—  1  —

N° 1990

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 décembre 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur les incidences du déploiement des grands entrepôts logistiques

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Charles FOURNIER et Mme Sandra MARSAUD

Députés

——

 

 


—  1  —

 

SOMMAIRE

___

Pages

SynthÈse des travaux de la mission

Liste des prÉconisations de la mission

avant-propos de M. Charles fournier, rapporteur

Avant-Propos de Mme Sandra Marsaud, rapporteure

INTRODUCTION

premiÈrE PARTIE : Les grands entrepÔts, un dÉploiement accÉlÉRÉ et anarchique qui doit Être organisÉ et rÉgulÉ

I. Les entrepÔts logistiques, piliers de l’Économie, se sont multipliÉs et agrandis avec des effets locaux importants

A. les entrepÔts, outils d’une Économie mondialisÉe

1. La logistique, une infrastructure de l’économie

2. L’entrepôt, une infrastructure de la logistique

3. Le seuil d’entrée dans le XXL

B. Une dynamique de dÉploiement peu rÉgulÉe

1. Les entrepôts XXL connaissent un essor fulgurant depuis une décennie

2. Des causes multiples et bien identifiées par les acteurs

a. Pour être compétitif, l’optimisation par la massification

b. Des dynamiques d’externalisation qui ont permis des gains sectoriels

c. Le décollage du commerce électronique et de la vente à distance

C. L’implantation des entrepÔts xxl emporte des consÉquences fortes sur l’amÉnagement des territoires

1. Des projets dont l’implantation territoriale est de plus en plus contestée

a. La création d’une filière de l’immobilier logistique

b. L’entrepôt XXL, une opportunité de placement foncier dans certaines régions

c. Des dynamiques territoriales différenciées, parfois délétères

d. Des retombées locales contrastées, qui nourrissent des remises en cause croissantes

2. Renforcer la concertation et la participation des populations

a. L’enquête publique souffre d’un déficit de légitimité en raison d’une temporalité trop tardive

b. La nécessité d’une concertation renforcée en matière d’implantation logistique

II. une dynamique encouragÉE par les pouvoirs publics

A. Un secteur complexe et protÉiforme, qui Échappe À la comprÉhension de dÉcideurs locaux mis en concurrence par les acteurs et attirÉs par les recettes fiscales

1. Une fiscalité qui pèse aussi bien sur le constructeur, le propriétaire et l’exploitant d’un entrepôt

2. Des retombées fiscales qui profitent en premier lieu aux collectivités territoriales, en particulier aux communes et leurs groupements

3. Des élus démunis face à un secteur complexe et protéiforme

B. les pouvoirs publics ont longtemps cherchÉ À rattraper un soi-disant « retard logistique »

1. Un « retard de compétitivité » de la logistique par rapport aux voisins européens, que les pouvoirs publics ont cherché à rattraper par la structuration d’une chaîne d’intervenants

a. La filière logistique française tend à améliorer sa compétitivité

b. La gouvernance de la filière a été renforcée

2. Les pouvoirs publics ont mis en œuvre des allègements fiscaux pour renforcer la compétitivité des entrepôts

3. La logique de robotisation de la filière logistique, accrue dans les entrepôts de grande taille, peut constituer un levier de productivité

a. L’intensification de la robotisation et de l’automatisation des processus logistiques est corrélée au déploiement des entrepôts XXL

b. L’automatisation est une réalité amenée à perdurer, mais qui se heurte encore à de nombreuses difficultés

DeuxiÈme PARTIE : La prÉcaritÉ et la pÉnibilitÉ de l’emploi dans les entrepÔts justifient des rÉformes

I. les emplois dans les entrepÔts sont majoritairement marquÉs par la prÉcaritÉ et la pÉnibilitÉ

A. L’emploi crÉÉ est peu qualifiÉ, faiblement rémunÉrÉ et fortement intÉrimaire

1. Les métiers spécifiques à la filière requièrent un faible niveau de qualification

2. Des salaires orientés vers le bas dans le monde des prestataires logistiques

3. Les emplois créés sont souvent moins nombreux qu’initialement annoncé

4. Une part d’intérim variable mais élevée

B. Une forte pÉnibilitÉ du travail, qui est souvent minimisÉe ou dissimulÉe

1. Des métiers très physiques, avec des populations très fortement masculines

2. Des rythmes de travail de plus en plus accélérés au fil des années

3. Une accidentologie élevée, légèrement réduite au sein des grands entrepôts, mais sous-comptabilisée

a. La France est mal classée en Europe en matière d’accidentologie, en particulier au sein de la filière logistique

b. Les intérimaires, au sein de la filière logistique, connaissent une taux d’accidentologie plus élevé

c. Des risques sous-comptabilisés et des accidents sous-déclarés

4. Un renforcement des solutions technologiques pour lutter contre les accidents du travail s’impose

5. Des mesures d’accompagnement financier à poursuivre pour réduire l’accidentologie

II. Un recul tendanciel des effectifs et un mauvais appariement de l’offre et de la demande des emplois logistiques, qui invitent À des Évolutions pour assurer la durabilitÉ et la viabilitÉ du secteur

A. le marchÉ de l’emploi de la logistique, une situation paradoxale

1. Une demande encore forte en recrutement confrontée à des difficultés

a. La filière logistique a un besoin croissant en recrutement et connaît un taux de vacance faible

b. Pourtant, le secteur logistique est confronté à une augmentation du taux de difficulté de recrutement depuis 2014.

2. Un nombre de demandeurs d’emploi constant, malgré les difficultés de recrutement des entreprises logistiques

B. Un assÈchement RÉcurrent des Bassins d’emploi

1. Sur le long terme, les besoins en main-d’œuvre dans le secteur logistique ralentissent, malgré la hausse constante de l’activité

2. À court terme, l’absence d’attractivité des emplois logistiques et la forte rotation explique l’assèchement des bassins d’emploi

a. La manque d’attractivité des emplois logistiques induit des cas de pénuries de main-d’œuvre

b. Une rotation élevée de la main-d’œuvre induisant des assèchements des bassins d’emploi

C. une meilleure association des salariÉs À leur avenir, un impÉratif pour assurer l’attractivitÉ durable de la filiÈre

1. La protection syndicale est globalement assurée, en particulier au sein des grands entrepôts, même si des pistes d’amélioration sont possibles pour la renforcer

2. Les entrepôts à l’entrecroisement entre plusieurs branches, ce qui peut favoriser un shopping normatif

a. La création d’une branche unique : une perspective inopportune

b. Une harmonisation par le haut des normes de convention collective

TrOIsiÈme partie : une logistique mieux planifiÉE et plus compacte pour Une empreinte Écologique moins catastrophique ?

I. certains risques sont efficacement rÉduits par la rÉglementation existante et les pratiques des acteurs

A. un double rÉgime rÉglementaire, qui encadre l’implantation des entrepÔts

1. Le régime d’autorisation, récemment réformé, ne permet pas de corriger les problèmes les plus saillants

a. La grande taille constitue un facteur décisif dans la détermination de la procédure environnementale applicable

b. La réforme de 2020 a porté à la fois une accélération et une sécurisation des procédures

c. Une attention particulière est portée à la sécurité face au risque d’incendie, renforcée en 2020

2. Le PLU et le zonage ont permis de réduire les périmètres concernés

B. L’empreinte ÉCOLOGIQUE des bÂtis est amÉliorÉe par les pratiques des acteurs et les exigences du lÉgislateur

1. L’obsolescence et le renouvellement précoces des bâtis interrogent les pratiques constructives

2. La baisse de l’empreinte carbone des bâtis, un objectif partagé qui repose notamment sur le volontarisme des acteurs de la logistique

3. La production d’énergie, un investissement nécessaire pour permettre aux entrepôts XXL d’optimiser leur rendement foncier

a. La solarisation des toitures, un levier d’optimisation de l’usage de la grande étendue des entrepôts XXL

b. La sobriété énergétique, un levier à privilégier dans les grands entrepôts

II. certaines incidences du dÉploiement d’entrepÔts XXL doivent Être mieux prises en compte

A. Les impacts fonciers peuvent Être rÉduits par une plus forte densification des activitÉs logistiques

1. Un facteur d’artificialisation sous-estimé, mais la grande taille peut être un atout pour respecter le ZAN

2. Mieux recycler l’urbain, une orientation indispensable qui doit emporter des simplifications réglementaires

3. Densifier en verticalisant, une solution à mettre en œuvre là où c’est possible

B. L’incidence urbaine et paysagÈre peut Être limitÉe en portant davantage attention aux composantes constructives et À l’ensemble architectural

1. Après les « boîtes à chaussures », les « boîtes en tôle » : une dérive paysagère dommageable

2. Les aménagements extérieurs n’améliorent pas l’insertion urbaine des entrepôts

3. La dégradation de la qualité de l’air, difficile à prendre en compte dans le processus d’autorisation

C. L’empreinte carbone des entrepÔts À l’Échelle nationale reste tributaire des modes de transport carbonÉs

1. Les entrepôts dépendent presque exclusivement du mode routier

2. Les entrepôts sont peu connectés aux circuits du fret ferroviaire

3. Un recours presque inexistant au fret fluvial

a. Un recours faible et déclinant au fret fluvial dans la filière logistique

b. Un mode de transport qui recèle des gains de consommation énergétique

III. dynamiser la planification spatiale des implantations territoriales pour une logistique groupÉE et mutualisÉe

A. renforcer la planification spatiale des entrepÔts dans une approche d’amÉnagement du territoire

1. Une réflexion à mener sur la définition des besoins nationaux

2. Un rôle de la région dans la planification des usages fonciers

B. Aller vers une planification et un zonage restrictifs pour limiter les atteintes aux territoires en renforçant la performance de la filiÈre

1. Mieux acculturer les élus pour assurer la prise en compte systématique des enjeux logistiques dans les arbitrages d’aménagement

2. La planification territoriale, confortée dans le SCoT, doit encore être renforcée

3. Un zonage exclusif au sein de parcs logistiques multimodaux

EXamen en commission

Liste des personnes auditionnÉes À PARIS

liste des personnes rencontrÉes lors des dÉplacements de la mission d’information

DÉplacement de la mission À Moissy-Cramayel et TournanenBrie (Seine-et-Marne)  lundi 3 juillet 2023

DÉplacement de la mission À Mer et Blois (Loir-et-Cher)  lundi 25 septembre 2023

DÉplacement de la mission, avec M. François Ruffin, À ARgœuves et Amiens (Somme)  lundi 9 octobre 2023

DÉplacement de la mission au Havre (Seine-Maritime)  lundi 16 octobre 2023

Liste des personnes ayant contribuÉ par Écrit aux travaux de la mission

 

 


—  1  —

 

 

SynthÈse des travaux de la mission

 

Alors que l’on observe, depuis plus d’une décennie, une accélération et une massification notable de l’édification d’entrepôts logistiques, le présent rapport propose d’en évaluer les incidences sur l’économie des territoires, l’emploi local, l’environnement et l’aménagement territorial et urbain.

Ce développement témoigne de l’essor de la filière logistique en même temps que d’évolutions dans les stratégies des acteurs économiques. La filière logistique représente en France plus de 200 milliards d’euros en 2019, soit près de 10 % de son produit intérieur brut. Elle est à la fois un secteur clef de notre économie et la marque d’une économie fortement mondialisée.

Il est aujourd’hui nécessaire de réguler et d’organiser davantage ce développement, en optimisant l’implantation de ces entrepôts, en en mesurant les externalités négatives et en assurant sa compatibilité avec les engagements écologiques français et européens. En outre, les grands entrepôts nécessitent une approche plus réfléchie en termes de développement et doivent nous amener à réinterroger nos habitudes de consommation.

Le déploiement des entrepôts est peu régulé et marqué par l’essor d’infrastructures de grande taille, dites XXL, depuis une décennie

Le secteur a établi, depuis 2015, plusieurs records : en 2017 par exemple, plus de 4 millions de mètres carrés de sites logistiques ont ainsi été commercialisés, dont 1,6 million de mètres carrés en Île-de-France. Ce phénomène n’est pas spécifiquement français : le déploiement accéléré des entrepôts XXL peut être observé dans la plupart des pays avancés, à l’instar des États-Unis, de l’Allemagne ou encore des Pays-Bas, comme a pu l’observer la mission par ses échanges avec des chercheurs basés dans d’autres pays européens.

Au dire de l’Association française pour la logistique, cette filière vise à « mettre à disposition un produit donné dans la bonne quantité et en bonne condition, au bon endroit, au bon moment et au moindre coût ». Bien qu’il soit difficile de définir strictement la logistique, les rapporteurs considèrent qu’elle peut être entendue comme l’ensemble des activités permettant et facilitant le mouvement des biens de l’offre vers la demande ou de la production vers la consommation. L’entrepôt est défini comme étant « un lieu fermé de concentration et/ou d’éclatement des marchandises, avec ou sans stockage ».

La question du seuil d’entrée dans la grande taille a été abordée à de nombreuses reprises lors des travaux, car elle ne fait pas l’objet d’un consensus scientifique ou professionnel, ni d’une définition légale ou réglementaire. Une majorité d’acteurs ont mentionné plutôt un seuil XXL de 40 000 mètres carrés.

L’efficacité de la filière logistique repose sur trois supports fondamentaux que sont les réseaux de transport, les interfaces modales et les interfaces logistiques. L’action des pouvoirs publics sur chacun de ces leviers est déterminante.

Vos rapporteurs identifient plusieurs causes à cette explosion logistique. Le regroupement logistique permet une mutualisation des coûts et, de ce fait, une optimisation de la rentabilité logistique des entreprises, qui peut être très significative. La massification permet notamment de réduire les coûts de transport et de s’adapter à l’augmentation du nombre de références.

Dans le même temps, des dynamiques d’externalisation ont permis des gains sectoriels. En France, dans les années 1970, les plateformes sont apparues concomitamment aux hyper et supermarchés, avec une externalisation progressive de la fonction logistique. 62 % des entreprises y avaient recours en 2002. Surtout, on observe une tentation croissante des acteurs de se structurer en acteurs logistiques plus complets, sans que cela ne constitue une règle.

L’essor du commerce électronique est souvent perçu, dans l’imaginaire collectif, comme le premier facteur de multiplication des entrepôts XXL. S’il n’est pas le seul, les rapporteurs constatent toutefois que le commerce électronique repose en effet sur un modèle particulièrement dépendant des entrepôts.

Le déploiement massif de la livraison en 24 heures a généré une surproduction d’entrepôts afin de réduire les distances et donc les temps de livraison aval. Cette pratique présente un coût environnemental très élevé, qui s’explique notamment par une sous-optimisation des flux de transport. Ces pratiques poussent en outre à la surconsommation et doivent nous amener à interroger plus largement nos modes de consommation. Vos rapporteurs insistent sur la nécessité d’approfondir la réflexion stratégique concernant les exigences logistiques et les modes de consommation.

Proposition n° 1 : Encadrer ou interdire les pratiques de livraison au consommateur final en 24 heures, avec la mise en œuvre de dérogations spécifiques pour les médicaments et autres biens de première nécessité.

Proposition n° 4 de votre rapporteur Charles Fournier : Marquer une pause, dans l’attente de l’élaboration concertée d’une stratégie nationale et de stratégies régionales, dans l’octroi des autorisations pour la construction d’un entrepôt artificialisant de plus de 40 000 mètres carrés qui n’est pas directement inféodé à un usage industriel prioritaire dans le cadre de la réindustrialisation.

L’aménagement des territoires est fortement affecté par le développement des entrepôts logistiques

Alors le secteur de l’immobilier logistique s’est nettement spécialisé et financiarisé au cours des deux dernières décennies, les entrepôts XXL ont représenté une opportunité de placement foncier.

Les travaux académiques mettent en évidence l’émergence d’un « capitalisme des lieux logistiques » avec la structuration de grandes firmes internationales spécialisées dans l’immobilier logistique, illustrant une tendance à la globalisation, l’intégration verticale et la concentration du marché. Ces acteurs acquièrent un pouvoir significatif dans l’allocation des espaces logistiques, influençant à la fois les utilisateurs d’entrepôts et les décisions politiques locales.

Parallèlement, les études révèlent un marché de l’immobilier logistique diversifié, impliquant divers acteurs tels que les investisseurs et promoteurs et couvre aujourd’hui environ 100 millions de mètres carrés, stimulé en partie par la croissance rapide du e-commerce et l’importance accrue de la logistique dans la distribution et l’industrie.

Si de nombreux acteurs du marché immobilier logistique évoquent un taux de vacance très faible, des observations de terrain font état d’entrepôts souvent sous-exploités. Ce décalage s’explique par des situations régionales très contrastées et des effets spéculatifs sur certains « pôles secondaires » éloignés de la « dorsale logistique ».

Proposition n° 2 : Capitaliser sur les travaux déjà réalisés par le Cerema, le service des études statistiques du ministère de la transition écologique et la filière logistique pour améliorer le recensement des parcs logistiques et mieux situer les besoins. Doter France Logistique d’un observatoire permanent chargé de suivre, quantifier et cartographier l’évolution des créations d’espaces logistiques, afin d’améliorer l’information des acteurs industriels et des pouvoirs publics. L’état des lieux réalisé en continu doit permettre aux pouvoirs publics de disposer d’informations précises, fiables et exhaustives sur l’occupation ou la vacance des cellules, le prix du mètre carré et le nombre de mètres carrés disponibles, l’artificialisation engendrée pour chaque entrepôt et ses aménagements extérieurs, les baux en cours, les emplois associés ainsi que les différents intervenants impliqués, notamment le propriétaire, le logisticien, et le client de chaque cellule, à plusieurs moments dans l’année.

Les motifs qui président au choix du lieu d’implantation des entrepôts sont loin d’être univoques. Les entreprises ont une idée générale de la localisation nécessaire pour maximiser l’utilité du site : intuitivement, une localisation centrale pour un entrepôt national aura plus de sens qu’une situation marginale. Cette préférence explique la prédominance de la « dorsale », qui traverse le pays de Lille à Marseille en passant par l’Île-de-France et l’agglomération lyonnaise. Toutefois, le développement logistique s’est progressivement orienté vers des pôles secondaires se caractérisant par un moindre degré d’artificialisation et des coûts fonciers abordables.

On observe donc à la fois un éloignement des implantations de cette dorsale principale et une expansion logistique plus large. Les régions fortement affectées par la désindustrialisation ou à dominante rurale se révèlent être des choix stratégiques pour l’établissement de ces nouveaux entrepôts.

L’enjeu de la concertation et de la participation des habitants

Les évolutions et l’accélération du développement des entrepôts XXL entraînent des contestations de plus en plus nombreuses d’habitants et d’associations.

La manière dont ses projets s’élaborent, la difficulté à en mesurer concrètement l’intérêt local, le flou qui peut exister sur certains projets dont les riverains ne connaissent pas la destination finale (les activités, l’importance des flux et/ou des produits stockés) et bien entendu les nuisances réelles ou perçues, invite à renforcer la concertation et la participation des habitants, et ce le plus en amont possible, tant sur les stratégies territoriales que sur les projets.

Celle-ci doit se penser tant sur l’élaboration de la planification spatiale des zones logistiques (par exemple sur les éventuelles zones exclusives identifiées par les acteurs) que pour chaque projet. Elles ne peuvent se réduire à informer sur des projets déjà ficelés, sous peine de renforcer un sentiment de désappropriation totale de toutes décisions, alors vécues comme étant contre les habitants qui en subiront souvent les conséquences. Une part doit être laissée au négociable et au non négociable pour un pouvoir réel des habitants.

Il est utile, pour cela, de renforcer l’intermédiation et la transparence en mobilisant des garants du débat public.

Proposition n° 5 : Assurer une meilleure concertation des populations au moment de la planification régionale des zones logistiques et de la définition des zones exclusives, par la création et l’association systématique d’une commission particulière du débat public (CPDP).

Les avantages immédiats que représente le secteur logistique se conjuguent aux efforts continus des pouvoirs publics pour le dynamiser

Les entreprises impliquées dans la construction, la propriété, la logistique ou l’utilisation d’entrepôts logistiques sont soumises à la fiscalité générale applicable à toutes les entreprises en France ainsi qu’à diverses impositions spécifiques à la nature de leur activité. Ces recettes fiscales constituent une source de revenus substantielle pour les collectivités territoriales, en particulier les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Elles permettent de comprendre pourquoi les élus locaux sont particulièrement enclins à accueillir des entrepôts sur leur territoire.

Les retombées fiscales peuvent parfois inciter les exécutifs locaux à privilégier ces projets au détriment d’une évaluation exhaustive de leurs implications à long terme.

Dans le même temps, les pouvoirs publics ont cherché à rattraper un « retard » perçu dans la compétitivité de la logistique française en faisant de ce secteur un champ prioritaire de l’action publique. Malgré la mise en œuvre d’allègements fiscaux et le lancement d’une stratégie nationale logistique en 2022, il apparaît nécessaire d’aller plus loin en inscrivant la démarche stratégique dans une logique de planification spatiale.

Actuellement, les entrepôts industriels bénéficient d’allègements fiscaux significatifs, soulevant la question de la nécessité d’introduire de nouvelles exonérations. Les mesures existantes réduisent déjà considérablement les charges fiscales pour ces établissements. Face à cela, vos rapporteurs recommandent prudence et responsabilité fiscale. Votre rapporteure Sandra Marsaud préconise de maintenir le statu quo en matière d’exonérations fiscales pour les entrepôts, afin de préserver l’équilibre actuel et d’éviter une pression supplémentaire sur les finances publiques. Cette recommandation vise à équilibrer la compétitivité des entreprises avec les besoins financiers de l’État, en attendant les orientations de la stratégie nationale logistique lancée en décembre 2022.

D’un autre côté, votre rapporteur Charles Fournier préconise la suppression de l’abattement de 50 % sur la taxe d’aménagement pour les entrepôts et hangars non ouverts au public et exploités commercialement. Il plaide pour une politique fiscale plus équilibrée dans le secteur logistique mais aussi pour le renforcement de l’autonomie fiscale des collectivités qui ont à leur charge les aménagements associés à l’accueil de ces activités. De plus, il propose une contribution financière des plateformes e-commerce au financement des transports collectifs et de la mobilité durable, en raison de l’impact environnemental et sanitaire de leurs activités en France.

Proposition n° 6 de votre rapporteure Sandra Marsaud : Maintenir le statu quo en matière d’exonérations fiscales pour les entrepôts, le temps d’une réflexion sur les différents outils et leur visée incitative. Évaluer sur le temps long les impacts des différents allégements et abattements décidés depuis 2018 afin d’en déterminer la part dans la croissance sectorielle. Réfléchir à l’opportunité d’étendre le bénéfice des allégements fiscaux actuellement attribués au titre des aéroports aux zones logistiques exclusives identifiées.

Proposition n° 6 de votre rapporteur Charles Fournier : Supprimer l’abattement de 50 % sur les composantes de la taxe d’aménagement pour les entrepôts et hangars non ouverts au public et exploités commercialement.

Proposition n° 7 de votre rapporteur Charles Fournier : Instaurer une taxe locale sur les livraisons e-commerce pour financer l’offre de mobilités durables, comme préconisé par le rapport Duron et la mission d’information Maurey-Sautarel du Sénat.

La logique de robotisation et de mécanisation, qui a connu une nette accélération en Europe au cours de la dernière décennie, est un levier de productivité. Outre une optimisation des coûts et une réduction de l’impact environnemental, cette logique joue un rôle crucial dans la réduction des délais de livraison et l’amélioration du service client en logistique.

L’automatisation est fortement liée au développement et à l’expansion des grands entrepôts, bien qu’il n’y ait pas de causalité directe. Toutefois, bien que des progrès importants aient été réalisés récemment dans l’automatisation, les robots actuels ne répondent pas encore à tous les besoins.

Votre rapporteur Charles Fournier estime que l’automatisation et la robotisation n’ont pas pleinement atteint leurs objectifs. Elles se concentrent principalement sur la chaîne de commandement, sans contribuer suffisamment, ou alors de manière très inégale, voire négative, à la réduction de la pénibilité du travail. Pis, la robotisation intensifie, dans certains cas, le rythme de travail dans les entrepôts, augmentant ainsi le risque de troubles musculosquelettiques.

La nécessité de conduire des réformes eu égard à la précarité et à la pénibilité de l’emploi dans le secteur logistique

Le travail, dans le secteur logistique, se caractérise majoritairement par une forte pénibilité et une forte précarité. S’il existe une grande variété d’emplois, la grande partie des postes sont occupés par des ouvriers, ce qui témoigne d’un niveau de qualification généralement modeste. Ces emplois sont peu rémunérateurs. Dans le secteur de l’entreposage, les salaires gravitent généralement autour du SMIC et sont peu évolutifs.

Les entrepôts de grande taille posent un dilemme économique. Vos rapporteurs considèrent qu’ils contribuent à l’activité économique locale en créant des emplois directs et induits.

Selon votre rapporteur Charles Fournier, bien que les entrepôts contribuent à l’économie locale en créant des emplois directs et indirects, ils peuvent présenter des effets contradictoires. D’une part, ils entrent en concurrence avec le retour nécessaire d’activités de production. D’autre part, ils peuvent avoir un effet délétère sur le secteur du commerce de détail. À l’inverse, votre rapporteure Sandra Marsaud considère que leur impact sur le commerce de détail est mesuré et que leur implantation génère des emplois au niveau local.

Par ailleurs, le recours à l’intérim dans le secteur de la logistique est structurellement plus élevé que dans d’autres domaines. Entre 2019 et 2022, le nombre d’intérimaires dans le secteur logistique a augmenté de 20 %, représentant environ 14,6 % des effectifs totaux mais dépassant les 25% dans certains sous‑secteurs de la logistique.

Ce recours à l’intérim s’explique spécifiquement par la flexibilité qu’il permet pour les acteurs logistiques comme pour les travailleurs. Les difficultés de recrutement actuelles poussent également les entreprises à solliciter les agences d’emploi intérimaire. La localisation des entrepôts, souvent situés loin des zones résidentielles où vivent les salariés, conduit à une discordance géographique. Cette distance rend difficile pour les employés de résider à proximité de leur lieu de travail, favorisant ainsi le recours à l’emploi intérimaire dans le secteur logistique. Les salariés peuvent également choisir le travail intérimaire comme moyen d’organiser leur vie professionnelle de manière flexible.

Les emplois logistiques sont particulièrement physiques et vos rapporteurs constatent qu’il n’existe pas de réglementation formelle et suffisamment contraignante à ce sujet.

Proposition n° 9 : Encadrer réglementairement le tonnage cumulé journalier afin de réduire la pénibilité des métiers de la logistique.

Les rythmes de travail sont particuliers, souvent en décalé, et tendent de plus en plus à s’accélérer. L’organisation actuelle du travail, notamment la pression pour réduire les délais de livraison et le principe du « juste à temps », suggère que la robotisation est principalement déployée pour accélérer les opérations et maximiser la rentabilité, plutôt que pour améliorer les conditions de travail. Bien que la robotisation puisse alléger certaines tâches physiquement exigeantes, elle n’est pas une solution universelle d’autant que l’automatisation peut générer de nouvelles formes de pénibilité.

Il est aujourd’hui nécessaire de développer une culture plus forte de la prévention au sein des entreprises de logistique, permettant à chacun de prendre conscience des dangers et d’adopter les comportements et les mesures préventives adéquats pour réduire significativement l’incidence des accidents du travail et maladies professionnelles dans ce secteur.

Proposition n° 10 : Renforcer la formation et la sensibilisation des salariés et des employeurs aux risques professionnels liés à la logistique, notamment les troubles musculo-squelettiques (TMS), les chutes, les accidents de circulation et les risques psychosociaux (RPS). Cette formation pourrait être dispensée par les services de santé au travail, les organismes de prévention et les branches professionnelles.

Le taux d’accidentologie est particulièrement élevé dans le secteur logistique mais demeure sous-comptabilisé. L’accidentologie est toutefois moins élevée dans les grands entrepôts.

Cette baisse des indices de fréquence dans les grands entrepôts peut s’expliquer par la présence de référents sécurité, qui sont spécifiquement chargés de veiller au respect des bonnes pratiques de sécurité au travail.

Si l’inspection du travail joue un rôle crucial, il semble nécessaire d’intensifier son action dans le secteur du transport et de l’entreposage. Dans le même temps, les recommandations de l’INRS visant à établir des pratiques optimales pour les maîtres d’ouvrage, les concepteurs et les exploitants de bâtiments, doivent être intégrées.

 

Proposition n° 11 : Prendre en compte les recommandations de l’Institut national de recherche et de sécurité en matière de construction et d’exploitation des bâtiments logistiques, notamment pour ce qui concerne l’amélioration de l’environnement de travail et la gestion des risques liés aux manutentions manuelles, afin de réduire la sinistralité en leur sein pour les travailleurs.

Les travaux conduits par la mission ont mis en évidence que la mécanisation n’entraîne pas systématiquement une réduction des troubles musculosquelettiques (TMS). L’utilisation de cobots ou d’exosquelettes peut potentiellement réduire la survenue de TMS.

Des évolutions sont nécessaires pour assurer la durabilité et la viabilité du secteur

Le taux d’emplois vacants dans le secteur logistique est de 2 % au premier trimestre 2023 pour les entreprises de plus de 10 salariés. Si ce faible taux reflète l’attrait de la logistique, il connait une réelle difficulté à recruter depuis 2014. Dans les trois professions spécifiques associées au secteur de l’entreposage, on note que 57,43 % des employeurs considèrent les recrutements de 2023 comme étant problématiques, ce qui représente une augmentation considérable par rapport à seulement 23 % en 2014.

Le secteur logistique connaît une problématique d’appariement entre l’offre et la demande sur le marché du travail. La demande pour des professionnels qualifiés est en hausse, tandis que l’offre de main-d’œuvre disponible et qualifiée ne parvient pas à répondre à cette demande croissante.

Pour améliorer l’appariement entre l’offre et la demande d’emplois dans le secteur de la logistique, il serait donc opportun de mieux prendre en compte la connexion des entrepôts aux réseaux de transports collectifs et de développer des stratégies qui favorisent une meilleure accessibilité des lieux de travail.

Proposition n° 12 : Adosser l’implantation d’une zone logistique à une analyse des besoins et des implantations de transports collectifs et de mobilités douces dans le cadre d’une stratégie logistique régionale afin de contribuer à la mobilité décarbonée des salariés.

Surtout, les travaux conduits par la mission mettent en évidence un manque d’attractivité des emplois logistiques ainsi qu’un fort taux de rotation de la main-d’œuvre. Cela a pour conséquence d’assécher les bassins d’emploi.

La constitution d’une branche professionnelle unifiée pour la logistique pourrait être perçue comme une solution simplificatrice face à la complexité sectorielle, mais cette perception se révélerait probablement réductrice. Une telle unification serait en effet préjudiciable à l’appréhension des spécificités de chaque branche.

Il serait toutefois intéressant de capitaliser sur la pluralité des conventions collectives pour distinguer et encourager les bonnes pratiques. En sus de permettre une meilleure compréhension des normes en vigueur, cette démarche incitera à l’adoption de standards élevés en termes de protection des travailleurs.

Proposition n° 13 du rapporteur Charles Fournier : Organiser une conférence sociale associant les différentes branches concernées par la logistique à l’appui d’un recueil des meilleurs pratiques des différentes branches. Il s’agirait d’établir une comparaison exhaustive entre les diverses branches de la logistique sur les pratiques en matière de rémunération, d’indemnités de licenciement, de congés payés et de compensation des accidents du travail. Elle pourrait, à l’aide de l’expertise de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, se saisir des enjeux d’amélioration de la qualité des emplois, en termes e réduction de la pénibilité, des maladies et de l’accidentologie, et des enjeux d’attractivité des métiers et de formation des travailleurs. Elle formulerait des recommandations sur la régulation des aides à l’embauche, sur la création de postes durables et sur la réduction de la place de l’intérim.

La planification, une solution pour réduire l’empreinte carbone du secteur logistique

En matière d’implantation logistique, il est particulièrement complexe de trouver un équilibre entre les différents objectifs environnementaux.

La règlementation est dense en la matière et permet de réduire un certain nombre de risques. Préalablement à l’aménagement, la construction et l’exploitation d’entrepôts logistiques, plusieurs démarches administratives doivent être entreprises.

Parmi celles-ci, pour l’implantation d’entrepôts logistiques d’un volume d’au moins 50 000 m3, des procédures d’enregistrement ou d’autorisation au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et de permis de construire au titre de la réglementation du droit des sols, doivent en effet être menées préalablement à leur délivrance, le cas échéant, par les différentes autorités compétentes. En outre, une évaluation environnementale du projet peut être requise, et l’est généralement de façon systématique lorsque son emprise au sol dépasse 40 000 mètres carrés.

Ces procédures gagneraient à être mieux différenciées en fonction des caractéristiques des projets, afin de favoriser notamment les projets qui artificialisent peu et ceux, en ce qui concerne la logistique industrielle, qui sont directement nécessaires à un projet lié à la réindustrialisation du pays.

Proposition n° 17 : Différencier la teneur des obligations à remplir pour l’obtention de l’autorisation environnementale, en fonction des caractéristiques d’implantation des projets. Alléger les contraintes et les délais d’instruction pour les dossiers en milieu urbain artificialisé, ceux qui sont directement associés à la réalisation d’une implantation industrielle, et ceux qui sont implantés au sein d’une zone exclusive.

L’empreinte carbone des entrepôts fait l’objet d’une attention particulière du législateur et des acteurs logistiques. La durée de vie limitée des bâtiments d’entrepôt, qui ne dépasse en aucun cas une trentaine d’années, doit toutefois interroger sur la soutenabilité des modes constructifs. Il est pourtant souhaitable et nécessaire d’éviter la formation de friches logistiques. La consommation excessive de bâti permet de justifier la création d’un régime de consignation à des fins de démantèlement ou de reconversion futurs.

Proposition n° 15 : À l’instar de ce qui se pratique pour d’autres équipements, prévoir à la construction la consignation par le maître d’ouvrage d’une fraction de financement destinée à permettre le démantèlement, la démolition ou la reconversion futures du bâtiment dans une optique de lutte contre l’abandon des bâtis. La prévision des besoins en la matière sera étayée par la réalisation de l’étude de réversibilité rendue obligatoire au titre de l’article 224 de la loi Climat et résilience.

Il est également nécessaire de réduire l’empreinte écologique des bâtis et c’est à ce titre que la réflexion en termes de « bilan carbone » des bâtis est très présente chez les acteurs de l’immobilier logistique. De plus en plus de sites logistiques font également l’objet d’une analyse du cycle de vie, qui permet de mesurer la performance environnementale des bâtis tout au long de leur construction et de leur exploitation. Cette dernière est devenue obligatoire depuis le 1er janvier 2022 au titre de la réglementation environnementale 2020 (RE 2020). Cela est pourtant loin de suffire, l’analyse du cycle de vie ne prenant en compte que les aspects quantifiables.

Plus largement, plusieurs acteurs ont fait part de leur intérêt à faire de leurs entrepôts des bâtiments à énergie positive. Un des enjeux majeurs des entrepôts à énergie positive réside à cet égard dans la généralisation du solaire photovoltaïque. L’obligation entrée en vigueur le 1er juillet 2023 de couvrir de 30 % de la surface de la toiture du bâtiment construit ou rénové et des ombrières qui surplombent les aires de stationnement se heurte toutefois à l’inadaptation du parc existant. Par ailleurs, la rentabilité de ces installations n’est pas certaine.

Proposition n° 16 : Imposer, en renforçant les dispositions fixées dans les loi Énergie-climat, Climat et résilience et AER, la couverture des parcs de stationnement des entrepôts par des ombrières recouvertes de panneaux photovoltaïques, lorsque ces parcs ne font pas l’objet d’une opération d’aménagement urbain, de mutualisation, d’enfouissement ou de renaturation-végétalisation. Explorer les solutions technologiques permettant de faciliter les installations de panneaux photovoltaïques sur les charpentes existantes, et engager une réflexion avec France Assureurs afin de parer au refus de couverture assurantielle sur ces structures. Étendre l’obligation de solarisation des toitures aux entrepôts agricoles.

Le secteur s’est également engagé dans une démarche de sobriété énergétique, largement encouragée par le décret tertiaire qui impose une trajectoire de réduction progressive des consommations énergétiques des bâtiments.

À un moment caractérisé par l’intensification des conflits d’usage sur les fonciers et par un effort collectif pour réduire, de façon conséquente, la consommation des sols, celle qui est engendrée par les entrepôts XXL pose nécessairement question. L’artificialisation engendre des incidences négatives pour la protection de la biodiversité, la gestion des eaux pluviales, la réduction des terres agricoles et la préservation des paysages.

Les chiffrages précis manquent sur la contribution spécifique des entrepôts XXL à cette tendance. Si certains parlent d’un « effet d’optique » et minorent le rôle de l’immobilier logistique, on peut estimer qu’elle pourrait être supérieure à 3 % des flux d’artificialisation dans certaines régions, tout en étant inférieure à 1 % dans d’autres régions.

Toutefois, il est possible que la taille constitue, à rebours des impressions premières, un facteur de limitation de la consommation foncière. En théorie, la construction rationnelle d’un site de très grande dimension, parfois divisé en plusieurs preneurs, devrait en effet permettre de réduire la consommation globale de foncier, par rapport à la construction d’un grand nombre de petits entrepôts.

Si des efforts sont entrepris pour maîtriser cette empreinte, ils sont loin d’être suffisants. Le recyclage des friches industrielles et la densification des activités logistiques, bien que d’autres activités prioritaires y soient bien souvent privilégiés, doivent être encouragés aux fins de réduire les impacts fonciers des entrepôts.

Proposition n° 18 : Encourager le développement logistique vertical par l’adaptation des règles de hauteur dans les règlements des PLU et l’évolution du régime des ICPE, à condition que l’élévation se fasse en substitution et non en complément de l’étalement horizontal.

Une réflexion quant à l’insertion paysagère des entrepôts devrait également être conduite par les décideurs. Le régime d’autorisation environnementale fait preuve d’une exigence relativement limitée en matière d’intégration dans le paysage. Et ce, alors même que les entrepôts XXL sont particulièrement visibles et souvent concentrés au même endroit, portant une atteinte profonde et durable à la qualité des paysages naturels et humains.

En sus, les flux de camions engendrés par la présence d’un entrepôt, a fortiori lorsqu’il est de grande taille, exercent un effet mesurable sur la qualité des routes et de l’air environnants, portant une nuisance de voisinage très considérable.

La forte dépendance des entrepôts aux modes de transport carbonés

Essentiellement routier, le trafic de marchandises qui concerne les entrepôts est fortement générateur d’émissions. Le transport de marchandises serait responsable de plus de 15 % des émissions de gaz à effet de serre en tonnes équivalent dioxyde de carbone (tCO2e). De son côté, le transport routier – passagers compris – aujourd’hui largement majoritaire en France, est à l’origine d’une forte pollution atmosphérique : en 2018, il génère à lui seul 28,6 % des émissions de gaz à effet de serre en tCO2e, contre 21,3 % en 1990. Au sein des transports routiers, les poids lourds représentent en 2018 un quart des émissions.

La majorité des sites générateurs de fret, à commencer par les entrepôts, sont exclusivement reliés à la route, et spécifiquement aux autoroutes. Si elle dispose du deuxième réseau ferroviaire d’Europe, la France sous-exploite largement le train comme mode d’acheminement des marchandises. Cette situation est illustrée par le degré faible ou inexistant d’utilisation des installations terminales embranchées par les entrepôts et les plateformes. De la même manière, les acteurs logistiques recourent peu au fret fluvial.

En dépit des avantages que présentent le fret fluvial et le fret ferroviaire, spécifiquement environnementaux, et du développement progressif de la multimodalité, le mode routier conserve une place prépondérante au sein des stratégies de transport.

Proposition n° 21 : Dans la logique des zones exclusives, imposer la connexion au fret ferroviaire ou fluvial pour un parc logistique planifié.

Proposition n° 22 : Favoriser les aides fiscales favorables à l’équilibre financier du recours au fret fluvial, par exemple la mise en place d’aides à la pince. En vue de favoriser également le recours au fret ferroviaire, intégrer une telle réforme dans une réflexion plus globale avec un équilibre de l’incitation et de la pénalité sur le recours au mode routier.

Dynamiser la planification spatiale des implantations territoriales en faveur d’une logistique groupée et mutualisée

Les incidences qu’occasionne le déploiement de grands équipements sur les territoires, tant en matière d’environnement que sur les équilibres de l’aménagement des territoires, justifient qu’une attention particulière soit accordée aux conditions de la planification des implantations dans l’espace.

La mission estime qu’il serait utile de réfléchir à la possibilité de renforcer le pilotage stratégique de l’État et des régions en la matière. La logistique posant, de façon inhérente, des problématiques nationales, il est nécessaire que l’État puisse assurer, en coordination avec les acteurs des territoires, une forme de gouvernance partagée, ne serait-ce que pour veiller à la compatibilité des stratégies d’aménagement logistique des différents territoires.

Proposition n° 23 : Élaborer un schéma national logistique spatialisé et travailler à son insertion dans les réseaux logistiques européens, avec comme objectif la réduction des émissions du transport de marchandises.

De ce point de vue, l’outil approprié pour exercer un tel rôle de pilotage et de filtrage des projets paraît être celui de l’agrément préfectoral, qui n’existe qu’en Île-de-France. L’agrément est une autorisation administrative, particulière à l’Île-de-France, nécessaire pour la construction, la reconstruction, la réhabilitation ou l’extension de certains, qui conditionne la recevabilité de la demande de permis de construire. La procédure de l’agrément a été créée au milieu des années 1950 avec comme objectif d’orienter les acteurs publics et privés du marché, dans leur choix de localisation de leurs activités économiques, dans le but de favoriser une répartition équilibrée entre les activités et l’habitat.

Proposition n° 24 : Généraliser à toutes les régions l’agrément préfectoral pour l’implantation d’un entrepôt engendrant une artificialisation des sols supérieure à 40 000 mètres carrés, comme outil d’orientation et de planification de l’implantation des activités logistiques sur le territoire. L’agrément ne pourrait être octroyé qu’à un projet situé à l’intérieur d’une zone exclusive.

Les régions doivent être étroitement associées à cette réflexion nationale, en vertu de la compétence en matière de planification stratégique qui leur a été conférée. La mission a d’ailleurs été impressionnée par les résultats dans certaines régions, où les élus et les administrations ont consenti des efforts importants pour mieux connaître et maîtriser leur parc logistique.

Enfin, la mise en place d’un zonage restrictif permettrait de limiter les atteintes portées aux territoires et d’améliorer la performance du secteur logistique. Cela doit passer par le schéma de cohérence territoriale (SCoT) qui est devenu, depuis la loi Climat et résilience, le document stratégique et planificateur de référence pour les aménagements logistiques.

Proposition n° 26 : Définir, au sein de stratégies régionales spatialisées, des zones exclusives pour l’implantation des entrepôts XXL, en dehors desquelles l’agrément préfectoral ne saurait être octroyé en dehors de besoins industriels spécifiques. Une telle planification concertée visera à la délimitation de parcs logistiques multimodaux cohérents avec les besoins des territoires, les bassins d’emplois, les réseaux de transport.

 

 

 


—  1  —

 

 

   Liste des prÉconisations de la mission

 

RENFORCER LA RÉFLEXION STRATÉGIQUE SUR LES BESOINS LOGISTIQUES ET LES MODES DE CONSOMMATION

Proposition n° 1 : Renforcer l’encadrement des pratiques de livraison au consommateur final en 24 heures, avec la mise en œuvre de dérogations spécifiques pour les médicaments et autres biens de première nécessité.

Proposition n° 20 : Intégrer systématiquement la question du report modal dans les stratégies logistiques nationale et régionale. À l’instar d’exemples étrangers, mener une réflexion sur la place de la logistique du dernier kilomètre dans les projets de services express régionaux métropolitains (SERM), qui reposent sur une offre multimodale de services de transports en commun publics.

Proposition n° 3 : Encourager les élus locaux et communautaires à mettre en location ou en concession de longue durée, plutôt que de les vendre, les terrains d’emprise des activités logistiques de grande échelle.

 

RENFORCER LA PLANIFICATION SPATIALE DES ESPACES LOGISTIQUES AUX ÉCHELLES NATIONALE ET RÉGIONALE

Proposition n° 2 : Capitaliser sur les travaux déjà réalisés par le Cerema, le service des études statistiques du ministère de la transition écologique et la filière logistique pour améliorer le recensement des parcs logistiques et mieux situer les besoins. Doter France Logistique d’un observatoire permanent chargé de suivre, quantifier et cartographier l’évolution des créations d’espaces logistiques, afin d’améliorer l’information des acteurs industriels et des pouvoirs publics. L’état des lieux réalisé en continu doit permettre aux pouvoirs publics de disposer d’informations précises, fiables et exhaustives sur l’occupation ou la vacance des cellules, le prix du mètre carré et le nombre de mètres carrés disponibles, l’artificialisation engendrée pour chaque entrepôt et ses aménagements extérieurs, les baux en cours, les emplois associés ainsi que les différents intervenants impliqués, notamment le propriétaire, le logisticien, et le client de chaque cellule, à plusieurs moments dans l’année.

Proposition n° 4 de votre rapporteur Charles Fournier : Marquer une pause, dans l’attente de l’élaboration concertée d’une stratégie nationale et de stratégies régionales, dans l’octroi des autorisations pour la construction d’un entrepôt artificialisant de plus de 40 000 mètres carrés qui n’est pas directement inféodé à un usage industriel prioritaire dans le cadre de la réindustrialisation.

Proposition n° 23 : Élaborer un schéma national logistique spatialisé et travailler à son insertion dans les réseaux logistiques européens, avec comme objectif la réduction des émissions du transport de marchandises.

Proposition n° 12 : Adosser l’implantation d’une zone logistique à une analyse des besoins et des implantations de transports collectifs et de mobilités douces dans le cadre d’une stratégie logistique régionale afin de contribuer à la mobilité décarbonée des salariés.

Proposition n° 25 : Mettre sur pied une instance de concertation et de coordination entre l’État, les régions, et les acteurs économiques, en lien avec France Logistique, qui serait chargée de définir les orientations prospectives et stratégiques et les priorités en matière d’aménagement du territoire et de développement industriel liées à la logistique et d’accompagner l’élaboration des stratégies régionales.

Proposition n° 26 : Définir, au sein de stratégies régionales spatialisées, des zones exclusives pour l’implantation des entrepôts XXL, en dehors desquelles l’agrément préfectoral ne saurait être octroyé en dehors de besoins industriels spécifiques. Une telle planification concertée visera à la délimitation de parcs logistiques multimodaux cohérents avec les besoins des territoires, les bassins d’emplois, les réseaux de transport.

Proposition n° 24 : Généraliser à toutes les régions l’agrément préfectoral pour l’implantation d’un entrepôt engendrant une artificialisation des sols supérieure à 40 000 mètres carrés, comme outil d’orientation et de planification de l’implantation des activités logistiques sur le territoire. L’agrément ne pourrait être octroyé qu’à un projet situé à l’intérieur d’une zone exclusive.

Proposition n° 5 : Assurer une meilleure concertation des populations au moment de la planification régionale des zones logistiques et de la définition des zones exclusives, par la création et l’association systématique d’une commission particulière du débat public (CPDP).

Proposition n° 21 : Dans la logique des zones exclusives, imposer la connexion au fret ferroviaire ou fluvial pour un parc logistique planifié.

 

REMÉDIER AUX CARENCES DU PROCESSUS D’AUTORISATION DES PROJETS

Proposition n° 17 : Différencier la teneur des obligations à remplir pour l’obtention de l’autorisation environnementale, en fonction des caractéristiques d’implantation des projets, tout en renforçant la portée de l’autorisation sur l’ensemble des aménagements extérieurs, notamment les espaces de stationnement. Alléger les contraintes et les délais d’instruction pour les dossiers en milieu urbain artificialisé, ceux qui sont directement associés à la réalisation d’une implantation industrielle, et ceux qui sont implantés au sein d’une zone exclusive.

Proposition n° 15 : À l’instar de ce qui se pratique pour d’autres équipements, prévoir à la construction la consignation par le maître d’ouvrage d’une fraction de financement destinée à permettre le démantèlement, la démolition ou la reconversion futures du bâtiment dans une optique de lutte contre l’abandon des bâtis. La prévision des besoins en la matière sera étayée par la réalisation de l’étude de réversibilité rendue obligatoire au titre de l’article 224 de la loi Climat et résilience.

Proposition n° 16 : Imposer, en renforçant les dispositions fixées dans les loi Énergie-climat, Climat et résilience et AER, la couverture des parcs de stationnement des entrepôts par des ombrières recouvertes de panneaux photovoltaïques, lorsque ces parcs ne font pas l’objet d’une opération d’aménagement urbain, de mutualisation, d’enfouissement ou de renaturation-végétalisation. Explorer les solutions technologiques permettant de faciliter les installations de panneaux photovoltaïques sur les charpentes existantes, et engager une réflexion avec France Assureurs afin de parer au refus de couverture assurantielle sur ces structures. Étendre l’obligation de solarisation des toitures aux entrepôts agricoles.

Proposition n° 19 : Afin d’améliorer l’information des populations, des décideurs et des services instructeurs au stade de l’autorisation, obliger les porteurs de projet à quantifier précisément le nombre de camions/jour engendrés par l’implantation d’un entrepôt XXL, et établir dans son projet initial le bilan carbone et la quantité de CO2 engendrée par le passage des camions.

Proposition n° 18 : Encourager le développement logistique vertical par l’adaptation des règles de hauteur dans les règlements des PLU et l’évolution du régime des ICPE, à condition que l’élévation se fasse en substitution et non en complément de l’étalement horizontal.

Proposition n° 14 : Afin d’assurer le respect de la réglementation en matière environnementale et de sécurité et de veiller à la protection des personnels, renforcer les contrôles par une augmentation et une réévaluation régulière des ressources des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal).

 

UTILISER LE LEVIER FISCAL POUR ENCOURAGER AUX PRATIQUES VERTUEUSES

Proposition n° 6 de votre rapporteure Sandra Marsaud : Maintenir le statu quo en matière d’exonérations fiscales pour les entrepôts, le temps d’une réflexion sur les différents outils et leur visée incitative. Évaluer sur le temps long les impacts des différents allégements et abattements décidés depuis 2018 afin d’en déterminer la part dans la croissance sectorielle. Réfléchir à l’opportunité d’étendre le bénéfice des allégements fiscaux actuellement attribués au titre des aéroports aux zones logistiques exclusives identifiées.

Proposition n° 6 de votre rapporteur Charles Fournier : Supprimer l’abattement de 50 % sur les composantes de la taxe d’aménagement pour les entrepôts et hangars non ouverts au public et exploités commercialement.

Proposition n° 7 de votre rapporteur Charles Fournier : Instaurer une taxe locale sur les livraisons e-commerce pour financer l’offre de mobilités durables, comme préconisé par le rapport Duron et la mission d’information Maurey-Sautarel du Sénat.

Proposition n° 22 : Favoriser les aides fiscales favorables à l’équilibre financier du recours au fret fluvial, par exemple la mise en place d’aides à la pince. En vue de favoriser également le recours au fret ferroviaire, intégrer une telle réforme dans une réflexion plus globale avec un équilibre de l’incitation et de la pénalité sur le recours au mode routier.

 

MIEUX ACCOMPAGNER LES SALARIÉS DE LA LOGISTIQUE

Proposition n° 9 : Encadrer réglementairement le tonnage cumulé journalier afin de réduire la pénibilité des métiers de la logistique.

Proposition n° 10 : Renforcer la formation et la sensibilisation des salariés et des employeurs aux risques professionnels liés à la logistique, notamment les troubles musculo-squelettiques (TMS), les chutes, les accidents de circulation et les risques psychosociaux (RPS). Cette formation pourrait être dispensée par les services de santé au travail, les organismes de prévention et les branches professionnelles.

Proposition n° 11 : Prendre en compte les recommandations de l’Institut national de recherche et de sécurité en matière de construction et d’exploitation des bâtiments logistiques, notamment pour ce qui concerne l’amélioration de l’environnement de travail et la gestion des risques liés aux manutentions manuelles, afin de réduire la sinistralité en leur sein pour les travailleurs.

Proposition n° 8 de votre rapporteur Charles Fournier : Conditionner les aides à l’embauche et la formation, au sein des entreprises logistiques, à la création de postes durables et la réduction du recours à l’intérim.

Proposition n° 13 du rapporteur Charles Fournier : Organiser une conférence sociale associant les différentes branches concernées par la logistique à l’appui d’un recueil des meilleurs pratiques des différentes branches. Il s’agirait d’établir une comparaison exhaustive entre les diverses branches de la logistique sur les pratiques en matière de rémunération, d’indemnités de licenciement, de congés payés et de compensation des accidents du travail. Elle pourrait, à l’aide de l’expertise de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, se saisir des enjeux d’amélioration de la qualité des emplois, en termes de réduction de la pénibilité, des maladies et de l’accidentologie, et des enjeux d’attractivité des métiers et de formation des travailleurs.

 


—  1  —

 

avant-propos de M. Charles fournier, rapporteur

J’ai souhaité que ce sujet fasse l’objet d’une mission d’information en partant du constat d’un déploiement accéléré des entrepôts dit XXL dans ma région mais aussi au-delà dans d’autres régions, dont le positionnement peut être stratégique. Ce constat s’étend au-delà de la dorsale logistique et concerne aussi des régions, qui en apparence disposeraient d’un foncier davantage disponible. Bien souvent ces régions ont connu une désindustrialisation et le développement des activités logistiques a été une réponse à la disparition des activités productives mais aussi la possibilité, fût-elle moins pertinente, de maintenir des activités économiques et des emplois.

Dans cette accélération, renforcée après la crise sanitaire par l’évolution de nos pratiques de consommation mais aussi par l’enjeu crucial de relocalisation des activités économiques, l’agrandissement des entrepôts, quelle que soit l’activité considérée, est une tendance marquée. Ces entrepôts dit XXL, sans qu’il n’en existe de définition précise, se multiplient et viennent traduire un changement stratégique et d’organisation des chaînes logistiques.

Trois entrées ont été proposées pour cette mission, qui ont guidé nos travaux :

– celle du modèle économique des activités logistiques : stratégie d’optimisation, pratique de l’immobilier d’entreprise, développement du modèle de la location, tendance à l’agrandissement ;

– celle des emplois associés et des conditions de travail dans ces entrepôts : réalité du nombre d’emplois, durabilité de ces emplois, recours important à l’intérim, conditions de travail ;

– celle des impacts écologiques : artificialisation de terres agricoles, contribution à l’attrition de la biodiversité, émission de gaz à effet de serre, impact sur l’eau…

Forcément, un tel sujet interroge plus largement la logistique et la variété des activités qui la composent : celle inféodée à l’industrie, celle liée au commerce, la logistique entrante et sortante, la logistique inversée…

La logistique n’est pas dissociable du modèle économique, tant celui de la production que de la consommation, et s’en préoccuper ne peut se limiter à accompagner des mouvements qui seraient inévitables. C’est aussi notre modèle productif et nos modes de consommation, qui contribuent à la massification du transport international de marchandises dans des dynamiques que certains qualifient de « grand déménagement du monde », qui sont questionnés.

La logistique est nécessaire, personne ne peut contester cela, nous continuerons à approvisionner nos lieux de production et de distribuer nos lieux de consommation. Mais l’inflation de projets entraîne de réelles difficultés d’accès au foncier et fait peser le risque d’une incompatibilité avec nos objectifs écologiques. Nous assistons au développement accéléré d’une logistique commerciale, avec les plateformes de e-commerce et avec le modèle de la grande distribution. Au moment où nous souhaitons réindustrialiser, nous devrons également penser de nouvelles capacités logistiques.

Ce n’est plus un risque, nous assistons à un déploiement désorganisé, impactant fortement nos territoires, certains devenant des terres de logistique au détriment de toute capacité productive et générant des flux de camions toujours plus conséquents. La concurrence du peu de foncier disponible fait rage entre les besoins en logement, la réindustrialisation et la logistique.

L’agrandissement des entrepôts en est une expression, ce modèle privilégiant des stratégies de massification et des modifications des chaînes logistiques. En soi, la discussion est permise entre le grand entrepôt et la multiplication des petits, comme entre le grand camion et les multiples camionnettes. Mais le risque est finalement d’avoir à chaque fois les deux !

L’étalement logistique est aussi à l’œuvre et les territoires ruraux sont de plus en plus concernés, renforçant le sentiment de subir toutes les nuisances liées aux consommateurs des villes.

Là où il y a rareté, là où la plupart des acteurs économiques préfèrent aujourd’hui louer que construire leurs propres entrepôts, nous avons vu émerger une filière immobilière interlocutrice des collectivités et qui constitue un maillon dans la « lutte pour l’accès au foncier ». Évidemment ce qui est rare est cher et le marché est alléchant, attirant des investisseurs de taille. Des chercheurs mettent en évidence une forme de spéculation foncière qui entraîne aussi de fréquents déménagements logistiques.

Face à cela, les élus sont souvent démunis et la logistique était jusqu’ici regardée comme n’importe quelle activité économique, parfois à défaut d’activité productive. Les produits de la vente du foncier ainsi que les emplois pour le territoire suffisent à convaincre des élus qui font face à des difficultés pour assurer le maintien d’activités ou de services publics locaux. L’argument des emplois créés reste déterminant, même quand ces annonces ne se traduisent pas totalement dans les faits.

La qualité du travail pose également question, pour ces métiers pourtant essentiels. Pendant la crise sanitaire, c’est aussi le maintien d’une logistique qui nous a permis d’accéder à ce qui nous était nécessaire. Mais force est de constater le maintien d’une forte pénibilité : charges lourdes, isolement induit par le port du casque et de la généralisation de la commande vocale, effet de l’automatisation des chaînes de commandement, augmentation des cadences… malgré des efforts engagés, mais très peu uniformes.

L’importance de l’accidentologie, pour partie sous-estimée, tout comme celle des maladies professionnelles, sont révélatrices de cette pénibilité. La logistique est présente dans plusieurs secteurs d’activité et il existe un nombre important de conventions collectives aux pratiques très variées. L’automatisation et la robotisation peuvent être des leviers de réduction de la pénibilité mais manifestement le résultat n’est pas du tout optimum. L’automatisation se concentre le plus souvent sur les chaînes de commandement, impactant encore la pénibilité par l’augmentation des cadences et la désocialisation des relations de travail. Si cette robotisation et automatisation peut contribuer à une plus grande efficacité économique, elle doit aussi être réellement mise au service des emplois et de la qualité du travail.

Et bien entendu, la logistique affecte directement notre environnement. Les acteurs économiques semblent volontaires pour réduire les impacts les plus directs : emprise au sol et empreinte écologique des bâtiments, consommation énergétique, choix d’implantation dans les zones déjà artificialisées. Ces mesures utiles doivent être encouragées mais elles pèsent assez peu sur les impacts les plus importants que sont les flux logistiques et les émissions de gaz à effet de serre. L’absence de stratégie efficace pour permettre un report modal vers le fret ferroviaire et fluvial tout comme la perspective assez éloignée de la décarbonation du fret routier, font du secteur des transports le seul à ne pas réduire ses émissions dans notre pays.

Au moment où se met concrètement en œuvre le « zéro artificialisation nette », au moment de la relocalisation des activités industrielles mais aussi dans un contexte de conflictualités latentes, entre territoires urbains et territoires ruraux, il est urgent d’organiser une planification structurante, organisant ce déploiement, réduisant ses impacts et reposant sur :

– le questionnement de nos modes de production et de consommation ;

– une approche plus partagée et mutualisée du développement de ces entrepôts ;

– la nécessité de réguler ce développement : éviter par exemple la vacance, prévenir l’apparition de nouvelles friches, s’assurer que l’agrandissement des entrepôts réduisent réellement l’empreinte écologique… ;

– une vision encadrée et organisée de la gestion du foncier ;

– des objectifs de report modal à assurer.

Je considère nécessaire de freiner ce développement, de permettre une pause dans le déploiement des très grands entrepôts, le temps de faire des choix stratégiques structurants et de réduire les impacts qui vont aller en augmentant. L’effet rebond joue ici à plein. Plusieurs préconisations sont établies en ce sens pour planifier au mieux notre organisation logistique. L’ambition est aussi de réduire l’artificialisation et les impacts écologiques. Il est aussi nécessaire de l’encadrer et notamment de faire le choix de développement des zones exclusives, à l’exception de la logistique liée à la réindustrialisation qui doit être considérée comme prioritaire.

Je crois également indispensable de renforcer la concertation et la participation des habitants et ce le plus en amont possible, tant sur les stratégies territoriales que sur les projets. Celles-ci ne peuvent se réduire à informer sur des projets déjà ficelés, sous peine de renforcer un sentiment de désappropriation totale de toutes décisions, alors vécues comme étant contre les habitants qui en subiront souvent les conséquences.  Une part doit être laissée au négociable et au non négociable pour un pouvoir réel des habitants. Il est aussi utile de renforcer l’intermédiation et la transparence en mobilisant des garants du débat public. Ce rapport devra être suivi de propositions plus opérationnelles pour répondre à cet impératif d’une meilleure association des habitants aux choix qui les impactent et les concernent.

Enfin, nous constatons un « mal travail » très répandu, des ouvriers de la logistique aux rémunérations limitées, au travail pénible entraînant des « turnover », recours à l’intérim mais aussi une importante accidentologie et des maladies professionnelles. Il est urgent, d’autant plus si l’on considère ce secteur comme stratégique, de pousser à un dialogue social tirant vers le haut ces activités. Il est aussi nécessaire de mettre en œuvre les recommandations pour réduire la pénibilité et permettre de donner une perspective plus stimulante pour les salariés, pour la fierté d’un travail bien fait et utile ! Une conférence sociale me semble être une réponse adaptée pour débattre et changer la donne pour ces emplois et métiers. Les aides publiques attribuées doivent également être conditionnées à l’amélioration de la qualité des emplois et du travail.

Cette mission a permis de poser des constats essentiels, d’ouvrir des voies concrètes de travail. La logistique constitue un miroir de notre modèle de production et de consommation, c’est par elle aussi que s’opéreront les changements nécessaires pour répondre aux enjeux écologiques comme sociaux.  Il convient d’associer toutes les parties prenantes que nous avons pu rencontrer, de continuer les échanges pour une stratégie française de la logistique comme en appelle de ses vœux France Logistique. Cela passera par l’organisation d’une coopération efficace pour un développement logistique davantage maîtrisé, efficace économiquement, respectueux de notre environnement et attractif pour les femmes et les hommes qui pourraient en être les chevilles ouvrières.

Je souhaite terminer en remerciant ma co-rapporteure pour le chemin parcouru, sur un sujet aux implications multiples et qui méritera sûrement d’autres travaux complémentaires, pour le croisement de nos regards et la recherche partagée d’une approche acceptant la complexité du sujet et ne le réduisant pas à telle ou telle vision tout définitive.

 


—  1  —

 

Avant-Propos de Mme Sandra Marsaud, rapporteure

Les grands entrepôts sont pleinement intégrés à la chaîne logistique qui irrigue nos territoires. La mission que nous avons conduite a pu constater la diversité des activités auxquelles ils sont d’ailleurs associés : industrie, agroalimentaire, commerce de détail, e-commerce.

Toutes ces activités sont conduites à utiliser ces grands entrepôts dans le cycle de leur existence, entre production et distribution.

Si l’on s’en tient à des entrepôts de plus 40 000 m², comme tente de le définir la mission, leur essor a été fulgurant depuis une dizaine d’années. Un développement aussi rapide n’est pas sans conséquences.

Il était ainsi important de faire un arrêt sur image pour faire le bilan en termes d’impact sur l’aménagement du territoire, l’économie du secteur logistique, la qualité de l’emploi des salariés de ces plateformes, l’impact environnemental de ces choix de développement.

Nous avons pu constater au cours des auditions et des visites de terrain qu’il pouvait parfois manquer des données importantes pour faire un diagnostic complet du secteur.

Et cela nous conduit à faire des propositions de rationalisation, de planification et de coordination renforcée.

C’est là l’enjeu pour que le secteur puisse poursuivre son développement en vue d’être accepté par l’opinion publique, de répondre aux nouvelles exigences environnementales et de rendre attractifs les métiers qui lui permettent de fonctionner.

Évidemment, les entrepôts XXL sont étroitement liés à la gestion du fret en France. La souplesse et la flexibilité du transport par camion semble difficile à remettre en cause. Mais en ce qui concerne le transports longue distance, il nous semble primordial de développer rapidement les connexions suffisantes avec le fret ferroviaire.

De ce point de vue, il sera intéressant de prendre connaissance des préconisations que rendra très prochainement la commission d’enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l’avenir.

 


—  1  —

 

 

INTRODUCTION

La mission d’information est née du constat d’une massification notable de l’édification d’entrepôts logistiques, à la fois en termes de taille et d’emprise foncière de ces équipements, et d’étalement à la lisière entre les zones urbaines et les zones rurales. La décennie 2010 a vu l’essor de la construction des entrepôts dits « XXL », qui sont diversement définis mais qu’on peut résumer comme étant ceux qui occupent plus de 40 000 mètres carrés au sol. En passant sur l’autoroute ou en train, les Français voient partout proliférer ces structures reconnaissables, des boîtes en tôle serties de dizaines de quais à camions, qui reprennent en les exagérant et en les aménageant les caractéristiques des « boîtes à chaussures » qui ont envahi les espaces immédiatement périurbains avec quelques décennies d’avance.

Les entrepôts dont il s’agit ici sont les entrepôts de distribution ([1]), sites intermédiaires entre le point de production et le point de livraison, où le distributeur entrepose les marchandises ([2]). Souvent associés à un réseau de messagerie permettant de consolider des flux ayant des origines et des destinations différentes, les entrepôts de distribution permettent d’assurer l’activité de tri en fonction des points de livraison et l’expédition des produits. Le transbordement direct – désigné aussi par son terme anglais crossdocking  est le mode d’organisation des flux qui permet d’articuler, en les croisant, au sein d’une plateforme, les flux d’approvisionnement en provenance des producteurs, et les flux de livraison en direction des consommateurs.

Ces entrepôts relèvent le plus souvent de trois catégories d’acteurs, et constituent pour eux un élément central de la gestion de leur chaîne d’approvisionnement ([3])  : les distributeurs généralistes ou spécialisés – Carrefour, Lapeyre, Decathlon – les acteurs « tout en ligne » (dits aussi « pure players ») – Amazon, Cdiscount (groupe Casino), les prestataires qui agissent pour les premiers – ID Logistics, Geodis.

Qu’apportent ces entrepôts à nos modes de consommation ? les infrastructures de ce genre sont mal perçues et suscitent de nombreuses inquiétudes, comme le notent la plupart des études existantes, à l’instar du rapport récent que l’institut Terra Nova a consacré à la question ([4]) : « aux échelles territoriales plus locales, les questions sociales et environnementales posées par les activités logistiques ont pris de l’ampleur : implantation d’entrepôts et de dark stores, automatisation des entrepôts et menaces sur l’emploi non qualifié, précarisation des emplois avec le développement de plateformes numériques de mise en relation entre clients et livreurs autoentrepreneurs, pollution atmosphérique en ville liée aux véhicules logistiques et notamment aux livraisons du e-commerce… ».

Si la logistique est indissociable du développement économique, tant l’activité industrielle que commerciale, elle doit être réinterrogée au regard des nuisances qu’elle peut engendrer et de l’actualité des enjeux écologiques et sociaux qu’elle emporte.

L’activité logistique connaît une expansion importante depuis les années 1970, période pendant laquelle les grandes zones logistiques regroupant les entrepôts et les plateformes se sont multipliées dans les régions suburbaines de plus en plus éloignées des centres-villes. Ces dynamiques ont mené à l’émergence d’un secteur immobilier spécialisé dans l’immobilier logistique au sein du secteur de l’immobilier commercial, processus retracé dans la première partie du rapport ([5]). En outre, l’immobilier logistique fait intervenir de multiples acteurs et des chaînes d’intervenants, ce qui peut contribuer à des déséquilibres de pouvoir et d’information dans les relations entre les pouvoirs locaux et les investisseurs ([6]).

Le développement de la logistique de grande ampleur, dont les entrepôts XXL sont un avatar, constitue un levier majeur de la compétitivité de l’économie française et, à l’avenir, de sa réindustrialisation. Il ne s’agit pas d’en faire le procès, mais de cerner et d’évaluer les incidences de ce développement sur l’économie des territoires, l’emploi local, l’environnement et l’aménagement territorial et urbain, afin d’en optimiser l’implantation, d’atténuer les impacts négatifs et d’assurer la compatibilité de cette dynamique avec les engagements écologiques du pays.

Dans le contexte de la volonté, partagée par vos rapporteurs, d’encourager la réindustrialisation du pays, un des fils rouges des interrogations de la mission a concerné la relation entre l’industrie et la logistique. Les industries ont toujours eu des entrepôts, indispensables pour entreposer les matières et matériaux en cours de production ou emmagasiner les produits finis avant expédition. Toutefois, la pratique des flux tendus a pu diminuer les besoins d’emmagasinement sur site. On ne considère pas ces entrepôts sur sites comme constituant des entités logistiques, dans la mesure où elles assurent certes une fonction d’entreposage, mais non une fonction de distribution.

Plus largement, des analogies peuvent être faites, sur les plans géographique, économique et sociographique, entre l’industrie et la logistique, du point de vue des nuisances engendrées mais aussi du point de vue de la main‑d’œuvre concernée. La comparaison entre les travailleurs des plateformes et les ouvriers spécialisés est fréquente.

La robotisation des entrepôts XXL, qui a connu une accélération notable ces dernières années, pourrait offrir des perspectives intéressantes à la fois sur le plan écologique et sur le plan économique. Ces évolutions technologiques peuvent contribuer, à condition d’être correctement encadrées, non seulement à optimiser l’utilisation de l’espace disponible, mais également à renforcer la compétitivité du secteur logistique et à réduire la pénibilité du travail. Grâce à l’automatisation et à l’innovation technologique, il est possible d’accroître significativement l’efficacité opérationnelle et la réactivité des services logistiques, éléments clés dans un environnement économique de plus en plus concurrentiel.

L’entrepôt XXL est devenu une composante importante des activités économiques. Afin de réduire les pressions écologiques, il convient de réguler les excès dans le domaine immobilier, d’organiser une planification rigoureuse privilégiant la mutation des entrepôts et des normes d’insertion strictes au sein de leur environnement, mais également une réflexion plus large sur nos modes de consommation et les conséquences logistiques qu’ils induisent. Cette réflexion apparaît nécessaire pour maîtriser un développement renforcé par les logiques de livraison toujours plus rapides, à l’instar du « quick commerce », déjà étudié dans une précédente mission d’information de notre commission, ou l’essor du commerce en ligne.

Les entrepôts XXL peuvent donc représenter à la fois, et c’est tout l’enjeu de la mission menée par vos rapporteurs, un gain écologique et des risques multifactoriels. Ils ont des effets bénéfiques en raison de leur capacité à densifier le stockage de marchandises et à concentrer les flux de transport, réduisant ainsi les impacts sur l’environnement et la biodiversité. La construction verticale de ces entrepôts, en particulier, favoriserait une utilisation efficace de l’espace tout en s’alignant sur les objectifs fixés par le législateur en matière de réduction de l’artificialisation des sols. À l’inverse, une poursuite de leur déploiement déraisonné à partir des métropoles vers les régions périphériques, appelé souvent « étalement logistique », sans un redoublement de l’effort de planification nationale, régionale et locale, entraînerait à coup sûr une artificialisation significative des terres, avec à la clef des répercussions catastrophiques sur l’environnement et l’aménagement du territoire.

