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N° 1990

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 décembre 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur les incidences du déploiement des grands entrepôts logistiques

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Charles FOURNIER et Mme Sandra MARSAUD

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

SynthÈse des travaux de la mission

Liste des prÉconisations de la mission

avant-propos de M. Charles fournier, rapporteur

Avant-Propos de Mme Sandra Marsaud, rapporteure

INTRODUCTION

premiÈrE PARTIE : Les grands entrepÔts, un dÉploiement accÉlÉRÉ et anarchique qui doit Être organisÉ et rÉgulÉ

I. Les entrepÔts logistiques, piliers de l’Économie, se sont multipliÉs et agrandis avec des effets locaux importants

A. les entrepÔts, outils d’une Économie mondialisÉe

1. La logistique, une infrastructure de l’économie

2. L’entrepôt, une infrastructure de la logistique

3. Le seuil d’entrée dans le XXL

B. Une dynamique de dÉploiement peu rÉgulÉe

1. Les entrepôts XXL connaissent un essor fulgurant depuis une décennie

2. Des causes multiples et bien identifiées par les acteurs

a. Pour être compétitif, l’optimisation par la massification

b. Des dynamiques d’externalisation qui ont permis des gains sectoriels

c. Le décollage du commerce électronique et de la vente à distance

C. L’implantation des entrepÔts xxl emporte des consÉquences fortes sur l’amÉnagement des territoires

1. Des projets dont l’implantation territoriale est de plus en plus contestée

a. La création d’une filière de l’immobilier logistique

b. L’entrepôt XXL, une opportunité de placement foncier dans certaines régions

c. Des dynamiques territoriales différenciées, parfois délétères

d. Des retombées locales contrastées, qui nourrissent des remises en cause croissantes

2. Renforcer la concertation et la participation des populations

a. L’enquête publique souffre d’un déficit de légitimité en raison d’une temporalité trop tardive

b. La nécessité d’une concertation renforcée en matière d’implantation logistique

II. une dynamique encouragÉE par les pouvoirs publics

A. Un secteur complexe et protÉiforme, qui Échappe À la comprÉhension de dÉcideurs locaux mis en concurrence par les acteurs et attirÉs par les recettes fiscales

1. Une fiscalité qui pèse aussi bien sur le constructeur, le propriétaire et l’exploitant d’un entrepôt

2. Des retombées fiscales qui profitent en premier lieu aux collectivités territoriales, en particulier aux communes et leurs groupements

3. Des élus démunis face à un secteur complexe et protéiforme

B. les pouvoirs publics ont longtemps cherchÉ À rattraper un soi-disant « retard logistique »

1. Un « retard de compétitivité » de la logistique par rapport aux voisins européens, que les pouvoirs publics ont cherché à rattraper par la structuration d’une chaîne d’intervenants

a. La filière logistique française tend à améliorer sa compétitivité

b. La gouvernance de la filière a été renforcée

2. Les pouvoirs publics ont mis en œuvre des allègements fiscaux pour renforcer la compétitivité des entrepôts

3. La logique de robotisation de la filière logistique, accrue dans les entrepôts de grande taille, peut constituer un levier de productivité

a. L’intensification de la robotisation et de l’automatisation des processus logistiques est corrélée au déploiement des entrepôts XXL

b. L’automatisation est une réalité amenée à perdurer, mais qui se heurte encore à de nombreuses difficultés

DeuxiÈme PARTIE : La prÉcaritÉ et la pÉnibilitÉ de l’emploi dans les entrepÔts justifient des rÉformes

I. les emplois dans les entrepÔts sont majoritairement marquÉs par la prÉcaritÉ et la pÉnibilitÉ

A. L’emploi crÉÉ est peu qualifiÉ, faiblement rémunÉrÉ et fortement intÉrimaire

1. Les métiers spécifiques à la filière requièrent un faible niveau de qualification

2. Des salaires orientés vers le bas dans le monde des prestataires logistiques

3. Les emplois créés sont souvent moins nombreux qu’initialement annoncé

4. Une part d’intérim variable mais élevée

B. Une forte pÉnibilitÉ du travail, qui est souvent minimisÉe ou dissimulÉe

1. Des métiers très physiques, avec des populations très fortement masculines

2. Des rythmes de travail de plus en plus accélérés au fil des années

3. Une accidentologie élevée, légèrement réduite au sein des grands entrepôts, mais sous-comptabilisée

a. La France est mal classée en Europe en matière d’accidentologie, en particulier au sein de la filière logistique

b. Les intérimaires, au sein de la filière logistique, connaissent une taux d’accidentologie plus élevé

c. Des risques sous-comptabilisés et des accidents sous-déclarés

4. Un renforcement des solutions technologiques pour lutter contre les accidents du travail s’impose

5. Des mesures d’accompagnement financier à poursuivre pour réduire l’accidentologie

II. Un recul tendanciel des effectifs et un mauvais appariement de l’offre et de la demande des emplois logistiques, qui invitent À des Évolutions pour assurer la durabilitÉ et la viabilitÉ du secteur

A. le marchÉ de l’emploi de la logistique, une situation paradoxale

1. Une demande encore forte en recrutement confrontée à des difficultés

a. La filière logistique a un besoin croissant en recrutement et connaît un taux de vacance faible

b. Pourtant, le secteur logistique est confronté à une augmentation du taux de difficulté de recrutement depuis 2014.

2. Un nombre de demandeurs d’emploi constant, malgré les difficultés de recrutement des entreprises logistiques

B. Un assÈchement RÉcurrent des Bassins d’emploi

1. Sur le long terme, les besoins en main-d’œuvre dans le secteur logistique ralentissent, malgré la hausse constante de l’activité

2. À court terme, l’absence d’attractivité des emplois logistiques et la forte rotation explique l’assèchement des bassins d’emploi

a. La manque d’attractivité des emplois logistiques induit des cas de pénuries de main-d’œuvre

b. Une rotation élevée de la main-d’œuvre induisant des assèchements des bassins d’emploi

C. une meilleure association des salariÉs À leur avenir, un impÉratif pour assurer l’attractivitÉ durable de la filiÈre

1. La protection syndicale est globalement assurée, en particulier au sein des grands entrepôts, même si des pistes d’amélioration sont possibles pour la renforcer

2. Les entrepôts à l’entrecroisement entre plusieurs branches, ce qui peut favoriser un shopping normatif

a. La création d’une branche unique : une perspective inopportune

b. Une harmonisation par le haut des normes de convention collective

TrOIsiÈme partie : une logistique mieux planifiÉE et plus compacte pour Une empreinte Écologique moins catastrophique ?

I. certains risques sont efficacement rÉduits par la rÉglementation existante et les pratiques des acteurs

A. un double rÉgime rÉglementaire, qui encadre l’implantation des entrepÔts

1. Le régime d’autorisation, récemment réformé, ne permet pas de corriger les problèmes les plus saillants

a. La grande taille constitue un facteur décisif dans la détermination de la procédure environnementale applicable

b. La réforme de 2020 a porté à la fois une accélération et une sécurisation des procédures

c. Une attention particulière est portée à la sécurité face au risque d’incendie, renforcée en 2020

2. Le PLU et le zonage ont permis de réduire les périmètres concernés

B. L’empreinte ÉCOLOGIQUE des bÂtis est amÉliorÉe par les pratiques des acteurs et les exigences du lÉgislateur

1. L’obsolescence et le renouvellement précoces des bâtis interrogent les pratiques constructives

2. La baisse de l’empreinte carbone des bâtis, un objectif partagé qui repose notamment sur le volontarisme des acteurs de la logistique

3. La production d’énergie, un investissement nécessaire pour permettre aux entrepôts XXL d’optimiser leur rendement foncier

a. La solarisation des toitures, un levier d’optimisation de l’usage de la grande étendue des entrepôts XXL

b. La sobriété énergétique, un levier à privilégier dans les grands entrepôts

II. certaines incidences du dÉploiement d’entrepÔts XXL doivent Être mieux prises en compte

A. Les impacts fonciers peuvent Être rÉduits par une plus forte densification des activitÉs logistiques

1. Un facteur d’artificialisation sous-estimé, mais la grande taille peut être un atout pour respecter le ZAN

2. Mieux recycler l’urbain, une orientation indispensable qui doit emporter des simplifications réglementaires

3. Densifier en verticalisant, une solution à mettre en œuvre là où c’est possible

B. L’incidence urbaine et paysagÈre peut Être limitÉe en portant davantage attention aux composantes constructives et À l’ensemble architectural

1. Après les « boîtes à chaussures », les « boîtes en tôle » : une dérive paysagère dommageable

2. Les aménagements extérieurs n’améliorent pas l’insertion urbaine des entrepôts

3. La dégradation de la qualité de l’air, difficile à prendre en compte dans le processus d’autorisation

C. L’empreinte carbone des entrepÔts À l’Échelle nationale reste tributaire des modes de transport carbonÉs

1. Les entrepôts dépendent presque exclusivement du mode routier

2. Les entrepôts sont peu connectés aux circuits du fret ferroviaire

3. Un recours presque inexistant au fret fluvial

a. Un recours faible et déclinant au fret fluvial dans la filière logistique

b. Un mode de transport qui recèle des gains de consommation énergétique

III. dynamiser la planification spatiale des implantations territoriales pour une logistique groupÉE et mutualisÉe

A. renforcer la planification spatiale des entrepÔts dans une approche d’amÉnagement du territoire

1. Une réflexion à mener sur la définition des besoins nationaux

2. Un rôle de la région dans la planification des usages fonciers

B. Aller vers une planification et un zonage restrictifs pour limiter les atteintes aux territoires en renforçant la performance de la filiÈre

1. Mieux acculturer les élus pour assurer la prise en compte systématique des enjeux logistiques dans les arbitrages d’aménagement

2. La planification territoriale, confortée dans le SCoT, doit encore être renforcée

3. Un zonage exclusif au sein de parcs logistiques multimodaux

EXamen en commission

Liste des personnes auditionnÉes À PARIS

liste des personnes rencontrÉes lors des dÉplacements de la mission d’information

DÉplacement de la mission À Moissy-Cramayel et Tournan‑en‑Brie (Seine-et-Marne) – lundi 3 juillet 2023

DÉplacement de la mission À Mer et Blois (Loir-et-Cher) – lundi 25 septembre 2023

DÉplacement de la mission, avec M. François Ruffin, À ARgœuves et Amiens (Somme) – lundi 9 octobre 2023

DÉplacement de la mission au Havre (Seine-Maritime) – lundi 16 octobre 2023

Liste des personnes ayant contribuÉ par Écrit aux travaux de la mission

 

 


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SynthÈse des travaux de la mission

 

Alors que l’on observe, depuis plus d’une décennie, une accélération et une massification notable de l’édification d’entrepôts logistiques, le présent rapport propose d’en évaluer les incidences sur l’économie des territoires, l’emploi local, l’environnement et l’aménagement territorial et urbain.

Ce développement témoigne de l’essor de la filière logistique en même temps que d’évolutions dans les stratégies des acteurs économiques. La filière logistique représente en France plus de 200 milliards d’euros en 2019, soit près de 10 % de son produit intérieur brut. Elle est à la fois un secteur clef de notre économie et la marque d’une économie fortement mondialisée.

Il est aujourd’hui nécessaire de réguler et d’organiser davantage ce développement, en optimisant l’implantation de ces entrepôts, en en mesurant les externalités négatives et en assurant sa compatibilité avec les engagements écologiques français et européens. En outre, les grands entrepôts nécessitent une approche plus réfléchie en termes de développement et doivent nous amener à réinterroger nos habitudes de consommation.

Le déploiement des entrepôts est peu régulé et marqué par l’essor d’infrastructures de grande taille, dites XXL, depuis une décennie

Le secteur a établi, depuis 2015, plusieurs records : en 2017 par exemple, plus de 4 millions de mètres carrés de sites logistiques ont ainsi été commercialisés, dont 1,6 million de mètres carrés en Île-de-France. Ce phénomène n’est pas spécifiquement français : le déploiement accéléré des entrepôts XXL peut être observé dans la plupart des pays avancés, à l’instar des États-Unis, de l’Allemagne ou encore des Pays-Bas, comme a pu l’observer la mission par ses échanges avec des chercheurs basés dans d’autres pays européens.

