N° 2113

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 janvier 2024.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

En application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION ([1])
sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles et
l’évaluation des politiques publiques associées

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

et présenté par

Mme Manon MEUNIER et M. Hubert OTT
Députés

 

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La mission d’information sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles et l’évaluation des politiques publiques associées est composée de : M. Henri Alfandari, M. Jorys Bovet, Mme Pascale Boyer, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Sylvain Carrière, M. Jean-Luc Fugit, M. Daniel Grenon, Mme Chantal Jourdan, Mme Aude Luquet, Mme Manon Meunier, Mme Laure Miller, M. Marcellin Nadeau, M. Hubert Ott, Mme Anne Stambach-Terrenoir, Mme Huguette Tiegna, M. Nicolas Thierry, M. Antoine Villedieu.

 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos de Mme Laure Miller, présidente

Introduction

PARTIE I : Le dÉclin de la biodiversitÉ dans les paysages agricoles

I. Des paysages agricoles héritÉs : aux origines du modÈle agricole français productiviste

A. Un modèle agricole intensif héritÉ des années 1960

B. La modernisation de l’agriculture et ses effets sur les paysages agricoles

1. Le déclin de la diversité paysagère et de la biodiversité dans les paysages agricoles

2. Les transformations du métier de paysan : la fin des paysans ?

C. une agriculture plurielle

II. Les effets des pratiques agricoles intensives sur la simplification des paysages et le déclin de la biodiversité

A. l’agriculture intensive, cause majeure de l’appauvrissement de la biodiversité

B. Des effets pluriels constatés dans tous les milieux naturels

1. Des milieux aquatiques contaminés par des pollutions issues de l’agriculture

a. Des données scientifiques incomplètes malgré des outils visant à assurer le suivi de la ressource en eau

b. Le transfert des intrants utilisés en agriculture vers les milieux aquatiques

c. Le déclin massif des invertébrés et des amphibiens

2. Des milieux aériens fortement affectés par les pratiques agricoles intensives

a. La disparition des insectes

b. Le nombre d’oiseaux a décliné de près de 60 % pour les espèces des milieux agricoles

3. Des sols de moins en moins vivants en milieux agricoles

C. Un modèle agricole largement dépendant des intrants

1. L’utilisation importante de pesticides en France, conséquence d’un modèle agricole intensif

a. Une consommation importante de pesticides

b. Un modèle agricole largement dépendant des pesticides

2. Des effets préoccupants sur la biodiversité

3. Des méthodes d’évaluation sous-estimant la toxicité des pesticides

a. Les manquements de l’évaluation de la toxicité de la substance active au niveau européen

b. Les manquements de l’évaluation de la toxicité du produit au niveau français

PARTIE II : des solutions connues et accessibles : les pratiques agricoles alternatives favorables à la biodiversité

I. Les pratiques agricoles alternatives de nature à préserver et restaurer la biodiversité

A. La biodiversité, clé de voûte d’une production agricole durable et résiliente

1. La biodiversité rend des services écosystémiques à l’agriculture et à la société

2. Des services écosystémiques altérés dans les milieux agricoles

B. L’agroécologie : des solutions fondées sur la nature et la complexité des écosystèmes

1. Définition de l’agroécologie

2. Des techniques bénéfiques à la biodiversité et à la production agricole

a. Les différentes modalités de diversification végétale

b. L’adaptation des pratiques de travail des sols

3. La protection agroécologique des cultures : produire sans pesticides grâce à la biodiversité

II. Des modèles agricoles alternatifs plus ou moins respectueux de la biodiversité

A. L’agriculture biologique garantit des pratiques respectueuses de la biodiversité

1. Une certification européenne exigeante contrôlée annuellement

2. Vers un label « Biodiversité » au sein de l’AB ?

B. Plusieurs modèles n’offrent pas de solution durable à la crise de la biodiversité

1. L’agriculture de conservation des sols (ACS) demeure dépendante du glyphosate

2. L’agriculture de précision : les nouvelles pratiques fondées sur les biotechnologies, le numérique et la robotique ne sont pas des solutions d’avenir

3. Haute valeur environnementale : un label à l’ambition limitée, pouvant constituer un frein au développement de l’AB

III. Les freins au dÉploiement d’un modÈle agricole prÉservant la biodiversitÉ

A. Le besoin de rentabilitÉ Économique de l’exploitation

1. Le coût économique de la transition vers des pratiques agricoles préservant la biodiversité

2. L’environnement, un facteur de résilience et de meilleure santé économique des exploitations ?

3. Des pratiques agricoles nécessitant plus de main-d’œuvre

B. Un environnement socio-économique peu incitatif au changement des pratiques

1. L’imparfaite structuration des filières

2. Le manque de débouchés et la crise du bio

3. Une concurrence renforcée avec les accords de libre-échange

C. Un manque de formation et d’accompagnement des agriculteurs et des agricultrices sur les enjeux de biodiversité

1. La formation agricole initiale

2. Vers un conseil agricole indépendant et formé sur les pratiques agroécologiques

D. Les obstacles mentaux et les représentations sociales : témoignages de conversion en bio

Partie III : L’impact des politiqUes publiques et leviers

I. Une transition agroécologique insuffisamment accompagnée par les politiques publiques

A. Au niveau européen, l’Échec du verdissement de la politique agricole commune

1. La conditionnalité et le « second pilier » des aides de la PAC n’ont pas permis un changement significatif des pratiques agricoles

a. Des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et des aides à l’agriculture biologique (AB) faiblement dotées et non pérennes

b. L’écoconditionnalité et l’échec du « paiement vert »

c. Un bilan dissonant par rapport aux objectifs annoncés par l’Union

2. La PAC 2023-2027 : l’ambition limitée du plan stratégique national (PSN) français

a. Le second pilier de la PAC demeure sous-doté

b. L’écorégime français : des montants parmi les plus faibles d’Europe et de faibles exigences environnementales

c. Les MAEC, outil majeur de la transition agroécologique : une enveloppe largement sous-dotée pour 2023-2027

B. Au niveau national, des politiques « en silo » dont les objectifs peinent à être atteints

1. L’intégration partielle de la transition agroécologique dans les plans Écophyto

a. Le plan Écophyto I : l’ambition de réduire de 50 % l’usage des pesticides avant 2018

b. Le plan Écophyto II : l’ambition de réduire de 50 % l’usage des pesticides en 2025

c. Le plan Écophyto II + : l’ambition de sortir du glyphosate en 2022

d. Vers le plan Écophyto 2030

2. La redevance pour pollutions diffuses (RPD) ne sera pas augmentée en 2024 pour appuyer le Plan eau

3. La prise en compte résiduelle des enjeux environnementaux dans la politique d’installation des nouveaux agriculteurs et agricultrices

a. Une multitude de pressions sur les terres agricoles

b. Les aides à l’installation ne sont plus adaptées aux enjeux d’aujourd’hui

c. Un rôle limité des Safer dans la régulation de l’accès au foncier agricole

i. Sur le marché foncier rural

ii. Sur le marché des parts de société

4. Le soutien discontinu à l’agriculture biologique

5. Des politiques alimentaires encore trop éloignées des enjeux relatifs à la biodiversité

a. Les projets alimentaires territoriaux (PAT)

b. L’affichage environnemental des produits alimentaires

6. Une politique de soutien à la haie à poursuivre

a. Le Pacte en faveur de la haie

b. Il demeure urgent de conserver les haies existantes

c. Le label « Haie »

II. Synthèse des recommandations de la mission

A. renforcer les mesures de réduction du recours aux pesticides

B. Soutenir la diversification des milieux agricoles et la rentabilité économique des exploitations fondées sur l’agroécologie

C. rendre la PAC véritablement incitative au changement des pratiques agricoles

D. informer et sensibiliser les citoyens et garantir des débouchés aux productions agricoles durables, souveraines et respectueuses de la biodiversité

E. favoriser et accompagner la transition du monde agricole

F. Protéger une agriculture européenne durable

examen en commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

contribution écrite

LISTE DES PERSONNES rencontrées lors des déplacements

 


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   Avant-propos de Mme Laure Miller, présidente

Stopper puis inverser l’effondrement du vivant constitue l’un des défis de ce siècle. Nous le savons et ce n’est une surprise pour personne : le déclin de la biodiversité au niveau mondial est l’un des enjeux majeurs auquel l’humanité doit faire face.

Nous dépendons de la biodiversité pour tant de choses : se nourrir, boire, respirer (les terres et les océans absorbent plus de la moitié de toutes les émissions de carbone), se soigner ou encore produire car plus de la moitié du produit intérieur brut mondial dépend de la nature. La biodiversité que nous connaissons aujourd’hui est en crise. Produit de 4,5 milliards d’années d’évolution, la biodiversité connaît aujourd’hui un ébranlement dont les activités humaines sont en grande partie responsables. 

Face à l’urgence de la situation, l’heure n’est plus aux questionnements mais à l’action.

Cet ébranlement, nous en sommes tous les observateurs mais certains peuvent le mesurer au quotidien. Par leur travail au contact du vivant, les agriculteurs sont les premiers témoins mais aussi les premières victimes de l’érosion de la biodiversité. Les agriculteurs y sont confrontés chaque jour : la baisse de la population de pollinisateurs, indispensables à la production agricole, met à mal leur mission essentielle de nourrir le monde.

Premiers témoins de la crise de la biodiversité, les agriculteurs sont aussi des acteurs essentiels de sa préservation. Loin des caricatures, ils permettent le maintien et le développement de la biodiversité dans les territoires.

Néanmoins, nous devons aller encore plus loin. Il nous faudra poursuivre et accélérer la transition en encourageant les initiatives plutôt qu’en les stigmatisant, en accompagnant plutôt qu’en accentuant les clivages. Le métier d’agriculteur est aujourd’hui un métier difficile ; le Premier ministre en a pleinement conscience, notamment lorsqu’il annonce la présentation prochaine au Parlement d’un projet de loi sur le renouvellement des générations en agriculture. Nous devons donc aller plus loin pour que la préservation de la biodiversité ne soit pas une contrainte mais une chance de réinventer l’agriculture.

L’enjeu est d’assurer la viabilité économique de nos exploitations, condition première de notre souveraineté alimentaire, et de la conjuguer avec l’amélioration de nos pratiques agricoles en matière de biodiversité. En changeant nos modes de production agricoles, nous rendrons au vivant dans sa globalité, sa juste place.

Face à ce défi immense, l’État et le Gouvernement conduisent et continueront de poursuivre une action engagée en faveur de la reconquête de la biodiversité, en particulier avec la mise en place d’un écorégime, incluant un bonus haies, au sein de la nouvelle politique agricole commune, la poursuite d’une approche volontariste de développement de l’agriculture biologique et le soutien au secteur face aux difficultés conjoncturelles rencontrées. Cette action sera complétée par la mise en place du « Pacte en faveur de la haie » visant à obtenir un gain net du linéaire de haies de 50 000 kilomètres d’ici 2030 et à valoriser les atouts économiques, écologiques et climatiques de la haie. Enfin, la réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques, dans une logique de planification, d’anticipation et de développement d’alternatives crédibles, permettra de protéger et restaurer nos paysages ruraux.

Continuer d’agir, telle est la voie. C’est pourquoi les auditions menées dans le cadre de la présente mission d’information ont visé à dresser un état des lieux des effets des pratiques agricoles sur la biodiversité et à mieux connaître les bénéfices d’une biodiversité préservée pour la production agricole. 

Ces auditions très enrichissantes, m’ont permis de confirmer deux convictions : d’une part, la nécessité d’encourager davantage nos agriculteurs et les premiers de cordée dans leur transition en récompensant les bonnes pratiques qui, aujourd’hui, ne se traduisent pas par des résultats comptables et en améliorant l’accompagnement et les formations à la biodiversité ; d’autre part, la transition écologique de notre agriculture ne saurait reposer uniquement sur nos agriculteurs. En effet, les agriculteurs pourront changer leurs pratiques à condition que leurs débouchés soient en cohérence avec cette transition. Il est donc essentiel de faire en sorte que les négociants, les coopératives, les transformateurs et les industriels prennent leur part de responsabilité. Par ailleurs, continuer à mettre en concurrence des produits français de qualité avec des produits venant de l’étranger cultivés avec des pesticides n’a aucun sens.

Vos corapporteurs, les députés Mme Manon Meunier et M. Hubert Ott, ont bâti ce rapport et des recommandations à l’aune de ces travaux et je les en remercie très vivement.

Agriculture et biodiversité sont intimement liées. Tous ensemble, nous devons continuer d’agir pour que la préservation de nos écosystèmes se conjugue toujours avec nos objectifs de souveraineté alimentaire.

 


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  Introduction

Quelques années seulement séparent la publication du Printemps silencieux (« Silent Spring ») de Rachel Carson en 1962 qui acte une première prise de conscience des effets délétères des pesticides sur l’environnement et La Fin des paysans de Henri Mendras en 1967 qui prédit le déclin de cultures paysannes millénaires avec l’émergence de l’agriculture moderne productiviste.

Si l’agriculture a toujours façonné le vivant, les transformations rapides du modèle agricole à partir de la seconde moitié du XXe siècle n’ont jamais autant modifié les paysages agricoles et les dynamiques du vivant en leur sein.

Aujourd’hui, le constat global est alarmant : la biodiversité est en chute libre et la vitesse actuelle de son effondrement est sans précédent à l’échelle de l’histoire humaine. Les politiques publiques agricoles qui ont façonné le monde agricole ont une responsabilité majeure face à ce déclin. L’agriculture est impliquée dans les cinq grandes causes identifiées par le dernier rapport de la Plateforme gouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) ([2]) : la fragmentation et la dégradation des habitats naturels ; les changements climatiques ; la pollution des eaux, des sols et de l’air par les intrants de synthèse ; l’exploitation des animaux et des plantes ; les espèces exotiques envahissantes.

Toutefois, les paysages agricoles peuvent aussi être le lieu d’une biodiversité riche et spécifique. De nombreuses espèces ont co-évolué et co-évoluent encore au sein de paysages bocagers, pastoraux ou arboricoles préservés, à l’instar des oiseaux comme le héron garde-bœufs au nom évocateur, ou encore certaines pies‑grièches, aujourd’hui malheureusement en déclin. Des conversions engagées sur certaines exploitations montrent des résultats rapides en faveur de la biodiversité qui révèlent une résilience porteuse d’espoir. Des fermes riches en haies, arbres, mares et autres infrastructures dites agroécologiques obtiennent des relevés naturalistes particulièrement riches. L’agriculture peut donc être un levier majeur pour enrayer la sixième extinction de masse engagée.

Face à l’urgence, les travaux de la présente mission d’information ont visé d’une part, à évaluer précisément les effets des pratiques agricoles sur la biodiversité et identifier les techniques et les modèles agricoles plus respectueux qui utilisent la richesse des écosystèmes pour produire mieux et d’autre part, à faire le bilan des politiques publiques actuelles et apprécier comment celles-ci peuvent aujourd’hui mieux accompagner et encourager le changement des pratiques agricoles au bénéfice de la qualité de la production agricole et de l’alimentation, de la biodiversité, du bien-être des agriculteurs et de la souveraineté alimentaire.

Pour aboutir à leurs conclusions, vos rapporteurs ont rencontré et auditionné des professeurs et chercheurs de toutes les disciplines (historiens, sociologues, économistes, agronomes, agroécologues, biologistes, etc.), de nombreuses associations environnementales engagées auprès des agriculteurs (notamment Terre de Liens, Prom’Haies, Afac-Agroforesteries et la Ligue pour la protection des oiseaux), les syndicats agricoles (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, Confédération paysanne, Coordination rurale, Mouvement de défense des exploitants familiaux), les chambres d’agriculture, les coopératives agricoles, l’Office français de la biodiversité (OFB), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), la Commission européenne, les ministères de l’agriculture et de la transition écologique ainsi que des représentants des espaces protégés et de l’agriculture biologique (L’Agence Bio, la Fédération nationale des agriculteurs biologiques notamment).

Il était primordial pour vos rapporteurs de recueillir la parole des principaux intéressés, à savoir les agriculteurs, et c’est donc dans cette démarche d’ancrage au terrain que la mission a également réalisé trois déplacements.

Le premier, près de Niort dans les Deux-Sèvres et de Saint-Michel-en-Brenne dans l’Indre, a été l’occasion de visiter le site d’études du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de Chizé où l’équipe dirigée par M. Vincent Bretagnolle mène des expérimentations avec des agriculteurs locaux au sein de la « zone atelier Plaine et Val de Sèvre ». Vos rapporteurs ont également visité deux fermes, l’une en polyculture-élevage, l’autre en maraîchage biologique, et rencontré le tissu d’acteurs locaux (associations, élus, institutions publiques) en relation avec ces fermes, en particulier Terre de Liens Poitou-Charentes.

Le second déplacement, en Alsace, dans la circonscription de votre rapporteur, a permis de découvrir les initiatives visant à préserver la biodiversité en viticulture, d’observer les bénéfices environnementaux des élevages extensifs en montagne ainsi que d’échanger avec la diversité des acteurs locaux, tels que les associations, les représentants syndicaux, les élus et le parc naturel régional, engagés dans la conservation de la biodiversité dans les parcelles cultivées.

Un troisième déplacement, près de Limoges en Haute-Vienne, dans la circonscription de votre rapporteure, a permis la rencontre de nombreux agriculteurs et agricultrices ainsi que la visite d’autres modèles de fermes (élevage extensif d’ovins, polyculture-élevage notamment) en relation avec les acteurs du territoire (associations locales, représentants syndicaux et gestionnaires d’espaces protégés).

Vos rapporteurs ont été alertés par le constat alarmant, partagé et sans appel du déclin de la biodiversité dans les milieux agricoles, conséquence directe des « révolutions agricoles » successives (engrais de synthèse, produits phytosanitaires, herbicides, sélection génétique, mécanisation et machinisme agricole, nouvelles technologies, etc.) et de l’intensification des pratiques agricoles encore encouragée aujourd’hui.

La disparition des systèmes de « polyculture-élevage », l’agrandissement de la taille des exploitations et des parcelles, la spécialisation des cultures et la réduction de la biodiversité cultivée, la destruction de 70 % du linéaire de nos haies depuis 1950 ([3]) et de tous les réservoirs et corridors de biodiversité traditionnellement présents dans les paysages agricoles (arbres, prairies, mares, tourbières, marais…) ainsi que l’utilisation massive et généralisée d’intrants de synthèse sources de contamination de tous les milieux sont les dynamiques qui ont profondément transformé nos paysages agricoles autrefois variés et diversifiés. L’abondance et la diversité des populations vivantes, des espèces et des habitats naturels continuent aujourd’hui de décliner dans des paysages agricoles devenus majoritairement homogènes et continus.

Les milieux aquatiques concentrent les pollutions issues des activités agricoles avec des effets sur l’abondance des populations d’invertébrés aquatiques et d’amphibiens. Le nombre d’oiseaux en milieu agricole a diminué de près de 60 % depuis 1980 en Europe (contre 18 % pour les oiseaux forestiers) ([4]). En Allemagne, une réduction de 75 % de la biomasse d’insectes a été constatée sur trois décennies dans soixante-trois sites naturels entourés de terres agricoles ([5]). Le labour intensif, les engrais et les pesticides, les sols nus et la faiblesse de la diversité végétale cultivée dégradent la biodiversité des sols agricoles pourtant indispensable aux cultures, au stockage de carbone et à la régulation du cycle de l’eau.

L’utilisation massive d’intrants de synthèse contribue également à la perte de biodiversité. En 2021, 391 substances actives étaient autorisées sous 2 944 formulations et 3,4 kilogrammes de substances actives par hectare étaient utilisés en France. L’agriculture est identifiée comme la principale source d’introduction : tous les milieux sont contaminés par la pollution chimique. Face à ce constat préoccupant, les politiques publiques demeurent largement inefficaces : elles ne permettent pas au monde agricole de sortir de la dépendance aux pesticides dont les agriculteurs sont les premières victimes.

Cette déconnexion croissante entre la production agricole et le fonctionnement naturel des écosystèmes n’a pourtant rien de nécessaire. Au contraire, l’agriculture et la biodiversité ne sont pas à opposer : l’agriculture a besoin de la biodiversité tout autant que l’agriculture est nécessaire à la biodiversité. La biodiversité rend en particulier des services écosystémiques indispensables à la production agricole, comme la pollinisation des cultures par les abeilles, le stockage et la restitution de l’eau aux plantes cultivées, la fourniture de nutriments et la fertilisation des sols ou encore la régulation biologique naturelle des bioagresseurs. Elle est la clé de voûte d’une production agricole durable et la seule et unique réponse pour rendre l’agriculture résiliente face aux défis environnementaux.

Vos rapporteurs ont pu constater que les techniques agricoles qui utilisent ces services écosystémiques au bénéfice de la production agricole et de la biodiversité sont bien identifiées, à défaut d’être plus largement encouragées et diffusées auprès des milieux agricoles. Les personnes auditionnées ont alternativement parlé de « solutions fondées sur la nature » et de « pratiques agroécologiques ». Leur efficacité est reconnue par la communauté scientifique et les agriculteurs et agricultrices qui les mettent en œuvre. À l’échelle des parcelles, des exploitations et des paysages, ces solutions fondées sur la nature reposent largement sur l’adaptation du travail des sols de façon à préserver des sols vivants et l’augmentation du niveau de diversité végétale (diversité des variétés et des espèces cultivées simultanément et dans le temps dans le cadre de rotations ([6]) complexes, restauration et maintien d’infrastructures dites agroécologiques comme les haies, les arbres, les mares, les zones humides, etc.). La diversification des systèmes agricoles est par ailleurs ce qui permet de lutter contre les maladies et les ravageurs de cultures sans recourir à des intrants de synthèse ([7]).

Sans dénier la spécificité des problématiques rencontrées selon les types de cultures et les territoires (par exemple, le blé en grandes cultures), d’après leurs auditions, vos rapporteurs constatent que les freins actuels à la conversion d’une majorité d’exploitations vers l’agroécologie relèvent moins d’impasses techniques agronomiques – les solutions existent – ou encore économiques – la biodiversité pouvant être un facteur de résilience et de meilleure santé économique des exploitations – que d’un défaut majeur de l’État en matière de formation, d’accompagnement et de soutien financier aux agriculteurs sur qui reposent, encore trop, les risques financiers et techniques associés à une conversion.

Les filières sont également imparfaitement structurées, en particulier au niveau des débouchés, pour valoriser justement les produits agricoles issus de modes de production bénéfiques pour la biodiversité, l’environnement et la santé.

Ces mêmes produits agricoles sont par ailleurs injustement mis en concurrence avec des produits importés de pays dont les normes environnementales et sociales moins exigeantes sont préjudiciables aux agriculteurs.

Les modèles agricoles alternatifs sont pourtant reconnus aujourd’hui à travers des labels et des certifications ; toutefois, ils ne sont pas valorisés auprès des consommateurs ni soutenus par les politiques publiques proportionnellement à leurs bénéfices réels pour la biodiversité. L’agriculture biologique (AB) est aujourd’hui la seule certification contrôlée annuellement dont le cahier des charges exclut le recours aux engrais et aux pesticides de synthèse ; ce qui garantit un plus haut niveau de diversification dans les fermes biologiques favorables à la préservation de la biodiversité. Les surfaces exploitées biologiquement abritent en moyenne 30 % d’espèces en plus et 50 % d’individus en plus ([8]).

La Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB) propose aujourd’hui de compléter le label AB par un label « Biodiversité » destiné à encourager et valoriser les agriculteurs et agricultrices biologiques mettant en œuvre les pratiques agricoles les plus favorables à la biodiversité.

D’autres modèles comme l’agriculture de conservation des sols, l’agriculture de précision, l’agriculture raisonnée ou encore le label « Haute valeur environnementale » (HVE) n’offrent pas de garanties suffisantes à la préservation de la biodiversité. HVE, par exemple, s’appuie sur un cahier des charges qui apporte une valorisation environnementale mais reste accessible sans véritables changements de pratiques ([9]). De ce fait, il est attractif, mais les exigences limitées en matière de réduction des produits phytosanitaires doivent nous rappeler que les garanties en matière de préservation de la biodiversité sont au final assez limitées. En conséquence, vos rapporteurs appellent à mieux communiquer et clarifier les bénéfices environnementaux que permettent réellement d’atteindre les différents labels en parallèle des certifications, telles que l’agriculture biologique (AB) ou Ecocert. Il est indispensable que les consommateurs et le grand public ne soient pas induits en erreur par la confusion que peut entraîner la sémantique HVE par rapport aux exigences de l’AB.

La politique agricole commune (PAC) n’a pas permis d’enrayer le déclin de la biodiversité en Europe, d’après un rapport de la Cour des comptes européenne ([10]). Dans la nouvelle PAC 2023-2027 et sa déclinaison française au sein du plan stratégique national (PSN) approuvée par la Commission européenne le 31 août 2022, les aides à la conversion à l’agriculture biologique et les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) constituent les principaux dispositifs destinés à soutenir la transition agroécologique ; elles représentent seulement le tiers des aides du second pilier, soit moins de 7 % du budget PAC de la France pour la période 2023-2027. Alors que les MAEC sont déterminantes pour maintenir des espaces et milieux favorables à la biodiversité, la faiblesse du budget qui leur est alloué ne permet pas, dans plusieurs régions (Bretagne, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes notamment), de répondre aux demandes des agriculteurs et conduit à des tensions et des renoncements.

La déclinaison nationale du nouvel « écorégime », destiné à remplacer l’ancien « paiement vert » dont le bilan est très critiqué ([11]), est par ailleurs peu ambitieuse. En comparaison d’autres États membres, la France a fait le choix d’une stratégie « large et peu profonde » avec des montants parmi les plus faibles d’Europe et plus de 80 % d’agriculteurs éligibles. L’écorégime français ne constituera pas le levier incitatif décisif au changement de pratiques agricoles qu’il aurait pu être.

Les politiques publiques nationales sont également très insuffisantes pour enrayer le déclin de la biodiversité en milieu agricole. Depuis 2018, pas moins de trois plans Écophyto se sont succédés sans baisse significative de l’utilisation des pesticides. Selon vos rapporteurs, ces plans s’inscrivent dans une logique de substitution et maintiennent le monde agricole dans un mécanisme de dépendance.

La politique d’installation ne permet pas, elle non plus, d’encourager significativement les projets agricoles valorisant la biodiversité. Dans un contexte de baisse du nombre d’exploitants et d’exploitations et de vieillissement de la population active agricole, les politiques d’installation ne prennent pas encore suffisamment en compte les enjeux environnementaux, alors même que ceux-ci conditionnent de plus en plus la résilience économique de l’exploitation à l’heure des crises écologiques.

Le soutien à l’AB est pour sa part résiduel. Les aides publiques ne sont pas suffisamment incitatives pour susciter des conversions : en 2022, seulement 11 % de la surface agricole utile (SAU) était cultivé en AB. Confrontée à une crise conjoncturelle (baisse des prix du bio) et structurelle (baisse de la demande, concurrence d’autres labels, désinformation des consommateurs), l’agriculture biologique devrait faire l’objet d’un soutien inédit des pouvoirs publics.

Enfin, les politiques alimentaires constituent un levier incontournable pour stimuler la demande des consommateurs et de la restauration collective en productions agricoles respectueuses de la biodiversité. Vos rapporteurs préconisent le renforcement du soutien au déploiement des projets alimentaires territoriaux (PAT) et aux initiatives permettant de rendre accessible l’agriculture paysanne à tous les consommateurs.

Ainsi, ce rapport appelle à une prise de conscience sur l’état préoccupant de la biodiversité et la responsabilité de nos politiques publiques agricoles. Au-delà des enjeux environnementaux, la perte de biodiversité menace la souveraineté alimentaire française et la pérennité de l’agriculture (baisse des productions agricoles suite à la perte de services écosystémiques, accaparement du foncier agricole, dépendance aux pesticides et vulnérabilité des cultures face aux aléas climatiques). Il est donc de notre responsabilité de planifier et de mettre en œuvre une transition agroécologique ambitieuse.


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   PARTIE I : Le dÉclin de la biodiversitÉ dans les paysages agricoles

I.   Des paysages agricoles héritÉs : aux origines du modÈle agricole français productiviste

A.   Un modèle agricole intensif héritÉ des années 1960

Les pratiques agricoles se sont profondément transformées dans la seconde moitié du XXe siècle. Marquée par un idéal de progrès et de modernisation, cette transformation a abouti à l’émergence d’un modèle agricole dominant dit « conventionnel » fondé sur des objectifs de maximisation des rendements agricoles et des moyens comme la spécialisation des productions, le recours à des intrants de synthèse et la mécanisation des équipements agricoles.

Dans les années 1950, les exploitations agricoles françaises pratiquent majoritairement la polyculture-élevage. Ces systèmes reposent sur des associations de cultures adaptées aux types de terroirs et dont la diversité et la complexité des rotations ([12]) permettent de lutter contre les maladies et les ravageurs de culture. Un lien étroit y existe entre les animaux et les cultures : les élevages sont dimensionnés en fonction de la capacité de production végétale des exploitations et jouent un rôle essentiel en fournissant de la matière organique pour assurer la fertilité des sols et de la force de traction pour le matériel de culture ([13]).

À partir des années 1950, les systèmes de polyculture ou de polyculture-élevage déclinent au profit d’exploitations agricoles plus grandes et spécialisées dans un nombre restreint de productions végétales et/ou animales. Cette première « révolution agricole » repose sur des évolutions techniques (tracteurs et machinisme agricole, engrais de synthèse, produits phytosanitaires, herbicides, sélection génétique des variétés et des races, etc.) qui ouvrent la voie à une déconnexion croissante entre la production agricole et le fonctionnement naturel des écosystèmes.

Le recours aux intrants permet notamment la spécialisation des exploitations avec l’abandon des systèmes de rotations complexes entre les cultures et de la complémentarité entre les systèmes de culture et d’élevage.

Dans les systèmes d’élevage, l’intensification de la production est obtenue par le recours à des bâtiments d’élevage, la mécanisation de la distribution alimentaire et des équipements, la sélection génétique, le déclin des prairies permanentes au profit de systèmes fourragers intensifs et de la culture du maïs au prix d’investissements coûteux (drainage, irrigation, retenues d’eau, etc.) et au détriment des pratiques de pâturage extensif et de la mobilité des animaux.

Une seconde « révolution agricole », amorcée dans les années 1990 et fondée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication et les biotechnologies, accélère ces dynamiques. Elle donne naissance à l’agriculture et l’élevage dits de « précision » qui utilisent l’autoguidage des engins agricoles, l’ajustement des apports d’engrais sur les cultures, des équipements permettant l’automatisation de la traite et de l’alimentation des animaux, etc.

Cette transformation technique, économique et sociale de l’agriculture, perçue à l’époque comme vectrice de progrès et de modernité dans le contexte plus global des « Trente Glorieuses », a été encadrée et encouragée par les pouvoirs publics et les acteurs du secteur agricole, à travers la politique agricole commune (PAC) à partir de 1962 et les lois d’orientation agricole n° 60-808 du 5 août 1960 et n° 62-933 du 8 août 1962. Une politique agricole active de restructuration foncière et de soutien des prix et du crédit a encouragé les agriculteurs à restructurer leurs exploitations et réaliser des investissements coûteux en matériel.

La modernisation de l’agriculture s’est accompagnée d’un « bouleversement de la relation que les agriculteurs entretiennent avec la terre » : « la jeune génération (…) a commencé à voir dans la terre non pas un patrimoine familial à protéger, mais « un outil de travail » à utiliser le plus rationnellement possible. » ([14])

Si l’agriculture a toujours façonné le vivant et la biodiversité, comme l’ont souligné les historiens MM. Cornu et Béaur, lors de leur audition avec l’exemple de la production de « veau blanc » pour les boucheries parisiennes dès le XVIIe siècle ([15]), ses effets sur l’environnement se sont ainsi considérablement accélérés au XXe siècle.

Le modèle de l’agriculture intensive, issue de ces révolutions agricoles successives, repose sur une stricte séparation entre la nature et la culture. Les écosystèmes y sont perçus comme des supports de production qu’il s’agit de maîtriser et d’adapter à la production, plutôt que comme des ressources et outils pouvant rendre des services systémiques bénéfiques aux cultures. Au lieu de s’appuyer sur les capacités intrinsèques de production des écosystèmes, le système conventionnel repose sur des moyens de production externes. Les écosystèmes ont été « aménagés afin de permettre la mise en œuvre des nouvelles formes de production (arrachage des haies, agrandissement des parcelles, drainage, irrigation, etc.) et le contrôle des cycles de matière et des populations vivantes a été extrêmement poussé. » ([16])

B.   La modernisation de l’agriculture et ses effets sur les paysages agricoles

La « modernisation » de l’agriculture dans la seconde moitié du XXe siècle a ainsi profondément transformé les paysages agricoles et le métier d’agriculteur.

1.   Le déclin de la diversité paysagère et de la biodiversité dans les paysages agricoles

La taille des exploitations agricoles a d’abord considérablement augmenté en même temps que le nombre d’exploitations a diminué :

– La surface moyenne d’exploitation est ainsi passée de 21 hectares en 1970 à 69 hectares en 2020 (+14 hectares par rapport à 2010) d’après le dernier recensement agricole en France métropolitaine. Les grandes exploitations (au sens économique) exploitent aujourd’hui en moyenne 136 hectares. Les territoires à vocation céréalière (Bassin parisien, Centre-Val de Loire, Grand Est) présentent des superficies moyennes supérieures à 100 hectares ;

– Plus de quatre exploitations agricoles sur cinq ont disparu depuis 1950. Ces dynamiques se poursuivent aujourd’hui : entre 2010 et 2020, le nombre d’exploitations agricoles continue de baisser (-100 000 fermes). Le nombre d’élevages (-63 500) se réduit plus fortement que celui des exploitations à dominante végétale. Les grandes exploitations sont les seules dont le nombre s’accroît en 2020 ; elles représentent une exploitation sur cinq et exploitent près de 40 % du territoire agricole ([17]).

Évolution du nombre d’exploitations et de la surface agricole utilisée (SAU) moyenne en France métropolitaine entre 1970 et 2020

Source : Agrestre, octobre 2022.

Les agriculteurs ont spécialisé leurs cultures à la fois à l’échelle des parcelles et des territoires. Cette dynamique de spécialisation a profondément contribué à modifier les paysages agricoles :

– À l’échelle de l’exploitation, la polyculture a diminué au profit d’une tendance aux paysages de « monoculture » du fait de la spécialisation sur les cultures les plus rentables, la réduction de la diversité des plantes cultivées, la simplification des rotations et la disparition des éléments semi-naturels perçus comme contraignants (haies, arbres, bosquets, prairies, mares, etc.).

Ce modèle de production agricole a lui-même été rendu possible par l’utilisation d’intrants de synthèse qui permettent d’éliminer la nécessité d’une part, de plantes secondaires pour lutter contre les maladies et les bioagresseurs et d’autre part, d’animaux dont les déjections permettaient de fertiliser naturellement les sols (l’apport d’engrais chimiques s’y substituant) ;

– À l’échelle des paysages, l’agrandissement de la taille des parcelles et le déclin de l’élevage ont favorisé l’arrachage massifié des haies et la spécialisation des cultures a généré une forte homogénéité paysagère.

Paysage agricole de Beauce, première région céréalière d’europe

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Depuis 1950, 70 % du linéaire de haies a disparu des paysages agricoles. Le déclin de la haie continue de s’accélérer malgré les mesures de soutien : la perte est estimée à plus de 23 500 kilomètres par an sur la période 2017-2021 (contre 10 400 kilomètres par an entre 2006 et 2014) pour un linéaire total de haies estimé à 1,55 million de kilomètres par l’Institut géographique national (IGN) ([18]). Or, les haies constituent non seulement un facteur de diversité paysagère mais également des réservoirs de biodiversité majeurs offrant de nombreux services environnementaux aux agriculteurs et à la société (stockage de carbone, régulation de l’eau, abri pour les auxiliaires de culture ([19]), coupe-vent, ombre pour le bétail, etc.).

– À l’échelle des territoires et des régions, les productions se sont également concentrées géographiquement en réponse à des logiques économiques et commerciales ; reléguant à l’arrière-plan les critères d’ordre biologique et agronomique relatifs à la géologie et au type de sols.

RÉpartition des communes selon la prodUction agricole dominante
au 1er janvier 2019 (source : INSEE, d’après agreste)

Aujourd’hui, la Bretagne et les Pays de la Loire sont ainsi les principales régions productrices de porcs et de volailles. L’élevage de bovins est surtout situé dans le centre de la France. Les grandes cultures spécialisées (céréales, colza, tournesol, soja, lentilles, pois, etc.) se retrouvent sur un arc reliant le nord de la Nouvelle-Aquitaine à la région Grand Est, en passant par le Bassin parisien, tandis que les activités de maraîchage et d’horticulture sont principalement implantées dans le bassin méditerranéen, en Île-de-France et le long de la façade atlantique.

Des filières se sont structurées en amont et en aval de la production agricole avec en amont, une standardisation et donc une réduction de la diversité des produits agricoles (semences, races…) vendues par les coopératives, et en aval, l’industrialisation de la transformation des produits agricoles.

Les coopératives agricoles, acteur clé des filières agricoles

Le statut juridique des coopératives agricoles, hérité de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, est défini aux articles L. 521-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime.

Les sociétés coopératives agricoles « ont pour objet l’utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité » (article L. 521-1). Une coopérative est créée par des agriculteurs afin d’assurer en commun l’utilisation d’outils de production, de conditionnement, de stockage, de commercialisation ou de transformation des produits de leurs exploitations ainsi que leur approvisionnement en engrais et autres intrants. Aujourd’hui, trois agriculteurs sur quatre adhèrent à au moins une des 2 200 coopératives agricoles présentes sur l’ensemble territoire français. Elles représentent 40 % du chiffre d’affaires de l’agroalimentaire français et 190 000 emplois salariés ([20]).

Leur ancrage territorial et leur positionnement particulier leur permettent d’être des acteurs clés en amont et en aval de la production agricole. Toutefois, certaines coopératives se sont financiarisées et sont devenues de très grandes structures captant la valeur ajoutée du producteur et encourageant une agriculture industrielle intensive.

2.   Les transformations du métier de paysan : la fin des paysans ?

La « révolution agricole » s’est traduite par une simplification du travail des agriculteurs et agricultrices. Le recours à des équipements motorisés de plus en plus performants, à des variétés plus homogènes et productives et aux intrants de synthèse a changé la nature des tâches réalisées par les agriculteurs : par exemple, les rotations de cultures se sont simplifiées et réduites dans le temps et le nombre de passages nécessaires sur la parcelle pour implanter une culture a considérablement diminué.

L’évolution des pratiques agricoles a ainsi eu pour effet d’augmenter la superficie cultivée par actif agricole et de générer des gains en termes de temps de travail et de productivité du travail. Le volume produit par actif agricole a crû : à titre d’exemple, aujourd’hui dans le Bassin parisien, les équipements les plus performants permettent à un seul actif agricole de cultiver 250 hectares avec une rotation betterave/blé/féverole ou colza/blé.

En conséquence, le nombre d’actifs agricoles a considérablement diminué parallèlement à l’agrandissement de la taille des parcelles et la mécanisation du travail agricole. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, 36 % de la population active travaille dans le secteur agricole. En 1982, on compte 1,6 million d’agriculteurs exploitants (7,1 % de l’emploi total). En 2019, d’après les données de l’enquête « Emploi », les agriculteurs exploitants sont au nombre de 400 000 et représentent 1,5 % de l’emploi. Trois quarts sont des hommes et plus de la moitié sont âgés de 50 ans ou plus ([21]).

Le métier s’est également professionnalisé avec l’essor de l’enseignement agricole. Le niveau de formation des agriculteurs s’est élevé : aujourd’hui, environ 80 % des agriculteurs de moins de 40 ans possèdent un diplôme de niveau baccalauréat ou plus.

Toutefois, les travaux de Mme Sophie Devienne, chercheuse spécialiste de l’évolution des systèmes agraires, démontrent que la hausse des rendements et de la productivité du travail agricole ne s’est pas accompagnée de gains de revenus proportionnels, du fait du coût important des consommations intermédiaires (intrants notamment) et de l’adoption d’équipements de plus en plus performants mais coûteux. Seules les exploitations les plus importantes se sont ainsi retrouvées en capacité d’investir et de rentabiliser ces équipements face à la chute des prix des produits agricoles (céréales, viande de porc et de volaille, viande bovine, lait, etc.).

Évolution du prix des produits agricoles par rapport à celui des consommations intermédiaires et des biens d’équipement entre 1970 et 2015

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Source : Insee, d’après Sophie Devienne (2023).

C.   une agriculture plurielle

Si la révolution agricole de la seconde moitié du XXe siècle a profondément transformé les pratiques agricoles et impacté les paysages avec l’agrandissement de la taille des exploitations, la spécialisation des cultures et le déclin important de la diversité paysagère, l’agriculture d’aujourd’hui n’en demeure pas moins plurielle. D’importantes disparités demeurent entre les territoires et au sein de la profession agricole.