Ainsi, par exemple, la mission d’information a mis en évidence la dépendance de ces infrastructures à des mouvements intensifs de poids lourds, eux-mêmes mis en cause pour leur contribution aux difficultés de circulation et à la pollution de l’air. Leur impact sur la circulation et les émissions nocives accentuent la nécessité d’orienter la logistique vers des moyens de transport plus écologiques, tels que le fret ferroviaire et maritime, malgré certains défis inhérents à ces modes d’acheminement, afin de s’aligner sur les objectifs environnementaux de la France.

La question des entrepôts de grande taille ne peut être appréhendée sans étudier également ses connexions avec un ensemble d’autres problématiques connexes. La logistique est à la fois un secteur de l’économie mais aussi une infrastructure qui soutient une grande partie de l’économie productive et elle ne peut pas en être aisément détachée. En particulier, la mission a souhaité prendre en compte les besoins de notre économie en termes de logistique urbaine, et la façon dont ces besoins s’articulent avec l’implantation des grands entrepôts en périphérie.

La mission a également souhaité mettre en évidence la contestation croissante des projets et en comprendre les ressorts, afin de pouvoir assurer une meilleure concertation avec les populations locales. En effet, l’impression qui ressort de la majorité des rencontres de terrain conduites par la mission est celle d’un mouvement qui est souvent vécu comme imposé, par des investisseurs lointains, d’une manière arbitraire, ou en tous les cas insuffisamment avertie des besoins des territoires.

Dans un autre sens, certains considèrent les oppositions locales aux projets comme une manifestation classique de l’opposition de riverains à l’implantation en proximité d’un projet présenté comme revêtant un intérêt qui dépasse le périmètre géographique concerné, dont ils auront à subir les incidences néfastes mais dont ils ne sentiront pas en revanche les impacts positifs.

Dans l’ensemble, tous les sujets étudiés par la mission ont recelé de véritables difficultés d’information qui compliquent l’analyse. Vos rapporteurs ont constaté la difficulté d’obtenir des données fiables et vérifiées, qu’il s’agisse du décompte des hectares consommés annuellement pour des usages logistiques ou encore du nombre d’emplois créés à l’occasion de l’ouverture d’un entrepôt. Vos rapporteurs considèrent qu’il est essentiel d’améliorer l’information statistique en ce domaine.

 

 


—  1  —

 

   premiÈrE PARTIE :
Les grands entrepÔts, un dÉploiement accÉlÉRÉ et anarchique qui doit Être organisÉ et rÉgulÉ

Quel que soit le débat sur les incidences des entrepôts XXL sur l’environnement et sur l’aménagement des territoires, les acteurs se sont globalement retrouvés sur un constat, celui de la difficulté qu’il y peut y avoir à isoler ces infrastructures du modèle économique qu’elles sous-tendent.

I.   Les entrepÔts logistiques, piliers de l’Économie, se sont multipliÉs et agrandis avec des effets locaux importants

Une littérature académique très fournie, en France et à l’étranger, constamment corroborée par l’ensemble des acteurs au cours des travaux de vos rapporteurs, a mis en évidence une dynamique de massification très rapide de la production d’entrepôts de plus en plus grands depuis le début du XXIème siècle, tout en soulignant la faible association des populations locales dans cette dynamique.

A.   les entrepÔts, outils d’une Économie mondialisÉe

Les entrepôts XXL sont d’abord et avant tout une infrastructure d’une économie qui est très fortement mondialisée. Comme l’a fait valoir René de Koster, chercheur spécialisé dans la logistique, interrogé par la mission, « la logistique est indispensable pour garantir la disponibilité des produits là où les clients le souhaitent, au bon endroit, au bon moment et avec la bonne qualité. Il n’est pas possible d’expédier des marchandises directement d’un fournisseur basé en Chine à un magasin où les clients viennent chercher les articles, car la distance entre le fabricant et le consommateur est longue ».

1.   La logistique, une infrastructure de l’économie

Comme l’ont souligné les chercheurs auditionnés par votre mission dès le début de ses travaux, la logistique se distingue par son caractère de « filière au service d’autres secteurs, qui abreuve l’économie entière ». La direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) d’Auvergne‑Rhône‑Alpes parle ainsi d’« une activité au service des autres filières : en cela, elle n’est pas exercée pour elle-même mais au service des autres activités, de leur connexion au monde, de leur compétitivité » ([7]). Cette « fonction vitale », pour reprendre le terme de l’Institut Paris Région (IPR), constitue de l’avis général un enjeu central en matière de services aux populations, aux entreprises et donc aux territoires ([8]) : l’Association de la filière logistique (Afilog), qui représente les métiers de l’immobilier logistique, évoque à ce sujet un « réseau sanguin » de l’économie.

Selon la définition de France Supply Chain (FSC), qui représente l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement, la logistique englobe toutes les opérations qui permettent de « mettre à disposition un produit donné dans la bonne quantité et en bonne condition, au bon endroit, au bon moment et au moindre coût ». L’Association française de normalisation définit son périmètre en termes généraux : « la logistique recouvre la planification, l’exécution et la maîtrise des mouvements et de la mise en place des personnes et des biens ainsi que des activités de soutien s’y rapportant afin de contribuer à la réalisation d’un objectif au sein d’un système » ([9]) ; c’est cette définition qui est reprise par les acteurs publics tels que la Conférence nationale sur la logistique.

Selon la Commission européenne, la logistique est « un maillon fondamental de la gestion de la chaîne d’approvisionnement, qui consiste dans l’organisation et la gestion des flux de biens liés à la production, l’achat, l’entreposage, la distribution, la réutilisation, l’échange et l’élimination de produits, ainsi qu’à la fourniture de services à valeur ajoutée » ([10]).

Plus précisément, les opérations de logistique sont au centre de la chaîne d’approvisionnement (supply chain), avec en amont les activités de transitaire maritime ou aérien (freight forwarding) et de transport terrestre par la route ou le rail, et en aval les opérations de livraison, y compris le « dernier kilomètre ».

Il faut toutefois souligner, comme le rappelle le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, les mobilités et l’aménagement (Cerema) dans une étude de 2015, et la mission d’information a eu l’occasion de vérifier ce propos, que « la logistique est une activité difficile à conceptualiser car elle recouvre des notions différentes selon les acteurs » et que « la logistique est un concept aux contours non arrêtés. Chaque concertation, chaque étude, chaque réflexion sur la logistique commence irrémédiablement par un rappel de ce que l’on entend par " logistique "» ([11]).

La logistique peut encore être définie comme regroupant l’ensemble des activités permettant et facilitant le mouvement des biens de l’offre vers la demande ou de la production vers la consommation. Trois grandes opérations y concourent : approvisionner (logistique amont), transformer ou produire (logistique industrielle), distribuer (logistique aval). Il est ainsi usuel de distinguer quatre types de logistique qui s’intègrent aux chaînes d’approvisionnement :

– la logistique des achats, qui désigne la gestion des approvisionnements nécessaires à la vente et à la fabrication des produits finis et semi-finis et des matières premières. En la matière, les facteurs d’efficacité sont la sélection des fournisseurs, les quantités de stock précises et la fréquence d’approvisionnement, le modèle de gestion du stock utilisé, ainsi que l’unité ou les unités de charge qui seront utilisées pour le stockage, le transport et la manutention de la marchandise ;

– la logistique de production, dite aussi logistique industrielle, qui désigne l’ensemble des activités de gestion de la transformation des matières premières et des activités productives ;

– la logistique de distribution ou logistique de transport, qui vise à acheminer rapidement et efficacement le produit jusqu’au consommateur. Cette logistique est directe, avec une distribution du fabricant au consommateur final, ou indirecte, par voie de grossistes ou de détaillants ;

– la logistique inverse, qui désigne le service après-vente et notamment la gestion des retours de produits, et celle des déchets.

Cette typologie montre que la préoccupation logistique est présente dans l’ensemble des activités économiques. C’est pourquoi Afilog considère que la filière immobilière logistique, via son parc logistique, qui « assure à l’échelle nationale, européenne et internationale, la liaison entre toutes les étapes des productions industrielle et agricole et de la commercialisation, de la matière première au produit final », est « essentielle à la distribution des produits aux consommateurs ».

La logistique, considérée comme secteur, représente un élément majeur de l’économie française. Selon l’opérateur du ministère de l’économie Business France, le secteur logistique représente en France environ 200 milliards d’euros en 2019, ce qui représente, en ordre de grandeur, 10 % du produit intérieur brut. Regroupant 150 000 entreprises, le secteur emploierait 1,8 million de salariés. La France constituerait dès lors le deuxième marché logistique européen, et le sixième marché logistique mondial ([12]). Selon Afilog, dans sa contribution aux travaux de la mission, « la logistique est un secteur d’activité moteur de la compétitivité économique, de la relance industrielle et du développement des entreprises sur le territoire Français ».

 

Les phases de la chaîne d’approvisionnement

En plus de la typologie dessinée plus haut, il est également possible, au sein des activités logistiques, de distinguer six phases principales, des activités annexes – par exemple le service client et la gestion des déchets – concourant à leur réalisation :

– le transport amont : l’acheminement du lieu de production ou d’assemblage jusqu’à l’entrepôt peut se faire, en fonction du point d’origine, par voie maritime, ferroviaire et routière ;

– la réception des marchandises : à l’arrivée à l’entrepôt, les plateformes disposent de quais de chargement-déchargement pour l’accueil des poids lourds et, le cas échéant, d’une voie ferrée. L’accès au site se fait le plus souvent via une route départementale rejoignant l’échangeur autoroutier le plus proche ; la forte affluence pouvant être gérée par la création d’une aire d’attente. Un contrôle de la qualité des marchandises peut s’opérer à la réception ;

– l’entreposage ou le stockage, qui se fait soit en racks, soit en masse sur des palettes normalisées standard (1 200 x 800 x 145 mm). Ces opérations sont fréquemment gérées par voie informatique ;

– la préparation des commandes et le chargement des marchandises : les commandes sont gérées informatiquement et préparées par les caristes, sachant que les commandes de détail sont préparées séparément par des préparateurs de commandes ;

– les expéditions et livraisons : les palettes préparées sont placées au sol, face aux quais d’expédition en attente du chargement des poids lourds. Le chargement des véhicules doit être optimisé pour qu’ils soient pleins, sans dépasser le poids total autorisé en charge (PTAC) (pour un véhicule articulé typique constitué d’un tracteur et d’une semi-remorque, 38 tonnes avec quatre essieux, 44 tonnes avec plus de quatre essieux) ni comporter des marchandises placées de façon qu’un préparateur ne puisse y accéder par des mouvements ordinaires autorisés au sol. Les marchandises sont expédiées le plus souvent par la voie routière ;

– la logistique des retours : notamment pour le commerce électronique, une partie non négligeable des commandes livrées fait l’objet de retours, ce qui nécessite une organisation logistique supplémentaire.

Comme le rappelle le rapport de Patrick Daher et Éric Hémar, « les coûts logistiques participent aux coûts complets de l’industrie française. Selon une étude de l’Aslog ([13]) de 2008/2009, le coût logistique d’une entreprise représente environ 12 % de son chiffre d’affaires net. Ce coût varie très fortement selon le secteur d’activité, allant de 7 % dans l’automobile ou l’aéronautique à 15 % pour la pharmacie et la chimie. Une logistique plus performante assure donc la performance de l’industrie » ([14]). Les mêmes rapporteurs décrivent aussi le secteur comme « nécessaire à la performance industrielle et à la réindustrialisation de la France » et estiment à ce titre qu’il faut « d’urgence [en] d’assurer la compétitivité ». Le secteur logistique présente en effet son propre essor comme un facteur indispensable de la réussite de la réindustrialisation.

Car les coûts logistiques constituent, de l’avis général, une partie composante essentielle de la chaîne des coûts des produits et donc de la formation des prix. L’ensemble des acteurs entendus ont fait part du caractère stratégique de la logistique dans leurs arbitrages. Par exemple, Système U a rapporté, dans sa réponse à la mission, que la logistique est pour le groupe « un élément de compétitivité indispensable pour diminuer le prix de revient des produits vendus au consommateur ». Ces prix sont d’autant plus compétitifs qu’ils n’intègrent pas certaines externalités négatives induites par l’activité logistique. Le même groupe estime ainsi ses coûts logistiques à 5 % (cf. plus loin), tandis que Leroy Merlin rapporte un coût logistique de 12 %.

Les coûts logistiques comprennent le plus souvent : le coût des activités de transport, pour chaque mode ; les activités de stockage ou d’entreposage ; le transfert matériel ; l’investissement dans les équipements du système logistique, notamment les systèmes d’information, et les outils de marquage, identification, enregistrement, analyse, et transfert et gestion de données ; les modifications de forme et d’emballage requises pour le transport, l’entreposage et la manipulation efficace et sécurisée, comme l’emballage supplémentaire et la consolidation/déconsolidation des colis ; et le coût de la non-disponibilité des biens.

Le secteur a connu une croissance significative ces dernières années, qui sous-tend la croissance du reste de l’économie. Selon Afilog à nouveau, « la valeur ajoutée brute du secteur a augmenté de 18 % entre 2010 et 2019 ». Cette croissance n’est pas une spécificité française : elle concerne le continent européen depuis quinze ans dans son ensemble, et reflète une dynamique globale.

2.   L’entrepôt, une infrastructure de la logistique

L’efficacité logistique repose sur trois supports fondamentaux, sur lesquels l’action des pouvoirs publics est essentielle :

– les réseaux de transport et les espaces de stationnement, de livraison et d’enlèvement, dont au premier chef l’autoroute qui permet le déplacement rapide et agile des camions, 80 % du fret français se faisant par voie routière ;

– les interfaces multimodales, qui rassemblent les ports maritimes ou fluviaux, les aéroports, les chantiers combinés et les installations terminales embranchées fer (ou ITE), qui permettent le transbordement du conteneur standard (généralement de dimension 2,44 m x 12,19 m x 2,59 m), principale unité de transport intermodal dans le monde ;

– les interfaces logistiques, qui correspondent à l’immobilier (les entrepôts ou plateformes logistiques [EPL]) et au mobilier, par exemple les consignes.

Le ministère de l’environnement définissait en 2013 l’entrepôt comme « un lieu fermé de concentration et/ou d’éclatement des marchandises, avec ou sans stockage », ce qui permet en effet de désigner l’ensemble des entrepôts qui nous intéressent ([15]). Cette définition permet d’unifier un champ de bâtis qui peuvent être divers : comme le souligne la professeure Laetitia Dablanc, la notion d’entrepôt « recouvre les bâtiments où sont, pour un temps plus ou moins long, stockées les marchandises, mais également des types très diversifiés de terminaux logistiques, comme les quais de messagerie ou les plates-formes de cross-docking, qui voient passer des marchandises d’un quai d’arrivée à un quai de départ sans temps de stockage, les centres de distribution de la grande distribution et les centres de traitement des commandes du e-commerce (fulfilment centres) » ([16]).

zones logistiques de plus de 250 000 m² en Europe

Source : BNP Paribas Real Estate, Q4 2020.

En dépit de cette diversité, comme il a souvent été remarqué au cours des travaux de la mission et comme les contestations croissantes le laissent voir, les entrepôts sont toutefois sertis de signes extérieurs distinctifs qui les laissent aisément reconnaître pour ce qu’ils sont : une emprise au sol considérable, qui laisse voir des murs uniformes de plusieurs centaines de mètres de long, une hauteur presque systématiquement comprise entre 12 et 15 mètres, des matériaux de construction caractéristiques, notamment la tôle, les nombreuses baies de chargement des camions, les surfaces de stationnement des camions et autres voitures.

Pour Afilog, l’entrepôt – qui est le support immobilier des opérations logistiques dans toute leur variété : stockage, transbordement, préparation de commandes (picking), conditionnement (packaging) – constitue « une usine à optimiser des flux », expression qui reflète une perception qu’a le secteur de lui‑même comme participant de l’industrie. L’association fait ainsi valoir qu’en termes de gabarits, d’usages économiques, de catégories juridiques, de contraintes d’implantation et de réglementation (ICPE), un entrepôt s’apparente à une unité industrielle. L’entrepôt permet aussi d’organiser, de contrôler, de planifier et d’optimiser le flux des marchandises stockées. Une telle définition permet aussi d’opérer une distinction avec les plateformes de vente en ligne, qui font appel aux bâtiments logistiques, là où ces catégories donnent fréquemment lieu à une confusion.

Concrètement, les plateformes XXL sont constituées d’un entrepôt constitué de cellules de stockage qui ont généralement une capacité volumique de 6 000 m3, équipées de portes de quais desservies par des cours camions, de bureaux d’accompagnements incluant les locaux sociaux (vestiaires, sanitaires), de locaux de charge, de locaux techniques permettant le bon fonctionnement de l’entrepôt. Ces entrepôts sont munis d’étagères (« racks ») pour le rangement des palettes ou des colis. L’ensemble est le plus souvent complété par des aménagements extérieurs, tels que des aires de stationnement pour véhicules légers et des bassins de gestion des eaux (voir troisième partie).

Selon Prologis, dans sa réponse à la mission, les entrepôts se définissent aujourd’hui suivant trois typologies :

– les entrepôts de stockage, soumis à un arrêté préfectoral (ICPE). Ils se composent d’une série de cellules de 6 000 m², permettant la divisibilité – pour Prologis, les entrepôts XXL appartiennent à cette catégorie. La mission en a visité plusieurs lors de ses déplacements en Seine-et-Marne, dans le Loir-et-Cher, et dans la Somme ;

– les entrepôts de flux (messagerie/cross-dock), généralement d’une surface inférieure à 10 000 mètres carrés, dans lesquels les marchandises transitent sans être stockées pendant un temps long. Certains gardent pour cet usage le terme de plateforme : un bâtiment dans lequel les marchandises sont stockées sur une durée de temps très limitée (moins de 24 heures), dans le cadre d’une opération de dégroupage/groupage. Une plateforme n’est pas équipée d’étagères, les marchandises restant sur le quai dans l’attente de leur prise en charge. La mission a eu l’occasion de visiter un entrepôt de messagerie de Coliposte lors de son déplacement dans le Loir-et-Cher ;

– les bâtiments d’activité d’une taille inférieure à 5 000 mètres carrés.

C’est pour cette raison que l’étude « entrepôts » du Cerema évoque une définition large : « la définition retenue recouvre les entrepôts au sens habituel du terme (lieu fermé de stockage effectif des marchandises) et les plates-formes logistiques (lieu fermé de transit et d’échanges des marchandises sans stockage) tels que les quais de messagerie ou les plates-formes de « cross-docking » (action de faire passer des marchandises d’un quai d’arrivée à un quai de départ sans passage par le stock). Il s’agit donc d’un lieu fermé de concentration et/ou d’éclatement des marchandises avec ou sans stockage. On définit le stockage comme l’action d’entreposer intentionnellement la marchandise pour une durée supérieure à 24 heures » ([17]).

En termes physiques et spatiaux, les entrepôts se distinguent entre eux par des caractéristiques propres :

– la hauteur libre sous toiture et la résistance de la dalle, qui permettent le volume de stockage ;

– le nombre de quais, la profondeur des cours camions et les places de stationnement de poids lourds, permettant la rotation des stocks ;

– les rubriques de l’arrêté préfectoral d’autorisation au titre des installations classées, définissant la nature et la quantité des produits pouvant être stockées ;

– les caractéristiques techniques du bâtiment : isolation, système de chauffage, photovoltaïque, éclairage, traitement des eaux de pluie.

– la localisation ou proximité par rapport aux flux amonts et avals.

Au sens du droit de l’urbanisme, l’entrepôt renvoie à une catégorie précise dans la nomenclature des constructions qui peuvent être réglementées par les documents d’urbanisme. La sous-destination « entrepôt » appartient à la catégorie 5°, celle des « autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire ». Cette catégorie est distincte de la catégorie 3°, qui regroupe « commerce et activités de service » ([18]). L’entrepôt est précisément défini, par sa finalité, comme recouvrant « les constructions destinées à la logistique, au stockage ou à l’entreposage des biens sans surface de vente, les points permanents de livraison ou de livraison et de retrait d’achats au détail commandés par voie télématique, ainsi que les locaux hébergeant les centres de données » ([19]).

Au sens du droit de l’environnement, l’entrepôt se définit par ce qui y est stocké. En particulier, un arrêté décrit les prescriptions applicables aux « entrepôts couverts soumis à la rubrique 1510 ». La rubrique 1510, qui relève des rubriques relatives à des substances combustibles, désigne les « entrepôts couverts (installations, pourvues d’une toiture, consacrées au stockage de matières ou produits combustibles en quantité supérieure à 500 tonnes), à l’exception des entrepôts utilisés pour le stockage de matières, produits ou substances classés, par ailleurs, dans une unique rubrique de la présente nomenclature, des bâtiments destinés exclusivement au remisage des véhicules à moteur et de leur remorque, des établissements recevant du public et des entrepôts exclusivement frigorifiques » ([20]). D’autres rubriques, détaillées dans la troisième partie du présent rapport, sont également susceptibles d’être concernées, mais la rubrique 1510 fonctionne comme une rubrique filet.

Dans la nomenclature des familles professionnelles (FAP) de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), la catégorie J, qui renvoie aux transports, à la logistique et au tourisme, est applicable à la plupart des entrepôts.

3.   Le seuil d’entrée dans le XXL

La question du seuil d’entrée dans la grande taille a été abordée à de nombreuses reprises lors des travaux, car elle ne fait pas l’objet d’un consensus scientifique ou professionnel, ni d’une définition légale ou réglementaire. Certains, comme Afilog, considèrent un entrepôt comme étant « de grande taille » lorsque sa capacité de stockage correspond à une surface exploitable supérieure à 60 000 mètres carrés d’emprise au sol, soit dix cellules de 6 000 mètres carrés. Les entrepôts qui stockent une certaine quantité de marchandises sont soumis aux mêmes réglementations en matière de hauteur ou de profondeur, définies par le cadre des ICPE.

Une majorité d’acteurs ont mentionné plutôt un seuil XXL de 40 000 mètres carrés. Ainsi de Prologis : « un entrepôt de grande taille se définit traditionnellement par une taille supérieure à 40 000 mètres carrés (soit six à sept cellules de 6 000 mètres carrés) ». De la même façon, l’observateur de marché JLL, dans ses analyses de marché, considère que le segment des entrepôts XXL concerne les plateformes supérieures à 40 000 m² ([21]), qui ont représenté 24 % du volume placé en entrepôts au premier semestre 2023.

un entrepÔt « XXL » et ses principales caractÉristiques

B.   Une dynamique de dÉploiement peu rÉgulÉe

1.   Les entrepôts XXL connaissent un essor fulgurant depuis une décennie

Le XXL ne suit pas les tendances du reste de l’immobilier logistique : de façon globale, on constate qu’en Europe, la demande de bâtiments plus grands est de plus en plus forte. En 2013, une étude de marché réalisée par EMEA repérait déjà que la proportion du marché locatif représentée par des transactions de plus de 50 000 mètres carrés était passée d’environ 8,5 % sur la période 2010-2011 à plus de 18 % depuis le début de l’année 2012 ([22]).

L’acteur de marché EOL, rencontré par la mission, souligne aussi que si les plateformes logistiques XXL, de plus de 40 000 mètres carrés, étaient encore des objets immobiliers rares il y a seulement une décennie ([23]), elles font désormais partie intégrante de l’immobilier logistique et en constituent un segment particulièrement dynamique. En 2022, dans un marché de l’immobilier logistique mouvementé du fait de la conjoncture, en repli par rapport à 2021, ce segment représente à lui seul 35 % des surfaces placées (en mètres carrés d’entrepôt pris à bail en 2022, soit 19 opérations sur 139 transactions).

Arthur Loyd Logistique ([24]) observe aussi que « pour la première fois depuis le premier trimestre 2017, le marché des utilisateurs a été principalement soutenu par le segment des transactions de plus de 40 000 m², qui a totalisé 307 000 m² au T1 2023. À noter que quatre de ces transactions ont été plus spécifiquement effectuées à l’initiative de prestataires logistiques : citons à titre d’exemples les opérations de XPO Logistics à Combs la Ville, ou encore de Simastock à Douvrin. Au-delà des transactions de grand volume, c’est cependant le créneau 10 000 – 19 999 m² qui a connu ce trimestre la meilleure dynamique, avec 264 000 m² placés, soit une progression de 82 % en un an ».

Une forme de course à la taille semble parfois guetter le secteur, comme l’a souligné France Nature Environnement (FNE), qui a même noté que cet argument est parfois mis en avant pour augmenter l’attractivité d’un projet. Ainsi, Conforama, dont la mission a visité l’entrepôt de 177 000 mètres carrés à Tournan-en-Brie, n’hésite pas à le valoriser comme « le plus grand entrepôt d’Europe ».

Au niveau mondial, certains entrepôts dépassent largement les niveaux français, comme par exemple le parc logistique intelligence Kunshan 1 de JD dans la province chinoise du Jiangsu, à 500 000 mètres carrés, qui traite 4,5 millions de colis/jour pour une région de livraison de 200 millions de personnes. Sans atteindre ces sommets, le secteur a établi, depuis 2015, plusieurs records : en 2017 par exemple, plus de 4 millions de mètres carrés de sites logistiques ont ainsi été commercialisés, dont 1,6 million de mètres carrés Île-de-France, « région où la moyenne était autour de 800 000 mètres carrés depuis plusieurs années », comme le rappelle aux Échos Didier Malherbe de l’entreprise de conseil CBRE : « Voici seulement dix ans, un bâtiment de plus de 30 000 mètres carrés était considéré comme grand. Maintenant, on recense tous les ans plusieurs signatures à plus de 100 000 mètres » ([25]). En 2017, en termes de rythme de construction, on comptait entre 3 et 4 millions de m²/an, avec des différences territoriales.

Comme ces chiffres en attestent, le déploiement des entrepôts XXL s’accélère, jusqu’à en faire le segment le plus dynamique du marché. Ce phénomène n’est pas spécifiquement français : le déploiement accéléré des entrepôts XXL peut être observé dans d’autres pays européens, notamment les Pays-Bas et l’Allemagne.

Les enjeux du recensement des entrepôts

Il faut noter que la connaissance précise du parc à chaque moment dans le temps n’est pas toujours aisée. L’identification des entrepôts est une procédure complexe. Les différentes sources (fichiers d’établissements, répertoires des observations économiques, fichiers des syndicats professionnels, permis de construire, déclarations au titre des installations classées et pages jaunes) présentant des biais, il est nécessaire de procéder à une analyse multidimensionnelle. Les cessations d’activité, délocalisations, difficultés de classification des chantiers, peuvent engendrer des incertitudes de recensement.

L’une des difficultés majeures à laquelle s’est heurtée la mission, qui concerne toutes les collectivités au moment de l’ouverture du foncier, est celle de la connaissance de l’usage ultérieur du site. La négociation pour l’autorisation entre la collectivité et l’investisseur immobilier présage peu de l’utilisation du site : personne ne sait, bien souvent, qui occupera les lieux, car le modèle locatif rend une telle connaissance a priori compliquée. Cela explique que les investisseurs demandent systématiquement des autorisations au titre d’un nombre très important de rubriques ICPE, bien au-delà de l’usage qui en est souvent tiré.

Selon les chercheurs interrogés par la mission au début de ses travaux, trois sources sont utilisées en priorité pour connaître le parc des entrepôts :

– l’enquête du service des données et des études statistiques (SDES) du ministère de la transition écologique sur les entrepôts de plus de 5 000 mètres carrés, de bonne qualité mais qui omet les entrepôts inférieurs à ce seuil ;

– la base Sit@del, que le ministère de la transition écologique compile à partir de l’ensemble des permis de construire ;

– l’utilisation des données d’utilisation des sols, fournies notamment par l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (Eumetsat).

La dernière enquête de qualité permettant de « quantifier » le déploiement de l’immobilier logistique date de 2015. Dans son « Atlas des entrepôts et des aires logistiques » ([26]) publié dans le cadre de la stratégie nationale « France Logistique 2025 » (voir section III.B de la première partie) le SDES identifie 4 432 entrepôts ou plateformes logistiques (EPL) de plus de 5 000 mètres carrés, dont un tiers était géré par des entreprises spécialisées dans le secteur du transport et de l’entreposage.

La plupart des EPL sont localisés dans ce que le SDES appelle des « aires logistiques », dont 387 « aires logistiques denses ». Les zones logistiques les plus denses étaient situées autour des métropoles de Paris, Lyon et Lille.

Un nouveau travail de recensement par le SDES est actuellement en cours. La mission s’est étonnée du déficit d’actualisation publique régulière à ce sujet et appelle, comme Afilog, à une augmentation des moyens consacrés au suivi de cette activité. En effet, l’association Afilog appelle à un renforcement des moyens humains et financiers du SDES pour un suivi pérenne des données logistiques, faisant valoir un déficit d’information, se traduisant par une demande de partage de données privées auprès de leurs adhérents à laquelle plusieurs ont répondu favorablement.

CARTOGRAPHIE DES SURFACES D’ENTREPÔTS DE PLUS DE 5 000 M² EN 2012

Source : SOeS du ministère de l’écologie, Cerema, 2012.

Le Cerema a communiqué à la mission son intention de lancer et conduire en 2024 une étude sur le foncier logistique : « en complément de l’étude réalisée par le SDES sur les entrepôts de plus de 10 000 m², et de l’étude de l’Afilog visant à identifier les entrepôts entre 5 000 m² et 10 000 m², le Cerema teste les méthodes pour identifier et caractériser les entrepôts de plus petite taille (< 5 000 m²), notamment ceux faisant partie du dernier maillon de la chaîne logistique ».

Pour conduire cette étude, le Cerema se basera sur des retours d’expériences d’autres démarches exploratoires (étude faite à Rennes, étude de la Fédération nationale des agences d’urbanisme [Fnau] sur Lyon, Strasbourg, Grenoble), des entretiens d’acteurs, mais aussi sur les possibilités d’exploitation des bases de données (Sirene ou données foncières de sources fiscales). Ces éléments de méthode devraient permettre, d’après le centre, d’identifier les entrepôts dans lesquels une mutualisation des stocks est possible et, par conséquent, une optimisation potentielle des flux.

Il faut aussi souligner que les collectivités et leurs établissements publics prennent parfois en charge des suivis locaux efficaces, dans le cadre notamment de leurs obligations de suivi des zones d’activités économiques, créées dans la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021. C’est le cas par exemple en Île-de-France, dans le Loir‑et‑Cher, en Normandie, ou en Auvergne-Rhône-Alpes (voir troisième partie).

Ces dynamiques sont particulièrement territorialisées. Ainsi, entre 2001 et 2009, le nombre total de mètres carrés d’entrepôts a crû en Île-de-France de 50 % ([27]). Les recherches de Laetitia Dablanc, rencontrée par la mission au début de ses travaux, montrent que cette tendance est commune aux métropoles du monde entier : ainsi, Atlanta et Los Angeles ont connu, sur la même période, un triplement des surfaces dévolues aux entrepôts.

Selon le chercheur René de Koster, interrogé par la mission, la tendance à l’augmentation de la taille des entrepôts existe, en Europe occidentale, depuis au moins trente ans, dans plusieurs filières « BtoB », au moins la grande distribution et le commerce de gros.

2.   Des causes multiples et bien identifiées par les acteurs

La croissance annuelle du parc des entrepôts et plateformes logistiques (EPL) se fait à un rythme supérieur à la croissance démographique et à la croissance économique. Ce différentiel est dû à une pluralité de facteurs sur lesquels ne s’accordent pas l’ensemble des spécialistes.

Il peut, selon le chercheur René de Koster, être relié à deux grandes séries de facteurs :

– des facteurs relevant du e-commerce aux particuliers (« BtoC ») : « Ces entrepôts doivent composer avec des délais de livraison courts et doivent donc être proches des consommateurs, ce qui mène à multiplier les implantations, comme le montre l’exemple de la croissance du nombre de centres Amazon ». Selon le chercheur, cette tendance est encore plus présente dans le secteur de la livraison alimentaire par commande en ligne, ces entrepôts devant être situés encore plus près des consommateurs, ce qui alimente une forte hausse de leur nombre :

– des facteurs relevant de la dépendance à la Chine comme principal producteur des marchandises pour certains secteurs, comme l’habillement : « Ces biens doivent être accumulés en larges quantités avant de pouvoir être distribués aux consommateurs, et les délais de livraison raccourcis encouragent la croissance du nombre de plateformes ». Les acteurs interrogés s’accordent généralement sur un constat partagé selon lequel l’internationalisation des chaînes d’approvisionnement a stimulé la croissance des entrepôts de grande taille.

Dans la mesure où cette corrélation entre mondialisation des supply chains et développement logistique constitue une donnée fondamentale du déploiement des entrepôts XXL, il est probable qu’une réindustrialisation réussie dans notre pays amène de nouveaux besoins, qualitativement différents, en matière de structures logistiques. À cet effet, et parce que la logistique est une filière si fortement liée au reste de l’économie, vos rapporteurs estiment qu’il serait pertinent de renforcer les capacités prospectives de la filière, à la fois en ce qui concerne la définition des stratégies nationales en matière de réindustrialisation, et celles en matière d’orientation logistique qui sont mentionnées plus loin dans le rapport.

a.   Pour être compétitif, l’optimisation par la massification

Comme l’a noté Afilog dans sa réponse à vos rapporteurs, « l’accélération du déploiement des “entrepôts XXL” est la conséquence de la recherche d’optimisation des acteurs. L’entrepôt est un outil d’optimisation par la massification : plus un entrepôt est grand, plus il optimise les flux, à condition que le volume des flux soit suffisant ». Plusieurs leviers d’optimisation existent dans ce cadre, qui peuvent revêtir un intérêt à la fois économique et écologique, dans la mesure où ils réduisent l’empreinte foncière et du nombre de déplacements de poids lourds, si toutefois ce déploiement ne se fait pas au prix d’un abandon des entrepôts vétustes et de la création de « friches logistiques ».

Selon René de Koster, les baisses de coûts logistiques qui résultent de la centralisation des entrepôts peuvent être « énormes ». Cette tendance peut se faire sans grande perte en qualité de service, du fait de réseaux de transport efficaces, et d’une accélération des connexions transfrontalières suscitées par l’intégration européenne.

Afilog confirme que ces équipements, qu’il s’agisse de mono-utilisateurs ou d’entrepôts divisibles, offrent « une optimisation des coûts de stockage, une amélioration de l’efficacité opérationnelle et une réponse plus rapide à la demande fluctuante », tout en présentant l’avantage de consommer moins d’espace, puisque « un grand entrepôt consomme moins d’espace que plusieurs petits ».

La Confédération des grossistes de France (CGF) insiste, pour expliquer l’agrandissement des produits immobiliers, sur la multiplicité et à la diversité croissantes des produits. Pour les grossistes, « l’ensemble des références doivent être stockées à tout moment, afin d’éviter la rupture et l’indisponibilité d’un produit appelé par un client ». Cette hausse du nombre de références stockées, qui concerne également, d’après leurs retours, les acteurs de la grande distribution, crée inexorablement un besoin supplémentaire en espace de stockage.

Les entrepôts XXL contribuent également à réduire les coûts de transport, en renforçant la centralisation des opérations et la gestion globale de la chaîne logistique.

Pour la Confédération des grossistes de France (CGF), « la tendance est au développement des entrepôts de grande taille, qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs : évolution de l’activité, élargissement des gammes de produits, fractionnement des commandes des clients associé à une augmentation des fréquences de livraison ; gains opérationnels liés à la massification : optimisation des coûts, simplification / optimisation des flux (approvisionnement, entreposage et transport) ; rapport entre coût du transport / coût du foncier / coût du stock ».

Comme l’explique à son tour Prologis, « différents facteurs favorisent la demande d’entrepôts de très grande taille, notamment la recherche d’optimisation des flux de marchandises. Cela repose en premier lieu sur la limitation du nombre de ruptures de charge, c’est-à-dire le nombre de fois où la marchandise est déchargée d’un véhicule puis rechargée dans un autre. De ce fait, les acteurs de la logistique sont en constante recherche de massification des flux. Cette massification consiste à mettre en place un canal de transit continu sur lequel un maximum de marchandises sera transporté d’un point A à un point B, en opposition à un éclatement des canaux de distribution ».

Selon les professionnels du secteur, qui y voient l’une des motivations principales d’une politique de restructuration de leurs chaînes d’approvisionnement, cette massification des flux devrait engendrer une réduction du nombre de kilomètres routiers parcourus. En effet, un même porteur de marchandises pourra assurer le transport d’un grand volume plutôt que de répartir lesdites marchandises dans une diversité de porteurs devant se rendre dans différents entrepôts de taille plus modeste. L’entrepôt de très grande taille répond à ce besoin car il se présente comme le réceptacle d’un flux massifié de marchandises. Cela permet, selon les mêmes acteurs, de rationaliser l’organisation du transport et des stocks mais aussi de réaliser des économies d’échelle sur l’ensemble de la chaîne logistique. C’est souvent cet argument qui pousse des prestataires logistiques à s’engager sur des grands sites. En 2022, ID Logistics fait ainsi construire à Loudéac (Côtes d’Armor) une plateforme de 48 000 m². Jung Logistique, prestataire de Heineken, s’est engagé sur la location d’une partie d’un entrepôt de 60 000 m² à Illies-Salomé, dans les Hauts-de-France.

Votre rapporteur Charles Fournier observe toutefois qu’une telle dynamique de massification, si elle peut certes réduire le nombre de kilomètres parcourus par tonne de marchandise, pourrait avoir un impact inflationniste sur les quantités transportées et donc aboutir au contraire à une amplification des flux. Il convient ainsi de ne pas négliger l’effet rebond sur la consommation d’une optimisation de la distribution et du gigantisme des entrepôts.

Il est important de préciser que le maillage efficace du territoire repose sur différentes typologies et tailles de bâtiments logistiques. Les entrepôts de très grande taille viennent compléter une offre en bâtiments plus modestes, notamment en zone urbaine, qui sont également indispensables à la chaîne logistique. Le regroupement d’entrepôts, singulièrement dans des hubs, permet la mutualisation des infrastructures nécessaires (routes, réseaux, équipements) et donc la réduction de l’impact foncier. Les travaux de vos rapporteurs ont toutefois montré qu’un tel maillage efficace ne peut résulter uniquement des stratégies individuelles des entreprises concernées. C’est une des raisons pour lesquelles s’impose l’adoption de stratégies régionales et nationale, dont il sera question plus loin, afin de rationaliser les comportements des acteurs individuels.

Une note de stratégie publiée en 2013 constate que la croissance de la vente de détail entraîne la consolidation et la centralisation des opérations dans un nombre réduit d’unités centrales plus grandes, approvisionnant une vaste région de l’arrière-pays de manière plus rentable que ne le permettraient les réseaux traditionnels ([28]). D’après cette étude, les avantages de la concentration qui sont le plus souvent mis en avant sont les suivants :

– les installations centralisées permettent aux fabricants d’avoir un contact direct plus important avec leurs clients ;

– l’importante croissance du phénomène de la livraison rapide encourage la tendance à la centralisation de la distribution en des points stratégiquement accessibles ;

– la centralisation permet de réduire les coûts des stocks et d’améliorer leur gestion. En effet, les entrepôts XXL permettent de stocker collectivement et efficacement les stocks, générant ainsi des économies d’échelle. La consolidation et la réduction des stocks permettent la centralisation des processus et des achats, contribuant ainsi à une réduction des coûts unitaires ;

– les détaillants voient les installations de distribution centralisées comme faisant partie de leur stratégie de big data pour améliorer la compréhension du comportement d’achat des clients.

Dans la grande distribution, notamment, l’entrepôt XXL constitue un puissant facteur de rationalisation, puisqu’un grand site permet d’optimiser les transports et de réduire globalement les stocks ([29]). Il est intéressant de noter à cet égard que l’ensemble des distributeurs, notamment Carrefour, E. Leclerc et Les Mousquetaires, ont tous mis en œuvre un plan afin de réorganiser le maillage logistique sur le territoire. En 2022, Intermarché s’est par exemple engagé sur un site de 63 000 m² dans le cadre d’une plateforme de 100 000 m² à Ablaincourt‑Pressoir, dans la Somme. Carrefour réalise à l’est de Caen un site de 76 000 m² qui remplacera l’ancien site de Carpiquet, et dont les travaux devraient démarrer courant 2023. Comme l’ont fait remarquer plusieurs acteurs rencontrés, toutefois, ces dynamiques de rationalisation demeurent, à ce jour, éparpillées entre les acteurs et donc peu efficaces d’un point de vue collectif, avec une tendance forte à l’abandon d’implantations logistiques sans réinvestissement suffisant (voir troisième partie).

Les kilomètres parcourus constituent un facteur particulièrement important dans la décision de restructurer. Conforama a en effet partagé, lors de la visite par la mission de son entrepôt de 177 000 mètres carrés à Tournan-en-Brie (Seine-et-Marne), que le choix de restructurer sa chaîne logistique, en passant au niveau national de huit plateformes à deux, procède d’une volonté de réduire le poste du transport en réduisant les distances aval parcourues. Les critères retenus ont donc été celui de la réduction du nombre de kilomètres à parcourir, la simplification de la circulation des marchandises au sein du groupe, la situation périurbaine pour assurer la proximité des grandes voies de transport routier et la proximité des zones de chalandise importantes, tout en assurant la disponibilité des produits pour les clients en magasin et les commandes effectuées par voie électronique.

Ces dynamiques sont favorisées par la divisibilité des espaces des entrepôts en cellules modulables, qui résulte du modèle locatif et de la dissociation entre distribution et logisticien, qui permet la mutualisation des besoins même entre concurrents. De telles mutualisations constituent, du point de vue écologique, des comportements à encourager. Ainsi, EOL souligne que les grands distributeurs, concurrents entre eux, vendent souvent les mêmes produits : « Comme pour le pooling ([30]), l’enjeu de mutualisation des stocks est essentiel. C’est sur ce principe que Carrefour et Système U, dans le domaine des produits surgelés, ont mutualisé leurs stocks et les livraisons dans le cadre de l’entrepôt Mutual Logistics d’Attignat, dans l’Ain. Créé à l’origine pour Carrefour sur une surface de 12 500 m², cet entrepôt a fait l’objet d’une extension de 8 500 m² afin d’accueillir Système U » ([31]).

b.   Des dynamiques d’externalisation qui ont permis des gains sectoriels

Selon l’Institut Paris Région, en France, dans les années 1970, les plateformes sont apparues concomitamment aux hyper et supermarchés, avec une externalisation progressive de la fonction logistique. 62 % des entreprises y avaient recours en 2002. En 2004, 85 % des envois émis en Île-de-France ont transité par une plate-forme. L’immobilier logistique est un secteur spécifique qui regroupe les entrepôts, locaux d’activité, centres de stockage et de tri et messageries. Les acteurs du secteur sont des sociétés civiles de placement immobilier, des sociétés civiles immobilières, des fonds d’investissement. Le secteur a connu une forte augmentation de son chiffre d’affaires notamment sur le segment XXL. Les acteurs sont variés, regroupant des foncières, des promoteurs, des promoteurs‑investisseurs.

Du côté de la promotion immobilière, le secteur des entrepôts en périphérie urbaine a été très rentable pendant de nombreuses années, comme en tombent d’accord les chercheurs interrogés par la mission. Les entrepôts sont standardisés, divisés en cellules (de 6 000 m² le plus souvent), ce qui peut faire que plusieurs locataires occupent ces entrepôts XXL. Il est notable qu’une partie de l’ancien parc est devenue obsolète au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), parc qui aurait dû être rénové mais qui a été abandonné et qui constitue désormais un gisement foncier pour les besoins logistiques à venir. Les dynamiques d’étalement urbain ont également partie liée avec le déploiement des infrastructures de transport : ainsi se dessine ce que les chercheurs appellent le « complexe logistique » (« logistics complexe »), qui réunit ces deux facteurs.

Outre l’immobilier, depuis les années 1970, ce sont les activités logistiques, initialement entreprises par les acteurs de la production euxmêmes, qui ont fait l’objet d’une externalisation croissante. Comme l’explique le Cerema, « un céréalier ou un industriel de la verrerie n’ont pas forcément, en interne, les compétences et les actifs nécessaires pour mettre en place une chaîne logistique optimisée à même de répondre à leurs besoins et à ceux de leurs clients ».

Dès les années 1980, le recours aux « intermédiaires de transport » s’était banalisé, comme l’analyse à l’époque le Centre de recherches d’économie des transports : « l’externalisation des prestations de distribution physique est devenue depuis quelques années un lieu commun. En effet la grande majorité des industriels s’est progressivement débarrassée de ses outils de transport (flotte de camions) et confie l’intégralité de cette activité à des prestataires. La raison en est simple : il est devenu aujourd’hui très complexe de gérer des trafics de plus en plus diffus et devant être traités en un minimum de temps. Les entreprises préfèrent donc confier cette tâche à des transporteurs capables de jouer sur les trafics de plusieurs industriels et de la sorte offrir une bonne qualité de service à des prix compétitifs » ([32]).

L’externalisation s’est donc focalisée dans un premier temps sur la fonction de transport à proprement parler, notamment avec le recours au cabotage routier permis par l’élargissement européen. La dynamique s’est poursuivie, concernant de plus en plus les plateformes elles-mêmes, toujours sur fond de gains massifs pour le mode routier dans le transport de marchandises (voir troisième partie) : « Le développement du groupage (réseaux " hubs and spokes ") a permis la réalisation d’économies d’échelle, les gros porteurs pouvant laisser la place à des véhicules plus légers pour la desserte terminale. (…) L’émergence de groupes de transport routier a permis d’offrir un service complet de transport. La très forte progression de la route en 1986 et 1987 a profité aux grandes entreprises routières » ([33]).

On voit en effet, à partir du transport, la tendance croissante des acteurs de se structurer en acteurs logistiques plus complets, comme le montre par exemple le parcours du Français Norbert Dentressangle SA. Comme l’explique une note de l’Observatoire économique et statistique des transports, « l’intégration des opérations de transport permet une amélioration des caractéristiques de la prestation (rapidité, fiabilité) et, théoriquement, un abaissement des coûts par la rationalisation des phases traditionnellement traitées par des intervenants différents. Se fondant sur leur expertise de la gestion des flux, les groupes de transport développent de plus en plus une offre logistique intégrée, incluant le stockage et la distribution » ([34]). Les auteurs proposent de nombreux exemples de trajectoires d’entreprises qui suivent ce schéma, même si la plupart d’entre eux nous parlent moins aujourd’hui : Danzas, Nedlloyd, P&O, etc.

La logistique contractuelle recouvre dès lors la partie de la logistique qui est externalisée et formalisée entre le client et son prestataire dans un contrat qui reprend notamment les moyens mis en œuvre et les objectifs à atteindre ([35]). On estime que les relations contractuelles à long terme, la logistique contractuelle, représentent 16 % de la logistique globale totale ([36]). On parle de prestation logistique ou logistique tierce partie (third-party logistics), souvent abréviée 3PL, pour désigner l’externalisation de la gestion de chaîne d’approvisionnement (supply chain management) d’une entreprise auprès de prestataires spécialisés qui offrent des solutions de logistique intégrée, comprenant stockage ou entreposage, transport, transbordement (cross-docking) et distribution.

Si la logistique contractuelle présente d’un côté l’avantage de permettre une mutualisation des flux et donc de favoriser a priori la rationalisation et la réduction des besoins en entrepôts, elle peut également être vue, de l’autre, comme contribuant aux évolutions fréquentes dans les logiques d’organisation logistique qui marquent le secteur. De ce point de vue, l’externalisation pourrait être corrélée à une augmentation des déménagements logistiques et donc de l’abandon des emprises, possibilité qui demande toutefois à être étayée par une observation plus poussée. La logistique contractuelle a également des effets sur les emplois, leur durabilité et leur qualité. Les « déménagements logistiques » peuvent entraîner des changements très conséquents pour les salariés quant aux distances domicile-travail; s’ajoutant à la pénibilité des emplois et renforçant les difficultés de recrutement.

Plus précisément, on parle de « compte propre » lorsque l’ensemble de la chaîne logistique est assuré par le chargeur, et de « compte d’autrui » lorsque la prestation est vendue par un professionnel de la logistique au chargeur. La soustraitance peut être appliquée à différents degrés selon la situation ([37]) :

– le transport ;

– le transport et l’entreposage, dont la gestion des entrepôts ;

– la réalisation des opérations logistiques et la mise en place des outils, compétences et systèmes nécessaires, avec l’objectif d’améliorer la performance (réalisation de tâches de plus en plus variées confiées à un spécialiste) ;

– lorsque l’externalisation est poussée au maximum, le prestataire logistique n’a plus en charge la distribution d’un produit sur une région donnée, mais l’optimisation d’une chaîne intégrant son client, les clients du client et les fournisseurs.

Selon le degré d’externalisation, les prestataires peuvent être désignés différemment : le compte propre (1PL) ; les prestataires 2PL, qui sont les opérateurs de transport, transporteurs ou transitaires ; les prestataires 3PL, qui réalisent en propre certaines prestations comme le transport ou l’entreposage ; et les prestataires 4PL (« fourth party logistics providers »), qui coordonnent l’ensemble de l’activité logistique en la confiant à des sous-traitants.

Le marché de la logistique contractuelle comprend donc un champ large de prestations des activités de gestion de stocks en entrepôts, des prestations afférentes (conditionnement, emballage, opérations de fin de production, etc.) et la gestion des flux liée à ces stocks, notamment le transport. Compte tenu de l’intégration plus ou moins forte selon les pays entre les activités de transport et les activités de logistique contractuelle, et le nombre limité d’étude « spécifique » sur le marché mondial de la logistique contractuelle, il peut être difficile d’appréhender précisément la taille du marché.

Sur le fondement de sa présence à l’international et des publications de ses concurrents, et à l’aide de statistiques de Transport Intelligence, ID Logistics, le leader français, estime le marché mondial de la logistique contractuelle à environ 254 milliards d’euros (Md€) en 2022, en hausse de 7,1 % par rapport à 2021, année qui avait déjà enregistré une hausse de 8,7 % en sortie de crise sanitaire. Au-delà des variations exceptionnelles dues à la crise sanitaire de 2020 et 2021, ID Logistics souligne qu’il s’agit d’un marché globalement en croissance, au rythme de l’inflation et de la croissance de produit intérieur brut des différents marchés locaux, auquel s’ajoute un surplus de croissance lié à la « tendance à l’externalisation de plus en plus forte de la part des clients », encore forte aujourd’hui.

Les études de marché réalisées par Arthur Lloyd Logistique confirment que le marché des prestataires logistiques continue de croître. En France, les prises de surfaces des logisticiens ont progressé de manière continue depuis trois ans et ont connu un record d’activité au premier trimestre 2023, avec plus de 500 000 mètres carrés acquis ou pris à bail, représentant ainsi 61 % de la demande placée totale. « Dans un contexte d’incertitudes fortes pour les chargeurs, le recours à des prestataires – par le biais de contrats courts – leur permet de garder une certaine flexibilité quant à leur politique immobilière » analyse cet acteur immobilier spécialiste du segment ([38]) .

Selon ID Logistics, au niveau mondial, le marché est particulièrement fragmenté, les cinq premiers acteurs mondiaux ne cumulant qu’environ 14 % de parts de marché. Une telle fragmentation indique a priori un niveau de concurrence très élevé, qui pourrait expliquer, au moins en partie, les problématiques de conditions de travail rencontrées dans la filière (voir deuxième partie).

Parts des premiers acteurs du marchÉ logistique (Monde, 2021)

Source : ID Logistics, op. cit., donnée Transport Intelligence.

Le recours à des prestataires logistiques est loin de constituer la règle. De nombreux acteurs rencontrés par la mission préfèrent disposer de leur propre prestataire logistique au sein de leur entreprise, constituant donc un acteur spécialisé dans la gestion de flux en régie.

Les entreprises de la grande distribution sont fréquemment dans ce cas. C’est par exemple le cas de Monoprix (groupe Casino), qui, dès 1955, a créé en son sein la Société auxiliaire de manutention accélérée de denrées alimentaires (Samada), dont la mission a visité l’entrepôt de Moissy-Cramayel (Seine-et-Marne). Aujourd’hui, Samada réceptionne, stocke, prépare et réexpédie l’ensemble des produits alimentaires et non alimentaires de ses clients, qui comptent l’ensemble des différentes enseignes de Monoprix (notamment Monoprix, monop’, monop’daily et monoprix.fr) ainsi que Naturalia. Samada a expliqué à la mission avoir choisi une répartition géographique en quatre grands pôles logistiques et cinq plateformes satellites : Arras, Bercy, Combs-la-Ville, Garonor à Aulnay-sous-Bois, Garosud à Wissous (53 000 m²), Lieusaint, Nancy, Neuville-sur-Saône, Tours, Bordeaux, Clésud à Grans.

C’est aussi souvent le cas d’entreprises dont la vocation même est d’être un intermédiaire de marché, à l’instar de JJA, dont le logisticien Easy Logistique est une filiale, et dont la mission a visité l’entrepôt des « Bornes du temps » à Argœuves (Somme). Entreprise fondée pour vendre de la décoration de maison en ville, se faisant l’intermédiaire entre les fabricants et les consommateurs, la gestion des entrepôts et des flux constituent une extension naturelle de son métier, comme l’expliquent ses dirigeants à la mission.

Un certain nombre d’acteurs interrogés souhaitent garder en direct la gestion de certains entrepôts : comme le fait valoir Leroy Merlin dans sa réponse à vos rapporteurs, la société souhaite conserver à la fois la régie et le recours au prestataire « pour conserver une agilité via nos prestataires, rendre notre réseau plus résilient, et aussi pour pouvoir se benchmarker ». Vos rapporteurs considèrent que ce modèle est intéressant dans la mesure où il promeut la résilience de la chaîne d’approvisionnement du groupe ; en revanche une telle priorisation de l’organisation en régie s’oppose aux gains qui peuvent résulter de la mutualisation, précédemment exposée.

D’autres groupes préfèrent assurer un contrôle encore plus certain : ainsi, pour Système U, « nous internalisons la construction de nos entrepôts, car cela nous permet la maîtrise financière, la maîtrise administrative (ICPE), la maîtrise environnementale et la maîtrise du planning des projets de construction ». Le groupe explique ainsi que la gestion interne permet de meilleurs parcours d’entreprise : « nous gérons également en propre les entrepôts, car cela nous permet de donner du sens, de fidéliser nos salariés, d’être productif, de maîtriser la qualité de service et de favoriser l’ascenseur social (90 % des contrats en CDI) ».

Comme il arrive souvent dans les marchés en cours de structuration et de professionnalisation, la logistique contractuelle connaît un fort mouvement de concentration et de consolidation depuis une dizaine d’années, ce qui permet aux acteurs de marché de proposer une gamme plus large de services, et d’accompagner les clients dans leur développement international. Le tableau des fusions-acquisitions opérées au cours des dix dernières années sur le marché, publié par ID Logistics, illustre cette tendance. Les logisticiens spécialistes se regroupent en grands groupes capables d’organiser des chaînes d’approvisionnement à l’international et de rechercher des gains d’échelle au niveau mondial.

 


—  1  —

 

Les dix premiers acteurs du marchÉ français de la logistique contractuelle (source : SUPPLY CHAIN MAGAZINE 2022, RETRAITÉ)

Rang

Nom

CA log M€ FR 2021

Entrepôts France et mètres carrés

Sites mécanisés/ automatisés

Secteurs dominants

Emplois logistiques France

Principales références client

Actionnariat

Date de fondation

CA total monde

1

ID Logistics

775,9

106 (2,5 M m²: IDF, HDF, PACA, ARA)

Oui (~ 30 % des sites)

Grande distribution (alimentaire et non alimentaire), e-commerce, parfums et cosmétiques, agroalimentaire, textile, PGC.

6 000 ETP

Carrefour ; Danone ; Auchan ; LVMH ; Nespresso

Société cotée NYSE Euronext

2001

1,5 Md

2

Geodis

680

42 (sites en propre et in situ) (1 m m²

NC

FMCG, distribution, e-commerce, automobile, santé.

3 067 ETP

PSA ; Auchan ; Amazon ; Leoni ; Arrow

Groupe SNCF

1995

8,2 Md

3

GXO Logistics https://disabilityin.org/wp-content/uploads/2022/05/GXO-featured-image.png

640

~80

Oui (12 dont 4 totalement)

E-commerce, grande distribution, bricolage, PGC, agroalimentaire, température dirigée, produits pharmaceutiques, vins & spiriteux, textile.

NC

NC

NC

NC

NC

4

Stef

617

90 (6 M mètres cubes)

Oui (4)

Température dirigée, agroalimentaire, boissons, e-commerce, distribution spécialisée, produits pharmaceutiques, vins & spiritueux.

13 600 ETP (dont transport)

NC

Management et salariés 70 %

1920

3,5 Md

5

FM Logistic

NC

30 (1,4 M m²)

Oui

Agroalimentaire, grande distribution, distribution spécialisée, parfums/cosmétique, industrie.

6 300 ETP

Mondelez ; Unilever ; Carrefour ; Colgate

Familles Faure & Machet

1967

1,4 Md (est)

6

Kuehne + Nagel

510

50 (1,5 M m²)

Oui

E-commerce, PGC/grande distribution, logistique industrielle in situ.

6 000 ETP

NC

Société cotée Zurich

1890

21 Md

7

Daher

600 monde

103 (0,7 M m²)

Oui (3)

Industrie (aéronautique, nucléaire, énergie), logistique industrielle in situ, pièces détachées.

7 000 ETP

Airbus ; Dassault Aviation; Safran ; EDF ; ArianeGroup; Renault

CoreDaher
BpiFrance

1863

1,2 Md

8

C-Logistics

392

12

Oui (4)

E-commerce, high-tech, textile, luxe, vins & spiritueux.

NC

NC

NC

NC

NC

9

Viapost

550 total

32 (+ 49 in situ) (0,5 M m²)

Oui (85 % des sites)

Logistique industrielle in situ, grande distribution alimentaire et spécialisée, textile, e-commerce, high-tech.

2 500 ETP

Colissimo, Chronopost ; DHL, Leroy Merlin.

La Poste

NC

0,5 Md

10

Rhenus Logistics

350

30 (0,5 M m²)

Oui (4)

Produits pharmaceutiques et équipements médicaux, équipements industriels, chimie, e-commerce, retail.

1 500 ETP

NC

Rethmann

1912

7 Md

 


—  1  —

 

c.   Le décollage du commerce électronique et de la vente à distance

L’essor du commerce électronique est souvent perçu, dans l’imaginaire collectif, comme le premier facteur de multiplication des entrepôts XXL. On peut même dire, comme l’ont fait remarquer plusieurs personnes auditionnées par la mission, que l’entrepôt de distribution lui-même est perçu, de manière abusive, comme étant le fait exclusif du e-commerce, et d’Amazon en particulier.

Bien que la section précédente ait montré que d’autres facteurs transversaux ont joué un rôle, les acteurs entendus s’accordent toutefois à voir dans l’essor du commerce électronique dans les années 2010 l’un des principaux facteurs de cette dynamique positive. Le commerce électronique repose en effet sur un modèle particulièrement dépendant des entrepôts. Prologis a ainsi expliqué que le ecommerce nécessite trois fois plus de surface que la vente en magasin.

La vente à distance ne concerne pas uniquement les acteurs du commerce électronique. La Fédération du commerce et de la distribution (FCD), auditionnée par la mission, a expliqué qu’elle constitue une tendance bien implantée, dans le secteur non alimentaire plus particulièrement (plus de 20 % dans le textile-habillement, 34 % dans le high-tech, 22 % dans l’électroménager). La part des ventes internet de produits est estimée à 12,5 % du commerce de détail, soit, de 2019 à 2022, un gain de parts de marché estimé à 0,8 point par an. En dépit d’un léger recul en 2022 dans les produits hors produits de grande consommation, l’activité reste globalement supérieure de 33 % au niveau d’avant la crise sanitaire. Le commerce électronique représente en 2022 un chiffre d’affaires de 147 milliards d’euros, dont 42 % sur la vente de produits.

Cette transformation exerce un impact considérable sur les chaînes logistiques, avec la gestion de la livraison à domicile, en point de vente ou en point relais, avec une logistique spécifique « du dernier kilomètre » et des problématiques relatives au retour des produits. Selon les distributeurs, les retours de produits en France provenant des sites web représentent ainsi en moyenne 20 à 30 % des achats, contre 8 % de ceux effectués en magasins, occasionnant des besoins de stockage supplémentaires.

Une note de l’institut Terra Nova établit un lien direct entre le e-commerce et l’explosion de l’immobilier logistique : « La croissance du e-commerce engendre des flux toujours plus importants et contribue à la très forte augmentation de l’immobilier logistique, notamment en périphérie des villes » ([39]).

De ce point de vue, certains des excès du secteur sont liés au développement de comportements au coût environnemental très élevé. Le facteur le plus régulièrement mis en cause au cours des travaux de la mission, et ceci même par les acteurs du secteur représentés par exemple par France Supply Chain (FSC), était lié au déploiement massif de la livraison en 24 heures, qui s’est nettement répandue dans les dix dernières années, même là où aucune urgence ne le justifie. Comme le rapporte l’Institut Paris Région (IPR), « le " bon moment " a pris une nouvelle dimension. La course au temps prend de plus en plus d’ampleur dans les décisions des clients, en particulier des consommateurs. Les services de livraison express (same day delivery, H +) transforment la géographie logistique, sa morphologie et ses process ».

Ces pratiques suscitent une surproduction d’entrepôts afin de réduire les distances et donc les temps de livraison aval. Elle a aussi pour effet de favoriser une sous-optimisation des flux de transport, par l’utilisation fréquente de camions peu remplis.

Proposition n° 1 : Renforcer l’encadrement des pratiques de livraison au consommateur final en 24 heures, avec la mise en œuvre de dérogations spécifiques pour les médicaments et autres biens de première nécessité.

L’enchaÎnement de plateformes pour alimenter l’Île-de-France : schÉma de principe pour un distributeur, en 2014

Source: Institut Paris Région, 2018.

C.   L’implantation des entrepÔts xxl emporte des consÉquences fortes sur l’amÉnagement des territoires

1.   Des projets dont l’implantation territoriale est de plus en plus contestée

a.   La création d’une filière de l’immobilier logistique

La tendance à la « financiarisation du secteur de l’immobilier logistique », décrite par Nicolas Raimbault, est confirmée par l’émergence de firmes spécialisées dans le placement logistique international, qui sont à la fois des promoteurs, des investisseurs et des gestionnaires de portefeuille immobilier ([40]).

Le chercheur Markus Hesse a notamment rendu compte, dans ses travaux, de l’émergence de grandes firmes internationales, le plus souvent à la fois des promoteurs et des investisseurs immobiliers, spécialisées dans l’immobilier logistique, ce qui permet d’évoquer un « capitalisme des lieux logistiques », qui serait caractérisé à la fois par la globalisation, l’intégration verticale et la concentration ([41]).

Cette dynamique a ouvert aux acteurs immobiliers un pouvoir d’allocation des espaces logistiques, qu’ils peuvent faire valoir à la fois vis-à-vis des utilisateurs et des pouvoirs publics. Celui-ci aurait gagné un pouvoir d’allocation des espaces logistiques tant vis-à-vis des utilisateurs d’entrepôts que des collectivités locales et autres autorités en matière d’urbanisme. D’autres études mettent toutefois en balance des observations différentes, tenant au caractère particulièrement atomisé du marché français et au poids particuliers des décisions politiques sur l’implantation des entrepôts ([42]).

Le marché de l’immobilier logistique comprend les activités de développement et de gestion patrimoniale et technique d’entrepôts. Il intègre en particulier les investisseurs, promoteurs, contractants généraux et sociétés de services (property management, conseil, transaction…) intervenant dans le domaine de la logistique. Selon une étude récente menée par le cabinet Xerfi, il s’agit d’un marché qui concerne aujourd’hui environ 100 millions de mètres carrés, après une croissance rapide au cours des dernières années, en raison, selon cet analyste, du développement du e-commerce et de l’importance accrue de la fonction logistique dans la distribution et l’industrie ([43]).

Globalement, le marché comprend cinq types d’acteurs : investisseurs‑gestionnaires, gestionnaires d’actifs et fonds d’investissement, promoteurs-contractants et sociétés de conseil (voir tableau ci-après).

La recherche académique sur les tendances fortes dans l’immobilier logistique

Accompagnant le mouvement de structuration de l’immobilier logistique, dans le cadre de la recherche académique, de nombreux chercheurs travaillent depuis longtemps sur les entrepôts, les innovations en matière d’immobilier logistique, les structures de localisation et leurs effets à la fois sur les services logistiques, l’organisation économique des territoires, l’environnement et plus globalement la ville ([44]).

Plusieurs études récentes ont analysé la localisation des entrepôts dans les zones métropolitaines et l’évolution dans le temps de cette localisation. Ces études ont démontré un déplacement de la localisation des entrepôts et des installations logistiques vers les zones périurbaines (Bowen, 2008 ; Allen et Browne, 2010 ; Cidell, 2010 ; Heitz et Dablanc, 2015 ; Giuliano et al., 2016 ; Heitz, Dablanc et Tavasszy, 2017 ; Kang, 2020).

La dynamique de localisation des entrepôts logistiques repose sur plusieurs critères et sur une structure complexe des coûts de la chaîne logistique (transport, accessibilité, activités de distribution, structure de l’économie régionale, équipement des entrepôts, foncier et immobilier, organisation des flux logistiques et du dernier kilomètre, etc.) (Dablanc et Rakotonarivo, 2010).

Cet étalement logistique, déjà mentionné plus haut, peut être défini comme « la tendance des entrepôts à se déplacer des zones urbaines vers les zones suburbaines et exurbaines » (Dablanc et Ross, 2012) et a été identifié par la recherche dans toutes les études de cas considérées (Cidell, 2010 ; Dablanc et Ross, 2012 ; Dablanc et al., 2014 ; Heitz et Dablanc, 2015). Plusieurs travaux cherchent à comprendre les caractéristiques et les déterminants de la localisation des installations logistiques :

– la possibilité d’accéder à des parcelles vacantes plus grandes et moins chères dans les zones périphériques et à proximité des réseaux autoroutiers et des aéroports (Allen et Browne, 2010 ; Dablanc et Ross, 2012) ;

– la croissance de l’industrie de la logistique, alimentée par la mondialisation et les nouvelles dynamiques de production et de distribution (Andreoli et al., 2010 ; Sakai et al., 2020 ; Kang, 2020) ;

– les coûts de transport bien qu’ils soient devenus moins déterminants depuis une trentaine d’années. La répartition spatiale des entrepôts logistiques ne dépend que marginalement des coûts de transport (Glaeser et Kohlhase, 2004 ; Dablanc et Ross, 2012) leur offrant une « flexibilité de localisation accrue » (Rodrigue, 2004) ;

– la transformation du secteur de l’immobilier logistique, de plus en plus dominé par des firmes globales dont les activités s’organisent autour de réseaux de distribution multi-scalaires (Hesse, 2004) ;

– les coûts fonciers et immobiliers, qui favorisent le plus souvent la localisation des entrepôts en périphérie des grandes villes (Oliveira, Dablanc et Schorung, 2022) ;

– les conditions sociales et salariales pouvant jouer un rôle dans la localisation des entrepôts, telles que la disponibilité d’une main-d’œuvre nombreuse et bon marché et le différentiel en termes de coût du travail, comme dans le cas de l’Inland Empire en Californie du Sud (De Lara, 2013).

 

 


—  1  —

 

principaux acteurs de l’immobilier logistique en France (donnÉes supply chain magazine, 2020)

 

Société

Pays

Effectif immobilier logistique France

Métiers

 

Investisseur

Promoteur / développeur

Gestionnaire de parcs

Contractant général

Conseil Immo (implantation / commercialisation)

Conseil intralogistique / SCM

Bureau d’études / ingénierie

Principales références clients en logistique France

ACONSTRUCT

FRA

17

 

X

 

X

 

X

X

ONDULYS – cellule de stockage autoportant High Bay de 25.000 palettes à Saint-Quentin (02) – 37 m hauteur ; ARDO -centre de distribution frigorifique grande hauteur de 6.000 m² - 33 m de hauteur à Gourin (56) ; UNILIN – Extension de stockage de 18.000 m² à Bazeilles (08) ; MLOG - Extension d’un entrepôt logistique de 5.900 m² à Denain (59) ; Mc CAIN – EPL grande hauteur de 75.000 palettes à Harnes – 10.600 m² et en low bay de 4.300 m² (62) ; DUNFROST – Extension du site de Loon-Plage (59) – 5.400 m² à température contrôlée – 19 m de hauteur

ALSEI

FRA

1

 

X

X

X

 

 

X

STOCKESPACE Le Havre - Parc Logistique du Pont de Normandie - 140 000 m²;  TNT EXPRESS - Marly La ville – 13 380 m² de messagerie ; Parc du Pays de Thelle - Chambly/Belle Eglise - 160 000 m² en cours de développement ; TIP TRAILER - Vémars – 1 155 m² ; SOFEDIS (Groupe CM – CIC) – Carquefou – 4 900 m²

APRC

FRA

56

 

X

 

X

X

X

X

DISTRIMAG – 160.000 m² - Saint-Martin de Crau (13) ; BARJANE – 69.800 m² - Belleville-sur-Saône (69) ;
GOODMAN – 61.450 m² - Lauwin-Planque (59) ; PROLOGIS – 52.900 m² - Presles-en-Brie (77) ;
ITM – 70.000 m² - Neuillac (56) ; KATOEN NATIE – 70.000 m² à Saint-Martin-de-Crau (13)

AREFIM

FRA

7

X

X

X

 

 

 

 

XPO LOGISTICS – 40 000 m2 – Artenay (45) ; DIOR – 20 000 m2 – Orléans (45) ; XPO LOGISTICS – 16 000 m2 – Reims (51) ; DACHSER – 18 000 m2 – Reims (51) ; GEODIS – 11 000 m2 – Metz (57)

ARGAN

FRA

20

X

X

 

 

 

 

 

Wissous SAMADA 53.000 m²; Valenciennes DÉCATHLON 75.000 m²; Roye L’ORÉAL 51.000 m² ;
Longueil Ste Marie FM LOGISTIC 94.000 m² ; Trappes AUCHAN 52.000 m²

ARTHUR LOYD Logistique

FRA

12

 

 

 

 

X

 

 

SAMADA (Groupe MONOPRIX) : 53 000 m² à Wissous ; ALINÉA : 72 000 m² à Nanteuil-le-Haudouin;
LAPEYRE : 73 800 m² à Mer ; AUCHAN INTERNATIONAL : 33 000 m² à Lyon ; KUEHNE & NAGEL : 24 000 m² à Emerainville

BARJANE

FRA

40

X

X

X

 

 

 

 

CARREFOUR : EPL frigorifique de 25 000m² sur le Parc saint Charles à Fuveau (13) et EPL de 43 000 m² sur le Parc des Bréguières aux Arcs sur Argens (83) ; DAHER : EPL 46 000 m²pour AIRBUS HELICOPTERS à Marignane (13) et bâtiment de 18 000 m² pour la logistique de DASSAULT AVIATION sur le Parc AéroliansParis à Tremblay‑en‑France (93) ; BIOCOOP : EPL frigorifiques de 28 000 m²  à Noves (13) et Ollainville (91) ; AUCHAN : centre de distribution de 52 000 m² à Serris (77) ; TNT FEDEX : messagerie de 18 000 m² T9, AéroliansParis, Tremblay-en-France (93)

BEG Ingénierie

FRA

17

 

X

 

X

 

 

X

INTERMARCHE Erbrée (35) 95.000 m² (1ère plateforme automatisée pour le groupe Intermarché avec EGHA)
JJA Argoeuves (80) 110.000 m² ; LECLERC SCAPALSACE Niederhergheim (68) 32.000 m² (1ère plateforme automatisée pour Leclerc avec EGHA) ; LECLERC SCAPARTOIS Arras (62) 30.000 m² (plateforme automatisée en site existant + 2 EGHA) ; SOFADE Réau (77) 170.000 m² (2 bâtiments)

BNP PARIBAS Real Estate

FRA

40

 

 

X

 

X

X

 

METRO CASH AND CARRY : 57.000m² clés en mains à Mitry-Mory ; IRIS OHYAMA: 65.000m² clés en mains à Lieusaint ; LEROY MERLIN : 42.000m² à Combs la Ville ; DDS : 23.000m² à St-Quentin Fallavier ; LA FOIRE FOUILLE : 18.000m² à Dourges

CBRE

USA

70

 

 

 

 

X

X

 

KUEHNE & NAGEL ; CONFORAMA ; IKEA ; DANONE ; GEODIS

COLLIERS International

CAN

4

 

 

 

 

X

 

 

LEAR CORPORATION : 8 300 m2, à Herblay (95) ; NEWREST GROUP INTERNATIONAL : 7 600 m2, à Compans (77) ; CUBYN : 5 900 m2, Gennevilliers (92)

CONCERTO Développement

 

 

 

X

 

 

 

X

 

LAPEYRE (ST-GOBAIN) – Mer (41) – 74 000 m² ; EASYDIS (CASINO) – Montbartier (82) – 71 000 m² ;
PETIT BATEAU – Buchères (10) – 44 000 m² ; SUNCLEAR – Ferrières en Brie (77) – 21 000 m² ;
LACOSTE – Buchères (10) – 19 000 m²

DENTRESSANGLE Immobilier Logistique**

FRA

5

X

X

X

 

 

 

 

Europe, 320,000 m2, XPO LOGISTICS ; France, Réau (77), 41 000 m2, AUTODISTRIBUTION ; France, Réau (77), 44 000 m2, TRANSALLIANCE **DENTRESSANGLE IMMOBILIER a repris une partie du parc logistique de l’ex-NORBERT DENTRESSANGLE SA (fusionné dans XPO LOGISTICS en 2015).