Au dire de l’Association française pour la logistique, cette filière vise à « mettre à disposition un produit donné dans la bonne quantité et en bonne condition, au bon endroit, au bon moment et au moindre coût ». Bien qu’il soit difficile de définir strictement la logistique, les rapporteurs considèrent qu’elle peut être entendue comme l’ensemble des activités permettant et facilitant le mouvement des biens de l’offre vers la demande ou de la production vers la consommation. L’entrepôt est défini comme étant « un lieu fermé de concentration et/ou d’éclatement des marchandises, avec ou sans stockage ».

La question du seuil d’entrée dans la grande taille a été abordée à de nombreuses reprises lors des travaux, car elle ne fait pas l’objet d’un consensus scientifique ou professionnel, ni d’une définition légale ou réglementaire. Une majorité d’acteurs ont mentionné plutôt un seuil XXL de 40 000 mètres carrés.

L’efficacité de la filière logistique repose sur trois supports fondamentaux que sont les réseaux de transport, les interfaces modales et les interfaces logistiques. L’action des pouvoirs publics sur chacun de ces leviers est déterminante.

Vos rapporteurs identifient plusieurs causes à cette explosion logistique. Le regroupement logistique permet une mutualisation des coûts et, de ce fait, une optimisation de la rentabilité logistique des entreprises, qui peut être très significative. La massification permet notamment de réduire les coûts de transport et de s’adapter à l’augmentation du nombre de références.

Dans le même temps, des dynamiques d’externalisation ont permis des gains sectoriels. En France, dans les années 1970, les plateformes sont apparues concomitamment aux hyper et supermarchés, avec une externalisation progressive de la fonction logistique. 62 % des entreprises y avaient recours en 2002. Surtout, on observe une tentation croissante des acteurs de se structurer en acteurs logistiques plus complets, sans que cela ne constitue une règle.

L’essor du commerce électronique est souvent perçu, dans l’imaginaire collectif, comme le premier facteur de multiplication des entrepôts XXL. S’il n’est pas le seul, les rapporteurs constatent toutefois que le commerce électronique repose en effet sur un modèle particulièrement dépendant des entrepôts.

Le déploiement massif de la livraison en 24 heures a généré une surproduction d’entrepôts afin de réduire les distances et donc les temps de livraison aval. Cette pratique présente un coût environnemental très élevé, qui s’explique notamment par une sous-optimisation des flux de transport. Ces pratiques poussent en outre à la surconsommation et doivent nous amener à interroger plus largement nos modes de consommation. Vos rapporteurs insistent sur la nécessité d’approfondir la réflexion stratégique concernant les exigences logistiques et les modes de consommation.

Proposition n° 1 : Encadrer ou interdire les pratiques de livraison au consommateur final en 24 heures, avec la mise en œuvre de dérogations spécifiques pour les médicaments et autres biens de première nécessité.

Proposition n° 4 de votre rapporteur Charles Fournier : Marquer une pause, dans l’attente de l’élaboration concertée d’une stratégie nationale et de stratégies régionales, dans l’octroi des autorisations pour la construction d’un entrepôt artificialisant de plus de 40 000 mètres carrés qui n’est pas directement inféodé à un usage industriel prioritaire dans le cadre de la réindustrialisation.

L’aménagement des territoires est fortement affecté par le développement des entrepôts logistiques

Alors le secteur de l’immobilier logistique s’est nettement spécialisé et financiarisé au cours des deux dernières décennies, les entrepôts XXL ont représenté une opportunité de placement foncier.

Les travaux académiques mettent en évidence l’émergence d’un « capitalisme des lieux logistiques » avec la structuration de grandes firmes internationales spécialisées dans l’immobilier logistique, illustrant une tendance à la globalisation, l’intégration verticale et la concentration du marché. Ces acteurs acquièrent un pouvoir significatif dans l’allocation des espaces logistiques, influençant à la fois les utilisateurs d’entrepôts et les décisions politiques locales.

Parallèlement, les études révèlent un marché de l’immobilier logistique diversifié, impliquant divers acteurs tels que les investisseurs et promoteurs et couvre aujourd’hui environ 100 millions de mètres carrés, stimulé en partie par la croissance rapide du e-commerce et l’importance accrue de la logistique dans la distribution et l’industrie.

Si de nombreux acteurs du marché immobilier logistique évoquent un taux de vacance très faible, des observations de terrain font état d’entrepôts souvent sous-exploités. Ce décalage s’explique par des situations régionales très contrastées et des effets spéculatifs sur certains « pôles secondaires » éloignés de la « dorsale logistique ».

Proposition n° 2 : Capitaliser sur les travaux déjà réalisés par le Cerema, le service des études statistiques du ministère de la transition écologique et la filière logistique pour améliorer le recensement des parcs logistiques et mieux situer les besoins. Doter France Logistique d’un observatoire permanent chargé de suivre, quantifier et cartographier l’évolution des créations d’espaces logistiques, afin d’améliorer l’information des acteurs industriels et des pouvoirs publics. L’état des lieux réalisé en continu doit permettre aux pouvoirs publics de disposer d’informations précises, fiables et exhaustives sur l’occupation ou la vacance des cellules, le prix du mètre carré et le nombre de mètres carrés disponibles, l’artificialisation engendrée pour chaque entrepôt et ses aménagements extérieurs, les baux en cours, les emplois associés ainsi que les différents intervenants impliqués, notamment le propriétaire, le logisticien, et le client de chaque cellule, à plusieurs moments dans l’année.

Les motifs qui président au choix du lieu d’implantation des entrepôts sont loin d’être univoques. Les entreprises ont une idée générale de la localisation nécessaire pour maximiser l’utilité du site : intuitivement, une localisation centrale pour un entrepôt national aura plus de sens qu’une situation marginale. Cette préférence explique la prédominance de la « dorsale », qui traverse le pays de Lille à Marseille en passant par l’Île-de-France et l’agglomération lyonnaise. Toutefois, le développement logistique s’est progressivement orienté vers des pôles secondaires se caractérisant par un moindre degré d’artificialisation et des coûts fonciers abordables.

On observe donc à la fois un éloignement des implantations de cette dorsale principale et une expansion logistique plus large. Les régions fortement affectées par la désindustrialisation ou à dominante rurale se révèlent être des choix stratégiques pour l’établissement de ces nouveaux entrepôts.

L’enjeu de la concertation et de la participation des habitants

Les évolutions et l’accélération du développement des entrepôts XXL entraînent des contestations de plus en plus nombreuses d’habitants et d’associations.

La manière dont ses projets s’élaborent, la difficulté à en mesurer concrètement l’intérêt local, le flou qui peut exister sur certains projets dont les riverains ne connaissent pas la destination finale (les activités, l’importance des flux et/ou des produits stockés) et bien entendu les nuisances réelles ou perçues, invite à renforcer la concertation et la participation des habitants, et ce le plus en amont possible, tant sur les stratégies territoriales que sur les projets.

Celle-ci doit se penser tant sur l’élaboration de la planification spatiale des zones logistiques (par exemple sur les éventuelles zones exclusives identifiées par les acteurs) que pour chaque projet. Elles ne peuvent se réduire à informer sur des projets déjà ficelés, sous peine de renforcer un sentiment de désappropriation totale de toutes décisions, alors vécues comme étant contre les habitants qui en subiront souvent les conséquences. Une part doit être laissée au négociable et au non négociable pour un pouvoir réel des habitants.

Il est utile, pour cela, de renforcer l’intermédiation et la transparence en mobilisant des garants du débat public.

Proposition n° 5 : Assurer une meilleure concertation des populations au moment de la planification régionale des zones logistiques et de la définition des zones exclusives, par la création et l’association systématique d’une commission particulière du débat public (CPDP).

Les avantages immédiats que représente le secteur logistique se conjuguent aux efforts continus des pouvoirs publics pour le dynamiser

Les entreprises impliquées dans la construction, la propriété, la logistique ou l’utilisation d’entrepôts logistiques sont soumises à la fiscalité générale applicable à toutes les entreprises en France ainsi qu’à diverses impositions spécifiques à la nature de leur activité. Ces recettes fiscales constituent une source de revenus substantielle pour les collectivités territoriales, en particulier les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Elles permettent de comprendre pourquoi les élus locaux sont particulièrement enclins à accueillir des entrepôts sur leur territoire.

Les retombées fiscales peuvent parfois inciter les exécutifs locaux à privilégier ces projets au détriment d’une évaluation exhaustive de leurs implications à long terme.

Dans le même temps, les pouvoirs publics ont cherché à rattraper un « retard » perçu dans la compétitivité de la logistique française en faisant de ce secteur un champ prioritaire de l’action publique. Malgré la mise en œuvre d’allègements fiscaux et le lancement d’une stratégie nationale logistique en 2022, il apparaît nécessaire d’aller plus loin en inscrivant la démarche stratégique dans une logique de planification spatiale.

Actuellement, les entrepôts industriels bénéficient d’allègements fiscaux significatifs, soulevant la question de la nécessité d’introduire de nouvelles exonérations. Les mesures existantes réduisent déjà considérablement les charges fiscales pour ces établissements. Face à cela, vos rapporteurs recommandent prudence et responsabilité fiscale. Votre rapporteure Sandra Marsaud préconise de maintenir le statu quo en matière d’exonérations fiscales pour les entrepôts, afin de préserver l’équilibre actuel et d’éviter une pression supplémentaire sur les finances publiques. Cette recommandation vise à équilibrer la compétitivité des entreprises avec les besoins financiers de l’État, en attendant les orientations de la stratégie nationale logistique lancée en décembre 2022.

D’un autre côté, votre rapporteur Charles Fournier préconise la suppression de l’abattement de 50 % sur la taxe d’aménagement pour les entrepôts et hangars non ouverts au public et exploités commercialement. Il plaide pour une politique fiscale plus équilibrée dans le secteur logistique mais aussi pour le renforcement de l’autonomie fiscale des collectivités qui ont à leur charge les aménagements associés à l’accueil de ces activités. De plus, il propose une contribution financière des plateformes e-commerce au financement des transports collectifs et de la mobilité durable, en raison de l’impact environnemental et sanitaire de leurs activités en France.

Proposition n° 6 de votre rapporteure Sandra Marsaud : Maintenir le statu quo en matière d’exonérations fiscales pour les entrepôts, le temps d’une réflexion sur les différents outils et leur visée incitative. Évaluer sur le temps long les impacts des différents allégements et abattements décidés depuis 2018 afin d’en déterminer la part dans la croissance sectorielle. Réfléchir à l’opportunité d’étendre le bénéfice des allégements fiscaux actuellement attribués au titre des aéroports aux zones logistiques exclusives identifiées.

Proposition n° 6 de votre rapporteur Charles Fournier : Supprimer l’abattement de 50 % sur les composantes de la taxe d’aménagement pour les entrepôts et hangars non ouverts au public et exploités commercialement.

Proposition n° 7 de votre rapporteur Charles Fournier : Instaurer une taxe locale sur les livraisons e-commerce pour financer l’offre de mobilités durables, comme préconisé par le rapport Duron et la mission d’information Maurey-Sautarel du Sénat.

La logique de robotisation et de mécanisation, qui a connu une nette accélération en Europe au cours de la dernière décennie, est un levier de productivité. Outre une optimisation des coûts et une réduction de l’impact environnemental, cette logique joue un rôle crucial dans la réduction des délais de livraison et l’amélioration du service client en logistique.

L’automatisation est fortement liée au développement et à l’expansion des grands entrepôts, bien qu’il n’y ait pas de causalité directe. Toutefois, bien que des progrès importants aient été réalisés récemment dans l’automatisation, les robots actuels ne répondent pas encore à tous les besoins.

