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N° 1777

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 octobre 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

sur le déplacement du président de la commission en Arménie,
du 13 au 16 septembre 2023

 

présenté par

M. Jean-Louis BOURLANGES,

Député

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 SOMMAIRE 

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 Pages

Introduction

I. L’Arménie, composante singulière du caucase sUd

A. un état et une nation à part dans la région

1. Une civilisation indo-européenne multiséculaire

2. Une identité nationale forgée de manière indélébile par le génocide de 1915

3. Un îlot démocratique

B. une situation géopolitique difficile

1. Un quasi-enclavement qui nuit au développement du pays sans pour autant l’empêcher

a. Une géographie pénalisante

b. Une économie plutôt résiliente

2. Un petit pays au centre de rivalités entre puissances régionales

II. Un État aux prises avec un défi existentiel, que la France doit continuer à soutenir

A. le différend territorial avec l’Azerbaïdjan : un enjeu qui dépasse de loin la question du haut-karabagh

1. Le Haut-Karabagh : symbole de la présence arménienne dans la région

a. Aux origines du conflit

b. Les conséquences de la guerre de 2020

c. L’instrumentalisation du corridor de Latchine par les autorités de Bakou, prélude à une ultime offensive d’ampleur pour contrôler définitivement le territoire

2. Un traité de paix, seule véritable solution sur la durée, d’autant plus difficile à conclure dans le contexte actuel

B. La France, soutien indéfectible et nécessaire au droit de la nation arménienne à vivre en paix sur son territoire

1. Une relation bilatérale dense, marquée par la confiance

2. La mobilisation du relais européen par Paris

a. Les discussions de paix tripartites et dans le cadre de la Communauté politique européenne (CPE)

b. L’action de la mission civile de l’Union européenne en Arménie (EUMA), dont la mise en place a été fortement soutenue par la France

III. L’impératif moral, pour la France, l’Union européenne et la communauté internationale, de faire encore davantage pour l’Arménie

A. Une implication française qui DOIT s’accroître

1. Une intensification de la mobilisation diplomatique et parlementaire souhaitable

2. Une coopération bilatérale qui doit monter en puissance

B. Les leviers de la communauté internationale qui peuvent aussi être actionnés

1. Traiter l’urgence humanitaire, tant en Arménie que sur le territoire du Haut-Karabagh

a. L’ONU doit observer la situation sur place pour préserver le sort des populations et, pour ceux qui le souhaiteraient, ménager la possibilité d'un retour

b. L’Union européenne peut mettre en place un véritable « plan Marshall » pour éviter à l’Arménie de succomber à la crise dont elle est victime

2. Poursuivre et améliorer la mission des observateurs civils de l’EUMA aux frontières de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, pour prévenir toute attaque contre l’intégrité territoriale arménienne

3. Expertiser le levier des sanctions internationales

4. Mobiliser la communauté internationale au service d’un traité de paix garantissant l’intégrité et la souveraineté de la République d’Arménie

Conclusion

Examen en commission

Annexe : Programme du dÉplacement de M. Jean-Louis BOURLANGES en ARménie

 


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   Introduction

À l’occasion du centenaire du génocide arménien, un éditorialiste ouvrant le numéro spécial d’un magazine français sur « Les Arméniens, une histoire française », résumait en ces termes le lien si particulier qui unit notre pays à l’Arménie : « Il existe [écrivait-il à raison] un pacte multiséculaire entre la France et l’Arménie, sans doute parce qu’il s’agit là de deux nations qui dérangent le grand désordre du monde et qui refusent de sortir de l’Histoire. Dès le XIe siècle, cette alliance est scellée entre les premiers capétiens et les descendants des bagratides qui régnèrent sur le royaume arménien de Cilicie. (…) C’est sans doute parce que nous avons en commun cet esprit de résistance que, de tous temps, les Arméniens venus de Syrie, du Liban, de Turquie, d’Iran ou de Russie ont tout de suite habité le cours le plus intérieur de ce qui constitue la France au point que l’on peut écrire, aujourd’hui, que, sans leur présence, notre pays ne serait pas ce qu’il est (…). » [1].

Terre d’asile de nombreux émigrés arméniens, qui sont devenus Français depuis plusieurs générations désormais, la France ne peut pas se désintéresser du sort de l’Arménie. Alors que la communauté française recensée par l’ambassade à Erevan se dénombre à quelque 550 personnes, près de 14 000 ressortissants arméniens et plus de 500 000 Français d’origine arménienne vivent en France. Les liens ne sont pas seulement historiques ou culturels : ils sont plus étroits, d’ordre affectif pour ne pas dire émotionnel.

Les échanges politiques, depuis l’indépendance de la République d’Arménie le 21 septembre 1991, sont logiquement denses. Outre les fréquentes visites réciproques de haut niveau, la France est directement impliquée dans la recherche d’une solution au différend entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan frontalier, au sein du groupe de Minsk dont elle assume la coprésidence avec les États-Unis et la Fédération de Russie.

Depuis les affrontements autour du Haut-Karabagh à l’automne 2020, l’Arménie et son peuple se retrouvent victimes collatérales d’une conjoncture détournant l’attention de la communauté internationale de leur sort. L’impact sanitaire, économique et social de la pandémie de coronavirus a tout d’abord accaparé les principaux pays impliqués dans la recherche d’une solution diplomatique, puis la guerre en Ukraine a conduit à une révision de certaines postures à l’égard de l’Azerbaïdjan, qui a cherché à pousser son avantage en instrumentalisant l’accès au Haut-Karabagh par le corridor de Latchine et, dernièrement, en lançant une offensive visant à reprendre totalement le contrôle sur ce territoire.

Le président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale avait fait, de longue date, la promesse à ses interlocuteurs arméniens de se rendre à Erevan. Il souhaitait honorer son engagement au moment d’une recrudescence des tensions entre le pays et l’Azerbaïdjan et alors que les autorités arméniennes se montrent ouvertes à la discussion d’une solution durable aux différends territoriaux et d’un traité de paix ; le hasard a voulu que sa venue coïncide avec l’acmé de la crise du Haut-Karabagh.

Paradoxalement, bien que l’Azerbaïdjan n’ait probablement jamais été si proche d’obtenir par la voie diplomatique satisfaction sur une partie substantielle de ses revendications de souveraineté, il s’est rarement montré, dans le même temps, aussi intransigeant, inflexible et belliqueux à l’égard des autorités et de la population arméniennes. Il était donc plus que jamais nécessaire de se préoccuper aussi, en dépit des nombreux autres foyers d’instabilité qui menacent la paix dans le monde, de ce différend enraciné dans une région stratégique, à la confluence de l’Europe et de l’Asie.

Signe de l’intérêt porté à la démarche de l’Assemblée nationale par les autorités arméniennes, le président de la commission des affaires étrangères a pu s’entretenir à Erevan avec le premier ministre Nikol Pachinian, le ministre arménien de la défense, le président de l’Assemblée nationale de la République d’Arménie, son homologue président de la commission des affaires étrangères et le président du groupe d’amitié Arménie-France. Il a également procédé à des visites de terrain et s’est rendu auprès de la mission civile de l’Union européenne en Arménie, à proximité de la frontière. Il a enfin eu des échanges avec l’ambassadeur de France, M. Olivier Decottignies.

Toutes ces rencontres ont permis de prendre la pleine mesure des tensions géopolitiques affectant l’Arménie et des menaces précises pesant sur son intégrité, sa souveraineté et sa survie. Elles ont également permis d’apprécier à sa juste valeur l’engagement de la France au service d’une paix respectueuse des droits des Arméniens. Le 17 octobre 2023, la commission des affaires étrangères, à qui son président a rendu compte de son déplacement, a souhaité que les constats dressés à cette occasion puissent être rendus publics sous la forme d’un rapport d’information.

 


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I.   L’Arménie, composante singulière du caucase sUd

Petit pays d’un peu moins de 30 000 kilomètres carrés et d’à peine trois millions d’habitants, l’Arménie est un État ancien au passé aussi riche que mouvementé. À bien des égards, la civilisation arménienne représente le symbole d’un Caucase pluriculturel et multiconfessionnel, raison pour laquelle il est si capital de veiller à la préserver et la défendre.

A.   un état et une nation à part dans la région

1.   Une civilisation indo-européenne multiséculaire

La légende veut que l’Arménie ait été fondée par Haïk en l’an 2492 avant Jésus Christ. Une inscription cunéiforme lapidaire retrouvée à Erevan a permis de conclure que la capitale actuelle du pays avait été fondée en 782 avant notre ère : Erevan est ainsi la plus vieille ville au monde ayant pu documenter la date de sa fondation.

Situé à la confluence de l’Europe et de l’Asie, au cœur du Caucase, le plateau arménien est considéré comme le berceau des civilisations indo-européennes : l’arrivée du peuple des Armens marque la constitution de la satrapie d’Arménie au VIème siècle avant Jésus Christ et cinq cents ans plus tard, le royaume arménien atteint son apogée sous Tigrane le Grand.

L’Arménie est le premier État au monde à avoir adopté le christianisme comme religion d’État, en l’an 301. Aujourd’hui, dans cet État constitutionnellement laïc, la religion chrétienne occupe une place importante puisque 90 % de la population s’en réclame.

L’histoire moderne du pays est marquée par une succession de périodes d’indépendance et de soumission à d’autres puissances, parfois rivales. Longtemps les populations arméniennes se retrouveront sous le joug des empires perse, turc et russe.