Si la taille des parcelles agricoles a considérablement augmenté en moyenne, les équilibres sont différents d’un territoire à l’autre. Au niveau départemental par exemple, la superficie moyenne varie de 21 hectares dans les Pyrénées-Orientales à 170 hectares en Haute-Marne.

Les territoires d’élevage marqués par un faible développement des grandes cultures ont pu conserver des paysages bocagers (espaces semi-fermés marqués par la présence de haies clôturant chaque parcelle). C’est le cas par exemple en Haute-Vienne où la mission a réalisé un déplacement. Le département compte 3 600 exploitations, dont 73 % en élevage et 8 % en polyculture-élevage (en déclin par rapport à 2010). Les prairies représentent 78 % de la surface agricole du département ([22]).

paysages agricoles de pâturage extensif
(haute-vienne, nord de limoges, 2023)

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A contrario, dans le sud des Deux-Sèvres près de Niort où la mission a également réalisé un déplacement, les paysages bocagers dominants avant la révolution agricole ont disparu et sont devenus rares. Le département compte 5 000 exploitations d’une surface moyenne de 89 hectares (+29 hectares par rapport à la moyenne nationale). Une exploitation sur trois est spécialisée en grandes cultures.

Paysage bocager résiduel (à gauche), paysage de gRandes cultures dominant (à droite) (Deux sevres, sud de niort, 2023)

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Au niveau national, en 2020, 52 % des exploitations sont spécialisées en production végétale et 38 % en production animale ; les fermes mixtes (polyculture ou poly-élevage) représentent seulement 10 % des exploitations. Trois exploitations sur dix sont spécialisées en grandes cultures.

Au-delà des types de cultures, les exploitations pratiquent des modes de production plus ou moins intensifs et extensifs, conventionnels et alternatifs. Seulement 12 % des fermes sont en agriculture biologique ([23]).

Au sein de la profession agricole, les disparités de niveau de vie sont fortes. Les revenus agricoles sont notamment plus faibles dans les territoires d’élevage (en particulier, bovins, ovins, caprins) que dans ceux de production végétale. Ils sont notamment plus élevés dans les territoires viticoles et dans ceux combinant diverses grandes cultures (céréales, plantes oléagineuses – colza, tournesol, soja, etc. – et protéagineuses – lentilles, pois, etc.) ([24]).

II.   Les effets des pratiques agricoles intensives sur la simplification des paysages et le déclin de la biodiversité

A.   l’agriculture intensive, cause majeure de l’appauvrissement de la biodiversité

Le mot « biodiversité » englobe la diversité du vivant, passée et présente, à tous les niveaux et à différentes échelles d’organisation biologique (individu, population, communauté, écosystème…). On distingue communément :

– la biodiversité génétique : diversité des gènes ;

– la biodiversité spécifique : diversité des espèces, intraspécifique (variété génétique des individus et des populations d’une même espèce) ou interspécifique (diversité des espèces) ;

– la biodiversité écosystémique : variété des milieux de vie.

Le constat est aujourd’hui sans appel : la biodiversité est en chute libre et la vitesse actuelle de son effondrement est sans précédent à l’échelle de l’histoire humaine.

D’après la Plateforme gouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) ([25]), 25 % des espèces suivies sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), soit environ 1 million d’espèces, sont menacées d’extinction dans les prochaines décennies. La France est le sixième pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées.

Le déclin actuel de la biodiversité affecte tous les pays, tous les milieux et toutes les espèces. 69 % des populations de vertébrés (mammifères, poissons, oiseaux, reptiles, amphibiens) ont disparu entre 1970 et 2018 d’après l’indice planète vivante (IPV) ([26]) ; 40 % des insectes sont en déclin au niveau mondial (alors qu’au moins 75 % des cultures alimentaires en Europe dépendent des insectes pollinisateurs).

L’IPBES identifie cinq causes majeures au déclin de la biodiversité, toutes liées aux activités humaines. L’agriculture est impliquée dans chacune de ces causes :

– les changements d’usage des terres, la disparition, la fragmentation et la dégradation des habitats naturels : le déclin des habitats naturels est lié à la disparition des éléments semi-naturels dans les paysages agricoles (haies, bosquets, arbres isolés, etc.), à la dégradation de la fertilité des sols, à des changements d’usage des sols (transformation de terres en surfaces cultivées), à des modifications des cours d’eau, etc. ;

– les changements climatiques : la pratique des sols nus (non couverts par des cultures) et la disparition des éléments arborés dans les surfaces agricoles réduisent la capacité des sols à stocker le carbone. Or, les sols contribuent au stockage de carbone (la matière organique des sols étant constituée pour plus de 50 % de carbone) et ainsi à la diminution des émissions de gaz à effet de serre ([27]). Certaines pratiques agricoles intensives ont également pour effet de réduire la capacité d’infiltration de l’eau dans les sols, ce qui peut renforcer les effets du changement climatique durant les épisodes de sécheresse ;

– la pollution des eaux, des sols et de l’air : l’utilisation d’intrants de synthèse (engrais et pesticides) est une source majeure de pollution de tous les milieux naturels (sols, cours d’eau, nappes souterraines, etc.) et impacte directement et indirectement la faune et la flore de tous les milieux ;

– l’exploitation directe des animaux, des plantes et d’autres organismes : la destruction de nids ou l’empoisonnement d’espèces est susceptible d’occasionner des dégâts ;

– les espèces exotiques envahissantes : celles-ci peuvent être introduites et propagées lors d’échanges commerciaux de semences ou de récoltes.

L’intensification agricole est ainsi la première cause du déclin de la biodiversité. Elle a « transformé des paysages autrefois variés, composés de nombreux petits champs et d’habitats diversifiés, en un terrain homogène et continu travaillé à l’aide de grosses machines et d’une main-d’œuvre fortement réduite (…) [ce qui a] entraîné une diminution de l’abondance et de la diversité de la végétation naturelle et par suite, de celles des espèces animales. » ([28])

Le déclin de la biodiversité des terres aGricoles sous l’effet de l’intensification des pratiques agricoles

Source : Cour des comptes européenne (2020).

Le déclin de la biodiversité dans les paysages agricoles est confirmé par les observations de terrain, notamment réalisées par les agriculteurs et agricultrices eux-mêmes dans le cadre de programmes de sciences participatives comme celui de l’Observatoire agricole de la biodiversité (OAB).

L’Observatoire agricole de la biodiversité : le suivi de cinq grands groupes taxonomiques en milieux agricoles

Lancé en 2009, l’Observatoire agricole de la biodiversité (OAB) est un programme de sciences participatives piloté par le ministère de l’agriculture dans le cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB). Il propose des protocoles d’observation de la biodiversité ordinaire à un réseau d’agriculteurs volontaires (1 216 agriculteurs concernés entre 2011 et 2017, représentant un total de 2 382 parcelles comprenant des grandes cultures, des prairies, des vignobles ou des vergers). Cinq protocoles sont proposés : « nichoirs abeilles solitaires », « transects papillons », « placettes vers de terre », « planches invertébrés terrestres », « enregistreur chauves-souris ».

Les observations de terrain collectées par les participants sont renseignées dans une base de données utilisée par la suite pour des analyses statistiques. Ce programme vise ainsi à améliorer la connaissance de la biodiversité ordinaire en milieu agricole, son évolution et ses liens avec les pratiques agricoles.

Il permet également de sensibiliser les participants aux enjeux relatifs à la préservation et à la restauration de la biodiversité, et d’accompagner, le cas échéant, le changement de leurs pratiques agricoles vers une plus grande prise en compte de la biodiversité.

Les résultats issus de ce programme confirment ceux de la littérature scientifique : les populations d’abeilles et de papillons sont en déclin général. L’utilisation d’intrants de synthèse (pesticides et fertilisation minérale) y est corrélée dans les vergers et les grandes cultures, tandis que dans les prairies, la fertilisation organique ou minérale est la principale pratique explicative.

Inversement, la diversification des paysages et la restauration d’éléments semi-naturels démontrent des effets positifs sur la biodiversité : en viticulture, la présence d’espaces boisés favorise les abeilles. En grandes cultures, un travail du sol allégé permet de soutenir les vers de terre ([29]). D’une façon générale, le vivant se caractérise par une résilience très importante : autant la biodiversité peut être difficile à mesurer, autant les actions mises en œuvre pour restaurer des écosystèmes qui y sont favorables entraînent rapidement des bénéfices visibles, à l’inverse du changement climatique. Les agriculteurs et les agricultrices rencontrés ayant converti leurs exploitations à des modes de production plus respectueux de la biodiversité ont tous constaté un retour des insectes et des oiseaux dans leurs champs.

Les pratiques agricoles responsables du déclin direct et indirect de la biodiversité sont connues et ont été rappelées par l’ensemble des personnes auditionnées dans le cadre de cette mission :

– l’utilisation d’intrants de synthèse (engrais et pesticides) qui contaminent les milieux et les organismes, et de façon systémique, rompent les liens entre la production agricole et les processus naturels ;

– la spécialisation des cultures avec la réduction de la diversité des plantes cultivées et la simplification des rotations de cultures dans le temps ;

– la spécialisation des races dans les élevages et le déclin des prairies naturelles gérées de façon extensive (pâturage) ;

– le déclin des infrastructures agroécologiques (IAE), cause majeure de la diminution et de la fragmentation des habitats de multiples organismes vivants. Les IAE peuvent être distinguées en trois types : ligneuses (haies, bosquets, alignements d’arbres…) ; herbagères (prairie naturelle, jachère, bande enherbée…) ; aquatiques (mare, tourbière, marais, fossé). Elles constituent des réservoirs de biodiversité et des corridors écologiques ([30]) essentiels dans les paysages agricoles ;

– l’augmentation de la taille des parcelles qui réduit les corridors écologiques ;

– la pratique du labour et d’un travail intensif du sol sans couverture végétale une partie de l’année (sols nus), l’utilisation de machines lourdes sur les sols, les pratiques de drainage ([31]) et d’irrigation, etc.

Le développement de l’agrivoltaïsme dans les paysages agricoles a également un impact sur la biodiversité méconnu qu’il conviendrait de questionner davantage. La pose de panneaux photovoltaïques artificiels peut avoir un impact direct sur la biodiversité des sols. Elle contribue également à réduire les surfaces cultivées et constitue en cela une forme d’artificialisation des sols ([32]).

B.   Des effets pluriels constatés dans tous les milieux naturels

1.   Des milieux aquatiques contaminés par des pollutions issues de l’agriculture

Depuis la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau, la ressource en eau est considérée comme partie intégrante du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et son utilisation, dans le respect des équilibres naturels, sont considérées comme d’intérêt général. L’article L. 120-1 du code de l’environnement précise également que le respect des équilibres naturels implique la préservation et, le cas échéant, la restauration des fonctionnalités naturelles des écosystèmes aquatiques, superficiels ou souterrains.

Dans le contexte du changement climatique, les écosystèmes tendent à être soumis à une pression accrue : l’étude scientifique « Explore 2070 » ([33]) prévoit, à l’horizon 2050-2070, une réduction des débits moyens des cours d’eau de 10 % à 40 % dans les bassins de la moitié Nord du pays et de 30 % à 50 % dans ceux de la moitié Sud, ainsi qu’une baisse du niveau des nappes souterraines de 10 % à 25 %. Par ailleurs, l’étude évalue les zones humides comme « fortement vulnérables ».

a.   Des données scientifiques incomplètes malgré des outils visant à assurer le suivi de la ressource en eau

La France a développé deux outils afin d’assurer un suivi de la ressource en eau et notamment de la contamination des milieux aquatiques : le dispositif de pharmacovigilance de l’Anses et les réseaux de surveillance de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer).

L’Anses pilote le dispositif de phytopharmacovigilance créé par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Ce dispositif permet de collecter et d’analyser des données relatives à la présence de résidus de produits phytopharmaceutiques dans les milieux, les aliments et leurs effets sur les êtres vivants et les écosystèmes. Il s’inscrit dans l’objectif du plan Écophyto visant à évaluer, maîtriser et réduire les impacts des pesticides sur la santé humaine et sur l’environnement. Une fois collectées, ces données permettent d’adapter les conditions d’autorisation, d’engager des mesures de gestion pour réduire l’exposition des zones à risque, ainsi que de suivre les méthodes d’évaluation des risques avant la mise sur le marché au niveau européen. Chaque année, ce dispositif, doté d’un budget d’environ 1,4 million d’euros, permet de financer des études spécifiques.

Depuis les années 1980 et dans le cadre de la directive cadre sur l’eau (DCE) et de la directive cadre stratégie pour le milieu marin ([34]), l’Ifremer surveille la qualité du milieu marin côtier en vue de sa préservation ou de sa restauration. L’institut étudie notamment les effets de la pollution chimique sur les organismes marins et sa persistance à travers :

– le réseau d’observation de la contamination chimique du littoral (Rocch) qui assure le suivi dans le temps des niveaux de contamination chimique du littoral. Les résultats d’analyse sont enregistrés dans la base Quadrige, consultable sur le site Surval ([35]) ;

– le réseau d’observation et de surveillance du phytoplancton et de l’hydrologie dans les eaux littorales (Rephy) ;

– le réseau de surveillance des phycotoxines dans les organismes marins (Rephytox).

Malgré les outils de surveillance développés par les pouvoirs publics, les organismes auditionnés soulignent le manque d’études relatives à l’impact des pratiques agricoles et en particulier des pesticides sur les milieux aquatiques et le déficit de connaissances pour certains produits autorisés, notamment pour les substances récemment mises sur le marché. Les nouvelles substances incluent celles homologuées dans le cadre du biocontrôle, les adjuvants, et les coformulants. De plus, l’Ifremer a alerté vos rapporteurs sur le besoin de suivre les produits de transformation présents dans les substances actives dont la rémanence est souvent plus longue et plus toxique que celle de la substance active à partir de laquelle ils sont produits.

b.   Le transfert des intrants utilisés en agriculture vers les milieux aquatiques

L’Ifremer et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) ont coordonné une expertise scientifique collective sur la contamination des pesticides et leurs effets sur la biodiversité. Cet état des lieux, publié en 2022, souligne notamment la contamination des milieux aquatiques continentaux et marins. L’agriculture, en raison du recours aux pesticides, est l’une des causes principales de cette contamination.

En 2019, plus de 40 % des eaux de surface et 34 % des masses d’eau souterraines sont affectées par des pollutions diffuses incluant les nitrates et les pesticides issus d’agriculture. Dans un contexte de raréfaction de la ressource en eau, la concentration moyenne en pesticides dans les eaux souterraines a significativement augmenté entre 2010 et 2018. En 2018, pour 35 % des points de mesure des réseaux de surveillance de la qualité des eaux souterraines, la concentration totale en pesticides dépasse la norme de 0,5 μg/l pour le total des 760 substances recherchées (contre 14 % en 2010) ([36]).

La contamination liée aux pesticides ne se limite pas aux espaces agricoles. Des traces de produits phytopharmaceutiques sont retrouvées dans l’ensemble des compartiments physiques (sol, eau, sédiments, air) et dans des zones géographiques éloignées des sources de contamination. Le milieu marin est donc l’ultime réceptacle des contaminations terrestres. À ce titre, l’Inrae a indiqué développer des modèles qui visent à suivre et prédire les transferts des intrants utilisés par les activités agricoles vers les milieux aquatiques en fonction des pratiques et des caractéristiques des bassins versants.

Concernant les produits phytopharmaceutiques, on distingue généralement les transferts horizontaux : dérive, ruissellement, drainage et les transferts verticaux : lessivage, lixiviation et volatilisation. Des transferts peuvent également avoir lieu via des végétaux, par absorption racinaire ou par contact, ou des animaux, par bioaccumulation et bioamplification le long des chaînes trophiques.

Les facteurs qui influencent le plus fortement les transferts sont : les propriétés physico-chimiques des produits utilisés (les insecticides néonicotinoïdes et pyréthrinoïdes sont jugés particulièrement problématiques) ; la stratégie et le matériel utilisé lors de l’application ; la culture traitée et sa structure tridimensionnelle ; les conditions météorologiques lors de l’application et après celle-ci ; l’état du sol, les caractéristiques pédoclimatiques de la zone traitée et son agencement paysager.

Enfin, la contamination de l’ensemble des espaces est le résultat des pratiques agricoles actuelles comme passées. Certaines molécules, interdites depuis plus de quinze ans, ont par exemple été retrouvées dans des zones subpolaires, telles que les Kerguelen. De même, l’Ifremer note que certaines molécules, comme le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) interdit depuis plusieurs décennies, ont été retrouvées jusqu’à 3 000 mètres de profondeur.

c.   Le déclin massif des invertébrés et des amphibiens

Dans les milieux marins, la contamination est généralement plus faible en raison de l’effet de dilution. Selon l’Ifremer, 88 % de la zone économique exclusive de la France est jugée en bon état, à quelques exceptions notables dans l’estuaire de la Seine, de la Somme, de la Loire et de la Vilaine. Par ailleurs, 28 % de la façade Manche – Mer du Nord est en mauvais état.

Lorsqu’ils sont contaminés, les milieux marins concentrent des substances issues des activités agricoles : produits phytopharmaceutiques, pharmaceutiques et contaminants biologiques (résistances aux antibiotiques, micro-organismes pathogènes). Aux Antilles, l’Ifremer a cartographié la présence persistante du chlordécone en mer. Certaines zones contaminées par cette substance font l’objet d’interdiction de pêche, totale ou partielle.

Dans les cours d’eau proches des surfaces agricoles, l’impact sur la biodiversité se traduit le plus souvent par une élimination de certaines populations de macro-invertébrés et une perturbation de certains processus écologiques, en particulier la décomposition de matière organique.

Il en est de même pour les amphibiens, qui sont également très touchés par le déclin de la biodiversité. Pour ces organismes, la littérature scientifique demeure fragmentée et il est difficile d’isoler les effets des pesticides sur ce déclin par rapport à ceux des autres pressions environnementales, telles que le changement climatique.

 

Recommandation n° 1 : Généraliser l’expérimentation des paiements pour services environnementaux (PSE) gérés à l’échelle des bassins par les agences de l’eau afin de rémunérer les agriculteurs et les agricultrices qui modifient leurs pratiques de façon à préserver la ressource en eau.

 

Recommandation n° 2 : Uniformiser sur l’ensemble du territoire les seuils d’alerte de contamination en pesticides des eaux superficielles et souterraines.

 

Recommandation n° 3 (Mme Manon Meunier) : Mettre en œuvre un moratoire de dix ans sur les autorisations de construction et d’exploitation de méga-bassines afin de disposer du temps nécessaire à la réalisation d’études scientifiques évaluant les impacts des retenues de substitution sur la biodiversité (débit, qualité de l’eau, santé des milieux aquatiques).

2.   Des milieux aériens fortement affectés par les pratiques agricoles intensives

a.   La disparition des insectes

L’étude relative au déclin des insectes de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) ([37]) identifie l’intensification de l’agriculture comme le principal moteur du déclin de la population d’insectes, notamment en raison de la surutilisation des pesticides. Leur toxicité engendre sur les insectes des effets non ciblés : leur spectre large et leur action systémique les rendent présents dans tous les organes de la plante. De plus, les résidus de pesticides ont une longue rémanence, entraînant une pollution des sols et de la faune sur le long terme.

Les données disponibles sur l’évolution des effectifs et de la diversité des insectes sont fragmentaires en raison des difficultés méthodologiques rencontrées pour la mesurer. En 2019, la France a procédé, dans le cadre de la directive européenne « Habitats, faune, flore » ([38]), à l’évaluation de l’état de conservation de quarante-quatre espèces d’insectes d’intérêt communautaire (vingt‑trois papillons, dix coléoptères, dix libellules et une espèce de sauterelle) : 56 % des évaluations concluent à un état de conservation défavorable. Des disparités importantes sont constatées selon la région biogéographique concernée (atlantique, continentale, alpine et méditerranéenne). Les résultats les plus mauvais sont dans la région atlantique avec deux tiers d’évaluations défavorables, alors que la région alpine dénombre 52 % d’évaluations favorables.

De même, l’indicateur européen des papillons des prairies « Butterfly grassland index » note une perte d’abondance de 39 % entre 1990 et 2017. En France, l’indicateur « Papillon » de l’Observatoire national de la biodiversité (ONB) relève que l’ensemble des départements est concerné par la disparition d’une espèce de papillons de jour. Si, dans l’ensemble, deux espèces de papillons de jour sur trois ont disparu, cette disparition touche inégalement le territoire national.

En Allemagne, une réduction de 75 % de la biomasse d’insectes a été constatée sur trois décennies dans 63 sites naturels entourés de terres agricoles ([39]). Dans les surfaces herbagères, une diminution de 67 % de la biomasse d’insectes et de 34 % des espèces a été observée en l’espace de dix ans ([40]). Une diminution de la biomasse et des espèces d’insectes s’avère particulièrement problématique car les insectes servent de nourriture à beaucoup d’autres espèces. Ils composent l’alimentation des oiseaux et plus globalement des vertébrés insectivores.

Enfin, la disparition des insectes entraîne une perte de fonctionnalité des écosystèmes. À titre socio-économique, cela équivaut à une perte non compensable de services écosystémiques : recyclage, pollinisation, régulation, équilibre des écosystèmes et qualité des sols.

b.   Le nombre d’oiseaux a décliné de près de 60 % pour les espèces des milieux agricoles

Une étude d’ampleur du CNRS et de l’université de Montpellier publiée en mai 2023 ([41]) démontre, en comparant plusieurs pressions liées à l’activité humaine sur les oiseaux en Europe (évolution des températures, de l’urbanisation, des surfaces forestières et des pratiques agricoles) que l’intensification de l’agriculture telle que mesurée par l’augmentation de la quantité d’engrais et de pesticides utilisée par hectare est la principale cause de la disparition des insectes et donc de celle des oiseaux.

En Europe, 800 000 oiseaux ont disparu depuis 1980, soit un quart de la population totale. Le nombre d’oiseaux en milieu agricole a diminué de 57 % contre 28 % pour les oiseaux urbains et 18 % pour les oiseaux forestiers.

En France, le nombre d’oiseaux agricoles et forestiers a respectivement diminué de 43 % et 19 %. A contrario, le nombre d’oiseaux nichant en milieu urbain a augmenté de 9 %. Certaines espèces sont particulièrement menacées comme le moineau friquet, le tarier des prés et le pipit farlouse dont les populations ont diminué de 75 % en quarante ans.

D’après les bases de données européennes, l’indice des populations d’oiseaux des champs (ou « oiseaux en milieu agricole ») confirme ces tendances : il fait état d’une diminution de 34 % parmi la population de 39 espèces communes sur les terres agricoles entre 1990 et 2017. À titre de comparaison, au cours de la même période, l’indice des populations d’oiseaux des forêts a augmenté de 0,1 % ([42]).

3.   Des sols de moins en moins vivants en milieux agricoles

Les sols constituent l’un des plus grands réservoirs de biodiversité et de ressources génétiques de notre planète. Leur biodiversité est extrêmement riche mais peu connue. Au total, les sols représentent 50 % à 75 % de la biomasse vivante des écosystèmes terrestres.

Les différentes composantes de la biodiversité des sols

Source : Schéma transmis par Mmes Annette Bérard et Apolline Auclerc, chercheuses spécialistes en biologie des sols.

Une diminution de la biodiversité des sols induit une perte des fonctions du sol. Un sol vivant rend en effet plusieurs services écosystémiques, dont certains sont essentiels à la production agricole :

– la régulation du cycle de l’eau par l’évitement des crues (absorption, infiltration de l’eau) et le soutien des étiages (période de plus bas niveau des eaux). D’une manière générale, l’efficacité de la porosité du sol est due à la vie du sol ;

– l’amélioration de la qualité de l’eau : le sol joue un rôle de filtre qui détoxifie et purifie l’eau ;

– la structuration des sols et l’évitement de l’érosion si le sol est vivant, couvert et non-labouré ;

– la régulation du climat via le stockage de carbone. Toutefois, le sol peut déstocker et produire des gaz à effet de serre – méthane, protoxyde d’azote – en cas de labour et d’apport d’engrais contenant du nitrate par exemple ;

– l’alimentation de l’homme grâce à l’apport des éléments minéraux nécessaires au développement des plantes ;

– la valeur esthétique des paysages.

Au niveau mondial, environ un tiers des sols est dégradé à des degrés divers ([43]). Selon M. Marc-André Sélosse ([44]), Mmes Apolline Auclerc et Annette Bérard, chercheurs spécialistes en biologie des sols, les modes de production agricoles intensifs sont particulièrement néfastes à la biodiversité des sols :

– le labour intensif force la respiration et déstocke de la matière organique morte (divisée par deux depuis 1950), entraînant une baisse de la rétention de l’eau, une érosion multipliée par dix, une contribution à l’effet de serre et à la baisse de la diversité des sols par manque de matière organique ;

– l’absence d’intercultures et la pratique des sols nus en hiver favorisent également l’érosion et la dégradation de la fertilité des sols (pertes de matière organique) ;

– les engrais minéraux, qui se substituent aux engrais organiques, contribuent aussi à diminuer la teneur en matière organique. Leur abondance conduit la plante à interrompre ses interactions (ou mycorhizes) avec des champignons du sol qui normalement l’aident à se nourrir. Ces champignons jouent également un rôle protecteur, en conséquence la plante devient plus facilement malade ;

– les pesticides, en particulier, les fongicides et les insecticides, perturbent la biodiversité des sols. Ils ont des effets sur certaines espèces du sol : 92 % des vers de terre présenteraient une contamination à au moins un pesticide ([45]) ;

– la monoculture et plus largement, la faiblesse de la diversité végétale diminuent les interactions entre les sols et les plantes.

La biodiversité des sols se caractérise néanmoins par sa résilience ; autrement dit, les dommages causés par des pratiques agricoles intensives demeurent largement réversibles, d’après les chercheurs auditionnés. Toutefois, les espèces disparues n’y reviendront pas « par enchantement » ; seule l’adoption de pratiques agricoles plus respectueuses de la biodiversité des sols peut permettre, après quelques années, de retrouver des sols vivants et fertiles.

Vos rapporteurs ont également été alertés par les chercheurs auditionnés sur l’insuffisance des observations et des études permettant d’aller plus loin dans certains diagnostics sur l’évolution de la biodiversité et de certaines espèces. Plusieurs secteurs de la recherche, comme celui de la biologie des sols, sont très peu financés. Plus largement, les connaissances scientifiques manquent dans les domaines agronomiques et écologiques pourtant essentiels à la transition agroécologique.

Recommandation n° 4 : Renforcer les financements publics alloués à la recherche publique française dans le domaine de la transition agroécologique de manière à garantir l’indépendance de la recherche et assurer la diffusion de ces connaissances.

C.   Un modèle agricole largement dépendant des intrants

Les surfaces agricoles sont travaillées avec des intrants, tels que les pesticides, les fertilisants, les effluents d’élevages, l’épandage des déchets ou encore les produits pharmaceutiques. Ces intrants ont des conséquences sur la biodiversité et les équilibres écosystémiques. Par exemple, depuis cinquante ans, la Bretagne est confrontée à la prolifération massive des algues vertes qui conduit à l’eutrophisation des baies. La prolifération résulte de la morphologie du littoral, caractérisée par des baies fermées et peu profondes, des conditions météorologiques favorables et l’apport excessif en nitrates en provenance des rivières, conséquence de l’élevage intensif ([46]).

1.   L’utilisation importante de pesticides en France, conséquence d’un modèle agricole intensif

Un produit pesticide se compose d’une substance active, d’un coformulant et d’impuretés. Par abus de langage, on parle de la substance active pour renvoyer à l’ensemble des molécules composant le pesticide. Par exemple, le glyphosate est la substance active du « Round up » qui contient d’autres molécules (coformulants), notamment des agents de pénétration qui vont permettre au glyphosate d’entrer dans la plante. Les impuretés sont les résidus de production.

Les pesticides sont classifiés selon leur activité biologique : les insecticides, les fongicides, les herbicides et les autres (rodenticides, taupicides, etc.). Parmi les produits phytosanitaires les plus vendus, on retrouve le glyphosate (herbicide breveté en 1971, présent sur le marché depuis 1974), le paraquat (propriétés herbicides découvertes en 1955, sur le marché depuis 1962), l’atrazine (herbicide commercialisé à partir de 1958) et les néonicotinoïdes, qui appartiennent à une nouvelle classe d’insecticides (sur le marché depuis le début des années 1990).

Dès 1962, la biologiste américaine Rachel Carlson, dans son ouvrage Le Printemps silencieux, dénonce les effets de la surutilisation des pesticides et autres produits chimiques sur la biodiversité. Encore aujourd’hui, l’utilisation des pesticides de synthèse est au cœur des débats sur l’agriculture.

a.   Une consommation importante de pesticides

Au niveau européen, 468 substances actives, comprenant les pesticides de synthèse et les produits de biocontrôle, sont autorisées. En France, 391 substances actives sont autorisées sous 2 944 formulations en 2021. En France, la vente de pesticides a augmenté : elle est passée de plus de 51 000 tonnes en 2009 à plus de 62 000 tonnes en 2018 (hors biocontrôle et produits autorisés en agriculture biologique) ([47]).

Toutefois, depuis 2019, la vente de pesticides a tendance à diminuer en France. En 2021, 43 103 tonnes de substances actives (hors biocontrôle et agriculture biologique) ([48]) ont été vendues. Par ailleurs, les pesticides les plus dangereux, à caractère cancérigène-mutagène-reprotoxique avéré ou supposé (CMR1), ont été interdits depuis l’adoption du règlement n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Les ventes de produits dont le caractère cancérigène-mutagène-reprotoxique est suspecté (CMR2) ont diminué de 57 % entre 2016 et 2020.

b.   Un modèle agricole largement dépendant des pesticides

L’agriculture conventionnelle française utilise des quantités importantes de pesticides de synthèse. Selon l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en 2021, la France utilisait 3,4 kilogrammes de substances actives par hectare de surface agricole utilisée, contre une moyenne de 3,3 kilogrammes pour l’ensemble des pays de l’Union européenne. Elle est le deuxième pays européen le plus consommateur après l’Espagne. Les pesticides utilisés sont principalement des fongicides (45 %) et des herbicides (40 %) ([49]).

L’agriculture conventionnelle française est largement dépendante de l’utilisation de pesticides. La simplification des paysages, la spécialisation des cultures et le déclin de la diversité des espèces et variétés cultivés et des éléments semi-naturels (haies, arbres, mares…) ont diminué la capacité de résilience naturelle des systèmes agricoles face aux bioagresseurs, comme l’illustre la culture de la betterave. Autrement dit, l’usage des pesticides ne paraît inévitable que dans les systèmes de production agricoles intensifs, spécialisés et peu diversifiés.

En 2020, une invasion de pucerons porteurs des virus de la jaunisse a réduit de 27,4 % la production française de betterave sucrière. Les exploitations en monoculture de betterave sont extrêmement dépendantes des insecticides de la famille des néonicotinoïdes. Or, les néonicotinoïdes sont interdits en Europe depuis 2018 en raison de leurs effets néfastes sur les pollinisateurs. Face à cette impasse, le Gouvernement a autorisé à titre dérogatoire l’usage préventif des néonicotinoïdes en enrobage de semences pour la betterave en 2021 et 2022 ([50]). Toutefois, dans un arrêt rendu le 19 janvier 2023 ([51]), la Cour de justice de l’Union européenne a interdit ce type de dérogations, estimant qu’elles n’étaient pas justifiées au regard des « risques aigus et chroniques élevés encourus par les abeilles provenant des semences traitées à l’aide de produits phytopharmaceutiques contenant ces néonicotinoïdes. »

2.   Des effets préoccupants sur la biodiversité

L’utilisation de pesticides en agriculture n’est pas neutre pour la biodiversité. Leurs effets peuvent être mesurés en comparant les parcelles cultivées en agriculture biologique et celles cultivées en agriculture conventionnelle. L’agriculture biologique, qui interdit le recours aux intrants chimiques de synthèse, augmente la diversité des organismes de 30 % et leur abondance de 50 % en moyenne pour différents groupes vivants (plantes, insectes, oiseaux) ([52]) .

Bien que l’évaluation du niveau de contamination de l’environnement par les pesticides soit imparfaite en raison du manque de données, l’expertise scientifique collective publiée par l’Inrae et l’Ifremer en 2022 ([53]) met en évidence que tous les milieux sont contaminés par les pesticides. On retrouve des pesticides dans tous les types de matrices : le sol, l’air et l’eau. L’agriculture est identifiée comme la principale source d’introduction et les surfaces agricoles sont les plus contaminées.

Les pesticides produisent des effets directs (intoxications létales ou sublétales) sur la biodiversité. Toutefois, de plus en plus d’effets non attendus et sans relation claire avec le mode d’action connu sont mis en évidence, notamment concernant les systèmes nerveux, immunitaires, endocriniens ou encore les interactions avec les microbiotes. Par ailleurs, l’expertise collective alerte sur le faible degré de sélectivité des pesticides ; leurs effets néfastes ne se limitent donc pas à une espèce.

Les pesticides sont également à l’origine d’effets indirects. Ils s’exercent principalement par la réduction des ressources alimentaires, notamment suite à l’application d’herbicides ou de fongicides ayant des propriétés insecticides et la perte d’habitats. Ainsi, la réduction des ressources alimentaires accentue les rapports de compétition vis-à-vis de la ressource alimentaire entre les différentes populations.

L’expertise met également en évidence le rôle des pesticides dans le déclin de certains groupes biologiques. D’une manière générale, les pesticides ont un effet nocif sur de nombreuses espèces, notamment une baisse de 40 % pour les invertébrés terrestres et aquatiques situés dans les espaces agricoles. Les oiseaux et chauves-souris sont également affectés par les pesticides, que ce soit par l’ingestion directe de semences traitées ou indirectement par l’ingestion d’appâts contaminés. Enfin, les amphibiens constituent le groupe biologique le plus touché par la réduction massive de biodiversité. Parmi les causes du déclin des amphibiens, la prévalence de maladies favorisées par l’exposition aux pesticides est identifiée comme cause de mortalité et de problèmes de développement.

Enfin, l’expertise collective confirme les effets des pesticides sur les services écosystémiques, notamment sur la pollinisation et la baisse de fertilisation des sols.

Les scientifiques auditionnés par vos rapporteurs ont alerté sur l’accélération du phénomène de résistance aux pesticides et le potentiel nocif méconnu des effets cocktail des pesticides entre eux. Depuis plusieurs années, l’apparition de résistance aux substances actives conduit à une perte d’efficacité des produits utilisés. Face à la perte d’efficacité, les doses appliquées augmentent et accentuent le phénomène de résistance. Enfin, l’association « Secrets toxiques » a souligné, lors de son audition, le fait que la majorité des travaux de recherche évalue les effets des pesticides sur l’environnement de manière isolée, sans prendre en compte les effets combinés de plusieurs produits et substances entre eux.

Recommandation n° 5 : Interdire les produits à base de néonicotinoïdes, de glyphosate et les fongicides inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI).

 

Les effets préoccupants des pesticides sur la santé des agriculteurs et des agricultrices

Plusieurs travaux de recherche démontrent les effets négatifs des pesticides sur la santé humaine. Une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) publiée en 2013 et actualisée en 2021 ([54]) dresse le bilan de plus de 5 300 publications scientifiques afin d’identifier les effets des pesticides sur la santé humaine. Pour les populations les plus exposées aux pesticides, à savoir les agriculteurs, l’expertise collective établit un lien de présomption forte entre l’exposition aux pesticides et sept pathologies :

– lymphomes non hodgkiniens (LNH) ;

– myélome multiple ;

– cancer de la prostate ;

– maladie de Parkinson ;

– troubles cognitifs ;

– bronchopneumopathie chronique obstructive ;

– bronchite chronique.

Par ailleurs, les travaux de l’Inserm établissent une présomption forte de lien entre l’exposition aux pesticides de la mère pendant la grossesse ou chez l’enfant et le risque de certains cancers, en particulier les leucémies et les tumeurs du système nerveux central.

3.   Des méthodes d’évaluation sous-estimant la toxicité des pesticides

Avant leur mise sur le marché, les produits phytosanitaires doivent faire l’objet d’une procédure d’homologation en deux phases. Dans un premier temps, la substance active doit être autorisée au niveau européen. Puis, les États membres autorisent l’usage d’un produit sur leur territoire.

Les méthodologies d’évaluation utilisées conduisent à des divergences d’analyses, comme le montre le cas emblématique du glyphosate. Celui-ci est un herbicide non sélectif absorbé par les feuilles des plantes sur lesquelles il est pulvérisé. Il s’agit du désherbant le plus vendu au monde. Le 16 novembre 2023, la Commission européenne a renouvelé l’autorisation de cette substance pour une durée de dix ans sur la base des conclusions publiées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Dans une étude publiée le 6 juillet 2023, l’Efsa conclut que le glyphosate n’est pas un « domaine critique de préoccupation » alors que les travaux de l’Inserm et du Centre international de recherche sur le cancer classent le glyphosate comme « cancérigène probable pour l’humain ».

Selon l’Inserm, ces divergences sont d’abord liées à des méthodes de travail différentes :

– tout d’abord, concernant la nature de l’herbicide, l’expertise collective de l’Inserm prend en compte les études du glyphosate sous toutes ses formes (notamment les formulations commerciales comme le Round-up) alors que l’Efsa se concentre uniquement sur le glyphosate pur ;

– en outre, l’Inserm et l’Efsa se basent sur des littératures scientifiques différentes. Certaines études scientifiques n’ont pas été utilisées par l’Efsa en raison de critères de fiabilité ou de pertinence différents de ceux des experts rassemblés par l’Inserm. Par exemple, pour répondre à la question des effets du glyphosate sur la reproduction, l’Inserm retient 21 études, alors que l’Efsa n’en retient qu’une seule, considérée comme pertinente et fiable. Cette différence peut s’expliquer par le fait que les modèles récents utilisés en toxicologie dans les laboratoires académiques ne sont pas pris en considération par la toxicologie réglementaire. Symétriquement, l’expertise collective de l’Inserm n’a pas eu accès aux études des industriels non publiées dans la littérature, contrairement à l’Efsa.

a.   Les manquements de l’évaluation de la toxicité de la substance active au niveau européen

Au niveau européen, la Commission européenne fixe les critères d’approbation des substances actives (voir ci-dessous). L’Union européenne doit prendre en compte la toxicité d’une molécule dans un exemple de produit, dit « formulation représentative ». Après examen par le comité phytosanitaire permanent, la substance est inscrite sur une liste positive et pourra ensuite être incorporée dans un pesticide.

Le règlement CE n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil vise à « garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, et dans le même temps [à] préserver la compétitivité de l’agriculture communautaire ». Le 3° de l’article 4 (critères d’approbation des substances actives) dudit règlement conditionne l’autorisation des substances actives présentes dans un produit phytopharmaceutique au fait que le produit :

– n’a pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine ou sur la santé animale, directement ou par l’intermédiaire de l’eau potable, des denrées alimentaires, des aliments pour animaux ou de l’air, ou des effets sur le lieu de travail ou d’autres effets indirects, compte tenu des effets cumulés et synergiques connus, lorsque les méthodes d’évaluation scientifiques de ces effets, acceptés par l’Efsa, sont disponibles, ou sur les eaux souterraines ;

– n’a aucun effet inacceptable sur les végétaux ou les produits végétaux ;

– ne provoque ni souffrance, ni douleurs inutiles chez les animaux vertébrés à combattre ;

– n’a pas d’effets inacceptables sur l’environnement ;

– prend en compte les « effets cumulés et synergiques connus ».

Malgré les dispositions prévues par le règlement européen, plusieurs failles persistent dans la procédure d’homologation. L’approche « par composés » évalue la toxicité du produit à partir de la toxicité connue de chacun des composés, et non des effets des molécules ensemble. Lors de son audition par la commission d’enquête sur les impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale ([55]), le directeur de l’Efsa a indiqué travailler sur une nouvelle méthodologie qui permettrait d’étudier les effets synergiques des molécules entre elles.

Par ailleurs, le point 116 de l’arrêt de la CJUE du 1er octobre 2019, dit arrêt « Blaise », met en avant l’insuffisance des tests relatifs à la toxicité de ces produits : « les tests sommaires mentionnés par la juridiction de renvoi ne sauraient suffire à mener à bien cette vérification ».

b.   Les manquements de l’évaluation de la toxicité du produit au niveau français

En France, l’autorisation des produits pesticides est délivrée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et la direction générale de l’alimentation (DGAL) du ministère chargé de l’agriculture. Le dossier biologique du produit à homologuer doit garantir son efficacité, sa sélectivité vis-à-vis de la culture concernée et son innocuité vis-à-vis de l’applicateur, du consommateur et de l’environnement. L’Anses évalue l’ensemble des dossiers, émet un avis qu’elle transmet à la DGAL qui se charge de délivrer l’autorisation de mise sur le marché (AMM).

Lors des auditions menées par vos rapporteurs, plusieurs faiblesses ont été identifiées dans la procédure d’autorisation des produits pesticides. Tout d’abord, la réglementation européenne dispose que le « produit phytopharmaceutique » dans son ensemble ne doit pas avoir d’effet sur la santé et l’environnement, et non la substance active déclarée qui n’est jamais utilisée seule. Les produits commercialisés sont souvent plus toxiques que la substance active homologuée seule.

La Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (Cndaspe) a indiqué, dans un avis publié le 7 novembre 2022 ([56]), que sur deux dossiers étudiés, seuls les risques associés aux substances actives sont pris en compte dans les dossiers des préparations commerciales constitués pour les AMM délivrées par l’Anses.

De plus, lors du dépôt d’une demande d’AMM, il n’est pas requis de fournir des données expérimentales sur la toxicité à long terme de la molécule.

Enfin, des risques de sous-déclaration des composés présents dans les pesticides existent. Une étude ([57]) sur trois pesticides de synthèse commercialisés démontre ainsi la présence de métaux lourds, d’arsénique de plombs et de résidus de pétrole.

Face à ces manquements, cinq associations ([58]) – Notre affaire à tous, Pollinis, Biodiversité sous nos pieds, Association pour la protection des animaux sauvages, Association nationale pour la protection des eaux et rivières – ont engagé en janvier 2022 un recours pour carence fautive de l’État devant le tribunal administratif de Paris. Les associations mettent ainsi en cause la responsabilité de l’État français pour manquement à ses obligations en matière de protection de la biodiversité, et plus précisément, concernant les manquements des processus d’autorisation de mise sur le marché de pesticides dont l’usage intensif est l’une des causes du déclin de la biodiversité.

Dans un arrêt rendu le 29 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a reconnu le préjudice écologique lié à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, plus précisément « résultant de la contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des eaux et des sols par les substances actives de produits phytopharmaceutiques, du déclin de la biodiversité et de la biomasse et de l’atteinte aux bénéfices tirés par l’homme de l’environnement ». La responsabilité de l’État a été engagée sur le terrain d’une part, du non-respect des objectifs fixés en matière de réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques, et d’autre part, de l’obligation de protection des eaux souterraines.

Recommandation n° 6 : Évaluer la toxicité à long terme des formulations (substance active, coformulants et résidus) des produits pour lesquels est demandée une autorisation de mise sur le marché ainsi que les effets combinés entre ces produits et l’impact sur divers organismes, notamment ceux constituant la biodiversité des sols.

 

De nouveaux pesticides à l’origine de modifications génomiques

De nouveaux pesticides sont développés à partir d’acides ribonucléiques interférents (ARNi), également appelés « pesticides extincteurs de gènes », pour lutter contre les ravageurs des cultures.

Les pesticides élaborés à partir d’ARNi sous forme de produit pulvérisé ne visent pas à modifier l’ADN des plantes. Le produit agit sur l’organisme cible en empêchant l’expression de protéines spécifiques conduisant à la mort de l’organisme ciblé. Ces produits doivent être évalués avant leur mise sur le marché selon les règles prévues par le règlement (CE) 1107/2009 pour les produits phytopharmaceutiques et le règlement (UE) 528/2012 pour les biocides. Selon les informations transmises à vos rapporteurs, à ce jour aucun produit de ce type n’a été autorisé. Néanmoins, des expérimentations ont été menées en France sur la période 2020-2021 par l’entreprise GreenLight Biosciences pour un spray visant le doryphore, un ravageur de la pomme de terre.

Les pesticides développés à partir d’ARNi peuvent également être obtenus par une modification génétique de la plante afin que la plante produise elle-même des ARNi. Dans cette hypothèse, la réglementation relative aux organismes génétiquement modifiés s’applique. Un texte européen relatif aux nouvelles techniques génomiques est en discussion entre États membres.

Cette nouvelle gamme de pesticides est encore très peu étudiée, la nature des modifications induites dans les végétaux est encore méconnue et les risques pour la biodiversité n’ont fait l’objet d’aucuns travaux scientifiques.

Après des décennies de transformation fondées sur des logiques productivistes destructrices pour la biodiversité et la diversité des paysages agricoles, l’agriculture se situe aujourd’hui au carrefour d’une transition générationnelle, environnementale et climatique inévitable.

Cette transition nécessite de la concertation avec les acteurs agricoles et un accompagnement ambitieux des pouvoirs publics. Lors d’une table ronde avec les syndicats agricoles en Alsace, vos rapporteurs ont pu constater qu’au-delà des divergences qui existent entre différents agriculteurs sur un même territoire, il existe une volonté de travailler ensemble et des solutions communes.


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   PARTIE II : des solutions connues et accessibles : les pratiques agricoles alternatives favorables à la biodiversité

I.   Les pratiques agricoles alternatives de nature à préserver et restaurer la biodiversité

A.   La biodiversité, clé de voûte d’une production agricole durable et résiliente

1.   La biodiversité rend des services écosystémiques à l’agriculture et à la société

L’agriculture et la biodiversité ne sont pas à opposer : l’agriculture a besoin de la biodiversité tout autant que l’agriculture est nécessaire à la biodiversité.

L’agriculture repose fondamentalement sur la diversité des plantes cultivées et des animaux élevés. La biodiversité fournit également de nombreux services écosystémiques (SE) aux agriculteurs et à la société. Certains sont indispensables à la production agricole comme la pollinisation des cultures, la fertilité des sols, la régulation du cycle de l’eau ou la régulation biologique des bioagresseurs.

L’étude française des écosystèmes et des services écosystémiques (Efese) réalisée sur les écosystèmes agricoles en 2017 ([59]) identifie précisément trois familles de SE rendus par les écosystèmes agricoles :

– les SE « intrants » qui fournissent les conditions propices à la croissance des cultures : la structuration du sol ; la fourniture d’azote minéral et d’autres nutriments aux plantes cultivées ; le stockage et la restitution de l’eau aux plantes cultivées ; la stabilisation des sols et le contrôle de l’érosion ;

– les SE qui protègent les rendements agricoles en limitant les pertes : la pollinisation des espèces cultivées ; la régulation des graines d’adventices ; la régulation des insectes ravageurs ;

– les SE rendus par les écosystèmes agricoles à la société : la décontamination des sols ; la régulation de la qualité de l’eau ; le stockage et la restitution de l’eau bleue ; la régulation du climat par l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et le stockage de carbone ; et enfin le potentiel récréatif.

La pollinisation, un service écosystémique essentiel à l’agriculture

La pollinisation est le processus de fécondation des plantes femelles par le pollen issu des plantes mâles. Elle peut se faire à l’aide du vent, des oiseaux et surtout, par les insectes et en particulier les abeilles et les bourdons. La fécondation issue de la pollinisation permet à la plante de produire des fruits et des semences fertiles dont pourra ensuite émerger une nouvelle génération de plantes.

Les pollinisateurs jouent un rôle crucial dans la production alimentaire : au niveau européen, 84 % des espèces végétales cultivées dépendent directement de la pollinisation par les insectes. Au nouveau mondial, 35 % de la production agricole dépend de la pollinisation et celle-ci contribue à 87 des 124 principales cultures identifiées par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Prenant acte des incidences d’une crise des pollinisateurs, la Convention sur la diversité biologique a placé la conservation et l’utilisation durable des pollinisateurs au rang des priorités absolues. En France, cet objectif se traduit dans le Plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation pour la période 2021-2026.

L’exemple de la pollinisation est emblématique de la valeur des services rendus par le vivant à la production agricole. D’après une étude menée par le Commissariat général au développement durable (CGDD) ([60]), la contribution des insectes pollinisateurs à la valeur marchande de la production végétale française destinée à l’alimentation humaine en 2010 est estimée entre 2,3 et 5,3 milliards d’euros (soit entre 5,2 % et 12 % de cette valeur).

Une étude de l’Inrae et du CNRS menée dans la « Zone atelier Plaine et Val de Sèvre » des Deux-Sèvres entre 2013 et 2016 montre une corrélation positive entre l’abondance d’abeilles et les rendements en colza (culture particulièrement dépendante de la pollinisation). La pollinisation par les abeilles surpasse même l’utilisation de produits phytosanitaires en termes de rendements et de rentabilité du colza. Si les deux stratégies permettent d’obtenir des rendements élevés, seule la pollinisation par les abeilles permet une rentabilité économique plus importante. Fondée sur la nature, la pollinisation ne nécessite pas le recours à des produits phytopharmaceutiques externes coûteux ([61]).

2.   Des services écosystémiques altérés dans les milieux agricoles

À l’échelle globale, l’érosion accélérée de la biodiversité s’accompagne d’une altération de ces services écosystémiques. La FAO alerte sur l’appauvrissement de la biodiversité contribuant spécifiquement à l’alimentation et l’agriculture ([62]) tandis que le niveau de fourniture des SE rendus par les écosystèmes agricoles décline.

À l’échelle des parcelles agricoles, la qualité des services écosystémiques indispensables à la production agricole et bénéfiques pour la société est d’autant plus dégradée que l’agriculteur y a substitué des intrants exogènes et des techniques néfastes pour la biodiversité (traitements phytosanitaires, travail du sol, irrigation, etc.).

A contrario, il existe des modèles agricoles qui utilisent ces interdépendances et les SE rendus par la nature au bénéfice de la production agricole. On parle alors d’« agroécologie ».

principales relations entre les composantes de la bioDiversité et le niveau de fourniture des services Écosystémiques des systèmes agricoles

Source : Inrae (2017).

B.   L’agroécologie : des solutions fondées sur la nature et la complexité des écosystèmes

1.   Définition de l’agroécologie

L’agroécologie renvoie à une approche systémique des écosystèmes et de la production agricole ; la biodiversité y est appréhendée comme un facteur de production, et à ce titre, préservée voire restaurée. Elle est « une façon de concevoir des systèmes de production qui s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes. » ([63])

Le terme est codifié par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. L’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime prévoit ainsi que « les politiques publiques visent à promouvoir et à pérenniser les systèmes de production agroécologiques, dont le mode de production biologique, qui combinent performance économique, sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire. » Ces systèmes sont notamment définis comme étant « fondés sur les interactions biologiques et l’utilisation des services écosystémiques et des potentiels offerts par les ressources naturelles, en particulier les ressources en eau, la biodiversité, la photosynthèse, les sols et l’air, en maintenant leur capacité de renouvellement du point de vue qualitatif et quantitatif. »

À la différence de l’agriculture biologique, l’agroécologie n’est pas un label et ne fait pas l’objet d’une procédure de certification reconnue par les pouvoirs publics. Elle constitue davantage un paradigme alternatif au modèle agricole dit « conventionnel » fondé sur une approche globale et complexe des modes de production agricole et de leurs écosystèmes, de nature à pérenniser les uns et les autres. Lors de son audition, l’agricultrice Mme Camille Joyeux a résumé son approche agroécologique en ces termes : il s’agit pour elle de « s’inspirer des écosystèmes naturels et de leur fonctionnement » pour « créer des agroécosystèmes complexes, lieux de nombreuses interactions dont certaines se révèlent particulièrement favorables à la production agricole. »

L’ensemble des auditions menées dans le cadre de la présente mission d’information converge vers l’idée que les systèmes de production agroécologiques constituent aujourd’hui la seule et unique réponse soutenable et durable pour enrayer le déclin de la biodiversité dû aux pratiques agricoles intensives et améliorer la résilience de l’agriculture face au changement climatique.

Si l’agroécologie invite ainsi à une transformation systémique des façons de produire en agriculture, le terme n’en est pas moins polysémique dans ses différentes interprétations, et peut être sujet à débats :

– L’agroécologie peut renvoyer à une large diversité de pratiques et de modes production agricole, dont l’agriculture biologique (article L. 1 précité), mais pas uniquement.

À ce titre, l’agroécologie est notamment à distinguer de l’agriculture de précision et plus globalement, des solutions fondées sur les nouvelles technologies (numériques, robotique, intelligence artificielle, etc.). Celles-ci ne prennent pas en compte la nature et la biodiversité comme supports de production. En des termes plus familiers, « les pollinisateurs ne pourront jamais être remplacés par des drones. » ([64])

Plusieurs agriculteurs et agricultrices font également le choix de ne pas obtenir la certification AB tout en mettant en œuvre des pratiques relevant de l’agroécologie. Inversement, le label AB regroupe des agriculteurs qui mettent en place des pratiques agroécologiques à des niveaux variables ;

– Le terme « écologie » peut avoir une double interprétation politique et scientifique de nature à générer des incompréhensions, voire des réactions de rejet et de méfiance au sein de la profession agricole. D’un point de vue politique, le terme peut renvoyer à un projet de société à part entière, et ne pas apparaître comme neutre politiquement, alors même que d’un point de vue scientifique, l’écologie renvoie plus rigoureusement à la science des relations entre les espèces et les milieux. Les agriculteurs et agricultrices rencontrés par vos rapporteurs ont souligné que la mention de l’« écologie » pouvait être clivante et mal reçue au sein de la profession agricole.

À des fins de clarification des débats, plusieurs personnes auditionnées dans le cadre de la mission ont ainsi pu alternativement parler de « solutions fondées sur la nature ». Fondées sur un partenariat entre l’agriculture et la nature, les solutions fondées sur la nature impliquent également de comprendre et d’utiliser les différentes interactions qui se produisent dans les écosystèmes agricoles au bénéfice de la production agricole et de la résilience du système.

Elles sont notamment définies par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) comme « les actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les défis de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité. » Ce concept a été inscrit dans le programme mondial de l’UICN en 2013, puis reconnu au niveau international comme participant à l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) en 2015 dans le contexte de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP) de 2021.

2.   Des techniques bénéfiques à la biodiversité et à la production agricole

L’agroécologie promeut de nombreuses solutions techniques bénéfiques à la biodiversité tout autant qu’à la production agricole. Sans dénier les difficultés d’adaptation et de transformation des pratiques agricoles qui seront abordées dans un second temps, les travaux de la présente mission permettent de souligner que ces solutions vertueuses pour la biodiversité sont bien identifiées et reconnues, à défaut d’être plus largement encouragées et diffusées auprès des agriculteurs.

a.   Les différentes modalités de diversification végétale

La diversification végétale consiste à augmenter volontairement le niveau de diversité, par exemple par le remplacement d’une variété ou d’une espèce unique par un mélange de variétés ou d’espèces, l’augmentation des cultures au sein d’une rotation ou encore le développement de la végétation dite « semi-naturelle ». Elle se manifeste à différentes échelles (la parcelle, le paysage, le territoire ou la région) et différents niveaux (intraspécifique et interspécifique, temporelle, végétation cultivée et semi-naturelle) :

– La diversification intraspécifique consiste à augmenter la diversité des variétés cultivées d’une même espèce. On parle de « mélange variétal ». Elle peut être contrainte par le Catalogue officiel des espèces et des variétés qui définit les variétés pouvant être commercialisées ;

– La diversification interspécifique consiste à augmenter le nombre d’espèces végétales cultivées simultanément. Cette modalité de diversification peut prendre la forme de cultures associées lorsque toutes les espèces cultivées simultanément ont une finalité de production agricole (cultures de rente) ou de plantes dites secondaires ou de services lorsque certaines espèces sont plantées pour fournir un service écosystémique (comme la régulation des maladies et des bioagresseurs) et ainsi contribuer à la production agricole ;

Exemple de cultures associÉes (ferme en maraîchage biologique, Indre)

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– La diversification temporelle consiste essentiellement à complexifier les séquences de cultures au sein d’une rotation (nombre, nature, ordre des cultures de rente) ou à introduire des cultures supplémentaires durant les périodes d’interculture (« couverts d’intercultures ») ;

– La diversification ne vise pas uniquement la végétation cultivée à des fins de production de biomasse ou de fourniture de services écosystémiques (plantes secondaires) mais également la végétation spontanée dite « semi-naturelle ». La diffusion d’éléments semi-naturels dans les exploitations et les paysages agricoles comme les haies, les bordures boisées ou herbacées, les lisières de forêts, les bosquets d’arbres ou les arbres isolés, les prairies naturelles ([65]), les jachères ([66]) mais également les fossés, les noues, les mares, les tourbières, les zones humides offrent autant d’habitats diversifiés pour des milliers d’espèces tout autant que des services écosystémiques pour l’agriculteur (pollinisation, stockage d’eau, fertilisation des sols, régulation du cycle de l’eau, etc.).

jeune haie fourragère avec des essences pâturables (à gauche) et bordures de prairies boisées (à droite) (ferme d’élevage biologique, deux-sèvres)

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Restauration d’une mare (ferme en maraîchage biologique, deux-sèvres)

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Les mares constituent des réservoirs de biodiversité en déclin. Mme Magali Migaud, représentante de Deux-Sèvres Nature Environnement, constate qu’entre 25 % et 40 % des 30 000 mares recensées dans les années 2000 ont ainsi disparu dans l’ancienne région de Poitou-Charentes, alors même que ces espaces abritent des auxiliaires de culture précieux pour l’agriculture. Elle rappelle à ce titre que « les libellules sont des insecticides naturels » ([67]) ;

– La diversification du paysage peut également être appréhendée comme une modalité à part entière de diversification. Elle touche à la diversité de la composition végétale (nature des cultures) et de la configuration (taille et forme des parcelles, répartition des cultures) des exploitations. La petite taille des parcelles et la diversité des choix de rotation sur un même territoire favorisera donc la diversité des paysages.

synthèse des Modalités de diversification végétale à l’échelle de
la parcelle et des paysages (source : ESCO)

– À l’échelle des territoires, la diversification implique de déspécialiser les régions agricoles françaises. La spécialisation des régions dans certaines productions (grandes cultures céréalières en Beauce, élevage de volailles et de porcs en Bretagne…) est une dynamique récente indissociable de l’intensification de l’agriculture.

Recommandation n° 7 : Conduire une politique de diversification agricole des territoires, notamment afin de considérer dans l’aménagement du territoire la coopération entre les filières d’élevage et les filières de production végétale, et de permettre ainsi un cycle environnemental vertueux.

b.   L’adaptation des pratiques de travail des sols

L’adaptation du travail des sols agricoles constitue, avec la diversification végétale, un autre levier essentiel pour préserver et restaurer la biodiversité au bénéfice de la production agricole.

Comme présenté précédemment, une biodiversité importante des sols rend en effet plusieurs services écosystémiques précieux à l’agriculteur et à la société, en particulier la fertilisation des cultures, la régulation du cycle de l’eau (la capacité d’absorption et de rétention d’eau des sols étant d’autant plus importante que les sols restent « vivants »), l’amélioration de la qualité de l’eau, la limitation de l’érosion ou encore le stockage de carbone (instrument de lutte contre le changement climatique).

Pour favoriser ce partenariat naturel entre la biodiversité des sols et la production agricole, les approches agroécologiques préconisent de :

– diminuer le labour (travail du sol profond) et favoriser un travail superficiel des sols. Le label « Biodiversité » développé par la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB) préconise par exemple de limiter les surfaces avec un travail du sol au-delà de vingt centimètres de profondeur à 75 % des surfaces, puis 25 % après cinq ans.

Les visites d’une ferme en polyculture-élevage en Haute-Vienne et d’un domaine viticole à Kaysersberg ont permis de mettre en avant les bénéfices de l’utilisation de la traction animale en maraîchage ou en viticulture. Cette méthode permet d’économiser significativement du temps de travail tout en préservant la qualité des sols. Sur des petites surfaces, un travail manuel présente des bénéfices importants mais nécessite d’adapter les parcelles et les outils de façon ergonomique ;

Travail du sol utilisant la traction animale (à gauche, ferme en polyculture-élevage, Haute-Vienne) et manuel avec outils ergOnomiques (à droite, maraîchage biologique, Haute-vienne)

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– maintenir une couverture permanente des sols avec des intercultures en hiver, voire localement, des paillages avec de la matière organique ;

– utiliser des engrais organiques et diminuer, sinon supprimer les pesticides ;

– adapter les espèces cultivées (espèces résistantes aux maladies et ravageurs) et diversifier les cultures au sein de la parcelle et dans le temps (mélanges variétaux, associations de cultures, allongement des rotations…). Plus la rotation est diversifiée (deux à quatre espèces en rotation), plus l’activité et la diversité microbienne dans les sols sont élevées.

3.   La protection agroécologique des cultures : produire sans pesticides grâce à la biodiversité

C’est la mise en œuvre de ces différentes pratiques agroécologiques respectueuses de la biodiversité qui permet in fine de produire sans avoir besoin de recourir à des pesticides pour lutter contre les maladies ou les ravageurs. On parle de protection agroécologique des cultures ou de régulation naturelle des bioagresseurs. Ce mode de production vise à s’appuyer sur les processus écologiques et biologiques naturellement à l’œuvre afin de maintenir la population de bioagresseurs ([68]) sous un seuil de nuisibilité.

Elle s’oppose à la lutte chimique qui recourt aux pesticides de synthèse pour lutter contre les bioagresseurs mais dont l’emploi engendre des pertes massives de biodiversité, ce qui contribue paradoxalement à diminuer la résilience et la capacité du milieu agricole à réguler naturellement la population de bioagresseurs. On peut parler d’un cercle vicieux qui contribue à rendre les systèmes agricoles dépendants aux pesticides. Deux agriculteurs, rencontrés en Haute-Vienne dans le cadre de la mission d’information, l’un céréalier en agriculture biologique, et l’autre maraîcher biologique, constatent ainsi que leurs cultures sont significativement moins touchées par des agressions que celles de leurs voisins agriculteurs demeurés dans des modes de production conventionnels et qui n’ont pas ou peu diversifié leur paysage agricole. Autrement dit, ce sont les systèmes de production agricoles intensifs et surspécialisés qui contribuent largement à rendre l’usage des pesticides inévitable ; là où les systèmes plus diversifiés et complexes seront structurellement plus résilients et moins vulnérables aux bioagresseurs.

La diversité végétale et l’aménagement du paysage sont au cœur des modes de production permettant de supprimer tout recours aux intrants de synthèse. Dans la mesure où un même bioagresseur ne peut attaquer toutes les plantes cultivées, une augmentation de la diversité végétale a pour effet principal de « diluer » la plante hôte du bioagresseur dans un couvert végétal non hôte. La présence des ennemis naturels des bioagresseurs est également favorisée par la diversité végétale ([69]).

 

Exemple d’une ferme en maraîchage biologique diversifiée :
les « Jardins de Brenne » (Indre) ([70])

Mme Camille Joyeux et son compagnon définissent leur ferme (d’une superficie d’1,3 hectare) comme une « ferme en maraîchage biologique diversifiée » fondée sur les principes de l’agroécologie. La biodiversité y est conçue comme la clé de voûte d’une production agricole durable et résiliente. Ils mettent en avant de nombreuses attentions et pratiques dont la combinaison permet de ne recourir à aucun intrant de synthèse :

– Une attention à la santé de la plante dans la mesure où 80 % des problèmes sanitaires constatés sur les cultures sont des problèmes d’origine iatrogène, c’est-à-dire des problèmes résultant de mauvaises pratiques agricoles responsables d’une situation de stress chez la plante (fertilisation inadaptée, stress hydrique, pesticides…) ;

– Une attention à la santé du sol : l’objectif est de nourrir le sol afin que la plante y trouve les éléments nécessaires à son développement, ce qui implique un travail léger du sol (manuel), des apports de matière organique (compost, paillage, foin, déchets verts…), une couverture permanente du sol par des cultures densifiées ou des paillages, un recours aux engrais verts et des cultures diversifiées (rotations, associations de cultures, successions) ;

– La conservation et la gestion des habitats naturels : il s’agit de concevoir des systèmes de culture compatibles avec la préservation et le développement de populations d’auxiliaires de cultures, ce qui implique un « travail d’aménagement paysager afin de proposer le milieu le plus complexe et diversifié possible qui sera, en conséquence, favorable à l’installation d’un cortège de biodiversité complexe et diversifié. » Les aménagements de la ferme visent ainsi à mettre en place les pratiques les plus favorables à la préservation et l’accueil de la biodiversité : haies diversifiées, arbres isolés, noues (fossés peu profonds), mares, zones humides, fleurissement, nichoirs pour les oiseaux, plantes spécifiques (afin de proposer des ressources pour les auxiliaires), etc. ;

– La mise en place de nombreuses autres mesures préventives : leviers physiques et biotechniques (filets, barrière physique, ramassage, pièges et leurres), leviers agronomiques, leviers biologiques et chimiques.

Les bonnes pratiques sont reconnues mais nécessitent un investissement important en temps, en connaissance et en matériel de la part des agriculteurs et des agricultrices pour parvenir à des écosystèmes « à l’équilibre » durablement productifs :

– au niveau de la végétation cultivée, la diversification implique de cultiver des mélanges de variétés et d’espèces, d’allonger les rotations, d’utiliser des cultures intermédiaires et d’introduire de nouvelles cultures (comme les légumineuses en grandes cultures, qui sont intéressantes pour fixer l’azote dans les sols et donc diminuer l’utilisation d’engrais de synthèse) ;

– le recours à des variétés génétiquement adaptées aux cultures en mélange, résistantes aux bioagresseurs, aux maladies, à la sécheresse, etc. Par exemple, le développement de variétés de vignes résistantes au mildiou et à l’oïdium constitue une voie de sortie majeure des pesticides, en particulier des fongicides, dans le secteur viticole ([71]) ;

– les « plantes de service » et plantes « compagnes », plantées entre deux cultures de rente ou en couvert pérenne, aident à maîtriser les ravageurs et les maladies, repousser les insectes et attirer les auxiliaires de culture (coccinelle par exemple), de même que toutes les infrastructures paysagères (haies, arbres, mares, fossés, bandes enherbées, etc.) ;

Fleurs et aromates À proximité des cultures destinÉes à dÉtourner
les bioagresseurs (ferme en maraîchage biologique, Indre)

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– le développement associé de l’élevage aux cultures peut permettre d’apporter de la matière organique aux sols et de limiter le recours aux engrais de synthèse et diminuer la charge financière que représente l’apport d’engrais organique importé. Un agriculteur, rencontré en Haute-Vienne, a ainsi choisi d’associer ses cultures maraîchères avec l’élevage d’animaux.

ferme en polyculture-élevage (haute-Vienne)

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Exemple d’une ferme en polyculture-élevage biologique

La ferme de M. Thierry Mouchard, en polyculture-élevage biologique, s’étend sur 64 hectares de surface agricole utile (SAU) dont 54 hectares sont attribués par Terre de Liens dans le cadre d’un bail rural environnemental et 8 hectares, par l’agglomération de Niort dans le cadre de contrats de protection des oiseaux et des prairies. L’installation en 2019 a nécessité la contraction d’un prêt de plusieurs centaines de milliers d’euros pour le matériel et le cheptel. Après deux ans de conversion environ, la ferme obtient le label AB en mars 2021.

La ferme repose sur la complémentarité entre l’élevage et la polyculture. L’élevage permet notamment l’apport de matière organique dans les sols cultivés ; l’activité culturale permet de sécuriser les ressources fourragères des animaux. 40 hectares de la SAU sont des prairies en pâturage tournant dynamique ([72]) dont 15 hectares de prairies permanentes et 25 hectares de prairies temporaires avec des mélanges de culture (blé, pois, maïs) et des mélanges complexes (luzernes). Le travail des sols est limité (de façon à préserver le sol vivant) et nécessite de maîtriser la mécanisation. L’agroforesterie (plantation de haies, de peupliers…) est également mobilisée et offre de nombreux services productifs (ombrières et coupe-vent pour les animaux, régulation de l’eau tant sur le plan quantitatif que qualitatif, ressource fourragère complémentaire, ressource en bois).

Ses débouchés sont la vente directe aux locaux (viande de veau et de bœuf majoritairement), la vente à une petite coopérative biologique et la fourniture de plusieurs cantines scolaires à proximité. La ferme bénéficie de mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC).

Des produits de biocontrôle ([73]) peuvent être utilisés en dernier recours lorsque les bioagresseurs ne sont pas contenus à un seuil acceptable et produisent des conséquences négatives majeures sur les cultures : par exemple, le soufre en viticulture contre l’oïdium et en blé contre la septoriose, la carpovirusine dans les vergers, des phéromones sexuelles contre les vers de grappe… Le biocontrôle peut consister à introduire dans le milieu un auxiliaire de culture choisi pour lutter contre un bioagresseur en particulier.

Les expérimentations menées par l’Inrae depuis 2008 dans le cadre du réseau « Rés0Pest » concluent aujourd’hui que le « zéro pesticide » est possible, y compris pour des systèmes de grandes cultures avec des cultures réputées très dépendantes des produits phytosanitaires, comme le colza ou la pomme de terre (touchée par le mildiou) ([74]). Un essai mené à Grignon pendant dix ans, basé sur une rotation longue de six ans avec alternance de cultures d’hiver et de printemps (maïs, blé, féverole, blé, chanvre, triticale), des intercultures et un désherbage mécanique, a abouti à des niveaux de productivité équivalents à un système conventionnel témoin. Les rendements plus faibles en blé et en maïs dus à la diminution d’apports d’engrais azotés y ont notamment été compensés par les rendements en chanvre.

D’une façon générale, les travaux de la mission permettent de souligner que selon les types de cultures (grandes cultures, élevage, maraîchage, vignes, etc.) et les terroirs, les problématiques rencontrées et les solutions agroécologiques pour restaurer les services rendus par la biodiversité et produire sans intrants de synthèse ne seront pas précisément identiques. Toutefois, ces solutions existent ; elles sont insuffisamment diffusées auprès d’agriculteurs et d’agricultrices qui ne sont ni accompagnés ni financièrement soutenus dans la prise de risque à court terme que représente la conversion d’une ferme vers un mode de production agroécologique.

II.   Des modèles agricoles alternatifs plus ou moins respectueux de la biodiversité

A.   L’agriculture biologique garantit des pratiques respectueuses de la biodiversité

1.   Une certification européenne exigeante contrôlée annuellement

L’agriculture biologique est un mode de production encadré par une réglementation européenne unique appliquée par tous les États membres.

Les opérateurs de la filière ont l’obligation de respecter un cahier des charges précis qui exclut l’usage de produits chimiques de synthèse et d’organismes génétiquement modifiés (OGM) ([75]). Son respect fait l’objet d’une certification et d’un contrôle annuel assuré par un organisme certificateur indépendant, agréé en France par l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao).

En pratique, l’attribution du label nécessite un diagnostic d’une journée et demie qui aboutit à un plan d’actions pour améliorer les pratiques de la ferme. La ferme obtient le label à l’issue d’une période dite de conversion (entre six mois et trois ans selon les types de cultures) si ses pratiques respectent le cahier des charges.

Sur le marché, les produits issus de l’agriculture biologique sont identifiés par deux logos : l’Eurofeuille et le logo national AB.

https://www.inao.gouv.fr/var/inao_site/storage/images/media/phototheque/ab/38485-1-fre-FR/ab_image_full.pnghttps://www.inao.gouv.fr/var/inao_site/storage/images/media/phototheque/eurofeuille/38479-1-fre-FR/eurofeuille_image_full.png

Cadre réglementaire de l’agriculture biologique

L’agriculture biologique est encadrée au niveau européen par le règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques. Applicable depuis le 1er janvier 2022, ce règlement précise l’ensemble des règles encadrant la production, la transformation, la distribution, l’importation, le contrôle et l’étiquetage des produits biologiques.

Les substances actives, contenues dans les produits phytopharmaceutiques autorisés, utilisables en agriculture biologique sont listées à l’annexe I du règlement UE 2021/1165. Les engrais et amendements du sol utilisables en AB sont listés à l’annexe II de ce même règlement.

À tous les stades (production, transformation, stockage et distribution), les opérateurs de la filière sont contrôlés au moins une fois par an par des organismes certificateurs (OC) agréés en France par l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao). Tout opérateur engagé en agriculture biologique doit notifier son activité auprès de l’Agence Bio et contractualiser avec un organisme certificateur agréé par l’Inao.

Certains produits et activités, qui ne rentrent pas encore dans le champ de la réglementation européenne, peuvent être encadrés par des cahiers des charges nationaux, dans l’attente de règles de production harmonisées au niveau européen. C’est le cas notamment de la restauration hors foyer à caractère commercial (arrêté du 9 décembre 2019) et de l’élevage de certains animaux (arrêté du 28 décembre 2021).

Dans les exploitations d’élevage, le label bio garantit l’accès des animaux à des espaces en plein air, une alimentation composée à 100 % de produits issus de l’agriculture biologique (donc sans engrais et pesticides) provenant majoritairement de la ferme ou de la région et des soins préventifs alternatifs aux antibiotiques ([76]) (phytothérapie, homéopathie, etc.). Le bien-être des animaux est favorisé par des densités plus faibles dans les bâtiments ou les pâturages et l’encadrement des opérations autorisées sur les animaux.

Dans les exploitations végétales, le cahier des charges est centré sur la non‑utilisation d’engrais et de pesticides de synthèse, ce qui implique une adaptation importante des pratiques culturales pour protéger les cultures contre les maladies et les ravageurs : préservation des sols, variétés résistantes, associations et rotations de cultures, maintien d’infrastructures agroécologiques en plus grande quantité et diversité – haies, arbres, mares, etc.

L’AB garantit ainsi des pratiques plus favorables à la préservation de la biodiversité que l’agriculture dite conventionnelle.

Une revue de la littérature scientifique datant de 2005 démontre que par rapport aux surfaces exploitées en agriculture conventionnelle, les surfaces exploitées biologiquement abritent en moyenne 30 % d’espèces en plus et 50 % d’individus en plus ([77]). D’après un recensement de 95 études réalisé par l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL), les oiseaux, les insectes prédateurs, les araignées, les organismes du sol et la flore secondaire des champs cultivés bénéficient tout particulièrement de l’agriculture biologique.

Des comparaisons réalisées en Suisse montrent que les exploitations biologiques comptent également entre 46 % et 72 % de surfaces proches de l’état naturel en plus (haies, prairies et pâtures, bandes de fleurs sauvages, jachères, petites structures servant d’habitats, de lieux de refuge et d’hibernation temporaire) ([78]).

En dépit de ses bénéfices pour l’environnement et la santé, l’AB demeure faiblement développée en France. En 2022, d’après les données de l’Agence Bio, 14,2 % des fermes françaises, soit 60 483 exploitations, sont certifiées biologiques ou en conversion. Elles représentent une surface totale de 2,88 millions d’hectares (soit seulement 10,7 % de la surface agricole utilisée).

La diffusion de l’AB varie selon les types de cultures : la vigne (21 %), les fruits (17 %) et les surfaces et cultures fourragères (13,2 %) sont plus engagées que le maraîchage (11 %) et les grandes cultures (6,8 %).

2.   Vers un label « Biodiversité » au sein de l’AB ?

Si le cahier des charges de l’agriculture biologique favorise des pratiques plus vertueuses, il contient néanmoins peu d’exigences en lien direct avec la préservation de la biodiversité.

Plusieurs agriculteurs et agricultrices biologiques rencontrés dans le cadre de cette mission ont ainsi alerté sur le risque de modes de production plus ou moins favorables à la biodiversité et qui bénéficient tous du label AB, comme par exemple, en maraîchage, des pratiques du labour préjudiciables pour la structuration et la biodiversité des sols, la pose de bâches plastifiées, la plantation de légumes « hybrides » et « greffés », l’apport d’engrais organiques (le plus souvent importés d’Amérique latine ou d’Europe de l’Est) et d’eau en grande quantité, etc.

Or, l’avenir de l’agriculture biologique se trouve bien davantage « dans la complexification des systèmes agricoles et des paysages. Ce n’est pas [seulement] du non-pesticides mais bien des systèmes multifonctionnels qui prennent soin de l’eau, de la biodiversité, du climat et des agriculteurs. » ([79])

En élevage, le seul label AB ne permet par exemple pas de valoriser les produits des éleveurs qui développent des pratiques de pâturage extensif « 100 % à l’herbe », c’est-à-dire des systèmes dans lesquels les animaux pâturent toute l’année et qui utilisent uniquement des ressources herbagères (sans cultures de céréales). Ces systèmes présentent pourtant des bénéfices majeurs pour l’environnement, le bien-être animal et la santé humaine : maintien des prairies permanentes et amélioration de la biodiversité animale et floristique, recul des friches, présence importante de mares, haies et arbres qui sont sources d’ombre et d’abris pour les animaux, qualité nutritionnelle des produits laitiers obtenus reconnue ([80]).

Dans cette perspective, la FNAB a élaboré un label fondé sur des critères de biodiversité et destiné à prolonger la labellisation bio. Ce label « Biodiversité » bénéficierait aux agriculteurs biologiques mettant en œuvre les pratiques les plus favorables à la biodiversité qui demeurent, à ce jour, invisibles et non reconnues avec le seul logo AB. Il est également conçu comme un outil pour encourager les agriculteurs à engager une démarche en ce sens, établir un diagnostic et améliorer progressivement leurs pratiques. Onze critères évolutifs dans le temps le composent :

– la part des infrastructures agroécologiques (IAE) dans la surface agricole utile : par exemple, en grande culture, au moins 5 % l’année de labellisation, 7 % en N+5 et 10 % en N+10 ;

– la diversité des IAE avec une obligation de deux types d’IAE au minimum ;

– la gestion des IAE : interdiction de destruction, sauf dérogation, et encadrement des modalités d’entretien (fréquence et période autorisée…) ;

– la diversification de l’assolement ;

– la limitation des parcelles de grande taille : les parcelles de grande taille ne doivent pas couvrir plus de 50 % de la SAU l’année de labellisation, 25 % en N+5 ;

– l’interdiction des nouveaux OGM et OGM cachés ;

– l’interdiction des fertilisants controversés ;

– les traitements antiparasitaires en élevage : limitation des avermectines notamment ;

– la couverture du sol : obligation d’une durée annuelle moyenne de couverture des sols sur la ferme pondérée par la surface ;

– la réduction du travail du sol : limitation des surfaces avec un travail du sol au-delà de vingt centimètres de profondeur ;

– la sensibilisation à la biodiversité : valorisation des actions et des formations sur la biodiversité.

Recommandation n° 8 : Promouvoir le label « Biodiversité » de la FNAB qui permet d’encourager et de valoriser les pratiques agricoles les plus favorables à la biodiversité au sein du label « Agriculture biologique ».

B.   Plusieurs modèles n’offrent pas de solution durable à la crise de la biodiversité

1.   L’agriculture de conservation des sols (ACS) demeure dépendante du glyphosate

L’agriculture de conservation, aussi appelée agriculture de conservation des sols (ACS), repose sur trois grands principes :

– une perturbation minimale du sol avec absence ou quasi-absence de travail du sol : elle implique le plus souvent la mise en œuvre de techniques de « semis direct sous couvert végétal » (SDCV) (plantation précise des semences sur un sol non travaillé et déjà recouvert d’une culture, détruite ou permanente) qui nécessitent des équipements spécifiques ;

– une couverture permanente des sols avec une succession permanente de couverts et de cultures ;

– la diversification des espèces cultivées avec des associations de cultures et un allongement des rotations.

En pratique, l’ACS regroupe des formes très diverses d’agricultures. Elle ne constitue pas un modèle technique normé et présente de nombreuses adaptations par les agriculteurs et agricultrices selon leur environnement, leur système de production et leurs contraintes propres.

En France, l’ACS est notamment promue par l’association Biodiversité, agriculture, sol et environnement (BASE) et par l’Association pour la promotion d’une agriculture durable (APAD). L’APAD a lancé en février 2020 un label « Au cœur des sols ». À ce jour, il s’agit d’un label privé, piloté par des agriculteurs et qui ne fait pas encore appel à des organismes certificateurs indépendants. Après un an, en 2021, l’association dénombrait 250 sollicitations d’exploitants souhaitant être labellisés.

Le label repose sur un référentiel de 80 points. Il prévoit notamment qu’au moins 70 % de la SAU soit en semis direct ; que les sols soient couverts au moins huit mois dans l’année et que quatre espèces différentes soient cultivées au minimum sur l’exploitation. Le label valorise également les actions de formation, des pratiques favorables à la biodiversité (taille de parcelles, ruches et nichoirs…) et la limitation du recours aux intrants (part des intrants dans le produit d’exploitation par exemple).

L’agriculture de conservation est plus largement reconnue au niveau mondial par la FAO dès 2001. D’après l’organisation, ce système cultural « renforce la biodiversité et les processus biologiques naturels au-dessus et au-dessous de la surface du sol ». Il permet notamment de réduire les risques d’érosion, d’augmenter le stock de matière organique dans le sol favorable à sa structuration et à la croissance des plantes et d’améliorer la capacité de rétention d’eau des sols ainsi que la qualité de l’eau.

L’érosion des sols, à l’origine de l’agriculture de conservation ?

L’agriculture de conservation est née dans des régions de forte érosion hydrique ou éolienne : son but initial était de protéger les sols de cette érosion. Ces graves phénomènes d’érosion sont apparus en particulier aux États-Unis dans les années 1930. À cette époque, l’alternance de sécheresse et de pluie, conjuguée à des vents violents, a provoqué le « Dust Bowl » (« bassin de poussière ») ([81]). Cette expérience a conduit les agriculteurs américains à revoir leurs pratiques agricoles : les techniques d’implantation des cultures en semis direct sous couvert sont apparues dans les années 1950. En mettant en œuvre ces pratiques sur 37 % des terres cultivées, l’érosion des sols aux États-Unis a pu diminuer.

