N° 1722

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur la révision des règles budgétaires du Pacte de stabilité et de croissance,

 

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Alexandre HOLROYD ET Mme Marietta KARAMANLI,

Députés

——

 

  1.     La composition de la commission figure au verso de la présente page.

 


 

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Pierre-Henri DUMONT, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Frédéric PETIT, Charles SITZENSTUHL, vice-présidents ; M. Henri ALFANDARI, Mmes Louise MOREL, Nathalie OZIOL, Sandra REGOL secrétaires ; MM. Gabriel AMARD, Rodrigo ARENAS, Pierrick BERTELOOT, M. Manuel BOMPARD, Mme Pascale BOYER, MM. Stéphane BUCHOU, André CHASSAIGNE, Mmes Sophia CHIKIROU, Annick COUSIN, Laurence CRISTOL, MM. Thibaut FRANÇOIS, Guillaume GAROT, Mmes Félicie GÉRARD, Perrine GOULET, MM. Benjamin HADDAD, Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Philippe JUVIN, Mmes Brigitte KLINKERT, Julie LAERNOES, Constance LE GRIP, Nicole LE PEIH, M. Denis MASSÉGLIA, Mmes Joëlle MÉLIN, Yaël MENACHE, M. Thomas MÉNAGÉ, Mmes Lysiane MÉTAYER, Danièle OBONO, Anna PIC, M. Christophe PLASSARD, MM. Jean-Pierre PONT, Alexandre SABATOU, Nicolas SANSU, Vincent SEITLINGER, Mmes Michèle TABAROT, Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA.

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

I. DES RÈGLES BUDGÉTAIRES COMMUNES NÉCESSAIRES MAIS LARGEMENT INADAPTÉES

A. LA CRÉATION DE LA ZONE EURO S’EST ACCOMPAGNÉE DE L’ÉTABLISSEMENT DE RÈGLES POLITIQUES BUDGÉTAIRES COMMUNES

1. Un impératif pour limiter les déséquilibres au sein de l’union monétaire

2. Une volonté initiale d’assurer une convergence économique qui a largement échoué

3. Un contrepoids à la solidarité implicite à l’union monétaire, la question de « l’aléa moral »

4. La justification économique des seuils de 3 % et de 60 % du Pacte de stabilité et de croissance

B. UN CADRE EN ÉVOLUTION PERMANENTE

1. Des évolutions répétées pour corriger les limites du cadre initial

a. La réforme de 2005 et l’introduction d’un « objectif de moyen terme »

b. Le « Six-Pack » de 2011

c. Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de 2012

d. Le « Two-Pack » de 2013

2. Des seuils souvent dépassés malgré une harmonisation graduelle des méthodes de pilotage des finances publiques

a. L’introduction bienvenue d’une vision et d’un pilotage « toutes APU »

b. Par leur simple existence, les règles budgétaires européennes ont incité les États à surveiller davantage la situation de leurs finances publiques

C. DeS INSUFFISANCES PERSISTANTES MALGRÉ DES ÉVOLUTIONS

1. La procyclicité des règles : un défaut majeur que les diverses clauses échappatoires n’ont pas permis de pallier

2. Bien que motivées par un souci d’amélioration, les révisions répétées ont conduit à l’établissement d’un corpus de règles de plus en plus complexe

3. Des règles qui agissent comme des freins à l’investissement, dans un contexte où les investissements publics sont pourtant plus que jamais nécessaires

4. Les règles se sont surtout avérées inefficaces puisqu’elles n’ont pas permis d’enrayer la divergence intra-zone euro

5. Des carences mises en lumière par l’épidémie de COVID 19

a. L’activation pour la première fois en 2020 de la clause de suspension générale

b. Les ratios de dette publique de certains États membres rendent désormais le retour aux règles actuelles inenvisageable

II. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION POUR DES RÈGLES PLUS SIMPLES, PLUS EFFICACES ET DESTINÉES À MIEUX PRENDRE EN CONSIDÉRATION LES CARACTÉRISTIQUES DE CHACUN DES ÉTATS MEMBRES

A. UNE RÉFORME PENSÉE À TRAITÉS INCHANGÉS

1. Un choix dicté par un souci de parvenir à une réforme effective des règles budgétaires européennes

2. Une conséquence majeure : le maintien des seuils de déficit et de dette publics à respectivement 3 % et 60 % du PIB

B. UNE REFONTE TOTALE DES RÈGLES BUDGÉTAIRES QUI PREND ACTE DE LA DISPARITÉ DES SITUATIONS DES FINANCES PUBLIQUES NATIONALES AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE

1. La présentation de plans budgétaires structurels par les États au cœur du nouveau cadre de gouvernance

a. Des plans à moyen terme qui permettent d’inscrire la réduction de la dette publique dans un horizon de temps plus cohérent

i. La prise en compte des réformes structurelles et des investissements

ii. Des trajectoires pouvant s’étaler sur une période allant jusqu’à dix-sept ans

b. La prise en compte des particularités propres à chaque État

i. L’abandon de la règle dite du 1/20e : la fin d’un critère exclusivement quantitatif, mais qui fait place à d’autres

ii. Des trajectoires différenciées et des possibilités d’ajustement du calendrier

c. Une meilleure appropriation par les États

2. Un indicateur unique sous la forme d’une règle en dépenses

a. Une volonté de simplifier le cadre de gouvernance économique…

b. … et de ne plus s’appuyer sur des indicateurs difficilement observables

3. Des sanctions rénovées afin de les rendre plus crédibles et plus efficaces

C. UNE PROPOSITION DE RÉFORME ATTENDUE ACCUEILLIE DE FAÇON CONTRASTÉE PAR LES ÉTATS MEMBRES

1. Un relatif consensus parmi les Vingt-sept pour voir les règles actuelles réformées…

2. … mais à des fins différentes

a. Aux États membres favorables à des règles qui prennent en compte la situation de chacun…

b. S’opposent à ceux qui, par souci d’équité, privilégient, dans la lignée du cadre actuel, des règles communes avec des objectifs minimaux communs

() Op-ed by German Finance Minister Christian Lindner and other European finance Ministers on the reform of Europe’s fiscal rules, Die Welt, 15 juin 2023.

3. Des implications importantes pour les institutions budgétaires indépendantes des États membres

III. LA POSITION DES RAPPORTEURS : UNE RÉFORME NÉCESSAIRE MAIS DONT LES CONTOURS MÉRITENT D’ÊTRE PRÉCISÉS ET DONT CERTAINS POINTS DEVRONT FAIRE L’OBJET D’UNE VIGILANCE PARTICULIÈRE AU COURS DES NÉGOCIATIONS À VENIR

A. DES INTENTIONS LOUABLES MAIS DES DOUTES SUR LA CAPACITÉ VÉRITABLE DES FUTURES RÈGLES À ATTEINDRE LES OBJECTIFS IDENTIFIÉS

1. Le maintien d’un indicateur numéraire idéologique et décorrélé du réel

2. Une simplification de l’objectif louable mais basé sur des choix méthodologiques aussi complexes que volatiles – le DSA.

3. Des incertitudes en ce qui concerne la capacité du nouveau cadre à s’articuler avec le calendrier des échéances démocratiques nationales

4. Des doutes quant à la capacité réelle des nouvelles règles de permettre les investissements publics dont l’Europe a besoin

5. Un risque que la publicité de la classification par la Commission des États en fonction de la soutenabilité supposée de leur dette publique les expose sur les marchés financiers

6. Des positions d’États membres extrêmement divergentes laissant présager d’âpres négociations et des difficultés de trouver un consensus politique dans les temps.

B. RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS

1. La nécessité d’une plus grande transparence du gouvernement et de l’administration vis-à-vis de l’Assemblée nationale

a. Une communication insuffisante par le Gouvernement des documents sur lesquels se basent les négociations au niveau européen

b. La nécessité de disposer d’économistes capables d’éclairer les parlementaires sur des modèles techniques impossibles à appréhender sans cela

2. La question du calendrier : ne pas sacrifier le fonds à la volonté de conclure rapidement… tout en ayant conscience du danger de ne rien changer

3. Ancrer la position française dans la réalité économique en refusant l’ajout d’objectif numéraire dénué de rationnel socio-économique

4. Un sujet dont doit s’emparer le Parlement tant les règles européennes encadrent les choix politiques nationaux

a. Organiser un débat à l’Assemblée nationale sur la réforme des règles budgétaires européennes

b. Réformer la LOLF de façon à y regrouper toutes les règles qui définissent et régissent les activités du HCFP si les dispositions relatives aux IBI étaient adoptées

5. Un dispositif qui doit être réactif pour pouvoir prendre en compte rapidement les difficultés qui pourraient survenir et permettre les ajustements nécessaires pour y répondre

6. Exclure du calcul des différents seuils certaines dépenses d’investissements (Marietta Karamanli)

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe  1 : Liste des personnes auditionnÉes par les rapporteurs

Annexe  2 : LETTRE DES RAPPORTEURS À L’ADRESSE DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DU TRÉSOR

 


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   Introduction

 

Mesdames, Messieurs,

Les règles budgétaires européennes, communément désignées sous l’expression de « critères de Maastricht » – les fameux 3 % et 60 % du PIB à ne pas dépasser respectivement pour le déficit et la dette publics – ont toujours fait l’objet de critiques, qu’il s’agisse de contester leurs fondements économiques ou leur rigidité. Au cours du temps et à mesure que les États membres faisaient l’expérience de ces règles, leurs défauts ont été mis en évidence : procyclicité, manque de lisibilité, sanctions trop peu crédibles nuisant à l’effectivité du cadre global, restriction des investissements, etc.

Consciente de ces défauts, la Commission européenne a présenté le 26 avril 2023 un paquet de propositions législatives composé de deux règlements et d’une directive destinées à réformer les règles budgétaires européennes, suspendues depuis la crise du Covid-19. L’objectif de la Commission est de proposer un cadre de gouvernance plus simple, plus efficace, qui repose sur une plus grande appropriation par les États membres et dont les règles permettent une différenciation des exigences formulées pour tenir compte des spécificités nationales.

Les rapporteurs considèrent que la proposition de réforme dévoilée par la Commission est pertinente et s’inscrit dans la bonne direction, en particulier les modalités pensées pour accroître la prise en compte du temps long et des différences entre les situations économiques nationales.

Toutefois, les rapporteurs doutent de la capacité des futures règles à atteindre les objectifs identifiés. Ils s’inquiètent principalement de la présence d’un critère d’ajustement commun du déficit public qui s’inscrit en contradiction totale avec l’esprit qui a présidé à la volonté de réformer les règles budgétaires, à savoir ne pas appliquer à des situations différentes des trajectoires identiques. C’est la raison pour laquelle les rapporteurs formulent différentes recommandations pour revenir aux fondamentaux de la réforme et corriger certains aspects du cadre proposé qu’ils estiment perfectibles.

Ce rapport est aussi l’occasion pour les rapporteurs de formuler des recommandations sur les relations entre le Gouvernement et le Parlement et l’organisation de l’Assemblée nationale. Au cours de leurs travaux, les rapporteurs ont en effet été confrontés à des pratiques injustifiables qu’ils estiment pertinent de corriger afin de renforcer le contrôle de la représentation nationale sur les questions européennes.

I.   DES RÈGLES BUDGÉTAIRES COMMUNES NÉCESSAIRES MAIS LARGEMENT INADAPTÉES

A.   LA CRÉATION DE LA ZONE EURO S’EST ACCOMPAGNÉE DE L’ÉTABLISSEMENT DE RÈGLES POLITIQUES BUDGÉTAIRES COMMUNES

Communément désignées sous l’expression de « critères de Maastricht », les règles budgétaires européennes trouvent leur origine dans l’article 104 C du Traité sur l’Union européenne de 1992, qui disposait que les États membres devaient éviter les déficits publics excessifs et que la Commission examinait le respect de la discipline budgétaire sur la base de deux critères : le rapport entre le déficit public et le Produit intérieur brut (PIB) et le rapport entre la dette publique et le PIB. Le protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs a fixé ces ratios à respectivement 3 % et 60 %. Ces règles ont par la suite été reprises dans les textes actuellement en vigueur, à l’article 126 et dans le protocole n° 12 (sur la procédure concernant les déficits excessifs) du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

1.   Un impératif pour limiter les déséquilibres au sein de l’union monétaire

La création de l’euro est le fruit d’un constat partagé : l’instauration d’une monnaie commune à plusieurs États offrait à ces États plusieurs avantages par rapport à la situation de coexistence de leurs monnaies nationales. L’adoption des règles budgétaires européennes devait permettre de concourir à la préservation de certains de ces avantages. Si tous les bénéfices dus à l’instauration de l’euro ne sont pas tributaires du respect des règles budgétaires – comme la compétitivité accrue des entreprises, en raison par exemple de la suppression des frais de change ou l’approfondissement du marché unique –, certains le sont en effet directement.

L’euro a ainsi permis de réduire considérablement les risques de fluctuation des taux de changes, et les conséquences délétères associées, auxquels étaient confrontés les États européens depuis la fin du système de Bretton Woods au début des années 1970. Un des effets directs de cette stabilité plus grande a été la confiance renforcée dans la monnaie européenne – en tout cas pour un très grand nombre de pays – et, in fine, un coût du financement plus bas. La mise en place des règles budgétaires, et leur respect, devait permettre de garantir ces bénéfices. En effet, une hausse trop sensible de l’endettement de la zone euro conduirait à la fois à une dépréciation de la monnaie et à une hausse du coût d’emprunt pour les États membres. Par ailleurs, en contribuant à la stabilité de l’euro, les règles budgétaires doivent permettre aux États européens qui partagent la monnaie unique de peser davantage sur la scène mondiale. Comme le soulignait le Rapport Delors ([1]) de 1989 : « Une monnaie unique, à condition que sa stabilité soit assurée, aurait aussi par rapport aux autres grandes monnaies un poids beaucoup plus grand que celui d'une monnaie individuelle d'un pays de la Communauté. »

En outre, les règles budgétaires européennes ont été adoptées pour éviter la dominance budgétaire. Elle correspond à une situation dans laquelle la politique monétaire est contrainte par la politique budgétaire et ne peut plus suivre les objectifs qui lui sont normalement assignés ([2]). En Europe, le mandat de la Banque centrale européenne (BCE) est de garantir la stabilité des prix ([3]). Or, un endettement excessif des États membres pourrait conduire la BCE, y compris en période d’inflation, à maintenir des taux d’intérêts bas pour permettre d’assurer la soutenabilité de la dette publique des États alors même qu’une inflation supérieure à l’objectif fixé supposerait l’inverse. Dans ce contexte, les règles budgétaires européennes doivent permettre d’éviter cette situation et de préserver l’indépendance des décisions de la BCE, prévue par les traités.

2.   Une volonté initiale d’assurer une convergence économique qui a largement échoué

Les seuils de 3 % et de 60 % sont souvent regroupés sous l’appellation de « critères de Maastricht » ([4]) ou « critères de convergence ». Comme leur nom l’indique, ces deux seuils, aux côtés d’autres critères, ont vocation à contribuer à la convergence économique au sein de l’Union économique et monétaire. Ces critères, fondés sur des indicateurs économiques, sont autant de conditions que doivent respecter les pays qui souhaitent rejoindre l’UEM, l’objectif étant de supprimer les déséquilibres macroéconomiques entre les États qui partagent l’euro. Au total, cinq critères sont définis à l’article 140 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne :

     le taux d’inflation, qui ne doit pas dépasser de plus de 1,5 % la moyenne de ceux des trois États membres présentant les taux d’inflation les plus bas ;

     le déficit public, qui ne doit pas dépasser 3 % du produit intérieur brut ;

     la dette publique, qui ne doit pas dépasser les 60 % du produit intérieur brut ;

     le taux de change : l'État candidat doit avoir participé au mécanisme de taux de change du système monétaire européen (SME) sans discontinuer pendant les deux années précédant l'examen de sa situation, sans connaître de tensions graves ;

     les taux d’intérêt à long terme, qui ne doivent pas excéder de plus de 2 % ceux des trois États membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix.

Les règles budgétaires constituent donc deux de ces cinq critères visant à tendre vers la convergence au sein de la zone euro.

3.   Un contrepoids à la solidarité implicite à l’union monétaire, la question de « l’aléa moral »

En tout état de cause, la justification centrale des règles budgétaires reste de pallier les situations d’aléa moral et les comportements de passager clandestin ([5]) que favorise l’union monétaire. L’aléa moral consiste dans le fait qu’un agent économique assuré contre un risque peut se comporter de manière plus risquée que s’il était pleinement exposé à ce même risque. Le passager clandestin désigne quant à lui un agent économique qui bénéfice d’un avantage résultant d’un effort collectif, tout en y contribuant peu, voire pas du tout. Dans les deux cas, sans règles budgétaires, de telles situations seraient susceptibles d’être constatées davantage dans la zone euro.

En effet, quand un État ne se trouve pas dans une union monétaire, s'il mène une politique laxiste en matière de finances publiques dans laquelle des déficits publics élevés conduisent à un accroissement de la dette publique, il sera sanctionné par les marchés obligataires. Concrètement, les taux d’intérêt d’emprunt augmenteront pour ce pays, alourdissant la charge de sa dette, ce qui, en retour, devrait l’inciter à réduire son déficit public. À l’inverse, quand un État se trouve dans une union monétaire, ce mécanisme de rappel n’agit plus, ou alors beaucoup moins. Le partage d’une même monnaie conduit à une réduction des écarts de taux d’intérêt entre les économies vertueuses en matière de finances publiques et les économies qui le sont moins. Dès lors, si un État dégrade excessivement son solde budgétaire, cette action est « noyée » dans toutes celles des États membres de l’union monétaire et les taux d’intérêt d’emprunt de l’État le moins rigoureux n’augmentent pas dans une proportion identique à celle qu’il aurait connue hors union monétaire ; il bénéficie du sérieux des efforts de tous les autres États de l’union monétaire et de la garantie apportée par l’appartenance à l’union monétaire ([6]). Les créanciers considèrent en effet que la solidarité entre pays qui partagent la même monnaie est indéfectible : si l’État d’un pays membre se trouve en difficulté, il pourra profiter du concours des autres.

Il s’agit donc, par l’adoption de règles budgétaires, de prévenir les externalités négatives, c’est-à-dire les conséquences dommageables pour les membres qui partagent l’euro du comportement d’un des pays.

