N° 2339
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mars 2023.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145-7 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
sur l’application de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023
visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux
ET PRÉSENTÉ PAR
MM. Arthur DELAPORTE, Stéphane VOJETTA,
Mmes Louise MOREL et Virginie DUBY-MULLER
Députés.
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SOMMAIRE
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Pages
Une « première » mondiale en termes de régulation de l’influence commerciale
Une initiative transpartisane et consensuelle saluée par les acteurs
Un signal fort adressé au secteur de l’influence
Un texte « pédagogique » visant à mieux faire connaître les règles
Des effets réels sur l’assainissement progressif du secteur de l’influence
Une meilleure structuration du secteur de l’influence commerciale
Une hausse des signalements relatifs aux influenceurs sur la plateforme SignalConso
Une accélération de la demande de certification au titre de l’influence responsable
Une amélioration de la transparence des contenus promotionnels publiés par les influenceurs
Un renforcement réel de l’action publique de lutte contre les pratiques commerciales trompeuses
Des textes d’application encore en attente
Rappel des dispositions de la loi « Influenceurs » appelant la prise de mesures réglementaires.
Des incertitudes qui persistent sur le calendrier d’adoption de ces mesures réglementaires
Une articulation à prévoir avec l’article 3 de la directive e-commerce
L’enjeu d’une hypothétique application de la directive SMA à l’influence commerciale
Une articulation nécessaire avec les dispositions de la directive 2005/29/CE
Une situation qui affecte fortement les initiatives législatives d’origine parlementaire
Remarques relatives à la directive SMTD
Une application de la loi « Influenceurs » qui n’est pas fondamentalement remise en cause
Une adoption du projet de loi DADDUE, qui doit intervenir dans les meilleurs délais
Une ambition qui doit continuer d’être assumée et visible
Des interrogations sur le cadre JURIDIQUE applicable qui doivent être levÉes
Le périmètre d’application de l’activité d’influence commerciale
Le régime fiscal applicable aux cadeaux de faible valeur adressés par des marques aux influenceurs
La définition du seuil de contractualisation
La régulation des « matchs » TikTok
Les voies de contournement que peuvent constituer les services de communication interpersonnelle.
La régulation des plateformes plus thématiques, comme MYM ou Onlyfans.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Recommandation n° 1 : Poursuivre l’effort de pédagogie et d’information engagé à destination du public et des acteurs de l’influence afin de mieux faire connaître le cadre de régulation applicable à cette activité.
Recommandation n° 2 : Poursuivre la démarche de visibilisation des sanctions engagées par la DGCCRF lorsque des contenus signalés font l’objet de procédures administratives en cas de manquements aux dispositions légales en vigueur.
Recommandation n° 3 : Engager des discussions à l’échelle européenne, afin de définir un cadre européen de l’influence commerciale.
Recommandation n° 4 : Engager dès que possible les concertations relatives à la rédaction des décrets de la loi du 9 juin 2023, afin de garantir son application complète dans les meilleurs délais.
Recommandation n° 5 : Clarifier l’application du principe du pays d’origine et les modalités de mise en œuvre des dérogations prévues par le droit européen.
Recommandation n° 6 : Mettre en place une procédure garantissant l’information des parlementaires en matière de respect des procédures de notification prévues par le droit européen et envisager une réforme de la procédure de notification à la Commission européenne.
Recommandation n° 7 : Poursuivre le dialogue initié avec la Commission européenne concernant les évolutions envisagées de certaines dispositions de la loi du 9 juin 2023, en réaffirmant la capacité d’action du législateur national.
Recommandation n° 8 : Renforcer les moyens humains de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et des autres autorités publiques compétentes afin d’accroître la lutte contre les pratiques d’influence commerciale non conformes aux dispositions de la loi du 9 juin 2023 et de permettre un traitement en temps réel des signalements des utilisateurs.
Recommandation n° 9 : Étudier les voies et moyens permettant de fluidifier les échanges d’information entre les autorités publiques et les plateformes numériques afin d’améliorer la rapidité et la qualité du traitement des signalements recueillis.
Recommandation n° 10 : Poursuivre les efforts engagés en faveur d’une réelle montée en qualité des outils numériques permettant d’assurer le suivi et le traitement des signalements relatifs aux contenus ne respectant pas les dispositions de la loi du 9 juin 2023.
Recommandation n° 11 : Étudier la mise en œuvre d’un dispositif de régulation spécifique permettant d’encadrer plus fortement certaines pratiques numériques, comme les « matchs » TikTok, afin de garantir la protection des utilisateurs et notamment des mineurs.
Six mois après l’entrée en vigueur de la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, il est utile de faire, à l’occasion de ce rapport d’application, un premier bilan de ses effets et des enseignements qu’il est possible de tirer à la suite de sa mise en œuvre.
Vos rapporteurs tiennent à rappeler le contexte dans lequel cette loi a été portée. Cette loi visait, d’abord, à répondre à une forte demande populaire de régulation vis-à-vis de certaines pratiques unanimement considérées comme inacceptables. Avec la généralisation du numérique et l’usage quotidien des réseaux sociaux, le secteur commercial a considérablement investi dans la promotion par le biais d’influenceurs. Personnages à la fois attachants et intégrés dans la routine des Françaises et des Français, les influenceurs évoluaient pourtant dans un environnement que l’on sait sans filtre et ce avec un cadre juridique peu connu, voire inexistant. Face aux dérives d’un certain nombre d’entre eux, dont la popularité dépassait le simple espace des réseaux sociaux – car étant issus de la télé-réalité – les consommateurs mais aussi des vigies citoyennes et lanceurs d’alerte se sont mobilisés afin d’alerter les pouvoirs publics et leurs représentants sur la nécessité d’imposer des règles claires et strictes et de sanctionner des abus qui devenaient de plus en plus fréquents.
L’Assemblée nationale s'est alors saisie du sujet pour définir, grâce à la loi transpartisane du 9 juin 2023 un cadre qui soit à la fois protecteur pour le consommateur, puisqu’il restreint considérablement les promotions rapportées comme dangereuses, illégales ou inadaptées à l’âge des personnes constituant leur audience, et pour les influenceurs et créateurs de contenu vertueux qui ont pu valoriser leurs bonnes pratiques, conformément à la loi, et bénéficier de protections nouvelles dans le cadre de leurs interactions avec les agences ou les entreprises faisant appel à eux.
Après seulement six mois d’application de la loi, les auditions et déplacements de terrain menés par vos rapporteurs ont permis d’aboutir à un constat simple : les dérives des influenceurs ont fortement diminué, la transparence de leurs contenus s’est accrue et la confiance des consommateurs se renforce progressivement grâce à l’existence de ce nouveau cadre législatif. Ces résultats démontrent que les objectifs que le Parlement s’était fixé, apparaissent remplis, grâce à la mobilisation de tous. En travaillant de concert avec l’ensemble des forces politiques de l’arc républicain, NUPES, majorité présidentielle, LR, et les acteurs du secteur, le législateur a pu répondre rapidement et de manière coordonnée.
Mieux encore, la loi, en s’attaquant aux dérives de l’influence commerciale et non aux influenceurs directement, permet d’éviter tout débat non avenu sur la liberté d’expression de ces derniers, liberté qui est et demeure absolue dans les limites fixées par la loi. Chacun sait la difficulté à réguler ce qui peut être dit ou non sur les réseaux sociaux et à mieux sanctionner des phénomènes néfastes comme les discours de haine ou le harcèlement en ligne.
Ainsi, cette loi permet de concilier plusieurs impératifs constitutionnels et devrait inspirer largement d’autres pays pour renforcer la protection du consommateur en ligne. Au niveau européen, plusieurs États membres ont d’ailleurs témoigné de leur vif intérêt pour notre législation et s’en inspirent désormais à divers degrés.
La lettre adressée par le commissaire européen Thierry Breton au Gouvernement au mois d’août 2023 a été largement commentée. D’aucuns ont estimé qu’elle constituait un rejet franc et massif du dispositif de régulation proposé. À revers de cette analyse, les échanges conduits ont permis de donner à voir une réalité pour le moins différente. Si le champ d’application de la loi doit certes évoluer, afin de satisfaire pleinement au respect du principe du pays d’origine, l’essentiel de ses dispositions est et restera applicable aux influenceurs.
Les entretiens menés par vos rapporteurs ont d’ailleurs témoigné de l’intérêt profond de la Commission européenne pour ce texte de loi et de la nécessité d’avancer de façon plus coordonnée au niveau européen. Face à un phénomène mondial, et à des influenceurs et des activités d’influence commerciale que l’on retrouve sur l’ensemble du continent, il est évident qu’un cadre unifié au niveau des États membres serait plus que bienvenu, notamment pour éviter les effets d’aubaine que peut offrir un changement de résidence au sein de l’EU. Chaque démarche, par pays, ou par continent reste salutaire et vos rapporteurs se félicitent que la France ait été pionnière.
Ce cadre unifié est indispensable alors que la situation actuelle reste marquée par la présence de nombreux contenus problématiques.
Vos rapporteurs restent en effet régulièrement sollicités par les internautes sur des publications d’influenceurs qui seraient toujours litigieuses. Les députés n’ont toutefois pas vocation à se substituer à l’action des autorités publiques, et en premier lieu de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), autorité administrative chargée de suivre et de sanctionner les dérives de l’influence commerciale.
Le renforcement des effectifs de cette administration est louable mais malheureusement encore insuffisant au regard des enjeux et des volumes d’affaires à traiter. Au risque de dévaluer la portée de la loi, l’État devra nécessairement s’engager à renforcer les effectifs de la DGCCRF et de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) et à accroître ses investissements dans les outils numériques nécessaires afin d’apporter des réponses aux victimes d’influenceurs et aux vigies citoyennes dont certaines pourront, avec l’entrée en vigueur du règlement européen sur les services numérique (DSA), devenir des signaleurs de confiance. Cette remarque est valable, d’une façon plus générale, pour les acteurs publics de la régulation du numérique qui viennent en appui de l’action de la DGCCRF. Vos rapporteurs pensent, ici, parmi d’autres acteurs, à l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour les cryptomonnaies, et à l’Autorité nationale des jeux (ANJ) pour les jeux d’argent, par exemple.
Les premiers effets positifs de cette loi ne doivent pas nous conduire à « baisser notre garde » : la chute vertigineuse des revenus subie par certains influenceurs du fait de la loi a conduit à un report vers des sources alternatives de revenus qui n’existaient pas au moment de la préparation de la loi et appellent une réponse rapide des autorités et des plateformes. C’est particulièrement le cas du système des « matchs » sur la plateforme Tiktok ou plus largement des sessions en direct (live) évoquées à la fin de ce rapport qui permettent à des influenceurs reconvertis de profiter de l’addiction aux écrans de certaines personnes – et notamment des mineurs – via des mécanismes de jeu ingénieux pour réclamer et obtenir de l’argent sous la forme de « cadeaux ».
Enfin, avec l’entrée en vigueur, en février 2024, du règlement européen sur les services numériques (DSA), une responsabilité pèse désormais sur des plateformes comme Meta, Tiktok, Snapchat ou Youtube qui doivent mettre des moyens suffisants pour modérer les contenus et suspendre, le cas échéant, les comptes d’auteurs d’infractions répétées. Par ailleurs, d’autres plateformes, moins exposées mais pourtant très utilisées, comme Telegram, ou dans une moindre mesure OnlyFans ou Mym, accueillent des influenceurs qui y diffusent des contenus. Si les influenceurs présents sur de telles plateformes ne pratiquent pas nécessairement l’influence commerciale, leur audience – trop souvent composée de personnes mineures – captée sur d’autres plateformes sur lesquelles ils exercent cette activité, doit aussi être protégée.
Enfin, de nombreux aspects concernant une influence plus responsable devront utilement intéresser le pouvoir réglementaire, le Parlement et plus largement les acteurs de l’écosystème, dont les associations professionnelles de créateurs de contenu et les agences. C’est le cas en matière environnementale où l’impact des influenceurs est considérable puisqu’ils encouragent à la consommation, mais aussi en matière d’égalité femmes-hommes.
Les influenceurs et les consommateurs ont donc su s’approprier cette loi dont le présent rapport d’application témoigne du bilan déjà positif mais aussi des points restant en discussion et des enjeux à venir. Vos rapporteurs appellent en définitive à poursuivre les efforts pour renforcer et préciser un cadre numérique professionnalisé, transparent, sûr, responsabilisant mais toujours source de créativité et de revenus pour des talents respectueux des règles établies.
La loi « Influenceurs » : un signal fort adressé au monde de l’influence, qui a contribué à son assainissement
Une « première » mondiale en termes de régulation de l’influence commerciale
Une initiative transpartisane et consensuelle saluée par les acteurs
L’encadrement de l’activité d’influence commerciale par la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 a pour origine une initiative transpartisane.
Une première proposition de loi n° 672 a été déposée à l’initiative de l’un de vos rapporteurs, M. Arthur Delaporte, le 27 décembre 2022. Cette proposition de loi, examinée en commission des affaires économiques le 1er février 2023, contenait un article unique visant définir l’activité d’influenceur et à encadrer certaines pratiques de promotion commerciales mises en œuvre par ces derniers. Ce texte ciblait, en particulier, la promotion des actes de chirurgie esthétique, des produits financiers, des boissons alcoolisées et des jeux. Lors de son examen en commission en première lecture devant l’Assemblée nationale, un article 2 avait été ajouté. Il prévoyait une demande de rapport au Gouvernement contenant un état des lieux exhaustif « du développement des nouvelles pratiques commerciales et publicitaires liées au marché de l’influence en ligne et sur les réseaux sociaux, des dérives constatées ainsi que des menaces associées ».
Dans le même temps, l’un de vos rapporteurs, M. Stéphane Vojetta, avait envisagé le dépôt d’une proposition de loi portant également sur l’encadrement et la professionnalisation des pratiques des influenceurs. Ce projet de texte contenait plusieurs articles relatifs à la définition de la notion d’influenceur et à leur représentation légale au sein de l’Union européenne (article 1er), à l’obligation pour les plateformes de prévoir pour leurs utilisateurs un mécanisme simple et facile d’utilisation leur permettant de signaler des publications problématiques (article 2), à l’obligation pour les plateformes de coopérer avec les autorités compétentes afin de bloquer les contenus publicitaires définis comme mensongers et de disposer d’un accès aux listes établies par l’administration de sites promouvant des arnaques (article 3). Enfin, un dernier article (article 4) venait renforcer l’éducation des utilisateurs en intégrant la sensibilisation des jeunes publics aux arnaques en ligne dans le « permis internet » développé dans la loi renforçant les principes de la République ([1]).