ELCIMAÏ Engineering

FRA

35

X

X

 

X

 

X

X

LA POSTE 26 000m2 Paris Région ; SEMMARIS 116 000 m² ZAC des Bornes du Temps II Amiens Saint-Sauveur

EOL

FRA

 

 

 

 

 

X

 

X

CARREFOUR (80 128 m², à Allonnes dans la Sarthe) ; CARREFOUR - Aulnay – 60 0000 m2 ; CMP – Amblainville – 55 000 m2 ; HABITAT – Amblainville – 80 000 m2 ; SONEPAR (30 000 m², à Saint-Vulbas dans l’Ain) ; FRANCE BOISSONS - Bonneuil-sur-Marne – 17 574 m²

ETYO (ex-BATYOM)

FRA

30

 

 

 

 

X

X

 

AMO pour INVESCO - Arras (62) - 120 000 m2 pour Orlo ; pour MOUNTPARK - Meug (45) - 180 000 m2 ; pour INTERMARCHE - Saint Quentin Fallavier (38) - 78 500 m2 ; pour MANUTAN - extension du site de Gonesse (95) ; pour AUTO-DISTRIBUTION - Réau (77) - 36 000 m2

GLP (ex-GAZELEY)

SING

15

X

X

 

 

 

 

 

Tournan-en-Brie – 180,000 m² - CONFORAMA ; Dammartin-en-Goële – 24,000 m² - ADVEO ; Combs-la Ville – 40,000 m² - WHIRLPOOL ; Arras – 25,000 m² - NORAUTO ; Saint-Martin-de-Crau – 40,000 m² - KATOEN NATIE

GEMFI (Gicram Groupe)

FRA

20

 

 

 

 

 

 

 

CARREFOUR : Cestas - Bordeaux (33) – Plateforme cross-dock froid positif 19 800 m²  (2018) ; Entrepôt 56 500 m² (2014) ; MAISONS DU MONDE Saint-Martin-de-Crau - Marseille (13) – 195 000 m² au total dont 1 plateforme XXL 99 618 m² en 2016 - Investisseur AEW ; CASTORAMA : Saint-Martin-de-Crau (13) – Plateforme logistique 110 500 m² - Investisseur AG – Utilisateur ; COFEL-EPEDA : Criquebeuf-sur-Seine - Rouen (27) – Unité industrielle (stockage et fabrication) 37 700 m² ; BOLLORÉ LOGISTICS Hub logistique Roissy (95) –39 400 m²

GOODMAN

AUS

20

X

X

 

 

 

 

 

AMAZON ; CDISCOUNT ; CARREFOUR

GSE

FRA

150*

 

 

 

X

 

 

 

LES MOUSQUETAIRES, E. LECLERC, GOODMAN, VAILOG, ADP, POMONA, CONCERTO, ARGAN

Groupe IDEC

FRA

100*

X

X

 

X

 

 

X

CONFORAMA – Tournan-en-Brie – 200 000 m² ; SAMADA – Wissous – 53 000 m² ;
XPO LOGISTICS – Fos-sur-Mer – 43 000 m² ; OCP – Baule – 48 000 m² ; INTERMARCHE – Bourges – 70 000 m²

JBD Expertise

FRA

7

 

X

 

 

X

 

X

CARREFOUR : 160 000 m² en 3 entrepôts ; DHL : 1 mega-hub aéroportuaire mécanisé à Roissy CDG ; AUCHAN : 5 entrepôts en régions dont 3 réfrigérés ; STOKOMANI : 160 000 m² dans l’Oise

JLL

USA

40

X

 

 

 

X

X

X

Prise à bail d’un entrepôt XXL de 80 000 m² à Moissy-Cramayel (77), pour le compte de CDISCOUNT et PROLOGIS en 2018 ; Prise à bail d’un entrepôt de 44 000 m² à Fleury Merogis, pour le compte de MONOPRIX en 2018. Préloué le projet en développement du groupe IDEC de 54 000 m² à Fos-sur-Mer à XPO LOGISTICS en 2018.Accompagnement de C-Log pour la prise à bail d’un site à Vatry de 19 000 m² pour la logistique des retours de SMCP en 2018 ; JLL a accompagné la société YNSECT SAS qui est spécialisée dans la production de protéines à base de larves dans la recherche de foncier, la construction et le financement de la plus grande ferme d’élevage au monde en 2018 ; Prise à bail d’un entrepôt frigorifique en région lyonnaise de 14 500 m² par STEF TFE

JMG Partners

FRA

7

X

X

 

 

 

 

 

Pusignan, 35.000 m² TEREVA

LEGOUPIL Industrie

FRA

 

 

 

 

 

 

 

 

GROUPE CHÂTEL – Cormelles le Royal (14) – 6000m² ; TRANSPORTS JOURDAN ET SOLUTIONS – St Hilaire du Harcouët (50) – 7535m² ; TRANSPORTS NICOLLE – Ifs (14) – 2500m² ; GEFCO – Oyonnax (01) – 1040m²

LOGICOR

CHINE

20

 

 

 

 

 

 

 

NC

MONTEA

BEL

20*

X

X

 

 

 

 

 

XPO Lille et Lyon ; DHL Lille ; FEDEX Paris ; CHRONOPOST Lyon ; OFFICE DEPOT Marseille

MOUNTPARK

 

3

X

X

 

 

 

 

 

Meung-sur-Loire 2019 : 2 bâtiments de 100.000 et 80.000m2
Europe : AMAZON (Bardon (UK): 100.000m2, SERED (Slovaquie): 60.000m2), XPO, TESCO, WHIRLPOOL, KRAFT

OPENBOX Co Design&Build

FRA

8

 

 

 

X

 

 

 

STEF – GROUPE BBL – DCB LOGISTICS – GROUPE MANUTAN – DÉGUISETOI.FR – AEW – GLD

P3 Logistic Parks

RTC

7

X

X

X

 

 

 

 

ORCHESTRA à Montpellier ; INGRAM MICRO à Lomme ; KUEHNE & NAGEL à Lagny le Sec ; SODAIC LOGISTIC à Bondoufle ; SKIPPER LOGISTIQUE à Le Pouzin ; ID LOGISTIC à Eragny

PARCOLOG G. - PRIMELOG

 

10

X

X

X

 

 

 

 

BOULANGER (Hénin Beaumont 80.000m²), CARREFOUR (90.000m² Saint Vulbas, Aire sur la Lys), CSP (90.000m²), GEODIS (85.000m² Brétigny, Hénin Beaumont), RHENUS (46.000m² L’Isle d’Abeau)

PROLOGIS

USA

45

X

X

X

 

 

 

 

GEODIS : 170 800 m² d’entrepôts basés à Evry-Lisses, Isle d’Abeau, Douvrin, GROUPE LA POSTE : 140 000 m² à Moissy-Cramayel, Roissy, Gonesse, Douvrin, CDISCOUNT : 80 000 m² basés à Moissy-Cramayel, CULTURA : 56 000 m² à Moissy-Cramayel, ITM : 143 600 m² basés à Grans-Miramas, Evry Lisses et Moissy-Cramayel

QUARTUS Logistique

FRA

47

X

X

 

X

 

 

X

INTERMARCHÉ – 70 000m² - St Quentin Fallaviers ; UPS : 33 000 m² - Evry ; AMAZON – 107 000 m² - Boves ;
GAZELEY – 24 000 m² - Dammartin ; E. LECLERC – 80 000 m² - Castelnaudary

SEGRO

UK

30

X

X

X

 

 

 

 

Carrefour – SEGRO Logistics Park Aulnay ; Metro France – SEGRO Logistics Centre Mitry-Mory
XPO Logistics – SEGRO Logistics Centre Bondoufle ; La Poste – SEGRO Logistics Park Garonor ;
IKEA – Paris Air² Logistique Gennevilliers

SOGARIS

FRA

64

X

X

X

 

 

 

 

CHRONOPOST (Rungis) ; DANONE (Rungis) ; DPD (Chapelle International) ; MÉTRO (Chapelle International)
LA POSTE (Rungis)

TELAMON (ex-PANHARD)

FRA

9

X

X

X

 

 

 

 

LIDL (55 000 m²), DPD (25 000 m²) et RHENUS (30 000 m²) au Coudray-Montceaux (91) en 2018 totalisant 110 000 m² de surfaces de plancher ; LOG’S à Louvres (95) pour 28 000 m² ; 55 000 m² à Puiseux en blanc pour AEW

TOSTAIN & LAFFINEUR Real Estate (TLRE)

FRA

8

 

 

 

 

X

X

 

ORCHESTRA (Arras, 120 000 m2) ; ALLOPNEUS (Valence, 84 000 m2) ; LA REDOUTE (Lille/Wattrelos, 42 000 m2) ; CASTORAMA (Marseille, 30 000 m2) ; E LECLERC (Douai/Lauwin-Planque, 30 000 m2) ; DISPEO (Lille/Houplines, 30 000 m2) ; ID LOGISTICS (Douai/Brebières, 72 000 m2) ; XPO LOGISTICS (Lille/Lesquin, 100 000 m3 froid nég) ; ROQUETTE (Houplines, 12 000 m2)

VIRTUO INDUSTRIAL PROPERTY

FRA

14*

 

X

 

 

X

 

 

Brétigny-sur-Orge : 143 000 m2 en R + 1 pour AMAZON ; Lesquin : 10 200 m2 (entrepôt froid) – XPO LOGISTICS, utilisateur final AUCHAN ; Bonneuil-sur-Marne : 18 000m2 – AEW utilisateur final DISTRIBIKE ; Gennevilliers : 46 000m2 VAILOG – utilisateur final IKEA + LEROY MERLIN ; Confluent : 46 000 m2 VAILOG – utilisateur final LIDL

Source : Supply Chain Magazine, 2020. * Périmètre groupe.

 


—  1  —

 

Le marché peut être analysé du point de vue des utilisateurs ou investisseurs. Du côté des utilisateurs, environ 4 millions de mètres carrés sont loués ou vendus à des occupants chaque année. Ces derniers sont des chargeurs (groupes de distribution, de e-commerce, industriels…) ou des prestataires logistiques. Du côté de l’investissement, le montant annuel des transactions est généralement compris entre 3 et 4 milliards d’euros (Md€).

Le dynamisme du marché au cours des deux dernières décennies a mené à des transformations territoriales particulièrement radicales du fait que l’empreinte locale de chaque entrepôt XXL est radicale. Face à cela, les outils d’analyse dont disposent les pouvoirs publics sont nettement insuffisants, tellement le parc évolue rapidement et sans procédure de recensement et de suivi adéquate. Vos rapporteurs appellent à un renforcement des moyens en la matière, en capitalisant sur les travaux déjà effectués en la matière par le Cerema, le service des études statistiques du ministère de la transition écologique et la filière.

Proposition n° 2 : Capitaliser sur les travaux déjà réalisés par le Cerema, le service des études statistiques du ministère de la transition écologique et la filière logistique pour améliorer le recensement des parcs logistiques et mieux situer les besoins. Doter France Logistique d’un observatoire permanent chargé de suivre, quantifier et cartographier l’évolution des créations d’espaces logistiques, afin d’améliorer l’information des acteurs industriels et des pouvoirs publics. L’état des lieux réalisé en continu doit permettre aux pouvoirs publics de disposer d’informations précises, fiables et exhaustives sur l’occupation ou la vacance des cellules, le prix du mètre carré et le nombre de mètres carrés disponibles, l’artificialisation engendrée pour chaque entrepôt et ses aménagements extérieurs, les baux en cours, les emplois associés ainsi que les différents intervenants impliqués, notamment le propriétaire, le logisticien, et le client de chaque cellule, à plusieurs moments dans l’année.

b.   L’entrepôt XXL, une opportunité de placement foncier dans certaines régions

Interrogé par la mission sur l’existence d’une dynamique spéculative sur le foncier logistique, qui expliquerait une partie de l’explosion de ce marché dans les années 2010, le chercheur Merten Nefs confirme sans hésiter cette tendance : « Oui, particulièrement dans les années de taux d’intérêt bas entre 2014 et 2021. Un certain nombre d’investisseurs, de courtiers et de promoteurs l’ont affirmé au cours de divers entretiens. Plus exactement, du point de vue d’un fonds d’investissement international qui doit allouer une large tranche de fonds à un actif à faible risque, l’entrepôt de grande taille est intéressant lorsqu’il est construit dans un emplacement de classe A, suivant les standards BREEAM et équivalents, et avec une bonne possibilité d’attirer des locataires dans le présent et dans le moyen terme. Pour cette raison, les plateformes XXL ont constitué une classe d’actifs intéressante, en particulier durant la crise sanitaire, lorsque les investissements dans l’hôtellerie et la distribution ont connu une forte chute ».

Cette observation est étayée par la dynamique de marché observée depuis la fin des taux d’intérêt bas en 2022 : CBRE confirme ainsi un décrochage du marché de l’investissement par rapport au marché locatif. Le marché locatif reste mené par l’économie, qui est dynamique en 2022, là où la hausse des taux affecte très négativement l’immobilier. La correction a été rapide mais non excessive, ce qui montre selon CBRE qu’il n’y avait pas non plus de bulle immobilière.

Cela explique un discours très fort du côté du secteur immobilier, qui évoque « un taux de vacance toujours faible en France », avec un chiffre de 3,3 % pour l’Hexagone. BNP Paribas Real Estate, par exemple, alerte sur le fait que « de nombreux territoires affichent des taux de vacance inférieurs à 1 % et deviennent critiques pour les utilisateurs : Lyon, Marseille, Bordeaux Rennes, ou encore Nantes » ([45]).

L’un des grands sujets de contradiction entre les acteurs concerne l’état d’occupation du parc logistique, et à la distinction entre pénurie et vacance. Le sujet de la vacance est difficile à appréhender de manière cohérente. De nombreux acteurs du marché immobilier logistique évoquent un taux de vacance très faible, et donc un besoin de production immobilière élevée pour répondre à la pénurie. Ces acteurs ont toutefois souvent un intérêt structurel à porter un tel discours : ce sont le plus souvent des promoteurs ou des investisseurs. Toutefois, France Logistique porte aussi ce discours, et l’illustre : « Aujourd’hui, la France fait face à une quasipénurie sur le marché logistique, avec un taux d’occupation actuelle du parc avoisinant 98 % », celui-ci induisant selon la filière une série d’effets néfastes qui nuisent à la chaîne logistique :

– l’augmentation des prix des loyers et des prestations logistiques en général, engendrant en conséquence une hausse des coûts logistiques ;

– l’éloignement des barycentres idéaux et donc l’augmentation des kilomètres et du CO2 émis ;

– une difficulté pour les industriels, ou leurs prestataires, à trouver des entrepôts, pouvant conduire à refuser des clients faute de capacité de stockage suffisante.

Comme l’explique France Logistique, une telle dynamique est préjudiciable au développement futur des acteurs industriels : « À titre d’exemple, les entreprises industrielles, ayant production et stockage dans le même bâtiment, doivent refuser des clients faute de capacité à étendre leur usine. L’extension logique de la partie production est d’aller sur la partie stockage existante, attenante. Cela suppose de trouver un autre bâtiment, dédié pour le stockage, aujourd’hui introuvable. Nous avons connaissance de 2 cas distincts, où les collectivités sondées pour accueillir l’entrepôt indiquent accepter l’usine et non l’entrepôt, empêchant l’agrandissement de l’usine ».

De l’autre côté, de nombreuses observations de terrain font état d’entrepôts souvent sous-exploités. L’une des difficultés semble tenir à un effet de chaîne d’approvisionnement : du point de vue du promoteur ou de l’investisseur, l’entrepôt sera enregistré comme occupé s’il est pris à bail par un logisticien, quand bien même une partie des cellules de ce logisticien seraient vides. Cette question se pose de manière particulièrement aiguë dans les territoires ayant connu une dynamique de placement logistique forte alors même que le besoin ne croissait pas au même rythme.

Lors de la première rencontre de chercheurs organisée par la mission, les personnes rencontrées ont rappelé que l’émergence d’un marché structuré et professionnalisé de l’investissement immobilier, dans les années 1990, car les entreprises ont préféré être locataires, comme exposé plus haut, a coïncidé avec la standardisation des bâtiments logistiques dans les années 2000. À cette période, un nouveau parc est donc nécessaire, avec un important chantier de constructions à mener on a un nouveau parc aux normes avec un champ de construction à prendre, et les banques ont investi le marché. La crise de 2008 a affecté le secteur et laissé plusieurs friches.

Face à ces dynamiques de sous-exploitation et d’abandon d’exploitations logistiques, plusieurs acteurs auditionnés par la mission ont considéré que les pratiques des collectivités en matière de gestion foncière doivent évoluer fortement. La table ronde tenue par la mission avec des représentants des collectivités à Blois a vu plusieurs acteurs appeler à une prise de conscience collective quant à l’importance de la maîtrise foncière publique sur les vastes emprises économiques. Ainsi, Christophe Degruelle, président de la communauté d’agglomération de Blois Agglopolys, a-t-il invité à une réflexion sur la mise en location ou en concession, sur des durées moyennes ou longues, des fonciers nécessaires à l’implantation des grandes implantations logistiques. Une telle pratique permettrait à la collectivité de ne pas perdre le contrôle de pans entiers de fonciers et découragerait les pratiques spéculatives sur le foncier économique.

Proposition n° 3 : Encourager les élus locaux et communautaires à mettre en location ou en concession de longue durée, plutôt que de les vendre, les terrains d’emprise des activités logistiques de grande échelle.

c.   Des dynamiques territoriales différenciées, parfois délétères

Partout dans le monde, on remarque depuis plusieurs décennies un développement logistique important, qui touche d’abord les grandes villes, puis s’étend à partir d’elles. Les entrepôts, qui s’installent d’abord en périphérie des villes, sont un facteur de périurbanisation, dite étalement logistique (« logistics sprawl »), appelé aussi desserrement logistique. Cette dynamique contribue à l’efficacité économique des entrepôts, puisqu’ils restent proches des villes, et y sont bien connectés par les réseaux autoroutiers, mais suffisamment éloignés pour bénéficier d’un foncier moins onéreux. En termes d’aménagement du territoire, cet étalement n’est toutefois pas toujours satisfaisant et doit inviter à une meilleure réflexion publique en la matière, car il concerne nécessairement, dans la recherche du foncier moins cher, des territoires de plus en plus éloignés des zones denses, et occasionne de ce fait des déplacements logistiques de plus en plus longs.

La rupture géographique est évidente selon les chercheurs interrogés par vos rapporteurs : dans les années 1980-90, la première génération d’entrepôts s’est installée dans les premières couronnes, anciennement industrielles, des grandes villes, à l’exemple de la SSD. Dans les années 1990-2000, un deuxième temps de standardisation a concerné des grandes constructions dans les espaces périphériques, avec le développement d’emplois ouvriers dans des zones qui n’étaient pas industrielles, à l’exemple de Sénart. Cette tendance a eu l’avantage de procurer du foncier moins cher et d’amener moins de flux polluants en proximité des villes, mais pose des problèmes de desserte routière et d’accès, à la fois pour les flux de marchandises et pour les travailleurs.

Les acteurs eux-mêmes font référence à l’étalement logistique « aux périphéries des villes », comme la Confédération des grossistes de France (CGF), qui rappelle que cette logique s’impose notamment du fait de l’emplacement des clients des grossistes, à 80 % situés en ville. Les grossistes sont donc situés le plus près possible des villes, surtout quand il y a de la disponibilité foncière : le client le plus éloigné est à un ordre de grandeur de 50 kilomètres. La CGF rappelle aussi que la localisation dépend du secteur. Compte tenu de leur positionnement multisectoriel, les grossistes exploitent une grande variété d’entrepôts, tant en termes de taille que de configuration. Des entrepôts sous température dirigée (froid, surgelé, chaud avec niveaux d’hygrométrie pour les opérations de murissement ou de séchage, etc.), des entrepôts plus ou moins sécurisés selon le degré de convoitise des marchandises qui y sont stockées, des entrepôts classés ICPE pour les produits dangereux, des entrepôts plus ou moins automatisés.

Les motifs qui président au choix du lieu d’implantation d’un entrepôt ne sont pas univoques. Les chercheurs spécialisés admettent les limites de la recherche en ce domaine : « Bien que l’émergence des centres de distribution XXL ait pris de l’ampleur dans la recherche académique, la connaissance empirique du processus qui mène aux arbitrages très débattus en termes de lieu d’implantation et d’intégration paysagère est encore rare », écrit Merten Nefs ([46]).

Les travaux de Nicolas Raimbault montrent que les principes de localisation des entrepôts logistiques diffèrent radicalement des principes d’emplacement des secteurs traditionnels, notamment l’industrie. Selon ces travaux, la localisation des entrepôts s’explique d’abord par leur rôle dans les réseaux logistiques, qui permettent la circulation des flux de marchandises gérés par des chargeurs ou des prestataires logistiques. Ces activités relèvent dès lors d’une « logique spatiale nouvelle », différente de la logique des activités traditionnelles, en ce qu’elle est « largement déconnectée des logiques régionales et locales ». On ne peut pas la comprendre du simple point de vue territorial, car les entrepôts sont globalement des lieux interchangeables pour les entreprises qui les utilisent ([47]).

Résulte de ces considérations, un choix de localisation fondé sur le calcul du barycentre des lieux à desservir depuis l’entrepôt, calcul qui est effectué par les logisticiens et les chargeurs. Les critères qui découlent de l’efficience du réseau logistique sont toutefois pondérés par des critères de géographie territoriale et sociale : l’accès à un échangeur autoroutier a été considéré, dans l’ensemble des déplacements effectués par la mission, comme un critère prépondérant. La surface des terrains disponibles et le prix du foncier constituent également des données fondamentales.

Comme l’ont exprimé les chercheurs interrogés sur la question des coûts des transports logistiques, cette variable est minutieusement analysée par les utilisateurs d’entrepôts logistiques, sachant qu’une chaîne de transport passe de nos jours par plusieurs entrepôts. Les acteurs analysent ce que le transport, résultant du nombre de kilométrages nécessaires à la livraison, va leur coûter, et y cherchent des économies d’échelle. La hausse du coût du transport, du fait notamment de la hausse des prix du carburant, est d’autant plus prise en considération que l’accessibilité de plus en plus compliquée dans les villes, et les nouvelles normes environnementales augmentent ce prix.

La logistique exige ainsi des localisations proches des grands centres de consommation et bénéficiant d’une bonne accessibilité ([48]). Dans ce cadre, les entreprises actives dans la logistique tendent à s’installer de plus en plus fréquemment, dans des espaces spécialement aménagés pour les accueillir, que certains appellent – ce qui peut engendrer une confusion avec l’autre usage du terme en tant que quasi-synonyme du mot « entrepôt » – les plateformes logistiques. La mise en place de telles structures, multimodales ou non, offrant des services efficaces, est devenue un avantage pour le développement d’activités logistiques et de nombreuses autorités publiques régionales ont promu leur développement ([49]), et ce d’autant plus avec la spécialisation du secteur de l’immobilier logistique.

L’exemple de Mer, en Loir-et-Cher (Centre-Val de Loire), visité par la mission, est très parlant. Le dossier d’autorisation de la zone d’aménagement concerté (ZAC) des Portes de Chambord, porté par la société civile immobilière (SCI) du groupe Axa, Orléans Mer Logistics Investments sur un site Baytree, mentionne ainsi qu’elle « dispose d’un emplacement stratégique avec un accès direct à l’autoroute A10 et les routes départementales D15 et D205. Elle est également située à proximité des autoroutes A71 et A85 ce qui permet de desservir un vaste territoire en deux heures de trajet » ([50]), et complète cela d’un tableau des agglomérations joignables depuis la plateforme (voir infra). L’étude comporte également, dans le même sens, une carte des « temps de livraison centrés sur la plateforme logistique » qui permet de vérifier la pertinence du site par rapport aux lieux de destination des produits qui y sont entreposés.

la distance au territoire desservi dans l’implantation d’un entrepÔT

Source : dossier d’autorisation Baytree pour Orléans Mer Logistics Investments.

Toutefois, les entretiens conduits par Nicolas Raimbault, ainsi que ceux de la mission, conduisent à nuancer l’idée d’un « calcul » qui gouvernerait seul le choix du lieu d’implantation. Les entreprises ont une idée générale de la localisation nécessaire pour maximiser l’utilité du site : intuitivement, une localisation centrale pour un entrepôt national aura plus de sens qu’une situation marginale. Une fois donnée cette préférence, qui explique la prédominance de la « dorsale », qui traverse le pays de Lille à Marseille, l’ensemble des autres facteurs permettent d’affiner la sélection. Dans le cas des déplacements d’entrepôts, dont la mission a pu constater la fréquence, l’accessibilité depuis le lieu de résidence des employés est un critère important.

Il faut également tenir compte du fait que ce sont rarement les utilisateurs finaux des entrepôts qui décident de leur localisation. Aujourd’hui, comme il a été dit, la structuration fortement externalisée du secteur fait que les entrepôts sont majoritairement construits par des investisseurs, gestionnaires de fonds immobiliers, qui gèrent un patrimoine logistique. Selon l’Observatoire de l’immobilier logistique et du supply chain management (Oblog), 61 % des surfaces d’entrepôts ont été produites par des promoteurs entre 1994 et 2007 ([51]). Les auditions conduites par vos rapporteurs laissent supposer que ce chiffre doit être nettement plus élevé encore en 2023.

Un autre critère fondamental pour la localisation concerne le bassin d’emploi de personnes qualifiées et non qualifiées. En 2021, le Centre-Val de Loire représentait ainsi 30 910 salariés, 1 314 établissements et environ 6 millions de mètres carrés d’entrepôts, selon DevUp Centre.

Les motivations sont aussi à distinguer entre les catégories d’acteurs les plus concernés, à commencer par les chargeurs, notamment ceux de la distribution spécialisée et le commerce électronique : par exemple, une étude de marché en 2017 explique que « les transactions XXL ont concerné davantage les chargeurs, notamment la distribution spécialisée et le e-commerce, et plutôt en dehors de la dorsale (corridor nord-sud de Lille à Marseille). Après avoir effectué le redéploiement de la supply chain sur les marchés de la dorsale en 2015, les chargeurs (distribution et e-commerce) ont débordé de cet axe en 2016 vers les marchés secondaires de région, hors dorsale » ([52]). Pour ce qui concerne les logisticiens, la même étude explique que « les logisticiens restent concentrés à l’intérieur du corridor logistique pour ce gabarit d’entrepôts ».

De telles distinctions peuvent aider à expliquer les disparités territoriales entre la dorsale et les pôles secondaires. Pour Éric Lecomte, directeur de BNP Paribas Real Estate Transaction à Orléans, la région Centre-Val de Loire, visitée par la mission, qui est la quatrième plateforme du secteur logistique français, bénéficie ainsi d’avantages particuliers ([53]) : « la situation géographique est particulièrement intéressante pour les entreprises : en effet, elle se situe au barycentre de la France, l’accès direct à l’A10 et l’A71 permettent une proximité facilitée à la région parisienne tout en ayant des loyers inférieurs à ceux du sud de l’Île-de-France ». Il note également l’absence de certaines taxes.

 

La dorsale logistique

La dorsale est un territoire logistique « historique » regroupant l’ensemble des régions de l’axe Lille, Paris, Lyon et Marseille : il s’agit des territoires privilégiées par les acteurs de la supply chain pour l’implantation d’entrepôts et plateformes logistique ([54]). L’étude de JLL en date de 2021 montre l’organisation de la dorsale sur le territoire.

En 2021, plus de 55 % de la demande d’entrepôts restait concentrée sur les quatre pôles de cet axe, poursuivant ainsi la dynamique observée depuis plusieurs années : la totalité des pôles de cette zone stratégique continuent de maintenir leur attractivité avec une offre de plateforme logistique qui s’élevait à 2,9 millions de mètres carrés fin 2020.

L’Île-de-France demeure la région de la dorsale la plus attractive avec 823 000 m² de demande placée en 2021, 77 % des transactions portant sur des bâtiments déjà existants. Les opérations lancées en blanc se poursuivent cependant, faisant de la région francilienne le centre de gravité des activités logistiques en France et un marché qui dispose de la confiance des investisseurs.

La région lyonnaise se distingue par une progression de + 31,5 % de la demande (toujours pour l’année 2021) particulièrement dans le secteur nord-Isère, la commune de Saint Quentin-Fallavier abritant la première zone logistique de France avec le Parc de Chesnes. C’est au cœur de ce dernier que le réseau Arthur Loyd a récemment accompagné l’implantation de la société Lidl. Le Grand Lyon compte également des territoires dédiés principalement à la logistique, tels que Grand Lyon Nord-Est

Territoire également propice aux activités logistiques et à l’implantation d’entrepôts et plateformes, la région marseillaise enregistrait 273 000 m² de demande placée en 2021, portant essentiellement sur des biens neufs ou à construire. L’offre disponible se trouve en légère progression, offrant aux entreprises des opportunités pour l’avenir.

Selon EOL en septembre 2023, avec plus de 14 millions de mètres carrés d’entrepôts de plus de 5 000 m², la région des Hauts-de-France est le second pôle logistique français, après l’Île-de-France. Au fil des années, cette région est devenue un territoire privilégié pour l’implantation de plateformes logistiques XXL. Profitant d’une situation géographique centrale, d’un bassin d’emploi important, d’un maillage dense en infrastructures de transport et de l’existence de fonciers importants souvent issus de friches industrielles, cette région apporte des réponses à des projets d’envergure européenne ([55]).

Alors que de nombreuses régions font face, selon EOL, à une carence de foncier économique et à une certaine appréhension à voir se développer des plateformes importantes, les Hauts-de-France font figure d’exception. Le soutien politique aux projets logistiques développés sur les friches industrielles est sans faille. La logistique est considérée comme un moyen de soutenir des projets de redynamisation et de réindustrialisation du territoire.

Grâce à ces atouts et ce soutien local, la région a su capter en 2022 plus de 15 % de la demande d’immobilier logistique en France et notamment des sites de grande dimension, ces entrepôts XXL qui correspondent à des demandes de plus en plus nombreuses afin de mieux massifier les flux.

Sources : études de marché d’Europropmarket, JLL, EOL, Arthur Loyd Logistique, 2021-2023.

En effet, selon plusieurs observateurs, le développement logistique s’est orienté progressivement vers des « pôles secondaires » caractérisés à la fois par un moindre degré d’artificialisation, comme justement le Centre-Val de Loire, et par des coûts fonciers encore abordables, dans le cadre d’une dynamique générale fortement haussière. L’Île-de-France et l’ancienne région Rhône-Alpes sont, quant à elles, de plus en plus marqués par une saturation foncière qui inhibe l’accueil de nouvelles implantations. Arthur Loyd Logistique confirme ainsi qu’en 2023, les deux pôles leaders de la dorsale que sont l’Île-de-France et la région lilloise sont en retrait, le volume global commercialisé n’y dépassant pas 195 000 et 147 000 m². En région lyonnaise, le volume global acquis ou pris à bail atteint seulement 34 000 m², du fait d’un manque d’offre persistant. La progression des commercialisations dans l’Hexagone en 2023 s’explique donc majoritairement, selon cet analyste, par un nouvel élan des pôles secondaires, dans lesquels 374 000 m² ont été placés au premier trimestre 2023, soit une hausse de 132 % par rapport au début d’année 2022. Les plateformes lancées en blanc y ont rencontré un certain succès, quatre transactions ayant porté sur des développements spéculatifs en région orléanaise, en Normandie, dans le Grand Est et en Occitanie, pour un total de 96 000 m².

En dernière analyse, les services instructeurs prennent en compte une diversité de critères pour évaluer la pertinence d’une implantation logistique. Par exemple, le dossier de l’enquête publique réalisée par les services de la préfecture du Loir-et-Cher à l’occasion de l’instruction d’une demande d’autorisation environnementale faite une filiale de Catella en vue d’exploiter deux entrepôts sur le territoire des communes de Romorantin-Lanthenay et Villefranche‑sur-Cher, retient la justification du choix d’implantation d’un entrepôt d’après un faisceau de critères ([56]) :

– une parcelle de terrain suffisamment grande et rectangulaire pour accueillir ce type de bâtiment et assurer la circulation des véhicules légers et poids lourds en toute sécurité, avec un droit à construire suffisant afin de bâtir une plateforme répondant aux critères logistiques modernes ;

– que cette parcelle soit localisée dans une zone d’intérêt logistique et de préférence localisée dans une zone d’aménagement concerté (ZAC) ou une zone d’activités économiques (ZAE) définie à cet usage ; 

– que cette parcelle soit facilement accessible, et en particulier qu’elle soit la plus proche possible d’un nœud autoroutier ;

– qu’elle bénéficie d’un bassin d’emploi favorable avec des ressources humaines immédiatement disponibles et durables ;

– que le projet recueille l’adhésion des autorités locales et implication des autorités préfectorales.

d.   Des retombées locales contrastées, qui nourrissent des remises en cause croissantes

Comme l’ont remarqué les chercheurs interrogés par la mission lors de ses premiers travaux, de plus en plus de communes s’opposent à la construction d’entrepôts et de plateformes logistiques, car elles y voient plus de nuisances que d’avantages, citant notamment un article de La Gazette des communes faisant état de ce changement d’état d’esprit ([57]).

Les chercheurs relient cette question à une forme d’effet « nimby », dès lors que la vocation bénéfique de l’entrepôt n’est appréhendable qu’à l’échelle métropolitaine, alors que ses retombées négatives sont très locales. Il y a donc un enjeu de prise en compte de ces externalités. C’est ce qu’exprime aussi France Logistique : « ces projets sont souvent d’une ampleur/utilité qui dépasse largement la collectivité en charge du foncier (bloc communal, SCoT, voire région – au même titre que les usines). Ainsi, les collectivités peuvent défavoriser les entrepôts bien au-delà de leur proportion dans l’artificialisation. Et ce d’autant, que les camions générés par les sites logistiques nuisent déjà à l’acceptabilité locale de certains projets » ([58]). Votre rapporteur Charles Fournier remarque toutefois que ce phénomène de rejet doit être contrasté avec une forme de préjugé favorable de nombreux élus, qui acceptent ou souhaitent des projets pour des raisons financières, sans considération des effets globaux des projets sur le territoire.

Interrogé par la mission sur les effets, pour l’économie locale, de l’implantation d’un entrepôt, le chercheur René de Koster a d’abord rappelé qu’il n’existe pas de recherche académique qui en établissent les impacts de manière univoque, et donc qu’il n’existe pas de consensus sur le constat. Ceci étant dit, certains impacts sont clairs :

– une hausse du chiffre d’affaires pour le BTP, les fabricants de matériaux, et les services de conseil impliqués dans la conception et l’autorisation d’un entrepôt ;

– un besoin local en main-d’œuvre non qualifiée pour les tâches les plus fréquentes : préparateurs de commande, caristes… Toutefois, le chercheur souligne que « la plupart des travailleurs non qualifiés sont embauchés à titre temporaire et viennent d’Europe de l’Est. Ils ont besoin de logement abordable et entrent en concurrence avec les populations locales pour les places disponibles » ;

– un besoin faible ou modéré en main-d’œuvre qualifiée avec une formation technique avancée (managers, techniciens). En outre, la concentration des entrepôts peut poser un problème inverse du point de vue de la disponibilité de la main‑d’œuvre ;

– une augmentation du trafic local de poids lourds, ce qui requiert des adaptations aux infrastructures de transport ;

– de nombreux observateurs estiment que ces constructions ne s’insèrent pas dans les paysages urbains et contribuent ainsi à leur laideur ou leur manque d’harmonie.

Le chercheur conclut que « à l’échelle locale, le bénéfice de l’implantation d’un entrepôt pour la communauté est réduit, mais elle demeure une conséquence naturelle de la volonté des consommateurs de pouvoir recevoir rapidement les biens commandés par voie électronique ».

Il faut mettre en regard de ces observations les dépenses conséquentes engagées par certaines collectivités à des fins d’accueillir ces activités. Comme l’a indiqué également Thibault Lhonneur, rapporteur du budget au conseil municipal de Vierzon, en ce qui concerne la forte concentration logistique en Centre-Val de Loire et à l’occasion de l’implantation de l’entrepôt Catella, « toutes ces plateformes sur un périmètre de moins de 100 kilomètres : comment s’imaginer qu’il y aura assez de main-d’œuvre, alors même que nous avons déjà 300 emplois non qualifiés non pourvus ? » Dans le cas de Vierzon, selon Thibaut Lhonneur, on peut estimer à 2,5 millions d’euros (M€) les budgets dépensés par les pouvoirs publics locaux pour l’implantation de la logistique : aménagement (routes, rond‑points, éclairage) et aides à la formation et à l’embauche (5 000 euros par emploi, multipliés par 300 emplois). Ces aides devraient justifier une meilleure association et concertation des populations et des décideurs locaux, qui pourraient permettre des projets mieux associés et donc mieux acceptés.

La propension de certains territoires à dépenser des deniers publics pour attirer des activités logistiques est d’autant plus contestée que les populations ont l’impression d’un très faible degré d’association et de concertation lors de l’implantation des projets. Les porteurs de projets sont, pour la plupart, des promoteurs ou des propriétaires qui n’ont pas toujours vocation à être les gestionnaires du site une fois mis en exploitation. Une partie conséquente des projets XXL se font « en blanc », sans qu’une connaissance précise des conditions d’occupation des cellules soit acquise au stade de l’autorisation.

L’impression qui ressort de la majorité des rencontres de terrain conduites par la mission est celle d’un mouvement qui est souvent vécu comme imposé, par des investisseurs lointains, d’une manière arbitraire, ou en tous les cas insuffisamment avertie des besoins des territoires.

Dans un autre sens, certains considèrent les oppositions locales aux projets comme une manifestation classique de l’opposition de riverains à l’implantation en proximité d’un projet présenté comme d’intérêt général, dont ils auront à subir les incidences néfastes mais dont ils ne sentiront pas en revanche les impacts positifs. C’est en substance la position de l’association France Logistique dans sa contribution aux travaux de la commission des affaires économiques : « ces projets sont souvent d’une ampleur et d’une utilité qui dépasse largement la collectivité en charge du foncier. Ainsi, les collectivités peuvent défavoriser les entrepôts bien au-delà de leur proportion dans l’artificialisation. Et ce d’autant, que les camions générés par les sites logistiques nuisent déjà à l’acceptabilité locale de certains projets (effet Nimby) ».

Prises ensemble, l’accélération du rythme d’implantation des entrepôts XXL et la remise en cause croissante des projets, qui traduit une forme d’exaspération légitime face à leurs effets locaux délétères et non compensés, justifie, au regard de votre rapporteur Charles Fournier, de définir un temps de réflexion stratégique sur les orientations en matière logistique. À cette fin, une pause s’impose dans les autorisations d’entrepôts de plus de 40 000 mètres carrés d’emprise artificialisante. Cette pause se ferait dans l’attente de l’élaboration de la stratégie nationale et des stratégies régionales mentionnées plus loin dans le rapport, et ne concernerait pas les entrepôts logistiques directement associés ou inféodés à un usage industriel dans le cadre de la réindustrialisation.

Proposition n° 4 de votre rapporteur Charles Fournier : Marquer une pause, dans l’attente de l’élaboration concertée d’une stratégie nationale et de stratégies régionales, dans l’octroi des autorisations pour la construction d’un entrepôt artificialisant de plus de 40 000 mètres carrés qui n’est pas directement inféodé à un usage industriel prioritaire dans le cadre de la réindustrialisation.

2.   Renforcer la concertation et la participation des populations

La concertation est une condition de réussite des grands projets. A contrario, l’absence de concertation entraîne à coup sûr le sentiment d’un projet qui se fait « contre » les habitants. Pour autant, cette concertation est bien souvent limitée à une information sur les projets, car elle démarre au moment où l’essentiel des choix ont déjà été faits, en particulier celui de l’implantation du projet. Pour être pleinement efficace, la concertation doit ouvrir la capacité pour les habitants d’influer le projet (variante d’implantation, réduction des impacts...) et donc se construire le plus en amont possible.

En matière d’implantation logistique, les conséquences sont si importantes pour les riverains – emploi et attractivité, certes, mais également nuisances sonores, visuelles et écologiques – qu’il semble indispensable à vos deux rapporteurs de recueillir positivement leur assentiment afin de permettre la viabilité du projet. Un projet non concerté présente de forts risques de n’être pas accepté, de susciter des oppositions voire des dégradations, sans compter les conséquences politiques pour les élus locaux. Or les projets d’entrepôts XXL, qu’ils soient publics ou privés, font l’objet d’une contestation croissante ces dernières années, et ce, quelle que soit l’échelle territoriale considérée.

À l’occasion de l’implantation d’un entrepôt XXL, les retombées locales justifient particulièrement une évaluation concertée de l’insertion du projet dans son environnement. En droit de l’environnement et de l’urbanisme, la participation du public aux processus d’élaboration des projets, fortement renforcée depuis les années 1980 revêt deux formes : le débat public et l’enquête publique.

a.   L’enquête publique souffre d’un déficit de légitimité en raison d’une temporalité trop tardive

Lorsque des projets, des programmes ou des plans sont susceptibles de porter atteinte à l’environnement, une enquête publique est réalisée en amont de leur autorisation. L’enquête publique prévue par le code de l’environnement a pour objet d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’affecter l’environnement ([59]). L’enquête publique vise à la fois à assurer la bonne information du public et à permettre sa participation. Elle donne corps au principe consacré par l’article 7 de la Charte de l’environnement, selon laquelle toute personne a le « droit de participer à l’élaboration des décisions publiques qui ont une incidence sur l’environnement ».

Parmi les opérations qui sont soumises à cette enquête, figurent les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une évaluation environnementale. Par ailleurs, l’ensemble des projets soumis à autorisation environnementale font l’objet d’une enquête publique ([60]).

Si cette procédure permet aux citoyens de donner leur avis, en amont de la réalisation du projet, l’avis rendu n’est toutefois pas contraignant. En d’autres termes, la décision finale n’est pas tenue de respecter les avis qui ont été exprimés lors de la consultation et dont le rapport fait état. Les personnes auditionnées par vos rapporteurs dans leurs déplacements ont souvent mis l’accent sur l’étonnement suscité par l’écart entre le contenu de l’enquête et les mesures prises par le maître d’ouvrage pour y donner suite.

Surtout, cette procédure ne semble pas en mesure de juguler les oppositions que suscitent de nombreux projets de construction et d’aménagement. Les travaux conduits par la mission ont mis en évidence une croissance des contestations et une opposition récurrente des riverains aux projets d’implantation logistique. Par ailleurs, si la participation du public est, en principe, de nature à favoriser la protection de l’environnement ([61]), les dérives observées par vos rapporteurs ne peuvent qu’interroger ses effets.

Bien que participer ne signifie pas décider, cette procédure d’enquête publique peut paraître insuffisante, dans la mesure où elle ne permet pas aux citoyens de se prononcer, en opportunité, en amont des projets. Les citoyens peuvent en retirer le sentiment que leur participation est vaine, les décisions étant déjà prises, formulées et définitives. Outre les difficultés qu’elle génère, l’enquête publique ne paraît donc pas, à elle seule, être en mesure de favoriser l’acceptabilité sociale des constructions logistiques.

Il faut ajouter à cette perception une difficulté fréquemment relayée lors des visites de la mission. Celle-ci concerne le manque de transparence des projets logistiques. Le développement du modèle locatif, engendré par l’externalisation de l’immobilier logistique détaillée plus haut, suscite une multiplication des interlocuteurs concernés et manque de connaissance précise sur l’utilisateur final de l’entrepôt créé. Dans le même sens, l’évolution de l’occupation de l’entrepôt ne fait pas l’objet d’une information systématique du public.

Procédure de l’enquête publique dite « code de l’environnement »

L’enquête publique est ouverte et organisée par l’autorité compétente pour prendre la décision en vue de laquelle l’enquête est requise. Elle est conduite, selon la nature et l’importance des opérations, par un commissaire-enquêteur choisi par le président du tribunal administratif. Le commissaire-enquêteur choisi doit figurer sur une liste d’aptitude établie par le président du tribunal administratif, qui est rendue publique et qui est révisée annuellement. La durée de l’enquête est fixée par l’autorité compétente et peut être prolongée par le commissaire-enquêteur pour une durée maximale de quinze jours. Elle ne peut être inférieure à trente jours pour les projets faisant l’objet d’une évaluation environnementale.

Le public est informé de l’ouverture de l’enquête par l’autorité compétente au moins quinze jours avant l’ouverture de celle-ci, par voie dématérialisée et d’affichage et, éventuellement, par voie de publication locale. L’avis précise l’objet de l’enquête, le nom du commissaire-enquêteur, la durée et les modalités de l’enquête, les modalités de consultation, par le public, du dossier d’enquête, en ligne et sur support papier, ainsi que l’adresse à laquelle le public peut transmettre ses observations.

Le commissaire-enquêteur conduit l’enquête de manière à permettre au public de disposer d’une information complète sur le projet et de participer effectivement au processus de décision. Il peut demander au maître d’ouvrage de communiquer des documents au public, visiter les lieux concernés, entendre toute personne concernée par le projet et organiser toute réunion d’information et d’échange avec le public en présence du maître d’ouvrage. Il rend son rapport dans un délai de trente jours après la fin de l’enquête.

Celui-ci comporte quatre rubriques : le rappel de l’objet du projet du plan ou du programme ; la liste de l’ensemble des pièces figurant dans le dossier d’enquête ; une synthèse des observations du public et une analyse des propositions produites durant l’enquête ; les observations du responsable du projet en réponse aux observations du public. En sus, le commissaire enquêteur rédige ses conclusions motivées en faisant état de leur caractère favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet.

Les opposants au projet expriment ainsi la difficulté, lors des concertations initiales, mais aussi une fois le projet existant, d’identifier clairement les interlocuteurs entre le promoteur immobilier, le propriétaire, le locataire logisticien ou client final, voire ultérieurement le sous-locataire.

Il s’agit d’une difficulté qui concerne également les élus locaux, qui ne savent fréquemment pas à qui s’adresser pour des questions relatives aux entrepôts.

b.   La nécessité d’une concertation renforcée en matière d’implantation logistique

Contrairement à l’enquête publique qui intervient au moment de l’approbation du projet, le débat public, qui vise à associer plus étroitement à l’élaboration d’un plan ou d’un projet, permet aux citoyens de se prononcer en termes d’opportunité et de proposer des alternatives.

Le débat public est organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP), autorité administrative indépendante qui veille au respect de la participation du public au processus d’élaboration des projets et de plans d’aménagement, et confié à une commission particulière du débat public (CPDP). Elle assure également la participation du public, pendant toutes les phases d’élaboration du projet, plan ou programme ([62]).

C’est à la commission qu’appartient la décision d’organiser un débat public ou une concertation préalable afin de permettre et d’ouvrir le débat. Si donc l’organisation d’un débat public apparaît opportune afin d’évaluer la pertinence et les conséquences des grands projets logistiques, elle n’est pas systématique.

Il existe en effet deux procédures différentes selon la nature du projet. En premier lieu, pour tous les projets d’aménagement ou d’équipement qui répondent à des critères fixés par décret en Conseil d’État, la CNDP est saisie et le maître d’ouvrage devra adresser à la commission particulière un dossier présentant les objectifs et les caractéristiques du projet, de même que ses enjeux socio-économiques et environnementaux.

En revanche, lorsque les projets d’aménagement ou d’équipement ont un coût prévisionnel ou des caractéristiques techniques qui ne correspondent pas aux seuils, les maîtres d’ouvrage doivent les rendre publics et publier les objectifs et caractéristiques de ces projets, tout en indiquant s’ils souhaitent saisir la commission. En l’absence de saisine, ils s’engagent à mener une concertation préalable. La commission peut également être saisie par les citoyens, les parlementaires, un conseil territorial ou une association agréée au niveau national. En outre, la CNDP est saisie des plans et programmes de niveau national qui font l’objet d’une évaluation environnementale.

En application des dispositions législatives et réglementaires en matière de débat public et de concertation publique, les projets logistiques ne sont pas soumis à ces procédures en dépit de la nécessité d’une meilleure association des populations. Vos rapporteurs proposent à cet effet un renforcement des procédures de concertation dans le cadre des saisines de la CNDP.

Afin d’éviter toutefois d’occasionner des procédures longues et onéreuses, vos rapporteurs recommandent de tenir ces concertations au moment de la planification et non de l’autorisation. Ainsi, dans le cadre de l’élaboration des stratégies et des zonages évoqués plus loin dans le présent rapport, il est cohérent de prévoir une saisine systématique de la CNDP afin qu’un débat public puisse avoir lieu, par exemple à l’échelle régionale, sur l’opportunité et les moyens de la mise en œuvre de la stratégie de développement logistique.

Proposition n° 5. Assurer une meilleure concertation des populations au moment de la planification régionale des zones logistiques et de la définition des zones exclusives (voir plus loin), par la création et l’association systématique d’une commission particulière du débat public (CPDP).

II.   une dynamique encouragÉE par les pouvoirs publics

Pendant longtemps, les collectivités territoriales et intercommunalités qui accueillaient les entrepôts XXL en escomptaient des retombées immédiates, notamment fiscales, qui ont pu faire de l’ombre à des considérations plus larges sur leurs incidences locales. Ainsi, les décideurs locaux, confrontés à la complexité inhérente au secteur logistique, ont pu être attirés par les incidences positives à court terme de l’implantation d’un entrepôt logistique sur leur territoire tels que les avantages fiscaux et la création d’emplois.

Cette tendance s’est également inscrite dans un contexte plus large dans lequel les pouvoirs publics, reconnaissant un besoin d’amélioration dans le secteur logistique, se sont employés, via des allègements fiscaux et une structuration des acteurs, à corriger ce qu’ils ont considéré comme un retard de compétitivité. La robotisation accrue dans le secteur s’inscrit également dans cette logique et agit comme un palliatif au manque de main-d’œuvre.

A.   Un secteur complexe et protÉiforme, qui Échappe À la comprÉhension de dÉcideurs locaux mis en concurrence par les acteurs et attirÉs par les recettes fiscales

1.   Une fiscalité qui pèse aussi bien sur le constructeur, le propriétaire et l’exploitant d’un entrepôt

Les entreprises impliquées dans la construction, la propriété, la logistique ou l’utilisation d’entrepôts logistiques sont soumises à la fiscalité générale applicable à toutes les entreprises en France.

Ce régime inclut l’imposition sur les bénéfices, soit par l’impôt sur les sociétés (IS) soit par l’impôt sur le revenu (IR), en fonction de leur structure juridique et fiscale. De plus, ces acteurs économiques doivent également s’acquitter de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la quasi-totalité de leurs transactions, qu’il s’agisse de livraisons de biens ou de prestations de services, sauf dans les cas où des exonérations ou suspensions sont applicables, notamment dans le cadre du commerce international. Conformément au code général des impôts ([63]), l’assujettissement à la TVA permet à ces acteurs de déduire la TVA qu’ils acquittent sur leurs propres achats et dépenses, assurant ainsi la neutralité de cette taxe pour ces entreprises.

En outre, les entrepôts logistiques sont soumis à diverses impositions spécifiques selon la nature de l’activité de chaque acteur concerné (voir tableau et encadré).

2.   Des retombées fiscales qui profitent en premier lieu aux collectivités territoriales, en particulier aux communes et leurs groupements

La direction générale des finances publiques (DGFiP) ([64]) signale que les procédures actuelles de déclaration fiscale ne permettent pas de distinguer spécifiquement les recettes fiscales générées par les entrepôts. Par conséquent, les chiffres présentés dans cette section sont des estimations basées sur les informations disponibles concernant les locaux à usage professionnel. Il est néanmoins possible de fournir une approximation en utilisant les données relatives à la catégorie « DEP 2 », qui englobe tous les entrepôts et hangars utilisés pour le stockage de marchandises. Ces estimations fournissent des montants supérieurs, reflétant l’ensemble des recettes fiscales potentielles issues de ces types de locaux.

Les recettes fiscales générées par les entrepôts logistiques constituent une source de revenus substantielle pour les collectivités territoriales, en particulier les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Ces perspectives de retombées fiscales confortent les élus locaux dans leur volonté de promouvoir l’implantation d’entrepôts sur leur territoire, parfois au détriment des autres composantes de politiques publiques (incidence paysagère, flux routier, artificialisation des sols, etc.). Plus spécifiquement, les recettes de la TFPB, de la TAM, de la CFE et de la TSB constituent les principales retombées fiscales pour les collectivités accueillantes (voir tableau et encadré ci-après).

L’implantation d’entrepôts logistiques joue un rôle capital pour les collectivités territoriales, et en particulier pour les communes. Les recettes fiscales significatives générées par ces établissements constituent, selon les associations d’élus entendues par la mission ; une source vitale de financement pour ces collectivités. Elles permettent de soutenir diverses initiatives locales, allant de l’aménagement du territoire au développement économique, en passant par la protection de l’environnement, la culture et le sport.

Ces avantages financiers expliquent clairement pourquoi les élus locaux sont particulièrement enclins à accueillir des entrepôts sur leur territoire. L’implantation d’entrepôts ne contribue pas seulement à l’activité économique directe, mais représente également une manne financière substantielle pour les budgets locaux. Cette dynamique renforce donc l’attractivité des territoires pour de tels développements, soulignant l’importance stratégique des entrepôts dans les politiques d’aménagement du territoire local.

Par ailleurs, la question de la concurrence fiscale entre les collectivités territoriales, soulevée lors du déplacement de la mission dans le Centre-Val de Loire, constitue une préoccupation majeure, en particulier en ce qui concerne les impositions spécifiques pesant sur les acteurs des entrepôts logistiques. Cette situation est due au fait que les collectivités territoriales disposent d’une certaine latitude pour fixer les taux de ces taxes.

Concernant la taxe d’aménagement (TAM), les taux appliqués varient selon la collectivité territoriale, avec des valeurs forfaitaires en 2023 de 885 euros par mètre carré hors Île-de-France et de 1 003 euros en Île-de-France. Les taux d’imposition de la part communale ou intercommunale se situent entre 1 % et 5 % par secteur, avec une majoration possible jusqu’à 20 %, tandis que la part départementale est plafonnée à 2,5 %, et celle versée à la région Île-de-France est limitée à 1 %.

Pour ce qui concerne la taxe foncière (TFPB), les communes et les EPCI peuvent fixer librement le taux de la part communale dans la limite d’un plafond légal. Ils peuvent aussi instaurer des exonérations facultatives pour certains types de biens ou contribuables. De même, les départements ont la capacité de déterminer le taux de leur part et d’accorder des exonérations facultatives. En ce qui concerne la cotisation foncière des entreprises (CFE), le taux peut varier selon différents critères comme le secteur d’activité, la zone géographique ou la catégorie d’entreprises. Toutefois, il existe des règles encadrant ces variations, comme l’obligation que le taux de la CFE ne dépasse pas celui de la taxe foncière ou le taux moyen pondéré des taxes foncières. Les communes et les groupements de communes à fiscalité propre peuvent aussi voter des exonérations facultatives de CFE pour certains types de biens ou de contribuables, en respectant les conditions légales.

Ces dispositions offrent aux collectivités territoriales une certaine marge de manœuvre dans la fixation des taux d’imposition, ce qui peut mener à une concurrence fiscale, notamment en ce qui concerne l’attractivité des territoires pour l’implantation d’entrepôts logistiques.

 

Impôts prélevés sur les entrepôts

Plusieurs impositions sont susceptibles d’être prélevées sur les activités liées aux entrepôts, qui diffèrent en fonction du contribuable.

1/ pour le constructeur ou l’aménageur :

 la taxe d’aménagement (TAM) : les projets de construction ou d’aménagement d’entrepôts logistiques, soumis à autorisation d’urbanisme, doivent payer cette taxe, destinée à financer les équipements publics nécessaires aux nouvelles constructions (CGI, art. 1635 quater B) ;

  la taxe d’archéologie préventive (TAP) : applicable aux opérations affectant le sous-sol, la TAP est due par la personne bénéficiaire de l’autorisation de construire ou d’aménager (CGI, art. 235 ter ZG et 1635 quater C).

2/ pour le propriétaire :

 la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) : calculée annuellement sur la valeur locative cadastrale des bâtiments, la TFPB varie selon la nature de l’immeuble et concerne les propriétaires ou détenteurs de droits spéciaux au 1er janvier de l’année fiscale. Pour les entrepôts logistiques, la base d’imposition dépend du type de propriété et s’évalue soit par une méthode comptable pour les établissements industriels, soit par une tarification basée sur la surface pour les locaux professionnels ;

 la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureau (TSB) : applicable dans certaines régions françaises, cette taxe concerne les propriétaires de bureaux, locaux commerciaux, espaces de stockage et aires de stationnement au 1er janvier de l’année. La TSB s’applique sur les surfaces de stockage de plus de 5 000 m², à l’exception des espaces liés à des établissements industriels ;

 le régime des revenus fonciers et plus-values de cession des particuliers : pour les entrepôts commerciaux non liés à des activités professionnelles spécifiques, les revenus locatifs et les plus-values de cession sont imposables. Les gains de la cession de droits sociaux dans des sociétés possédant des entrepôts sont également soumis à l’impôt. Les entrepôts peuvent être concernés par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) selon les règles générales.

3/ pour l’exploitant, logisticien ou distributeur :

 la cotisation foncière des entreprises (CFE) : cette cotisation locale fait partie de la contribution économique territoriale (CET) avec la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et est calculée sur la valeur locative des biens utilisés par l’entreprise (CGI, art. 1447 et 1467). Cet impôt local est dû par les entreprises et les personnes exerçant une activité professionnelle non salariée en France. Conformément aux dispositions de l’article 1447 du CGI, la cotisation foncière des entreprises (CFE) est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les sociétés fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d’un contrat de fiducie qui exercent en France, à titre habituel, une activité professionnelle non salariée.

Source : contribution écrite de la direction de la législation fiscale (DLF) aux travaux de la mission.

 

ImpÔts prÉlevÉs sur les entrepÔts

 

Redevables

Champ d’application

Assiette

Recettes (entrepôts logistiques)

Bénéficiaires

TAM

Constructeur (ou le cas échéant aménageur)

Tout projet de construction ou d’aménagement d’un entrepôt logistique soumis à un régime d’autorisation d’urbanisme.

Produit de la surface taxable de la construction créée et de la valeur annuelle forfaitaire par mètre carré

 

Communes, EPCI (80 %) : pouvoir de taux

Département (18 %)

Région IDF (2 %)

TAP

Constructeur (ou le cas échéant aménageur)

Tout projet de construction ou d’aménagement d’un entrepôt logistique soumis à un régime d’autorisation d’urbanisme dès lors qu’il affecte le sous-sol.

Constituée par la valeur de l’ensemble immobilier servant d’assiette à la TAM, et son montant est déterminé par application d’un taux de 0,40 %

 

INRAP (80 %)

FNAP (20 %)

TFPB

Propriétaire

Immeubles « fixés au sol à perpétuelle demeure » et les constructions présentant le caractère de véritables bâtiments

La valeur locative cadastrale (VLC) du local.

1 Md€

Communes, EPCI (à 53 %) : pouvoir de taux

Département (32 %) : pouvoir de taux

État (15 %)

TSB

Propriétaire

Tous les locaux et aires couvertes utilisés à usage de stockage dont la superficie est supérieure à 5 000 m2, à l’exception des locaux dépendant directement d’un établissement industrie, d’un établissement de production ou d’une exploitation agricole.

Superficie totale des locaux taxables un tarif fixé par catégorie de biens et par circonscriptions tarifaires.

31 M€ (IDF)

1 M€ (Bouches du Rhône, Var et Alpes Maritimes)

Région IDF, départements du Var, des Bouches-du-Rhône et des alpes maritimes.

CFE

Exploitant (logisticien)

Chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les sociétés fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d’un contrat de fiducie qui exercent en France, à titre habituel, une activité professionnelle non salariée.

Valeur locative foncière des biens passibles d’une taxe foncière situés en France

0,8 Md€

Communes, EPCI

Source : contribution écrite de la direction de la législation fiscale (DLF) aux travaux de la mission.

 

 

 

3.   Des élus démunis face à un secteur complexe et protéiforme

Les perspectives économiques et fiscales associées à l’implantation d’entrepôts influencent significativement les décisions des élus locaux, les incitant parfois à privilégier ces projets au détriment d’une évaluation exhaustive de leurs implications à long terme.

D’abord, influencés par l’impact fiscal et économique potentiel qu’implique l’établissement d’un entrepôt, les élus locaux donnent leur accord pour son installation sans nécessairement connaître l’identité de l’exploitant final ni la nature précise de ses activités. Cette situation trouve en partie son origine dans la tendance croissante à l’externalisation dans le secteur logistique ([65]) : le constructeur, le propriétaire et l’exploitant de l’entrepôt sont fréquemment des entités distinctes, ce qui complique l’identification de l’activité réelle par les élus locaux.

Comme le rapporte Thibault Lhonneur, conseiller municipal de la majorité à Vierzon, rapporteur du budget, « le permis de construire est signé, mais en tant que conseiller municipal je n’ai pas eu connaissance particulière du contenu des autorisations. En ce qui concerne la plateforme logistique de Vierzon, de 80 000 mètres carrés, on peut avoir d’un côté des jouets pour enfants, de l’autre des aérosols. Catella, Virtuo... On ne sait pas à qui on cède les mètres carrés. Les actionnaires sont lointains : par exemple, Virtuo est un fonds d’investissement associé au groupe BlackRock [NB. Par le biais d’une association avec CBRE Global Investors, filiale de Vanguard et BlackRock] ».

En outre, le secteur de la logistique se distingue par un taux élevé de rotation des entreprises au sein des entrepôts. Il est ainsi possible qu’un élu donne son accord pour une activité spécifique au cours de son mandat, pour constater ensuite, par exemple deux ans plus tard, que l’exploitant a changé et que l’activité exercée au sein de l’entrepôt est désormais totalement différente. La mission a eu l’occasion d’en voir plusieurs exemples.

Les chiffres de l’emploi font enfin fréquemment l’objet d’estimations divergentes, et d’une exagération pointée par un grand nombre d’acteurs ([66]). Principal levier de l’acceptabilité locale d’un projet, il est utilisé alors même que le modèle locatif des cellules logistiques rend difficile d’escompter précisément les retombées locales d’emploi dans le temps.

L’analyse des données relatives à l’emploi dans le secteur logistique révèle une complexité certaine, marquée par la diversité tant en termes de nature que de localisation des emplois. Dans le cadre des projets d’implantation d’entrepôts logistiques, les élus locaux sont souvent confrontés à des prévisions d’emploi qui peuvent s’avérer optimistes. Il est fréquent que les emplois effectivement créés soient inférieurs aux chiffres annoncés initialement.

De plus, une partie non négligeable de ces emplois est occupée par des chauffeurs routiers, dont certains peuvent provenir d’autres régions ou même d’autres pays de l’Union Européenne, notamment de l’Europe de l’Est. Cette situation soulève des questions sur l’impact réel de ces implantations sur l’emploi local. C’est ainsi que le vice-président aux affaires financières de Vierzon, a fait valoir à la mission qu’« on se vend au plus offrant : où est-ce que le mètre carré est le moins cher entre Mer et Vierzon ? Le développement économique est une responsabilité économique du conseil communautaire. Catella va créer ses 300 emplois, dont 250 routiers ».

Parallèlement, l’évolution technologique et l’automatisation croissante dans le secteur logistique pourraient influencer la pérennité et la nature des emplois créés à moyen et long terme.

En définitive, il apparaît que les décideurs locaux sont souvent influencés par des projections optimistes en matière de création d’emplois et par les potentielles retombées fiscales liées à l’implantation d’entrepôts logistiques. Cette situation peut parfois conduire à une attention moindre portée à d’autres aspects essentiels de l’action publique, tels que la préservation des sols, le bien-être des populations face aux nuisances sonores et autres désagréments, ainsi qu’une planification logistique et des transports plus cohérente et réfléchie. Ce phénomène pourrait en partie s’expliquer par un manque de formation spécifique des élus locaux, qui peuvent se trouver démunis face aux arguments avancés par les promoteurs de tels projets.

Pour toutes ces raisons, les rapporteurs recommandent vivement de renforcer la formation des élus locaux en matière de logistique et de transport, afin de leur permettre de mieux appréhender les enjeux complexes et multidimensionnels associés à ces projets d’infrastructure. Avec le même objectif, les projets logistiques doivent, au stade de l’autorisation, comporter des données d’emploi détaillées et étayées.

B.   les pouvoirs publics ont longtemps cherchÉ À rattraper un soi-disant « retard logistique »

1.   Un « retard de compétitivité » de la logistique par rapport aux voisins européens, que les pouvoirs publics ont cherché à rattraper par la structuration d’une chaîne d’intervenants

Depuis 2007, la Banque mondiale évalue les performances logistiques des différents pays par le biais d’un indice de performance logistique ([67]). En 2018, la France se classait seulement seizième ([68]), un résultat particulièrement décevant comparé à ses voisins européens, avec huit pays du continent figurant parmi les dix premiers, l’Allemagne en tête.

  1.   La filière logistique française tend à améliorer sa compétitivité

Une des raisons majeures de ce retard français en logistique par rapport à l’Allemagne était alors diagnostiquée comme découlant de l’absence d’une direction stratégique au plus haut niveau. Pourtant, la France, unique pays en Europe continentale à relier l’Europe du Nord et du Sud et dotée de quatre façades maritimes et de frontières avec huit pays, était vue comme possédant un potentiel logistique considérable. Avec l’initiative France Logistique 2025, lancée en 2016, le pays a visé à « faire de l’excellence logistique un levier de compétitivité, de croissance et de transition écologique ».

En 2023, la France s’est classée à la treizième place dans le classement logistique mondial, une avancée significative reflétant une amélioration de la compétitivité de ses opérateurs logistiques ([69]). Cette progression est en partie attribuable, selon certains des acteurs auditionnés, à un allégement de la fiscalité et à un accompagnement efficace de la part des pouvoirs publics, des mesures qui ont contribué à rattraper légèrement le retard par rapport aux leaders européens en la matière.

  1.   La gouvernance de la filière a été renforcée

Le positionnement des pouvoirs publics sur la logistique n’est pas récent. La considération de la logistique en tant que champ d’action publique trouve son origine dans les politiques publiques relatives au transport. Ces dernières, depuis les années 1970, encadrent les relations entre les différents acteurs parties-prenantes afin de les optimiser et d’être au plus près des besoins. Plusieurs actions ont été conduites dans le domaine des transports avant que la loi d’orientation des transports intérieurs (Loti) ne soit adoptée en 1982 ([70]). Étroitement liée à la politique de décentralisation, elle a initié de nombreux programmes de recherche dans les transports entre 1983 et 2013, dans l’objectif de rationaliser les systèmes de transports et d’innover, en lien avec l’aménagement du territoire et les évolutions socio-économiques de la période, telles que la désindustrialisation (voir encadré).

En 2015, une nouvelle impulsion est donnée à l’adoption d’une stratégie nationale par l’organisation d’une conférence nationale de la logistique. En prévision de celle-ci, des ateliers thématiques ont été mis en place ainsi qu’une consultation nationale des acteurs de la logistique et des assises de la logistique dans les régions, sous la responsabilité des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal). La conférence nationale s’est tenue le 8 juillet 2015 sous la triple égide du ministre de l’économie, Emmanuel Macron, de la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, et du secrétaire d’État chargé des transports, Alain Vidalies. C’est de cette conférence qu’est née la première stratégie nationale pour la logistique, telle qu’annoncée par le Gouvernement lors du Salon international du transport et de la logistique (SITL) du 22 mars 2016. Quatre thématiques ont été distinguées : l’amélioration de la performance logistique ; les emplois, les compétences et la formation ; l’articulation logistique et territoire ; la recherche et l’innovation.

La stratégie « France Logistique 2025 », qui a été présentée le 22 mars 2016, comportait cinq axes ([71]) : faire de la plateforme France une référence mondiale en encourageant la dynamique logistique sur tout le territoire ; développer le capital humain et faciliter la lisibilité de l’organisation logistique ; faire de la transition numérique un vecteur de performance logistique ; utiliser la logistique comme levier de transformation des politiques industrielles et de transition énergétique ; instaurer et animer une gouvernance intégrée de la logistique. En termes de gouvernance, a été créé un conseil sectoriel national du transport et de la logistique, un comité de filière logistique ainsi qu’un haut conseil de la logistique.

En dépit de ces avancées, la vision des pouvoirs publics sur le sujet a pu, dans le passé, être parcellaire. Ainsi, le diagnostic régional réalisé par la Dreal d’Auvergne-Rhône-Alpes pouvait-il donner l’impression d’être excessivement favorable, et donc insuffisamment attentif aux difficultés engendrées et soulignées par les opposants locaux aux projets : « la logistique est génératrice d’externalités positives. Elle est créatrice d’emplois et constitue un domaine d’innovations fortes, en contribuant notamment à l’efficacité accrue des moyens matériels et humains et au développement durable. Elle est une “nouvelle” activité, appelant de nouvelles compétences ».

La même étude admet toutefois plus loin que la logistique « contribue à l’attractivité des territoires et des entreprises mais est utilisatrice de fonciers et d’infrastructures partagés et est génératrice de flux au sein de ces sites. En cela, elle appelle une réflexion en termes d’aménagement du territoire, de plateformisation ou de mutualisation des moyens » ([72]).