4.   La justification économique des seuils de 3 % et de 60 % du Pacte de stabilité et de croissance

Les seuils de 3 % de déficit public et de 60 % de dette publique sont souvent critiqués en raison de leur absence supposée de justification économique. En réalité, l’adoption de ces deux seuils a procédé d’un calcul reposant sur quatre indicateurs :

     La croissance économique

     L’inflation

     Le déficit public

     La dette publique

Le seuil de 3 % de déficit public correspond au seuil stabilisant la dette publique à 60 % du PIB si la croissance économique réelle est de 3 % et l’inflation est de 2 %. Autrement dit, si le montant de la dette d’un pays représente 60 % de son PIB, avec une croissance nominale du PIB de 5 %, un déficit public de 3 % conduira la dette à rester stable.

Toutefois, à l’époque où ces seuils ont été décidés, la situation économique des États européens était radicalement différente de celle d’aujourd’hui. À titre d’exemple, en 1991, à la veille du Traité de Maastricht, la dette publique française était égale à 36,1 % du PIB. De même, le taux de croissance annuel moyen de 1981 à 1990 était en France de 2,5 %.

DETTE PUBLIQUE DE TROIS ÉTATS MEMBRES SUR LA PÉRIODE 1989-1991
(en pourcentage du PIB)

 

 

1989

1990

1991

France

 

34,4

35,6

36,4

Allemagne ([7])

 

40,1

41

39,5

Espagne

 

41,0

42,5

43,1

TAUX DE CROISSANCE DU PIB SUR LA PÉRIODE 1989-1991 (en pourcentage du PIB)

 

 

1989

1990

1991

France

 

4,3

2,9

1,0

Allemagne

 

3,9

5,3

5,1

Espagne

 

4,8

3,8

2,5

B.   UN CADRE EN ÉVOLUTION PERMANENTE

Largement critiquées pour leur caractère inadapté à la lumière des crises successives récentes, les règles budgétaires ont été progressivement réformées, à traités inchangés, afin d’étendre les marges de manœuvre en cas de chocs macroéconomiques et d’être assorties de dispositions spécifiques visant à autoriser les États membres à être exemptés des critères de convergence dans certaines conditions.

1.   Des évolutions répétées pour corriger les limites du cadre initial

a.   La réforme de 2005 et l’introduction d’un « objectif de moyen terme »

La première révision du pacte de stabilité et de croissance intervient en 2005, deux ans après le déclenchement d’une « procédure pour déficit excessif » (PDE) à l’encontre, notamment, de la France et de l’Allemagne, qui tendaient à s’affranchir durablement du seuil des 3 % ([8]). Saisi par la Commission européenne, le Conseil avait finalement rejeté la recommandation de cette dernière de mise en demeure des deux principales puissances économiques de l’Union européenne. À l’application automatique des sanctions prévues dans les textes, le Conseil a préféré une pratique plus souple. Cette décision a mis en lumière la faiblesse politique de ces règles de même que leur rigidité théorique, remettant en cause à la fois la crédibilité des dispositions en vigueur dans leur ensemble et le caractère trop procyclique des règles. De fait, les sanctions consacrées par le volet « correctif » du pacte n’ont à ce jour jamais été appliquées, tandis que le volet « préventif » était dénué de tout caractère contraignant.

Sur la base de ces constats, et afin de pallier l’insuffisante flexibilité préjudiciable à la croissance de long terme, de nouvelles « clauses de flexibilité » ont été ajoutées aux clauses préexistantes ([9]). Les dispositions prévues dans le volet « correctif » ont, en effet, été assouplies de manière à permettre à un État membre de s’affranchir du plafond de déficit public (inférieur à 3 % du PIB), sans pour autant engager la procédure pour déficit excessif.

Ainsi, un dépassement « exceptionnel et temporaire » est depuis 2005 accordé dans le cas où une situation de déficit procède de la mise en œuvre de « réformes structurelles majeures », portant sur les systèmes de santé et de retraite par exemple, d’investissements publics ou de tout autre « facteur pertinent » dans l’appréciation du respect de ces critères de convergence. En outre, un État membre en situation de récession, et non plus de seule récession « sévère », caractérisée par une diminution supérieure ou égale à 2 % du PIB, sera également autorisé à déroger aux seuils. Enfin, les délais de correction du déficit excessif peuvent être étendus au regard de la situation économique et budgétaire nationale.

Le volet « préventif » a également été revalorisé et précisé par l’introduction d’un objectif de moyen terme (OMT), exprimé en termes de solde budgétaire structurel. Cet indicateur, corrigé des variations cycliques de la conjoncture, traduit de façon plus précise les choix discrétionnaires des États membres. La composante « structurelle » du solde budgétaire permet alors une meilleure orientation de la politique budgétaire. En effet, isoler l’impact sur le solde public des fluctuations conjoncturelles et des dépenses exceptionnelles adoptées par les gouvernements pour y faire face permet d’identifier les besoins d’ajustement en conditions normales.

b.   Le « Six-Pack » de 2011

Entré en vigueur le 13 décembre 2011, le Six-pack est un paquet législatif composé de cinq règlements et d’une directive ([10]) qui révisent et modifient les règles du Pacte de stabilité et de croissance au lendemain de la crise des subprimes. Les politiques de relance mises en œuvre par les États membres pour contenir les répercussions de cette crise, qui avait conduit à une récession de 4,3 % au sein de l’Union européenne en 2009, ont en effet entraîné une augmentation drastique de leurs dettes publiques. Cet épisode a mis en lumière l’importance de privilégier des politiques budgétaires chargées d’assurer la soutenabilité des dettes publiques à long terme.

À cette fin, le caractère contraignant des volets « correctif » et « préventif » a été renforcé.

Le Six-Pack a révisé le volet « correctif » s’appliquant aux États membres en situation de déficit. En ce qui concerne son déclenchement, le seuil de 3 % de déficit public a été complété par un critère progressif fondé sur la dette publique. De cette façon, la limite d’endettement acceptable devait être effectivement appliquée et tout État membre affichant une dette excédant 60 % du PIB est enjoint de réduire annuellement d’un vingtième l’écart entre le niveau d’endettement observé en moyenne sur les trois dernières années et le seuil de référence des 60 %.

Une autre innovation majeure réside dans l’extension des sanctions au volet « préventif » et à la phase du volet « correctif » précédant la mise en demeure. Par ailleurs, ces dernières sont désormais décidées à la majorité qualifiée inversée, ce qui signifie qu’un État membre ne peut s’opposer à une recommandation de sanction de la Commission que s’il réunit une majorité qualifiée d’États au Conseil en faveur du rejet de cette recommandation. Cela permet de restreindre considérablement les risques de blocage au Conseil et rend l’application des règles plus automatique. Le durcissement du mécanisme d’application des sanctions s’inscrit donc dans une logique davantage dissuasive, dans le cas où les États membres impliqués dans une procédure de déficit excessif – 23 sur 27 au moment de la promulgation du Six-Pack –, ne se conformeraient pas aux recommandations formulées par le Conseil.

En outre, une « clause dérogatoire générale » permettant de suspendre l’application de ces règles « de manière coordonnée et ordonnée » a été intégrée, en complément de la « clause de circonstance exceptionnelle », afin de permettre de mieux s’adapter à un brutal retournement de conjoncture.

Enfin, le Six-Pack institue le « semestre européen » - conçu comme un exercice annuel de coordination des politiques économiques, budgétaires, sociales et de l’emploi au sein de l’Union européenne. Les politiques macro-économiques et budgétaires des États membres sont ainsi coordonnées par l’articulation des calendriers nationaux et européens.

c.   Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de 2012

Signé le 2 mars 2012, le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) fait office de véritable « pacte budgétaire européen ». Par sa ratification, les États membres de l’Union européenne – à l’exception du Royaume-Uni et de la République tchèque – ont marqué leur volonté d’accroître la discipline budgétaire collective.

Le TSCG impose de remettre les finances publiques au centre des préoccupations et de rendre les règles plus effectives. Il reprend, en effet, les règles fondées sur la dette et le solde structurel, et inscrit formellement l’objectif de moyen terme (OMT), introduit à l’occasion de la première réforme du pacte de stabilité et de croissance en 2005, dans un traité communautaire. L’objectif de moyen terme est désormais différencié en fonction du taux d’endettement. Si un pays affiche une dette supérieure à 60 % de son PIB, l’OMT doit être supérieur à -0,5 % du PIB, contre -1 % du PIB pour les États dont la dette est inférieure à 60 % du PIB. Un mécanisme d’alerte précoce a aussi été instauré, permettant à la Commission, en cas d’« écart significatif » par rapport aux objectifs à moyen terme, d’adresser à l’État membre un avertissement qui doit être entériné par le Conseil et peut être rendu public. Le traité introduit aussi un mécanisme de « correction automatique » prévoyant une modification du budget d’un État membre lorsque celui-ci s’écarte excessivement de la trajectoire d’ajustement.

Toutefois, la valeur ajoutée du TSCG reste moindre, dans la mesure où le traité prend appui sur la logique du Six-Pack ou prévoit des dispositions en passe d’être endossées dans le Two-Pack.

d.   Le « Two-Pack » de 2013

La crise des dettes souveraines de la zone euro a fait émerger une prise de conscience sur l’importance des effets de contagion au sein de la zone, la confiance mutuelle que les États membres s’accordaient ayant été considérablement ébranlée. Fort de ce constat, le Two-Pack est entré en vigueur le 30 mai 2013 dans l’objectif de renforcer le Six-Pack et de garantir encore davantage la soutenabilité des dettes publiques européennes.

Composé de deux règlements ([11]), le Two-pack doit permettre d’assurer la coordination des décisions nationales en vue de tendre vers une Union économique et monétaire plus intégrée et plus résiliente.

Le premier règlement resserre le contrôle et la surveillance économique et budgétaire des États membres de la zone euro dont la stabilité financière est menacée. À cette fin, il prévoit l’élaboration de processus de surveillance à l’adresse des pays faisant l’objet d’une surveillance renforcée, bénéficiant d’une assistance financière ou ceux dont le programme d’assistance financière vient de prendre fin.

Le second introduit des dispositions s’appliquant à tous les États. Il précise, à cet égard, l’évaluation des projets de plans budgétaires nationaux par la Commission. Cette dernière est désormais habilitée à transmettre des recommandations autonomes aux États présentant des déficits excessifs.

Le Two-Pack introduit, par ailleurs, un calendrier budgétaire commun dans le cadre du « semestre européen ». Le paquet législatif prévoit, en outre, des dispositions renforcées spécifiques en ce qui concerne le volet « correctif » du pacte de stabilité et de croissance.

Il astreint, en outre, les chefs d’État et de gouvernement à définir une trajectoire d’ajustement budgétaire conforme aux règles budgétaires européennes. En France, la cohérence entre la trajectoire retenue dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) et les valeurs de référence prévues dans le pacte de stabilité et de croissance fait l’objet d’une évaluation annuelle de la Commission. Enfin, les États membres de la zone euro doivent soumettre leur budget et les prévisions qui le sous-tendent à une « institution budgétaire indépendante » pour évaluation. En France, cette mission revient depuis 2012 au Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Plus précisément, le Haut Conseil a été chargé par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (LOPGFP) de veiller à la cohérence de la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques avec les engagements européens de la France, à la cohérence des objectifs annuels présentés dans les textes financiers avec les objectifs pluriannuels de finances publiques et au réalisme des prévisions macroéconomiques du Gouvernement. Pour cela, le HCFP est saisi de l’ensemble des textes relatifs aux finances publiques, sur lesquels il rend des avis publics pour les aspects qui le concernent. La loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a renforcé et complété son mandat. Le HCFP apprécie désormais également le réalisme des prévisions de finances publiques (recettes et dépenses) des textes financiers, le respect des objectifs de dépenses des administrations publiques au regard des orientations pluriannuelles définies dans la loi de programmation des finances publiques et la cohérence des projets de lois de programmation pluriannuelles concernant certains secteurs de l’action publique (défense et recherche, par exemple) avec les objectifs de dépenses publiques prévus par la loi de programmation des finances publiques en vigueur.

2.   Des seuils souvent dépassés malgré une harmonisation graduelle des méthodes de pilotage des finances publiques

a.   L’introduction bienvenue d’une vision et d’un pilotage « toutes APU »

Retenir des règles budgétaires basées sur le déficit et la dette publics des États membres a conduit ces derniers à adopter une comptabilité susceptible de leur apporter cette information, soit une comptabilité « toutes APU », regroupant les soldes budgétaires et dettes des trois types d’administration publique. C’est le sens de l’expression « au sens de Maastricht » : comme les critères de dette et de déficit, la façon de calculer la dette des APU est inscrite dans le protocole n° 12 annexé au traité de Maastricht. Il s’agit d’une dette consolidée, c’est-à-dire que les dettes d’une administration publique envers une autre sont soustraites à la fois des passifs de la première et des actifs de la deuxième.

Il était en effet indispensable de disposer d’une vision d’ensemble des finances publiques alors que celles-ci sont trop souvent assimilées aux dépenses de l’État seul dans l’opinion. Or, en France par exemple, les dépenses des administrations centrales et des organismes divers d’administration centrales – par opposition aux dépenses des administrations de sécurité sociale et des administrations locales – ne représentent qu’un tiers des dépenses publiques totales. C’est dans cet esprit qu’ont été créées les lois de programmation des finances publiques (LPFP).

b.   Par leur simple existence, les règles budgétaires européennes ont incité les États à surveiller davantage la situation de leurs finances publiques

Si les règles budgétaires sont, à juste titre, critiquées à de nombreux égards, force est de constater qu’elles ont contribué à améliorer les finances publiques européennes.

De fait, avant que l’épidémie de covid-19 ne débute, le déficit public moyen des États membres de la zone euro était bien en-deçà des 3 % maximums autorisés. Entre 2011 et 2018, il s’est réduit de façon constante, passant de 4,2 % à 0,4 % sur la période ; s’il a augmenté en 2019, il s’établissait cependant à 0,6 % en moyenne. Certes, des disparités demeuraient entre États membres mais tous affichaient un déficit public inférieur à 3 % du PIB en 2019. En effet, avec la sortie de l’Espagne de la procédure pour déficits excessifs cette année-là ([12]), plus aucun pays n’était concerné par cette procédure.

Sans que le ratio de 60 % de dette ne soit respecté par tous les pays, la tendance globale était également à la baisse. Pendant les six années qui ont précédé le début de l’épidémie de Covid-19, la dette publique moyenne des États membres de la zone euro a constamment diminué. Elle est ainsi passée de 93 % du PIB en 2014 à 84,1 % en 2019. Plus de la moitié des États membres de l’Union affichaient aussi une dette inférieure à 60 % du PIB cette année-là. Des disparités réelles existaient toutefois entre les pays. Ainsi, alors que la Suède et le Danemark affichaient respectivement une dette publique égale à 35,5 % et 33,7 % du PIB l’Italie et la Grèce faisaient, elles, état d’une dette de 134 % et 180 % du PIB.

C.   DeS INSUFFISANCES PERSISTANTES MALGRÉ DES ÉVOLUTIONS

Les règles budgétaires européennes présentent des défauts désormais bien identifiés : procyclicité, complexité, faible transparence, recours à des variables inobservables, faible appropriation par les États membres, soutien insuffisant à l’investissement public ou encore efficacité relative. L’ensemble de ces insuffisances justifient aujourd’hui leur réforme.

1.   La procyclicité des règles : un défaut majeur que les diverses clauses échappatoires n’ont pas permis de pallier

Les seuils de 3 % et de 60 % présentaient dès l’origine un défaut majeur : le risque de contraindre les États membres à devoir adopter une politique budgétaire procyclique, c’est-à-dire qui amplifie les effets du cycle économique plutôt que de les contrebalancer, et ce alors même qu’une des fonctions principales de la politique budgétaire est précisément la stabilisation de l’économie. Ceci est particulièrement problématique en période de choc ou de faible croissance : en cas de crise économique, la « règle des 3 % » empêche en effet théoriquement les États membres de réagir par une politique budgétaire volontariste, quand elle n’est pas tout simplement mise à mal par le jeu des stabilisateurs automatiques ([13]). Symétriquement, il n’existe aucune incitation pour les États membres à être plus vertueux en haut de cycle.

De fait, selon le Conseil d’analyse économique ([14]), les règles budgétaires n’ont pas empêché les États membres de mettre en œuvre des politiques budgétaires trop expansionnistes dans de nombreux pays de l’Union européenne avant la crise financière de 2008 et, à l’exception de 2009, elles ont contribué à un resserrement budgétaire procyclique à partir de 2010, « jouant très probablement un rôle majeur dans la récession prolongée et le chômage accru de l’Union européenne ».

Certes, des aménagements ont progressivement été réalisés pour corriger ce défaut. Dès 2005, une première réforme a, par exemple, introduit le concept de solde structurel, mettant par conséquent l’accent sur des variables corrigées du cycle. Il est désormais requis pour chaque État membre de définir un objectif de moyen terme en matière de solde structurel. Au-delà, en 2011, une clause a été instaurée pour éviter les ajustements budgétaires contra-cycliques. Il s’agit de la clause échappatoire générale, qui peut être activée notamment en cas de retournement économique sévère ou de récession économique. Dans ce cas, l’application des règles est suspendue pour un temps pour les pays membres de l’Union européenne dans son ensemble. Les exigences du Pacte peuvent aussi être réduites pour permettre aux gouvernements de faire face à des coûts additionnels liés à des chocs en dehors de leur contrôle : c’est le sens de la clause de circonstances exceptionnelles.

Toutefois, dans un rapport publié en 2019 ([15]), le comité budgétaire européen constatait que, globalement, « avec la consolidation budgétaire procyclique en 2011-2013 et l’absence de constitution de coussins contra-cycliques en 2017, les récentes réformes ne semblent pas avoir réduit la pro-cyclicité ni encouragé la contra-cyclicité. »

Ainsi, le caractère excessivement procyclique des règles nuit à l’efficacité stabilisatrice des politiques budgétaires.

2.   Bien que motivées par un souci d’amélioration, les révisions répétées ont conduit à l’établissement d’un corpus de règles de plus en plus complexe

Un autre défaut majeur des règles budgétaires actuelles, qui n’a cessé de gagner en importance, est celui de leur extrême complexité. Cette dernière découle des réformes successives du Pacte initial qui, bien que guidées par des objectifs louables, ont abouti à l’élaboration de règles de plus en plus complexes, voire contradictoires.

Cette complexité tient à plusieurs aspects. Les règles reposent d’abord de façon excessive sur des indicateurs non observables (la croissance potentielle, l’écart de production et le solde structurel) et des données en temps réel – étant souvent soumises à des révisions ex post. Le corpus de règles n’a ensuite eu de cesse de s’allonger. Ainsi, le CAE estimait, toujours dans sa note de 2018, que « Les violations présumées des règles budgétaires ont entraîné des amendements multiples, le vade-mecum atteint aujourd’hui 244 pages ». Enfin, et surtout, le système actuel est devenu excessivement compliqué en raison de l’ajout constant d’exceptions, censées certes apporter plus de flexibilité à un cadre jugé initialement trop rigide et incapable de s’adapter aux circonstances mais qui ont eu des effets pervers.