En France, le Gouvernement a adopté un décret d’application qui prévoit depuis 2005 des mesures de lutte contre l’érosion des sols et la nécessité de réaliser, sous la responsabilité des préfets, un zonage des risques d’érosion. Dans le premier bilan de l’état des sols français publié par le Groupement d’intérêt scientifique sur les sols (GIS Sol) en 2011, près de 18 % des sols de la France métropolitaine présentent un risque d’érosion moyen à fort.

Selon l’Inrae, le remembrement à partir des années 1960 serait l’un des principaux facteurs ayant favorisé l’érosion en France avec la suppression des haies, talus et fossés pour agrandir les parcelles. La mécanisation accélérée et progressive de l’agriculture a également contribué à la destruction des sols ([82]).

S’agissant des intrants externes (engrais et pesticides), la FAO avance qu’ils sont « appliqués [en ACS] de manière optimale et selon des modalités et des quantités qui n’interfèrent pas avec les processus biologiques ou ne les perturbent pas » ([83]). En théorie, la diversification végétale, les couverts végétaux permanents et l’amélioration de la fertilité des sols grâce à l’absence de labour permettraient de réduire significativement l’apport d’engrais et de pesticides de synthèse (voir ci‑dessus). Toutefois, l’ACS ne prohibe pas leur utilisation, et notamment celle d’herbicides, comme le glyphosate, dont elle dépend.

Si l’ACS présente, dans ses principes, des bénéfices environnementaux, les travaux de l’Inrae en soulignent en effet plusieurs limites.

Tout d’abord, l’absence totale de travail du sol favorise la prolifération d’adventices et tend à rendre inévitable l’utilisation d’herbicides pour les repousser ([84]).

Le rapport de l’Inrae sur les usages et alternatives au glyphosate dans l’agriculture française, publié en novembre 2017, a ainsi souligné la dépendance des systèmes culturaux sans travail du sol au glyphosate : les agricultures en ACS n’arriveraient « qu’exceptionnellement à s’affranchir [du glyphosate] y compris ceux qui le souhaiteraient. »

Différentes expérimentations et observations menées dans le cadre du réseau Dephy et par l’Institut supérieur d’agriculture Rhône-Alpes (Isara) et l’Inrae ([85]) confirment que « les moyens techniques actuels ne permettent pas de persister dans une stratégie de semis direct sous couvert si le glyphosate n’est plus utilisable. » Autrement dit, se passer à la fois de travail du sol et d’herbicides est à ce jour une impasse technique.

La suppression du travail du sol peut également majorer les problèmes de tassement du sol suivant les climats, les types de sol et les périodes de récolte. Ce phénomène a été relevé dans le nord de la France où les récoltes, se faisant plus tardivement dans l’année, subissent les risques de pluie qui rendent le sol plus sensible au tassement. La littérature scientifique déconseille également de supprimer définitivement le labour dans les sols dont la teneur en argiles (qui permet de « décompacter » les sols et d’augmenter leur porosité) est inférieure à 15 % (cas de la majorité des sols cultivés en France) ([86])

À ce jour, le modèle technique et agronomique de l’ACS, par ailleurs peu normé, n’est donc pas satisfaisant et son impact sur l’environnement et la biodiversité, incertain.

2.   L’agriculture de précision : les nouvelles pratiques fondées sur les biotechnologies, le numérique et la robotique ne sont pas des solutions d’avenir

L’agriculture de précision est une approche fondée sur l’utilisation des nouvelles technologies (biotechnologies, numérique, robotique, intelligence artificielle) qui vise à augmenter les rendements d’une parcelle, optimiser le travail des agriculteurs et réduire la consommation d’énergie, d’eau et d’intrants. L’objectif est de produire autant, voire plus, en réduisant autant que possible la consommation des ressources. Ce paradigme naît dans les années 1980 aux États-Unis, puis se diffuse à partir de la fin des années 1990 en France.

En pratique, l’agriculture de précision utilise des moyens d’observation (satellites, drones, capteurs connectés) associés à des outils d’aide à la décision (accessibles sous forme d’applications web et mobiles) afin de collecter et traiter les données des exploitations et optimiser les traitements. Le développement et la production d’appareils de haute technologie nécessitent de grandes quantités d’énergie et de métaux rares.

Face aux défis environnementaux, ces solutions fondées sur les nouvelles technologies sont souvent présentées comme un levier pour accélérer l’évolution de l’agriculture. Elles permettraient en particulier de mieux maîtriser les quantités d’intrants de synthèse et d’eau utilisés.

Toutefois, même si l’agriculture de précision peut être un moyen très efficace dans des situations particulières, comme vos rapporteurs ont pu le constater dans les secteurs de forte pente du vignoble alsacien Schlumberger pour réduire la quantité de traitements utilisée, ces logiques à elles seules ne constituent pas une solution. Cette nouvelle révolution agricole ne remet pas en cause les fondements du modèle agricole intensif et conventionnel et n’améliore pas suffisamment la situation de la biodiversité et de l’environnement. Il ne faut pas que cette dernière justifie une fuite en avant :

– du fait des investissements importants nécessaires, l’agriculture de précision ne peut être engagée que par les exploitations agricoles les plus grandes et les plus spécialisées. Elle encourage ainsi l’agrandissement de la taille des parcelles et leur spécialisation dont les effets sur le déclin global de la biodiversité et de la diversité paysagère des milieux agricoles sont connus ;

– l’agriculture de précision continue de se fonder sur l’utilisation de produits de synthèse, des productions faiblement diversifiées ou des concentrations d’animaux importantes responsables de l’appauvrissement de la biodiversité, de pollutions de tous les milieux et d’émissions de gaz à effet de serre ;

– la taille et le coût des fermes converties à l’agriculture de précision posent également des problèmes majeurs de transmission aux jeunes générations d’agriculteurs, à l’heure du renouvellement générationnel de la profession ;

– ce mode de production continue d’exiger de la part des agriculteurs des investissements économiques toujours plus importants, auxquels s’ajoutent les coûts de fonctionnement et d’exploitation. Ces investissements fragilisent la situation financière des agriculteurs. Ils ne garantissent pas une rentabilité économique des fermes plus importante que les modèles mobilisant peu d’intrants et peu d’équipements tendanciellement plus vertueux pour l’environnement ;

– enfin, les effets des nouvelles technologies sur le métier d’agriculteur ne sont pas à négliger (déclin de l’emploi agricole, perte d’autonomie décisionnelle, perte de savoir-faire, etc.).

3.   Haute valeur environnementale : un label à l’ambition limitée, pouvant constituer un frein au développement de l’AB

Le label « Haute valeur environnementale » (HVE) est issu de la « certification environnementale des exploitations agricoles » dont le principe a émergé lors du Grenelle de l’environnement en 2007. L’objectif était de pouvoir valoriser les efforts d’exploitations qui s’engageaient dans des pratiques plus durables sans qu’elles soient pour autant au niveau de labels déjà existants comme l’agriculture biologique. HVE s’est progressivement substitué au label « Agriculture raisonnée » lancé en 2002 qui répondait à des objectifs similaires.

Du label « Agriculture raisonnée » au label HVE

L’agriculture raisonnée a été promue en France à partir de 1993 par l’association Farre (Forum de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement).

Elle est juridiquement reconnue et encadrée par l’État à partir de 2002. Le décret n° 2002-631 du 25 avril 2002 pris en application de l’article 58 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques ([87]) instaure un référentiel permettant aux exploitations agricoles respectant ses exigences d’obtenir la qualification « Agriculture raisonnée » pour une durée de cinq ans auprès d’un organisme certificateur agréé. Le label comporte 103 exigences concernant notamment la maîtrise des intrants, la gestion de l’eau (notamment pour l’irrigation), le bien-être animal et la préservation des sols.

Ce label a été vivement critiqué pour sa proximité avec les modes de production dits conventionnels et la faiblesse de ses ambitions environnementales ([88]). À la différence de l’agriculture biologique, l’agriculture raisonnée autorise notamment le recours aux intrants de synthèse et aux OGM sans définir d’objectifs précis de réduction.

En pratique, ce label a progressivement décliné ; tend à s’y substituer aujourd’hui la nouvelle certification environnementale des exploitations agricoles introduite en 2012 et dont le troisième niveau donne accès au label « Haute valeur environnementale » (HVE).

Toutefois, la création d’un nouveau label HVE dont le niveau d’exigence est bien moindre que celui de l’AB a contribué à instaurer une concurrence mal comprise par les consommateurs sur le marché du bio et pénaliser les agriculteurs et les agricultrices mettant en œuvre les pratiques agricoles les plus bénéfiques pour l’environnement et la biodiversité valorisées au sein du seul label AB.

Lancée en février 2012, la certification « Haute valeur environnementale » est codifiée par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement à l’article L. 611-1 du code rural et de la pêche maritime. Cet article dispose que « les exploitations agricoles utilisant des modes de production particulièrement respectueux de l’environnement peuvent faire l’objet d’une certification qui comporte plusieurs niveaux d’exigences environnementales dont le plus élevé repose sur des indicateurs de performance environnementale et ouvre seul droit à la mention exploitation de haute valeur environnementale ».

Le dispositif est organisé autour de trois niveaux de certification. Le premier niveau vise à s’assurer que l’agriculteur maîtrise la réglementation environnementale, notamment liée à la conditionnalité des aides de la PAC. Le second niveau fixe des objectifs de moyens. Seul le troisième niveau donne accès à la labellisation « Haute valeur environnementale ». Il s’appuie sur des objectifs de résultats, mesurés par des indicateurs de performance environnementale. Avant la réforme de la certification entrée en vigueur le 1er janvier 2023 en même temps que la nouvelle PAC ([89]), deux voies d’accès à la labellisation existaient :

– la voie A : l’exploitation est évaluée sur un ensemble d’indicateurs environnementaux relevant de quatre thématiques : la protection de la biodiversité, la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, la gestion de la fertilisation et la gestion de l’irrigation ;

– la voie B, fondée sur deux indicateurs globaux : la part des intrants dans le chiffre d’affaires et la part des infrastructures agroécologiques ou des prairies permanentes dans la surface agricole utile (SAU).

La voie B, considérée comme particulièrement peu contraignante, notamment dans le contexte de l’entrée en vigueur de l’écorégime (développé ci‑après), a été supprimée par la récente réforme de la certification en 2022. Les objectifs de la voie A ont été révisés.

La création du logo permettant d’afficher sur les produits agricoles la reconnaissance de la labellisation HVE en 2016 a accéléré la diffusion du label et favorisé la mise en visibilité des exploitations certifiées.

logo-haute-valeur-environnementale

L’engagement des exploitations dans le troisième niveau de la certification environnementale a en effet connu un démarrage plutôt lent ; l’adhésion à la démarche s’est faite de façon très inégale selon les filières puisque ce sont majoritairement les exploitations viticoles qui ont commencé à s’y engager (62 % des exploitations certifiées au 1er juillet 2023).

Le dispositif est devenu plus attractif ces dernières années : en 2018, seules 1 000 exploitations étaient certifiées HVE. Au 1er juillet 2023, 37 357 exploitations agricoles sont certifiées ; elles représentent 9 % des exploitations agricoles françaises et 8,8 % de la surface agricole utile (SAU) française ([90]).

Source : Ministère de l’agriculture et de l’alimentation

Ce dynamisme de la labellisation HVE peut s’expliquer par plusieurs incitations politiques récentes. Le plan « Biodiversité », lancé en 2018, a fixé un objectif de 15 000 exploitations labellisées HVE en 2022, puis de 50 000 en 2030. HVE a également été intégré parmi les critères permettant d’accéder au niveau supérieur de l’écorégime dans le cadre de la nouvelle PAC 2023-2027 telle que déclinée par le Plan stratégique national (PSN).

Le dispositif HVE a eu des effets positifs, dans la mesure où sont pris en compte pour l’obtention du label le maintien d’un certain nombre d’infrastructures agroécologiques qui, dans certains cas, accompagnent le milieu cultivé (arbres, haies, murets, pierriers, etc.) Ce dispositif a permis d’éviter l’élimination du paysage agricole d’un certain nombre de ces infrastructures, notamment en viticulture, qui servent d’habitats à la biodiversité naturellement présente en milieu cultivé.

Toutefois, les bénéfices de ce nouveau label en plein essor sont fortement remis en cause. HVE constitue un effet d’aubaine pour la majorité des exploitations certifiées ; le label est accessible sans changement significatif de pratiques, contrairement à l’AB. Le passage en HVE n’encourage pas davantage une dynamique de transition agroécologique. Dans un rapport d’octobre 2022, l’Office français de la biodiversité (OFB) souligne que « l’effet propre de la certification HVE sur les changements de pratiques des exploitations certifiées – et donc sur l’amélioration de leurs performances environnementales – est globalement limité. » ([91])

A contrario, HVE devrait plutôt être envisagé comme un « marchepied vers l’AB ». Or, à ce jour, HVE fait concurrence à l’AB du fait d’une faible différenciation des niveaux de soutien public et d’un manque de communication auprès du grand public sur les bénéfices environnementaux différenciés des deux labels. Dans son rapport publié en juin 2022 ([92]), la Cour des comptes recommande ainsi de « rehausser fortement le niveau d’exigence du cahier des charges applicable à HVE et proportionner le niveau des aides en fonction des bénéfices environnementaux des divers labels et certifications ».

Le cahier des charges HVE contient notamment des exigences limitées en matière de réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques ([93]) alors que la certification AB, précisément définie par un cahier des charges européen et contrôlée annuellement, garantit l’absence d’utilisation de produits chimiques de synthèse ou d’OGM. Ainsi, la certification HVE apparaît comme étant un dispositif insuffisant en matière de lutte pour la préservation de la biodiversité : « l’essentiel des engrais et pesticides classés cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), qui sont les plus toxiques pour la santé humaine, reste autorisés. » Or, « on connaît les ravages qu’ils font sur les pollinisateurs, la biodiversité, l’eau, l’air et les sols, leurs effets sur la santé sont avérés, mais on peut se revendiquer d’une haute valeur environnementale et les utiliser sans problème », d’après Mme Nadine Lauverjat, déléguée générale de l’ONG Générations Futures ([94]).

Dans ce contexte, plusieurs acteurs, dont la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB), le syndicat des entreprises bios agroalimentaires (Synabio) ou encore, des associations de défense de l’environnement ont saisi le Conseil d’État le 22 janvier 2023 à ce sujet. Les associations appellent à ce que soit reconnue « la tromperie du consommateur qui dure depuis plus de 10 ans et mettre un terme au greenwashing » ([95]).

 

Recommandation n° 9 (Mme Manon Meunier) : Supprimer le label « Haute valeur environnementale » pour ne pas créer de confusion auprès des consommateurs et de concurrence avec le label « Agriculture biologique » dont le niveau d’exigences environnementales est plus strict, et maintenir les aides au maintien des infrastructures agroécologiques.

 

Recommandation n° 10 (M. Hubert Ott) : Renforcer la pertinence de la démarche HVE en mettant davantage l’accent sur l’accompagnement dans l’espace cultivé de toutes les opportunités d’infrastructures agroécologiques et approfondir l’accompagnement des agriculteurs et agricultrices engagés dans la démarche HVE.

 

Recommandation n° 11 : Mener une campagne de communication auprès du grand public pour clarifier les engagements environnementaux et les pratiques associés aux divers labels et certifications (en particulier, « HVE » et « AB »).

III.   Les freins au dÉploiement d’un modÈle agricole prÉservant la biodiversitÉ

A.   Le besoin de rentabilitÉ Économique de l’exploitation

1.   Le coût économique de la transition vers des pratiques agricoles préservant la biodiversité

L’ensemble des syndicats agricoles auditionnés par vos rapporteurs – Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), Confédération paysanne, Coordination rurale, Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) – ont souligné la nécessité de garantir la rentabilité économique des exploitations agricoles pour engager des pratiques agricoles bénéfiques pour la biodiversité et une transition agroécologique pérenne. Lors de son audition, le représentant de la FNSEA en charge de la biodiversité a souligné que « la contrainte économique est un vrai frein à la mise en œuvre de pratiques plus attentives à la biodiversité. L’équilibre économique des exploitations est un facteur d’entraînement pour développer les pratiques vertueuses pour la biodiversité. » ([96])

La rentabilité économique d’une exploitation correspond à la production (le rendement multiplié par la surface) multipliée par son prix de vente ; à ce résultat doit être soustrait le coût des intrants (engrais, pesticides), le coût des équipements (semis, récoltes, tri), le coût du travail et les autres frais (assurances, vétérinaires et autres services).

À l’échelle d’une exploitation agricole, le passage d’un modèle conventionnel vers un modèle préservant la biodiversité est souvent associé à une baisse de revenus pendant quelques années. Plusieurs facteurs peuvent expliquer la baisse de rentabilité économique :

– le coût des agroéquipements à acquérir pour les semis en mélange ou le tri des récoltes ;

– l’introduction d’éléments semi-naturels, tels que les haies ou les bandes enherbées, font souvent perdre de la surface et ont un coût économique ;

– les techniques alternatives de lutte contre les bioagresseurs sont généralement plus coûteuses en main-d’œuvre.

Une transition agroécologique constitue plus généralement une prise de risque importante pour les agriculteurs et les agricultrices qui s’y engagent. Elle peut nécessiter de modifier l’aménagement paysager de la ferme, les équipements, les mélanges et les rotations de cultures ou les races animales, d’adapter le travail agricole à de nouvelles techniques, etc. Or, les rendements peuvent être incertains les premières années, notamment si les modes de production agroécologiques ne sont pas bien maîtrisés et adaptés aux contraintes propres de la ferme. Le passage d’un modèle simplifié, où la stabilité des rendements est assurée par l’utilisation d’intrants, vers un modèle complexe est source d’incertitudes et peut entraîner une baisse de la production conjoncturelle, voire même structurelle selon les types de cultures (par exemple, le blé en AB a des rendements significativement plus faibles de l’ordre de – 50 % ([97])).

À titre indicatif, la réglementation de l’agriculture biologique prévoit des durées de conversion variant entre un an (productions animales), deux ans (cultures annuelles et prairies) et trois ans (vignes, vergers) avant l’obtention du label AB. Les agriculteurs et les agricultrices rencontrés sur le terrain ont pu avancer des durées plus longues pour atteindre des systèmes de production agroécologiques « à l’équilibre », notamment en maraîchage, en arboriculture et en grandes cultures qui nécessitent la mise en œuvre de systèmes complexes.

D’une manière générale, les systèmes fondés sur la nature sont plus complexes à mettre en œuvre et nécessitent plus d’heures de travail. Ces systèmes demandent du temps pour se mettre en place au fil des années. En l’absence de soutien public d’ampleur et pérenne, de nombreux agriculteurs refusent légitimement d’endosser ce risque, d’autant plus lorsqu’ils se sont fortement endettés pour s’installer et doivent amortir leurs investissements (terres agricoles, machines coûteuses, cheptel pour les éleveurs, etc.).

Plusieurs récits d’agriculteurs et d’agricultrices permettent d’illustrer concrètement cette prise de risque financière :

– M. Gaël Roulleau, agriculteur dans les Deux-Sèvres en Nouvelle-Aquitaine, a converti son exploitation agricole traditionnelle familiale céréalière de plus de 150 hectares à l’agriculture biologique en 2019 avec le soutien du CNRS de Chizé. Malgré ses convictions environnementales fortes, cet agriculteur souligne aussi les difficultés de la conversion d’une grande exploitation céréalière et la prise de risque sur le plan technique et financier : « c’est un choix d’homme libre, mais parfois, être libre, ça coûte cher. »

À titre d’exemple, à l’échelle de cette exploitation, s’il obtient les mêmes rendements en tournesol et en maïs en AB, la production agricole en pois et oléagineux peut être plus difficile. Les rendements sont surtout plus faibles en blé avec moins de 4,5 tonnes produites par hectare contre 6 tonnes auparavant. La marge plus importante en bio (du fait du coût plus faible des intrants – azote, herbicides notamment) permettait traditionnellement de compenser ces écarts de rendements. Toutefois, la crise du blé bio en 2022 a remis en cause cet équilibre. Sa ferme est en déficit pour l’année 2022 avec une baisse de 100 000 euros de chiffre d’affaires. En l’absence de contrats de vente à terme ou de garantie sur les prix d’achat des coopératives, le risque économique et financier d’une conversion en AB dans le contexte de crise de la bio est majeur et évidemment très désincitatif ;

– Lors du déplacement en Alsace, les rapporteurs ont visité l’exploitation de Mme Roseline Kempf, exploitation familiale reprise en 2017. En plus de son élevage bovin et caprin pour viande (une vingtaine d’animaux), l’éleveuse entretient les paysages de montagne et les pierriers, véritables réservoirs à biodiversité et ouvrages caractéristiques des milieux ouverts de montagne. En élevage extensif, la quantité de viande produite par l’exploitation est réduite et ne permet pas à l’exploitation d’être rentable. Mme Kempf a indiqué devoir compléter son activité d’élevage par une activité de ferme-auberge. Sa ferme-auberge, la marcairie du Frankenthal située en altitude au bout de la vallée de Munster proposant des repas élaborés à partir de sa production agricole, lui permet d’assurer la rentabilité économique de son exploitation ;

Les paiements pour services environnementaux (PSE) expérimentaux

Les paiements pour services environnementaux (PSE) visent à rémunérer les agriculteurs qui s’engagent volontairement à maintenir ou restaurer un ou plusieurs services écosystémiques. D’après le ministère de l’agriculture, les PSE « rémunèrent les agriculteurs pour des actions qui contribuent à restaurer ou maintenir des écosystèmes, dont la société tire des bénéfices (préservation de la qualité de l’eau, stockage de carbone, protection du paysage et de la biodiversité…). Ces avantages sont qualifiés de services écosystémiques. Les actions des agriculteurs, quant à elles, sont qualifiées de services environnementaux. »

Ils sont financés en principe par des bénéficiaires directs des services environnementaux comme des entreprises, des associations, des acteurs publics (collectivités territoriales, gestionnaires de milieux, etc.), etc.

Dans le cadre du Plan biodiversité présenté en 2018, un dispositif expérimental, doté d’un budget de 150 millions d’euros, a été mis en place depuis 2020 au travail d’appels à manifestation d’intérêt (AMI) lancés par les agences de l’eau.

Le dispositif cible en particulier deux catégories de services environnementaux : d’une part, la « gestion des structures paysagères » (haies, mares…) et d’autre part, la « gestion des systèmes de production agricole » (couverture des sols, allongement des rotations, prairies permanentes, gestion de l’azote, du carbone…).

Les PSE relèvent du régime des aides d’État encadré au niveau européen ; le dispositif a été notifié et validé par la Commission européenne. 172 projets sont recensés sur le site du ministère de la transition écologique. La rémunération moyenne d’un PSE est estimée entre 100 et 120 euros par hectare. La généralisation du dispositif n’est pas envisagée à ce jour.

Recommandation n° 12 : Rendre éligibles aux paiements pour services environnementaux (PSE) les travaux d’entretien du patrimoine paysager réalisés par les agriculteurs et les agricultrices.

– De même, Mme Camille Joyeux et son compagnon, maraîchers biologiques installés depuis trois ans, rencontrés lors du déplacement de vos rapporteurs dans la Brenne, ne tirent pas encore de revenus suffisants de leur activité principale et doivent la compléter par des activités de prestation de services (formations à l’agroécologie) et la vente de produits transformés issus de leur ferme (pain, gâteaux…) ;

– Lors des premières années de la conversion du domaine viticole familial, M. Florian Spannagel a dû maintenir une activité salariée pour faire face aux aléas d’une production fondée sur l’agroécologie.

Recommandation n° 13 : Accompagner la prise de risque associée à la conversion d’une exploitation en compensant financièrement les agriculteurs en cas de diminution ou de pertes de récoltes, par exemple via la mise en place d’un fonds assurantiel mutualiste financé par l’industrie agro-chimique selon le principe pollueur-payeur, ouvert aux agriculteurs qui s’engagent dans une réduction de 80 % de l’usage de pesticides et une diversification de leurs cultures.

2.   L’environnement, un facteur de résilience et de meilleure santé économique des exploitations ?

Toutefois, le surcoût induit par le passage d’une agriculture conventionnelle vers un modèle plus respectueux de la biodiversité doit être également nuancé. Les modes de production agroécologiques ne sont pas intrinsèquement moins rentables que des exploitations « conventionnelles », bien au contraire. Dans une production agricole conventionnelle, les coûts fixes sont aussi très importants :

– du fait de l’utilisation d’équipements mécaniques toujours plus sophistiqués, grands et coûteux ; par exemple, un tracteur coûte entre 42 000 et 660 000 euros selon la puissance du modèle ;

– les cultures conventionnelles sont dépendantes des intrants dont le coût est évalué entre 100 et 115 euros par hectare en 2017 ([98]) ;

– le prix des intrants utilisés par les exploitants pour leur activité agricole a augmenté de 25,9 % en 2022 ([99]).

Lors de son audition, la chercheuse Mme Sophie Devienne a ainsi souligné que le poids de l’endettement, des coûts fixes et des consommations intermédiaires dans les modèles économiques d’exploitations « conventionnelles » ne garantissaient pas nécessairement des marges et des revenus plus élevés malgré des rendements pouvant être plus importants. A contrario, les modes de production agroécologiques qui s’appuient sur l’utilisation des services écosystémiques et des potentiels offerts par les ressources naturelles sont des modèles tendanciellement moins capitalistiques avec des coûts fixes et des consommations intermédiaires plus réduits, ce qui permet aux agriculteurs de dégager des marges plus importantes.

Les systèmes agroécologiques diversifiés sont également plus résilients. La baisse des rendements peut être par exemple contrebalancée par l’augmentation de la diversité végétale. Dans le système « zéro pesticide » en grandes cultures expérimenté depuis 2008 à Grignon par l’Inrae (décrit précédemment), la production de chanvre compense des rendements plus faibles pour le blé et le maïs, respectivement – 22 % et – 31 % par rapport au système témoin. Enfin, l’équilibre économique de l’exploitation peut être atteint par la vente du blé à un prix plus important grâce à une production de qualité sans pesticides (à condition d’avoir les débouchés suffisants permettant de valoriser les produits issus de ces modes de production, comme le souligne le témoignage de M. Gaël Roulleau).

évolution des différences de rendements entre les terres assolées conventionnelles et biologiques

Source : FIBL, « Agriculture et biodiversité : impact de différents systèmes de culture sur la diversité biologique », 2023.

D’après un représentant de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) de la Haute-Vienne, la question de la rentabilité économique d’une exploitation biologique par rapport à une exploitation « conventionnelle » souffre encore trop d’a priori et d’un défaut de connaissances au sein de la profession agricole. Selon lui, il conviendrait de « mettre [davantage] une vision économique sur l’environnement » en montrant aux agriculteurs et aux agricultrices que sa préservation garantit la résilience d’une exploitation et peut permettre d’aboutir à une bien meilleure santé économique.

3.   Des pratiques agricoles nécessitant plus de main-d’œuvre

Comme détaillé précédemment, depuis plusieurs années, le travail des agriculteurs et des agricultrices s’est considérablement simplifié. Le recours à des équipements mécaniques modernes, aux pesticides, notamment herbicides, et aux engrais a permis de gagner du temps en mécanisant une grande partie du travail agricole. Cette simplification du travail a entraîné une baisse du nombre d’exploitants agricoles : d’après les données du recensement agricole de 2020, ils étaient plus de 2,5 millions en 1955 pour chuter à 496 000 en 2020.

La même dynamique s’observe dans l’élevage. Lors du déplacement en Alsace, vos rapporteurs ont pu visiter l’exploitation laitière de M. Florent Campello destinée à la fabrication artisanale de fromages de vaches et de brebis. Vos rapporteurs ont pu observer la charge de travail supplémentaire que nécessite une exploitation dans laquelle les animaux vivent une grande partie de l’année en montagne et accordant un soin particulier au bien-être de l’animal.

Aujourd’hui, la société civile est attentive au bien-être animal, au respect de la biodiversité et aux productions locales à l’échelle humaine. Lorsque ces attentes sont prises en compte dans la démarche de production, elles représentent un surcoût qui est généralement supporté par le consommateur final. Inversement, le mode de production conventionnel, éloigné des attentes sociétales, est largement subventionné par les pouvoirs publics.

Recommandation n° 14 : Assurer un revenu minimum aux agriculteurs et agricultrices par la mise en place de prix planchers pour les produits agricoles et l’encadrement des marges des transformateurs et des distributeurs.

B.   Un environnement socio-économique peu incitatif au changement des pratiques

1.   L’imparfaite structuration des filières

Les décisions d’un agriculteur ne sont pas isolées. Elles s’inscrivent dans un environnement socio-économique donné qui détermine, au moins autant que le travail d’un agriculteur sur son exploitation, le succès ou l’échec de ses choix de production. Cet environnement est structuré par des filières tant en amont (accès aux intrants, équipements, offre de conseil) qu’en aval (débouchés). Il est également déterminé par un cadre réglementaire et des politiques publiques contraignantes et plus ou moins incitatives.

Or, la structure actuelle des filières agricoles n’est pas suffisamment incitative au changement des pratiques agricoles et favorise très largement les modes de production « conventionnels ». Le rapport récent publié par l’Inrae sur la diversification végétale des espaces agricoles dénonce « des mécanismes d’autorenforcement entre différents niveaux d’organisation socio-économiques, conduisant à des verrouillages à tous niveaux » ([100]).

En amont, les filières sont structurées autour d’un modèle agricole conventionnel. Les semenciers se spécialisent dans le développement des espèces les plus rentables, comme le blé, le colza et le maïs. Ces espèces sont adaptées à l’utilisation d’intrants qui simplifient énormément le travail des agriculteurs et stabilisent la production. Par exemple, l’utilisation de mélanges de variétés de blé, qui réduit la dépendance aux pesticides, est freinée par la pauvreté des mélanges disponibles et par les standards de la meunerie française.

Recommandation n° 15 : Soutenir et permettre le libre-échange des semences paysannes.

 

Recommandation n° 16 : Soutenir financièrement le maintien des variétés et races anciennes.

Enfin, les équipements agricoles sont adaptés à des systèmes de production simplifiés en monoculture. À titre d’exemple, les équipements utilisés pour la traction animale par un agriculteur rencontré en Haute-Vienne sont des outils très peu répandus, commercialisés uniquement par l’association de promotion de l’agriculture moderne en traction animale (Prommata).

Certaines pratiques plus respectueuses des sols ou l’entretien minutieux d’infrastructures agricoles paysagères (entretien des abords des pierriers et murets en pierres sèches par exemple) nécessitent du matériel technique spécifique pouvant être coûteux. Les aides à l’achat de matériel agricole ne prennent pas suffisamment en compte ces contraintes. Il est nécessaire de pouvoir accorder des subventions plus importantes aux agriculteurs et agricultrices qui utilisent des machines plus techniques pour les accompagner dans leurs pratiques agricoles davantage respectueuses de l’environnement.

Recommandation n° 17 : Moduler les aides financières à l’achat de machines et matériels agricoles, notamment d’occasion, pour soutenir davantage le recours aux machines plus petites et techniques, plus respectueuses des sols.

En aval, les agriculteurs sont incités à produire en grande quantité. Lors de son audition, la Coordination rurale a indiqué que les coopératives se massifient et encouragent les agriculteurs à augmenter leur production. La production de masse permet des économies d’échelle.

Par ailleurs, les productions agricoles doivent être standardisées. Les cahiers des charges de la grande distribution contiennent des exigences précises quant à l’aspect physique et la variété des fruits et légumes.

Les coopératives « 100 % bio » qui assurent une grande partie des débouchés en AB ne couvrent pas tous les territoires agricoles et certaines disparaissent face à la crise du bio (voir ci-dessous). D’après M. Jérôme Keller, agriculteur installé près de Peyrat-de-Bellac en Haute-Vienne, à l’échelle de son territoire, les filières agricoles ne sont pas suffisamment structurées pour assurer des débouchés aux nouveaux agriculteurs en conversion vers le bio. Le manque de débouchés constitue ainsi un frein majeur au développement de l’AB ; or, « la bio ne peut pas se développer sans un tissu d’acteurs économiques suffisant ».

Enfin, plusieurs agriculteurs auditionnés ont souligné l’absence de débouchés pour certaines productions agricoles, comme la luzerne ou les pois protéagineux. Les associations de cultures, céréales/légumineuses en particulier, permettent de stabiliser et d’augmenter le rendement des cultures. Les légumineuses permettent également de fixer l’azote atmosphérique et donc de réduire le besoin d’engrais azotés. Aujourd’hui, la culture de légumineuses à graines représente 3 % de la SAU, alors que 70 % des légumes secs consommés en France sont importés. Les filières existantes sont encore à l’état de niche, par exemple un projet initié dès 2017 pour développer les légumineuses en Occitanie a débouché sur la création en 2022 de l’association Fileg « Filière légumineuse à graines ». Cette association soutient la création de filières à travers plusieurs instruments : observatoire des cultures, guide de contractualisation, outil de veille des marchés.

La plupart des agriculteurs et agricultrices rencontrés par vos rapporteurs font le choix, lorsqu’ils le peuvent, d’écouler une partie de leur production en vente directe de façon à vendre leur production agricole à un prix juste fixé plus librement, et de transformer leurs produits directement à la ferme. Toutefois, ce modèle de vente ne permet pas de pallier le manque de filières à plus grande échelle.

Recommandation n° 18 : Soutenir financièrement les associations de maintien pour une agriculture paysanne (Amap) et les réseaux de magasins de producteurs afin de développer les débouchés et les filières favorisant une agriculture de proximité respectueuse de l’environnement.

2.   Le manque de débouchés et la crise du bio

Les crises successives, notamment la Covid-19 et la guerre en Ukraine, ont entraîné une augmentation des prix de l’énergie et des matières premières. En France, le prix des produits de grande consommation a augmenté en moyenne de 24,6 % entre 2021 et 2023 ([101]). La consommation alimentaire des produits certifiés AB a également été bouleversée par le contexte mondial. L’agriculture biologique traverse aujourd’hui une crise conjoncturelle et structurelle.

De manière conjoncturelle, le prix des produits certifiés agriculture biologique a augmenté de 4 % entre 2021 et 2022, alors qu’il a augmenté de 6,7 % pour les produits non certifiés. D’après les données les plus récentes publiées par l’Agence Bio pour l’année 2022, les achats de produits alimentaires bio sont en baisse de 4,6 % et la part du bio dans le panier des Français s’établit à 6 %, contre 6,4 % en 2021.

De manière structurelle, on constate des variations importantes des achats selon les types et lieux de consommation. La vente en magasins spécialisés en bio (27 % du marché) subit la crise la plus importante (- 8,6 %). En revanche, la vente directe à la ferme et sur les marchés (13 %) est en progression (+ 3,9 %) ; environ 26 000 fermes biologiques vendent en direct.

Par ailleurs, les produits bio souffrent d’un manque de débouchés. Le marché du bio dépend encore à 92 % de la consommation à domicile. Les achats de produits bio des restaurants ne représentent que 2 % en 2022. Les produits bio représentent seulement 7 % des achats alimentaires des établissements de la restauration collective (cantines scolaires, restaurants d’entreprises, hôpitaux, etc.).

Par ailleurs, la FNAB s’inquiète du ralentissement du rythme des conversions. En 2022, le nombre de nouveaux producteurs bio était en baisse par rapport à l’année 2021. On enregistrait 5 330 nouveaux producteurs bio en 2022 (contre 7 706 nouveaux producteurs bio en 2021). Parallèlement, on enregistrait 3 290 arrêts de certification biologique en 2022 (contre 2 510 en 2021). Parmi les arrêts de certification enregistrés en 2022, la moitié des arrêts relève de départs à la retraite (liquidation, changements administratifs de l’exploitation ou autres cessions...), et non d’un changement dans le choix de conduite de la ferme. Le solde entre les arrivées (9,1 %) et les sorties du bio (5,6 %) demeure positif mais traduit un réel frein dans la dynamique des conversions.

Selon les acteurs auditionnés, la crise que connaît le bio trouve sa source dans le manque d’information des consommateurs et des professionnels. Selon le baromètre de la consommation de produits biologiques en France ([102]), en 2021, le manque d’information était un frein pour 50 % des non-consommateurs de bio alors qu’en 2023, il l’est pour 67 % d’entre eux.

Dans son rapport sur le soutien à l’agriculture biologique publié en juin 2022, la Cour des comptes a relevé les moyens largement insuffisants alloués à l’Agence Bio, en particulier en matière de communication (moins de 1,5 million d’euros, d’après l’audition de l’agence). Pour soutenir les ventes en bio, la Cour recommande d’établir « un plan interministériel de communication grand public sur les bénéfices de l’agriculture biologique en s’appuyant sur des évaluations scientifiques de son impact sanitaire et environnemental » et de « donner à l’Agence Bio les moyens financiers et humains » correspondants à ses missions.

Les moyens insuffisants de l’Agence Bio

Créée en novembre 2001, l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, dite Agence Bio, est le principal opérateur de l’État dédié à la filière bio. Elle mène des actions visant à l’information, au développement, à la promotion et à la structuration de l’agriculture biologique en France.

L’Agence Bio relève du statut de groupement d’intérêt public. Ses missions sont inscrites dans une convention constitutive renouvelée tous les cinq ans. Son statut juridique lui offre une grande souplesse pour mener à bien ses missions et se financer.

Le budget de l’Agence Bio est en décalage avec l’ambition de ses missions. La Cour des comptes ([103]) souligne que « l’éventail des missions de l’Agence Bio contraste avec la modestie de ses moyens ». En 2020, l’agence comptait 18 ETPT et son budget s’élevait à 8,75 millions d’euros, dont 5 millions consacrés au fonds « Avenir Bio ». Le budget est en partie alimenté par des subventions pérennes versées par les ministères de l’agriculture et de l’alimentation, de la transition écologique (2 millions par an). Cette subvention ne finance que la masse salariale et les coûts fixes ; l’agence est donc dépendante des financements extérieurs ponctuels pour mener à bien ses missions. Les financements ponctuels sont principalement :

- les crédits européens, obtenus dans le cadre d’appels à projet, qui ne permettent pas de développer des actions de communication de grande ampleur et des projets pluriannuels ;

- les contributions des interprofessions au budget du programme Avenir Bio 2017-2022, qui demeurent modestes (environ 300 000 euros par an). De même, certaines interprofessions ne participent que partiellement au budget des campagnes de promotion du mode de production bio : à l’occasion des vingt ans de l’Agence Bio, seule l’interprofession des fruits et légumes frais (Interfel) et le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel) ont accordé respectivement 200 000 euros au budget additionnel.

 

 

 

support de communication de la campagne « Bio réflexe » en 2023

En outre, plusieurs labels mettant en avant une production agricole écologiquement vertueuse coexistent (HVE, bleu blanc cœur, agriculture raisonnée, etc.). La multiplication des labels a eu un effet négatif sur la consommation de produits bios car les consommateurs méconnaissent la certification et les contrôles associés au label bio. À ce titre, 73 % des fuites de consommateurs du bio en valeur vont vers d’autres offres labellisées.

 

 

 

Recommandation n° 19 : Créer un chèque alimentaire sous conditions de ressources destiné à l’achat de produits issus de l’agriculture biologique de façon à soutenir la demande sur le marché du bio en crise et sensibiliser les consommateurs à l’offre en AB.

 

Recommandation n° 20 (Mme Manon Meunier) : Initier une campagne de communication visant à promouvoir une alimentation durable fondée sur les productions végétales et animales locales et durables et encourager la diminution de la consommation de viande au profit des légumineuses.

 

Recommandation n° 21 : Renforcer les enseignements sur la préservation de la biodiversité et l’alimentation durable dans l’enseignement primaire et secondaire.

3.   Une concurrence renforcée avec les accords de libre-échange

Le modèle agricole français se caractérise par une dépendance aux exportations et aux importations.

La France est le huitième pays exportateur de produits agricoles bruts au niveau mondial, après les États-Unis, le Brésil, les Pays-Bas, la Chine, l’Inde, le Canada et l’Espagne ([104]). Elle produit et exporte des productions végétales destinées à l’alimentation animale et une production animale industrielle massive, principalement hors-sol. En 2022, la France a exporté pour 11 974 millions d’euros de céréales (dont 6 758 millions d’euros de blé et 1 442 millions d’euros de maïs), 8 871 millions d’euros de laits et produits laitiers et 5 696 millions d’euros de viandes et produits carnés. Les associations auditionnées soulignent les effets négatifs des produits exportés sur la biodiversité en raison des pesticides utilisés pour la production des céréales et de la concentration des animaux dans les élevages hors-sol.

Exportations par filières en 2022

En parallèle, la France réalise des importations. En 2022, des fruits et légumes ont été importés pour un montant de 12 739 millions d’euros ; il s’agit notamment de tourteaux de soja destinés à l’apport protéique nécessaire aux productions animales industrielles. Les chercheurs auditionnés soulignent que ces importations génèrent une forte dépendance à l’extérieur ainsi qu’une déforestation importée. En effet, via les achats de soja, la déforestation est encouragée dans les pays producteurs d’Amérique Latine.