Une République arménienne indépendante voit le jour au lendemain de la première guerre mondiale mais son existence s’avère éphémère. Le 29 novembre 1920 naît la République soviétique d’Arménie, qui ne couvre qu’une petite partie du territoire historique du pays. Le traité de Sèvres prévoyait d’intégrer à la nouvelle Arménie indépendante plusieurs vilayets d’Anatolie orientale mais il ne sera pas respecté sur ce point. En 1922, cette République est intégrée à la République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie, puis à partir de 1936 elle devient une République socialiste soviétique à part entière. Le pays recouvre son indépendance actuelle le 21 septembre 1991.

Aujourd’hui, le pays et la nation arménienne sont résolument tournés vers l’Europe et l’Occident, même si le poids tutélaire de puissances régionales demeure encore présent. L’Arménie a adhéré au Conseil de l’Europe le 25 janvier 2001. Ses relations avec l’Union européenne, quant à elles, se développent dans le cadre de la politique européenne de voisinage : après la signature d’un premier accord de partenariat et de coopération en 1996, un nouvel accord de partenariat global et renforcé a été formalisé le 24 novembre 2017, en marge du 5ème sommet du Partenariat oriental, et est entré en vigueur en 2021.

2.   Une identité nationale forgée de manière indélébile par le génocide de 1915

Le génocide perpétré à l’encontre des populations d’origine arménienne vivant dans l’empire ottoman s’inscrit dans le prolongement de nombreuses persécutions sous le règne du Sultan Abdülhamid II, et il avait été programmé dès 1911-1912. Il s’est néanmoins concrétisé lors de la première guerre mondiale, alors que le gouvernement du comité Union et Progrès dit des « jeunes-turcs », au pouvoir depuis 1908, menait une politique impérialiste destinée à unir tous les peuples turcophones du Caucase et de l’Asie centrale ; ce projet prévoyait notamment une assimilation forcée de toutes les minorités ethniques.

La première phase commença le 24 avril 1915 avec les arrestations et les exécutions de masse de centaines d’intellectuels d’origine arménienne principalement à Constantinople. Parallèlement, quelque 60 000 Arméniens furent enrôlés de force dans l’armée turque. La deuxième phase débute le 15 septembre 1915, le ministre de l’intérieur Talaat Pacha explicitant le processus dans un télégramme à la direction du parti à Alep : « Le gouvernement a décidé de détruire tous les Arméniens résidant en Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l'âge ni du sexe. Les scrupules de conscience n'ont pas leur place ici »[2]. Ces orientations se traduisent par la déportation des femmes, enfants et personnes âgées vers les déserts de la Syrie : au cours de cette véritable « marche de la mort », la majeure partie de ces Arméniens est massacrée par l’armée régulière, la police ou des milices kurdes particulièrement violentes.

Plus de deux millions d’Arméniens vivaient dans l’empire ottoman à la veille de la première guerre mondiale. De 1,3 à 1,5 million d’entre eux périrent entre 1915 et 1923, le reste se voyant convertir de force à l’islam ou trouvant refuge à l’étranger.

La première réaction de la communauté internationale à ces événements fut la déclaration conjointe de la France, de la Russie et de la Grande-Bretagne le 24 mai 1915 où les atrocités commises contre le peuple arménien furent définies comme « un crime contre l’humanité et la civilisation », les parties en tenant pour responsable le gouvernement turc. Depuis, de nombreux pays, dont la France, ont reconnu formellement le caractère génocidaire de cet épisode historique.

L’identité nationale arménienne est étroitement liée à la tragédie qui s’est déroulée entre 1915 et 1923. Pour s’en convaincre, il suffit de se rendre au mémorial de Tsitsernakabеrd, érigé entre 1965 et 1968 sur les hauteurs de la capitale, Erevan : douze stèles de granite disposées en cercle entourent la flamme éternelle, lieu de recueillement où il est de tradition de déposer une fleur ; un mur long de cent mètres de long porte les inscriptions des principaux villages arméniens dans lesquels ont eu lieu les massacres ; enfin, le musée circulaire souterrain présente des photographies et plusieurs publications relatant les événements de l’époque et un monument y rappelle les paroles de grands hommes européens, comme Charles Péguy, Jean Jaurès, Georges Clemenceau, Anatole France, qui ont plaidé la cause arménienne.

Il reste aujourd’hui aussi incompréhensible qu’inadmissible que la Turquie n’ait jamais reconnu le génocide arménien.

3.   Un îlot démocratique

La République d’Arménie est l’un des rares pays du Caucase dont le fonctionnement politique et juridictionnel correspond pour l’essentiel aux critères d’une véritable démocratie. C’est aussi l’une des raisons qui doit pousser la communauté internationale, et notamment l’Union européenne, à lui apporter son aide.

Adoptée par référendum le 15 juillet 1995, la Constitution a été modifiée à trois reprises, les 27 novembre 2005, 6 décembre 2015 et 22 juin 2020. Le régime politique, initialement présidentiel, a été transformé en régime parlementaire en 2015.

En 2018, la tentative du président sortant de contourner la limitation à deux du nombre de ses mandats en se faisant nommer premier ministre avec des pouvoirs élargis tourne court : sous la pression de la rue, il est contraint à démissionner, ce qui vaut à l’épisode la qualification de « révolution de velours ».

Symbole de la maturité politique des Arméniens, le chef de l’opposition, alors M. Nikol Pachinian, devient premier ministre le 8 mai 2018. Dans la foulée, il remporte les élections législatives anticipées qu’il convoque afin de disposer d’une majorité à même de lui permettre d’appliquer son programme.

Cette alternance correspondant aux aspirations du peuple arménien tranche nettement avec la situation des pays environnants et les habitudes politiques qui y prévalent.

Preuve supplémentaire de l’attachement des Arméniens aux principes et règles de la démocratie, de nouvelles élections générales sont provoquées par le premier ministre en juin 2021, à la suite des fortes tensions internes causées par l’issue du conflit au Haut-Karabagh en novembre 2020. Bien que critiqué et en recul en termes de suffrages, le parti du premier ministre remporte de nouveau le scrutin, dans des conditions jugées tout à fait équitables par les observateurs internationaux.

La vie politique et le fonctionnement de l’institution judiciaire ont accompli de grands progrès en Arménie. Sous l’impulsion de ses autorités réformatrices, le pays s’est engagé sur la voie d’une rupture avec la corruption, les fraudes et l’impunité. Derniers épisodes en date, symboliques à cet égard de ce mouvement de fond, l’Assemblée nationale de la République d’Arménie a aboli la peine de mort le 8 septembre 2003 et elle a approuvé, le 3 octobre dernier, la ratification du statut de Rome du 17 juillet 1998, instituant la Cour pénale internationale (CPI).

Tout n’est évidemment pas parfait. Il n’en reste pas moins que la République arménienne s’impose progressivement comme un îlot de résistance à l’illibéralisme ambiant de la région, ce qui représente une justification supplémentaire s’il en était besoin de la nécessité de prémunir ce pays des visées de la plupart de ses voisins.

B.   une situation géopolitique difficile

La République d’Arménie se trouve dans une position géopolitique plus que délicate. Encadrée à l’Ouest et l’Est par deux États avec lesquels ses frontières demeurent fermées, l’Azerbaïdjan et la Turquie, ses échanges transitent principalement par la Géorgie, au Nord, et l’Iran, au Sud ; de même, ses garanties de sécurité, soi-disant assurées par la Fédération de Russie, sont largement obérées par l’accaparement des forces russes par le conflit déclenché en Ukraine depuis le 24 février 2022.

1.   Un quasi-enclavement qui nuit au développement du pays sans pour autant l’empêcher

a.   Une géographie pénalisante

La topologie de l’Arménie n’est pas des plus simples, puisque son territoire n’est pas continu en raison de l’enclave arménienne d’Artsvashen en Azerbaïdjan – sans compter le Haut-Karabagh – et des enclaves azerbaïdjanaises de Karki, Aşağı Əskipara, Yukhari Askipara et Barkhudarli. En outre, l’Arménie sépare aussi la province azerbaïdjanaise du Nakhitchevan du reste de l’Azerbaïdjan.

Quatre États bordent le pays : la Turquie et l’Azerbaïdjan, avec lesquels l’Arménie entretient des relations difficiles et dont les frontières demeurent fermées ; l’Iran, à raison de 35 kilomètres de frontières seulement ; enfin, la Géorgie, avec laquelle les échanges transitent essentiellement par un point de passage terrestre et ferré. Sur les 1 000 kilomètres de frontières que compte l’Arménie, 834 sont fermés. De plus, le pays ne dispose d’aucune façade maritime, de sorte que l’aéroport d’Erevan constitue le principal point de communication avec l’extérieur.

Le relief, quant à lui, n’est pas vraiment avantageux dans la mesure où plus des trois-quarts du pays se situent à plus de 1 000 mètres d’altitude. Dès lors, le tiers de la population réside dans la capitale, Erevan, qui dénombre un million d’habitants.

Cette configuration ne facilite ni la circulation des Arméniens, ni le développement économique du pays. La réouverture des frontières fermées passe par une normalisation des relations avec les États voisins : au cours des années passées, plusieurs tentatives en ce sens sont intervenues et un dialogue diplomatique a été entamé, en vain cependant.

