N° 2341
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mars 2024
RAPPORT D’INFORMATION
FAIT
AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
ET À LA DÉCENTRALISATION
SUR LES POLITIQUES DE REDYNAMISATION
DES VILLES PETITES OU MOYENNES ET DE LA RURALITÉ
À LA SUITE DES RENCONTRES ORGANISÉES LE 1ER FÉVRIER 2024 PAR LA DÉLÉGATION
PAR
M. David VALENCE
Député
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SOMMAIRE
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Pages
AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION
M. GIL AVÉROUS, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION VILLES DE FRANCE
MME CATHERINE DÉMIER, PRÉSIDENTE DE LA 5ème CHAMBRE DE LA COUR DES COMPTES
M. THIERRY MANDON, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL NATIONAL DU COMMERCE
M. XAVIER DESJARDINS, PROFESSEUR D’URBANISME ET AMÉNAGEMENT DE L’ESPACE À SORBONNE UNIVERSITÉ
M. CHRISTOPHE BOUILLON, PRÉSIDENT DE L’AGENCE NATIONALE DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES (ANCT)
M. MICHEL FOURNIER, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES MAIRES RURAUX DE FRANCE (AMRF)
MME FLORENCE LERIQUE, PROFESSEURE DE DROIT PUBLIC À L’UNIVERSITÉ BORDEAUX-MONTAIGNE
M. OLIVIER SICHEL, DIRECTEUR DE LA BANQUE DES TERRITOIRES
INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES
1. Le positionnement du maire au cœur du dispositif est un atout essentiel du programme ACV
A. Le prolongement d’ACV au travers des programmes petites villes de demain et villages d’avenir
B. les conditions de réussite des nouveaux programmes de revitalisation
2. L’accompagnement financier des projets pourrait, dans certains cas, être renforcé
3. La temporalité des projets ne s’accorde pas toujours avec celle envisagée au niveau national
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AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION
À rebours de la sinistrose véhiculée par les constats alarmants sur « les nouveaux déserts français » et les « centres-villes à vendre » ([1]) relayés par les médias dans les années 2010, les initiatives se sont multipliées depuis quelques années pour faire « revivre » les centres-villes des villes petites et moyennes partout en France : retour des cafés et restaurants dans le cœur historique de Châteauroux dans l’Indre, création de nouvelles halles dédiées au commerce à Saint-Dizier, d’un service gratuit de transport électrique urbain et d’un cinéma dans une ancienne halle à tabac à Saverne dans le Bas-Rhin, d’un tiers lieu culturel et touristique en lieu et place d’une friche administrative à Saint-Dié-des-Vosges : ces réalisations ont en commun de s’inscrire dans le cadre du programme national Action Cœur de ville (ACV).
Ce dernier doit beaucoup aux intuitions de Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires en 2017-2018 et longtemps élu de la ville d’Aurillac, dont il a présidé la communauté d’agglomération. Les étapes de lancement d’Action Cœur de Ville sont bien connues, du discours du Premier ministre Édouard Philippe à Cahors le 14 décembre 2017 au lancement officiel par le président de la République à Saint-Dié-des-Vosges le 18 avril 2018, en passant par l’annonce des communes retenues quelques semaines plus tôt.
L’ambition affichée était de « faciliter le retour des commerces au centre‑ville », de « rendre la ville plus confortable, plus adaptée aux usages contemporains, plus accessible et plus belle aussi ». Il était permis d’y entendre un écho aux mots d’Eugène Claudius-Petit, ministre de la reconstruction et de l’urbanisme, en février 1950, qui défendait l’idée d’un plan national d’aménagement du territoire destiné à « donner aux hommes de meilleures conditions d’habitat, de travail, de plus grandes facilités de loisirs et de culture » au travers d’une « meilleure répartition » des populations et des activités économiques sur le territoire français ([2]).
Bien évidemment, si l’ambition est similaire, les moyens de lui donner corps depuis 2018 ne sont plus ceux de l’époque, parfois excessivement idéalisée, où la puissante Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) concevait directement le programme de désenclavement routier de la Bretagne, dénommé « plan routier breton » ([3]). Les grandes lois de décentralisation des années 1980 ont conduit à l’émergence de « pouvoirs locaux » sans lesquels aucune politique publique de proximité n’est possible. C’est précisément le rôle central des élus locaux dans le processus décisionnel qui constitue la « marque de fabrique » du programme ACV et est incontestablement à l’origine de son succès.
Les 3èmes Rencontres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ont confirmé la satisfaction unanime des acteurs locaux et nationaux vis-à-vis de l’approche résolument décentralisée des nouveaux programmes de redynamisation : ce sont les élus qui définissent eux-mêmes et mettent en œuvre leurs projets, l’État ne venant qu’en appui des initiatives de terrain. À « contre-emploi » de ses interventions, plus souvent critiques que laudatives, la Cour des comptes a ainsi salué dans un rapport de 2022 la « réelle dynamique » insufflée par le programme ACV « en facilitant le développement de projets structurants portés par les maires. » ([4])
Cette logique partenariale et décentralisée a été déclinée dans les programmes Petites villes de demain (PVD) et Villages d’avenir qui, comme l’a rappelé le président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), sont les « héritiers » du dispositif ACV en 2020 et en 2023. En dépit de leurs différences, ces deux programmes visent bien à faire bénéficier de ces nouveaux modes d’accompagnement les petites villes et les communes rurales qui n’entraient pas dans la maille démographique définie pour ACV ([5]).
Les nouvelles politiques publiques ont amené l’État à se « redéployer » au service des territoires. Sommés de fournir un soutien financier et une aide technique à des projets conçus par les collectivités, les opérateurs nationaux se sont restructurés pour être au plus près des acteurs locaux. M. Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des dépôts et consignations, a ainsi rappelé lors des Rencontres l’intérêt qu’a constitué l’émergence, en 2018, d’une direction spécialisée dans les prêts aux collectivités sous le nom de « Banque des territoires ». On ne peut que se féliciter que les décisions d’octroi de financements se prennent désormais au niveau de « directeurs territoriaux » et non plus au siège parisien de la CDC.