Les accords de libre-échange signés par l’Union européenne sont des traités internationaux qui réduisent les barrières commerciales tarifaires et non tarifaires entre les pays signataires. Ces accords peuvent prévoir plusieurs outils afin d’augmenter les débouchés des entreprises en leur ouvrant de nouveaux marchés : la diminution des droits de douane, l’ouverture de marchés publics, la reconnaissance de normes et d’indications géographiques protégées ou encore des mécanismes de règlement des différends en cas de conflit.

Plusieurs acteurs auditionnés, notamment les agriculteurs, les syndicats agricoles et les associations de protection de l’environnement alertent sur le risque de nivellement par le bas des normes européennes et du prix des productions agricoles, l’absence de garanties environnementales et le risque de perte de souveraineté alimentaire.

À ce jour, l’Union européenne a signé 41 accords commerciaux couvrant 72 pays. Malgré les vives oppositions, l’Union a conclu un accord d’association commerciale avec le Mercosur ([105]) en juin 2019. Néanmoins, il n’a pas été ratifié et les modalités précises sont encore en discussion. En 2020, le rapport de M. Stefan Ambec sur les effets potentiels de la partie commerciale de l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur en matière de développement durable indique que l’accord « va probablement induire des gains commerciaux dont l’impact en termes de revenu réel pour les concitoyens européens sera minime ». Il souligne « l’hétérogénéité entre des secteurs qui enregistreront des gains – essentiellement dans l’industrie et les services – et d’autres qui pâtiront de la concurrence des pays du Mercosur comme les secteurs agricoles et agroalimentaires ». Le rapport conclut que cet accord « représente une occasion manquée pour l’UE d’utiliser son pouvoir de négociation pour obtenir des garanties solides répondant aux attentes environnementales, sanitaires, et plus généralement sociétales de ses concitoyens ». Pour répondre à ces inquiétudes, la Commission européenne a proposé un addendum environnemental qui fait l’objet de négociations.

Lors des auditions et des déplacements effectués par vos rapporteurs, l’ensemble des agriculteurs, des fédérations professionnelles et des syndicats agricoles se sont montrés extrêmement inquiets sur les conséquences de cet accord. Il suscite une incompréhension dans l’ensemble de la profession au regard de l’ensemble des injonctions environnementales auxquelles sont soumis les agriculteurs français, en facilitant l’importation de produits agricoles qui ne respecteraient pas ces mêmes normes.

Votre rapporteure, Mme Manon Meunier, s’oppose à la signature de l’accord UE – Mercosur. En outre, vos rapporteurs estiment indispensable que l’accord prévoit des mesures « miroirs » qui permettraient d’imposer les mêmes standards de production aux produits importés. Ces mesures rééquilibreraient les distorsions de concurrence et permettraient d’agir pour la décarbonation au niveau mondial.

Recommandation n° 22 : Intégrer les enjeux de préservation de la biodiversité et de commerce équitable dans les accords de libre-échange.

 

Recommandation n° 23 : Favoriser les accords de coopération avec les États engagés dans des politiques de préservation de la biodiversité et de soutien de l’agriculture paysanne et des pratiques agricoles durables.

 

Recommandation n° 24 : Intégrer des mesures miroirs imposant les mêmes standards de production que ceux de l’UE et les moyens de les faire respecter dans les accords de libre-échange.

 

Recommandation n° 25 (Mme Manon Meunier) : Se retirer des traités et des négociations en cours concernant des accords de libre-échange, notamment avec le Mercosur et la Nouvelle-Zélande.

C.   Un manque de formation et d’accompagnement des agriculteurs et des agricultrices sur les enjeux de biodiversité

1.   La formation agricole initiale

L’enseignement agricole a intégré progressivement l’approche agroécologique. Lancé en 2014, le plan « Enseigner à produire autrement » donne à l’enseignement agricole « un rôle majeur pour adapter et anticiper l’évolution des connaissances et des modes de raisonnement ». Le plan modifie le contenu du bac professionnel « Conduite et gestion de l’exploitation agricole » et du brevet de technicien supérieur agricole « Analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole » pour y introduire l’agroécologie.

Le nouveau plan 2020-2024, intitulé « Enseigner à produire autrement, pour la transition et l’agroécologie », a été lancé en janvier 2020. Il s’articule autour de quatre axes et poursuit les objectifs suivants :

– 100 % des établissements engagés dans une démarche éco-responsable en 2022 ;

– 100 % des référentiels de formation rénovés pour y intégrer les enjeux des transitions, de l’agroécologie et du bien-être animal en 2025 ;

– 90 % des exploitations ayant arrêté l’utilisation du glyphosate d’ici fin 2021 et pour les 10 % restantes, avoir défini une stratégie pour l’arrêter ;

– en 2025, 100 % des établissements disposant d’une ou plusieurs exploitations agricoles et ateliers devront avoir au moins un de leurs ateliers de production en agriculture biologique représentant 20 % ou plus de la surface agricole utile de l’établissement.

À ce jour, les indicateurs visant à rendre compte des avancées du plan au sein des établissements pour l’année scolaire 2022-2023 n’ont pas encore été publiés par le ministère de l’agriculture.

Le rapport d’information du Sénat intitulé « Enseignement agricole : l’urgence d’une transition agro-politique » présenté par M. Jean-Marc Boyer et Mme Nathalie Delattre en 2021 souligne que « les exploitations des établissements d’enseignement agricole ont également pris le virage de la transformation écologique » :

– 20 % de la SAU des exploitations des établissements est certifiée en agriculture biologique, soit une augmentation de 74 % entre 2014 et 2018 ;

– 130 des 192 exploitations des établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLFPA) publics ont des actions techniques et pédagogiques en biodiversité ;

– 70 EPLFPA publics sont impliqués dans l’Observatoire agricole de la biodiversité et les deux tiers des exploitations sont mobilisées dans les plans Écophyto successifs et partenaires du réseau de fermes de démonstration Dephy.

D’après le témoignage de M. Philippe Pinot, chef d’établissement d’un lycée agricole et membre du Conseil national de l’enseignement agricole privé, auditionné par la mission, la transition est aujourd’hui amorcée dans les lycées agricoles. Des enseignements qui étaient autrefois très mal accueillis dans des classes composées majoritairement de jeunes issus de milieux agricoles sont aujourd’hui plus acceptés. L’arrivée de profils non issus de familles d’agriculteurs tend notamment à favoriser l’évolution des représentations sur l’environnement.

Si la transition de l’enseignement agricole est en cours, les agriculteurs rencontrés soulignent néanmoins la persistance de formations agricoles très orientées sur des objectifs quantitatifs de rendements au détriment de la qualité.

Selon vos rapporteurs, il est crucial d’intégrer l’enseignement de l’agroécologie dans toutes les formations agricoles initiales. Les sociologues auditionnés ont souligné l’importance de la formation initiale dans le succès des exploitations respectueuses de la biodiversité. Les agriculteurs ayant un profil plus technique, ingénieurs ou agriculteurs conventionnels, rencontrent moins de difficultés à maintenir une exploitation certifiée bio dans le temps ([106]).

Recommandation n° 26 : Intégrer dans les formations agricoles des modules d’enseignement sur les bénéfices économiques et environnementaux de l’agriculture biologique, de l’agroécologie et de l’agroforesterie, en particulier un module sur la préservation et l’entretien des haies.

2.   Vers un conseil agricole indépendant et formé sur les pratiques agroécologiques

Après leur installation, les agriculteurs et agricultrices ont besoin d’information et de conseils sur l’utilisation d’intrants et sur les pratiques agroécologiques.

S’agissant du conseil sur les produits phytopharmaceutiques, le législateur a voulu limiter les conflits d’intérêts et réduire l’usage des pesticides avec l’article 88 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « Égalim ». Par ordonnance, le Gouvernement a séparé les activités de vente et de conseil de produits phytopharmaceutiques ([107]).

La réforme du conseil et de la vente repose sur trois piliers : la séparation capitalistique des structures proposant du conseil et de la vente (article L. 254-1-1 du code rural et de la pêche maritime), l’instauration du conseil stratégique obligatoire indépendant et la possibilité de recourir au conseil spécifique facultatif indépendant (article L. 254-6-3). Le conseil stratégique obligatoire implique que toute personne qui décide des traitements phytopharmaceutiques doit être en mesure de justifier s’être fait délivrer deux conseils stratégiques au moins par période de cinq ans. Le conseil spécifique facultatif correspond à un conseil ponctuel visant à répondre aux situations d’urgence, notamment en cas d’intempéries ou de maladies. Dans les deux cas, le conseil ne peut plus être délivré par les vendeurs de pesticides.

Trois ans après son entrée en vigueur, la réforme visant à séparer le conseil de la vente fait l’objet de nombreuses critiques. Le groupe de travail visant à dresser un bilan de la séparation des activités de vente et de conseil des produits phytopharmaceutiques ([108]) estime que la réforme a produit des effets contreproductifs. Il note que le « passage d’un conseil formalisé formulé par les vendeurs, à une absence de conseil ou à un conseil oral et informel, paraît avoir diminué la qualité du conseil délivré et laissé un certain nombre d’agriculteurs orphelins ». Les rapporteurs du groupe de travail estiment que la séparation voulue par le législateur n’a pas permis de réduire l’usage des pesticides car « le conseil stratégique tel qu’il est aujourd’hui délivré est dans la majorité des cas inadapté aux besoins des agriculteurs ». In fine, l’obligation de séparation entre la vente et le conseil est très peu respectée et se heurte à des difficultés de terrain.

Vos rapporteurs souhaitent qu’une réflexion sur le contenu et les modalités de dispense des conseils stratégiques et facultatifs soit engagée. La possibilité pour les agriculteurs et agricultrices de bénéficier de conseils sur la lutte contre les agresseurs, notamment à travers les solutions fondées sur la nature, est primordiale. Il est donc important d’encourager la formation de techniciens conseil formés aux pratiques agroécologiques.

Recommandation n° 27 : Renforcer la séparation entre les activités de conseil et de vente de produits phytopharmaceutiques en créant un « service public vétérinaire et phytosanitaire » fondé sur la prévention et les solutions fondées sur la nature et poursuivant un objectif de diminution du recours aux antibiotiques.

D.   Les obstacles mentaux et les représentations sociales : témoignages de conversion en bio

Au cours des auditions et des déplacements menés par vos rapporteurs, plusieurs agriculteurs et agricultrices ont témoigné de leurs parcours professionnels, de leur rapport à l’environnement et des difficultés rencontrées dans la conversion à une agriculture plus respectueuse de la biodiversité. Ces récits traduisent les obstacles mentaux au changement des pratiques agricoles et les représentations de la réussite dans le monde agricole.

Lors du déplacement en Alsace, les rapporteurs ont visité plusieurs vignobles utilisant des pratiques agricoles respectueuses de la biodiversité. Aujourd’hui, près de 32 % du vignoble alsacien est cultivé en agriculture biologique ([109]). À Wettolsheim, M. André Stentz, viticulteur lauréat du Vititrophée ([110]), cultive une dizaine d’hectares et emploie cinq personnes. Lors des échanges, M. Stentz est revenu sur son parcours, expliquant qu’il ne venait pas du milieu viticole et qu’il « n’était pas formé par les pratiques traditionnelles en viticulture ». À ses débuts, « le bio c’était beaucoup de bonnes intentions mais peu de savoirs techniques ». Progressivement avec l’aide de l’Inrae, il s’est formé et a développé de nouvelles solutions fondées sur la nature, telles que les trichogrammes pour lutter contre le vers de la grappe.

Au début de sa transition en agriculture biologique, pionnière dans le village, ses clients demandaient régulièrement aux habitants : « il est où le viticulteur bio du village ? ». Aujourd’hui, grâce notamment à cette forte demande de vins bios exprimée par la clientèle, 60 % de viticulteurs à Wettolsheim sont en agriculture biologique. Ces anecdotes traduisent à la fois la représentation qui peut être faite de la biodiversité́, mais aussi l’évolution des attentes de la société́ civile : une fois que les gens comprennent le pouvoir et les vertus de l’agriculture biologique, ils forment une clientèle solide.

Vos rapporteurs ont également échangé avec plusieurs agriculteurs qui ont souligné le poids des représentations associées au modèle agricole « conventionnel » au sein de la profession agricole. Après des années d’une production agricole intensive sur son exploitation familiale de plus de 170 hectares, M. Gaël Roulleau a eu besoin d’un « choc psychologique » pour arrêter du jour au lendemain l’épandage de pesticides à bord de son tracteur avec pulvérisateur de « la taille d’un Airbus ». C’est la prise de conscience de l’impact des produits phytosanitaires sur la santé d’enfants de villages voisins qui le décide à convertir son exploitation en AB. Il est certifié en AB le 14 mai 2019 « à 22 heures ». Sa conversion nécessite d’apprendre de nouvelles techniques agronomiques et surtout de dépasser des représentations fortement ancrées, en particulier la vision de ce qu’est une « belle » exploitation. En l’absence de recours aux herbicides, les champs bio sont en effet beaucoup moins « propres » : pour M. Roulleau, « psychologiquement, les champs dégueulasses, c’est dur. »

Pour M. Gaspard Hedde, paysan boulanger près de Limoges, il y a un véritable « frein visuel » à la transition agroécologique des exploitations. La diminution du travail des sols et le non-recours aux herbicides augmentent la présence des mauvaises herbes. Les haies, les arbres, les bandes enherbées, etc. réintroduisent de la discontinuité dans les champs. Ces nouveaux paysages agricoles rompent avec l’imaginaire dominant du « visuel propre ». Les tracteurs et autres engins agricoles sont également très ancrés dans la culture agricole. Pour de nombreux agriculteurs, « acquérir de plus grosses machines et des parcelles plus grandes est le sens du progrès ». Par contraste, réduire la taille de ses parcelles, mutualiser l’utilisation de tracteurs, posséder « juste un quad » et s’intéresser à la « pousse de l’herbe » peut apparaître comme un retour en arrière.

Il subsiste ainsi au sein de la profession agricole « une méfiance » vis-à-vis de ce qui a trait à l’environnement et à la biodiversité. D’après M. Hedde, seule une communication positive et non clivante permettra de lever les résistances et les a priori. La biodiversité doit être avant tout présentée aux agriculteurs comme un moyen et non une finalité, comme une conséquence de pratiques avant tout vertueuses pour la production agricole.

Dans le même temps, les travaux de la mission ont permis également de constater l’évolution des représentations et la prise de conscience environnementale croissante de la profession. Les agriculteurs sont aussi les premiers à constater le déclin de la biodiversité dans leurs milieux.

M. Thierry Mouchard, agriculteur biologique labellisé depuis mars 2021, a souligné, parmi les motifs de sa conversion au bio, le souci de préserver une eau potable dans les Deux-Sèvres (aujourd’hui fortement dégradée du fait de l’utilisation de pesticides et des pratiques agricoles intensives sur le territoire). L’impact de la production agricole sur la santé humaine, le retour des insectes et des oiseaux sur son exploitation, les bénéfices manifestes des haies et des arbres pour ses animaux (ombrière, coupe-vent, ressource fourragère…) sont autant d’autres raisons qui justifient quotidiennement ses choix de production.

Lors de son audition, le représentant du Modef a pu souligner que « le respect de l’environnement et de la biodiversité fait aujourd’hui tellement consensus que l’on ne trouve quasiment plus de représentants agricoles qui s’y opposent frontalement. »


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   Partie III : L’impact des politiqUes publiques et leviers

  1.   Une transition agroécologique insuffisamment accompagnée par les politiques publiques

De la même manière que les politiques publiques ont largement contribué aux transformations de l’agriculture, de ses paysages et du métier de paysan à partir des années 1960 à travers la politique agricole commune (PAC) et les lois d’orientation agricole successives, il appartient aujourd’hui aux pouvoirs publics d’accompagner les agriculteurs et les agricultrices vers des modes de production agricoles économiquement rentables et soutenables face au déclin de la biodiversité et au changement climatique.

Les travaux de la mission ont permis de constater un soutien discontinu, mal ciblé et très insuffisant pour inciter efficacement les agriculteurs au changement des pratiques agricoles. La nouvelle PAC 2023-2027 et sa déclinaison nationale à travers le plan stratégique nationale (PSN) ne sont notamment pas à la hauteur des enjeux.

La conversion des fermes à des modes de production agroécologiques vertueux à la fois pour la santé économique des exploitations, la société, la biodiversité et plus largement l’environnement nécessite une prise de risque majeure de la part des agriculteurs que la profession ne pourra pas endosser seule sans un soutien public d’envergure.

A.   Au niveau européen, l’Échec du verdissement de la politique agricole commune

1.   La conditionnalité et le « second pilier » des aides de la PAC n’ont pas permis un changement significatif des pratiques agricoles

Créée par le traité de Rome en 1957 et entrée en vigueur en 1962, la politique agricole commune (PAC) est l’un des piliers de la construction européenne. Elle constitue le principal poste de dépenses de l’Union (environ un tiers du budget européen) et relève aujourd’hui des compétences partagées entre l’Union européenne et les États membres depuis le traité de Lisbonne (2007).

À l’origine, l’objectif de la PAC était d’accroître la productivité agricole pour assurer l’autosuffisance alimentaire de l’Europe au moyen d’une politique active de soutien aux prix agricoles (fixation de prix garantis supérieurs à la moyenne mondiale et rachat des surplus par l’Union, protection douanière et subventions à l’exportation, quotas…). À partir de 1992, cette politique a été progressivement abandonnée et remplacée par la mise en place d’aides directes attribuées sous forme de primes à l’hectare (réforme dite Mac Sharry).

Ces aides dites de « surface », dont la grande majorité a été « découplée » ([111]) des rendements et du type de production, constituent aujourd’hui le « premier pilier » de la PAC centré sur le soutien aux prix et aux revenus agricoles. Financées par le Fonds européen agricole de garantie (Feaga), elles représentent environ deux tiers du budget européen de la PAC, sachant que le critère surfacique favorise toujours leur attribution aux plus grandes exploitations, d’autant plus que la France a fait le choix de ne pas plafonner les paiements directs. Or, les grandes exploitations favorisent l’intensification et les pratiques les moins favorables à l’accueil de la biodiversité dans les paysages.

Recommandation n° 28 (Mme Manon Meunier) : Plafonner les paiements directs de la PAC afin de réduire les montants des aides bénéficiant aux plus grandes exploitations au bénéfice des petites exploitations.

 

Recommandation n° 29 : Réformer le mécanisme d’attribution des aides du premier pilier de la PAC en les attribuant aux actifs agricoles et non aux propriétaires fonciers et à l’agro-industrie.

 

Recommandation n° 30 (Mme Manon Meunier) : Réformer le mécanisme d’attribution des aides du premier pilier de la PAC en les indexant sur l’actif agricole et non plus sur la surface afin d’encourager l’installation de nombreux agriculteurs et favoriser les exploitations dont les pratiques sont plus respectueuses de la biodiversité.

La PAC a progressivement intégré des objectifs sociaux et environnementaux en réponse aux scandales sanitaires (crise de la « vache folle ») et aux critiques croissantes du productivisme et de l’intensification du modèle agricole européen. Toutefois, les effets des réformes successives de la PAC depuis les années 2000 sont limités. D’après un rapport de la Cour des comptes européenne publié en 2020, ses ambitions pour enrayer le déclin de la biodiversité ne se sont pas traduites jusqu’ici par des changements significatifs des pratiques agricoles en Europe ([112]).

a.   Des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et des aides à l’agriculture biologique (AB) faiblement dotées et non pérennes

En 1999, la création d’un second pilier consacré au développement rural a acté une première étape du verdissement de la PAC. Les aides de ce second pilier sont cofinancées par les États membres et le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) créé en 2007 et intègrent notamment :

– les mesures agroenvironnementales (MAE) dites « agroenvironnementales et climatiques » (MAEC) depuis 2015 : ces aides versées dans le cadre de contrats d’une durée de cinq ans et conditionnées au respect de cahiers des charges visent à compenser les pertes de revenus et les surcoûts induits par le maintien ou le changement de pratiques vertueuses pour l’environnement (par exemple, la réduction de produits phytosanitaires, la protection de captages d’eau potable, la restauration ou le maintien de prairies permanentes et d’infrastructures agroécologiques, la couverture des sols en hiver, etc.) ;

– les aides à l’agriculture biologique : elles sont surfaciques (c’est-à-dire qu’elles sont attribuées par hectare à la parcelle) et engagent également pour une durée de cinq ans. Depuis 2011, elles concernaient autant les surfaces en première ou deuxième année de conversion (aides à la conversion ou CAB) que les surfaces engagées en bio (aides au maintien ou MAB).

Dans la nouvelle PAC, l’aide au maintien en agriculture biologique a été supprimée (l’accès au niveau supérieur de l’écorégime étant supposé s’y substituer). Le montant des aides à la conversion varie entre 44 euros (landes, parcours d’estives), 350 euros (grandes cultures, viticulture, plantes aromatiques et médicinales), 450 euros et 900 euros par an par hectare (maraîchage, arboriculture) pour une enveloppe totale de 340 millions d’euros par an pour la période 2023-2027 dans le plan stratégique national français (PSN) (dont 196 millions du Feader).

Montants des aides à la conversion en agriculture biologique
pour 2023-2027

Source : Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

Ces aides spécifiquement destinées à soutenir la transition agroécologique – MAEC et aides à la conversion en AB – manquent de lisibilité et de pérennité dans le temps. Les auditions menées sur le terrain avec des agriculteurs et des associations ont permis de souligner la complexité des démarches à mener pour obtenir ces aides, la courte durée des engagements (cinq ans) et leur instabilité d’une PAC à l’autre. Les dispositifs changent régulièrement et ne permettent pas aux agriculteurs de s’engager durablement et avec certitude dans de bonnes pratiques.

b.   L’écoconditionnalité et l’échec du « paiement vert »

La réforme de juin 2003 a constitué une autre étape importante du « verdissement » de la PAC avec l’instauration de la conditionnalité qui subordonne l’attribution d’aides de la PAC au respect de règles environnementales. La conditionnalité a été progressivement étendue à l’ensemble des aides de la PAC, y compris celles du premier pilier.

Deux types d’exigences sont aujourd’hui contrôlées à ce titre :

– les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) ;

Les BCAE du plan stratégique national (PSN) français pour la PAC 2023-2027

BCAE 1 : l’obligation du maintien de prairies permanentes

BCAE 2 : la protection de zones humides et de tourbières

BCAE 3 : l’interdiction de brûlage

BCAE 4 : les bandes tampons le long des cours d’eau

BCAE 5 : la gestion du labour pour réduire les risques de dégradation des sols

BCAE 6 : l’interdiction des sols nus durant les périodes sensibles

BCAE 7 : la rotation des cultures

BCAE 8 : le maintien des éléments du paysage

BCAE 9 : l’interdiction de convertir ou de labourer des prairies permanentes dans les sites Natura 2000.

– les exigences réglementaires en matière de gestion (ERMG) qui portent sur le respect de la réglementation européenne relative à l’environnement, la santé et le bien-être animal.

En cas de non-respect de la conditionnalité, une sanction financière peut être mise en place. Les contrôles s’effectuent lors de visites sur place ou au moyen du suivi des surfaces en temps réel sur la base d’images satellitaires. Toutefois, la conditionnalité est en pratique peu contraignante et incitative au changement de pratiques. Elle « représente des exigences très faibles, des contrôles quasi inexistants et des pénalités pas du tout incitatives », d’après les chercheuses auditionnées Mmes Desquilbet, Fouilleux et Sirami.

Les dérogations sont également nombreuses : à titre d’exemple, dans le contexte de la guerre en Ukraine, la Commission européenne a adopté le 27 juillet 2022 un règlement d’exécution ([113]) permettant aux États membres de mettre en place une dérogation en 2023 sur la mise en œuvre des BCAE 7 et 8. Ainsi, concernant la BCAE 7, les agriculteurs français ne seront pas concernés en 2023 par l’obligation de rotation sur 35 % des terres arables cultivées de l’exploitation. Concernant la BCAE 8, la fauche, le pâturage ainsi que la mise en culture (sauf en maïs, soja et taillis à courte rotation, comme précisé dans le règlement d’exécution) des jachères sont autorisés pour la campagne 2023 ([114]).

Dans la PAC 2014-2020, la conditionnalité a notamment pris la forme du « paiement vert ». Ce dispositif conditionne le versement de 30 % du total des paiements directs du premier pilier (soit 2,2 milliards d’euros par an en France) au respect de trois critères : un ratio de prairies permanentes ; une diversification minimale des cultures (au moins trois cultures au-delà de trente hectares) ; et la présence de surfaces d’intérêt écologique (haies, mares, bandes tampons, etc.) sur au moins 5 % des terres arabes de l’exploitation.

Ses effets se sont révélés très limités, notamment en raison du faible niveau d’ambition des trois critères retenus. Un rapport spécial de la Cour des comptes européenne a estimé que le paiement vert n’aurait suscité des changements de pratiques agricoles que sur 5 % des terres agricoles de l’Union ([115]). Le verdissement a ainsi surtout eu un important effet d’aubaine tout en générant une complexité accrue des règles environnementales de la PAC. Dans la nouvelle PAC, le paiement vert disparaît au profit de « l’écorégime », dont l’architecture est tout autant critiquée (voir ci-dessous).

c.   Un bilan dissonant par rapport aux objectifs annoncés par l’Union

Les aides du second pilier (dont les MAEC) et l’écoconditionnalité des aides du premier pilier constituent ainsi les principaux leviers de la PAC pour soutenir la transition vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement et de la biodiversité. Toutefois, le manque d’exigence dans les critères environnementaux retenus, la complexité et la discontinuité des dispositifs ainsi que le défaut des moyens alloués aux aides spécifiques à la transition agroécologique n’ont pas permis de faire de la PAC un instrument majeur pour changer les pratiques agricoles et enrayer le déclin de la biodiversité dans les milieux agricoles.

Ce constat d’échec contraste avec les objectifs ambitieux portés par ailleurs par l’Union. Dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, la stratégie « De la ferme à la table » présentée en mai 2020 par la Commission européenne et adoptée en octobre 2021 fixe l’objectif de réduire de 50 % le recours aux pesticides et de 20 % le recours aux engrais de synthèse et d’atteindre 25 % d’exploitations en agriculture biologique d’ici 2030.

Présentée conjointement, la stratégie européenne pour la biodiversité à l’horizon 2030 conforte l’objectif de réduction des pesticides, soutient la plantation d’arbres et la création de zones protégées pouvant inclure des exploitations agricoles (notamment dans le cadre du réseau Natura 2000).

Le cadre juridique européen en matière de protection de la biodiversité

La directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dénommées directive « Habitats », et la directive concernant la conservation des oiseaux sauvages, plus connue sous le nom de directive « Oiseaux », adoptée dès 1979 et révisée en 2009 (2009/147/CE, 30 novembre 2009), constituent le socle de la réglementation européenne en matière de biodiversité. Ces directives ont pour objectif de garantir la conservation des espèces et des types d’habitats d’importance pour l’Union européenne, en protégeant tous les oiseaux sauvages (plus de 460 espèces), les habitats représentatifs et menacés (233 types, des prairies sous-marines aux alpages) et 1 400 autres espèces (des plantes aux mammifères). Elles imposent aux États membres d’assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, de ces espèces et habitats.

Le réseau des sites « Natura 2000 », créé en 1992, en est la pierre angulaire. Il vise à protéger des zones spécifiques sélectionnées pour la richesse de leur faune et de leur flore. En 2022, le réseau regroupe 18,5 % de la surface terrestre du territoire de l’Union et 8,9 % de sa surface marine ([116]).

La directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, dite directive cadre sur l’eau (DCE), vise à promouvoir une gestion durable de la ressource en eau, et notamment lutter contre la pollution de l’eau.

La stratégie européenne pour la biodiversité pour la période 2011-2020 visait à « enrayer la perte de biodiversité et la dégradation des services écosystémiques dans l’Union, assurer leur rétablissement dans la mesure du possible et renforcer la contribution de l’Union à la prévention de la perte de biodiversité. » Le rapport relatif à l’état de conservation des espèces et des habitats protégés au titre des directives « Oiseaux » et « Habitats », publié en 2019 par la Commission européenne, dresse un bilan alarmant : 81 % des habitats et 63 % des espèces d’intérêt communautaire (c’est-à-dire couverts par les deux directives précitées, hors poissons) sont considérés dans un état de conservation « insuffisant » ou « médiocre ».

Alors que la nouvelle PAC 2023-2027 aurait pu permettre de traduire ces ambitions, son architecture et sa déclinaison française ne sont pas à la hauteur des enjeux.

2.   La PAC 2023-2027 : l’ambition limitée du plan stratégique national (PSN) français

La nouvelle PAC 2023-2027, entrée en vigueur au 1er janvier 2023, a été déclinée par chaque État membre sous forme de « plans stratégiques nationaux » (PSN) ([117]) approuvés par la Commission européenne. Le PSN français a été validé par la Commission européenne le 31 août 2022 après qu’une première version a fait l’objet d’une lettre d’observation critique de la Commission européenne en date du 31 mars 2022. D’une façon générale, la Commission y a estimé que les ambitions du PSN français étaient insuffisantes pour accompagner la transition écologique du secteur agricole. Sur le volet « biodiversité », elle a relevé des moyens « insuffisants au regard des besoins. Là aussi, les choix opérés pour la conditionnalité, pour les écorégimes ainsi que pour les mesures agroenvironnementales devraient être renforcés. »

Alors que les États membres disposent, dans le cadre de leur PSN, de marges de manœuvre plus importantes pour rendre la PAC plus ou moins incitative à la transition agroécologique, la France a fait des choix à contre-courant.

a.   Le second pilier de la PAC demeure sous-doté

Les États membres peuvent notamment décider du transfert du budget du premier pilier vers le second, jusqu’à 25 % du montant total des aides du premier ou du second pilier. La France a fait le choix d’un taux de transfert de 7,53 % du premier pilier vers le second, soit un total de 548 millions d’euros par an, approuvé par l’acte délégué du 15 février 2022 de la Commission européenne ([118]).

Le PSN français est doté d’une enveloppe de 9,1 milliards d’euros par an pour la période 2023-2027, ainsi distribuée entre le premier et le second pilier, après transfert :

– 6,7 milliards d’euros au titre des paiements directs du premier pilier, dont 1,7 milliard d’euros pour l’écorégime (25 % des paiements directs) ;

– 1,9 milliard d’euros de financements du Feader complétés par des cofinancements nationaux au titre du second pilier.

Le second pilier demeure sous-doté dans le PSN français. En particulier, les MAEC et les aides à la conversion à l’AB continuent de représenter une part très faible en son sein : les aides à l’AB (340 millions d’euros par an) représentent 18 % des aides du second pilier ; et les MAEC (260 millions d’euros par an), seulement 13 %.

Recommandation n° 31 : Doubler le taux de transfert du premier pilier au second pilier (de 7 % à 14 %) afin d’affecter 500 millions d’euros supplémentaires au bénéfice des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et des aides à l’agriculture biologique.

b.   L’écorégime français : des montants parmi les plus faibles d’Europe et de faibles exigences environnementales

Après l’échec du paiement vert, l’écorégime constitue le nouvel instrument de la PAC 2023-2027 pour renforcer la conditionnalité environnementale des aides du premier pilier. Si les États membres ont l’obligation d’y allouer au minimum 25 % des paiements directs, ils ont le choix d’en définir les critères d’accès et les montants.

La comparaison des écorégimes choisis par les différents États membres montre que la France a fait le choix d’une stratégie « large et peu profonde » ([119]) qui ne permet pas de valoriser les pratiques les plus exigeantes pour la protection de l’environnement, ni d’inciter à leur diffusion. Plus de 80 % des agriculteurs en France sont actuellement éligibles à l’écorégime français sans nécessité d’adapter leurs exploitations, tandis que les montants versés au titre de l’écorégime français sont parmi les plus faibles d’Europe ([120]). Suivant une stratégie « profonde et restreinte », d’autres pays européens ont fait le choix d’écorégimes plus ambitieux qui bénéficient à un nombre plus faible d’agriculteurs mais avec des exigences environnementales plus contraignantes et des montants par hectare beaucoup plus élevés.

Précisément, la France a choisi trois voies alternatives d’accès à son écorégime :

– la voie des pratiques : l’écorégime est accordé à tout agriculteur pratiquant une diversification des cultures sur ses terres arables, le non-labour d’au moins 80 % de ses prairies permanentes ainsi qu’une couverture d’au moins 75 % des inter‑rangs de ses surfaces en cultures permanentes ;

– la voie de la certification : l’écorégime est accordé à tout agriculteur dont l’exploitation respecte le cahier des charges de l’agriculture biologique (AB), la certification haute valeur environnementale (HVE), dans sa version révisée, ou une certification environnementale privée dite de niveau 2+ (CE2+) ;

– la voie des éléments favorables à la biodiversité : l’écorégime est accordé à tout agriculteur qui justifie d’au moins 7 % d’infrastructures agroécologiques ou de terres en jachères sur sa SAU.

Les montants de l’écorégime français ont fait l’objet de plusieurs révisions. Dans une première version de son PSN invalidée par la Commission européenne, la France rémunérait au même niveau les exploitations certifiées HVE et en agriculture biologique : la Commission a ainsi relevé « avec préoccupation que la rémunération de niveau supérieur pour service environnemental dans l’écorégime est la même pour l’agriculture biologique et la certification HVE alors que le cahier des charges de cette certification est beaucoup moins contraignant. » ([121])

En réponse, la seconde version validée par la Commission le 31 août 2022 distingue trois niveaux de rémunération : 60 euros par hectare pour le niveau de base, 80 euros pour le niveau supérieur et 110 euros pour l’agriculture biologique.

Le succès de la campagne 2023, en grande partie dû au large ciblage de l’écorégime, a conduit le ministre de l’agriculture à abaisser uniformément ces montants par arrêté du 3 octobre 2023 ([122]). Les nouveaux montants ont été récemment très légèrement relevés par l’arrêté du 8 décembre 2023 ([123]) :

– le niveau de base de l’écorégime s’élève à 46,69 euros par hectare (contre 45,46 dans le précédent arrêté) ;

– le niveau supérieur de l’écorégime est de 63,72 euros par hectare ;

– le niveau de l’écorégime spécifique à l’agriculture biologique est de 93,72 euros par hectare ;

– le niveau du bonus « haies » ([124]) est maintenu à 7 euros par hectare.

Les éléments de comparaison collectés par la cellule de veille et de formation sur la politique agricole commune (Capeye) ([125]) montrent que la plupart des États membres ont défini des voies d’accès à l’écorégime plus précises et en plus grand nombre (alors que la France a défini trois voies d’accès généralistes et faiblement sélectives) avec des montants d’aides fréquemment supérieurs à 100-200 euros par hectare : à titre d’exemple, la gestion extensive de surfaces herbagères ouvre droit à 225 euros par hectare en Allemagne ; la couverture végétale des terres arables, 160 euros par hectare en Autriche ; des mesures de sauvegarde des pollinisateurs, entre 250 et 500 euros par hectare en Italie, etc.

Des pays comme le Danemark et la Suède ont fait le choix de cibler et valoriser significativement les exploitations en agriculture biologique, respectivement dans des fourchettes de 87 à 540 euros par hectare (selon les productions, soit 41 % du budget de l’écorégime danois) et de 150 à 740 euros par hectare (50 % du budget de l’écorégime suédois).

Dans l’écorégime français, outre le faible niveau de l’écorégime spécifique à l’AB (93,72 euros par hectare), la différence avec le niveau supérieur (30 euros) est trop faible pour constituer un levier incitatif à la conversion en AB.

Alors que l’écorégime aurait pu constituer un instrument majeur pour soutenir le maintien et la diffusion de pratiques agroécologiques en France, sa déclinaison française constitue un rendez-vous manqué.

Recommandation n° 32 : Rendre plus sélectives les voies d’accès à l’écorégime français et augmenter les montants par hectare de façon à valoriser les pratiques les plus favorables à l’environnement et la biodiversité (élevage extensif, polyculture-élevage, infrastructures agroécologiques nombreuses, couverture permanente des sols, travail limité des sols, etc.).

 

Recommandation n° 33 : Augmenter le montant de l’écorégime spécifique à l’agriculture biologique, actuellement inférieur à 100 euros par hectare, pour renforcer l’incitation à sa diffusion.

c.   Les MAEC, outil majeur de la transition agroécologique : une enveloppe largement sous-dotée pour 2023-2027

Les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), introduites en 2015, constituent aujourd’hui le principal levier de la PAC pour valoriser les pratiques agricoles bénéfiques à l’environnement et encourager les agriculteurs et les agricultrices à les mettre en place. D’après les observations de terrain de la mission, les MAEC sont déterminantes pour maintenir des espaces et milieux favorables à la biodiversité dans les exploitations agricoles (prairies permanentes, jachères, haies, arbres, mares, réduction de produits phytosanitaires, gestion extensive de prairies, etc.).

L’incertitude qui pèse aujourd’hui sur la pérennité des contrats MAEC et les niveaux de rémunération avec l’entrée en vigueur de la nouvelle PAC et des coupes budgétaires d’ampleur constatées dans plusieurs territoires met en péril les dynamiques positives engagées grâce à ce dispositif.

Les aides versées au titre des MAEC engagent les agriculteurs sur une durée contractuelle de cinq ans. Elles visent à compenser les pertes de revenus et les surcoûts induits par le maintien ou le changement de pratiques coûteuses mais présentant un bénéfice pour la biodiversité et l’environnement. Leur montant est calculé par hectare et par an et est versé en contrepartie d’un certain nombre d’obligations définies dans un cahier des charges.

Les contrats sont conclus dans le cadre d’un projet agroenvironnemental et climatique (PAEC) élaboré par un opérateur de territoire (par exemple, la chambre d’agriculture, un syndicat d’eau, un parc naturel régional) qui s’engage à animer la mise en œuvre des MAEC auprès des agriculteurs impliqués. Les agriculteurs ne peuvent donc pas directement répondre aux appels à projet MAEC.

Le processus d’attribution des MAEC au niveau national, régional et territorial

Au niveau national, le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire définit un catalogue de MAEC et leurs cahiers des charges, et répartit les crédits du Feader et du budget de l’État entre les régions. Pour la PAC 2023-2027, ce cadrage national a été réalisé dans le plan stratégique national (PSN) approuvé par la Commission européenne le 31 août 2022.

Les régions identifient des zones dans lesquelles les MAEC définies au niveau national peuvent être attribuées au regard du zonage spécifique de leur territoire (aires d’alimentation de captage, Natura 2000, zones humides, etc.) et des enjeux identifiés dans leur programme de développement rural (PDR). Certains paramètres des cahiers des charges nationaux peuvent être adaptés au niveau régional en fonction du contexte agronomique et environnemental du territoire.

Des appels à projet sont lancés par la direction régionale de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt (Draaf) au sein de ces zones à enjeu, pour lesquels les opérateurs de territoire (par exemple : chambre d’agriculture, syndicat d’eau, parc naturel régional, etc.) peuvent manifester leur intérêt.

Pour cela, les opérateurs doivent élaborer un projet agroenvironnemental et climatique (PAEC) qui détaille les MAEC proposées aux agriculteurs et l’animation prévue pour accompagner les agriculteurs concernés. La sélection des PAEC est assurée par la Draaf. La gestion opérationnelle des engagements MAEC revient ensuite à la direction départementale des territoires (DDT).

Pour la PAC 2015-2022, les régions sont devenues les autorités de gestion du Feader. Pour la PAC 2023-2027, l’État exercera la responsabilité d’autorité de gestion des MAEC surfaciques, tandis que les régions seront responsables des MAEC non liées à la surface.

Le catalogue des MAEC et le nombre de cahiers des charges ont été révisés. Deux types de mesures, en partie héritées de la PAC 2015-2022, sont distingués dans le PSN français pour 2023-2027 :

– les MAEC répondant à une logique de système : le cahier des charges engage au moins 90 % des terres de l’exploitation. Des mesures sont proposées pour chaque grand système de production ;

– les MAEC répondant à des enjeux localisés : ces mesures engagent à l’échelle de la parcelle sur des enjeux spécifiques « eau », « sol », « biodiversité » et « climat et bien-être animal » ;

Les MAEC définies dans le plan stratégique national pour la période 2023-2027

70.06 : la qualité et la gestion quantitative de l’eau pour les grandes cultures

70.07 : la qualité et la gestion quantitative de l’eau pour les cultures pérennes

70.08 : la qualité et la protection du sol

70.09 : le climat, le bien-être animal et l’autonomie alimentaire des élevages

70.11 : la création de couverts d’intérêt pour la biodiversité, en particulier les pollinisateurs

70.12 : la préservation des espèces

70.13 : le maintien de la biodiversité par l’ouverture de milieux

70.14 : l’entretien durable d’infrastructures agroécologiques

API : l’amélioration du potentiel pollinisateur des abeilles

PRM : la protection des races menacées

Transition des pratiques (MAEC de type forfaitaire, c’est-à-dire rémunérée par exploitation et non par hectare) : cette nouvelle MAEC vise à compenser la prise de risque associée à une transition vers des pratiques plus agroécologiques ; son attribution repose sur un diagnostic et des obligations de résultats à cinq ans (réduction des pesticides d’au moins 30 %, amélioration du bilan carbone d’au moins 15 %, amélioration de l’autonomie alimentaire d’un élevage).