Dans un tel contexte, l’Arménie est très dépendante de ses relations avec la Russie et l’Iran, que ce soit pour ses approvisionnements (notamment énergétiques) ou les investissements dans des secteurs stratégiques (transports, télécommunications). Le principal défi des autorités arméniennes est donc de continuer à lutter sans faiblesse contre la corruption, comme s’y emploient ses autorités actuelles, et à améliorer le climat des affaires, afin d’attirer les investissements étrangers et de juguler l’émigration de ses forces vives.

b.   Une économie plutôt résiliente

Malgré ses handicaps, le pays a fait preuve de résilience économique face aux chocs récents (pandémie, guerre de 2020 et guerre en Ukraine depuis février 2022), avec une croissance du produit intérieur brut (PIB) de l’ordre de 7 % en 2022, grâce notamment à d’importants flux de revenus extérieurs, de capitaux et de main-d’œuvre. Dans un contexte de resserrement des conditions financières mondiales et d’affaiblissement de la demande extérieure, le Fonds monétaire international (FMI) s’attend à une décélération de la croissance à 3,5 % cette année et à 4,4 % en 2024. La dette publique, quant à elle, se situe à 52,3 % du PIB en 2022

L’économie arménienne repose sur les secteurs de l’agriculture, l’exploitation minière, l’hydroélectricité, les télécommunications, la joaillerie et le tourisme.

L’agriculture représente 11,3 % du PIB mais le pays souffre d’un faible niveau de culture des terres arables et de ressources limitées. Les principales cultures portent sur les pommes de terre, les tomates, le raisin, le blé, le melon, le coton et le tabac. Le secteur de l’élevage est également essentiel, puisqu’il représente près de 40 % du produit agricole brut du pays.

L’industrie contribue à hauteur de 26,6 % au PIB. Le pays possède des gisements de cuivre, de molybdène, de bauxite, de zinc, de plomb, de fer, d’or et de mercure, à la base du secteur chimique. L’hydroélectricité est très développée, au point que l’Arménie est exportatrice désormais. Selon les données du gouvernement arménien, la production industrielle a augmenté en 2022 de 7,8 %.

Les services (tourisme et secteur bancaire notamment) représentent enfin 52,8 % du PIB.

Le soutien de l’Union européenne à l’Arménie n’est pas totalement étranger à ce constat de résilience. L’accord de partenariat global portant sur la période 2021-2026 prévoit environ 1,6 milliard d’euros de subventions et d’investissements fléchés. Le but est de faire émerger en Arménie une économie innovante et d’améliorer les infrastructures ferroviaires et routières dans le pays, au service de toute la région.

2.   Un petit pays au centre de rivalités entre puissances régionales

L’Arménie, par sa situation de carrefour géographique dans une zone géopolitique importante, subit de ce fait les stratégies d’influence et les visées territoriales ou diplomatiques des États voisins, qu’ils soient limitrophes ou un peu plus éloignés.

Le bloc composé de la Géorgie, de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan relie la mer Caspienne à la mer noire, mais aussi la Russie à l’Iran et au Golfe arabo-persique, sans oublier la mer Caspienne à la Méditerranée via la Turquie. Il n’est donc pas très étonnant que les différentes puissances régionales (Russie, Turquie, Iran, principalement) s’intéressent de près à ces trois pays et tentent d’y exercer une influence déterminante.

Dans le cas de l’Arménie, la Russie exerce une ombre tutélaire pour le moins ambiguë. Les deux pays sont membres de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), au même titre que d’autres anciennes Républiques soviétiques, et ont signé un traité d’amitié, de coopération et de soutien mutuel le 29 août 1997. La Russie dispose de la 102ème base militaire à Gyumri (dans le Nord-Ouest de l’Arménie), sur laquelle stationnait pendant la période soviétique la 127ème division motorisée de fusiliers. En dépit de cette relation privilégiée, la guerre en Ukraine semble rebattre quelque peu les cartes, la Fédération de Russie cherchant à ménager l’Azerbaïdjan, susceptible de lui servir à contourner les sanctions économiques à son encontre. C’est à cet aulne, notamment, que doit s’interpréter la passivité des forces russes de maintien de la paix devant les agissements militaires azerbaïdjanais au Haut-Karabagh et à la frontière avec l’Arménie en 2022 et 2023.

L’Iran, lui aussi, s’appuie sur l’Arménie pour jouer sa partition face à un axe turco-azerbaïdjanais qui ne lui est pas favorable. La République arménienne est notamment un axe de transit vers la Russie et un débouché commercial bienvenu pour un pays lui aussi frappé par de lourdes sanctions internationales. Pour ces raisons, la République islamique n’entend pas laisser prospérer d’éventuelles visées territoriales ou de transit azerbaïdjanaises dans le Sud de l’Arménie, ainsi que son guide suprême l’a lui-même laissé entendre et que le confirment de récents exercices militaires non loin de là.

La Turquie, quant à elle, n’exerce pas une influence directe sur l’Arménie. Il n’en demeure pas moins que, par le biais de son soutien indéfectible à l’Azerbaïdjan dans ses initiatives, y compris militaires, pour recouvrer sa souveraineté territoriale sur le Haut-Karabagh, elle cherche elle-aussi à peser sur la configuration géopolitique de la région. En appuyant en outre la revendication de Bakou en faveur de l’ouverture d’un corridor dans le Sud de l’Arménie pour relier le Nakhitchevan au reste de l’Azerbaïdjan, les autorités d’Ankara entendent s’ouvrir un accès direct vers la mer Caspienne du fait de leur continuité territoriale avec la province occidentale azerbaïdjanaise.

L’Azerbaïdjan, pour sa part, a acquis un statut quelque peu nouveau à la suite de la crise énergétique induite par les sanctions imposées contre les exportations d’hydrocarbures de la Russie. Fournisseur de substitution de nombreux pays, y compris de l’Union européenne, il a non seulement pu accroître ses recettes financières mais également chercher à peser sur les prises de position de ses clients à l’égard des grands dossiers auxquels il est partie prenante.

Excepté la Géorgie, à l’égard de qui certains différends existent sans qu’ils soient nécessairement dirimants, l’Arménie se retrouve donc confrontée à des rivalités et des intérêts contradictoires, dont le point commun est qu’ils ne peuvent être la plupart du temps satisfaits qu’à son détriment. C’est dire à quel point il lui est indispensable de conserver des soutiens internationaux pour éviter l’isolement, prélude à potentiellement bien pire.


II.   Un État aux prises avec un défi existentiel, que la France doit continuer à soutenir

L’Arménie ne fait pas uniquement face à des revendications territoriales de l’Azerbaïdjan et à des menaces sur sa sécurité. Le pays est aujourd’hui exposé à un défi beaucoup plus profond, qui porte sur son existence même en tant qu’État et sur le droit des Arméniens à vivre sur les terres qu’ils ont toujours occupées.

Soutien de longue date de l’Arménie, la France doit continuer à œuvrer pour qu’une solution respectueuse de ce droit de l’État arménien à exister soit trouvée, dans le respect des principes de la Charte des Nations Unies et également dans celui de l’intégrité territoriale des pays de la région.

  1.   le différend territorial avec l’Azerbaïdjan : un enjeu qui dépasse de loin la question du haut-karabagh

L’état des relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan est étroitement corrélé à la question du statut du Haut-Karabagh, sur lequel Bakou réclame depuis trente ans la restauration de sa souveraineté. Ce dossier n’est néanmoins pas le seul différend territorial bilatéral, la fixation des frontières entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, au tracé pour le moins aléatoire et dépourvu de rationalité depuis l’Union soviétique, n’ayant pas fait l’objet d’une reconnaissance réciproque dans un traité entre les deux pays.

1.   Le Haut-Karabagh : symbole de la présence arménienne dans la région

a.   Aux origines du conflit

Le Haut-Karabagh (parfois orthographié Haut-Karabakh et aussi appelé « Artsakh » en arménien) est un territoire autoproclamé en sécession de l’Azerbaïdjan, État dans lequel il se trouve enclavé depuis 1919. Quelque 110 000 à 120 000 personnes, à 95 % arméniennes, y vivaient jusqu’à la mi-septembre. Pendant la période soviétique, ce territoire formait un oblast autonome subordonné à la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan.

La première guerre du Haut-Karabagh, de 1988 à 1994, constitue le premier et le plus ancien des conflits post-soviétiques. Le 26 février 1988, un million de personnes défilent à Erevan pour revendiquer le rattachement du Haut-Karabagh à l’Arménie. Le Parlement de l’enclave, qui vote l’union avec l’Arménie le 20 février 1988, ainsi qu’un référendum confortent cette demande. Cette démarche, initialement pacifique, évolue sous la forme d’un conflit violent.

En 1992, la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE, devenue en 1995, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe - OSCE) crée le groupe de Minsk, chargé de trouver une solution au conflit et co-présidé, à partir de 1997, par les États-Unis, la France et la Russie [3].

Un cessez-le-feu est déclaré en 1994, qui perdurera jusqu’en 2016. L’Arménie contrôle alors les territoires conquis au cours de la guerre, qui comprennent non seulement le Haut-Karabagh mais également les sept districts avoisinants, ce qui lui permet de bénéficier d’une continuité territoriale avec l’enclave. L’Azerbaïdjan, pour sa part, perd environ 14 % de son territoire. Plus de 30 000 personnes sont tuées lors de cette guerre.

Le nombre de réfugiés déplacés par les combats est estimé à un million. Environ 400 000 Arméniens ont fui l’Azerbaïdjan vers l’Arménie ou la Russie, et quelque 30 000 autres ont quitté le Karabagh. De même, environ 800 000 Azerbaïdjanais ont été déplacés par les combats. D’autres populations de l’enclave ont aussi été forcées de se réfugier dans des camps construits par l’Azerbaïdjan et l’Iran.

Source : Hoffner, Anne-Bénédicte. « Haut-Karabakh, les cartes pour comprendre le conflit », La Croix, 14 octobre 2020.

b.   Les conséquences de la guerre de 2020

La guerre de 2020, aussi appelée seconde guerre du Haut-Karabagh, a duré 44 jours entre la République autoproclamée du Haut-Karabagh et les forces armées de l’Azerbaïdjan, soutenues par la Turquie.