Au-delà des opérateurs traditionnels de l’État, c’est bien la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) le 1er janvier 2020 qui symbolise le mieux le « retour de l’État » en matière d’aménagement du territoire. Issue du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) et de deux établissements publics ([6]), l’ANCT est explicitement chargée de « conseiller et soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans la conception, la définition et la mise en œuvre de leurs projets, notamment en faveur de […] la revitalisation, notamment commerciale et artisanale, des centres-villes et centres‑bourgs » ([7]). La naissance de cette agence peut donc être considérée comme la suite logique du programme ACV.
Les Rencontres ont, ainsi, permis de conforter le rôle de l’ANCT et des autres opérateurs de l’État dans l’accès des collectivités à des ressources en ingénierie, c’est-à-dire aux compétences techniques, juridiques ou financières leur permettant d’identifier leurs besoins, de diriger la maîtrise d’ouvrage, d’optimiser les financements et in fine de mener leurs projets jusqu’à leur terme. La « cartographie » de l’ingénierie mise en ligne sur le site de l’agence montre que les territoires sont loin d’être dépourvus de capacités d’ingénierie et que, parfois, il suffit simplement de savoir où aller les chercher.
Naturellement, l’État ne doit pas et ne peut pas tout faire. En particulier, il n’a pas la légitimité de définir à la place des élus le projet de territoire dans lequel doit s’inscrire logiquement toute opération de redynamisation. Or, un projet de territoire a vocation à être défini à une échelle pertinente, qui est souvent celle de l’intercommunalité. C’est à ce niveau que les actions acquièrent une cohérence d’ensemble et que les moyens peuvent être mutualisés au profit de tous, y compris de communes non éligibles aux programmes de revitalisation. Les maires peuvent également y trouver des ressources complémentaires utiles à la mobilisation d’une « ingénierie de proximité ».
La place des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans la définition et la mise en œuvre des actions éligibles aux programmes d’aménagement du territoire a fait l’objet de débats lors des Rencontres. Les exemples de Castillon-la-Bataille en Gironde et de la Ferté-Saint-Aubin dans le Loiret, évoqués en réunion, illustrent tout l’intérêt qui s’attache à l’implication de l’intercommunalité. J’ai la ferme conviction qu’il s’agit là d’une condition essentielle de réussite des nouvelles politiques de revitalisation : l’intervention des EPCI me paraît, dès lors, devoir être systématisée, en particulier dans les territoires ruraux qui ont besoin d’un relais pour négocier avec l’État territorial. Ainsi, il pourrait être utile d’inciter les communes éligibles au programme Villages d’avenir à s’engager dans la voie d’une opération de revitalisation du territoire (ORT) avec leur EPCI.
Par ailleurs, les Rencontres ont permis d’identifier quelques faiblesses qu’il conviendra de porter à l’attention du Gouvernement lors des prochaines échéances législatives, notamment lors de l’élaboration du prochain projet de loi de finances.
La première d’entre elles, mise en avant par M. Xavier Desjardins, professeur d’urbanisme et aménagement de l’espace à Sorbonne‑Université, réside dans l’approche par strate démographique adoptée lors du lancement du programme ACV en 2018, et reproduite en 2020 avec PVD puis en 2023 avec Villages d’avenir. Une telle classification revient à appliquer un même dispositif à des communes situées dans des bassins de vie différents. De toute évidence, les communes de Longwy (Meurthe-et-Moselle), Bayonne (Pyrénées-Orientales) ou Trappes (Yvelines), dont les moyens et les caractéristiques socio-culturelles diffèrent profondément, n’ont pas les mêmes besoins. Elles sont pourtant regroupées dans le même dispositif en raison de leur population, dont le niveau est similaire ([8]).
L’intérêt même des politiques d’aménagement du territoire des Trente glorieuses résidait précisément dans l’approche spatiale des problèmes à résoudre. Il y a là, à mon avis, un axe de réflexion autour duquel pourrait se concevoir une prochaine évolution des programmes de revitalisation.
La seconde difficulté est paradoxalement une des conséquences du succès rencontré par ces programmes. Comme l’ont souligné de nombreux intervenants lors des Rencontres, de plus en plus de communes souhaitent bénéficier de ces dispositifs, ce qui crée d’autant plus de frustrations lorsque cela n’est pas possible. Le Gouvernement peut, dès lors, être tenté d’élargir le nombre de territoires éligibles ainsi que les champs d’action couverts. Au-delà de la redynamisation des centres-villes, les programmes évoquent aujourd’hui d’autres thématiques, telles que la transition écologique, l’adaptation au vieillissement de la population et même, dans certains cas, la tranquillité publique. Pour légitimes qu’ils soient, l’extension du champ d’action des programmes à ces sujets témoigne d’une tendance à la dilution des moyens mis en œuvre sur des dispositifs qui ont fondé, au contraire, leur succès sur une « force de frappe » ciblée.
D’un point de vue plus général, la temporalité des programmes de revitalisation me paraît devoir être ajustée au plus près de celle des projets financés. La perspective du « temps long » plaide clairement en faveur d’un prolongement de ces dispositifs au-delà de l’échéance de 2026 actuellement prévue pour leur achèvement.
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OUVERTURE PAR M. DAVID VALENCE, PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET À LA DÉCENTRALISATION
Je suis heureux de vous accueillir dans cette salle qui porte le nom d’un grand poète, mais aussi d’un grand parlementaire du 19ème siècle, Alphonse de Lamartine, à l’occasion de ces 3èmes Rencontres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale qui sera consacrée aux politiques de redynamisation des villes petites ou moyennes et de la ruralité.