À la suite d’échanges, et face au défi partagé de la régulation des dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, une proposition de loi transpartisane n° 790 reprenant ces différentes dispositions avait été déposée le 31 janvier 2023. La proposition de loi n° 672 a en conséquence été retirée de l’ordre du jour en séance le 9 février 2023.
La proposition de loi transpartisane a ensuite été examinée par l’Assemblée nationale, en commission le 23 mars 2023 et en séance publique le 30 mars. Le Sénat la votait, à son tour, le 9 mai 2023. À l’issue d’une commission mixte paritaire conclusive, cette proposition de loi a été promulguée le 9 juin 2023.
Cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité devant l’Assemblée nationale. Ce consensus, nourri par la constitution d’un groupe de travail transpartisan, a permis d’envoyer un message de clarté et de fermeté aux influenceurs ne souhaitant pas se conformer aux règles applicables à leur activité.
Lors de leurs auditions, vos rapporteurs ont observé que les acteurs interrogés expriment d’ailleurs une relative satisfaction pour ce qui constitue la première législation nationale au monde régulant spécifiquement l’activité des influenceurs. Les éléments de droit comparé mis en annexe du rapport législatif relatif à la proposition de loi n° 790, indiquaient en effet que le « marché des influenceurs » ne fait l’objet d’aucun encadrement spécifique au sein des pays européens. Seules les dispositions de droit commun relatives à la publicité, à la protection du consommateur et/ou à la concurrence déloyale tendent en effet à s’appliquer au sein des États membres.
Un signal fort adressé au secteur de l’influence
L’adoption d’une loi régulant spécifiquement l’activité d’influence commerciale a constitué un signal fort adressé au secteur de l’influence.
Les auditions conduites dans le cadre de la présente mission font apparaître que la réception de la loi précitée a été très positive.
L’étude Reech sur « Les influenceurs et les marques » ([2]) fournit plusieurs éléments d’analyse intéressants à ce sujet. En 2024, près de 75 % des créateurs interrogés déclaraient ainsi avoir eu connaissance de l’existence de cette loi. Une majorité de créateurs considère également que cette loi « va dans le bon sens » tant pour les créateurs (56 %) que pour les annonceurs (55 %). Le taux de réponses favorables à cette question est encore plus élevé s’agissant de l’impact perçu de cette loi pour les consommateurs (74 %). Ce différentiel s’explique par la nécessité pour les deux premières catégories de s’adapter à la mise en place de certaines règles permettant de renforcer la fiabilité et la transparence des contenus promotionnels proposés.
Les données de cette même étude, qui portent également sur la visibilité de cette loi dans les médias, indiquent que le traitement médiatique de cette actualité s’est focalisé sur quelques sujets clefs visant à éviter les mauvaises pratiques ou expériences ressenties par les utilisateurs des réseaux sociaux, à savoir l’enjeu de la régulation des cryptomonnaies, la chirurgie esthétique, les enfants d’influenceurs et les boissons alcoolisées.
Un texte « pédagogique » visant à mieux faire connaître les règles
L’objet de la loi n° 2023-451 était également d’avoir une vertu pédagogique, en rappelant le cadre juridique existant et en donnant une forte visibilité à quelques encadrements et interdictions complémentaires nécessaires.
De ce point de vue, vos rapporteurs considèrent que l’écho public donné à cette loi a permis de remplir cet objectif.
Interrogé sur l’impact de la loi n° 2023-451, les administrations en charge du suivi des pratiques commerciales des influenceurs ont indiqué avoir observé une amélioration de la connaissance des dispositifs existants par les influenceurs.
Ainsi que le résume la DGCCRF dans sa contribution écrite, « il est d’ores et déjà acquis que l’adoption de cette loi a entraîné une première vraie prise de conscience des acteurs du secteur, non seulement des influenceurs eux-mêmes mais aussi de leurs agents, sur la nécessité de ne pas s’affranchir du cadre législatif en vigueur. […] Par ailleurs, le fort écho médiatique qui a accompagné l’adoption de cette loi a permis une prise de conscience également du côté des internautes. Ainsi le grand public a été largement sensibilisé au fait que les influenceurs n’étaient pas nécessairement transparents lorsqu’ils vantaient les mérites de produits ou services, dès lors qu’ils n’informaient pas les consommateurs des liens commerciaux qu’ils entretenaient avec les marques promues » ([3]).
Cette vertu pédagogique a été déclinée grâce aux efforts de l’Autorité de régulation professionnelle et de la publicité (ARPP), ainsi que de l’Union des métiers de l’influence et de la création (UMICC), qui ont sensibilisé leurs adhérents à ces enjeux. L’élaboration d’un « guide de bonne conduite » ([4]) relatif à l’influence commerciale, publié par le Gouvernement au mois de juillet 2023, et actualisé en décembre de cette même année, a également participé de cette dynamique positive.
C’est notamment avec cette visée pédagogique qu’il avait été décidé par les rapporteurs d’incorporer au texte de loi des éléments figurant dans le règlement sur les services numériques, afin de pouvoir expliquer dans quelle mesure les plateformes seraient responsabilisées face à l’application des nouvelles règles, mais aussi de faire prendre conscience aux audiences de leur propre responsabilité au moment de signaler les contenus problématiques.
Recommandation n° 1 : Poursuivre l’effort de pédagogie et d’information engagé à destination du public et des acteurs de l’influence, afin de mieux faire connaître le cadre de régulation applicable à cette activité.
Des effets réels sur l’assainissement progressif du secteur de l’influence
Une meilleure structuration du secteur de l’influence commerciale
Cette loi a permis, d’ores et déjà, d’accompagner et de stimuler la structuration des acteurs de l’influence au sein d’une fédération professionnelle, l’Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenus (UMICC), créée au mois de janvier 2023, notamment dans la perspective de l’examen des propositions de loi Delaporte, puis Delaporte-Vojetta, mais aussi dans le cadre des consultations lancées par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Cette fédération rassemble l’ensemble des catégories d’acteurs appartenant au secteur de l’influence, à savoir les influenceurs et créateurs de contenus, mais aussi les agences d’influence et les agences de créateurs de contenu, avec, pour ambition, de « porter la voix de ces professionnels auprès de leurs parties prenantes et de promouvoir le développement d'une influence plus responsable et éthique afin de garantir la pérennité du secteur et de protéger les créateurs » ([5]).
L’UMICC a indiqué à vos rapporteurs être « convaincue que la loi du 9 juin 2023 garantit une pratique de l’influence commerciale plus responsable et éthique, favorisant ainsi davantage de transparence et une meilleure protection des consommateurs » ([6]). Elle considère, en outre, que ce « nouveau cadre législatif constitue également une opportunité de soutenir et d’accompagner la croissance et les évolutions d’un secteur créateur d’emplois, favorisant l’émergence d’une diversité de nouveaux talents » ([7]).
Vos rapporteurs considèrent que la création d’une fédération professionnelle des influenceurs est une bonne chose. Elle donne en effet aux pouvoirs publics, un interlocuteur, en plus des échanges déjà conduits avec l’association de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).
Ainsi que le résume la DGCCRF dans sa contribution écrite : « les débats autour de la loi ont entraîné la création de la première fédération professionnelle dans ce secteur, l’UMICC (Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenu). Un dialogue continu et constructif existe désormais entre les pouvoirs publics et les influenceurs, grâce à l’existence de cette fédération » ([8]).
La création de cette fédération permet également de promouvoir l’influence responsable et la formation des influenceurs sur le cadre juridique applicable. L’UMICC et l’ARPP ont en effet indiqué à vos rapporteurs collaborer étroitement, afin de promouvoir le certificat de l’influence responsable mis en place par l’ARPP, d’une part, et proposer des formations spécifiques destinées aux influenceurs sur les différents enjeux afférents à leur activité ([9]).
Une hausse des signalements relatifs aux influenceurs sur la plateforme SignalConso
La perspective de l’adoption puis l’adoption définitive de la loi n° 2023-451 ont également permis d’observer une hausse des signalements relatifs aux influenceurs sur la plateforme SignalConso.
La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a ainsi indiqué à vos rapporteurs avoir observé une vraie prise de conscience des consommateurs vis-à-vis de l’importance de la loyauté des communications des influenceurs, et notamment l’indication de leur intention commerciale » dès le début des travaux parlementaires relatifs à cette loi ([10]). Cet effet s’est traduit par « une augmentation des signalements sur SignalConso », avec un pic de signalements particulièrement fort en juin 2023 au moment de la promulgation de cette loi. La DGCCRF souligne que cet accroissement des signalements lui a permis de « mieux cibler les influenceurs en défaut avec les réglementations existantes et d’accélérer les contrôles auprès d’eux » ([11]).
Nombre de signalements sur des pratiques d’influenceur sur SignalConso par mois (2021-2024)
Source : contribution écrite de la DGCCRF (février 2024).
Si ces signalements permettent de faire ressortir une liste les influenceurs les plus signalés, les agents de la DGCCRF mettent néanmoins en avant la possibilité de distorsion statistique par des « raids » de haters et donc le risque de ne pas cibler dans les contrôles des influenceurs tout aussi problématiques mais faiblement signalés. Vos rapporteurs soulignent la nécessité de ne laisser passer aucune infraction et donc de disposer de moyens humains ou technologiques suffisants pour mener des contrôles potentiels dès le premier signalement d’un individu.
Une accélération de la demande de certification au titre de l’influence responsable
L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité a également observé une très forte hausse de la demande de certification émanant des influenceurs en 2023. Le nombre d’influenceurs certifié a en effet été multiplié par quatre sur cette année, en passant de 356 au 1er janvier 2023 à plus de 1350 influenceurs certifiés au 7 février 2024.
L’ARPP explique cette évolution importante par la combinaison de plusieurs facteurs parmi lesquels figurent la mobilisation des professionnels (de plus en plus de marques et d’agences ont rendu le certificat de l’influence responsable obligatoire), le contexte législatif (les créateurs de contenus passant le certificat ont le souhait « d’être informé des nouveautés de la loi et de bien faire ») et enfin le contexte médiatique (volonté de différenciation des influenceurs vis-à-vis des dérives constatées).
Vos rapporteurs sont convaincus que cette tendance positive va se poursuivre, en lien avec la mise en place de certificats spécifiques ciblés sur les pratiques les plus à risque (cryptomonnaies et jeux d’argent).
Une amélioration de la transparence des contenus promotionnels publiés par les influenceurs
Dans le cadre de son observatoire de l’influence responsable, l’ARPP a également observé une amélioration de la transparence des contenus promotionnels publiés par les influenceurs, que l’on peut rattacher en partie à l’adoption de la loi précitée.
Concernant les contenus publiés en 2022, l’ARPP a indiqué à vos rapporteurs que les analyses effectuées des contenus postés en continu sur Instagram, TikTok et YouTube démontrent pour la troisième année consécutive une progression de la transparence des contenus analysées, avec un taux de non-conformité des contenus de 11 % en 2022, contre 17 % en 2021 et 27 % en 2020 ([12]).
Pour l’année 2023, l’ARPP indique avoir mené des analyses continuelles afin notamment de pouvoir intervenir plus rapidement en cas de manquement constaté et suivre au plus près les tendances des pratiques des créateurs, en constante évolution. Dans ce cadre, l’ARPP a mis en place un canal de signalement direct auprès des plateformes membres de l’ARPP, des créateurs, et des marques.
L’analyse des contenus publiés par les créateurs « certifiés » révèle, selon l’ARPP, une conformité presque totale : seuls 0,78 % des 18 317 contenus analysés en 2023 seraient non conformes aux règles de transparence ([13]). Cette même analyse indique également que la transparence des contenus des créateurs non certifiés continue de progresser avec 7 % des contenus qui étaient non conformes ou améliorables en 2023, contre 13 % en 2022.
En résumé, qu’il s’agisse des créateurs « certifiés » ou « non certifiés », la loi a eu un impact positif sur la transparence des partenariats.
Un renforcement réel de l’action publique de lutte contre les pratiques commerciales trompeuses
La loi n° 2023-451 a permis d’encourager le renforcement par les pouvoirs publics de leur action de lutte contre les pratiques commerciales trompeuses mises en œuvre par les influenceurs.
La DGCCRF a indiqué à vos rapporteurs avoirs en effet « accru la pression de contrôle sur les pratiques commerciales des influenceurs, en engageant 39 unités d’enquêtes, [et] en intensifiant le nombre de visites et en élargissant le spectre des domaines d’influence » ([14]). Cela l’a conduit à doubler le nombre d’influenceurs contrôlés dans ce cadre en 2023 (212 contre 94 en 2022). Sur cette même période, la DGCCRF a constaté que, parmi les influenceurs contrôlés, 96 étaient en situation d’anomalie, soit un taux de 46,8 %. Les anomalies majoritairement constatées ont porté sur des pratiques commerciales trompeuses par omission, consistant à ne pas indiquer le caractère commercial de la publication et/ou à ne pas identifier la personne pour le compte de laquelle elle est diffusée.
Dans une moindre mesure, la DGCCRF indique avoir également constaté des faits plus graves, parmi lesquels figurent les pratiques commerciales réputées trompeuses suivantes :
– des publications consistant à déclarer ou à donner l'impression que la vente d'un produit ou la fourniture d'un service est licite alors qu'elle ne l'est pas. Étaient notamment concernées des formations financées par le compte personnel de formation avec reversement partiel en espèces, des injections d’acide hyaluronique par une esthéticienne ne disposant pas de la qualité de médecin ou encore des pratiques de vente de produits contrefaits ou de produits dangereux interdits à la vente ;
– des publications comportant des allégations de santé, c’est-à-dire affirmant faussement qu'un produit ou une prestation de services est de nature à guérir des maladies (par exemple des compléments alimentaires qui soigneraient le cancer du côlon) ;
– des publications affirmant d’un produit ou d’un service qu'il augmente les chances de gagner aux jeux d'argent et de hasard (comme la promotion d’un abonnement mensuel pour des conseils en paris sportifs, en alléguant des gains faciles) ;
– des publications présentant les droits conférés au consommateur par la loi comme constituant une caractéristique propre à la proposition faite par le professionnel (en mettant en avant par exemple le fait que le produit vendu ne contient pas une substance nocive alors que celle-ci est déjà interdite par la loi) ;
– des publications reposant sur des allégations fausses quant aux caractéristiques essentielles du produit (par exemple des allégations non démontrées de l’effet volumateur d’un sérum pour cils/d’un gloss pour lèvres/d’un produit pour fessier ou poitrine ou encore un effet lifting et/ou anticellulite).