 

Des efforts anciens en matière de réflexion sur la place de la logistique

Dès les années 1980, la logistique a trouvé sa place dans le domaine des transports, spécifiquement du côté de la recherche et des sciences de gestion ([73]). Avec le programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres (Predit 2) – pour les années 1996-2000, la synergie entre le transport et la logistique s’affirme et concentre l’attention des acteurs économiques comme des pouvoirs publics. C’est le Predit 4 pour la période 2008-2013 qui marque les débuts d’une réflexion nationale sur la logistique et constitue le terreau de la conférence logistique nationale. Le Predit 4 porte sur les questions énergétiques et environnementales et, en matière des nuisances du secteur du transport, la logistique apparait spontanément comme un levier de solutions.

C’est ainsi par exemple que la volonté de créer un leader logistique a présidé au chantier de transformation de la SNCF dans les années 2000 ([74]). Le lien transport‑logistique est déjà bien identifié mais surtout, est déjà évoquée la question de la compétitivité des acteurs économiques français du point de vue de leur chaîne logistique. De la même façon, les problématiques des connexions logistiques et de la gestion des flux constituent l’un des aspects de la recherche de la compétitivité territoriale qui motive en 2006 la transformation de la délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar) en délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (Diact) ([75]). Dans le même temps, le pôle interministériel de la prospective et d’anticipation des mutations économiques (Pipame), créé en 2006, au titre de ses études sur les différents secteurs économiques, a lancé en 2007 un important programme d’études sur la logistique, qui aborde par exemple la question de l’acheminement écologique des produits pour le dernier kilomètre.

En 2013, à l’issue des travaux de recherche conduits dans le cadre des Predit successifs, l’État prend conscience du rôle qu’il doit jouer dans la compétitivité des entreprises ainsi que du rôle joué par l’aménagement du territoire. À cette époque, le ministère de l’écologie commande un rapport sur la gestion mutualisée des approvisionnements et sur le rôle que les institutions publiques peuvent être amenées à jouer dans la diffusion d’une mutualisation logistique ([76]). Parmi les sept propositions établies par le rapport figure la nécessité de concevoir une stratégie logistique nationale déclinée à l’échelle des territoires, qui doit encourager l’intermodalité et l’interopérabilité, spécifiquement en matière de transport des marchandises.

Dans le même temps, la Banque mondiale a mis au point un calcul de l’indice de performance logistique national qui visait à inciter les États à intervenir dans ce secteur. En 2014, la France figurait à la quatorzième place. Ce classement, perçu comme un échec, conduit les pouvoirs publics à initier un véritable plan d’action logistique, sur le modèle de l’Allemagne, doté d’un Masterplan en la matière, qui figure en tête du classement mondial ([77]).

L’article 41 de la loi du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports consacre la naissance d’une stratégie nationale logistique, et impose la tenue d’une conférence nationale sur cette question.

Cette conférence nationale a débuté au premier semestre de l’année 2014 et s’est tenue en deux étapes, commençant par la constitution d’un conseil scientifique chargé de l’écriture d’un rapport portant sur l’état de la logistique en France. Ce rapport ([78]) a été remis en mars 2015 au secrétaire d’État chargé des transports, Alain Vidalies.

Bien que la stratégie « France Logistique 2025 » ait également appelé à « instaurer et animer une gouvernance intégrée de la logistique », il aura fallu attendre 2020 pour voir la création de l’association France Logistique, dont la visibilité est renforcée par sa présidence par une ancienne ministre, Anne-Marie Idrac, et du comité interministériel de la logistique. Ces deux structures, qui établissent utilement des relations permanentes entre les professionnels et les pouvoirs publics, résultent de la présentation de l’influent rapport « Pour une chaîne logistique plus compétitive au service des entreprises et du développement durable » rédigé par Patrick Daher et Éric Hémar en septembre 2019 ([79]).

Ce rapport, en réponse aux défis qui se présentent, propose un ensemble de mesures concrètes devant permettre de redynamiser la filière logistique. Plus précisément, des actions de deux ordres sont recommandées :

– la mise en place d’une organisation public/privé pour veiller à la bonne mise en œuvre des mesures par les acteurs concernés

– des actions concrètes de court et moyen terme pour permettre à la logistique française d’être plus compétitive.

Le rapport a abouti à la création d’un comité interministériel de la logistique, présidé par le Premier ministre et regroupant les ministres concernés, les collectivités locales, les opérateurs du transport massifié, la recherche et le secteur privé, la plateforme France Logistique, également issue du rapport, et des personnalités qualifiées.

La mise en œuvre de cette préconisation a permis, lors du troisième Comité interministériel de la logistique (Cilog) du 12 décembre 2022, la définition d’une stratégie nationale logistique dotée de huit axes ([80]) :

– installer une gouvernance structurée pour la filière logistique ;

– mettre en place de chaines logistiques pour reconquérir l’industrie française et européenne ;

– améliorer la compétitivité dans l’optique de relocaliser les bassins de production à proximité des bassins de consommation ;

– créer et accompagner l’innovation des acteurs de la filière ;

– mettre le foncier au service de la décarbonation et du verdissement de la chaine logistique ;

– augmenter la part de transports plus écologiques et permettre une meilleure articulation des différents modes de transport ;

– accélérer la décarbonation du secteur routier ;

– soutenir des solutions locales pour une logistique du dernier kilomètre plus durable.

On le voit, la réflexion stratégique à ce sujet est principalement liée à des problématiques de compétitivité dans un contexte de concurrence européenne forte. Bien que la question soit examinée sous l’angle des transports, les considérations d’urbanisme et d’aménagement de l’espace sont moins directement traitées.

Du côté des acteurs économiques, la création de France Logistique a permis un meilleur dialogue avec les pouvoirs publics, donnant lieu à la conclusion de plusieurs instruments de « droit souple » par l’État avec ces acteurs afin d’améliorer la performance économique et écologique du secteur.

La charte d’engagements pour la performance environnementale et économique de l’immobilier logistique français, signée en juillet 2021 entre l’État et les membres de l’association Afilog, qui réunit les acteurs de l’immobilier logistique, vise à mettre en œuvre des actions précises et quantifiables pour proposer des entrepôts plus performants sur le plan environnemental et sur le plan économique, adaptés aux besoins des territoires en termes d’immobilier logistique ([81]). Les engagements portent sur plusieurs enjeux relatifs à l’objectif de neutralité carbone, à la clarification du droit applicable, à l’instruction des dossiers relatifs aux entrepôts, à la recherche de l’utilisation privilégiée des friches pour la fonction logistique et leur réutilisation, à la gestion des eaux pluviales et de la biodiversité.

La charte d’engagements pour la réduction de l’impact environnemental du commerce en ligne, signée en juillet 2021 par le ministère de la transition écologique, le secrétariat d’État chargé de la transition numérique, la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad) et 14 grandes enseignes du commerce en ligne, comporte des engagements relatifs à l’information du consommateur, aux emballages, aux entrepôts et à la livraison ([82]). L’objectif est de construire un commerce en ligne plus éco-responsable, en réduisant son empreinte carbone et en respectant l’environnement.

Au niveau territorial, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) a présenté à la mission son plan d’actions pour le développement de la logistique en Centre-Val de Loire lors de son déplacement à Blois, adopté dans le cadre de la réflexion nationale engagée par le Comité interministériel de la logistique (Cilog) en octobre 2021 et après l’organisation d’une conférence régionale de la logistique en octobre 2022. Il a pour objectifs d’assurer la qualité des implantations logistiques, la durabilité des chaînes logistiques et l’emploi. Un comité de pilotage composé de la DREETS, de la Dreal, du conseil régional et d’Afilog s’est réuni pour approuvé le plan d’actions, qui prévoit :

– la publication annuelle des chiffres clefs de la logistique régionale ;

– le recensement et la valorisation des bonnes pratiques, selon un axe thématique : les premiers retours d’expérience concerneront la cyclologistique ;

– la qualité des implantations et des sites logistiques, en assurant un suivi de la mise en œuvre des engagements de la charte Afilog, l’identification des friches, le recensement des zones d’activités économiques, l’encouragement de l’innovation environnementale ;

– la mobilité durable des marchandises, par une meilleure communication sur la logistique urbaine durable et le développement du fret ferroviaire, notamment le transport combiné ;

– l’emploi, par un travail partenarial sur l’attractivité des métiers de la logistique et une adaptation de l’offre de formation.

En outre, dans le cadre d’un programme financé par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), les Dreal ont engagé des études régionales visant à identifier les réserves foncières pour la logistique. Le Cerema développe en partenariat avec ces acteurs des méthodes d’identification spécifique : ainsi le centre a-t-il rapporté à la mission qu’ « à titre d’exemple, en Hauts-de-France, l’expérience en cours d’identification et de caractérisation du " foncier logistique " est basée sur un scoring du foncier fondé sur différents critères : taille, emplacement, connexion aux réseaux et infrastructures de transport (notamment à la voie d’eau et au ferroviaire), capacité d’accueil d’activités logistiques ou industrielles spécifiques (dangereuses ou autres), etc. ». L’objectif de l’État est d’aboutir par cette voie à une « approche standard d’identification et de caractérisation du foncier potentiellement réservable pour de la logistique », de manière à objectiver les analyses et à pouvoir suivre l’évolution dans le temps des viviers.

Pour vos rapporteurs, il est aujourd’hui nécessaire de capitaliser sur cette stratégie pour aller plus loin. Au regard des auditions conduites et des visites qu’ils ont effectuées dans le cadre de la mission, il leur apparait nécessaire d’adopter une réelle logique de planification spatiale. Cette volonté trouve notamment sa justification dans l’étude de cas internationaux.

2.   Les pouvoirs publics ont mis en œuvre des allègements fiscaux pour renforcer la compétitivité des entrepôts

Pour assurer leur compétitivité, les entrepôts bénéficient d’allègements fiscaux. Parmi ces derniers, un abattement de droit de 50 % est appliqué sur toutes les composantes de la taxe d’aménagement pour les entrepôts et hangars non ouverts au public et faisant l’objet d’une exploitation commerciale ([83]).

De plus, les entrepôts, tout comme de nombreuses entreprises, profitent de la baisse des impôts de production, mise en place en 2021 dans le cadre du plan de relance économique. Cette mesure vise à diminuer les charges fiscales pesant sur les entreprises indépendamment de leur performance économique, dans le but de renforcer leur compétitivité et leur attractivité. Elle s’applique principalement à trois taxes : la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la taxe foncière (TFPB). Notamment, les entrepôts bénéficient de la suppression progressive de la CVAE d’ici 2027, ainsi que de l’abaissement du plafonnement de la cotisation économique territoriale (CET) de 3 % à 2 %, contribuant ainsi à un allègement fiscal significatif.

D’autres propositions de réforme fiscale ont été examinées dans le but de stimuler la compétitivité et l’investissement dans les entrepôts français. Cependant, poursuivre les exonérations fiscales ne semble pas souhaitable dans le contexte de baisse des impôts de production pour renforcer la compétitivité des entrepôts logistiques. L’une des pistes examinée est la suivante : « ne pas intégrer les nouveaux investissements des entreprises en matière d’outillage ou leur participation aux investissements destinés à faciliter le recours aux modes massifiés sur les zones dans le calcul de la TFPB. Un calcul assis sur la seule surface de bâtiment inciterait, au contraire, les opérateurs à densifier leurs entrepôts limitant par ailleurs l’emprise foncière » ([84]).

La taxe foncière applicable aux entrepôts est calculée soit en fonction de la méthode spécifique aux locaux professionnels, énoncée à l’article 1498 du CGI, qui multiplie la surface par un tarif au mètre carré, soit selon la méthode comptable de l’article 1499 du code général des impôts, basée sur le prix de revient des bâtiments et terrains, ajusté par des taux d’intérêt. Pour les entrepôts classés comme locaux professionnels, la valeur locative cadastrale (VLC) est estimée par une méthode tarifaire, qui prend en compte la surface multipliée par un tarif spécifique en euros par mètre carré, déterminé selon les loyers moyens observés dans chaque secteur d’évaluation.

En conséquence, les investissements des entreprises en outillage ou leur contribution aux investissements favorisant l’utilisation de modes de transport massifiés dans les zones logistiques ne sont pas pris en compte dans la détermination de la VLC, car ils n’altèrent pas la surface de l’entrepôt. Cependant, si des investissements sont réalisés dans les installations techniques, les matériels et les outillages au sein d’un entrepôt initialement évalué comme local professionnel, cela pourrait conduire à une reclassification de l’entrepôt en établissement industriel. Cette reclassification entraînerait un changement dans la méthode de calcul de la VLC, passant de la méthode tarifaire à la méthode comptable.

La seconde piste examinée est la suivante ([85]) : « étendre la décote d’un tiers pour la TFPB prévue pour les aéroports (et installation à la lutte contre pollution des eaux et atmosphère) à l’article 1518 du CGI aux zones identifiées pour favoriser la massification des flux logistiques (grands ports maritime, zones multimodales…) ».

Les entrepôts logistiques qualifiés d’établissements industriels bénéficient d’une évaluation fiscale spécifique selon la méthode comptable. Cette méthode calcule la base d’imposition pour la CFE et la TFPB sur la valeur des immeubles inscrite au bilan, en appliquant des taux d’intérêt au prix de revient des équipements industriels ([86]). Avec l’initiative de réduction des impôts de production depuis 2021, ces établissements ont largement profité d’allègements fiscaux. En particulier, la loi de finances pour 2021 a réduit de moitié les taux d’intérêt applicables, divisant ainsi par deux les valeurs locatives et les cotisations d’impôts fonciers pour de nombreuses entreprises. Par ailleurs, la CVAE a vu son taux d’imposition diminuer de moitié, avec un plafonnement de la CET abaissé de 3 % à 2 %. La loi de finances pour 2023 a poursuivi cette baisse, et le PLF pour 2024 envisage l’élimination graduelle de la CVAE d’ici à 2027. Ainsi, étendre l’abattement d’un tiers des valeurs locatives des entrepôts industriels pour le calcul de la TFPB ne semble pas judicieux, étant donné les avantages fiscaux déjà obtenus par ces établissements dans le cadre de la baisse des impôts de production.

Cette situation actuelle, où les entrepôts industriels bénéficient déjà d’allègements fiscaux significatifs, pose la question de la pertinence de l’introduction de nouvelles exonérations. En effet, les mesures existantes ont déjà un impact considérable sur la réduction des charges fiscales pour ces établissements, ce qui soulève des interrogations quant à l’opportunité d’aller plus loin dans l’octroi de faveurs fiscales. Dans ce contexte, la proposition des rapporteurs s’inscrit dans une perspective de prudence et de responsabilité fiscale.

Afin de préserver l’équilibre actuel et d’éviter une surcharge sur les ressources publiques, votre rapporteure Sandra Marsaud recommande de maintenir le statu quo en matière d’exonérations fiscales pour les entrepôts. Cette approche vise à conserver l’équilibre entre la compétitivité des entreprises et la nécessité pour les finances publiques de disposer des ressources nécessaires pour répondre aux besoins collectifs, en attente des positions formulées sur le sujet de la fiscalité par la stratégie nationale logistique lancée en décembre 2022.

Proposition n° 6 de votre rapporteure Sandra Marsaud. Maintenir le statu quo en matière d’exonérations fiscales pour les entrepôts, le temps d’une réflexion sur les différents outils et leur visée incitative. Évaluer sur le temps long les impacts des différents allégements et abattements décidés depuis 2018 afin d’en déterminer la part dans la croissance sectorielle. Réfléchir à l’opportunité d’étendre le bénéfice des allégements fiscaux actuellement attribués au titre des aéroports aux zones logistiques exclusives identifiées.

À l’inverse, votre rapporteur Charles Fournier se prononce en faveur de la suppression de l’abattement de 50 % sur les composantes de la taxe d’aménagement pour les entrepôts et hangars non ouverts au public et exploités commercialement précitée. Cet abattement peut en effet être considéré comme un avantage fiscal inapproprié et injustifié, soulignant la nécessité d’adopter une politique fiscale plus équilibrée à l’égard de la logistique.

Par ailleurs, votre rapporteur se prononce en faveur d’une contribution financière des plateformes e-commerce au financement des transports collectifs, face à l’impact environnemental et sanitaire de leurs activités en France. Avec Amazon dépassant 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 1,5 milliard de colis livrés annuellement ([87]), cela représente un coût environnemental important qui comprend l’utilisation excessive de plastique, l’engorgement des routes, et la pollution atmosphérique. Ces livraisons, qui sont permises par l’existence des infrastructures publiques, engendrent des coûts supplémentaires pour les collectivités et les contribuables en matière d’entretien de la voirie ainsi que des tournées supplémentaires pour le ramassage des déchets d’emballage.

Votre rapporteur soutient donc l’idée d’une taxe locale sur les livraisons liées au e-commerce, déjà appliquée ailleurs dans le monde, notamment dans l’État du Colorado ou encore à Barcelone ([88]), et soutenue par divers acteurs français. Cette taxe pourrait prendre diverses formes telles que « au " colis livré " par les transporteurs ou par les chargeurs (tels que Amazon), montant forfaitaire sur chaque colis ou commande, application d’un tarif proportionnel au poids, au volume ou au prix des colis, taxe sur le chiffre d’affaires des transporteurs ou chargeurs ... ». Une telle taxe a également soutenue par Philippe Duron dans son rapport sur le modèle économique des transports collectifs en 2021 ([89]).

L’Institut Paris Région estime qu’un prélèvement de 0,5 euro par colis en Île‑de-France pourrait rapporter 200 millions d’euros annuellement. Cette taxe pourrait mise en place localement sur délibération de l’autorité organisatrice de la mobilité (AOM) afin de financer les transports collectifs ([90]).

Proposition n° 6 de votre rapporteur Charles Fournier. Supprimer l’abattement de 50 % sur les composantes de la taxe d’aménagement pour les entrepôts et hangars non ouverts au public et exploités commercialement.

Proposition n° 7 de votre rapporteur Charles Fournier. Instaurer une taxe locale sur les livraisons e-commerce pour financer l’offre de mobilités durables, comme préconisé par le rapport Duron et la mission d’information Maurey-Sautarel du Sénat.

3.   La logique de robotisation de la filière logistique, accrue dans les entrepôts de grande taille, peut constituer un levier de productivité

Le déploiement de la robotisation dans le secteur logistique est motivé par la recherche d’une meilleure productivité. Comme l’indiquait à la mission Yann de Feraudy, président de France Supply Chain, cette tendance s’inscrit dans un débat longtemps divisé entre partisans et opposants. Les partisans soulignent l’efficacité des systèmes robotisés pour aider les opérateurs avec les tâches fastidieuses et répétitives, gérer de gros volumes et réduire les coûts logistiques, logique renforcée avec l’accélération du déploiement d’entrepôts de grande taille. Les opposants, quant à eux, pointent du doigt les coûts d’investissement élevés, la complexité de pilotage, l’entretien onéreux et un manque de flexibilité.

Yann de Feraudy précise que « l’avènement de la distribution " omnicanal " et les pics de volumes du e-commerce ont considérablement modifié les termes du débat. Il ne s’agit plus d’être pour ou contre ; il s’agit de repenser en profondeur les processus et organisations logistiques pour répondre aux exigences croissantes du consommateur, et ce faisant, identifier à quel niveau la technologie peut être un levier efficace » ([91]). Cette réflexion souligne l’importance d’adapter les processus logistiques aux nouvelles réalités du marché, en utilisant la technologie comme un outil stratégique pour améliorer le service et optimiser les coûts.

Mécanisation, automatisation et robotisation

La mécanisation fait référence à l’adoption étendue de machines pour remplacer la force de travail humaine. L’installation de convoyeurs ou de transpalettes illustre bien ce concept.

L’automatisation, quant à elle, consiste à utiliser des machines pour exécuter automatiquement des tâches prédéfinies. Cela conduit à une restructuration des processus et réduit ou élimine entièrement la nécessité d’une intervention humaine, en particulier pour les tâches physiques les plus ardues et répétitives. Par exemple, une machine à filmer les palettes ou un dispositif d’étiquetage automatique sont des moyens d’automatiser certaines étapes de la préparation d’une palette.

La robotisation, pour sa part, implique l’utilisation d’appareils automatiques capables de manipuler des objets ou de réaliser des opérations selon un programme fixe, modifiable ou adaptable. Cette adaptabilité permet aux robots d’agir de manière autonome ou de faire partie de systèmes mécanisés ou automatisés plus complexes. Par exemple, un robot peut être programmé pour assembler une palette en tenant compte des différents types de colis à y placer.

a.   L’intensification de la robotisation et de l’automatisation des processus logistiques est corrélée au déploiement des entrepôts XXL

L’automatisation et la robotisation des processus logistiques ont connu une nette accélération en Europe au cours de la dernière décennie, particulièrement marquée durant les dix à quinze dernières années, comme l’observe René de Koster ([92]). Par ailleurs, il note que certaines sociétés de conseil commercialisent leurs prévisions de marché pour les systèmes robotiques à des tarifs élevés. Ces prévisions suggèrent une croissance annuelle composée (CAGR) d’environ 12 % à 15 % pour les robots en Europe entre 2023 et 2030, un taux qui serait encore plus élevé aux États-Unis.

L’accélération du déploiement de la robotisation au sein de la logistique est visible dans l’évolution du marché des systèmes de manutention automatisés (automated material handling). Ce dernier a connu une croissance soutenue au cours des dernières années, une tendance soulignée par France Supply Chain ([93]). Selon une étude ([94]), ce marché est passé de 11 milliards d’euros en 2010 à 17 milliards d’euros en 2016, atteignant plus de 40 milliards d’euros en 2022. Ces chiffres témoignent d’une progression constante, et les prévisions indiquent une croissance continue, avec une projection de 87 milliards de dollars d’ici 2030. Ce marché bénéficie d’une dynamique favorable, portée par des facteurs tels que la demande croissante de solutions d’automatisation dans divers secteurs, l’amélioration de la sécurité et de l’efficacité des processus logistiques, la réduction des coûts opérationnels, ainsi que l’adoption croissante de technologies telles que l’intelligence artificielle et l’internet des objets.

MarchÉ des systÈmes de manutention automatisÉs de 2018 à 2030

Capture d’écran 2023-11-10 161607

Source : Ankit Gupta, Automated Material Handling Market Research Report, novembre 2023.

L’automatisation est fortement liée au développement et à l’expansion des grands entrepôts, bien qu’il n’y ait pas de causalité directe.

Toutefois, la robotisation peut varier selon la taille de l’entrepôts comme l’a expliqué René de Koster à la mission ([95]) : « On observe une utilisation traditionnelle de l’automatisation, comme les systèmes AS/R, depuis les années 1960, ainsi que des formes variées de robotisation, telles que les cobots, qui sont moins adaptées aux grands entrepôts. Cependant, diverses solutions automatisées de préparation de commandes sont couramment employées dans de nombreux grands sites. »

Selon le professeur René de Koster ([96]), les entrepôts contemporains, souvent supérieurs à 100 000 m², comme ceux utilisés pour le e-commerce, doivent gérer un volume considérable de commandes quotidiennes et une large diversité de produits nécessitant des conditions de stockage spécifiques. Cela peut expliquer une robotisation légèrement accrue dans ces entrepôts. La taille accrue de ces entrepôts implique des distances plus longues à parcourir pour la préparation et l’expédition des commandes, rendant les livraisons rapides plus complexes. Néanmoins, il est possible de surmonter ce défi par une conception réfléchie de l’installation et une sélection judicieuse des systèmes de stockage et logiciels de gestion adaptés.

Une combinaison de mécanisation et d’automatisation de haut niveau est souvent observée. La méthode du « produit vers l’homme » (ou méthode « goods to man »), particulièrement efficace dans les grands entrepôts, permet d’acheminer automatiquement les marchandises aux postes de picking. Cette méthode, associée à un poste de picking ergonomique, favorise une productivité élevée. Pour assurer des livraisons rapides, une conjugaison optimale de la conception de l’entrepôt, des méthodes de picking, de la gestion des produits, d’une planification minutieuse du travail et d’un degré élevé d’automatisation est essentielle.

Dans le secteur logistique, comme dans de nombreux autres domaines, le principal moteur de la mécanisation et de la robotisation est la quête de productivité et, par conséquent, la réduction des coûts opérationnels. L’adoption de la mécanisation, qui entraîne une augmentation de la productivité dans l’exécution des opérations, est l’une des rares solutions pour répondre à la hausse constante des coûts liés au foncier et à la main-d’œuvre, qui demeurent les principaux facteurs de dépense dans la gestion des entrepôts logistiques. En effet, selon Fance Supply Chain, qui cite à cet effet une étude du Boston Consulting Group, « la combinaison des différents outils technologiques à disposition permet, en moyenne, de réduire les coûts de production de 20 à 40 %. En termes de qualité et de productivité, les gains potentiels de la robotisation sont donc très importants. » ([97]) Votre rapporteur Charles Fournier, exprime ses réserves quant à cette logique spécifique de mécanisation et de robotisation dans le secteur logistique motivée principalement par la recherche de productivité et la réduction des coûts opérationnels, en mettant en avant d’autres considérations et notamment la préservation des emplois.

L’intensification de la robotisation renforce substantiellement la capacité opérationnelle et optimise la gestion des flux, facilitant ainsi une productivité accrue et une réduction des coûts de main-d’œuvre. Votre rapporteur Charles Fournier, se joignant au constat de David Gaborieau, considère que la robotisation, encore à ses premiers stades de développement, ne représente pas, pour l’instant, pas une solution pérenne pour l’avenir du secteur logistique qui requiert encore un intense recrutement en main-d’œuvre humaine.

La réduction des coûts et l’accroissement de la productivité constituent les principaux moteurs de l’adoption de la mécanisation, particulièrement dans des régions telles que l’Europe de l’Ouest où les coûts de la main-d’œuvre sont significatifs. Dans ce contexte, la rentabilité de tels investissements peut généralement être projetée sur une période de trois à six ans. Toutefois, même dans des zones où les coûts salariaux sont relativement moindres, l’adoption de solutions mécanisées et automatisées peut être dictée par un besoin de combler un déficit de main-d’œuvre, malgré un retour sur investissement potentiellement moins immédiat. La difficulté croissante à recruter de la main-d’œuvre compétente en Europe de l’Ouest, aux États-Unis et au Japon, conduit progressivement certaines entreprises à envisager l’automatisation totale de leurs sites. De surcroît, l’intégration de robots dans les processus opérationnels offre une flexibilité accrue, leur capacité à fonctionner de manière continue étant seulement limitée par les nécessités de maintenance ([98]).

La mécanisation et la robotisation jouent un rôle crucial dans la réduction des délais de livraison et l’amélioration du service client en logistique. Les avancées en matière de mécanisation et de robotisation ont un impact significatif sur la réduction du temps nécessaire au traitement des opérations, influençant directement le délai global de traitement d’une commande. Des modèles tels que la livraison le même jour (sameday delivery), popularisés par des entités comme Amazon qui offrent des services de livraison express (par exemple, la livraison en moins de 24 heures avec Amazon Prime depuis le 1er janvier 2016), établissent progressivement une nouvelle norme dans le secteur de la livraison. Ce standard s’applique non seulement au e-commerce, mais également aux systèmes de cliquer-collecter (click & collect), où les clients s’attendent à une disponibilité immédiate des produits commandés, qu’ils soient en stock ou non. Dès lors, selon France Supply Chain ([99]), « cette exigence de rapidité, couplée à une augmentation des volumes à gérer, nécessite l’installation de systèmes de préparation de commandes performants pour atteindre ces objectifs ». Votre rapporteur recommande une évaluation approfondie des conséquences sociales et écologiques découlant des stratégies axées sur une accélération constante des processus, notamment dans le contexte de la mécanisation et de la robotisation en logistique, qui sont centrales pour minimiser les délais de livraison et optimiser le service client.

L’adoption de la robotisation entraîne une amélioration notable de la qualité des opérations logistiques, réduisant les erreurs et optimisant les processus. Étant donné que l’erreur humaine est inévitable (avec un taux d’erreur moyen estimé à 3 %), l’exigence croissante de qualité de service pousse les logisticiens à renforcer leurs processus de contrôle, augmentant ainsi les coûts de préparation. La mécanisation et l’automatisation apportent des solutions à ce problème, non seulement par l’amélioration de la qualité des opérations, mais aussi par la rigueur qu’elles imposent à l’ensemble du processus. Les systèmes mécanisés et automatisés ne peuvent dévier de leur programme et ne sont pas capables de prendre des décisions en réponse à des événements non standard. Par exemple, un article non reconnu ou un code-barres illisible interrompt automatiquement les opérations, contrairement à un processus manuel qui pourrait contourner cette non‑conformité, risquant de propager l’erreur. Les robots contribuent également à limiter les pertes dues à des actes malveillants et certains sont spécifiquement conçus pour la surveillance et la prévention des cambriolages dans les entrepôts.

L’optimisation des coûts et la réduction de l’impact environnemental sont des bénéfices clés de la robotisation, contribuant à une gestion plus durable et économique des processus logistiques. L’exemple de Scapalsace à Colmar pour le groupe Leclerc, avec la mise en place début 2015 de son entrepôt entièrement automatisé, illustre les bénéfices environnementaux et opérationnels de la robotisation. On annonce une réduction de 30 % du nombre de rotations de camions, grâce au regroupement des activités sur un site unique et à l’optimisation du taux de remplissage des palettes, facilitée par des logiciels de planification en 3D. Cette réduction des rotations a des répercussions favorables tant sur les coûts que sur l’environnement. Votre rapporteur Charles Fournier souligne la nécessité d’une évaluation plus rigoureuse concernant l’affirmation selon laquelle la robotisation entraîne une optimisation des coûts et une réduction de l’impact environnemental et de valider empiriquement ces bénéfices présumés, avant de les considérer comme établis.

La robotisation facilite l’adaptation aux contraintes réglementaires, en matière environnementale et de conditions de travail, auxquelles la logistique doit se conformer. L’évolution des normes réglementaires, tant dans le domaine du transport (réduction des énergies fossiles, restrictions d’accès en zone urbaine) que dans les conditions de travail en entrepôt, exige une adaptation constante des outils et technologies utilisés. Au niveau des transports, l’optimisation du taux de remplissage des camions et des itinéraires de livraison devient stratégique. Dans les entrepôts, les outils et technologies doivent évoluer pour respecter les normes réglementaires de protection des opérateurs. Actuellement, les normes (NF X35- 109) fixent un tonnage cumulé journalier à 7,5 tonnes afin de prévenir les troubles musculosquelettiques (TMS) mais elles ont un impact sur la productivité dans les entrepôts. Les principales activités en entrepôt, y compris le déchargement, le stockage, la préparation de commandes, l’emballage, la palettisation et l’expédition, peuvent toutes bénéficier de la robotisation et de la mécanisation ([100]).

Le déchargement et la réception des produits, bien que disposant de quelques solutions d’aide, voient un déploiement limité en raison de la nécessité d’équipements spécifiques. Ces équipements sont principalement utilisés pour des flux importants et réguliers, comme en sortie d’usine, avec des exemples tels que le système de convoyage Plug-and-Carry Caroussel de réception de Boa Concept ([101]).

Le stockage des produits se fait sur des supports variés, comme des palettes ou des bacs plastiques. Le « stockage mécanisé » utilise la gravité pour optimiser l’espace et gérer le FIFO (« first-in, first-out »), avec des contraintes d’homogénéité des formats pour éviter les blocages. Le « stockage automatisé ou rotatif », géré par des systèmes informatiques, minimise les mouvements grâce à des carrousels ou des armoires rotatives, adaptés pour les petites pièces et produits à faible rotation. Le groupe E. Leclerc utilise ce type d’installation dans certains de ses entrepôts de préparation drive, permettant à trois salariés de traiter jusqu’à 4 000 références.

Comparaison de quatre systÈmes dits « goods-to-man »

Capture d’écran 2023-11-10 163422

Source : GS1, Robotisation et logistique, Enjeux et perspectives

La préparation de commandes à l’unité de vente consommateur (UVC) ([102]) est de plus en plus courante, surtout pour le e-commerce, et utilise des équipements avancés comme les trieurs, les étagères mobiles, et les stations de préparation automatisées, incluant des solutions comme l’AutoStore ([103]). Cette approche utilise des techniques et technologies avancées, combinant la gestion de volumes importants à un coût réduit, tout en garantissant une excellente qualité d’exécution comme l’illustre l’exemple des robots Skypods d’Exotec (voir encadré ci-après).

L’exemple des Skypods d’Exotec pour Monoprix

Les robots Skypods d’Exotec, des robots mobiles autonomes, facilitent la préparation de commandes dans les entrepôts. Capables de se mouvoir dans les trois dimensions et d’atteindre jusqu’à 12 mètres de hauteur, ils transportent bacs et plateaux entre les rayonnages de stockage et les postes de travail. Leur rapidité, agilité, adaptabilité, et leur aptitude à fonctionner dans des environnements à température contrôlée, les rendent particulièrement efficaces. Ils sont dirigés par un logiciel d’entrepôt avancé qui optimise les flux et l’efficacité du système. Ces robots contribuent à la réduction des coûts opérationnels, à l’augmentation de la productivité, et à l’amélioration de la sécurité et de la qualité des commandes. Ils sont adoptés par des entreprises telles que Monoprix, Cdiscount, Carrefour et Gap.

Concernant la mise en place de la solution Exotec chez C-Discount, elle se distingue par un retour sur investissement (ROI) prévisionnel rapide de 3,2 ans ([104]), comparé aux solutions traditionnelles, et par un délai de mise en œuvre du projet réduit à 5 mois. Cette solution offre également la flexibilité d’ajuster annuellement les éléments clés tels que les besoins en stockage, en traitement de flux et en opérations. De plus, la facilité de maintenance de l’équipement et la capacité de simuler entièrement l’installation avant exploitation sont des atouts majeurs. La solution assure une traçabilité complète des opérations, permettant une identification et une correction immédiates des dysfonctionnements, ainsi qu’une analyse approfondie des causes pour des ajustements efficaces.

Source : déplacement de la mission à Moissy-Cramayel.

Les opérations d’emballage, de palettisation et d’expédition sont confrontées à un problème d’hétérogénéité des produits, limitant de fait les perspectives de robotisation et requérant le plus de main-d’œuvre ([105]). Les systèmes d’assistance à la palettisation se divisent en deux architectures principales : d’une part, les robots polyarticulés fixés au sol, similaires à un bras humain, largement utilisés dans l’industrie automobile ; d’autre part, les robots cartésiens, basés sur un double portique pour les mouvements horizontaux et un manipulateur pour les mouvements verticaux et la manipulation des charges.

En ce qui concerne l’assistance au chargement, des systèmes automatisés (ATLS) existent, combinant des convoyeurs de palettes et des unités de manutention capables de charger jusqu’à six palettes à la fois dans un camion. Les systèmes de convoyage automatisés traditionnels, nommés « convoyeurs à navettes », comportent des navettes autonomes circulant sur un rail et capables de transporter des bacs ou colis jusqu’à 24 kg, voire des demi-palettes Europe jusqu’à 50 kg. Ces navettes peuvent être facilement retirées du rail en cas de panne, sans perturber le reste du système. Un réseau de convoyage complet peut être conçu avec des aiguillages, permettant aux navettes de changer de direction et de se croiser de façon autonome.

En termes simples, les entrepôts modernes s’appuient de plus en plus sur des logiciels intelligents pour gérer efficacement leurs opérations (voir tableau ci‑dessous). Ces logiciels, développés pour répondre aux exigences environnementales et aux attentes des consommateurs pour un environnement plus sain, aident à optimiser l’utilisation des ressources dans le transport et la logistique. Ces logiciels sont très détaillés et fournissent des informations précises sur le placement des colis dans les palettes, comme leur position exacte, leur orientation, leur poids, et comment ils doivent être disposés. Ces informations, qui ne prennent pas beaucoup de place en termes de données, peuvent être facilement partagées entre différents systèmes connectés dans l’entrepôt. Lorsqu’un robot est utilisé pour placer ou retirer des articles d’une palette, il fonctionne plus efficacement s’il a accès à ces informations détaillées.

Comparaison des logiciels d’entrepÔts

Source : GS1, « Robotisation et logistique : enjeux et perspectives ».

b.   L’automatisation est une réalité amenée à perdurer, mais qui se heurte encore à de nombreuses difficultés

Dans le débat sur l’avenir de l’automatisation et de la robotisation dans le secteur logistique, les avis divergent parmi les chercheurs.

D’un côté, certains voient l’automatisation comme l’avenir inéluctable du secteur. René de Koster affirme ainsi : « Je pense que les entrepôts sont certainement en train d’évoluer vers de plus hauts niveaux d’automatisation. Il s’agit d’une tendance inévitable pour plusieurs raisons : la pression des concurrents qui décident de l’adopter, la pénurie de main-d’œuvre et le manque d’espace ». Cela l’amène à considérer que l’automatisation est une « réalité amenée à perdurer » ([106]).

Cependant, d’autres, comme David Gaborieau, interrogé à ce sujet lors de son audition par la mission, adoptent une perspective différente, soulignant la faible automatisation actuelle dans le secteur. Il argumente que l’automatisation et la robotisation sont presque inexistantes, en faisant valoir qu’« en 2019, seuls 5 % des entrepôts ont au moins une opération mécanisée. Il n’y a qu’une dizaine d’entrepôts 100 % automatisés en France : c’est très anecdotique. Ce faible développement s’explique par le manque de mobilité et le coût élevé de production et d’entretien des robots ». M. Gaborieau note toutefois une augmentation de l’usage des convoyeurs mécaniques, mais rappelle que le secteur dépend encore largement de la main-d’œuvre non qualifiée. Pour lui, l’automatisation du secteur lui paraît trop complexe à moyen terme.

La mise en place d’entrepôts entièrement automatisés, bien qu’elle puisse générer des économies d’échelle et améliorer la compétitivité, fait face à plusieurs obstacles significatifs. D’un point de vue économique, le principal frein à la mécanisation reste la difficulté à obtenir un retour sur investissement (ROI) favorable ([107]). Cela est dû en grande partie au coût élevé des équipements, malgré une baisse en valeur absolue, mais augmenté par l’élargissement de leur couverture fonctionnelle. Les ROI théoriques, pour une installation complète, se situent généralement entre 5 et 10 ans, une durée incompatible avec les cycles d’activité prévisibles, souvent estimés à 3 ans. Ce problème est encore plus prononcé chez les prestataires logistiques (3PL) avec des contrats habituels de 3 ans, bien que certains commencent à proposer des contrats de 6 ans pour ces solutions ([108]). La durée totale de mise en œuvre d’un projet peut atteindre 2 ans, ce qui peut être dissuasif, surtout en tenant compte de l’incertitude sur les volumes à traiter et la faible flexibilité des grandes solutions intégrées.

Dans cette logique, le chercheur René de Koster confirmait à la mission ([109]) que, bien que divers systèmes robotiques existent, les entrepôts entièrement robotisés sont extrêmement coûteux et ne sont actuellement abordables que pour de grandes chaînes de distribution, et même dans ce cas, le retour sur investissement n’est pas encore garanti. Il prédit que cela ne changera que si les coûts diminuent considérablement.

 

 

 

 

 

 

 

 

Amazon et la robotisation, un cas particulier

Amazon se distingue nettement de ses concurrents en matière de robotisation, bénéficiant d’un avantage comparatif considérable. Selon René de Koster, la robotisation est particulièrement rentable pour Amazon, car pour eux, « les robots sont presque gratuits » ([110]). Amazon investit en effet massivement dans la recherche et le développement de ses propres robots, fabriqués dans son centre d’innovation à Westborough, aux États-Unis ([111]). Cette autonomie dans la production de robots permet à Amazon de réduire ses coûts et de limiter sa dépendance vis-à-vis des fournisseurs externes. En revanche, d’autres utilisateurs, tels que les concurrents d’Amazon ou les PME, n’ont pas les mêmes ressources pour développer et entretenir leurs propres robots, les obligeant ainsi à dépendre de sociétés spécialisées.

Concernant la politique d’Amazon en France, l’entreprise a réalisé des études démontrant les difficultés de robotisation dans ses entrepôts en raison de la variété des tailles de colis, ce qui nécessite un investissement important en main-d’œuvre humaine. Par exemple,son entrepôt de Metz emploie 2 233 personnes ([112]). Cependant, la politique de recrutement massif en France est le seul moyen dont dispose Amazon pour assurer l’acceptation locale de l’implantation de ses entrepôts logistiques. Néanmoins, malgré cette approche, certains pensent qu’Amazon pourrait, en réalité, planifier une robotisation extensive à moyen terme et envisager une automatisation complète sur le long terme. Son entrepôt le plus robotisé en France à Brétigny-sur-Orge ([113]), qui emploie actuellement 3 810 personnes, pourrait être un indicateur de cette tendance.

Amazon, avec son approche avant-gardiste de la robotisation, présente un cas complexe et évolutif en matière de politique d’automatisation. Bien qu’Amazon ait affirmé lors de l’audition de ses représentants pour la mission d’information avoir une politique d’automatisation et de robotisation limitée en raison de la taille hétérogène des colis à manipuler et un besoin important en main-d’œuvre humaine, cette déclaration semble en décalage avec ses avancées internes en robotique, particulièrement depuis le développement de robots humanoïdes comme « Digit » ([114]).

D’une part, Amazon investit massivement dans la recherche et le développement de ses propres robots, fabriqués dans son centre d’innovation à Westborough, aux États-Unis, lui permettant de réduire ses coûts et d’augmenter son autonomie, comme avec son robot Proteus mobile et autonome pour les entrepôts ([115]). Selon René de Koster ([116]), Amazon bénéficie d’une économie substantielle dans la production de ces robots, avec un coût estimé à environ 10 000 euros par unité, bien inférieur aux prix du marché en Europe de l’Ouest pour des Autonomous Mobile Robots (entre 40 000 et 45 000 euros par unité). Cette autonomie technologique contraste avec la situation des concurrents d’Amazon ou des PME qui dépendent de fournisseurs externes pour leur robotisation.

D’autre part, la politique de développement interne de la robotique chez Amazon, en particulier avec l’introduction de robots humanoïdes, soulève des questions sur la durabilité des emplois à moyen terme. Malgré les affirmations d’Amazon sur le besoin de main-d’œuvre humaine à court terme, l’évolution rapide de sa technologie robotique pourrait changer la donne à l’avenir. Les robots comme " Digit ", capables de gérer une plus grande variété de tâches, indiquent une possible expansion de l’automatisation au sein des entrepôts d’Amazon.

De plus, bien qu’Amazon compte environ 750 000 robots ([117]) dans ses entrepôts à la mi-2023, René de Koster souligne que l’automatisation complète n’est pas l’objectif à long terme d’Amazon, car « ils ont réalisé que la robotisation totale ne fonctionne pas pour eux ». Cependant, cette approche coexiste avec une forte dépendance à la main-d’œuvre humaine, et il n’est pas aisé d’estimer dans quelle mesure cette dépendance diminuera à mesure que la technologie robotique évolue.

En résumé, bien qu’Amazon maintienne actuellement une politique d’automatisation limitée et un besoin en main-d’œuvre humaine, les avancées continues dans la robotique interne de l’entreprise suggèrent une possible réorientation stratégique vers une automatisation plus étendue dans ses entrepôts, mettant potentiellement en question la pérennité des emplois dans le futur.

Les limites en termes de produits et de flux constituent un obstacle à la mécanisation et à l’automatisation ([118]). Tous les produits ne se prêtent pas facilement à une manipulation mécanique, en raison de leur diversité et des particularités de leur conditionnement. De même, les petits flux ou ceux qui varient considérablement ne sont pas idéaux pour la mécanisation. En effet, un système mécanisé est généralement conçu pour gérer les périodes de forte activité, et en conséquence, le volume réduit d’opérations durant les périodes creuses ne permet pas d’atteindre les niveaux de rentabilité espérés.

Enfin, du point de vue des ressources humaines, le passage d’un entrepôt manuel à un système mécanisé nécessite un changement de compétences et de métiers. Il est essentiel de disposer de professionnels capables de piloter, maintenir et faire évoluer les installations, or une pénurie de ces profils se fait sentir en France ([119]), exacerbée par une demande croissante et une offre de formation insuffisante. La réalisation d’un projet de mécanisation requiert une expertise variée, incluant la planification stratégique, la logistique, l’ingénierie des processus et des équipements, l’automatisation, la gestion de systèmes, l’ingénierie industrielle et électrique, les technologies d’information, et la gestion de projets.

Bien que des progrès importants aient été réalisés récemment dans l’automatisation, les robots actuels ne répondent pas encore à tous les besoins. Les professionnels de la logistique s’attendent à des avancées significatives dans les capacités futures des robots, notamment en termes de rapidité et de dextérité. Les secteurs principaux qui stimulent la demande en mécanisation et automatisation sont l’e-commerce et la grande distribution, en particulier là où le niveau de détail est crucial, et les délais de livraison sont courts ou doivent être réduits.

René de Koster ([120]) souligne que les contraintes sont le moteur de l’automatisation. Par exemple, l’automatisation devient une nécessité lorsqu’une entreprise doit augmenter ses capacités de stockage et de production dans un espace limité, ou lorsqu’elle fait face à une pénurie de main-d’œuvre pour des opérations continues ou des pics de demande. Les entreprises peuvent également se tourner vers la robotique en observant l’automatisation chez leurs concurrents.

En ce qui concerne l’avenir de l’automatisation dans les entrepôts logistiques, plusieurs évolutions sont envisagées. Bien que des projets soient en cours pour des véhicules guidés automatisés (automated guided vehicule ou AGV) équipés de robots polyarticulés pour la préparation de commandes, aucun n’a encore pleinement surmonté le défi de la préhension d’unités variées parmi d’autres objets de différentes natures et tailles. Les systèmes « goods to man » pourraient évoluer vers des systèmes « goods to robots ».

En matière d’intelligence artificielle, des études comme celle de Kardinal AI, acteur de marché, mettent en avant plusieurs applications potentielles ([121]) :

– l’automatisation de l’inventaire avec des drones inventoristes se déplaçant dans les entrepôts pour capturer des informations de codes-barres sur les palettes et les cartons, comme le modèle Eyesee d’Hardis Group ;

– la gestion intelligente des stocks où une IA analyse les données historiques, les commandes et les stocks actuels pour prédire les besoins et suggérer des décisions optimisées, comme les solutions de Vekia ;

– l’automatisation du tri des colis avec des robots qui scannent les étiquettes et les orientent vers la bonne zone du centre de tri ;

– l’automatisation de la préparation des commandes où un essaim de robots, comme le Skypod d’Exotec, se déplace dans les racks pour collecter les marchandises et les acheminer vers l’opérateur ;

– l’optimisation des tournées de livraison grâce à des algorithmes de recherche opérationnelle qui planifient les itinéraires en tenant compte de diverses contraintes, améliorant ainsi la répartition des ressources, réduisant l’impact environnemental et diminuant les coûts.

Les entrepôts entièrement automatisés sont considérés, pour certains, comme l’avenir de la logistique, offrant d’énormes gains de productivité et des économies d’échelle, ainsi qu’une utilisation plus efficace de l’espace, un facteur crucial dans des contextes où le terrain est rare. Comme le souligne René de Koster ([122]), « investir dans les robots est une nécessité dans certaines entreprises : 1) les personnes désireuses de travailler dur en continu 24h/24 et 7j/7 ne sont pas disponibles », et « 2) la terre est rare, donc une utilisation efficace de l’espace est nécessaire ; certains systèmes de robots aident à accomplir cela. De plus, les robots sont souvent loués, ils n’apparaissent donc pas au bilan ».

L’entrepôt automatisé Scapalsace à Niederhergheim, un cas d’étude

Un exemple concret est celui de Scapalsace à Niederhergheim, près de Colmar, qui a ouvert début 2015 un entrepôt de 32 000 m² entièrement automatisé, fonctionnant 21 heures sur 24. Cet entrepôt dessert 98 magasins dans dix départements, et est équipé de divers modules automatisés conçus par le groupe allemand Witron, incluant 5 dépalettiseurs et un stockage de 41 000 emplacements palettes d’une hauteur de 32 mètres. Avec 10 postes automatiques de palettisation et la gestion de 11 000 références à température ambiante par 80 salariés, cette structure peut traiter jusqu’à 200 000 colis par jour, contre 110 000 maximum avec l’ancien entrepôt lors des périodes de Noël.

À moyen terme, l’automatisation en logistique représente, pour certains, un risque pour les emplois dans le secteur, bien qu’elle puisse également offrir des solutions à certains problèmes. D’une part, l’automatisation peut atténuer la pénurie de main-d’œuvre et le déclin des bassins d’emploi, agissant comme un palliatif aux difficultés d’appariement des compétences. D’autre part, comme le soulignent les personnes auditionnées, la plupart des emplois peuvent être (partiellement) automatisés, à l’exception de ceux nécessitant une interaction étroite avec les clients. Toutefois, dans les dix prochaines années, il n’est pas prévu de diminution de la nécessité du personnel d’entrepôt à cause de l’automatisation.

 

 


—  1  —

 

   DeuxiÈme PARTIE :
La prÉcaritÉ et la pÉnibilitÉ de l’emploi dans les entrepÔts justifient des rÉformes

I.   les emplois dans les entrepÔts sont majoritairement marquÉs par la prÉcaritÉ et la pÉnibilitÉ

Dans le secteur de l’entreposage, l’emploi créé est souvent peu qualifié, faiblement rémunéré et précaire avec une forte proportion d’intérimaires. En outre, l’emploi généré par l’implantation d’un entrepôt est souvent inférieur aux projections avancées par les entreprises logistiques.

Le travail dans ces entrepôts se caractérise par une forte pénibilité, souvent sous-estimée ou occultée. Les travailleurs, généralement masculins, précaires et issus de l’immigration, sont confrontés à des conditions de travail de plus en plus exigeantes, exacerbées par l’utilisation de technologies telles que la commande vocale et la robotisation. Le secteur logistique, en France, se distingue par une pénibilité de travail supérieure à d’autres secteurs et affiche un taux élevé d’accidents mortels comparativement à ses homologues européens. Face à ces enjeux, le renforcement des solutions technologiques et l’implication des syndicats apparaissent comme des pistes pour atténuer les risques d’accidents du travail.

A.   L’emploi crÉÉ est peu qualifiÉ, faiblement rémunÉrÉ et fortement intÉrimaire

1.   Les métiers spécifiques à la filière requièrent un faible niveau de qualification

Dans l’ensemble du secteur logistique, une grande partie des postes sont occupés par des ouvriers, ce qui témoigne d’un niveau de qualification généralement modeste, requérant dans la plupart des cas des formations courtes ou spécifiques à l’emploi plutôt que des diplômes de l’enseignement supérieur : l’emploi logistique est à 80 % un emploi ouvrier, comme l’a rappelé, lors d’une audition par la mission, le chercheur David Gaborieau. Les données relatives à la demande d’emploi et aux offres du secteur dont dispose Pôle emploi ([123]) s’appuient sur la nomenclature du répertoire opérationnel des métiers et des emplois (Rome) qui répertorie les métiers de la logistique en trois domaines professionnels, comme dans le tableau suivant.

 

Métiers de la logistique selon la nomenclature française

Domaine

Répertoire opérationnel des métiers et des emplois (ROME)

N11

Magasinage, manutention des charges et déménagement

N1101

Conduite d’engins de déplacement des charges

N1102

Déménagement

N1103

Magasinage et préparation de commandes

N1104

Manœuvre et conduite d’engins lourds de manutention

N1105

Manutention manuelle de charges

N12

Organisation de la circulation des marchandises

N1201

Affrètement transport

N1202

Gestion des opérations de circulation internationale des marchandises

N13

Personnel d’encadrement

N1301

Conception et organisation de la chaîne logistique

N1302

Direction de site logistique

N1303

Intervention technique d’exploitation logistique

Source : Contribution écrite de Pôle emploi.

La variété des emplois dans ce secteur est notable, allant des conducteurs routiers, dont la mission est d’acheminer les marchandises sur des trajets longue distance, jusqu’aux conducteurs et livreurs sur courte distance, qui interviennent principalement dans le cadre de la distribution urbaine, sont amenés à exécuter des livraisons dans des délais restreints.

Un point particulier mérite d’être souligné concernant les ouvriers non qualifiés de l’emballage et manutentionnaires : ces postes, essentiels au bon fonctionnement du secteur, sont caractérisés par leur dynamisme. En effet, selon Pôle emploi ([124]), cette catégorie professionnelle figure parmi les 15 métiers comptabilisant le plus grand nombre de projets de recrutement en 2023, avec précisément 47 641 projets, ce qui souligne l’importance et la vitalité de ces métiers au sein de la filière.

Liste des 15 mÉtiers rassemblant le plus grand nombre de
projets de recrutement en 2023

C:\Users\jbricault\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.Word\xcccc.png

Source : Pôle emploi.

Les conducteurs de véhicules légers, pour leur part, répondent à une demande croissante pour des services de livraison de proximité. Les ouvriers qualifiés dans les domaines du magasinage et de la manutention jouissent souvent d’une expérience ou d’une formation technique qui les prédispose à la gestion et à la préparation des commandes, assurant ainsi l’efficacité et la régularité des stocks. Les agents d’exploitation des transports supervisent les opérations de transport et sont fréquemment détenteurs d’un bagage technique acquis par la formation ou l’expérience.

Enfin, les responsables logistiques, bien que n’occupant pas de fonctions de cadre, sont indispensables pour orchestrer les diverses composantes de la chaîne d’approvisionnement, contribuant ainsi à l’optimisation globale des flux de marchandises.

Dans l’ensemble, le secteur logistique, malgré une prédominance de postes nécessitant des qualifications moindres, comme l’illustre le tableau ciaprès, se distingue par une hétérogénéité fonctionnelle qui soutient son dynamisme et sa capacité à répondre aux besoins variés du commerce et de l’industrie.

 

 

 

 

mÉtiers et salaires moyens du secteur logistique

Métier

Salaire net mensuel moyen

Niveau de qualification

Description du poste

Cariste

1 900 €

CAP ou équivalent + CACES

Manipuler des stocks de marchandises à l’aide d’engins de levage

Magasinier

1 700 €

CAP ou équivalent

Réceptionner, entreposer et préparer des marchandises de petits et moyens gabarits

Préparateur de commandes

1 900 €

CAP ou équivalent

Conditionner et vérifier des produits en vue de leur stockage ou de leur livraison

Technicien logistique

2 600 €

BTS ou équivalent

Organiser et optimiser les flux de marchandises et d’informations

Conducteur routier

2 000 €

CAP ou équivalent + permis C ou CE + FIMO

Transporter des marchandises, des denrées ou des animaux d’un point à un autre

Approvisionneur

1 600 €

BTS ou équivalent

Gérer les stocks et les commandes de matières premières ou de produits finis

Affréteur

2 000 €

BTS ou équivalent

Négocier et organiser le transport de marchandises avec des prestataires externes

Livreur

1 700 €

CAP ou équivalent + permis B

Acheminer des colis ou des produits chez les clients

Logisticien

2 600 €

Licence ou équivalent

Planifier et coordonner les opérations logistiques d’une entreprise ou d’un service

Responsable d’exploitation

2 500 

Master ou équivalent

Superviser et contrôler les activités logistiques d’un site ou d’une zone géographique

Responsable d’exploitation (cadre)

4 100€

Master ou équivalent

Définir et mettre en œuvre la stratégie logistique d’une entreprise ou d’un groupe

Source : Insee, Salaires par profession dans le secteur privé, 2023.

2.   Des salaires orientés vers le bas dans le monde des prestataires logistiques

Les auditions menées par la mission d’information ont permis de cerner des enjeux cruciaux en matière de rémunération et de conditions de travail dans les entrepôts de grande taille. L’un des constats majeurs, corroboré tant par la CFTC que par la CFDT, dans le cadre de l’audition par la mission, est que les salaires dans le secteur de l’entreposage gravitent généralement autour du SMIC et sont peu évolutifs.

Votre rapporteur Charles Fournier explique la stagnation relative des salaires, au sein de la filière logistique, par la réduction générale des cotisations patronales (anciennement « réduction Fillon »), qui permet à l’employeur de baisser le montant de ses cotisations patronales. Initialement conçus pour favoriser l’emploi en réduisant le coût du travail pour les employeurs, ces allègements se concentrent sur les bas salaires (qui ne dépassent pas 2795,52 euros ([125]) bruts par mois).

En pratique, cela induit une incitation financière pour les employeurs à maintenir les rémunérations à un niveau juste inférieur au seuil de décrochage de ces allègements. Ainsi, les entreprises de la logistique, secteur traditionnellement caractérisé par des salaires modérés, sont tentées de limiter l’évolution salariale de leurs employés pour continuer à bénéficier de ces avantages fiscaux. Cette situation conduit à ce que l’on appelle une situation de « trappe à bas salaire », où les employés se retrouvent piégés dans des postes à faible rémunération avec peu de perspectives d’augmentation salariale.

En conséquence, votre rapporteur considère nécessaire d’engager une réflexion sur les effets négatifs de la réduction générale des cotisations patronales afin d’éviter les trappes à bas salaires.

Ce premier constat conduit à une réflexion plus large sur les disparités en matière de droits sociaux en fonction de la taille des structures logistiques. Selon la CFTC ([126]), ces inégalités se manifestent de manière plus flagrante lorsque l’on compare les grandes entreprises aux TPE/PME. En effet, dans les structures de grande taille, les accords conventionnels sont plus souvent respectés et des avantages complémentaires, comme l’intéressement aux bénéfices et la participation, sont fréquemment proposés. Ces avantages tendent à être absents dans les petites et moyennes entreprises, mettant en lumière une inégalité qui mérite l’attention des législateurs. D’après la CFDT ([127]), la rémunération globale, incluant salaires et primes, tend à être plus élevée dans les grands entrepôts, même si le salaire de base reste calqué sur la grille conventionnelle.

La contribution de la CFDT apporte des nuances importantes, qui méritent une attention particulière en soulignant que la nature de l’activité peut influencer la grille de rémunération. Tout d’abord, dans la filière du commerce, les salaires en logistique sont alignés sur la même grille que ceux des autres salariés. Néanmoins, cette grille est sujette à des variations en fonction de la convention collective en vigueur, elle-même influencée par la nature du produit commercialisé. La CFDT pointe ainsi le rôle significatif du volume et de la valeur ajoutée du produit dans la détermination des primes. Or, ces primes sont fréquemment assises sur les cadences du travail, une pratique qui n’est ni favorable à la qualité du travail, ni protectrice en matière de prévention des accidents de travail.

En ce qui concerne les filières du transport et de l’entreposage, la CFDT note que la grille conventionnelle est généralement respectée, tout en étant légèrement au-dessus du SMIC pour les premiers coefficients. Une réflexion sur ces coefficients s’impose, ainsi que la mise en place de classifications plus précises, qui pourraient améliorer la situation. L’ajout d’un treizième mois est également suggéré comme une mesure pouvant contribuer à une meilleure rémunération.

3.   Les emplois créés sont souvent moins nombreux qu’initialement annoncé

Le débat sur les incidences économiques de l’implantation d’entrepôts de grande taille se cristallise notamment autour de la question de la création d’emplois au niveau local. Selon la CFDT ([128]), les entrepôts de grande taille, comme celui du projet Amazon à Rouen qui n’a finalement pas vu le jour, auraient la capacité de générer un nombre significatif d’emplois induits, estimé entre 1 000 à 1 100 postes. Cette perspective semble à première vue prometteuse pour l’activité économique locale et attractive pour les élus locaux.

Cependant, ces chiffres sont à mettre en balance avec d’autres réalités moins optimistes, comme le souligne la CGT ([129]). En effet, les entrepôts logistiques ont également un impact négatif sur l’emploi, notamment dans le secteur du commerce de détail. Une récente étude des Amis de la Terre ([130]) indique que l’expansion du e-commerce a entraîné la destruction de 82 000 emplois entre 2009 et 2018. Cette tendance semble s’accélérer, comme en témoignent les fermetures récentes d’enseignes telles que Camaïeu, Kookaï, Naf-Naf et Minelli.

Dans ce contexte, où la stagnation des salaires et l’inflation croissante mettent déjà à mal les commerces de proximité, les entrepôts de grande taille posent un dilemme économique. D’une part, ils contribuent à l’activité économique locale en créant des emplois directs et induits. D’autre part, votre rapporteur Charles Fournier considère que leur impact sur les petites et moyennes entreprises, particulièrement dans le secteur du commerce de détail, peut être dévastateur, entraînant une perte nette d’emplois et exacerbant les inégalités économiques. À l’inverse, votre rapporteure Sandra Marsaud considère que leur impact sur le commerce de détail est mesuré et que leur implantation génère des emplois au niveau local.

Toutefois, il convient de noter que certaines entreprises, à l’image d’Amazon, semblent déroger à cette tendance générale. Selon une étude du cabinet Roland Berger ([131]), la nature spécifique de la logistique d’Amazon, qui gère des colis de tailles variées, rend difficile l’automatisation complète de ses entrepôts. Cette particularité a fait d’Amazon un important pourvoyeur d’emplois à l’échelle locale. À titre d’exemple, le site d’Augny, en Moselle, est devenu le premier employeur privé de la région avec plus de 4 000 emplois directs, dont plus de la moitié sont en contrat à durée indéterminée. Selon ses représentants en audition, Amazon emploie au total 15 500 travailleurs ([132]) en France, ce qui témoigne de son rôle significatif en tant qu’employeur.

Cette création d’emplois s’inscrit dans un contexte local spécifique. Selon l’étude précitée ([133]), l’implantation d’Amazon à Augny a constitué une véritable opportunité pour un territoire durement touché par les fermetures d’usines et de bases militaires dans le passé. De surcroît, les emplois créés ont principalement bénéficié aux habitants locaux, 59 % des salariés résidant à moins de 30 minutes en voiture du site. Selon la même étude, une enquête menée par Harris Interactive révèle d’ailleurs que 83 % des habitants et 88 % des professionnels locaux considèrent la présence de cet entrepôt comme bénéfique pour la région, soulignant notamment l’impact positif sur l’emploi.

En ce qui concerne les critères d’implantation d’un entrepôt pour Amazon, l’entreprise elle-même, lors de l’audition de ses représentants, a mis en avant plusieurs critères d’établissement des facteurs déterminants d’implantation d’un entrepôt logistique. Le critère prioritaire est l’emploi, avec une priorité donnée à la proximité de bassins d’emploi en difficulté. Les autres critères incluent la disponibilité du foncier, souvent plus accessible en France que dans les pays limitrophes, la proximité des infrastructures de transport, et enfin, l’acceptabilité locale, notamment en termes de dialogue politique.

Pourtant, votre rapporteur Charles Fournier considère que les critères d’implantation des entreprises logistiques ne paraissent pas être principalement orientés par des considérations liées à la création d’emplois. Cette situation soulève des interrogations quant à l’alignement des stratégies d’implantation logistique avec les objectifs d’emploi et de développement économique des territoires concernés.

 

 

 

 

Principales annonces d’implantation de sites
et crÉations d’emplois associÉs entre 2010 et 2022

Source : Roland Berger, « Nouveau centre de distribution Amazon à Metz : quel impact pour le territoire ? Rapport d’étape sur les impacts économiques, sociaux et environnementaux du site, un an après son ouverture », mars 2023.

4.   Une part d’intérim variable mais élevée

Le recours à l’intérim dans le secteur de la logistique est structurellement plus élevé que dans d’autres domaines ([134]). Cette tendance semble être durable, notamment en raison de l’évolution des attentes des consommateurs et du degré d’automatisation des tâches en logistique. Le secteur doit en effet gérer des fluctuations saisonnières importantes, caractérisées par des pics d’activité, comme durant la période de Noël, et des creux, notamment pendant les mois d’été.

Entre 2019 et 2022, le nombre d’intérimaires dans le secteur logistique a augmenté de 20 %, représentant environ 14,6 % des effectifs totaux, comme le montre le tableau ci-dessous ([135]). D’autres pays européens connaissent aussi cette tendance : le secteur logistique est ainsi le premier employeur d’intérimaires en Allemagne à hauteur de 21,7 % ([136]). Cette croissance s’explique par plusieurs facteurs.

Nombre de salariÉs intÉrimaires dans la logistique (ETP)

tableau

Source : direction de l’animation de la recherche et des études statistiques.

Premièrement, les grands entrepôts, notamment ceux liés au e-commerce, ont de plus en plus recours à l’intérim pour garantir la flexibilité et la qualité de leurs opérations. L’un des cas particulièrement éclairants en matière de recours à l’intérim dans le secteur de la logistique est celui d’Amazon. Selon des données de Roland Berger ([137]), au 1er septembre 2022, le site d’Amazon à ETZ2 affiche une composition de la main-d’œuvre assez révélatrice : 52 % des salariés sont en contrat à durée indéterminée (CDI) et 48 % sont des intérimaires. Amazon justifie cette proportion élevée d’intérimaires par le fait que ETZ2 est un site récemment créé, et note que la proportion d’intérimaires diminue progressivement chaque mois à mesure que de nouveaux salariés sont recrutés en CDI.

En comparaison, un site plus mature comme celui de Brétigny-sur-Orge, qui est similaire en taille et en degré d’automatisation à ETZ2 mais qui a ouvert ses portes en 2019, comptait moins de 100 intérimaires pendant les périodes de creux en 2022. Cette disparité suggère que le recours à l’intérim chez Amazon est en partie fonction du cycle de vie des entrepôts et de leur maturité opérationnelle. Toutefois, il convient de noter que même dans un site mature, la présence d’intérimaires demeure non négligeable, ce qui ajoute une nuance aux justifications fournies par Amazon.

Ce recours permet également d’externaliser des tâches administratives, comme la gestion des paies et des horaires. Dans ce contexte, selon Prism’emploi ([138]), il est courant de voir des « implants » au sein des sites qui emploient plus de 100 intérimaires en équivalent temps plein (ETP), qui permettent une gestion sur site des ressources humaines intérimaires. Ils sont gérés par les agences d’emploi et couvrent divers aspects, allant de la mobilité des travailleurs aux besoins de formation, en passant par la sécurisation des trajectoires professionnelles.

Deuxièmement, la crise sanitaire a exacerbé la demande en logistique, permettant aux agences d’emploi d’apporter des solutions opérationnelles pour répondre au surcroît d’activité. Au cours de la crise sanitaire de 2020-2021, le secteur de la logistique, et en particulier le e-commerce, a connu une forte demande en main-d’œuvre en raison des restrictions liées à la pandémie. Les agences de travail temporaire ont joué un rôle clé en fournissant des solutions rapides pour gérer cet accroissement soudain d’activité. Parallèlement, ces agences ont offert des opportunités d’emploi sécurisées à des personnes ayant perdu leur travail dans des secteurs affectés par la crise, facilitant ainsi leur transition vers des domaines en expansion. Bien que le recours à l’intérim ait légèrement fléchi après la stabilisation de la situation sanitaire, il demeure à un niveau supérieur à celui d’avant la crise.

Troisièmement, les difficultés de recrutement actuelles poussent les entreprises à solliciter les agences d’emploi intérimaire. Dans un environnement caractérisé par une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, les entreprises du secteur logistique se tournent fréquemment vers les agences de travail temporaire pour identifier des candidats possédant les compétences techniques requises. L’emploi intérimaire sert également de mécanisme d’évaluation permettant de tester les aptitudes des candidats avant une éventuelle embauche à long terme.

Les agences d’emploi investissent massivement dans la formation, consacrant environ 3 % de la masse salariale à cet effet, un chiffre bien supérieur à l’obligation légale de 1 %. Ces investissements se traduisent par le suivi annuel de près de 300 000 formations pratiques destinées à enrichir le vivier de compétences. Ce programme de formation inclut des modules spécifiques, comme les formations CACES, adaptées aux besoins de l’industrie et conditionnées à l’aptitude physique des participants.

Enfin, l’intérim n’est pas seulement une option pour les employeurs, mais également pour les travailleurs eux-mêmes qui recherchent une plus grande flexibilité. Selon Prism’emploi, le recours aux contrats à durée indéterminée intérimaires (CDII) témoigne de cette tendance. Ce contrat hybride offre à la fois la flexibilité de l’intérim et la protection de l’emploi à long terme, une caractéristique particulièrement présente dans le secteur du transport et de la logistique, qui représente 16 % des 50 000 CDII actuels. Les CDII présentent aussi des inconvénients et des risques pour les salariés intérimaires. Ils impliquent une forte mobilité géographique et professionnelle, qui peut être source de stress et d’instabilité personnelle. Ils ne garantissent pas une continuité d’emploi, car les périodes d’intermission peuvent être fréquentes et imprévisibles.

Les CDII peuvent aussi être utilisés par les entreprises de travail temporaire pour fidéliser les salariés intérimaires et éviter la concurrence des autres agences d’intérim. Ils peuvent aussi servir à contourner les règles du droit du travail, en évitant le paiement des indemnités de fin de contrat ou en dépassant la durée maximale des missions.

Les contrats temporaires comportent, en outre, plusieurs avantages financiers pour les travailleurs, notamment une indemnité de précarité d’emploi et une indemnité compensatrice de congés payés (cf. encadré). Ces indemnités, associées à une rémunération souvent supérieure au SMIC, rendent l’intérim attractif pour ceux qui cherchent à maximiser leur revenu.

Statut juridique de l’intérim en France

Le contrat de mission doit être écrit et signé par le salarié (article L. 1251-6 du code du travail). La durée maximale du contrat varie selon la nature de la mission, et ne peut en général s’étendre au-delà de 18 mois (article L. 1251-12-1). Le salaire doit être au minimum équivalent au salaire susceptible d’être perçu par un autre salarié de l’entreprise, à qualification et poste de travail équivalents (article L. 1251-18). À la fin de la mission, le salarié perçoit, en complément de son salaire, une indemnité de fin de mission, plus souvent appelée « prime de précarité » qui est au moins égale à 10 % de la rémunération totale brute, renouvellement du contrat inclus (article L. 1251-32). À cela s’ajoute une indemnité compensatrice de congés payés pour chaque mission effectuée, d’un montant variant en fonction de la durée de la mission et qui ne peut être inférieur à 10 % de la rémunération totale brute du salarié intérimaire (indemnité de fin de mission comprise) (article L. 1251-19).

Néanmoins, il convient de souligner les conséquences sociales souvent néfastes de l’intérim, comme le résume Cécile Cuny ([139]) : « Le travail intérimaire apparaît comme un instrument d’encadrement de la main-d’œuvre ouvrière en entrepôt, dont l’usage perpétue l’insécurité de l’emploi et des revenus ainsi que l’insécurité physique ».

Selon certaines personnes auditionnées, l’utilisation extensive de l’intérim est hautement préjudiciable pour les travailleurs ([140]). L’intérim implique une précarité de l’emploi, car le salarié n’a pas de garantie de continuité d’activité ni de stabilité professionnelle. Il peut être confronté à des périodes d’intermission, c’est-à-dire des périodes sans mission, qui peuvent être fréquentes et imprévisibles. Il peut aussi être soumis à des changements fréquents d’entreprise, de poste, de conditions de travail et de rémunération.

L’intérim peut entraîner une perte de droits sociaux, car le salarié n’a pas accès aux mêmes avantages que les salariés en CDI. Par exemple, il peut avoir des difficultés à bénéficier du chômage, de la retraite, du crédit ou du logement. Il peut aussi être exclu des instances représentatives du personnel, des négociations collectives ou des actions de formation.

Le recours extensif à l’intérim favorise également la concurrence entre les employés permanents et les intérimaires et entraîne un désengagement de la part de la direction, notamment en ce qui concerne les accidents du travail non déclarés.