Alors que les régions étaient devenues seules autorités de gestion du Feader en 2015, pour la nouvelle PAC, l’État exercera la responsabilité d’autorité de gestion des MAEC surfaciques (systèmes et localisées) tandis que les régions seront responsables des MAEC non liées à la surface (transition des pratiques, protection des races menacées et amélioration du potentiel pollinisateur).

Alors que la demande est importante, l’enveloppe des MAEC pour la période 2023-2027 a été maintenue à 260 millions d’euros par an au niveau national (dont 80 % du Feader). Sur ce montant, 40 millions d’euros par an ont été confiés aux régions pour financer des MAEC non surfaciques ; 220 millions d’euros par an sont gérés par l’État et consacrées aux MAEC surfaciques.

L’insuffisance des moyens alloués aux MAEC dans la nouvelle PAC exclut de nombreux agriculteurs du dispositif et compense insuffisamment le surcoût ou le manque à gagner pour les agriculteurs engagés, avec des conséquences désastreuses pour la biodiversité dans les milieux agricoles (abandon de contrats et des pratiques prévues par le cahier des charges, retournement de prairies permanentes…).

En Bretagne, les élus ont alerté sur l’insuffisance du budget pour répondre à la demande des agriculteurs ([126]). La direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt a recensé un total de 148 millions d’euros de demandes d’engagement MAEC pour la campagne de 2023, alors que l’enveloppe allouée à la région s’élève à environ 90 millions d’euros : il manque plus de 50 millions d’euros pour financer les 4 545 MAEC demandées concernant 2 900 exploitations ([127]).

Les régions Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes sont également concernées.

À titre d’exemple, sur le plateau de Millevaches en Nouvelle-Aquitaine dans l’ancien Limousin, le budget alloué aux deux projets agro-environnementaux et climatiques (PAEC) a été divisé par sept et par cinq par rapport à la période 2015‑2022. En conséquence, certains agriculteurs n’ont pas pu renouveler leur contractualisation et ont dû abandonner les pratiques associées. Ceux qui ont réussi à contractualiser ont été plafonnés : alors que les contrats MAEC pouvaient être rémunérés entre 12 000 et 17 000 euros par an, les niveaux de rémunération ont dû être plafonnés à 6 000 euros par an sur le plateau, soit une perte de ressources considérable, notamment pour les agriculteurs ayant des pratiques agricoles très extensives et de nombreuses zones valorisées par les MAEC sur leur exploitation ([128]).

Sur la réserve naturelle nationale de la Tourbière des Dauges au nord de Limoges en Haute-Vienne, située au cœur d’un site Natura 2000, les gestionnaires du Conservatoire d’espaces naturels (CEN) constatent également une forte réduction de l’enveloppe allouée : leur budget MAEC a été réduit de moitié par rapport à la précédente programmation. Il permet désormais de couvrir 13 hectares (contre 29 hectares auparavant) et ne permet pas de rémunérer justement le travail réalisé par les agriculteurs présents sur la réserve, pourtant indispensable à l’entretien des milieux (cf. encadré). La situation risque de conduire à des abandons de bonnes pratiques et aucun nouveau projet ne pourra être lancé.

L’agriculture au sein de la réserve naturelle nationale de la Tourbière des Dauges (Haute-Vienne, 87)

Les quatre agriculteurs présents sur la réserve rendent plusieurs services environnementaux nécessaires à l’entretien et la préservation des milieux (tourbières, landes…). Une quinzaine de bœufs d’une race rustique (Highland) pâturent l’essentiel des trente hectares des fonds tourbeux de la réserve de mai à novembre. Un élevage d’une centaine de chèvres permet de pâturer les landes de la zone Natura 2000. Les deux fermes concernées parviennent à valoriser leurs produits par la transformation et la vente directe.

Ces pratiques de pâturage extensif empêchent la fermeture des milieux et favorisent leur diversité biologique (dans les sols, diversité floristique, oiseaux, insectes pollinisateurs, etc.). Elles préservent des races rustiques délaissées par l’élevage conventionnel (la Highland par rapport à la race limousine, plus répandue dans la région). Elles permettent également de valoriser le site auprès du grand public et constituent même un outil de communication pour la réserve.

Sur le terrain, les animateurs et accompagnants rencontrés rencontrent des difficultés pour expliquer la situation aux agriculteurs et agricultrices concernés et établir des critères de sélection acceptables pour pouvoir allouer une enveloppe budgétaire fortement réduite. Le contexte nourrit de fortes tensions et incompréhensions entre les agriculteurs, les associations, les élus, les structures publiques, etc.

À titre d’exemple, un apiculteur biologique, rencontré en Haute-Vienne, a estimé à plus de 15 000 euros sa perte annuelle liée à la diminution des aides MAEC pour le maintien de ruches.

Dans ce contexte, le 19 décembre 2023, le ministère de l’agriculture a annoncé une enveloppe supplémentaire de 150 millions d’euros pour la campagne MAEC de 2023, sans toutefois préciser ses modalités de financement ni sa pérennisation sur la période 2023-2027.

Recommandation n° 34 : Augmenter le financement des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) de façon à donner les moyens aux agriculteurs de restaurer et préserver les infrastructures agroécologiques (haies, mares, bandes fleuries…), de mettre en œuvre des pratiques agricoles favorables à la biodiversité des sols (fertilisation organique, couverture permanente, non-systématisation du labour), de l’agroforesterie, des systèmes d’élevage herbagers, etc., avec un soutien spécifique aux zones soumises à des contraintes naturelles (montagne, zones sèches, etc.).

 

B.   Au niveau national, des politiques « en silo » dont les objectifs peinent à être atteints

1.   L’intégration partielle de la transition agroécologique dans les plans Écophyto

Le premier plan Écophyto constitue la déclinaison française de la directive européenne 2009/128 sur l’utilisation durable des pesticides ([129]). Depuis 2008, trois plans de réduction des produits phytosanitaires se sont succédés et un nouveau plan, Écophyto 2030, est en cours d’élaboration. Malgré la volonté affichée par les pouvoirs publics, l’utilisation de pesticides n’a pas connu de baisse significative. Les acteurs auditionnés par vos rapporteurs se sont montrés très critiques. Ils qualifient les plans Écophyto d’« échec ».

a.   Le plan Écophyto I : l’ambition de réduire de 50 % l’usage des pesticides avant 2018

Le plan de réduction des produits phytosanitaires, élaboré en concertation avec les représentants des utilisateurs, des élus, des scientifiques et des organisations non gouvernementales, souhaitait réduire de 50 % l’usage des pesticides, si possible avant 2018, et limiter l’impact de ceux qui resteraient indispensables.

Pour y parvenir, le plan se déclinait en huit axes :

– Axe 1 : évaluer les progrès en matière de diminution de l’usage des pesticides ;

– Axe 2 : recenser et généraliser les systèmes agricoles et les moyens connus permettant de réduire l’utilisation des pesticides en mobilisant l’ensemble des partenaires de la recherche, du développement et du transfert ;

– Axe 3 : innover dans la conception et la mise au point des itinéraires techniques et des systèmes de culture économes en pesticides ;

– Axe 4 : former à la réduction et à la sécurisation de l’utilisation des pesticides ;

– Axe 5 : renforcer les réseaux de surveillance sur les bioagresseurs et sur les effets non intentionnels de l’utilisation des pesticides ;

– Axe 6 : prendre en compte les spécificités des départements d’outre-mer (DOM) ;

– Axe 7 : réduire et sécuriser l’usage des produits phytopharmaceutiques en zone non agricole ;

– Axe 8 : organiser le suivi national du plan et sa déclinaison territoriale et communiquer sur la réduction de l’utilisation des pesticides.

Plusieurs axes ont abouti à des réalisations concrètes. L’axe 1 visant à « évaluer les progrès en matière de diminution de l’usage des pesticides » a conduit à la construction d’un indicateur de référence pour quantifier et suivre l’utilisation de pesticides : l’indicateur nombre de doses unités (NODU). Cet indicateur rapporte la quantité vendue de chaque substance active à une dose unité qui lui est propre. Pour chaque substance active, la dose unité est calculée à partir de l’usage moyen selon qu’il soit agricole classique, non agricole, agricole en traitement des semences ou biocontrôle vert ([130]). Le calcul du NODU est basé sur les données de la banque nationale des ventes de distributeurs de produits phytopharmaceutiques ([131]). Toutefois, les valeurs calculées pour les différents usages ne sont pas comparables entre elles.

Le NODU est un indicateur complexe qui tente à travers une valeur d’évaluer et de suivre l’utilisation des pesticides. Néanmoins, cet indicateur soulève plusieurs difficultés. Tout d’abord, les produits vendus peuvent faire l’objet d’un rappel par les distributeurs de produits phytopharmaceutiques pendant trois ans. En outre, les données utilisées dans le calcul du NODU sont les quantités de substances actives vendues en France par les distributeurs et non les quantités réellement utilisées par les professionnels dans l’année (ne sont pas pris en compte les stocks ou les achats à l’étranger via internet).

L’analyse de l’indicateur NODU sur plusieurs années démontre que l’utilisation des pesticides n’a pas diminué : les ambitions fixées n’ont pas été atteintes. Néanmoins, il convient de souligner que l’utilisation de produits classés cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques avérés ou présumés (CMR1 et CMR2) a fortement diminué. Toutefois, plusieurs scientifiques ont alerté vos rapporteurs sur les incertitudes de la communauté scientifique quant à la fiabilité du classement CMR1 et CMR2. Par ailleurs, le classement CMR ne prend pas en compte les dangers des pesticides pour la biodiversité.

 

Les axes 2 et 3 se sont déployés à travers le réseau de fermes pilotes Dephy. Le réseau rassemble 3 000 exploitations agricoles engagées dans une démarche volontaire de réduction de l’usage de pesticides. Cette expérience vise à démontrer que l’accompagnement technique peut favoriser la transition agroécologique. Il s’agit d’agriculteurs volontaires, organisés en groupes animés par un ingénieur réseau. Selon l’Inrae, dans ces fermes pilotes, ils « ont diminué leur utilisation de pesticides de 18 à 40 % en moyenne en dix ans, sachant que certains d’entre eux en utilisaient déjà peu au moment de leur entrée dans le réseau. Dans 78 % des situations, la rentabilité économique des fermes économes en pesticides est équivalente, voire meilleure que celle de leurs voisines. »

L’axe 4 « former à la réduction et à la sécurisation de l’utilisation des pesticides » est décliné avec le certificat « produits phytopharmaceutiques ». Entre 2009 et 2011, le certificat expérimental « Certiphyto » portait sur les connaissances relatives à l’usage raisonné des produits phytopharmaceutiques et était délivré par France AgriMer. Depuis 2012, le « Certiphyto » est généralisé auprès de tous les professionnels, à savoir les utilisateurs à titre professionnel (y compris les exploitants agricoles et leur personnel), les distributeurs et les conseillers pour l’utilisation de produits phytopharmaceutiques.

Enfin l’axe 5 « renforcer les réseaux de surveillance sur les bioagresseurs et sur les effets non intentionnels de l’utilisation des pesticides » est décliné dans le bulletin de santé du végétal (BSV). Ce bulletin permet aux agriculteurs, aux gestionnaires d’espaces verts et aux prescripteurs de prendre une décision appropriée aux principaux risques phytosanitaires.

b.   Le plan Écophyto II : l’ambition de réduire de 50 % l’usage des pesticides en 2025

En vue de la deuxième version du plan Écophyto, le Premier ministre a confié une mission au député M. Dominique Potier afin de dresser le bilan du premier plan. Son rapport ([132]) constate que le plan Écophyto n’a pas atteint ses objectifs. Face à ce constat d’échec, le rapport préconise « d’élargir le champ d’action du plan en l’insérant au cœur de la stratégie agroécologique ».

Bien que le budget du plan Écophyto II soit revalorisé (il passe de 41 à 70 millions d’euros), le second plan fixe des objectifs inférieurs. Le nouvel objectif prévoit de baisser le recours aux pesticides de 50 % en 2025, avec un palier intermédiaire de 25 % en 2020. Il se décline en six axes :

– Axe 1 : agir aujourd’hui et faire évoluer les pratiques ;

– Axe 2 : améliorer les connaissances et les outils pour demain et encourager la recherche et l’innovation ;

– Axe 3 : évaluer et maîtriser les risques et les impacts ;

– Axe 4 : accélérer la transition vers l’absence de recours aux produits phytosanitaires dans les jardins, espaces végétalisés et infrastructures ;

– Axe 5 : politiques publiques, territoires et filières ;

– Axe 6 : communiquer et mettre en place une gouvernance simplifiée.

Dans sa mise en œuvre, l’axe 1 du plan Écophyto II reconduit les éléments structurants du premier plan, à savoir le rayonnement des fermes Dephy, le déploiement des Certiphytos et l’amélioration du BSV.

L’axe 2 se traduit par l’instauration d’un dispositif de phytopharmacovigilance piloté par l’Anses.

Source : Anses

L’axe 4 est mis en œuvre par la loi dite « Labbé » ([133]) dont l’article 1er interdit pour les personnes publiques, à compter du 1er janvier 2020, d’utiliser des produits phytopharmaceutiques pour l’entretien des espaces verts, forêts et promenades ouverts au public, sauf pour la lutte contre la propagation des organismes nuisibles. L’article 2 interdit, à compter du 1er janvier 2022, la vente, l’utilisation et la détention des produits phytopharmaceutiques pour un usage non professionnel, sauf pour la lutte contre la propagation des organismes nuisibles.

Enfin, le plan insiste sur sa déclinaison régionale en permettant aux régions d’apporter un soutien financier à l’achat d’agroéquipements et aux solutions de biocontrôle.

c.   Le plan Écophyto II + : l’ambition de sortir du glyphosate en 2022

En juillet 2018, lors de la réunion du comité d’orientation stratégique et de suivi du plan, les ministres de la transition écologique, de la santé, de l’agriculture et de l’enseignement supérieur ont constaté que les ambitions du deuxième plan n’étaient, encore une fois, pas atteintes. Afin de donner une nouvelle impulsion, le plan Écophyto II + prévoit des actions complémentaires à celles déjà engagées.

Le plan s’articule autour des principes suivants :

– accélérer le retrait des substances les plus préoccupantes ;

– promouvoir la reconnaissance et la diffusion des produits de biocontrôle et des préparations naturelles peu préoccupantes ;

– renforcer la prévention de l’exposition de la population aux pesticides ainsi que de leurs impacts sur l’environnement et la biodiversité (information, communication et dialogue entre les différents acteurs, mise en place de mesures de protection complémentaires) ;

– soutenir la recherche et l’innovation ;

– rénover la redevance pour pollutions diffuses, afin de la rendre plus incitative ;

– mobiliser et responsabiliser l’ensemble des acteurs, depuis les agriculteurs jusqu’à la grande distribution ;

– accompagner les agriculteurs dans la transition.

La mise en œuvre de la nouvelle version du plan reconduit les dispositifs existants. Ces dispositifs sont complétés par un objectif de réduction des usages du glyphosate.

d.   Vers le plan Écophyto 2030

En 2022, une mission interministérielle, regroupant des membres du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), de l’Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), a procédé à l’évaluation financière du programme Écophyto ([134]) . Le rapport se montre très critique : « les ressources mobilisées pour le plan Écophyto (643 millions d’euros en 2019) sont bien supérieures à celles du seul programme financé par la redevance pour pollutions diffuses (41 millions d’euros au niveau national et 30 millions d’euros au niveau régional), mais ne peuvent à elles seules contrebalancer certaines orientations des politiques agricoles nationales et européennes ».

Par ailleurs, la mission estime que la gouvernance stratégique du plan n’est pas suffisamment concentrée sur la mise en cohérence des politiques publiques et que les volets national et territorial du programme manquent d’articulation.

Enfin, la mission note que « si le plan a démontré qu’une réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques est possible et, dans certaines conditions, compatible avec le maintien du revenu agricole, aucune des actions menées jusqu’à présent ne semble susceptible d’entraîner la massification de ces démarches de substitution », à l’exception du développement de l’agriculture biologique.

Face aux échecs successifs, le Gouvernement a annoncé une nouvelle stratégie Écophyto 2030 qui devrait être publiée en 2024. Les mesures annoncées confirment l’ambition de réduire de moitié l’usage et les risques liés aux produits phytopharmaceutiques à l’horizon 2030 par rapport à la période 2015-2017.

Par ailleurs, le Gouvernement souhaite donner de la visibilité aux agriculteurs sur l’interdiction de certains pesticides, en anticipant le retrait européen de certaines substances actives. Une liste de 75 molécules susceptibles d’être interdites d’ici à cinq ans en raison de leur dangerosité a été soumise aux interprofessions.

En outre, la nouvelle version est attentive à la protection des zones sensibles en encadrant l’usage des pesticides dans les zones protégées, comme les zones Natura 2000 et les aires de captage d’eau potable.

Selon vos rapporteurs, une réduction significative de l’utilisation des pesticides passe nécessairement par une évolution du modèle agricole conventionnel vers un modèle agricole fondé sur l’agroécologie. Aucun produit alternatif miracle ne permettra de se passer des pesticides. Comme évoqué précédemment, les systèmes agricoles intensifs sont largement dépendants des pesticides. Les échecs des plans Écophyto successifs démontrent que pour sortir des pesticides, on ne peut faire l’impasse d’une réflexion plus large sur l’agroécologie dans les modèles agricoles.

Recommandation n° 35 : Instaurer des zones tampons interdisant l’usage de pesticides de synthèse à proximité des aires d’alimentation de captage d’eau potable.

 

Recommandation n° 36 (Mme Manon Meunier) : Instaurer des zones tampons interdisant l’usage de pesticides de synthèse à moins de 200 mètres des habitations et des lieux recevant du public (écoles, hôpitaux).

 

Recommandation n° 37 (Mme Manon Meunier) : Fixer dans le plan Écophyto 2030 un objectif de réduction des intrants de synthèse de 50 % d’ici à 2030 et obtenir un système agricole 100 % biologique au plus tard en 2050.

2.   La redevance pour pollutions diffuses (RPD) ne sera pas augmentée en 2024 pour appuyer le Plan eau

L’agriculture est la première activité consommatrice d’eau douce en France (57 %). Les activités agricoles ont un impact sur la quantité et la qualité de la ressource en eau : d’une part, les systèmes agricoles conventionnels peuvent recourir à l’irrigation en période de sécheresse ; d’autre part, les activités agricoles peuvent détériorer la qualité de l’eau avec l’utilisation d’intrants ou en réduisant les capacités d’infiltration des sols.

prÉlèvements et consommation d’eau douce en France en millions de m3 (moyenne 2010-2018)

Le déploiement d’un système agricole fondé sur l’agroécologie présente des avantages pour assurer la pérennité de la ressource en eau. Les principes de l’agroécologie permettent de réduire les prélèvements et les consommations d’eau en améliorant la capacité d’absorption des sols. La réduction du travail du sol et la mise en place d’une couverture végétale permanente préservent la biodiversité des sols et ainsi la capacité de filtrage et de rétention d’eau des sols. Les infrastructures agroécologiques, telles que les mares, les fossés ou les noues, atténuent le ruissellement et améliorent la capacité de rétention d’eau des sols et leurs qualités en matière de filtration. Enfin, l’agroécologie utilise peu d’intrants, sources de pollution dans les eaux superficielles et souterraines.

En mars 2023, le Président de la République a annoncé un « Plan eau » doté de 475 millions d’euros. Ce plan vise à planifier les usages de l’eau afin de réduire de 10 % l’eau prélevée dans tous les secteurs d’ici 2030. Le plan prévoit 53 actions visant à :

– organiser la sobriété des usages de l’eau pour tous les acteurs : chaque comité de bassin devra décliner l’objectif de 10 % de réduction par type d’usage et par territoire. Pour l’agriculture, 30 millions d’euros financeront les pratiques agricoles économes en eau, notamment l’émergence de filières peu consommatrices d’eau ou l’irrigation au goutte-à-goutte ;

– optimiser la disponibilité de la ressource : pour l’agriculture, cela passe par le stockage de l’eau dans les sols, les nappes et les ouvrages, notamment par le développement de l’hydraulique agricole (création d’un fonds d’investissement d’hydraulique agricole financé à hauteur de 30 millions d’euros par an) et la préservation des zones humides avec 50 millions d’euros par an au titre de paiements pour services écosystémiques (PSE) ;

– préserver la qualité de l’eau et restaurer des écosystèmes sains et fonctionnels : il s’agit de prévenir la pollution des milieux aquatiques en favorisant l’installation d’agriculteurs s’inscrivant dans une démarche agroécologique ou d’agriculture biologique ;

– mettre en place les moyens d’atteindre ces objectifs ;

– mieux répondre aux crises de sécheresse en améliorant la prévention et l’information.

Le Plan eau est exclusivement financé par les redevances payées par les usagers. Le secteur agricole devrait contribuer à son financement à hauteur de 10 % via une hausse de la fiscalité sur le gazole non routier (GNR), la redevance pour pollutions diffuses (RPD) et la redevance sur l’eau.

La RPD, prévue à l’article L. 203-10-8 du code de l’environnement, est due par toute personne qui acquiert en France des produits phytopharmaceutiques ou des semences traitées au moyen de ces produits ou qui commande une prestation de traitement de semences au moyen de ces produits. Le taux de cette redevance est établi au niveau national et modulé en fonction de la toxicité du produit selon quatre classes. Le rendement de cette taxe est aujourd’hui d’environ 180 millions d’euros par an.

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoyait de l’augmenter de 20 %, représentant un financement additionnel à hauteur de 37 millions d’euros. Toutefois, le Gouvernement a finalement renoncé à augmenter le taux de la RPD dès 2024. Les évolutions fiscales concernant l’agriculture devraient s’étaler sur plusieurs années.

Par référence au principe pollueur-payeur, vos rapporteurs estiment que le tarif de la RPD doit être réévalué pour atteindre pleinement son objectif de réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires en France. À ce jour, les effets négatifs des pesticides sur la biodiversité et la santé humaine sont sous-évalués. Il est donc nécessaire de les quantifier à travers une fiscalité plus juste. La RPD doit en priorité permettre la contribution de l’industrie agro-chimique à la réparation des dégâts causés par les produits phytosanitaires et les intrants de synthèse dont elle inonde les agriculteurs.

Recommandation n° 38 : Augmenter progressivement le tarif de la redevance pour pollutions diffuses dès 2024, en la faisant reposer sur l’industrie agro-chimique.

3.   La prise en compte résiduelle des enjeux environnementaux dans la politique d’installation des nouveaux agriculteurs et agricultrices

a.   Une multitude de pressions sur les terres agricoles

Les terres agricoles sont confrontées à plusieurs pressions qui nécessitent un renforcement de la politique d’installation des nouveaux agriculteurs et une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux :

– En premier lieu, le foncier agricole se raréfie. Dans une expertise collective publiée en 2017 ([135]), l’Inrae évalue le basculement de terres agricoles vers des terres boisées ou naturelles à respectivement 287 000 hectares et 530 000 hectares entre 2006 et 2004. Les terres agricoles qui sont artificialisées représentent 524 000 hectares ;

Évolution comparÉe de la surface moyenne des exploitations agricoles (en hectares) et de la part de la SAU dans la surface nationale (en %)

– En deuxième lieu, la taille des exploitations agricoles croît. Elle a augmenté de 28 hectares en moyenne en 1988 à 69 hectares en 2020. Dans son rapport sur la politique d’installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles ([136]), la Cour des comptes souligne une forte diminution (- 31 % entre 2010 et 2020) du nombre de micro-exploitations (moins de 25 000 euros par an de production brute standard), représentant 27 % du total des exploitations et 5 % de la SAU, et la croissance du nombre des grandes exploitations (plus de 250 000 euros de production brute standard) qui représentent 19 % des exploitations et 40 % de la SAU ;

Évolution du nombre d’exploitations selon leur taille économique (exprimÉe en production brute standard) entre 2010 et 2020

– En troisième lieu, la baisse du nombre d’exploitations et l’augmentation de leur taille entraînent le développement de formes d’organisation du travail et de structures juridiques nouvelles. Le modèle de l’exploitation familiale traditionnelle, fondé sur deux unités de travail familiales (les époux), évolue vers une combinaison entre travail familial, salarié et prestations externes. Par ailleurs, les formes juridiques associées aux exploitations se diversifient et favorisent la dissociation entre le travail et le capital ;

– Enfin, le nombre d’exploitants agricoles décline et leur vieillissement interroge sur le renouvellement de la population agricole active. Selon le dernier recensement agricole de 2020, la France comptait 496 000 exploitants agricoles pour 389 000 exploitations, contre 1,6 million d’exploitants en 1970. Chaque année depuis 2015, en moyenne 20 000 chefs d’exploitation cessent leur activité et seulement 14 000 s’installent. En parallèle, 43 % des exploitants sont aujourd’hui âgés de plus de 55 ans et sont donc susceptibles de partir en retraite d’ici dix ans.

Ainsi, la raréfaction du foncier agricole, la diminution du nombre d’exploitations concomitant à l’agrandissement de leur taille et le recul du nombre d’exploitants agricoles marquent un tournant inédit qui appelle à une attention particulière sur la politique d’installation des nouveaux agriculteurs et la transmission des exploitations.

b.   Les aides à l’installation ne sont plus adaptées aux enjeux d’aujourd’hui

Entre 2019 et 2021, 379 millions d’euros par an en moyenne étaient consacrés à l’installation de nouveaux agriculteurs. La politique d’accompagnement à l’installation repose sur deux dispositifs :

– Le programme d’accompagnement à l’installation et à la transmission en agriculture (AITA) est un dispositif de préparation, d’aide et d’accompagnement des projets d’installation ouvert à tous les agriculteurs (voir le schéma ci‑après). Ce programme comporte six volets regroupant dix-huit dispositifs. Dans chaque région, le préfet et le président du conseil régional sélectionnent les dispositifs les plus pertinents pour construire le programme AITA régional. Sur la période 2019-2021, le budget du programme s’élevait à 19,9 millions d’euros en moyenne par an ;

synthèse du programme aita

Volets 1 à 4 : Installation

Volet 5 : Incitation
à la transmission

Volet 6 : Communication Animation

1. Accueil des porteurs de projets

3. Préparation à l’installation

- Prise en charge des diagnostics des exploitations à céder

- Aide à la transmission des exploitations préalablement inscrites au répertoire de départ installation (RDI)

- Aide à la transmission globale du foncier

- Aide aux propriétaires bailleurs

- Aide à la location de la maison d’habitation et/ou des bâtiments agricoles

- Prise en charge du conseil d’accompagnement en amont à la transmission

Aide aux actions d’animation et de communication en faveur du métier d’agriculteur, de l’installation et de la transmission, de la coordination régionale

Financement du Point Accueil Installation (PAI)

- Financement du centre d’élaboration du plan de professionnalisation personnalisé (CEPP)

- Financement des stages collectifs de 21 heures

- Prise en charge des bourses de stage d’application en exploitation

- Prise en charge des indemnités des maîtres exploitants

- Prise en charge des indemnités de stage de parrainage

2. Conseil à l’installation

4. Suivi du nouvel exploitant

 

 

- Prise en charge des diagnostics des exploitations à reprendre

-  Prise en charge des études de faisabilité et/ou de marché

Prise en charge du suivi des nouveaux exploitants

 

 

Source : Cour des comptes d’après instruction technique DGPE/SDC/2018/613

– Les aides directes et indirectes sont d’une part, les aides fiscales et sociales prévues par la France et, d’autre part, la dotation jeune agriculteur (DJA) et le paiement additionnel pour les jeunes agriculteurs prévus par la PAC. Ces aides sont ouvertes aux jeunes installés de moins de quarante ans.

S’agissant des avantages fiscaux, les jeunes agriculteurs peuvent bénéficier d’un abattement sur les bénéfices imposables ([137]). Depuis 2019, l’abattement s’élève à 100 % la première année, et à 75 % les années suivantes, pour les jeunes agriculteurs ([138]). Par ailleurs, ils peuvent bénéficier d’un dégrèvement à hauteur de 50 % pour la taxe foncière sur les propriétés non bâties et d’un taux réduit de la taxe de publicité foncière ou du droit d’enregistrement.

S’agissant des avantages sociaux, les nouveaux exploitants de moins de 40 ans peuvent bénéficier d’une exonération partielle et dégressive de leurs cotisations personnelles pendant les cinq années suivant l’installation.

S’agissant du paiement additionnel pour les jeunes agriculteurs prévu à l’article 50 du règlement UE 1307/2013, la France prévoit une aide surfacique plafonnée à 34 hectares pour les exploitants détenant un diplôme ou une expérience dans une exploitation agricole. Le montant de ce paiement additionnel est fixé chaque année par arrêté.

Enfin, la DJA, principal dispositif de soutien à l’installation, est une aide en capital au démarrage du projet d’installation. Elle est ouverte aux nouveaux agriculteurs de moins de quarante ans pouvant justifier d’un diplôme agricole et d’un plan d’entreprise démontrant la viabilité économique de l’exploitation (production supérieure ou égale à 10 000 euros par exploitation et inférieure ou égale à 1,2 million d’euros par associé exploitant). En contrepartie de la dotation, le bénéficiaire souscrit douze engagements, dont aucun n’est relatif à la préservation de la biodiversité. Le montant de la dotation est fixé dans chaque région et ne peut excéder 100 000 euros. Ce montant peut être modulé si le projet est hors du cadre familial, s’il intègre des pratiques agroécologiques, s’il est générateur de valeur ajoutée ou d’emploi ou s’il présente un coût de modernisation important.

Le rapport de la Cour des comptes publié en 2023 précédemment mentionné souligne que l’efficacité de ces aides, ciblées sur les moins de quarante ans, sur le renouvellement des générations et des systèmes agricoles est incertain. La DJA n’est pas toujours mobilisée par les moins de quarante ans (taux de recours estimé à environ 50 %) en raison du niveau de qualification requis et des complexités administratives, et finance des projets très divers, quel que soit leur impact environnemental.

En 2021, les installés de plus de quarante ans représentaient 30 % de la population en 2021. D’après la Cour des comptes, « la disproportion du budget consacré aux moins de 40 ans, et particulièrement aux bénéficiaires de la DJA, par rapport aux autres candidats à l’installation ne correspond plus aux enjeux d’aujourd’hui. Le nombre de candidats extérieurs au parcours agricole classique, dont certains sont en reconversion professionnelle, est en augmentation constante et représente aujourd’hui 25 % des nouveaux installés (hors transferts entre époux). Souvent, ces candidats disposent de fonds propres, d’idées novatrices et sont porteurs de projets intéressants qui justifieraient davantage d’attention et de soutien. »

Par ailleurs, la politique d’installation tend à défavoriser l’installation de femmes pourtant plus nombreuses à s’orienter vers des projets agroécologiques (voir encadré).

Au cours des auditions, vos rapporteurs ont pu confirmer que la politique des aides à l’installation n’encourage pas les nouveaux agriculteurs à intégrer la préservation de la biodiversité dans leurs projets. Il est donc important de mieux valoriser les aspects environnementaux dans la démarche d’installation en comptabilisant, par exemple, les paiements pour services environnementaux.

Recommandation n° 39 : Augmenter les aides à l’installation des agriculteurs et agricultrices (y compris au-delà de quarante ans) qui ont des projets agroécologiques.

 

Soutenir l’installation de jeunes agricultrices au bénéfice de la transition agroécologique

Dans un rapport publié en février 2023, l’association Oxfam dresse un panorama des inégalités de genre dans la profession agricole.

Selon l’Insee, la diminution de la part des femmes, dans le mouvement général de baisse des travailleurs agricoles, est plus importante que celle des hommes. Cette baisse de représentation peut s’expliquer par les inégalités structurelles suivantes :

– des inégalités de revenus plus importantes que dans les autres secteurs : les agricultrices gagnent en moyenne 29 % de moins que les hommes ;

– des inégalités de statut : en 2019, environ 132 200 femmes n’avaient aucun statut permettant de visibiliser leur action directe ou indirecte sur l’exploitation ;

– les inégalités précédemment mentionnées se répercutent sur le montant des allocations de retraite : en 2020, les hommes percevaient 840 euros de retraite, contre 570 euros pour les femmes.

Selon le rapport, les politiques sectorielles renforceraient les inégalités. Les agricultrices sont confrontées à de nombreuses difficultés lors de leur installation, telles que l’accès au prêt bancaire, la défiance des bailleurs (notamment du fait des stéréotypes de genre auxquelles sont confrontées les femmes agricultrices dans leurs relations aux tiers) ou encore l’attribution de la dotation jeune agriculteur (DJA). En effet, celle-ci est plafonnée à quarante ans alors que les femmes tendent à s’installer plus tardivement. Alors que 40 % des installations concernent des femmes, celles-ci représentent seulement 23 % des bénéficiaires de l’aide. Le matériel agricole n’est également pas toujours adapté aux femmes.

En outre, les femmes assumeraient la majeure partie de la charge domestique. Selon une étude de la FNAB réalisée en 2019, 66 % des agricultrices bio en couple affirment prendre en charge la totalité des tâches ménagères.

Le rapport souligne également que les agricultrices sont plus vulnérables au changement climatique car elles se tournent vers des cultures plus sensibles aux aléas climatiques telles que le maraîchage ou la viticulture.

Or, le rapport estime également que les femmes sont « motrices dans la réponse au changement climatique. » Elles sont plus nombreuses à s’orienter vers des modèles agricoles durables : elles sont surreprésentées en tant que cheffes de petites exploitations et d’exploitations biologiques. Elles sont plus présentes dans les circuits courts et la vente directe et sont plus souvent à l’initiative de marchés de solidarité. Leurs exploitations sont également de plus petite taille et elles sont moins endettées que les hommes.

Source : Oxfam, « Agriculture : les inégalités sont dans le pré », 2023.

Recommandation n° 40 : Soutenir financièrement les projets d’installation de femmes agricultrices, plus nombreuses à s’orienter vers des modèles agricoles durables.

 

c.   Un rôle limité des Safer dans la régulation de l’accès au foncier agricole

Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) jouent un rôle déterminant dans la transmission des exploitations et la protection de l’environnement. Créées par la loi n° 60-808 d’orientation agricole du 5 août 1960, les Safer ([139]) poursuivent quatre missions définies à l’article L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime : favoriser l’installation et le maintien d’exploitations agricoles ou forestières ; participer à la protection de l’environnement ; contribuer au développement durable des territoires ruraux et assurer la transparence du marché foncier rural. Leurs interventions doivent concourir en particulier « à la diversité des systèmes de production, notamment ceux permettant de combiner les performances économique, sociale et environnementale et ceux relevant de l’agriculture biologique. »

Elles respectent les critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles (Sdrea).

Le schéma directeur régional des exploitations agricoles (Sdrea)

Introduit par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAF), le Sdrea remplace l’ancien schéma directeur départemental des structures agricoles. Les grandes orientations du contrôle des structures agricoles, mis en place en 1962, sont ainsi désormais définies au niveau régional. Ce document fixe les orientations du « contrôle des structures des exploitations agricoles » (article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime) souhaitant s’installer ou s’agrandir ainsi que les opérations soumises à autorisation préalable d’exploiter. Il définit également les priorités à observer en cas de demandes concurrentes pour la reprise de parcelles agricoles libres.

i.   Sur le marché foncier rural

Pour satisfaire leurs missions, les Safer disposent d’un droit de préemption prévu par la loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d’orientation agricole et codifié aux articles L. 143-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime. Ce droit permet d’acheter en priorité, dans les deux mois à compter de la notification d’une vente, un bien agricole ou rural pour le revendre à un agriculteur en vue de contribuer à son installation ou au maintien de son activité agricole. Les Safer peuvent également négocier avec des propriétaires l’acquisition de leurs biens à l’amiable. C’est d’ailleurs le mode opératoire principal des Safer : seulement 7 100 hectares ont été acquis par préemption en 2021 (soit moins de 10 % des acquisitions) alors que l’ensemble des acquisitions des Safer a concerné 109 300 hectares.

Dans les deux cas, la Safer procède à un appel à candidatures pour l’attribution du bien et sélectionne l’attributaire en fonction de critères économiques, sociaux et environnementaux conformément à ses missions définies au I de l’article L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime et aux critères déterminés par le Sdrea. À ce titre, elle peut ajouter à l’acte de vente un cahier des charges à clauses environnementales engageant pour une durée minimum légale de dix ans (article R. 142-1) ainsi qu’un bail rural à clauses environnementales si l’acquéreur est l’exploitant (articles L. 411-27 et R. 411-9-11-1 définissant seize clauses). Elle peut également faciliter la signature d’obligations réelles environnementales (ORE) permettant d’attacher au bien des mesures de préservation environnementale qui s’imposent aux propriétaires jusqu’à 99 ans, y compris en cas de changement de propriétaire (article L. 132-3 du code de l’environnement, créé par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages).

Recommandation n° 41 : Mobiliser les obligations réelles environnementales (ORE) prévues à l’article L. 132-3 du code de l’environnement de façon à attacher au foncier agricole, jusqu’à 99 ans, des obligations de préservation et d’entretien des infrastructures agroécologiques existantes héritées du passé, en particulier dans le cadre de biens attribués par les Safer.

Toutefois, le rapport de la Cour des comptes publié en octobre 2021 souligne qu’en cas d’exercice par la Safer de son droit d’acquisition (soit déjà moins de 10 % des ventes), les motifs économiques demeurent le critère principal, voire unique, d’attribution et que les « possibilités existantes de recours à des cahiers des charges environnementaux lors de rétrocessions de terres par les Safer ne sont pratiquement pas utilisées. » Lors de son audition, la Fédération nationale des Safer a elle-même avancé que « les enjeux agroenvironnementaux constituent un critère d’appréciation parmi d’autres du projet. »

D’après les données transmises par la fédération nationale des Safer, lors de son audition, seules 13,6 % des surfaces agricoles vendues par les Safer représentant 1 400 opérations et 13 800 hectares, ont été rétrocédées au profit de l’agriculture biologique. Cette proportion est inférieure aux moyennes nationales des installations en AB aujourd’hui.

ii.   Sur le marché des parts de société

Le législateur a donné les moyens aux Safer d’intervenir également sur le marché sociétaire. Ce marché est en plein essor depuis une quinzaine d’années : la mutation des titres de propriété des exploitations par la vente de parts de société s’est accélérée et est devenue un moyen de contourner le droit de préempter des Safer et d’échapper à leurs contrôles. En effet, les Safer ne pouvaient agir sur le marché sociétaire que de façon très limitée puisque leur droit de préemption ne pouvait s’y exercer. Depuis 2014, les Safer sont chargées d’assurer la transparence du marché et depuis 2021, de l’instruction des demandes d’autorisation des opérations sociétaires.

En 2014, la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a introduit l’obligation de notifier aux Safer les cessions de parts ou d’actions de sociétés agricoles à titre onéreux en pleine propriété (7 600 notifications reçues en 2021 et 9 500 en 2022 ([140])). Par ailleurs, la loi a attribué un droit de préemption aux Safer, dont elles peuvent user lorsque 100 % des parts de la société sont cédées. Ce nouveau droit de préemption est néanmoins facile à contourner avec des cessions partielles de droit.

La loi n° 2021-1756 du 23 décembre 2021 portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, dite « loi Sempastous », impose la télédéclaration des cessions de parts sociales et de toute opération donnant lieu à une modification du contrôle des sociétés possédant ou exploitant du foncier agricole, deux mois avant la date envisagée pour la cession ou l’opération. Elle instaure également une procédure d’autorisation administrative préalable de l’État lorsque l’opération conduit au dépassement d’un « seuil d’agrandissement significatif » en hectares pour le bénéficiaire (article L. 133-2 du code rural et de la pêche maritime).

Les doutes exprimés concernant l’efficacité de la loi « Sempastous »

Dans un rapport publié en 2023 ([141]), l’association Terre de liens exprime des doutes quant à l’efficacité de ladite loi. Selon elle, les exemptions, le niveau de seuil de déclenchement du contrôle pour agrandissement significatif, les mesures compensatoires en cas de refus du préfet ou encore, l’impossibilité pour les Safer de vérifier la situation des demandeurs au regard du registre parcellaire graphique et du fichier des sociétés réduisent considérablement la portée de cette loi.

Le rapport identifie un « accaparement » des terres agricoles par des entités sans agriculteurs mais reposant sur des salariés ou entreprises de travaux agricoles (800 hectares de terres agricoles pour Auchan ; entre 500 000 et 1 million d’euros l’hectare de terre payés par Chanel et L’Oréal). Selon le rapport, une ferme sur dix serait « financiarisée ». Ainsi, seuls 35 % des terres cultivées (9 millions d’hectares) appartiendraient aux agriculteurs qui les travaillent.

Vos rapporteurs ont été alertés par les agriculteurs et agricultrices auditionnés sur l’accélération de la financiarisation des exploitations et la prise en compte aléatoire de la biodiversité dans les projets soumis aux Safer. Plusieurs agriculteurs ont exprimé le sentiment que la Safer « ne jouait pas son rôle » et priorisait de façon très exceptionnelle les projets d’installation agroécologiques présentant des bénéfices environnementaux.