Après plusieurs mois de montée des tensions ponctuées d’escarmouches le long de la frontière, l’Azerbaïdjan déclenche, le 27 septembre 2020, plusieurs assauts terrestres d’envergure contre le Haut-Karabagh, provoquant la mobilisation générale et l’instauration de la loi martiale. Après treize jours de combat, le 10 octobre, une médiation russe permet aux deux parties de s’entendre sur un cessez-le-feu et une reprise des négociations. Les hostilités reprennent cependant peu après. Une médiation du groupe de Minsk puis une autre menée par les États-Unis échouent tout autant.

Grâce à l’aide de mercenaires syriens transférés de la zone syrienne contrôlée par la Turquie, et aussi aux drones armés Bayraktar TB2 de fabrication turque, les troupes azerbaïdjanaises prennent l’ascendant sur le terrain. Le 9 novembre, après la prise de Chouchi, capitale historique du Haut-Karabagh, par les forces de Bakou, le premier ministre arménien Nikol Pachinian accepte de signer un accord de fin des hostilités sous l’égide de la Russie, qui entre en vigueur le 10 novembre. Cet accord est qualifié de « capitulation » par le président azerbaïdjanais Ilham Aliev.

Selon l’accord, l’Azerbaïdjan garde les territoires conquis au Haut-Karabagh et, à terme, récupère le contrôle de la totalité des sept districts azerbaïdjanais entourant ce territoire, d’où les forces arméniennes doivent se retirer. Les Arméniens gardent un droit de passage au niveau du corridor de Latchine, placé sous le contrôle des forces de paix russes constituées de quelque 2 000 hommes pour une durée de cinq ans renouvelables. La question du statut politique du Haut-Karabagh, n’est pas pour autant résolue et aucune proposition n’est formulée à ce propos.

Ce conflit a fait plusieurs milliers de morts parmi les militaires engagés de part et d’autre, ainsi que quelques victimes civiles. Bakou assure avoir détruit pas moins de 200 chars et blindés et 150 autres véhicules militaires, 228 pièces d'artillerie, 60 systèmes antiaériens, dont un système S-300, 18 drones, ainsi que de nombreux lance-roquettes multiples. Les autorités arméniennes revendiquent, quant à elles, la destruction de 6 hélicoptères azerbaïdjanais, 49 drones, 80 chars, 82 véhicules et d’un avion.

L’accord tripartite du 9 novembre 2020 modifie en profondeur la situation et la politique de l’Arménie dans la région du Haut-Karabagh. Les autorités arméniennes doivent désormais composer avec la présence du contingent russe sur ce territoire, signant ainsi une perte progressive d’autonomie sur ce dossier. L’Azerbaïdjan, pour sa part, accentue la pression pour la négociation à son avantage d’un règlement définitif du différend territorial, ce qui est vécu comme une provocation par les Arméniens et conduit aux élections anticipées de 2021 qui reconduisent le gouvernement arménien et sa majorité au pouvoir.

c.   L’instrumentalisation du corridor de Latchine par les autorités de Bakou, prélude à une ultime offensive d’ampleur pour contrôler définitivement le territoire

Depuis 2020, les escarmouches entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, que ce soit sur le territoire du Haut-Karabagh, ou le long de leurs frontières n’ont jamais réellement cessé.

La crise a pris néanmoins une nouvelle dimension avec le blocus de l’unique route reliant l’Arménie au Haut Karabagh : le corridor de Latchine. À partir du 12 décembre 2022, des personnes présentées par le pouvoir azerbaïdjanais comme des militants écologistes bloquent tout convoi à destination de Stepanakert, compliquant le ravitaillement des populations civiles du Haut-Karabagh en plein début d’hiver. La passivité des forces russes de maintien de la paix, en violation flagrante de l’accord du 9 novembre 2020, ne manque pas d’interpeller à cet égard.

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Source : « Haut-Karabakh : un cessez-le-feu qui chamboule les rapports de force », Libération, 10 novembre 2020.

Le 22 février 2023, la Cour internationale de justice (CIJ) ordonne à l’Azerbaïdjan d’« assurer la circulation sans entrave des personnes, des véhicules et des marchandises le long du corridor de Latchine », sa poursuite étant susceptible de causer « un préjudice irréparable ». Mais l’Azerbaïdjan ne se conformera nullement à cet arrêt. Au contraire, prétextant de la saisie de biens dont le transit vers le Haut-Karabagh est prohibé, les autorités de Bakou annoncent en avril la mise en place de postes de contrôle à l’entrée du corridor et resserrent drastiquement à cette occasion les modalités de passage, y compris pour les convois humanitaires. Mi-juin, le corridor est totalement fermé. A posteriori, l’objectif poursuivi apparaît on ne peut plus clair : forcer, après les avoir affamés, les habitants du Haut-Karabagh à quitter ce territoire, dans une perspective de nettoyage ethnique favorisant un retour rapide dans le giron de Bakou.

Concomitamment à la venue du président de la commission des affaires étrangères en Arménie, un camion humanitaire affrété par la Croix rouge russe a certes pu rejoindre le Haut-Karabagh en passant par l’Azerbaïdjan. De même, le 17 septembre, un « accord » dont il était question à demi-mot lors de certains échanges à Erevan, était officialisé afin de permettre des convois humanitaires de rejoindre Stepanakert à la fois par le corridor de Latchine et par la route d’Agdam.

Néanmoins, dès le surlendemain, prétextant d’une attaque terroriste à l’encontre de forces de police azerbaïdjanaises et de civils, les armées azerbaïdjanaises lancent une vaste offensive, avec des tirs d’artillerie massifs contre les positions de défense de la République autoproclamée d’Artsakh : les quelques 200 morts recensés en 24 heures à peine, de chaque côté des belligérants, en disent long sur la violence des combats. Les autorités azéries réclament le désarmement des forces de défense du Haut-Karabagh, ainsi que la réintégration définitive du territoire dans la République azerbaïdjanaise, avec la dissolution des autorités séparatistes. Un cessez-le-feu est annoncé le 20 septembre, avec l’ouverture le lendemain de négociations entre les Karabaghtsis et Bakou ; huit jours plus tard, la République autoproclamée annonce sa propre dissolution au 1er janvier 2024.

Les autorités azerbaïdjanaises ont donc parachevé leur entreprise de reconquête par la force. En dépit d’un discours officiel insistant sur la « réintégration » des populations du Haut-Karabagh au sein de l’Azerbaïdjan, les populations arméniennes n’ont eu d’autre choix, pour éviter les risques d’exactions, que de fuir leurs terres multiséculaires. En à peine quelques jours, la quasi-totalité des habitants du Haut-Karabagh a fui vers l’Arménie, sans perspective de retour ; le nettoyage ethnique de ce territoire a malheureusement eu lieu, l’Azerbaïdjan s’employant immédiatement à renommer les localités et à effacer toute trace de leur passé arménien.

2.   Un traité de paix, seule véritable solution sur la durée, d’autant plus difficile à conclure dans le contexte actuel

Pour assurer sa sécurité et son intégrité territoriale, l’Arménie se trouve aujourd’hui devant une équation complexe : comment normaliser ses relations avec ses voisins azerbaïdjanais et turc quand ceux-ci remettent en question l’appartenance de la région du Syunik et certains pans de son territoire à ses propres frontières ?

Sous l’impulsion de la communauté internationale (des États-Unis et de l’Union européenne), des discussions en faveur de la conclusion d’un traité de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, jetant les bases d’une relation équilibrée entre les deux pays et formalisant une reconnaissance mutuelle de leurs frontières, avaient été entamées. Après plusieurs séances de travail à Washington en mai dernier, les échanges au sommet de la Communauté politique européenne de Chisinau, le 1er juin, puis à Bruxelles, plus récemment, semblaient permettre d’envisager des avancées.

Les derniers événements au Haut-Karabagh, faisant eux-mêmes suite à plusieurs occupations illégales de territoires arméniens depuis septembre 2022, et sans doute plus encore les dernières insinuations des présidents turc et azerbaïdjanais lors de leur rencontre dans la province du Nakhitchevan, le 25 septembre, rendent cette perspective assez improbable à court terme. Dans son discours prononcé pour l’occasion, le président Aliev a regretté que « le Zangezour occidental », c’est-à-dire la région arménienne du Syunik, ait été « séparé de l’Azerbaïdjan par les autorités soviétiques ». Ce faisant, il a retourné à son profit l’argument excipé par les populations arméniennes du Haut-Karabagh pour réclamer leur indépendance de l’Azerbaïdjan.

Les masques sont donc tombés et il est à craindre que, si la communauté internationale n’y oppose les mêmes arguments qu’au sujet de l’agression russe contre l’Ukraine, l’Azerbaïdjan ne s’émancipe à son tour des principes de la Charte des Nations Unies en leur préférant la force militaire.

En dépit d’un contexte aussi défavorable, le gouvernement d’Erevan semble pourtant parfaitement conscient de l’importance de parvenir à la formalisation d’un traité de paix pour assurer la pérennité de l’État arménien et créer les conditions d’un développement solide du pays. En raison du fort registre émotionnel qui marque la population et les diasporas arméniennes à la suite des derniers événements au Haut-Karabagh, il ne sera pourtant pas simple d’avancer sur cette voie, sauf à ce que Bakou cesse ses provocations et s’engage dans un processus sincère en faveur de la définition d’une paix durable parce qu’équitable.

Mais l’Azerbaïdjan veut-il conclure la paix avec l’Arménie ? Là est la question. Il est hélas permis d’en douter, même s’il n’est pas trop tard pour l’inciter à s’engager dans un tel processus, pour peu que la mobilisation de la communauté internationale soit forte.