Votre rapporteur Charles Fournier estime que l’automatisation et la robotisation n’ont pas pleinement atteint leurs objectifs. Elles se concentrent principalement sur la chaîne de commandement, sans contribuer suffisamment, ou alors de manière très inégale, voire négative, à la réduction de la pénibilité du travail. Pis, la robotisation intensifie, dans certains cas, le rythme de travail dans les entrepôts, augmentant ainsi le risque de troubles musculosquelettiques.

La nécessité de conduire des réformes eu égard à la précarité et à la pénibilité de l’emploi dans le secteur logistique

Le travail, dans le secteur logistique, se caractérise majoritairement par une forte pénibilité et une forte précarité. S’il existe une grande variété d’emplois, la grande partie des postes sont occupés par des ouvriers, ce qui témoigne d’un niveau de qualification généralement modeste. Ces emplois sont peu rémunérateurs. Dans le secteur de l’entreposage, les salaires gravitent généralement autour du SMIC et sont peu évolutifs.

Les entrepôts de grande taille posent un dilemme économique. Vos rapporteurs considèrent qu’ils contribuent à l’activité économique locale en créant des emplois directs et induits.

Selon votre rapporteur Charles Fournier, bien que les entrepôts contribuent à l’économie locale en créant des emplois directs et indirects, ils peuvent présenter des effets contradictoires. D’une part, ils entrent en concurrence avec le retour nécessaire d’activités de production. D’autre part, ils peuvent avoir un effet délétère sur le secteur du commerce de détail. À l’inverse, votre rapporteure Sandra Marsaud considère que leur impact sur le commerce de détail est mesuré et que leur implantation génère des emplois au niveau local.

Par ailleurs, le recours à l’intérim dans le secteur de la logistique est structurellement plus élevé que dans d’autres domaines. Entre 2019 et 2022, le nombre d’intérimaires dans le secteur logistique a augmenté de 20 %, représentant environ 14,6 % des effectifs totaux mais dépassant les 25% dans certains sous‑secteurs de la logistique.

Ce recours à l’intérim s’explique spécifiquement par la flexibilité qu’il permet pour les acteurs logistiques comme pour les travailleurs. Les difficultés de recrutement actuelles poussent également les entreprises à solliciter les agences d’emploi intérimaire. La localisation des entrepôts, souvent situés loin des zones résidentielles où vivent les salariés, conduit à une discordance géographique. Cette distance rend difficile pour les employés de résider à proximité de leur lieu de travail, favorisant ainsi le recours à l’emploi intérimaire dans le secteur logistique. Les salariés peuvent également choisir le travail intérimaire comme moyen d’organiser leur vie professionnelle de manière flexible.

Les emplois logistiques sont particulièrement physiques et vos rapporteurs constatent qu’il n’existe pas de réglementation formelle et suffisamment contraignante à ce sujet.

Proposition n° 9 : Encadrer réglementairement le tonnage cumulé journalier afin de réduire la pénibilité des métiers de la logistique.

Les rythmes de travail sont particuliers, souvent en décalé, et tendent de plus en plus à s’accélérer. L’organisation actuelle du travail, notamment la pression pour réduire les délais de livraison et le principe du « juste à temps », suggère que la robotisation est principalement déployée pour accélérer les opérations et maximiser la rentabilité, plutôt que pour améliorer les conditions de travail. Bien que la robotisation puisse alléger certaines tâches physiquement exigeantes, elle n’est pas une solution universelle d’autant que l’automatisation peut générer de nouvelles formes de pénibilité.

Il est aujourd’hui nécessaire de développer une culture plus forte de la prévention au sein des entreprises de logistique, permettant à chacun de prendre conscience des dangers et d’adopter les comportements et les mesures préventives adéquats pour réduire significativement l’incidence des accidents du travail et maladies professionnelles dans ce secteur.

Proposition n° 10 : Renforcer la formation et la sensibilisation des salariés et des employeurs aux risques professionnels liés à la logistique, notamment les troubles musculo-squelettiques (TMS), les chutes, les accidents de circulation et les risques psychosociaux (RPS). Cette formation pourrait être dispensée par les services de santé au travail, les organismes de prévention et les branches professionnelles.

Le taux d’accidentologie est particulièrement élevé dans le secteur logistique mais demeure sous-comptabilisé. L’accidentologie est toutefois moins élevée dans les grands entrepôts.

Cette baisse des indices de fréquence dans les grands entrepôts peut s’expliquer par la présence de référents sécurité, qui sont spécifiquement chargés de veiller au respect des bonnes pratiques de sécurité au travail.

Si l’inspection du travail joue un rôle crucial, il semble nécessaire d’intensifier son action dans le secteur du transport et de l’entreposage. Dans le même temps, les recommandations de l’INRS visant à établir des pratiques optimales pour les maîtres d’ouvrage, les concepteurs et les exploitants de bâtiments, doivent être intégrées.

 

Proposition n° 11 : Prendre en compte les recommandations de l’Institut national de recherche et de sécurité en matière de construction et d’exploitation des bâtiments logistiques, notamment pour ce qui concerne l’amélioration de l’environnement de travail et la gestion des risques liés aux manutentions manuelles, afin de réduire la sinistralité en leur sein pour les travailleurs.

Les travaux conduits par la mission ont mis en évidence que la mécanisation n’entraîne pas systématiquement une réduction des troubles musculosquelettiques (TMS). L’utilisation de cobots ou d’exosquelettes peut potentiellement réduire la survenue de TMS.

Des évolutions sont nécessaires pour assurer la durabilité et la viabilité du secteur

Le taux d’emplois vacants dans le secteur logistique est de 2 % au premier trimestre 2023 pour les entreprises de plus de 10 salariés. Si ce faible taux reflète l’attrait de la logistique, il connait une réelle difficulté à recruter depuis 2014. Dans les trois professions spécifiques associées au secteur de l’entreposage, on note que 57,43 % des employeurs considèrent les recrutements de 2023 comme étant problématiques, ce qui représente une augmentation considérable par rapport à seulement 23 % en 2014.

Le secteur logistique connaît une problématique d’appariement entre l’offre et la demande sur le marché du travail. La demande pour des professionnels qualifiés est en hausse, tandis que l’offre de main-d’œuvre disponible et qualifiée ne parvient pas à répondre à cette demande croissante.

Pour améliorer l’appariement entre l’offre et la demande d’emplois dans le secteur de la logistique, il serait donc opportun de mieux prendre en compte la connexion des entrepôts aux réseaux de transports collectifs et de développer des stratégies qui favorisent une meilleure accessibilité des lieux de travail.

Proposition n° 12 : Adosser l’implantation d’une zone logistique à une analyse des besoins et des implantations de transports collectifs et de mobilités douces dans le cadre d’une stratégie logistique régionale afin de contribuer à la mobilité décarbonée des salariés.

Surtout, les travaux conduits par la mission mettent en évidence un manque d’attractivité des emplois logistiques ainsi qu’un fort taux de rotation de la main-d’œuvre. Cela a pour conséquence d’assécher les bassins d’emploi.

La constitution d’une branche professionnelle unifiée pour la logistique pourrait être perçue comme une solution simplificatrice face à la complexité sectorielle, mais cette perception se révélerait probablement réductrice. Une telle unification serait en effet préjudiciable à l’appréhension des spécificités de chaque branche.

Il serait toutefois intéressant de capitaliser sur la pluralité des conventions collectives pour distinguer et encourager les bonnes pratiques. En sus de permettre une meilleure compréhension des normes en vigueur, cette démarche incitera à l’adoption de standards élevés en termes de protection des travailleurs.

Proposition n° 13 du rapporteur Charles Fournier : Organiser une conférence sociale associant les différentes branches concernées par la logistique à l’appui d’un recueil des meilleurs pratiques des différentes branches. Il s’agirait d’établir une comparaison exhaustive entre les diverses branches de la logistique sur les pratiques en matière de rémunération, d’indemnités de licenciement, de congés payés et de compensation des accidents du travail. Elle pourrait, à l’aide de l’expertise de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, se saisir des enjeux d’amélioration de la qualité des emplois, en termes e réduction de la pénibilité, des maladies et de l’accidentologie, et des enjeux d’attractivité des métiers et de formation des travailleurs. Elle formulerait des recommandations sur la régulation des aides à l’embauche, sur la création de postes durables et sur la réduction de la place de l’intérim.

La planification, une solution pour réduire l’empreinte carbone du secteur logistique

En matière d’implantation logistique, il est particulièrement complexe de trouver un équilibre entre les différents objectifs environnementaux.

La règlementation est dense en la matière et permet de réduire un certain nombre de risques. Préalablement à l’aménagement, la construction et l’exploitation d’entrepôts logistiques, plusieurs démarches administratives doivent être entreprises.

Parmi celles-ci, pour l’implantation d’entrepôts logistiques d’un volume d’au moins 50 000 m3, des procédures d’enregistrement ou d’autorisation au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et de permis de construire au titre de la réglementation du droit des sols, doivent en effet être menées préalablement à leur délivrance, le cas échéant, par les différentes autorités compétentes. En outre, une évaluation environnementale du projet peut être requise, et l’est généralement de façon systématique lorsque son emprise au sol dépasse 40 000 mètres carrés.

Ces procédures gagneraient à être mieux différenciées en fonction des caractéristiques des projets, afin de favoriser notamment les projets qui artificialisent peu et ceux, en ce qui concerne la logistique industrielle, qui sont directement nécessaires à un projet lié à la réindustrialisation du pays.

Proposition n° 17 : Différencier la teneur des obligations à remplir pour l’obtention de l’autorisation environnementale, en fonction des caractéristiques d’implantation des projets. Alléger les contraintes et les délais d’instruction pour les dossiers en milieu urbain artificialisé, ceux qui sont directement associés à la réalisation d’une implantation industrielle, et ceux qui sont implantés au sein d’une zone exclusive.

L’empreinte carbone des entrepôts fait l’objet d’une attention particulière du législateur et des acteurs logistiques. La durée de vie limitée des bâtiments d’entrepôt, qui ne dépasse en aucun cas une trentaine d’années, doit toutefois interroger sur la soutenabilité des modes constructifs. Il est pourtant souhaitable et nécessaire d’éviter la formation de friches logistiques. La consommation excessive de bâti permet de justifier la création d’un régime de consignation à des fins de démantèlement ou de reconversion futurs.

Proposition n° 15 : À l’instar de ce qui se pratique pour d’autres équipements, prévoir à la construction la consignation par le maître d’ouvrage d’une fraction de financement destinée à permettre le démantèlement, la démolition ou la reconversion futures du bâtiment dans une optique de lutte contre l’abandon des bâtis. La prévision des besoins en la matière sera étayée par la réalisation de l’étude de réversibilité rendue obligatoire au titre de l’article 224 de la loi Climat et résilience.

Il est également nécessaire de réduire l’empreinte écologique des bâtis et c’est à ce titre que la réflexion en termes de « bilan carbone » des bâtis est très présente chez les acteurs de l’immobilier logistique. De plus en plus de sites logistiques font également l’objet d’une analyse du cycle de vie, qui permet de mesurer la performance environnementale des bâtis tout au long de leur construction et de leur exploitation. Cette dernière est devenue obligatoire depuis le 1er janvier 2022 au titre de la réglementation environnementale 2020 (RE 2020). Cela est pourtant loin de suffire, l’analyse du cycle de vie ne prenant en compte que les aspects quantifiables.

Plus largement, plusieurs acteurs ont fait part de leur intérêt à faire de leurs entrepôts des bâtiments à énergie positive. Un des enjeux majeurs des entrepôts à énergie positive réside à cet égard dans la généralisation du solaire photovoltaïque. L’obligation entrée en vigueur le 1er juillet 2023 de couvrir de 30 % de la surface de la toiture du bâtiment construit ou rénové et des ombrières qui surplombent les aires de stationnement se heurte toutefois à l’inadaptation du parc existant. Par ailleurs, la rentabilité de ces installations n’est pas certaine.