Vos rapporteurs appellent à une réforme des Safer afin de leur donner véritablement les moyens de prioriser les projets novateurs favorisant la préservation de l’environnement, et de leur permettre d’intervenir sur le marché des parts de société lorsque moins de 100 % des parts sociales d’une ferme sont cédées.

Afin d’aider à l’atteinte des objectifs du « zéro artificialisation nette » (ZAN), vos rapporteurs préconisent également de renforcer les pouvoirs d’acquisition des Safer. En effet, les surfaces agricoles sont les premières impactées par l’artificialisation des sols et l’artificialisation est l’une des premières causes de l’effondrement du vivant. Conserver le rôle agricole et nourricier des terres est donc primordial. La régulation doit ainsi être contrôlée par un organisme comme la Safer qui a les connaissances nécessaires pour préserver l’intégrité des terres agricoles tout en permettant le développement et la pérennisation des exploitations agricoles.

Recommandation n° 42 : Donner davantage de moyens aux Safer, notamment des financements publics, pour prioriser l’accès au foncier de nouveaux agriculteurs porteurs de projets bénéfiques pour l’environnement et atteindre l’objectif du zéro artificialisation nette (ZAN).

4.   Le soutien discontinu à l’agriculture biologique

Depuis 2010, trois plans de soutien à l’agriculture biologique se sont succédés : AB horizon 2012, Ambition Bio 2013-2017 et Ambition Bio 2017-2022. Ces plans poursuivaient deux objectifs : atteindre 15 % de la SAU en bio et 20 % de la restauration collective publique en bio en 2022.

Ces objectifs n’ont pas été atteints : si l’AB a fortement progressé depuis 2010, en 2022, seulement 10,8 % de la surface agricole utile (SAU) était cultivée en bio et la part du bio dans la restauration hors domicile était de moins de 8 %. Les ambitions portées par les plans successifs s’inscrivent dans des dispositifs existants et représentent une aide économique estimée entre 200 et 300 millions d’euros ([142]). Le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire a annoncé une révision du programme « Ambition Bio » d’ici la fin de l’année 2023. L’objectif, réaffirmé dans le cadre du Plan national stratégique (PNS) de la PAC, est d’atteindre 18 % de la SAU en agriculture bio en 2027. Au niveau européen, dans le cadre du Pacte vert et de la stratégie « de la ferme à la table », l’objectif est de consacrer 25 % des terres agricoles à l’agriculture biologique d’ici 2030.

Ces ambitions ne seront pas atteintes au regard de l’insuffisance des moyens actuellement déployés en faveur de l’AB.

Vos rapporteurs ont déjà souligné précédemment le manque de communication sur l’agriculture biologique et ses bénéfices majeurs pour l’environnement et la santé, ainsi que le manque de débouchés de la filière, accentué dans le contexte de crise actuelle sur le marché du bio.

Les aides financières visant à inciter et soutenir les conversions en AB et aider au maintien des exploitations biologiques manquent également de pérennité dans le temps et représentent encore un engagement budgétaire trop faible au regard des ambitions affichées :

– l’aide au maintien de l’agriculture biologique a été supprimée dans la nouvelle PAC. Seule l’aide à la conversion, limitée aux cinq premières années après l’installation, a été maintenue. Ces aides, variables selon les productions cultivées et le cofinancement apporté par les régions, représentaient entre 44 et 900 euros par an et par hectare pour l’aide à la conversion et entre 35 et 600 euros pour l’aide au maintien. L’aide au maintien est mise en extinction dans toutes les régions, sauf en Occitanie.

La Cour des comptes souligne le manque de lisibilité de ces dispositifs : les enveloppes budgétaires sont sous-dimensionnées, les retards de paiement des aides se sont accumulés et le taux de rejet des dossiers, de l’ordre de 15 %, a un effet dissuasif auprès des agriculteurs ;

– le niveau d’écorégime spécifique à l’AB, demandé par la Commission européenne et fixé à 93,72 euros par hectare par l’arrêté du 10 décembre 2023, demeure faible en comparaison avec les autres États membres de l’Union européenne. L’écart avec le niveau supérieur de l’écorégime (30 euros) est faiblement incitatif à la conversion ;

– les enveloppes dédiées aux mesures agroenvironnementales et climatiques sont maintenues sans augmentation dans la PAC 2023-2027 et ne suffisent pas à répondre à la demande des agriculteurs biologiques pour compenser les surcoûts ou les manques à gagner associés à leurs pratiques de préservation de l’environnement. Plusieurs régions, notamment la Nouvelle-Aquitaine et la Bretagne, sont confrontées à des coupes budgétaires sources de tensions et d’incompréhensions ;

– enfin, l’article 244 quater L du code général des impôts, créé par l’article 75 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole, prévoit que les entreprises agricoles dont au moins 40 % des recettes proviennent d’une activité biologique peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt spécifique. Ce crédit d’impôt est applicable à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les sociétés. Depuis sa création, son montant a été progressivement revalorisé de 2 000 euros maximum en 2007 à 4 500 euros en 2023. Ce montant a été prorogé jusqu’en 2025. Toutefois, il n’est cumulable avec les aides à la conversion et au maintien que dans la limite de 5 000 euros par an. Ce crédit d’impôt s’adresse aux exploitations modestes et à celles sorties de la phase de conversion ne bénéficiant plus des aides associées. Selon la Cour des comptes, « ce crédit d’impôt bénéficie à un nombre croissant mais encore limité d’exploitations biologiques (environ 40 % en 2019). Il devrait monter en puissance dans les années à venir, compte tenu du nombre d’exploitations actuellement en conversion et de la fin de l’aide au maintien ».

Après une décennie de sous-dotation, les fonds de soutien à l’AB, mis en place au niveau national, ont été revalorisés dans le contexte de la crise :

– le fonds « Avenir Bio », créé en 2008, n’a été doté que de 3,7 millions d’euros par an en moyenne de 2008 à 2021. L’enveloppe a été portée à 13 millions d’euros par an pour 2021 et 2022 et pourrait atteindre 15 millions d’euros en 2023 ;

– un fonds d’urgence de 10 millions d’euros visant à financer une aide de trésorerie exceptionnelle pour les exploitations en agriculture biologique en difficulté (pertes d’excédent brut d’exploitation ou dégradation de trésorerie de 20 % ou plus), complété par une enveloppe complémentaire de 60 millions d’euros, a été mis en place à l’été 2023.

Vos rapporteurs appellent à pérenniser dans le temps les enveloppes annoncées, au-delà de la conjoncture.

5.   Des politiques alimentaires encore trop éloignées des enjeux relatifs à la biodiversité

Les politiques publiques alimentaires représentent également un levier considérable pour favoriser la transition vers des modes de production agricole plus respectueux de la biodiversité. En effet, le régime alimentaire, et notamment la part de viande et de produits animaux (laitiers en particulier) consommée, a une influence massive sur la production agricole et donc la biodiversité.

L’étude prospective réalisée par l’Inrae sur une agriculture européenne sans pesticides chimiques en 2050 met notamment en évidence que les solutions fondées sur la diversification des cultures et la reconfiguration des paysages permettent d’assurer la souveraineté alimentaire européenne si elles s’accompagnent d’une modification des régimes alimentaires avec une consommation de produits animaux divisée par quatre et une consommation de légumineuses dix fois supérieure par rapport à l’année 2010 (prise comme année de référence) ([143]).

Les outils principaux de la politique alimentaire française sont des programmes nationaux, périodiquement révisés, ciblant des objectifs alimentaires – le programme national pour l’alimentation (PNA) – et de santé – le programme national relatif à la nutrition et à la santé (PNNS).

Le programme national pour l’alimentation (PNA) et le programme national relatif à la nutrition et à la santé (PNNS)

Le PNA repose sur trois axes thématiques : la justice sociale ; l’éducation alimentaire et la lutte contre le gaspillage alimentaire ». Depuis 2010, trois PNA se sont succédés :

– le premier PNA (2010-2014) ciblait quatre thèmes : l’accès de tous à une alimentation de qualité, l’amélioration de l’offre alimentaire, l’amélioration de la connaissance et de l’information sur l’alimentation et la promotion du patrimoine alimentaire et culinaire français ;

– le deuxième PNA (2015-2017) était centré sur l’éducation à l’alimentation, la lutte contre le gaspillage alimentaire et la justice sociale, avec des déclinaisons régionales à travers notamment les plans régionaux de l’agriculture durable (PRAD). Il s’est enrichi de projets alimentaires territoriaux (PAT) qui s’appuient sur un état des lieux de la production agricole et du besoin alimentaire sur un territoire donné pour construire des projets alimentaires adaptés et structurer les filières agricoles ;

– le troisième et actuel PNA (2019-2023) s’inspire des travaux des États généraux de l’alimentation et contribue à mettre en œuvre la loi dite « Égalim ». Il définit trois axes thématiques – la justice sociale, la lutte contre le gaspillage alimentaire et l’éducation alimentaire – et deux axes transversaux opérationnels – les projets alimentaires territoriaux et la restauration collective.

Le PNNS est défini à l’article L. 3231-1 du code de la santé publique depuis la loi n° 2010-874 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, comme un programme quinquennal gouvernemental qui s’articule entre autres avec le PNA. Aujourd’hui, le PNNS4 (2019-2023) a pour objectif de lutter contre l’ensemble des pathologies liées à la nutrition (obésité, dénutrition, diabète de type 2 et maladies cardiovasculaires). Le plan a pour objectif de diminuer de 15 % le taux d’obésité et la stabilisation du surpoids chez les adultes, et de réduire l’obésité de 20 % chez les enfants et adolescents. Pour atteindre ses objectifs, le PNNS promeut des outils tels que le « Nutri-score », qui permet aux consommateurs de disposer d’une information nutritionnelle claire, visible et facile à comprendre pour tous.

En mars 2019, le ministère des solidarités et de la santé et le ministère de l’agriculture ont présenté le programme national pour l’alimentation et la nutrition (PNAN). Il s’agit d’un document qui s’appuie sur le PNA et le PNNS, réunissant leurs actions et permettant une complémentarité entre les deux programmes. Le PNAN vise à promouvoir les actions favorables à la préservation de la santé, le respect de l’environnement, la lutte contre la précarité et le gaspillage alimentaire.

Le PNAN est décliné en six axes : une alimentation favorable à la santé ; une alimentation plus durable et solidaire ; une plus grande confiance dans notre alimentation ; une pratique quotidienne de l’activité physique tout en limitant les comportements sédentaires ; de meilleurs dépistages et prises en charge des pathologies liées à la nutrition ; nos territoires en action.

Leurs objectifs sont notamment définis à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime qui dispose que la politique de l’alimentation définie par le Gouvernement vise à « assurer à la population l’accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante, produite dans des conditions économiquement et socialement acceptables par tous, favorisant l’emploi, la protection de l’environnement et des paysages et contribuant à l’atténuation et à l’adaptation aux effets du changement climatique. »

La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « loi Égalim », a notamment fixé l’objectif d’atteindre 50 % de produits durables ou sous signes d’origine et de qualité, dont au moins 20 % de produits issus de l’agriculture biologique, dans la restauration collective publique à partir du 1er janvier 2022. Cet objectif n’a pas été atteint.

En décembre 2020, le Gouvernement a par ailleurs lancé la « stratégie nationale protéines végétales », financée par le plan de relance à hauteur de 100 millions d’euros. Cette stratégie vise à réduire la dépendance aux importations de protéines végétales achetées à l’étranger par les éleveurs français et à encourager la consommation de protéines végétales dans le régime alimentaire des Français. La production de protéines végétales en France participe à la transition agroécologique à travers la diversification des cultures et la réduction de l’élevage intensif. Toutefois, les moyens financiers mobilisés semblent insuffisants au regard des ambitions affichées.

Recommandation n° 43 (Mme Manon Meunier) : Réviser les normes applicables à l’élevage afin d’accompagner la fin de l’élevage industriel au profit de l’élevage extensif et pastoral.

 

Recommandation n° 44 : Créer une aide destinée à accompagner la conversion des éleveurs industriels vers l’élevage extensif et la culture de protéines végétales.

 

Recommandation n° 45 : Augmenter le financement de la « stratégie nationale protéines végétales ».

Dans le cadre de leurs travaux, vos rapporteurs ont choisi de se concentrer sur deux dispositifs, principaux leviers de la transition agroalimentaire aujourd’hui : les projets alimentaires territoriaux (PAT) et l’affichage environnemental.

a.   Les projets alimentaires territoriaux (PAT)

L’article 39 de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt précitée introduit les PAT afin de formaliser les initiatives visant à créer des systèmes alimentaires territoriaux mettant en relation producteurs, collectivités et consommateurs. Auparavant, ces initiatives locales existaient en dehors de tout cadre juridique.

L’article 39 de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt définit la notion de projets alimentaires territoriaux dans le code rural

Article L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime (version en vigueur) : « Les projets alimentaires territoriaux mentionnés au III de l’article L. 1 sont élaborés de manière concertée avec l’ensemble des acteurs d’un territoire et répondent à l’objectif de structuration de l’économie agricole et de mise en œuvre d’un système alimentaire territorial. Ils participent à la consolidation de filières territorialisées, à la lutte contre le gaspillage et la précarité alimentaires et au développement de la consommation de produits issus de circuits courts, en particulier relevant de la production biologique, ou dans le cadre d’une démarche collective de certification environnementale prévue à l’article L. 611-6. Ils favorisent la résilience économique et environnementale des filières territorialisées pour une alimentation saine, durable et accessible et contribuent à la garantie de la souveraineté alimentaire nationale (…). »

Lors de l’adoption de la loi, un objectif de 500 PAT avait été annoncé pour 2020. Néanmoins, le déploiement des PAT a souffert d’une absence de financement dédié ([144]), puis d’une dotation budgétaire insuffisante. Les premiers appels à projet en 2018 et 2019 s’élevaient à un million d’euros.

Suite à la crise sanitaire du Covid-19, la résilience alimentaire des territoires a été identifiée comme une priorité. Les PAT ont été identifiés comme un outil pour accélérer la transition agricole et alimentaire dans les territoires, permettre de développer des relations entre territoires urbains et ruraux et renforcer la souveraineté alimentaire. En 2021, le déploiement des PAT s’est accéléré avec un financement important du plan « France Relance », à hauteur de 80 millions d’euros. Par ailleurs, le dispositif de labellisation des PAT a été révisé afin de renforcer sa lisibilité. Désormais, la gouvernance se fait au niveau des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) et deux niveaux de labellisation ont été introduits : le niveau 1 pour les PAT en phase d’émergence et le niveau 2 pour les PAT en phase opérationnelle. En décembre 2023, le réseau national des PAT recensait 467 PAT.

Carte des projets alimentaires de territoire en 2023

Le rapport « Projets alimentaires territoriaux : plus vite, plus haut, plus fort » remis au ministère de l’agriculture par MM. Frédéric Marchand et Dominique Chabanet en 2022 estime toutefois qu’il est nécessaire de « mieux coordonner les initiatives actuellement éparpillées autour de l’animation d’un réseau national » car « les politiques en lien avec l’alimentation des différents acteurs nationaux ne paraissent pas toujours complètement cohérentes et articulées ensemble ».

Lors des auditions, vos rapporteurs ont identifié les PAT comme un outil prometteur car largement déployé dans les territoires, mais encore insuffisamment structuré et trop dépendant de la volonté politique des élus locaux. En effet, les initiatives de PAT se multiplient mais souffrent d’un manque de moyens budgétaires, de formation, de pilotage et de coordination entre les acteurs. Par exemple, les PAT sont un outil privilégié pour atteindre l’objectif d’au moins 20 % de produits bio dans la restauration collective, qui demeure loin d’être atteint.

Les PAT ont été présentés, lors d’une audition de vos rapporteurs, comme « des feuilles de route sans financement » dans lesquelles les consommateurs ne sont pas suffisamment pris en compte, de même que bien souvent les écosystèmes. À titre d’exemple, dans les Deux-Sèvres, une carte des productions en circuits courts a été mise en service en dehors de tout partenariat avec le PAT de la ville de Niort.

Recommandation n° 46 : Renforcer et pérenniser les financements accordés aux projets alimentaires territoriaux afin de garantir des postes d’animateurs, de faciliter la formation des élus et des agents impliqués dans des PAT, et de permettre la mise en place de magasins de producteurs et productrices, d’ateliers de transformation, etc., et instaurer un financement complémentaire conditionné au respect sur le territoire concerné de l’objectif fixé par la loi « Égalim » d’au moins 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective publique.

 

Recommandation n° 47 (Mme Manon Meunier) : Allouer un financement supplémentaire aux porteurs de projets alimentaires territoriaux destiné à financer la planification et l’ingénierie d’un projet de restauration collective 100 % biologique et locale.

 

Recommandation n° 48 : Intégrer un enseignement sur l’agriculture biologique dans les formations aux métiers de la restauration.

 

Recommandation n° 49 (Mme Manon Meunier) : Prioriser l’approvisionnement en viande française dans la commande publique destinée à la restauration collective.

b.   L’affichage environnemental des produits alimentaires

La fourniture d’informations fiables aux consommateurs sur la façon dont les aliments sont produits et leurs bénéfices pour l’environnement et la biodiversité est également un levier essentiel pour changer les modes de consommation alimentaire. Le projet actuel d’affichage environnemental des produits alimentaires, piloté par le ministère de la transition écologique avec l’appui technique de l’Agence de la transition écologique (Ademe), vise à répondre à cet enjeu.

Ce dispositif consiste à délivrer aux consommateurs des informations quantifiées sur les principaux impacts environnementaux des produits, calculés sur l’ensemble de leur cycle de vie. L’affichage consiste en un score inscrit sur un logo et exprimé par une lettre (A, B, C, D ou E) caractérisant ces impacts.

Historique du droit à l’information environnementale et du dispositif d’affichage environnemental

Le Grenelle de l’environnement de 2007 a introduit un droit à l’information environnementale pour les consommateurs. La loi Grenelle I du 3 août 2009 ([145]) dispose que les consommateurs doivent disposer d’une information environnementale « sincère, objective et complète » et la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 ([146]) a prévu une phase d’expérimentation de l’affichage environnemental afin d’informer le consommateur du contenu en équivalent carbone des produits et de leur emballage, ainsi que de la consommation de ressources naturelles ou de l’impact sur les milieux naturels au cours du cycle de vie des produits.

L’Agence de la transition écologique (Ademe) a lancé une expérimentation en 2011-2012, puis a piloté l’élaboration d’un cadre technique pour l’affichage environnemental. Cette expérimentation n’a pas été suivie d’une généralisation du dispositif, qui est donc demeuré facultatif. Cinq secteurs pilotes se sont engagés volontairement à mettre en œuvre cet affichage sur leurs produits ou services : les produits électroniques, l’hôtellerie, les produits alimentaires, l’habillement et l’ameublement.

L’article 15 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a institué, à compter du 1er janvier 2022, un dispositif d’affichage environnemental et social volontaire. Cet affichage est basé principalement sur une analyse du cycle de vie.

Par la suite, l’article 2 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite loi « climat et résilience », a renforcé le dispositif prévu par la loi en le rendant obligatoire dans certains secteurs et en l’harmonisant, après une phase expérimentale.

Les dispositifs prévus dans le code de l’environnement
par l’article 2 de la loi du 22 août 2021 « climat et résilience »

« Art. L. 541-9-11.  Un affichage destiné à apporter au consommateur une information relative aux impacts environnementaux ou aux impacts environnementaux et au respect de critères sociaux d’un bien, d’un service ou d’une catégorie de biens ou de services mis sur le marché national est rendu obligatoire, dans les conditions et sous les réserves prévues à l’article L. 541-9-12.

« Cet affichage s’effectue par voie de marquage ou d’étiquetage ou par tout autre procédé adapté. Il est visible ou accessible pour le consommateur, en particulier au moment de l’acte d’achat.

« L’information apportée fait ressortir, de façon fiable et facilement compréhensible pour le consommateur, l’impact environnemental des biens et services considérés sur l’ensemble de leur cycle de vie. Elle tient compte des impacts environnementaux des biens et services considérés, pris en compte selon leur pertinence pour une catégorie donnée, notamment en termes d’émissions de gaz à effet de serre, d’atteintes à la biodiversité et de consommation d’eau et d’autres ressources naturelles. Elle tient également compte des externalités environnementales des systèmes de production des biens et services considérés, évaluées scientifiquement, en particulier pour les produits agricoles, sylvicoles et alimentaires.

« Cet affichage fait également ressortir, de façon fiable et facilement compréhensible pour les consommateurs, l’impact spécifique en termes d’émissions de gaz à effet de serre des biens et services sur l’ensemble de leur cycle de vie.

« Art. L. 541-9-12.  Un décret fixe la liste des catégories de biens et de services pour lesquelles, au terme et après évaluation des expérimentations mentionnées au II de l’article 2 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, l’affichage environnemental mentionné à l’article L. 541-9-11 du présent code est rendu obligatoire.

« Il définit, pour chaque catégorie de biens et de services concernés, la méthodologie à utiliser ainsi que les modalités d’affichage retenues et prévoit des conditions adaptées à la nature des biens et services concernés et à la taille de l’entreprise, en particulier pour les très petites, petites et moyennes entreprises, sous réserve de tenir compte des volumes qu’elles traitent.

« Pour les autres catégories de biens et de services, l’affichage volontaire se conforme aux prescriptions prévues au même décret.

« Art. L. 541-9-13.  Sous réserve du respect de l’article L. 151-1 du code de commerce, lorsqu’un motif d’intérêt général le justifie, un décret définit les biens et services dont les metteurs sur le marché mettent à disposition, dans un format ouvert librement utilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, les données prises en compte dans l’affichage environnemental prévu à l’article L. 541-9-11 du présent code ainsi que les critères de taille applicables aux metteurs sur le marché assujettis à cette obligation. »

S’agissant de l’affichage environnemental des produits alimentaires, une nouvelle expérimentation a été déployée de février 2020 à décembre 2021. Le dispositif de l’expérimentation intègre plusieurs obligations :

– couvrir tous les aliments disponibles à l’achat aux consommateurs, y compris les produits importés et transformés ;

– permettre de comparer les aliments entre eux ;

– intégrer des informations sur les émissions de gaz à effet de serre, les atteintes à la biodiversité et la consommation d’eau et de ressources naturelles ;

– appliquer l’affichage à tous les produits, du produit artisanal au produit de grande consommation ;

– s’appuyer sur l’analyse cycle de vie (ACV).

Le rapport du Gouvernement au Parlement dressant le bilan de l’affichage environnemental des produits alimentaires ([147]) estime « qu’il est aujourd’hui techniquement possible de mettre en place un système d’affichage environnemental pour les produits alimentaires ». Toutefois, « les méthodologies identifiées doivent être approfondies et testées avant toute généralisation ».

Une concertation avec les parties prenantes a été lancée pour tester une méthode de calcul à travers un simulateur de calcul en ligne ([148]). Cette méthode s’appuie sur seize critères d’impact de l’analyse du cycle de vie des produits (changement climatique, épuisement des ressources, consommation d’eau, eutrophisation, etc.) complétée par des critères valorisant la préservation de la biodiversité (infrastructures agroécologiques, diversité des cultures, conditions d’élevage, etc.). Cette étape préfigure le déploiement de l’écoscore à partir de 2024.

Exemples de formats pouvant servir d’inspiration pour l’Écoscore

Vos rapporteurs seront particulièrement attentifs à la mise en œuvre de l’écoscore actuellement en cours de conception ; ils ont pu être alertés en audition sur le fait que celui-ci n’intégrerait pas encore la biodiversité de façon satisfaisante. Ils appellent à une vigilance des pouvoirs publics sur ce point.

6.   Une politique de soutien à la haie à poursuivre

a.   Le Pacte en faveur de la haie

Identifiée comme levier de préservation de la biodiversité par les politiques publiques, la réimplantation des haies fait l’objet d’une attention particulière ([149]).

La mesure « Plantons des haies » (2021-2023) du plan de relance a financé à hauteur de 45 millions d’euros la réimplantation de 7 000 kilomètres de haies dans les exploitations agricoles. Cette mesure a connu une visibilité et un fort succès grâce à des taux d’aides attractifs. Dans une perspective quantitative, la mesure a financé 175 dossiers d’animation, pour un montant de 7,3 millions d’euros, et 3 895 dossiers d’investissement, pour 36,8 millions d’euros et 5 500 kilomètres de linéaires prévus (haies et agroforesterie interparcellaire). Toutefois, plusieurs points faibles ont été identifiés : la limitation du financement à la plantation (et non à la gestion durable), le décalage entre la saisonnalité des plantations et les aides, la tension sur le marché des plants et une enveloppe budgétaire insuffisante pour financer tous les dossiers déposés.

Fin 2022, l’association française arbres champêtres et agroforesteries (AFAC) a lancé une campagne de mobilisation « l’Appel de la haie » afin de sensibiliser les pouvoirs publics à l’intérêt des haies dans la planification écologique.

En septembre 2023, les ministères chargés de l’agriculture et de la transition écologique ont présenté le « Pacte en faveur de la haie », financé à hauteur de 110 millions d’euros en plus des financements existants (PAC, Stratégie nationale biodiversité, agences de l’eau et régions) avec un objectif de 50 kilomètres de linéaires de haies d’ici 2030. Le pacte s’articule autour de six axes :

– la connaissance et la planification des haies : création d’un observatoire de la haie, diffusion des connaissances ;

– la valorisation écologique des haies : intégration à la trame verte, assurer des plants et graines de qualité et encourager la labellisation ;

– la valorisation économique des haies : crédits biodiversité et carbone, développer les usages du bois ;

– la gestion des haies : accompagnement par la formation et le conseil ;

– la simplification normative : mise en place d’un guichet unique, harmonisation et territorialisation de la réglementation agricole, intégration dans les documents territoriaux de planification et sanction des destructions de haies ;

– une gouvernance s’appuyant sur les régions.

b.   Il demeure urgent de conserver les haies existantes

Les nouvelles haies plantées aujourd’hui ne sont pour autant pas équivalentes aux anciennes haies dont la valeur patrimoniale et écologique est irremplaçable et doit être protégée. M. Alexandre Boissinot, ingénieur écologue à la réserve naturelle régionale du bocage des Antonins (Deux-Sèvres), souligne « une urgence à conserver l’existant » ([150]). L’exemple des arbres dits « têtards », éléments typiques des anciennes haies bocagères dans les paysages agricoles, est emblématique ; leurs troncs creusés et leurs cavités sont d’importants réservoirs de biodiversité et jouent aujourd’hui un rôle tampon face au changement climatique (stockage de carbone et maintien de températures tempérées à l’intérieur – estimées à 23 degrés lorsqu’il fait 40 degrés au soleil). Ils sont en voie de disparition avec le déclin accéléré des haies.

D’une façon générale, les infrastructures agroécologiques existantes héritées du passé rendent des services écologiques beaucoup plus importants que ne le feraient de jeunes infrastructures (nouvelles haies ou arbres, par exemple). Les aides financières doivent être plus favorables à la conservation et à l’entretien régulier des infrastructures agricoles existantes plutôt qu’à la création de nouvelles infrastructures (comme la plantation de nouvelles haies), tout en rendant plus coûteuse la destruction d’infrastructures paysagères.

Recommandation n° 50 : Inciter à l’entretien et à la conservation des infrastructures agricoles paysagères existantes héritées du passé (haies, mares, pierriers, murets en pierres sèches, etc.) au moyen d’une mesure agroenvironnementale et climatique (MAEC) spécifique, de paiements pour services environnementaux (PSE) et d’aides à l’entretien.

c.   Le label « Haie »

En 2015, le plan de développement de l’agroforesterie mis en œuvre par le ministère de l’agriculture avait pour objectif de construire un label sur les haies. Après quatre années de concertation avec les agriculteurs, les opérateurs de l’État, les structures de valorisation du bois et l’AFAC-Agroforesterie, le label « Haie » a été reconnu par le ministère de la transition écologique.

Il permet d’assurer que ceux qui s’en prévalent répondent aux exigences de gestion durable des haies et d’approvisionnement en bois local et éthique. La labellisation s’articule autour de trois piliers : un cahier des charges de gestion des haies ([151]), un cahier des charges de distribution du bois ([152]) et un outil informatisé de traçabilité ([153]). Tout d’abord, il s’agit d’un outil économique, reconnu par le marché. Selon l’AFAC-Agroforesterie, les entreprises agroalimentaires et les coopératives s’en saisissent pour accompagner leurs agriculteurs et atteindre l’autonomie énergétique.

Par ailleurs, le label « Haie » est une certification qui accompagne les politiques publiques. Il est une condition nécessaire pour l’éligibilité à certaines aides : le bonus haies de l’écorégime, les PSE financés par les agences de l’eau et le label bas-carbone.

À ce jour, 287 gestionnaires sont labellisés (dont 248 en certification collective et 39 en certification individuelle) pour 2 650 kilomètres de haies gérés durablement.

Selon vos rapporteurs, le label « Haie » est un outil de massification intéressant car il permet d’assurer la qualité de la restauration des haies, de valoriser économiquement les haies (bois ou aides publiques) et de stimuler un écosystème autour de la gestion des haies (techniciens, animateurs).

Recommandation n° 51 : Promouvoir le label « Haie » inscrit dans le plan « Haie » du gouvernement et mettre en place un plan de financement ambitieux pour la création d’une filière « bois » issue des haies gérées durablement au sens des critères du label « Haie ».


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II.   Synthèse des recommandations de la mission

A.   renforcer les mesures de réduction du recours aux pesticides

Recommandation n° 1 : Généraliser l’expérimentation des paiements pour services environnementaux (PSE) gérés à l’échelle des bassins par les agences de l’eau afin de rémunérer les agriculteurs et les agricultrices qui modifient leurs pratiques de façon à préserver la ressource en eau.

Recommandation n° 2 : Uniformiser sur l’ensemble du territoire les seuils d’alerte de contamination en pesticides des eaux superficielles et souterraines.

Recommandation n° 5 : Interdire les produits à base de néonicotinoïdes et de glyphosate et les fongicides inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI).

Recommandation n° 6 : Évaluer la toxicité à long terme des formulations (substance active, coformulants et résidus) des produits pour lesquels est demandée une autorisation de mise sur le marché ainsi que les effets combinés entre ces produits et l’impact sur divers organismes, notamment ceux constituant la biodiversité des sols.

Recommandation n° 27 : Renforcer la séparation entre les activités de conseil et de vente de produits phytopharmaceutiques en créant un « service public vétérinaire et phytosanitaire » fondé sur la prévention et les solutions fondées sur la nature et poursuivant un objectif de diminution du recours aux antibiotiques.

Recommandation n° 35 : Instaurer des zones tampons interdisant l’usage de pesticides de synthèse à proximité des aires d’alimentation de captage d’eau potable.

Recommandation n° 36 : Instaurer des zones tampons interdisant l’usage de pesticides à moins de 200 mètres des habitations et des lieux recevant du public (écoles, hôpitaux) (Mme Manon Meunier).

Recommandation n° 37 : Fixer dans le plan Écophyto 2030 un objectif de réduction des intrants de synthèse de 50 % d’ici à 2030 et obtenir un système agricole 100 % biologique au plus tard en 2050 (Mme Manon Meunier).


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B.   Soutenir la diversification des milieux agricoles et la rentabilité économique des exploitations fondées sur l’agroécologie

Recommandation n° 7 : Conduire une politique de diversification agricole des territoires, notamment afin de considérer dans l’aménagement du territoire la coopération entre les filières d’élevage et les filières de production végétale, et de permettre ainsi un cycle environnemental vertueux.

Recommandation n° 8 : Promouvoir le label « Biodiversité » de la FNAB qui permet d’encourager et de valoriser les productions issues des pratiques agricoles les plus favorables à la biodiversité au sein du label « Agriculture biologique ».

Recommandation n° 12 : Rendre éligibles aux paiements pour services environnementaux (PSE) les travaux d’entretien du patrimoine paysager réalisés par les agriculteurs et les agricultrices.

Recommandation n° 13 : Accompagner la prise de risque associée à la conversion d’une exploitation en compensant financièrement les agriculteurs en cas de diminution ou de pertes de récoltes, par exemple via la mise en place d’un fonds assurantiel mutualiste financé par l’industrie agro-chimique selon le principe pollueur-payeur, ouvert aux agriculteurs qui s’engagent dans une réduction de 80 % de l’usage de pesticides et une diversification de leurs cultures.

Recommandation n° 14 : Assurer un revenu minimum aux agriculteurs par la mise en place de prix planchers pour les produits agricoles et le conditionnement des marges des transformateurs et des distributeurs.

Recommandation n° 15 : Soutenir et permettre le libre-échange des semences paysannes.

Recommandation n° 16 : Soutenir financièrement le maintien des variétés et races anciennes.

Recommandation n° 17 : Moduler les aides financières à l’achat de machines et matériels agricoles, notamment d’occasion, pour soutenir davantage le recours aux machines plus petites et techniques, plus respectueuses des sols.

Recommandation n° 43 : Réviser les normes applicables à l’élevage afin d’accompagner la fin de l’élevage industriel au profit de l’élevage extensif et pastoral (Mme Manon Meunier).

Recommandation n° 44 : Créer une aide destinée à accompagner la conversion des éleveurs industriels vers l’élevage extensif et la culture de protéines végétales.

Recommandation n° 50 : Inciter à l’entretien et à la conservation des infrastructures agricoles paysagères existantes héritées du passé (haies, mares, pierriers, murets en pierres sèches, etc.) au moyen d’une mesure agroenvironnementale et climatique (MAEC) spécifique, de paiements pour services environnementaux (PSE) ou d’aides à l’entretien.

Recommandation n° 51 : Promouvoir le label « Haie » inscrit dans le plan « Haie » du gouvernement et mettre en place un plan de financement ambitieux pour la création d’une filière « bois » issue des haies gérées durablement au sens des critères du label « Haie ».

C.   rendre la PAC véritablement incitative au changement des pratiques agricoles

Recommandation n° 28 : Plafonner les paiements directs de la PAC afin de réduire les montants des aides bénéficiant aux plus grandes exploitations au bénéfice des petites exploitations (Mme Manon Meunier).

Recommandation n° 29 : Réformer le mécanisme d’attribution des aides du premier pilier de la PAC en les attribuant aux actifs agricoles et non aux propriétaires fonciers et à l’agro-industrie.

Recommandation n° 30 : Réformer le mécanisme d’attribution des aides du premier pilier de la PAC en les indexant sur l’actif agricole et non plus sur la surface afin d’encourager l’installation de nombreux agriculteurs et favoriser les exploitations dont les pratiques sont plus respectueuses de la biodiversité (Mme Manon Meunier).

Recommandation n° 31 : Doubler le taux de transfert du premier pilier au second pilier de la PAC (de 7 % à 14 %) afin d’affecter 500 millions d’euros supplémentaires au bénéfice des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et des aides à l’agriculture biologique.

Recommandation n° 32 : Rendre plus sélectives les voies d’accès à l’écorégime français et augmenter les montants par hectare de façon à valoriser les pratiques les plus favorables à l’environnement et la biodiversité (élevage extensif, polyculture-élevage, infrastructures agroécologiques nombreuses, couverture permanente des sols, travail limité des sols, etc.).

Recommandation n° 33 : Augmenter le montant de l’écorégime spécifique à l’agriculture biologique actuellement inférieur à 100 euros par hectare, pour renforcer l’incitation à sa diffusion.

Recommandation n° 34 : Augmenter le financement des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) de façon à donner les moyens aux agriculteurs de restaurer et préserver les infrastructures agroécologiques (haies, mares, bandes fleuries…), de mettre en œuvre des pratiques agricoles favorables à la biodiversité des sols (fertilisation organique, couverture permanente, non systématisation du labour), de l’agroforesterie, des systèmes d’élevage herbagers, etc., avec un soutien spécifique aux zones soumises à des contraintes naturelles (montagne, zones sèches, etc.).


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D.   informer et sensibiliser les citoyens et garantir des débouchés aux productions agricoles durables, souveraines et respectueuses de la biodiversité

Recommandation n° 9 : Supprimer le label « Haute valeur environnementale » pour ne pas créer de confusion auprès des consommateurs et de concurrence avec le label « Agriculture biologique » dont le niveau d’exigences environnementales est plus strict, et maintenir les aides au maintien des infrastructures agroécologiques (Mme Manon Meunier).

Recommandation n° 10 : Renforcer la pertinence de la démarche « Haute valeur environnementale » en mettant davantage l’accent sur l’accompagnement dans l’espace cultivé de toutes les opportunités d’infrastructures agroécologiques et approfondir l’accompagnement des agriculteurs et agricultrices engagés dans la démarche HVE (M. Hubert Ott).

Recommandation n° 11 : Mener une campagne de communication auprès du grand public pour clarifier les engagements environnementaux et les pratiques associés aux divers labels et certifications (en particulier, « HVE » et « AB »).

Recommandation n° 18 : Soutenir financièrement les associations de maintien pour une agriculture paysanne (Amap) et les réseaux de magasins de producteurs afin de développer les débouchés et les filières favorisant une agriculture de proximité respectueuse de l’environnement.

Recommandation n° 19 : Créer un chèque alimentaire sous conditions de ressources destiné à l’achat de produits issus de l’agriculture biologique de façon à soutenir la demande sur le marché du bio en crise et sensibiliser les consommateurs à l’offre en AB.

Recommandation n° 20 : Initier une campagne de communication visant à promouvoir une alimentation durable fondée sur les productions végétales locales et animales locales et durables et encourager la diminution de la consommation de viande au profit de celle de légumineuses (Mme Manon Meunier).

Recommandation n° 21 : Renforcer les enseignements sur la préservation de la biodiversité et l’alimentation durable dans l’enseignement primaire et secondaire.

Recommandation n° 45 : Augmenter le financement de la « stratégie nationale protéines végétales ».

Recommandation n° 46 : Renforcer et pérenniser les financements accordés aux projets alimentaires territoriaux (PAT) afin de garantir des postes d’animateurs, de faciliter la formation des élus et des agents impliqués dans des PAT, de permettre la mise en place de magasins de producteurs et productrices, d’ateliers de transformation, etc., et instaurer un financement complémentaire conditionné au respect sur le territoire concerné de l’objectif fixé par la loi « Égalim » d’au moins 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective publique.

Recommandation n° 47 : Allouer un financement supplémentaire aux porteurs de projets alimentaires territoriaux destiné à financer la planification et l’ingénierie d’un projet de restauration collective 100 % biologique et locale (Mme Manon Meunier).

Recommandation n° 48 : Intégrer un enseignement sur l’agriculture biologique dans les formations aux métiers de la restauration.

Recommandation n° 49 : Prioriser l’approvisionnement en viande française dans la commande publique destinée à la restauration collective (Mme Manon Meunier).

E.   favoriser et accompagner la transition du monde agricole

Recommandation n° 3 : Mettre en œuvre un moratoire de dix ans sur les autorisations de construction et d’exploitation de méga-bassines afin de disposer du temps nécessaire à la réalisation d’études scientifiques évaluant les impacts des retenues de substitution sur la biodiversité (débit, qualité de l’eau, santé des milieux aquatiques) (Mme Manon Meunier).

Recommandation n° 4 : Renforcer les moyens alloués à la recherche publique française dans le domaine de la transition agroécologique de manière à garantir l’indépendance de la recherche et assurer la diffusion de ces connaissances.

Recommandation n° 26 : Intégrer dans les formations agricoles des modules d’enseignement sur les bénéfices économiques et environnementaux de l’agriculture biologique, de l’agroécologie et de l’agroforesterie, en particulier un module sur la préservation et l’entretien des haies.

Recommandation n° 38 : Augmenter progressivement le taux de la redevance pour pollutions diffuses dès 2024 en la faisant reposer sur l’industrie agro-chimique.

Recommandation n° 39 : Augmenter les aides à l’installation des agriculteurs et agricultrices (y compris au-delà de quarante ans) qui portent des projets agroécologiques.

Recommandation n° 40 : Soutenir financièrement les projets d’installation de femmes agricultrices, plus nombreuses à s’orienter vers des modèles agricoles durables.

Recommandation n° 41 : Mobiliser les obligations réelles environnementales (ORE) prévues à l’article L. 132-3 du code de l’environnement de façon à attacher au foncier agricole, jusqu’à 99 ans, des obligations de préservation et d’entretien des infrastructures agroécologiques existantes héritées du passé, en particulier dans le cadre de biens attribués par les Safer.

Recommandation n° 42 : Donner davantage de moyens aux Safer, notamment des financements publics, pour prioriser l’accès au foncier de nouveaux agriculteurs porteurs de projets bénéfiques pour l’environnement et atteindre l’objectif du zéro artificialisation nette (ZAN).

 

F.   Protéger une agriculture européenne durable

Recommandation n° 22 : Intégrer les enjeux de préservation de la biodiversité et de commerce équitable dans les accords de libre-échange.

Recommandation n° 23 : Favoriser les accords de coopération avec les États engagés dans des politiques de préservation de la biodiversité et de soutien de l’agriculture paysanne et des pratiques agricoles durables.