B.   La France, soutien indéfectible et nécessaire au droit de la nation arménienne à vivre en paix sur son territoire

La relation bilatérale de la France avec l’Arménie est particulièrement bonne. Elle s’inscrit dans des liens historiques mais aussi culturels et affectifs profonds. À son niveau, et sans pour autant renier les principes du droit international qu’il soutient et souhaite voir prévaloir, notamment au Haut-Karabagh, notre pays défend l’existence d’un État arménien indépendant, vivant en paix dans ses frontières, au sein du Caucase. De fait, c’est une certaine idée du Caucase dont il est question, absolument déterminante pour l’avenir de toute la région.

1.   Une relation bilatérale dense, marquée par la confiance

Les relations entre l’Arménie et la France existent depuis que les deux pays ont établi des contacts au temps du royaume arménien de Cilicie. Après l’indépendance de l’Arménie en 1991, des relations diplomatiques ont été établies le 24 février 1992. Elles demeurent excellentes, les deux pays coopérant sur de nombreux aspects (diplomatiques, culturels etc.).

Le dialogue s’avère dense et confiant à tous les niveaux. Les visites de chefs d’État ou de gouvernement et de ministres dans chaque pays sont fréquentes et régulières, tout comme celles des parlementaires et élus locaux. L’Arménie considère notre pays comme l’un de principaux alliés, tout particulièrement dans le contexte de la détérioration de la relation arméno-russe depuis 2022.

La République française a été le premier pays européen à reconnaître le génocide arménien en 2001 [4]. En février 2019, le président Emmanuel Macron a érigé le 24 avril en journée nationale de commémoration du génocide arménien.

En matière culturelle et éducative, l’Arménie a intégré l’Organisation internationale de la Francophonie en 2012 et elle a organisé le 17e sommet de cette organisation internationale en octobre 2018. La réussite de la coopération bilatérale en la matière est symbolisée par le succès de l’Université franco-arménienne (UFAR), qui a formé près de 2 000 étudiants, dont 70 % de femmes ; de même, avec 292 élèves à la rentrée 2022, l’école française Anatole France confirme également son attractivité. Le directeur délégué du nouvel Institut français d’Arménie, dont la mise en place se poursuit, a pris ses fonctions en septembre 2022. En mai 2024, les Arméniens vont commémorer conjointement avec les Français le centenaire de la naissance de Charles Aznavour, sous l’égide de l’UNESCO.

La relation de défense, pour sa part, connaît une phase de renforcement. La coopération se développe en la matière et un attaché de défense a été affecté à l’ambassade de France à Erevan en décembre 2022.

Sur le plan économique, une feuille de route économique bilatérale adoptée le 9 décembre 2021 vise à intensifier les échanges et coopérations. Le Forum ambitions France-Arménie, qui s’est tenu le 9 mars 2022 en présence du président de la République et du premier ministre Nikol Pachinian, a permis de rassembler plus de 200 acteurs de la société civile, des entreprises, des collectivités, afin d’identifier de nouveaux projets ; un fonds de concours a été créé. Le 24 février 2024, un forum économique sera organisé à Paris par la chambre de commerce et d’industrie de la région Île de France et la chambre de commerce France-Arménie.

En complément de l’aide humanitaire apportée aux populations du Haut-Karabagh, une coopération hospitalière et médicale est mise sur pied. Un colloque franco-arménien a été organisé sur le sujet en 2021, à Erevan, par l’assistance publique-hôpitaux de Paris (AP/HP) et les hospices civils de Lyon. La France soutient aussi des initiatives sanitaires privées émanant de la société civile en Arménie.

Enfin, le forum ambitions France-Arménie et les assises de la coopération décentralisée franco-arménienne qui se sont tenues à Lyon en juin 2023 ont attesté de l’intérêt des collectivités locales pour la coopération avec leurs homologues de la République arménienne. Actuellement, on recense une trentaine de partenariats actifs [5], comme celui de la ville de Clamart avec celle d’Artashat, dans laquelle le président de la commission des affaires étrangères a eu le plaisir de se rendre, et plusieurs dizaines de collectivités évaluent la possibilité de mener des projets.

2.   La mobilisation du relais européen par Paris

L’offensive azerbaïdjanaise en territoire arménien des 13 et 14 septembre 2022, à l’origine des affrontements les plus graves depuis la guerre de 2020, a rappelé s’il en était besoin que le différend territorial entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie et l’absence de délimitation mutuellement admise des frontières entretiennent une situation extrêmement volatile et précaire sur le terrain.

Pour mémoire, l’Azerbaïdjan a procédé à des frappes en profondeur sur le territoire arménien. Le bilan est de plus de 207 morts parmi les militaires arméniens, 4 civils blessés ou portés disparus, 7 600 personnes déplacées et 17 prisonniers, l’Azerbaïdjan ayant pour sa part annoncé le décès de 80 de ses soldats et plus de 200 blessés. À cette occasion, les forces armées azerbaïdjanaises ont conquis une portion modeste du territoire arménien, de l’ordre d’une dizaine de kilomètres carrés, mais stratégique et s’ajoutant aux 34 kilomètres carrés déjà grignotés par les troupes de Bakou au cours des derniers mois (notamment en mai 2021).

La France a donc pesé pour que l’Union européenne s’engage en faveur d’un processus de paix.

a.   Les discussions de paix tripartites et dans le cadre de la Communauté politique européenne (CPE)

Six réunions trilatérales se sont tenues à Bruxelles sous les auspices de Charles Michel, avec la participation du premier ministre arménien et du président azerbaïdjanais, les 15 décembre 2021, 6 avril, 22 mai et 31 août 2022, 14 mai et 15 juillet 2023. Ces discussions ont produit quelques résultats initialement encourageants.

À titre d’illustration, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont, sous l’impulsion de l’Union européenne, mis en place des commissions relatives à la délimitation et à la démarcation de leur frontière commune, dont une première réunion s’est tenue le 24 mai 2022.

De même, au terme de la réunion quadrilatérale du 6 octobre 2022 à Prague, en marge du premier sommet de la CPE entre le président de la République Emmanuel Macron, Charles Michel, Ilham Aliev et Nikol Pachinian, il a notamment été convenu du déploiement de 40 experts de l’Union européenne à la frontière du territoire arménien pour une durée de deux mois, du 20 octobre au 19 décembre.

Dans une déclaration conjointe publiée à la suite du sommet de Prague, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont aussi formellement confirmé leur attachement à la déclaration d’Alma-Ata de 1991, par laquelle les deux pays reconnaissent mutuellement leurs intégrités territoriales et souverainetés respectives et un accord a été trouvé sur la reprise des négociations pour délimiter la frontière entre les deux pays.

Au vu des bons résultats obtenus sur le terrain, le Conseil des affaires étrangères du 23 janvier 2023 a décidé de prolonger et renforcer l’implication européenne sur le terrain par le déploiement d’une mission civile d’observation étoffée pour deux ans.

Cette dynamique positive a toutefois connu un brusque coup d’arrêt à la suite des dernières opérations militaires de l’Azerbaïdjan au Haut-Karabagh. En effet, alors que le premier ministre arménien et le président azerbaïdjanais devaient se rencontrer à Grenade, le 5 octobre, à l’occasion du troisième sommet de la CPE, Ilham Aliev a finalement décliné sa participation au motif que l’Europe aurait choisi de soutenir l’Arménie et ne serait pas impartiale.

Une nouvelle rencontre entre les dirigeants arméniens et azerbaïdjanais semble toutefois prévue à Bruxelles, fin octobre. Cette perspective doit être encouragée et la France y est favorable, afin que le dialogue puisse prévaloir sur les armes.

b.   L’action de la mission civile de l’Union européenne en Arménie (EUMA), dont la mise en place a été fortement soutenue par la France

La mission civile de l’Union européenne en Arménie a été décidée dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Mission neutre et à caractère non exécutif déployée du côté arménien de la frontière arméno-azerbaïdjanaise, elle doit contribuer à la stabilité dans les zones frontalières, favoriser l’instauration d’un climat de confiance, renforcer la sécurité humaine dans les zones touchées par le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, et créer un environnement propice aux efforts de normalisation entre les deux pays.

Composée mi-septembre 2023 de 103 membres, dont 40 observateurs non armés, cette mission est dirigée par M. Markus Ritter – l’Allemagne en est le premier contributeur avec 15 officiers de police – et comprend 6 Français. L’Autriche, Chypre, la République tchèque, le Danemark, l’Estonie, la Lituanie, le Seules l’Espagne, la Croatie, Malte, Chypre et – pour quelques semaines seulement, l’Irlande – n’y participent pas.

L’EUMA a son quartier général opérationnel à Yeghegnadzor, dans la partie la plus étroite du pays, au niveau de l’axe Nord-Sud vulnérable de l’Arménie. Plusieurs bureaux sur le terrain sont répartis dans tout le pays – à Kapan, Goris, Jermuk, Martuni et Ijevan – et un bureau de liaison distinct se trouve à Erevan.

Les patrouilles et les rapports réguliers transmis à Bruxelles – sans qu’ils soient publics et communiqués aux États membres – permettent tout à la fois de recueillir des informations de première main, mais ils constituent également un facteur psychologique pour que la population arménienne se sente plus en sécurité. Lors de la présentation qui lui a été faite au quartier général de la mission par M. Markus Ritter, le président de la commission des affaires étrangères a pu mesurer, à travers des exemples précis et concrets, appuyés par des images du centre d’imagerie de Bruxelles, l’apport des observateurs européens en termes de déconfliction dans des situations de forte tension sur le terrain.