Proposition n° 16 : Imposer, en renforçant les dispositions fixées dans les loi Énergie-climat, Climat et résilience et AER, la couverture des parcs de stationnement des entrepôts par des ombrières recouvertes de panneaux photovoltaïques, lorsque ces parcs ne font pas l’objet d’une opération d’aménagement urbain, de mutualisation, d’enfouissement ou de renaturation-végétalisation. Explorer les solutions technologiques permettant de faciliter les installations de panneaux photovoltaïques sur les charpentes existantes, et engager une réflexion avec France Assureurs afin de parer au refus de couverture assurantielle sur ces structures. Étendre l’obligation de solarisation des toitures aux entrepôts agricoles.

Le secteur s’est également engagé dans une démarche de sobriété énergétique, largement encouragée par le décret tertiaire qui impose une trajectoire de réduction progressive des consommations énergétiques des bâtiments.

À un moment caractérisé par l’intensification des conflits d’usage sur les fonciers et par un effort collectif pour réduire, de façon conséquente, la consommation des sols, celle qui est engendrée par les entrepôts XXL pose nécessairement question. L’artificialisation engendre des incidences négatives pour la protection de la biodiversité, la gestion des eaux pluviales, la réduction des terres agricoles et la préservation des paysages.

Les chiffrages précis manquent sur la contribution spécifique des entrepôts XXL à cette tendance. Si certains parlent d’un « effet d’optique » et minorent le rôle de l’immobilier logistique, on peut estimer qu’elle pourrait être supérieure à 3 % des flux d’artificialisation dans certaines régions, tout en étant inférieure à 1 % dans d’autres régions.

Toutefois, il est possible que la taille constitue, à rebours des impressions premières, un facteur de limitation de la consommation foncière. En théorie, la construction rationnelle d’un site de très grande dimension, parfois divisé en plusieurs preneurs, devrait en effet permettre de réduire la consommation globale de foncier, par rapport à la construction d’un grand nombre de petits entrepôts.

Si des efforts sont entrepris pour maîtriser cette empreinte, ils sont loin d’être suffisants. Le recyclage des friches industrielles et la densification des activités logistiques, bien que d’autres activités prioritaires y soient bien souvent privilégiés, doivent être encouragés aux fins de réduire les impacts fonciers des entrepôts.

Proposition n° 18 : Encourager le développement logistique vertical par l’adaptation des règles de hauteur dans les règlements des PLU et l’évolution du régime des ICPE, à condition que l’élévation se fasse en substitution et non en complément de l’étalement horizontal.

Une réflexion quant à l’insertion paysagère des entrepôts devrait également être conduite par les décideurs. Le régime d’autorisation environnementale fait preuve d’une exigence relativement limitée en matière d’intégration dans le paysage. Et ce, alors même que les entrepôts XXL sont particulièrement visibles et souvent concentrés au même endroit, portant une atteinte profonde et durable à la qualité des paysages naturels et humains.

En sus, les flux de camions engendrés par la présence d’un entrepôt, a fortiori lorsqu’il est de grande taille, exercent un effet mesurable sur la qualité des routes et de l’air environnants, portant une nuisance de voisinage très considérable.

La forte dépendance des entrepôts aux modes de transport carbonés

Essentiellement routier, le trafic de marchandises qui concerne les entrepôts est fortement générateur d’émissions. Le transport de marchandises serait responsable de plus de 15 % des émissions de gaz à effet de serre en tonnes équivalent dioxyde de carbone (tCO2e). De son côté, le transport routier – passagers compris – aujourd’hui largement majoritaire en France, est à l’origine d’une forte pollution atmosphérique : en 2018, il génère à lui seul 28,6 % des émissions de gaz à effet de serre en tCO2e, contre 21,3 % en 1990. Au sein des transports routiers, les poids lourds représentent en 2018 un quart des émissions.

La majorité des sites générateurs de fret, à commencer par les entrepôts, sont exclusivement reliés à la route, et spécifiquement aux autoroutes. Si elle dispose du deuxième réseau ferroviaire d’Europe, la France sous-exploite largement le train comme mode d’acheminement des marchandises. Cette situation est illustrée par le degré faible ou inexistant d’utilisation des installations terminales embranchées par les entrepôts et les plateformes. De la même manière, les acteurs logistiques recourent peu au fret fluvial.

En dépit des avantages que présentent le fret fluvial et le fret ferroviaire, spécifiquement environnementaux, et du développement progressif de la multimodalité, le mode routier conserve une place prépondérante au sein des stratégies de transport.

Proposition n° 21 : Dans la logique des zones exclusives, imposer la connexion au fret ferroviaire ou fluvial pour un parc logistique planifié.

Proposition n° 22 : Favoriser les aides fiscales favorables à l’équilibre financier du recours au fret fluvial, par exemple la mise en place d’aides à la pince. En vue de favoriser également le recours au fret ferroviaire, intégrer une telle réforme dans une réflexion plus globale avec un équilibre de l’incitation et de la pénalité sur le recours au mode routier.

Dynamiser la planification spatiale des implantations territoriales en faveur d’une logistique groupée et mutualisée

Les incidences qu’occasionne le déploiement de grands équipements sur les territoires, tant en matière d’environnement que sur les équilibres de l’aménagement des territoires, justifient qu’une attention particulière soit accordée aux conditions de la planification des implantations dans l’espace.

La mission estime qu’il serait utile de réfléchir à la possibilité de renforcer le pilotage stratégique de l’État et des régions en la matière. La logistique posant, de façon inhérente, des problématiques nationales, il est nécessaire que l’État puisse assurer, en coordination avec les acteurs des territoires, une forme de gouvernance partagée, ne serait-ce que pour veiller à la compatibilité des stratégies d’aménagement logistique des différents territoires.

Proposition n° 23 : Élaborer un schéma national logistique spatialisé et travailler à son insertion dans les réseaux logistiques européens, avec comme objectif la réduction des émissions du transport de marchandises.

De ce point de vue, l’outil approprié pour exercer un tel rôle de pilotage et de filtrage des projets paraît être celui de l’agrément préfectoral, qui n’existe qu’en Île-de-France. L’agrément est une autorisation administrative, particulière à l’Île-de-France, nécessaire pour la construction, la reconstruction, la réhabilitation ou l’extension de certains, qui conditionne la recevabilité de la demande de permis de construire. La procédure de l’agrément a été créée au milieu des années 1950 avec comme objectif d’orienter les acteurs publics et privés du marché, dans leur choix de localisation de leurs activités économiques, dans le but de favoriser une répartition équilibrée entre les activités et l’habitat.

Proposition n° 24 : Généraliser à toutes les régions l’agrément préfectoral pour l’implantation d’un entrepôt engendrant une artificialisation des sols supérieure à 40 000 mètres carrés, comme outil d’orientation et de planification de l’implantation des activités logistiques sur le territoire. L’agrément ne pourrait être octroyé qu’à un projet situé à l’intérieur d’une zone exclusive.

Les régions doivent être étroitement associées à cette réflexion nationale, en vertu de la compétence en matière de planification stratégique qui leur a été conférée. La mission a d’ailleurs été impressionnée par les résultats dans certaines régions, où les élus et les administrations ont consenti des efforts importants pour mieux connaître et maîtriser leur parc logistique.

Enfin, la mise en place d’un zonage restrictif permettrait de limiter les atteintes portées aux territoires et d’améliorer la performance du secteur logistique. Cela doit passer par le schéma de cohérence territoriale (SCoT) qui est devenu, depuis la loi Climat et résilience, le document stratégique et planificateur de référence pour les aménagements logistiques.

Proposition n° 26 : Définir, au sein de stratégies régionales spatialisées, des zones exclusives pour l’implantation des entrepôts XXL, en dehors desquelles l’agrément préfectoral ne saurait être octroyé en dehors de besoins industriels spécifiques. Une telle planification concertée visera à la délimitation de parcs logistiques multimodaux cohérents avec les besoins des territoires, les bassins d’emplois, les réseaux de transport.

 

 

 


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   Liste des prÉconisations de la mission

 

RENFORCER LA RÉFLEXION STRATÉGIQUE SUR LES BESOINS LOGISTIQUES ET LES MODES DE CONSOMMATION

Proposition n° 1 : Renforcer l’encadrement des pratiques de livraison au consommateur final en 24 heures, avec la mise en œuvre de dérogations spécifiques pour les médicaments et autres biens de première nécessité.

Proposition n° 20 : Intégrer systématiquement la question du report modal dans les stratégies logistiques nationale et régionale. À l’instar d’exemples étrangers, mener une réflexion sur la place de la logistique du dernier kilomètre dans les projets de services express régionaux métropolitains (SERM), qui reposent sur une offre multimodale de services de transports en commun publics.

Proposition n° 3 : Encourager les élus locaux et communautaires à mettre en location ou en concession de longue durée, plutôt que de les vendre, les terrains d’emprise des activités logistiques de grande échelle.

 

RENFORCER LA PLANIFICATION SPATIALE DES ESPACES LOGISTIQUES AUX ÉCHELLES NATIONALE ET RÉGIONALE

Proposition n° 2 : Capitaliser sur les travaux déjà réalisés par le Cerema, le service des études statistiques du ministère de la transition écologique et la filière logistique pour améliorer le recensement des parcs logistiques et mieux situer les besoins. Doter France Logistique d’un observatoire permanent chargé de suivre, quantifier et cartographier l’évolution des créations d’espaces logistiques, afin d’améliorer l’information des acteurs industriels et des pouvoirs publics. L’état des lieux réalisé en continu doit permettre aux pouvoirs publics de disposer d’informations précises, fiables et exhaustives sur l’occupation ou la vacance des cellules, le prix du mètre carré et le nombre de mètres carrés disponibles, l’artificialisation engendrée pour chaque entrepôt et ses aménagements extérieurs, les baux en cours, les emplois associés ainsi que les différents intervenants impliqués, notamment le propriétaire, le logisticien, et le client de chaque cellule, à plusieurs moments dans l’année.

Proposition n° 4 de votre rapporteur Charles Fournier : Marquer une pause, dans l’attente de l’élaboration concertée d’une stratégie nationale et de stratégies régionales, dans l’octroi des autorisations pour la construction d’un entrepôt artificialisant de plus de 40 000 mètres carrés qui n’est pas directement inféodé à un usage industriel prioritaire dans le cadre de la réindustrialisation.

Proposition n° 23 : Élaborer un schéma national logistique spatialisé et travailler à son insertion dans les réseaux logistiques européens, avec comme objectif la réduction des émissions du transport de marchandises.

Proposition n° 12 : Adosser l’implantation d’une zone logistique à une analyse des besoins et des implantations de transports collectifs et de mobilités douces dans le cadre d’une stratégie logistique régionale afin de contribuer à la mobilité décarbonée des salariés.

Proposition n° 25 : Mettre sur pied une instance de concertation et de coordination entre l’État, les régions, et les acteurs économiques, en lien avec France Logistique, qui serait chargée de définir les orientations prospectives et stratégiques et les priorités en matière d’aménagement du territoire et de développement industriel liées à la logistique et d’accompagner l’élaboration des stratégies régionales.

Proposition n° 26 : Définir, au sein de stratégies régionales spatialisées, des zones exclusives pour l’implantation des entrepôts XXL, en dehors desquelles l’agrément préfectoral ne saurait être octroyé en dehors de besoins industriels spécifiques. Une telle planification concertée visera à la délimitation de parcs logistiques multimodaux cohérents avec les besoins des territoires, les bassins d’emplois, les réseaux de transport.

Proposition n° 24 : Généraliser à toutes les régions l’agrément préfectoral pour l’implantation d’un entrepôt engendrant une artificialisation des sols supérieure à 40 000 mètres carrés, comme outil d’orientation et de planification de l’implantation des activités logistiques sur le territoire. L’agrément ne pourrait être octroyé qu’à un projet situé à l’intérieur d’une zone exclusive.