À l’instar des deux précédentes éditions, les Rencontres qui nous rassemblent ce matin sont structurées autour de deux questions précises. La première table ronde sera destinée à établir une forme de « pré-bilan » d’Action Cœur de ville (ACV), programme lancé le 18 avril 2018 par le président de la République lors d’un déplacement à Saint-Dié-des-Vosges, ville dont j’étais à l’époque le maire. Ce bilan doit nous permettre de déterminer si ce programme a initié, en quelque sorte, un retour de l’aménagement du territoire. La seconde table ronde sera consacrée aux deux programmes Petites villes de demain (PVD) et Villages d’avenir. Le premier a été lancé il y a quelques temps déjà, en octobre 2020, mais beaucoup de villes participantes sont encore au stade de la finalisation des conventions ; le second a été annoncé l’année dernière dans le cadre du plan France Ruralités. Pour chacune de ces tables rondes, nous avons invité quatre experts qui partageront avec nous leurs connaissances et leurs visions sur ces programmes de redynamisation des territoires, et avec qui nous pourrons ensuite avoir un dialogue, l’objectif étant de voir émerger des propositions utiles pour mieux évaluer ces programmes et les corriger, les réformer ou les réorienter si nécessaire, que ces propositions soient d’ordre législatif ou règlementaire.
Je souhaite tout d’abord remercier M. Fabien Genet, sénateur de Saône‑et‑Loire et vice-président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat. C’est un peu inhabituel mais je tenais à ouvrir ces Rencontres en étant accompagné par un collègue de la Chambre Haute, afin de témoigner, non seulement des très bonnes relations que nous entretenons avec la délégation sénatoriale et sa présidente, Mme Françoise Gatel, mais aussi de la nécessité qui est la nôtre de travailler ensemble avec nos différentes sensibilités. La délégation de l’Assemblée nationale a longtemps eu une approche plus « budgétaire » que celle du Sénat, qui est très sensible aux compétences et à la « capacité à faire » mais il me semble qu’aujourd’hui, nos préoccupations se rejoignent et que nos travaux sont complémentaires. La délégation du Sénat s’est également investie dans l’évaluation des politiques publiques et de revitalisation des territoires, mais aussi dans celle de la masse de normes dont se plaignent nombre d’élus locaux.
Je veux également remercier les associations d’élus qui sont représentées ce matin, notamment Mme Constance de Pélichy, maire de La Ferté Saint-Aubin et M. Frédéric Chéreau, maire de Douai, pour l’Association des maires et présidents d’intercommunalité de France (AMF) et M. Christophe Martins, président de Montfort communauté, pour Intercommunalités de France. Nous accueillons également M. Michel Fournier, président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), acteur engagé du programme Villages d’avenir et – ce qui ne gâche rien – maire d’une commune de mon département des Vosges.
Rappelons le contexte de ces Rencontres.
Il y a six ans, le Gouvernement a initié le programme ACV avec pour objectif – il est important de revenir à la lettre de l’instruction ministérielle du 10 janvier 2018 qui traduit l’intention de l’exécutif – la revitalisation des centres-villes afin de lutter contre les fractures territoriales. Il s’agissait de répondre à une demande exprimée par les élus locaux depuis plusieurs années, et il faut saluer à cet égard le rôle qu’a joué à cette époque la Fédération des villes moyennes, devenue Villes de France, sous l’impulsion de sa présidente d’alors, Mme Caroline Cayeux, pour que cette préoccupation des villes moyennes soit inscrite à l’agenda de l’exécutif. Je le dis d’autant plus volontiers que j’ai été maire d’une ville qui accueille un festival international de géographie chaque année : lorsque l’on observe la réalité de l’espace français, il est frappant de constater que le territoire de notre pays est, à la différence de celui de l’Allemagne, de l’Italie, de la Belgique ou de l’Espagne par exemple, maillé par un tissu de villes moyennes comme une sorte de « manteau d’étoiles dans la nuit ». En effet, historiquement, malgré un effet de rattrapage depuis une quinzaine d’années, ces villes moyennes ne sont pas structurées autour des métropoles régionales. Pour autant, une grande partie de notre vitalité économique s’est historiquement ordonnancée autour de ces villes moyennes. Celles-ci ont pu avoir le sentiment que leurs problématiques, leurs interrogations, les pertes de services publics, leurs difficultés à maintenir un tissu commercial dense, leur désindustrialisation n’étaient pas suffisamment prises en compte par les pouvoirs publics.
Cette mise à l’agenda de 2018 s’est traduite par le lancement du programme ACV qui est considéré aujourd’hui comme un succès par le plus grand nombre. Comme l’a fait de manière précise la Cour des comptes ([9]), il nous appartiendra de qualifier les raisons de cette réussite et d’en mesurer l’étendue. C’est un programme qui a d’ores et déjà mobilisé cinq milliards d’euros sur cinq ans au profit de 234 villes moyennes. Des conventions continuent d’être conclues, comme celle que vient de signer récemment la ville de Sélestat, à proximité des Vosges, dans le département du Bas-Rhin.
Non seulement le programme ACV a été prolongé pour cinq nouvelles années mais il a également inspiré d’autres programmes de revitalisation destinés aux petites villes – je salue M. Christophe Bouillon, président de l’Association des petites villes de France (APVF) et de l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT) – avec le programme Petites villes de demain (PVD) initié en 2020 sous l’impulsion de Mme Jacqueline Gourault, alors ministre des collectivités territoriales, et aux villages avec le programme Villages d’avenir lancé en 2023. Nous en sommes tous conscients : ces dispositifs ne sont pas exempts de tout défaut. Ils constituent cependant un modèle autour duquel s’organise l’action publique en faveur de la cohésion des territoires.
Une des questions auquel nous aurons à répondre est la manière dont ces programmes sont administrés et pilotés. Alors que j’échangeais il y a quelques jours avec le ministre Jacques Mézard, qui est l’un des concepteurs d’ACV, celui‑ci me confiait qu’il avait souhaité pour ACV un fonctionnement très souple et me confessait que s’il était passé par les voies régulières de l’administration centrale, il est fort probable que le programme n’aurait jamais vu le jour. C’est en effet par le biais de discussions informelles entre des opérateurs comme Action Logement et la Caisse des dépôts d’une part, et la Fédération des villes moyennes d’autre part, que ce projet a été rendu possible.