Pour utile et efficace qu’elle soit, la mission civile de l’Union européenne en Arménie ne peut, dans son format actuel, assurer à elle-seule le respect des zones frontalières de la République arménienne : en effet, l’action de quelques dizaines d’observateurs non armés sur une frontière d’environ 1 000 kilomètres reste par définition limitée. Leur présence sur le terrain constitue néanmoins un gage important de retenue de la partie azerbaïdjanaise, qui ne peut s’en prendre à des observateurs européens sans hypothéquer par la même occasion sa position et ses relations avec les vingt-sept dans leur ensemble. Sans prétendre résoudre le différend bilatéral, cette mission est donc de nature à créer, sur le terrain entre les deux parties, les conditions nécessaires au dialogue.


III.   L’impératif moral, pour la France, l’Union européenne et la communauté internationale, de faire encore davantage pour l’Arménie

L’Arménie étant cernée par des États qui y projettent leurs intérêts territoriaux, géopolitiques ou économiques, elle doit absolument pouvoir compter sur le soutien de ses amis véritables et de la communauté internationale, en vue du respect à son endroit des principes de la Charte des Nations Unies. L’Union européenne et l’Organisation des Nations Unies (ONU) peuvent à cet égard faire beaucoup plus. À cet effet, la France, si elle ne ménage déjà pas ses efforts, a un rôle d’entraînement à jouer.

A.   Une implication française qui DOIT s’accroître

Lors de son déplacement, le président de la commission des affaires étrangères a pu concrètement constater que l’engagement de la France auprès de l’Arménie est fortement apprécié des autorités comme de la population. Il faut dire que l’implication de l’Exécutif, du Parlement et de la société française sont exemplaires.

Cette mobilisation s’est illustrée par le triplement de l’aide humanitaire apportée par la France au bénéfice des populations déplacées, qui a atteint 12,5 millions d’euros grâce à une aide financière supplémentaire de 7 millions, s’ajoutant aux efforts de la société civile et des collectivités territoriales françaises. Une aide médicale d’urgence a en outre été déployée pour la prise en charge des réfugiés et des victimes de l’explosion d’un dépôt de carburant dans le Haut-Karabagh, le 25 septembre au soir.

Malgré tout cela, il reste possible à notre pays d’en faire plus.

1.   Une intensification de la mobilisation diplomatique et parlementaire souhaitable

L’investissement des autorités françaises (président de la République et Gouvernement), des députés et sénateurs qui se rendent très régulièrement sur place, mais aussi des équipes de l’ambassade de France à Erevan comme du réseau diplomatique français en faveur du plein respect des engagements pris le 9 novembre 2020 et d’un dialogue plus large destiné à dessiner une solution diplomatique durable à l’échelle régionale est indéniable. Il est reconnu par l’ensemble des interlocuteurs rencontrés à Erevan et dans le pays.

Il ressort néanmoins clairement des échanges que le président de la commission des affaires étrangères a pu avoir que cette implication doit se poursuivre et s’intensifier. En effet, les interlocuteurs arméniens ont souligné avec force que certaines positions officielles jusqu’alors prudentes et réservées à l’égard de la situation humanitaire dans le Haut-Karabagh et du respect de l’intégrité territoriale de la République d’Arménie ont évolué dernièrement, sous l’effet d’entraînement de l’engagement personnel du président Emmanuel Macron, de celui de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères mais aussi des parlementaires français. L’Allemagne, notamment, a été citée en exemple de ces pays qui ont adopté une attitude plus équilibrée à l’égard du différend arméno-azerbaïdjanais.

Aucun consensus n’existe, à ce stade, parmi les États membres de l’Union européenne. Il revient donc à la France, inlassablement, par le biais de ses représentants (chef de l’État, parlementaires, diplomates), de plaider et d’obtenir de ses partenaires une approche équilibrée, juste et équitable, en vue d’un règlement bénéfique tout à la fois à l’Azerbaïdjan et à l’Arménie.

L’intensification de la mobilisation, à tous les niveaux, sur ce dossier passe par des échanges politiques, parlementaires et diplomatiques à fréquence plus élevée entre notre pays et l’Arménie. Elle suppose également l’activation des relais diplomatiques et parlementaires, à Bruxelles (via la représentation permanente et les députés européens français, très actifs, ou les parlementaires nationaux) comme à New York, en faveur d’un élargissement de l’implication internationale pour la résolution de cette question importante pour l’avenir du Caucase.

2.   Une coopération bilatérale qui doit monter en puissance

Si la France entretient une relation bilatérale riche et dense avec l’Arménie, celle-ci ne revêt pas le même degré de profondeur dans tous les domaines.

Le dialogue politique, ainsi que la coopération culturelle et éducative, de même que la coopération décentralisée sont incontestablement de haut niveau. Si des efforts ont été engagés dans les autres secteurs, force est de reconnaître que des progrès demeurent possibles.

Ainsi, en matière économique, si notre pays est l’un des principaux investisseurs en Arménie, avec une part de marché aux alentours de 2 % en 2019, il n’en demeure pas moins un fournisseur commercial de second rang pour Erevan, derrière la Russie (24,3 %), la Chine (9 %), l’Allemagne (6,2 %), la Turquie (5 %), l’Iran (4 %), la Suisse (4 %), les États-Unis (3 %), le Japon ou le Brésil (2 %).

De même, en matière de sécurité et de défense, il a fallu attendre de longues années avant de voir satisfaite la demande des ambassadeurs en poste à Erevan de bénéficier de l’appui d’un attaché de défense. Un lieutenant-colonel affecté à cette mission est arrivé dans la capitale arménienne le 28 juillet 2023. De son propre aveu, le travail ne manque pas tant les besoins de l’Arménie sont importants.

Les autorités arméniennes, lors de leurs entretiens avec le président de la commission des affaires étrangères, n’ont pas caché qu’elles souhaitent développer les partenariats, tant en matière de fourniture d’armements à vocation défensive, qu’en matière de formation des personnels des forces armées du pays. Des rencontres entre le ministre arménien de la défense et le ministre français des armées ont eu lieu en 2022 et 2023 et, à l’occasion de sa visite à Erevan le 4 octobre dernier, la ministre de l’Europe et des affaires étrangères a annoncé qu’un accord avait été donné à la livraison d’équipements militaires destinés à permettre à l’Arménie de se défendre.

Cette décision, dès lors qu’elle vise uniquement à aider la République d’Arménie à se défendre contre toute velléité d’offensive sur ses frontières et de remise en cause de son intégrité territoriale, est bienvenue et parfaitement justifiée. Il est indispensable qu’elle trouve rapidement sa concrétisation car le temps presse, manifestement, pour moderniser les capacités de défense du pays.

B.   Les leviers de la communauté internationale qui peuvent aussi être actionnés

La communauté internationale se soucie du différend entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan depuis le premier conflit du Haut-Karabagh. Elle dispose d’instruments et de leviers sur les protagonistes. Elle doit surtout s’investir davantage pour aider l’Arménie à faire face au défi humanitaire qui lui est lancé, à préserver ses frontières et à normaliser ses relations avec son voisinage.

1.   Traiter l’urgence humanitaire, tant en Arménie que sur le territoire du Haut-Karabagh

En quelques jours à peine, plus de 100 000 Arméniens qui vivaient jusqu’alors dans le Haut-Karabagh ont fui vers l’Arménie. Cette situation et sa soudaineté ont créé un double défi humanitaire : dans le territoire du Haut-Karabagh, tout d’abord, où ne restent que quelques centaines de fonctionnaires, d’urgentistes et de personnes ayant des besoins spéciaux, dans un dénuement assez complet ; en Arménie, ensuite, confrontée à un afflux de réfugiés qu’elle se doit d’accueillir sans en avoir les capacités.

La communauté internationale ne peut rester sans rien faire. Tant l’ONU que l’Union européenne se doivent de contribuer à établir des solutions.

a.   L’ONU doit observer la situation sur place pour préserver le sort des populations et, pour ceux qui le souhaiteraient, ménager la possibilité d'un retour

Si la guerre en Ukraine a considérablement grippé les instances de décision de l’Organisation des Nations Unies, celles-ci n’en demeurent pas moins fondées à se saisir des grandes crises qui affectent tout à la fois le droit international et le respect des principes humanitaires les plus élémentaires. D’ailleurs, l’adoption par 13 membres du Conseil de sécurité sur 15 (la Chine et la Russie s’étant abstenues), le 2 octobre 2023, de la résolution n° 2699 autorisant, sous le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le déploiement d’une mission de sécurité internationale pour appuyer la police haïtienne dans sa lutte contre les gangs illustre que les organes des Nations Unies peuvent parvenir à des compromis utiles.

Dans le cas de l’Arménie, la France a pris à trois reprises l’initiative de réunions du Conseil de sécurité : le 15 septembre 2022, pour examiner les incidents meurtriers survenus trois jours auparavant entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, qui ont amené les forces azerbaïdjanaises à occuper illégalement près de 150 kilomètres carrés du territoire de la République d’Arménie ; le 16 août 2023, pour faire le point sur les entraves à la libre circulation des personnes et des biens au Haut-Karabagh et leurs conséquences humanitaires découlant de la fermeture du corridor de Latchine ; plus dernièrement, le 21 septembre 2023, au sujet de la dernière offensive contre le Haut-Karabagh, les délégations du Conseil appelant à un règlement durable du conflit entre les deux pays par la voie de la négociation et réclamant un accès humanitaire sans entrave aux populations dans le besoin.