Recommandation n° 24 : Intégrer des mesures miroirs imposant les mêmes standards de production que ceux de l’UE et les moyens de les faire respecter dans les accords de libre-échange.

Recommandation n° 25 : Se retirer des traités et des négociations concernant des accords de libre-échange, notamment avec le Mercosur et la Nouvelle-Zélande (Mme Manon Meunier).

 


   examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 24 janvier 2024, après-midi, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a procédé à l’examen du rapport de la mission d’information sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles et l’évaluation des politiques publiques associées.

À l’issue de sa réunion, la commission a autorisé la publication du rapport d’information.

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Ce point de l’ordre du jour ne fait pas l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/uPTl4N

 

 


   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Audition conjointe « Histoire de la ruralité »

– M. Pierre Cornu, historien, professeur des universités à Lyon 2

– M. Gérard Béaur, historien, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS)

Table ronde « Nature et agriculture dans les sociétés contemporaines »

– M. Charles Stépanoff, anthropologue, directeur d’études à l’EHESS

– M. Frédéric Nicolas, sociologue, chercheur à l’Inra-Cesaer (Centre de l’économie et de sociologie appliquée à l’agriculture et aux espaces ruraux)

– M. Benoit Leroux, sociologue, maître de conférences à l’université de Poitiers

Audition conjointe

– Mme Cécile Albert, chercheuse en écologie des paysages au CNRS

– Mme Sophie Devienne, chercheuse en agroéconomie à AgroParisTech, spécialiste des systèmes agraires et de leur évolution

Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae)

M. Christian Huyghe, directeur scientifique « Agriculture »

M. Thierry Caquet, directeur scientifique « Environnement »

M. Marc Gauchée, conseiller parlementaire

Table ronde « Quels liens entre l’agriculture et la biodiversité aujourd’hui ? »

– M. Denis Couvet, ingénieur agronome, professeur au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), membre de l’académie d’agriculture et président de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB)

– Observatoire agricole de la biodiversité (OAB)

M. Grégoire Loïs, directeur-adjoint de Vigie-Nature

– M. Fabrice Le Bellec, chercheur agronome au Centre de coopération en recherche agronomique pour le développement (Cirad)

– M. Adrien Rusch, écologue, chercheur à l’Inrae

Table ronde « Produits phytosanitaires : effets sur la biodiversité »

 M. Andy Battentier, directeur de campagne de l’association Secrets toxiques

 M. Luc Multignier, chercheur à l’Institut de recherche, en santé, environnement et travail (Irset)

 M. Dominique Belpomme, professeur de cancérologie à l’Université Paris Descartes

 M. François Veillerette, directeur et porte-parole de l’association Générations futures

Table ronde « Alternatives aux produits phytosanitaires »

 M. Vincent Bretagnolle, directeur de recherche au CNRS de Chizé

 M. Antoine Gardarin, maître de conférences en agronomie et agroécologie à AgroParisTech

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)

Mme Charlotte Grastilleur, directrice générale déléguée du pôle « Produits réglementés »

M. Gilles Salvat, directeur général délégué du pôle « Recherche et Référence »

Table ronde « Biodiversité des sols »

 Mme Apolline Auclerc, maître de conférences en biologie des sols à l’université de Lorraine

 Mme Annette Bérard, chercheuse en écologie microbienne à l’Inrae

 M. Marc-André Sélosse, biologiste, professeur au Muséum national d’histoire naturelle

 M. Dorian Guinard, représentant de l’association « Justice pour le vivant », maître de conférences en droit public à l’université Grenoble Alpes (Sciences Po Grenoble)

Table ronde « Agriculture et milieux aériens »

 M. Vincent Devictor, directeur de recherche au CNRS à l’Institut des sciences de Montpellier (ISEM)

 Mme Pauline Rattez, responsable de projet « Agriculture, alimentation, santé, environnement » à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO)

 M. Philippe Lecompte, président du Réseau biodiversité pour les abeilles (RBA)

 M. Nicolas Laarman, délégué général de l’ONG Pollinis

 M. Xavier Houard, responsable du pôle « Études et conservation » de l’Office pour les insectes et leur environnement (OPIE)

Table ronde « Pratiques agricoles alternatives »

 Fédération Terre de Liens *

M. William Loveluck, chargé de recherche et d’analyse pour la fédération

 Association Symbiose

M. Benoit Collard, agriculteur et secrétaire général de l’association

Mme Julie Portejoie, coordinatrice pour l’association

Table ronde « Génétique »

 Mme Isabelle Goldringer, directrice de recherche à l’Inrae

 Mme Michèle Tixier-Boichard, directrice de recherche à l’Inrae

 M. Hugues Pichard, président de Races de France

– M. Jean-Marc Rault, président de France Génétique Élevage

Audition conjointe « Effets de l’élevage sur la biodiversité »

 M. Gilles Martel, chercheur à l’Inrae de Rennes

– Mme Caroline Gibert, responsable « Agroécologie et biodiversité » du Réseau Solagro

Table ronde « Agriculture biologique »

 L’Agence Bio (GIP)

Mme Laure Verdeau, directrice

 Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL)

Mme Florence Arsonneau, directrice de FiBL France

 Fédération nationale des agriculteurs biologiques (FNAB)

Mme Héloïse Grimonpont, chargée de mission

M. Jérôme Keller, référent « Biodiversité »

 Les Jardins de la Brenne

Mme Camille Joyeux, maraîchère bio

Table ronde « Pratiques d’élevage respectueuses de la biodiversité »

– M. Sylvain Plantureux, professeur à l’université de Lorraine, spécialiste des prairies permanentes et systèmes de production fourragère

 Collectif des races locales du massif (Coram)

M. Florent Campello, président

– Association française de pastoralisme

Mme Isabelle Lapeze, membre du conseil d’administration

M. Laurent Garde, membre du conseil d’administration

Table ronde « Agriculture et milieux aquatiques »

 Stations Ifremer

M. Wilfried Sanchez, directeur scientifique adjoint

 M. Stéphane Pesce, directeur de recherche à l’Inrae

 France Nature Environnement *

M. Alexis Guilpart, animateur du réseau « Eau et milieux aquatiques » de FNE

M. Arnaud Clugery, directeur de l’association « Eau et Rivières de Bretagne », association membre de FNE

– Agence de l’eau Loire Bretagne

M. Martin Gutton, directeur général

Table ronde sur l’agroforesterie et les haies

– Prom’haies

Mme Françoise Sire, chargée de projet

 Fédération nationale Afac-Agroforesteries

Mme Paule Pointereau, responsable « Stratégie et projets »

Table ronde sur l’analyse des politiques publiques

 Mme Marion Desquilbet, économiste à l’Inrae et à l’École d’économie de Toulouse (TSE)

 Mme Eve Fouilleux, directrice de recherche au Centre de coopération en recherche agronomique pour le développement (Cirad)

– Mme Clelia Sirami, chercheuse à l’Inrae

Table ronde « Espaces protégés »

– Fédération nationale des parcs nationaux

M. Rémy Chevennement, directeur adjoint du parc national des Cévennes et représentant « Agriculture » du collectif des parcs nationaux

 Fédération des parcs naturels régionaux

M. Éric Brua, directeur

Mme Florence Moesch, chargée de mission

Ministère de la transition écologique - Direction de l’eau et de la biodiversité

Mme Marie-Laure Métayer, directrice adjointe

Chambres d’agriculture France *

M. Pascal Ferey, membre du bureau de Chambres d’agriculture France et président de la chambre d’agriculture de la Manche

Mme Mylène Hamon, chargée de mission « Biodiversité »

Mme Louise Verrier, chargée de mission « Affaires publiques »

La coopération agricole (anciennement Coop de France) *

M. Thibault Bussonnière, directeur des affaires publiques

M. Vincent Drevet, chargé de mission « Écologie » de La coopération agricole Nouvelle Aquitaine

M. Yoann Mery, directeur de La coopération agricole Ouest

M. Thomas Jullien, responsable « Filières Biologiques » et « Biodiversité » de La coopération agricole Ouest

Intercéréales *

M. Cédric Benoist, agriculteur, secrétaire général adjoint de l’Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB)

M. Philippe Vincent, directeur des filières du groupe Soufflet

Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

 Direction générale de la performance environnementale des entreprises (DGPE)

M. Arnaud Dunand, sous-directeur de la performance environnementale et valorisation des territoires (SDPE)

M. Antoine Roulet, adjoint à la cheffe de bureau « Changement climatique et biodiversité » (SDPE/BCCB)

 Direction générale de l’alimentation (DGAL)

Mme Caroline Cornuau, sous-directrice adjointe de l’accompagnement des transitions alimentaires et agroécologiques

Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer)

M. Gilles Flandin, secrétaire général

M. Nicolas Agresti, directeur des études

Mme Sabine Agofroy, en charge des relations parlementaires

Mme Cécile Lecoq, chargée d’études

 

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) *

M. Jean-Alain Divanac’h, administrateur en charge de la biodiversité

M. Xavier Jamet, responsable « Affaires publiques »

M. Baptiste Briand, chargé de mission « Biodiversité »

Table ronde « Syndicats agricoles »

 Confédération paysanne *

M. Stéphane Gallais, secrétaire national

 Coordination rurale *

Mme Lydie Deneuville, responsable de la section « Dégâts de gibier »

M. Michel Le Pape, représentant Centre-Val de Loire

– Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) *

M. Raymond Girardi, vice-président

Mme Sophie Bezeau, directrice

Conseil national de l’enseignement agricole privé

M. Philippe Pinot, chef d’établissement du Lycée les Vergers à Dol-de-Bretagne

Office français de la biodiversité (OFB)

M. Olivier Thibault, directeur général

M. Antoine Villar, chargé de mission « Agriculture »

Commission européenne  Direction générale de l’agriculture et du développement rural (DG Agri)

Mme Gaelle Marion, cheffe de l’unité « Développement durable »

Mme Davila Diaz, cheffe d’unité adjointe

Mme Alia Atitar de la Fuente, responsable « Biodiversité »

Mme Marina Hadjiyanni, chargée du soutien au développement rural

Mme Maria Fuentes Merino, responsable « Éco-régimes »

Audition conjointe « Genre et agriculture »

 OXFAM France *

M. Quentin Ghesquière, chargé de campagne et de plaidoyer

 Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC)

Mme Marie Davy, secrétaire nationale « Agriculture et installation »

Audition conjointe « Élevage »

 Mme Isabelle Boisdon, chercheuse à VetAgro-Sup

 M. Gilles Brunschwig, chercheuse à VetAgro-Sup

 Mme Roseline Kempf, éleveuse en Alsace

   contribution écrite

M. Christophe Gatineau, auteur et agronome spécialisé en agroécologie

   LISTE DES PERSONNES rencontrées
lors des déplacements

Déplacement dans les Deux-Sèvres et dans l’Indre (septembre 2023)

Centre d’études biologiques de Chizé (CEBC) – CNRS

– M. Vincent Bretagnolle, directeur de recherche

– Mme Sabrina Gaba, directrice de recherche

– M. Thomas Perrot, chercheur en agroécologie

M. Gaël Roulleau, agriculteur exploitant biologique dans les Deux-Sèvres

Terre de Liens Poitou-Charentes *

– Mme Geneviève Bernard, présidente de la Fédération Terre de Liens et administratrice de l'antenne Terre de Liens Poitou-Charentes

– M. Éric Bedin, administrateur de l’antenne Terre de Liens Poitou-Charentes

– Mme Audrey Pousin, chargée de mission de l'antenne Terre de Liens Poitou-Charentes

– M. Tanguy Martin, médiateur foncier de l'association Terre de Liens Pays-de-la-Loire et chargé de plaidoyer de la fédération Terre de Liens

Visite de la ferme de la Solive à Granzay-Gript (Deux-Sèvres)

– M. Thierry Mouchard, éleveur biologique

Table ronde

– M. Fabien Balaguer, directeur de l’Association française d’agroforesterie (AFA)

– Syndicat mixte du Bassin versant de la Sèvre Niortaise

M. Pierre Surre, technicien médiateur de rivière

M. Fabrice Laumond, directeur

M. Pascal Olivier, président

– M. Alexis Ingrand, chargé de mission agricole du service des eaux du Vivier

Visite d’une ferme biologique à Saint-Symphorien (Deux-Sèvres)

– M. Marc Laval, maraîcher

– M. Guillaume Magherman, maraîcher

Table ronde d’associations locales

– M. Guy Merceron, représentant de l’association locale Parlons-en

– M. Pierre-Marie Moreau, coprésident de Prom’Haies en Nouvelle-Aquitaine

– M. Samuel Fichet, technicien à Prom’Haies

– Mme Magali Migaud, représentante de Deux-Sèvres Nature Environnement

Table ronde d’acteurs institutionnels du territoire

– M. Florent Simmonet, conseiller communautaire « Agriculture et alimentation » à l’agglomération de Niort 

– M. Dominique Giret, directeur technique du parc naturel régional (PNR) du Marais Poitevin

– Mme Séverine Vachon, vice-présidente « Biodiversité » du PNR et conseillère départementale

– M. Serge Morin, référent du Conservatoire d’espaces naturels (CEN) de Nouvelle-Aquitaine

M. Alexandre Boissinot, ingénieur écologue à la réserve naturelle régionale du bocage des Antonins

Visite de la ferme biologique « Jardins de la Brenne » à Saint-Michel-en-Brenne (Indre)

– Mme Camille Joyeux, maraîchère biologique

– M. Louis-Jean Morin, maraîcher biologique

Table ronde

– M. François Pinet, chargé de mission en écologie au parc naturel régional de la Brenne

– M. Nicolas Pailloux, président de la chambre d’agriculture de l’Indre *

– M. Jean-Luc Roy, conseiller spécialisé « Développement local » à la chambre d’agriculture de l’Indre *

Déplacement en Alsace (novembre 2023)

M. Florian Spannagel, viticulteur à Kaysersberg

M. André Stentz, viticulteur à Wettolsheim

Mme Roseline Kempf, exploitante agricole à Soultzeren

M. Philippe Breschbuhl, maire de Soultzeren

M. Florian Campello, exploitant agricole à Mittlach

Mme Séverine Schlumberger, propriétaire d’un domaine viticole à Guebwiller

Mme Elise Garnier, propriétaire d’un domaine viticole à Orschwihr

M. Christian Haegelin, propriétaire d’un domaine viticole à Orschwihr

M. Frédéric Grivel, conseiller municipal à Orschwihr

Table ronde sur le parc naturel régional des ballons des Vosges

– Mme Marie-Paule Gay, vice-présidente du parc et maire d’Aubure

– M. Olivier Claude, directeur du parc

– M. Julien Bourbier, directeur adjoint du parc

– M. Claude Michel, responsable du pôle « Patrimoine naturel et biodiversité »

Table ronde avec les représentants du monde agricole

– M. Ange Loing, responsable du dossier des MAEC « Montagne » et de l’agriculture biologique de montagne, représentant de la chambre d’agriculture du Haut-Rhin *

– Mme Violette Botter, éleveuse à Sainte-Croix-aux-Mines, représentante de la Confédération paysanne *

– M. Franz Baumann, éleveur à Linthal, représentant de la Confédération paysanne *

– M. Philippe Iltis, président de la Coordination rurale 68 *

– M. Jean-Marc Kempf, trésorier de la Coordination rurale 68 *

– M. Tom Schott, représentant des Jeunes agriculteurs* de la vallée de Munster

– M. Gaël Marchal, représentant des Jeunes agriculteurs* de la vallée de Kaysersberg

– M. Frédéric Ducastel, chargé de mission « Élevage et observatoire bio » en Alsace

Table ronde sur la gestion du site Natura 2000

– M. Alain Grappe, président d’Orchidée

– M. André Schlegel, adjoint au maire de Soultzmatt

– M. Raymond Heck, adjoint au maire de Soultzmatt

– M. Mikaël Burgenath, adjoint au maire de Westhalten

– M. Martin Klein, représentant du syndicat viticole de Soultzmatt

– M. Pierre Isner, président de Westhalten

Table ronde sur les projets de préservation de la biodiversité conduits par les viticulteurs alsaciens

– M. Gilles Ehrahrt, président de l’association des Vins d’Alsace

– M. Frédéric Bach, directeur de l’association des Vins d’Alsace

– M. Alain Renou, directeur du syndicat des vignerons indépendants d’Alsace

– Mme Martine Becker, responsable de la commission de l’Organisation professionnelle de l’agriculture biologique en Alsace

– M. Frédéric Schermeser, président de l’association Viti Repères

Déplacement en Haute-Vienne (décembre 2023)

Table ronde d’associations

 M. Vincent Laroche, porte-parole de Terre de Liens Limousin *

 M. Pierre Rigondaud, administrateur à Terre de Liens Limousin *

 Mme Laura Taysse, chargée de mission « Agriculture et biodiversité » à la Ligue de protection des oiseaux (LPO) du Limousin *

 M. Guy Labidoire, administrateur de la LPO du Limousin *

 M. Christian Desmier, administrateur du groupe mammologique et herpétologique du Limousin (GMHL)

Table ronde de représentants syndicaux de la Haute-Vienne

 M. Julien Roujolle, secrétaire de la Confédération paysanne de Haute-Vienne *

 M. Hugo Bourdin, administrateur de la Confédération paysanne de Haute-Vienne *

 M. Pascal Germond, membre du bureau de la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) de Haute-Vienne *

Visite d’une ferme d’élevage ovin à Berneuil et rencontre avec des éleveurs et éleveuses ovins

– M. Michel Maisonnier, président du Carrefour génétique ovin de Bellac

– M. Julien Sureau, éleveur ovin

– Mme Lucie Sureau, éleveuse ovine, salariée d’une exploitation agricole

– Mme Myriam Larant, éleveuse ovine à la retraite

– M. Guillaume Théolet, éleveur ovin

– M. Jean-Claude Propin, éleveur équin

– M. Jérémy Pegoraro, éleveur ovin

– Mme Anne-Claire Pegoraro, éleveuse ovine

– Mme Amandine Raymond, éleveuse ovine

Audition conjointe

 M. Gaspard Hedde, paysan boulanger et président de la coopérative Saveurs fermières

 M. Philippe Babaudou, agriculteur, producteur de Saveurs fermières et co-secrétaire de la Confédération paysanne de Haute-Vienne *

Visite de la réserve naturelle nationale de la Tourbière des Dauges

– M. Philippe Durepaire, conservateur de la réserve

– Mme Anaïs Lebrun, chargée de mission

M. Thierry Fedon, apiculteur

Visite d’une ferme en polyculture-élevage près de Peyrat-de-Bellac

– M. Jérôme Keller, administrateur pour la Nouvelle-Aquitaine de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB) et agriculteur en polyculture-élevage

– M. Thomas Lemoine, président d’Agrobio 87 et céréalier

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique


([1]) La composition de la mission d’information se trouve au verso

([2]) IPBES, « Résumé à l’intention des décideurs du rapport de l’évaluation mondiale de l’IPBES et de la biodiversité et des services écosystémiques », 2019.

([3]) Rapport n° 22114 du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), « La haie, levier de la planification écologique », avril 2023.

([4]) S. Rigal et al. « Farmland practices are driving bird populations decline across Europe. », PNAS, mai 2023.

([5]) Hallman et al. 2017.

([6]) Une rotation est une séquence fixe et spécifique de cultures, sur une période donnée.

([7]) Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), « Protéger les cultures en augmentant la diversité végétale des espaces agricoles », octobre 2022.

([8]) J. Bengtsson et al., « The effects of organic agriculture on biodiversity and abundance : a meta-analysis », Journal of Applied Ecology, 2005.

([9]) Office français de la biodiversité, « Évaluation des performances environnementales de la certification Haute valeur environnementale (HVE) », octobre 2022.

([10]) Rapport spécial de la Cour des comptes européenne, « Biodiversité des terres agricoles : la contribution de la PAC n’a pas permis d’enrayer le déclin », 2020.

([11]) Rapport spécial de la Cour des comptes européenne, « Le verdissement : complexité accrue du régime d’aide au revenu et encore aucun bénéfice pour l’environnement », 2017.

([12]) Les rotations complexes de l’époque pouvaient alterner céréales, plantes sarclées (betteraves, pommes de terre, navets, choux, rutabagas, etc.), légumineuses fourragères (trèfle, luzerne, etc.) et une culture nettoyante (comme le sarrasin).

([13]) D’après l’audition de Mme Sophie Devienne, chercheuse en agroéconomie à AgroParisTech, 1er juin 2023 ; Sophie Devienne, « Les révolutions agricoles contemporaines en France », chapitre 1er in Les mutations récentes du foncier et des agriculteurs en Europe, 2019, p. 25-22.

([14])  Hervieu et Purseigle, Sociologie des mondes agricoles (2013).

([15]) Olivier Fanica, « La production de veau blanc pour Paris », Histoire & Sociétés rurales, 2001, p. 105-130.

([16]) Sophie Devienne, ibidem.

([17]) Agreste (Statistique, évaluation et prospective du ministère de l’agriculture et de l’alimentation), « Surface moyenne des exploitations agricoles en 2020 », Primeur n° 13, octobre 2022.

([18]) Rapport n° 22114 du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), « La haie, levier de la planification écologique », avril 2023.

([19]) Les auxiliaires de culture désignent des organismes vivants (insectes, oiseaux, micro-organismes…) se nourrissant de ravageurs de cultures ou de graines de mauvaises herbes. Ce sont les ennemis naturels des bioagresseurs des cultures. Ils fournissent d’autres services à l’agriculture comme la pollinisation.

([20]) Rapport d’information n° 5040 de la commission des affaires économiques sur le secteur coopératif dans le domaine agricole, présenté par les députés MM. Fabien Di Filippo et Stéphane Travert, février 2022.

([21]) Olivier Chardon, Yves Jauneau et Joëlle Vidalenc, « Les agriculteurs : de moins en moins nombreux et de plus en plus d’hommes », Insee Focus, octobre 2022.

([22]) Agreste (Statistique, évaluation et prospective du ministère de l’agriculture et de l’alimentation), « Premiers résultats du recensement agricole 2020 par département en Nouvelle-Aquitaine », Essentiel n° 22, décembre 2021.

([23]) Ibidem. Agreste (Statistique, évaluation et prospective du ministère de l’agriculture et de l’alimentation), « Surface moyenne des exploitations agricoles en 2020 », Primeur n° 13, octobre 2022.

([24]) Régine Bordet-Gaudin, Caroline Logeais, Amandine Ulrich, « Le niveau de vie des ménages agricoles est plus faible dans les territoires d’élevage », Insee Première, octobre 2021.

([25]) Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), « Résumé à l’intention des décideurs du rapport de l’évaluation mondiale de l’IPBES et de la biodiversité et des services écosystémiques », 2019.

([26]) Rapport Planète vivante 2022 de l’association WWF.

([27]) Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), « Stocker plus de carbone dans les sols : un enjeu pour le climat et pour l’alimentation », note n° 3, mars 2018.

([28]) Rapport spécial de la Cour des comptes européenne, « Biodiversité des terres agricoles : la contribution de la PAC n’a pas permis d’enrayer le déclin », 2020.

([29]) D’après l’audition de M. Grégoire Loïs, directeur-adjoint de Vigie Nature, 15 juin 2023 ; Olivier Billaud et al., « Citizen science involving farmers as a means to document temporal trends in farmland biodiversity and relate them to agricultural practices », Journal of applied ecology, 2020.

([30]) Les corridors écologiques assurent des connexions entre des réservoirs de biodiversité.

([31]) Le drainage est l’opération qui consiste à favoriser artificiellement l’évacuation de l’eau présente dans la couche supérieure du sol.

([32]) Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Mission d’information flash sur l’agrivoltaïsme présentée par les députés Mme Sandrine Le Feur et M. Jean-Marie Sermier, février 2022.   

([33]) L’étude est consultable à l’adresse suivante :

https://www.gesteau.fr/sites/default/files/gesteau/content_files/document/explore2070-hydrologie-surface.pdf .

([34]) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, et directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin.

([35]) https://surval.ifremer.fr/ .

([36]) Datalab (Ministère de la transition écologique), « Eaux et milieux aquatiques. Les chiffres clés. Édition 2020 », décembre 2020.

([37]) Opecst, « Le déclin des insectes », note n° 30, décembre 2021.

([38]) Directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 modifiée par la directive 97/62/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

([39]) Hallmann C. A. et al., « More than 75 percent decline over 27 years in total flyinginsect biomass in protected areas », 2017.

([40]) Seibold S. et al., « Arthropod decline in grasslands and forestsis associated with landscape-level drivers ». Nature, 2019, pp.671-674.

([41]) S. Rigal et al. « Farmland practices are driving bird populations decline across Europe », PNAS, 2023. https://www.cnrs.fr/fr/lintensification-de-lagriculture-est-lorigine-de-la-disparition-des-oiseaux-en-europe .

([42]) Rapport spécial de la Cour des comptes européennes n° 13, « Biodiversité des terres agricoles : la contribution de la PAC n’a pas permis d’enrayer le déclin », 2020.

([43]) Rapport de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et de l’ITPS (Intergovernmental technical panel on soils), « Status of the world’s soil resources (SWSR) », 2015 ; IPBES, 2018.

([44]) Marc-André Sélosse, L’Origine du monde. Une histoire naturelle du sol à l’intention de ceux qui le piétinent. Actes Sud. 2021.

([45]) Pelosi C. et al. « Residues of currently used pesticides in soils and earthworms: A silent threat ? », 2021 : https://doi.org/10.1016/j.agee.2020.107167.

([46]) Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, mission flash sur l’impact des plantes invasives aquatiques sur la biodiversité, Mme Nadia Essayan et M. Patrice Perrot, 2022. La synthèse est consultable sur : https://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/462087/4509225/version/1/file/Synth%C3%A8se+MI+flash+plantes+aquatiques+invasives.pdf  

([47]) Les ventes des produits phytopharmaceutiques sont déclarées chaque année par les distributeurs au titre de la redevance pour pollutions diffuses et versées dans la banque nationale des ventes des distributeurs de produits phytopharmaceutiques (BNVD).

([48]) BNVD, données de ventes au code commune Insee des distributeurs, extraites le 17 mai 2022.

([49]) Source : Agreste, 2022.

([50]) Loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières ; arrêté du 5 février 2021 autorisant provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam et arrêté du 31 janvier 2022 autorisant provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam et précisant les cultures qui peuvent être semées, plantées ou replantées au titre des campagnes suivantes.

([51]) Arrêt C-162/21 du 19 janvier 2023 de Cour de justice de l’Union européenne.

([52]) Bengtsson et al.. « The effects of organic agriculture on biodiversity and abundance: a meta-analysis ». Journal of Applied Ecology, 42, 261-269, 2005.

([53]) Expertise scientifique collective Inrae-Ifremer, « Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques », 2022.

([54]) Inserm, « Pesticides et santé : nouvelles données », 2021 : https://www.inserm.fr/expertise-collective/pesticides-et-sante-nouvelles-donnees-2021/ .

([55]) Rapport de la commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire n°2000, M. Fréderic Descrozaille et M. Dominique Potier, 14 décembre 2023.

([56]) Cndaspe, Avis sur la saisine « Sous-évaluation chronique de la toxicité des pesticides en France », 7 novembre 2022 :

https://www.alerte-sante-environnement-deontologie.fr/IMG/pdf/avis_cndaspe_saisine_sous-evaluation_toxicite_pesticides.pdf. 

([57]) G. Saralini, G. Jungers, « Toxic compounds in herbicides without glyphosate », 2020 :

https://doi.org/10.1016/j.fct.2020.111770 .

([58]) Les cinq associations sont regroupées au sein du collectif « Justice pour le vivant ».  

([59]) Inrae, « Les services écosystémiques rendus par les écosystèmes agricoles. Une contribution au programme Efese », novembre 2017.

([60]) Efese, « Le service de pollinisation », Commissariat général au développement durable, juin 2016.

([61]) Vincent Bretagnolle, Sabrina Gaba & al. « Bee pollination outperforms pesticides for oilseed crop production and profitability », Proceedings of the Royal Society London, octobre 2019.

([62]) Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, « L’État de la biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde », 2019 : la biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture désigne le sous-ensemble de la biodiversité qui contribue, de diverses manières, à la production agricole et alimentaire.

([63]) Note « Qu’est-ce que l’agroécologie ? », site du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

([64]) Table ronde « Quels liens entre l’agriculture et la biodiversité ? », jeudi 15 juin 2023.

([65]) Les prairies dites permanentes sont des surfaces enherbées de manière ininterrompue pendant au moins cinq ans.

([66]) D’après la politique agricole commune (PAC), les jachères désignent des surfaces agricoles ne faisant l’objet d’aucune utilisation ni valorisation pendant une période de six mois.

([67]) Déplacement à Saint-Symphorien (Deux-Sèvres), septembre 2023.

([68]) Les bioagresseurs désignent les organismes vivants causant des dégâts sur les plantes cultivées (pertes quantitatives ou qualitatives) par leurs actions physiologiques ou mécaniques sur celles-ci. Ils sont de différentes catégories : arthropodes phytophages (insectes, acariens), plantes adventices (repousses de cultures et plantes spontanées), parasites, micro-organismes pathogènes (champignons, bactéries, virus, cytoplasmes, etc.), gastéropodes, nématodes, oiseaux, mammifères (rongeurs, taupes, etc.).

([69]) Inrae, « Protéger les cultures en augmentant la diversité végétale des espaces agricoles », octobre 2022

([70]) Déplacement réalisé dans le cadre de la mission d’information, septembre 2023.

([71]) Encadré p. 24, Inrae, « Réduire les pesticides, un peu, beaucoup, résolument », 2023.

([72]) Le principe du pâturage tournant dynamique est de faire pâturer son troupeau sur plusieurs petites parcelles. L’éleveur organise ainsi une rotation afin que le troupeau ne revienne que lorsque l’herbe est régénérée.

([73]) Le biocontrôle vise à aider la plante à lutter contre ses bioagresseurs au moyen de produits « naturels » (substances naturelles, médiateurs chimiques, micro-organismes de type champignons et bactéries non pathogènes, macro-organismes ou auxiliaires de culture de type insectes, acariens, etc.)

([74]) Inrae, « Réduire les pesticides, un peu, beaucoup, résolument », 2023.

([75]) Seuls sont autorisés 0.9 % d’OGM dans les produits biologiques, à titre de « contamination » (traces résiduelles).

([76]) Le recours aux antibiotiques est interdit de manière préventive dans le cahier des charges AB.

([77]) J. Bengtsson et al., « The effects of organic agriculture on biodiversity and abundance : a meta-analysis », Journal of Applied Ecology, 2005.

([78]) C. Schader et al. 2008.

([79]) D’après les réponses écrites de l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL).

([80]) Inrae, « L’élevage à l’herbe, les conditions de la réussite », septembre 2022.

([81]) Le « Dust Bowl » est une série de tempêtes de poussière provoquant une catastrophe écologique et agricole. Ces tempêtes étaient provoquées par des pratiques agricoles mécanisées, additionnées aux années de sécheresses exceptionnelles ; l’incapacité à appliquer des méthodes agricoles pour empêcher l’érosion éolienne a provoqué ce phénomène.

([82]) Inrae, « À l’origine de l’agriculture de conservation, les problèmes d’érosion », novembre 2013.

([83]) Site internet de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), « Qu’est-ce que l’agriculture de conservation ? ».

([84]) Inrae, « Agriculture de conservation : la gestion des adventices est un point critique », janvier 2020.

([85]) Inrae, « Des expérimentations sans travail du sol à l’Inrae », mars 2020.

([86]) Inrae, « Agriculture de conservation : se passer de labour, pas si facile », novembre 2013.

([87]) Décret n° 2002-631 du 25 avril 2002 relatif à la qualification des exploitations agricoles au titre de l’agriculture raisonnée.

([88]) Communiqués de l’association « Générations futures », 2012 ; 2017.

([89]) Décret n° 2022-1447 du 18 novembre 2022 relatif à la certification environnementale ; arrêté du 18 novembre 2022 portant modification de l’arrêté du 20 juin 2011 modifié arrêtant les seuils de performance environnementale relatifs à la certification environnementale des exploitations agricoles et les indicateurs les mesurant.

([90]) D’après le site du ministère de l’agriculture, communiqué « Les chiffres-clés de la HVE », octobre 2023.

([91]) OFB, « Évaluation des performances environnementales de la certification Haute valeur environnementale (HVE) », octobre 2022.

([92]) Cour des comptes, « Le soutien à l’agriculture biologique », juin 2022.

([93]) Rapport n° 2000 de la commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire, présenté par M. Dominique Potier, Assemblée nationale, décembre 2023.

([94]) France Info, « Salon de l’agriculture : pourquoi le label « haute valeur environnementale » sème la discorde chez les paysans », 27 février 2023.

([95]) Pleinchamp, « La HVE sur les traces de l’AB (en surface) », 27 mars 2023.

([96]) D’après l’audition de M. Jean-Alain Divanac’h, administrateur en charge de la biodiversité à la FNSEA, Assemblée nationale, 28 septembre 2023.

([97]) Ce différentiel spécifique au blé provient essentiellement de l’azote : le bio admet en moyenne entre 30 et 50 unités d’azote contre 180 pour le conventionnel, sachant que la proportion plus importante d’azote en conventionnel favorise aussi les plantes adventices et donc le recours intensif aux herbicides.

([98]) Rapport Basic « Analyse de la création de valeur et des coûts cachés des produits phytosanitaires de synthèse », 2021, p. 35 : https://lebasic.com/wp-content/uploads/2021/11/BASIC_Etude-Creation-de-Valeur-et-Couts-Societaux-Pesticides_20211125.pdf.

([99]) Agreste, « En 2022, une hausse historique du prix des intrants », Synthèses conjoncturelles n° 403, avril 2023 : https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/SynCpr23403/consyn403202304-Intrants.pdf .

([100]) Inrae, « Protéger les cultures en augmentant la diversité végétale des espaces agricoles », 2022.

([101]) Étude de l’UFC Que Choisir publiée le 15 novembre 2023.

([102]) L’Agence Bio, « Baromètre des produits biologiques en France », 2023 : https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2023/04/synthese-barometre-cons-2023-pour-site-internet.pdf.

([103]) Cour des comptes, « Le soutien à l’agriculture biologique », 2022 :

https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-07/20220630-rapport-soutien-agriculture-bio.pdf .

([104]) FranceAgriMer, « Les performances à l’export des filières agricoles et agroalimentaires françaises », 2022 : https://www.franceagrimer.fr/content/download/71303/document/BIL-MUL-PERF_AGRI_AGRO_EXPORT_2022.pdf.

([105]) Le Mercosur regroupe l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay (le Venezuela a été suspendu en 2017). D’autres États sont membres associés : Chili, Bolivie, Colombie, Équateur, Guyana, Pérou et Suriname.

([106]) Madlyne Samak, « Devenir agriculteur biologique. Les conditions sociales d’une hétérodoxie professionnelle », Sociétés contemporaines, n° 124, 2021.

([107]) Ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 relative à l’indépendance des activités de conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et au dispositif de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques.

([108]) Groupe de travail de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale dont les conclusions ont été présentées le 12 juillet 2023, MM. Dominique Potier et Stéphane Travert, rapporteurs.

([109]) Le vignoble alsacien représente 15 000 hectares.

([110]) Premier trophée viticole qui vise à promouvoir et encourager les pratiques favorables à la biodiversité.

([111]) Le découplage des aides de la PAC signifie que leur attribution ne dépend plus des volumes produits.

([112]) Rapport spécial de la Cour des comptes européenne, « Biodiversité des terres agricoles : la contribution de la PAC n’a pas permis d’enrayer le déclin », 2020.

([113]) Règlement d’exécution (UE) 2022/1317 de la Commission du 27 juillet 2022 prévoyant des dérogations au règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’application des normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales des terres (normes BCAE) 7 et 8 pour l’année de demande 2023.

([114]) Communiqué de presse du ministère de l’agriculture, 5 août 2022.

([115]) Rapport spécial n° 21 de la Cour des comptes européenne (précité).

([116]) Site « Toute l’Europe ».

([117]) Règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (Feaga) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

([118]) Règlement délégué (UE) 2022/648 de la Commission du 15 février 2022 modifiant l’annexe XI du règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le montant de l’aide de l’Union destinée aux types d’intervention en faveur du développement rural pour l’exercice 2023.

([119]) La stratégie « wide and shallow » assure un nombre important d’agriculteurs engagés mais des exigences environnementales plus faibles ; elle s’oppose à la stratégie « deep and narrow » qui valorise des exigences environnementales plus importantes mais avec un nombre plus restreint d’agriculteurs engagés. D’après l’audition de la direction générale « Agriculture » de la Commission européenne.

([120]) Audition des chercheuses Mmes Desquilbet, Fouilleux et Sirami, 13 juillet 2023.

([121]) Point n° 40 de la lettre d’observation relative au PSN français de la Commission européenne, 31 mars 2022.

([122]) Arrêté du 3 octobre 2023 fixant le montant unitaire du programme volontaire pour le climat et le bien-être animal dit « écorégime » pour la campagne 2023.

([123]) Arrêté du 8 décembre 2023 fixant le montant unitaire du programme volontaire pour le climat et le bien-être animal dit « écorégime » pour le solde de la campagne 2023.

([124]) Le bonus « haies » est accordé à tout bénéficiaire de l’écorégime par la voie des pratiques ou de la certification qui détient des haies certifiées ou labellisées comme gérées durablement sur au moins 6 % de ses terres arabes et de sa SAU.

([125]) CAPeye (l’œil sur la PAC) est une cellule de veille et de formation sur la PAC. Elle mobilise les compétences des enseignants-chercheurs, des chercheurs et des étudiants en sciences sociales du campus de Montpellier SupAgro et plus largement d’Agropolis International.

([126]) Par exemple : question orale de M. Daniel Salmon, sénateur, au ministre de l’agriculture M. Marc Fesneau, 19 octobre 2023 : https://www.senat.fr/questions/base/2023/qSEQ23100863S.html.

([127]) D’après les données du courrier adressé par plusieurs députés et sénateurs bretons aux ministres MM. Bruno Le Maire et Marc Fesneau sur l’insuffisance des moyens consacrés aux MAEC, en date du 25 octobre 2023.

([128]) D’après l’audition de Mme Laura Taysse, chargée de mission « Agriculture et biodiversité » à la Ligue de protection des oiseaux (LPO) de la Haute-Vienne (87), dans le cadre du déplacement de la mission le 1er décembre 2023.

([129]) Directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.

([130]) Arrêté du 27 avril 2017 définissant la méthodologie de calcul et la valeur des doses unités de référence des substances actives phytopharmaceutiques, 4 mai 2017.

([131]) Les données sont consultables sur le site suivant : https://ventes-produits-phytopharmaceutiques.eaufrance.fr/ .

([132]) « Pesticides et agroécologie : les champs des possibles », D. Potier, 2014.

([133]) Loi n° 2014-110 du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national.

([134]) Rapport CGEDD, CGAAER, IGF, « Évaluation des actions financières du programme Écophyto », mars 2021 : https://agriculture.gouv.fr/evaluation-des-actions-financieres-du-programme-Écophyto.

([135]) Expertise scientifique collective, Inrae, « Sols artificialisés et processus d’artificialisation des sols : déterminants, impacts et leviers d’action », décembre 2017 : https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/artificialisation-des-sols-synthese-en-francais-1.pdf.

([136]) Cour des comptes, « La politique d’installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles », avril 2023 : https://www.ccomptes.fr/fr/documents/64229.

([137]) Lorsqu’ils sont soumis à un régime réel d’imposition.

([138]) Cet abattement concerne les agriculteurs dont le bénéfice est inférieur ou égal à 43 914 euros.

([139]) Dix-sept Safer, adhérentes à la Fédération nationale des Safer, couvrent le territoire national.

([140]) D’après les données transmises par la FNSAFER.

([141])Terre de Liens, « La propriété des terres agricoles en France. À qui profite la terre ? », L’État des terres agricoles en France n° 2, 2023.

([142]) Cour des comptes, « Le soutien à l’agriculture biologique », 2022.

([143]) Inrae, « Agriculture européenne sans pesticides chimiques en 2050 », mars 2023.

([144]) Les PAT étaient financés par l’appel à projets annuel du Programme national pour l’alimentation (PNA).

([145]) Article 54 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

([146]) Article 228 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.

([147]) Rapport de l’Ademe, « Affichage environnemental des produits alimentaires. Bilan de l’expérimentation et enseignements », 2022..

([148]) https://ecobalyse.beta.gouv.fr/.

([149]) Les carte des haies sont consultables via ce lien : https://www.geoportail.gouv.fr/donnees/haies .  

([150]) Entretien le 19 septembre 2023 dans le cadre du déplacement dans les Deux Sèvres.

([151]) Le cahier des charges est consultable via ce lien :

https://labelhaie.fr/wp-content/uploads/2023/06/Re%CC%81ferentiel-Label-Haie-Gestion-30.05.23.pdf

([152]) Le cahier des charges est consultable via ce lien :

https://labelhaie.fr/wp-content/uploads/2020/10/Re%CC%81ferentiel-Label-Haie-Distribution-27.11.19.pdf

([153]) Présentation de l’outil : https://www.youtube.com/watch?v=6LrxcwQeTf8 .