Au moment d’ouvrir ces Rencontres, on peut légitimement s’interroger sur ce que nous avons choisi d’appeler, dans leur intitulé, « un retour de l’aménagement du territoire ». C’est une expression qui, dans l’esprit de beaucoup, et je crois bien au-delà des murs de l’Assemblée nationale, fait référence à une sorte d’âge d’or, sans doute mythifié, de l’équilibre entre les territoires et de politiques volontaristes que l’on a pu mener en matière de déconcentration administrative, de décentralisation industrielle ou d’aménagement d’infrastructures dans les années 60 et 70 sous l’égide de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR), politiques publiques qui ont certainement été délaissées depuis les années 80. Je partage avec vous un échange que j’avais eu, il y a quelques années, avec mon prédécesseur au Conseil d’orientation des infrastructures (COI), M. Philippe Duron, qui préside désormais l’Institut des hautes études de développement et d’aménagement des territoires en Europe (IHEDATE). Il me disait alors : « L’aménagement du territoire, ça n’existe plus depuis très longtemps en France ! ». Les nouveaux programmes de revitalisation des territoires apportent un contredit à son constat en forme de regret.
Pour autant, ces programmes ne signifient pas une résurrection de la DATAR. Comme l’a souligné le président de la République dans son intervention prononcée lors de la Conférence nationale des territoires (CNT) du 17 juillet 2017 ([10]), l’État est invité à « tenir son rôle et à assurer une égalité des possibles et des chances […] en se tenant aussi près qu’il est possible des besoins et des attentes locales ». En quelque sorte, l’État apparaît, dans le cadre de ces programmes, comme un facilitateur plus que comme un intervenant direct même s’il y aura probablement ce matin des interrogations sur la manière dont ceux-ci s’articulent avec d’autres dispositifs publics tels que les maisons France Services. L’accès aux services publics est au cœur des préoccupations de nos politiques de revitalisation des villes petites ou moyennes. L’articulation des programmes de redynamisation avec d’autres programmes de développement territorial, tel que Territoires d’industrie ([11]) peut également susciter des questionnements.
Nos échanges de ce matin auront donc pour objectif d’évaluer et de répondre précisément à ces questions essentielles :
– la coordination entre les différents échelons de collectivités territoriales, d’opérateurs, de services de l’État est-elle efficace ?
– les moyens financiers mis au service de ces politiques publiques sont-ils suffisants ?
– au final, les résultats attendus par les territoires bénéficiaires sont-ils au rendez-vous ?
Sur la base de l’expérience d’ACV, il sera sans doute pertinent de tenter de dégager une « formule de la réussite » qui pourrait être appliquée aux deux programmes qui l’ont suivi. In fine, il appartiendra au législateur de tirer les conclusions de ces Rencontres à travers des recommandations.
La première table ronde sera consacrée au programme ACV et à son impact sur les 234 villes et centres-bourgs sélectionnés. Ce programme a-t-il contribué à « rendre la ville plus confortable, plus adaptée aux usages contemporains, plus accessible et plus belle aussi » comme le souhaitait le Premier ministre Édouard Philippe dans son discours à Cahors le 14 décembre 2017 ([12]) ?
Pour répondre à cette question, nous aurons avec nous M. Gil Avérous, maire de Châteauroux, ville emblématique du programme ACV, et président de Villes de France, association qui a largement contribué à faire émerger le besoin d’une action de l’État en faveur des villes moyennes. Dans un entretien avec Action Logement réalisé fin 2021, vous résumiez, Monsieur le président, le programme ACV par trois mots : « Rénover, habiter, dynamiser ». Votre expérience d’élu local et de président d’association vous conduira à revenir sur ce que sont les forces et les faiblesses de ce dispositif au regard des objectifs affichés.
Nous recevons également Mme Catherine Démier, présidente de la 5ème chambre de la Cour des comptes qui a publié en 2022 un rapport d’évaluation du programme ACV saluant sa gouvernance et sa cohérence d’ensemble tout en regrettant une articulation insuffisante avec les autres politiques nationales ou locales d’aménagement du territoire. Les magistrats ont également mis en évidence les difficultés qui s’attachent à la mesure de l’impact du programme sur les dynamismes des villes et centres-bourgs ciblés, notamment s’agissant du commerce. Vous partagerez avec nous, Madame la présidente, les observations de la Cour que vous pourrez actualiser, deux ans après la parution de ce rapport.
Nous accueillons M. Thierry Mandon, ancien ministre et secrétaire général du Conseil national du commerce (CNC), instance chargée de faciliter les échanges et la coopération entre les pouvoirs publics et les opérateurs du secteur du commerce afin de mieux adapter les politiques publiques aux besoins des acteurs économiques concernés. La première séance plénière du CNC, qui a eu lieu en avril 2023, a été consacrée notamment aux enjeux de la transformation des territoires et au développement du commerce dans les villes et la ruralité. Nous savons que la redynamisation de l’activité commerciale dans les centres-villes est souvent considérée comme l’un des aspects sur lesquels ACV n’aura peut-être pas permis de tenir toutes ses promesses. Vous pourrez nous dire la manière dont vous percevez cette insatisfaction qui est parfois exprimée publiquement et nous faire part du regard que portent les commerçants eux-mêmes sur ce programme.
Enfin, nous échangerons avec M. Xavier Desjardins, professeur d’urbanisme et d’aménagement de l’espace, auteur de plusieurs ouvrages de référence sur les politiques de redynamisation territoriale. Dans certaines de vos études, vous adoptez une approche comparative des politiques menées dans différents pays européens pour revitaliser des espaces considérés comme délaissés. Vous nous donnerez votre point de vue sur les aspects d’ACV qui font écho à ces dispositifs européens afin d’en faire ressortir des éléments de parangonnage positif dont nous pourrions tirer profit dans l’orientation de l’acte II d’ACV qui concerne plus spécifiquement les quartiers autour des gares et les entrées de ville.
Après cette introduction qui permet de planter le décor, je donne la parole à M. Fabien Genet, vice-président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que je remercie une nouvelle fois pour sa présence ce matin qui incarne la bonne qualité des relations de nos deux délégations.
ALLOCUTION DE M. FABIEN GENET, VICE-PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION SÉNATORIALE AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET À LA DÉCENTRALISATION
Je vous remercie pour votre invitation et votre accueil.