Or, cette complexité a plusieurs conséquences. Selon le Fonds monétaire international ([16]), la complexité croissante a rendu in fine le cadre peu contraignant, avec l’ajout de flexibilités voire d’exceptions pour répondre à des circonstances particulières, allant donc à l’encontre des règles elles-mêmes. Par ailleurs, l’absence de lisibilité des règles nuit à leur assimilation par les responsables politiques au sein des pays et donc, à nouveau, à leur application, le CAE allant jusqu’à qualifier le système actuel « d’ingérable ». Enfin, leur caractère difficile d’accès rend l’appropriation des règles compliquée, voire impossible, par le grand public, et, par conséquent, leur acceptation. Ce constat a conduit le comité budgétaire européen ([17]) à estimer que « Les règles et les clauses gouvernant la mise en œuvre du PSC ont atteint un degré de complexité et d’opacité tel que les coûts dépassent désormais les bénéfices attendus. »

3.   Des règles qui agissent comme des freins à l’investissement, dans un contexte où les investissements publics sont pourtant plus que jamais nécessaires

La baisse de l’investissement public dans les pays occidentaux est une dynamique constatée depuis plusieurs décennies. Cette tendance n’épargne pas les pays européens, comme le montre le graphique ci-dessous.

ÉVOLUTION DES INVESTISSEMENTS PUBLICS DANS L’UNION EUROPÉENNE
DE 1971 A 2019 (en pourcentage du PIB)

http://bruegel.org/reader/epubs/573/images/Figure_04.png

Source : Bruegel, d’après la base de données AMECO de la Commission européenne. UE13 regroupe les 15 premiers membres de l’Union européenne, à l’exception du Luxembourg et du Royaume-Uni.


L’investissement public contribue pourtant à soutenir la croissance potentielle du produit intérieur brut et donc à améliorer la soutenabilité de la dette publique d’un pays. En outre, une hausse de l’investissement public semble incontournable dans les années à venir pour financer les défis auxquels fait face l’Europe, au premier rang desquelles la transition écologique, l’autonomie stratégique et l’investissement de défense, alors que les tensions géopolitiques se ravivent, ou encore la résilience des systèmes de santé, dont l’épidémie de coronavirus a révélé les vulnérabilités. À titre d’exemple, en ce qui concerne la transition écologique en France, dans un rapport remis à la Première ministre en mai 2023 ([18]), Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz évaluent à 66 milliards d’euros par an les investissements publics et privés supplémentaires nécessaires en France jusqu’en 2030 pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050.

Malgré cette importance cruciale des investissements publics, il semblerait que les règles européennes aient contribué à accentuer la tendance, certes déjà à l’œuvre, de baisse de l’investissement public observé en Europe. Focalisées sur des indicateurs quantitatifs annuels, les règles n’ont pas permis d’éviter que l’investissement public ne soit pénalisé. Les périodes passées de consolidation budgétaire ont montré que les États sommés de réduire leurs
déficits avaient eu tendance à sacrifier les dépenses d’investissement et à ne pas suffisamment réinvestir lorsque la conjoncture se révélait plus favorable. Ainsi, comme le montre le graphique ci-dessous, la part de l’investissement public dans les dépenses primaires courantes a diminué dans 17 États membres sur 24 placés sous procédure de déficit excessif entre 2008 et 2014, dans des proportions parfois extrêmement importantes comme dans les cas de Chypre, de l’Espagne ou du Portugal notamment.

FORMATION BRUTE DE CAPITAL FIXE RAPPORTÉE AUX DÉPENSES
PRIMAIRES COURANTES

(Première et dernière années de la procédure pour déficit excessif)

 

De plus, le Comité budgétaire européen soulignait en 2020 ([19]) que l’essentiel de l’investissement public européen était consacré à des investissements de remplacement et que l’investissement net était négligeable. La conception actuelle des règles ne prend ainsi pas suffisamment en compte l’importance d’investissements publics dont le coût initial est élevé mais le gain à plus long terme substantiel. Déjà problématique les années passées, ce constat est aujourd’hui en pleine contradiction avec les besoins et les objectifs affichés de l’Union européenne et plaide pour une réforme des règles.

4.   Les règles se sont surtout avérées inefficaces puisqu’elles n’ont pas permis d’enrayer la divergence intra-zone euro

Les « critères de convergence » retenus dans le traité de Maastricht doivent favoriser la convergence des économies européennes en vue d’assurer le bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire et de permettre une transmission efficace de la politique monétaire mise en œuvre par la Banque centrale européenne. Qu’il s’agisse de la convergence nominale ou réelle, plus de vingt ans après la mise en circulation de l’euro, les règles budgétaires communes n’ont, cependant, pas atteint l’objectif qui leur était assigné.

La convergence dite « nominale », qui fait référence à la convergence de l’inflation, des taux d’intérêt de long terme et des dettes et des déficits publics, était enclenchée avant même la création de la monnaie unique et s’est maintenue jusqu’en 2008. Toutefois, bien que devant satisfaire aux seuils de référence pour rejoindre la zone euro, les États membres s’en sont progressivement éloignés, invoquant la procyclicité des règles budgétaires et la complexité de leur application. Le graphique ci-dessous met en exergue l’hétérogénéité des trajectoires des finances publiques d’États membres de la zone euro qui prévaut depuis le début du XXIe siècle. Si la relative convergence observable durant les premières années de la monnaie unique peut être interprétée comme étant le reflet d’un processus de rattrapage économique des pays du Sud, la crise des subprimes puis la crise des dettes souveraines ont révélé les déséquilibres et accru l’écart entre les ratios de dette. On observe le même constat à la suite de l’épidémie de Covid-19 qui a entraîné une hausse générale des dettes publiques nationales et accentué les divergences existantes avant la pandémie. Les pays en situation de fort endettement sont aussi ceux qui ont rencontré des difficultés pour réduire leur dette après les différentes crises. Les « bonnes performances » d’un pays comme l’Espagne ont été annihilées puisque sa dette publique, de 42,4 % du PIB en 2007, est passée à 113,2 % du PIB en 2022. À l’inverse, les ratios d’endettement des pays du Nord ont eu tendance à se stabiliser, voire décroître, sur la même période. Ainsi, les dettes publiques de l’Allemagne et des Pays-Bas ont atteint respectivement 66,3 % et 51 % de leur PIB national en 2022, contre 66,5 % et 50,5 % en 2007.

Une seconde forme de convergence, dite « réelle », correspond au rapprochement des niveaux de richesse des États membres en termes de PIB par habitant exprimé en parité de pouvoir d’achat (PPA), des niveaux de productivité et des structures productives. À nouveau, force est de constater que le compte n’y est pas. En matière de niveau de vie, par exemple, la convergence n’a pas eu lieu, voire les écarts de revenus par habitant se sont renforcés, remettant ainsi en question l’un des objectifs fondamentaux de la monnaie unique.

Une explication réside dans l’hétérogénéité des trajectoires que les États membres ont suivi après la crise des subprimes, distinguant les pays d’Europe du Sud et de l’Est, qui, globalement, ont vu leur niveau de vie se stabiliser, des pays du Nord qui ont vu leur niveau de richesse s’accroître. Le graphique ci-dessous distingue clairement deux « groupes » de pays, composés de la Grèce, de la Bulgarie et de la Roumanie d’une part, de l’Allemagne, de la Finlande et des Pays-Bas d’autre part. De manière générale, on constate une augmentation du PIB par habitant dans l’ensemble des États membres considérés, à l’exception de la Grèce, depuis l’introduction de la monnaie unique. Toutefois, le phénomène de croissance simultanée du niveau de richesse observé depuis 2016 à la fois dans les pays du Nord et les pays du Sud et de l’Est, ne devrait pas permettre, en tout cas à court terme, d’assurer la convergence réelle initialement promise par la construction européenne et le passage à la monnaie unique tant les écarts demeurent prononcés.

5.   Des carences mises en lumière par l’épidémie de COVID 19

a.   L’activation pour la première fois en 2020 de la clause de suspension générale

Le déclenchement de la clause dérogatoire générale (« general escape clause »), introduite par le Six-Pack de 2011, permet la suspension temporaire des obligations ordinaires du Pacte de stabilité et de croissance en cas de crise généralisée dégradant les finances publiques de plusieurs États membres.

Confrontée aux répercussions financières de la crise sanitaire sur les économies nationales, la Commission a considéré les conditions d’activation de la clause réunies. Le Conseil s’est prononcé en ce sens en déclenchant, pour la première fois depuis sa création, la clause dérogatoire générale du cadre de gouvernance économique le 23 mars 2020. Face à une situation de crise généralisée provoquée par une grave récession économique, et avec à l’esprit la relance ratée du début des années 2010, l’assouplissement des règles budgétaires s’est révélé nécessaire afin de prévenir une austérité qui aurait empêché les États membres d’adopter des mesures d’urgence pour soutenir leurs économies.

Initialement prévue jusqu’à fin 2022, l’activation de la clause dérogatoire générale a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2023 en réponse aux conséquences économiques et financières de l’agression russe en Ukraine. Dans sa communication sur les orientations pour la politique budgétaire en 2024 ([20]), la Commission a estimé que les conditions de désactivation de la clause seraient considérées comme remplies à partir de 2024. La clause dérogatoire générale devrait donc être désactivée à la fin de l’année 2023.

b.   Les ratios de dette publique de certains États membres rendent désormais le retour aux règles actuelles inenvisageable

Du fait de la multiplication des déficits publics observée depuis la crise financière et, plus récemment, de l’activation de la clause de suspension générale en 2020, l’endettement public a très fortement augmenté dans la plupart des États membres ces quinze dernières années.

Certes, le ratio agrégé de dette publique dans l’Union européenne a diminué de huit points de pourcentage entre 2020 et 2022, passant de 92 % à 84 % du PIB. Il reste, toutefois, supérieur au niveau de 2019 (78 %). De fait, comme le montre le graphique ci-après, le point de vigilance n’est pas tant induit par la « dette du choc Covid » que par la dette « d’avant Covid » et désormais la trajectoire d’ajustement « après Covid ». En France par exemple, le ratio de dette publique devrait se maintenir au-dessus du niveau pré-pandémique, pour se stabiliser autour de 110 % du PIB d’ici à 2032 ([21]), à politique budgétaire inchangée. En outre, plusieurs pays, à l’instar de la France, présentent des dettes supérieures à 110 % du PIB, comme le Portugal, l’Espagne, l’Italie et la Grèce. Or, dans son rapport sur la soutenabilité de la dette ([22]) publié en avril 2023, si la Commission européenne relève une réduction des dettes publiques à court terme, elle confirme, toutefois, que les niveaux observés en 2024 devraient rester supérieurs aux taux d’endettement d’avant-crise, soit plus de 60 % du PIB dans la moitié des États membres – avec six d’entre eux affichant un niveau de dette supérieur à 100 % du PIB (Belgique, Grèce, Espagne, France, Italie et Portugal).

 

ÉVOLUTION DU RATIO DE DETTE PUBLIQUE (en pourcentage du PIB)

Source : « General Government Gross Debt », FMI WEO, avril 2022

Dans ce contexte, l’application des règles actuelles paraît absolument impossible car elles contraindraient beaucoup trop les marges de manœuvre des États membres. Par exemple, la règle dite « du 1/20ème » semble peu crédible lorsque les ratios de dette publique des États membres excèdent 100 % du PIB national. Elle conduirait de fait des pays comme l’Italie ou la Grèce à réduire respectivement leur dette de 4 et 5 points de PIB en un an, ce qui suppose de dégager un excédent budgétaire significatif, ou que la croissance de ces économies soit extrêmement forte. Pour l’économiste François Langot, auditionné dans le cadre de la rédaction de ce rapport, les seuils de référence deviennent ainsi « peu réalistes, au moins pendant dix ans ».

Il convient, en outre, de prendre en compte les objectifs que s’est fixés l’Union européenne, exhortant les gouvernements à conduire des réformes et à réaliser des investissements publics massifs en faveur des transitions écologique et numérique, ce qui ne semble pas compatible avec une réduction rapide des ratios de dette publique. La Commission européenne considère ainsi que 520 milliards d’euros ([23]) par an d’investissements, privés et publics, seront nécessaires pour répondre aux besoins en matière de transition écologique d’ici 2030, en Europe.

 

II.   LA PROPOSITION DE LA COMMISSION POUR DES RÈGLES PLUS SIMPLES, PLUS EFFICACES ET DESTINÉES À MIEUX PRENDRE EN CONSIDÉRATION LES CARACTÉRISTIQUES DE CHACUN DES ÉTATS MEMBRES

La Commission a présenté des orientations de réforme dans une communication ([24]) de novembre 2022. Elle a, par la suite, publié le 26 avril 2023 ses propositions législatives, composées de deux propositions de règlements ([25]) et d’une proposition de directive ([26]) actuellement discutées par les États membres. C’est à ces textes qu’il est fait référence ici.

A.   UNE RÉFORME PENSÉE À TRAITÉS INCHANGÉS

1.   Un choix dicté par un souci de parvenir à une réforme effective des règles budgétaires européennes

Le choix a été fait de ne pas recourir à une révision des traités pour réformer les règles budgétaires européennes. Il aurait en effet été possible de modifier l’article 126 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne, qui définit le cadre en la matière. C’est cet article en particulier qui prévoit que la Commission examine « si la discipline budgétaire a été respectée, et ce sur la base de deux critères » ainsi que l’existence d’une procédure de déficits excessifs. Toutefois, la révision des traités européens est un processus long (voir encadré), notamment car elle nécessite, sauf recours à une procédure simplifiée, une ratification par chacun des États membres.

Or, les États membres ont considéré qu’une réforme des règles budgétaires pressait pour au moins deux raisons : les règles actuelles ne sont plus adaptées – ce constat étant encore plus vrai depuis la crise sanitaire et la dégradation très forte des comptes publics sur la période 2020-2022 –, mais il est, dans le même temps, politiquement inenvisageable de continuer à n’appliquer aucune règle. C’est également l’opinion de plusieurs des interlocuteurs auditionnés par vos rapporteurs. Ainsi, MM. Johannes Lindner et Nils Redeker, co-directeurs de l’Institut Jacques Delors à Berlin, ont insisté sur la nécessité de saisir l’opportunité qui se présentait de réformer les règles budgétaires car, selon eux, attendre est coûteux et les marchés vont finir par sanctionner l’absence de règles. Les deux économistes ont d’ailleurs souligné que les taux d’intérêt augmentaient déjà. Depuis, l’entretien des rapporteurs avec MM. Johannes Lindner et Nils Redeker, cette tendance s’est confirmée : à titre d’exemple, en mai 2022, la Commission européenne a pu émettre des obligations à trois ans avec un taux d’intérêt de 0,82 % et des obligations à trente ans avec un taux d’intérêt de 1,84 % ; un an plus tard, elle émettait à des horizons identiques à des taux de 2,84 % et de 3,48 %. La suspension des règles n’est évidemment pas le seul facteur derrière la hausse des taux, mais l’incertitude et l’absence de discipline à laquelle elle concourt jouent selon eux.

Il convient toutefois de préciser que la volonté de ne pas recourir à une révision des traités n’est pas qu’une question de rapidité mais aussi une question de faisabilité : au regard des équilibres politiques européens et des divergences profondes qui existent entre États Membres sur le sujet, il paraît presque impossible de réunir l’unanimité nécessaire à cette modification, aussi souhaitable soit-elle.

Procédure de révision ordinaire des traités (art. 48 TUE)

L’initiative de la révision appartient à chaque État membre, au Parlement européen ou à la Commission, qui peuvent soumettre au Conseil un projet de modification des traités.

Le Conseil transmet, ensuite, le projet de révision au Conseil européen. Les parlements nationaux en sont notifiés.

Statuant à la majorité simple après consultation du Parlement européen et de la Commission, le Conseil européen décide de donner ou non une suite favorable à l’examen des modifications proposées.

Dans le cas où le Conseil européen décide d’engager la procédure de révision, une Convention composée de représentants des parlements nationaux, des chefs d’État ou de gouvernement des États membres, du Parlement européen et de la Commission est convoquée pour examiner les propositions de modifications. Elle adopte par consensus une recommandation à soumettre à une Conférence des représentants des gouvernements des États membres (CIG).

La CIG, convoquée par le président du Conseil européen, arrête à l’unanimité le projet de révision des traités.

Les modifications apportées aux traités entrent en vigueur après avoir été ratifiées par l’ensemble des États membres.

2.   Une conséquence majeure : le maintien des seuils de déficit et de dette publics à respectivement 3 % et 60 % du PIB

En l’absence de révision des traités, les valeurs de référence prévues en leur sein, à savoir un déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB et un taux d’endettement de 60 % du PIB maximum, demeureraient inchangées. Les seuils ne sont donc pas remis en cause par la réforme : au contraire, l’objectif de celle-ci est précisément de s’assurer que ces valeurs sont respectées de manière plus efficace.


Les seuils ont pourtant été critiqués dès l’origine et, par la suite, à de très nombreuses reprises. Le Président de la République Emmanuel Macron déclarait lui-même en 2019 que « le débat autour du 3 % dans les budgets nationaux (…) est un débat d’un autre siècle » ([27]). Il semblerait donc que la volonté de réformer les règles ait primé sur la volonté de les réexaminer en profondeur en touchant à leur essence même, que constituent ces deux seuils.

Les rapporteurs sont fermement convaincus que ceux-ci ne répondent plus, aujourd’hui, à une réalité économique quelconque. Les seuils sont les témoins d’un cycle macro-économique révolu et d’un contexte européen et géopolitique daté. Ils ne peuvent donc que regretter que ceux-ci ne sont pas remis en question par la proposition de la Commission.

Ils estiment néanmoins, au regard de leurs échanges avec leurs homologues d’autres États membres, que l’analyse, faite implicitement par la Commission européenne, qu’aucun consensus entre États membres permettant une révision des traités sur ce point n’est susceptible de se dessiner dans le court et le moyen terme est juste.

Au regard de l’immuabilité – circonstancielle mais regrettable – de ce cadre juridique, ils estiment nécessaire de revoir les conditions d’application et les périmètres d’action budgétaire de ceux-ci pour assurer la capacité des États membres à engager les efforts budgétaires nécessaires à l’accomplissement de certaines priorités de l’Union, en particulier celles de la lutte contre le changement climatique et l’agenda Fit for 55 et celle du renforcement des politiques de souveraineté économique, de sécurité et de défense européennes et nationales.