L’ONU n’est pas restée totalement passive, même si aucune résolution n’a pu être adoptée pendant le blocus de l’Azerbaïdjan. Pour la première fois en trois décennies, une mission d’évaluation des besoins humanitaires a pu se rendre dans le Haut-Karabagh, après que l’Azerbaïdjan a finalement donné son consentement.

On ne peut que regretter que ce déploiement n’ait pu intervenir qu’après l’exode massif des Arméniens. Pour autant, cette présence n’est pas inutile en ce qu’elle permet à la communauté internationale de constater par elle-même ce qu’il s’est passé sur place, de recueillir le cas échéant le témoignage des rares habitants demeurés au Haut-Karabagh et, le cas échéant, si elle peut s’inscrire dans la durée, offrir des garanties à l’égard de populations parties qui seraient éventuellement désireuses de revenir, pour récupérer des biens abandonnés lors de leur départ forcé ou se réinstaller à la faveur de garanties qui leur seraient apportées quant à leurs libertés et au respect de leur culture.

De manière plus générale, obtenir du Conseil de sécurité qu’il se positionne, notamment par l’adoption d’une résolution en bonne et due forme, n’est théoriquement pas impossible. Aucun des cinq membres permanents n’a de contentieux avec l’Arménie justifiant qu’il fasse usage de son droit de veto, pas même la Russie même si ses relations avec le pays demeurent difficiles. Il reste que l’adoption de résolutions implique en amont une longue phase de discussions et de négociations, au cours de laquelle une partie réfractaire peut s’attacher à entraver le processus sans même menacer de recourir à son veto. Or, en la matière, la Fédération de Russie est experte et l’état de ses rapports avec les autorités arméniennes ne pousse pas à l’optimisme.

b.   L’Union européenne peut mettre en place un véritable « plan Marshall » pour éviter à l’Arménie de succomber à la crise dont elle est victime

Par-delà l’aide humanitaire d’urgence, se pose la question de l’accueil durable des réfugiés du Haut-Karabagh en Arménie. Le déroulement de celui-ci dans de bonnes conditions est absolument indispensable pour éviter que cette question ne puisse être instrumentalisée à l’encontre des autorités pro-européennes et démocratiques au pouvoir à Erevan. Déjà, les manifestations hostiles des tenants de l’opposition pro-russe se sont multipliées sous les fenêtres du siège du gouvernement arménien, au lendemain du cessez-le-feu acté au Haut-Karabagh, sans pour autant recueillir l’assentiment d’une majorité de la population, lasse de la guerre et consciente que le péril porte sur la République arménienne elle-même.

L’Union européenne, qui s’est déjà engagée sur le dossier arménien à travers l’EUMA et a annoncé, par la voix d’Ursula Von der Leyen, le déblocage immédiat de 10,45 millions d’euros, gagnerait à mettre sur pied un véritable « plan Marshall » de réinstallation et de réintégration des réfugiés qui ont afflué en Arménie, afin d’offrir un avenir à ceux qui ont tout perdu et de faire baisser des tensions susceptibles d’emporter la démocratie.

Actuellement, dans le sillage de la politique européenne de voisinage (PEV) qui s’applique entre autres à l’Arménie et vise à y renforcer la prospérité, la stabilité et la sécurité en s’appuyant sur les valeurs de démocratie, d’État de droit et de respect des droits de l’Homme, l’Union européenne aide principalement la République arménienne par le biais de l’instrument « L’Europe dans le monde ». Sur cette base, quelque 180 millions d’euros ont été alloués au pays pour la période 2021-2024. L’Union a également formalisé un plan économique et d’investissement pour l’Arménie, qui comprend un ensemble de subventions, de prêts et de garanties susceptibles de mobiliser près de 2,6 milliards d’euros d’investissements publics et privés.

Au regard des capacités financières de l’Union européenne et de la flexibilité des instruments de son action extérieure, il doit être possible de dégager des fonds supplémentaires qui pourraient être directement employés à aider les autorités arméniennes à accueillir dans des conditions dignes et, au-delà, à intégrer les réfugiés qui ont afflué du Haut-Karabagh. Le passé de l’Union plaide en ce sens, plusieurs initiatives et réalisations de ce type ayant contribué à stabiliser la situation dans des pays traversant de grave crises internes similaires.

L’enjeu, ici, n’est rien moins qu’éviter à l’Arménie de se retrouver dépassée dans la gestion d’un afflux massif, soudain et imprévisible de réfugiés totalement démunis, afin de garantir la stabilité d’un État démocratique et adhérant aux valeurs défendues par l’Europe, mais aussi de donner le signal d’un soutien massif, porteur d’espoir de jours meilleurs.

2.   Poursuivre et améliorer la mission des observateurs civils de l’EUMA aux frontières de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, pour prévenir toute attaque contre l’intégrité territoriale arménienne

Tant au quartier général de la mission que lors de la patrouille qu’il a eu l’occasion d’effectuer à proximité de la frontière arménienne avec le Nakhitchevan azerbaïdjanais, le président de la commission des affaires étrangères a pu constater très directement et concrètement que la présence de l’EUMA aux frontières de l’Arménie est très utile et s’avère dissuasive à l’égard de tout dérapage militaire. Il est donc capital d’ancrer cette mission dans la durée et de lui donner tous les moyens d’accomplir les tâches qui lui ont été assignées.

Les observateurs déployés sous l’égide de l’Union européenne, lorsqu’ils se rendent sur le terrain, contribuent à atténuer les tensions et à rassurer la population, qui ne manque pas de les saluer amicalement sur leur passage afin de leur marquer sa reconnaissance. Leurs conditions d’intervention sont parfois difficiles : ils effectuent certaines patrouilles à plus de 3 000 mètres d’altitude et s’approchent au plus près de la ligne de contact entre les armées azerbaïdjanaise et arménienne, séparées parfois de seulement quelques dizaines de mètres.

Chaque intervention de l’EUMA donne lieu à la transmission de rapports de situation au service de l’action extérieure de l’Union européenne à Bruxelles. Ces documents ne sont malheureusement pas diffusés aux États membres, ni à certains responsables du Parlement européen, ce qui apparaît fort regrettable dans la mesure où ils constituent pourtant des éléments d’appréciation de la situation sur le terrain qui doivent permettre aux vingt-sept d’ajuster leurs positions en fonction des événements. Les personnels de l’EUMA ont indiqué, lors des échanges, qu’ils ne savent pas l’usage qui est fait de leurs rapports et comptes rendus, ce qui engendre par la force des choses une forme de frustration.

Pire encore, il a été indiqué au président de la commission des affaires étrangères que les interlocuteurs de l’EUMA ne réceptionnent les rapports de situation qu’en semaine, aux heures ouvrables. Or, comme chacun sait, les crises se jouent des jours et heures de repos et, bien souvent, la réactivité est essentielle pour éviter toute aggravation.

Ainsi, une semaine avant la reprise des hostilités azéries au Haut-Karabagh, le week-end du 8 au 10 septembre, de fortes tensions agitaient déjà les belligérants sur la frontière Sud de l’Arménie, dans la région du Syunik. Les observateurs de l’EUMA se sont déployés de nuit, afin de faire retomber les tensions et les risques d’engrenage. Bruxelles, en ces circonstances, n’avait pas jugé bon d’activer une cellule de crise ou un point de contact permanent.

Pour toutes ces raisons, il est absolument indispensable de revoir les modalités d’exploitation des rapports quotidiens de l’EUMA. Ceux-ci doivent être transmis aux représentations permanentes des États membres, quotidiennement, afin de les informer et de leur permettre de porter une appréciation pertinente de ce qu’il se passe sur le terrain.

De la même manière, contrairement au discours officiel parfois tenu par ses principaux responsables, un renforcement des effectifs de l’EUMA ne semblerait pas inutile. Les équipes des bases opérationnelles, pour pouvoir réaliser leurs patrouilles quotidiennes dans des conditions satisfaisantes, devraient plutôt être composées de dix à douze observateurs, au lieu de huit. Il s’agit là d’un effort minime à entreprendre, pour un résultat tangible. Enfin, la mise à disposition de véhicules tout terrain en bon état serait bienvenue, les équipements actuels, prélevés sur la mission de l’Union en Géorgie accusant le poids de l’usure.

3.   Expertiser le levier des sanctions internationales

Les sanctions internationales constituent un instrument qui peut se révéler avoir de puissants effets incitatifs à l’égard de celles et ceux à qui elles s’appliquent. Elles présentent aussi, malgré tout, des limites importantes, notamment lorsqu’elles frappent de manière indifférenciée les populations des États dont les dirigeants prennent des décisions contraires au droit international.

Dans un récent rapport d’information, dont la publication a été décidée le 19 juillet 2023, deux membres de la commission des affaires étrangères ont parfaitement exposé en quoi l’efficacité de telles mesures dépend des objectifs poursuivis et des garde-fous posés contre les possibilités de contournement [6].

Dans le cas du différend entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, l’activation de telles dispositions pourrait certainement s’envisager dans le cas où, dans le prolongement des derniers développements sur le territoire du Haut-Karabagh, l’Azerbaïdjan aurait des velléités de remettre en cause l’intégrité territoriale de la République d’Arménie, notamment dans le Sud de celle-ci, afin d’opérer par la force la jonction entre le Nakhitchevan et la partie orientale du pays.

Une telle éventualité, similaire à l’agression de la Fédération de Russie à l’égard de l’Ukraine, ne relève malheureusement pas d’une vue de l’esprit. Elle appellerait, en toute logique, une condamnation tout aussi ferme et forte de la communauté internationale et l’adoption de sanctions significatives, au niveau de l’ONU comme de celui de l’Union européenne.