Comme chacun le sait, la stabilité d’une nation se joue notamment dans le développement équilibré de ces territoires et d’une cohésion entre ceux en dynamique et ceux plus en difficulté. Pourtant, cette idée simple a parfois été oubliée. C’est pourquoi le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales est très attentif à maintenir cette cohésion avec les territoires les moins en vue ou les plus isolés. Ainsi, le Sénat a été à l’initiative de la création de l’ANCT et mène, pour reprendre les termes de la présidente Françoise Gatel, « une filature bienveillante mais exigeante » sur cette agence. Sa mission est de veiller à cette cohésion grâce à des programmes d’intervention. En outre, la dévitalisation des centres‑villes et des centres-bourgs est un phénomène qui a longtemps été sous‑estimé voire nié par les pouvoirs publics. Le terme « retour de l’aménagement des territoires » dans l’intitulé de ces Rencontres démontre bien en creux cette absence.
Les travaux du Sénat et de la délégation sénatoriale ont permis d’accompagner l’ANCT dans ses missions. Celle-ci doit désormais trouver son chemin entre impulsion de l’aménagement du territoire et respect de la libre‑administration des collectivités territoriales. Les élus locaux considèrent que l’ANCT a, pour ses grands programmes ACV et PVD, une approche encore trop descendante, parfois peu attentive aux dynamiques locales. Ils attendent un appui de l’État sur les coopérations existantes plutôt que d’en relancer de nouvelles qui ont leur propre logique. Le Sénat recommande de sortir de la vision en silo induite par des programmes spécialisés. Il faut que l’État fasse plus confiance aux élus locaux et à ses propres services déconcentrés. L’ANCT est attendue sur sa capacité à faciliter l’accès à une ingénierie territoriale pérenne de proximité et à déployer une intervention respectueuse des équilibres locaux. Je citerais deux exemples : les prestations gratuites pour certaines collectivités et payantes pour d’autres, le recours à des bureaux d’études qui fournissent des prestations « copiées-collées » sans ancrage avec le territoire et sans lendemain.
La fragmentation de l’action de l’État avec la multiplication des agences interroge et peut-être nuit à l’objectif de cohésion territoriale. L’articulation des interventions entre ces agences et les services déconcentrés est à l’évidence perfectible.
La fusion de ces agences ne doit pas être une question taboue. Rappelons que le rapport de préfiguration de l’ANCT en 2018 ([13]) proposait que cette agence absorbe l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), Atout France et Business France.
S’agissant de la désertification des centres-villes et centres-bourgs, afin de lutter contre ce phénomène qui nuit à la cohésion territoriale, le Sénat a inséré des dispositions dans la loi « Elan » du 23 novembre 2018 ([14]) pour permettre l’émergence des programmes gouvernementaux dont nous parlons ce matin. Une mission d’information du Sénat ([15]) de 2022 a fait le suivi de ces programmes et reconnaît quelques apports positifs :
– les opérations de revitalisation de territoire (ORT) ([16]) qui permettent aux élus de mettre en œuvre un vrai projet global de territoire et offrent une palette d’outils juridiques et fiscaux pour renforcer l’attractivité commerciale en centre-ville et moderniser le parc de logements. Les élus que nous avons consultés estiment en majorité que l’ORT crée un espace de dialogue et de gouvernance favorable à la conduite de projets de revitalisation ;
– l’obligation pour le demandeur de produire une analyse de l’impact commercial de son projet. Cette analyse conduite par un organisme indépendant habilité par le préfet doit permettre d’évaluer les effets du projet sur l’animation, le développement économique et l’emploi de la commune et des communes limitrophes ;
– une appréciation globalement positive par les élus des programmes ACV et PVD. Ces derniers apportent une méthode pour lancer et structurer une dynamique de revitalisation locale et un financement des projets.
Pour autant, le rapport du Sénat pointe certaines frustrations : la méconnaissance et la sous-utilisation de ces dispositifs par les élus et les services déconcentrés de l’État, le fonctionnement bureaucratique et complexe des programmes, le sous-financement des projets du fait du recyclage de financements antérieurs qui n’offre ni garantie ni visibilité pluriannuelle.
Malgré l’importance des crédits, les trois-quarts du financement des projets restent à la charge des collectivités territoriales. Si le logement est une thématique bien couverte, le volet « redynamisation commerciale » reste insuffisamment développé.
Pour pallier à ces lacunes, le Sénat recommande la création d’un fonds dédié en complément de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), le renforcement du dispositif « Denormandie » ([17]) de soutien à l’habitat ancien, la création d’un outil fiscal équivalent et d’un fonds d’intervention pour le commerce.
Enfin, je voudrais apporter trois pistes de réflexion :
1° La profusion de programmes traduit une réelle prise en compte de la France rurale et périphérique et un changement de perception des villes petites ou moyennes plébiscitées pour leur qualité de vie. Toutefois, les villes concernées sont très hétérogènes : ACV regroupe ainsi Limoges, plus de 130 000 habitants, et Chinon, environ 8 000 habitants. Le Sénat plaide pour une différenciation plus forte dans l’accompagnement par l’État pour plus d’efficacité ;
2° Les objectifs obtenus de ces programmes ne sont pas aisément quantifiables. Peu de communes se sont engagées dans un processus d’évaluation. L’atteinte des objectifs n’est mesurée qu’à travers le retour de commerces et d’habitants dans les centres-villes et centres-bourgs alors qu’il faudrait se concentrer sur les dispositifs structurants permettant d’attirer également les emplois, les commerces, les services publics, les professionnels de santé, les équipements sportifs et les activités culturelles ;
3° Quel a été l’impact des 10 milliards d’euros d’argent public injectés dans ACV et PVD ? Alors que débute Villages d’avenir, comment mesurer son impact futur ?
Pour finir, je voudrais rappeler l’enthousiasme et le rôle décisif des élus locaux dans la mise en œuvre des politiques de redynamisation des territoires. La coopération inter-territoriale est une clé de la réussite des programmes. Les échanges de ce matin permettront de nourrir notre réflexion collective sur ces politiques essentielles.
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TABLE RONDE N° 1 : QUEL BILAN PEUT-ON DRESSER DE LA MISE EN ŒUVRE DU PROGRAMME ACTION cœur DE VILLE DEPUIS SON LANCEMENT EN 2018 ?