Proposition n° 5 : Assurer une meilleure concertation des populations au moment de la planification régionale des zones logistiques et de la définition des zones exclusives, par la création et l’association systématique d’une commission particulière du débat public (CPDP).

Proposition n° 21 : Dans la logique des zones exclusives, imposer la connexion au fret ferroviaire ou fluvial pour un parc logistique planifié.

 

REMÉDIER AUX CARENCES DU PROCESSUS D’AUTORISATION DES PROJETS

Proposition n° 17 : Différencier la teneur des obligations à remplir pour l’obtention de l’autorisation environnementale, en fonction des caractéristiques d’implantation des projets, tout en renforçant la portée de l’autorisation sur l’ensemble des aménagements extérieurs, notamment les espaces de stationnement. Alléger les contraintes et les délais d’instruction pour les dossiers en milieu urbain artificialisé, ceux qui sont directement associés à la réalisation d’une implantation industrielle, et ceux qui sont implantés au sein d’une zone exclusive.

Proposition n° 15 : À l’instar de ce qui se pratique pour d’autres équipements, prévoir à la construction la consignation par le maître d’ouvrage d’une fraction de financement destinée à permettre le démantèlement, la démolition ou la reconversion futures du bâtiment dans une optique de lutte contre l’abandon des bâtis. La prévision des besoins en la matière sera étayée par la réalisation de l’étude de réversibilité rendue obligatoire au titre de l’article 224 de la loi Climat et résilience.

Proposition n° 16 : Imposer, en renforçant les dispositions fixées dans les loi Énergie-climat, Climat et résilience et AER, la couverture des parcs de stationnement des entrepôts par des ombrières recouvertes de panneaux photovoltaïques, lorsque ces parcs ne font pas l’objet d’une opération d’aménagement urbain, de mutualisation, d’enfouissement ou de renaturation-végétalisation. Explorer les solutions technologiques permettant de faciliter les installations de panneaux photovoltaïques sur les charpentes existantes, et engager une réflexion avec France Assureurs afin de parer au refus de couverture assurantielle sur ces structures. Étendre l’obligation de solarisation des toitures aux entrepôts agricoles.

Proposition n° 19 : Afin d’améliorer l’information des populations, des décideurs et des services instructeurs au stade de l’autorisation, obliger les porteurs de projet à quantifier précisément le nombre de camions/jour engendrés par l’implantation d’un entrepôt XXL, et établir dans son projet initial le bilan carbone et la quantité de CO2 engendrée par le passage des camions.

Proposition n° 18 : Encourager le développement logistique vertical par l’adaptation des règles de hauteur dans les règlements des PLU et l’évolution du régime des ICPE, à condition que l’élévation se fasse en substitution et non en complément de l’étalement horizontal.

Proposition n° 14 : Afin d’assurer le respect de la réglementation en matière environnementale et de sécurité et de veiller à la protection des personnels, renforcer les contrôles par une augmentation et une réévaluation régulière des ressources des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal).

 

UTILISER LE LEVIER FISCAL POUR ENCOURAGER AUX PRATIQUES VERTUEUSES

Proposition n° 6 de votre rapporteure Sandra Marsaud : Maintenir le statu quo en matière d’exonérations fiscales pour les entrepôts, le temps d’une réflexion sur les différents outils et leur visée incitative. Évaluer sur le temps long les impacts des différents allégements et abattements décidés depuis 2018 afin d’en déterminer la part dans la croissance sectorielle. Réfléchir à l’opportunité d’étendre le bénéfice des allégements fiscaux actuellement attribués au titre des aéroports aux zones logistiques exclusives identifiées.

Proposition n° 6 de votre rapporteur Charles Fournier : Supprimer l’abattement de 50 % sur les composantes de la taxe d’aménagement pour les entrepôts et hangars non ouverts au public et exploités commercialement.

Proposition n° 7 de votre rapporteur Charles Fournier : Instaurer une taxe locale sur les livraisons e-commerce pour financer l’offre de mobilités durables, comme préconisé par le rapport Duron et la mission d’information Maurey-Sautarel du Sénat.

Proposition n° 22 : Favoriser les aides fiscales favorables à l’équilibre financier du recours au fret fluvial, par exemple la mise en place d’aides à la pince. En vue de favoriser également le recours au fret ferroviaire, intégrer une telle réforme dans une réflexion plus globale avec un équilibre de l’incitation et de la pénalité sur le recours au mode routier.

 

MIEUX ACCOMPAGNER LES SALARIÉS DE LA LOGISTIQUE

Proposition n° 9 : Encadrer réglementairement le tonnage cumulé journalier afin de réduire la pénibilité des métiers de la logistique.

Proposition n° 10 : Renforcer la formation et la sensibilisation des salariés et des employeurs aux risques professionnels liés à la logistique, notamment les troubles musculo-squelettiques (TMS), les chutes, les accidents de circulation et les risques psychosociaux (RPS). Cette formation pourrait être dispensée par les services de santé au travail, les organismes de prévention et les branches professionnelles.

Proposition n° 11 : Prendre en compte les recommandations de l’Institut national de recherche et de sécurité en matière de construction et d’exploitation des bâtiments logistiques, notamment pour ce qui concerne l’amélioration de l’environnement de travail et la gestion des risques liés aux manutentions manuelles, afin de réduire la sinistralité en leur sein pour les travailleurs.

Proposition n° 8 de votre rapporteur Charles Fournier : Conditionner les aides à l’embauche et la formation, au sein des entreprises logistiques, à la création de postes durables et la réduction du recours à l’intérim.

Proposition n° 13 du rapporteur Charles Fournier : Organiser une conférence sociale associant les différentes branches concernées par la logistique à l’appui d’un recueil des meilleurs pratiques des différentes branches. Il s’agirait d’établir une comparaison exhaustive entre les diverses branches de la logistique sur les pratiques en matière de rémunération, d’indemnités de licenciement, de congés payés et de compensation des accidents du travail. Elle pourrait, à l’aide de l’expertise de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, se saisir des enjeux d’amélioration de la qualité des emplois, en termes de réduction de la pénibilité, des maladies et de l’accidentologie, et des enjeux d’attractivité des métiers et de formation des travailleurs.

 


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avant-propos de M. Charles fournier, rapporteur

J’ai souhaité que ce sujet fasse l’objet d’une mission d’information en partant du constat d’un déploiement accéléré des entrepôts dit XXL dans ma région mais aussi au-delà dans d’autres régions, dont le positionnement peut être stratégique. Ce constat s’étend au-delà de la dorsale logistique et concerne aussi des régions, qui en apparence disposeraient d’un foncier davantage disponible. Bien souvent ces régions ont connu une désindustrialisation et le développement des activités logistiques a été une réponse à la disparition des activités productives mais aussi la possibilité, fût-elle moins pertinente, de maintenir des activités économiques et des emplois.

Dans cette accélération, renforcée après la crise sanitaire par l’évolution de nos pratiques de consommation mais aussi par l’enjeu crucial de relocalisation des activités économiques, l’agrandissement des entrepôts, quelle que soit l’activité considérée, est une tendance marquée. Ces entrepôts dit XXL, sans qu’il n’en existe de définition précise, se multiplient et viennent traduire un changement stratégique et d’organisation des chaînes logistiques.

Trois entrées ont été proposées pour cette mission, qui ont guidé nos travaux :

– celle du modèle économique des activités logistiques : stratégie d’optimisation, pratique de l’immobilier d’entreprise, développement du modèle de la location, tendance à l’agrandissement ;

– celle des emplois associés et des conditions de travail dans ces entrepôts : réalité du nombre d’emplois, durabilité de ces emplois, recours important à l’intérim, conditions de travail ;

– celle des impacts écologiques : artificialisation de terres agricoles, contribution à l’attrition de la biodiversité, émission de gaz à effet de serre, impact sur l’eau…

Forcément, un tel sujet interroge plus largement la logistique et la variété des activités qui la composent : celle inféodée à l’industrie, celle liée au commerce, la logistique entrante et sortante, la logistique inversée…

La logistique n’est pas dissociable du modèle économique, tant celui de la production que de la consommation, et s’en préoccuper ne peut se limiter à accompagner des mouvements qui seraient inévitables. C’est aussi notre modèle productif et nos modes de consommation, qui contribuent à la massification du transport international de marchandises dans des dynamiques que certains qualifient de « grand déménagement du monde », qui sont questionnés.

La logistique est nécessaire, personne ne peut contester cela, nous continuerons à approvisionner nos lieux de production et de distribuer nos lieux de consommation. Mais l’inflation de projets entraîne de réelles difficultés d’accès au foncier et fait peser le risque d’une incompatibilité avec nos objectifs écologiques. Nous assistons au développement accéléré d’une logistique commerciale, avec les plateformes de e-commerce et avec le modèle de la grande distribution. Au moment où nous souhaitons réindustrialiser, nous devrons également penser de nouvelles capacités logistiques.

Ce n’est plus un risque, nous assistons à un déploiement désorganisé, impactant fortement nos territoires, certains devenant des terres de logistique au détriment de toute capacité productive et générant des flux de camions toujours plus conséquents. La concurrence du peu de foncier disponible fait rage entre les besoins en logement, la réindustrialisation et la logistique.

L’agrandissement des entrepôts en est une expression, ce modèle privilégiant des stratégies de massification et des modifications des chaînes logistiques. En soi, la discussion est permise entre le grand entrepôt et la multiplication des petits, comme entre le grand camion et les multiples camionnettes. Mais le risque est finalement d’avoir à chaque fois les deux !

L’étalement logistique est aussi à l’œuvre et les territoires ruraux sont de plus en plus concernés, renforçant le sentiment de subir toutes les nuisances liées aux consommateurs des villes.

Là où il y a rareté, là où la plupart des acteurs économiques préfèrent aujourd’hui louer que construire leurs propres entrepôts, nous avons vu émerger une filière immobilière interlocutrice des collectivités et qui constitue un maillon dans la « lutte pour l’accès au foncier ». Évidemment ce qui est rare est cher et le marché est alléchant, attirant des investisseurs de taille. Des chercheurs mettent en évidence une forme de spéculation foncière qui entraîne aussi de fréquents déménagements logistiques.

Face à cela, les élus sont souvent démunis et la logistique était jusqu’ici regardée comme n’importe quelle activité économique, parfois à défaut d’activité productive. Les produits de la vente du foncier ainsi que les emplois pour le territoire suffisent à convaincre des élus qui font face à des difficultés pour assurer le maintien d’activités ou de services publics locaux. L’argument des emplois créés reste déterminant, même quand ces annonces ne se traduisent pas totalement dans les faits.

La qualité du travail pose également question, pour ces métiers pourtant essentiels. Pendant la crise sanitaire, c’est aussi le maintien d’une logistique qui nous a permis d’accéder à ce qui nous était nécessaire. Mais force est de constater le maintien d’une forte pénibilité : charges lourdes, isolement induit par le port du casque et de la généralisation de la commande vocale, effet de l’automatisation des chaînes de commandement, augmentation des cadences… malgré des efforts engagés, mais très peu uniformes.

L’importance de l’accidentologie, pour partie sous-estimée, tout comme celle des maladies professionnelles, sont révélatrices de cette pénibilité. La logistique est présente dans plusieurs secteurs d’activité et il existe un nombre important de conventions collectives aux pratiques très variées. L’automatisation et la robotisation peuvent être des leviers de réduction de la pénibilité mais manifestement le résultat n’est pas du tout optimum. L’automatisation se concentre le plus souvent sur les chaînes de commandement, impactant encore la pénibilité par l’augmentation des cadences et la désocialisation des relations de travail. Si cette robotisation et automatisation peut contribuer à une plus grande efficacité économique, elle doit aussi être réellement mise au service des emplois et de la qualité du travail.

