ce qui est acceptable, c’est ce qui est accessible.

Enfin, je m’interroge toujours sur la raison d’être des AOH. Pourquoi le législateur les a-t-il créées s’il n’y met rien dedans ?

M. Bruno Arcadipane, président du conseil d’administration d’Action Logement. Je recevais hier des occupants d’un espace de colocation avec services communs ([39]) en plein centre de Paris, qui correspond à une nouvelle forme de logement. Le premier prix en location est situé entre 1 000 euros et 1 400 euros par pièce. C’est inaccessible à beaucoup de monde.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, députée (RE). Au cours des travaux du groupe de travail n° 3 du CNR Logement, auquel j’ai participé sur le thème de la rénovation énergétique, il est apparu que le besoin de territorialisation apparaissait moins comme la volonté de l’État de se débarrasser d’un fardeau que comme le désir d’une véritable coopération entre acteurs locaux sur un territoire donné.

* * *

Le président Thomas Cazenave. Je remercie l’ensemble des intervenants pour ces échanges très riches, qui montrent que la politique du logement n’a pas de sens si elle n’est pas territorialisée d’une manière ou d’une autre, soit parce que l’action publique doit s’appuyer sur la connaissance fine du territoire par les élus, soit parce qu’il y a des enjeux économiques spécifiques à ce territoire.

Les outils à la main des élus paraissent toutefois peu adaptés : le zonage, largement fixé au niveau national, mériterait d’être ajusté aux réalités territoriales. Il existe, par ailleurs, plusieurs strates d’intervention insuffisamment coordonnées (État, départements, intercommunalités, communes). L’articulation entre les compétences transférées et les moyens financiers alloués est, par ailleurs, une donnée fondamentale du problème.

Par ailleurs, j’observe avec intérêt qu’il a été question plusieurs fois de l’intervention de l’État au cours de cette table ronde consacrée à la décentralisation. Le niveau national, garant du bon respect des dispositifs d’aide au logement, doit être capable d’agir face à des collectivités qui ne respecteraient pas leurs objectifs.

Décentraliser, c’est aussi confronter le responsable politique aux réticences qui peuvent s’exprimer dans la population à l’encontre de la densité immobilière. En ce sens, il convient de donner aux élus concernés les moyens de convaincre les citoyens du bien-fondé des projets de construction.

 

 


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TABLE RONDE n° 2 : FAUT-IL TRANSFÉRER AUX COLLECTIVITÉS LOCALES LA GESTION DES AIDES À L’AMÉLIORATION DE L’HABITAT ?

Le président Thomas Cazenave. Je vous propose d’ouvrir la seconde table ronde des Rencontres, consacrée à l’amélioration de l’habitat. Comme pour le soutien à l’offre de logements, les dispositifs d’accompagnement financier ne manquent pas. En matière de rénovation énergétique, je citerais notamment MaPrimeRénov’, qui a permis de financer la rénovation de 670 000 logements pour un coût total de 3,1 milliards d’euros. La question qui est posée est la suivante : faut-il confier plus de responsabilités aux collectivités territoriales pour accélérer la mise en œuvre des objectifs de rénovation, que le ministre Olivier Klein décrivait tout à l’heure comme « le chantier du siècle » ?

L’Agence nationale de l’habitat (ANAH) est l’organisme responsable de la gestion de l’essentiel des aides à l’amélioration de l’habitat. À ce titre, je laisse la parole à sa directrice générale, Mme Valérie Mancret-Taylor.

Mme VALÉRIE MANCRET-TAYLOR, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE l’AGENCE NATIONALE DE l’habitat (anah)

L’ANAH est un opérateur de l’État qui, en plus de cinquante ans d’existence, a appris à articuler ses interventions autour des besoins exprimés par les élus locaux. Depuis 1977, les collectivités peuvent mettre en œuvre en partenariat avec l’Agence des opérations programmées de rénovation de l’habitat (OPAH) visant à la réhabilitation de l’habitat privé à partir d’une étude préalable ([40]). Elles ont également la possibilité de s’engager dans des programmes d’intérêt général (PIG) dont les objectifs consistent en une « amélioration des conditions d’habitat dans des ensembles d’immeubles ou de logements » ([41]). Toutes ces opérations comportent un volet financier récapitulant les aides susceptibles d’être allouées par l’ANAH.

L’accroissement du nombre d’OPAH et de PIG gérés par l’Agence (850 en 2023, contre environ 500 cinq ans auparavant) illustre la propension des élus à solliciter plus fréquemment l’État ou, au niveau local, son représentant, pour des projets de rénovation des logements. Cela témoigne d’une prise de conscience des enjeux de rénovation de l’habitat existant. La rénovation d’un logement se conçoit, bien sûr, dans le cadre des impératifs de la transition écologique. Elle doit également permettre d’accompagner la perte d’autonomie, c’est-à-dire de préparer la transition démographique.

 

Le président de l’ANAH, M. Thierry Repentin, insiste sur le fait que « 80 % des logements de 2050 existent déjà ». Il suffit de considérer le nombre de logements disponibles sur le territoire métropolitain (37,2 millions) pour appréhender l’ampleur du défi.

On assiste à un changement de paradigme dans la notion même d’offre de logements. Autrefois perçue comme l’autre face de la construction, l’offre s’identifie de plus en plus à l’amélioration de l’existant : le nombre de logements mis en chantier (376 000 en 2022) correspond à 1 % du parc existant. Il en résulte un changement de modèle économique, les dépenses et les recettes à prendre en compte n’étant pas les mêmes selon que l’on construise ou que l’on réhabilite un logement.

L’évolution des moyens financiers alloués à l’ANAH traduit cette montée en puissance : en 2023, le budget de l’Agence s’élève à 4 milliards d’euros, contre 700 millions d’euros en 2018, ce qui représente quasiment une multiplication par six sur cette période. Dans cet ensemble, le budget consacré cette année à MaPrimeRénov’ s’élève à 2,4 milliards d’euros et celui des aides à la pierre 1,5 milliard d’euros, ce qui correspond à une multiplication par 2,5 par rapport à 2018 (623 millions d’euros).

Je souhaiterais souligner un élément important : à l’exception de l’aide MaPrimeRénov’ stricto sensu, qui est un dispositif géré au niveau national, la gestion des aides à la pierre peut être déléguée à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou à un département au travers d’une convention conclue avec l’ANAH ([42]). Des dispositifs tels que MaPrimeRénov’ Sérénité ([43]) ou MaPrimeRénov’ Copropriété ([44]) entrent dans le champ des aides concernées. Il appartient donc aux collectivités délégataires de tirer profit des moyens dont elles disposent déjà pour accroître leurs efforts en matière d’aide à la rénovation sans qu’il soit besoin, comme l’évoque France Urbaine, d’étendre le périmètre de la délégation à l’ensemble du dispositif MaPrimeRénov’ ([45]).

La croissance exponentielle du nombre de logements rénovés avec l’aide de l’ANAH illustre le changement de paradigme évoqué supra. En 2022, plus de 718 000 logements ont été aidés, contre 81 000 en 2017. La rénovation énergétique reste, naturellement, un axe central des politiques publiques d’amélioration de l’habitat, mais il ne faut pas pour autant négliger les autres dimensions, tels que l’aide aux copropriétés, la lutte contre l’habitat indigne et le soutien face à la perte d’autonomie. Près de 49 000 logements ont ainsi été rénovés à ce titre en 2022.

Enfin, je voudrais rappeler l’existence d’un service public de la performance énergétique de l’habitat, dénommé France Rénov’ et réformé en 2022 ([46]). Ce service, qui vise à informer et à guider les usagers dans leurs démarches de rénovation, s’appuie sur un réseau de 550 espaces conseils ([47]) (300 en 2021) chargés non seulement d’aider les ménages à identifier les aides publiques disponibles, mais aussi de les orienter vers les opérateurs qui les accompagneront dans la mise en œuvre de leurs travaux (Mon Accompagnateur Rénov’) ([48]).

On peut noter que les espaces conseils France Rénov’ sont cofinancés par l’État et les collectivités territoriales. Là encore, les collectivités ont déjà un rôle à jouer dans le déploiement de ce service public.

* * *

Le président Thomas Cazenave. Je vous remercie pour ce propos utile à la compréhension des dispositifs en vigueur et de leur degré de territorialisation. J’invite maintenant M. Jean-Pascal Chirat, délégué général du Club de l’amélioration de l’habitat (CAH), à apporter un éclairage sur les caractéristiques du marché français de la rénovation. L’organisme que vous représentez, M. Chirat, est à la confluence des acteurs publics et privés de la filière.

M. JEAN-PASCAL CHIRAT, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DU CLUB DE L’AMÉLIORATION DE L’HABITAT (cah)

Fondé en 1992 autour de quelques acteurs publics (ANAH) et privés (Fédération française du bâtiment, Saint-Gobain, Lafarge), le Club de l’amélioration de l’habitat (CAH) est une association qui regroupe aujourd’hui 70 membres et représente donc l’ensemble de la filière française de la rénovation des logements. L’objectif du CAH est de « mesurer » l’étendue du marché et d’en comprendre les ressorts afin d’identifier les meilleurs moyens de répondre aux besoins.

Les études réalisées par le Club depuis 2015, dont tous les résultats sont publics et accessibles sur le site Internet ([49]), attestent de la stabilité globale du marché français de la rénovation autour de 75 milliards d’euros hors taxes par an, tous commanditaires confondus (particuliers, syndicats de copropriétaires, bailleurs sociaux, autres), à l’exception d’un rebond sensible (+ 15 %) constaté en 2021 (86 milliards d’euros). Cette hausse réside, pour une large part, dans l’accroissement des travaux d’entretien et d’amélioration engagés par des particuliers (2020 : 45 milliards d’euros ; 2021 : 52 milliards d’euros).

Les premières tendances observées sur 2022 montrent une hausse de l’activité de 11,8 % en valeur, mais seulement de 3,1 % en volume. Une décomposition de l’évolution par grande région permet de constater qu’il y a des différences territoriales, les régions Pays-de-la-Loire et Centre-Val‑de-Loire affichant un rythme d’accroissement en volume de leurs dépenses de rénovation de respectivement + 3,4 % et + 3,1 %, contre seulement + 1,8 % dans la région Grand‑Est et en Île-de-France (+ 0,8 %).

À partir des données fournies par l’ANAH concernant les aides à la pierre, on peut également détecter des dynamiques territoriales intéressantes : le nombre de logements subventionnés en 2021 est, ainsi, très important en Bretagne, en Normandie (Seine-Maritime), dans les Hauts-de-France (Nord et Pas-de-Calais), dans le Grand-Est (Moselle, Meurthe-et-Moselle, Bas-Rhin) ainsi qu’en Occitanie (Hérault) ([50]).