Au-delà de ces pratiques, les enquêteurs de la DGCCRF ont également constaté des manquements à la règlementation applicable aux ventes à distance, à la loi pour la confiance dans l’économie numérique ou encore à la réglementation applicable à la publicité portant sur des produits de vapotage ou sur l’alcool.
Ces constatations ont fait l’objet de suites variées en fonction de la nature des faits reprochés et du comportement de l’influenceur concerné. La DGCCRF a ainsi procédé, en 2023 à 27 avertissements, 57 injonctions administratives, avec ou sans mesure de publication, 17 procès-verbaux pénaux et pris 3 mesures de sanction administrative.
Ces chiffres n’intègrent pas toutefois l’ensemble des suites qui seront prises sur les situations constatées puisque certaines procédures, ouvertes en 2023, donneront lieu à des suites en 2024. La DGCCRF a également procédé à des signalements au parquet lorsque les délits constatés ne relèvent pas de la compétence de la DGCCRF (comme l’exercice illégal de la médecine), sur le fondement de l’article 40, alinéa 2, du code de procédure pénale.
La DGCCRF a indiqué à vos rapporteurs, en outre, qu’il convient de prendre également en compte, au titre de ce premier bilan, le fait que plusieurs influenceurs « se sont mis en conformité dans le cadre du contradictoire, ce qui a parfois mis fin à la procédure avant que la décision d’injonction ne soit prononcée » ([15]).
Il est intéressant de noter, par ailleurs, qu’une partie de ces injonctions et transactions prononcées ont fait l’objet de mesures de publication par la DGCCRF sur les réseaux sociaux et son site internet « à des fins pédagogiques, tant à l’adresse des consommateurs que des acteurs du marché, et pour accroître la visibilité de l’action de l’administration ».
La DGCCRF constate, sur ce point, que ces mesures ont dès lors « eu un écho important du fait de la notoriété des personnes mises en cause et des médias utilisés » ([16]). Elle note par ailleurs que cette publication « suscite souvent une réaction de l’influenceur, soit par le biais d’observations dans le cadre de la procédure ou soit par la publication de vidéos explicatives à destination de sa " communauté ", visant à relativiser les faits ou à donner un sentiment de transparence pour ne pas perdre la confiance des consommateurs ». Elle relève que certains influenceurs mettent en avant « un risque de harcèlement en ligne suite à la publication des mesures de sanction » ([17]).
Enfin, concernant les contrôles à mener en 2024, la DGCCRF indique souhaiter renforcer « significativement sa pression de contrôle, avec un suivi encore plus régulier tout au long du processus d’enquête et des remontées d’informations plus détaillées. Le champ des contrôles [sera ainsi] élargi à l’ensemble des règlementations sectorielles sur lesquelles la DGCCRF est habilitée » ([18]). Elle ciblera dans cette logique certains secteurs problématiques comme ceux des produits cosmétiques, de la santé, ou encore des produits alimentaires.
Vos rapporteurs souhaitent saluer cette accélération de l’action publique vis-à-vis des dérives de certains influenceurs.
Recommandation n° 2 : Poursuivre la démarche de visibilisation des sanctions engagée par la DGCCRF lorsque des contenus signalés font l’objet de procédures administratives en cas de manquements aux dispositions légales en vigueur.
Une source d’inspiration possible pour une régulation renforcée de l’influence commerciale au niveau européen
Les auditions menées ont permis à vos rapporteurs de prendre connaissance de l’intérêt que suscite, au niveau européen, l’adoption de la loi n° 2023-451.
Ainsi que le relève la direction générale des entreprises dans sa contribution écrite : « plusieurs États européens se sont en effet rapprochés des autorités françaises afin d’obtenir un retour d’expérience [dans ce domaine]. À titre d’illustration, fin 2023, la future présidence belge du Conseil de l’Europe a sollicité un échange avec les services de la DGE et de la DGCCRF sur la définition d’influence commerciale et ses conséquences juridiques. La future présidence belge était également très intéressée par le processus de construction de la loi du 9 juin 2023 et ses impacts sur les acteurs concernés » ([19]).
Les services de la DGE indiquent avoir également été sollicités par les autorités danoises, qui étaient particulièrement intéressées « par la définition de l’article 1er de la loi et le régime juridique applicable » ([20]).
Vos rapporteurs ne peuvent que se réjouir de l’intérêt suscité par cette loi. Il apparaît que son caractère précurseur en Europe interroge certains États membres quant à l’opportunité d’adopter une législation spécifique concernant les influenceurs.
Vos rapporteurs restent convaincus, à ce sujet, que l’adoption d’une réglementation spécifique est indispensable pour traiter cette question au regard de la nouveauté que constitue l’influence commerciale. Les données rassemblées lors des travaux préparatoires de cette loi en témoignent : tant les pratiques que le public ciblé, et les effets du discours d’influence commerciale constituent des spécificités qui peinent souvent à être appréhendées au sein de la réglementation classique. Dans ces conditions, l’adoption de règles particulières est pleinement justifiée. Il appartient ensuite aux législateurs nationaux de trouver la « juste rédaction » permettant de satisfaire aux exigences du droit européen et aux possibilités de dérogation offertes par les directives européennes concernées.
Vos rapporteurs se félicitent, par ailleurs, de l’opération « coup de balai » menée par la Commission européenne sur les influenceurs européens. Après avoir analysé les publications de 576 influenceurs, la Commission a observé que seuls 20 % d’entre eux étaient en règle quant à l’information du caractère commercial de leurs publications. Ce constat partagé a conduit la Commission européenne a souligné « l'importance de disposer d'une législation moderne et solide, propre à garantir l’équité numérique pour les consommateurs en ligne ».
Vos rapporteurs soutiennent évidemment la perspective d’une régulation européenne de l’influence commerciale.
Recommandation n° 3 : Engager des discussions à l’échelle européenne afin de définir un cadre européen de l’influence commerciale.
Des textes d’application encore en attente
Un seul décret d’application a été adopté à ce jour sur les Cinq décrets prévus par la loi « Influenceurs ».
Rappel des dispositions de la loi « Influenceurs » appelant la prise de mesures réglementaires.
La loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 comprend plusieurs références à de textes réglementaires devant intervenir pour préciser et rendre applicables certaines de ses dispositions. Ces renvois permettent en effet de respecter la séparation entre le domaine de la loi et du règlement, tel que prévu par les articles 34 et 37 de la Constitution. Le choix de recourir à des textes réglementaires d’application répond également à la nécessité de disposer d’un véhicule d’application qui peut être adapté plus facilement à l’évolution rapide des pratiques numériques.
Cinq articles de la loi font mention de décrets d’application à adopter. Il s’agit des articles 3, 5, 8, 9 et 13.
Il est proposé ici de rappeler succinctement l’objet de ces décrets.
L’article 3 prévoit un décret d’application, pris en Conseil d’État, afin de préciser quelles sont « les dispositions législatives, réglementaires, et prévues par des règlements européens relatives à la diffusion par voie de services de communication au public en ligne de la publicité et de la promotion des biens et des services [qui] sont applicables à l’activité d'influence commerciale ».
Cet ajout, effectué en première lecture de la proposition de loi devant l’Assemblée nationale, visait à sécuriser juridiquement le champ d’application afin de permettre d’exclure, le cas échéant, l’application de certaines dispositions législatives, réglementaires ou européennes qui ne seraient pas pertinentes par rapport à cette activité spécifique. La navette parlementaire a d’ailleurs conduit à insérer une mention « en tant que de besoin », afin de rendre facultative l’adoption de ce décret.
L’article 5 mentionne l’adoption d’un second décret, en Conseil d’État, afin de préciser l’application des dispositions prévues par ce même article.
Pour mémoire, cet article prévoit l’obligation pour les personnes exerçant une activité d’influence commerciale d’ajouter une mention « Publicité » ou « Collaboration commerciale » lorsqu’elles font la promotion de biens, de services ou d’une cause quelconque ([21]). Il crée également l’obligation pour ces mêmes acteurs d’insérer une mention « Images retouchées » ou « Images virtuelles » lorsque tel est le cas. Cet article contient enfin un encadrement de la publicité réalisée par des influenceurs en matière de formation professionnelle.
Les échanges conduits avec les services du Gouvernement indiquent que le contenu du décret précité porterait principalement sur deux éléments : la définition des modalités d'application de l’insertion des mentions précitées (images retouchées et images virtuelles), d’une part, et l’encadrement précis de la promotion des formations professionnelles par les personnes exerçant une activité d’influence commerciale, d’autre part. Il est envisagé à ce stade l’adoption de deux décrets différents, comme le précise l’échéancier d’application de cette loi.
L’article 8 formalise le principe d’un contrat écrit en cas de relation liant une personne exerçant l’activité d’influence commerciale et son agent ou son annonceur. Il appelle également l’adoption d’un décret en Conseil d’État. Le II de cet article renvoie en effet à l’adoption d’un texte réglementaire la définition d’un seuil en-deçà duquel les personnes exerçant l’activité d’influence commerciale ne sont pas soumises à cette obligation. Ce décret doit ainsi définir, en conséquence, « la valeur totale cumulée de l’avantage en nature concédé en échange de celle-ci » en dessous de laquelle la contractualisation est facultative, dans un esprit de pragmatisme évident.
L’article 9 fixe le principe d’une représentation obligatoire sur le territoire de l’Union européenne des personnes exerçant l’activité d’influence commerciale et prévoit la souscription d’une assurance civile par ces derniers afin de garantir les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle. Il doit également voir ses modalités d’application définies par décret.
Enfin, l’article 13 prévoit lui aussi un décret d’application afin de rendre opérationnel le dispositif proposé. Il s’agit, en l’espèce, de permettre aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes d’assortir toute injonction de mise en conformité d'une astreinte journalière ne pouvant excéder un montant de 3 000 euros.
L’échéancier d’application de la loi mentionne, en outre, deux autres décrets à prendre. Un décret sera en effet nécessaire pour préciser les modalités d’application du II de l’article 7. Deux décrets différents sont enfin envisagés pour mettre en application l’article 5.
Un seul décret d’ordre technique a permis de renforcer la capacité de la DGCCRF à lutter contre les pratiques illicites d’influence commerciale.
Au 13 mars 2024, seul un décret en Conseil d’État a été adopté. Il s’agit du décret n° 2023-887 du 20 septembre 2023 relatif à la liquidation des astreintes prononcées en application des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de la consommation, et de l'article L. 470-1 du code de commerce.
Ce décret modifie la partie réglementaire du code de la consommation afin de désigner la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) comme autorité administrative compétente pour prononcer la liquidation des astreintes prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de la consommation. Il désigne également le ministre compétent qui doit émettre les titres de perception afférents à la liquidation de ces astreintes, à savoir le ministre chargé de l’économie.
Les échanges conduits avec les services du Gouvernement font apparaître deux raisons principales expliquant que les autres décrets prévus par la loi n’aient pas été publiés à date.
La première raison tient évidemment à la nécessité de modifier la loi n °2023-451 afin de rendre conformes au droit européen les dispositions ayant fait l’objet d’observations de la Commission européenne. Ainsi que le résume la direction générale des entreprises (DGE) dans sa contribution écrite adressée à la mission, la publication de ces décrets « dépend de l’opposabilité de la loi du 9 juin 2023. Ce travail pourra donc être repris après la ratification de l’ordonnance ([22]). Il se poursuivra en lien avec les administrations concernées et les acteurs du secteur, dans un souci de co-construction au plus proche du terrain » ([23]). Il est en effet impossible de préciser les voies d’application réglementaires de ces dispositions tant que l’analyse des modifications à effectuer par voie d’ordonnance et leurs modalités effectives ne font pas l’objet d’une approche consensuelle et définitive. Il convient en effet de noter que ces décrets, s’ils touchent à un champ couvert par le droit européen, devront également être notifiés à la Commission européenne et rester, en tout état de cause, conformes au droit de l’Union européenne.
La procédure de notification qui s’applique en l’espèce est la même que pour les dispositions de la loi précitée, dans la mesure où la directive SMTD ([24]) ne distingue pas l’acte de base des actes délégués dans ce domaine. Cette notification doit donc intervenir via le système TRIS ([25]) afin de permettre à la Commission « d’évaluer formellement cette compatibilité ». La Commission a également indiqué à vos rapporteurs, dans sa contribution écrite, se tenir « disponible pour dialoguer de manière informelle avec les autorités françaises dans les phases de préparation et de rédaction des décrets » ([26]).
Au-delà de cette première raison, d’ordre juridique, il apparaît également que le Gouvernement envisage de ne pas adopter certains décrets d’application pourtant prévus par la loi précitée. C’est le cas, en particulier, des décrets prévus à l’article 3 et à l’article 5 de la loi précitée.
En ce qui concerne l’article 3, il convient d’observer que le renvoi à un décret, introduit en première lecture devant l’Assemblée nationale, répondait à une logique de prudence. Il convenait en effet de se laisser une marge de manœuvre pour préciser au besoin les dispositions applicables et celles qui pouvaient être exclues. L’existence d’un risque d’interprétation a contrario, d’une part, et la difficulté pour un acte réglementaire de prévoir l’application de dispositions législatives, d’autre part, avaient conduit vos rapporteurs à préciser que cette adoption devait intervenir « en tant que de besoin ». En l’espèce, les consultations internes au Gouvernement avec l’ensemble des administrations concernées ont fait apparaître, ainsi que l’a indiqué la DGCCRF à vos rapporteurs dans sa contribution écrite « qu’un décret n’était pas nécessaire ».