M. le président David Valence. S’agissant de la différenciation, le vice‑président Fabien Genet a raison de rappeler qu’il n’y a pas deux projets qui se ressemblent. On peut avoir le sentiment qu’il y a un cadre uniforme qui s’applique à tous les projets de redynamisation. La réalité n’est pas celle-là : l’État et les opérateurs n’ont pas été prescripteurs du contenu des projets mais beaucoup plus accompagnateurs. L’une des conditions de réussite de projets différenciés est sans doute l’implication des élus et la qualité de la coordination entre la commune, l’intercommunalité et les autres collectivités territoriales. Les régions par exemple sont particulièrement impliquées dans les OPAH-RU ([18]).
Je donne la parole à M. Gil Avérous, président de Villes de France, association qui a porté dans le débat le sujet de la redynamisation des villes moyennes. Quel bilan tirez-vous d’ACV, notamment pour les autres programmes ? Quels sont les points d’insatisfaction, je pense en particulier au commerce ? Que deviendra ce programme à son échéance en 2026 ou 2027 ?
M. GIL AVÉROUS, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION VILLES DE FRANCE
Merci d’avoir organisé ces Rencontres sur un sujet essentiel pour nos territoires et d’y avoir convié Villes de France pour dresser un bilan de la première génération des projets ACV – le deuxième acte de ce programme a débuté le 1er janvier 2023 – et dessiner des perspectives d’amélioration. Il est important d’évaluer les politiques publiques et de les adapter à la réalité.
À l’origine de ce dispositif, il y a le constat de villes moyennes en souffrance, en raison de la désindustrialisation, de l’étalement urbain, du départ des militaires et de fonctionnaires de l’État, de réformes administratives, en particulier la grande régionalisation qui a conduit à un déplacement des services publics au niveau départemental ou régional. Nous étions rentrés dans une spirale de la désespérance alors que les métropoles avaient le vent en poupe, avec le sentiment d’être déclassés, comme les territoires ruraux. Ayant été maire d’un village rural avant d’être maire de Châteauroux, je sais combien il est important d’avoir une cohésion forte entre communes petites ou moyennes et villages pour être reconnus par les pouvoirs publics.
La désertification des centres-villes était visible et contribuait à une perte de confiance de la part de nos concitoyens dans les politiques publiques. Cela a conduit les maires de la Fédération des villes moyennes, devenue Villes de France, à exprimer une volonté politique et des propositions constructives. Nous avons eu une écoute attentive de la part de la Banque des territoires, qui faisait les mêmes constats que nous, et du ministre Jacques Mézard. Il en est résulté la co‑construction d’un dispositif s’inspirant de la méthode utilisée pour le renouvellement des quartiers de la ville réunissant autour d’une table l’ensemble des acteurs concernés. Comme vous l’avez dit, Monsieur le président, le ministre Jacques Mézard a su prendre des décisions politiques fortes, par exemple, en écartant l’idée d’un échelonnement sur plusieurs années des candidatures au programme ACV et retenant le principe que tous les dossiers seraient traités en même temps. C’est important de souligner qu’il a été soutenu dans cette démarche par une volonté politique locale forte.
Il est intéressant de constater que, sur les 244 communes qui ont signé une convention ACV de première génération, une seule a souhaité ne pas s’engager dans une nouvelle convention dans le cadre de la deuxième phase. Toutes les autres ont considéré que la dynamique d’ACV était pertinente.
Pour Villes de France, le bilan est très largement positif. ACV s’est mis en place en un laps de temps très court et on a pu constater un impact significatif sur la redynamisation du commerce en centre-ville mesurée par la baisse du taux de vacance commerciale, passé de 13,7 % en 2017 à 12 % aujourd’hui. Cette évolution peut sembler modeste mais réussir à inverser une tendance qui semblait durable est déjà remarquable. Il convient de relever la grande diversité des villes au regard du taux de vacance commerciale. À Vitré (35) par exemple, il est de 5 % qui correspond à un taux incompressible. À Saint-Dizier (52), on est plutôt entre 15 et 20 %.
Pour autant, d’autres critères que le commerce sont pris en compte dans ACV, comme le logement. À Vitré, qui dispose d’un important patrimoine historique, il y a une problématique de réhabilitation de l’habitat. Le lien entre commerce et logement est d’autant plus étroit que 40 % du chiffre d’affaires du commerce est réalisé par les habitants de proximité. Si le centre-ville perd des habitants, cela se ressentira sur la vitalité commerciale qui sera difficile à rétablir. Pendant longtemps, la rentabilité commerciale a incité les propriétaires des immeubles à supprimer les appartements dans les étages pour étendre les commerces, ce qui laisse souvent aujourd’hui des espaces inoccupés qu’il faut reconquérir.
La présence de l’ANAH et d’Action Logement aux côtés de la Banque des territoires a été l’un des facteurs de la réussite d’ACV. Ainsi, Action Logement a adapté ses dispositifs en élargissant son subventionnement aux porteurs de projets privés.
Dans les centres‑villes des villes moyennes, il y a souvent des bâtiments publics à l’abandon, parfois depuis quarante ans, tels que d’anciennes écoles ou d’anciennes casernes, dont la réhabilitation coûte très cher et qui ne présentent pas de viabilité économique pour un investisseur privé, de sorte que les seuls opérateurs que l’on réussissait parfois à convaincre d’investir dans une réhabilitation immobilière étaient les bailleurs sociaux. Action Logement a permis de soutenir des projets portés par des investisseurs privés en leur donnant une rentabilité, et de restaurer du patrimoine qui était à l’abandon depuis très longtemps et pour lequel les élus désespéraient de trouver une nouvelle fonction pour leurs centres‑villes.