À titre général, on peut estimer que le marché national de la rénovation est récurrent et peu évolutif dans le temps. La rénovation énergétique stricto sensu, qui représente environ 20 milliards d’euros sur les 65 milliards d’euros de dépenses d’entretien et d’amélioration (tous donneurs d’ordre confondus) constatées en 2021, est un poste qui devrait probablement rester stable. En revanche, d’importants gisements d’activités restent à exploiter dans les domaines de la rénovation globale et, comme le soulignait Mme Mancret-Taylor tout à l’heure, dans l’adaptation du logement au vieillissement.

Les divergences territoriales évoquées supra sont la traduction de multiples facteurs : caractéristiques climatiques, densités démographiques ou urbaines, typologies d’habitations, contexte économique, etc. En ce sens, elles plaident pour une adaptation locale des politiques publiques d’accompagnement du marché. Des efforts doivent également être fournis afin de densifier dans certaines région le réseau des professionnels qualifiés ([51]).

* * *

Le président Thomas Cazenave. Je vous remercie pour cet éclairage sur la diversité des dynamiques de soutien à la rénovation. Sans plus attendre, je laisse la parole à M. Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), qui alerte depuis l’an dernier les pouvoirs publics sur les incertitudes entourant la mise en œuvre des échéances fixées, en matière de rénovation des logements, par la loi « Climat et résilience ».

M. LOÏC CANTIN, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DE L’IMMOBILIER (FNAIM)

Le chantier de la rénovation énergétique de l’habitat, qui doit aboutir à une décarbonation totale à l’horizon 2050 et vise, dans un premier temps, à traiter les logements les plus énergivores (40 % du parc), suscite des craintes qui viennent s’ajouter à celles découlant de la crise globale et profonde qui frappe actuellement le marché français. Cette crise est d’autant plus paradoxale que notre pays dispose de tous les leviers, depuis le foncier jusqu’aux entreprises de construction en passant par la fiscalité et la réglementation. Quel que soit le secteur, public ou privé, les difficultés persistent et créent une rupture dans le parcours résidentiel des Français. Il faut profiter des réflexions en cours pour changer de paradigme.

Le calendrier de mise en œuvre de la loi « Climat et résilience » ([52]) ajoute, certes, une difficulté supplémentaire, mais la mobilisation des professionnels de l’immobilier est totale sur ce point.

S’agissant de l’action des pouvoirs publics, la FNAIM appelle à une plus grande implication du bloc communal (maires et présidents d’intercommunalité), dans la mise en œuvre et l’accompagnement des opérations de rénovation. Les élus sont, en effet, les mieux à même d’avoir une connaissance fine de l’état du parc situé sur leur territoire. À cette occasion, je tiens à saluer le rôle joué par l’ANAH dans l’appui des collectivités et rappelle que, dès sa création en 1971, l’Agence ([53]) disposait de ressources significatives au travers du produit de la taxe additionnelle au droit de bail (TADB), supprimée progressivement entre 1998 et 2006.

Une analyse territoriale permet de constater que les besoins de rénovation se concentrent paradoxalement dans les zones dites « périphériques ». Il ressort de la carte de répartition des logements par catégorie de DPE établie par la FNAIM en 2022 qu’à l’exception notable de Paris, les départements où se concentrent le plus de logements classés « F » ou « G » sont les Hautes-Alpes, le Cantal, la Corrèze, la Creuse, la Lozère et l’Orne, c’est-à-dire des territoires ruraux où le bâti est le plus ancien. Or, les mêmes territoires se caractérisent parallèlement par un fort taux de vacance des logements : 15,7 % dans la Creuse et 11,7 % dans l’Orne en 2019, par exemple.

Nous alertons le Gouvernement depuis plusieurs années sur l’accroissement continu du nombre de logements vacants, qui s’élevait à 3,1 millions d’unités en 2020, contre 1,9 million en 1982 (+ 67 000 unités par an en moyenne, avec une accélération à + 80 000 unités, voire + 100 000 unités, au cours des dernières années).

Ces biens, qui ne sont pas reconstruits et ne peuvent être étendus en raison des règles d’urbanisme, finissent par sortir du marché. Il paraît regrettable d’abandonner ainsi des biens qui font partie du parc de 37 millions de logements évoqué par Mme Mancret-Taylor.

Si les pouvoirs publics décident d’accompagner la rénovation de ces logements, il faut alors tenir compte d’une autre difficulté, liée à l’état du marché immobilier sur le territoire concerné. Peut-on soutenir de la même façon le propriétaire d’un appartement à Paris, dont le mètre carré peut lui rapporter 15 000 euros à la vente, et celui d’une maison dans la Creuse, qui vaudra à peine 100 000 euros, soit à peine plus que le coût qu’il supportera s’il engage des travaux de rénovation ? Il pourrait être opportun d’imaginer un mécanisme de pondération des aides en fonction des territoires, voire en fonction du revenu des ménages, qui serait à la main des élus.

Au fond, le législateur ne cesse depuis trente ans de promouvoir, sans succès, le logement des Français à un prix raisonnable au travers de nombreux dispositifs, notamment la loi de solidarité et de renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) du 24 mars 2014 et la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) du 23 novembre 2018. Dans le cadre du CNR Logement, la FNAIM a proposé qu’une conférence se tienne chaque année afin d’évaluer les politiques publiques du logement. Cette conférence réunirait les élus, l’ANAH, les agents immobiliers, les notaires, les administrateurs de biens, les architectes, les géomètres, c’est-à-dire tous ceux qui interviennent à des degrés divers dans l’acte de construire et, corrélativement, de rénovation. Il s’agit de déterminer ensemble la meilleure façon d’agir localement.

* * *

Le président Thomas Cazenave. Je vous remercie pour toutes ces propositions très stimulantes. J’invite maintenant Mme Marjan Hessamfar, vice‑présidente du Conseil national de l’ordre des architectes, à exprimer le point de vue d’une profession qui accompagne les élus dans la mise en œuvre de leurs projets.

Mme MARJAN HESSAMFAR, VICE-PRÉSIDENTE DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES ARCHITECtes

La profession d’architecte, dont l’expertise est reconnue par la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecte, est également confrontée au changement de paradigme qu’évoquait à l’instant M. Cantin. Traditionnellement sollicité au moment de la construction elle-même, c’est-à-dire quand tout est décidé, l’architecte est appelé à intervenir plus en amont du projet.

À cette occasion, je tiens à rappeler que les architectes sont soumis à un code de déontologie fixé par décret ([54]) : au terme de leur prestation de serment, ils sont astreints à une obligation d’indépendance vis-à-vis des entreprises de construction et sont, dès lors, des « tiers de confiance » qui peuvent garantir au client la qualité des prestations effectuées. L’exigence de « « qualité » est au cœur de l’intervention d’un architecte.

Le réseau des architectes, qui compte près de 30 000 inscrits, a aujourd’hui vocation à se déployer dans l’ensemble des territoires. Le Conseil national de l’ordre des architectes a lancé l’an dernier une campagne « un maire, un architecte » afin de promouvoir l’intérêt pour un élu local de s’appuyer sur les compétences de la profession, y compris en matière de rénovation. Les enquêtes montrent qu’une très large part de la profession (87 % des répondants selon l’Archigraphie 2022) est déjà engagée dans ce domaine. De notre point de vue, les questions de rénovation ne peuvent se limiter aux seuls aspects de la « rénovation énergétique » : c’est bien de « l’amélioration de l’habitat » au sens large qu’il s’agit.

S’agissant des aides publiques à la rénovation, le Conseil estime que les exigences d’équité territoriale et d’harmonisation imposent le maintien d’une présence forte de l’État. Pour autant, les élus locaux ont une connaissance fine de leur territoire et sont les mieux placés pour organiser les filières d’acheminement de matériaux et de formation des acteurs. Ils ont également un rôle à jouer dans l’amélioration de l’acceptabilité sociale des projets. En ce sens, nous plaidons plus pour une cogestion des aides entre l’État et les collectivités que pour des transferts de compétences.

Confrontés à des injonctions contradictoires, entre une demande de logements pressante et les exigences de la transition écologique, notamment en matière d’artificialisation des sols, les élus doivent disposer des capacités d’ingénierie qui leur permettent de faire les bons choix.

Je citerais, à titre d’exemple, un des projets lauréats du quatrième volet du programme national d’expérimentation et de recherche REHA (REHA 4) ([55]), qui consistait en la réhabilitation d’un ensemble de maisons vieillissantes. Le projet, abandonné dans sa forme initiale, a pu être relancé par l’adjonction de constructions neuves sur une partie du terrain concerné. Construction neuve et rénovation ne sont pas incompatibles : il appartient à l’architecte d’apporter les solutions à des problèmes qui sont souvent complexes.

La mise en œuvre d’un projet revient parfois à cumuler différentes approches. En réponse à une petite copropriété qui n’a pas les moyens financiers d’engager une rénovation globale, on peut proposer la construction d’un étage supplémentaire dont le produit de la vente peut être utilisé pour la réhabilitation des étages inférieurs. Le cumul, que permet la loi, de MaPrimeRénov’ et de MaPrimeAdapt’ permet même d’envisager la construction d’un ascenseur.

Quoi qu’il en soit, le succès des opérations de rénovation nécessitera au préalable une adaptation des plans locaux d’urbanisme communaux (PLU) ou intercommunaux (PLUi) : j’ai en tête l’exemple de deux ensembles de logements sociaux de quinze étages (R + 15) dans le quartier du Grand Parc à Bordeaux, qui n’auraient pas pu être réhabilités avec l’ancien PLUi, qui fixait une limite à quatre étages (R + 4).

* * *

Le président Thomas Cazenave. Merci beaucoup. J’invite maintenant les représentants d’élus locaux à réagir, notamment sur l’adaptation des PLU et des PLUi aux exigences de la rénovation de l’habitat.

INTERVENTIONS DES ÉLUS LOCAUX

Mme Agnès Thouvenot, première adjointe au maire de Villeurbanne. Je constate que les discussions sur la rénovation sont plus consensuelles que celles portant sur l’offre de logements. La question n’en est pas moins complexe : les élus locaux sont souvent désarmés face à l’atomisation des propriétaires et l’extrême hétérogénéité du parc. Le traitement des logements insalubres et de l’habitat indigne fait appel à de multiples réglementations où les maires disposent de peu de marges de manœuvre. On voit également apparaître de nouvelles formes d’habitat, telles que la colocation avec services communs ([56]), qui rendent les questions de rénovation encore plus délicates.

Par ailleurs, je souhaiterais revenir sur les moyens alloués au parc public. Ceux-ci sont essentiels pour lui permettre non seulement de jouer son rôle contracyclique sur le marché, mais aussi d’accompagner la filière du bâtiment dans le développement des nouvelles techniques de rénovation de l’habitat. Aujourd’hui, faute de moyens, des expérimentations portant sur la démarche de rénovation à zéro énergie garantie ([57]) ont été abandonnées dans le parc social.