B.   UNE REFONTE TOTALE DES RÈGLES BUDGÉTAIRES QUI PREND ACTE DE LA DISPARITÉ DES SITUATIONS DES FINANCES PUBLIQUES NATIONALES AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE

1.   La présentation de plans budgétaires structurels par les États au cœur du nouveau cadre de gouvernance

Dans la proposition de réforme telle qu’elle a été présentée par la Commission, des plans budgétaires et structurels nationaux à moyen terme constitueraient la pierre angulaire du nouveau dispositif. Ils seraient élaborés par les États qui y définiraient leurs objectifs budgétaires, les mesures destinées à remédier aux déséquilibres macroéconomiques auxquels ils sont confrontés ainsi que les réformes et investissements prioritaires sur une période de quatre ans au moins. Ces plans seront évalués par la Commission et approuvés par le Conseil sur la base de critères communs de l'Union.

 

Architecture du nouveau cadre

La Commission publierait, pour les États membres dont le déficit public dépasse 3 % du PIB ou dont la dette publique dépasse 60 % du PIB, une « trajectoire technique » couvrant une période de quatre ans, fondée sur sa méthode d'analyse de la soutenabilité de la dette. Cette trajectoire devrait faire en sorte que la dette des États membres soit ramenée sur une trajectoire descendante plausible, et que le déficit reste plausiblement inférieur à la valeur de référence de 3 % du PIB fixée par le traité.

Les États membres présenteraient ensuite des plans définissant leur trajectoire budgétaire à moyen terme, ainsi que leurs engagements prioritaires en matière de réformes et d'investissements publics.

Dans un troisième temps, la Commission évaluerait les plans nationaux, en donnant une évaluation positive si la dette est placée sur une trajectoire descendante ou reste à des niveaux prudents et si le déficit budgétaire reste plausiblement inférieur à la valeur de référence de 3 % du PIB à moyen terme. Le Conseil approuverait les plans après une évaluation positive de la Commission.

Enfin, la Commission assurerait un suivi continu de la mise en œuvre des plans. Les États membres présenteraient des rapports annuels sur l'état de mise en œuvre des plans afin de faciliter un suivi efficace et d'assurer la transparence.

a.   Des plans à moyen terme qui permettent d’inscrire la réduction de la dette publique dans un horizon de temps plus cohérent

i.   La prise en compte des réformes structurelles et des investissements

Comme expliqué précédemment, dans le schéma envisagé chaque État membre devra définir une trajectoire d’ajustement d’une période de quatre ans, à l’issue de laquelle, au plus tard, l’ajustement budgétaire garantit que la dette publique soit placée ou maintenue sur une trajectoire descendante plausible, ou qu’elle reste à des niveaux prudents, et que le déficit public est ramené et maintenu sous la valeur de référence de 3 % du PIB à moyen terme. Toutefois, si un État s’engage à mettre en œuvre un ensemble « pertinent » de réformes et d’investissements, cette période d’ajustement pourra être prolongée de trois ans au maximum. La pertinence de ces réformes et investissements sera jugée à l’aune des critères suivants :

     les réformes et investissements sont propices à la croissance ;

     ils favorisent la viabilité budgétaire ;

     ils répondent aux priorités communes de l’Union (voir ci-après) ;

     ils donnent suite aux recommandations par pays adressées à l’État membre concerné ;

     les investissements publics financés au niveau national sur la durée de vie du plan budgétaire et structurel national à moyen terme sont d’un niveau global supérieur à leur niveau moyen avant la période couverte par ce plan.

Les priorités communes de l’Union sont définies dans les annexes au projet de règlement n° 1466/97. Elles regroupent :

     le pacte vert pour l’Europe ;

     le socle européen des droits sociaux, y compris les objectifs connexes en matière d’emploi, de compétences et de réduction de la pauvreté d’ici à 2030 ;

     le programme d’action pour la décennie numérique à l’horizon 2030 ;

     la boussole stratégique en matière de sécurité et de défense.

Enfin, en l’état actuel de la proposition de réforme, il est exigé que chacun des engagements en matière d’investissement sur lequel s’appuie une demande de prolongation de la période d’ajustement soit suffisamment détaillé, concentré en début de période et assorti d’échéances vérifiables.

ii.   Des trajectoires pouvant s’étaler sur une période allant jusqu’à dix-sept ans

La période d’ajustement pourrait donc durer entre quatre et sept ans, si un pays fait le choix de demander de la prolonger en contrepartie de réformes et d’investissements. Or, la proposition de réforme prévoit que, pour les États membres dont la dette publique dépasse 60 % du PIB ou dont le déficit public dépasse 3 % du PIB, au plus tard à la fin de la période d’ajustement, la trajectoire de la dette sur dix ans, en l’absence de nouvelles mesures budgétaires, est une trajectoire descendante plausible ou de maintien à des niveaux prudents. De même, le déficit public devra être ramené et maintenu sous la valeur de référence de 3 % du PIB en l’absence de nouvelles mesures budgétaires sur la même période de dix ans. Cela conduit donc les États à se projeter sur une période pouvant s’étendre jusqu’à dix-sept ans :

     quatre ans incompressibles ;

     auxquels peuvent succéder trois ans d’extension de la période d’ajustement ;

     et à l’issue desquels la trajectoire sur dix ans sera analysée.

En outre, il est précisé, toujours dans les annexes précitées, que le ratio de la dette publique à la fin de l’horizon de planification est inférieur au ratio de la dette publique au cours de l’année précédant le début de la trajectoire technique. Autrement dit, sera dans certains cas scruté si, dans le plan, à n +17 le ratio de dette publique est inférieur à ce même ratio dix ans plus tôt.

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ProcÉdure pour les pays qui ne respecteraient pas l'une des valeurs de rÉfÉrenCE

 

 

 

 Date à laquelle la dette doit, au plus tard, décroître par rapport à t-10

 

 

 

Source : rapporteurs

b.   La prise en compte des particularités propres à chaque État

i.   L’abandon de la règle dite du 1/20e : la fin d’un critère exclusivement quantitatif, mais qui fait place à d’autres

Dans la communication initiale de novembre de la Commission, toute règle consistant à appliquer de façon identique des critères numériques de réduction de la dette à l’ensemble des États membre dépassant un certain niveau de dette – la valeur de référence de 60 % – était exclue. Exit donc la règle dite du 1/20e. Il s’agissait là d’un élément clé de la réforme : ne pas appliquer à des situations nationales variables des exigences numériques identiques.

Si la règle du 1/20e n’a effectivement pas été retenue dans la proposition de réforme de la Commission, sous la pression de certains États, des critères quantitatifs nouveaux ont toutefois été introduits dans le cadre proposé. Ainsi, « pour les années où le déficit public devrait dépasser la valeur de référence, le sentier de correction des dépenses nettes est compatible avec un ajustement annuel minimal d’au moins 0,5 % du PIB à titre de référence. » Autrement dit, la réforme prévoit que les pays dont le déficit excède 3 % du PIB soient contraints de réduire de 0,5 point par an ce ratio, au minimum, tant que le déficit restera supérieur à 3 % du PIB.

Par ailleurs, sans qu’une borne uniforme s’applique à tous, la réforme prévoit que, pour les États qui ne respecteraient pas au moins l’une des deux valeurs de référence, la croissance des dépenses nationales nettes reste inférieure à la croissance de la production à moyen terme sur l’ensemble de la période couverte par le plan.

ii.   Des trajectoires différenciées et des possibilités d’ajustement du calendrier

L’un des enjeux de la réforme est de faire en sorte que le nouveau cadre permette à chaque État de définir une trajectoire qui correspond à sa situation nationale et à ses choix de politique publique, tant que la dette à long terme décroît. Ainsi, deux pays avec un niveau de dette identique pourraient choisir, pour un même horizon temporel, de réduire leur dette à des rythmes différents. S’ils respectaient ces rythmes, les dettes de ces deux pays seraient à la fin de la période considérées inégales, sans que le pays qui ait réduit moins rapidement sa dette ne soit pénalisé d’une quelconque manière par les nouvelles règles.

Outre le rythme différencié, une autre manifestation de cette volonté de s’adapter aux situations nationales est la possibilité de construire des plans budgétaires et structurels de moyen terme s’appuyant sur une période d’ajustement de quatre, cinq, six ou sept années. À nouveau, deux pays avec un niveau de dette identique pourraient choisir de bâtir, pour l’un, un plan avec la période d’ajustement la plus courte possible – soit quatre ans – pour une projection s’étendant sur quatorze ans donc, quand l’autre pourrait lui opter, en contrepartie d’un ensemble de réformes et d’investissements, pour une période d’ajustement de six ans et donc un plan à horizon seize ans.

Si les rapporteurs saluent fortement l’avancée significative que représente le fait que les États pourraient désormais suivre une trajectoire qui leur est propre, ils souhaitent toutefois souligner, sur la base des travaux de l’Institut Bruegel ([28]), que le nouveau cadre imposerait des ajustements budgétaires ambitieux aux États membres, bien que, pour les pays avec les dettes les plus élevées, ces exigences seraient moindres que celles qu’implique le cadre actuel. À titre d’exemple, pour la France, l’étude indique que, dans l’hypothèse d’une période d’ajustement de quatre ans, la France devrait ajuster son solde primaire structurel de 1,1 % du PIB chaque année entre 2025 et 2028, soit environ 30 milliards d’euros par an. Dans l’hypothèse d’une période d’ajustement de sept ans, l’ajustement du solde primaire structurel tomberait toutefois à 0,4 % du PIB par an entre 2025 et 2031.

c.   Une meilleure appropriation par les États

Au-delà d’un horizon de temps plus long et d’une prise en compte des spécificités nationales, l’un des objectifs principaux de la réforme est de favoriser une plus grande appropriation des règles par les États – et par là même de renforcer leur acceptabilité et leur efficacité. L’idée sous-jacente est que les pays respecteront mieux des trajectoires qu’ils ont eux-mêmes définies plutôt que des cibles qui leur sont imposées sans qu’ils ne les aient décidées. C’est là tout l’enjeu des plans structurels et budgétaires de moyen terme.

2.   Un indicateur unique sous la forme d’une règle en dépenses

a.   Une volonté de simplifier le cadre de gouvernance économique…

La recommandation de recourir à un indicateur unique sous la forme d’une règle en dépenses est une recommandation ancienne et abondamment relayée par la littérature économique ([29]). Les partisans d’une telle règle voient en effet dans l’instauration de celle-ci deux avantages principaux : ne s’attacher qu’à un seul indicateur plutôt qu’à plusieurs, et que cet indicateur soit effectivement observable. Concrètement, il s’agit de fixer un montant de dépenses qui ne doit pas être dépassé sur une période donnée.

L’indicateur opérationnel unique retenu dans la proposition de la Commission est un agrégat de dépenses publiques nettes des intérêts, de la composante cyclique des dépenses de chômage et des mesures discrétionnaires en recettes. Les dépenses publiques sont ainsi corrigées en leur soustrayant :

     les intérêts payés au titre de l’endettement, c’est-à-dire la charge de la dette ;

     la part cyclique des dépenses de prestations chômage, ce qui suppose de parvenir à isoler la part des prestations chômage dues aux fluctuations du cycle économique ;

     les mesures de recettes discrétionnaires, c’est-à-dire l’impact des changements de la fiscalité, qui augmentent ou diminuent les recettes publiques. Autrement dit, l’agrégat de dépenses retenu ne tient pas compte des dépenses financées par de nouvelles recettes.

Dans la proposition de la Commission, il s’agirait d’un objectif pluriannuel de dépenses, c’est-à-dire que le plafond de dépenses ne serait pas fixé par année mais sur une période couvrant plusieurs années.

b.   … et de ne plus s’appuyer sur des indicateurs difficilement observables

L’un des concepts centraux du cadre en vigueur est celui de solde structurel. Ce solde budgétaire structurel correspond à la différence entre les recettes et les dépenses publiques corrigées des effets imputables au cycle économique (mesuré par l’écart de croissance) et aux événements ponctuels. Dans les règles actuelles du Pacte, il est demandé aux États membres soumis à une procédure de déficits excessifs de réduire graduellement leur solde budgétaire structurel.

Or, ce concept a été amplement critiqué pour son caractère inobservable. Il s’appuie en effet sur un indicateur lui-même sujet à critique : l’écart de production. Ce dernier mesure la différence entre la production réelle d’une économie et sa production potentielle, c'est-à-dire le volume maximal de biens et de services que cette économie peut produire quand elle fonctionne à plein régime, en utilisant toutes ses capacités. Le recours à l’écart de production, et donc au solde structurel, suppose ainsi d’être en mesure de déterminer la production potentielle, ce qui n’est pas aisé, voire impossible. Une note du Conseil d’analyse économique ([30]) a ainsi montré que la production potentielle, l’écart de production et le solde structurel étaient mal estimés par la Commission européenne ; c’est pourtant sur la base de ces variables qu’étaient ensuite définies les exigences applicables aux États membres. La note relève en effet que « pour les quinze membres les plus anciens de l’Union européenne hors Espagne, Grèce, Irlande, Italie et Portugal, la révision courante de l’évolution du solde structurel un an plus tard se situe entre 0,5 et 1 % du PIB ». Les implications potentielles de telles différences se comptent pourtant en milliards d’euros pour les pays auxquels il est demandé de réduire leur solde structurel. En s’appuyant sur les seules dépenses nettes, l’un des enjeux de la réforme est de rendre le cadre plus simple et surtout basé sur des indicateurs sur lesquels les États ont véritablement la main.

3.   Des sanctions rénovées afin de les rendre plus crédibles et plus efficaces

Actuellement, lorsqu’un État membre ne respecte pas le seuil de 3 %, il s’expose à une sanction qui prend la forme d’une amende pouvant aller de 0,2 % du PIB à 0,5 % du PIB. Pour un État dont le déficit est déjà jugé trop élevé, imposer une telle sanction reviendrait donc à alourdir ce déficit de 0,2 à 0,5 point de PIB, ce qui, à première vue, ne pourrait qu’accroître ces difficultés. De l’aveu même du commissaire européen à l’économie Paolo Gentiloni, par ailleurs vice-président exécutif de la Commission, « [les sanctions] que nous avions, c’était essentiellement une bombe atomique, que personne ne voulait utiliser parce que si on l’utilisait, elle aggraverait la situation » ([31]). Pour cette raison, et alors que presque la totalité des États membres ont déjà été engagés dans une procédure concernant les déficits excessifs, une telle sanction n’a jamais été appliquée. Sur le temps long, il est devenu évident que les sanctions n’étaient pas applicables, mettant en cause l’effectivité du cadre : en l’absence de sanctions, l’incitation à respecter les règles est moindre. C’est la raison pour laquelle la réforme ambitionne de rendre les sanctions plus crédibles et, partant, les nouvelles règles plus efficaces.

La proposition de réforme prévoit ainsi que le recours effectif aux sanctions financières sera facilité par la réduction du montant de ces dernières. Ainsi, si le Conseil décide qu’il existe un déficit excessif dans un État membre et lui impose une amende pour cette raison, le montant de l’amende s’élèverait, en l’état actuel de la proposition, jusqu’à 0,05 % du PIB pour une période de six mois et serait versé tous les six mois « jusqu’à ce que le Conseil estime que l’État membre concerné a engagé une action suivie d’effets en réponse à la mise en demeure adressée au titre de l’article 126, paragraphe 9, du TFUE. » En outre, il est précisé que le montant cumulé des amendes n’excéderait pas 0,5 % du PIB. Autrement dit, la sanction initiale serait globalement divisée par dix par rapport au cadre actuel et, surtout, pour atteindre un montant identique au montant maximal actuellement prévu, il faudrait attendre cinq ans.

 

Position des rapporteurs

Sur la base de l’ensemble des éléments décrits dans cette partie, les rapporteurs considèrent que la proposition de la Commission s’inscrit dans la bonne direction et est globalement pertinente. Les rapporteurs soulignent tout particulièrement :

     la prise en compte des spécificités nationales ;

     la prise en compte du temps long ;

     une volonté bienvenue de ne pas restreindre les investissements de même que les réformes coûteuses à court terme mais bénéfiques à plus long terme.

Pour autant, les rapporteurs estiment nécessaire d’amender plusieurs points de la proposition de la Commission. Leurs recommandations sont ainsi exprimées plus loin dans le rapport.

C.   UNE PROPOSITION DE RÉFORME ATTENDUE ACCUEILLIE DE FAÇON CONTRASTÉE PAR LES ÉTATS MEMBRES

1.   Un relatif consensus parmi les Vingt-sept pour voir les règles actuelles réformées…

Depuis plusieurs années, le consensus prévaut parmi les États membres de la nécessité de réformer le cadre de gouvernance économique de l’Union. Les pays de l’Union partagent d’abord le constat que la dette doit rester soutenable mais que le cadre budgétaire n'est plus adapté à l'époque et à leurs niveaux d'endettement hétérogènes. Ensuite, l’ensemble des pays réclament des règles intelligibles. Par ailleurs, et c’est peut-être l’argument majeur, les vingt-sept États membres veulent éviter que la consolidation budgétaire potentielle due aux règles actuelles n’ait un effet contracyclique et n’entrave la croissance. Enfin, les membres de l’Union doutent de la capacité des règles en vigueur à permettre les investissements publics dont l’Europe a besoin.

Preuve de cette convergence de vues, l’Espagne et les Pays-Bas, pourtant tenants de lignes souvent opposées en matière de finances publiques, ont publié ([32]) en avril 2022 un papier commun dans lequel ils développent leur vision de ce à quoi devrait ressembler le nouveau cadre budgétaire européen selon eux. Dans un contexte de dettes élevées, les deux pays évoquent notamment la nécessité que le nouveau cadre incite les États membres à « construire des coussins budgétaires pour être prêts à faire face au prochain choc » mais que ces stratégies de consolidation budgétaire devront être « réalistes, graduelles mais ambitieuses, et compatibles avec la croissance économique et les créations d’emplois ». Ils estiment aussi que le nouveau cadre de gouvernance devra « prendre en compte les investissements d’ampleur nécessaires pour honorer [les] engagements ambitieux [des États membres], en particulier pour les transitions écologique et numérique ». Par ailleurs, l’Espagne et les Pays-Bas ne sont pas les deux seuls États à avoir fait valoir une position commune quant au besoin de réformer les règles du Pacte de stabilité et de croissance. Emmanuel Macron et Mario Draghi, lorsque celui-ci était Président du Conseil des ministres d’Italie, avaient ainsi appelé à réfléchir « à la meilleure manière de construire un nouveau cadre budgétaire » soulignant « la nécessité de réformer les règles budgétaires de l’UE, à la fois trop obscures et trop complexes » ([33]).