La DGCCRF relève en effet que « l’article 3 ne fait que clarifier que le droit existant de la publicité et des promotions commerciales est applicable au mode particulier de communication commerciale numérique proposé aux annonceurs par les influenceurs ». Dès lors, « les règles existantes s’appliquant à la publicité sur internet doivent s’appliquer de la même façon aux influenceurs. Les préciser par texte réglementaire laisserait premièrement entendre qu’elles ne s’appliquaient pas auparavant et, deuxièmement, pourrait laisser croire de façon erronée que les champs du droit existant n’ayant pas fait l’objet de précisions seraient a contrario inapplicables aux influenceurs » ([27]).
Vos rapporteurs partagent cette analyse, qui avait présidé à l’insertion d’une mention rendant facultative l’adoption d’un tel décret.
Interrogée sur l’article 5, qui prévoit aussi un décret d’application, la DGCCRF a indiqué à vos rapporteurs qu’un tel décret n’était pas nécessaire pour rendre applicable les dispositions prévues au I de ce même article (mention du caractère commercial des publications). La DGCCRF considère, en effet, que la loi est suffisamment précise à ce sujet. Elle précise toutefois que cette appréciation n’emporte pas de conséquence sur les autres dispositions contenues au sein de cet article, qui feront l’objet d’un décret d’application.
En tout état de cause, la DGCCRF relève que le décret relatif à l’article 5 ne pouvait être adopté à ce stade « dans la mesure où cet article a été relevé par la Commission européenne comme étant en l’état contraire aux dispositions de la directive e-commerce et qu’il doit de ce fait être prochainement modifié dans l’ordonnance à venir prévue à l’article 3 du projet de loi DDADUE, qui fera elle‑même l’objet d’une notification à la Commission européenne en application du droit de l’UE » ([28]).
Des incertitudes qui persistent sur le calendrier d’adoption de ces mesures réglementaires
Des incertitudes pèsent sur le calendrier d’adoption des décrets précités.
Leur élaboration et leur adoption nécessitent en effet que les dispositions de la loi n° 2023-451 soient ajustées pour être conformes au droit de l’Union européenne.
Cela implique, en toute logique, d’attendre l’adoption de l’ordonnance qui procédera à ces ajustements, dont la date de publication dépendra notamment de la durée de l’habilitation retenue dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (DDADUE) ([29]) et, plus en amont encore, de la date de promulgation de ce projet de loi.
Ces mêmes décrets devront être notifiés à la Commission européenne, et respecter en conséquence la période de statu quo prévue au sein de la directive SMTD. L’adoption de ces décrets devrait donc intervenir au premier semestre 2025.
Vos rapporteurs souhaitent insister, à ce sujet, sur la nécessité de travailler à la rédaction de ces décrets en parallèle de l’écriture des dispositions de l’ordonnance prévue à l’article 3 du projet de loi DDADUE.
Ils considèrent également qu’il serait utile de mettre à profit la période de statu quo pour engager les discussions qui doivent avoir lieu avec les parties prenantes, notamment concernant le seuil de contractualisation, afin de permettre leur publication le plus tôt possible. Ils estiment, en outre, que l’association des parlementaires à la rédaction de ces décrets est également indispensable afin de maintenir la logique de co-construction qui a présidé à l’élaboration de la loi n° 2023-451 et de justifier l’octroi d’une habilitation souple permettant de sécuriser juridiquement les dispositions de la loi.
Recommandation n° 4 : Engager dès que possible les concertations relatives à la rédaction des décrets de la loi du 9 juin 2023, afin de garantir son application complète dans les meilleurs délais.
Une situation qui s’explique par l’existence de discussions avec la commission européenne sur le plan conventionnel
Dans son courrier d’observations adressé au mois d’août dernier au Gouvernement, la Commission européenne distingue les aspects procéduraux des aspects de fond concernant la compatibilité de la loi n° 2023-451 avec le droit européen.
Des observations sur la forme concernant la notification de certaines des dispositions de la loi « Influenceurs »
La loi n° 2023-451 présente, d’abord, une incompatibilité avec le droit de l’Union européenne au regard des dispositions de la directive SMTD.
L’article 5 de cette directive prévoit, en effet, que toute règle technique entrant dans le champ de cette directive, doit être notifiée à la Commission européenne afin qu’elle puisse évaluer sa conformité avec le droit de l’Union. Cette notification doit s’effectuer alors que le projet de texte ou de règle n’a pas été définitivement adopté, afin de permettre la prise en compte des observations de la Commission. Cette dernière considère en effet que l’adoption définitive d’un projet de règle technique met fin à la possibilité de prendre en compte ses observations.
En l’espèce, la chronologie des échanges entre la Commission et le Gouvernement concernant la notification de certaines des dispositions de la loi précitée est la suivante :
– le projet de loi sur les influenceurs a été notifié à la Commission européenne le 12 mai 2023. La période de statu quo de 3 mois prévue à l’article 6 de la directive SMTD a donc débuté le 13 mai 2023 ;
– le 7 juin 2023, les services de la Commission ont adressé aux autorités françaises une demande d’informations complémentaires leur demandant, entre autres, des éclaircissements sur le stade de la procédure d’adoption du projet notifié conformément au droit national. Cette demande portait notamment sur certains articles du titre I de la loi, qui n’avaient pas été inclus dans la notification précitée ;
– le 9 juin 2023, la loi a été promulguée, en intégrant néanmoins, et préalablement à la réponse de la Commission, une clause suspensive reportant l’entrée en vigueur de certaines de ses dispositions ;
– le 20 juin 2023, les autorités françaises ont répondu à la demande d’éclaircissements en confirmant que la loi avait été adoptée et promulguée ;
– le 14 août 2023, la Commission européenne a adressé une lettre d’observations concernant la loi n° 2023-451 ainsi que la loi n° 2023-566 « Majorité numérique » ([30]) mettant en cause leur compatibilité avec les règles de droit de l’Union européenne.
Deux griefs sont retenus par la Commission européenne sur les aspects procéduraux, pour ce qui concerne la loi n° 2023-451 :
– son adoption définitive a privé d’effet la période de statu quo et empêché la Commission européenne de formuler des observations et de voir ces dernières prises en compte ;
– certaines de ses dispositions n’ont pas été notifiées par les autorités françaises, alors qu’elles auraient dû l’être. Dans son courrier du 14 août dernier, la Commission relève ainsi que l’absence de notification des articles 1er, 4, 5 et 9 de la loi, qui entrent pourtant, selon son analyse, dans le champ d’application de la directive 2018/1808 constitue une autre « violation grave de l’article 5 de la directive SMTD » ([31]). Seuls les articles 10, 11, 12 et 15 de la loi avaient en effet été notifiés.
Sur l’absence de notification des articles 1er, 4, 5 et 9, la Commission a estimé que la circonstance que le Gouvernement n’ait pas inclus ces dispositions dans sa notification au motif qu’elles nécessitaient de prendre des textes d’application était sans objet au regard des dispositions de la directive SMTD.
Elle a considéré, de même, que l’existence d’une clause de suspension était également sans effet sur les obligations de notification qui doivent être respectées au titre de cette même directive. En effet, cette clause est sans effet sur le fait que le projet de règle technique relatif aux services de la société de l’information que constitue la loi n° 2023-451 était désormais définitif.
Dans sa contribution écrite adressée à vos rapporteurs, la Commission souligne en outre, que « les clauses suspensives sont considérées comme des techniques législatives incompatibles avec le principe de sécurité juridique » et relève que « l’adoption de clauses suspensives ne permet pas un véritable dialogue entre l’État membre notifiant, la Commission et les autres États membres ». À l’appui de son analyse, la Commission note, en outre, que « la CJUE a récemment confirmé ce point de vue dans l’affaire C-86/22, dans laquelle la Cour a souligné que l’adoption et la publication d’une mesure technique sont susceptibles, en soi, d’avoir certains effets sur le marché intérieur » ([32]).
Des observations sur une possible incompatibilité de certains articles de la loi avec plusieurs directives européennes
Sur les aspects de fond, la Commission européenne a formulé plusieurs observations quant à la compatibilité de certaines des dispositions de la loi précitée avec plusieurs directives européennes.
Une articulation à prévoir avec l’article 3 de la directive e-commerce
La loi n° 2023-451 présente, en premier lieu, un problème de compatibilité avec la directive 2000/31/CE dite directive « e-commerce ».
Les dispositions notifiées par le Gouvernement à la Commission portent en effet, selon son analyse, sur des « services de la société de l’information », tels que définis à l’article 1er de la directive SMTD et constituent, en conséquence « des services de la société de l’information au sens de l’article 2 de la directive e‑commerce ». La Commission estime, en outre, qu’elles ont pour objectif d’imposer « des obligations aux fournisseurs de la société de l’information en ce qui concerne leurs obligations de modération de contenus ».
Dès lors, ces dispositions doivent satisfaire au principe du contrôle à la source par l’État membre d’établissement, également appelé principe « du pays d’origine ». Ce principe repose sur la liberté de prestation des services de la société de l’information transfrontaliers, en application de l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. L’article 3 de la directive e-commerce reprend ce principe, en prévoyant, comme le rappelle le courrier de la Commission que « les services de la société de l’information doivent être réglementés à la source de l’activité » et qu’ils ne sont, en conséquence « soumis qu’aux lois de l’État membre dans lequel ils sont établis ».
En conséquence, le même article 3 prévoit que les États membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, prendre des mesures restreignant la liberté de fournir ces services depuis un autre État membre.
Si une procédure de dérogation à ce principe est également prévue au sein du même article, elle est strictement encadrée. Ne sont ainsi autorisées, comme l’indique la Commission, « que les mesures de nature spécifique visant un prestataire de services d’information, compte tenu du préjudice ou du risque sérieux et grave de préjudice du service aux objectifs invoqués pour justifier les mesures restrictives ».
Recommandation n° 5 : Clarifier l’application du principe du pays d’origine et les modalités de mise en œuvre des dérogations prévues par le droit européen.
L’enjeu d’une hypothétique application de la directive SMA à l’influence commerciale
La loi n °2023-451 présente, en second lieu, un problème de compatibilité avec la directive 2018/1808/CE dite directive « Services de médias audiovisuel ».
La Commission estime, en effet, que les influenceurs « peuvent être qualifiés de fournisseurs de services de médias audiovisuels à la demande » ([33]) au sens de cette directive, ce qui implique la nécessité pour ces derniers « de se conformer aux règles pertinentes énoncées dans ladite directive, y compris aux exigences d’équité et de transparence pour la publicité et les autres formes de communications commerciales audiovisuelles » ([34]).
Ces règles concernent notamment les enjeux de « publicité, d’incitation à la violence et à la haine et de contenu préjudiciable pour les mineurs » ([35]). La Commission estime que les dispositions de la loi n °2023-451 qui couvrent la promotion des denrées alimentaires ou des boissons malsaines (article 3), la prohibition de fait la publicité de produits de nicotine (article 4) et certaines obligations des influenceurs quand ils font de la publicité (article 5) doivent être articulées avec les dispositions relatives à ces produits présentes au sein de la directive.
La Commission relève, enfin, dans sa contribution écrite, que « la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 doit également respecter le principe du pays d’origine de la directive SMA », définie en son article 4 selon lequel des règles nationales plus détaillées ou plus strictes ne peuvent s’appliquer qu’aux influenceurs relevant de la compétence de la France.
Ces éléments de constat doivent néanmoins fortement être nuancés, dans la mesure où l’application du statut de service de médias audiovisuels à la demande aux influenceurs est discutable. Les échanges conduits avec la Commission font apparaître que ce point n’est pas tranché, alors que la directive SMA concerne davantage le champ audiovisuel que numérique. Vos rapporteurs souhaitent insister sur la nécessité de ne pas complexifier excessivement le régime juridique applicable à l’activité d’influence commerciale. En tout état de cause, une vraie réflexion est nécessaire à ce sujet afin de mesurer toutes les conséquences de l’application éventuelle de ce statut aux influenceurs.
Des observations relatives à la compatibilité des articles 10, 11, 12 et 15 de la loi avec les dispositions du règlement sur les services numériques (RSN)
Certaines dispositions de la loi n° 2023-451 présentent, en dernier lieu, une difficulté de compatibilité vis-à-vis des dispositions du règlement sur les services numériques (RSN) ([36]). Il s’agit des articles 10,11, 12 et 15 de la loi précitée. Ces articles viennent en effet reprendre des dispositions déjà prévues au sein de ce règlement.
La Commission relève, dans son courrier, précité que ces articles incluent « des références explicites aux dispositions du DSA » en imposant, en particulier, « des obligations aux fournisseurs de services intermédiaires en ce qui concerne leurs politiques de modération de contenu, telles que l’obligation d’informer les autorités émettant des injonctions d’agir contre les contenus illicites sur l’effet donné à ces injonctions, l’obligation de mettre en place des mécanismes de notification et d’action, ou l’obligation relative aux avis soumis par des signaleurs de confiance, domaines couverts par les articles 8, 14 et 22 du DSA. » ([37]).
Elle souligne, en outre, que ces obligations semblent également « aller à l’encontre du système de surveillance et d’exécution prévu par le DSA, dans la mesure où les autorités françaises disposent d’une compétence sur les prestataires de services intermédiaires établis en dehors de la France, en violation de l’article 56 paragraphe 1 du DSA, ainsi que sur les fournisseurs de très grandes plateformes en ligne, même pour les obligations dont la surveillance et l’exécution relèvent de la compétence exclusive de la Commission en vertu de l’article 56 paragraphe 2 du DSA » ([38]).
En effet, un règlement étant par nature d’application directe pour tous ses éléments, les seules mesures nationales qu’il reste possible d’adopter sont celles qu’il prévoit explicitement. L’argument mobilisé contre ces dispositions est donc celui de la sécurité juridique. « Le chevauchement de certaines dispositions » de la loi précitée avec le DSA entraîne « une insécurité juridique en ce qui concerne le droit applicable à des situations concrètes, et par conséquence, en ce qui concerne l’autorité compétente correspondante pour sa surveillance et son exécution » ([39]).
Une articulation nécessaire avec les dispositions de la directive 2005/29/CE
Enfin, même si ce point n’est pas soulevé par la Commission européenne dans son courrier précité, certaines dispositions de la loi n° 2023-451 doivent également être articulées avec les dispositions de la directive 2005/29/CE ([40]).