Ces sanctions pourraient, selon les circonstances et le degré de responsabilité des décideurs impliqués dans des initiatives contraires au droit international, frapper soit à titre personnel certains cercles influençant le pouvoir agresseur, soit toucher les sources de revenus de l’État ayant engagé un conflit violant les principes de la Charte des Nations Unies. Que l’on songe, dans cette dernière hypothèse, à l’accord gazier conclu entre l’Union européenne et Bakou (qui couvre 7 % des besoins gaziers de l’Union seulement), lequel alimente l’effort de guerre azerbaïdjanais et dont il n’est pas exclu qu’il puisse servir, au moins partiellement, de moyen de contournement de l’interdiction d’exportation des hydrocarbures russes suite au déclenchement de la guerre en Ukraine.

En tout état de cause, le levier des sanctions internationales mérite clairement d’être expertisé et plusieurs options doivent être préparées, notamment à Bruxelles, afin de permettre, le cas échéant, une réaction rapide et significative, à même de peser sur des décisions qui ne seraient pas sans rappeler le funeste 24 février 2022 pour l’Ukraine. Il arrive hélas fréquemment que l’histoire bégaie et, en la matière, ce serait faire preuve de naïveté que de ne pas envisager une telle éventualité, ainsi que les conséquences qu’il faudrait en tirer.

Néanmoins, comme l’a indiqué le président de la République à Grenade le 5 octobre 2023, l’heure actuelle n’est pas aux sanctions. Celles-ci ne se révéleraient pas incitatives auprès de Bakou pour accepter des garanties pour les Arméniens désireux de rester au Haut-Karabagh et le respect de l’intégrité territoriale de la République d’Arménie. En revanche, les autorités de l’Azerbaïdjan doivent être convaincues de la possibilité que des sanctions seraient prises si elles ne font pas preuve d’ouverture et de dialogue avec l’Arménie et la communauté internationale. Pour cette même raison, les sanctions ne doivent nullement être écartées dans leur principe et leurs modalités doivent même d’ores et déjà être débattues, en vue d’une mise en œuvre rapide le cas échéant.

4.   Mobiliser la communauté internationale au service d’un traité de paix garantissant l’intégrité et la souveraineté de la République d’Arménie

La France et l’Allemagne, à travers l’Union européenne et la CPE, ainsi que les États-Unis sont les seuls pays à s’être résolument mobilisés ces dernières années en faveur de négociations entre dirigeants arméniens et azerbaïdjanais en vue de la conclusion d’un traité de paix, qui seul serait de nature à mettre un terme aux tensions et à ouvrir des perspectives assurant la sécurité d’une Arménie souveraine.

Si leurs efforts conjugués ont permis des avancées jusqu’à l’été 2023, la dernière offensive de l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabagh a considérablement hypothéqué la poursuite de ce dialogue, pourtant nécessaire. Néanmoins, la communauté internationale – et notamment l’Union européenne – aurait, si elle en manifestait clairement la volonté, l’influence et les moyens de persuasion nécessaires sur les autorités de Bakou – les seules à ne plus vouloir actuellement poursuivre le dialogue, comme l’a montré l’absence du président Aliev au sommet de Grenade du 5 octobre dernier – pour relancer ces discussions dans les semaines ou les mois à venir.

Le premier ministre arménien a toujours manifesté sa disposition en faveur d’une paix juste, qui respecte l’intégrité territoriale et la souveraineté de la République d’Arménie. Ces deux conditions sont impératives pour parvenir à un règlement des différends. Elles n’empêchent pas d’imaginer des solutions équitables, notamment sur les éventuelles facilités de transit de biens et de personnes entre le Nakhitchevan et le reste de l’Azerbaïdjan par le Sud de l’Arménie sous réserve qu’un tel transit s’effectue sous le seul contrôle de l’État arménien et que l’intangibilité des frontières arméniennes soit réaffirmée et respectée.

La communauté internationale, et plus particulièrement l’Union européenne, a toutes les raisons d’aider les protagonistes à trouver des solutions mutuellement acceptées et respectueuses du droit international, afin de rendre ses chances à la coopération entre voisins, de stabiliser ainsi la région et de diminuer par la même occasion la dépendance de l’Arménie à la Fédération de Russie.

L’Arménie et l’Azerbaïdjan ont intérêt à une normalisation de leurs relations de voisinage, pour passer d’une situation de land-locked à une configuration de land-linked dans cette zone du Sud Caucase. La tâche est difficile. Le succès n’en est que plus nécessaire. Les deux pays ne pourront néanmoins y parvenir que grâce à l’intervention d’un tiers de confiance, qui pourrait être l’Union européenne – en lien avec la Turquie qui fait aussi partie de l’équation –, dont un supplément de mobilisation est indispensable.

 


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   Conclusion

 

« De tous les peuples modernes, en est-il un seul qui dépasse en infortune le peuple arménien ? (…) ils ne sont considérés nulle part comme étant chez eux : partout ils demeurent chez l’étranger, et que de fois cet étranger est-il aussi le persécuteur et l’ennemi. » [7]. Ce constat du géographe du XIXème siècle Elisée Reclus demeure toujours hélas, près de cent-vingt ans après sa formulation, au moins en partie d’actualité.

Infortuné David du Caucase face à d’arrogants Goliath régionaux en tous genres, la République arménienne fait face à des défis et des enjeux existentiels. Elle les relève et les affronte avec ses atouts : le courage, l’attachement aux valeurs et principes de la démocratie moderne et la résilience.

Malgré un contexte difficile et le jeu trouble de son allié historique – la Russie –, l’Arménie n’est pas seule. Elle peut compter sur la France et l’Union européenne.

La venue à Erevan et au plus près de la frontière arménienne du président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale était un geste à fois symbolique et politique. Il a été apprécié comme tel par les responsables arméniens, qui lui ont réservé le meilleur des accueils.

Il était plus que jamais important, dans le contexte actuel, de rappeler aux différents acteurs de la région que les autorités françaises se préoccupent de ce qu’il se passe sur place et portent la plus grande attention aux développements diplomatiques et géopolitiques qui touchent à ce pays. Il était aussi essentiel de marquer aux responsables arméniens le soutien de la France dans la difficile entreprise de normalisation de leurs rapports avec leur voisinage.

Les Arméniens d’Arménie aspirent seulement à vivre en paix. La France souscrit à cette aspiration et souhaite qu’elle soit partagée par le plus grand nombre, dans l’intérêt d’un Caucase stable et prospère.

 


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   Examen en commission

 

Au cours de sa séance du mardi 17 octobre 2023, la commission entend une communication sur le déplacement de son président en Arménie, du 13 au 16 septembre 2023.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

 

https://assnat.fr/5BbgiD

 

À l’issue des échanges, la commission autorise le dépôt de cette communication sous forme de rapport d’information, en vue de sa publication.

 

 


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   Annexe : Programme du dÉplacement
de M. Jean-Louis BOURLANGES en ARménie

 

Jeudi 14 septembre 2023

 

 Entretien avec M. Olivier Decottignies, ambassadeur de France, M. Christophe, Katsahian, premier conseiller, et le lieutenant-colonel Arnaud Helly, attaché de défense.

 Dépôt de gerbe au mémorial du génocide arménien (Tsitsernakaberd) et visite du musée du mémorial.

 Entretien avec M. Sarkis Khandanyan, président de la commission des affaires étrangères et M. Vladimir Vardanyan, président du groupe d’amitié Arménie–France de l’Assemblée nationale de la République d’Arménie.

 Entretien avec M. Alen Simonyan, président de l’Assemblée nationale d’Arménie.

 Entretien avec M. Nikol Pachinian, premier ministre de la République d’Arménie.

 Entretien avec M. Suren Papikyan, ministre de la défense, et M. Hrachya Sargsyan, vice-ministre de la défense.

 

Vendredi 15 septembre 2023

 

 Présentation, au quartier général de la mission civile de l’Union européenne en Arménie (EUMA), à Eghegnadzor, des missions et moyens de celle-ci par son chef, M. Markus Ritter, et Mme Jenny Oskarsson, cheffe des opérations.

 Entretien avec trois éléments français de l’EUMA.

 Patrouille avec une équipe d’observateurs internationaux de l’EUMA à la frontière arménienne, dans les environs de Yeraskh.

 Accueil et échanges avec le maire et ses deux adjoints de la ville d’Artashat, visite d’un parc dédié à l’amitié franco-arménienne et portant le nom de Clamart et accueil par les élèves du centre francophone SPFA (Solidarité Protestante France-Arménie), avec chants et danses.

 Entretien, hors programme officiel et hors la présence de tout membre de l’ambassade de France, avec M. Sergueï Ghazarian, ministre des affaires étrangères de la République autoproclamée du Haut-Karabagh, et M. Félix Khachatryan, vice-ministre.


[1] « L’Arménie, une histoire française », Joseph Macé-Scaron, éditorial du hors-série de Marianne sur « Les Arméniens, une histoire française », avril 2015.

[2] Actes du colloque du GRIC conciliation-réconciliation, tenu à l'université du Havre les 7 et 8 décembre 2008.

[3] Ce groupe comprend onze pays : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, l’Allemagne, la Biélorussie, l’Espagne, les États-Unis, la Finlande, la France, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Russie, la Suède, et la Turquie.

[4] Loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.

[5] Erevan bénéficie à elle seule de quatre partenariats.

[6] Rapport d'information n° 1542 de MM. Thibaut François et Christopher Weissberg sur la politique des sanctions internationales, 19 juillet 2023.

[7] Elisée Reclus, « L’Homme et la Terre », Paris, Librairie Universelle, 1905, tome V, p. 474-482.