Face à ce constate, votre rapporteur Charles Fournier recommande de conditionner les aides à l’embauche et à la formation à la réduction du recours à l’intérim et à la création de postes durables. Cette recommandation vise à renforcer l’attractivité des emplois logistiques, en réduisant leur précarité en incitant les employeurs à embaucher à long terme.

Proposition n° 8 de votre rapporteur Charles Fournier : Conditionner les aides à l’embauche et la formation, au sein des entreprises logistiques, à la création de postes durables et la réduction du recours à l’intérim.

B.   Une forte pÉnibilitÉ du travail, qui est souvent minimisÉe ou dissimulÉe

Le secteur logistique, notamment dans l’entreposage, se caractérise par des métiers physiques, aux rythmes difficiles et avec une accidentologie élevée.

1.   Des métiers très physiques, avec des populations très fortement masculines

Selon l’Insee, la majorité des postes dans le secteur logistique français, soit 80 %, sont occupés par des ouvriers, ce qui en fait un marché de l’emploi fortement orienté vers les emplois ouvriers ([141]).

En outre, l’Insee indique que 82 % des individus travaillant dans la logistique, toutes catégories socioprofessionnelles confondues, sont des hommes. Les statistiques pour la France montrent également que 9,2 % des ouvriers qualifiés en manutention sont des personnes immigrées, et ce chiffre passe à 11,1 % pour les ouvriers non qualifiés en manutention ([142]).

Les professions liées à l’entreposage sont reconnues pour leur exigence physique. Dans le domaine de la logistique, le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles est particulièrement élevé, se situant juste derrière le secteur du BTP, comme le souligne David Gaborieau. Il pointe, en particulier, la nécessité d’une régulation plus stricte du tonnage manutentionné quotidiennement. Dans le secteur des boissons, selon lui, les ouvriers manutentionnaires portent jusqu’à 8 tonnes par jour. Bien que la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) recommande de ne pas dépasser 12,5 tonnes par jour, il n’existe pas de réglementation formelle et suffisamment contraignante à ce sujet.

Une directive européenne du 29 mai 1990, transposée en droit français ([143]), fait obligation aux employeurs d’évaluer les risques associés à la manutention manuelle afin de les éliminer ou de les minimiser et assure la formation et le suivi médical des employés concernés. Cette initiative s’inscrit dans l’objectif de réduire les troubles musculosquelettiques, notamment les lombalgies.

Pour évaluer ces risques, on peut recourir à la « méthode d’analyse des manutentions manuelles » promue par la Cnam, le ministère du Travail et l’INRS ([144]). Bien que le tableau n° 98 identifie les professions à risque, il ne définit pas précisément ce qui constitue une manutention lourde.

En matière de prévention, la norme NF X35-109, recommandée par la Caisse nationale de l’assurance maladie, adoptée en juillet 2009, établit des limites de poids pour la manipulation d’objets durant le travail. Le tonnage cumulé journalier est fixé à 7,5 tonnes sur une période de 8 heures pour un individu. La recommandation 344 de la Cnam conseille de ne pas excéder un tonnage manutentionné de 12,5 tonnes pour les hommes et 6,2 tonnes pour les femmes par jour. Or, selon David Gaborieau, en pratique au sein des entrepôts, les ouvriers manutentionnaires manipulent un tonnage journalier supérieur à 7,5 tonnes, ce qui accroît le risque de troubles musculosquelettiques.

En outre, l’augmentation de la manutention de petits colis, souvent associée à des gestes répétitifs comme chez Amazon, contribue à l’accroissement du tonnage journalier et révèle la pénibilité croissante du travail dans le secteur logistique. Ce phénomène souligne l’impératif d’un cadre réglementaire plus rigoureux en matière de manutention manuelle pour atténuer les troubles musculosquelettiques, étant donné que les recommandations actuelles ne sont pas suffisamment contraignantes et qu’il n’existe pas d’obligations légales strictes concernant le tonnage journalier manipulé par les travailleurs.

Proposition n° 9 : Encadrer réglementairement le tonnage cumulé journalier afin de réduire la pénibilité des métiers de la logistique.

D’après le syndicat CFDT, auditionné par vos rapporteurs, les entrepôts fonctionnent souvent selon des horaires décalés en trois-huit ([145]). Les horaires atypiques, y compris le travail nocturne, contribuent à l’intensification de la pénibilité au travail. Les répercussions néfastes du travail de nuit sur la santé des employés sont avérées, comme le confirme une étude du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en 2007. En particulier, ces conséquences sont reconnues comme étant plus nocives pour les femmes, avec une augmentation de 26 % du risque de cancer du sein avant la ménopause selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ([146]). L’augmentation du travail de nuit, qui a doublé en vingt ans d’après l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), pourrait poser un problème majeur de santé publique ([147]). L’expertise réalisée révèle que le travail de nuit peut entraîner des conséquences sur trois niveaux :

– des effets confirmés concernent le sommeil, la somnolence diurne et le syndrome métabolique ;

– des effets probables incluent l’apparition de cancers (sein et prostate), des troubles psychiques (irritabilité, anxiété, dépression), une diminution des performances cognitives, l’obésité et le gain de poids, le diabète de type 2, et les maladies cardiovasculaires (ischémie coronaire et infarctus du myocarde) ;

– des effets possibles sont liés à des dyslipidémies, l’hypertension artérielle et les accidents vasculaires cérébraux ischémiques.

D’autres facteurs de risque liés à l’environnement de travail comprennent le bruit, les températures extrêmes, et dans une moindre mesure, les risques chimiques pour des entrepôts spécifiques. Concernant les risques chimiques, les travailleurs peuvent subir diverses lésions comme des brûlures ou des intoxications, développer des allergies ou même des cancers, en particulier ceux qui sont en contact avec des substances dangereuses telles que les solvants, peintures, colles et pesticides.

En ce qui concerne l’exposition au bruit, les employés peuvent éprouver des troubles auditifs, du stress, de la fatigue et de l’irritabilité, particulièrement ceux qui sont exposés à des niveaux de bruit élevés émanant de machines, d’alarmes et de klaxons. Enfin, les variations de température peuvent provoquer des coups de chaleur, de la déshydratation, des hypothermies, ou des gelures chez les employés opérant dans des environnements soumis à des températures très hautes ou très basses, tels que les chambres froides, les zones de cuisson ou les serres.

2.   Des rythmes de travail de plus en plus accélérés au fil des années

Selon les syndicats auditionnés, l’impact de l’automatisation sur la réduction de la pénibilité du travail dans le secteur de la logistique est incertain ([148]). L’organisation actuelle du travail, notamment la pression pour réduire les délais de livraison et le principe du « juste à temps » (just-in-time), suggère que la robotisation est principalement déployée pour accélérer les opérations et maximiser la rentabilité, plutôt que pour améliorer les conditions de travail.

Selon David Gaborieau, auditionné par la mission, l’évolution actuelle dans le secteur logistique tend davantage vers une automatisation des chaînes de commandement plutôt qu’une automatisation visant à réduire la pénibilité du travail.

Bien que la robotisation puisse alléger certaines tâches physiquement exigeantes ([149]), elle n’est pas une solution universelle. Des aspects du travail en logistique tels que la gestion des quais, le chargement et le déchargement des véhicules, ou la relation avec les conducteurs ne peuvent être complètement automatisés à l’heure actuelle.

De plus, l’automatisation peut générer de nouvelles formes de pénibilité, comme la réalisation de tâches répétitives à un rythme élevé sous surveillance constante. L’omniprésence et la constance des risques liés à l’emploi, notamment l’usage de commandes vocales via des oreillettes ([150]), peuvent entraîner des dangers significatifs tant pour la santé mentale que physique des travailleurs.

D’après les mêmes sources, divers risques associés à l’environnement de travail en entrepôts peuvent entraîner des troubles musculo-squelettiques qui affectent les muscles, les tendons, les nerfs ou les articulations. Ceux-ci incluent la manutention de charges lourdes, les postures contraignantes, le travail répétitif, et l’exposition aux vibrations (notamment pour les conducteurs de chariots et de transpalettes). Ces troubles musculosquelettiques touchent principalement les préparateurs de commandes, les caristes et les manutentionnaires ([151]).

Face à ce constat, les rapporteurs recommandent vivement d’amplifier les efforts en matière de formation et de sensibilisation aux risques professionnels spécifiques au secteur logistique. Il est essentiel que les salariés et les employeurs soient mieux informés et formés sur les enjeux liés aux troubles musculo-squelettiques (TMS), aux chutes de plain-pied ou en hauteur, aux accidents de circulation sur les lieux de travail, ainsi qu’aux risques psychosociaux (RPS) pouvant affecter la santé mentale et physique des travailleurs.

Pour ce faire, les services de santé au travail devraient jouer un rôle clé en collaborant étroitement avec les organismes de prévention tels que la Cnamts, l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) ou l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP), ainsi qu’avec les branches professionnelles concernées. Ces entités pourraient élaborer et dispenser des programmes de formation adaptés, intégrant des modules spécifiques sur la prévention des risques et la promotion de la sécurité au travail.

L’objectif serait de développer une culture de prévention forte au sein des entreprises de logistique, permettant à chacun de prendre conscience des dangers et d’adopter les comportements et les mesures préventives adéquats pour réduire significativement l’incidence des accidents du travail et maladies professionnelles dans ce secteur.

Proposition n° 10 : Renforcer la formation et la sensibilisation des salariés et des employeurs aux risques professionnels liés à la logistique, notamment les troubles musculo-squelettiques (TMS), les chutes, les accidents de circulation et les risques psychosociaux (RPS). Cette formation pourrait être dispensée par les services de santé au travail, les organismes de prévention et les branches professionnelles.

3.   Une accidentologie élevée, légèrement réduite au sein des grands entrepôts, mais sous-comptabilisée

a.   La France est mal classée en Europe en matière d’accidentologie, en particulier au sein de la filière logistique

Les données statistiques donnent un contexte préoccupant sur la situation en France en matière d’accidents du travail dans le secteur de la logistique. Selon les données d’Eurostat, la France se distinguait en 2019, en volume, par l’un des plus grands nombre d’accidents mortels au travail en Europe, avec un taux de 3,5 pour 100 000 employés ([152]). Ce chiffre est particulièrement préoccupant lorsqu’on le compare à des pays comme les Pays-Bas, où le taux n’était que de 0,5.

Accidents mortels au travail en Europe en 2021

Source : Eurostat.

Toutefois, s’agissant de l’accidentologie plus largement, selon la direction des risques professionnels (DRP) de la Cnam ([153]), il est très difficile d’effectuer des comparaisons probantes entre les pays européens. Les pays affichant des taux de sinistralité bas en Europe sont souvent ceux où la sous-déclaration est probablement élevée. Inversement, une forte dynamique de déclaration et de reconnaissance ne signifie pas forcément un manque de prévention, mais peut indiquer une tendance du système d’assurance à indemniser certaines pathologies ou une plus grande facilité d’attribution des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Les pays européens avec un système d’assurance AT/MP mature, comme l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne, enregistrent souvent plus de sinistres professionnels, contrairement à ceux avec des systèmes plus récents et des prestations AT/MP moindres, comme la Hongrie ou la Roumanie, où la sinistralité est très faible.

Les différences dans les obligations de déclaration et d’enregistrement des sinistres rendent difficile une évaluation directe de la prévention des risques au travail entre les pays. Par exemple, alors que l’Allemagne n’exige pas la déclaration d’accidents de moins de quatre jours d’arrêt, la France demande la déclaration de tous les accidents, même ceux sans arrêt de travail. De plus, l’attractivité des systèmes d’assurance varie d’un pays à l’autre, influençant ainsi la dynamique de déclaration des accidents. Certains pays exigent un taux d’incapacité minimum pour une indemnisation, tandis qu’en France, l’indemnisation est possible dès 1 % d’incapacité.

Dans le secteur spécifique de la logistique, regroupé sous la sous-catégorie NACE H52 (entreposage et services auxiliaires des transports) de la catégorie H de Transportation and Storage par Eurostat, la France se classe deuxième en Europe pour les accidents du travail de plus de trois jours en 2021, derrière l’Allemagne. Cette catégorie inclut l’entreposage et les services auxiliaires des transports, mais aussi d’autres activités connexes, limitant ainsi la spécificité des données pour l’entreposage seul. En termes d’évolution de la sinistralité dans le temps, on constate une évolution similaire par pays ([154]).

Accidents du travail de plus de trois jours dans le secteur

Source : Eurostat.

Un autre aspect notable concerne les accidents du travail entraînant de longues périodes d’arrêt. À cet égard, la France se distingue nettement des autres pays analysés. Elle occupe en effet la première place en termes de durée des arrêts de travail, en particulier pour ceux dépassant 21 jours. Cette spécificité suggère que, bien que la France se distingue également par une proportion plus importante d’accidents entraînant des arrêts de longue durée, ce qui soulève des questions sur la gravité des accidents du travail dans le pays.

RÉpartition des accidents par durÉe d’arrÊt

Source : contribution écrite de la direction des risques professionnels de la CNAM.

Si les comparaisons européennes s’avèrent complexes, les comparaisons interbranches donnent des niveaux élevés d’accidentologie pour la logistique. D’après les codes NAF sélectionnés ([155]), pour les salariés du régime général de sécurité sociale, l’indice de fréquence des accidents de travail en 2021 (les données les plus récentes disponibles) dans le secteur de la logistique est de 61,2 % pour l’entreposage et de 70,9 % pour le transport logistique. Ces taux sont supérieurs à ceux du secteur du comité technique national (CTN) C, qui regroupe ces deux domaines d’activité en plus d’autres secteurs, ainsi qu’à la moyenne de l’ensemble des secteurs.

Dans la même lignée, les dernières données d’après l’étude annuelle de Prism’emploi sur les accidents du travail ([156]) montrent que les taux de fréquence et de gravité des accidents du travail dans le secteur du transport et de la logistique restent supérieurs à la moyenne. Plus spécifiquement, le sous-secteur de l’entreposage présente un taux de fréquence des accidents du travail particulièrement élevé, qui n’a que marginalement reculé au cours des huit dernières années comme le montre le graphique ci-dessous s’agissant des accidents du travail des intérimaires ([157]). Ces chiffres ne prennent même pas en compte l’année 2020, qui a été marquée par la fermeture de certains sites.

Taux de frÉquence des accidents du travail des intÉrimaires
dans le sous‑secteur entreposage, 2014-2021

C:\Users\jbricault\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.Word\Capture d’écran 2023-11-02 110943.png

Source : Xerfi/Prism’emploi.

Par ailleurs, l’accidentologie est moins élevée dans les grands entrepôts. Les graphes ci-dessous démontrent une relation significative entre la taille des établissements et l’indice de fréquence des accidents, indiquant des disparités marquées entre les petits et les grands établissements.

Pour les établissements de 1 à 9 salariés dans le secteur de la logistique et du transport, l’indice de fréquence des accidents est de 70,7 ([158]), ce qui est presque le double de celui observé dans les entreprises de taille similaire dans l’ensemble des autres secteurs, à 35,3. Cette tendance à la hausse persiste pour les entreprises de 50 à 99 salariés, avec un indice de 57,8 pour le secteur logistique contre 25,1 pour l’ensemble des activités. Cependant, cette dynamique s’inverse de manière significative pour les très grands entrepôts de 1 500 salariés et plus, où l’indice de fréquence chute à 33,2 dans le secteur logistique, démontrant une réduction notable par rapport aux structures plus petites. Cela reste supérieur à la moyenne tous secteurs confondus, qui est de 9,0 pour des entreprises de cette envergure.

L’inversion de la courbe d’Indice de frÉquence des accidents en 2020
selon la taille d’Établissement dans les hauts‑de‑france

Capture d’écran 2023-10-24 121101

La direction des risques professionnels de l’Assurance maladie confirme également cette dynamique : « Nous ne disposons pas, dans nos bases de données, des informations relatives à la surface des entrepôts. Néanmoins, considérant que les surfaces les plus élevées conditionnent un effectif plus important, la distribution de la sinistralité par tranche d’effectif permet d’approcher et de distinguer la fréquence des accidents au regard de la taille des établissements, où l’on constate une augmentation des sinistres régulières jusqu’aux entreprises de 500 salariés (moins nombreuses) » ([159]).

Source : direction des risques professionnels.

Selon certaines contributions, cette baisse des indices de fréquence dans les grands entrepôts peut s’expliquer par la présence de référents sécurité, qui sont spécifiquement chargés de veiller au respect des bonnes pratiques de sécurité au travail ([160]). Ce système de surveillance dédié contribuerait donc à une meilleure maîtrise des risques et à une prévention efficace des accidents.

Selon certains observateurs, la dimension des entrepôts joue également un rôle dans la réduction des risques. Dans les grands entrepôts, le « fourmillement d’activités » est moins dense, ou se déploie sur des espaces plus vastes, ce qui diminue de facto les risques d’accidents. Selon cette logique, la gestion de l’espace et la fluidité de la circulation au sein de ces grands entrepôts contribuent ainsi à un environnement de travail plus sécurisé.

Toutefois, les données de ce graphique regroupent les activités de transport et d’entreposage, ce qui peut complexifier l’extraction d’informations précises sur l’entreposage seul. Afin d’affiner cette analyse et de concevoir des stratégies préventives adéquates, il serait judicieux de disposer de statistiques distinctes pour chaque activité.

Tout en reconnaissant l’importance de continuer à renforcer la sécurité dans les grands entrepôts, où les initiatives telles que la nomination de référents sécurité et la gestion optimisée de l’espace contribuent à la réduction des accidents, il est recommandé de concentrer les efforts de prévention sur les établissements de plus petite taille, où les indices de fréquence d’accidents sont les plus élevés.

Par ailleurs, selon les syndicats interrogés, l’inspection du travail joue un rôle crucial mais insuffisant dans la surveillance des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP). Elle est tenue d’être notifiée par l’employeur en cas d’accident grave, tel qu’un décès ou une incapacité de longue durée. Cette institution est également en mesure de mener des enquêtes pour déterminer les causes et responsabilités relatives aux AT/MP, et elle a le pouvoir de vérifier que les employeurs se conforment aux normes de prévention des risques, avec la possibilité d’émettre des sanctions en cas de non-respect.

Malgré ce rôle légal important, le nombre d’interventions de l’inspection du travail dans le domaine du transport et de l’entreposage est jugé insuffisant, surtout en considération des risques professionnels encourus par les salariés. La capacité d’intervention de l’inspection du travail est d’autant plus entravée par le manque de moyens et d’effectifs. Avec 1 952 agents de contrôle pour surveiller 1,8 million d’entreprises ([161]), la charge de travail est considérable. Ces agents ont également pour mission d’informer, de conseiller et de concilier, en plus de leurs responsabilités de contrôle.

Face à la sinistralité élevée dans le secteur de la logistique, il s’avère impératif d’intégrer les recommandations de l’INRS ([162]), visant à établir des pratiques optimales pour les maîtres d’ouvrage, les concepteurs et les exploitants de bâtiments. Ces recommandations portent principalement sur une conception améliorée des infrastructures et une révision des systèmes de stockage, notamment en ce qui concerne l’accessibilité et la hauteur des rayonnages.

Parmi les mesures préconisées, il est conseillé de minimiser les distances de déplacement et de manutention des marchandises en agençant de manière stratégique les zones de stockage et de préparation pour limiter l’effort physique, diminuer les risques d’accident et réduire l’exposition à des environnements difficiles comme le froid ou les zones bruyantes.

Le même institue recommande également d’assurer des espaces de circulation extérieurs suffisants, ainsi que des quais et des aires de manœuvre adéquats qui prennent en compte la taille et les spécificités des véhicules et engins de manutention afin de faciliter les opérations, de prévenir les risques de renversement et de collision, et d’assurer la sécurité des travailleurs. En outre, la conception de locaux annexes confortables et pratiques pour les employés est suggérée, tels que les vestiaires, sanitaires, espaces de pause et bureaux, pour répondre aux besoins physiologiques, psychologiques et sociaux des travailleurs, promouvoir leur bien-être et leur santé, et prévenir les troubles musculosquelettiques, le stress et l’isolement.

Pour généraliser ces bonnes pratiques, vos rapporteurs considèrent essentiel que les parties prenantes adaptent ou conçoivent les bâtiments en tenant compte de ces directives de l’INRS, afin de diminuer substantiellement les risques d’accidents du travail pour les ouvriers dans le domaine de la logistique. Ces recommandations de l’INRS portent sur la conception des postes de travail, la gestion des risques liés aux manutentions manuelles, l’amélioration de l’environnement de travail, et la mise en place de mesures préventives contre les chutes de hauteur et les accidents liés à la circulation de chariots et autres équipements. Parmi celles-ci, deux recommandations retiennent particulièrement l’attention de vos deux rapporteurs.

La première consiste à limiter les nuisances liées à l’environnement de travail en favorisant l’éclairage naturel (au moins 4 % de la toiture composée de lanterneaux et de trappes de désenfumage), en adaptant la température de l’entrepôt en fonction des typologies d’actions effectuées ou en installant des absorbants acoustiques pour réduire les nuisances sonores. La seconde vise à prévenir les risques liés aux manutentions manuelles en supprimant les double et triple niveaux de « picking » et en supprimant les risques liés au filmage manuel.

Proposition n° 11 : Prendre en compte les recommandations de l’Institut national de recherche et de sécurité en matière de construction et d’exploitation des bâtiments logistiques, notamment pour ce qui concerne l’amélioration de l’environnement de travail et la gestion des risques liés aux manutentions manuelles, afin de réduire la sinistralité en leur sein pour les travailleurs.

b.   Les intérimaires, au sein de la filière logistique, connaissent une taux d’accidentologie plus élevé

Le risque d’accidentologie est accentué pour les intérimaires, malgré des efforts réels en matière de prévention. Selon Prism’emploi, en 2021, le taux de fréquence des AT des intérimaires se situe à 60,49 contre 46,85 en moyenne ; le taux de gravité des AT des intérimaires y est de 1,78 contre 1,52 en moyenne ([163]).

L’utilisation substantielle de travailleurs intérimaires dans le secteur logistique, qui représente environ 14,6 % de la main-d’œuvre, contraste avec le fait qu’ils subissent près de 25 % des accidents du travail recensés dans ce secteur, révélant ainsi une surreprésentation significative de ces employés dans les statistiques d’accidentologie (cf. tableau ci-dessous).

Part des intÉrimaires parmi les accidents du travail
survenus dans la logistique en 2022

Capture d’écran 2023-11-02 120356

Source : Cnam, Prism’emploi.

L’entreprise utilisatrice est tenue responsable des conditions d’exécution du travail pour les salariés temporaires durant la période de leur mission ([164]). Cette responsabilité couvre spécifiquement les aspects liés à la santé et à la sécurité au travail. Par conséquent, il incombe à l’entreprise utilisatrice d’évaluer les risques professionnels auxquels sont exposés ces salariés temporaires. Cette évaluation est cruciale, car l’entreprise utilisatrice est la seule à pouvoir identifier précisément les risques spécifiques liés à son activité, tel qu’indiqué dans son document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), et à mettre en œuvre les mesures de prévention nécessaires.

Des actions publiques sont mises en œuvre pour renforcer les mesures de prévention spécifiquement destinées aux travailleurs intérimaires. Par exemple, la loi du 2 août 2021 a initié le lancement des actions de prévention collective (APC), impliquant une collaboration entre les services de santé au travail, les entreprises de travail temporaire (ETT) et les entreprises utilisatrices (EU) pour développer des stratégies préventives innovantes. L’inefficacité relative des visites médicales individuelles sur la prévention des accidents sur les lieux de travail a été reconnue, soulignant la nécessité d’une approche de prévention plus collective et ciblée.

Malgré ces actions en matière de prévention, le problème persiste et demeure structurel. Selon les chercheurs auditionnés par la mission ([165]), la gestion de l’intérim à grande échelle se heurte à un obstacle notable : le suivi des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP) s’avère complexe. En effet, les travailleurs intérimaires tendent à reprendre le travail dès la résolution de leurs problèmes de santé, sans qu’un arrêt de travail formel ne soit nécessairement enregistré.

c.   Des risques sous-comptabilisés et des accidents sous-déclarés

La CGT a pointé la difficulté d’analyser la sinistralité à partir des données globales fournies par la branche AT/MP de la sécurité sociale, en particulier pour distinguer les situations entre les grands et les petits entrepôts. Le taux élevé d’intérimaires complique cette analyse et la comparaison. La précarité liée aux contrats d’intérim incite souvent à une auto-censure, phénomène difficilement pris en compte dans les statistiques officielles des AT/MP. Pour une réduction efficace de la sinistralité, il est essentiel d’améliorer la précision des mesures, notamment en abordant la question de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Toutefois, la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles est prise en compte dans les statistiques AT/MP, mais de manière indirecte et approximativeEn effet, il existe un versement annuel de la branche AT/MP au profit de la branche maladie ([166]) pour compenser les dépenses liées à des sinistres ou des pathologies d’origine professionnelle non déclarés comme tels. Le montant de ce versement est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale, sur la base d’une estimation réalisée tous les trois ans par une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptesLa dernière commission, qui a rendu son rapport en 2021, a évalué le coût de la sousdéclaration entre 1,2 et 2,1 milliards d’euros ([167]).

La sous-déclaration des AT/MP est due à plusieurs facteurs, tels que l’ignorance, la crainte ou la complexité des démarches pour les victimes, l’impact économique ou l’image négative pour les employeurs, ou encore le manque de formation et d’information des professionnels de santé ([168])Dans le rapport précité, la commission a formulé des recommandations pour limiter ce phénomène, notamment en renforçant la prévention, l’information et la formation, en simplifiant les procédures et en améliorant le dispositif de réparation.

Parmi les recommandations énumérées par la commission, la plus efficiente, selon vos rapporteurs, serait de renforcer la traçabilité des expositions professionnelles afin de réduire la sous-déclaration des accidents du travail et d’améliorer leur prise en compte dans les statistiques publiques. Cette démarche, associée à une meilleure formation des médecins sur les maladies professionnelles et à un suivi médical post-professionnel systématisé, pourrait significativement réduire la sous-déclaration et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles. Elle implique un recueil d’informations méticuleux sur les expositions passées et la mise en place d’outils statistiques fiables pour suivre les progrès enregistrés. Cette action coordonnée, soutenue par une volonté politique forte, aurait un impact majeur sur la prévention et la réparation des maladies professionnelles dans le milieu du travail.

4.   Un renforcement des solutions technologiques pour lutter contre les accidents du travail s’impose

Contrairement aux idées reçues, la mécanisation n’entraîne pas systématiquement une réduction des troubles musculosquelettiques (TMS). L’augmentation des rythmes de travail et la multiplication des gestes – atteignant parfois de 1 000 à 1 200 mouvements à l’heure ([169]) – peuvent paradoxalement majorer les cas de TMS importants. Selon le Guide intralogistique de France Supply Chain, ces troubles ont augmenté d’environ 9 % annuellement au cours des dix dernières années. Par ailleurs, l’adoption de systèmes de commande vocaux ([170]) introduit également de potentiels dangers pour les travailleurs, tels qu’une hausse de la fatigue auditive et une surcharge de travail, des risques à ne pas négliger. Ces éléments ont été longuement évoqués par les acteurs réunis par la mission et François Ruffin lors du déplacement à Amiens.

Des chercheurs tels que Nicolas Raimbault et Laetitia Dablanc ([171]) soutiennent que ces innovations peuvent intensifier la pénibilité pour les employés en fin de chaîne de production, due à l’augmentation des cadences de travail.

Toutefois, pour combattre la pénibilité au travail, les troubles musculosquelettiques (TMS) et les accidents du travail, les avancées technologiques peuvent offrir des solutions prometteuses. Les robots reprennent désormais les activités les plus exigeantes, et des systèmes comme le « Goods to man » ([172]) réduisent la distance parcourue par les manutentionnaires pour le prélèvement des articles, tout en éliminant le besoin de se pencher pour récupérer les marchandises. Ces systèmes acheminent automatiquement les produits nécessaires à l’opérateur, lui permettant de composer une commande sans avoir à quitter sa station de travail. Ces méthodes sont couramment adoptées dans le commerce en ligne ou la distribution pharmaceutique et permettent une optimisation significative de l’espace, la largeur des allées étant réduite au strict nécessaire pour le matériel de manutention.

De plus, les statistiques révèlent que plus des deux tiers des accidents du travail nécessitant un arrêt de plus de trois jours, ainsi que la quasi-totalité des maladies professionnelles, sont associés aux manutentions manuelles ([173]). Ainsi, la prévention des risques liés à ces manutentions est devenue une priorité dans le secteur. Pour réduire ces risques, l’INRS ([174]) conseille d’éviter autant que possible les manutentions manuelles en favorisant la mécanisation via le déploiement d’équipements de protection collective, tels que l’utilisation de moyens de manutention mécanique (chariots, transpalettes, hayons élévateurs sécurisés, etc.) et de systèmes d’assistance pour le bâchage et le débâchage des remorques.

Des instruments tels que les cobots viennent en aide aux opérateurs pour le levage de charges lourdes. Comme expliqué par GS1 dans son livre blanc, la cobotique repose sur une interaction entre l’opérateur et le cobot, ou robot d’assistance, facilitant la manipulation d’objets pondéreux. Dans les entrepôts, c’est l’opérateur qui dirige le mouvement, mais c’est le cobot qui supporte le poids, ce qui améliore l’ergonomie au poste de travail.

Ces dispositifs présentent une grande flexibilité, car ils ne requièrent pas de coûts de configuration importants, contrairement aux bras robotiques traditionnels. Commandés par l’humain, ils éliminent également le besoin de zones de sécurité confinées – des espaces délimités où les robots s’arrêtent automatiquement si un opérateur y entre. Ce confinement, essentiel pour l’utilisation sécurisée d’un bras robotique, peut constituer jusqu’à 30 % du coût total de l’installation robotique.

De plus, ces systèmes cobotiques sont de plus en plus développés pour les manipulations délicates impliquant des charges de poids moyen (quelques kilos). Dans ces cas, la répétition des mouvements peut être aussi préjudiciable pour l’opérateur que le poids de la charge lui-même, induisant une nouvelle forme de pénibilité.

La prévalence des troubles musculosquelettiques

Les troubles musculosquelettiques (TMS) constituent des affections complexes et multifactorielles généralement induites par des postures de travail inadaptées et la réitération de mouvements identiques. Caractérisés par des douleurs chroniques, les TMS peuvent affecter diverses régions du corps, notamment les membres supérieurs (épaules, coudes, poignets), les membres inférieurs (genoux, chevilles) ou la colonne vertébrale.

En France, ces troubles représentent la cause principale de maladies professionnelles, impactant toutes catégories de métiers et secteurs d’activité. Ils font l’objet d’indemnisations au titre des tableaux 57, 69, 79, 97 et 98 de la Sécurité sociale. Selon Santé publique France, « les résultats montrent une augmentation du taux de signalement de la prévalence des TMS depuis 2015 » ([175]), soit une augmentation de 9 % par an depuis 10 ans ([176]).

En 2011, le nombre de nouveaux cas de TMS reconnus et indemnisés a dépassé les 47 400, venant s’ajouter aux cas des années précédentes. Ces pathologies ont eu pour conséquence directe la perte de 10 millions de journées de travail ([177]) et ont engendré un coût de 1,02 milliard d’euros en prestations, couvertes par les cotisations des entreprises.

Dans le contexte des plateformes logistiques, la durée moyenne des congés d’arrêt pour cause d’accident de travail (AT) lié à une lombalgie est estimée à 55 jours, tandis que pour une maladie professionnelle (MP) elle s’élève à 340 jours.

Par ailleurs, dans les métiers liés au secteur du transport (identifié par le code NES36 « K0 »), 38,1 % des troubles musculosquelettiques (TMS) aboutissent à une incapacité permanente partielle (IPP) ([178]).

Aujourd’hui, certaines innovations en cobotique, comme les exosquelettes, se présentent sous la forme de bras mécatroniques offrant un soutien fluide et ajusté au bras et au dos de l’opérateur. Cette évolution devrait favoriser une ergonomie accrue et sécurisée entre l’homme et la machine, en conformité avec les normes réglementaires actuelles. Ces avancées doivent rendre l’interaction avec les robots plus intuitive et aisée.

Toutefois, l’impact des exosquelettes sur la santé et la sécurité des opérateurs en milieu logistique est marqué par une certaine ambivalence. D’un côté, ces dispositifs promettent d’alléger le fardeau physique du port de charges et de diminuer le risque de TMS ([179]), une cause prépondérante d’absentéisme et de handicap dans le secteur. Ils pourraient également renforcer la productivité et la qualité du travail en permettant aux opérateurs d’exécuter leurs tâches plus aisément et rapidement. L’adaptabilité et la personnalisation des exosquelettes les rendent ajustables aux besoins spécifiques de chaque utilisateur.

En revanche, l’utilisation des exosquelettes n’est pas exempte de risques ([180]). Des risques mécaniques tels que les collisions, écrasements, frottements, et restrictions articulaires peuvent survenir, souvent dus à un mauvais ajustement ou à une défaillance de l’équipement. Le port d’un exosquelette peut également limiter la liberté de mouvement naturelle et entraîner une augmentation globale de la charge physique, ce qui pourrait aggraver certains TMS ou en générer de nouveaux par compensation. Les exosquelettes, tout en protégeant des efforts excessifs et des postures inappropriées, ne remédient pas à la répétition constante des mouvements, facteur significatif dans l’apparition des TMS. De plus, ils peuvent transférer les contraintes vers d’autres zones du corps, ce qui nécessite une évaluation attentive des risques associés.

Les implications psychologiques sont tout aussi significatives, avec des risques de perte de contrôle et d’autonomie, une augmentation des exigences attentionnelles et un impact sur l’expertise de l’opérateur. L’intégration des exosquelettes nécessite en outre une réorganisation du travail et peut susciter des réticences quant à leur acceptation, avec des répercussions psychologiques pouvant mener à un sentiment de dévalorisation. Les changements dans les méthodes de travail, en termes de mouvements et d’organisation, pourraient introduire de nouvelles formes de stress et de fatigue cognitive, sans compter les risques de perturbation de l’équilibre et des sensations proprioceptives.

Les opérateurs pourraient également rencontrer des risques liés aux machines, comme les dangers mécaniques, électriques, et ceux associés au bruit et aux vibrations.

Dès lors, la DRP résume ainsi la situation : « l’apparition sur le marché, ces dernières années, des exosquelettes, semble offrir de nouvelles perspectives pour réduire les contraintes liées aux manutentions manuelles. Cependant, l’état actuel de la technique ne permet pas à ce stade un déploiement en masse de ces équipements et s’inscrit plutôt dans un terrain expérimental » ([181]).

En dépit de ces défis, l’incorporation des exosquelettes offre une voie vers une amélioration ergonomique significative. Toutefois, cela requiert une réévaluation et une adaptation continues de la stratégie de prévention des risques professionnels, prenant en compte non seulement les bénéfices mécaniques et ergonomiques, mais aussi les dimensions cognitives et organisationnelles du travail.

5.   Des mesures d’accompagnement financier à poursuivre pour réduire l’accidentologie

Face à ce constat, les rapporteurs ne peuvent qu’encourager la pérennisation de plusieurs dispositifs financiers existant pour accompagner les entreprises du régime général dans la mise en œuvre d’un plan d’action de prévention des risques professionnels, en particulier dans les petites entreprises.

Les subventions prévention, destinées aux entreprises de moins de 50 salariés du secteur du transport et de la logistique, sont conçues pour soutenir les dirigeants dans leurs investissements visant à protéger les salariés contre les principaux risques professionnels inhérents à leurs activités ([182]). Ces aides financières sont disponibles pour une période limitée. Par exemple, de 2018 à 2023, des subventions spécifiques au secteur ou applicables de manière transversale ont été offertes, incluant :

– « filmeuse + » : une subvention couvrant 50 % du coût d’investissement dans des équipements de filmage manuel, comme les filmeuses à plateau rotatif ou à bras tournant et les housseuses automatiques ;

– TMS Pros Diagnostic : une subvention finançant la formation, l’évaluation et l’élaboration d’un plan d’action pour lutter contre les troubles musculosquelettiques ;

– TMS Pros Action : une subvention aidant les entreprises à acquérir de nouveaux équipements et à financer des formations pour réduire les contraintes physiques liées aux manutentions manuelles, aux efforts répétitifs ou aux postures contraignantes.

En outre, pour les entreprises de moins de 200 salariés, un dispositif complémentaire vise à promouvoir les bonnes pratiques de santé et sécurité au travail : le contrat de prévention. Durant la même période, toujours selon la DRP, 249 contrats ont été signés dans le secteur du transport et de la logistique, représentant un financement total de plus de 5,7 millions d’euros.

II.   Un recul tendanciel des effectifs et un mauvais appariement de l’offre et de la demande des emplois logistiques, qui invitent À des Évolutions pour assurer la durabilitÉ et la viabilitÉ du secteur

Le secteur logistique fait face à un recul tendanciel des effectifs et à un déséquilibre entre l’offre et la demande d’emplois, nécessitant des évolutions pour maintenir sa durabilité et viabilité. D’une part, bien que la filière logistique soit dynamique et ait un besoin constant de recrutement, au moins à court terme, elle rencontre paradoxalement des difficultés croissantes pour recruter depuis 2014, malgré un nombre important de demandeurs d’emploi en logistique, suggérant un problème d’appariement. D’autre part, la stagnation des effectifs de main-d’œuvre depuis vingt ans, malgré une augmentation significative de l’activité logistique, suggère une réduction à long terme des besoins en main‑d’œuvre. Cette situation est renforcée par un manque d’attractivité des emplois dans le secteur et une forte rotation de la main-d’œuvre, entraînant un assèchement récurrent des bassins d’emploi.

Face à ces défis, il est impératif d’associer les salariés à l’évolution future de la filière pour en renforcer l’attractivité durable. Alors que la protection syndicale est généralement bien établie, surtout dans les grands entrepôts, des améliorations sont envisageables pour la renforcer. De plus, l’existence d’entrepôts opérant à l’intersection de plusieurs branches favorise des pratiques de shopping normatif ou de dumping social invitant à une harmonisation par le haut des normes des conventions collectives est suggérée pour améliorer la situation.

A.   le marchÉ de l’emploi de la logistique, une situation paradoxale

1.   Une demande encore forte en recrutement confrontée à des difficultés

a.   La filière logistique a un besoin croissant en recrutement et connaît un taux de vacance faible

La branche logistique, bien qu’enregistrant un taux de vacance des postes relativement faible, a un besoin constant et croissant en matière d’embauches. D’après l’étude sur les besoins en main-d’œuvre (BMO) ([183]), qui recense les intentions d’embauche des employeurs, le domaine des transports et de l’entreposage affichait 239 272 intentions de recrutement pour l’année 2023, marquant une légère baisse de 2,54 % en comparaison avec l’année précédente. En 2023, ce secteur constituait 7,87 % de la totalité des intentions de recrutement, légèrement en dessous des 8 % observés en 2022.

Au sein de ce secteur, les postes les plus convoités étaient ceux de conducteurs routiers et de livreurs, avec 41 130 projets de recrutement, suivis par les ouvriers non qualifiés de l’emballage et manutentionnaires, pour lesquels 76 315 projets de recrutement étaient prévus, et les ouvriers qualifiés du magasinage et de la manutention, avec 21 097 projets.

Projets de recrutement par métier « Transports, logistique et tourisme »

C:\Users\jbricault\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.Word\bg.png

Source : Pôle emploi, Besoins en main-d’œuvre 2023, 2023.

Le faible taux de vacance des emplois dans le secteur de la logistique reflète son dynamisme, avec un taux d’emplois vacants de 2 % au premier trimestre 2023 pour les entreprises de plus de 10 salariés, selon l’enquête Acemo ([184]). Ce chiffre est en deçà de la moyenne tous secteurs confondus, qui s’établit à 2,3 %, tout en surpassant le taux de l’industrie fixé à 1,9 %. Entre 2018 et 2023, le secteur des transports et de l’entreposage a affiché en moyenne 14 868 postes vacants par période, suggérant que le nombre de postes non pourvus reste inférieur à la moyenne générale, qui est de 265 873 emplois vacants. Bien que le taux de vacance dans ce secteur ait connu une hausse, passant de 1,1 % au premier trimestre 2021 à 2,0 % au premier trimestre 2023, cette augmentation est proportionnelle à celle observée dans l’ensemble des secteurs. Ainsi, bien que les emplois vacants aient connu une croissance substantielle, passant de 8 035 au premier trimestre 2018 à 27 218 au premier trimestre 2023, cette tendance est cohérente avec l’évolution générale du marché du travail.

b.   Pourtant, le secteur logistique est confronté à une augmentation du taux de difficulté de recrutement depuis 2014.

Les données de l’enquête annuelle sur les besoins en main-d’œuvre ([185]) fournissent un aperçu précieux des difficultés de recrutement anticipés par les employeurs en logistique. Dans les trois professions spécifiques associées au secteur de l’entreposage, identifiées en bleu dans le tableau ci-dessous, on note que 57,43 % des employeurs considèrent les recrutements de 2023 comme étant problématiques, ce qui représente une augmentation considérable par rapport à seulement 23 % en 2014.

Si ces chiffres mettent en évidence une tendance croissante des difficultés à pourvoir des postes dans le secteur des transports et de l’entreposage, avec un taux général de difficulté de recrutement passant de 26,0 % en 2014 à 58,1 % en 2023 ce phénomène n’est pas propre au secteur de la logistique puisque la situation de plus en plus tendue dans l’ensemble des secteurs dont le taux est passé de 34,7 % en 2014 à 61,0 % en 2023.

Évolution du taux de difficultÉ de recrutement par mÉtier de 2014 À 2023

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Conducteurs routiers

46

39

44

56

75

78

75

58

75

70

Conducteurs de transport en commun sur route

47

45

48

42

56

67

72

73

81

81

Conducteurs et livreurs sur courte distance

24

16

21

28

29

71

71

39

46

38

Ouvriers non qualifiés de l’emballage et manutentionnaires

20

33

17

25

33

42

40

31

57

57

Conducteurs de véhicules légers

45

45

48

51

55

62

55

47

60

62

Ouvriers qualifiés du magasinage et de la manutention

24

33

31

37

51

63

43

38

50

57

Agents d’exploitation des transports

15

19

37

40

49

62

57

38

54

53

Responsables logistiques (non cadres)

24

45

33

26

58

64

55

45

58

57

Total secteur transports et entreposage

26

26

30

35

48

62

56

47

61

58

Total tous secteurs

34

32

32

37

44

50

51

44

57

61

Source : contribution écrite de Pôle emploi à la mission.

Les données du tableau fourni par Pôle emploi ([186]) révèlent une augmentation significative des tensions dans les métiers de la logistique sur la dernière décennie, ce qui est paradoxal avec le fort taux de vacance évoqué précédemment.

Le secteur est confronté à une problématique d’appariement de l’offre et de la demande en emplois, comme l’illustre le tableau ci-dessous qui présente l’évolution des tensions au cours de la dernière décennie pour les familles professionnelles de la logistique.

 

Évolution des tensions de recrutement dans la filiÈre logistique, 2012-2021

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Conducteurs routiers

4

3

3

4

5

5

5

5

5

5

Conducteurs de transport en commun sur route

5

3

3

3

4

5

5

5

5

5

Conducteurs et livreurs sur courte distance

2

1

1

1

2

4

5

3

3

4

Ouvriers non qualifiés de l’emballage et manutentionnaires

1

1

1

1

1

2

2

2

3

4

Conducteurs de véhicules légers

5

3

3

4

5

5

5

4

5

5

Ouvriers qualifiés du magasinage et de la manutention

2

1

1

1

2

3

3

2

3

4

Agents d’exploitation des transports

3

2

3

5

5

5

5

4

4

4

Responsables logistiques (non cadres)

3

3

2

1

4

5

4

3

5

5

Source : contribution écrite de Pôle emploi à la mission. Pour mieux comprendre les défis du recrutement, Pôle emploi et la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) ont mis à jour leur méthode d’évaluation des tensions sur le marché du travail. Ils utilisent désormais un indicateur principal qui classe les métiers selon leur niveau de tension, de « niveau 5 » pour les plus tendus à « niveau 1 » pour les moins tendus.

Dans l’ensemble, le tableau met en évidence une problématique d’appariement entre l’offre et la demande sur le marché du travail dans le secteur logistique. La demande pour des professionnels qualifiés est en hausse, tandis que l’offre de main-d’œuvre disponible et qualifiée ne parvient pas à répondre à cette demande croissante. Cela a conduit à une augmentation des tensions dans le recrutement pour ces métiers, soulignant la nécessité pour les entreprises de reconsidérer leurs approches en termes de recrutement et de fidélisation des talents. Six indicateurs complémentaires (cf. tableau ci-dessous), également mesurés du niveau 1 au niveau 5, permettent d’appréhender les causes de ces tensions sur le marché de l’emploi logistique.


Indicateurs complémentaires des tensions de recrutement par mÉtier

 

Indicateur principal de tension*

Intensité d’embauche

Manque de main-d’œuvre disponible

Non-durabilité de l’emploi

Lien formation-emploi

Conditions de travail contraignantes

Inadéquation géographique

Conducteurs routiers

5

5

2

3

4

4

4

Conducteurs de transport en commun sur route

5

3

2

3

1

4

3

Conducteurs et livreurs sur courte distance

4

4

5

3

1

5

3

Ouvriers non qualifiés de l’emballage et manutentionnaires

4

5

4

5

1

4

3

Conducteurs de véhicules légers

5

3

4

2

1

3

5

Ouvriers qualifiés du magasinage et de la manutention

4

4

4

5

1

4

3

Agents d’exploitation des transports

4

3

1

2

3

4

5

Responsables logistiques (non cadres)

5

5

3

2

1

2

1

Note de lecture : les métiers de responsables logistiques (non cadres) font partie des métiers les plus en tension, en lien avec une forte intensité d’embauche.

*L’indicateur d’intensité d’embauche pour Pôle emploi fait partie des indicateurs stratégiques que Pôle emploi utilise pour évaluer sa performance et adapter ses services aux besoins des entreprises et des demandeurs d’emploi. Il permet notamment de repérer les métiers en tension, qui sont souvent des métiers dits pénuriques, c’est-à-dire qui peinent à trouver des candidats qualifiés. Ces métiers peuvent bénéficier de mesures spécifiques pour favoriser le recrutement, comme des formations adaptées, des aides financières ou des dispositifs d’accompagnement personnalisé.

Source : Contribution écrite de Pôle emploi à la mission.

L’analyse combinée des deux tableaux révèle une corrélation entre l’augmentation des tensions dans le recrutement pour les métiers de la logistique et plusieurs facteurs sous-jacents mesurés par les indicateurs complémentaires. Améliorer les conditions de travail, proposer des parcours professionnels attractifs et investir dans la formation continue pourraient être des leviers pour améliorer cet appariement et répondre aux besoins du secteur.

Pour les ouvriers non qualifiés de l’emballage et manutentionnaires, la montée des tensions, qui est passée d’un niveau bas en 2012 à un niveau nettement plus élevé en 2021, peut être attribuée à la forte intensité d’embauche et à la non‑durabilité de l’emploi. La combinaison de ces deux facteurs indique que, malgré un nombre élevé de postes à pourvoir, ces emplois sont souvent précaires ou temporaires, ce qui contribue à la difficulté de recrutement. Les conditions de travail contraignantes, également notées comme un problème, suggèrent que l’amélioration des conditions de travail pourrait être nécessaire pour attirer et retenir les employés dans ces rôles.

Concernant les ouvriers qualifiés du magasinage et de la manutention, la tension a également augmenté au cours de la décennie, signalant des difficultés similaires. La demande élevée pour ces emplois qualifiés et la précarité des postes rendent le recrutement ardu. Les conditions de travail, qui sont considérées comme contraignantes, jouent également un rôle dans l’augmentation des tensions. Cela suggère un besoin d’investissement dans la formation et l’amélioration des conditions de travail pour rendre ces emplois plus attractifs.

Pour les responsables logistiques (non cadres), l’augmentation des tensions est marquée et peut être partiellement expliquée par une forte intensité d’embauche. Cela signifie que, bien que les opportunités d’emploi soient nombreuses, trouver des candidats qualifiés reste difficile. La non-durabilité de l’emploi pour ce groupe est moins problématique que pour les ouvriers, indiquant des postes relativement plus stables. Cependant, l’inadéquation entre la formation et l’emploi et les conditions de travail moins contraignantes que dans les postes d’ouvriers pourraient indiquer des problèmes liés à l’adéquation des compétences et à la qualité des emplois proposés.

L’augmentation des tensions dans ces métiers de la logistique semble être fortement influencée par la combinaison d’un besoin croissant en main-d’œuvre, de la précarité des postes offerts et des conditions de travail difficiles. Pour remédier à ces problèmes, il serait nécessaire d’investir dans la formation pour mieux aligner les compétences des travailleurs avec les besoins du marché, d’améliorer la durabilité de l’emploi et de rendre les conditions de travail plus attrayantes pour réduire le turnover et attirer des talents qualifiés.

Par ailleurs, l’inadéquation géographique est un facteur non négligeable qui peut considérablement affecter l’appariement entre l’offre et la demande d’emplois dans le secteur de la logistique. Comme l’a souligné Cécile Cuny ([187]), en s’appuyant sur les travaux de Nicolas Raimbault, les lieux de résidence des travailleurs de la logistique sont souvent éloignés de leur lieu de travail, notamment en Île-de-France. Cette déconnexion est plus marquée pour les ouvriers de la logistique que pour ceux de l’industrie.

Historiquement, les ouvriers industriels se sont installés à proximité des grandes zones industrielles, mais cette tendance ne se retrouve pas dans le secteur de la logistique. Les zones logistiques sont généralement établies loin des zones résidentielles, des commerces et des services urbains, pour des raisons liées à la production et au développement immobilier.

Cette situation fragmente le groupe socio-professionnel des ouvriers de la logistique, rendant plus difficile l’accès à l’emploi pour ceux qui vivent loin de ces zones. En conséquence, même si des emplois sont disponibles, ils peuvent ne pas être pourvus faute de candidats locaux, et la distance peut dissuader les travailleurs potentiels de postuler ou de rester dans ces emplois.

Pour améliorer l’appariement entre l’offre et la demande d’emplois dans le secteur de la logistique, il serait donc important de prendre en compte la dimension géographique et de développer des stratégies qui favorisent une meilleure accessibilité des lieux de travail. Cela pourrait inclure des initiatives telles que la création de logements abordables à proximité des zones logistiques, l’amélioration des transports en commun, ou des mesures incitatives pour encourager les entreprises à s’installer dans des zones plus proches des bassins de vie des travailleurs.

2.   Un nombre de demandeurs d’emploi constant, malgré les difficultés de recrutement des entreprises logistiques

À la fin août 2023, le nombre de demandeurs d’emploi recherchant activement des positions dans le domaine de la logistique s’élevait à 323 300, représentant une baisse modeste de 0,6 % par rapport à l’année précédente et de 1,9 % depuis fin août 2019. Cette tendance à la baisse contraste avec une diminution plus marquée de l’ensemble des demandeurs d’emploi, qui s’affiche à - 1,6 % sur un an et - 7,5 % sur trois ans. Plus d’un tiers de ces demandeurs d’emploi en logistique ciblent spécifiquement le magasinage et la préparation de commandes. Ces demandeurs d’emploi forment 6 % du total des demandeurs d’emploi.

Ce chiffre peut paraître surprenant, surtout à la lumière de la pénurie de main-d’œuvre et des difficultés de recrutement persistantes signalées par les entreprises du secteur logistique et évoquées ci-dessus. Ce décalage indique un appariement inadéquat entre l’offre d’emploi et la demande de travail, reflétant potentiellement des disparités géographiques, des compétences ou des attentes en matière d’emploi qui ne correspondent pas aux postes disponibles ou aux conditions de travail proposées.

Pour expliquer le chômage dans certains métiers du secteur logistique, plusieurs facteurs doivent être pris en considération, notamment l’automatisation. Selon le chercheur Éric Ballot, bien que l’activité ait augmenté, le nombre d’emplois dans le secteur est resté constant sur les vingt dernières années, s’élevant à 1,4 million en 2021, ce qui suggère que l’automatisation compense en partie la croissance de l’activité. Pour confirmer cette logique, une étude révèle que le marché des systèmes de manutention automatisés est en croissance ([188]), passant de 11,4 milliards d’euros en 2010 à 17,4 milliards d’euros en 2016, atteignant 37,7 milliards d’euros en 2021 et 40,2 milliards d’euros en 2022

L’inadéquation géographique est un second facteur explicatif de la persistance du chômage au sein de la logistique, avec des emplois souvent situés loin des bassins d’emploi, ce qui épuise rapidement les ressources humaines disponibles. Cela est exacerbé par une attractivité limitée des métiers logistiques, en partie due à l’éloignement des lieux de travail et à un accès insuffisant aux transports en commun. Pour pallier ces difficultés, les employeurs pourraient prendre des mesures pour améliorer la situation de la mobilité.


nombre de demandeurs d’emploi catégorie A, B, C, France entière recherchant un emploi dans la logistique par métiers

 

Août 2023

Août 2022

Août 2019

Évolution 22-23

Évolution 19-23

N1101 : Conduite d’engins de déplacement des charges

62 220

61 990

62 300

0

- 0

N1102 : Déménagement

2 470

2 500

2 820

- 1

- 12

N1103 : Magasinage et préparation de commandes

163 030

161 280

157 640

1

3

N1104 : Manœuvre et conduite d’engins lourds de manutention

1 530

1 510

1 650

1

- 7

N1105 : Manutention manuelle de charges

66 510

69 690

76 920

- 4

- 13

N1201 : Affrètement transport

900

850

1 020

5

- 11

N1202 : Gestion des opérations de circulation internationale des marchandises

2 160

2 120

2 400

1

- 10

N1301 : Conception et organisation de la chaîne logistique

8 700

8 720

7 320

-0

18

N1302 : Responsable de site logistique

2 680

2 580

2 610

3

2

N1303 : Technicien logistique

13 070

13 920

14 700

- 6

- 11

Total Logistique

323 270

325 160

329 380

-0

- 1

Total tous métiers

5 402 040

5 490 880

5 839 450

-1

- 7

Source : contribution écrite de Pôle emploi à la mission.

Face à ces enjeux d’appariement, vos rapporteurs recommandent un double effort de planification et d’anticipation. D’une part, l’implantation des zones logistiques devrait être soutenue par une analyse approfondie des besoins en transports collectifs et s’inscrire dans le cadre des plans de déplacements urbains. D’autre part, la planification territoriale devrait intégrer les solutions de mobilité mises en place par les entreprises, afin de faciliter l’accès aux emplois dans le secteur logistique et de les rendre plus attractifs.

Proposition n° 12 : Adosser l’implantation d’une zone logistique à une analyse des besoins et des implantations de transports collectifs et de mobilités douces dans le cadre d’une stratégie logistique régionale afin de contribuer à la mobilité décarbonée des salariés.

B.   Un assÈchement RÉcurrent des Bassins d’emploi

1.   Sur le long terme, les besoins en main-d’œuvre dans le secteur logistique ralentissent, malgré la hausse constante de l’activité

Le secteur logistique, qui reste majoritairement ouvrier à hauteur de 80 %, est à la croisée des chemins, « confronté au ralentissement du nombre de créations d’emplois, depuis une dizaine d’années, malgré une activité très dynamique, ce qui suggère un impact de l’automatisation » ([189]). En effet, le secteur de la logistique a connu une croissance importante de son chiffre d’affaires. Le chiffre d’affaires du secteur a augmenté de 11,25 % de 2018 à 2021, passant de 210 milliards d’euros ([190]) à près de 240 milliards d’euros ([191]). Par rapport à 2010, où le chiffre d’affaires était de 190 milliards d’euros ([192]), l’augmentation est de 24,69 %. En revanche, dans le même temps, les effectifs du secteur de la logistique sont restés quasiment constants entre 2018 et 2023. Dans le secteur de l’entreposage et des transports, le nombre d’emplois est passé de 1 399 900 au T1 2019 à 1 419 800 au T3 2021, marquant une augmentation de 1,42 %. Depuis le T1 2010, où le nombre d’emplois s’élevait à plus de 1,3 million, l’augmentation est de 5,61 %.

Cette évolution peut s’expliquer par un phénomène relatif de mécanisation de certaines tâches effectuées auparavant par des ouvriers manutentionnaires et par une augmentation parallèle de la productivité ouvrière à travers une rationalisation poussée des processus. En conséquence, certains estiment qu’on assiste à une potentielle érosion de certains emplois spécifiques à la filière logistique.

L’automatisation en logistique présente certains avantages, comme le rappelle GS1 ([193]) : « L’intégration de la robotisation dans les opérations logistiques contribue à optimiser les besoins en main-d’œuvre et réduit considérablement les arrêts de travail dus aux maladies et aux accidents, engendrant des économies importantes pour les employeurs. En outre, les robots présentent l’avantage d’une plus grande flexibilité, étant capables de fonctionner sans interruption, à l’exception des périodes nécessaires à la maintenance ».

L’intégration de la robotisation dans les entrepôts automatisés change fondamentalement le rôle des travailleurs. Les tâches répétitives et pénibles sont progressivement prises en charge par les robots, libérant ainsi les opérateurs pour des missions plus complexes et gratifiantes telles que le traitement des exceptions, les contrôles de qualité et la maintenance des équipements, comme le rappelle Prism’Emploi ([194]). Ces nouvelles responsabilités nécessitent une formation adaptée, mais elles sont accessibles au personnel actuel moyennant une montée en compétences. Dans le cadre de l’ouverture de son nouvel entrepôt automatisé, Scapalsace a pris l’initiative de former, 120 de ses employés, dont la moitié étaient déjà employés dans d’autres entrepôts du groupe Leclerc. L’objectif était de développer la polyvalence des équipes afin que chaque employé puisse maîtriser plusieurs fonctions distinctes au sein de différentes zones de l’entrepôt.

Prism’Emploi a souligné que l’impact de l’automatisation se fait déjà ressentir sur la demande de main-d’œuvre intérimaire, particulièrement pour les postes peu qualifiés. Si cette tendance se confirme, les implications pourraient être significatives, notamment pour les personnes éloignées de l’emploi qui trouvent dans la logistique un moyen d’insertion professionnelle. Les statistiques corroborent cette perception. Par exemple, dans le sous-secteur de l’entreposage non frigorifique, on a observé une diminution de 6 % du nombre de postes intérimaires en 2022. Cette mutation appelle à un renouvellement des stratégies de formation professionnelle pour aligner les compétences des travailleurs avec les exigences des postes hybrides homme-machine.

En somme, alors que l’automatisation redéfinit le paysage de l’emploi dans la logistique à long terme, la nécessité de préparer les travailleurs à ces changements est impérieuse selon vos rapporteurs. Des formations visant à développer la polyvalence et l’adaptabilité sont essentielles pour permettre au personnel de gérer les diverses fonctions au sein des entrepôts automatisés. C’est en anticipant ces évolutions et en investissant dans le capital humain que le secteur logistique pourra continuer à prospérer dans un environnement de plus en plus automatisé.

2.   À court terme, l’absence d’attractivité des emplois logistiques et la forte rotation explique l’assèchement des bassins d’emploi

a.   La manque d’attractivité des emplois logistiques induit des cas de pénuries de main-d’œuvre

Le secteur de la logistique se heurte à une problématique de manque d’attractivité, entraînant des pénuries localisées de main-d’œuvre. Les parcs logistiques, souvent implantés en périphérie, épuisent localement le réservoir d’emploi peu qualifié et posent ainsi un défi structurel : l’accès des salariés à ces emplois est complexe. Cette situation est exacerbée par des perspectives de carrière limitées au sein des entrepôts – où il est courant pour les ouvriers de demeurer à des postes similaires pendant toute leur vie professionnelle, souvent pour des rémunérations avoisinant le SMIC.

De plus, la localisation des entrepôts logistiques engendre une inadéquation géographique, où le lieu de travail est fréquemment éloigné des zones résidentielles des ouvriers, et la desserte par les transports collectifs est insuffisante. Cette distance géographique entre le domicile et le lieu de travail ajoute une contrainte supplémentaire pour les employés du secteur. L’absence de solutions de restauration adaptées, couplée à l’emplacement souvent isolé des entrepôts logistiques, contribue à diminuer l’attractivité de ces emplois en compliquant le quotidien des salariés ([195]).

Enfin, la pénibilité des tâches dans ces emplois contribue également à leur faible attractivité. Le travail est souvent physique et répétitif, ce qui peut mener à un taux élevé de turnover et à des difficultés pour recruter et fidéliser les salariés. Cette combinaison de facteurs a un impact direct sur la disponibilité et la stabilité de la main-d’œuvre dans le secteur logistique.

b.   Une rotation élevée de la main-d’œuvre induisant des assèchements des bassins d’emploi

Selon Pôle emploi, les sociétés opérant dans le secteur logistique font face à d’importants obstacles pour conserver leurs employés, souvent confrontés à des conditions de travail potentiellement rigoureuses, telles que des horaires irréguliers et des rémunérations relativement faibles, par rapport à d’autres industries. De plus, la précarité de nombreux postes dans ce domaine contribue également à cette problématique de rétention du personnel et induit une rotation élevée de la main-d’œuvre.

La rotation des personnels dans le secteur de l’entreposage non frigorifique affiche un taux moyen de 22 %, influencé par divers facteurs. Parmi ces derniers, des pratiques managériales peu adaptées, des problématiques de mobilité liées à l’accès au site d’emploi – exacerbées par la hausse du prix de l’essence –, un déficit en matière d’infrastructures d’hébergement et de restauration, ainsi qu’un niveau de rémunération peu incitatif couplé à des perspectives d’évolution professionnelles limitées peuvent expliquer cette forte rotation en emplois. Ces éléments concourent à accentuer la tension dans les métiers de ce secteur.

De surcroît, selon les données de la CFDT, dans les emplois de manutention en CDI, 40 % des salariés ont une ancienneté inférieure à un an. Ce chiffre reflète à la fois un turnover important, particulièrement pour les niveaux de classification inférieurs. L’engagement des salariés vis-à-vis de l’entreprise est étroitement lié à la qualité des relations collectives et au sens attribué au travail, dépendant en partie de la nature des produits traités.

Pour retenir les salariés et ainsi réduire la rotation de la main-d’œuvre, la CFDT préconise de développer des parcours professionnels qualifiants et reconnus. Plusieurs leviers d’action sont suggérés, parmi lesquels établir un parcours professionnel qui intègre une gestion efficace des classifications et de la formation professionnelle, et offrir des salaires justes et évolutifs, notamment pour les premiers échelons salariaux.

C.   une meilleure association des salariÉs À leur avenir, un impÉratif pour assurer l’attractivitÉ durable de la filiÈre

1.   La protection syndicale est globalement assurée, en particulier au sein des grands entrepôts, même si des pistes d’amélioration sont possibles pour la renforcer

Selon la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) ([196]), en raison de la diversification des secteurs d’activité impliquant des métiers de la logistique, il est nécessaire de réaliser des études spécifiques pour pouvoir fournir des statistiques fiables sur les taux de syndicalisation et les syndicats prédominants dans ce domaine. À titre d’exemple, mais sans que cela ne puisse être généralisé, on peut observer que dans le secteur du transport routier et des activités auxiliaires, qui comprend une part significative des emplois logistiques, les syndicats les plus influents sont la CFDT avec 33 % des voix, la CGT avec 27 %, FO avec 21 %, la CFTC avec 14 % et la CGC avec 5 %.

D’après une étude de la direction de l’animation de la recherche et des études statistiques (Dares) publiée en 2023 ([197]), fondée sur une enquête sur les conditions de travail menée auprès de 22 400 salariés en 2019, aucune donnée précise n’est disponible concernant le taux de syndicalisation spécifique aux métiers d’entreposage et de logistique. Cependant, il est signalé que le taux de syndicalisation chez les salariés du secteur privé est de 7,8 % en 2019, affichant une diminution de 0,9 point par rapport à 2013, ce qui est nettement inférieur au taux observé dans la fonction publique, qui est de 18,4 % malgré un recul de 1,4 point depuis 2013.

Le secteur des transports, qui inclut une proportion notable des activités logistiques, figure parmi les secteurs du privé où le taux de syndicalisation est le plus élevé en 2019. Le taux de syndicalisation relativement élevé dans le secteur des transports pourrait suggérer une tendance similaire dans les entrepôts et autres domaines de la logistique. Cette hypothèse est corroborée par les revendications des syndicats qui mettent en avant une syndicalisation conséquente dans ces milieux, soulignant l’importance de la représentation des travailleurs pour la protection de leurs droits et l’amélioration de leurs conditions de travail.

Selon les contributions écrites des syndicats, le secteur de la logistique, en particulier dans le secteur de l’entreposage connait toutefois un niveau de syndicalisation dans la moyenne, voire légèrement supérieur au taux de syndicalisation moyen des salariés du privé.

En France, selon la CFTC dans sa contribution écrite aux travaux de la mission, le secteur de la logistique se caractérise par un niveau de syndicalisation généralement élevé, reflétant une dynamique de protection des salariés assez satisfaisante. Cette tendance est plus marquée dans les grandes structures, notamment celles excédant 40 000 m², selon la CFTC et la CFDT, où la présence syndicale est plus forte et la représentation des travailleurs plus affirmée. La CFTC souligne encore que, contrairement à une idée reçue, le taux de syndicalisation dans ce secteur ne diminue pas mais connaît plutôt une stabilité ou une légère hausse. Cet enseignement est corroboré par la CFDT, qui indique que la syndicalisation dépasse la moyenne nationale et tend à augmenter, reflétant un paysage où les travailleurs aspirent à une solidarité renforcée pour aborder collectivement les défis du travail en entrepôt.

Malgré cette tendance positive, il existe des freins notables à la syndicalisation qui doivent être levés pour renforcer le niveau de protection des travailleurs. Ces obstacles incluent la crainte de répercussions négatives pour les salariés identifiés comme militants, et une représentation insuffisante des travailleurs issus de l’immigration. La CFTC et la CFDT rapportent également que les horaires atypiques et la baisse des moyens accordés au temps syndical, notamment à la suite des ordonnances de 2018 ([198]), représentent des défis supplémentaires qui entravent la syndicalisation. Un phénomène de répression syndicale, selon la CGT, peut avoir lieu, en particulier au sein des petites structures et nécessite une attention particulière pour assurer que les droits des travailleurs soient respectés et protégés.

La fluidité du secteur logistique, marqué par une absence de sentiment d’appartenance à l’entreprise employeuse, par rapport à d’autres secteurs tels que l’industrie ou l’automobile, ne contribue pas à renforcer la protection des salariés. De plus, le taux élevé de rotation du personnel et la proportion significative d’intérimaires constituent des obstacles supplémentaires à la syndicalisation, réduisant ainsi la capacité des salariés à bénéficier d’une protection collective efficace.

2.   Les entrepôts à l’entrecroisement entre plusieurs branches, ce qui peut favoriser un shopping normatif

a.   La création d’une branche unique : une perspective inopportune

La constitution d’une branche professionnelle unifiée pour la logistique pourrait être perçue comme une solution simplificatrice face à la complexité sectorielle, mais cette perception se révélerait probablement réductrice. En effet, l’hétérogénéité intrinsèque des activités logistiques, qui s’étend sur plusieurs secteurs économiques distincts, rendrait une telle unification préjudiciable à l’appréhension des spécificités de chaque branche. Il en découle que la mise en place d’une branche unique pourrait ne pas produire les effets escomptés et pourrait même entraver l’efficacité du dialogue social, compte tenu de la diversité des cultures professionnelles, des modes d’organisation du travail et des particularités des divers secteurs impliqués.

La direction générale du travail a rappelé, dans sa contribution écrite aux travaux de la mission, que chaque branche professionnelle fixe les normes régissant les conditions de travail et d’emploi des salariés, ainsi que les garanties qui leur sont octroyées, en plus de réguler la compétition entre les entreprises. Ces normes sont le résultat de négociations entre les partenaires sociaux au sein de commissions mixtes et découlent d’un processus de dialogue social. En outre, lorsqu’une convention collective est soumise à une demande d’extension, un contrôle de conformité est mené pour assurer l’adéquation de ses termes avec la législation en vigueur. Il est donc difficile de soutenir que la variété des conventions collectives, qui reflète la diversité des secteurs économiques de la logistique, soit préjudiciable à la protection des travailleurs.

Le domaine d’application professionnel de ces conventions est déterminé par les activités économiques effectives. La logistique, englobant une vaste gamme d’activités économiques variées, ne peut être aisément standardisée. La convention collective applicable à une entreprise est par ailleurs définie par son activité principale, qui n’est pas forcément la logistique, même si elle en nécessite. Ainsi, instituer une « branche logistique » ne régirait que les entreprises dont l’activité principale est la logistique, sans englober la totalité des secteurs ou des employés effectuant des tâches logistiques. De plus, étant donné la multitude et l’hétérogénéité des secteurs impliqués dans la logistique, l’établissement d’une telle branche transversale serait confronté à des défis importants dus à la variété des cultures, des organisations du travail et des spécificités sectorielles, telles que les modes de transport, d’entreposage et de manutention.

b.   Une harmonisation par le haut des normes de convention collective

Dans le cadre des métiers de la logistique, qui comprennent diverses fonctions essentielles à la gestion des flux au sein des entreprises, telles que le transport, la gestion des stocks et l’organisation des espaces de travail, une analyse approfondie des conventions collectives s’avère nécessaire. Ces professions, de nature transversale, influencent de multiples secteurs d’activité. Les données actuelles, bien qu’imparfaites, indiquent que les activités logistiques sont régies par une pluralité de conventions collectives, correspondant à différents codes NAF. Cependant, il existe une difficulté à identifier précisément les conventions collectives spécifiquement concernées par les métiers de l’entreposage, en raison des limitations des systèmes d’information actuels. Environ quarante conventions collectives, couvrant des secteurs variés, sont impliquées dans ce domaine (voir tableau à la page suivante).

La diversité des conventions collectives observée dans le secteur de la logistique est attribuable à l’hétérogénéité des secteurs d’activité impliqués dans ce domaine. Les conventions collectives peuvent présenter des avantages et des inconvénients variables en fonction des contextes et des besoins des salariés ainsi que des spécificités sectorielles.

Certains estiment que la pluralité des conventions collectives dans le secteur de la logistique pourrait favoriser un comportement de shopping normatif ([199]). Cette pratique peut entraîner une forme de concurrence déloyale entre entreprises et une érosion des standards de protection des travailleurs. En effet, en sélectionnant des conventions collectives moins strictes, les entreprises peuvent s’engager dans une course vers le bas, menaçant ainsi les acquis sociaux et les conditions de travail. Néanmoins, ce risque ne peut être vérifié tant qu’une analyse exhaustive des pratiques et conditions des différentes branches concernant la logistique, en particulier pour l’entreposage, n’est pas réalisée.

Dans cette perspective, votre rapporteur Charles Fournier préconise l’élaboration d’un recueil exhaustif des bonnes pratiques parmi les diverses conventions collectives existantes au sein du secteur logistique dans le cadre d’une conférence sociale de la logistique. Cette démarche vise à garantir une meilleure compréhension des normes en vigueur et à favoriser l’adoption de standards élevés pour la protection des travailleurs.

Proposition n° 13 du rapporteur Charles Fournier : Organiser une conférence sociale associant les différentes branches concernées par la logistique à l’appui d’un recueil des meilleurs pratiques des différentes branches. Il s’agirait d’établir une comparaison exhaustive entre les diverses branches de la logistique sur les pratiques en matière de rémunération, d’indemnités de licenciement, de congés payés et de compensation des accidents du travail. Elle pourrait, à l’aide de l’expertise de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, se saisir des enjeux d’amélioration de la qualité des emplois, en termes e réduction de la pénibilité, des maladies et de l’accidentologie, et des enjeux d’attractivité des métiers et de formation des travailleurs. Elle formulerait des recommandations sur la régulation des aides à l’embauche, sur la création de postes durables et sur la réduction de la place de l’intérim.