Enfin, nous avons identifié trois points de blocage susceptibles d’entraver la mise en œuvre des projets de rénovation.

Le premier point renvoie à la taille des copropriétés. Au-delà d’un certain seuil, les décisions de rénovation deviennent difficiles à prendre : peut-être faudrait‑il modifier les règles applicables à la prise de décision dans les grandes copropriétés afin d’accélérer les réalisations. Le deuxième élément a trait à la conciliation, parfois impossible, entre les injonctions contradictoires d’amélioration de l’habitat et de qualité architecturale, notamment dans les bâtiments d’essence patrimoniale. Le troisième sujet porte sur le prix du foncier. En effet, il importe que les dispositifs de soutien financier public à la rénovation, dont les montants sont parfois significatifs, n’aboutissent pas à dénaturer le marché par des plus-values abusives.

À titre général, les maires sont en première ligne pour accompagner les propriétaires dans leurs démarches de rénovation, notamment au travers des guichets France Rénov’. Ils ne disposent malheureusement pas toujours des ressources en ingénierie qui leur permettraient d’assurer efficacement cette fonction de « guichet unique » et, en particulier, d’aider les ménages à solliciter les aides dépendantes du niveau de revenu.

M. Michel Bisson, président de la communauté d’agglomération de Grand Paris Sud. Je partage, pour ma part, l’idée qu’il convient de territorialiser les dispositifs de soutien à l’offre de logements, ne serait-ce que par la triple dimension économique, écologique et sociale de l’habitat. De telles actions ne peuvent, toutefois, se concevoir sans aborder la question de l’aménagement du territoire : la construction ou la rénovation d’un logement implique, en effet, la prise en compte des possibilités d’accès des habitants à des infrastructures de transport, à des organismes de formation et à des structures de santé.

Dans une optique similaire, on ne saurait concevoir une politique de l’habitat sans prendre en considération la réindustrialisation de notre pays. Autant le développement d’une économie de services pouvait-elle se contenter de privilégier les grandes agglomérations, autant l’implantation de nouvelles industries nécessitera l’installation de logements à proximité dans des territoires plus périphériques. S’agissant de l’effort de rénovation, celui-ci doit naturellement porter sur le parc existant, comme l’indiquait tout à l’heure Mme Mancret‑Taylor, et en particulier le parc privé de façon à pouvoir y attirer des ménages issus du parc social. Le modèle économique correspondant doit ici être affiné.

Par ailleurs, je souhaiterais revenir sur les propositions formulées par France Urbaine sur la territorialisation des aides à la rénovation énergétique, en particulier MaPrimeRénov’. Bien que le travail de l’ANAH soit exemplaire en la matière, les collectivités apparaissent plus, avec les espaces conseils France Rénov’, comme des sous-traitants que comme des partenaires. Or, les élus ont une connaissance fine de la cartographie de leur territoire, des habitants qui l’occupent et des entreprises qui s’y implantent : ils disposent d’une « agilité » qui, en matière de gestion des aides, me paraît largement sous-exploitée.

On peut imaginer un « guichet unique » géré par les collectivités afin d’accueillir les familles et de décliner à leur bénéfice les dispositifs d’aide mis en place au niveau national. Les aides « à la pierre » seraient concernées, mais aussi les dispositifs liés à « l’humain » tels que les stratégies de lutte contre la pauvreté (Pacte des solidarités). Les collectivités devraient également pouvoir moduler le taux de la taxe foncière afin d’encourager, au travers d’un bonus-malus, les propriétaires des logements les plus énergivores à s’engager dans une démarche de rénovation.

Enfin, je voudrais évoquer le financement de la transition écologique. L’État a, certes, mis le « Fonds Vert » à disposition des collectivités. Pour autant, les montants engagés ne me paraissent pas être à la hauteur des enjeux et, surtout, le dispositif fonctionne sur une logique d’appels à projets qui met les collectivités en concurrence au lieu de les faire coopérer. Au sortir de la guerre, la France a su mettre en place un financement massif du logement social via, notamment, la participation des employeurs à l’effort de construction ([58]). En 2003, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a également bénéficié de moyens financiers significatifs. Notre pays doit mettre en place un mécanisme d’ampleur similaire dans le domaine de la transition écologique au travers d’une fiscalité innovante, qu’il s’agisse de la taxe carbone ou de l’imposition exceptionnelle sur les ménages les plus aisés proposée par M. Jean Pisani-Ferry ([59]).

Mme Soizic Perrault, vice-présidente du conseil départemental du Morbihan. Les départements sont, bien entendu, favorables à ce que leur soit plus largement déléguée la gestion des aides à la pierre. S’agissant de l’accompagnement à la rénovation énergétique, notre association se félicite du déploiement en cours de « guichets uniques » au travers des espaces conseils France Rénov’. Il ne faudrait pas qu’un acte de décentralisation en la matière vienne indirectement remettre en cause le réseau qui est en train de se constituer.

Les aides à la rénovation énergétique sont tellement diverses qu’il est difficile de s’y retrouver. Les départements fournissent un appui en ingénierie aux communes au travers des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), mais sans doute des efforts devraient-ils être faits à destination des particuliers. Je signale, à cette occasion, la mise en place par l’Agence départementale d’information sur le logement (ADIL) d’un accompagnement gratuit et personnalisé, dénommé « Morbihan solidarité énergie », pour tout propriétaire occupant ou locataire qui chercherait des solutions pour améliorer le confort de son logement. Au fond, certains ménages hésitent à se plonger dans l’enchevêtrement des dispositifs d’accompagnement, préférant finalement une « politique du chèque » qui apparaît plus directement accessible.

INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, députée (RE). Je souhaiterais, tout d’abord, rappeler à quel point l’ensemble des acteurs, en particulier l’ANAH, a su accompagner la montée en puissance du dispositif d’aide à la rénovation énergétique. Bien qu’il faille aller plus loin, on ne peut que se féliciter du chemin accompli en si peu de temps.

Les travaux du CNR Logement, que j’ai pilotés avec Mme Christine Leconte au sein du groupe de travail n° 3 précité, présidente du Conseil national de l’ordre des architectes, ont permis de se rendre compte que l’objectif de décarbonation totale en 2050 n’était plus remis en cause. Seul le calendrier de réalisation des jalons intermédiaires suscite des interrogations. Les questions sont d’autant plus fortes que les contraintes en la matière deviennent de plus en plus concrètes, notamment l’interdiction de location issue de la loi « Climat et résilience ». Par ailleurs, le champ même de la contrainte de rénovation est voué à s’élargir : au-delà de la rénovation énergétique, on évoque aujourd’hui l’adaptation au vieillissement et au handicap qui sont d’autres « murs » de transformation.

À mon avis, il faudra progresser rapidement dans la mise en place d’une programmation territoriale des moyens, tant humains que financiers, consacrés à la rénovation globale de l’habitat. Je profite de l’occasion pour signaler un des effets pervers de la logique de valorisation de l’action de décarbonation mise en place en 2019 dans le sillage du rapport de la commission présidée par Alain Quinet ([60]). Ce mécanisme a eu pour conséquence de favoriser le déploiement des équipements les plus amortis au détriment de la structuration des filières et de la formation des acteurs.

Parmi les conclusions du groupe de travail du CNR Logement figurent, naturellement, le soutien à l’investissement dans le parc social ainsi que des pistes pour résorber le reste à charge, qui est un important facteur de blocage des projets de rénovation dans les copropriétés. Nous avons ainsi proposé la mise en place d’une « banque publique de la rénovation » qui serait expérimentée dans un premier temps dans des départements pilotes.

S’agissant de la maison individuelle, il pourrait être envisagé d’obliger les propriétaires à engager des travaux de rénovation lorsqu’ils veulent vendre un logement situé dans une zone tendue, où les plus-values réalisées sont très élevées. Le financement obtenu par la vente serait ainsi beaucoup moins douloureux que celui issu des prêts avances mutations ([61]) dont les échéances de remboursement sont parfois aussi lourdes que celle des prêts pour étudiants.

 

Le renforcement du dispositif d’accompagnement des ménages au travers du déploiement de Mon Accompagnateur Rénov’, est une excellente mesure. Il faut veiller, toutefois, à ne pas faire peser sur cet échelon une charge trop forte, étant rappelé qu’on lui demande parfois de fournir à la fois une ingénierie financière, une assistance technique et un accompagnement social. Enfin, on peut regretter que le programme SARE ([62]), auquel le mécanisme France Rénov’ doit se substituer à plus ou moins brève échéance et qui est cofinancé par les collectivités, ne bénéficie pas d’un financement plus pérenne ([63]).

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). De nombreuses propositions ont être formulées ce matin dans le domaine de la rénovation énergétique. Je voudrais rappeler, à cet égard, que, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2023, l’Assemblée avait adopté un amendement du groupe Écologiste - NUPES visant à accroître de 12 milliards d’euros les crédits du dispositif MaPrimeRénov’, mais que celui-ci n’avait finalement pas été retenu dans le texte présenté par le Gouvernement lorsque celui-ci a engagé sa responsabilité au titre de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

On peut se féliciter de l’ouverture de nouveaux espaces France Rénov’ : il n’en demeure pas moins que le bénéfice de MaPrimeRénov’ est difficile à obtenir dans les zones où les habitations sont anciennes et les propriétaires âgés, ce qui est le cas dans mon département (Creuse). Les professionnels eux-mêmes peuvent rencontrer des difficultés à obtenir la qualification RGE ou, tout simplement, à apurer leurs carnets de commandes. Si l’on ajoute à cela les lenteurs liées au traitement des dossiers, les projets de rénovation peuvent parfois prendre beaucoup de temps.

Par ailleurs, comme l’indiquait Mme Meynier-Millefert, l’existence d’un reste à charge est un élément de blocage qu’il faudra surmonter, sans quoi nous n’arriverons à rien. Enfin, je souhaiterais insister sur l’importance qui s’attache au recours aux filières locales de production du bois et de matériaux biosourcés dans les travaux de rénovation énergétique.

* * *

Le président Thomas Cazenave. Avant de conclure, je laisse la parole à Mme Mancret-Taylor et à Mme Marjan Hessamfar afin qu’elles puissent réagir aux attentes qui viennent d’être exprimées.

RÉACTIONS DES INTERVENANTS

Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). L’ANAH partage le constat de l’AMF, exprimé par Mme Thevenot, sur le nécessaire renforcement des capacités d’ingénierie des collectivités territoriales, en particulier lorsque celles-ci sont en charge d’un espace conseil France Rénov’.