Cette directive encadre en effet toutes les pratiques commerciales des professionnels vis-à-vis des consommateurs aux stades de la publicité, de la vente et de l’après-vente. Elle s’applique donc aux pratiques commerciales des influenceurs, y compris leurs pratiques de publicité et de la vente.
Les éléments d’analyse transmis par la Commission européenne à vos rapporteurs indiquent en effet que les articles 1er, 4 et 5 de la loi n° 2023-451 doivent être articulés avec les dispositions de cette directive.
L’article 1er de la loi précitée, qui définit l’activité d’influence commerciale s’inscrit largement, selon la Commission, dans la définition de la notion de « professionnel » figurant à l’article 2, point b), de la directive 2005/29/CE.
L’article 4 de la loi précitée ferait écho, pour sa part, au contenu de l’article 3 de cette directive, qui prévoit des dispositions concernant notamment la protection de la santé, la sécurité des produits, la protection des animaux et de l’environnement ou encore les services financiers. La Commission relève néanmoins dans sa contribution écrite que ce même article 3 prévoit en son paragraphe 3 son application « sans préjudice des législations nationales » concernant les deux premiers éléments précités, et que son paragraphe 9 permet aux États membres d’imposer des exigences plus restrictives dans ce domaine.
L’article 5 de la loi précitée correspondrait, enfin, selon l’analyse de la Commission, aux dispositions prévues à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2005/29/CE. Ce dernier article prévoit en effet que l’absence de divulgation claire, intelligible et à temps de l’intention commerciale de la pratique constitue une omission trompeuse dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte. La Commission relève, à cet égard, qu’au sens du droit européen la pratique est trompeuse lorsque « le consommateur moyen est ainsi amené ou est susceptible d'être amené à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement, c’est-à-dire sous réserve d’une appréciation au cas par cas de l’effet de la pratique sur la décision commerciale du consommateur avant d’indiquer que, selon son analyse, l’article 5 de la loi n° 2023-451 « va au-delà de la directive puisqu’elle ne contient pas ces conditions » ([41]).
Par conséquent, la Commission estime, au regard de ce chevauchement qu’une mise en cohérence de la loi est nécessaire, en insérant, notamment, au sein des dispositions concernées « une référence […] à l’applicabilité des conditions prévues dans la ou les dispositions nationales transposant l’article 7 de la directive 2005/29/CE en ce qui concerne l’incidence de la pratique sur la décision commerciale du consommateur moyen et la possibilité que l’intention commerciale ressorte du contexte » ([42]).
Elle considère, par ailleurs, que l’utilisation d’une terminologie spécifique (mention « Publicité » ou « Collaboration commerciale »), va également au-delà de la directive et doit en conséquence être corrigée. Vos rapporteurs souscrivent à cette analyse. Ils n’étaient en effet pas favorables à l’inscription au sein de la loi de mentions aussi précises.
Elle relève enfin que l’exigence prévue à l’article 5 point II relative à l’étiquetage des images retouchées semble se concentrer sur l’objectif de protection de la santé, y compris mentale, des consommateurs, entrant dès lors dans le champ des dérogations prévues au sein de l’article 3 paragraphe 3 de cette directive.
Une situation qui affecte fortement les initiatives législatives d’origine parlementaire
Cette situation inédite interroge, en profondeur, l’articulation du processus législatif national avec les exigences d’harmonisation et d’application du droit européen. Vos Rapporteurs souhaitent en conséquence formuler plusieurs séries de remarques concernant, d’une part, les différentes incompatibilités alléguées par la Commission européenne, et, d’autre part, les conséquences du respect de ce processus de notification sur l’exercice du mandat parlementaire.
Remarques relatives à la directive SMTD
Concernant la procédure de notification SMTD, force est de constater que cette procédure reste aujourd’hui largement méconnue, pour des raisons tenant autant à sa mise en œuvre effective, qu’au rôle réduit que joue le Parlement dans ce domaine. La responsabilité de notifier les textes incombe en effet au Gouvernement, la Commission européenne ne faisant pas distinction, en l’espèce, entre le pouvoir exécutif et législatif au sein des États membres. Le Parlement dispose donc d’une capacité d’action réduite en la matière et se retrouve soumis, de fait, aux informations qui lui sont transmises par le Gouvernement.
Une meilleure association des parlementaires apparaît indispensable dans le cadre de ce processus. En ce qui concerne le présent texte, à titre d’exemple, vos rapporteurs ont pris connaissance de la lettre d’observations du commissaire européen, M. Thierry Breton, par voie de presse, avant d’en obtenir finalement transmission par le Gouvernement. Cette situation est problématique pour la bonne information de chacun.
Dans ces conditions, vos rapporteurs considèrent qu’il est souhaitable qu’une procédure soit élaborée afin de garantir la transparence de ces échanges vis-à-vis du Parlement, qui ont un impact évident sur le contenu des projets et propositions de lois qui peuvent être adoptés sans pour autant avoir pour effet de fragiliser la sécurité juridique. Ils estiment à cet égard, que la communication au Parlement de l’ensemble des documents relatifs à cette procédure de notification (notifications, lettre d’observations, avis circonstanciés, demandes de compléments d’information et réponses adressées par le Gouvernement) devrait être systématique.
Vos rapporteurs observent également que cette procédure de notification pose question quant à la bonne information des parlementaires, en amont, sur la soumission éventuelle de leurs propositions de loi à ce type de procédure, dont l’impact sur le calendrier législatif n’est pas neutre. Au-delà de la directive 2015/1535, de nombreuses directives prévoient des procédures de notification, dont l’objet est systématiquement le même : assurer la cohérence des législations nationales au sein de l’Union. Ils estiment donc qu’un travail doit être engagé en ce sens afin de permettre une meilleure information du Parlement à ce sujet.
Enfin, il apparaît clair, au regard de ces éléments, que l’audition des services de la Commission européenne peut sembler indispensable, lorsqu’une proposition de loi est soumise à des enjeux de notification, quand des difficultés surviennent. Face aux contraintes du calendrier parlementaire, il est donc nécessaire, a minima, que les parlementaires soient pleinement intégrés au sein des échanges qui peuvent intervenir, en amont, sur un texte, entre le Gouvernement et la Commission européenne.
Vos rapporteurs estiment, enfin, que cette procédure ne doit pas ralentir excessivement le calendrier parlementaire. L’exemple du projet visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique (SREN) en témoigne, la période de statu quo crée mécaniquement un délai supplémentaire de plusieurs mois, ce qui apparaît problématique. Alors que le Parlement est souvent accusé de légiférer trop lentement et alors que la demande populaire peut être pressante et la nécessité de légiférer rapidement réelle, il convient de renforcer le dialogue avec la Commission européenne afin de trouver les solutions les plus adaptées pour alléger cette procédure.
Recommandation n° 6 : Mettre en place une procédure garantissant l’information des parlementaires en matière de respect des procédures de notification prévues par le droit européen et envisager une réforme de la procédure de notification à la Commission européenne.
Remarques relatives aux incompatibilités alléguées entre certaines des dispositions de la loi « Influenceurs » et les exigences du droit européen
Vos rapporteurs souhaitent faire un point d’étape à l’occasion de ce rapport d’application sur les différentes incompatibilités précédemment évoquées.
Concernant l’articulation entre les dispositions de la loi précitée et les exigences de la directive e-commerce, il apparaît que la seule modification à envisager, à ce stade, réside dans l’introduction, au sein du texte, d’une clause du pays d’origine. Cette clause devra prévoir, en effet, que les dispositions de la loi précitée ne s’appliquent aux influenceurs établis dans les autres États membres que sous réserve des dispositions de l’article 3 de la directive e-commerce.
Néanmoins, vos rapporteurs souhaitent rappeler que l’article 3 de la directive précitée prévoit des dérogations au principe selon lequel « les États membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre » ([43]).
Cette dérogation peut être mise en œuvre à trois conditions, prévues au même article 3 de la directive e-commerce. Il faut que :
– les mesures concernées soit nécessaires et proportionnées pour des raisons tenant à l’ordre public ou à la protection de la santé publique, la sécurité publique ou la protection des consommateurs ;
– le service de la société de l’information concerné soit ainsi régulé dans la mesure où il présente « un risque sérieux et grave d’atteinte à ces objectifs » ;
– l’État membre concerné ait respecté la procédure de notification afférente à ces mesures.
Cette dernière procédure prévoit que :
– l’État membre d’établissement soit consulté sur la difficulté rencontrée. Seule son absence d’action (absence d’adoption de mesures ou mesures insuffisantes) ouvre une possibilité de dérogation à l’État membre initiateur de cette procédure ;
– l’État membre initiateur ait notifié à la Commission européenne et à l’État membre d’établissement son intention de prendre les mesures concernées.
Seule la condition d’urgence à agir pour ces objectifs permet de déroger aux exigences de cette procédure de dérogation. L’article 3, paragraphe 5, de la directive e-commerce prévoit en effet une simple notification des mesures « dans les plus brefs délais », et « sans préjudice de la faculté pour l’État membre de prendre et d’appliquer les mesures en question ». À l’issue de cette notification, la Commission européenne peut demander « à l’État membre concerné de s’abstenir de prendre les mesures envisagées ou de mettre fin d’urgence aux mesures en question ». Il ne fait néanmoins pas de doute que la lecture de cette possibilité de déroger à certaines conditions encadrant la dérogation est stricte et n’ouvre que des marges de manœuvre fortement limitées.
Plusieurs conclusions peuvent être tirées de ces différentes considérations :
– la capacité du législateur français à réglementer ces services, en l’espèce les personnes exerçant l’activité d’influence commerciale est réelle et doit être réaffirmée. La directive e-commerce prévoit en effet des dérogations qui doivent être pleinement exploitées ;
Sur ce point, vos rapporteurs saluent l’engagement du Gouvernement, rappelé notamment au sein de la contribution écrite de la direction générale des entreprises, concernant « la capacité du législateur à appliquer ces dispositions aux influenceurs établis dans d’autres États membres de l’Union européenne en respectant les possibilités de dérogations offertes par l’article 3 de la directive e‑commerce et l’article 3 de la directive SMA, notamment sur des fondements en lien d’intérêt général (tels que la protection des mineurs et des consommateurs) » ([44]) ;
– la mise en œuvre opérationnelle de cette procédure de notification à l’État membre concerné doit être clarifiée. Lorsque tel sera le cas, il est indispensable, là aussi, que les parlementaires soient intégrés dans ce processus, afin de pouvoir disposer des informations nécessaires pour exercer leur mandat ;
– une vigilance accrue doit être de mise, au regard de l’évolution récente de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
En effet, l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 9 novembre 2023 ([45]) indique très clairement que la possibilité de dérogation au principe de libre circulation des services de la société de l’information, prévu à l’article 3 de la directive e-commerce, « n’a pas été conçue pour permettre aux États membres d’adopter des mesures générales et abstraites visant à réglementer une catégorie de prestataires de services de la société de l’information dans son ensemble, et ce quand bien même de telles mesures lutteraient contre des contenus portant gravement atteinte aux objectifs énoncés » ([46]) au même article.
En réponse à cette lecture stricte de la directive e-commerce, le Gouvernement a indiqué à vos rapporteurs qu’il sera nécessaire de prévoir un dispositif ad hoc permettant de viser, de façon nominative, les acteurs concernés par les mesures prises par l’État membre à titre dérogatoire.
Cette vigilance doit être d’autant plus forte que le manque de clarté sur la mise en œuvre de ce principe a conduit récemment le Conseil d’État à saisir la Cour de justice de l’Union européenne de plusieurs questions préjudicielles à ce sujet. Les délais de réponse de la Cour ne permettent pas, toutefois, d’attendre ce retour (12 à 18 mois).
Les échanges conduits par vos rapporteurs avec la Commission européenne laissent entrevoir une solution de sortie concernant ces difficultés, via l’introduction au sein de la loi précitée d’une clause dite « du pays d’origine » précisant son application dans l’espace. En outre, un dispositif permettant au ministre, par arrêté, de prendre les mesures nécessaires permettant de respecter le cadre de la dérogation prévue au sein de la directive e-commerce est envisagé. Ces éléments sont de nature à rassurer vos rapporteurs sur la capacité collective du Gouvernement et du Législateur à surmonter ces difficultés.
Concernant l’application de la directive SMA à certaines dispositions de la loi n° 2023-451, qui pourraient faire l’objet de discussions avec la Commission européenne, vos rapporteurs observent, d’abord, que cette directive prévoit également le principe de la régulation par le « pays d’origine ».
Il existe, en outre, des incertitudes juridiques sur le type d’influenceurs qui pourrait potentiellement être concerné par cette directive (critère d’audience). Dans sa contribution écrite, la DGCCRF relève qu’il apparaît que le « domaine coordonné » au sens de la directive 2010/13/UE « recouvre toutes les formes de promotion sur les médias audiovisuels » et que les influenceurs peuvent être « s’ils remplissent des critères, notamment d’audience, [considérés comme] des fournisseurs de services de médias audiovisuels ». La DGCCRF note d’ailleurs, à ce sujet, que « la base de données prévue par le 5 ter de l’article 2 de la directive SMA intègre des Youtubeurs/influenceurs parmi les services de vidéo à la demande, du moins dans certains pays » ([47]).
Les échanges avec la Commission européenne sur ce point doivent se poursuivre. La révision à venir de cette directive, dans le cadre de son évaluation, pourrait encore complexifier la juste appréciation de l’application des dispositions de cette directive à certains influenceurs. Force est de constater que l’application à ces derniers du statut de fournisseurs de service de médias à la demande serait une source de complexité supplémentaire.
Recommandation n° 7 : Poursuivre le dialogue initié avec la Commission européenne concernant les évolutions envisagées de certaines dispositions de la loi du 9 juin 2023, en réaffirmant la capacité d’action du législateur national.
Enfin, concernant l’articulation des dispositions de la loi précitée avec les dispositions du règlement sur les services numériques, il n’existe pas de difficulté. Ces dispositions avaient été introduites à l’Assemblée nationale à des fins de pédagogie. Elles ne sont pas entrées en vigueur. Leur suppression, prévue par l’article 3 du projet de loi DDADUE, est opportune.