 


Recensement des conventions collectives relatives aux
activitÉs logistiques

Code NAF

Activité

Convention collective concernée

Code NAF / APE 4910Z

Transport ferroviaire interurbain de voyageurs

Convention collective nationale de la branche ferroviaire (IDCC 3217)

Convention collective nationale du personnel des voies ferrées d’intérêt local du 26 septembre 1974 (IDCC 779)

Code NAF / APE 4920Z

Transports ferroviaires de fret

Convention collective nationale de la branche ferroviaire (IDCC 3217)

Convention collective nationale du personnel des voies ferrées d’intérêt local du 26 septembre 1974 (IDCC 779)

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Convention collective nationale des ouvriers des travaux publics (IDCC 1702)

Convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics (IDCC 2614)

Code NAF / APE 4931Z

Transports urbains et suburbains de voyageurs

Convention collective nationale des remontées mécaniques et domaines skiables (IDCC 454)

Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs (IDCC 1424)

Code NAF / APE 4932Z

Transports de voyageurs par taxis

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Convention collective nationale des taxis (IDCC 2219)

Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs (IDCC 1424)

Convention collective nationale de la métallurgie (IDCC 3248)

Convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile (IDCC 1090)

Code NAF / APE 4939A

Transports routiers réguliers de voyageurs

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Convention collective nationale du personnel des voies ferrées d’intérêt local du 26 septembre 1974 (IDCC 779)

Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs (IDCC 1424)

Code NAF / APE 4939B

Autres transports routiers de voyageurs

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs (IDCC 1424)

Code NAF / APE 4941A

Transports routiers de fret interurbains

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Code NAF / APE 4941B

Transports routiers de fret de proximité

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire (IDCC 2216)

Code NAF / APE 4941C

Location de camions avec chauffeur

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Code NAF / APE 4942Z

Services de déménagement

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Code NAF / APE 4950Z

Transports par conduites

Convention collective nationale de l’industrie du pétrole (IDCC 1388)

Convention collective nationale des industries chimiques et connexes (IDCC 44)

Code NAF / APE 5010Z

Transports maritimes et côtiers de passagers

Convention collective nationale du personnel sédentaire des entreprises de navigation (IDCC 2972)

Convention collective des personnels navigants officiers des entreprises de transport et services maritimes (IDCC 3223)

Convention collective nationale des opérateurs de voyages et des guides (IDCC 3245)

Code NAF / APE 5020Z

Transports maritimes et côtiers de fret

Convention collective nationale du personnel sédentaire des entreprises de navigation (IDCC 2972)

Convention collective des personnels navigants officiers des entreprises de transport et services maritimes (IDCC 3223)

Code NAF / APE 5030Z

Transports fluviaux de passagers

Convention collective nationale des opérateurs de voyages et des guides (IDCC 3245)

Code NAF / APE 5040Z

Transports fluviaux de fret

Convention collective nationale du personnel des entreprises de transport en navigation intérieure (IDCC 3229)

Code NAF / APE 5110Z

Transports aériens de passagers

Convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien (IDCC 275)

Code NAF / APE 5121Z

Transports aériens de fret

Convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien (IDCC 275)

Code NAF / APE 5122Z

Transports spatiaux

 

Code NAF / APE 5210A

Entreposage et stockage frigorifique

Convention collective nationale des exploitations frigorifiques (IDCC 200)

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire (IDCC 2216)

Convention collective nationale de commerces de gros (IDCC 573)

Convention collective nationale des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie (IDCC 1747)

Code NAF / APE 5210B

Entreposage et stockage non frigorifique

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire (IDCC 2216)

Convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires (IDCC 1517)

Convention collective nationale des grands magasins et des magasins populaires (IDCC 2156)

Convention collective nationale des maisons à succursales de vente au détail d’habillement (IDCC 675)

Convention collective nationale de commerces de gros (IDCC 573)

Convention collective nationale de l’industrie du pétrole (IDCC 1388)

Convention collective nationale du négoce de l’ameublement (IDCC 1880)

Convention collective nationale des commerces et services de l’audiovisuel, de l’électronique et de l’équipement ménager (IDCC 1686)

Convention collective nationale de l’industrie pharmaceutique (IDCC 176)

Convention collective nationale des industries chimiques et connexes (IDCC 44)

Code NAF / APE 5221Z

Services auxiliaires des transports terrestres

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Convention collective nationale des sociétés concessionnaires ou exploitantes d’autoroutes ou d’ouvrages routiers (IDCC 2583)

Convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile (IDCC 1090)

Convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire (IDCC 2098)

Code NAF / APE 5222Z

Services auxiliaires des transports par eau

Convention collective nationale unifiée ports et manutention (IDCC 3017)

Convention collective nationale du personnel sédentaire des entreprises de navigation (IDCC 2972)

Convention collective nationale des personnels des ports de plaisance (IDCC 1182)

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Code NAF / APE 5223Z

Services auxiliaires des transports aériens

Convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien (IDCC 275)

Convention collective régionale concernant le personnel de l’industrie de la manutention et du nettoyage sur les aéroports de la région parisienne ouverts à la circulation publique (IDCC 1391)

Convention collective nationale de l’industrie du pétrole (IDCC 1388)

Convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire (IDCC 2098)

Code NAF / APE 5224A

Manutention portuaire

Convention collective nationale unifiée ports et manutention (IDCC 3017)

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Code NAF / APE 5224B

Manutention non portuaire

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Convention collective nationale de la métallurgie (IDCC 3248)

Convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes (IDCC 538)

Convention collective nationale unifiée ports et manutention (IDCC 3017)

Code NAF / APE 5229A

Messagerie, fret express

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Code NAF / APE 5229B

Affrètement et organisation des transports

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Code NAF / APE 5310Z

Activités de poste dans le cadre d’une obligation de service universel

Convention collective nationale du commerce des articles de sports et d’équipements de loisirs (IDCC 1557)

Convention collective nationale du personnel sédentaire des entreprises de navigation (IDCC 2972)

Code NAF / APE 5320Z

Autres activités de poste et de courrier

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

Convention collective nationale du portage de presse (IDCC 2683)

Convention collective nationale des entreprises de logistique de communication écrite directe (IDCC 1611)

Convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire (IDCC 2098)

Convention collective nationale de la distribution directe (IDCC 2372)

Source : Contribution écrite de la direction générale du travail à la mission.

Une comparaison non exhaustive des conventions collectives révèle des divergences significatives des pratiques, notamment en termes de salaires, d’indemnités de licenciement, de jours de congés, et de remboursement en cas d’accident du travail :

 rémunération : Les conventions collectives établissent des salaires minima hiérarchiques, qui varient en fonction de critères tels que la catégorie professionnelle, le coefficient, la qualification, et la localisation géographique. Cette variabilité rend complexe la comparaison des rémunérations entre les différentes conventions. Il est cependant à noter que certaines conventions incluent des primes ou indemnités supplémentaires, susceptibles d’augmenter la rémunération totale des salariés. Des exemples en sont la prime d’ancienneté dans l’industrie pharmaceutique ([200]), la prime annuelle dans le secteur du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ([201]) ou encore la prime de bilan, qui peut avoir lieu dans les entreprises de l’industrie du pétrole ([202]) ;

 indemnités de licenciement : les conventions peuvent proposer des indemnités de licenciement supérieures aux normes du code du travail. Par exemple, certaines conventions dont celle l’industrie pharmaceutique ([203]) et celle du commerce de détail non alimentaire ([204]) prévoient des indemnités de licenciement plus avantageuses, avec des modalités variables en fonction de l’ancienneté et parfois des plafonds spécifiques ;

 congés payés : les conventions collectives offrent parfois des jours de congés additionnels comparativement aux cinq semaines statutaires établies par le code du travail. Ceci inclut des dispositions pour des jours supplémentaires basés sur l’ancienneté dans certaines branches comme celles des exploitations frigorifiques ([205]) ou des commerces de gros ([206]) ;

 remboursement en cas d’accident du travail : les conventions collectives peuvent également définir des conditions de remboursement des frais médicaux en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle différentes de celles prévues par la Sécurité sociale. Certaines conventions peuvent prévoir des remboursements qui excèdent les tarifs habituels de la Sécurité sociale, offrant ainsi une couverture plus étendue.

Ces informations ne sont pas exhaustives et d’autres aspects tels que les conditions de travail, la formation professionnelle, et le dialogue social méritent également d’être examinés.

Les rapporteurs partagent la préconisation de la CFDT confiée à la mission, selon laquelle il serait judicieux d’harmoniser par le haut les droits des travailleurs en s’appuyant sur ce recueil de bonnes pratiques, sans toutefois évincer les besoins spécifiques à chaque branche. Dans cette optique d’harmonisation par le haut des normes et pratiques, la CFTC souligne que la convention collective de l’industrie pharmaceutique semble particulièrement favorable aux salariés en matière de primes, de rémunération et de conditions de travail.


Exemples de variations dans les conventions collectives du secteur

Convention collective

Primes

Indemnité de licenciement

Congés

Période d’essai

Convention collective nationale des exploitations frigorifiques (IDCC 200)

 

 

1/5 de mois du salaire de référence par année d’ancienneté, et ce jusqu’à 10 ans d’ancienneté auquel s’ajoute 1/3 de mois du salaire de référence au-delà de 10 ans d’ancienneté, et ce jusqu’à 15 ans d’ancienneté auquel s’ajoute 2/5 de mois du salaire de référence au-delà de 15 ans d’ancienneté.

– 1 jour de congé supplémentaire après 10 ans d’ancienneté

– 2 jours après 15 ans

– 3 jours après 20 ans

– 1 mois pour les ouvriers et les employés

– 2 mois pour les agents et les techniciens

– 3 mois pour les cadres

Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16)

 

 

 

3 mois pour les ingénieurs et cadres

Convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire (IDCC 2216)

 

 

 

– 2 jours de congés supplémentaires par an pour les salariés ayant 10 ans d’ancienneté

– 4 jours pour ceux ayant 15 ans d’ancienneté

– 2 mois pour les employés, ouvriers et personnel de livraison

– 3 mois pour les agents de maitrise et techniciens

– 4 mois pour les cadres

Convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires (IDCC 1517)

 

Prime d’ancienneté calculée sur le salaire minimum mensuel sera versée au salarié à raison de 3 %, 6 %, 9 %, 12 % et 15 % après 3, 6, 9, 12 et 15 ans d’ancienneté dans l’entreprise

L’indemnité de licenciement est égale à 1/5 de mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans, et 2/5 au-delà de 10 ans, avec un plafond de 15 mois de salaire.

– 1 jour de congé supplémentaire par an pour les salariés ayant 5 ans d’ancienneté

– 2 jours pour ceux ayant 10 ans d’ancienneté

– 1 mois pour les employés et les agents de maîtrise

– 2 mois pour les cadres

Convention collective nationale des grands magasins et des magasins populaires (IDCC 2156)

 

 

L’indemnité de licenciement est égale à 25 % du salaire mensuel moyen par année d’ancienneté (de 30 % s’il est âgé entre 50 et 57 ans et 6 mois et justifie d’une ancienneté supérieure à 15 ans)

– 1 jour de congé supplémentaire par an pour les salariés ayant 5 ans d’ancienneté

– 2 jours pour ceux ayant 10 ans d’ancienneté.

– 1 mois pour les employés,

– 2 mois pour les agents de maîtrise

– 3 mois pour les cadres.

Convention collective nationale des maisons à succursales de vente au détail d’habillement (IDCC 675)

 

La prime d’ancienneté est exprimée en valeur absolue par catégorie d’emploi pour 3, 6, 9, 12, 15, 20 ans de présence. Elle augmente de 60 % du pourcentage d’évolution des barèmes de salaires minimaux.

L’indemnité de licenciement est égale, par année de présence, à 1/10 du salaire mensuel moyen des 3 derniers mois, ou des 12 derniers mois, en retenant le mode de calcul le plus favorable.

– 1 jour de congé supplémentaire après 10 ans d’ancienneté dans l’entreprise ;

– 2 jours après 20 ans

– 3 jours après 25 ans

– 4 jours après 30 ans

2 mois pour les employés

Convention collective nationale de commerces de gros (IDCC 573)

 

 

1 jour de congé supplémentaire après 10 ans d’ancienneté et 2 jours de congés supplémentaires après 15 ans d’ancienneté

– 2 mois pour les employés et ouvriers ;

– 3 mois pour les techniciens et agents de maîtrise ;

– 4 mois pour les ingénieurs et cadres.

Convention collective nationale de l’industrie du pétrole (IDCC 1388)

Il est attribué aux ouvriers, employés, agents de maîtrise ou assimilés, ayant plus de 3 ans d’ancienneté, une prime déterminée en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise.

Pour les employés et les agents de maitrise, l’indemnité de licenciement est de 3/10 de mois par année d’ancienneté pour la tranche de 0 à 5 ans ; 5/10 de mois par année d’ancienneté pour la tranche de 5 à 10 ans ; 8/10 de mois par année d’ancienneté pour la tranche au-delà de 10 ans. Les cadres et les ingénieurs bénéficient de 10/10 de mois par année d’ancienneté pour la tranche au-delà de 10 ans.

L’indemnité afférente au congé déterminé sur la base de 2 jours et demi ouvrables par mois de travail effectif est égale à 1/10 de la rémunération totale perçue par l’intéressé pendant la période prise en considération pour l’appréciation de son droit au congé.

– 1 semaine pour les emplois dont le coefficient hiérarchique est inférieur à 150 ;

– 1 mois entre 150 (inclus) et 215 (exclus) ;

– 2 mois entre 215 (inclus) et 290 (exclus) ;

– 3 mois : au moins égal à 290.

Convention collective nationale du négoce de l’ameublement (IDCC 1880)

 

 

L’indemnité de licenciement est égale à 1/5 de mois de salaire par année d’ancienneté, auquel s’ajoutent 2/15 de mois par année au-delà de 10 ans d’ancienneté.

– 1 jour de congé supplémentaire à partir de 15 ans d’ancienneté,

– 2 jours à partir de 20 ans

– 3 jours à partir de 25 ans

– 1 mois pour les ouvriers et employés

– 2 mois pour les techniciens et agents de maitrise

Convention collective nationale des commerces et services de l’audiovisuel, de l’électronique et de l’équipement ménager (IDCC 1686)

 

 

L’indemnité de licenciement est égale à ¼ de mois de salaire par année d’ancienneté, avec un plafond de 12 mois de salaire.

– 1 jour de congé supplémentaire à partir de 15 ans d’ancienneté,

– 3 jours à partir de 20 ans

– 4 jours à partir de 25 ans

– 1 mois pour les salariés ayant un coefficient hiérarchique inférieur à 246

– 2 mois pour les salariés non cadres ayant un coefficient hiérarchique égal ou supérieur à 246

Convention collective nationale de l’industrie pharmaceutique (IDCC 176)

 

Prime d’ancienneté qui augmente de 3 % par an à partir de la 3e année d’ancienneté, jusqu’à atteindre 25 % au bout de 15 ans

L’indemnité de licenciement est égale à 1/5 de mois de salaire par année d’ancienneté, sans plafond.

 

 

Convention collective nationale des industries chimiques et connexes (IDCC 44)

 

L’indemnité de licenciement est égale à ¼ de mois de salaire par année d’ancienneté, sans plafond.

 

 

 


—  1  —

 

   TrOIsiÈme partie :
une logistique mieux planifiÉE et plus compacte pour Une empreinte Écologique moins catastrophique ?

Les grands entrepôts logistiques sont fortement générateurs de nuisances et d’externalités écologiques majeures. Ils réagencent le territoire en modifiant les flux de trafics polluants et en contribuant à l’étalement urbain des métropoles. Réfléchir en termes d’aménagement du territoire est, dès lors, indispensable. Toutefois, la question de la réduction de l’empreinte environnementale de la logistique XXL peut se heurter à des dynamiques contradictoires.

En outre, comme l’a souligné France Logistique à l’occasion de sa contribution aux travaux de la commission sur la loi du 21 juillet 2023 renforçant la lutte contre l’artificialisation des sols, « la difficulté, concernant l’implantation logistique, est de trouver l’équilibre entre les différents objectifs écologiques (biodiversité, CO2 émis, transition énergétique des véhicules) qui ne sont pas toujours cohérents. En effet, s’agissant des chaînes logistiques, à demande stable, la décarbonation et la transition énergétique passent plutôt par une augmentation de la consommation foncière (installation des bornes, ajout de site de mutualisation/massification…) ». Si un tel propos n’est pas exhaustif – l’installation de bornes de recharge n’est pas le premier facteur d’artificialisation dans l’implantation d’un entrepôt – il n’en demeure pas moins que la conciliation des différents impératifs peut être compliquée.

I.   certains risques sont efficacement rÉduits par la rÉglementation existante et les pratiques des acteurs

Comme pour les autres équipements industriels ou commerciaux d’une envergure équivalente, les entrepôts de grande taille sont soumis, en sus de l’autorisation d’urbanisme, à une autorisation environnementale au titre du régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

A.   un double rÉgime rÉglementaire, qui encadre l’implantation des entrepÔts

Préalablement à l’aménagement, la construction et l’exploitation d’entrepôts logistiques, plusieurs démarches administratives doivent être entreprises. Parmi celles-ci, pour l’implantation d’entrepôts logistiques d’au moins 50 000 m3, des procédures d’enregistrement ou d’autorisation au titre de la réglementation des ICPE et des procédures et, de permis de construire au titre de la réglementation du droit des sols doivent en effet être menées préalablement à leur délivrance, le cas échéant, par les différentes autorités compétentes. Peuvent s’y ajouter des obligations spécifiques découlant de la loi sur l’eau, de la protection des espèces protégées, de celle du patrimoine, ou en matière d’archéologie préventive. En outre, un processus d’évaluation environnementale du projet peut être requis.

1.   Le régime d’autorisation, récemment réformé, ne permet pas de corriger les problèmes les plus saillants

Le régime d’autorisation au titre des ICPE intervient dans un deuxième temps de l’élaboration d’un projet, après que le foncier a été identifié, acheté, ou que les élus se sont engagés. Lorsque le porteur de projet dépose la demande, son projet est largement bouclé.

a.   La grande taille constitue un facteur décisif dans la détermination de la procédure environnementale applicable

La création d’un entrepôt est soumise à une réglementation au titre du droit de l’environnement. Un projet d’implantation d’entrepôts de matières combustibles d’un volume d’au moins 50 000 mètres cubes est susceptible d’avoir des incidences sur l’environnement qui, selon leur importance, peuvent soumettre le projet au régime de l’autorisation au titre de la rubrique 1510 de la réglementation ICPE, et au processus de l’évaluation environnementale (EE).

Les installations pourvues d’une toiture et destinées au stockage de matières ou produits combustibles en quantité supérieure à 500 tonnes, appelées entrepôts couverts, sont le plus souvent soumis à la rubrique 1510 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ([207]), qui concerne le stockage de matières, produits ou substances combustibles tels que le papier, le carton, le bois ou les matières plastiques, et dont le régime constitue un socle d’obligations généralement applicables à la grande majorité des entrepôts.

Cette rubrique comporte trois régimes réglementaires dont les obligations sont graduées : un régime de déclaration, un régime d’autorisation simplifiée, dit « d’enregistrement », et un régime d’autorisation (cf. logigramme simplifié). En principe, les délais d’instruction des demandes sont de l’ordre de 5 à 7 mois dans le cas d’un enregistrement, et de 9 mois dans le cas d’une autorisation.

Logigramme d’aide à l’identification des dÉmarches
applicables aux entrepÔts

Source : ministère de la transition écologique (direction générale de la prévention des risques), « Règles de procédures applicables aux ICPE relevant de la rubrique 1510 et articulation avec celles relevant du droit des sols et de l’évaluation environnementale », guide à l’usage des porteurs de projet, juin 2022.

Sont soumis à autorisation, au sens des installations classées, les entrepôts couverts appartenant à la rubrique 1510 dont le volume est supérieur ou égal à 900 000 mètres cubes (m3) – à savoir, pour une hauteur standard de 12 mètres, un entrepôt de 75 000 m² d’emprise – ou ceux qui entrent dans le champ de l’évaluation environnementale systématique du fait qu’ils créent une emprise au sol supérieure ou égale à 40 000 mètres carrés en dehors des parties urbanisées de la commune ([208]).

Concrètement, la majorité des entrepôts qui pourraient être classés « XXL » au sens de la première partie du présent rapport sont donc concernés, lorsqu’ils engendrent une artificialisation, par une procédure d’autorisation environnementale. Font en revanche l’objet d’une procédure d’enregistrement, les entrepôts d’un volume compris entre 50 000 m3 et 900 000 m3 et qui n’ont pas une emprise au sol supérieure à 40 000 m² en artificialisation, et d’une procédure de déclaration, les entrepôts d’un volume compris entre 5 000 m3 et 50 000 m3.

La soumission au régime d’autorisation environnementale n’implique pas toutefois la réalisation systématique d’une évaluation environnementale. Parmi les entrepôts soumis à autorisation, seuls les travaux et constructions de plus de 40 000 m² d’emprise au sol dans un espace non artificialisé sont soumis à évaluation environnementale systématique : concrètement, la majorité des entrepôts XXL relève de cette catégorie, à l’exception de ceux qui sont réalisés sur des friches, des emplacements portuaires ou d’autres espaces urbanisés. Pour rappel, en règle générale, une évaluation environnementale systématique est conduite pour les projets de grande ampleur ou potentiellement générateurs d’émissions de polluants ou de nuisances nécessitant de fait des mesures d’insertion environnementale.

Quant aux entrepôts de plus de 40 000 m² d’emprise au sol qui sont situés en zone U au titre du plan local d’urbanisme, en zone dite « constructible » au titre de la carte communale ou dans les « parties urbanisées » des communes soumises au règlement national d’urbanisme, ils sont quant à eux soumis à un examen au cas par cas par l’autorité environnementale concernée.

Dans le cas où le projet n’est pas soumis à évaluation environnementale après examen au cas par cas, le dossier de demande d’autorisation devra tout de même comporter une « étude d’incidence environnementale » (EIE) dans le cadre de l’autorisation environnementale. L’avis de l’autorité environnementale ne sera pas sollicité, et la durée minimale de l’enquête publique sera de quinze jours. Il reviendra au service instructeur de veiller à ce que le projet respecte bien les conditions ayant conduit à ne pas le soumettre à évaluation environnementale.

Les entrepôts relevant du régime de l’enregistrement peuvent être soumis à évaluation environnementale si l’autorité compétente le décide dans le cadre de la procédure d’enregistrement. Les entrepôts soumis à déclaration n’impliquent ni examen au cas par cas, ni évaluation environnementale systématique, dès lors qu’ils n’y sont pas soumis au titre d’une autre rubrique de la nomenclature.

Le régime d’autorisation environnementale se déroule en trois phases qui commencent à la réception du dossier de demande et comportent l’examen de la demande par la direction départementale des territoires, la consultation des parties prenantes, et la décision préfectorale. Le processus peut receler certaines complexités, notamment dans le cas où une évaluation environnementale est requise (voir logigramme simplifié) et plusieurs acteurs auditionnés ont rapporté à la mission que les procédures sont plus lourdes que les procédures équivalentes dans d’autres pays européens. Pourtant, des simplifications ciblées ont été portées dans le cadre de la réforme de 2020, notamment dans le cas d’entrepôts engendrant une faible artificialisation des sols (voir plus loin).

logigramme de la procÉdure d’autorisation d’un entrepôt avec délais

Source : ministère de la transition écologique (direction générale de la prévention des risques), « Règles de procédures applicables aux ICPE relevant de la rubrique 1510 et articulation avec celles relevant du droit des sols et de l’évaluation environnementale », guide à l’usage des porteurs de projet, juin 2022.

L’arrêté du 11 avril 2017 relatif aux prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts soumis à la rubrique 1510, qui s’applique à ces installations quel que soit leur régime – autorisation, enregistrement, déclaration – définit un ensemble d’exigences techniques, dans l’objectif d’assurer la mise en sécurité des personnes présentes à l’intérieur des entrepôts, de protéger l’environnement, d’assurer la maîtrise des effets létaux ou irréversibles sur les tiers, de prévenir les incendies et leur propagation à l’intégralité des bâtiments ou aux bâtiments voisins, et de permettre la sécurité des conditions d’intervention des services de secours.

Cet arrêté, qui a fait l’objet de nombreuses consultations à l’époque, constitue, selon le ministère de la transition écologique, une « évolution notable en matière de conception des entrepôts ». Sa mise en œuvre a conduit, notamment, à modifier la nomenclature ICPE afin de considérer le classement d’un entrepôt au niveau de son ensemble en limitant les doubles classements notamment avec les rubriques 1511, 1530, 1532 (sauf produits susceptibles de dégager des poussières inflammables), 2662 et 2663. Un entrepôt est donc considéré comme utilisé pour le stockage de produits classés dans une unique rubrique de la nomenclature dès lors que la quantité totale d’autres matières ou produits combustibles présente dans cet entrepôt est inférieure ou égale à 500 tonnes. Cette disposition vise à éviter le découpage possible d’entrepôts conduisant à appliquer un régime administratif moins contraignant ([209]).

Un même projet peut en effet relever de plusieurs rubriques de la nomenclature des ICPE, ce qui peut engendrer une certaine complexité. Dans ce cas, le code de l’environnement prévoit que dès lors que le seuil de l’évaluation environnementale systématique de son projet de l’une de ces rubriques est atteint par le projet, le maître d’ouvrage se soumet à une évaluation environnementale et est dispensé d’éventuels examens au cas par cas au titre d’autres rubriques dont relèverait le projet. Cette procédure pose cependant question lorsque la destination des cellules n’est pas connue au moment de la construction.

En ce qui concerne les modifications, les exploitants doivent faire part au préfet de tout changement notable de leur exploitation avant sa réalisation ([210]). Si la modification est soumise à évaluation environnementale, soit de manière systématique, soit après examen au cas par cas par l’autorité administrative compétente, elle nécessitera en conséquence une nouvelle autorisation. L’exploitant est tenu d’obtenir cette autorisation avant de mettre en service l’installation ainsi modifiée ou étendue. C’est l’autorité administrative compétente qui réalise, le cas échéant, l’examen au cas par cas pour déterminer si la modification d’une installation classée est soumise à évaluation environnementale et donc substantielle.

Toutefois, les visites menées par la mission ont mis en évidence des défaillances notables dans la déclaration des changements d’exploitation des cellules et une absence de contrôles effectifs et réguliers. Une telle situation résulte naturellement de la croissance du nombre des installations, particulièrement dans certaines régions, qui ne s’est pas accompagnée d’une croissance des effectifs des agents de contrôle.

Proposition n° 14 : Afin d’assurer le respect de la réglementation en matière environnementale et de sécurité et de veiller à la protection des personnels, renforcer les contrôles par une augmentation et une réévaluation régulière des ressources des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal).

Rubriques ICPE relatives aux actions d’entreposage les plus frÉquemment sollicitÉes lors de la construction d’un entrepÔt XXL

1511

Entrepôts exclusivement frigorifiques. Le volume susceptible d’être stocké étant 1. Supérieur ou égal à 50 000 m3 …. 2. Supérieur ou égal à 5 000 m3 mais inférieur à 50 000 m3. Un entrepôt frigorifique est un entrepôt dans lequel les conditions de température et/ou d’hygrométrie sont régulées et maintenues à une température inférieure ou égale à 18° C en fonction des critères de conservation propres aux produits. Un entrepôt est considéré comme exclusivement frigorifique dès lors que la quantité de matières ou produits combustibles autres que les matières ou produits conservés dans l’entrepôt frigorifique est inférieure ou égale à 500 tonnes.

1530

Dépôt de papiers, cartons ou matériaux combustibles analogues, y compris les produits finis conditionnés, à l’exception des installations classées au titre de la rubrique 1510 et des établissements recevant du public. Le volume susceptible d’être stocké étant : 1. Supérieure à 20 000 m3.. 2. Supérieure à 1 000 m3 mais inférieure ou égale à 20 000 m3

1532

Stockage de bois ou matériaux combustibles analogues, y compris les produits finis conditionnés et les produits ou déchets répondant à la définition de la biomasse et mentionnés à la rubrique 2910-A, ne relevant pas de la rubrique 1531, à l’exception des établissements recevant du public : 1. Installations de stockage de matériaux susceptibles de dégager des poussières inflammables, le volume de tels matériaux susceptible d’être stocké étant supérieur à 50 000 m3 … 2. Autres installations que celles définies au 1, à l’exception des installations classées au titre de la rubrique 1510, le volume susceptible d’être stocké étant : a) Supérieur à 20 000 m3. b) Supérieur à 1 000 m3 mais inférieur ou égal à 20 000 m3 ..

2662

Stockage de polymères (matières plastiques, caoutchoucs, élastomères, résines et adhésifs synthétiques), à l’exception des installations classées au titre de la rubrique 1510. Le volume susceptible d’être stocké étant : 1. Supérieur ou égal à 1 000 m3. 2. Supérieure ou égal à 100 m3, mais inférieur à 1 000 m3

2663

Stockage de pneumatiques et produits dont 50 % au moins de la masse totale unitaire est composée de polymères (matières plastiques, caoutchoucs, élastomères, résines et adhésifs synthétiques), à l’exception des installations classées au titre de la rubrique 1510 : 1. À l’état alvéolaire ou expansé (tels que mousse de latex, de polyuréthanne, de polystyrène, etc.), le volume susceptible d’être stocké étant : a) Supérieur ou égal à 2 000 m.... b) Supérieur ou égal à 200 m3 mais inférieur à 2 000 m3 . 2. Dans les autres cas et pour les pneumatiques, le volume susceptible d’être stocké étant : a) Supérieur ou égal à 10 000 m3. b) Supérieur ou égal à 1 000 m3 mais inférieur à 10 000 m3

1436

Stockage ou emploi de liquides de point éclair compris entre 60 °C et 93 °C, à l’exception des boissons alcoolisées. La quantité totale susceptible d’être présente dans les installations, y compris dans les cavités souterraines étant : 1. Supérieure ou égale à 1 000 t ... 2. Supérieure ou égale à 100 t mais inférieure à 1 000 t.

4320

Aérosols extrêmement inflammables ou inflammables de catégorie 1 ou 2, contenant des gaz inflammables de catégorie 1 ou 2 ou des liquides inflammables de catégorie 1. La quantité totale susceptible d’être présente dans l’installation étant : 1. Supérieure ou égale à 150 t .. 2. Supérieure ou égale à 15 t et inférieure à 150 t ...... Quantité seuil bas au sens de l’article R. 511-10 : 150 t Quantité seuil haut au sens de l’article R. 511-10 : 500 t

Ainsi un exemple d’entrepôt, réalisé par Baytree, pour lequel l’étude d’impact mentionne plusieurs rubriques concernées au titre de l’autorisation environnementale, selon laquelle « les produits stockés au sein de ces différentes cellules seront de différentes natures », ce qui justifie de demander un grand nombre de catégories dès l’autorisation :

– des matières combustibles, relevant de la rubrique 1510 de la nomenclature des installations classées ;

– des papiers et cartons ou matériaux combustibles analogues, relevant de la rubrique 1530 de la nomenclature des installations classées ;

– du bois ou matériaux combustibles analogues, relevant de la rubrique 1532 de la nomenclature des installations classées ;

– des polymères, relevant des rubriques 2662 et 2663 de la nomenclature des installations classées ;

– des pneumatiques, relevant de la rubrique 2663-2 de la nomenclature des installations classées ;

– des liquides de point éclair compris entre 60 et 93°C, relevant de la rubrique 1436 de la nomenclature.

L’étude d’impact invite à noter également la possible présence de produits dits dangereux de type :

– aérosols, relevant des rubriques 4320 et 4321,

– liquides inflammables, relevant de la rubrique 4331,

– produits pétroliers spécifiques et carburants de substitution relevant de la rubrique 4734-2,

– alcools de bouche, relevant de la rubrique 4755-1 et/ou 4755-2.

b.   La réforme de 2020 a porté à la fois une accélération et une sécurisation des procédures

L’analyse du retour d’expérience de l’incendie du 26 septembre 2019 survenu sur les sites de Lubrizol et de Normandie Logistique a donné lieu à un plan d’action ministériel pour améliorer la prévention des risques et anticiper et faciliter la gestion technique d’un accident. Dans le même temps, la publication du rapport de Patrick Daher et Éric Hémar en juillet 2019, visant à rendre la chaîne logistique plus compétitive, a permis d’affiner des propositions visant à améliorer les procédures d’autorisation (voir encadré).

La mise en œuvre du plan d’action ministériel post-Lubrizol et celle des recommandations du rapport Daher-Hémar ont conduit à modifier l’arrêté du 11 avril 2017 par un nouvel arrêté du 24 septembre 2020 Cette modification vise à concilier deux objectifs d’apparence incompatibles qui doivent permettre, d’une part de renforcer les exigences relatives à la sécurité des entrepôts et à la maîtrise des risques liés à l’incendie pour les installations neuves et existantes, et d’autre part de simplifier et d’accélérer les procédures pour les porteurs de projets.

Préconisations du rapport Daher / Hémar
en matière d’autorisation environnementale

Le rapport de Patrick Daher et Éric Hémar a proposé des évolutions réglementaires « afin de capter, en France, des investissements dans des plates-formes logistiques ». Il s’agissait en particulier de s’assurer que « le délai global des procédures administratives (constitution du dossier et procédure administrative) soit drastiquement réduit ». Deux séries de mesures étaient proposées à cet effet :

un allègement des procédures liées aux ICPE ou à l’évaluation environnementale, pour les entrepôts n’ayant pas un impact potentiel important sur l’environnement :

– relever le seuil de passage de l’enregistrement à l’autorisation de la rubrique 1510 du régime ICPE à 600 000 m3 de matières stockées, ou 920 000 m3 de volume d’entrepôt ;

– relever à 90 000 m² le seuil de la catégorie 3910 des projets soumis à évaluation environnementale systématique, en appliquant aux projets entre 40 000 et 90 000 m², l’évaluation au cas par cas ;

une réduction des délais des procédures environnementales :

– prévoir une consultation facultative du comité départemental des risques sanitaires et technologiques (Coderst), pour le régime d’enregistrement ;

– permettre une consultation du public sous forme électronique pour les autorisations environnementales non soumises à l’évaluation environnementale ;

une réduction, pour l’opérateur privé, des délais de constitution du dossier, par la prise en charge par l’aménageur, dans les zones identifiées à cet effet, des études relatives à la biodiversité avec une durée de validité de dix ans, dans un souci de mutualisation et d’accélération.

En ce qui concerne les seuils, d’une part, la réforme de septembre 2020 a relevé le seuil d’autorisation pour les installations relevant de la rubrique 1510 au titre des ICPE, portant ce seuil d’entrée dans la procédure d’autorisation de 300 000 m3 à 900 000 m3 de volume d’entrepôt ([211]). La modification prévoit toutefois, comme il a été précisé plus haut, que les entrepôts qui engendrent une artificialisation restent soumis à autorisation dès lors qu’ils engendrent une emprise au sol supérieure à 40 000 m². Il s’agit là aussi d’une évolution sensible, qui concerne le seuil d’entrée dans l’évaluation environnementale systématique, puisque celui-ci concernait auparavant les entrepôts de plus de 40 000 m² de surface de plancher, quelle que soit l’emprise au sol et quel que soit son état d’occupation préalable.

Cette évolution marque donc l’émergence de la prise en compte de l’état d’artificialisation du sol comme critère fondamental pour décider des procédures applicables, ce qui est cohérent avec les préoccupations exprimées par le législateur.

Dans le cas où il n’y a plus d’évaluation environnementale systématique, il y a néanmoins application de la procédure d’évaluation environnementale au cas par cas, qui peut entraîner une bascule dans la procédure d’autorisation : le seuil du cas par cas est resté inchangé.

Selon la direction générale de la prévention des risques, interrogée par la mission, l’objectif poursuivi par ces deux modifications était de ne soumettre à autorisation et à évaluation environnementale que les entrepôts présentant un risque particulièrement important d’atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement, d’où l’augmentation du seuil en volume, ainsi que les entrepôts présentant un enjeu spécifique en matière d’artificialisation des sols lors de la construction, d’où la modification du critère du seuil en surface.

Tout en saluant l’évolution consistant à mieux prendre en compte l’état d’urbanisation des sols occupés dans la procédure ICPE, la mission souligne toutefois que le seuil de 40 000 m² en emprise au sol reste très considérable – plus élevé, dans bien des cas, que le seuil préexistant en surface de plancher – et, en tout état de cause, nettement supérieur au seuil adopté par le législateur pour subordonner, par exemple, l’implantation des exploitations commerciales.

On notera cependant que l’essentiel des prescriptions applicables aux installations nouvelles sont identiques entre les régimes d’enregistrement et d’autorisation, et que l’évolution des seuils s’est accompagnée d’un renforcement des prescriptions applicables.

c.   Une attention particulière est portée à la sécurité face au risque d’incendie, renforcée en 2020

L’arrêté du 24 septembre 2020 a renforcé les exigences relatives à la sécurité incendie des entrepôts, au regard des enseignements post-Lubrizol, en apportant en particulier les évolutions suivantes :

– l’extension de l’obligation d’un plan de défense incendie à tous les régimes administratifs – autorisation, enregistrement, déclaration – ainsi que le renforcement des prescriptions relatives à l’éloignement des stockages extérieurs des parois et des dispositions portant sur le contrôle des accès ;

– pour les entrepôts plus anciens, la réalisation d’une étude visant à vérifier l’absence d’effet domino thermique vers des bâtiments voisins en cas d’incendie et, à défaut, l’adoption de mesures visant à diminuer ces effets ; pour les cellules d’une surface supérieure à 3 000 m², l’installation d’un système d’extinction automatique ou le compartimentage de l’entrepôt et la mise en place de dispositifs de désenfumage, lorsqu’il y a des effets excessifs hors des limites du site ;

– l’application aux entrepôts des mesures du plan d’action « post-accident de Rouen » relatives à la mise à disposition des rapports des assureurs, aux informations relatives aux types de produits de décomposition en cas d’incendie et à la disponibilité des moyens de mesure associés, et aux obligations de formation des intervenants, y compris de sociétés extérieures, sur la conduite à tenir en cas d’incendie ou d’accident.

Ce dispositif, et notamment l’installation obligatoire de systèmes d’extinction automatique, dits « sprinklage », dans les cellules de taille supérieure à 3 000 , fait dire à Afilog, lors de son audition par vos rapporteurs, que « les entrepôts bénéficient d’un dispositif incendie conséquent et des plus sécurisants : sprinklers, colonnes sèches, murs et porte coupe-feux… La France est l’un des seuls pays en Europe où les entrepôts contenant des marchandises “banales” et non dangereuses sont autant contrôlés et dont les installations sont classées à risque ». L’association note aussi le bon niveau d’association et de concertation dont fait preuve la direction générale de la prévention des risques à l’égard des professionnels lors de l’élaboration des réglementations.

France Nature Environnement à l’inverse, a considéré que les mesures de protection face au risque d’incendie sont insuffisantes. En particulier, l’association estime qu’il existe un problème structurel lié à une prise en compte insuffisante du risque d’incendie dans les hangars. L’association rapporte que 207 accidents dans des entrepôts logistiques sont à déplorer entre 2009 et 2017. Dans 85 % des cas il s’agit d’incendies, difficiles à maîtriser, qui nécessitent l’intervention de nombreux pompiers et engendrent parfois des interruptions de circulation routière et ferrée. Marie-Paule Duflot, experte en risques industriels à France Nature Environnement, s’est étonnée de l’inexistence d’un maximum pour le régime Seveso dit « seuil haut ». Elle a estimé que cette carence était due, à l’époque de la création du régime, à l’inexistence d’entrepôts XXL. Une telle proposition présente toutefois l’inconvénient de comporter, comme corollaire nécessaire, l’interdiction générale et absolue de tout projet dépassant ce maximum.

À ces questions doivent s’ajouter des préoccupations en matière d’extinction de feux d’origine électrique : véhicules électriques et panneaux photovoltaïques, qui posent des défis particuliers aux pompiers.

2.   Le PLU et le zonage ont permis de réduire les périmètres concernés

La réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement a des effets bénéfiques pour l’environnement urbain, puisqu’elle vise traditionnellement à assurer l’éloignement suffisant des habitations des sites polluants, qui génèrent poussières, odeurs, bruits, ou trafics. Ces considérations valent aussi en ce qui concerne la logistique lourde, qui concentre des flux de trafics polluants et des marques environnementales importantes.

Du point de vue d’une métropole, un entrepôt XXL périphérique correspond à l’une des mailles des dispositifs logistiques nécessaires pour son approvisionnement. Ainsi, selon l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), la première maille concerne « la plateforme logistique régionale, nationale ou internationale. Ce type de plateforme est localisée dans le grand bassin francilien en raison de la grande surface qu’elle occupe: 20 000 à 50 000 m² pour une plateforme de mise en marché ou plus de 50 000 m² pour un entrepôt central. Exemples : le MIN de Rungis ou le Port de Gennevilliers » ([212]).

Le règlement d’urbanisme permet ainsi de planifier et d’orienter l’implantation des entrepôts là où elle sera utile pour les besoins de la ville, tout en éloignant le plus possible ses nuisances environnementales, ce qui a pour effet que celles-ci sont reportées ailleurs que dans la ville desservie par l’équipement.

Le même document explique ainsi que « consciente de la nécessité de considérer le patrimoine immobilier logistique comme un atout, la Ville de Paris a décidé dès 2006 de s’emparer des outils réglementaires pour préserver et compléter le maillage logistique en zone dense. Le PLU de 2006 a introduit plusieurs dispositifs pour préserver et favoriser les activités de logistique urbaine. La nouvelle caractérisation de la zone UGSU, l’instauration d’une soixantaine de périmètres de localisation d’équipements de logistique urbaine et l’extension aux ELU de niveau 3 de la définition des constructions et installations nécessaires aux services publics d’intérêt collectif (Cinaspic) font partie des principaux leviers en faveur de la logistique dans la modification du PLU de 2016. Pour autant, il est nécessaire à l’adaptation du maillage global pour répondre aux besoins générés par la hausse du e-commerce ».

B.   L’empreinte ÉCOLOGIQUE des bÂtis est amÉliorÉe par les pratiques des acteurs et les exigences du lÉgislateur

1.   L’obsolescence et le renouvellement précoces des bâtis interrogent les pratiques constructives

Les entrepôts logistiques se caractérisent, de l’avis de la majorité des personnes entendues, y compris les professionnels du secteur, par un rythme de renouvellement immobilier constant et élevé. Deux facteurs principaux peuvent servir d’explication.

En premier lieu, les travaux de la mission ont systématiquement fait état d’un changement assez fréquent des entrepôts dans les stratégies de marché des acteurs. Plusieurs auditions et déplacements ont permis de constater un flux d’entrepôts nouvellement inoccupés du fait du départ d’un précédent occupant, dans le parc de Tournan-en-Brie mais aussi, des bâtis vides et désaffectés, sur la zone d’activités économiques de Mer ou encore, un flux de nouveaux entrepôts, dans les environs d’Argoeuves et de Flixecourt lors du déplacement de la mission en Picardie.

Selon les recherches de Nicolas Raimbault, auditionné par la mission, les dynamiques décrites en première partie, qui suscitent une reconfiguration régulière des chaînes d’approvisionnement, ont pour corollaire une transformation constante des besoins en entrepôts. Ainsi, en 2014, chaque année, 10 % des entrepôts français du réseau Carrefour changeaient de localisation : en dix ans, un renouvellement entier du parc logistique du distributeur est constaté ([213]).

La temporalitÉ du rÉseau logistique du groupe Carrefour, 2009-2011

Source : Nicolas Raimbault, op. cit., p. 116.

Ces dynamiques, si elles résultent souvent des reconfigurations dans les chaînes d’approvisionnement, peuvent aussi être causés par l’obsolescence accélérée du bâti dans ce secteur. Afilog explique ainsi que les acteurs connaissent des difficultés particulières à restructurer le parc existant obsolète, estimé à environ 14 millions de mètres carrés. L’une des difficultés concernerait le fait que ces mètres carrés sont généralement occupés alors que la rénovation des bâtiments nécessite, pour les occupants dont les affaires se poursuivent, de disposer d’une alternative.

La durée de vie limitée des bâtiments d’entrepôt, qui ne dépasse en aucun cas une trentaine d’années, doit toutefois interroger sur la soutenabilité des modes constructifs. Comme l’admet Afilog, « un bâtiment logistique a une durée de vie de maximum 40 ans, et on estime que les bâtiments de plus de 20 ans sont obsolètes car construits après la réglementation de 2012 ».

Il est pourtant souhaitable et nécessaire d’éviter la formation de friches logistiques. Comme le fait observer Thibault Lhonneur, « aujourd’hui, le Gouvernement alloue un budget de 24 millions d’euros pour réagencer les zones commerciales périurbaines. Un jour, la même chose se passera pour la logistique : ça se cassera la gueule. Un jour, nous réévaluerons les besoins. Donc, de la même façon qu’on prévoit le démontage pour les éoliennes, il faudrait prévoir une enveloppe de démontage pour les entrepôts logistiques ».

C’est ce qui amène vos rapporteurs à proposer l’idée d’une somme consignée en faveur de la réversion du site, ou de sa transformation ultérieure, qui pourrait au moins couvrir les coûts prospectifs du démantèlement de l’ouvrage et de la dépose de la couverture bétonnée de son terrain d’emprise. Une telle pratique est déjà mise en œuvre pour ce qui concerne la réalisation d’ouvrage.

Proposition n° 15 : À l’instar de ce qui se pratique pour d’autres équipements, prévoir à la construction la consignation par le maître d’ouvrage d’une fraction de financement destinée à permettre le démantèlement, la démolition ou la reconversion futurs du bâtiment dans une optique de lutte contre l’abandon des bâtis. La prévision des besoins en la matière sera étayée par la réalisation de l’étude de réversibilité rendue obligatoire au titre de l’article 224 de la loi Climat et résilience.

2.   La baisse de l’empreinte carbone des bâtis, un objectif partagé qui repose notamment sur le volontarisme des acteurs de la logistique

Les acteurs publics cherchent de façon croissante à inscrire l’ensemble des activités économiques, notamment le développement des entrepôts XXL, dans le respect des objectifs conventionnels et européens de la France en matière de lutte contre le changement climatique et notamment de baisse des émissions de gaz à effet de serre (EGES). Dans ce cadre, la stratégie nationale bas-carbone 2 (SNBC) prévoit, par rapport au niveau de 2015, une baisse des EGES de 40 %, dont une baisse de 28 % pour les transports, d’ici 2030, et l’atteinte de la neutralité carbone en 2030. Dans le même temps, la France se met en conformité avec les normes européennes en matière de qualité de l’air, action à laquelle concourt la mise en œuvre des zones à faibles émissions (ZFE).

Comme le souligne l’Ademe, les entrepôts, et en particulier les entrepôts de grande taille, ont un rôle ambigu à jouer dans l’atteinte de ces objectifs. Si, d’un côté, ils peuvent « permettre une optimisation des distances de transport parcourues ou l’utilisation de modes moins émissifs, et donc une maîtrise de l’impact en matière d’émissions de GES », de l’autre « ils contribuent à l’augmentation en valeur absolue de l’activité de transport, via son développement » ([214]).

En tout état de cause, le législateur a considéré que les bâtiments construits sont constitutifs d’un gisement d’économies d’énergie potentielles. La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (« loi Élan ») a créé, dans le code de la construction et de l’habitation, une obligation de réduire la consommation énergétique des bâtiments tertiaires. Précisé par un décret du 23 juillet 2019, le dispositif « éco-efficacité tertiaire » (DEET), plus communément appelé « décret tertiaire », vise à faire adopter des actions permettant de diminuer la consommation d’énergie finale des bâtiments.

La loi et le pouvoir réglementaire prévoient notamment que « des actions de réduction de la consommation d’énergie finale sont mises en œuvre dans les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments existants à usage tertiaire, afin de parvenir à une réduction de la consommation d’énergie finale pour l’ensemble des bâtiments soumis à l’obligation d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010 » ([215]).

L’empreinte écologique du secteur logistique est devenu une réelle préoccupation. C’est dans cette optique que la réflexion en termes de « bilan carbone » des bâtis est très présente chez les acteurs de l’immobilier logistique, qui cherchent à parer aux éventuelles critiques sur ce fondement, et mettent à profit en ce sens l’obligation à laquelle elles sont soumises au titre du bilan des émissions de gaz à effet de serre (Beges). S’il est une obligation légale, le Beges permet aux entreprises qui y sont soumises de diminuer leur facture énergétique, d’orienter leur stratégie et de valoriser leur image.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le bilan carbone

Les politiques de lutte contre le changement climatique ont fait de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre le cœur de leur action, en utilisant notamment à cette fin la méthode du « bilan carbone », développée dans les années 2000 par l’Agence de la transition écologique (Ademe) pour comptabiliser les émissions de gaz à effet de serre d’un individu, d’un produit ou d’une entreprise.

Le bilan carbone est utilisé par les entreprises dans le calcul de leur bilan des émissions de gaz à effet de serre (Beges), obligatoire pour certains acteurs publics et privés depuis la loi « Grenelle II » ([216]). Le Beges est une méthode d’analyse permettant d’estimer les émissions directes et indirectes d’une structure, lesquelles sont traduites en « tonnes équivalent CO2 ». Six gaz à effet de serre sont pris en compte : le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O), les hydrofluorocarbures (HFC), l’hexafluorure de soufre (SF6) et les perfluorocarbones (PFC). Le périmètre des émissions se décompose en trois parties. La première est la somme des émissions directes induites par la combustion d’énergies fossiles. La deuxième est la somme des émissions indirectes induites par l’achat ou la production d’électricité. La troisième correspond à la somme de toutes les autres émissions indirectes (chaîne logistique, transport, etc.) et est facultative, au contraire des précédentes ([217]).

Source : « L’élaboration d’une politique publique environnementale, le Bilan Carbone® », Annales des Mines – Gérer et comprendre, vol. 129, no. 3, 2017, pp. 13-19.

D’autres acteurs privilégient toutefois l’approche en analyse du cycle de vie (ACV), qui permet de mesurer la performance environnementale des bâtis tout au long de leur construction et de leur exploitation. Dans sa contribution écrite aux travaux de la mission, Afilog assure ainsi que de nombreux sites récents font l’objet d’une étude ACV, qui permet selon l’association aux acteurs logistiques d’identifier les risques environnementaux auxquels ils sont exposés et d’agir pour les minimiser.

Au-delà des démarches volontaires, cette analyse en termes de cycle de vie s’impose depuis le 1er janvier 2022 au titre de la réglementation environnementale 2020 (RE 2020), qui comprend un ensemble de normes visant à limiter l’incidence environnementale des constructions neuves.

Cependant, le bilan carbone comme l’analyse du cycle de vie portent exclusivement sur des aspects quantifiables de la construction. Les caractéristiques moins objectivables du bâtiment ne sont pas abordées : ainsi de ses qualités esthétiques ou architecturales, de son intégration paysagère ou de sa contribution à la qualité de vie des travailleurs et des riverains. En outre, et en dépit de leur caractère « quantitatif », les évaluations réalisées sont également marquées par des incertitudes sur leurs données comme sur leurs résultats ([218]), et continuent de receler des zones d’ombre : dans sa contribution écrite, Afilog mentionne ainsi que l’analyse du cycle de vie ne prend pas en compte les flux qui sont évités par la construction d’un entrepôt.

La nécessité d’améliorer la performance environnementale des entrepôts, en particulier de grande taille, a justifié le lancement, par l’Ademe en 2023, de l’appel à projets de recherche « Entrepôts – agir pour la transition écologique », dont les dossiers déposés sont actuellement en cours d’analyse et qui vise à examiner l’ensemble des tendances actuelles en matière d’entrepôts ([219]).

Plusieurs perspectives sont à prendre en compte. Il est possible, sur le modèle du dispositif mis en œuvre à l’article 224 de la loi « Climat et résilience », de prévoir la réalisation systématique, au moment de l’autorisation de construire, d’une étude portant sur les transformations et la réversion futures du bâtiment envisagé. Toutefois, une telle pratique, quoique potentiellement fertile dans la mesure où elle obligerait le maître d’ouvrage à prendre en compte les transformations du bâti, peut difficilement être fondée sur des éléments déterminés et certains.

Plusieurs acteurs rencontrés par vos rapporteurs ont mis en avant leurs efforts pour limiter l’empreinte carbone de leurs bâtis. Prologis, par exemple, se présente comme l’un des pionniers du marché pour rendre l’immobilier logistique plus durable d’un point de vue environnemental, s’étant fixé pour objectif d’atteindre la neutralité carbone pour l’ensemble des nouveaux projets immobiliers d’ici 2025, et la mission a eu l’occasion de visiter son bâtiment « carbone neutre » à Moissy-Cramayel (Seine-et-Marne).

 

L’analyse du cycle de vie

L’analyse du cycle de vie (ACV) est une « technique d’évaluation des aspects environnementaux et des impacts environnementaux potentiels associés à un système de produits » ([220]). L’ACV permet ainsi d’évaluer la performance environnementale des produits ou des procédés en prenant en compte l’ensemble de leur cycle de vie. Elle recouvre toutes les étapes, de l’extraction des matières premières jusqu’à la gestion de la fin de vie, en comptant également les potentielles étapes de transformation, de production, de distribution ou de consommation ([221]). Celle-ci prend en compte toutes les étapes de vie du bâtiment comme l’acidification des sols et des milieux aquatiques, la consommation d’énergie ou l’occupation des surfaces. Plus précisément, le cycle de vie du bâtiment se décompose en cinq étapes (voir graphique).

LES DIFFÉRENTES PHASES DU CYCLE DE VIE

Source : Siniat, L’analyse de cycle de vie (ACV), baromètre de l’impact climatique d’un bâtiment

La définition des objectifs et du champ de l’étude permet de cadrer l’analyse du système étudié et de définir les principales hypothèses. La réalisation de l’inventaire permet d’identifier et de répertorier les entrants et les sortants de chaque système. L’évaluation des impacts environnementaux est la traduction de l’inventaire des flux en impacts environnementaux grâce à un système de modélisation propre à l’ACV. La dernière étape est l’interprétation des résultats obtenus et l’identification des principales sources d’impact à chaque étape du cycle.

MÉTHODE DE RÉALISATION D’UNE ACV

Source : Le pôle éco-conception, « Analyse du Cycle de Vie ACV ».

Les acteurs tirent de ces actions un bénéfice en termes d’image : ainsi du cas de la nouvelle plateforme Danone, de 17 000 m² à Viry-Châtillon (Essonne), amplement médiatisée, pour laquelle les efforts engagés par la multinationale alimentaire pourraient permettre de réduire de 25 % les émissions carbone liées au fonctionnement de l’entrepôt, avec notamment un revêtement blanc en toiture qui pourrait permettre, selon le groupement alimentaire, de réduire l’absorption de chaleur de 10 % ([222]).

Exemple d’outils développés par un acteur de l’immobilier logistique pour atteindre la neutralité carbone de ses bâtiments

– Des mesures systématiques et la mise en place d’analyse des cycles de vie des bâtiments ;

– Un pilotage digitalisé et automatisé des équipements pour garantir l’efficacité énergétique ;

– Le recours systématique à des matériaux isolants ;

– Le recours à la géothermie et à l’utilisation d’une énergie décarbonée sur les sites ;

– L’augmentation de l’éclairage naturel afin de limiter le recours à l’éclairage artificiel ;

– Une maintenance continue et préventive de site pour réduire incidents et modes dégradés de fonctionnement ;

– Le recours à des matériaux présents ou distribués à l’échelle local en phase de construction.

Source : contribution écrite de Prologis à la mission d’information.

Plus largement, plusieurs acteurs ont fait part de leur intérêt à faire de leurs entrepôts des bâtiments à énergie positive. En effet, il s’agit de bâtiments « qui sont capables, au cours d’une année, de produire autant d’énergie qu’ils en consomment. Le changement est profond, puisque l’on passe d’un bâtiment consommateur à un bâtiment à la fois consommateur et producteur d’énergie » ([223]). Un des enjeux majeurs des entrepôts à énergie positive réside à cet égard dans la généralisation du solaire photovoltaïque.

3.   La production d’énergie, un investissement nécessaire pour permettre aux entrepôts XXL d’optimiser leur rendement foncier

a.   La solarisation des toitures, un levier d’optimisation de l’usage de la grande étendue des entrepôts XXL

La couverture des toitures des entrepôts par des panneaux photovoltaïques producteurs d’électricité (« solarisation ») constitue l’un des axes majeurs de la stratégie énergétique actuellement portée par le Gouvernement pour couvrir le besoin de production qui devrait survenir entre aujourd’hui et l’entrée en service des nouveaux réacteurs nucléaires dans la deuxième partie de la décennie 2030.

La stratégie repose à titre principal sur l’obligation de solariser les nouveaux bâtiments lors de leur construction. Initialement créée par le législateur dans la loi « Énergie-climat » du 8 novembre 2019, refondée dans la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 et encore complétée dans la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables (« loi ENR ») du 10 mars 2023, cette obligation concerne certains bâtiments, dont la toiture doit intégrer soit un procédé de production d’énergies renouvelables, soit un système de végétalisation.

L’obligation, pleinement entrée en vigueur le 1er juillet 2023 concerne les « constructions de bâtiments ou parties de bâtiment à usage commercial, industriel ou artisanal, les constructions de bâtiments à usage d’entrepôt, les constructions de hangars non ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation commerciale et aux constructions de parcs de stationnement couverts accessibles au public, lorsqu’elles créent plus de 500 mètres carrés d’emprise au sol ». Sont également concernées les constructions de bâtiment à usage de bureaux supérieures à 1 000 m² d’emprise au sol ainsi que les extensions et les rénovations lourdes.

À compter du 1er juillet 2023, le taux de couverture doit être de 30 % de la surface de la toiture du bâtiment construit ou rénové, et des ombrières qui surplombent les aires de stationnement. Le taux de couverture devra atteindre 40 % à compter du 1er juillet 2026 et 50 % à compter du 1er juillet 2027.

D’après les propos de ceux qu’ont rencontrés vos rapporteurs, les acteurs de l’immobilier logistique font de la solarisation de leurs entrepôts une priorité. Selon certaines estimations, les cinq millions de mètres carrés qui doivent être déployés d’ici cinq ans permettraient de couvrir l’équivalent de consommation annuelle d’électricité de 600 000 habitants.

Le groupe Telamon, acteur de la promotion logistique, fait des énergies renouvelables qu’il déploie en toiture un facteur distinctif et un produit d’appel. D’après son site Internet, qui évoque à ce sujet une « révolution », le groupe explique qu’il déploie « sur chacun de nos bâtiments, des centrales photovoltaïques qui nous permettent de produire notre propre énergie ». Ce sont près de 210 000 m² qui sont en chantier, dont deux plateformes logistiques XXL qui sont acquises par des investisseurs internationaux et pour lesquelles Telamon investit dans l’installation de centrales photovoltaïques. Les bâtiments construits présentent dès lors deux visages : activité industrielle et logistique à l’intérieur, producteur d’énergie à l’extérieur.

D’après le retour d’Afilog, « l’entrepôt est également, systématiquement et y compris avant les obligations réglementaires en la matière, un producteur d’énergie du fait de la solarisation systématique de la toiture ». D’après l’association professionnelle, les acteurs logistiques n’ont pas attendu l’intervention du législateur pour s’engager dans la production d’énergies renouvelables. « Avant que la loi Énergie-climat de 2019 ne l’impose, une majorité d’adhérents de l’association avaient déjà recours à des panneaux photovoltaïques en toiture de leurs bâtiments ».

La charte des engagements réciproques entre le secteur de l’immobilier logistique et le Gouvernement relatifs à la neutralité carbone et à la performance environnementale du bâti a été signée en 2021. Les membres signataires se sont engagés à couvrir en moyenne, et sur l’ensemble des demandes de permis de construire déposées entre le 1er janvier 2022 et le 1er janvier 2025, 50 % de leur surface de toiture utile avec des panneaux solaires. Ils se sont également engagés à ce que l’ensemble de leurs nouveaux projets immobiliers atteignent la neutralité carbone d’ici 2040 ([224]).

De telles affirmations n’ont pas toutefois été étayées par les observations de la mission, car les toitures visitées sont loin d’avoir été systématiquement solarisées. Vos rapporteurs ont par ailleurs constaté qu’aucun des parcs logistiques visités n’avait, à ce jour, mis en œuvre de dispositif de solarisation de son parc de stationnement, alors même que le gisement foncier, et donc électrique, est important.

Pour la Confédération des grossistes de France (CGF), les lois « Climat et résilience » et « ENR » ainsi que le « décret tertiaire », mentionné plus haut, ont créé un « mille-feuille d’obligations », portant notamment sur l’équipement des entrepôts en dispositifs de production d’énergies renouvelables, de réduction de la consommation énergétique ou de végétalisation. Ces mesures appellent, pour ce représentant du secteur, une pause « réglementaire » et pourraient nécessiter des accompagnements financiers et de nouveaux modes de financement budgétaires ou extrabudgétaires.

De la même façon, Perifem, l’association professionnelle technique qui regroupe les principales enseignes du commerce alimentaire, estime que les coûts ne pourront être supportés par les enseignes ([225]), qui sont concernées à double titre, pour leurs entrepôts mais aussi pour leurs supermarchés et hypermarchés. Ces acteurs appellent l’attention sur l’investissement représenté – près de 10 milliards d’euros pour les 35 millions de mètres carrés des distributeurs – et exigent dès lors des dispositifs d’accompagnement ([226]).

Le développement du photovoltaïque sur la toiture des entrepôts se heurte à la difficulté majeure qu’est l’inadaptation du parc existant. Les structures des entrepôts ne sont pas toutes en mesure de supporter la charge que représentent les équipements. En moyenne, un système photovoltaïque pèse 15 kg/m², soit 11 à 12 kg/m² pour les panneaux et le reste pour le système de fixation et les câbles. Il faut compter 20 à 25kg/m² au total en prenant en compte le bac d’acier qui assure l’étanchéité de l’installation ([227]). L’état de la toiture des entrepôts doit également être pris en compte, le remplacement de celle-ci posant de sérieuses questions financières si elle comporte des installations solaires.

En outre, les panneaux solaires – composés de silicium, de verre, de plastique et de connexions en cuivre et en argent – sont de qualité variable et restent majoritairement importés de Chine, ce qui a occasionné de longs débats à l’occasion de la loi ENR : faut-il attendre la constitution d’une filière française mature, à horizon de plusieurs années, avant d’enclencher les travaux systématiques d’adaptation du bâti ?

L’installation de ces panneaux pose également, selon plusieurs acteurs rencontrés par vos rapporteurs, des questions d’ordre assurantiel. En raison d’un risque d’incendie plus élevé et de la difficulté des pompiers à intervenir sur des feux électriques, de nombreux assureurs refusent d’assurer les structures. Le photovoltaïque présente également des risques de vol, expose les bâtiments aux aléas naturels et présente un risque plus élevé d’électrisation pour les individus et a fortiori pour les travailleurs ([228]).

Enfin, dans la logistique comme dans la grande distribution, la rentabilité des installations photovoltaïques n’est pas évidente. D’après le directeur général de l’exploita Voltalia, interrogé dans l’article des Échos cité plus haut, « l’électricité solaire produite en toiture est nettement plus chère que celle produite au sol. Elle n’est attractive que si elle est utilisée sur place, en autoconsommation ».

Les acteurs logistiques appellent dès lors des évolutions réglementaires pour rendre la filière plus attractive et performante en termes de production d’énergie. Pour Afilog, les critères de qualification de l’autoconsommation collective étendue, et notamment la proximité géographique, empêchent les sites de bénéficier de leur propre autoproduction. L’autoconsommation collective permet aux producteurs et aux consommateurs de se regrouper au sein d’une personne morale afin de gérer l’électricité produite localement. L’arrêté du 21 novembre 2019 établit une distance maximale entre les participants de deux kilomètres et une puissance maximale de trois mégawatt pour les opérations d’autoconsommation collective étendue. L’arrêté du 14 octobre 2020 est venu le compléter en prévoyant la possibilité d’une dérogation pour les projets situés en communes rurales, dont la distance entre les participants les plus éloignés peut atteindre vingt kilomètres. D’après Afilog, un assouplissement voire une suppression de ce critère géographique inciterait l’adoption du photovoltaïque par les acteurs logistiques et faciliterait la valorisation de l’énergie produite.

De son côté, Prologis, auditionné par vos rapporteurs, est favorable à l’autorisation de la vente libre de l’énergie produite. Ce fonds d’investissement détient plus de 3,3 millions de mètres carrés en France et 114 millions de mètres carrés dans le monde. Si sa volonté est d’équiper l’ensemble des toitures en panneaux photovoltaïques, l’autorisation de la vente libre est jugée indispensable pour accentuer les capacités d’investissement en la matière. Selon lui, cet aménagement est nécessaire pour que Prologis atteigne son objectif, qui est de devenir un producteur d’énergie solaire avec une capacité de production d’un gigawatt au niveau mondial et il investit massivement dans l’énergie solaire à cette fin. Vos rapporteurs sont également favorables à l’autorisation de cette vente libre.

Le développement des énergies renouvelables en toiture est un enjeu écologique et stratégique majeur pour les acteurs logistiques. S’ils semblent y être majoritairement favorables, les contraintes et les risques qui accompagnent le développement des panneaux photovoltaïques doivent être sérieusement évalués avant tout investissement. A contrario, les parcs de stationnement, systématiquement construits en étalement, ne présentent pas de difficulté de coût et revêtent un profil financier intéressant du point de vue de la rentabilité : vos rapporteurs estiment ainsi qu’à l’image des stationnements dans les zones commerciales, ces surfaces doivent faire l’objet d’opérations de solarisation ou d’une végétalisation dans les années qui viennent.

Proposition n° 16 : Imposer, en renforçant les dispositions fixées dans les loi Énergie-climat, Climat et résilience et AER, la couverture des parcs de stationnement des entrepôts par des ombrières recouvertes de panneaux photovoltaïques, lorsque ces parcs ne font pas l’objet d’une opération d’aménagement urbain, de mutualisation, d’enfouissement ou de renaturation-végétalisation. Explorer les solutions technologiques permettant de faciliter les installations de panneaux photovoltaïques sur les charpentes existantes, et engager une réflexion avec France Assureurs afin de parer au refus de couverture assurantielle sur ces structures. Étendre l’obligation de solarisation des toitures aux entrepôts agricoles.

b.   La sobriété énergétique, un levier à privilégier dans les grands entrepôts

La sobriété énergétique, qui désigne une attitude volontaire de réduction de la consommation d’énergie, nécessite une évolution des comportements individuels et la mise en œuvre de politiques collectives de nature incitative ou contraignante. La sobriété énergétique concerne toutes les énergies et s’applique à l’ensemble des secteurs d’activité. Vos rapporteurs considèrent qu’il est indispensable que la filière logistique s’inscrive dans une telle démarche afin de réduire sa consommation énergétique et son empreinte carbone.

Pour la moitié des entrepôts, la consommation énergétique des bâtiments est un sujet majeur de rentabilité, représentant près de 50 % des dépenses globales. En effet, la consommation d’énergie primaire des entrepôts – chauffés en dessous de 12° C – est comprise entre 100 et 200 kWh/m²/an ([229]). Cette estimation est large en raison de la grande diversité qui caractérise ces structures : exploitation inégale, taille des bâtiments, activités.

Ce poids énergétique des surfaces d’entreposage a justifié l’intervention du législateur et du pouvoir réglementaire via le dispositif dit « décret tertiaire ».

Le décret relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire – 2019

La loi du 23 novembre 2018 a inscrit dans le code de la construction et de l’habitation l’obligation de réduire la consommation énergétique des bâtiments tertiaires. Le décret « tertiaire » vient préciser les conditions de mise en œuvre de cette mesure. Ce décret concerne l’ensemble des bâtiments et des locaux à usage tertiaire dont la surface d’exploitation est supérieure ou égale à 1 000m².

Il impose une réduction progressive des consommations énergétiques des bâtiments : réduction de 40 % d’ici 2030, de 50 % d’ici 2040 et de 60 % d’ici 2050.

Les propriétaires et les locataires d’entrepôts doivent déclarer leur niveau de consommation énergétique via la plateforme Operat, mise en place par l’État et gérée par l’Ademe. Doivent être renseignées les informations suivantes : descriptif de l’activité tertiaire exercée ; surface des bâtiments concernés ; données annuelles de consommation d’énergie par source énergétique ; modulations éventuelles. Des sanctions financières et réputationnelles sont prévues en cas de non transmission des informations.

Un système d’accompagnement a été pensé par EOL, au travers de la création de Systenza qui assiste les propriétaires et les exploitants dans la mise en œuvre de cette trajectoire de réduction de la consommation énergétique des immeubles logistiques.

D’après les acteurs du secteur, les gestionnaires d’entrepôts n’ont cependant pas attendu l’entrée en vigueur du décret tertiaire pour prendre des mesures visant à réduire leur consommation énergétique. Celle-ci est, selon ses représentants, bien inférieure à la consommation de l’immobilier résidentiel et de l’immobilier de bureau. D’après le baromètre 2021 de la performance énergétique et environnementale du bâtiment de l’Observatoire de l’immobilier durable (OID), la logistique consomme en moyenne 41 kWh/m²/an, contre une consommation moyenne 202 kWh/m²/an pour le secteur résidentiel ([230]). S’il est évident qu’un entrepôt ne nécessite pas les mêmes besoins en termes de chauffage qu’un logement, il n’en demeure pas moins que les entrepôts frigorifiques ont une lourde consommation énergétique.

Surtout, le secteur logistique est parvenu à baisser sa consommation énergétique de 2 % sur un an, tandis que celle des centres commerciaux a augmenté de 5 % sur la même période. Les nouveaux entrepôts consomment également moins d’énergie provenant du réseau, grâce à l’installation de panneaux photovoltaïques sur leur toiture.

LA CONSOMMATION ÉNERGÉTIQUE DES PRINCIPAUX SECTEURS D’ACTIVITÉ EN 2020

Source : Observatoire de l’immobilier durable, baromètre 2021 de la performance énergétique et environnementale des bâtiments, janvier 2022.

Dans sa contribution écrite à destination de vos rapporteurs, Afilog indique s’être engagé en faveur d’un immobilier logistique décarboné. Pour réduire la consommation d’énergie des entrepôts, Afilog prône ainsi une optimisation de l’éclairage et du chauffage. La société Argan a également fait de la réduction de la consommation d’énergie de ses entrepôts un véritable objectif. Pour cela, elle agit en priorité sur les deux leviers que sont le chauffage et l’éclairage. Des lampes LED viennent remplacer les lampes à iodure, leur consommation en kilowattheures étant huit fois inférieure. Pour ce qui est du chauffage, il s’agit surtout d’optimiser le rendement des chaudières au gaz qui alimentent la majorité des entrepôts existants. Pour cela, la société procède soit à un remplacement des chaudières les plus anciennes soit à une substitution des brûleurs on/off par des brûleurs modulants. Cet investissement permet de réduire de 9 000 tonnes les émissions de CO2 ([231]).