À cette occasion, je signale que le Gouvernement a lancé, le 11 mai dernier, une concertation avec les collectivités territoriales visant à réformer le programme SARE, prolongé pour une année supplémentaire, et à « massifier » le soutien des ménages dans le domaine de la rénovation énergétique. Le nouveau « pacte » territorial qui émergera des discussions devrait aboutir à la mise en place d’un guichet France Rénov’ par intercommunalité au plus tard en 2025.

En outre, dans la lignée du CNR Logement, l’État devrait accroître les moyens alloués au titre de la rénovation globale des logements. Cette volonté se traduira probablement par des mesures inscrites dans le futur projet de loi de finances pour 2024.

En réponse aux craintes formulées par Mme Meynier-Millefert vis-à-vis des capacités de Mon Accompagnateur Rénov’ à accomplir les missions qui lui sont confiées, je rappelle que l’ANAH s’appuie depuis de nombreuses années sur un réseau d’opérateurs qualifiés dans le cadre des OPAH. La question centrale qui est posée est celle de la formation des accompagnateurs à ce qui s’apparente de plus en plus à un métier à part entière.

Enfin, s’agissant des crédits alloués par l’État, évoqués par Mme Couturier, je voudrais souligner que le budget de l’ANAH, en hausse constante depuis plusieurs années, doit s’ajuster aux capacités des professionnels à répondre aux besoins des ménages.

Mme Marjan Hessamfar, vice-présidente du Conseil national de l’ordre des architectes. Je partage l’appréciation portée par Mme Mancret-Taylor sur l’activité d’accompagnateur, qui apparaît comme une nouvelle profession devant être soutenue à la hauteur des missions qui lui sont confiées. En ce sens, le système de rémunération devrait être rendu plus incitatif. S’agissant plus particulièrement des architectes, ne pourrait-on pas substituer au mécanisme actuel, consistant en un pourcentage du montant des travaux, un mécanisme de rémunération horaire ?

Par ailleurs, je profite de l’occasion pour solliciter de la représentation nationale une initiative législative visant à rendre opposables les « chartes qualité » matérialisant les engagements des entreprises vis-à-vis de leurs clients. Une telle évolution supposerait, au préalable, une harmonisation du contenu de ces chartes.

* * *

Le président Thomas Cazenave. Je remercie l’ensemble des intervenants pour la qualité des discussions et le contenu des propositions formulées. Celles-ci feront l’objet d’une synthèse qui sera inscrite dans le rapport qui sera présenté devant la délégation et comportera des recommandations susceptibles, le cas échéant, d’aboutir à des développements législatifs. On peut dire, d’ores et déjà, que la politique du logement est en pleine mutation et que rien ne pourra se faire sans l’intervention des collectivités territoriales.


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   SYNTHÈSE DES TRAVAUX DU COLLOQUE : la territorialisation de la politique du logement entre décentralisation et cogestion

La crise du logement que connaît actuellement notre pays, à laquelle s’ajoutent les enjeux de la transition écologique, impose une territorialisation de l’action publique en faveur du secteur. Ce mouvement peut, sous certaines conditions, prendre la forme d’une véritable décentralisation, mais il reste tout à fait possible d’aboutir au même résultat par une meilleure cogestion avec l’État des dispositifs publics concernés.

I.   Face À une reconfiguration des enjeux du logement, l’État reste positionnÉ au cœur des dispositifs publics de soutien du secteur

Le terme de « politique du logement » renvoie à une série de mesures, dont certaines sont déjà décentralisées depuis longtemps. L’État a conservé un rôle central dans la mise en œuvre des dispositifs de soutien à l’offre de logements et aux travaux d’amélioration de l’habitat. Face à l’émergence de nouveaux enjeux dans ces deux domaines, la pertinence de l’action de l’État est clairement remise en question.

A.   Les politiques publiques du logement confrontÉes À un vÉritable « changement de paradigme »

1.   Le marché du logement subit les effets d’un déséquilibre de long terme, auquel s’ajoute un rejet de plus en plus fréquent de l’acte de construire

Dans un ouvrage publié en 2018 ([64]), MM. Jean-Claude Driant, professeur à l’École, d’urbanisme de Paris, et Pierre Madec, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, indiquaient que le marché du logement n’était pas « un marché comme un autre » : identifiant, dès cette époque, des problèmes « aux facettes multiples » depuis le mal-logement jusqu’aux difficultés d’accession à la propriété des ménages modestes, ils estimaient qu’apprendre à « identifier et à vaincre les crises du logement […] devrait constituer l’une des problématiques centrales du débat public pour les prochaines années ». Trois ans plus tard, en mai 2021, le Premier ministre Jean Castex réunissait une commission d’experts, présidée par M. François Rebsamen, maire de Dijon, afin « d’étudier et d’objectiver » la tendance à l’affaissement de la construction de logements neufs que les pouvoirs publics constataient depuis quelques années.

Les travaux de cette commission, dont un premier volet a été publié en septembre 2021 ([65]), ont permis de mettre en lumière l’existence d’un profond décalage entre l’offre et la demande de logements.

Du côté de la demande, les besoins supplémentaires résultant de la croissance démographique générale sont évalués à un niveau compris entre 210 000 et 325 000 logements par an sur la période 2017-2030 ([66]).

S’ajoutent à ces estimations les besoins actuellement non satisfaits : selon la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) ([67]), entre 800 000 et 1,4 million de ménages étaient confrontés à une situation de mal-logement à la fin des années 2010, c’est‑à‑dire ne disposant pas d’un logement propre ou disposant d’un logement trop petit. Par ailleurs, on peut estimer que 1,7 million de ménages sont logés dans le parc privé dans des conditions financières peu soutenables ([68]).

Du point de vue de l’offre, les données fournies par le Service des données et études statistiques (SDES) du ministère délégué en charge de la ville et du logement montrent que le nombre de logements neufs mis en chantier (« commencés ») en 2022 (370 900) est non seulement en diminution de 5,19 % par rapport à 2021 (391 200), mais aussi tendanciellement en baisse depuis un pic de 493 800 logements observé en 2006.

Source : SDES (série longue).

L’Union sociale pour l’habitat (USH), auditionnée lors des Rencontres de la délégation, a confirmé que le parc social était tout aussi affecté par cette crise que le secteur privé. Le nombre de logements locatifs sociaux (LLS) agréés, tous opérateurs confondus, s’est établi à 88 000 unités en 2020, en baisse de 27,7 % par rapport à 2013 (130 000).

Source : USH.

Les origines de cet affaissement de l’offre sont multiples.

1° La hausse spectaculaire du prix des logements neufs, qui a plus que doublé sur vingt ans (+ 109 % entre 2003 et 2023 ([69])) dans un marché global très dynamique ([70]), a joué un rôle dans l’éviction des ménages les moins bien dotés en apport personnel ou aux revenus irréguliers ;

2° Les bailleurs sociaux ont, pour leur part, rencontré des difficultés à compenser les difficultés du parc privé, notamment en raison de ressources plus limitées. Lors de la table ronde n° 1, Mme Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH, et M. Emmanuel Heyraud, délégué adjoint de France Urbaine, ont évoqué l’impact négatif qu’aurait eu, selon eux, la réduction de loyer de solidarité (RLS) instaurée en compensation de la baisse des aides personnelles au logement (APL) en 2018 ([71]) ;

3° Sur la période récente, les impératifs de réduction de l’artificialisation des sols, en particulier la réduction de 50 % du rythme d’artificialisation d’ici 2021 puis l’absence de toute artificialisation nette (ZAN) à l’horizon 2050 ([72]), ont pu accroître la complexité des projets immobiliers et, consécutivement, décourager certains donneurs d’ordre.

Le facteur qui, au terme des Rencontres de la délégation, apparaît comme le plus important renvoie à l’acceptation de plus en plus faible de la construction au sein des populations. M. Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers de France (FPI), a confirmé le constat, déjà effectué en 2021 par le rapport de la commission Rebsamen précitée ([73]), que la France n’avait peutêtre plus fondamentalement la volonté de construire.

Selon une étude réalisée par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) auprès des habitants de sept communes d’Île-de-France en 2021, la densification est perçue comme une source de « nuisances sonores » et de « promiscuité » ([74]).

Au cours de son intervention, M. Boulanger a indiqué que certains élus locaux préféraient parfois s’en remettre à la censure de leur refus par le juge administratif plutôt que de donner leur accord direct à un projet immobilier. Les opposants obtiennent fréquemment le soutien tacite de la population : M. Heyraud a ainsi rappelé que le slogan « maire bâtisseur, maire battu », né dans les années 1970 ([75]), était devenu une réalité.

Le choix même du CNR Logement, auquel Mme Catherine Sabbah, déléguée générale de l’Institut des hautes études pour l’action dans le logement (IDHEAL) a participé, de parler des « maires engagés » au lieu des « maires bâtisseurs » illustre de manière symbolique les réticences à l’encontre de l’acte même de bâtir.

2.   La notion d’amélioration de l’habitat, autrefois centrée sur des questions de confort et de salubrité, s’élargit aux enjeux de la transition écologique et de l’adaptation au vieillissement

Selon M. Jean-Pascal Chirat, délégué général du Club de l’amélioration de l’habitat (CAH) qui a participé à la table ronde n° 2, l’amélioration de l’habitat est une notion générique qui regroupe les opérations visant à maintenir ou réparer (1), aménager ou agrandir (2), embellir (3) un logement, ou bien à en améliorer le confort (4).

Historiquement, les politiques publiques d’amélioration de l’habitat ont émergé avec la loi du 13 avril 1850 sur les logements insalubres et se sont longtemps concentrées sur la résorption du « mal-logement ». L’article L. 303-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH) issu de la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d’orientation sur la ville assigne aux opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) un objectif de « réhabilitation » du parc immobilier bâti. Comme l’a démontré M. Chirat lors de sa présentation, le marché français de la rénovation est resté stable pendant de nombreuses années, se limitant à des travaux d’embellissement, de confort ou de réparation de logements individuels ou collectifs, pour un montant de 75 milliards d’euros hors taxes par an tous commanditaires confondus (particuliers, syndicats de copropriétaires, bailleurs sociaux, autres).

Les dernières années ont vu apparaître deux nouvelles dimensions de l’amélioration de l’habitat. Il s’agit désormais de faire en sorte que le logement soit configuré de façon à contribuer à la lutte contre le changement climatique par le renforcement de son isolation thermique et la limitation du recours à des énergies fossiles pour chauffer son occupant. Le logement va également devoir s’adapter au vieillissement de la population et permettre le maintien à domicile des personnes confrontées à une perte d’autonomie.

En ce sens, c’est la notion même de « politique du logement » qui s’élargit au-delà des seules mesures de soutien à la construction d’un habitat neuf.