Et bien entendu, la logistique affecte directement notre environnement. Les acteurs économiques semblent volontaires pour réduire les impacts les plus directs : emprise au sol et empreinte écologique des bâtiments, consommation énergétique, choix d’implantation dans les zones déjà artificialisées. Ces mesures utiles doivent être encouragées mais elles pèsent assez peu sur les impacts les plus importants que sont les flux logistiques et les émissions de gaz à effet de serre. L’absence de stratégie efficace pour permettre un report modal vers le fret ferroviaire et fluvial tout comme la perspective assez éloignée de la décarbonation du fret routier, font du secteur des transports le seul à ne pas réduire ses émissions dans notre pays.

Au moment où se met concrètement en œuvre le « zéro artificialisation nette », au moment de la relocalisation des activités industrielles mais aussi dans un contexte de conflictualités latentes, entre territoires urbains et territoires ruraux, il est urgent d’organiser une planification structurante, organisant ce déploiement, réduisant ses impacts et reposant sur :

– le questionnement de nos modes de production et de consommation ;

– une approche plus partagée et mutualisée du développement de ces entrepôts ;

– la nécessité de réguler ce développement : éviter par exemple la vacance, prévenir l’apparition de nouvelles friches, s’assurer que l’agrandissement des entrepôts réduisent réellement l’empreinte écologique… ;

– une vision encadrée et organisée de la gestion du foncier ;

– des objectifs de report modal à assurer.

Je considère nécessaire de freiner ce développement, de permettre une pause dans le déploiement des très grands entrepôts, le temps de faire des choix stratégiques structurants et de réduire les impacts qui vont aller en augmentant. L’effet rebond joue ici à plein. Plusieurs préconisations sont établies en ce sens pour planifier au mieux notre organisation logistique. L’ambition est aussi de réduire l’artificialisation et les impacts écologiques. Il est aussi nécessaire de l’encadrer et notamment de faire le choix de développement des zones exclusives, à l’exception de la logistique liée à la réindustrialisation qui doit être considérée comme prioritaire.

Je crois également indispensable de renforcer la concertation et la participation des habitants et ce le plus en amont possible, tant sur les stratégies territoriales que sur les projets. Celles-ci ne peuvent se réduire à informer sur des projets déjà ficelés, sous peine de renforcer un sentiment de désappropriation totale de toutes décisions, alors vécues comme étant contre les habitants qui en subiront souvent les conséquences.  Une part doit être laissée au négociable et au non négociable pour un pouvoir réel des habitants. Il est aussi utile de renforcer l’intermédiation et la transparence en mobilisant des garants du débat public. Ce rapport devra être suivi de propositions plus opérationnelles pour répondre à cet impératif d’une meilleure association des habitants aux choix qui les impactent et les concernent.

Enfin, nous constatons un « mal travail » très répandu, des ouvriers de la logistique aux rémunérations limitées, au travail pénible entraînant des « turnover », recours à l’intérim mais aussi une importante accidentologie et des maladies professionnelles. Il est urgent, d’autant plus si l’on considère ce secteur comme stratégique, de pousser à un dialogue social tirant vers le haut ces activités. Il est aussi nécessaire de mettre en œuvre les recommandations pour réduire la pénibilité et permettre de donner une perspective plus stimulante pour les salariés, pour la fierté d’un travail bien fait et utile ! Une conférence sociale me semble être une réponse adaptée pour débattre et changer la donne pour ces emplois et métiers. Les aides publiques attribuées doivent également être conditionnées à l’amélioration de la qualité des emplois et du travail.

Cette mission a permis de poser des constats essentiels, d’ouvrir des voies concrètes de travail. La logistique constitue un miroir de notre modèle de production et de consommation, c’est par elle aussi que s’opéreront les changements nécessaires pour répondre aux enjeux écologiques comme sociaux.  Il convient d’associer toutes les parties prenantes que nous avons pu rencontrer, de continuer les échanges pour une stratégie française de la logistique comme en appelle de ses vœux France Logistique. Cela passera par l’organisation d’une coopération efficace pour un développement logistique davantage maîtrisé, efficace économiquement, respectueux de notre environnement et attractif pour les femmes et les hommes qui pourraient en être les chevilles ouvrières.

Je souhaite terminer en remerciant ma co-rapporteure pour le chemin parcouru, sur un sujet aux implications multiples et qui méritera sûrement d’autres travaux complémentaires, pour le croisement de nos regards et la recherche partagée d’une approche acceptant la complexité du sujet et ne le réduisant pas à telle ou telle vision tout définitive.

 


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Avant-Propos de Mme Sandra Marsaud, rapporteure

Les grands entrepôts sont pleinement intégrés à la chaîne logistique qui irrigue nos territoires. La mission que nous avons conduite a pu constater la diversité des activités auxquelles ils sont d’ailleurs associés : industrie, agroalimentaire, commerce de détail, e-commerce.

Toutes ces activités sont conduites à utiliser ces grands entrepôts dans le cycle de leur existence, entre production et distribution.

Si l’on s’en tient à des entrepôts de plus 40 000 m², comme tente de le définir la mission, leur essor a été fulgurant depuis une dizaine d’années. Un développement aussi rapide n’est pas sans conséquences.

Il était ainsi important de faire un arrêt sur image pour faire le bilan en termes d’impact sur l’aménagement du territoire, l’économie du secteur logistique, la qualité de l’emploi des salariés de ces plateformes, l’impact environnemental de ces choix de développement.

Nous avons pu constater au cours des auditions et des visites de terrain qu’il pouvait parfois manquer des données importantes pour faire un diagnostic complet du secteur.

Et cela nous conduit à faire des propositions de rationalisation, de planification et de coordination renforcée.

C’est là l’enjeu pour que le secteur puisse poursuivre son développement en vue d’être accepté par l’opinion publique, de répondre aux nouvelles exigences environnementales et de rendre attractifs les métiers qui lui permettent de fonctionner.

Évidemment, les entrepôts XXL sont étroitement liés à la gestion du fret en France. La souplesse et la flexibilité du transport par camion semble difficile à remettre en cause. Mais en ce qui concerne le transports longue distance, il nous semble primordial de développer rapidement les connexions suffisantes avec le fret ferroviaire.

De ce point de vue, il sera intéressant de prendre connaissance des préconisations que rendra très prochainement la commission d’enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l’avenir.

 


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INTRODUCTION

La mission d’information est née du constat d’une massification notable de l’édification d’entrepôts logistiques, à la fois en termes de taille et d’emprise foncière de ces équipements, et d’étalement à la lisière entre les zones urbaines et les zones rurales. La décennie 2010 a vu l’essor de la construction des entrepôts dits « XXL », qui sont diversement définis mais qu’on peut résumer comme étant ceux qui occupent plus de 40 000 mètres carrés au sol. En passant sur l’autoroute ou en train, les Français voient partout proliférer ces structures reconnaissables, des boîtes en tôle serties de dizaines de quais à camions, qui reprennent en les exagérant et en les aménageant les caractéristiques des « boîtes à chaussures » qui ont envahi les espaces immédiatement périurbains avec quelques décennies d’avance.

Les entrepôts dont il s’agit ici sont les entrepôts de distribution ([1]), sites intermédiaires entre le point de production et le point de livraison, où le distributeur entrepose les marchandises ([2]). Souvent associés à un réseau de messagerie permettant de consolider des flux ayant des origines et des destinations différentes, les entrepôts de distribution permettent d’assurer l’activité de tri en fonction des points de livraison et l’expédition des produits. Le transbordement direct – désigné aussi par son terme anglais cross‑docking – est le mode d’organisation des flux qui permet d’articuler, en les croisant, au sein d’une plateforme, les flux d’approvisionnement en provenance des producteurs, et les flux de livraison en direction des consommateurs.

Ces entrepôts relèvent le plus souvent de trois catégories d’acteurs, et constituent pour eux un élément central de la gestion de leur chaîne d’approvisionnement ([3])  : les distributeurs généralistes ou spécialisés – Carrefour, Lapeyre, Decathlon – les acteurs « tout en ligne » (dits aussi « pure players ») – Amazon, Cdiscount (groupe Casino), les prestataires qui agissent pour les premiers – ID Logistics, Geodis.

Qu’apportent ces entrepôts à nos modes de consommation ? les infrastructures de ce genre sont mal perçues et suscitent de nombreuses inquiétudes, comme le notent la plupart des études existantes, à l’instar du rapport récent que l’institut Terra Nova a consacré à la question ([4]) : « aux échelles territoriales plus locales, les questions sociales et environnementales posées par les activités logistiques ont pris de l’ampleur : implantation d’entrepôts et de dark stores, automatisation des entrepôts et menaces sur l’emploi non qualifié, précarisation des emplois avec le développement de plateformes numériques de mise en relation entre clients et livreurs autoentrepreneurs, pollution atmosphérique en ville liée aux véhicules logistiques et notamment aux livraisons du e-commerce… ».

Si la logistique est indissociable du développement économique, tant l’activité industrielle que commerciale, elle doit être réinterrogée au regard des nuisances qu’elle peut engendrer et de l’actualité des enjeux écologiques et sociaux qu’elle emporte.

L’activité logistique connaît une expansion importante depuis les années 1970, période pendant laquelle les grandes zones logistiques regroupant les entrepôts et les plateformes se sont multipliées dans les régions suburbaines de plus en plus éloignées des centres-villes. Ces dynamiques ont mené à l’émergence d’un secteur immobilier spécialisé dans l’immobilier logistique au sein du secteur de l’immobilier commercial, processus retracé dans la première partie du rapport ([5]). En outre, l’immobilier logistique fait intervenir de multiples acteurs et des chaînes d’intervenants, ce qui peut contribuer à des déséquilibres de pouvoir et d’information dans les relations entre les pouvoirs locaux et les investisseurs ([6]).

Le développement de la logistique de grande ampleur, dont les entrepôts XXL sont un avatar, constitue un levier majeur de la compétitivité de l’économie française et, à l’avenir, de sa réindustrialisation. Il ne s’agit pas d’en faire le procès, mais de cerner et d’évaluer les incidences de ce développement sur l’économie des territoires, l’emploi local, l’environnement et l’aménagement territorial et urbain, afin d’en optimiser l’implantation, d’atténuer les impacts négatifs et d’assurer la compatibilité de cette dynamique avec les engagements écologiques du pays.

Dans le contexte de la volonté, partagée par vos rapporteurs, d’encourager la réindustrialisation du pays, un des fils rouges des interrogations de la mission a concerné la relation entre l’industrie et la logistique. Les industries ont toujours eu des entrepôts, indispensables pour entreposer les matières et matériaux en cours de production ou emmagasiner les produits finis avant expédition. Toutefois, la pratique des flux tendus a pu diminuer les besoins d’emmagasinement sur site. On ne considère pas ces entrepôts sur sites comme constituant des entités logistiques, dans la mesure où elles assurent certes une fonction d’entreposage, mais non une fonction de distribution.

Plus largement, des analogies peuvent être faites, sur les plans géographique, économique et sociographique, entre l’industrie et la logistique, du point de vue des nuisances engendrées mais aussi du point de vue de la main‑d’œuvre concernée. La comparaison entre les travailleurs des plateformes et les ouvriers spécialisés est fréquente.

La robotisation des entrepôts XXL, qui a connu une accélération notable ces dernières années, pourrait offrir des perspectives intéressantes à la fois sur le plan écologique et sur le plan économique. Ces évolutions technologiques peuvent contribuer, à condition d’être correctement encadrées, non seulement à optimiser l’utilisation de l’espace disponible, mais également à renforcer la compétitivité du secteur logistique et à réduire la pénibilité du travail. Grâce à l’automatisation et à l’innovation technologique, il est possible d’accroître significativement l’efficacité opérationnelle et la réactivité des services logistiques, éléments clés dans un environnement économique de plus en plus concurrentiel.

L’entrepôt XXL est devenu une composante importante des activités économiques. Afin de réduire les pressions écologiques, il convient de réguler les excès dans le domaine immobilier, d’organiser une planification rigoureuse privilégiant la mutation des entrepôts et des normes d’insertion strictes au sein de leur environnement, mais également une réflexion plus large sur nos modes de consommation et les conséquences logistiques qu’ils induisent. Cette réflexion apparaît nécessaire pour maîtriser un développement renforcé par les logiques de livraison toujours plus rapides, à l’instar du « quick commerce », déjà étudié dans une précédente mission d’information de notre commission, ou l’essor du commerce en ligne.