Ce climat consensuel faisait dire en juin 2022 au journal L’Express qu’« en Europe, le débat sur les règles budgétaires traverse un moment bisounours » alors que « les capitales font assaut d’amabilités sur un sujet qui traditionnellement les divise » ([34]). Toutefois, si un consensus semblait donc se dégager donc sur le diagnostic et sur les grands objectifs de la réforme, les divisions sont ressorties sitôt les propositions législatives de la Commission dévoilées.

2.   … mais à des fins différentes

Globalement, les Vingt-sept sont d’accord pour bâtir des règles plus simples, qui tiennent compte des niveaux de dettes plus élevés aujourd’hui que lors de la création du Pacte et qui n’empêchent pas les investissements publics. L’enjeu de division central entre les deux lignes qui s’opposent est celui de l’introduction ou non de critères numériques communs dans le nouveau cadre. D’un côté, les États qui refusent la présence de tels critères, au prétexte que l’esprit de la réforme est précisément d’adopter des règles qui reconnaissent la spécificité des situations nationales ; de l’autre, leurs partisans qui mettent en avant l’équité.

a.   Aux États membres favorables à des règles qui prennent en compte la situation de chacun…

Certains États, au premier rang desquels la France, plaident pour un cadre qui permette une individualisation des trajectoires – donc une différenciation des exigences – et sont, pour cette raison, opposés à l’introduction de toute règle automatique uniforme de réduction du déficit et/ou de la dette, ce d’autant plus alors qu’un consensus s’est dégagé pour supprimer la règle du 1/20e. Juste avant la dernière réunion du Conseil Affaires économiques et financières (EcoFin) sous présidence suédoise du Conseil de l’Union européenne, le ministre de l’Économie et des Finances français, Bruno Le Maire, a ainsi expliqué : « Nous avons déjà essayé des objectifs chiffrés et automatiques par le passé (…) Cela a conduit à la récession, à des difficultés économiques, à une perte de production et de croissance en Europe, c’est le contraire de ce que nous voulons ».

b.   S’opposent à ceux qui, par souci d’équité, privilégient, dans la lignée du cadre actuel, des règles communes avec des objectifs minimaux communs

D’autres États, à la tête desquels l’Allemagne, exigent que des critères quantitatifs communs soient prévus par les nouvelles règles, seul moyen selon eux de garantir que les trajectoires nationales s’engagent effectivement dans une réduction de la dette. Preuve de cette volonté, la veille de la publication des propositions législatives par la Commission le 26 avril, le ministre des finances allemand Christian Lindner a fait publier un entretien dans lequel il exprimait sa conviction que « des critères numériques constituent un prérequis minimum pour assurer des ratios de dette qui diminuent et un traitement égal » ([35]). De même, plus tôt en avril, dans une prise de position non officielle (« non-paper ») qu’il avait fait parvenir à la Commission, le gouvernement allemand avait proposé une réduction de la dette de 1 % du PIB annuelle pour tous les pays fortement endettés.

L’Allemagne ne s’inscrit pas seule dans cette démarche. Elle est notamment soutenue par une partie des pays dits frugaux et par des pays d’Europe centrale comme en témoigne la publication d’une tribune ([36]) publiée le 15 juin dans différents médias européens par les ministres des finances de onze États membres ([37]) dans laquelle, pour garantir une égalité de traitement entre les pays, ils appellent à mettre en place des « critères quantitatifs, qui s'appliquent de la même manière à tous les États membres (…) en formulant des exigences minimales claires qui permettent la consolidation et soutiennent la croissance économique ».

Outre leur doute quant à la capacité du nouveau cadre à garantir des finances publiques soutenables en l’absence d’exigences minimales, les partisans de ces règles numériques communes craignent la bilatéralisation des relations qui découlerait de l’individualisation des trajectoires, du fait des négociations entre la Commission et chaque État membre sur les plans budgétaires et structurels. Cette bilatéralisation des relations, face à laquelle ils défendent un cadre et des règles multilatéraux, les inquiète à deux aspects. Ils estiment d’abord qu’une telle situation laisse un pouvoir d’appréciation trop grand à la Commission. Ils considèrent également que la Commission pourrait faire preuve d’une trop grande souplesse dans les négociations, en particulier face aux grandes économies de la zone euro.

3.   Des implications importantes pour les institutions budgétaires indépendantes des États membres

Si la réforme était adoptée en l’état, les institutions budgétaires indépendantes (IBI) se verraient attribuées des compétences nouvelles. Cet accroissement des compétences s’expliquerait notamment par le fait que la réforme accorde une place centrale aux plans budgétaires et structurels de moyen-terme qui reposent sur des prévisions macroéconomiques et budgétaires à des horizons de temps plus éloignés que ceux auxquels la majorité des États sont actuellement habitués. Par exemple, en France, les lois de programmation des finances publiques (LPFP) couvrent généralement une période de cinq ans. Des dispositions complémentaires doivent également permettre d’harmoniser les conditions dans lesquelles les IBI exercent leur contrôle.

Ainsi, il est par exemple prévu que les IBI produisent ou endossent les prévisions macroéconomiques et budgétaires annuelles et pluriannuelles sous-jacentes à la programmation de moyen terme du gouvernement. Si les autorités budgétaires ne suivaient pas les avis des IBI, elles devraient s’en justifier publiquement dans un délai d’un mois.

Les IBI devraient également produire ou endosser d’autres contenus, comme :

     des analyses de soutenabilité de la dette sous-jacentes à la programmation budgétaire de moyen terme ;

     des évaluations de l’impact des politiques publiques sur la soutenabilité budgétaire et sur la croissance.

Parmi les autres missions qui leur seraient attribuées, on peut aussi citer le fait que chaque IBI devrait fournir une évaluation de la conformité avec le sentier des dépenses nettes des résultats budgétaires communiqués dans le rapport d’avancement annuel que soumettrait chaque État membre à la Commission, sur la mise en œuvre de son plan budgétaire et structurel national à moyen terme. Le cas échéant, l’IBI concernée analyserait aussi les facteurs à l’origine d’un écart par rapport au sentier des dépenses nettes.

III.   LA POSITION DES RAPPORTEURS : UNE RÉFORME NÉCESSAIRE MAIS DONT LES CONTOURS MÉRITENT D’ÊTRE PRÉCISÉS ET DONT CERTAINS POINTS DEVRONT FAIRE L’OBJET D’UNE VIGILANCE PARTICULIÈRE AU COURS DES NÉGOCIATIONS À VENIR

A.   DES INTENTIONS LOUABLES MAIS DES DOUTES SUR LA CAPACITÉ VÉRITABLE DES FUTURES RÈGLES À ATTEINDRE LES OBJECTIFS IDENTIFIÉS

1.   Le maintien d’un indicateur numéraire idéologique et décorrélé du réel

Alors que les orientations présentées en novembre 2022 par la Commission ne comportaient aucun critère numérique commun, les propositions législatives formulées en avril 2023 ont réintroduit, sous la pression de certains États membres, des critères d’ajustement identiques pour tous. Ainsi, il est prévu que les États dont le déficit public dépasse le seuil de 3 % du PIB procèdent à un « ajustement annuel minimal » – c’est-à-dire une réduction – dudit déficit de 0,5 % de leur PIB tant que leur déficit n’est pas à nouveau repassé sous le seuil de référence de 3 %.

Les rapporteurs s’opposent fortement à la réintroduction de tout critère commun pour la simple et bonne raison que cela va à l’encontre de l’esprit de la réforme, qui vise précisément à prendre en compte les particularités propres à chaque pays. Une telle réintroduction serait en parfaite incohérence avec un constat désormais bien établi et qui a présidé à la volonté de réformer les règles budgétaires européennes, à savoir que l’application à des situations nationales différentes de critères d’ajustement communs constitue une impasse.

En outre, les rapporteurs font remarquer que le choix de cette borne numérique est totalement idéologique – pourquoi 0,5 % du PIB plutôt que 0,1 % ou 0,7 % ? – et décorrélé du réel. Selon son taux de croissance et son niveau de dette, un pays pourrait très bien afficher un déficit supérieur à la valeur de référence de 3 % tout en continuant à réduire sa dette, ce qui est l’objectif de la réforme.

2.   Une simplification de l’objectif louable mais basé sur des choix méthodologiques aussi complexes que volatiles – le DSA.

Si les rapporteurs saluent la volonté de simplifier le cadre existant par le recours à un indicateur opérationnel unique sous la forme d’une règle en dépenses, ils doutent fortement que le nouveau cadre permette en réalité de simplifier la compréhension du cadre de gouvernance économique européen. En effet, la formulation d’un avis favorable par la Commission aux plans nationaux qui lui seront présentés reposera sur leur conformité à l’analyse de soutenabilité de la dette que les services de la Commission auront réalisée (DSA, pour Debt sustainability analysis). Or, la méthode qui sera employée pour définir cette analyse demeure aujourd’hui inconnue des rapporteurs, malgré des relances incessantes pour l’obtenir.

Au fur et à mesure de leurs travaux, les rapporteurs se sont rendu compte que cette inquiétude était largement partagée. Un haut fonctionnaire du ministère des finances allemand rencontré à Berlin a ainsi qualifié la DSA de véritable « boîte noire » ([38]). Lors d’une conférence interparlementaire à Bruxelles le 28 février relative à la stabilité, la coordination économique et la gouvernance dans l’Union, l’économiste Philippa Sigl-Glöckner a également invité les parlementaires nationaux présents à s’intéresser plus qu’à tout autre aspect de la réforme à la façon dont serait définie cette analyse de soutenabilité de la dette car « il en [allait] de leur souveraineté ».

Dans une conférence de mai 2023 ([39]), la Commission européenne a tâché de répondre aux critiques sur le manque de transparence et la complexité du modèle DSA. Force est de constater pour les rapporteurs que la réponse est tout sauf satisfaisante. Alors qu’une diapositive de la présentation vise à répondre à la question « La DSA est-elle trop complexe ? » la réponse de la Commission tient en deux points :

     « Un certain degré de complexité est nécessaire pour prendre en compte de façon appropriée les risques » ;

     « Mais nous entretenons un grand degré de transparence sur le sujet »

Autrement dit, la complexité est assumée et, si les rapporteurs reconnaissent que de tels modèles sont nécessairement conçus de façon complexe pour bien évaluer la situation de chaque État, l’objectif de simplicité de la réforme ne semble pas tenu. Quant à la transparence affichée, la Commission européenne renvoie vers des publications de plusieurs centaines de pages sans préciser où trouver l’information relative à la DSA ; elle indique également que « la plupart des analyses peuvent être répliquées dans des fichiers Excel » sans partager d’exemples.

Enfin, les rapporteurs rappellent que certaines des variables sur lesquelles s’appuie la DSA sont extrêmement volatiles – comme les taux d’intérêt ; or, comme cela a été indiqué plus haut, les projections pourraient s’étendre jusqu’à dix-sept ans ce qui pose la question de la pertinence d’un tel modèle. En outre, une variation infime de la valeur d’une variable peut avoir des conséquences importantes pour l’évaluation finale de la soutenabilité de la dette d’un État. Pour l’ensemble de ces raisons, les rapporteurs sont particulièrement préoccupés de la place qu’occupera la DSA dans le futur dispositif.

Outre la complexité du modèle et la volatilité des variables prises en compte dans le cadre de la DSA, les rapporteurs tiennent à relayer ici les propos de l’Institut Bruegel ([40]) selon lesquels, pour les États membres avec une dette supérieure à 60 % du PIB, c’est bien la DSA qui rend les ajustements demandés aux États plus exigeants que les « safeguards » contenus dans la proposition (baisse de la dette à l’issue de la période d’ajustement et réduction annuelle de 0,5 point de PIB du déficit pour les pays dont le déficit excède 3 %).

Par ailleurs, si l’Institut Bruegel considère la méthodologie de la DSA satisfaisante, il formule plusieurs recommandations pour l’améliorer, notamment la suppression des safeguards précédemment évoqués et la mise en place d’un groupe d’experts indépendants pour évaluer la méthodologie qui sous-tend la DSA. À l’heure actuelle, la constitution d’un groupe d’experts des États membres pour s’exprimer, en pratique, sur les résultats de la DSA une fois le nouveau cadre en place et, le cas échéant, formuler des propositions de correction, fait l’objet de négociations et pourrait être retenue dans les textes finaux. Un tel travail d’évaluation extérieur, qui fait actuellement défaut à la proposition de la Commission, est éminemment stratégique et politique.

3.   Des incertitudes en ce qui concerne la capacité du nouveau cadre à s’articuler avec le calendrier des échéances démocratiques nationales

Comme cela a été expliqué, les plans structurels et budgétaires de moyen terme pourraient se projeter sur un horizon de temps allant jusqu’à dix-sept ans, avec une période d’ajustement comprise entre quatre et sept ans. A priori, de telles durées sont difficilement conciliables avec la fréquence à laquelle ont lieu les élections parlementaires dans les pays de l’Union européenne. En effet, les élections législatives se tiennent, de façon générale, tous les quatre ou cinq ans selon les États membres. Ainsi, dans le cas d’un pays où les élections ont lieu tous les quatre ans, si la majorité venait à changer à chaque élection, pas moins de quatre gouvernements seraient concernés par un même plan, et ce sans même envisager le cas d’élections anticipées.

Consciente de ce biais, la Commission a certes prévu qu’un État membre puisse demander « à présenter à la Commission un plan budgétaire et structurel national à moyen terme révisé avant la fin de sa période d’ajustement (…) si un nouveau gouvernement demande à présenter un nouveau plan budgétaire et structurel national à moyen terme » ([41]). Toutefois, dans le même temps, la proposition de règlement précise immédiatement : « avant la présentation du plan budgétaire et structurel national à moyen terme révisé, la Commission propose (…) une nouvelle trajectoire technique (…) qui ne permet pas de repousser l’effort d’ajustement budgétaire en fin de période et ne conduit pas à un moindre effort d’ajustement budgétaire. » Il est donc difficile, dans ces conditions, d’imaginer de quelle réelle marge de manœuvre bénéficierait un nouveau gouvernement qui serait en désaccord avec le plan qui aurait été préalablement acté entre les institutions européennes et son prédécesseur, ce qui inquiète profondément les rapporteurs.

Concrètement, un gouvernement pourrait par exemple s’accorder avec les institutions européennes sur une trajectoire de consolidation budgétaire extrêmement contraignante ; si des élections conduisaient, avant l’échéance du plan budgétaire structurel, à la formation d’un nouveau gouvernement aux orientations politiques différentes de son prédécesseur, ce dernier resterait alors contraint par l’approche budgétaire déterminée par le gouvernement sortant ce qui limiterait largement le choix démocratique. Cette situation, déjà problématique, deviendrait encore plus contraignante si un gouvernement choisissait d’opter pour un plan budgétaire structurel basé sur une période d’ajustement de sept ans, qui inclurait donc des priorités spécifiques en matière de réformes et d’investissements. En effet, outre l’obligation de respecter un effort qu’il n’aurait pas lui-même défini, le gouvernement entrant serait par ailleurs contraint de mettre en œuvre des priorités politiques qui iraient potentiellement à l’encontre du programme électoral pour lequel il a été élu. De plus, le non-respect de certains objectifs ou échéances en matière d’investissements ou de réformes pourrait conduire à des exigences de consolidation budgétaire encore plus importantes de la part des institutions européennes, ce qui contraindrait encore davantage le processus de décision démocratique.

Étant donné que les règles budgétaires, bien que nécessaires, constituent, de facto, une contrainte pour les États Membres et leurs dirigeants politiques en matière de politique budgétaire, les rapporteurs appellent à être extrêmement vigilant sur le plan de l’articulation de ces règles avec les échéances électorales faute de susciter un vrai rejet. S’ils accueillent avec bienvenue la perspective d’une trajectoire de finances publiques basée sur le plus long terme, les nouvelles règles européennes excèdent, dans certains cas, la norme générale des mandats électoraux – présidentiels et/ou parlementaires. Les rapporteurs s’interrogent donc sur la crédibilité de projections budgétaires - par construction le reflet d’une politique générale – qui encadrent les prérogatives d’un pouvoir politique susceptible de changer « en cours de route ». Ils comprennent de leurs échanges que celles-ci seront donc amenées de façon systématique à être revues lors d’alternance politique ce qui leur semble parfaitement essentiel.

4.   Des doutes quant à la capacité réelle des nouvelles règles de permettre les investissements publics dont l’Europe a besoin

L’une des ambitions de la réforme est de permettre que le cadre de gouvernance économique révisé n’empêche pas les États membres de réaliser les investissements publics qu’ils jugent nécessaires. Cette ambition apparaît d’autant plus essentielle que la double transition écologique et numérique que l’Union européenne souhaite conduire lui impose d’accroître ses investissements publics dans des proportions peut-être jamais demandées au cours des décennies récentes. Ceci est particulièrement vrai en matière de transition écologique, alors que le dérèglement climatique semble s’accélérer : le mois de juillet 2023 a été le plus chaud jamais enregistré selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM) des Nations unies et l’observatoire européen Copernicus. Pour rappel, la Commission estimait en 2021 que pour atteindre l’objectif de réduction des gaz à effet de serre de 55 % à l’horizon 2039, il faudrait investir 392 milliards d'euros supplémentaires chaque année sur la période 2020-2030 par rapport à la période 2011-2020, pour le seul système énergétique ([42]).

Les rapporteurs considèrent que ces besoins doivent impérativement être pris en compte dans les modalités techniques de mise en œuvre de la réforme, notamment le DSA, en incluant, si nécessaire, des dispositions permettant de prendre en compte les coûts induits de l’inaction politique en matière de compétitivité et de lutte contre le changement climatique.

5.   Un risque que la publicité de la classification par la Commission des États en fonction de la soutenabilité supposée de leur dette publique les expose sur les marchés financiers

Dans la réforme telle qu’elle est aujourd’hui présentée, il est prévu que pour chaque État membre dont le déficit public dépassera 3 % de son PIB ou dont la dette publique dépassera 60 % de son PIB, la Commission publie une « trajectoire technique » propre à ce pays qui visera à faire en sorte que sa dette soit placée sur une trajectoire descendante plausible ou maintenue à des niveaux prudents, et que le déficit reste ou soit ramené et maintenu en dessous de 3 % du PIB à moyen terme. Les rapporteurs s’inquiètent des conséquences de la publicité des trajectoires techniques sur les conditions de financement des États membres. Ils s’interrogent en effet non seulement sur la façon dont réagiront les marchés financiers si un pays venait à ne pas respecter la trajectoire technique que la Commission considère comme viable pour assurer la soutenabilité de la dette de ce pays, mais aussi sur la réaction des marchés face à l’analyse menée par la Commission sur la trajectoire technique elle-même. Il ne faudrait pas que la publicité de cette trajectoire technique conduise in fine à accroître le coût du financement de leurs dettes d’États déjà endettés de façon significative.