L’extension progressive du champ de la politique du logement

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’État met en place une politique centrée sur la production, symbolisée par la création de la participation des employeurs à l’effort de construction (1 % logement) par Pierre Courant, ministre de la construction du Gouvernement Mayer en 1953. La loi n° 77-1 du 3 mai 1977 portant réforme de l’aide au logement intègre une dimension plus qualitative dans la « politique d’aide au logement » : « l’amélioration de l’habitat » devient un objectif à part entière au même titre que la « satisfaction des besoins de logement » (article 1er). L’article L. 301-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH), dans sa rédaction résultant des modifications successives intervenues entre 1991 et 2018, ajoute à ces objectifs :

– l'habitat durable et l'accessibilité aux personnes handicapées (loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains - SRU) ;

– la rénovation énergétique des bâtiments (loi n° 2018-1021 du 25 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique - ELAN).

Selon les termes employés par Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) lors de la table ronde n° 2, on assiste donc à un « changement de paradigme » dans la définition même d’offre de logements : celle-ci intègre le parc existant rénové de manière globale ([76]). Le CAH a, pour sa part, identifié dans la rénovation énergétique et l’adaptation au vieillissement deux gisements d’activité prometteurs. La présentation de M. Chirat laisse apparaître une dynamique de travaux d’entretien et d’amélioration engagés par des particuliers entre 2020 (45 milliards d’euros) et 2021 (52 milliards d’euros).


  1  

Comme l’a indiqué à l’ouverture des Rencontres le ministre délégué chargé de la ville et du logement, M. Olivier Klein, les travaux de rénovation énergétique sont « le chantier du siècle ». Sur les quelque 37,6 millions de logements que compte le territoire français (hors Mayotte), environ 30 millions ont été construits avant 1999 ([77]). Dans cet ensemble, 5,2 millions de logements étaient des « passoires thermiques » en 2022 selon l’Observatoire national de la rénovation énergétique, soit 17 % de l’ensemble du parc.

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a pour effet d’accélérer l’impératif de la rénovation énergétique. Sans aller jusqu’à « contraindre les propriétaires occupants et bailleurs à rénover de manière globale » comme le recommandait la Convention citoyenne sur le climat ([78]), l’article 160 de la loi interdit progressivement la mise en location de logements mal isolés au regard de leur diagnostic de performance énergétique (DPE), avec une première étape en 2025 (étiquette G du DPE), une deuxième en 2028 (étiquette F) et une dernière en 2034 (étiquette E).

On peut craindre, d’ailleurs, que cette interdiction ait un impact négatif sur l’offre locative de logements ([79]), voire amène à sortir les logements énergivores du marché si le propriétaire ne parvient pas à rénover ou à trouver un acquéreur. Lors de la table ronde n° 2, M. Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), a rappelé que l’on recensait 3,1 millions de logements vacants en 2020, contre 1,9 million en 1982, et que, sans rénovation, ce chiffre risquait de s’accroître rapidement dans les années à venir.

Les enjeux financiers découlant de ce « changement de paradigme » sont considérables : selon la FNAIM, le coût global de la rénovation énergétique pour les trois étiquettes du DPE (E, F et G) peut être estimé au total à 246 milliards d’euros.

B.   La place centrale de l’État dans la gestion des dispositifs de soutien Aux marchÉs du logement et de l’amélioration de l’habitat

Lorsqu’elle était concentrée sur l’objectif de construction, la politique du logement était largement pilotée par l’État. Aujourd’hui, comme l’a rappelé M. Boulanger lors de la table ronde n° 1, elle apparaît comme assez largement décentralisée. Les collectivités territoriales interviennent à des degrés divers : attribution d’un permis de construire : compétence du maire ([80]) ; tutelle d’un office public de l’habitat (OPH) : communes, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et départements ([81]) ; attribution des logements locatifs sociaux : compétences du maire et du président d’EPCI ([82]) ; fixation des plans locaux d’urbanisme (PLU) : compétence de la commune ou de l’EPCI ([83]).

S’agissant du soutien à l’offre de logements et des aides à l’amélioration de l’habitat, le pouvoir de décision et la capacité d’intervention financière sont encore assez largement dans les mains de l’État ou de ses opérateurs.

1.   Au travers des différents zonages, l’État intervient directement dans la répartition géographique des aides publiques

Le volet de la politique du logement consacré à la « satisfaction des besoins » s’articule autour de trois types de mesures :

– une aide, tout d’abord, aux demandeurs de logements locatifs au travers d’une série d’allocations, la plus emblématique étant l’aide personnelle au logement (APL) créée par la loi du 3 janvier 1977 précitée et aujourd’hui régie par le CCH en ses articles L. 811-1 et suivants ;

– un accompagnement des ménages souhaitant accéder à la propriété en dépit de la hausse des prix au travers, notamment, du prêt à taux zéro (PTZ) aujourd’hui régi par le CCH en son article L. 31-10-1 ;

– un soutien à l’investissement locatif sous la forme de réductions d’impôts.

Lors de la table ronde n° 1, Mme Sabbah a rappelé la succession des dispositifs de défiscalisation mis en place depuis les années 1980 ([84]). Le dernier en date (« Pinel ») permet à tout investisseur de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à l'occasion de l’achat d’un logement neuf s’il s'engage à louer le logement nu en tant que résidence principale pour une durée de six ans ou de neuf ans ([85]).

On peut également citer le dispositif « Loc’avantages » offrant une réduction d’impôt à tout propriétaire acceptant de louer son logement à un loyer plafonné et de signer une convention avec l’ANAH où figure, notamment, un engagement à ne pas louer son logement si le DPE relève de la catégorie F ou G ([86]).

Tous ces dispositifs ont un point commun : ils sont structurés autour de « zones » géographiques fixées par un arrêté ministériel, c’est-à-dire par l’État.

Les deux principaux « zonages » de la politique du logement

Dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 3 janvier 1977 précité, un arrêté ministériel du 17 mars 1978 répartit les communes en quatre zones géographiques permettant de moduler les plafonds de ressources pour l’accès aux allocations de logement (APL) ainsi que les plafonds de loyer du parc locatif social. En dépit de multiples modifications, l’arrêté de 1978 est toujours en vigueur. Le zonage se compose de quatre codes numériques (1, 1 bis, 2 et 3).

La mise en œuvre des dispositifs de soutien à l’investissement locatif (« Pinel ») ou à l’accession à la propriété (PTZ) s’appuie sur une répartition géographique matérialisant une tension plus ou moins forte entre l’offre et la demande de logements. Le périmètre de chaque zone, elle-même définie par une lettre (A bis, A, B1, B1 et B2 de la zone la plus tendue à la zone la moins tendue), est fixé par un arrêté ministériel du 1er août 2014 modifié.

Les discussions menées lors des Rencontres de la délégation ont permis de confirmer que ces zonages étaient loin d’être optimaux. Parmi les travaux de l’IDHEAL cités lors de la table ronde n° 1, l’étude « Construire où ? pas ! » a démontré l’existence de découplages géographiques notables entre le zonage ABC et la dynamique de construction ([87]). Par ailleurs, il a été observé que la construction de logements neufs se concentrait à 40 % dans 1 % des communes.

2.   Le principal financeur de la rénovation de l’habitat est une agence nationale : l’ANAH.

En matière d’amélioration de l’habitat, les politiques publiques s’appuient essentiellement sur un éventail de subventions versées par l’ANAH, qui est un opérateur de l’État.

L’ANAH au cœur de la politique nationale de rénovation des logements

Mis en place en 1945 pour remédier au mauvais état et à l’inconfort du parc existant, le Fonds national d’amélioration de l’habitat (FNAH) octroyait des subventions et prêts aux bailleurs privés réalisant des travaux d’amélioration de leur logement. Le dispositif était alimenté par un prélèvement de 5 % sur les loyers des logements soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948.

Initialement géré par le Crédit Foncier de France, le FNAH devient un établissement public national par la loi n° 70-1283 du 31 décembre 1971 de finances pour 1972 sous la dénomination d’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH). Financée pendant plus de trente ans par une taxe additionnelle au droit de bail ([88]), l’ANAH s’est affirmée comme un acteur central de l’aide à la rénovation du parc privé soit au travers des opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) mises en œuvre en coopération avec les collectivités territoriales concernées, soit par l’intermédiaire d’aides à la pierre versées aux particuliers propriétaires. La gestion de ces aides peut être déléguée par convention à un département ou à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) en application des articles L. 301-5-1 et L. 301-5-2 du CCH.

En 2006, l’ANAH est renommée « Agence nationale de l’habitat ». Ses recettes sont aujourd’hui diversifiées : taxe sur les logements vacants, abondement des fournisseurs d’énergie au titre des certificats d’économie d’énergie (CEE), contribution d’Action Logement, etc.

La création d’une prime de transition énergétique, dénommée « MaPrimeRénov’ », par la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 (article 15) en remplacement de l’ancien crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) marque une orientation forte des aides publiques en faveur de la rénovation énergétique des logements.

Financée par le budget de l’État sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines », MaPrimeRénov’ est un dispositif de prime forfaitaire ouverte à tous les propriétaires, qu'ils occupent le logement à rénover ou le louent, afin de financer les travaux d’isolation, de chauffage, de ventilation ou d’audit énergétique d’une maison individuelle ou d’un appartement en habitat collectif. Les travaux doivent avoir été effectués par des entreprises labellisées RGE, c’est-à-dire reconnues garantes de l’environnement. Le niveau de la prime est modulé en fonction des revenus du bénéficiaire.

Comme l’a précisé Mme Mancret-Taylor lors de la table ronde n° 2, la croissance des crédits alloués à MaPrimeRénov’ explique en grande partie la spectaculaire montée en puissance du budget de l’ANAH depuis 2020.

Source : Rapports d’activité de l’ANAH 2020, 2021 et 2022.

Le ressaut à 4 milliards d’euros du budget de l’Agence en 2023 annoncé par Mme Mancret-Taylor lors de la table ronde n° 2 correspond à la montée en puissance de deux dispositifs, le premier destiné à financer les travaux de rénovation des parties communes des copropriétés (MaPrimeRénov’ Copropriétés) et le second consacré au soutien des ménages les plus modestes dans des travaux à fort impact énergétique (MaPrimeRénov’ Sérénité). Les perspectives de mise en place d’une prime d’accompagnement aux travaux d’adaptation à la perte d’autonomie en 2024 (MaPrimeAdapt’), également gérée par l’ANAH, devraient contribuer à une nouvelle progression du budget de l’opérateur.

Les Rencontres furent l’occasion de confirmer les défauts qui s’attachent à une gestion purement nationale d’un dispositif d’aide aux ménages. Évoquant MaPrimeRénov’ lors de la table ronde n° 2, Mme Soizic Perrault, vice‑présidente du conseil départemental du Morbihan et représentante de Départements de France, a indiqué qu’il était souvent difficile pour les ménages de « s’y retrouver ».