Une application in concreto de la loi « influenceurs », qui est « adaptée » dans l’attente de l’adoption des corrections appropriées
Une application de la loi « Influenceurs » qui n’est pas fondamentalement remise en cause
En dépit de ces échanges avec la Commission qui retardent notamment la prise des décrets d’application, vos rapporteurs souhaitent rappeler qu’en l’état du droit, l’ensemble des dispositions de la loi précitée s’applique sans difficulté aux influenceurs établis en France. Ainsi que le prévoit son article 3, les dispositions de droit commun s’appliquent en effet à leur activité.
La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a d’ailleurs significativement renforcé son action de contrôle comme elle l’a précisé à vos rapporteurs. Grâce à l’aiguillon de l’initiative législative, elle a mieux intégré le contrôle des influenceurs au sein de son programme d’enquête national.
Ainsi que le résume la DGCCRF dans sa contribution écrite : « la mise en œuvre de cette orientation s’est traduite par un renforcement des enquêtes portant sur le comportement des plateformes pour appréhender des pratiques déloyales inter-entreprises, sur le contrôle des produits vendus en ligne susceptibles d’être dangereux, sur la lutte contre des faux avis trompant le consommateur dans ses choix d’achat ou encore sur les pratiques de drop-shipping ». Une enquête plus spécifique a directement ciblé le contrôle des influenceurs afin de s’assurer que les communications à caractère commercial diffusées par ces derniers « n’étaient pas de nature à induire le consommateur en erreur » ([48]). La réalisation de cette enquête a donné lieu au contrôle de 212 influenceurs dont 50 % étaient en situation d‘anomalie.
Cette enquête a été reconduite dans le cadre de la programmation 2024 avec un objectif de contrôle augmenté. Elle sera mise en œuvre par des enquêteurs de 17 régions et du service national des enquêtes.
En outre, la DGCCRF a signalé à vos rapporteurs avoir accéléré « la montée en compétence des enquêteurs dans ce domaine » via la création d’un réseau de contrôlé dédié. Ce nouveau réseau, créé à la fin de l’année dernière, rassemble « 30 enquêteurs répartis sur tout le territoire national et ultramarin ». Dans un objectif de coordination et de montée en compétence sur les sujets numériques à la DGCCRF, « 15 agents (dont deux en attente de confirmation) ont été recrutés en administration centrale, au SNE (Service national des enquêtes) et à la CRAFE (Cellule de renseignement anti-fraude économique). Ces emplois prioritairement affectés dans des bureaux sectoriels permettront ainsi de lier des sujets de réglementations spécifiques avec les enjeux du numérique et en particulier dans les secteurs de la Fintech, jeux d’argent en ligne et des produits connectés » ([49]).
Ces opérations de contrôle s’appuient, à cette heure, sur une application « adaptée » de la loi « Influenceurs », en recourant, en tant que de besoin, à des fondements juridiques classiques. Elles n’en demeurent pas moins efficaces, d’autant que la publicité qu’a pu connaître la loi précitée, et la production d’un guide spécifique consacré à ces questions, ont permis une sensibilisation de ce public, et améliorer la prise de conscience vis-à-vis du cadre juridique existant.
Une adoption du projet de loi DADDUE, qui doit intervenir dans les meilleurs délais
Le projet de loi DDADUE prévoit, en son article 3, d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de procéder aux modifications nécessaires des dispositions de la loi n° 2023-451 qui seraient non conformes au droit de l’Union européenne.
Cet article a fait l’objet de modifications lors de son examen devant le Sénat, afin de réduire à six mois au lieu de neuf mois la durée de l’habilitation accordée au Gouvernement. Le champ de l’ordonnance avait également été réduit à cette occasion, afin de ne cibler que les articles de la loi « Influenceurs » mentionnés au sein du courrier adressé le 14 août dernier par la Commission européenne au Gouvernement.
Enfin, il a été prévu que cet article 3 supprimerait d’ores et déjà certains articles de la loi précitée, à la suite de la pleine entrée en vigueur du règlement sur les services numériques. Il s’agit, en l’espèce, des articles 10, 11, 12, 15 et 18.
Lors de son examen en commission devant l’Assemblée, Stéphane Vojetta, également rapporteur du projet de loi DDADUE a rétabli la durée de neuf mois et un champ d’habilitation élargi à l’ensemble du titre Ier de la loi, compatible avec la poursuite d’un dialogue constructif avec la Commission européenne.
Vos rapporteurs considèrent qu’il convient d’être le plus prudent possible dans la rédaction de cet article, afin d’éviter d’avoir à mobiliser, le cas échéant, un autre véhicule législatif pour procéder à d’ultimes modifications. Ils observent, en outre, que cette durée de neuf mois intègre la période de statu quo de trois mois et paraît adaptée, à condition d’envisager une notification des décrets d’application la plus rapide possible. En tout état de cause, l’adoption rapide de ce projet de loi est indispensable afin de ne pas retarder à l’excès les modifications qui doivent être apportées par voie d’ordonnance à la loi « Influenceurs ».
Une anticipation nÉcessaire de l’Évolution des pratiques d’influence commerciale afin de conserver une rÉgulation efficace
Des marges de progrÈs concernant la capacitÉ des pouvoirs publics À rÉguler efficacement les pratiques d’influence commerciale
Des moyens humains qui doivent être à la hauteur de l’ambition de régulation portée par les pouvoirs publics
La régulation de l’action des influenceurs nécessite des moyens humains importants. En effet, ainsi que l’a indiqué la DGCCRF, principale autorité compétente dans ce domaine, les enquêtes menées durent en moyenne entre six et neuf mois. Ces enquêtes nécessitent, en particulier, un suivi attentif de l’ensemble des publications de l’influenceur ou de l’influenceuse concernée, ce qui peut être chronophage. Elles impliquent, enfin, un travail de recueil de la preuve, de qualification des pratiques constatées et d’échanges avec les autres acteurs concernés (plateformes, parquet etc.) qui n’est pas neutre en termes d’effectifs.
Lors d’un déplacement au sein des locaux de la DGCCRF, le processus complet d’enquête a été présenté à vos rapporteurs à partir d’un cas pratique. Les étapes d’une enquête-type sont présentées, ci-dessous, à titre pédagogique.
Chronologie-type d’une enquȆte rÉalisÉe par la DGCCRF en 2023
sur un influenceuR
DATE |
ACTES D’ENQUÊTE |
Novembre 2022 - Février 2023 |
Réalisation de constats sur les réseaux sociaux de l’influenceur sur une durée de 4 mois (art. L.511-5 et L.511-6 du code de la consommation). |
Février 2023 |
Réalisation d’une audition pénale libre (art. L.512-10 du code de la consommation). L’influenceur est entendu par l’enquêteur pour apporter tous les éléments de compréhension et de justification de ses pratiques. |
Mars 2023 |
Réalisation d’une injonction administrative (art. L.521-1 du code de la consommation). Il s’agit d'une mesure administrative prononcée après un délai contradictoire. L’influenceur est enjoint de corriger ses pratiques sur ses réseaux sociaux, et le cas échéant, d’indiquer son intention commerciale. Une mesure de communication de cette sanction peut être prévue (art. L.521-2 du code de la consommation) |
Août 2023
|
Eu égard aux pratiques de l’influenceur qui n'ont pas été corrigées, un procès-verbal pénal a été transmis au parquet du ressort de l’influenceur avec une proposition de transaction pénale (amende pénale + publication de la sanction par la DGCCRF et par l’influenceur). |
Novembre 2023 |
L’influenceur accepte, dans un premier temps, toutes les modalités de la transaction pénale. |
Novembre 2023 |
Publication de la sanction par la DGCCRF sur son site et ses réseaux sociaux |
Décembre 2023 |
Constats de la non-publication de la sanction dans le délai des 30 jours prévu dans les modalités de la transaction pénale. L'influenceur informe la DGCCRF de son refus d'exécuter cette mesure. |
Décembre 2023
|
Information et transmission de ce non-respect au parquet, qui décidera des suites à donner (audiencement, comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité...). |
Source : DGCCRF
Il ressort de cette description fine qu’un effort supplémentaire en termes d’effectifs et de moyens doit encore être consenti à destination de la DGCCRF.
Vos rapporteurs souhaitent néanmoins souligner que ses effectifs sont déjà en voie de consolidation. Comme évoqué supra, dans un objectif de coordination et de montée en compétence sur les sujets numériques, la DGCCRF a en effet recruté 15 agents en administration centrale, au sein du Service national des enquêtes (SNE) et de la cellule de renseignement antifraude économique (CRAFE).
Des efforts doivent également être consentis à destination des autres autorités compétentes, notamment en faveur de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) et de l’Autorité nationale des jeux (ANJ). Les auditions menées font apparaître le besoin de mettre en adéquation les compétences données à ces autorités avec les moyens dont elles disposent. Vos rapporteurs plaident, en conséquence, pour une hausse des moyens humains de ces autorités, afin de faciliter leur action.
Recommandation n° 8 : Renforcer les moyens humains de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et des autres autorités publiques compétentes, afin d’accroître la lutte contre les pratiques d’influence commerciale non conformes aux dispositions de la loi du 9 juin 2023 et de permettre un traitement en temps réel des signalements des utilisateurs.
Des moyens techniques doivent permettre de perfectionner le suivi des pratiques d’influence commerciale
Les moyens techniques mis en œuvre pour suivre les pratiques des influenceurs doivent également évoluer afin d’améliorer l’efficacité des tâches afférentes aux enquêtes sur les influenceurs.
Plusieurs difficultés peuvent se faire jour dans le cadre de ce suivi :
– Des difficultés liées à la profusion de contenus publiés par les influenceurs concernés, souvent renforcées par le recours habituel de ces derniers à plusieurs plateformes en ligne ;
– Des difficultés liées à la disparition des contenus au sein de certaines plateformes (TikTok et Instagram, notamment) ;
– Des difficultés d’accès, le cas échéant, à certaines plateformes lorsqu’il existe un mur payant (paywall).
Interrogée sur ces différents sujets, la DGCCRF a indiqué à vos rapporteurs qu’elle était en état de mener des vérifications sur les contenus publiés sur des plateformes, sites ou réseaux dont l’accès est payant sans difficulté particulière, dans la mesure où « les agents de la DGCCRF [disposent] à la fois du droit d’utiliser une identité d’emprunt et de moyens de paiement aux fins d’enquête » ([50]).
La difficulté dans ce domaine tient plutôt, pour cette administration, aux processus de vérification d’identité réalisés par certaines plateformes lors de la création du compte et préalable au droit d’accéder au contenu (sites de jeux réservés aux majeurs par exemple). La DGCCRF relève en effet que « lorsqu’une pièce d’identité est exigée, la loi [l’] autorise à utiliser une identité d’emprunt pour réaliser [ses] constatations, mais non à produire de fausses pièces d’identité » ([51]).
La DGCCRF indique, pour le reste, être en capacité de pallier les autres difficultés précitées, notamment en mettant en œuvre des pratiques de web‑scrapping.
Les échanges conduits font néanmoins apparaître le caractère assez limité et parfois artisanal des outils actuellement à la disposition des enquêteurs de cette administration. Aussi, vos rapporteurs considèrent qu’une revue des outils numériques qui pourraient simplifier la tâche des enquêteurs pourrait utilement être menée. L’opportunité de recourir à des outils d’intelligence artificielle pourrait également être utilement évaluée dans ce cadre.
Un partenariat plus large afin de développer, en lien avec le PEReN et les différents services de l’État (police, gendarmerie…) des logiciels communs et performants de web-scrapping ou de détection des contenus frauduleux par IA doit être étudiée. Une collaboration active avec les différentes plateformes de réseaux-sociaux, en ce qui concerne le web-scrapping notamment, pourrait aussi être envisagée.
La DGCCRF partage ces éléments de constat. Elle a indiqué, à ce titre, que dans le cadre de la mise en œuvre du règlement européen sur les services numériques (RSN), « un protocole de coopération entre l’autorité coordinatrice des services numériques (ARCOM) et les autorités compétentes (CNIL et DGCCRF) est en cours de préparation au niveau national pour permettre la mise en œuvre [de ce] règlement ». Par ailleurs, elle précise qu’outre « les réalisations concernant la recherche de faux-avis sur internet (projet Polygraphe), et les outils de scraping, des travaux d’élaboration de nouveaux outils d’aide à l’enquête sont actuellement en cours par la cellule numérique du SNE ».
Vos rapporteurs souhaitent saluer ces initiatives ainsi que la volonté de renforcer les coopérations entre les différentes administrations compétentes.
Recommandation n° 9 : Étudier les voies et moyens permettant de fluidifier les échanges d’information entre les autorités publiques et les plateformes numériques, afin d’améliorer la rapidité et la qualité du traitement des signalements recueillis.
La démarche initiée par la DGCCRF et le pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN) en ce sens, via la mise en place d’un protocole de coopération, est une excellente chose afin de favoriser les synergies dans le domaine de la régulation des acteurs du numérique.
La DGCCRF a indiqué à vos rapporteurs, en effet, que l’objectif, à terme, est de permettre à ses enquêteurs de disposer « d’une interface permettant la récupération automatique des publications litigieuses des influenceurs cités dans les comptes de collectifs de consommateurs afin de constituer des données permettant de matérialiser les manquements relatifs aux pratiques commerciales trompeuses (intention commerciale notamment) ». Il s’agirait d’un approfondissement souhaitable de la coopération entre la DGCCRF et le PEReN, cette dernière se limitant, pour l’heure, à la mise à disposition des outils numériques nécessaires à la mise en œuvre des compétences de la DGCCRF « en permettant une mutualisation des moyens de plusieurs structures administratives » ([52]).
Recommandation n° 10 : Poursuivre les efforts engagés en faveur d’une réelle montée en qualité des outils numériques permettant d’assurer le suivi et le traitement des signalements relatifs aux contenus ne respectant pas les dispositions de la loi du 9 juin 2023.
Cette coopération doit également inclure des échanges plus nourris entre les différentes plateformes existantes, qui doivent pouvoir davantage mutualiser les informations dont elles disposent. La protection des consommateurs et des citoyens repose en effet sur la combinaison de l’ensemble des outils disponibles (Pharos, Thésée, Signal Conso, 17 cyber) et à venir (filtre anti-arnaques etc.).