En effet, seuls les États membres dont le déficit public dépassera 3 % du PIB ou dont la dette publique dépassera 60 % du PIB se verront communiqués par les services de la Commission une trajectoire technique ; pour les États membres dont le déficit public sera inférieur à 3 % du PIB et dont la dette publique sera inférieure à 60 % du PIB, la Commission fournira des « informations techniques » de façon à ce que le déficit public soit maintenu sous la valeur de référence de 3 % du PIB à moyen terme. Une détérioration des conditions d’accès aux marchés financiers aurait l’effet exactement inverse à celui recherché par la Commission européenne, à savoir des finances publiques nationales plus soutenables, car il faudrait alors que les États dépensent encore davantage dans le remboursement de leur dette.

6.   Des positions d’États membres extrêmement divergentes laissant présager d’âpres négociations et des difficultés de trouver un consensus politique dans les temps.

Comme cela a été expliqué précédemment, deux lignes s’affrontent dans la définition des nouvelles règles : d’un côté, les pays partisans d’une individualisation totale des trajectoires ; de l’autre, les États en faveur de critères d’ajustement communs. Ces divergences de vues conduisent les discussions à avancer lentement, or le temps est limité pour aboutir à un consensus : s’ils ne veulent pas voir le sujet reporté à 2025, les États sont incités à parvenir à un compromis avant les élections européennes de mai 2024. En effet, alors que la Commission a annoncé qu’à la fin de l’année 2023 la clause dérogatoire générale serait désactivée, en 2024, faute de nouveau cadre, ce sont les règles actuelles qui entreront à nouveau en rigueur, règles critiquées par une très large majorité d’États et dont les défauts sont désormais bien identifiés.

Les rapporteurs s’inquiètent donc que ce calendrier contraint menace la capacité des États membres à parvenir à une réforme dans les temps.

B.   RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS

1.   La nécessité d’une plus grande transparence du gouvernement et de l’administration vis-à-vis de l’Assemblée nationale

a.   Une communication insuffisante par le Gouvernement des documents sur lesquels se basent les négociations au niveau européen

Au cours des auditions menées, il est très vite apparu évident aux rapporteurs que la définition du modèle qui permettrait de procéder à l’analyse de soutenabilité de la dette des États constituait l’un des enjeux majeurs du cadre à venir. Par ailleurs, les rapporteurs ont dès le début de leurs travaux appris qu’un fichier Excel avait été transmis à chaque État membre par les services de la Commission avec les résultats du modèle en l’état pour chaque pays si le nouveau cadre était mis en œuvre. Les rapporteurs ont dès lors cherché à obtenir, ou a minima à consulter, ce fichier pour la France qui constituait un élément indispensable pour mener à bien la rédaction de ce rapport. Malgré leurs demandes répétées à l’administration – la direction générale du Trésor, la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne, la direction générale du Trésor à nouveau – il ne leur a jamais été permis de consulter ce fichier. Les seuls documents qui leur sont parvenus leur ont été fournis par des parlementaires étrangers. Tous ceux que l’administration française a bien voulu communiquer aux rapporteurs étaient des documents accessibles publiquement ou que les rapporteurs avaient déjà obtenu grâce à des députés d’une autre nationalité. Il est tout bonnement ahurissant que les rapporteurs aient dû passer par des collègues d’un Parlement étranger pour obtenir de tels documents. Il est surtout inadmissible, malgré des relances répétées, dont une lettre directement adressée au directeur général du Trésor et cosignée par le président de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale ([43]), que le gouvernement et son administration n’aient pas fait preuve d’une plus grande transparence à l’égard de la représentation nationale, d’autant plus que le sujet s’avère particulièrement sensible ; les règles budgétaires européennes conditionnent la façon dont un gouvernement, quelle que soit son orientation politique, peut recourir à la politique budgétaire, et donc la mise en œuvre de sa politique.

Les rapporteurs appellent donc à instaurer une plus grande transparence du Gouvernement en matière de négociation sur les textes européens.

Les rapporteurs considèrent que le Gouvernement devrait transmettre au Parlement tous les documents, de travail ou autre, qui émanent des institutions européennes ou des négociations avec celles-ci ou avec d’autre États Membres. Ils considèrent également que l’appréciation du caractère utile ou non de ces documents leurs revient exclusivement.

La Loi fondamentale allemande prévoit dans son article 23 alinéa 2 que « Le Bundestag et les Länder par l’intermédiaire du Bundesrat concourent aux affaires de l’Union européenne. Le Gouvernement fédéral doit informer le Bundestag et le Bundesrat de manière complète et aussi tôt que possible ». Alors que le Président de la République s’est récemment exprimé en faveur d’une révision de la Constitution ([44]), la prochaine révision de la Constitution pourrait justement être l’occasion de mettre en place une telle obligation.

Recommandation n° 1 : profiter de la prochaine révision de la Constitution pour introduire dans le titre V de la Constitution une disposition faisant obligation au Gouvernement de transmettre sans délai au Parlement tous les documents reçus des institutions européennes

b.   La nécessité de disposer d’économistes capables d’éclairer les parlementaires sur des modèles techniques impossibles à appréhender sans cela

Dans certains cas, pouvoir accéder aux documents n’est pas suffisant : encore faut-il être capable de les appréhender. Or, il est évident que si le modèle DSA avait été entre les mains des rapporteurs, ces derniers n’auraient probablement été capables de s’en saisir seuls. Comprendre – ou mieux, utiliser – un modèle économique complexe requiert des compétences techniques dont la plupart, si ce n’est la totalité, des députés sont dépourvus. Aussi les rapporteurs appellent l’Assemblée nationale à recruter de façon permanente un ou plusieurs économistes susceptibles d’aider les députés, dans leurs travaux de contrôle, à analyser des données ou des modèles qu’ils seraient sans cela incapables d’exploiter.

Les économistes ainsi recrutés pourraient par ailleurs être utiles aux parlementaires dans d’autres de leurs travaux. Ils pourraient calculer le coût pour les ressources publiques des amendements mais également réaliser des travaux de prospective sur différents sujets.

De façon alternative, les députés pourraient s’appuyer sur les compétences de chercheurs travaillant au sein de laboratoires publics avec lesquels l’Assemblée nationale aurait conclu une convention de façon à ce que les chercheurs qu’ils accueillent puissent assurer une mission d’assistance et d’expertise au service de l’Assemblée nationale.

Recommandation n° 2 : prévoir le recrutement aux seins des services de l’Assemblée nationale d’un ou plusieurs économistes de façon à aider les parlementaires dans leurs travaux ou disposer, via une convention conclue avec des laboratoires publics après appel à projets, des compétences d'économistes assurant une mission d'assistance et d'expertise

2.   La question du calendrier : ne pas sacrifier le fonds à la volonté de conclure rapidement… tout en ayant conscience du danger de ne rien changer

Les rapporteurs l’ont dit, le calendrier dans lequel s’inscrit la réforme impose aux États membres à parvenir à un compromis au cours des tout prochains mois, voire semaines, s’ils souhaitent que les règles budgétaires soient effectivement modifiées à court terme. Ce calendrier restreint ne doit pas conduire la France à sacrifier ses priorités, au premier rang desquelles la défense de la définition d’un cadre qui permette une individualisation des trajectoires. Dans le même temps, ne pas parvenir à réformer le cadre de gouvernance actuel reviendrait à réinstaurer les règles telles qu’elles existent aujourd’hui, ce à quoi sont opposés les rapporteurs. Ils appellent donc le gouvernement français à contribuer à ce qu’une réforme des règles budgétaires ait bien lieu au cours du second semestre 2023 sans toutefois se satisfaire d’une réforme à tout prix.

Recommandation n° 3 : pousser à l’adoption d’un compromis avant les élections européennes de 2024 sans sacrifier les lignes rouges françaises

3.   Ancrer la position française dans la réalité économique en refusant l’ajout d’objectif numéraire dénué de rationnel socio-économique

Les rapporteurs soutiennent sans ambiguïté la position du gouvernement français sur son refus que les nouvelles règles budgétaires européennes comprennent tout critère commun d’ajustement de la dette ou de déficit. Il en va du bon sens économique. Aussi les rapporteurs appellent-ils le gouvernement à ne rien céder sur ce sujet. Inscrire des objectifs numéraires identiques pour tous les États membres reviendrait à complètement dénaturer la réforme de son esprit initial et à ne pas tenir compte des enseignements passés.

Recommandation n° 4 : s’opposer à la réintroduction de tout critère d’ajustement commun dans les nouvelles règles budgétaires européennes

4.   Un sujet dont doit s’emparer le Parlement tant les règles européennes encadrent les choix politiques nationaux

a.   Organiser un débat à l’Assemblée nationale sur la réforme des règles budgétaires européennes

Les rapporteurs considèrent comme absolument inacceptable qu’aucun débat n’ait encore eu lieu sur la réforme des règles budgétaires européennes à l’Assemblée nationale, tant l’enjeu est structurant pour les politiques publiques qui seront menées dans les années à venir. En effet, ce sujet devrait retenir l’attention de l’ensemble des parlementaires : quelle que soit l’orientation politique des députés, les futures règles européennes encadreront les marges de manœuvre des prochains gouvernements en ce que l’outil principal de déclinaison d’un programme politique reste la politique budgétaire. Le Parlement ne peut donc rester éloigné de cette réforme, c’est pourquoi les rapporteurs demandent au gouvernement, sur la base de l’article 50 alinéa 1 de la Constitution, de faire une déclaration devant l’Assemblée nationale sur la réforme des règles budgétaires européennes qui donne lieu à débat.

Recommandation n° 5 : sur la base de l’article 50-1 de la Constitution, organiser un débat à l’Assemblée nationale sur la réforme des règles budgétaires européennes

b.   Réformer la LOLF de façon à y regrouper toutes les règles qui définissent et régissent les activités du HCFP si les dispositions relatives aux IBI étaient adoptées

L’adoption de la proposition de la Commission entraînerait des modifications importantes des prérogatives dont dispose le Haut Conseil des finances publiques. Certaines de ces modifications seraient directement applicables, puisqu’elles relèvent des deux propositions de règlements de la Commission. D’autres – l’essentiel, en réalité – nécessiteraient d’être transposées puisqu’elles relèvent de l’article 8 de la proposition de directive et entraîneraient une modification de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Dans un souci d’accès et de lisibilité de l’information, les rapporteurs recommandent d’inclure toutes les dispositions de la réforme relatives aux IBI – et donc au HCFP – dans la LOLF, y compris celles qui relèvent des deux règlements. Cela supposerait de modifier le Titre VI de la LOLF qui contient les dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et au mécanisme de correction. Cela conduirait également à modifier les deux articles du titre – les 61 et 62 – et à en créer un supplémentaire, notamment pour mentionner certains des nouveaux rapports dont le HCFP devrait être saisi, comme le rapport annuel analysant la soutenabilité de la dette de l’ensemble des administrations publiques.

Recommandation n° 6 : réformer la LOLF pour y inclure toutes les modifications relatives aux missions du Haut Conseil des finances publiques et aux règles qui régissent son activité, y compris celles qui relèvent des deux propositions de règlements

5.   Un dispositif qui doit être réactif pour pouvoir prendre en compte rapidement les difficultés qui pourraient survenir et permettre les ajustements nécessaires pour y répondre

Les rapporteurs estiment vital de préserver, dans les futures règles budgétaires qui seront adoptées, le dispositif prévu à l’article 25 de la proposition de règlement relatif à la coordination efficace des politiques économiques et à la surveillance budgétaire multilatérale, afin d’assurer aux États membres la capacité de faire face à des circonstances exceptionnelles.

Ce dispositif réside dans la possibilité pour le Conseil d’adopter une recommandation autorisant un État membre à s’écarter de sa trajectoire de dépenses nettes en cas de « circonstances exceptionnelles échappant à son contrôle » et ayant « une incidence majeure sur ses finances publiques » – uniquement dans la mesure où, cependant, cela ne met pas en danger sa viabilité budgétaire à moyen terme. L’avantage de ce dispositif, sur autorisation du Conseil, est de permettre une véritable réactivité – les rapporteurs soulignent cependant l’importance de rester vigilant par rapport aux indicateurs qui seront pris en compte pour juger des « circonstances exceptionnelles » comme de leur « incidence majeure ».

Recommandation n° 7 : préserver la possibilité pour le Conseil, prévue dans la proposition de la Commission, d’autoriser par voie de recommandation un État membre à s’écarter de son sentier de dépenses nettes si des circonstances exceptionnelles échappant à son contrôle ont une incidence majeure sur ses finances publiques, pour autant que cela ne mette pas en péril sa viabilité budgétaire à moyen terme

6.   Exclure du calcul des différents seuils certaines dépenses d’investissements (Marietta Karamanli)

Étant donné l’ampleur des investissements à réaliser pour financer la transition écologique, Mme Marietta Karamanli considère que ces investissements ne sauraient être comptabilisés dans le calcul de la dette et du déficit publics au risque sinon que les montants de ces investissements se voient restreints. Augmenter les investissements publics en faveur de la préservation du climat tout en consolidant les finances publiques sera un défi majeur des décennies à venir. La rapporteure demande donc, dans la foulée des travaux d’économistes tels que Z. Darvas et G. Wolff ([45]), que soit mise en place une règle d’or pour exclure du calcul de la dette et du déficit publics les investissements verts. Sous certaines conditions, ces considérations pourraient également être élargies aux investissements dans la défense ou la recherche dans des domaines jugés prioritaires, par exemple la santé humaine.

La question d’une règle d’or préservant certaines dépenses jugées stratégiques par l’Union européenne et qui seraient exclues du calcul des différents seuils devrait être mise en perspective avec celle de la création de ressources nouvelles provenant, par exemple, de la lutte contre la fraude et l’évitement fiscaux ou d’une fiscalité réellement progressive à l’égard de tous. En tout état de cause, pour la rapporteure, des choix devront être réalisés pour trouver les moyens financiers de relever les défis auxquels l’Europe fait face.

Recommandation de Mme Marietta Karamanli : exclure du calcul des différents seuils certaines dépenses d’investissements dont, en priorité, les investissements verts

M. Alexandre Holroyd tient à indiquer que, s’il partage l’objectif de la recommandation émise par sa corapporteure, il considère que d’autres modalités permettant de favoriser les investissements verts et plus largement d’avenir devraient être envisagées.

L’exclusion pure et simple d’une catégorie de dépense lui paraît susceptible d’engendrer un débat méthodologique de définition de périmètre excessivement politisé. Cette nouvelle négociation lui paraît poser un risque d’incertitude juridique susceptible de geler l’engagement de certaines politiques publiques d’investissement d’avenir voir, dans le pire des cas, d’engendrer des exclusions sans rapport avec les dépenses visées initialement et fruit de la recherche d’un consensus politique.

En outre, la création d’un périmètre d’exclusion pourrait conduire à s'écarter de la nécessité de simplifier les règles existantes afin de les rendre intelligible


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 11 octobre 2023, sous la présidence de M. Pieyre‑Alexandre Anglade, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je suis heureuse de vous présenter les résultats de nos travaux sur la réforme des règles budgétaires du Pacte de stabilité et de croissance.

L’exercice s’est avéré technique mais passionnant. Il nous a surtout paru indispensable de le réaliser avec mon collègue Alexandre Holroyd : en effet, si des règles européennes sont nécessaires, elles limitent toutefois nos marges de manœuvre budgétaires et donc, in fine, les politiques publiques que nous pouvons mettre en œuvre. Leur définition est donc éminemment politique !

Ce rapport a été l’occasion pour nous de nombreux échanges. En France tout d’abord, où nous avons rencontré plusieurs économistes et administrations. À l’étranger ensuite, à Bruxelles et à Berlin. Les discussions à Berlin sont probablement celles qui se sont avérées les plus intéressantes pour nous avec les auditions d’un haut fonctionnaire du Ministère des Finances, de chercheurs et de représentants politiques. Sur ce dernier point, nous avons veillé à échanger avec l’ensemble des sensibilités représentées dans la coalition gouvernementale, mais aussi avec des membres de l’opposition.

Si rédiger ce rapport d’information a donc donné lieu à des auditions particulièrement stimulantes, ce travail a aussi été marqué – et je veux le dire ici – par des rapports avec l’administration française compliqués. Selon l’article 24 de la Constitution, l’une des missions du Parlement est de contrôler l’action du Gouvernement. Les rapports d’information s’inscrivent dans cette mission et permettent, le plus souvent, à des parlementaires de faire l’évaluation d’une politique publique ou de contribuer à sa définition. C’était notre ambition. Or, il nous a été impossible de nous appuyer sur des documents dont disposait l’administration et qui s’avéraient pourtant essentiels à nos travaux, malgré nos demandes répétées à l’administration de nous les fournir. Les choses sont différentes dans beaucoup d’autres pays, comme en Allemagne, où les parlementaires ont accès aux documents budgétaires.

Certes, nous ne bénéficions d’aucun pouvoir de contrôle sur pièce et sur place, ni celui d’exiger des documents, et l’administration était dans son droit. Toutefois, nous aurions grandement apprécié une plus grande collaboration avec la représentation nationale que nous incarnons. Cette attitude nous conduit à formuler plusieurs recommandations sur lesquelles je reviendrai plus tard.

Avant cela, je me permets de vous présenter brièvement la réforme des règles budgétaires. Nous pensons que nous avons besoin de ces règles, et je pense que cette idée est partagée ici. Leur objectif est de s’assurer que chaque État membre a une politique budgétaire responsable et d’éviter l’accumulation des déficits ou l’explosion des dettes publiques qui seraient incompatibles avec un taux d’intérêt unique dans l’Union européenne. Mais les règles actuelles doivent être révisées et sont aujourd’hui considérées comme injustes, ayant affecté de façon différente les États qui les ont appliquées. En particulier, ceux qui ont historiquement peu de protection sociale peuvent plus difficilement rattraper leur retard.

Le second élément tient au contexte. La crise du Covid et la guerre en Ukraine ont eu un impact majeur sur les finances publiques des États membres et ces crises successives ont accentué l’écart entre les pays du Sud et les pays du Nord, ce qui rend encore plus clivants les débats sur la soutenabilité des finances publiques. En mars 2020, la clause dérogatoire générale prévue par le pacte de stabilité et de croissance a été appliquée. Les mesures d’urgences sont possibles mais le cadre est maintenu.