Parmi les critiques formulées au cours des derniers mois, ce sont celles de la Défenseure des droits qui ont été les plus sévères : dans sa décision n° 2022-199 du 14 octobre 2022, elle a mis en lumière les dysfonctionnements du système informatique de dépôt des demandes, qui ont « privé [de nombreux ménages] d’une aide à laquelle ils pouvaient prétendre » et fustigé « le défaut d’informations » ainsi que « l’absence d’interlocuteurs ».

II.   La dÉcentralisation des aides au logement et à l’amélioration de l’habitat n’apparaît envisageable que sous certaines conditions

Qu’il s’agisse de soutenir l’offre de logements ou la rénovation du parc, la décentralisation n’apparaît pas comme une solution incontournable, mais une opportunité à saisir à condition de bénéficier des moyens financiers et humains nécessaires.

A.   les conditions de mise en œuvre d’une plus grande dÉcentralisation de la politique de soutien au marchÉ du logement

1.   Une décentralisation de la politique de soutien à l’offre de logements n’est envisageable que si on y adjoint des moyens financiers significatifs

Au travers de la question du logement, les Rencontres ont permis de mettre à jour les difficultés inhérentes à tout processus de décentralisation : autant la territorialisation de la gestion des dispositifs publics fait l’unanimité, autant la perspective d’un transfert de compétences suscite des « doutes », comme l’a clairement énoncé Mme Cosse lors de la table ronde n° 1.

À l’occasion de son intervention, Mme Sabbah a rappelé que les critères de répartition géographique fixés au plan national, à savoir la différence entre une zone « tendue » et une zone « détendue », étaient extrêmement réducteurs. L’évaluation des besoins doit pouvoir prendre en compte une palette de critères qui, de toute évidence, ne peuvent être appréciés qu’au niveau local : évolution démographique, attractivité touristique, situation du marché de l’emploi, installation d’acteurs économiques, état des structures d’hébergement, désaffection des centres urbains, concurrence transfrontalière, paupérisation des occupants du parc social, vacance des logements et disponibilité du foncier.

L’exemple du projet de canal Seine-Nord-Europe mentionné par M. Bruno Arcadipane, président d’Action Logement Groupe, est révélateur du décalage des dispositifs nationaux. Les travaux de construction de cette infrastructure longue de 107 kilomètres, qui reliera Aubencheul-au-Bac (59) et Compiègne (60), débuteront cette année. Les emplois créés, soit entre 15 000 et 30 000, vont générer d’immenses besoins de logements dans une zone où, précisément, l’offre est faible. On notera, sur ce point, que Cambrai, située au début du tracé, est une ville classée en zone B2 (détendue) par l’arrêté du 1er août 2014 précité, ce qui l’exclut du dispositif « Pinel ».

Face à la rigidité des dispositifs nationaux, Mme Sabbah a évoqué plusieurs initiatives par lesquelles les collectivités territoriales se sont efforcées d’intervenir elles-mêmes pour répondre à un déséquilibre constaté localement sur le marché du logement : loyer social unique à Rennes, compensation à la location de meublés touristiques dans le Pays basque, etc. ([89]).

Cette exigence de « territorialisation » des mesures ne signifie pas pour autant, aux yeux des intervenants, que la décentralisation, c’est-à-dire un transfert de compétences, soit indispensable. Comme le rappelle Mme Sabbah, l’État doit rester le garant des politiques du logement afin d’éviter de trop grandes disparités territoriales si, d’aventure, des élus locaux souhaitaient s’affranchir de certaines obligations en matière de logement. C’est la question des moyens alloués aux collectivités qui suscite les doutes les plus importants à l’encontre des perspectives de décentralisation. Mme Agnès Thouvenot, première adjointe au maire de Villeurbanne et représentante de l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité (AMF), a indiqué que la décentralisation ne pouvait pas être une solution « à n’importe quel prix ».

Dans cette optique, Mme Sabbah a indiqué que le groupe de travail du CNR Logement qu’elle avait co-piloté avait préconisé la mise en place d’un mécanisme de soutien aux maires bâtisseurs sous la forme d’une aide forfaitaire financée à partir des recettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Lors des Rencontres, cette proposition a été saluée par la FPI et France Urbaine.

Rapport du groupe de travail n° 2 « Réconcilier la France avec la production de logements nouveaux » (extraits)

Proposition n° 16 : un bonus aux maires « engagés » ([90])

« Assurer le maintien ou le développement d’une dynamique urbaine fait partie de la mission des élus, qui garantissent ainsi et peuvent améliorer le cadre de vie de leurs administrés. La production de logements est perçue comme une charge financière, or elle rapporte aux finances publiques, via les frais de mutation et surtout la TVA dont les taux varient de 5,5 % à 20 %.

« Nous proposons une aide forfaitaire d’un montant calculé sur une moyenne de logements construits et/ou transformés (à condition qu’ils aient été vides auparavant et que ces travaux les remettent sur le marché) au cours des trois/six dernières années. Le montant de l’aide s'accroît avec le caractère social du logement produit (sauf dans les communes carencées).

« En chiffres : 10 000 euros par logement (ce qui correspond à 25 % de la TVA sur le neuf environ pour une surface vendue 200 000 euros, équivalent à l’aide aux maires bâtisseurs de 100 euros par m2). Le dispositif serait limité dans le temps, pour booster la construction et distribué par EPCI avec une enveloppe fixe. Ce bonus doit être réservé à des nouveaux logements et non pas aider à boucler des programmes ou bénéficier à des opérations déjà lancées. »

M. Arcadipane a, pour sa part, évoqué l’hypothèse d’une ponction sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), dont le produit reversé aux départements s’est élevé à 16,7 milliards d’euros en 2022, contre 7,3 milliards d’euros en 2013 ([91]). Au cours des Rencontres, une telle suggestion a suscité logiquement l’opposition des associations d’élus concernées (AMF et Départements de France). On observera, en outre, que cette taxe est dépendante de la conjoncture immobilière et qu’elle ne peut donc constituer une ressource stable ([92]).

S’agissant du logement social, l’USH et France urbaine ont plaidé pour la suppression de la réduction de loyer de solidarité (RLS) précitée, dont le coût pour les bailleurs sociaux a été estimé à 1,3 milliard d’euros par an sur la période 2020-2022. Dans un référé du 22 décembre 2020 ([93]), la Cour des comptes a fortement critiqué le dispositif, le jugeant « opaque » et « aux effets secondaires sensibles » : l’impact sur les ressources des bailleurs sociaux a été évalué à 4,5 % des rendements locatifs et la Cour constate une diminution de 7 % des dépenses de gros entretien du parc, probablement liée à la RLS.

Bien évidemment, une remise en cause de la RLS nécessiterait de réévaluer à la hausse le montant des APL, sauf à faire supporter sur les locataires du parc social le coût du soutien à l’effort de construction.

2.   Il paraît possible de confier plus de responsabilités aux intercommunalités au travers du statut d’autorité organisatrice de l’habitat (AOH)

À défaut d’une décentralisation massive de la politique du logement, Mme Sabbah et M. Heyraud ont souligné l’intérêt qui s’attacherait à confier plus de responsabilités aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) au travers du statut d’autorité organisatrice de l’habitat (AOH).

Les autorités organisatrices de l’habitat, innovation de la loi 3DS

Le dispositif des autorités organisatrices de l’habitat (AOH) a été mis en place par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi dite « 3DS ») en son article 92 ([94]).

Les AOH constituent actuellement une simple « qualification » accordée par le préfet de région aux EPCI à fiscalité propre dotées de documents de programmation de l’habitat ([95]), d’une délégation des aides à la pierre et de « conventions intercommunales d’attribution » (CIA) fixant, par acteur concerné (bailleurs sociaux et réservataires) les objectifs à atteindre en matière d’attribution des logements sociaux. Dans l’état du droit actuel, les AOH disposent de compétences limitées, essentiellement réduites à la communication d’un avis sur les arrêtés ministériels de « zonage » mentionnés supra.

Pour l’instant, seules quelques métropoles ont sollicité le statut d’AOH depuis l’entrée en vigueur de la loi 3DS (Brest, Rennes, Nice, Nantes, etc.).

Afin de donner la pleine mesure à ce qui apparaît aujourd’hui comme une « coquille vide », M. Heyraud envisage explicitement de permettre aux AOH de moduler directement le zonage applicable à leur territoire sans avoir besoin de solliciter une modification de l’arrêté ministériel du 1er août 2014 précité.

À moyens financiers constants, il s’agirait de s’inspirer de l’expérimentation menée en Bretagne afin de permettre à certaines communes situées en zone détendue de bénéficier du dispositif de défiscalisation (« Pinel breton »).

L’illustration de la différenciation territoriale au travers du « Pinel breton »

Le dispositif a été mis en place par la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 en son article 164 afin de compenser, pour la seule région Bretagne, la sortie des communes situées en zone B2 du dispositif « Pinel » en 2018.

Il permet à des acquisitions effectuées en zone détendue d’être de nouveau éligibles à condition que l’investisseur respecte des plafonds de loyers spécifiques à la région. Ces conditions, ainsi que la liste des communes bénéficiaires, sont fixées par un arrêté du préfet de région après avis du président du conseil régional et du comité régional de l’habitat et de l’hébergement. À enveloppe budgétaire constante, l’éligibilité d’une commune suppose donc qu’une autre accepte de sortir du dispositif.

Le « Pinel breton » ne constitue qu’une expérimentation destinée à s’interrompre au 31 décembre 2024.

France Urbaine souhaite également permettre aux AOH d’expérimenter la fusion des zonages (ABC et 1, 2, 3) afin de pouvoir, si nécessaire, cumuler sur un même territoire les effets des mesures de soutien à l’offre et à la demande de logements locatifs. Mme Sabbah, pour sa part, a indiqué qu’il pourrait être également utile de confier aux AOH le soin de fixer des objectifs de production de logements : les objectifs nationaux pourraient ainsi n’être plus qu’une agrégation de cibles locales, ce qui les rendraient plus crédibles qu’aujourd’hui ([96]).

Le choix de l’intercommunalité comme « chef de file » d’une politique du logement décentralisée n’a, toutefois, pas été unanimement apprécié par les participants : pour Mme Perrault, le périmètre couvert par le département paraît de nature à favoriser une modulation du zonage plus efficace qu’au niveau intercommunal.

B.   L’optimisation des mécanismes de cogestion entre collectivités et État dans la mise en Œuvre des dispositifs de soutien à l’amélioration de l’habitat

1.   À défaut de pouvoir maîtriser l’ensemble du dispositif MaPrimeRénov’, les AOH peuvent intervenir plus activement dans le soutien à la rénovation au travers du conventionnement avec l’ANAH

Lors de son intervention au cours de la table ronde n° 2, Mme Marjan Hessamfar, vice-présidente du Conseil national de l’ordre des architectes, a rappelé que la construction neuve et la rénovation s’inscrivaient dans un même continuum d’offre de logements. En ce sens, l’impératif de territorialisation s’impose aux politiques d’amélioration de l’habitat de la même façon qu’elle doit régir les mesures de défiscalisation précitées.