Une ambition qui doit continuer d’être assumée et visible
Vos rapporteurs souhaitent également insister sur la nécessité de maintenir une forte visibilité de l’action de lutte contre les pratiques commerciales illégales mises en œuvre par certains influenceurs.
En effet, dans un secteur d’activité qui repose très largement sur la notoriété, la visibilité de l’action publique et le portage politique de ces enjeux sont performatifs. Ils ont en effet des effets réels sur les comportements des influenceurs problématiques.
Vos rapporteurs entendent donc poursuivre ce travail, dans la droite ligne des débats et travaux parlementaires menés sur la loi du 9 juin 2023 et des débats actuels relatifs au projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN), en cours d’examen au Parlement.
Cette ambition doit se traduire par une incitation constante vis-à-vis des plateformes à mieux réguler leurs contenus. Si les plateformes s’organisent pour s’adapter aux évolutions récentes du droit européen, les auditions menées ne permettent pas d’observer de réels efforts supplémentaires, notamment en moyens humains, afin d’améliorer l’efficacité de cette régulation.
Lors de leur audition, les plateformes, ont exprimé le souhait que les différents services de l’État les saisissent plus fréquemment de cas problématiques, tout en refusant de reconnaître sérieusement le bien-fondé des remontées des différents utilisateurs quant aux faiblesses de la modération par les plateformes elles-mêmes lorsque des contenus sont directement signalés par le biais des outils à la disposition des utilisateurs. Vos rapporteurs ont dû, pourtant, pour obtenir le retrait de certains contenus manifestement illicites, signaler directement aux responsables des affaires publiques des plateformes des contenus problématiques après avoir vu leurs signalements ignorés via les dispositifs ad hoc.
Les contenus contraires aux dispositions de la loi du 9 juin 2023 doivent faire l’objet d’une régulation plus efficace et volontaire de leur part. L’effort de simplification des démarches de signalement doit se poursuivre et s’homogénéiser. Il en va de même des échanges entre les plateformes et les pouvoirs publics dans le traitement de ces signalements.
Cette ambition implique également de se mettre en capacité d’assurer un traitement des signalements relatifs aux mauvaises pratiques de l’influence commerciale aussi rapide et efficace que celui réservé aux contenus illicites, tel qu’effectué actuellement par les plateformes Pharos et Thésée.
Lors de leur déplacement au sein des locaux de l’Office français anti cybercriminalité (OFAC), vos rapporteurs ont en effet observé combien l’action des pouvoirs publics dans ce domaine s’est musclée, à l’appui d’effectifs qu’il faudra néanmoins encore renforcer.
Vos rapporteurs souhaitent saluer l’action de ces personnels, notamment ceux des plateformes précitées, et de la DGCCRF qui œuvrent à la protection des consommateurs et des citoyens avec force diligence.
Ils considèrent, néanmoins, que le même niveau d’engagement et d’ambition doit prévaloir concernant le traitement des signalements effectués sur Signal Conso par des utilisateurs victimes d’arnaques mises en œuvre par des influenceurs. Il est souhaitable, sur ce sujet, de rehausser l’ambition de cet outil afin d’en faire une vraie plateforme de signalement où les utilisateurs peuvent recevoir une réponse rapide à leur signalement. Vos rapporteurs trouvent regrettable en effet, que certains signalements effectués sur SignalConso ne donnent lieu à aucune suite. À l’heure actuelle, en dépit des efforts consentis, et faute d’effectifs suffisants, force est de constater que trop de signalements restent encore traités dans des délais trop longs du point de vue des utilisateurs. Si cette situation s’explique par le « temps des enquêtes », et des raisons structurelles légitimes, il convient néanmoins d’y remédier autant que possible, afin d’éviter de donner l’impression, pour les utilisateurs qui effectuent des signalements, que leur action reste sans effet et ne fait pas l'objet d'un suivi attentif.
Des interrogations sur le cadre JURIDIQUE applicable qui doivent être levÉes
Les échanges conduits avec les différents acteurs plus de six mois après la promulgation de la loi n° 2023-451 ont donc fait apparaître, d’une façon globale, une relative satisfaction des acteurs concernés vis-à-vis du cadre juridique offert. Il n’en demeure pas moins que vos rapporteurs ont pris connaissance de plusieurs demandes de précision concernant certaines de ses dispositions qui doivent être prises en compte.
Le périmètre d’application de l’activité d’influence commerciale
Il existe, en premier lieu, une attente concernant la précision du périmètre exact que recouvre la définition de l’activité d’influence commerciale prévue à l’article 1er de la loi précitée. Cette demande est légitime et correspond, en pratique, aux nombreux débats intervenus devant le Parlement concernant la recherche de la « meilleure définition » de cette activité par nature protéiforme.
Plusieurs acteurs auditionnés par vos rapporteurs ont mentionné la nécessité de préciser certains aspects de cette définition.
L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) demande, ainsi, que cette définition soit précisée « pour garantir une certaine sécurité juridique aux acteurs concernés ». Elle propose, en conséquence, d’insérer au sein de cette définition la notion de contrepartie, afin de clarifier les termes utilisés (à savoir, selon la définition retenue dans la loi, un échange « à titre onéreux »). L’ARPP estime également qu’un critère de réciprocité devrait être intégré afin de mieux articuler la rédaction actuelle de la loi avec le contenu de l’article 2 de la directive e-commerce.
L’UMICC, pour sa part, formule plusieurs propositions d’évolutions du contenu de la loi précitée. Elle demande à ce l’on précise que l’activité d’influence commerciale ne s’exerce pas seulement « à titre onéreux », mais « à titre onéreux et sur demande explicite d'une partie tierce » ([53]), à des fins de sécurisation juridique. Elle estime en effet, que « lorsqu’aucune demande de contrepartie n’existe, à la suite de l’envoi d’un produit, le créateur de contenu parlant du produit sur les réseaux sociaux ne devrait pas être considéré comme pratiquant l’influence commerciale, mais comme exerçant sa liberté d’expression, droit constitutionnellement protégé » ([54]).
L’UMICC indique également que nombre d’influenceurs l’interrogent sur l’intégration, au sein de la définition actuelle prévue à l’article 1er de la loi précitée, des pratiques d’autopromotion réalisées par les influenceurs.
Vos rapporteurs souhaitent formuler plusieurs remarques au sujet de ces demandes.
En premier lieu, ils souhaitent rappeler que l’ensemble de ces débats a eu lieu lors de l’examen de la proposition de loi précitée, aussi bien devant l’Assemblée nationale que devant le Sénat. L’objet du projet de loi DDADUE, en la matière, est, par ailleurs, d’ajuster les dispositions de la loi précitée avec les exigences du droit européen et non de procéder à d’autres modifications. De ce point de vue, la réouverture des débats sur ce point n’apparaît pas souhaitable.
En second lieu, néanmoins, des précisions peuvent être utilement apportées sur le périmètre exact de la loi, tant sur l’intégration de la notion de contrepartie et de la demande explicite, que sur la question de l’autopromotion.
Sur le premier point, les débats parlementaires ont conduit à retenir, pour des raisons de rigueur juridique, les termes « à titre onéreux », ce qui fait référence à l’alinéa 1 de l’article 1107 du code civil. Cette qualification intègre pour mémoire, l’ensemble des contreparties existantes, qu’elles soient financières ou non. Quant à l’insertion au sein de la définition de l’article 1er de la loi précitée de la notion de demande explicite, elle a été écartée afin de ne pas fournir une voie de contournement trop évidente à des acteurs qui seraient peu scrupuleux.
Sur le second point, à savoir la question de l’autopromotion, il est rappelé qu’en l’état actuel du texte, est réputée exercer une activité d’influence commerciale, toutes les personnes physiques ou morales « qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d'une cause quelconque exercent l'activité d'influence commerciale par voie électronique » ([55]).
Dès lors, cette définition concerne, au premier chef, les influenceurs exerçant une activité de promotion commerciale directe ou indirecte de biens, services ou d’une cause quelconque, pour le compte d’un annonceur ou d’un vendeur. L’intention du législateur, en l’espèce, a été d’exclure de ce champ les pratiques auto-promotionnelles des influenceurs vis-à-vis de leurs propres produits, afin d’éviter des effets de bord non souhaités. Il n’en demeure pas moins que la rédaction actuelle permettrait, de requalifier, au cas par cas, des pratiques qui exciperaient de cette situation pour se soustraire à cette régulation. En tout état de cause, ainsi que le rappelle l’article 3 de cette même loi, le cadre juridique de droit commun leur est applicable.
Cette analyse est partagée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui résume cet enjeu de la façon suivante : « en première analyse, et sauf cas particulier, faire la promotion de ses propres produits ou services ne [rentre] pas dans le cadre de cette définition. En revanche, une telle promotion reste une pratique commerciale et donc reste soumise à l’interdiction des pratiques commerciales trompeuses. Il faut donc que l’influenceur soit clair, notamment, sur le fait qu’il réalise la promotion de ses propres produits ou services » ([56]).
Le régime fiscal applicable aux cadeaux de faible valeur adressés par des marques aux influenceurs
Vos rapporteurs ont constaté, lors de leurs auditions, que des interrogations existent quant au régime fiscal applicable à l’activité d’influence commerciale.
Entendue par vos rapporteurs, l’UMICC a estimé que la loi du 9 juin 2023 était susceptible de créer une insécurité fiscale, en raison, selon son analyse, de la disproportion de traitement entre « petits » et « grands » influenceurs.
À ce titre, le principal grief rapporté par l’UMICC concerne les produits reçus par les influenceurs, que ces produits soient directement ou non destinés à faire l’objet d’une activité d’influence rémunérée. En l’état du droit, tous ces produits doivent être déclarés en tant qu’avantages en nature, y compris lorsqu’ils consistent en des « cadeaux », et donc ne constituent pas, en soi, des « outils professionnels » susceptibles d’être vecteurs d’une opération d’influence rémunérée. Selon l’UMICC, cette situation est préjudiciable aux influenceurs, qui dans l’attente d’une clarification, n’accepteraient plus de recevoir et de faire usage de quelques biens adressés par des marques, quels qu’ils soient.
Sur ce sujet, outre l’introduction d'un mécanisme pour la valorisation fiscale des avantages en nature, permettant une distinction claire entre les cadeaux, qui feraient l’objet d’une imposition, et les outils professionnels, qui en seraient exclus, l’UMICC plaide plus largement pour la mise en place d’un système de déclaration spécifique aux activités d’influence.
Interrogée par vos rapporteurs, la direction générale des finances publiques (DGFIP) a indiqué que, sur le plan fiscal, il n’était, à l’heure actuelle, pas envisagé de créer un régime dérogatoire à celui des prestations de services, spécifiquement pour les activités d’influence. La DGFIP estime qu’il n’existe pas, en effet, de raisons suffisantes pour que les avantages en nature reçus par les influenceurs, quels qu’ils soient, dérogent au régime BIC/BNC, selon lequel le don en nature fait l’objet d’une imposition dès le premier euro déclaré ([57]).
La définition du seuil de contractualisation
Enfin, vos rapporteurs ont pris connaissance d’une attente forte concernant la définition du seuil en-dessous duquel l’obligation de formaliser par écrit la relation contractuelle liant un influenceur avec son agent et son annonceur n’est pas applicable.
Sur ce sujet, l’UMICC propose ainsi de fixer le seuil réglementaire pour la contractualisation à 500 euros par « opération commerciale » et « d’indiquer la valeur de l’avantage en nature dans le contrat » afin d’informer les influenceurs de ce qu’ils devront déclarer et d’éviter tout litige avec l’administration fiscale.
Interrogée par vos rapporteurs, la DGFIP estime que ce seuil est beaucoup trop élevé pour être efficace. Vos rapporteurs partagent cette analyse.
En tout état de cause, le Gouvernement a indiqué à vos rapporteurs que la rédaction du décret concerné n’était pas achevée, pour les raisons précédemment évoquées. Celle-ci devra intervenir en co-construction avec l’ensemble des parties prenantes, afin de trouver le seuil le plus adapté.
En l’état actuel des choses, vos rapporteurs considèrent qu’il convient de privilégier l’application de « l’esprit de la loi » : la contractualisation protège en effet les influenceurs des mauvaises pratiques et doit être utilisée le plus possible.
Une anticipation nÉcessaire des Évolutions des pratiques des influenceurs afin de conserver une rÉgulation efficace
La régulation des « matchs » TikTok
Les « matchs » TikTok constituent des contenus publiés sur le réseau social éponyme pendant lesquels deux influenceurs se livrent à un « conflit de notoriété » en appelant les internautes à leur adresser en direct des cadeaux en ligne afin de faire monter leur score et de « remporter le match ». Ces cadeaux sont achetés sur la plateforme par les utilisateurs, via l’acquisition d’une monnaie particulière.
L’essor de ces pratiques est manifeste. Il a également été confirmé par les représentants de la plateforme, lors de leur audition. Cet essor s’explique notamment par un effet de déport de certains influenceurs, dont le modèle économique illégal a été fortement compromis à la suite de l’adoption de la loi n° 2023-451.
La régulation des « matchs » TikTok est donc un enjeu essentiel afin d’éviter ces effets de « reconversion » d’influenceurs ne souhaitant pas « respecter les règles ». Elle est également utile au regard de la nature particulière de ce phénomène. En effet, l’audience de TikTok est relativement récente, d’une part, et la pratique d’envoi de cadeaux lors de la publication d’un contenu en direct (live) interroge sur le consentement réel des utilisateurs.
L’audition de Tik Tok par vos rapporteurs a permis de confirmer le caractère extrêmement rémunérateur des « matchs » pour les influenceurs, ainsi que pour la plateforme, qui touche une commission dans ce cadre.
Sensibilisée à cette question, la DGCCRF a indiqué à vos rapporteurs travailler sur ce sujet, mais ne disposer, en l’état, que d’éléments d’analyse préliminaires. La DGCCRF réfléchit ainsi à retenir, le cas échéant, la qualification de pratique commerciale trompeuse, au sens de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relatives aux pratiques commerciales déloyales (PCD). Cette directive définit en effet les « pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs » comme étant « toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs » ([58]).
Il apparaît que les éléments constitutifs des « matchs » TikTok pourraient en effet entrer au sein de cette définition.