Les entrepôts XXL peuvent donc représenter à la fois, et c’est tout l’enjeu de la mission menée par vos rapporteurs, un gain écologique et des risques multifactoriels. Ils ont des effets bénéfiques en raison de leur capacité à densifier le stockage de marchandises et à concentrer les flux de transport, réduisant ainsi les impacts sur l’environnement et la biodiversité. La construction verticale de ces entrepôts, en particulier, favoriserait une utilisation efficace de l’espace tout en s’alignant sur les objectifs fixés par le législateur en matière de réduction de l’artificialisation des sols. À l’inverse, une poursuite de leur déploiement déraisonné à partir des métropoles vers les régions périphériques, appelé souvent « étalement logistique », sans un redoublement de l’effort de planification nationale, régionale et locale, entraînerait à coup sûr une artificialisation significative des terres, avec à la clef des répercussions catastrophiques sur l’environnement et l’aménagement du territoire.

Ainsi, par exemple, la mission d’information a mis en évidence la dépendance de ces infrastructures à des mouvements intensifs de poids lourds, eux-mêmes mis en cause pour leur contribution aux difficultés de circulation et à la pollution de l’air. Leur impact sur la circulation et les émissions nocives accentuent la nécessité d’orienter la logistique vers des moyens de transport plus écologiques, tels que le fret ferroviaire et maritime, malgré certains défis inhérents à ces modes d’acheminement, afin de s’aligner sur les objectifs environnementaux de la France.

La question des entrepôts de grande taille ne peut être appréhendée sans étudier également ses connexions avec un ensemble d’autres problématiques connexes. La logistique est à la fois un secteur de l’économie mais aussi une infrastructure qui soutient une grande partie de l’économie productive et elle ne peut pas en être aisément détachée. En particulier, la mission a souhaité prendre en compte les besoins de notre économie en termes de logistique urbaine, et la façon dont ces besoins s’articulent avec l’implantation des grands entrepôts en périphérie.

La mission a également souhaité mettre en évidence la contestation croissante des projets et en comprendre les ressorts, afin de pouvoir assurer une meilleure concertation avec les populations locales. En effet, l’impression qui ressort de la majorité des rencontres de terrain conduites par la mission est celle d’un mouvement qui est souvent vécu comme imposé, par des investisseurs lointains, d’une manière arbitraire, ou en tous les cas insuffisamment avertie des besoins des territoires.

Dans un autre sens, certains considèrent les oppositions locales aux projets comme une manifestation classique de l’opposition de riverains à l’implantation en proximité d’un projet présenté comme revêtant un intérêt qui dépasse le périmètre géographique concerné, dont ils auront à subir les incidences néfastes mais dont ils ne sentiront pas en revanche les impacts positifs.

Dans l’ensemble, tous les sujets étudiés par la mission ont recelé de véritables difficultés d’information qui compliquent l’analyse. Vos rapporteurs ont constaté la difficulté d’obtenir des données fiables et vérifiées, qu’il s’agisse du décompte des hectares consommés annuellement pour des usages logistiques ou encore du nombre d’emplois créés à l’occasion de l’ouverture d’un entrepôt. Vos rapporteurs considèrent qu’il est essentiel d’améliorer l’information statistique en ce domaine.

 

 


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   premiÈrE PARTIE :
Les grands entrepÔts, un dÉploiement accÉlÉRÉ et anarchique qui doit Être organisÉ et rÉgulÉ

Quel que soit le débat sur les incidences des entrepôts XXL sur l’environnement et sur l’aménagement des territoires, les acteurs se sont globalement retrouvés sur un constat, celui de la difficulté qu’il y peut y avoir à isoler ces infrastructures du modèle économique qu’elles sous-tendent.

I.   Les entrepÔts logistiques, piliers de l’Économie, se sont multipliÉs et agrandis avec des effets locaux importants

Une littérature académique très fournie, en France et à l’étranger, constamment corroborée par l’ensemble des acteurs au cours des travaux de vos rapporteurs, a mis en évidence une dynamique de massification très rapide de la production d’entrepôts de plus en plus grands depuis le début du XXIème siècle, tout en soulignant la faible association des populations locales dans cette dynamique.

A.   les entrepÔts, outils d’une Économie mondialisÉe

Les entrepôts XXL sont d’abord et avant tout une infrastructure d’une économie qui est très fortement mondialisée. Comme l’a fait valoir René de Koster, chercheur spécialisé dans la logistique, interrogé par la mission, « la logistique est indispensable pour garantir la disponibilité des produits là où les clients le souhaitent, au bon endroit, au bon moment et avec la bonne qualité. Il n’est pas possible d’expédier des marchandises directement d’un fournisseur basé en Chine à un magasin où les clients viennent chercher les articles, car la distance entre le fabricant et le consommateur est longue ».

1.   La logistique, une infrastructure de l’économie

Comme l’ont souligné les chercheurs auditionnés par votre mission dès le début de ses travaux, la logistique se distingue par son caractère de « filière au service d’autres secteurs, qui abreuve l’économie entière ». La direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) d’Auvergne‑Rhône‑Alpes parle ainsi d’« une activité au service des autres filières : en cela, elle n’est pas exercée pour elle-même mais au service des autres activités, de leur connexion au monde, de leur compétitivité » ([7]). Cette « fonction vitale », pour reprendre le terme de l’Institut Paris Région (IPR), constitue de l’avis général un enjeu central en matière de services aux populations, aux entreprises et donc aux territoires ([8]) : l’Association de la filière logistique (Afilog), qui représente les métiers de l’immobilier logistique, évoque à ce sujet un « réseau sanguin » de l’économie.

Selon la définition de France Supply Chain (FSC), qui représente l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement, la logistique englobe toutes les opérations qui permettent de « mettre à disposition un produit donné dans la bonne quantité et en bonne condition, au bon endroit, au bon moment et au moindre coût ». L’Association française de normalisation définit son périmètre en termes généraux : « la logistique recouvre la planification, l’exécution et la maîtrise des mouvements et de la mise en place des personnes et des biens ainsi que des activités de soutien s’y rapportant afin de contribuer à la réalisation d’un objectif au sein d’un système » ([9]) ; c’est cette définition qui est reprise par les acteurs publics tels que la Conférence nationale sur la logistique.

Selon la Commission européenne, la logistique est « un maillon fondamental de la gestion de la chaîne d’approvisionnement, qui consiste dans l’organisation et la gestion des flux de biens liés à la production, l’achat, l’entreposage, la distribution, la réutilisation, l’échange et l’élimination de produits, ainsi qu’à la fourniture de services à valeur ajoutée » ([10]).

Plus précisément, les opérations de logistique sont au centre de la chaîne d’approvisionnement (supply chain), avec en amont les activités de transitaire maritime ou aérien (freight forwarding) et de transport terrestre par la route ou le rail, et en aval les opérations de livraison, y compris le « dernier kilomètre ».

Il faut toutefois souligner, comme le rappelle le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, les mobilités et l’aménagement (Cerema) dans une étude de 2015, et la mission d’information a eu l’occasion de vérifier ce propos, que « la logistique est une activité difficile à conceptualiser car elle recouvre des notions différentes selon les acteurs » et que « la logistique est un concept aux contours non arrêtés. Chaque concertation, chaque étude, chaque réflexion sur la logistique commence irrémédiablement par un rappel de ce que l’on entend par " logistique "» ([11]).

La logistique peut encore être définie comme regroupant l’ensemble des activités permettant et facilitant le mouvement des biens de l’offre vers la demande ou de la production vers la consommation. Trois grandes opérations y concourent : approvisionner (logistique amont), transformer ou produire (logistique industrielle), distribuer (logistique aval). Il est ainsi usuel de distinguer quatre types de logistique qui s’intègrent aux chaînes d’approvisionnement :

– la logistique des achats, qui désigne la gestion des approvisionnements nécessaires à la vente et à la fabrication des produits finis et semi-finis et des matières premières. En la matière, les facteurs d’efficacité sont la sélection des fournisseurs, les quantités de stock précises et la fréquence d’approvisionnement, le modèle de gestion du stock utilisé, ainsi que l’unité ou les unités de charge qui seront utilisées pour le stockage, le transport et la manutention de la marchandise ;

– la logistique de production, dite aussi logistique industrielle, qui désigne l’ensemble des activités de gestion de la transformation des matières premières et des activités productives ;

– la logistique de distribution ou logistique de transport, qui vise à acheminer rapidement et efficacement le produit jusqu’au consommateur. Cette logistique est directe, avec une distribution du fabricant au consommateur final, ou indirecte, par voie de grossistes ou de détaillants ;

– la logistique inverse, qui désigne le service après-vente et notamment la gestion des retours de produits, et celle des déchets.

Cette typologie montre que la préoccupation logistique est présente dans l’ensemble des activités économiques. C’est pourquoi Afilog considère que la filière immobilière logistique, via son parc logistique, qui « assure à l’échelle nationale, européenne et internationale, la liaison entre toutes les étapes des productions industrielle et agricole et de la commercialisation, de la matière première au produit final », est « essentielle à la distribution des produits aux consommateurs ».

La logistique, considérée comme secteur, représente un élément majeur de l’économie française. Selon l’opérateur du ministère de l’économie Business France, le secteur logistique représente en France environ 200 milliards d’euros en 2019, ce qui représente, en ordre de grandeur, 10 % du produit intérieur brut. Regroupant 150 000 entreprises, le secteur emploierait 1,8 million de salariés. La France constituerait dès lors le deuxième marché logistique européen, et le sixième marché logistique mondial ([12]). Selon Afilog, dans sa contribution aux travaux de la mission, « la logistique est un secteur d’activité moteur de la compétitivité économique, de la relance industrielle et du développement des entreprises sur le territoire Français ».

 

Les phases de la chaîne d’approvisionnement

En plus de la typologie dessinée plus haut, il est également possible, au sein des activités logistiques, de distinguer six phases principales, des activités annexes – par exemple le service client et la gestion des déchets – concourant à leur réalisation :

– le transport amont : l’acheminement du lieu de production ou d’assemblage jusqu’à l’entrepôt peut se faire, en fonction du point d’origine, par voie maritime, ferroviaire et routière ;

– la réception des marchandises : à l’arrivée à l’entrepôt, les plateformes disposent de quais de chargement-déchargement pour l’accueil des poids lourds et, le cas échéant, d’une voie ferrée. L’accès au site se fait le plus souvent via une route départementale rejoignant l’échangeur autoroutier le plus proche ; la forte affluence pouvant être gérée par la création d’une aire d’attente. Un contrôle de la qualité des marchandises peut s’opérer à la réception ;

– l’entreposage ou le stockage, qui se fait soit en racks, soit en masse sur des palettes normalisées standard (1 200 x 800 x 145 mm). Ces opérations sont fréquemment gérées par voie informatique ;

– la préparation des commandes et le chargement des marchandises : les commandes sont gérées informatiquement et préparées par les caristes, sachant que les commandes de détail sont préparées séparément par des préparateurs de commandes ;

– les expéditions et livraisons : les palettes préparées sont placées au sol, face aux quais d’expédition en attente du chargement des poids lourds. Le chargement des véhicules doit être optimisé pour qu’ils soient pleins, sans dépasser le poids total autorisé en charge (PTAC) (pour un véhicule articulé typique constitué d’un tracteur et d’une semi-remorque, 38 tonnes avec quatre essieux, 44 tonnes avec plus de quatre essieux) ni comporter des marchandises placées de façon qu’un préparateur ne puisse y accéder par des mouvements ordinaires autorisés au sol. Les marchandises sont expédiées le plus souvent par la voie routière ;

– la logistique des retours : notamment pour le commerce électronique, une partie non négligeable des commandes livrées fait l’objet de retours, ce qui nécessite une organisation logistique supplémentaire.