Malgré tout, le poids énergétique actuel des entrepôts reste bien supérieur aux objectifs qui avaient été fixés par la loi « Grenelle 2 » en 2010. Pour rappel, celle-ci prévoyait – pour atteindre l’objectif de réduction par quatre des émissions de CO2 pour le secteur du bâtiment ([232]) – de faire de la construction un levier d’action, avec un plafond de 50 kWh/m²/an fixé en référence pour la construction neuve ([233]).

Trois dimensions pèsent particulièrement lourd dans la facture énergétique des entrepôts : l’éclairage, le chauffage et la production de froid dans les entrepôts frigorifiques.

En matière d’éclairage, les acteurs logistiques doivent prendre en compte la spécificité des structures qui réside dans une hauteur importante et une inégale occupation de la superficie. L’éclairage est un véritable enjeu pour ces entrepôts qui bénéficient souvent de peu d’accès à une lumière naturelle et qui doivent être éclairés continuellement. C’est la raison pour laquelle de nombreux entrepôts se tournent aujourd’hui vers des systèmes LED qui permettent une économie d’énergie, et d’autant plus lorsqu’ils sont couplés à un système de détection de mouvements.

Le chauffage, souvent peu efficace, est très consommateur d’énergie, tant les surfaces sont importantes. L’électrification du chauffage est une piste développée par certains acteurs comme Coliposte, dont la mission a visité la plateforme à Mer. Lors de ce déplacement, les rapporteurs ont constaté que les entrepôts récents sont le plus souvent isolés mais que les espaces – étant très vastes – restent difficiles à chauffer.

La consommation énergétique des entrepôts frigorifiques peut atteindre 500 à 1 000 kWh/m²/an, et alléger le poids énergétique de ces structures constitue donc une nécessité. Outre le « décret tertiaire », la réglementation européenne des fluides frigorigènes est amenée à jouer un rôle. La norme F-GAZ de 2006, renforcée en 2015 ([234]), vise en effet à réguler le secteur de la réfrigération par l’intermédiaire de normes environnementales. Cette norme fixe l’objectif de diviser par cinq les émissions de gaz à effet de serre en provenance des fluides frigorigènes. Pour cela, elle impose une réduction du potentiel de réchauffement global (PRG) ([235]), qui correspond au potentiel de réchauffement, sur une durée donnée de 100 ans, pour 1 kilogramme émis dans l’atmosphère, par rapport au CO2 moyen des fluides de 2 000 à 400 sur 15 ans. Plusieurs étapes intermédiaires ont été fixées afin de permettre une diminution progressive de la mise sur le marché de ces fluides frigorigènes à fort pouvoir de réchauffement global. Elle prévoit ainsi, depuis le 1er janvier 2020, l’interdiction de recharger une installation frigorifique avec un fluide neuf dont le PRG est supérieur à 2 500. À compter du 1er janvier 2030, il sera également interdit de recharger ou d’entretenir les installations frigorigènes avec un fluide recyclé dont le PRG est supérieur à 2 500.

Ainsi, et de manière indirecte, cette règlementation conduit les acteurs logistiques à revoir leurs équipements et à repenser leur système de refroidissement. Cette règlementation rend indispensables les innovations et la réorientation de la filière logistique vers des fluides frigorigènes naturels tels que le dioxyde de carbone, l’ammoniac et les hydrocarbures ([236]). Non seulement le PRG de ces fluides est bas mais surtout, ils possèdent des propriétés thermodynamiques qui font d’eux une alternative idéale.

Aujourd’hui, les entrepôts logistiques sont explicitement mentionnés par les politiques environnementales. La réduction de leur consommation énergétique est un levier d’action essentiel, encouragé par vos rapporteurs, en faveur d’une chaîne logistique plus respectueuse de nos objectifs climatiques. Des réflexions doivent être privilégiées sur l’électrification des moyens de chauffage et le recours à la géothermie.

II.   certaines incidences du dÉploiement d’entrepÔts XXL doivent Être mieux prises en compte

Les acteurs auditionnés ont fait part de zones d’ombre dans le processus de planification et d’autorisation qui ne permettent pas la prise en compte pleine et entière de certains facteurs.

A.   Les impacts fonciers peuvent Être rÉduits par une plus forte densification des activitÉs logistiques

Dans une période caractérisée par l’intensification des conflits d’usage sur les fonciers et par un effort collectif pour réduire, de façon conséquente, la consommation des sols, celle qui est engendrée par les entrepôts XXL pose nécessairement question.

1.   Un facteur d’artificialisation sous-estimé, mais la grande taille peut être un atout pour respecter le ZAN

En France, sur la période de 2009 à 2022, environ 23 000 hectares sont artificialisés tous les ans, avec des incidences négatives pour la protection de la biodiversité, la gestion des eaux pluviales, la préservation des terres agricoles et celle des paysages. L’artificialisation des sols diminue le potentiel de séquestration de carbone dans les terres à hauteur de 11 Mteq de CO2 par an, soit 2,5 % du total des émissions de la France en 2019. Dans la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, le législateur a fixé de nouveaux objectifs ambitieux visant à sortir de toute artificialisation nette des sols (stratégie dite du « zéro artificialisation nette » ou « ZAN »), en commençant par une réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers sur la décennie 2021-2031, par rapport à la décennie précédente.

Or, comme l’écrit l’Institut Paris Région, « dans un contexte d’intensification urbaine et d’économie de l’espace, la prise en compte systématique de l’activité logistique dans les orientations des territoires est prioritaire » ([237]). Les acteurs en général, et les associations de défense de l’environnement en particulier, soulignent le rôle spécifique joué par les entrepôts dans l’artificialisation : France Nature Environnement a ainsi souligné le coût foncier élevé de l’activité logistique, qui exerce « une pression forte sur les terres agricoles, premier milieu naturel touché par le déploiement logistique ».

Les chiffrages précis sont cependant plus difficiles à obtenir. Selon Afilog, les entrepôts seraient « victimes d’un effet d’optique qui leur est totalement défavorable », qui découlerait du caractère « très visible et volumineux dans le paysage » de l’immobilier logistique, qui ne représenterait, en réalité qu’environ « 1 % de l’artificialisation des sols », que les acteurs du secteur s’empressent systématiquement de mettre en regard des 46 % d’artificialisation engendrés par du logement. À chaque audition, vos rapporteurs ont posé la question, et cette réponse a été majoritaire. Prologis répond d’une façon similaire : « il est tout d’abord nécessaire de rappeler que l’immobilier logistique représente environ 1 % des terres artificialisées selon les données de l’enquête Teruti-Lucas ».

Il semblerait que ces chiffres résultent le plus souvent du rapport consacré par France Stratégie en 2021, non pas aux entrepôts logistiques en général, mais au commerce en ligne. Les rapporteurs de cette mission écrivent que « le développement des entrepôts participe à l’artificialisation des sols en entraînant une imperméabilisation totale des terres. Ces entrepôts se concentrent dans les régions les plus peuplées du pays où ils peuvent susciter des oppositions parfois fortes, notamment quand ils sont construits sur des terres agricoles. La mission estime l’artificialisation liée au commerce en ligne dans une fourchette de 80 ha à 90 ha par an en moyenne sur la période 2000-2019, soit moins de 1 % des flux moyens annuels » ([238]). En dépit du caractère général du propos liminaire, le taux de 1 % mentionné par les rapporteurs est clairement attribué à la seule artificialisation liée au commerce en ligne. Il n’est donc nullement question ici de l’artificialisation imputable aux entrepôts logistiques, ou plus largement aux entrepôts en général.

Une étude récente du Cerema, produite pour accompagner les travaux de mise en application de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 en matière de calcul de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, montre que le poste de l’habitat est en effet responsable d’une fraction majoritaire de ce phénomène, à hauteur de 65 %. Les entrepôts logistiques concourent pour leur part au poste « activité », qui représente 23 % de la consommation nationale – étant entendu que les nouveaux espaces urbanisés mais non bâtis, comme les surfaces de stationnement, sont assignés à l’usage de l’espace le plus proche ([239]).

Malgré ces proportions, il ne serait pas pertinent de renvoyer le sujet, comme pourraient le faire certains acteurs, en laissant croire que l’artificialisation résultant de l’habitat est à ce point prépondérante que celle qui résulte des autres usages des sols ne sont pas significatifs. Car la tendance est bel et bien à l’accélération de l’augmentation du parc logistique, comme on l’a vu en première partie, ce qui occasionne, si on ne veille pas à adapter les modes de construction, une intensification de leur utilisation foncière.

L’Agence de la transition écologique (Ademe) qui considère que, en stock, « les entrepôts comptent pour environ 16 000 hectares artificialisés en incluant espaces de parking et de desserte », s’inquiète davantage du flux associé. En flux, l’agence note en effet une contribution annuelle de plus en plus importante du fait de l’accélération de la construction d’entrepôts, signalant un « quasi doublement entre 2015 et 2019 », ce qui coïncide avec la mise en œuvre d’une stratégie publique active de promotion de la logistique (voir section III de la première partie) ([240]).

C’est certainement cette dynamique qui fait qu’en région Centre-Val de Loire, selon l’Insee, « l’augmentation [de l’artificialisation] a été davantage portée par le développement des zones industrielles ou commerciales et des réseaux de communication que par l’habitat ». Cette affirmation est étayée par l’observation selon laquelle « les zones industrielles ou commerciales et les réseaux de communication sont plus souvent implantés dans les pôles principaux et représentent respectivement 24 % et 27 % des sols artificialisés des communes-centres et des autres communes de ces pôles ».

Il est difficile d’arriver à des données exactes concernant les quantités foncières dues aux entrepôts en général, ou aux entrepôts logistiques en particulier. D’autant plus que des études plus holistiques sur la logistique peuvent amener à considérer aussi, comme relevant de cette activité, les différentes implantations modales et les plateformes multimodales : ports, gares, parcs de poids lourds, etc.

Des études de cas régionales existent. Dans les Hauts-de-France, où l’activité économique représente 37 % des espaces consommés entre 2011 et 2020 (6 018 hectares), 9 % de cette consommation seraient imputables à l’activité logistique, ce qui donnerait donc 3,3 % du total de consommation des espaces.

Consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers par secteur entre 2010 et 2019, Hauts-de-France, en part de la consommation À vocation d’activitÉ

Source : direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement des Hauts-de-France, « Tableau de bord de la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers », avril 2023.

Toutefois, il est possible que la taille constitue, à rebours des impressions premières, un facteur de limitation de la consommation foncière, comme le pensent certains acteurs du secteur, à l’image d’EOL ([241]). En théorie, la construction rationnelle d’un site de très grande dimension, parfois divisé en plusieurs preneurs, devrait en effet permettre de réduire la consommation globale de foncier, par rapport à la construction d’un grand nombre de petits entrepôts. Les voies d’accès et de desserte ainsi que les espaces extérieurs nécessitent en proportion moins de consommation foncière que pour des petits bâtiments éclatés sur un territoire. Dans ces opérations, l’importance du site permet d’optimiser le coût de construction, mais aussi de concevoir des équipements et des espaces communs. Le traitement spécifique des espaces verts et les efforts environnementaux sur le site sont souvent une particularité de ces très grands immeubles.

Le déploiement massif d’équipements logistiques de grande ampleur qui est actuellement en cours a incité France Logistique à demander, au titre de la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols, l’intégration de l’ensemble des équipements logistiques de grande ampleur qui pourraient être considérés comme étant à la fois stratégiques et délocalisables au sein de l’enveloppe d’artificialisation imputée au niveau national, et non au niveau régional.

Ces installations comprennent notamment : les infrastructures de transport de fret, notamment le Canal Seine Nord-Europe (CSNE) et la ligne à grande vitesse Lyon-Turin, les grandes zones logistiques intermodales que sont les grands ports maritimes, la zone aéroportuaire de Roissy, les principaux ports fluviaux, les plateformes de transports combinés, les implantations industrialo-logistiques délocalisables, notamment les gigafactories et leurs équipements logistiques associés (au moins 100 000 mètres carrés de stockage associés, même s’ils sont sous-traités à des prestataires sur une emprise foncière distincte). À ces projets en eux-mêmes, doivent être ajoutés, selon France Logistique, les zones d’activités qui leur sont associées et qui en assurent l’usage et l’utilité : ainsi, en plus des projets d’infrastructures interrégionales, les zones indispensables pour leur utilisation, comme par exemple, dans le cas du CSNE, les zones logistiques en bord à quai, pour éviter l’incapacité à stocker les produits à charger et décharger qui rendrait le canal inutilisable.

À propos de la même loi, France Industrie a alerté sur l’importance de la logistique industrielle, rappelant par exemple que les surfaces enherbées autour des implantations industrielles sont autant de réserves foncières pour des extensions du site, et que le blocage de ces besoins logistiques pourrait avoir des effets délétères sur l’industrie.

L’artificialisation due aux entrepôts, contrairement à celle qui résulte des aménagements commerciaux, qui est sévèrement encadrée depuis la loi du 22 août 2021, ne fait pas l’objet de restrictions chiffrées. La direction générale de la prévention des risques, interrogée à ce sujet, rappelle que « l’utilisation économe des sols naturels figure parmi les intérêts mentionnés par l’article L. 5111 du code de l’environnement au titre des ICPE. Par ailleurs, le f) du 2° du II de l’article L. 122-3 du code de l’environnement dispose que l’étude d’impact au titre de l’évaluation environnementale comprend au minimum toute information sur l’artificialisation des sols et la consommation d’espaces agricoles, naturels, et forestiers résultant du projet lui-même et des mesures envisagées pour éviter, les incidences négatives notables probables sur l’environnement, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites ». Il est vrai que sur l’insistance des parlementaires, une mesure a été votée dans la même loi pour intégrer cette considération au processus d’autorisation.

En dépit de son importante consommation foncière, l’implantation des entrepôts XXL a un impact relativement faible sur les sites naturels protégés. Cela s’explique, comme le rapporte la Dreal du Centre-Val de Loire, par la faible proportion de logisticiens venant s’installer sur des sites naturels protégés. Plusieurs acteurs du secteur ont fait valoir, à diverses reprises lors des travaux de la mission, que l’activité logistique a un meilleur bilan en termes de biodiversité que l’agriculture intensive.

Cela ne doit pas faire oublier pour autant la nécessité de respecter la séquence « éviter, réduire et compenser » imposée au titre du droit de l’environnement. La préoccupation doit être constante pour les maîtres d’ouvrage d’éviter toute artificialisation nouvelle, de réduire ses impacts, et seulement après d’envisager la compensation. Les visites conduites par la mission ont mis en évidence le caractère dérisoire des opérations de compensation engagées, qui semblent souvent se limiter à quelques arbres et carrés d’herbe. La présence de friches concoure également à nuire à l’environnement en créant un phénomène d’artificialisation cumulative. Les atteintes portées à la biodiversité et aux terres agricoles sont réelles.

2.   Mieux recycler l’urbain, une orientation indispensable qui doit emporter des simplifications réglementaires

Comme le rappelle France Nature Environnement, les exploitants implantent encore majoritairement leurs entrepôts en étalement urbain, et doivent être encouragés à investir plutôt les friches industrielles. Les acteurs publics concordent dans ce bilan, ainsi l’Ademe estime-t-elle que « la valorisation des friches et la reconversion de l’existant est un axe majeur permettant de maîtriser l’étalement logistique et donc d’éviter l’artificialisation des sols en zones périphériques » ([242]).

En s’inspirant des préconisations portées dans le rapport du préfet Rollon Mouchel-Blaisot sur une stratégie nationale de mobilisation pour le foncier industriel, une part des friches existantes pourrait être consacrée à l’activité logistique ([243]). Si le stock de friches est estimé entre 90 000 et 170 000 ha en France, le préfet recommande en effet de mobiliser 10 000 ha pour la réindustrialisation. Dans cette perspective, le besoin en foncier logistique pourrait être mesuré aux fins de définir la part du stock friches qui pourrait y être allouée.

Les acteurs du secteur ont tendance à souligner leur attachement aux objectifs publics de lutte contre l’artificialisation des sols et à la réutilisation des sites urbanisés, tout en rappelant, à l’image d’Afilog, que l’accès à ces sites est généralement plus facilement accordé à des activités plus valorisantes pour le territoire.

L’exemple de l’Allemagne est parfois invoqué à cet effet, comme le fait la mission interministérielle sur le commerce en ligne : « S’agissant des entrepôts, certains pays européens ont adopté des mesures beaucoup plus restrictives que le nôtre. Ainsi l’Allemagne impose-t-elle la densification des entrepôts existants et l’utilisation des friches. Sauf exception, il n’y a pas de droits à construire à l’extérieur des zones déjà urbanisées, même si les règles varient d’un Land à l’autre, voire d’une commune à l’autre » ([244]).

Les acteurs de l’immobilier prennent des engagements en ce domaine. Prologis, rencontré par vos rapporteurs, a rappelé que les acteurs de l’immobilier logistique ont signé avec l’État, à l’été 2021, une charte d’engagements réciproques visant notamment à privilégier le redéveloppement de friches industrielles ([245]). Ainsi, lorsqu’il existe à proximité du lieu d’implantation une friche à caractéristiques équivalentes (calendrier de disponibilité, desserte, caractéristiques urbanistiques de la parcelle, etc.), Prologis s’est engagé à ce que les projets d’entrepôts dont les permis de construire sont déposés depuis le 1er janvier 2022 soient implantés sur une friche plutôt que sur des terres non artificialisées ou en extension du tissu urbain existant. Vos rapporteurs estiment qu’un renforcement des fonds vert et fonds friches serait de nature à encourager cette dynamique.

Selon EOL, les sites logistiques sont même de plus en plus fréquemment construits sur des friches ([246]), citant notamment le cas de la nouvelle plateforme Danone, de 17 000 m² à Viry-Châtillon. La mission s’est déplacée, à Moissy‑Cramayel en Seine-et-Marne, sur le site où Prologis, en 2011, a fait l’acquisition des 60 hectares d’un ancien site de Peugeot, reconverti depuis en plus de 160 000 m² de bâtiments en un campus de plateformes logistiques de 240 000 m². Selon ses promoteurs, ce projet, dénommé « Prologis Park Moissy 2 », répondait ainsi à un engagement environnemental tout en participant à la régénération économique et sociale du site.

Mais l’un des paradoxes identifiés par la mission tient à la complexité particulière des opérations menées sur des sites déjà urbanisés. L’exemple de l’entrepôt « Green Dock », actuellement en cours d’instruction dans le port de Gennevilliers, est particulièrement édifiant à cet égard. Il s’agit d’un projet particulièrement ambitieux que son maître d’ouvrage, le promoteur Goodman, spécialisé dans le développement de solutions d’entrepôts multi-étages partout dans le monde, et M. Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers sont venus présenter à la mission.

Dans une logique de recyclage urbain et d’utilisation des friches, c’est une vaste opération d’entrepôt à quatre étages, haut de 35 mètres, située sur une partie du port actuellement désaffectée. Il s’agit donc d’une opération particulièrement intéressante, dans le sens où elle n’engendre pas d’artificialisation et est située au sein même de l’agglomération parisienne, ce qui limite les trajets de livraison aval, et en proximité immédiate d’une voie de fret fluvial pour la livraison amont. Un travail particulier a été produit sur l’insertion architecturale et paysagère du projet au sein de son environnement, et sur la réduction de son empreinte carbone.

Toutefois, comme plusieurs missions l’ont déjà observé, les opérations de construction en friche s’avèrent bien plus complexes, onéreuses et longues qu’en artificialisation. Les coûts de dépollution et de démolition sont importants. Les exigences environnementales sont renforcées du fait du tissu urbain environnant. L’ensemble a suscité, selon le porteur du projet « Green Dock », un doublement, voire un triplement des délais de préparation et d’instruction des dossiers.

Ces cas doivent inviter à la réflexion sur les simplifications procédurales indispensables si l’on souhaite favoriser les opérations qui recyclent les espaces urbanisés et en tirent un nouvel usage, plutôt que celles qui consomment encore nos terres agricoles, naturelles ou forestières.

Proposition n° 17 : Différencier la teneur des obligations à remplir pour l’obtention de l’autorisation environnementale, en fonction des caractéristiques d’implantation des projets. Alléger les contraintes et les délais d’instruction pour les dossiers en milieu urbain artificialisé, ceux qui sont directement associés à la réalisation d’une implantation industrielle, et ceux qui sont implantés au sein d’une zone exclusive.

Du reste, ces complexités constituent l’une des raisons pour lesquelles la réutilisation des friches ne saurait, aux yeux de la mission, constituer un remède miracle à l’ensemble des difficultés suscitées par l’aménagement des entrepôts logistiques. Il faut ajouter que ces mêmes espaces sont systématiquement identifiées comme les gisements fonciers devant permettre de répondre à l’ensemble des besoins fonciers de la ville durable, qu’il s’agisse d’industries, de logements, ou encore d’espaces vert.

En outre, comme l’a souligné France Logistique dans sa contribution aux travaux de la commission des affaires économiques sur la loi du 21 juillet 2023, la réutilisation des friches n’est pas aujourd’hui suffisante pour répondre aux besoins logistiques à venir, et ce pour deux raisons :

– la majorité des friches ne permettent pas pour des raisons réglementaires ou techniques, l’implantation d’entrepôts ;

– lorsque les friches se trouvent être adaptées à des activités logistiques, les décideurs privilégient le plus souvent des activités plus valorisantes, sur le plan financier ou de l’image.

3.   Densifier en verticalisant, une solution à mettre en œuvre là où c’est possible

Parmi les complexités qui inhibent le développement d’une logistique plus compacte, les freins à la verticalisation sont ceux qui ont été le plus souvent mentionnés au cours des travaux de la mission.

Comme l’a rappelé France Logistique lors de son audition, la densification des activités logistiques, indispensable pour réduire leur emprise au sol, ne saurait se faire sans une massification par la hauteur. Une telle optimisation des terrains se heurte toutefois à des freins réglementaires, qui, s’ils sont justifiés, n’en exercent pas moins un effet ralentissant, voire paralysant, sur l’avancée des opérations. Une partie de ces freins concerne la sécurité, notamment du point de vue du risque d’incendie, et se rapporte donc aux conditions d’octroi de l’autorisation d’exploiter une installation classée.

Un autre frein fréquemment rappelé à la mission concerne les oppositions locales qui naissent lorsqu’il s’agit de construire plus haut, comme l’illustre le cas de l’entrepôt Goodman à Gennevilliers, prévu sur quatre étages. On se heurte donc ici à des intérêts contradictoires : la recherche de densité, a fortiori en zone urbaine, est favorable du point de vue foncier et du point de vue des émissions des flux de transport aval, mais s’avère moins acceptable auprès des populations riveraines.

Dans une logique de rationalisation de l’espace disponible, la verticalité permet de densifier les activités en réduisant l’emprise sur le sol et l’utilisation de foncier. Elle permet aussi, du même coup, une plus grande proximité avec les zones urbaines, un accès privilégié aux grands axes de transport et, dans le meilleur des cas, une réduction des émissions de carbone, grâce à la mutualisation des services de chaque entreprise présente. Comme l’a rappelé Afilog, les entrepôts s’installent généralement « là où l’on veut bien d’eux, et pas nécessairement là où c’est le plus efficient ».

La nécessaire limitation de consommation du foncier pousse l’ensemble du secteur immobilier à densifier ses développements et singulièrement en verticalité. Les coûts en termes de construction sont en effet nettement plus élevés lorsqu’il s’agit de réaliser un bâtiment à étages. Se pose dès lors la question des loyers praticables pour équilibrer économiquement de telles opérations. C’est la raison pour laquelle le développement de bâtiments en verticalité s’effectue principalement en zone dense, là où les loyers pratiqués sont traditionnellement plus élevés. De ce fait, il conviendrait de faciliter l’implantation de sites logistiques au plus près des bassins de consommation, et ainsi limiter le nombre d’entrepôts périphériques. Selon Afilog, les coûts de construction d’un entrepôt classique sont de 500 à 550 euros/m² ; lorsqu’un niveau est ajouté, ces coûts passent dans une fourchette comprise entre 950 et 1300 euros/m². Le loyer progresse dans les mêmes proportions. La viabilité économique des bâtiments à étage n’est donc pas générale et reste difficile en secteur périurbain.

Au-delà du coût, les principales contraintes réglementaires faisant obstacle au déploiement d’un parc logistique plus durable et respectueux de l’environnement sont, selon le même organisme, les règles d’aménagement liées aux droits de l’environnement et de l’urbanisme. Pour ce qui concerne le droit de l’environnement, le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) limite les dimensions des bâtis au titre de la réduction du risque d’incendie. Pour le droit de l’urbanisme, les règles du plan local d’urbanisme (PLU) imposent des limites de gabarit pour favoriser la bonne insertion urbaine des constructions. Les limites de hauteur, souvent de l’ordre 12 à 15 mètres, et de distance séparative aux limites de propriété, souvent de l’ordre de 20 mètres, viennent freiner la verticalisation des bâtiments logistiques ainsi que la densification des stocks. Afilog propose à ce titre une révision de ces règles, permettant par exemple une hauteur de 25 mètres pour un bâtiment à deux niveaux, qui permettrait selon lui un allégement conséquent de la consommation foncière.

D’autres freins réglementaires dissuasifs peuvent concerner la réglementation des établissements recevant du public (ERP) ou encore les règles du droit du travail.

Enfin, l’application de la séquence « éviter, réduire, compenser » (ERC) peut parfois, selon Afilog, s’opposer à la volonté de densification horizontale. L’association rapporte ainsi que l’autorité d’instruction peut demander au porteur de projet, en cours d’instruction et au titre de cette réglementation, de construire moins que prévu. Or, Afilog attire l’attention sur le fait que construire moins sur une parcelle revient à dé-densifier, et dès lors à renvoyer la réponse au besoin logistique à un autre site. Comme pour d’autres usages économiques ou d’habitat, la densification des sites au maximum de leur constructibilité, dans les limites de la réglementation ICPE, peut constituer un moyen utile de favoriser la sobriété foncière.

Prologis, qui possède d’ores et déjà des bâtiments à étages dans son patrimoine, fait valoir que cette solution peut être durable, à condition que les bâtiments soient opérationnels pour les utilisateurs et que les coûts liés, répercutés sur les locataires, soient supportables.

Les acteurs entendus invitent aussi à opérer un recensement des fonciers pouvant accueillir une activité logistique, et à une dynamique de planification d’usage des fonciers destinés à cette activité, qui pourraient favoriser le développement de bâtiments à étages.

Proposition n° 18 : Encourager le développement logistique vertical par l’adaptation des règles de hauteur dans les règlements des PLU et l’évolution du régime des ICPE, à condition que l’élévation se fasse en substitution et non en complément de l’étalement horizontal.

Comme le fait remarquer la Confédération des grossistes de France (CGF), la verticalisation est nécessaire mais nécessite un plus fort degré de robotisation des processus. La robotisation d’une plate-forme logistique, qui a pour objectif premier de réduire les coûts d’exploitation, peut en effet permettre, selon le spécialiste du secteur EOL, une meilleure utilisation du foncier en favorisant la création de sites de grande hauteur, de 22 à 33 mètres ([247]). Ainsi, le dernier projet du groupe E. Leclerc au Mans, pour sa centrale Socamaine, est prévu avec une hauteur encore plus importante, de 42 mètres, ce qui correspond à la hauteur d’un immeuble de 15 étages.

B.   L’incidence urbaine et paysagÈre peut Être limitÉe en portant davantage attention aux composantes constructives et À l’ensemble architectural

Comme l’observent de nombreux acteurs, quelle que soit la part arithmétique d’artificialisation des sols à mettre au compte des entrepôts XXL, ils sont particulièrement visibles et souvent concentrés au même endroit, portant une atteinte profonde et durable à la qualité des paysages naturels et humains. Ce qui a fait dire à Afilog, comme il a été rapporté plus haut, que les entrepôts seraient « victimes d’un effet d’optique qui leur est totalement défavorable », qui découlerait essentiellement du caractère « très visible et volumineux dans le paysage » de l’immobilier logistique, et non pas de leur incidence réelle.

1.   Après les « boîtes à chaussures », les « boîtes en tôle » : une dérive paysagère dommageable

Comme le remarque le collectif Romo Citoyenne, rencontré lors d’une journée de déplacement en Loir-et-Cher : « Pour la Sologne, un tel projet dénature le paysage, par des bâtiments d’une telle taille que les habitants ne peuvent en avoir idée à l’avance ».

L’insertion paysagère des aménagements est globalement peu prise en compte par les décideurs. Comme le rapportent des chercheurs espagnols s’interrogeant sur la mise en œuvre des engagements internationaux en matière de préservation des paysages, cette thématique dépasse largement le cadre de la seule logistique et peut être liée à la difficulté plus large à objectiver les dommages paysagers : « L’insertion dans le paysage des bâtiments ruraux éloignés des zones urbaines constitue un défi du point de vue de la gestion paysagère et de l’aménagement du territoire. L’insertion paysagère, bien qu’elle constitue une exigence sociale et administrative, manque de fondements théoriques solides et d’une formalisation méthodologique qui permettrait la standardisation de l’action publique » ([248]). Cette carence aboutit directement à une difficulté pour les décideurs locaux, qui ne sont pas en capacité d’appuyer leurs exigences paysagères sur des éléments objectivés. La France n’est pas exempte de ce phénomène, qui explique notamment le développement de zones périurbaines peu soucieuses de leur intégration urbanistique et paysagère, aujourd’hui de plus en plus pointées du doigt comme participant d’une « France moche ».

Comme le rappelle la convention européenne du paysage du 20 octobre 2000, dont la France est signataire, les évolutions dans le transport, l’infrastructure, la production et la distribution, ne doivent pas occasionner la dégradation et la standardisation des paysages. Le Cerema souligne toutefois, comme les acteurs du secteur le font fréquemment, que « les zones d’activités ont un impact paysager non négligeable et sont souvent situées dans des endroits passants, notamment les bords de route », ce qui a pour effet d’accentuer leur impact, et « peut ainsi donner l’impression visuelle que la consommation d’espaces est portée par les zones d’activités ou les zones commerciales » ([249]).

Le régime d’autorisation environnementale fait preuve d’une exigence relativement limitée en matière d’intégration dans le paysage : « L’ensemble des installations est maintenu propre et entretenu en permanence. Les abords de l’installation, placés sous le contrôle de l’exploitant, sont aménagés et maintenus en bon état de propreté et exempts de sources potentielles d’incendie. Des écrans de végétation sont mis en place, si cela est possible. Pour l’entretien des surfaces extérieures de son site (parkings, espaces verts, voies de circulation…), l’exploitant met en œuvre des bonnes pratiques, notamment en ce qui concerne le désherbage » ([250]).

La direction générale de la prévention des risques, interrogée à ce sujet, a fait valoir que « les paysages font partie des intérêts mentionnés à l’article L. 5111 du code de l’environnement. Par ailleurs, le 4° du III de l’article L. 122-1 du code de l’environnement dispose que les incidences notables et directes d’un projet sur les biens matériels, le patrimoine et le paysage doivent être décrites et appréciées par l’évaluation environnementale ». Comme dans le cas de l’artificialisation des sols, le régime imposé par le droit environnemental se traduit donc non pas par un cahier des charges positif, mais par une obligation de déclarer les nuisances engendrées.

La Dreal du Centre-Val de Loire explique à cet égard que le régime d’autorisation offre assez peu de prise sur « l’effet boîte à chaussure au bord de l’autoroute », ce qui s’explique par le relatif manque de leviers au sein du code de l’environnement pour évaluer l’impact paysager des projets. Il en va de même dans le permis de construire, en-dehors des sites classés.

Ces exigences, même cumulées avec celles, éventuelles, des plans locaux d’urbanisme dans leur règlement ou dans leurs orientations d’aménagement et de programmation (OAP), ne sont pas en adéquation avec le degré de l’atteinte paysagère portée par les installations et leur impact sur le bien-être des populations environnantes.

2.   Les aménagements extérieurs n’améliorent pas l’insertion urbaine des entrepôts

Les déplacements de la mission ont permis de constater les actions que mettent en œuvre les aménageurs et les constructeurs pour assurer l’intégration urbaine et paysagère des plateformes logistiques.

Les axes routiers sont fréquemment peu adaptés aux trafics concernés, qui sont effectués par des semi-remorques d’un poids total autorisé en charge (PTAC) de 38 tonnes ou de 44 tonnes, qui peuvent avoir des difficultés à manœuvrer efficacement et en sûreté sur des voiries étroites ou aux virages trop abrupts. Les voiries de l’un des parcs d’activité visités étaient jonchées de déchets, résultat du manque d’équipement des espaces en poubelles, bien que ces voies constituent des espaces d’accueil pour les routiers à l’arrivée dans les sites.

Certains acteurs appliquent, à la demande des collectivités, des techniques de dissimulation des bâtis. Ainsi, lors de la visite à Tournan-en-Brie, la mission a vu que les deux aménageurs, Gazelay et Argan, avaient créé des buttes végétalisées pour masquer en partie, à partir des axes routiers, la façade de 800 mètres. Ces mottes de terre peuvent être, le plus souvent, des merlons constitués des déblais de terrassement. Ils semblent être fréquemment utilisés pour la plantation des arbres, qui servent pour les constructeurs à la fois d’écran végétal du côté des axes routiers et d’instrument de compensation au titre de la biodiversité.

D’autres aménageurs prévoient un coefficient de biotope développé dans l’étude d’impact du projet. Des aménagements sont effectués sur les espaces non construits avec plantation d’arbres et d’arbustes, particulièrement en périphérie des sites, sur les bandes non aedificandi le long des autoroutes. Ainsi, Afilog indique que, parmi ses membres qui ont signé la charte d’engagements réciproques avec l’État, 80 % d’entre eux ont adopté une gestion écologique des espaces verts faisant partie de leurs actifs immobiliers. Les pelouses ne sont plus arrosées de pesticides et ce sont des haies, bocagères ou prairies fleuries qui doivent être aménagées.

L’acteur immobilier Prologis rapporte avoir organisé des échanges en termes de potentiel de biodiversité à l’occasion des procédures environnementales et d’urbanisme, ainsi que « des ateliers ludiques et de partage de connaissance avec les salariés, les riverains et les scolaires dans le cadre de nos certifications environnementales (BiodiverCity® Life par exemple) ». Prologis apporte également une attention soignée à la collaboration avec les acteurs locaux : « nous collaborons avec les apiculteurs locaux pour l’implantation de nos ruches », lesquelles « donnent lieu à des analyses scientifiques qui nous permettent d’agir pour corriger les actions en matière de biodiversité sur nos parcs », comme par exemple dans le parc de Moissy-Cramayel visité par la mission.

Les différents entrepôts visités par la mission mettent ainsi en avant les efforts réalisés pour améliorer la relation à la biodiversité, à l’aide souvent d’une comparaison avec l’activité agricole intensive préexistante. Ainsi, lors de sa visite à l’entrepôt JLL d’Argoeuves, l’entreprise a expliqué avoir recours, de façon quasiment exclusive, à des pratiques d’éco-pâturages pour l’entretien des pelouses environnant la plateforme.

Cela permet même aux entrepôts, selon Afilog, de jouer un rôle in fine favorable à la préservation de la biodiversité : « lorsqu’un entrepôt vient s’implanter sur un espace naturel agricole et forestier (ENAF), le porteur de projet est dans l’obligation de faire un vrai travail de renaturation du terrain. Lorsqu’il s’agit d’une zone qui a été soumise pendant plusieurs années à une activité agricole intensive, l’implantation de l’entrepôt permet finalement une meilleure restructuration des zones dégradées et une plus grande protection de la biodiversité ».

Une observation constante de la mission dans ses déplacements concerne les parcs de stationnement largement sous-occupés. Plus des deux tiers et souvent plus des quatre cinquièmes des parcs prévus, toujours aménagés en surface, sont manifestement sous-occupés. La régularité des places inoccupées semble indiquer un problème de surdimensionnement, peut-être lié aussi à la surestimation des emplois. Comme les parcs de stationnement des zones commerciales, ils ne sont pas mutualisés et les aires vides s’étendent donc des deux côtés des routes. Pour un entrepôt de 48 753 m², celui de Catella à Mer, l’autorisation prévoit 200 places pour véhicules légers. Dans un contexte de rareté foncière et de difficultés croissantes liées à l’écoulement des eaux de pluie, il semble étonnant que davantage d’efforts ne soient pas consentis en faveur de la densification des stationnements, soit par la réduction de leur nombre, soit par leur étagement, soit par leur mutualisation et foisonnement entre plusieurs entrepôts d’un même parc logistique.

La mutualisation programmée du stationnement consiste à limiter l’offre privée à chaque projet immobilier en mettant en commun le service de stationnement, et en aménageant les voies nécessaires pour relier les différents projets immobiliers au service mutualisé. La mutualisation peut notamment être cohérente en cas de foisonnement, phénomène où l’ensemble des usagers du stationnement ne sont pas présents simultanément – en l’occurrence, cela peut être rendu possible, contrairement à la plupart des zones monofonctionnelles, par la pratique des plages de travail journalières différenciées – ce qui permet de réduire le nombre de places nécessaires ([251]).

L’installation des entrepôts rend notamment nécessaire la réalisation de bassins de gestion (rétention ou infiltration) des eaux pluviales, rendues indispensables par la création de grandes aires de surfaces non absorbantes, le plus souvent à ciel ouvert, et de rétention des eaux d’extinction incendie. Les membres d’Afilog se sont engagés à infiltrer 100 % des eaux pluviales récupérées dans les entrepôts. À ce sujet, certains acteurs, comme Prologis, qui soulignent leur utilisation d’eau potable pour l’arrosage, les équipements de lutte contre l’incendie et le nettoyage, estime qu’un plus grand effort pourrait être fait en faveur de l’utilisation des eaux grises.

3.   La dégradation de la qualité de l’air, difficile à prendre en compte dans le processus d’autorisation

Les flux de camions engendrés par la présence d’un entrepôt, a fortiori lorsqu’il est de grande taille, exercent un effet mesurable sur la qualité des routes et de l’air environnants, portant une nuisance de voisinage très considérable.

La Dreal du Centre-Val de Loire a considéré, lors de son audition avec la mission, que les émissions induites par l’implantation d’un entrepôt constituent l’un des points insuffisamment développés du processus d’autorisation. C’est ce que rapporte aussi France Nature Environnement (FNE), qui indique par exemple au sujet d’une enquête publique pour une autorisation d’exploiter un entrepôt de Prologis à Moissy-Cramayel, qu’ « aucune étude de l’impact sur la qualité de l’air engendré par le trafic routier généré par l’activité présumée du bâtiment DC4 n’est présente dans le dossier…l’ampleur du trafic routier généré par les implantations logistiques en cause [370 768 camions/an générés par les sites logistique du parc d’Arvigny et Parc A5] pose un problème de santé environnementale publique qui n’est absolument pas pris en compte dans les documents présents dans les dossiers d’enquête publique » ([252]).

La Dreal du Centre-Val de Loire ajoute que les administrations sont peu en mesure de prendre en compte les incidences cumulées de plusieurs projets entre eux, dans la mesure où la logique d’autorisation demeure individuelle. Il n’est pas acceptable, du point de vue du juge, d’annuler un projet au regard de l’incidence collective de projets dont il fait partie.

Or la FNE rappelle aussi, dans le même temps, que le transport de marchandises est responsable, en Île-de-France, où il concerne un million de colis livrés par jour, d’un quart de la pollution de l’air pour ce qui concerne les émissions carbones, et d’un tiers pour le dioxyde d’azote. Comme le souligne l’Institut Paris Région, « au premier abord, la logistique n’est perçue qu’à travers les nuisances qu’elle peut générer pollution atmosphérique, sonore, visuelle, congestion… Il est vrai que le transport routier dans son ensemble (transport collectif, de particuliers et de marchandises) émet 56 % des oxydes d’azote (NOx), 28 % des particules (PM10), et 32 % des gaz à effet de serre (GES). Dans ces émissions transports, les poids lourds sont responsables de 31 % des NOx, 7 % des PM10, et 20 % des GES » ([253]).

Les Émissions du transport routier par type de vÉhicules en Île-de-France

Source : Institut Paris Région.

  1.   L’empreinte carbone des entrepÔts À l’Échelle nationale reste tributaire des modes de transport carbonÉs

L’Institut Paris Région dépeint avec un certain lyrisme la succession des modes dominants dans le déplacement des choses que nous consommons : « les réseaux naturels – voies fluviale et maritime – ont été à l’origine du déploiement des civilisations dans le monde. La révolution industrielle du XIXe siècle a apporté de profondes mutations des modes de transport, fondés sur les économies d’échelle. En France, l’énergie à vapeur, puis le diesel ont profité au mode fluvial. Le chemin de fer, arrivé dans les années 1870, a pris la place du transport fluvial. Quelques décennies plus tard, c’est au tour du camion de supplanter le train. Mode compétitif, hypermaillé, proximité et dispersion des ressources ont participé au succès du bitume, pour le pré- ou le post-acheminement et l’ensemble du parcours terrestre » ([254]).

Comme l’a fait valoir France Logistique lors des débats sur la loi du 21 juillet 2023, la bonne localisation des équipements logistiques, et notamment des entrepôts, est un facteur particulièrement crucial pour la décarbonation de l’économie française, puisque de ce facteur dépendent les flux de transport qui structurent l’intégralité de la chaîne logistique.

Comme précédemment détaillé (voir première partie), parmi les principaux critères pris en compte pour définir la localisation d’un projet logistique, deux d’entre eux ont aussi pour conséquence de réduire les émissions : le choix du barycentre des flux, qui diminue les kilomètres à parcourir en amont et en aval du site, et la proximité des grands axes de circulation, qui diminue les nuisances pour le voisinage. Comme le fait valoir France Logistique, « l’enjeu écologique de l’entrepôt est l’optimisation des transports amont-aval des produits stockés : en effet, les coûts du bâtiment, en émissions de CO2 et en euros, sont largement indépendants de sa localisation. Au contraire, ceux des transports sont directement liés aux kilomètres à parcourir, il est donc important de disposer d’une localisation au plus près du barycentre des flux ».

  1.   Les entrepôts dépendent presque exclusivement du mode routier

Essentiellement routier, le trafic de marchandises qui concerne les entrepôts est fortement générateur d’émissions. Selon le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), le transport de marchandises est responsable de plus de 15 % des émissions de gaz à effet de serre en tonnes équivalent dioxyde de carbone (tonnes CO2e). De son côté, le transport routier – passagers compris – aujourd’hui largement majoritaire en France, est à l’origine d’une forte pollution atmosphérique : en 2018, il génère à lui seul 28,6 % des émissions de gaz à effet de serre en tonnes CO2e, contre 21,3 % en 1990. Au sein des transports routiers, les poids lourds représentent en 2018 un quart des émissions.

Surtout, quand on compare sa part à celle des autres secteurs, le transport est celui dont les émissions de gaz à effet de serre diminuent le moins. Le graphique qui suit montre ainsi la tendance nettement baissière des émissions nationales totales, passées de près de 550 millions de tonnes CO2e en 1990 à 400 millions de tonnes aujourd’hui, là où la contribution du secteur du transport, qui représente 39 % du total en 2021, après avoir augmenté dans les années 1990, stagne depuis les années 2000. En 2021, le transport a émis environ 120 millions de tonnes CO2e, à peu près la même quantité émise en 1990.

Contribution du secteur aux émissions totales de GES de la France

Source : Citepa, rapport Secten 2023. Champ : territoire européen et régions ultrapériphériques.

Parmi les émissions du secteur du transport, le transport routier en constitue une large partie (94 %) et les poids lourds en constituent plus du quart : 29 millions de tonnes de CO2 sur un total de 123 millions de tonnes d’émissions en 2019.

Certains acteurs considèrent que les évolutions de la logistique réduisent les nuisances et les émissions. Afilog affirme ainsi que « la logistique réduit les déplacements et donc les émissions de CO2 liées aux transports. À l’échelle globale et sur le long terme, ces vertus écologiques viennent compenser l’incidence environnementale de l’implantation d’une zone logistique ».

La majorité des sites générateurs de fret, à commencer par les entrepôts, sont exclusivement reliés à la route. Selon des chiffres du ministère de l’écologie, en 2016, neuf entrepôts sur dix sont dans ce cas dans l’Hexagone. Cela rejoint la tonalité des contributions reçues par la mission, à l’instar de la Confédération des grossistes de France (CGF), qui rapporte que, pour ce qui concerne les flux d’approvisionnement, le commerce de gros se situe dans la moyenne nationale, avec plus de 90 % par la route et 10 % par le rail et le railroute, la conteneurisation fluviale restant, elle, très marginale. Au regard des travaux de la mission, rien ne laisse penser que les entrepôts XXL seraient moins concernés que la moyenne par ce phénomène.

La connexion systématique aux axes autoroutiers, si elle encourage le tout-routier, a toutefois le mérite d’épargner les localités environnantes en matière de pollutions engendrées par les flux de poids lourds.

Toutefois, ce n’est pas toujours le cas, puisque les semi-remorques doivent d’abord rejoindre l’autoroute. Ainsi, le collectif de Lamotte-Beuvron a-t-il décrit l’impact de l’arrivée d’un projet logistique de 68 000 m² à proximité immédiate des habitations : « dans un cadre de vie agréable, la base logistique s’installe à 500 mètres du canal, 300 mètres du collège, 30 mètres des premiers jardins, le parking des 200 camions-jour à 50 mètres des fenêtres – avec toutefois un écran d’arbres à 35 mètres ». La commission d’enquête donne en l’occurrence un avis défavorable, car l’accessibilité du site n’est pas bonne, et préconise de déplacer l’entrée via un autre rond-point afin d’en limiter la saturation.

Ce cas n’est pas isolé : le collectif Luttes locales Centre rapporte également le cas d’un projet récent sur l’autoroute A10, concernant 11 cellules de stockage sur 55 000 m², en bordure de forêt, à 100 mètres des habitations. Lorsque la mission s’est déplacée au parc d’activités des Portes de Chambord, à Mer, elle a constaté une proximité similaire entre les premières implantations logistiques et les habitations, qui se trouvaient pour ainsi dire juxtaposées des deux côtés d’une route sous-dimensionnée.

 

 

Proposition n° 19 : Afin d’améliorer l’information des populations, des décideurs et des services instructeurs au stade de l’autorisation, obliger les porteurs de projet à quantifier précisément le nombre de camions/jour engendrés par l’implantation d’un entrepôt XXL, et établir dans son projet initial le bilan carbone et la quantité de CO2 engendrée par le passage des camions.

  1.   Les entrepôts sont peu connectés aux circuits du fret ferroviaire

Le secteur du fret ferroviaire est marqué, de l’aveu général, par des décennies de repli. Comme l’a fait valoir la présidente de France Logistique, Anne‑Marie Idrac, deux priorités sont à mettre en avant pour le fret logistique : la desserte de l’hinterland des ports et l’amélioration de la disponibilité des sillons ferroviaires, notamment le transport combiné.

Sur le temps long, la trajectoire observée enregistre un recul systématique du rail. En 1938, lors de la création de la SNCF, qui unifie le réseau, il existe 6 500 installations terminales embranchées jusqu’aux entreprises et plus de 42 500 kilomètres de voies. Encore dans les années 1950, en France, le rail représentait plus de 60 % du transport terrestre de marchandises en tonnes-kilomètres (tkm). Au cours des années 1960, marquées par un renforcement impressionnant des capacités autoroutières, le mode routier monte en puissance pour supplanter le fer. Le choc pétrolier, bien qu’il affecte les transports, va aussi occasionner une transformation dans l’économie mondiale. La croissance économique ultérieure « modifie la nature des produits transportés et la hiérarchisation des modes », selon l’Institut Paris Région.

La rÉpartition modale du fret en France des annÉes 1950 À 2015 (MDS tkm)

Source : Institut Paris Région (ex-Iaurif), 2018, données SOeS.

La transformation est rapide, si bien qu’en 1984 – première année de disponibilité des statistiques de part modale de l’Insee – le fer représentait 26 % et la route déjà 58 % des parts modales ([255]). Dans la Loti de 1982, le législateur évoque à cet égard « le développement du transport routier de marchandises, fondé sur les avantages propres de ce mode et régulé en fonction des besoins de l’économie, nécessite l’augmentation de sa productivité notamment à l’aide de technologies, modernes, l’amélioration de la formation et de la qualification professionnelles, le progrès des conditions de travail et de sécurité, la coopération des entreprises entre elles et avec les autres modes de transport » ([256]). La préoccupation principale ne se rattache donc pas aux émissions causées par les flux de poids lourds.

Si elle dispose du deuxième réseau ferroviaire d’Europe, la France sousexploite largement le train comme mode d’acheminement des marchandises, alors même que celui-ci présente un profil attractif du point de vue de la décarbonation des usages. En 2021, le marché total des transports intérieurs terrestres de marchandises représentait 334 milliards de tonnes-kilomètres, dont 10,7 % au titre du rail, qui est à comparer à une moyenne européenne de 18 %. Depuis 2000, le mode ferroviaire a même connu une contraction des volumes transportés, de plus de 40 %, et une baisse de 7 points de sa part de marché dans le transport intérieur. Ses tendances récentes sont inégales, passant de 12 % en 2015 à 9,6 % en 2020, avec une légère remontée depuis.

PARTS MODALES DU TRANSPORT TERRESTRE DE MARCHANDISES (HORs OLÉODUCS)
(% des tonnes-kilomÈtres)

Sources : SDES ; Eurostat ; VNF.

Historiquement, les transports intérieurs terrestres ont été dominés par le mode routier, dont l’évolution est négativement corrélée à celle du fret ferroviaire. Pourtant, les gouvernements successifs se fixent depuis plusieurs décennies des objectifs ambitieux en la matière, à l’image de l’objectif, adopté à l’occasion du « Grenelle de l’environnement », d’augmenter de 25 % la part du transport non routier et non aérien entre 2006 et 2012. Cet objectif n’a pas été atteint ([257]).

De fait, le manque d’attractivité du fret ferroviaire n’est pas une nouveauté. Si la France connaît une hausse importante des trafics de marchandises au début des années 1980, le rail n’en bénéficie pas ([258]). Des facteurs structurels permettent d’en comprendre les raisons. En dépit de ses avantages en matière de décarbonation, le mode ferroviaire souffre en effet des difficultés, d’ordre géographique et économique, qui font de la route le mode naturel pour la grande partie de la logistique.

D’un point de vue géographique, le fret ferroviaire souffre en premier lieu de la faible densité industrielle du territoire hexagonal, ainsi que de l’inégale répartition des bassins de production.

Le développement du fret ferroviaire est également handicapé par les caractéristiques du réseau ferré national : la structure en étoile autour de Paris crée des points de congestion à proximité des zones denses telles que l’ÎledeFrance et Lyon. Geodis a rappelé à cet effet, lors des travaux de la mission, que « la région parisienne est saturée de travaux, et l’Île-de-France étant un passage obligé pour tous les trains de marchandises, l’ensemble du fret ferroviaire français pâtit de cette situation ».

Sur le plan économique, la désindustrialisation, la variabilité de la production agricole et les difficultés financières rencontrées par les entreprises du fret ferroviaire viennent expliquer la baisse du recours au rail constatée au cours des quarante dernières années. En outre, les habitudes de consommation ont nettement évolué, avec l’émergence d’une logique de « juste-à-temps », de livraison en 24 heures et de dé-massification des flux logistiques : pour s’adapter aux nouvelles exigences des consommateurs, les stratégies logistiques ont dû évoluer en prenant appui sur la route.

Globalement, le mode routier offre en effet des avantages incontestables du point de vue des besoins logistiques : il est plus souple et réactif, permettant de desservir l’ensemble du territoire dans une maille très fine. Il assure une meilleure régularité de la desserte, la ponctualité des services, ainsi que la qualité du suivi des marchandises. Sur ce point, SNCF Réseau, lors de son audition, a insisté sur le fait que « le fret ferroviaire ne peut être que complémentaire du fret routier, qui est plus adapté à la desserte fine du territoire ».

Outre un mauvais état général, la vétusté de certaines lignes pénalise le transport ferré de marchandises puisque les conditions de circulation y sont plus contraignantes, du fait notamment des limitations de vitesse, et qu’elle rend nécessaires des travaux qui entrent en conflit avec les circulations fret, créant une pression supplémentaire sur des demandes de sillons fret. Plus globalement, le rail pâtit d’un réseau très contraint, de difficultés de circulation structurelles et d’une part de coûts fixes élevée, équivalente à 80 % de l’ensemble des coûts.

Le faible poids du fret ferroviaire dans les stratégies logistiques s’explique donc en grande partie par les difficultés qui lui sont propres, contrairement à « un discours qui a fait longtemps recette, [qui] fut celui d’attribuer les déboires du fret ferroviaire à l’insolente concurrence du transport routier », comme l’a écrit dans un article le président de l’Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF) ([259]), qui considère que cette vision participe de la difficulté à aborder cette question : « ce diagnostic simpliste et erroné ne pouvait déboucher sur autre chose que sur des solutions inopérantes qui n’ont jamais réellement traité en profondeur le véritable problème qui est d’ordre structurel, celui des conditions d’exploitation du transport ferroviaire de marchandises et de son coût ».

Par contraste, le mode routier échappe à l’ensemble de ces difficultés, et profite en outre d’un avantage réglementaire. Ce sont ces avantages qui expliquent que le fret ferroviaire ne s’impose pas comme une évidence pour les acteurs de la logistique, spécifiquement ceux qui ont été rencontrés par vos rapporteurs. La Fédération du commerce et de la distribution (FCD) a ainsi fait part à vos rapporteurs d’une incompatibilité entre, d’une part, la volonté des enseignes de développer le fret ferroviaire et, d’autre part, l’inadéquation de l’offre de services et les contraintes spécifiques du secteur.

Cette situation n’est pas une spécificité française. Dans sa contribution écrite aux travaux de la mission, le chercheur Merten Nefs rappelle en effet qu’aux Pays-Bas « pour des raisons de flexibilité, de nombreuses entreprises des sites logistiques continuent de préférer le recours au mode routier, et ne peuvent pas être contraintes à utiliser d’autres modes de transport à ce stade ».

Cette situation est illustrée par le degré faible ou inexistant d’utilisation des installations terminales embranchées par les entrepôts et les plateformes. Une installation terminale embranchée (ITE) est un équipement ferroviaire offrant la possibilité à un utilisateur d’établir des voies privatives permettant de relier son site au réseau ferré national, afin de permettre des activités de chargement et de déchargement de marchandises. En reliant les entreprises au réseau ferré national, les ITE permettent ainsi d’éviter les ruptures de charges, définies par le Cerema comme « le stockage temporaire et/ou transbordement des marchandises sur un site intermédiaire » ([260]). Elles présentent ainsi un intérêt certain pour les zones d’activité économique, et notamment logistique, dans la mesure où elles pourraient au moins permettre d’y acheminer les biens en provenance de l’amont.

L’ITE est constituée de deux parties, dont la première correspond aux infrastructures ferroviaires qui relèvent du domaine public de SNCF Réseau. Elle appartient au gestionnaire du réseau, qui en assure l’entretien, et comporte les infrastructures nécessaires au raccordement de la voie privative telles que l’aiguille de liaison. Cette voie privative est la seconde partie de l’ITE. Elle comprend les voies ferrées et les équipements logistiques nécessaires à la prise en charge des marchandises. Son entretien est à la charge du propriétaire embranché.

Pour bénéficier de cet équipement et en conserver l’usage, l’entreprise doit conclure une convention d’embranchement et s’acquitter d’une redevance auprès de SNCF Réseau. Les recensements d’infrastructures ferroviaires se fondent sur le paiement de cette redevance, qui permet d’identifier les ITE dites actives. Pour autant, toutes les entreprises qui s’acquittent de la redevance ne font pas usage de leur ITE. Il est courant qu’elles cherchent à préserver cette possibilité tout en focalisant leur stratégie logistique sur d’autres modes d’acheminement de leurs marchandises, tels que le mode routier.

Les nombreuses installations terminales embranchées offrent, en principe, un accès direct au réseau ferré national. S’il est difficile d’obtenir des informations complètes sur les ITE, leur localisation et leur état exact, le Cerema a pris l’initiative dès 2015 d’opérer un recensement de ces installations. À ce jour, on en dénombre à l’échelle nationale environ 3 000 ([261]). Dans son étude conduite sur 2 200 ITE, le Cerema constate que 62 % d’entre-elles ne reçoivent pas de trafic et ont progressivement été arrêtés. Seraient en cause dans cette évolution, le recours moindre au régime du wagon isolé ([262]), qui était majoritaire sur ces ITE, et la préférence pour la route.

D’autres chiffres fournis par le Cerema témoignent de ce recul du recours aux ITE : 37 % des installations sont inutilisables et 40 % des installations sont en mauvais état. Ce constat est venu justifier la création d’un régime d’aides français pour la création et la modernisation d’installations terminales embranchées. Ces chiffres témoignent plus généralement de l’abandon progressif du fret par les acteurs ferroviaires, au premier rang desquels figure SNCF Réseau. Une commission d’enquête portant sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l’avenir est actuellement en cours et devrait permettre d’approfondir le constat dressé ici.

Du côté des chargeurs, SNCF Réseau a rappelé lors des travaux de la mission qu’un train complet représente cent camions, et que par conséquent rares sont les industriels qui peuvent en générer. Pour ce qui est des conteneurs – plutôt le fait d’un chargement en installation de service qu’en ITE – les chargeurs doivent souvent les partager, ce qui occasionne des complexités supplémentaires.

Le report modal sur le transport combiné rail-route est une alternative intéressante pour plusieurs acteurs auxquels le transport ferroviaire ne convient pas, comme les grossistes. L’usage du fret conventionnel n’est pas adapté puisque les trains sont trop courts et remplis uniquement à l’aller. Charger les marchandises dans des caisses mobiles est plus avantageux que le chargement de palettes dans des wagons.

Proposition n° 20 : Intégrer systématiquement la question du report modal dans les stratégies logistiques nationale et régionale. À l’instar d’exemples étrangers, mener une réflexion sur la place de la logistique du dernier kilomètre dans les projets de services express régionaux métropolitains (SERM), qui reposent sur une offre multimodale de services de transports en commun publics.

Proposition n° 21 : Dans la logique des zones exclusives, imposer la connexion au fret ferroviaire ou fluvial pour un parc logistique planifié.

 

Les installations terminales embranchÉes françaises en 2018

Source : Cerema.

  1.   Un recours presque inexistant au fret fluvial

Le fret fluvial permet le transport de marchandises par voie d’eau de navigation intérieure, qu’il s’agisse des canaux, des fleuves, des rivières ou des autres voies navigables. Il présente de nombreux avantages, à commencer par le fait d’être un mode de transport bien moins carboné que le mode routier. Pour les acteurs logistiques qui y ont recours, il constitue un moyen de transport économique, sécurisé et fiable. Pourtant, il est très peu utilisé.

  1.   Un recours faible et déclinant au fret fluvial dans la filière logistique

Depuis le début des années 70, le recours aux voies d’eau de navigation est en déclin. Diverses analyses pointent, pour l’expliquer, les évolutions économiques et les caractéristiques propres de ce mode d’acheminement. Les nouveaux rythmes de consommation ont pu le mettre en difficulté, et il a également souffert du déclin des industries traditionnelles et du transport de pondéreux ([263]). Dans le même temps, il pâtit de la vétusté du réseau, des difficultés d’exploitation et d’un manque d’adaptation du cadre légal ([264]). Si des efforts ont été engagés, le fret fluvial reste peu présent dans les stratégies des acteurs logistiques.

ÉVOLUTION DU TRANSPORT INTÉRIEUR TERRESTRE DE MARCHANDISES
(indice Base 100 en 2014)

Source : SDES, collecte réglementaire auprès des opérateurs ferroviaires ; SDES, enquête TRM ; Eurostat, TRM-EU ; VNF.

En 2020, le transport fluvial de marchandises représente 2 % du transport intérieur terrestre de marchandises, en dehors des oléoducs. Alors qu’il représentait 14 milliards de tonnes-kilomètres chaque année dans les années 1970, le fret fluvial connaît depuis un déclin lent mais constant. Si un redressement s’opère entre 1995 et 2005 avec une activité qui passe de 5,8 à 7,9 milliards de tonnes-kilomètres, les volumes restent faibles. L’activité fluviale de l’année 2018 correspond à la moitié de l’activité du début des années 1970 ([265]). La baisse d’activité des ports français entre 2015 et 2020 est symptomatique du détournement des acteurs logistiques du fret fluvial.

 

ÉVOLUTION DU TRANSPORT FLUVIAL DE MARCHANDISES

Source : Ministère de la transition écologique, « Chiffres clés des transports – Édition 2022 ».

ÉVOLUTION DE L’ACTIVITÉ DES PORTS FRANÇAIS (ENTRÉES ET SORTIES)

Source : Ministère de la transition écologique, « Chiffres clés des transports – Édition 2022 », 2022.

Le fret fluvial se caractérise par de nombreuses difficultés qui conduisent les acteurs logistiques à se reporter vers d’autres modes de transport. Dans sa contribution écrite, à la demande de la mission, Logistique Seine Normandie (LSN) a recensé certains handicaps du fret fluvial : outre sa limitation aux zones géographiques qui bénéficient d’un accès aux voies navigables, le transport maritime nécessite davantage d’anticipation et s’avère souvent plus onéreux que d’autres modes. En outre, le transport fluvial n’est pas une solution économique pour tous les types de marchandises, spécifiquement les marchandises peu lourdes ou peu volumineuses. En revanche, sa réputation de lenteur n’est pas toujours méritée, dans la mesure où il s’avère au contraire plus rapide que d’autres modes lorsque les marchandises à transporter sont en nombre ou en volume élevé, en raison de sa capacité de chargement, plus forte que celle d’un camion.

Surtout, LSN souligne que le mode fluvial reste méconnu des acteurs logistiques, qui se tournent spontanément vers le mode routier, mieux appréhendé. D’après la Confédération française des grossistes (CGF), « la conteneurisation fluviale reste très marginale » pour les grossistes. Si des initiatives ponctuelles peuvent exister lorsque les entrepôts sont situés à proximité des fleuves, elles restent limitées. Il faut y voir aussi l’effet de la faible disponibilité foncière à proximité des voies d’eau pour l’exécution d’opérations logistiques ([266]). Le caractère diffus des activités économiques urbaines n’encourage pas le recours aux bateaux, qui ont besoin d’être chargés à l’aller et au retour pour être compétitifs.

L’installation à proximité des voies d’eau est un enjeu pour les entrepôts qui souhaite avoir recours au fret fluvial. Le projet Green Dock, sur le port de Gennevilliers, développé par le service logistique Goodman France est particulièrement ambitieux. En sus d’une superficie de stockage de 47 000 m², est prévue la construction d’un ponton pour le déploiement de la logistique fluviale. Véritable atout, il sera en mesure de recevoir une grande variété de modes logistiques (vrac, caisses mobiles) et permettra aux entreprises du port d’assurer une livraison du dernier kilomètre par la voie fluviale. La contrepartie d’un tel projet est la lenteur de sa concrétisation, le calendrier prévisionnel fixant un délai de six ans entre le dépôt du projet et la fin de la construction.

Le projet de canal Seine-Nord Europe vise à remplacer le canal du Nord, jugé inadapté aux enjeux actuels. Ce nouveau canal va former une liaison fluviale à grand gabarit entre le bassin hydrographique de la Seine et celui de l’Escaut. Il nécessite toutefois de nombreux aménagements et est particulièrement consommateur de surfaces. D’après les études d’avant-projet, l’emprise définitive du canal sera de 2 620 hectares, dont 320 hectares pour les ports intérieurs. La construction d’entrepôts à proximité des voies d’eau pose question tant au niveau de leur intégration paysagère, de leur acceptation par les riverains du littoral et de la préservation des espaces.

Toutefois, vos rapporteurs estiment, à la lumière de leurs travaux, qu’il serait souhaitable que les acteurs logistiques orientent davantage leur stratégie logistique vers le fret fluvial. En dépit de nombreuses difficultés qui lui sont inhérentes et de son caractère inadapté à certaines marchandises et à certains rythmes d’acheminement, il n’en demeure pas moins un mode compétitif. Son caractère massifié faisant de la voie maritime un mode de transport particulièrement pertinent pour les grosses cargaisons, les chargements volumineux et le transport de matières dangereuses, les entrepôts de grande taille sont particulièrement concernés.

  1.   Un mode de transport qui recèle des gains de consommation énergétique

Le mode fluvial présente des avantages incontestables en termes de consommation et d’émissions. Contrairement à la route, les voies fluviales ne sont pas, ou peu, exposées à des risques d’encombrement susceptibles d’occasionner des retards de livraison. Surtout, le fret fluvial est moins consommateur d’énergie et moins émetteur de gaz à effet de serre à la tonne-kilomètre transportée que les camions. D’après Voies navigables de France (VNF), le transport fluvial émet jusqu’à cinq fois moins de CO2 que le transport routier, pour une tonne transportée. La résilience du fluvial se mesure également à la durée de vie des bateaux, qui peut atteindre soixante ans lorsque la durée de vie moyenne d’un camion est de seulement huit ans.

Logistique Seine Normandie souligne aussi, dans un contexte marqué par un souci prononcé pour l’empreinte foncière des projets que le fluvial est le seul mode de transport qui utilise les voies naturelles avec un faible degré d’artificialisation.

Les acteurs économiques ont conscience de cette plus-value écologique du mode fluvial. Dans sa contribution écrite aux travaux de la mission, le groupe Conforama met ainsi en avant son recours à ce mode : selon les chiffres transmis, dans son flux amont, le grand import se fait à 93 % en multimodal et recourt pour 83 % des flux au mode fluvial. D’après la Confédération des grossistes de France (CGF), les grossistes ont également recours à des schémas multimodaux qui incluent le fluvial.

Le cas du groupe Casino, évoqué par la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), est significatif. L’enseigne Franprix a adopté depuis 2012 le transport fluvial pour approvisionner ses 300 magasins parisiens : ce sont ainsi près de 800 tonnes de produits alimentaires qui sont transportées quotidiennement sur la Seine.

Pour la Fédération nationale des schémas de cohérence territoriale (FédéSCoT), le fret fluvial doit tenir une place dans la logique de planification logistique française. En faire un critère dans le maillage des grands entrepôts est non seulement pertinent mais nécessaire.

Logistique Seine Normandie, organe de gouvernance de la filière que la mission a rencontré lors de son déplacement au Havre, porte un même intérêt aux transports par voie d’eau : en témoigne le projet « Fluv’IOTe », dont Voies navigables de France (VNF) est pilote. Celui-ci, dans un objectif de numérisation du transport fluvial, vise à étudier et démontrer le potentiel de l’internet des objets (IoT) autour de la voie d’eau à l’échelle de la vallée de la Seine et d’en dégager des solutions généralisables. À terme, ce projet doit permettre d’aboutir à l’élaboration d’un document d’aide à la décision utile pour les acteurs de la filière fluviale dans le réexamen de leurs modèles économiques. Fluv’IOTe part notamment du constat que 50 % du trafic fluvial national transite par la vallée de la Seine, et que cet axe est en mesure d’accueillir trois à quatre fois plus de trafic sans que des changements d’infrastructures soient nécessaires.

Da la même manière, le projet « Modali’Seine », que le bureau d’études ACTH Normandie a accepté de présenter à la mission, met le fleuve au cœur de sa réflexion : scindé en quatre phases successives, il a pour objectif le développement et la promotion de l’intermodalité et du report modal autour de « l’axe Seine ». Si la création d’une agence de l’intermodalité a été étudiée, les conclusions des travaux conduits mettent davantage l’accent sur des incitations financières, des réformes réglementaires ou encore des campagnes de sensibilisation.

Plusieurs leviers de promotion pour la filière fluviale sont également identifiés par Logistique Seine Normandie. Parmi ceux-ci, l’association met notamment l’accent sur l’intégration de la multimodalité dans les formations académiques en transport et en logistique, qui permettrait de mieux faire connaître les avantages du fluvial aux futurs acteurs décisionnaires. Des simplifications des procédures administratives et douanières s’avèrent également nécessaires, qui permettraient notamment d’améliorer la compétitivité du fluvial et ainsi de favoriser sa substitution aux autres modes. Plus largement, l’ajout systématique de clauses d’éco-conditionnalité dans les financements publics bénéficierait au fluvial comme au ferroviaire et constituerait une réelle incitation au verdissement des stratégies logistiques.

Proposition n° 22 : Favoriser les aides fiscales favorables à l’équilibre financier du recours au fret fluvial, par exemple la mise en place d’aides à la pince. En vue de favoriser également le recours au fret ferroviaire, intégrer une telle réforme dans une réflexion plus globale avec un équilibre de l’incitation et de la pénalité sur le recours au mode routier.

III.   dynamiser la planification spatiale des implantations territoriales pour une logistique groupÉE et mutualisÉe

Les incidences qu’occasionne le déploiement de grands équipements sur les territoires, tant en termes d’environnement que sur les équilibres de l’aménagement des territoires, justifient qu’une réflexion particulière soit accordée aux conditions de la planification des implantations dans l’espace.

A.   renforcer la planification spatiale des entrepÔts dans une approche d’amÉnagement du territoire

Les stratégies nationales détaillées dans la première partie, si elles emportent le plus souvent des conséquences en termes de géographie de positionnement des entrepôts et des plateformes logistiques, ne relèvent pas au premier chef d’une stratégie nationale d’aménagement spatial et territorial de ces besoins.

1.   Une réflexion à mener sur la définition des besoins nationaux

Le cas néerlandais, explicité par les chercheurs néerlandais contactés par la mission, est particulièrement intéressant à cet égard. Les Pays-Bas constituent un des pays les plus logistiques du monde et ont développé dès les années 1980 un « récit politique » justifiant les décisions ayant mené à la constitution d’une position-clef dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, appelée localement stratégie de la « distributieland » (pays de la distribution) ou « portail de l’Europe » (« gateway to Europe »), analysé notamment par le chercheur Merten Nefs ([267]).

Les politiques d’aménagement sont en cours de révision : la stratégie nationale met l’accent sur les usages multi-fonctionnels de l’espace et la qualité de l’espace, mais présente des objectifs concurrents pour la logistique : d’une part, fournir suffisamment d’espace pour la logistique, dans une logique de développement économique ; de l’autre, réguler le développement logistique pour contrer la « boxification » (« boîtification ») du paysage. Un groupe de travail mis en place en 2019 vise à optimiser les possibilités de « clustering », possibilité suggérée par une partie de la recherche contemporaine.

Un autre enseignement de la mission, confirmée par des études scientifiques, est que les systèmes décentralisés et la sous-utilisation des réglementations de qualité environnementale et d’emploi peuvent favoriser l’étalement logistique ([268]).

Pour ces raisons, la mission estime qu’il serait utile de réfléchir à la possibilité de renforcer le pilotage stratégique de l’État en la matière. La logistique posant, de façon inhérente, des problématiques nationales, il est nécessaire que l’État puisse assurer, en coordination avec les acteurs des territoires, une forme de gouvernance partagée, ne serait-ce que pour veiller à la compatibilité des stratégies d’aménagement logistique des différents territoires : comme l’expriment Patrick Daher et Éric Hémar, « l’ensemble du territoire national devra, à terme, être couvert par une coordination logistique ».

Afin de ne pas simplifier les enjeux, il faut souligner la difficulté de l’exercice de planification nationale, comme le montre par exemple, avec toutes les réserves qui s’imposent du fait de la difficulté de comparer deux économies et deux systèmes institutionnels largement différents, la stratégie indienne des Multi-Modal Logistics Parks. Partant d’un constat soulignant le coût élevé du système logistique du pays, les sources officielles évoquant un chiffre de 14 % du PIB contre 8 à 10 % pour les économies avancées ([269]), le ministère indien du transport routier et des autoroutes a élaboré un programme de construction de 35 « mégaparcs logistiques multimodaux », en concession. Les résultats semblent mitigés à ce jour.