Les besoins de rénovation énergétique diffèrent ainsi sensiblement d’un département à un autre, comme l’indique le « baromètre » des DPE édité régulièrement par la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM).

Source : FNAIM (baromètre publié en novembre 2022).

M. Loïc Cantin, président de la FNAIM, a signalé que cette cartographie des « passoires thermiques » correspondait, à l’exception notable de Paris, à celle des logements vacants, insistant sur la nécessité de concentrer les politiques publiques d’aide à la rénovation dans les territoires les plus en retard sous peine de faire sortir du marché un nombre de plus en plus important de logements.

Taux de vacance des logements dans les dix départements ayant la plus grande proportion de passoires thermiques

Département

Proportion de DPE F et G

Taux de vacance (2019)

Creuse

51,5 %

15,7 %

Cantal

42,7 %

12,0 %

Lozère

41,5 %

10,4 %

Orne

35,4 %

11,2 %

Alpes-de-Haute-Provence

33,9 %

8,4 %

Corrèze

32,1 %

11,1 %

Haute-Savoie

28,1 %

6,4 %

Allier

26,5 %

14,8 %

Hautes-Alpes

26,3 %

5,8 %

Ariège

26,1 %

9,7 %

Source : FNAIM (baromètre 2022) et Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Assez logiquement, la question d’une pondération des aides à la rénovation qui serait « à la main des élus » pour reprendre les termes employés par M. Cantin se pose.

Or, l’effort financier public en la matière se situe au niveau de MaPrimeRénov’, en particulier au niveau de la prime de transition énergétique : selon les données fournies par l’ANAH ([97]), le dispositif a permis de rénover plus de 600 000 logements pour un montant total de 2,33 milliards d’euros en 2022. Les deux autres volets du label « MaPrimeRénov’ » (Sérénité et Copropriété) n’ont permis de rénover que 64 000 logements pour un coût total de 782 millions d’euros. Comme l’a indiqué Mme Mancret-Taylor lors de la table ronde n° 2, la gestion de ces deux volets peut être déléguée à un EPCI ou à un département, mais non la prime de transition énergétique, qui reste nationale.

« MaPrimeRénov’ » : un label, trois dispositifs et deux circuits distincts

Le volet central de MaPrimeRénov’ correspond à la prime de transition énergétique mise en place par la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 en son article 15. Les crédits correspondants sont inscrits sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » précité.

Les deux autres volets de MaPrimeRénov’ (Copropriété et Sérénité) sont considérés comme des subventions classiques de l’ANAH, relevant de l’article R. 321‑12 du CCH. Leur financement s’effectue sur le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ». À ce titre, ils entrent dans le champ des « aides en faveur de l’habitat privé » susceptibles d’entrer dans le champ des conventions de délégation de l’ANAH au bénéfice des EPCI (art. L. 301-5-1 du CCH) et des départements (art. L. 301‑5-2 du CCH).

Compte tenu des montants en jeu, Intercommunalités de France a logiquement appelé à une décentralisation de l’ensemble du dispositif MaPrimeRénov’ au niveau des AOH ([98]). France Urbaine affiche une position analogue : lors des Rencontres de la délégation, M. Heyraud a ainsi exprimé le souhait que les AOH puissent « expérimenter » une gestion des aides de l’ANAH élargie à l’ensemble de MaPrimeRénov’ ([99]).

En réponse à ces sollicitations, Mme Mancret-Taylor, lors de la table ronde n° 2, a indiqué sa préférence pour le maintien de l’équilibre actuel. Elle souligne qu’avec la montée en puissance des volets « Copropriété » et « Sérénité » de MaPrimeRénov’ dans les prochaines années, les collectivités ont ainsi la possibilité d’obtenir plus de moyens financiers dans le soutien à la rénovation des logements privés pour peu qu’elles s’inscrivent plus largement dans une démarche de conventionnement avec l’ANAH.

Les données présentées lors des Rencontres par M. Chirat confirment que les territoires les plus dynamiques en termes d’aide à la rénovation sont souvent ceux où il existe des mécanismes de conventionnement avec l’ANAH, notamment en Bretagne, en Normandie (Seine-Maritime), dans les Hauts-de-France (Nord et Pas-de-Calais), dans le Grand-Est (Moselle, Meurthe-et-Moselle, Bas-Rhin) ainsi qu’en Occitanie (Hérault).

Dans cette optique, il ne serait donc pas nécessaire de décentraliser au sens strict du terme. Il appartiendrait aux territoires de s’emparer eux-mêmes de cette possibilité de cogestion des aides à l’habitat privé avec l’ANAH.

2.   Les intercommunalités sont appelées à jouer un rôle central dans l’accompagnement des ménages pour leurs démarches de rénovation

Au fond, il ressort des Rencontres de la délégation que la montée en puissance des travaux d’amélioration de l’habitat dépend étroitement de la capacité des pouvoirs publics à faire connaître les dispositifs d’accompagnement et à les accompagner dans leurs démarches.

Sur ce point, la décision de la Défenseure des droits précitée du 14 octobre 2022 montre qu’il y a encore des progrès à faire. Il y est mentionné, notamment que « tant les réclamations adressées que les réclamants contactés par l’institution témoignent des difficultés à obtenir un interlocuteur et, lorsque les usagers y parviennent, déplorent la disparité des réponses apportées, faute d’interlocuteur unique. ([100]) »

Un sondage réalisé en 2021 par l’institut Ipsos à la demande du ministère de la transition écologique et solidaire montrait que, si 87 % des personnes interrogées ayant bénéficié de MaPrimeRénov’ portaient un regard positif sur le montant de l’aide perçue, 23 % n’étaient pas satisfaites des démarches accomplies en ligne. Par ailleurs, 36 % de ces personnes avaient eu connaissance du dispositif par l’intermédiaire d’un artisan et non d’un circuit officiel ([101]).

Un « service public » de la « performance énergétique de l’habitat » avait été pourtant mis en place par l’article L. 232-1 du code de l’énergie en 2013 ([102]). Différents guichets d’information avaient alors été progressivement mis en place soit au niveau de l’ANAH ([103]), soit au travers du réseau « Faciliter, accompagner et informer pour la rénovation énergétique » (FAIRE) géré par le réseau SARE ([104]), lui‑même co-piloté par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et les régions. Dans la lignée de la loi « Climat et résilience », le Gouvernement a décidé de simplifier et de développer le dispositif d’information en fusionnant le FAIRE et les PRIS au sein du réseau « France Rénov’ ».

La montée en puissance de France Rénov’

Dans sa rédaction issue de l’article 164 de la loi « Climat et résilience », l’article L. 232‑1 du code de l’énergie fixe clairement au service public de la performance énergétique de l’habitat un objectif d’accroissement du nombre de projets de rénovation. Par ailleurs, il favorise « l'animation d'un réseau de professionnels et d'acteurs locaux et la mise en place d'actions facilitant la montée en compétences des professionnels. »

Concrètement, le réseau d’information et d’accompagnement consiste à créer avec les collectivités partenaires, le plus souvent en collaboration avec la région, des « espaces France Rénov’ » où un ménage pourra obtenir des informations sur les aides disponibles et être orienté, le cas échéant, vers un professionnel qualifié (Mon Accompagnateur Rénov’).

La plupart des espaces France Rénov’ sont situées dans un EPCI. À Bordeaux, par exemple, c’est la Métropole qui a mis en place la plateforme d’information « Marénov ». L’objectif du Gouvernement, réaffirmé en mai dernier, est de parvenir à un guichet France Rénov’ par intercommunalité au plus tard en 2025. Lors des Rencontres de la délégation, Mme Mancret-Taylor a indiqué qu’il y avait aujourd’hui 550 guichets ouverts en France contre 300 seulement en 2021.

La gouvernance du dispositif progresse, mais elle est encore loin d’être optimale : compte tenu du nombre d’EPCI en France (1 248), cela signifie qu’avec 500 guichets, moins d’un territoire sur deux est couvert.

L’existence d’initiatives purement locales, telles que le dispositif « Morbihan solidarité énergie » évoqué par Mme Perrault pour son département ([105]), prouve que le service public de la performance énergétique de l’habitat a encore du mal à se déployer.

Interrogés lors des Rencontres sur la façon dont ils perçoivent l’ensemble du dispositif, les élus locaux sont désireux de s’investir dans l’accompagnement des ménages, mais à deux conditions :

– ils souhaitent être considérés comme de véritables partenaires de l’ANAH et non comme des « sous-traitants » pour reprendre les termes utilisés lors de la table ronde n° 2 par M. Michel Bisson, président de la communauté d’agglomération de Grand Paris Sud ;

– ils ne veulent pas pour autant être démunis face à aux demandes des particuliers. Comme l’a illustré Mme Hessamfar au travers de deux exemples de projets de rénovation ([106]), les solutions sont souvent complexes et nécessitent des compétences particulières. L’AMF en a ainsi appelé au renforcement des capacités d’ingénierie dans les intercommunalités appelées à prendre en charge un espace France Rénov’.

Là encore, la question des moyens financiers alloués aux EPCI est de nouveau posée. À cet égard, Mme Mancret-Taylor a rappelé qu’il s’agissait de permettre l’émergence d’un véritable « métier » d’accompagnateur.

 

 

 

 

 

 

 


  1  

   EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du 11 octobre 2023 à 13 heures 30, la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a examiné le présent rapport et en a autorisé la publication.

Le compte rendu de cette réunion peut être consulté en ligne, sur le site de l’Assemblée nationale :

https://assnat.fr/M9m6vG

 

 

 

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  1  

   LISTE DES INTERVENANTS

Commission des affaires économiques

– M. Guillaume Kasbarian, député d’Eure-et-Loir, président de la commission des affaires économiques

Ministère de la ville et du logement

               M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Table ronde n° 1 :

– Mme Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH)

– M. Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers de France (FPI)

– M. Bruno Arcadipane, président d’Action Logement Groupe

– Mme Catherine Sabbah, déléguée générale de l’Institut des hautes études pour l’action dans le logement (IDHEAL)

Table ronde n° 2 :

– Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH)

– M. Jean-Pascal Chirat, délégué général du Club de l’amélioration de l’habitat (CAH)

– M. Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM)

– Mme Marjan Hessamfar, vice-présidente du Conseil national de l’ordre des architectes

Association des maires et présidents d’intercommunalité de France (AMF)

– Mme Agnès Thouvenot, première adjointe au maire de Villeurbanne 

France Urbaine

– M. Michel Bisson, président de la communauté d’agglomération de Grand Paris Sud

– M. Emmanuel Heyraud, délégué adjoint

Assemblée des départements de France (ADF)

– Mme Soizic Perrault, vice-présidente du conseil départemental du Morbihan

 

 


([1]) « Restaurer la cohérence de la politique du logement en l’adaptant aux nouveaux défis » (Les enjeux structurels pour la France - novembre 2021).