Il existe, d’abord, bel et bien une relation commerciale entre la plateforme, l’influenceur et l’internaute, dans la mesure où ce dernier, afin de pouvoir envoyer des cadeaux, doit acheter des pièces virtuelles sur la plateforme. Ainsi que le relève la DGCCRF « il y a [donc] bien un contrat d’achat de « monnaie virtuelle » entre le consommateur et TikTok qui est encadré par le droit de la consommation comprenant notamment des obligations d’informations précontractuelles » ([59]).
En outre, la DGCCRF relève, que les « matchs » TikTok consistent également « en une « conduite » ou « démarche » de la part d’un influenceur proposant un service de divertissement en incitant les abonnés à lui envoyer des cadeaux virtuels (objets virtuels prenant la forme de rose, coffres-forts, animaux, etc…), lesquels ont une valeur marchande puisque pour les obtenir il faut acheter un certain nombre de pièces virtuelles (un cadeau correspond à un nombre de pièces pré définies) ». Elle estime donc que « si des influenceurs incitent directement les consommateurs à envoyer des cadeaux virtuels, cette action pourrait être qualifiée de pratique commerciale et donc, de fait, soumise à la règlementation sur les pratiques commerciales déloyales » ([60]).
Vos rapporteurs considèrent que l’étude de ces pistes est primordiale afin d’agir rapidement contre ce phénomène. Votre rapporteur, Arthur Delaporte, avait d’ailleurs déposé, à ce sujet, un amendement visant à réguler ces pratiques dans le cadre de l’examen en séance publique, devant l’Assemblée nationale, du projet de loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique (SREN) ([61]).
Recommandation n° 11 : Étudier la mise en œuvre d’un dispositif de régulation spécifique permettant d’encadrer plus fortement certaines pratiques numériques, comme les « matchs » TikTok, afin de garantir la protection des utilisateurs et notamment des mineurs.
Les voies de contournement que peuvent constituer les services de communication interpersonnelle.
Une seconde pratique permet de contourner la mise en place d’une régulation au niveau national et européen des contenus diffusés sur les plateformes numériques : le recours aux systèmes de messageries, qui ne sont pas soumis au même régime que les plateformes.
En effet, ces messageries instantanées bénéficient, en droit, de la protection relative aux correspondances privées et n’entrent pas dans le champ de régulation du règlement sur les services numériques. Ce dernier, qui est entré en vigueur le 17 février 2024, ne concerne en effet que les plateformes numériques.
Son considérant n° 17 rappelle ainsi, en ce sens, que « les services de communication interpersonnelle, tels qu’ils sont définis dans la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil, comme les courriels ou les services de messagerie privée, ne relèvent pas du champ d’application de la définition des plateformes en ligne car ils sont utilisés pour la communication interpersonnelle entre un nombre fini de personnes, déterminé par l’émetteur de la communication » ([62]).
Or, il apparaît, à l’issue des auditions menées, que de nombreux influenceurs utilisent des services de communication interpersonnelle comme Telegram afin de contourner le respect des obligations prévues au sein du règlement sur les services numériques et de la loi n° 2023-451. Il est aisé, en effet, de retrouver, sur les plateformes, des contenus contrevenant à l’encadrement de la promotion des conseils financiers ou des jeux d’argent. Ces conseils apparaissent souvent assortis d’un lien menant, par exemple, vers un groupe Telegram où les participants peuvent suivre les conseils fournis par le propriétaire de ce canal.
Ces éléments amènent vos rapporteurs à considérer, en l’espèce, que ces services de messagerie sont détournés de leur usage et devraient être régulés, en conséquence, plus fortement, exclusivement concernant ce type d’usages.
Dans ce cadre, il apparaît indispensable de mobiliser toutes les marges offertes par le règlement sur les services numériques, qui prévoit une exception à l’exclusion de son champ des services de communication interpersonnelle, en indiquant que « les obligations prévues dans le présent règlement pour les fournisseurs de plateformes en ligne peuvent s’appliquer à des services qui permettent de mettre des informations à la disposition d’un nombre potentiellement illimité de destinataires, non déterminé par l’émetteur de la communication, notamment par l’intermédiaire de groupes publics ou de canaux ouverts » ([63]).
A minima, dans un premier temps, doit être envisagé le renforcement de la vigilance des plateformes vis-à-vis des contenus entrant dans le champ d’application de la loi n° 2023-451 et comprenant un ou des liens renvoyant vers des messageries privées.
La régulation des plateformes plus thématiques, comme MYM ou Onlyfans.
Dans le cadre de la présente mission, vos rapporteurs ont souhaité auditionner les représentants des plateformes MyM et OnlyFans. Ils regrettent, à cet égard, que seuls les représentants de la première plateforme précitée aient accepté de participer à cet échange.
MyM est une start-up française et une plateforme qui permet à des créateurs de contenus de valoriser leur travail, à travers un système d’abonnements payants auxquels souscrivent les utilisateurs. Cette plateforme réunit 14 millions d’utilisateurs et 350 000 créateurs de contenus.
Interrogés par vos rapporteurs, les représentants de Mym ont indiqué que leur plateforme était « globalement peu concernée » par les nouvelles obligations de la loi n° 2023-451 dans la mesure où « peu, voire aucun influenceur » n’utilise la plateforme comme relais de communication. Ils estiment, en effet, que cette pratique serait « contraire à la philosophie de la plateforme » selon laquelle « les abonnés payent pour avoir un accès exclusif aux contenus de leurs créateurs, qui se détournent justement du modèle de l’influenceur type avec des partenariats avec des marques ». Dans ces conditions, « faire de la publicité sur MyM [reviendrait] à faire payer ses abonnés pour avoir accès à de la publicité, ce qui est contre-productif » ([64]).
Vos rapporteurs estiment néanmoins que les pouvoirs publics doivent faire preuve de vigilance quant au contournement possible des règles par certains influenceurs via le recours à ce type de plateformes. Ils ont déjà observé des contenus renvoyant explicitement à d’autres réseaux sociaux et enfreignant les règles en vigueur. Ils constatent néanmoins que ce phénomène est relativement limité à cette heure, ou qu’il fait l’objet à ce stade de signalements limités. Interrogée sur ce sujet, la DGCCRF a ainsi indiqué que « MYM a fait l’objet de 4 signalements pour des achats sur internet mais aucun concernant des influenceurs [et]qu’OnlyFans n’a fait l’objet d’aucun signalement » ([65]).
Vos rapporteurs remercient l’ensemble des acteurs étatiques et privés qui ont pris le temps d’échanger avec eux pour ce rapport d’application de la loi « Influenceurs », intervenant six mois après son entrée en vigueur.
Ils remercient l’ensemble des services de l’État, et en particulier les agents de la DGCCRF, des plateformes Pharos et Thésée pour leur engagement à défendre un internet plus sûr et plus protecteur des citoyens. Ces agents travaillent avec abnégation et un sens aigu du service public et de l’intérêt commun. Notre devoir est de leur accorder des moyens à la hauteur de l’importance de leurs missions et de nous assurer, plus largement, que l’État poursuive sa montée en puissance et en compétence pour répondre aux défis posés par les mutations du numérique. La loi « Influenceurs », brique supplémentaire d’une série de textes qui ont pour vocation de renforcer l’arsenal législatif afin de mieux contrôler et lutter contre les dérives en ligne, modèle à l’international, sera pleinement un succès quand l’Union européenne se sera dotée de mécanismes équivalents de protection des consommateurs. Vos rapporteurs comptent sur l’Assemblée nationale pour poursuivre, en lien avec l’ensemble des acteurs, ce travail nécessaire.
Lors de sa réunion du 13 mars 2024, la commission a approuvé la publication du présent rapport d’information.
Cette réunion n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. La vidéo est disponible à l’adresse suivante :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Par ordre chronologique
Autorité de régulation des professionnels de la publicité (ARPP) *
M. Stéphane Martin, directeur général
M. Mohamed Mansouri, directeur délégué
Mme Magali Jalade, directrice des affaires juridiques et publiques
Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM)
Mme Laurence Pécaut-Rivolier, membre du collège de l’ARCOM
Mme Lucile Petit, directrice des plateformes en ligne
M. Jérémy Bonan, directeur adjoint des plateformes en ligne
Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenu (UMICC)
Mme Carine Fernandez, présidente
Mme Bénédicte Joubert de Kersauson, déléguée générale
Autorité nationale des jeux (ANJ)
Mme Eléonore Camilleri, responsable des affaires juridiques
M. Corentin Segalen, responsable des relations institutionnelles
MYM
M. Gauthier Lapeyronnie, chief Operating Officer
M. Paul Benelli, chief Legal Officer
Audition conjointe :
Méta *
Mme Béatrice Œuvrard, directrice des affaires publiques
Mme Pauline Faron, responsable des affaires juridiques
Youtube *
M. Thibault Guiroy, directeur des affaires publiques
M. Nicolas Fruhinsholz, responsable juridique
Snapchat
Mme Sarah Bouchahoua, responsable des affaires publiques France
Tiktok *
M. Éric Garandeau, directeur relations institutionnelles et affaires publiques France
M. Louis Ehrmann, public policy analyst France
Audition conjointe :
Direction générale des entreprises (DGE)
M. Damien Caillou, chef de projet, pôle de régulation des plateformes numériques (PEREN)
Mme Léa Le Galiard, directrice de projet en droit des affaires
Direction générale des finances publiques (DGFIP)
M. Frédéric Iannucci, chef du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal
Union des marques (UM) *
Mme Laureline L'Honnen Frossard, directrice des affaires publiques et juridiques
Mme Fadoua Qachri, responsable des relations institutionnelles
Mme Léa Burlaud, chargée de mission affaires publiques
Déplacements :
Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)
Mme Sarah Lacoche, directrice
M. Thomas Pillot, chef de service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés
Mme Nadine Mouy, sous-directrice « services, réseaux et numérique »
M. Paul-Emmanuel Piel, chef du bureau « médias, communication électronique, culture »
M. Loïc Thiao-Layel, son adjoint
M. Philippe Guillermin, chef du bureau « droit de la consommation »
Mme Marie Suderie, adjointe au directeur de cabinet
M. Guillaume Defillon, chef du bureau « organisation, innovation et numérique »
M. Laurent Cadillon, chef de la cellule numérique de notre service national des enquêtes
Office française de lutte contre la cybercriminalité (OFAC)
M. Nicolas Guidoux, chef
Mme Cécile Augeraud, cheffe-adjointe
M. Sylvain James, directeur de la plateforme Thésée
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.
([1]) Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.
([2]) Étude Reech « Les influenceurs et les marques », 2024.
([3]) Contribution écrite de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
([4]) Guide de bonne conduite – Influence commerciale – L’essentiel de vos droits et devoirs pour votre activité d’influence commerciale, décembre 2023.
([5]) Contribution écrite de l’UMICC.
([6]) Ibid.
([7]) Ibid.
([8]) Contribution écrite de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
([9]) L’ARPP mène notamment des actions visant à faire « la pédagogie » de la loi du 9 juin 2023 auprès de ses membres, via son service « Conseils avant diffusion » et ses formations à destination des acteurs du secteur.
([10]) Contribution écrite de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
([11]) Ibid.
([12]) Sont considérés comme non conformes, les contenus qui ne sont ni conformes, ni améliorables.
([13]) Les créateurs « certifiés » encourent le retrait de celui-ci en cas de non-respect des règles.
([14]) Contribution écrite de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
([15]) Contribution écrite de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
([16]) Ibid.
([17]) Ibid.
([18]) Ibid.
([19]) Contribution écrite de la direction générale des entreprises.
([20]) Ibid.
([21]) Le niveau de précision de la mention de l’intention commerciale a été inscrit dans la loi à l’initiative de la rapporteure au Sénat.
([22]) Il s’agit de l’ordonnance devant être publiée en cas d’adoption définitive du projet de loi « DDADUE ».
([23]) Contribution écrite de la direction générale des entreprises.
([24]) Directive 2015/1535 du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information44(*), dite « directive SMTD ».
([25]) Technical Régulation Informations System. Cette plateforme permet au Gouvernement de notifier les projets de règles techniques entrant dans le champ d’application de la directive SMTD.
([26]) Contribution écrite de la Commission européenne.
([27]) Contribution écrite de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
([28]) Ibid.
([29]) Projet de loi n° 2041, adopté par le Sénat portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole.
([30]) Loi n° 2023-566 du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne.
([31]) Lettre d’observations de la Commission européenne adressée au Gouvernement le 14 août 2023.
([32]) Contribution écrite de la Commission européenne.
([33]) Contribution écrite de la Commission européenne.
([34]) Lettre d’observations de la Commission européenne adressée au Gouvernement le 14 août 2023.
([35]) Contribution écrite de la Commission européenne.
([36]) Règlement (UE) 2022/2065 du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques.
([37]) Lettre d’observations de la Commission européenne adressée au Gouvernement le 14 août 2023.
([38]) Ibid.
([39]) Contribution écrite de la Commission européenne.
([40]) Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil.
([41]) Contribution écrite de la Commission européenne.
([42]) Ibid.
([43]) Article 3 de la directive e-commerce.
([44]) Contribution écrite de la direction générale des entreprises.
([45]) CJUE, arrêt du 9 novembre 2023, affaire C-376/22 Google Ireland Limited, Meta Platformes Ireland Limite Tik Tok Technology Limited contre Kommunikationsbehörde Austria.
([46]) CJUE, arrêt du 9 novembre 2023, affaire C-376/22.
([47]) Contribution écrite de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
([48]) Ibid.
([49]) Ibid.
([50]) Contribution écrite de la DGCCRF.
([51]) Ibid.
([52]) Contribution écrite de la DGCCRF.
([53]) Contribution écrite de l’UMICC.
([54]) Ibid.
([55]) Article 1er de la loi n° 2023-451.
([56]) Contribution écrite de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
([57]) Conformément aux dispositions de l’article 13 du code général des impôts.
([58]) Contribution écrite de la DGCCRF.
([59]) Ibid.
([60]) Contribution écrite de la DGCCRF.
([61]) Amendement n° 897 déposé sur le projet de loi SREN en séance publique.
([62]) Considérant 17 du règlement sur les services numériques (RSN).
([63]) Considérant 17 du règlement sur les services numériques (RSN).
([64]) Contribution écrite de MyM.
([65]) Contribution écrite de la DGCCRF.