Il y a donc des non-dits qui doivent être levés. D’abord l’endettement, qui devra rester sur une pente descendante pendant dix ans. Cet objectif est inatteignable. Les sanctions liées aux critères seront pratiquement appliquées à tous les pays et demanderont des ajustements impossibles pour certains d’entre eux. Il faut également revoir l’architecture budgétaire des traités en allant plus loin que les ratios actuels.

L’idée centrale et bienvenue de la réforme est de permettre aux États de suivre des trajectoires différenciées. La nouvelle architecture reposera sur des plans budgétaires et structurels à moyen terme. Ces plans débuteront par une période d’ajustement qui durera entre quatre et sept ans. La flexibilité permet d’alléger l’effort budgétaire en cas de réformes structurelles ou pour permettre des investissements publics. À l’issue de cette période d’ajustement, la dette publique devra avoir diminué. En outre, à la fin de la période d’ajustement, la trajectoire sur dix ans devra être telle que la dette publique diminue ou soit maintenue à des niveaux prudents. D’autres « garde-fous » sont prévus : le déficit des États, lorsqu’il sera supérieur à 3 % du PIB, devra diminuer de 0,5 point de PIB par an et une règle en dépenses devra faire en sorte que la croissance des dépenses sur la période couverte par le plan soit inférieure à la croissance de la production, par exemple. Voilà pour l’essentiel.

Sur la base de cette proposition de réforme, nous formulons avec mon collègue plusieurs recommandations. Certaines portent directement sur la réforme, d’autres sur les relations entre le Parlement et le Gouvernement.

En ce qui concerne la réforme, dans la mesure où son but est précisément de permettre à chaque pays d’adopter une trajectoire propre, il nous paraît aberrant de trouver dans la proposition de la Commission un objectif numérique de réduction du déficit identique pour tous les États dont le déficit excéderait 3 % du PIB. Nous appelons donc la France à s’opposer à la réintroduction de tout critère d’ajustement commun dans les nouvelles règles budgétaires européennes et à supprimer ce critère de réduction annuelle de 0,5 % du PIB. Nous poussons également les différents gouvernements à œuvrer à l’adoption d’un compromis avant les élections européennes de 2024, afin d’éviter que les règles européennes actuelles, qui ne nous satisfont plus, ne s’appliquent à nouveau.

En ce qui concerne l’Assemblée nationale, ce sujet devrait tous nous préoccuper, puisque les règles européennes conditionneront les dépenses que nous aurons la possibilité de voter lors de l’élaboration du budget. Nous demandons donc au Gouvernement d’organiser un débat à l’Assemblée nationale sur la révision du Pacte de stabilité.

Enfin, à titre personnel, j’émets le souhait que l’on puisse exclure du calcul des différents seuils certaines dépenses d’investissements publics dont, en priorité, les investissements verts. Étant donné l’ampleur des investissements à réaliser pour financer la transition écologique, une telle règle d’or me paraît indispensable, et pourrait être dupliquée à des investissements d’autres types, comme ceux dans la défense ou la recherche dans des domaines jugés prioritaires, par exemple la santé humaine.

Enfin, la question d’une règle d’or préservant certaines dépenses jugées stratégiques par l’Union européenne et qui seraient exclues du calcul des différents seuils doit, en tout état de cause, être mise en perspective avec celle de la création de ressources nouvelles, provenant par exemple de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, ou d’une fiscalité réellement progressive à l’égard de tous.

M. Alexandre Holroyd, rapporteur. Monsieur le Président, mes chers collègues, Marietta Karamanli vous a présenté les contours du cadre qui devrait peu ou prou être adopté au cours des prochains mois.

J’aimerais donc utiliser le temps qui m’est donné non pas pour revenir moi aussi sur ce cadre mais plutôt pour m’intéresser aux conséquences d’une telle procédure pour notre Assemblée si elle devait être mise en œuvre. Cela me semble un élément déterminant de cette réforme sur lequel la commission des Finances devrait notamment se pencher.

Comme cela a été expliqué, les plans nationaux seront au cœur du nouveau dispositif. Cela constitue un progrès indéniable car, comme leur nom l’indique, ces plans seront nationaux et chaque État pourra, par conséquent, avancer à un rythme qui lui est propre. Toutefois, ces plans budgétaires et structurels à moyen terme seront définis par le Gouvernement, dans un dialogue avec la Commission européenne. Or, de tels plans conditionneront le volume des dépenses qu’il nous sera possible d’adopter au moment de l’examen annuel de chaque projet de loi de finances pour les années couvertes par le plan. Notre marge de manœuvre, à nous parlementaires, sera donc contrainte et déterminée dans un dialogue dont nous serons exclus. Quelle que soit notre orientation politique, cela devrait tous nous préoccuper en ce que le vote du budget reste une prérogative forte du Parlement. C’est la raison pour laquelle, avec ma collègue, nous appelons, non pas à être associés directement aux négociations, mais, au moins, à avoir connaissance de l’ensemble de leur contenu, notamment des documents échangés entre Paris et Bruxelles dans ce cadre. Cela nous évitera d’être placés devant le fait accompli une fois les négociations terminées et de devoir composer avec une trajectoire sur laquelle nous n’aurions pas eu notre mot à dire. Pour cela, il nous paraît opportun de profiter de la prochaine révision de la Constitution envisagée par le président de la République la semaine dernière pour introduire dans la Constitution une disposition faisant obligation au Gouvernement de transmettre sans délai au Parlement tous les documents reçus des institutions européennes et sujettes à discussions entre eux. Cela se fait dans l’immense majorité des États membres, pourquoi cela ne serait-il pas le cas en France ?

Vous remarquerez que nous ne limitons d’ailleurs pas notre recommandation au seul cadre des règles budgétaires, mais que nous l’étendons à l’ensemble des sujets faisant l’objet de négociations entre le Gouvernement et les institutions européennes.

Avoir accès aux documents n’est toutefois n’est pas suffisant. Dans le cadre de ce rapport nous avons demandé au Trésor un document, le Trésor nous en a refusé l’accès et nous avons obtenu ce document par des collègues d’un autre parlement national, ce qui délégitime notre institution et notre travail. Cet état de fait ne peut être satisfaisant pour personne. Derrière ces documents se cache un outil très ingénieux et intéressant, l’analyse de soutenabilité de la dette, ou modèle DSA, qui vise à vérifier à quel point la dette publique est soutenable. Il est donc nécessaire que nous puissions non seulement disposer de ces documents, mais que nous puissions également les analyser. C’est pourquoi nous avons besoin de compétences supplémentaires à l’Assemblée nationale afin que nous soyons véritablement en mesure d’évaluer les enjeux de telles négociations. Il est donc indispensable que l’Assemblée nationale et la commission des Affaires européennes aient la capacité humaine et matérielle d’analyser ces documents et d’en tirer les conclusions souhaitées par chacun des élus. Plusieurs possibilités s’offrent à nous : soit recruter directement des économistes à l’Assemblée nationale, qui nous seraient d’ailleurs utiles pour réaliser d’autres types de travaux – le chiffrage de nos amendements, par exemple – soit s’appuyer sur des laboratoires de recherche qui effectueraient, à titre ponctuel, des missions d’assistance et d’expertise à notre demande.

Je veux maintenant parler d’une partie de la réforme qui concerne nos institutions. Une institution sur laquelle nous pouvons nous appuyer, nous parlementaires, pour contrôler l’action du Gouvernement et voter le budget en étant mieux informés est le Haut Conseil des finances publiques. La proposition de la Commission prévoit à juste titre que les compétences des IBI – les institutions budgétaires indépendantes, le HCFP en France – voient leurs compétences étendues, notamment pour produire ou endosser des analyses de soutenabilité de la dette publique ou pour rédiger un avis sur le rapport suivi annuel de la mise en œuvre du plan budgétaire et structurel de moyen terme. Les dispositions relatives aux IBI sont actuellement contenues dans les trois textes du paquet législatif présenté par la Commission, deux règlements et une directive. Il me paraît important, quand bien même les dispositions contenues dans les règlements ne feront pas l’objet de transposition, d’inclure toutes les dispositions relatives aux HCFP dans la LOLF, qui devra être révisée si jamais la proposition de la Commission était adoptée. Cela me semble en effet bienvenu de faire figurer dans un même texte toutes les missions relatives au HCFP et les règles qui régissent son activité.

C’est sûr ces considérations nationales que je voulais attirer votre attention aujourd’hui, mais je reste évidemment disponible pour répondre à vos questions sur les aspects globaux de la réforme.

D’ores et déjà, en deux mots : je crois vraiment que la proposition de la Commission part d’une bonne intention en distinguant entre les situations respectives des États membres. Toutefois, j’émets de sérieux doutes quant à sa mise en œuvre pratique, qu’il s’agisse de la méthodologie sur laquelle repose la DSA, de l’articulation des nouvelles règles avec les échéances démocratiques nationales ou encore de leur simplification. Il faudra que chaque nouveau pouvoir législatif et présidentiel puisse revoir les propositions faites par la Commission.

 

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

 

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade. Merci pour cette présentation. Je passe la parole aux orateurs de groupe.

M. Alexandre Sabatou (RN). La Commission européenne a présenté en avril 2023 des propositions législatives visant à mettre en œuvre une réforme complète des règles de gouvernance économique de l’Union européenne, avec pour objectif de « renforcer la soutenabilité de la dette publique et promouvoir une croissance durable et inclusive dans tous les États membres au moyen de réformes et d’investissements ». L’objectif affiché est de réduire les ratios d’endettement public trop importants.

Nous déplorons cependant que l’Union européenne empiète de façon croissante sur la souveraineté des États membres en donnant encore une fois plus de pouvoir à la Commission européenne. Les nouvelles règles budgétaires proposées sont déraisonnables pour la France car elles imposeraient près de 140 milliards d’euros d’économies en quatre ans, sauf à obtenir une dérogation. Par comparaison, le gouvernement français entend réaliser 60 milliards d’euros d’économie dans la même durée en application de son programme de stabilité, ce qui semble déjà significatif. Avec cette réforme, le financement de l’Union pourrait être suspendu si un État membre ne prenait pas de mesures suivies d’effets pour corriger un déficit jugé excessif, notre ministre des finances pouvant même être convoqué devant le Parlement européen.

Comment accepter, en tant que républicain, mais surtout en tant que démocrate, que des commissaires non élus et ne rendant de comptes à personne puissent influer sur la politique budgétaire de la France ? Nous ne l’acceptons pas et nous nous battrons toujours pour une Europe des nations respectueuse de la souveraineté des États membres.

Et pourtant, nous constatons au fil des réformes qu’à mesure que cette dernière recule, les prérogatives de la Commission européenne se multiplient. Nous assistons à une mise sous tutelle de la gestion des finances publiques des États souverains. Vous indiquez d’ailleurs dans votre note à propos de l’établissement de règles budgétaires communes qu’il s’agissait également de limiter les déséquilibres au sein de l’Union économique et monétaire par la définition de cibles communes et de contribuer à assurer une convergence économique entre les États. C’est un bel objectif qui a abouti à l’inverse de ce qu’il promettait. En regardant l’indice de production en Europe entre 1970 et 2022, par exemple, nous constatons que la mise en place de ces règles communes a, au contraire, contribué à la divergence économique des États, qui jusque vers 1995 suivaient pourtant la même tendance.

Ma question concerne la méthodologie utilisée par la Commission pour calculer la croissance potentielle d’un État. Sa prévision concernant la croissance française d’ici 2030 est en effet très différente de celles faites par le FMI et l’OCDE. Or, c’est bien sur cet indicateur ne faisant pas l’objet d’un consensus que l’équilibrage de la Commission sera fait. Pourriez-vous donc nous dire d’après quelles données ces décisions seront prises, et quels recours seront mis en place ?

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). J’ai trouvé très habile votre présentation : vous avez beaucoup insisté sur la forme et sur la mise en œuvre de cette révision, mais n’avez-vous pas cherché à masquer une certaine bienveillance, voire pour M. Holroyd un certain enthousiasme, pour une révision qu’il salue comme un « véritable pas en avant ». La Commission européenne serait convaincue que les règles doivent changer, mais dans quel sens ? Pour permettre une nouvelle efficacité économique et le développement des capacités humaines ou pour imposer les exigences des marchés financiers aux économies européennes ? Les gouvernements, la Commission européenne et la Banque centrale européenne semblent avoir fait leur choix, qui n’est pas le mien.

La proposition présentée le 26 avril dernier par la Commission vise à imposer l’adhésion des États à une baisse de l’agrégat de dépenses publiques primaire net selon une trajectoire de dépenses sur quatre ans qui serait adoptée par le Conseil européen et deviendrait contraignante pour les États, à l’inverse des programmes pluriannuels actuels, qui ne sont qu’indicatifs.

Ces propositions doivent très bien convenir à Bruno Le Maire qui annonce le retour à l’austérité budgétaire dès le budget 2024, avec des coupes qui toucheront toutes les sphères de la dépense publique. L’Allemagne et certains autres pays réclament même des règles encore plus contraignantes.

Pourtant, tous ces gouvernements savent bien qu’ils devront y déroger dès que la prochaine crise économique menacera les profits des grands groupes ou que la prochaine grande faillite bancaire devra être épongée par un recours aux fonds publics. Sans aucun doute, ils compteront alors sur une création monétaire illimitée des banques centrales.

Le projet européen doit-il se complaire à exposer les populations aux conséquences du changement climatique, aux épidémies, à l’insécurité et au chaos politique ? C’est pourtant ce qui se passera si l’on renonce à financer le développement des services publics ainsi que la transition écologique et énergétique. Cela ne sera jamais notre vision. Les moyens financiers existent pour construire les réponses.

J’avais fait des propositions à l’occasion d’une proposition de résolution européenne relative au financement de la transition écologique avec un objectif d’une brûlante actualité : sortir du calcul du déficit des États membres de l’UE les dépenses d’investissement portant directement sur l’adaptation au changement climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. J’ai cru voir dans ce texte quelque chose allant dans ce sens. Pourriez-vous le préciser ?

Quant au débat que vous proposez à l’Assemblée nationale, je m’associe à cette demande. Il faut bien que je voie quelque chose de positif dans votre rapport.

M. Alexandre Holroyd, rapporteur. Pour répondre à M. Sabatou, cette réforme ne donne pas plus de pouvoirs à la Commission européenne. Elle donne un mandat au Conseil européen, où siège le chef d’État français. Il se trouve que le Rassemblement national échoue tous les cinq ans à faire élire un chef d’État français mais, aujourd’hui, c’est un chef d’État élu démocratiquement par les Français qui siège à ce Conseil européen et qui a de facto quasiment un pouvoir de veto sur ses décisions. Deuxièmement, je trouve qu’il y a une certaine confusion dans votre position. Pourquoi est-ce que ces règles ont été édictées à l’origine ? Parce que nous avons une monnaie commune. La position du Rassemblement national sur la monnaie commune est difficile à suivre. À partir du moment où vous avez une monnaie commune, vous vous exposez à des risques financiers communs. Il paraît absolument nécessaire, et tous les économistes de la planète sont d’accord pour le dire, d’instaurer un semblant de coordination budgétaire. Certains vont même jusqu’à prôner une politique budgétaire alignée. Je pense qu’il faut que le Rassemblement national clarifie sa position. Est-ce que, comme pendant trente ans, cinquante ans il est toujours aujourd’hui contre le principe d’union économique et monétaire ou est-ce qu’il est prêt à permettre de prendre des mesures pour l’accompagner ? Nous parlons ici de règles économiques et monétaires qui permettent d’avoir une cohérence. Il est temps d’avoir une position cohérente. Vous ne pouvez pas vouloir une monnaie commune qui donne des avantages sur les marchés financiers et aucune règle. Nous sommes tous des États souverains en position de dire « non », tous en position de sortir de l’Union européenne. Les Britanniques sont sortis de l’Union européenne. Ils en ont le droit. Est-ce c’est ce que vous proposez ? Donnez-nous une indication claire sur la position du Rassemblement national.

Sur la question que vous avez posée, et qui est fondamentale, je n’ai pas une réponse parfaite à vous donner. Vous avez raison, au cœur de cette proposition réside un outil qui s’appelle l’analyse de la dette. Cet outil est basé sur toute une panoplie d’indicateurs : évidemment, si vous modifiez les paramètres cela aboutit à des résultats différents. C’est pour cela qu’il est important que le Parlement comprenne ces outils, comprenne ces paramètres – qu’il soit d’accord ou pas avec eux – et que chacun ici présents puisse en tirer les conclusions qu’il veut. Aujourd’hui je n’ai pas de visibilité sur ces paramètres, sur la manière dont ils sont fixés et qui donnera en bout de chaîne les résultats dont il est question dans cette réforme. Je suis déçu : je présente un rapport avec ma collègue Marietta Karamanli, qui est d’un autre parti, dans lequel j’indique qu’il faut que nous examinions les décisions qui sont négociées à Bruxelles, exercice de souveraineté s’il en est un et vous n’avez pas un mot pour soutenir cette proposition. C’est étonnant, vous devriez la soutenir à votre corps défendant.

Monsieur Chassaigne, la France n’a pas équilibré un budget depuis 1974. L’austérité budgétaire existe dans votre imaginaire, pas dans la réalité telle qu’elle est perçue par les économistes. L’austérité budgétaire a en revanche été appliquée dans certains pays européens, Marietta Karamanli peut en témoigner pour la Grèce. Je suis le premier à dire que ce fut un désastre. Il n’y a pas d’austérité budgétaire en France, les dépenses croissent d’année en année. Cette année nous allons emprunter 280 milliards d’euros pour financer nos dépenses publiques. Vous dites que la Commission met en œuvre la politique des marchés financiers mais c’est un fantasme. L’Agence France Trésor s’endette directement auprès des marchés financiers. Ça ne passe pas par la Commission. La réalité c’est que l’euro réduit notre coût d’emprunt et l’exemple du Royaume-Uni nous montre que sortis de l’euro, sortis de l’Union européenne notre coût d’emprunt serait renchéri. Ces déficits ont été utilisés pour protéger les Français. Nous sortons de la période Covid avec le chômage partiel et l’indemnité énergie que vous avez votés à nos côtés. Nous avons une vision de la politique budgétaire de la France très différente, on ne va pas se voiler la face. Mais nous devrions nous retrouver derrière des propositions pour accentuer le rôle de la représentation nationale sur ces questions dans le débat européen. Un rôle que les parlements nationaux d’autres États exercent. Un dernier point sur la transition verte, pour lequel je partage un petit différend avec Marietta Karamanli, qui ne porte toutefois pas sur les objectifs. Marietta Karamanli propose d’extraire les trajectoires des investissements verts. Je ne pense pas que ce soit la bonne méthode car si l’on ouvre ce chantier, va s’ouvrir une négociation dont seuls nous Européens avons le secret pour définir ce qui est vert et ce qu’il ne l’est pas. Je suis d’accord avec vous sur le fait qu’il faut investir dans le domaine de la transition verte. Chaque État membre a une feuille de route, chez nous c’est la SNBC. Donc plutôt une différence de méthodologie que d’objectifs.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je suis en accord avec mon collègue sur le fait que notre appartenance à une communauté nous impose d’avoir des règles communes, à la fois sur les sujets européens et budgétaires. Ma proposition sur les investissements verts répond au souhait de plusieurs pays européens d’investir dans certains domaines les impactant davantage, que ce soit au niveau de la défense ou de la transition écologique. Pourquoi ne pas traiter cette question de manière différenciée si telle est la volonté de l’Europe ? Sur les règles budgétaires, il faut prendre en compte la situation des états. La Grèce par exemple, malgré l’action de ses dirigeants, est toujours en crise économique et les règles budgétaires doivent en tenir compte par solidarité pour ne pas aggraver sa situation déjà difficile. Il ne faut pas être hypocrites, la règle des 3 % de déficit et celle de 60 % d’endettement sont dépassées depuis très longtemps. Le Parlement doit être associé. Il faut également trouver des ressources pour permettre à l’État de mener ses politiques publiques. Par exemple un ISF modernisé qui pourrait toucher les fortunes à partir de 20 millions d’euros pourrait dégager 24 milliards d’euros par an. Cette mesure ou d’autres lui ressemblant pourrait générer des ressources permettant le désendettement et la conduite des politiques publiques. Nous avons mené ces travaux de manière honnête pour dire à la Commission ce que nous voulons et peser sur le débat.