Pour donner quelques chiffres, 6 422 projets ont été accompagnés par ACV, soit 30 en moyenne par ville du programme, parmi lesquels 388 concernent la construction de locaux d’activité. C’est important de le souligner car la superficie des petites cellules commerciales, souvent vétustes et coûteuses à réhabiliter, est insuffisante pour accueillir des « locomotives » du commerce, des grandes enseignes. Il nous faut alors récupérer la propriété de plusieurs cellules vides. C’est un métier nouveau pour nous : celui d’aménageur du centre-ville en acquérant du foncier. C’est aussi un investissement lourd. Nous n’avons pas toujours la compétence en ingénierie dans nos services pour porter des opérations immobilières avec ce que cela implique : l’acquisition du foncier, la réhabilitation, la transformation en magasin, la recherche d’enseignes qu’il faut convaincre de venir s’installer dans une ville moyenne. D’où l’intérêt de créer une foncière immobilière pour porter le foncier hors budget municipal ou intercommunal.
Le « fonds friche » ([19]) et le « fonds vert » ([20]) ont également été décisifs, puisque 140 villes ont bénéficié du premier et 976 dossiers ont été éligibles au second pour un total de 191 millions d’euros de subventions. Ces deux dispositifs sont donc arrivés au bon moment.
La désignation du maire comme unique chef de file a été une autre clé de la réussite du programme ACV. Le principe retenu de faire du maire le « patron » du projet est cohérent avec le fait, qu’au-delà d’un cadre national, il y a autant de projets différents que de villes labellisées. Il revient donc au maire, avec son comité de pilotage, d’organiser les réunions et de coordonner les acteurs. À la différence d’autres programmes co-financés par l’État ou des projets qui doivent être validés par le comité d’engagement de l’ANRU, ACV fonctionne sur une logique partenariale. Deux autres facteurs de réussite sont le financement de l’ingénierie et le suivi de la réalisation des actions et l’intermédiation entre les acteurs qui doivent être confiés à un agent qui en a la responsabilité.
Avant d’évoquer ce qui pourrait être amélioré, je veux remercier l’ANCT qui est très à l’écoute des élus locaux et je salue le président Christophe Bouillon et le directeur général Stanislas Bourron et ses équipes. La coopération avec l’ANCT est hebdomadaire. Je rencontre régulièrement les maires pour savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Parmi les pistes d’amélioration figurent les quartiers gares. Sur ce sujet, nous sommes face à un acteur puissant, la SNCF, dont l’organisation est composée de nombreuses filiales avec des interlocuteurs qui changent souvent. Or la SNCF possède de nombreux bâtiments à l’abandon. Malheureusement, il faut entre 5 et 10 ans pour devenir propriétaire de l’emprise foncière sur laquelle la ville peut porter un projet. Les opérations de restructuration des quartiers gares sont lourdes. Nous avons besoin d’accélérer les procédures avec des prix plus réalistes de la part de la SNCF.
Il sera nécessaire d’initier une troisième génération de conventions ACV pour le commerce qui reste fragile. C’est un secteur économique qui évolue en permanence et requiert une attention de tous les instants de la part des maires. Vous avez sans doute vu en 2023 l’hécatombe des grandes enseignes nationales, notamment dans le vêtement et l’équipement à la personne, bénéficiant pourtant, le plus souvent, d’emplacements de premier ordre dans nos rues commerçantes. Il nous faut continuer à accompagner les mutations des modes de consommation. Le cas des Galeries Lafayette, en procédure de sauvegarde, est emblématique : ce sont 28 villes concernées et, à chaque fois, un immeuble entier avec une architecture imposante. Ce type de bâtiments n’est plus utilisé par les commerces aujourd’hui : les cahiers des charges imposent aujourd’hui un plateau de plain-pied avec une seule entrée pour réduire les coûts. La reconversion de tels bâtiments serait coûteuse et l’installation de petits commerces n’aurait pas la même attractivité commerciale qu’une enseigne comme les Galeries Lafayette. Il est essentiel pour nous de conserver ces grandes enseignes de centre-ville malgré la concurrence des zones commerciales périphériques. L’adaptation des commerces au changement climatique est une autre inquiétude. Beaucoup de commerces sont vieillissants, il y a besoin de faire des travaux de rénovation. Il y a un besoin de recréer un dispositif analogue au fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) ([21]) qui existait il y a quelques années. En y mettant des conditions liées à l’écologie, il permettrait d’aider les commerçants à baisser leurs charges de fonctionnement de chauffage et de climatisation
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Le président David Valence. Merci de nous avoir donné à entendre cette passion des maires rénovateurs de leur centre-ville. Je donne la parole à Madame la présidente Catherine Démier pour nous parler de l’évaluation par la Cour des comptes du programme ACV, de ses résultats concrets mais aussi de son insuffisante coordination avec les autres programmes de redynamisation.
MME CATHERINE DÉMIER, PRÉSIDENTE DE LA 5ème CHAMBRE DE LA COUR DES COMPTES
La Cour des comptes a contrôlé le programme ACV au titre des exercices 2018 à 2021 qui correspondent à sa première phase, et ses observations définitives ont été rendues publiques fin septembre 2022. Cette enquête s’inscrit dans un contrôle plus vaste des différents programmes territorialisés. La Cour a transmis à la commission des finances du Sénat en décembre dernier un rapport sur la mise en place de l’ANCT ([22]) qui sera rendu public le 14 février. Une autre enquête est en cours sur les maisons France Services qui sera rendue publique d’ici la fin du premier trimestre 2024. Nous contrôlerons prochainement les programmes PVD et Territoires d’industrie.
Les principaux constats faits par la Cour sur ACV rejoignent ceux énoncés par M. Gil Avérous. Le programme ACV, initialement prévu pour cinq ans, a été prolongé d’autant. Le président de Villes de France a fort justement rappelé le constat du déclin de l’activité et de l’attractivité des villes moyennes face au développement des métropoles comme justification du lancement de ce programme.
ACV a été conçu comme un programme ambitieux et transversal axé sur la volonté d’agir sur l’ensemble des facteurs majeurs de l’attractivité : l’habitat et le logement, le développement économique et le maintien des commerces de proximité, l’accessibilité du centre-ville et les transports, l’accès aux services publics et aux équipements, le patrimoine historique, l’offre culturelle et les loisirs.