([2]) Données de l’Union sociale pour l’habitat (USH).

([3]) L’état du mal-logement en France en 2021 (rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre n° 26 - mars 2021).

([4]) Données de l’USH et de la Fondation Abbé Pierre.

([5]) Le principe d’une telle dérogation est fixé par la loi (art. L. 152-5-2 du code de l’urbanisme).

([6]) Respectivement prévus aux articles L. 345-2-2 et L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles.

([7]) Plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi).

([8]) L’article 65 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi ALUR) a créé un dispositif spécifique de traitement des difficultés des copropriétés dégradées sous la forme d’opérations de requalification des copropriétés dégradées (ORCoD), qui peuvent être déclarées, le cas échéant, d’intérêt national (IN).

([9]) La territorialisation de l’offre de logement (TOL) est apparue à l’article premier de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris qui prévoyait un objectif de construction de 70 000 logements nouveaux chaque année en Ile-de-France, « géographiquement et socialement adaptés » et « contribuant à la maîtrise de l’étalement urbain ». La TOL a été remplacée par le SRADDET.

([10]) Instauré par l’article 10 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRé), le SRADDET est un document de planification qui, à l’échelle régionale, précise la stratégie, les objectifs et les règles fixés par la Région dans plusieurs domaines de l’aménagement du territoire, dont l’habitat.

([11]) L’article 177 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 prévoit la compensation aux collectivités de l’exonération de TFPB de longue durée dont bénéficient les logements sociaux, pour les opérations agréées entre le 1er janvier 2021 et le 30 juin 2026, pendant les dix premières années de cette exonération.

([12]) L'objectif principal de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (DALO) est de garantir le droit à un logement à toute personne qui, résidant en France de façon stable et régulière, n'est pas en mesure d'accéder à un logement décent ou de s'y maintenir.

([13]) La liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) est fixée par décret (article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine).

([14]) Observatoire de l’habitat et des villes - juin 2023.

([15]) Annemasse, Auch, Bastia, Beauvais, Cambrai, Cherbourg-en-Cotentin, Draguignan, Dunkerque, Les Sables-d’Olonne, Libourne, Lisieux, Lyon, Meaux, Millau, Montpellier, Nevers, Pontarlier, Rennes, Saint‑Dié‑des‑Vosges, Saint-Dizier et Saint-Étienne.

([16]) Territoires de la non-production - octobre 2022.

([17]) Répartition du territoire national selon les tensions entre l’offre et la demande de logements.

([18]) À titre d’exemple, une part non négligeable (11 %) des agglomérations situées en zone B2 (peu tendue) affichent un dynamisme de construction équivalent à celui des zones tendues : Béziers, Brest, etc..

([19]) Dispositif « Méhaignerie » en 1984, « Périssol » en 1996, « Besson » en 1999, « De Robien » en 2003, « Borloo » en 2006, « Scellier » en 2009, « Duflot » en 2013 et « Pinel » en 2014.

([20]) Au travers de conventions de délégation prévues à l’article L. 301-5-1 du CCH.

([21]) Les logements du parc social ont désormais un loyer fixé en fonction de leur typologie (T1, T2…) et non de leur localisation, de leur ancienneté, de leur mode de financement ou encore de leur bailleur. Dispositif issu de l’article 81 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.

([22]) Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

([23]) Zéro artificialisation nette.

([24]) Article 126 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([25]) Insee Références – Édition 2022 – Fiche 7.3 – Dépenses de logement.

([26]) Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

([27]) Prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) et prêt locatif à usage social (PLUS) - cf. arrêté du 17 mars 1978 modifié.

([28]) Investissement locatif, prêt à taux zéro, etc.

([29]) Cf. table ronde n° 2.

([30]) Service d’accompagnement pour la rénovation énergétique, piloté par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) en partenariats avec les régions

([31]) Bail réel solidaire (BRS) mis en œuvre sur des terrains acquis par des organismes fonciers solidaires (OFS).

([32]) Proposition de loi n° 1176.

([33]) La Tribune - 9 juin 2023.

([34]) INSEE Focus n° 279 (9 novembre 2022).

([35]) Loi n° 77-1 du 3 janvier 1977 portant réforme de l’aide au logement.

([36]) Régions pour les SRADDET, intercommunalité pour les SCOT, les PLH et éventuellement les PLUi, maires pour les PLU.

([37]) Proposition de loi n° 853 portant mesures d’urgence pour lutter contre la spéculation locative et favoriser l’accès au logement dans les territoires en tension, déposée le 14 février 2023.

([38]) Entre 2010 et 2015.

([39]) Co-living en anglais.

([40]) Art. L. 303-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH).

([41]) Art. R. 327-1 du CCH.

([42]) Art. L. 301-5-1 du CCH pour les EPCI et L. 301-5-2 du même code pour les départements.

([43]) Dispositif de subvention de travaux de rénovation globale par un propriétaire occupant aux revenus modestes (se substitue à un ancien dispositif dénommé « Habiter Mieux »).

([44]) Dispositif de subvention de travaux de rénovation effectués dans les parties communes des copropriétés.

([45]) Communiqué du 17 mai 2023 : « Rénovation énergétique des bâtiments : les collectivités demandent plus de moyens, de prévisibilité et de confiance ».

([46]) Service public renforcé par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (art. L. 232-1 et suivants du code de l’énergie).

([47]) Pour 2 200 conseillers.

([48]) Sachant que le recours à un Accompagnateur Rénov’ est rendu obligatoire pour certains dispositifs d’aide (Loc’avantages, MaPrimeRénov’ Sérénité, etc.).

([49]) https://cah.fr/download-category/etudes-du-cah/

([50]) Il s’agit de territoires où la délégation des aides à la pierre de l’ANAH est développée.

([51]) Professionnels bénéficiant d’un label Reconnu garant de l’environnement (RGE) et, à ce titre, éligibles au statut de Mon Accompagnateur Rénov’.

([52]) Notamment les échéances d’application de l’interdiction de mise en location des logements à mauvais diagnostic de performance énergétique (DPE) : 2025 (G), 2028 (F) et 2034 (E).

([53]) Autrefois dénommée Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat. L’ANAH succède au Fonds national d’amélioration de l’habitat mis en place en 1945.

([54]) Décret n° 80-217 du 20 mars 1980 portant code des devoirs professionnels des architectes.

([55]) Appels à projets gérés par le Plan urbanisme construction architecture (PUCA), service interministériel rattaché aux ministères de la transition écologique et de la cohésion des territoires, de la Culture et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.

([56]) « Co-living » en anglais (cf. supra).

([57]) Démarche de rénovation née aux Pays-Bas.

([58]) Le « 1 % logement » créé en 1953.

([59]) Rapport à la Première ministre : Les incidences économiques de l’action pour le climat (mai 2023).

([60]) La valeur de l’action pour le climat (France Stratégie - 18 février 2019). Le rapport proposait un seuil à 250 euros par tonne de dioxyde de carbone évitée pour juger de la pertinence d’une action de rénovation thermique des bâtiments.

([61]) Système de prêts mis en place par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte pour financer des travaux de rénovation énergétique.

([62]) Service d’accompagnement pour la rénovation énergétique, piloté par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) en partenariat avec les régions.

([63]) Le financement actuel s’articule autour des certificats d’économies d’énergie (C2E).

([64]) Les crises du logement (PUF - 2018) - Jean-Claude Driant et Pierre Madec.

([65]) Commission pour la relance durable de la production de logements (tome I - 22 septembre 2021).

([66]) Rapport précité (page 2).

([67]) Service rattaché à la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) au sein du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

([68]) Appartenance aux trois premiers déciles et taux d’effort supérieur à 40 % (page 3 du rapport).

([69]) Indice des prix des logements neufs (corrigés des variations saisonnières) - INSEE.

([70]) Sur la même période, les prix dans l’ancien progressent de 117 %.

([71]) Article 126 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([72]) Art. 191 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

([73]) Rapport précité (tome I) - page 12.

([74]) Les conditions d’acceptabilité de la densification urbaine (CEREMA - 2021).

([75]) Formule prononcée par M. Pierre Billotte, maire de Créteil battu aux élections de 1977.

([76]) « 80 % des logements de 2050 existent déjà » (Thierry Repentin, président de l’Agence nationale de l’habitat).

([77]) Selon la Fédération française du bâtiment.

([78]) Proposition SL1.1.

([79]) Interview de M. Jean-François Morineau (BNP Paribas) par les Échos (21 novembre 2022).

([80]) Art. R. 421-32 du CCH.

([81]) Art. L. 421-6 du CCH.

([82]) Au sein des commissions d’attribution mentionnées à l’article L. 441-2 du CCH.

([83]) Art. L. 153-8 du code de l’urbanisme.

([84]) Dispositif « Méhaignerie » en 1984, « Périssol » en 1996, « Besson » en 1999, « De Robien » en 2003, « Borloo » en 2006, « Scellier » en 2009, « Duflot » en 2013 et « Pinel » en 2014.

([85]) Art. 199 novovicies du code général des impôts.

([86]) Art. 199 tricies du code général des impôts.

([87]) Cf. table ronde n° 1 (page 26).

([88]) Taxe remplacée par une « contribution sur les revenus locatifs » en 2001, elle-même restreinte à quelques personnes morales par la loi de finances pour 2006.

([89]) Cf. table ronde n° 1 (page 27).

([90]) Rapport du CNR Logement (groupe de travail n° 2) - page 16.

([91]) Données calculées par la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) le 19 janvier 2023.

([92]) On rappellera que le produit de la taxe avait chuté de 26 % entre 2008 (7,2 milliards d’euros) et 2009 (5,3 milliards d’euros).

([93]) Référé n° S2020-2052.

([94]) Codifié à l’article L. 301-5-1-3 du code de la construction et de l’habitation (CCH).

([95]) Programme local de l’habitat (PLH) et plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi).

([96]) Cf. table ronde n° 1 (page 27).

([97]) Chiffres-clefs - ANAH - Données 2022.

([98]) Interco Direct n° 1086 (avril 2023).

([99]) Cf. page 31 supra.

([100]) Décision n° 2022-199 (page 6).

([101]) L’opinion des usagers sur le dispositif MaPrimeRénov’ (vague 2 - mai 2021).

([102]) Loi n° 2013-312 du 15 avril 2013.

([103]) Points rénovation information service (PRIS).

([104]) Service d’accompagnement à la rénovation énergétique.

([105]) Cf. table ronde n° 2 (page 48).

([106]) Cf. table ronde n° 2 (pages 45 et 46).