Proposition n° 23. Élaborer un schéma national logistique spatialisé et travailler à son insertion dans les réseaux logistiques européens, avec comme objectif la réduction des émissions du transport de marchandises.

De ce point de vue, l’outil approprié pour exercer un tel rôle de pilotage et de filtrage des projets paraît être celui de l’agrément préfectoral, qui n’existe à ce jour qu’en Île-de-France. France Stratégie rappelle ainsi que « du fait de la faible intégration à ce jour des enjeux de la logistique dans les documents de planification régionale récemment adoptés, la procédure d’agrément existant en Île-de-France pourrait sans attendre leur révision, être rapidement généralisée pour permettre à l’État, en lien avec les collectivités territoriales, de mieux assurer cette régulation logistique » ([270]).

L’agrément est une autorisation administrative, particulière à l’Île‑de‑France, nécessaire pour la construction, la reconstruction, la réhabilitation ou l’extension de certains locaux, qui conditionne la recevabilité de la demande de permis de construire. Le code de l’urbanisme dispose en effet que, dans la région d’Île‑de‑France, est soumise à agrément – sous réserve de certaines exceptions – « toute opération entreprise par toute personne physique ou morale de droit privé, ou de droit public lorsque le champ d’action de la personne morale relève en majeure partie du secteur concurrentiel, tendant à la construction, la reconstruction, la réhabilitation ou l’extension de tous locaux ou installations servant à des activités industrielles, commerciales, professionnelles, administratives, techniques, scientifiques ou d’enseignement » ([271]).

La procédure de l’agrément a été créée au milieu des années 1950 avec comme objectif d’orienter les acteurs publics et privés du marché, dans leur choix de localisation de leurs activités économiques, dans le but de favoriser une répartition équilibrée entre les activités et l’habitat. Les enjeux de l’agrément sont en premier lieu d’assurer une réflexion de l’État dans l’aménagement du territoire et la politique de la ville ([272]). Cette procédure reste indépendante des autres procédures d’urbanisme et des autres procédures administratives. L’agrément constitue une autorisation préliminaire nécessaire à la mise en œuvre de certaines opérations immobilières soumises à un permis de construire ou à une déclaration préalable de travaux. Elle concerne les entrepôts à compter d’un seuil de surface de plancher de 5 000 mètres carrés.

Proposition n° 24 : Généraliser à toutes les régions l’agrément préfectoral pour l’implantation d’un entrepôt engendrant une artificialisation des sols supérieure à 40 000 mètres carrés, comme outil d’orientation et de planification de l’implantation des activités logistiques sur le territoire. L’agrément ne pourrait être octroyé qu’à un projet situé à l’intérieur d’une zone exclusive (voir plus loin).

Les chaînes logistiques internationales se déclinent, depuis les besoins des clients de l’industrie et de la distribution, à partir ou vers l’une des quatre portes d’accès internationales portuaires et aéroportuaires françaises, et en considérant un bassin compatible avec la compétitivité des acheminements de ou vers cette porte d’accès. Comme l’expliquent MM. Daher et Hémar : « Si, pour les aspects maritimes, cette forme d’organisation a été mise en place au niveau des façades, pour la logistique, il n’est pas possible de le faire uniquement à ce niveau, du fait des impacts sur l’hinterland ou au niveau régional via les Sraddet pour les axes logistiques interrégionaux. De ce fait, la gouvernance naturelle mise en place au niveau de la stratégie nationale portuaire avec les trois comités de coordination interportuaires et logistiques ainsi que la nomination des trois délégués interministériels permet d’initier une démarche infranationale en donnant un sens aux trois portes d’accès portuaires de portée internationale et au hub fret de l’aéroport de Roissy-CDG, car ces quatre accès majeurs concentrent une large partie des flux logistiques internationaux ».

En 2020, les régions ont amorcé au sein de Régions de France une mise en commun de leurs expériences en matière de fret et de logistique.

dynamique immobiliÈre logistique et annÉEs mÉdianes de crÉation des entrepÔts en Auvergne-RhÔne-Alpes par commune (1975-2015)

Source : direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement d’Auvergne-Rhônes-Alpes, avril 2021.

2.   Un rôle de la région dans la planification des usages fonciers

La cartographie est une première étape indispensable pour diagnostiquer la situation présente et les besoins qui peuvent s’ensuivre. La Dreal d’Auvergne‑Rhône-Alpes a réalisé en novembre 2017 un diagnostic territorial sur le système logistique dans la région (voir cartographie).

France Stratégie, dans son rapport sur le commerce électronique, préconise une meilleure prise en compte de la logistique dans l’aménagement territorial, par une inscription dans « une planification régionale intégrée aux Sraddet, puis aux schémas de cohérence territoriale (SCoT) et aux plans locaux d’urbanisme (PLUi et PLU). Elle serait concertée localement afin d’optimiser les flux, d’encourager la multimodalité, la densification et le recours aux friches pour réduire l’artificialisation, qui a contribué à cristalliser l’opposition à la création d’entrepôts ».

Patrick Daher et Éric Hémar proposaient une solution similaire : « la déclinaison du plan d’actions national peut s’opérer ainsi sur ces différents bassins qui ont évidemment des zones de recouvrement plus ou moins importantes. La mission propose que ce sujet de la déclinaison territoriale de la stratégie soit l’une des cinq plates-formes thématiques et soit précisé à l’aide d’un cahier des charges national défini par le comité exécutif et tenant compte naturellement des spécificités propres à chacune des quatre portes d’accès ».

Patrick Daher et Éric Hémar mentionnaient d’ores et déjà la nécessité que « certaines régions comme les Hauts-de-France soient disposées à amorcer une réflexion globale d’aménagement des chaînes logistiques passant par la porte d’accès Dunkerque/Calais, qui pourrait servir d’expérience sur la possibilité d’opérer une réelle synergie d’aménagement du bassin lié à cette porte d’accès ».

Le législateur a conféré ces dernières années une compétence accrue en matière de planification stratégique au schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet). Cette dynamique est cohérente avec une tendance qui amène la région, dans le cadre de la lutte contre l’artificialisation des sols, à assumer un pilotage des questions d’aménagement.

Dans la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (« loi Lom »), a été ajoutée au fascicule du Sraddet la fixation d’un objectif en matière « de logistique et de développement des transports de personnes et de marchandises » ([273]). La loi « Climat et résilience », de pair avec les évolutions portées sur le SCoT (voir infra), a renforcé ce rôle du Sraddet, en précisant qu’il fixe les objectifs de moyen et long termes en matière « de développement et de localisation des constructions logistiques ». À cet effet, il tient compte des flux de marchandises, notamment à destination des centres-villes, de la localisation des principaux axes routiers, du développement du commerce de proximité et du commerce en ligne, et, comme généralement dans son action d’aménagement, de la stratégie nationale bas-carbone.

La stratégie nationale bas-carbone

Prévue à l’article L. 222-1 B du code de l’environnement, la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone définit la marche à suivre pour conduire la politique d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions soutenables sur le plan économique à moyen et long termes afin d’atteindre les objectifs définis par la loi (article L. 100-1 A du code de l’énergie).

En ce qui concerne le transport , la dernière SNBC, adoptée par le décret n° 2020-457 du 21 avril 2020 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas‑carbone, vise à réduire les émissions de gaz à effet du secteur de 28 % d’ici 2030 (par rapport à 2015) et à atteindre une décarbonation complète à horizon 2050 . S’agissant plus précisément du transport de marchandises, le scénario de référence de la SNBC fixe des objectifs en matière :

- de performance énergétique des véhicules (objectif de 21 litres au 100 km en 2040 pour les poids lourds, soit près de 40 % de baisse par rapport à 2015) ;

d’optimisation de l’utilisation des véhicules en termes de volumes et de poids de marchandises chargées (augmentation du taux de chargement des poids lourds de 9,8 à 12 tonnes par véhicule en 2050) ;

- de maîtrise de la croissance de la demande pour le transport de marchandises (+ 40 % entre 2015 et 2050).

Source : ministère de la transition écologique, stratégie nationale bas-carbone 2020.

La mission a été impressionnée par les résultats dans certaines régions, où les élus et les administrations ont consenti des efforts importants pour mieux connaître et maîtriser leur parc logistique.

Lors du déplacement de la mission au Havre, Logistique Seine Normandie (LSN), instance de gouvernance de la filière logistique qui rassemble l’État, la région et les acteurs privés, qui correspond à ce qu’avait préconisé le rapport de Patrick Daher et Éric Hémar – « la déclinaison de ce plan nécessite de trouver aussi une forme de gouvernance territoriale adaptée à la synergie des acteurs publics et privés » – a présenté l’exemple du schéma de cohérence logistique de la région Normandie, qui vise, afin d’assurer l’attractivité du premier ensemble portuaire et logistique français, la compétitivité du tissu industriel normand, et le maillage territorial et l’accessibilité aux « services » logistiques pour les acteurs, à répondre à deux objectifs :

– penser et sécuriser sur le long terme une offre foncière de qualité, à vocation logistique coordonnée, complémentaire et adaptée aux besoins des acteurs économiques et territoriaux ;

– inscrire le développement logistique dans une démarche de sobriété foncière et d’excellence environnementale.

La mission note que ce document, dont l’élaboration a associé la plupart des acteurs concernés, conserve toutefois une valeur non prescriptive.

Les acteurs de l’immobilier sont engagés dans un processus de concertation à l’échelle locale. Prologis, lors de son audition avec vos rapporteurs, a rapporté s’être engagé, par la charte d’engagements réciproques avec l’État mentionnée plus haut, à contribuer activement aux concertations menées pour établir les documents d’aménagement artisanal, commercial et logistique (Daacl) des SCoT ([274]).

Proposition n° 25 : Mettre sur pied une instance de concertation et de coordination entre l’État, les régions, et les acteurs économiques, en lien avec France Logistique, qui serait chargée de définir les orientations prospectives et stratégiques et les priorités en matière d’aménagement du territoire et de développement industriel liées à la logistique et d’accompagner l’élaboration des stratégies régionales.

B.   Aller vers une planification et un zonage restrictifs pour limiter les atteintes aux territoires en renforçant la performance de la filiÈre

1.   Mieux acculturer les élus pour assurer la prise en compte systématique des enjeux logistiques dans les arbitrages d’aménagement

Si pour la qualité de la ville, à la fois du point de vue de l’impact des édifices et des flux amont, il faut éloigner l’entrepôt, toutefois, du point de vue de l’empreinte carbone des transports aval, il importe que celui-ci ne soit pas trop lointain afin de ne pas augmenter les trafics routiers. Le périurbain s’impose dès lors comme la solution optimale du point de vue environnemental.

Adeline Heitz, chercheuse rencontrée par la mission, explique que ces équipements sont foncièrement difficiles à comprendre par les acteurs publics : « La proximité [de la logistique] avec l’industrie ou avec certaines formes commerciales (grande distribution, commerce de gros ou e-commerce, etc.) brouille parfois l’image ou la représentation que nous en avons. En résulte un secteur mal identifié, surtout par les acteurs publics, ce qui complique l’aménagement et le développement de cette activité par des politiques publiques » ([275]).

Comme l’indique Thibault Lhonneur, rapporteur du budget au conseil municipal de Vierzon, la question n’est pas sur la nécessité de la logistique ou non : « Il faut de la logistique mais pas le “déménagement du monde” représenté par Catella, il faut des hubs régionaux ou départementaux ».

Le cas de Mer est particulièrement édifiant. Les élus de la ville ont concédé qu’« à l’époque, on a développé la logistique pour maintenir les services publics. Sans le développement économique apporté par cette activité, on était sous tutelle. Quant à aujourd’hui, pour ce qui concerne le terrain de Panhard ([276]), il est déjà acté : s’il n’est pas développé, nous perdons en services à la population, en éducation. Notre territoire ne peut pas se permettre ne pas finir ses projets ».

Concrètement, lorsque la mission demande pourquoi le projet se poursuit aujourd’hui, il lui est répondu : « en one-shot, le projet nous fait 10-11 millions d’euros d’apport : c’est la moitié du budget ».

L’organe représentant de la filière, Afilog, se propose d’accompagner les acteurs publics locaux dans la planification de leur territoire logistique. Selon cet organe, il faut aboutir à des cartographies opérationnelles, articulant les infrastructures de stock et de flux nécessaires pour construire avec les territoires la logistique écologique de demain.

Dans le domaine de la logistique urbaine, le Cerema intervient essentiellement en tant que porteur du programme LUD+ 2023-2026, visant à promouvoir l’élaboration de chartes de logistique urbaine durable au sein des agglomérations, dans la continuité du programme Interlud 2020-2023. Dans le cadre de ce programme financé par les CEE (certificats d’économies d’énergie), des études locales sont conduites (et co-financées par le programme LUD +), visant à réaliser des diagnostics locaux du fonctionnement des filières logistiques, afin de déterminer des actions à mettre en place par les acteurs publics et/ou économiques à l’échelle de chaque agglomération.

2.   La planification territoriale, confortée dans le SCoT, doit encore être renforcée

Au niveau local, les besoins en acheminement des marchandises sont pris en compte, sans toutefois se traduire par une capacité de planification et d’aménagement.

Comme le note Laetitia Dablanc, la France a été l’un des premiers pays européens à intégrer la prise en compte des marchandises dans les documents d’aménagement et de planification. Dès 1996, la loi « Laure », dans une visée notamment de sobriété énergétique, donne compétence aux autorités organisatrices des transports, dans les plans de déplacements urbains, pour prendre des orientations en matière de « transport et livraison des marchandises, de façon à en réduire les impacts sur la circulation et l’environnement » ([277]). Ces dispositions permettent de traiter des transports de marchandises et des livraisons, tout en rationalisant les conditions d’approvisionnement de l’agglomération afin de maintenir les activités commerciales et artisanales.

Une grande partie de la réflexion et de la stratégie en matière d’aménagement du territoire au niveau local se fait par le biais du schéma de cohérence territoriale (SCoT). Il comprend un projet d’aménagement stratégique (PAS), un document d’orientation et d’objectifs (DOO) et des annexes. En premier lieu, le projet d’aménagement stratégique définit les objectifs de développement et d’aménagement du territoire, à un horizon de vingt ans, sur la base d’une synthèse du diagnostic territorial et des enjeux qui s’en dégagent. En second lieu, le DOO détermine quant à lui les conditions d’application du projet d’aménagement stratégique. Il définit les orientations générales d’organisation de l’espace, de coordination des politiques publiques et de valorisation des territoires.

La réforme du schéma de cohérence territoriale dans la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (« loi Alur ») a doté les élus de la faculté, dans le document d’aménagement artisanal et commercial (Daac) adossé au DOO, de « déterminer les conditions d’implantation des constructions commerciales et de constructions logistiques commerciales en fonction de leur surface, de leur impact sur les équilibres territoriaux, de la fréquence d’achat ou des flux générés par les personnes ou les marchandises » ([278]).

La valeur de ce document a été renforcée lorsqu’il est devenu, à l’occasion de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, le document d’aménagement artisanal, commercial et logistique (Daacl), qui impose désormais les conditions d’implantations et précise que ces conditions doivent privilégier «  la consommation économe de l’espace, notamment en entrée de ville, par la compacité des formes bâties, la protection des sols naturels, agricoles et forestiers, l’utilisation prioritaire des surfaces vacantes et des friches et l’optimisation des surfaces consacrées au stationnement ».

De façon plus significative pour ce que cela implique en termes d’aménagement spatial, « pour les équipements logistiques commerciaux, il localise les secteurs d’implantation privilégiés au regard des besoins logistiques du territoire, au regard de la capacité des voiries, existantes ou en projet, à gérer les flux de marchandises et au regard des objectifs » de lutte contre l’artificialisation ([279]).

Le SCoT devient donc, avec la loi « Climat et résilience », le document stratégique et planificateur de référence pour les aménagements logistiques. Le document d’aménagement artisanal et commercial évolue pour incorporer obligatoirement un volet logistique. La plupart des documents n’ont pas encore, à ce jour, évolué pour refléter ces nouvelles dispositions. Comme le résume le rapport consacré au sujet par l’institut Terra Nova, « des débats parlementaires, médiatiques et techniques ont abouti à une réforme du droit de l’urbanisme commercial qui choisit de renforcer (un peu) la prise en compte des entrepôts de la logistique commerciale, sans les soumettre toutefois aux procédures d’autorisation d’exploitation » ([280]).

Concentrée sur les entrepôts XXL, la mission a écarté la logistique urbaine de son objet. Il s’agit pourtant, bien entendu, d’un sujet majeur qui doit être lui aussi abordé compte tenu de sa complexité et de son interaction avec les politiques de mobilité des personnes, et nécessite une bonne coordination des acteurs locaux, par exemple pour permettre d’optimiser les tournées du dernier kilomètre. Par exemple, la proposition concernant la planification locale des implantations d’entrepôts doit absolument prendre en compte aussi les besoins de la logistique urbaine.

3.   Un zonage exclusif au sein de parcs logistiques multimodaux

Face à l’intensification de la concurrence foncière pour les usages économiques, et aux problématiques posées par la consommation logistique, certains acteurs proposent une réflexion globale sur la logistique avant de poursuivre l’implantation massive des installations.

Certains gouvernements ont récemment commencé à concevoir des politiques restrictives en matière de développement logistique. Ainsi, comme l’a relayé à la mission le chercheur Merten Nefs, la province du Brabant-Septentrional aux Pays-Bas a défini un plafond de développements de sites logistiques XXL au sein de zones exclusives, qui interdit l’octroi des autorisations en-dehors de ces zones ([281]).

En effet, de nombreux observateurs ont considéré que ces zones peuvent avoir un effet délétère sur le tissu économique des espaces environnants. Notamment, les zones d’activité logistique ont tendance, contrairement à ce qui est parfois affirmé par les élus locaux, à se développer de façon monofonctionnelle. Cette idée n’est pas celle qui est mise en avant par les autorités locales : elle a ainsi été battue en brèche par Frédéric Dejente, vice-président de Beauce Val-de-Loire chargé du développement économique, dans son entretien avec la mission, qui a souhaité clarifier les concepts utilisés à propos du parc des Portes de Chambord : « on va faire du vocabulaire : ce n’est pas un “parc logistique”, c’est une zone d’aménagement concerté. Dans le parc d’activités, il y a de la logistique. Mais la moitié des emplois sur les Portes de Chambord ne relèvent pas de la logistique : ce sont des industries, des TPE-PME, des services ».

La monofonctionnalité est aussi le fait de politiques de zonage, le zonage excessivement restrictif pouvant aussi avoir pour effet de prévenir des effets bénéfiques qui peuvent résulter de la co-agglomération, à l’instar des combinaisons de la logistique avec les activités productives, l’agriculture intérieure, ou d’autres services, comme le confirme Merten Nefs. Ces effets négatifs sont perçus aujourd’hui concernant les zones commerciales, dont on voudrait maintenant qu’elles soient plurifonctionnelles et diverses.

Il peut être opposé à cet argument que les entrepôts logistiques, de par leur caractère nuisible pour l’environnement, sont intrinsèquement monofonctionnelles et doivent être tenues éloignées des habitations et des lieux de vie du fait des trafics qu’elles engendrent. Cela est toutefois moins vrai pour ce qui concerne les industries, qui peuvent ne pas souffrir, mais au contraire bénéficier, de la présence proche d’une zone logistique.

En sens inverse, une étude, dont il est toutefois difficile de tirer des enseignements trop généraux, montre que l’implantation des plateformes est corrélée à une diversité moindre de l’écosystème économique local ([282]). Selon le chercheur Merten Nefs dans sa réponse à la mission, trois causes probables de ce phénomène peuvent être évoquées : l’explosion de l’immobilier logistique a été concomitante d’une croissance limitée chez les fabricants et les chargeurs, ce qui a causé des opérations monofonctionnelles ; la carence dans la planification gouvernementale et industrielle de combinaisons d’activités à l’instar de la Corée du Sud ; les règles de zonage empêchant les opérations plurifonctionnelles ».

La présidente de France Logistique, Anne-Marie Idrac, a en particulier insisté sur la nécessité de favoriser le maillage des lieux d’entreposage par une adaptation des documents de planification et d’urbanisme régionaux et locaux. En l’état, il est stratégiquement important de pouvoir réserver à l’endroit des entrepôts des surfaces proches des lieux de production et de consommation, afin à la fois de réduire les distances de transport et de renforcer diminuer les coûts en renforçant l’efficacité opérationnelle.

Vos rapporteurs rejoignent les propos des rapporteurs Patrick Daher et Éric Hémar, lorsqu’ils évoquent la nécessité, au niveau national, « d’une politique nouvelle de planification d’espaces dédiés à la logistique, connectés aux réseaux de transport massifiés, notamment liés aux quatre grandes portes d’accès internationales de fret que sont Le Havre/Rouen et l’axe Seine, Marseille-Fos et l’axe Rhône-Saône, Dunkerque/Calais et le corridor Nord ainsi que la plateforme aéroportuaire fret de Roissy » ([283]).

Daher et Hémar préconisent à cette fin d’étendre la décote fiscale d’un tiers, aujourd’hui prévue pour les aéroports, aux nouvelles zones qui seront identifiées (cf. 2.3 sur la planification) pour favoriser la massification des flux logistiques (grands ports maritimes, nouvelles zones multimodales…). Selon les rapporteurs Daher et Hémar, un tel système inciterait les entreprises à s’installer dans des zones organisées pour la logistique dans un objectif de développement durable, évitant ainsi le mitage actuel des entrepôts.

En outre, l’installation groupée des entrepôts permet des gains de mutualisation considérables. Au lieu de multiplier les emprises au sein de l’environnement naturel ou agricole, leur nombre est limité. Le zonage au sein d’espaces réservés permet également de s’assurer de la bonne connexion des entrepôts qui y sont situés aux réseaux intermodaux, en prévoyant par exemple que cette plateforme est connectée au réseau par une installation terminale ou de service.

Dans cet esprit, Afilog, dans le cadre de la charte d’engagements réciproques avec l’État précitée, s’est engagé à éviter du mieux possible tout projet d’entrepôt générant de l’artificialisation des sols en dehors des secteurs identifiés par le Daacl, lorsque la qualité et la quantité de fonciers définis répond aux besoins du territoire ([284]).

Patrick Daher et Éric Hémar avait préconisé que, dans le cadre de la mise en œuvre de leur proposition concernant un plan national mis en œuvre dans les territoires, chaque délégué interministériel devait, pour sa porte d’accès :

– définir le point d’entrée unique des clients pour les implantations logistiques liées à leur porte d’accès ;

– identifier les espaces fonciers bien desservis par les modes massifiés susceptibles de faire partie des zones logistiques prioritaires pour des aménagements dans les cinq à dix ans à venir ;

– co-construire la stratégie de choix de ces nouveaux espaces logistiques en liaison avec les régions et collectivités urbaines intéressées ;

– identifier la méthode de développement de ces nouveaux espaces logistiques ;

– recenser les maillons complémentaires des réseaux de transport massifié compatibles avec ces espaces.

Proposition n° 26 : Définir, au sein de stratégies régionales spatialisées, des zones exclusives pour l’implantation des entrepôts XXL, en dehors desquelles l’agrément préfectoral ne saurait être octroyé en dehors de besoins industriels spécifiques. Une telle planification concertée visera à la délimitation de parcs logistiques multimodaux cohérents avec les besoins des territoires, les bassins d’emplois, les réseaux de transport.

 


EXamen en commission

Au cours de sa réunion du mercredi 13 décembre 2023, la commission des affaires économiques a examiné le rapport d’information sur les incidences du déploiement des grands entrepôts logistiques.

Ce point de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14441911_6579629c1dbb4

La commission a approuvé la publication du rapport d’information sur les incidences du déploiement des grands entrepôts logistiques.

 

 


Liste des personnes auditionnÉes À PARIS

Par ordre chronologique

 

Mme Laetitia Dablanc, urbaniste, directrice de recherches, professeure des universités à l’Université Gustave Eiffel

Mme Adeline Heitz, maître de conférences « Urbanisme, transport et logistique » au Conservatoire national des arts et métiers

M. Nicolas Raimbault, maître de conférences à l’Institut de géographie et d’aménagement régional de l’Université de Nantes

France Logistique

Mme Anne-Marie Idrac, présidente

Mme Constance Maréchal-Dereu, directrice générale

France Supply Chain *

M. Yann de Feraudy, président

M. Laurent Sabatucci, CEO d’EOL, membre du comité exécutif

Association des professionnels de l’immobilier logistique et de la supply chain (Afilog) *

Mme Diana Diziain, directeur délégué d’Afilog

M. Paulo Ferreira, directeur associé des affaires publiques de Virtuo Industrial Property

M. Victor Lailler, consultant sénior, stratégies et publics (conseil)

Prologis

M. Guillaume Chiche, directeur du développement territorial

Mme Cécile Tricault, directrice générale de Prologis pour l’Europe du Sud

Union des entreprises transport et logistique de France (TLF) *

M. Olivier Poncelet, délégué général de l’Union TLF

M. Stéphane Veillard, Real Estate Development Director de Geodis

Conforama France

M. Olivier Baraille, président directeur général

M. Guillaume Lepetit, directeur de la supply chain, directeur des projets

Groupe Carrefour

Mme Corinne Teste, directrice adjointe de la stratégie et du développement, directrice RSE, Carrefour Property

M. Thierry Louis Ciro Quaranta, directeur des opérations alimentaires France, Carrefour France

Mme Nathalie Namade, directrice des affaires publiques du groupe

Amazon

M. Yohann Benard, directeur des affaires publiques Europe

M. Emmanuel Tuchscherer, directeur des affaires publiques France

Mme Eloïse Foucault, responsable des affaires publiques

France urbaine

M. Lionel Delbos, conseiller économie territoriale et tourisme

Mme Sarah Bou Sader, conseillère relations parlementaires

Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF)

M. Alain Chrétien, vice-président, maire de Vesoul, président de la communauté d’agglomération de Vesoul, président des maires de Haute-Saône

Fédération nationale des schémas de cohérence territoriale (FédéSCoT)

M. Nicolas Haslé, membre du conseil d’administration

Mme Stella Gass, directrice

France Nature Environnement (FNE)

Mme Axèle Gibert, coordinatrice du réseau risques et impacts industriels

Mme Marie-Paule Duflot, membre, experte en risques industriels

Fédération du commerce électronique et de la vente à distance (Fevad) *

M. Marc Lolivier, délégué général

Mme Pauline Fiquemont, responsable RSE, paiement et logistique

M. Grégory Chekroun, directeur logistique, transport et flux de Fnac-Darty

Fnac Darty

M. Grégory Chekroun, directeur logistique, transport et flux

Conseil du commerce de France *

M. Jean-François Brunet, délégué général

Mme Emilie Régnier-Vigouroux, directrice des affaires juridiques

 

Confédération des commerçants de France (CDF) *

M. Francis Palombi, président

Mme Laure Brunet-Ruinart, déléguée générale

Union des entreprises de proximité (U2P) *

Mme Isabelle Fillaud, directrice des affaires juridiques, économiques et européennes de la Confédération générale de l’alimentation en détail (CGAD), membre fondateur de l’U2P

SNCF Réseau (groupe SNCF)

M. Jean-Charles Ogé, directeur de la plateforme de services aux entreprises ferroviaires

Réseau Fret ferroviaire français du futur (4F) *

M. Philippe François, président d’Objectif Opérateurs ferroviaires de proximité (OFP)

Geodis (groupe SNCF)

M. Antoine Lemoine, directeur immobilier

Confédération des grossistes de France (CGF) *

M. Christian Rose, directeur environnement, transport et logistique

Mme Kristelle Hourques, directrice des affaires publiques

M. Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers

Société Goodman France

M. Philippe Arfi, directeur général

M. Thibault Vanhaezebruck, responsable du développement

M. Thibaud Carlassare, relations institutionnelles

Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Mme Anne-Juliette Lecourt, secrétaire confédérale en charge de la transition écologique juste

Mme Véronique Revillod, secrétaire générale de la fédération des services

M. Stéphane Bourgeon, secrétaire général de la Fédération Générale des Transports et de l’Environnement

Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

M. Maxime Dumont, secrétaire confédéral

Mme Carole Fel, directrice déléguée aux affaires institutionnelles

 

M. Éric Ballot, professeur à Mines Paris

M. David Gaborieau, Université Paris Cité

M. Vincent Devictor, Université de Montpellier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 

 


   liste des personnes rencontrÉes lors des dÉplacements de la mission d’information

 

DÉplacement de la mission À Moissy-Cramayel et Tournan‑en‑Brie (Seine-et-Marne) – lundi 3 juillet 2023

Visite de la plateforme Prologis Park Moissy 2 Les Chevrons, MoissyCramayel

M. Guillaume Chiche, directeur du développement territorial de Prologis

M. Paul Janssen, directeur de la construction

Mme Marie Soulleaux, gestionnaire du site

Table ronde sur les incidences du déploiement logistique en Seine-et-Marne à la maison forestière de Bréviande

M. Jean-François Dupont, Association de défense des intérêts des riverains des zones d’activités de Sénart et environs (ADE Sénart)

M. Bernard Bruneau, France Nature Environnement 77

Visite de l’entrepôt Conforama ID Logistics, ZAC « Terre rouge », Tournanen-Brie

M. Thierry Berna, directeur logistique opérationnelle du groupe Conforama

M. Françoix-Xavier Forestier, directeur supply chain, approvisionnements et logistique du groupe Conforama

M. Pierre Deyries, directeur de la communication et de la responsabilité sociale et environnementale du groupe Conforama

M. Guillaume Lepetit, directeur système d’information et supply chain du groupe Conforama

DÉplacement de la mission À Mer et Blois (Loir-et-Cher) – lundi 25 septembre 2023

Visite des zones d’activités économiques « Portes de Chambord I » et « Portes de Chambord II », Mer

M. Noé Petit, collectif « À bas le béton ! »

Visite de l’entrepôt Coliposte, ZAC « Portes de Chambord I », Mer

Mme Béatrice Tourette, déléguée régionale du groupe La Poste en Centre-Val de Loire

M. Romain Brisset, directeur de la plateforme colis de Mer

Table ronde sur les conditions d’autorisation environnementale des projets d’entrepôts

M. Florian Lewis, directeur régional adjoint, Dreal du Centre-Val de Loire

M. Stéphane Le Gal, chef de l’unité interdépartementale de la Dreal du Centre-Val de Loire pour l’Indre-et-Loire et le Loir-et-Cher

Mme Aurélie Vignot, adjointe au chef de l’unité interdépartementale de la Dreal du Centre-Val de Loire pour l’Indre-et-Loire et le Loir-et-Cher

Table ronde sur les contestations territoriales des projets logistiques

M. Noé Petit, collectif « À bas le béton ! »

M. Jean-Michel Garibal, collectif « Vierzon, hangars et tout camion, c’est non ! »

Mme Caroline Grégoire, Mme Lydie Ćuhadar, M. Cédric Mercier, M. Étienne Maliet, M. Alain Bernard, collectif « Romo Citoyenne »

Collectif « Beaugency, béton et camions, ça suffit ! »

Mme Katherine Fauvin, collectif « Luttes locales Centre »

M. Yohann Meunier, collectif de Lamotte Beuvron

Table ronde sur l’implication des élus dans le processus de planification logistique

M. Christophe Degruelle, président de la communauté d’agglomération de Blois Agglopolys et président du SCoT du Blésois

M. Frédéric Dejente, vice-président au développement économique et au tourisme de la communauté de communes Beauce Val de Loire

M. Sébastien Clément, directeur général des services de la communauté de communes Beauce Val de Loire

M. Thibault Lhonneur, conseiller municipal de Vierzon, rapporteur du budget

DÉplacement de la mission, avec M. François Ruffin, À ARgœuves et Amiens (Somme) – lundi 9 octobre 2023

M. François Ruffin, député de la 1ère circonscription de la Somme

Visite de l’entrepôt JJA, ZAC « Les Bornes du temps », Argœuves

M. Xavier Chonik, directeur général du développement de JJA

Mme Judith Laloupo, responsable RSE de JJA

M. Édouard Brisset, directeur général de Easy Logistique (groupe JJA)

M. Jean-Bernard Grubis, co-fondateur d’Aya SAS conseil

M. Gilles Delattre, maire de Saint-Sauveur

Table ronde sur les incidences du déploiement des entrepôts dans la région amiénoise

M. Julien Pradat, architecte, conseiller municipal et communautaire d’Amiens

Mme Émilie Thérouin, conseillère municipale et communautaire d’Amiens

Association « Préservons l’avenir des terres amiénoises pour tou.tes » (« Patat ») mobilisée contre la ZAC Boréalia 2

Table ronde sur les conditions de travail dans les entrepôts logistiques

Noureddine, CFDT, Auchan Logistics

Frédéric, CFDT, Auchan Logistics

M. Arnaud Duvanel, CFDT, Auchan Logistics

M. Fabien Cavillon, Amazon Boves

M. Thierry Picot, CGT, GSA (prestataire Goodyear)

M. Guillaume Levire, CGT

Mme Isabelle Sellier, ID Logistics

Bachir, CGT, ID Logistics

M. Saïd Wilfried, Observatoire des métiers, des transports et de la logistique

Mme Anne Villette, CGT, ID Logistics

Patrick, Auchan Logistics

DÉplacement de la mission au Havre (Seine-Maritime) – lundi 16 octobre 2023

Conférence de l’entreprise TOWT

M. Guillaume Le Grand, président-directeur général

Table ronde des acteurs logistiques à Bolloré Logistics [groupe CMA CGM], Oudalle

Mme Florence Robinet-Guentcheff, directrice générale, Logistique Seine Normandie 

M. Pierrick Marand, chef de projet observation et territoire, Logistique Seine Normandie 

M. Steve Labeylie, vice-président multimodalité, Logistique Seine Normandie 

M. Jérôme Rigaudière, chargé de projets Logistique et Axe Seine, au service infrastructures et études de la direction des mobilités et infrastructures de la région Normandie

M. Paul Bernard, directeur régional de Bolloré Logistics

Mme Camille Contamine, responsable des affaires publiques et solutions multimodales Europe

M. Raynald Cave, président de Acth Normandie, représentant Modali’Seine

M. Walter Schoch, dirigeant de Arcam, représentant Modali’Seine

Visite de Le Havre Terminal Exploitation (LHTE), Sandouville

M. Christophe Regnier, président de Le Havre Terminal Exploitation

 

 


—  1  —

   Liste des personnes ayant contribuÉ par Écrit
aux travaux de la mission

M. Merten Nefs, chercheur

M. René de Koster, chercheur

Direction générale de la prévention des risques [ministère de la transition écologique]

Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités [ministère de la transition écologique]

Service des données et des études statistiques (Commissariat général au développement durable) [ministère de la transition écologique]

Direction de la législation fiscale (direction générale des finances publiques) [ministère de l’économie et des finances]

Direction générale du travail [ministère du travail]

Caisse nationale de l’assurance maladie

Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement

Conseil national du commerce

Confédération générale du travail

Confédération française démocratique du travail

Confédération française des travailleurs chrétiens

France Supply Chain *

Union des entreprises transport et logistique de France *

Afilog *

Prologis

Amazon

Conforama

Leroy Merlin

Fédération nationale des schémas de cohérence territoriale

Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité

Fédération du commerce électronique et de la vente à distance *

CNCF

Pôle emploi

Adecco Group

Logistique Seine Normandie

Modali’Seine

Twot

Système U

Les Mousquetaires

Thales

Goodman

Union des entreprises de proximité *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


([1]) On parle en anglais de distribution centre (DC) – ce qui donne parfois en français l’expression « centre de distribution » – mais aussi de fulfilment centre, ou encore de bulk break centre.

([2]) On n’évoquera donc pas ici les entrepôts qui répondent à d’autres fonctions, moins concernés par les tendances décrites dans ce rapport. Il peut s’agir notamment des entrepôts de production, situés à proximité d’un site industriel ou d’un autre site de production, qui ont pour fonction de stocker les matières premières destinées à la chaîne de production, les encours de production et les produits semi-finis, voire d’emmagasiner les produits finis avant envoi aux distributeurs. Il peut aussi s’agir des entrepôts terminaux, qui permettent de stocker les produits invendus ou en fin de vie, ou de traiter les déchets de production.

([3]) Beaucoup d’acteurs du secteur logistique préfèrent utiliser le terme anglais supply chain.

([4]) Laetitia Dablanc, Suzanne Gorge, Thierry Pech, Alphonse Coulot, Antoine Doussaint, Vincent Le Rouzic, Michel Savy, « Les métamorphoses de la logistique territoriale », Terra Nova, octobre 2022.

([5]) Markus Hesse, The City as a Terminal: the urban context of logistics and freight transport, Routledge, 2008.

([6]) Antoine Guironnet, La Financiarisation du capitalisme urbain. Marchés immobiliers tertiaires et politiques de développement urbain dans le Grand Paris et le Grand Lyon, les projets des Docks de Saint-Ouen et du Carré de Soie, thèse de doctorat, Université Paris-Est, 2017.

([7]) Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement d’Auvergne-Rhône-Alpes, « État des lieux du système logistique en Auvergne-Rhône-Alpes : rapport de diagnostic régional », novembre 2017.

([8]) Institut Paris Région, « Île-de-France 2030 : la logistique, fonction vitale ».

([9]) Norme française (NF) X50‑601. La notion de « fonction logistique » est également définie par une norme française (NF X 50-600) : « Fonction dont la finalité est la satisfaction des besoins exprimés ou latents, aux meilleures conditions économiques pour l’entreprise et pour un niveau de service déterminé. Les besoins sont de nature interne (approvisionnement de biens et de services pour assurer le fonctionnement de l’entreprise) ou externe (satisfaction des clients). La logistique fait appel à plusieurs métiers et savoir-faire qui concourent à la gestion et à la maîtrise des flux physiques et d’informations ainsi que des moyens ».

([10]) https://transport.ec.europa.eu/transport-themes/logistics-and-multimodal-transport/logistics_en

([11]) Cerema, direction territoriale Normandie-Centre, « Logistique en région Centre-Val de Loire : contexte national », 2015

([12]) Business France, « Choose France : La logistique », page consultée le 10 novembre 2023.

([13]) L’Association française des logisticiens d’entreprise (Aslog) était l’ancien nom de France Supply Chain, organe représentatif du secteur rencontré par vos rapporteurs.

([14]) Patrick Daher et Éric Hémar, « Pour une chaîne logistique plus compétitive au service des entreprises et du développement durable », septembre 2019, page 7.

([15]) Ministère de l’environnement, Enquête sur l’activité des entrepôts et des plateformes logistiques, 2013.

([16]) Laetitia Dablanc, « L’entrepôt : nouveaux lieux, nouveaux flux, les mobilités de l’avenir », Odile Jacob, 2015.

([17]) Cerema, « Les entrepôts et plateformes logistiques en France métropolitaine », mars 2016.

([18]) L’article R. 151-27 du code de l’urbanisme divise les constructions en cinq destinations : « 1° Exploitation agricole et forestière ; 2° Habitation ; 3° Commerce et activités de service ; 4° Équipements d’intérêt collectif et services publics ; 5° Autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire ».

([19]) Article 5 de l’arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d’urbanisme et les règlements des plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu.

([20]) Annexe à l’article R. 511-9 du code de l’environnement. Service des risques technologiques, nomenclature des installations classées, AMPG & notes d’interprétation (MTECT/DGPR/SRT), octobre 2023.

([21]) JLL, « Chiffres du marché de l’immobilier logistique, troisième trimestre 2023 », septembre 2023.

([22]) CBRE Research, « EMEA Viewpoint. The Market for XXL Warejouses in Europe », Richard Holberton, Amaury Gariel, novembre 2013.

([23]) EOL, « Entrepôts XXL : des constructions (dé)raisonnées ? », février 2023.

([24]) Arthur Loyd Logistique, « L’immobilier logistique français à la croisée des chemins », avril 2023.

([25]) Denis Fainsilber, « Logistique : les entrepôts géants, ces nouvelles cathédrales », Les Échos, octobre 2018.

([26]) Ministère de l’environnement, « Atlas des entrepôts et des aires logistiques en France en 2015 », mars 2017 (CGDD/SOeS/sous-direction des statistiques des transports). Le service de l’observation et des statistiques (SOeS) du ministère de l’environnement est devenu le service de la donnée et des études statistiques (SDES) du ministère de la transition écologique.

([27]) Direction régionale de l’équipement d’Île-de-France (Dreif), « Approfondissement de l’estimation régionale du parc d’entrepôts en Île-de-France », 2009.

([28]) CBRE Research, « EMEA Viewpoint. The Market for XXL Warejouses in Europe », Richard Holberton, Amaury Gariel, novembre 2013.

([29]) EOL, « Entrepôts XXL : des constructions (dé)raisonnées ? », février 2023.

([30]) Méthode logistique visant à optimiser les livraisons de plusieurs chargeurs, parfois concurrents et alimentant les mêmes entrepôts de distribution, en les regroupant dans les mêmes sites logistiques et les mêmes véhicules. L’objectif est d’augmenter le coefficient d’occupation des véhicules et ainsi de réduire le coût du transport. Le pooling nécessite généralement un opérateur neutre qui pourra gérer les unités de transport dans l’intérêt commun des différents membres du groupement. Il disposera des informations sur les différents chargeurs concernés.

([31]) EOL, « Carrefour, E. Leclerc, Intermarché : pourquoi la logistique de la grande distribution se réorganise », novembre 2017.

([32]) Claude Fiore, Centre de recherche d’économie des transports, « Le développement de la fonction d’intermédiaire dans les transports : l’enjeu du conteneur international », pour le « programme de recherche et de développement technologique transports terrestres » du ministère de l’équipement, décembre 1988.

([33]) Florent Favre et Karim Moussalam, « Trafic de marchandises : la compétitivité de la route », Observatoire économique et statistique des transports, octobre 1992.

([34]) André Rémy et Jean-Marie Gugenheim, « Les grands groupes européens de transport de marchandises », Observatoire économique et statistique des transports, septembre 1995.

([35]) ID Logistics, « Document d’enregistrement universel 2022 », avril 2023.

([36]) Direction générale de la mobilité et des transports (Commission européenne/DG MOVE), article « Logistics », consulté le 11 novembre 2023.

([37]) Rapport du comité scientifique de la Conférence nationale logistique, 2015.

([38]) Arthur Lloyd Logistique, « L’immobilier logistique français à la croisée des chemins », mars 2023.

([39]) Laetitia Dablanc, Suzanne Gorge, Thierry Pech, Alphonse Coulot, Antoine Doussaint, Vincent Le Rouzic, Michel Savy, « Les métamorphoses de la logistique territoriale », Terra Nova, octobre 2022.

 

([40]) Nicolas Raimbault, « Outer-Suburban Politics and the Financialisation of the Logistics Real Estate Industry: The Emergence of Financialised Coalitions in the Paris Region », Urban Studies, février 2020.

([41]) Markus Hesse, The City as a Terminal, Aldershot, Ashgate.

([42]) Julie Pollard, « Les grands promoteurs immobiliers français », Flux, 2007.

([43]) Xerfi Precepta, « Le marché de l’immobilier logistique face à une nouvelle donne », octobre 2023.

([44]) Sogaris, « L’immobilier logistique urbain et périurbain : Welcome to Logistics City », n° 3, 2022-2023.

([45]) BNP Paribas Real Estate, « At a Glance 2023 T3: Logistique en France, baisse du volume place en 2023 », septembre 2023.

([46]) Merten Nefs, « Behind the Big Box: understanding the planning-development dialectic of large distribution centres in Europe », 2022.

([47]) Nicolas Raimbault, Gouverner le développement logistique de la métropole : périurbanisation, planification et compétition métropolitaine, le cas du bassin parisien et éclairages étrangers, thèse de doctorat, décembre 2014.

([48]) Mathieu Strale, « La localisation des entreprises logistiques et le positionnement des régions urbaines nord-ouest européennes », Revue belge de géographie, 2013, (1-2) : 119-133.

([49]) Markus Hesse, The City as a Terminal: the urban context of logistics and freight transport, Routledge, 2008.

([50]) AMF Qualité Sécurité Environnement ; Bâtiment D ; ZAC Les Portes De Chambord ; 41 500 Mer ; dossier de demande d’autorisation d’exploiter au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement, affaire n° 17/1814, 28 novembre 2017.

([51]) Oblog, « État du parc immobilier logistique en France », décembre 2007.

([52]) Immo évolutif, bulletin d’information, T1 2017.

([53]) Clara Robert-Motta, « Pourquoi les plateformes logistiques excèdent les riverains et les associations écologistes », janvier 2023.

([54]) Europropmarket, « Quest-ce que la dorsale ? ».

([55]) EOL, « EOL commercialise un site XXL à vocation européenne immédiatement disponible dans les Hauts-de-France », septembre 2023.

([56]) Département du Loir-et-Cher, dossier de l’enquête publique unique relative aux demandes d’autorisations environnementales présentées par la société Catella Logistic Europe en vue d’exploiter deux entrepôts de stockage de matières combustibles sur le territoire des communes de Romorantin-Lanthenay et Villefranche‑sur-Cher, août 2023.

([57]) Alizée Guilhem, « Les collectivités ne se battent plus pour accueillir Amazon », La Gazette des communes, décembre 2019.

([58]) Contribution de France Logistique aux travaux de la commission sur la loi du 21 juillet 2023.

([59]) Articles L. 123-1 à L. 123-18 du code de l’environnement.

([60]) Articles L. 181-9 à L. 181-11 du code de l’environnement.

([61]) Jean-François Struillou et Nicolas Huten. « Chronique. Démocratie environnementale », Revue juridique de l’environnement, 2017.

([62]) Articles L. 121-8 et suivants du code de l’environnement.

([63]) Article 271 du code général des impôts.

([64])  Contribution écrite de la direction de la législation fiscale à la mission.

([65]) Voir 3 du A du I de la deuxième partie du présent rapport.

([66]) Voir 3 du A du I de la deuxième partie du présent rapport.

([67]) Le Logistics Performance Index (LPI) 2023 permet des comparaisons entre 139 pays. Le LPI 2023 mesure pour la première fois la rapidité du commerce avec des indicateurs dérivés de grands ensembles de données suivant les expéditions. Le LPI se base sur six critères pour évaluer la performance logistique des pays :la qualité des services douaniers, la qualité des infrastructures liées au transport et au commerce, la facilité des expéditions internationales, la compétence et la qualité des services logistiques, la capacité de suivi et de traçage des expéditions, la ponctualité des livraisons.

([68]) The World Bank, International LPI, 2018.

([69]) The World Bank, International LPI, 2023.

([70]) Loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs.

([71]) France Logistique 2025, une stratégie pour la logistique, mars 2016

([72]) Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement d’Auvergne-Rhône-Alpes, « État des lieux du système logistique en Auvergne-Rhône-Alpes : rapport de diagnostic régional », novembre 2017.

([73]) Livolsi, Laurent, et Nathalie Fabbe-Costes. « Contribution des sciences de gestion aux politiques publiques. L’exemple de la “stratégie logistique nationale” », Revue française de gestion, vol. 261, no. 8, 2016.

([74]) Présidence de la République, lettre de mission adressée à Guillaume Pépy, président du conseil d’administration de la SNCF, sur le développement et la modernisation de la SNCF, février 2008.

([75]) Albertini, Jean-Benoît. « De la Datar à la nouvelle DIACT : la place des questions économiques dans la politique d’aménagement du territoire », Revue française d’administration publique, vol. n° 119, no. 3, 2006, pp. 415-426.

([76]) Christelle Camman, Gilles Guieu, Laurent Livolsi et Marlène Monnet, « Performance durable et gestion mutualisée des approvisionnements : le rôle des institutions », Centre de recherche sur le transport et la logistique, février 2013.

([77]) Comité national routier, « Le transport routier de marchandises allemand », 2018.

([78]) Conseil général de l’environnement et du développement durable, « Comment mieux observer les performances de la logistique en France ? Mieux connaître les performances pour mieux agir », mars 2016.

([79]) Patrick Daher et Éric Hémar, « Pour une chaîne logistique plus compétitive au service des entreprises et du développement durable », septembre 2019.

([80]) Direction générale des entreprises, « Lancement d’une stratégie nationale logistique à l’occasion du Cilog 2022 », décembre 2022.

([81]) Ministère de la transition écologique et Afilog, Charte d’engagements réciproques pour la performance environnement et économique de l’immobilier logistique français, juillet 2021.

([82]) Ministère de la transition écologique et Fédération du e-commerce et de la vente à distance, Charte d’engagements pour la réduction de l’impact environnemental du commerce en ligne, juillet 2021.

([83]) Article 1635 quater I, I, 3° du code général des impôts. Cet abattement est conditionné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif aux aides de minimis.

([84]) Patrick Daher, Éric Hémar, Pour une chaîne logistique plus compétitive au service des entreprises et du développement durable, septembre 2019.

([85]) Patrick Daher, Éric Hémar, Pour une chaîne logistique plus compétitive au service des entreprises et du développement durable, septembre 2019.

([86]) Article 1499 du code général des impôts.

([87]) La Tribune, Financement des transports en communs : les plateformes e-commerce doivent passer à la caisse, novembre 2023.

([88]) Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, rapport d’information n° 830 de la commission des finances du Sénat sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité, juillet 2023.

([89]) Philippe Duron et ministère de la transition écologique, « Rapport sur le modèle économique des transports collectifs », juillet 2021, recommandation n° 46.

([90]) Institut Paris Région, Financement de l’exploitation des transports collectifs en Île-de-France, mars 2023.

([91]) France Supply Chain, Guide de l’intralogistique en France 2020-2021, novembre 2020.

([92]) Contribution écrite de René de Koster à la mission.

([93]) France Supply Chain, Guide de l’intralogistique en France 2020-2021, novembre 2020.

([94]) Ankit Gupta, Automated Material Handling Market Research Report, novembre 2023.

([95]) Contribution écrite de René de Koster à la mission.

([96]) Mecalux, « Automatisation des entrepôts : entretien avec René de Koster », juillet 2022.

([97]) France Supply Chain, Guide de l’intralogistique en France 2020-2021, novembre 2020.

([98]) GS1, Livre blanc : robotisation et logistique ; enjeux et perspectives, décembre 2015.

([99]) France Supply Chain, Guide de l’intralogistique en France 2020-2021, novembre 2020.

([100]) France Supply Chain, Guide de l’intralogistique en France 2020-2021, novembre 2020.

([101]) Laurène Matzeu de Vialar, Boa Concept, une solution Plug-and-Carry en constante évolution, octobre 2019.

([102]) Correspond au produit tel qu’il est vendu au consommateur à l’unité, par pack, par lot.

([103]) Faqlogistique, Autostore, novembre 2021.

([104]) GS1, Livre blanc : robotisation et logistique ; enjeux et perspectives, décembre 2015.

([105]) France Supply Chain, Guide de l’intralogistique en France 2020-2021, novembre 2020.

([106]) Mecalux, « Automatisation des entrepôts : entretien avec René de Koster », juillet 2022.

([107]) GS1, Livre blanc : robotisation et logistique ; enjeux et perspectives, décembre 2015.

([108]) France Supply Chain, Guide de l’intralogistique en France 2020-2021, novembre 2020.

([109]) Contribution écrite de René de Koster à la mission.

([110]) Contribution écrite de René de Koster à la mission.

([111]) Amazon, « L’histoire derrière la nouvelle génération de robots », novembre 2019.

([112]) Roland Berger, « Nouveau centre de distribution Amazon à Metz : quel impact pour le territoire », mars 2023.

([113]) Nathan Mann, « Plongée dans l’entrepôts d’Amazon le plus robotisé de France », Usine nouvelle, juin 2021.

([114]) Willem Gay, « Deux robots en un » : voici Digit, le premier robot humanoïde d’Amazon, novembre 2023.

([115]) Alice Vitard, « Amazon dévoile Proteus, un robot mobile autonome pour les entrepôts », Usine digitale, juin 2022.

([116]) Contribution écrite de René de Koster aux travaux de la mission.

([117]) Amazon, « How Amazon deploys collaborative robots in its operations to benefit employees and customers », juin 2023.

([118]) France Supply Chain, Guide de l’intralogistique en France 2020-2021, novembre 2020..

([119]) Voir la deuxième partie du rapport.

([120]) Mecalux, « Automatisation des entrepôts : entretien avec René de Koster », juillet 2022.

([121]) Kardinal AI, « Intelligence Artificielle en logistique : 6 exemples d’applications », mars 2021.

([122]) Contribution écrite de René de Koster à la mission.

([123]) Contribution écrite de Pôle emploi à la mission.

([124]) Pôle emploi, enquête « Besoins en main-d’œuvre 2023 », avril 2023.

([125]) Entreprendre.service-public, Réduction générale des cotisations patronales, 2023.

([126]) Contribution écrite de la CFTC à la mission.

([127]) Contribution écrite de la CFDT à la mission.

([128]) Contribution écrite de la CFDT à la mission.

([129]) Contribution écrite de la CGT à la mission.

([130]) Amis de la Terre France, « E-commerce et emploi : la grande casse sociale », mars 2022.

([131]) Roland Berger, Nouveau centre de distribution Amazon à Metz : quel impact pour le territoire ?, mars 2023.

([132]) Amazon, Amazon, un acteur majeur de l’emploi en France, mars 2022.

([133]) Roland Berger, Nouveau centre de distribution Amazon à Metz : quel impact pour le territoire ?, mars 2023.

([134]) Contribution écrite de Prism’emploi à la mission et audition des syndicats (CGT, FO, CFDT et CFTC).

([135]) Contribution écrite de Prism’emploi à la mission.

([136]) Cécile Cuny, Clément Barbier, David Gaborieau, Nicolas Raimbault, Gwendal Simon, « On n’est pas des robots – ouvrières et ouvriers de la logistique », mars 2020.

([137]) Roland Berger, Nouveau centre de distribution Amazon à Metz : quel impact pour le territoire ?, mars 2023

([138]) Contribution écrite de Prism’emploi à la mission.

([139]) Cécile Cuny, Clément Barbier, David Gaborieau, Nicolas Raimbault, Gwendal Simon, « On n’est pas des robots – ouvrières et ouvriers de la logistique », mars 2020.

([140]) Contribution écrite de la CGT à la mission.

([141]) Données Insee, enquête Emploi, 2012. Exploitation Lucas Trachant, 2015.

([142]) Cécile Jollu, Frédéric Lainé, Yves Breem, « L’emploi et les métiers des immigrés », Centre d’analyse stratégique, février 2012.

([143]) Directive européenne n° 90-269 du 29 mai 1990 n° 90269/CEE concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à la manutention manuelle de charges comportant des risques, notamment dorso‑lombaires, pour les travailleurs (quatrième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89391/CEE), transposée par décret n° 92-958 du 3 septembre 1992.

([144]) Institut national de recherche et de sécurité, Régime général, tableau 98.

([145]) Contribution écrite de la CFDT à la mission.

([146]) Emilie Cordina-Duverger, Florence Menegaux, Alexandru Popa et al.,  « Night shift work and breast cancer: a pooled analysis of population-based case–control studies with complete work history », European Journal of Epidemiology, février 2018.

([147]) Anses, « Le travail de nuit et les risques pour la santé », juin 2018.

([148]) Contributions écrites de la CFDT, CFTC, FO et CGT à la mission.

([149]) Voir le 4 du B du I de la présente partie.

([150]) Institut national de recherche et de sécurité, « Préparation de commandes guidée par reconnaissance vocale », février 2015.

([151]) Contribution écrite de la CFDT à la mission.

([152]) Eurostat, Accidents at work statistics, 2023.

([153]) Contribution écrite de la direction des risques professionnels de la CNAM à la mission.

([154]) En Allemagne, une rupture de série empêche la comparaison.

([155]) Contribution écrite de la direction des risques professionnels à la mission.

([156]) Prism’emploi, « Accidents du Travail des intérimaires dans les secteurs utilisateurs - indicateurs 2021 », novembre 2022

 

([158]) L’indice de fréquence (IF) est un indicateur qui mesure le nombre d’accidents du travail en premier règlement rapporté à l’effectif salarié. Il se calcule en multipliant par 1 000 le rapport entre le nombre d’accidents du travail en premier règlement et l’effectif salarié.

([159]) Contribution écrite de la direction des risques professionnels à la mission.

([160]) Contribution écrite de la CFTC à la mission.

([161]) Direction générale du travail, Inspection du travail : bilan 2019 et 2020, perspectives 2021, 2021.

([162]) Institut national de recherche et de sécurité, « Conception et aménagement des plates-formes et entrepôts logistiques », novembre 2019.

([163]) Contribution écrite de Prism’emploi à la mission.

([164]) Article L. 1251-21 du code du travail.

([165]) Audition d’Éric Ballot, de David Gaborieau et de Vincent Devictor.

([166]) Art L.176-1 et L.176-2 du code de la sécurité sociale.

([167]) Commission art. L. 176-2 du code de la sécurité sociale, Rapport estimation du coût réel, pour la branche maladies, de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, juin 2021.

([168]) Sécurite sociale, Les comptes de la sécurité sociale, septembre 2017.

([169]) France Supply Chain, Guide de l’intralogistique en France 2020-2021, 2021 (p 49).

([170]) Institut national de recherche et de sécurité, « Préparation de commandes guidée par reconnaissance vocale », février 2015.

([171]) Audition de Laetitia Dablanc, d’Adeline Heitz et de Nicolas Raimbault.

([172]) GS1 France, Robotisation et logistique – Enjeux et perspectives, 2021.

([173]) Assurance maladie, Entrepôts logistiques – suppression des risques générés par les double et triple niveaux de stockage, utilisés pour la préparation de commandes de plain-pied.

([174]) Institut national de recherche et de sécurité, Logistique – Organiser le travail pour le rendre plus sûr, 2023.

([175]) Santé publique France, « Troubles musculo-squelettiques et souffrance psychique : maladies à caractère professionnel les plus fréquemment signalées et en augmentation », avril 2023.

([176]) France Supply Chain, Guide de l’intralogistique en France 2020-2021, novembre 2020.

([177]) Institut national de recherche et de sécurité, « Travail et lombalgie », septembre 2019.

([178]) Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, « Le risque de contracter un TMS », novembre 2010.

([179]) Institut national de recherche et de sécurité, « 10 idées reçues sur les exosquelettes », mai 2018.

([180]) Institut national de recherche et de sécurité, « Exosquelettes. Ce qu’il faut retenir – risques », mai 2018.

([181]) Contribution écrite de la direction des risques professionnels de la CNAM à la mission.

([182]) Contribution écrite de la direction des risques professionnels de la CNAM à la mission.

([183]) Pôle emploi, Besoins en main-d’œuvre 2023, 2023.

([184]) Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, « Les emplois vacants », septembre 2023.

([185]) Pôle emploi, Besoins en main-d’œuvre 2023, 2023.

([186]) Contribution écrite de Pôle emploi à la mission.

([187]) Cécile Cuny, Clément Barbier, David Gaborieau, Nicolas Raimbault, Gwendal Simon, « On n’est pas des robots – ouvrières et ouvriers de la logistique », mars 2020.

([188]) Automated Material Handling, Market research report, novembre 2023.

([189]) Audition d’Éric Ballot, de David Gaborieau et de Vincent Devictor.

([190]) Insee, Caractéristiques comptables, financières et d’emploi des entreprises en 2018, 2020 (Branche H et niveau NAF a21).

([191]) Insee, Caractéristiques comptables, financières et d’emploi des entreprises en 2021, 2023.

([192]) Insee, Caractéristiques comptables, financières et d’emploi des unités légales de 2009 à 2013, 2015.

([193]) GS1 France, Robotisation et logistique – Enjeux et perspectives, 2021.

([194]) Contribution écrite de Prism’emploi à la mission.

([195]) Contribution écrite de la CFDT à la mission.

([196]) Contribution de la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités à la mission.

([197]) Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, « Léger repli de la syndicalisation en France entre 2013 et 2019 », février 2023.

([198]) Loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017‑1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

([199]) Le shopping normatif désigne la tendance des entreprises à choisir le cadre juridique le moins contraignant pour réguler leurs relations avec les salariés.

([200]) Convention collective nationale de l’industrie pharmaceutique (IDCC 176).

([201]) Convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire (IDCC 2216).

([202]) Convention collective nationale de l’industrie du pétrole (IDCC 1388).

([203]) Convention collective nationale de l’industrie pharmaceutique (IDCC 176).

([204]) Convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires (IDCC 1517).

([205]) Convention collective nationale des exploitations frigorifiques (IDCC 200).

([206]) Convention collective nationale des commerces de gros (IDCC 573).

([207]) Annexe à l’article R. 511-9 du code de l’environnement. Service des risques technologiques, nomenclature des installations classées, AMPG & notes d’interprétation (MTECT/DGPR/SRT), octobre 2023.

([208]) Pour la deuxième catégorie, il s’agit des installations qui entrent dans la colonne « évaluation environnementale systématique » en application de la rubrique 39.a de l’annexe à l’article R. 122-2 du code de l’environnement.

([209]) Ministère de la transition écologique, « Entrepôts de matières combustibles », février 2023.

([210]) II de l’article R. 181-46 du code de l’environnement.

([211]) Si l’on prend une fourchette classique d’entre 10 et 15 mètres de hauteur, ces seuils signifient pour le premier, une emprise au sol d’entre 20 000 et 30 000 m² et, pour le second, d’entre 60 000 et 90 000 m².

([212]) Atelier parisien d’urbanisme, « Les outils au service de la logistique urbaine dans les PLU : l’exemple du plan local d’urbanisme de Paris », note n° 170, janvier 2020.

([213]) Nicolas Raimbault, « Gouverner le développement logistique de la métropole : périurbanisation, planification et compétition métropolitaine, le cas du bassin parisien et éclairages étrangers », thèse de doctorat, Université Paris-Est, 2014, pp. 116 sqq.

([214]) Agence de la transition écologique, « Appel à projets " Entrepôts logistiques : la bonne ressource, au bon endroit, au bon moment " », février 2023.

([215]) Article L. 174-1 du code de la construction et de l’habitation.

([216]) Article 26 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.

([217]) Préfecture du Nord, « Les BEGES : objectifs, méthodologie ».

([218]) Bruno Peuportier, « Les éco-technologies dans la construction », Annales des Mines - Réalités industrielles, 2008.

([219]) Agence de la transition écologique, « Appel à projets " Entrepôts logistiques : la bonne ressource, au bon endroit, au bon moment " », février 2023.

([220]) Normes ISO 14040 et 14044.

([221]) Yann Leroy et Sébastien Lasvaux, « De la gestion des incertitudes en analyse de cycle de vie », Marché et organisations, 2013.

([222]) EOL, « Immobilier logistique : le foncier au cœur des enjeux », mai 2023.

([223]) Jean Christophe Visier, « Vers des bâtiments à énergie positive », Annales des Mines - Réalités industrielles, 2008.

([224]) Ministère de la transition écologique et Afilog, « Charte d’engagements réciproques entre l’État et les membres de l’association Afilog, acteurs de l’immobilier logistique, pour la performance environnementale et économique de l’immobilier logistique français », juillet 2021.

([225]) Lorraine Veron, « Les supermarchés exigent des aides pour installer des panneaux solaires sur leurs parkings », Révolution énergétique, 17 février 2023.

([226]) Elsa Dicharry, Sharon Wajsbrot et Philippe Bertrand, « Les entrepôts et les supermarchés rêvent de se couvrir de panneaux solaires », Les Échos, 10 novembre 2023.

([227]) Chambre d’agriculture du Loiret, « Solaire photovoltaïque : équiper une toiture existante ».

([228]) Pôle d’intelligence logistique et Chambre de commerce et d’industrie Nord-Isère, « Les contraintes et les opportunités du photovoltaïque en logistique », janvier 2021.

([229]) Eficia, « Plateforme logistique : maîtrisez la consommation énergétique de votre entrepôt ».

([230]) Observatoire de l’immobilier durable, baromètre 2021 de la performance énergétique et environnementale des bâtiments, janvier 2022.

([231]) Argan, « AutOnom. L’entrepôt à énergie positive et bilan carbone neutre », janvier 2022.

([232]) Loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.

([233]) Ministère de la transition écologique, « Exigences règlementaires pour la construction des bâtiments », mai 2021.

([234]) Décret n° 2015-1790 du 28 décembre 2015 relatif à certains fluides frigorigènes et aux gaz à effet de serre fluorés.

([235]) En anglais, global warming potential (GPW).

([236]) Supply Chain Ouest, présentation « Énergie en entrepôt : Consommer moins et mieux »

([237]) Institut Paris Région, « Île-de-France 2030 : la logistique, fonction vitale », 2018.

([238]) France Stratégie, Conseil général de l’environnement et du développement durable, Inspection générale des finances, « Pour un développement durable du commerce en ligne », février 2021, page 14.

([239]) Martin Bocquet, Cerema, « Analyse de la consommation d’espaces : période du 1er janvier 2009 au 1er janvier 2022 », rapport d’étude à l’intention de la DGALN, septembre 2023.

([240]) Agence de la transition écologique, « Appel à projets " Entrepôts logistiques : la bonne ressource, au bon endroit, au bon moment " », février 2023.

([241]) EOL, « Entrepôts XXL : des constructions (dé)raisonnées ?», février 2023.

([242]) Agence de la transition écologique, « Appel à projets " Entrepôts logistiques : la bonne ressource, au bon endroit, au bon moment " », février 2023.

([243]) Rollon Mouchel-Blaisot, « Stratégie nationale de mobilisation pour le foncier industriel », juillet 2023.

([244]) France Stratégie, « Pour un développement durable du commerce en ligne », mars 2021.

([245]) Ministère de la transition écologique et Afilog, « Charte d’engagements réciproques entre l’État et les membres de l’association Afilog, acteurs de l’immobilier logistique, pour la performance environnementale et économique de l’immobilier logistique français », juillet 2021.

([246]) EOL, « Immobilier logistique : le foncier au cœur des enjeux », mai 2023.

([247]) EOL, « Carrefour, E. Leclerc, Intermarché : pourquoi la logistique de la grande distribution se réorganisetelle ? », novembre 2017.

([248]) Matías Mérida Rodríguez et Rafael Lobón Martín, « Landscape integration and its foundations. Method of application for remote buildings in rural areas », Boletín de la Asociación de Geógrafos Españoles, 2011.

([249]) Martin Bocquet, Cerema, « Analyse de la consommation d’espaces : période du 1er janvier 2009 au 1er janvier 2022 », rapport d’étude à l’intention de la DGALN, septembre 2023.

([250]) Prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement soumises à la rubrique 1510 », annexe II, point 1.3, arrêté DGPR du 11 avril 2017.

([251]) Romain Douillard, « Analyse des différentes pratiques en matière de mutualisation et foisonnement des stationnements », Sciences de l’ingénieur, mémoire, 2017.

([252]) Courrier du président de l’Association de défense des intérêts des riverains des ZAC de Sénart au commissaire enquêteur, mai 2016.

([253]) Institut Paris Région, « Île-de-France 2030 : la logistique, fonction vitale », juin 2018.

([254]) Institut Paris Région, « Île-de-France 2030 : la logistique, fonction vitale », juin 2018.

([255]) Insee, série « Transport intérieur terrestre de marchandises par mode : données annuelles de 1984 à 2021 », février 2023, données DGEC/Eurostat/SDES/VNF/TRM-EU.

([256]) Article 31 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs.

([257]) Denis Choumert et Christian Rose, « Avis de tempête pour le fret ferroviaire français », Annales des Mines  Responsabilité et environnement, 2014.

([258]) Pierre Zembri, « Pourquoi le fret ferroviaire va-t-il si mal en France ? Autour du plan Véron (Fret 2006) », Flux, 2004.

([259]) Denis Choumert et Christian Rose, « Avis de tempête pour le fret ferroviaire français », Annales des Mines – Responsabilité et environnement, 2014.

([260]) Cerema, Revue Transport, n° 10, septembre 2019.

([261]) En 2019, SNCF Réseau dénombre 2 890 ITE quand le Cerema compte 3 000 ITE. Ce différentiel s’explique par l’existence d’entreprises qui partagent une même connexion, ce qui est spécifiquement le cas des zones d’activités économiques, des parcs logistiques.

([262]) D’après SNCF Réseau, l’acheminement de marchandises en wagons isolés désigne l’ensemble des transports qui permettent de réunir plusieurs wagons de clients et/ou de contenus différents afin d’en faire un train complet.

([263]) Office français pour la biodiversité, Eaufrance, page « Le transport fluvial et maritime ».

([264]) Ministère de la Transition écologique, « Généralités sur le transport et le réseau fluvial en France », novembre 2019.

([265]) The Shift Project, « Assurer le fret dans un monde fini », plan de transformation de l’économie française, mars 2022.

([266]) Réseau URBA 8 des agences d’urbanisme des Hauts-de-France, « État des lieux du foncier économique le long de l’axe nord en vue d’une évaluation du potentiel de report modal du trafic de marchandises », septembre 2022.

([267]) Merten Nefs, « The Dutch " Gateway to Europe " spatial policy narrative, 1980–2020: a systematic review », Planning Perspectives, Volume 38, 2023/1.

([268]) Merten Nefs et Tom Daamen, « Behind the big box: understanding the planning-development dialectic of large distribution centres in Europe », European Planning Studies, mars 2022.

([269]) The Economic Times, « Country’s competitiveness dictated by logistics costs: Arindam Guha, Deloitte India », septembre 2022.

([270]) France Stratégie, Conseil général de l’environnement et du développement durable et Inspection générale des finances, « Pour un développement durable du commerce en ligne », février 2021.

([271]) Article R. 510-1 du code de l’urbanisme.

([272]) Direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports, « Cadrage juridique de l’agrément », septembre 2021.

([273]) Article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales.

([274]) Ministère de la transition écologique et Afilog, « Charte d’engagements réciproques entre l’État et les membres de l’association Afilog, acteurs de l’immobilier logistique, pour la performance environnementale et économique de l’immobilier logistique français », juillet 2021.

([275]) Adeline Heitz, « Existe-t-il un urbanisme de la logistique ? Le cas de l’Île-de-France », Transports Infrastructures & Mobilités, n° 522, juillet-août 2020.

([276]) NB. Il s’agit de l’entrepôt Telamon Freight Investment Fund (ex-Panhard) de 80 000 mètres carrés sur le parc des Portes de Chambord II, en cours de contentieux.

([277]) Article 14 de la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, codifié à l’article 28-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs (« Loti »).

([278]) Ancienne rédaction de l’article L. 141-6 du code de l’urbanisme.

([279]) Article L. 141-6 du code de l’urbanisme.

([280]) Laetitia Dablanc, Suzanne Gorge, Thierry Pech, Alphonse Coulot, Antoine Doussaint, Vincent Le Rouzic, Michel Savy, « Les métamorphoses de la logistique territoriale », Terra Nova, octobre 2022.

([281]) Provinciale Staten Noord-Brabant, “Voorbereidingsbesluit grootschalige logistiek”, 2023.

([282]) Enoch Tabak, Boxes, boom and benefits? Identifying effects of XXL distribution centres on regional economies in the Netherlands, thèse de doctorat, université Érasme de Rotterdam, 2023.

([283]) Patrick Daher et Éric Hémar, « Pour une chaîne logistique plus compétitive au service des entreprises et du développement durable », septembre 2019.

([284]) Ministère de la transition écologique et Afilog, « Charte d’engagements réciproques entre l’État et les membres de l’association Afilog, acteurs de l’immobilier logistique, pour la performance environnementale et économique de l’immobilier logistique français », juillet 2021.