Comme le rappelle le rapport de Patrick Daher et Éric Hémar, « les coûts logistiques participent aux coûts complets de l’industrie française. Selon une étude de l’Aslog ([13]) de 2008/2009, le coût logistique d’une entreprise représente environ 12 % de son chiffre d’affaires net. Ce coût varie très fortement selon le secteur d’activité, allant de 7 % dans l’automobile ou l’aéronautique à 15 % pour la pharmacie et la chimie. Une logistique plus performante assure donc la performance de l’industrie » ([14]). Les mêmes rapporteurs décrivent aussi le secteur comme « nécessaire à la performance industrielle et à la réindustrialisation de la France » et estiment à ce titre qu’il faut « d’urgence [en] d’assurer la compétitivité ». Le secteur logistique présente en effet son propre essor comme un facteur indispensable de la réussite de la réindustrialisation.

Car les coûts logistiques constituent, de l’avis général, une partie composante essentielle de la chaîne des coûts des produits et donc de la formation des prix. L’ensemble des acteurs entendus ont fait part du caractère stratégique de la logistique dans leurs arbitrages. Par exemple, Système U a rapporté, dans sa réponse à la mission, que la logistique est pour le groupe « un élément de compétitivité indispensable pour diminuer le prix de revient des produits vendus au consommateur ». Ces prix sont d’autant plus compétitifs qu’ils n’intègrent pas certaines externalités négatives induites par l’activité logistique. Le même groupe estime ainsi ses coûts logistiques à 5 % (cf. plus loin), tandis que Leroy Merlin rapporte un coût logistique de 12 %.

Les coûts logistiques comprennent le plus souvent : le coût des activités de transport, pour chaque mode ; les activités de stockage ou d’entreposage ; le transfert matériel ; l’investissement dans les équipements du système logistique, notamment les systèmes d’information, et les outils de marquage, identification, enregistrement, analyse, et transfert et gestion de données ; les modifications de forme et d’emballage requises pour le transport, l’entreposage et la manipulation efficace et sécurisée, comme l’emballage supplémentaire et la consolidation/déconsolidation des colis ; et le coût de la non-disponibilité des biens.

Le secteur a connu une croissance significative ces dernières années, qui sous-tend la croissance du reste de l’économie. Selon Afilog à nouveau, « la valeur ajoutée brute du secteur a augmenté de 18 % entre 2010 et 2019 ». Cette croissance n’est pas une spécificité française : elle concerne le continent européen depuis quinze ans dans son ensemble, et reflète une dynamique globale.

2.   L’entrepôt, une infrastructure de la logistique

L’efficacité logistique repose sur trois supports fondamentaux, sur lesquels l’action des pouvoirs publics est essentielle :

– les réseaux de transport et les espaces de stationnement, de livraison et d’enlèvement, dont au premier chef l’autoroute qui permet le déplacement rapide et agile des camions, 80 % du fret français se faisant par voie routière ;

– les interfaces multimodales, qui rassemblent les ports maritimes ou fluviaux, les aéroports, les chantiers combinés et les installations terminales embranchées fer (ou ITE), qui permettent le transbordement du conteneur standard (généralement de dimension 2,44 m x 12,19 m x 2,59 m), principale unité de transport intermodal dans le monde ;

– les interfaces logistiques, qui correspondent à l’immobilier (les entrepôts ou plateformes logistiques [EPL]) et au mobilier, par exemple les consignes.

Le ministère de l’environnement définissait en 2013 l’entrepôt comme « un lieu fermé de concentration et/ou d’éclatement des marchandises, avec ou sans stockage », ce qui permet en effet de désigner l’ensemble des entrepôts qui nous intéressent ([15]). Cette définition permet d’unifier un champ de bâtis qui peuvent être divers : comme le souligne la professeure Laetitia Dablanc, la notion d’entrepôt « recouvre les bâtiments où sont, pour un temps plus ou moins long, stockées les marchandises, mais également des types très diversifiés de terminaux logistiques, comme les quais de messagerie ou les plates-formes de cross-docking, qui voient passer des marchandises d’un quai d’arrivée à un quai de départ sans temps de stockage, les centres de distribution de la grande distribution et les centres de traitement des commandes du e-commerce (fulfilment centres) » ([16]).

zones logistiques de plus de 250 000 m² en Europe

Source : BNP Paribas Real Estate, Q4 2020.

En dépit de cette diversité, comme il a souvent été remarqué au cours des travaux de la mission et comme les contestations croissantes le laissent voir, les entrepôts sont toutefois sertis de signes extérieurs distinctifs qui les laissent aisément reconnaître pour ce qu’ils sont : une emprise au sol considérable, qui laisse voir des murs uniformes de plusieurs centaines de mètres de long, une hauteur presque systématiquement comprise entre 12 et 15 mètres, des matériaux de construction caractéristiques, notamment la tôle, les nombreuses baies de chargement des camions, les surfaces de stationnement des camions et autres voitures.

Pour Afilog, l’entrepôt – qui est le support immobilier des opérations logistiques dans toute leur variété : stockage, transbordement, préparation de commandes (picking), conditionnement (packaging) – constitue « une usine à optimiser des flux », expression qui reflète une perception qu’a le secteur de lui‑même comme participant de l’industrie. L’association fait ainsi valoir qu’en termes de gabarits, d’usages économiques, de catégories juridiques, de contraintes d’implantation et de réglementation (ICPE), un entrepôt s’apparente à une unité industrielle. L’entrepôt permet aussi d’organiser, de contrôler, de planifier et d’optimiser le flux des marchandises stockées. Une telle définition permet aussi d’opérer une distinction avec les plateformes de vente en ligne, qui font appel aux bâtiments logistiques, là où ces catégories donnent fréquemment lieu à une confusion.

Concrètement, les plateformes XXL sont constituées d’un entrepôt constitué de cellules de stockage qui ont généralement une capacité volumique de 6 000 m3, équipées de portes de quais desservies par des cours camions, de bureaux d’accompagnements incluant les locaux sociaux (vestiaires, sanitaires), de locaux de charge, de locaux techniques permettant le bon fonctionnement de l’entrepôt. Ces entrepôts sont munis d’étagères (« racks ») pour le rangement des palettes ou des colis. L’ensemble est le plus souvent complété par des aménagements extérieurs, tels que des aires de stationnement pour véhicules légers et des bassins de gestion des eaux (voir troisième partie).

Selon Prologis, dans sa réponse à la mission, les entrepôts se définissent aujourd’hui suivant trois typologies :

– les entrepôts de stockage, soumis à un arrêté préfectoral (ICPE). Ils se composent d’une série de cellules de 6 000 m², permettant la divisibilité – pour Prologis, les entrepôts XXL appartiennent à cette catégorie. La mission en a visité plusieurs lors de ses déplacements en Seine-et-Marne, dans le Loir-et-Cher, et dans la Somme ;

– les entrepôts de flux (messagerie/cross-dock), généralement d’une surface inférieure à 10 000 mètres carrés, dans lesquels les marchandises transitent sans être stockées pendant un temps long. Certains gardent pour cet usage le terme de plateforme : un bâtiment dans lequel les marchandises sont stockées sur une durée de temps très limitée (moins de 24 heures), dans le cadre d’une opération de dégroupage/groupage. Une plateforme n’est pas équipée d’étagères, les marchandises restant sur le quai dans l’attente de leur prise en charge. La mission a eu l’occasion de visiter un entrepôt de messagerie de Coliposte lors de son déplacement dans le Loir-et-Cher ;

– les bâtiments d’activité d’une taille inférieure à 5 000 mètres carrés.

C’est pour cette raison que l’étude « entrepôts » du Cerema évoque une définition large : « la définition retenue recouvre les entrepôts au sens habituel du terme (lieu fermé de stockage effectif des marchandises) et les plates-formes logistiques (lieu fermé de transit et d’échanges des marchandises sans stockage) tels que les quais de messagerie ou les plates-formes de « cross-docking » (action de faire passer des marchandises d’un quai d’arrivée à un quai de départ sans passage par le stock). Il s’agit donc d’un lieu fermé de concentration et/ou d’éclatement des marchandises avec ou sans stockage. On définit le stockage comme l’action d’entreposer intentionnellement la marchandise pour une durée supérieure à 24 heures » ([17]).

En termes physiques et spatiaux, les entrepôts se distinguent entre eux par des caractéristiques propres :

– la hauteur libre sous toiture et la résistance de la dalle, qui permettent le volume de stockage ;

– le nombre de quais, la profondeur des cours camions et les places de stationnement de poids lourds, permettant la rotation des stocks ;

– les rubriques de l’arrêté préfectoral d’autorisation au titre des installations classées, définissant la nature et la quantité des produits pouvant être stockées ;

– les caractéristiques techniques du bâtiment : isolation, système de chauffage, photovoltaïque, éclairage, traitement des eaux de pluie.

– la localisation ou proximité par rapport aux flux amonts et avals.

Au sens du droit de l’urbanisme, l’entrepôt renvoie à une catégorie précise dans la nomenclature des constructions qui peuvent être réglementées par les documents d’urbanisme. La sous-destination « entrepôt » appartient à la catégorie 5°, celle des « autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire ». Cette catégorie est distincte de la catégorie 3°, qui regroupe « commerce et activités de service » ([18]). L’entrepôt est précisément défini, par sa finalité, comme recouvrant « les constructions destinées à la logistique, au stockage ou à l’entreposage des biens sans surface de vente, les points permanents de livraison ou de livraison et de retrait d’achats au détail commandés par voie télématique, ainsi que les locaux hébergeant les centres de données » ([19]).

Au sens du droit de l’environnement, l’entrepôt se définit par ce qui y est stocké. En particulier, un arrêté décrit les prescriptions applicables aux « entrepôts couverts soumis à la rubrique 1510 ». La rubrique 1510, qui relève des rubriques relatives à des substances combustibles, désigne les « entrepôts couverts (installations, pourvues d’une toiture, consacrées au stockage de matières ou produits combustibles en quantité supérieure à 500 tonnes), à l’exception des entrepôts utilisés pour le stockage de matières, produits ou substances classés, par ailleurs, dans une unique rubrique de la présente nomenclature, des bâtiments destinés exclusivement au remisage des véhicules à moteur et de leur remorque, des établissements recevant du public et des entrepôts exclusivement frigorifiques » ([20]). D’autres rubriques, détaillées dans la troisième partie du présent rapport, sont également susceptibles d’être concernées, mais la rubrique 1510 fonctionne comme une rubrique filet.

Dans la nomenclature des familles professionnelles (FAP) de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), la catégorie J, qui renvoie aux transports, à la logistique et au tourisme, est applicable à la plupart des entrepôts.

3.   Le seuil d’entrée dans le XXL

La question du seuil d’entrée dans la grande taille a été abordée à de nombreuses reprises lors des travaux, car elle ne fait pas l’objet d’un consensus scientifique ou professionnel, ni d’une définition légale ou réglementaire. Certains, comme Afilog, considèrent un entrepôt comme étant « de grande taille » lorsque sa capacité de stockage correspond à une surface exploitable supérieure à 60 000 mètres carrés d’emprise au sol, soit dix cellules de 6 000 mètres carrés. Les entrepôts qui stockent une certaine quantité de marchandises sont soumis aux mêmes réglementations en matière de hauteur ou de profondeur, définies par le cadre des ICPE.

Une majorité d’acteurs ont mentionné plutôt un seuil XXL de 40 000 mètres carrés. Ainsi de Prologis : « un entrepôt de grande taille se définit traditionnellement par une taille supérieure à 40 000 mètres carrés (soit six à sept cellules de 6 000 mètres carrés) ». De la même façon, l’observateur de marché JLL, dans ses analyses de marché, considère que le segment des entrepôts XXL concerne les plateformes supérieures à 40 000 m² ([21]), qui ont représenté 24 % du volume placé en entrepôts au premier semestre 2023.

un entrepÔt « XXL » et ses principales caractÉristiques