M. Alexandre Sabatou (RN). Sur notre politique européenne, notre position sera clarifiée au moment des élections de juin. Je n’ai pas eu le temps de m’étendre en 3 minutes mais nous soutenons votre demande pour plus de transparence et plus de débats à l’Assemblée sur les sujets européens. À titre personnel, et au nom du groupe je crois, nous souhaiterions que la commission des affaires européennes occupe une place plus importante au sein de notre Assemblée pour pouvoir davantage s’emparer des textes discutés au niveau européen.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). Je veux formuler deux observations. Il ne faut pas céder à l’idée qu’il existe une pensée unique en économie. Il existe aussi des économistes européens qui ont le même regard que nous communistes sur le marché. Par exemple, l’idée de sortir les dépenses liées à la transition écologique du calcul du déficit public est portée par de nombreux économistes qui pensent que le succès de la transition écologique en dépend car les contraintes du marché l’empêcheront. Il existe aussi des économistes qui voudraient voir la BCE financer directement des investissements sans passer par la fluctuation des marchés en créant un fonds de développement économique, écologique et social. Il n’y a pas de parti unique mais une pensée unique contre laquelle il faut lutter, notamment sur les sujets économiques et bancaires.

M. Alexandre Holroyd, rapporteur. Je suis content que nous soyons tous d’accord sur l’importance de notre commission et sur la nécessité de discuter davantage des sujets européens. Monsieur Chassaigne, je suis d’accord, il n’y a pas de pensée unique au sein des économistes. Toutefois, très peu d’entre eux affirment qu’on peut avoir une politique monétaire efficace sans une coordination des politiques budgétaires. Sur l’exclusion des investissements du calcul du déficit, je suis d’accord avec l’esprit mais pas avec la forme : d’autres outils comme les budgets carbones me paraissent plus appropriés. La décision de la BCE de différencier ses rachats par État a déjà profondément changé le champ des possibles et il existe des possibilités conséquentes nous permettant de réfléchir au financement de notre transition. Je rappelle que le budget à venir va consacrer 40 milliards supplémentaires à la transition écologique.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Les pays nordiques ont réussi à commencer leur transition verte plus tôt que d’autres États, comme la France ou l’Allemagne. Pour cette raison, je pense que l’Europe doit avoir un fond pour soutenir la transition. Mme Chikirou m’a chargé d’indiquer qu’elle salue plusieurs recommandations de notre rapport, comme celle de refuser tout objectif numéraire identique ou celle de prévoir des dispositifs exceptionnels en case de crise. En effet, nous avons essayé d’être pragmatiques et volontaristes car nous sommes à la fois européens et attachés à notre pays.

La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.


 

Intervention de Mme Sophia Chikirou sur le projet de rapport d’information relatif à la révision des règles budgétaire du Pacte de stabilité et de croissance

 

(Mme Sophia Chikirou ayant été empêchée de prononcer cette intervention en raison d’un vote en séance publique, elle a demandé que le présent texte soit annexé au compte rendu)

« Merci Monsieur le Président,

Madame et Monsieur les Rapporteurs,

Chers collègues,

L’austérité a échoué. Et conclure que l'austérité est efficace parce que l'on entrevoit le frémissement d'une maigre reprise fait penser au médecin du Moyen Âge qui prétendait que la saignée était un bon remède parce que le malade n'était pas encore mort. »

Voilà ce que le prix Nobel d’économie américain Joseph Stiglitz assénait dans les colonnes des Échos en octobre 2014, six ans après la propagation de la crise financière sur le continent européen.

Depuis de nombreuses années déjà, Jean-Luc Mélenchon fustigeait cette idéologie néolibérale et appelait en septembre 2012 « le peuple français à entrer en mouvement contre la politique d'austérité », alors que la France était sur le point de ratifier le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) durcissant encore les règles budgétaires européennes.

Ce n’est donc pas faute d’avoir prévenu ! Ces règles, qui fixent de manière totalement conventionnelle – mais c’est vrai que c’est toujours sympa les chiffres ronds – des seuils de 3 % du PIB pour le déficit public et de 60 % du PIB pour la dette publique, sont le symbole de l’ordolibéralisme européen.

Un prisme idéologique que nous combattons. Non pas par idéologie justement, mais parce qu’il ne résiste pas à l’épreuve des faits. Ces règles empêchent toute politique de relance contracyclique, vous le dites dans le rapport, et a mené lors de la crise de 2008 des pays dans la dépression, comme ce fut le cas de l’Espagne et de la Grèce, dont 25 % de la population et la moitié des jeunes étaient au chômage au tournant des années 2010.

En Grèce, c’est un véritable désastre humanitaire qui a été orchestré au nom de ces mêmes règles par ce qu’on appelait alors la Troïka ([46]). Un désastre pour rien : la dette grecque s’établissait à 120 % du PIB en 2010, Bruxelles a serré la visse, et elle est montée jusqu’à 200 % du PIB en 2020, sans que plus personne ne s’en préoccupe. On a saigné le malade, on s’est rendu compte que ça ne fonctionnait pas, puis on l’a laissé crever.

Des règles inefficaces, cyniques et hypocrites donc.

Mais aussi et surtout inadaptées à l’urgence climatique qui nécessite de lourds investissements. J’insiste collègues : on ne lègue pas seulement des dettes aux générations futures ! On lègue aussi des actifs, un état de l’économie et un écosystème compatible avec la vie humaine. Adopter une politique court-termiste en renonçant à soutenir la demande en cas de choc ou à financer des dépenses d’investissement dans la transition écologique peut s’avérer désastreux à long terme. La crise sanitaire de la Covid en était l’illustration parfaite.

Alors cette révision des règles tombait à pic. Sauf que, comme souvent en Europe, il faut que tout change pour que rien ne change. On nous propose de changer les règles sans changer les traités ni les seuils ! Un comble. On modifie à la marge des critères d’ajustement communs qui n’ont pas de sens et on invente de nouveaux plans budgétaires - qui viennent s’additionner à une loi de programmation des finances publiques dont on a compris qu’elle ne servait à rien.

Bref, je m’associe donc à toutes les réserves exprimées par les rapporteurs et soutiens particulièrement la recommandation 4 qui vise à refuser tout objectif numéraire (c’est quand même la moindre des choses quand on veut réformer une règle jugée trop rigide). Et la recommandation 7 permettant des dépenses exceptionnelles en cas de situation exceptionnelle (au sortir de la crise covid, cela apparaît comme une évidence). Je salue aussi la recommandation de la rapporteure Karamanli qui propose de ne pas comptabiliser les dépenses liées à la transition écologique. C’est l’urgence qui se dresse devant nous.

Mais je ne vous le cache pas, nous pensons qu’il faut aller beaucoup plus loin et abroger ces traités pour leur préférer des règles européennes d’harmonisation fiscales, sociales et écologiques. Je vous remercie »

 

 

 


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annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par les rapporteurs

Direction générale du Trésor

-          Mme Agnès Benassy-Quéré, cheffe économiste

-          Mme Shanti Bobin, sous-directrice chargée des affaires européennes

-          M. Fabien Bouvet, chef du bureau de l’Union économique et monétaire

-          M. Clovis Kerdrain, sous-directeur en charge des finances publiques

-          M. Sylvain Monliérac, Adjoint au chef du bureau Analyse transversale des finances publiques

Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)

-          Mme Catherine Mathieu, économiste

-          M. Henri Sterdyniak, cofondateur de l’Observatoire français des conjonctures économiques, cofondateur des Économistes atterrés

Comité budgétaire européen

-          M. Xavier Debrun, membre, conseiller au sein du département de recherche de la Banque nationale de Belgique

Commission européenne, cabinet de M. Paolo Gentiloni, Commissaire à l’économie

-          Mme Roberta Torre, membre du cabinet

-          Mme Alieanor Margerit, membre du cabinet

Parlement européen

-          Mme Valérie Hayer, membre de la commission des budgets

-          M. Pierre Larrouturou, membre de la commission des budgets

Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne

-          M. Philippe Léglise-Costa, Ambassadeur, Représentant permanent

Institut Jacques Delors

-          Mme Eulalia Rubio, chercheuse senior en affaires économiques européennes

-          M. Andreas Eisl, chercheur en politique économique européenne


Institut Jacques Delors (Allemagne)

-          M. Johannes Lidner, Co-directeur

-          M. Nils Redeker, Co-directeur

Institut de recherche économique (Allemagne)

-          M. Clemens Fuest, Directeur

Banque de France

-          M. Olivier Garnier, Directeur général des statistiques, des études et de l’international

-          M. Pierre-François Weber, Directeur des politiques européennes et multilatérales

-          Mme Véronique Ben-Saïd Cohen, conseillère parlementaire du Gouverneur

Bundestag (Allemagne)

-         Députés du Parti libéral-démocrate (FDP)

-          M. Thorsten Lieb, Député

-          M. Carl-Julies Cronenberg, Député

-         Députés de l’Union chrétienne démocrate allemande (CDU)

-          M. Helge Braun, Président de la commission du Budget

-          M. Christian Haase, Porte-parole de la politique budgétaire du groupe

-          M. Olav Gutting

-          M. Yannick Bury

-         Députés de l’Alliance 90/Les Verts

-          M. Anton Hofreiter, Président de la commission des affaires de l’Union européenne

-          Mme Chantal Kopf, Porte-parole pour la politique européenne

-          Mme Jamila Schäfer, Député

-         Députés du Parti social-démocrate (SPD)

-          M. Markus Töns, Député

-          Mme Bettina Hagedorn, Député

-          Mme Dagmar Andres, Député

Ministère fédéral des Finances (Allemagne)

-          M. Wilfried Steinheuer, Sous-directeur Europe


Dezernat Zukunft (Think tank allemand proche du SPD)

-          Mme Philippa Sigl-Glöckner, économiste et directrice

Université du Mans

-          M. François Langot, économiste

Camera dei deputati (Italie)

-          M. Alberto Bagnai, vice-président de la Commission des finances

-          Mme Marianna Madia, vice-présidente de la Commission des politiques de l’Union européenne, ancienne ministre

Cour des comptes

-          M. Pierre Moscovici, Premier président

-          Mme Raphaëlle Eloy, conseillère référendaire

-          M. Nicolas Thervet, chargé de mission


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Annexe n° 2 :
LETTRE DES RAPPORTEURS À L’ADRESSE DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DU TRÉSOR

 


 


([1]) Rapport sur l’Union économique et monétaire dans la Communauté européenne, 12 avril 1989.

([2]) Sargent & Wallace, « Some Unpleasant Monetarist Arithmetic », Federal Reserve Bank ok Minneapolis Quaterly Review Fall 1981, 1981.

([3]) Article 127 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne.

([4]) La liste de ces critères était initialement fixée à l’article 121 du Traité instituant la Communauté européenne.

([5]) Mancur Olson, Logique de l’action collective, 1965.

([6]) De fait, au cours des années 2000, les États membres de la zone euro empruntaient quasiment tous dans des conditions identiques, malgré des situations nationales très différentes. Par exemple, les taux d’intérêt à dix ans pour l’Allemagne, la Finlande et l’Italie étaient respectivement de 5,3 %, 5,6 % et 5,5 % en 2000 pour des dettes publiques équivalentes à 63 %, 118,4 % et 53,6 % du PIB. À l’inverse, pour des dettes sensiblement équivalentes, les taux d’emprunt à 10 ans étaient de 6,9 %, 12,2 % et 8,8 % pour les trois mêmes pays en 1995.

NB : le journal Le Monde, dans son édition du 5 juin 2005 allait jusqu’à titrer « L’Euroland, une zone sans risque ? ».

([7]) Chiffres incluant la République fédérale d’Allemagne et la République démocratique d’Allemagne.

([8]) Le déficit public en France s’élevait respectivement à 3,2 %, 4 %, 3,6 % et 3,4 % du PIB en 2002, 2003, 2004 et 2005.

([9]) Règlement (CE) n° 1055/2005 du Conseil du 27 juin 2005 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques et règlement (CE) n° 1056/2005 du Conseil du 27 juin 2005 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.

([10]) Règlement (UE) n° 1173/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro, règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, règlement (UE) n° 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, règlement (UE) n° 1174/2011 du Parlement européen et du Conseil.

([11]) Règlement (UE) n° 472/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres de la zone euro connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière, règlement (UE) n° 473/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro.

([12]) Décision (UE) 2019/1001 du Conseil du 14 juin 2019 abrogeant la décision 2009/417/CE sur l’existence d’un déficit excessif en Espagne.

([13]) Certains auteurs, comme L. H. Summers et A. Fatás (The Permanent Effects of Fiscal Consolidations, 2017) sont allés jusqu’à avancer l’idée d’un cercle vicieux qui résulterait des règles budgétaires européennes.

([14]) Darvas, Martin et Ragot, Réformer les règles budgétaires européennes : simplification, stabilisation et soutenabilité, 2018.

([15]) Comité budgétaire européen, Assessment of EU fiscal rules with a focus on the six and two-pack legislation, 2019.

([16]) FMI, 2015, « Reforming Fiscal Governance in the European Union », IMF Staff Discussion Notes, SDN/15/09, mai.

([17]) Rapport précité.

([18]) France Stratégie, Les incidences économiques de l’action pour le climat, 2023.

([19]) Comité budgétaire européen, Rapport annuel 2020, 2020.

([20]) Commission européenne, Com(2023) 141 final, Communication de la Commission au Conseil – Orientations pour la politique budgétaire en 2024, 2023.

([21]) Conférence du Haut Conseil des Finances Publiques, « La soutenabilité de la dette française, entre hausse des taux et règles européennes », F. Villeroy de Galhau, Paris, 10 mai 2022.

([22]) Debt Sustainability Monitor 2022, European Economy Institutionnal Papers, n° 199, Apr. 2023.

([23]) Commission européenne, L’économie de l’UE après la pandémie de Covid-19 : conséquences pour la gouvernance économique (COM[2021]662), octobre 2021, p. 19.

 

([24]) COM(2022) 583 final, Communication sur les orientations pour une réforme du cadre de gouvernance économique de l’UE, novembre 2022.

([25]) COM(2023) 240 final – Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la coordination efficace des politiques économiques et à la surveillance budgétaire multilatérale et abrogeant le règlement (CE) nº 1466/97 du Conseil.

COM(2023) 241 final – Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs

([26]) COM(2023) 242 final – Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/85/UE du Conseil sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres.

([27]) Entretien au journal The Economist, du 7 novembre 2019 : « Emmanuel Macron in his own words ».

([28]) Darvas, Z., L. Welslau and J. Zettelmeyer (2023), A quantitative evaluation of the European Commission´s fiscal governance proposal, Working Paper 16/2023, Bruegel.

([29]) Voir par exemple Michal Andrle et al., Reforming fiscal governance in the European Union, IMF staff discussion note, mai 2015 ; Gregory Claeys et al., A proposal to revive the european fiscal framework, Bruegel policy contribution 2016/07, mars 2016 ; Agnès Bénassy-Quéré et al., Reconciling risck sharing with market discipline : a constructive approach to euro area reform, CEPS policy insight n° 91, janvier 2018 ; CAE, Pour une refonte du cadre budgétaire européen, 2021.

([30]) CAE, Réformer les règles budgétaires européennes, 2018.

([31]) Propos tenus lors de la présentation des propositions législatives le 26 avril 2023.

([32]) Joint paper by Spain and The Netherlands on priority issues in 2022 on the EU’s economic and financier policy agenda, avril 2022.

([33]) Mario Draghi et Emmanuel Macron, « The EU’s fiscal rules must be reformed », Financial Times, déc. 2021.

([34]) Isabelle Ory, « Déficit, dette… L’Europe patine sur les nouvelles règles budgétaires », L’Express, 16 juin 2022.

([35]) Christian Lindner, « We need to strengthen EU fiscal rules, not dilute them », Financial Times, 25 avril 2023.

([36]) Op-ed by German Finance Minister Christian Lindner and other European finance Ministers on the reform of Europe’s fiscal rules, Die Welt, 15 juin 2023.

([37]) Liste des pays signataires : Allemagne, République tchèque, Autriche, Bulgarie, Danemark, Croatie, Slovénie, Lituanie, Lettonie, Estonie, Luxembourg.

 

([38]) Entretien réalisé mi-mars 2023.

([39]) Cinquième conférence annuelle du Comité budgétaire européen, « Debt sustainability analysis and the EU fiscal framework », 11 mai 2023.

([40]) Étude précitée.

([41]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la coordination efficace des politiques économiques et à la surveillance budgétaire multilatérale et abrogeant le règlement (CE) no 1466/97 du Conseil.

 

([42]) Document de travail des services de la Commission européenne – Rapport d’analyse d’impact, SWD(2021) 621 final.

([43]) Voir annexe.

([44]) Discours du Président de la République au Conseil constitutionnel pour les 65 ans de la Constitution de la Ve République, 4 octobre 2023.

([45]) Darvas, Z. and G. Wolff (2021), « A green fiscal pact: climate investment in times of budget consolidation », Policy Contribution 18/2021, Bruegel.

 

 

([46]) La troïka désigne les experts représentant la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international