La méthode de conduite du programme a été innovante car territorialisée, partenariale et souple dans ses modalités de déploiement. La territorialisation a permis de préserver un équilibre entre l’échelon central et l’échelon local : si les objectifs généraux sont définis par l’État, la maîtrise d’ouvrage et la mise en œuvre sont confiées aux maires avec un soutien en ingénierie. La réussite d’ACV, selon la Cour, est liée à un engagement partagé au plan local entre le corps préfectoral, notamment le sous-préfet, et le maire. ACV est donc un exemple réussi tout autant de déconcentration que de décentralisation. C’est aussi une réussite partenariale parce qu’elle repose sur un effort partagé entre l’État et les trois opérateurs, la Banque des territoires, l’ANAH et Action Logement, qui se sont engagés à financer 5 milliards d’euros dont 600 millions d’euros sur la DETR et la DSIL.
Enfin, la conduite d’ACV est souple et adaptative, comme l’ont souhaité ses concepteurs. De nouveaux outils ont été mobilisés, notamment les ORT et les territoires pilotes de sobriété foncière (TPSF) ([23]). De nouveaux partenaires sont ensuite associés au programme : le CEREMA, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA), Enedis, mais ces partenariats ne se sont pas accompagnés d’engagements financiers nouveaux.
On peut dire que les premiers résultats d’ACV sont effectivement positifs. La sélection des villes labellisées a été faite en cohérence avec les objectifs du programme. Le critère démographique a été privilégié, avec une fourchette un peu large, tempérée par le rôle de polarité ou de centralité dans un territoire donné, comme c’est le cas de certains chefs-lieux qui ont été retenus quoique la population soit inférieure à 20 000 habitants. L’analyse socio-économique montre que les communes retenues ont des situations globalement moins favorables que celles de strates équivalentes. Du fait de l’hétérogénéité des communes retenues, le choix a été fait de proposer à celles-ci un accompagnement à la carte.
ACV a permis de créer une dynamique en faveur des villes moyennes qui a facilité le développement de projets structurants portés par les maires. Il y a eu un effet d’entraînement sur les politiques locales mettant au cœur des priorités la réhabilitation des centres-villes des villes moyennes. Le label ACV est aujourd’hui reconnu et facilite le portage des opérations. En novembre 2021, nous avions réalisé un sondage qui montrait que 91 % des élus concernés étaient satisfaits dont 26 % très satisfaits.
Pour autant, des améliorations sont nécessaires.
Il faut clarifier les modalités de financement. Le financement d’ACV par les trois opérateurs historiques est significatif mais il est difficile de le retracer dans leur budget. Les crédits prévus ne sont pas toujours consacrés à des opérations entrant dans le cadre d’ACV. En sens inverse, ces opérateurs ont utilisé pour financer ACV d’autres moyens non spécifiquement fléchés. Cela milite pour un meilleur suivi de ces financements. Cette exigence dépasse le seul cadre d’ACV. Le budget de l’ANCT en 2022 était de 117 millions d’euros, ce qui ne reflète pas les budgets des dispositifs dont l’agence à la responsabilité qui se chiffrent en milliards d’euros. La Cour recommande également d’adapter le document de politique transversal (DPT) « Aménagement du territoire » pour mieux rendre compte des moyens consacrés à chacun des programmes nationaux portés par l’ANCT. Enfin, la Cour recommande de mieux mesurer la valeur ajoutée du programme ACV car les indicateurs actuellement retenus ne permettent pas d’apprécier l’effet de levier sur l’investissement des collectivités locales.
Il y a un enjeu à déterminer les effets positifs qui relèvent du programme ACV et ceux qui sont dus à d’autres changements sociétaux plus profonds entraînant un regain d’attrait pour certaines villes moyennes. Il faut aussi mieux situer la place d’ACV au sein des politiques d’aménagement du territoire qui sont nombreuses (politique de la ville, Territoires d’industries, etc.), tendent à segmenter les territoires en fonction de leurs caractéristiques (métropoles, Petites ville de demain, ZRR, etc.) et sont en concurrence, ce qui rend difficile le choix des priorités et peut générer des contradictions. Par exemple, on veut favoriser l’attractivité des villes moyennes tout en réduisant ou supprimant certaines liaisons ferroviaires.
Malgré l’accélération continue des engagements, les crédits prévus n’ont pu être intégralement engagés à fin 2022, du fait des délais nécessaires pour définir les stratégies locales et monter des dossiers souvent complexes. Le calendrier initial était trop serré. La Cour considère que la prolongation du programme jusqu’en 2026, avec une extension du périmètre aux entrées de ville et quartiers gares et à d’autres priorités comme l’adaptation au changement climatique, est pertinente. Il faut souligner cependant que la souplesse du programme ACV et son ouverture à d’autres partenaires ont pu compromettre sa lisibilité d’ensemble pour les élus. Pour cette deuxième phase d’ACV, la Cour considère qu’un équilibre doit être préservé entre une conception trop étroite ou, au contraire, trop large de la transversalité du programme, afin d’éviter qu’il ne devienne « fourre-tout ». Les communes doivent adapter leurs moyens en maîtrise d’ouvrage afin que, comme le précisait le Premier ministre Jean Castex en juillet 2021, « la prolongation ne [soit] pas un étalement de l’enveloppe actuelle ». Il s’agit de terminer en priorité les projets initiés en 2018 avant d’en lancer de nouveaux.
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Le président David Valence. Je voudrais vous remercier, Madame la présidente, d’avoir insisté sur le changement de regard de nos concitoyens à l’égard des villes moyennes, sur la confiance faite aux élus locaux et sur la souplesse du fonctionnement d’ACV avec un accompagnement a priori par les services de l’État. Vous avez rappelé que sa durée initiale était courte : cinq ans ne couvrent pas la durée d’un mandat municipal et même un projet modeste s’étale sur trois années au moins. Enfin, vous avez souligné que des crédits non fléchés ACV viennent abonder des projets ACV, ce que j’ai vécu lorsque j’étais maire. Par exemple, les crédits des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) qui viennent subventionner des projets culturels ne sont pas comptabilisés comme crédits ACV.
Nous accueillons M. Thierry Mandon avec qui nous évoquerons les difficultés et les pistes d’amélioration de la redynamisation du commerce et la manière dont les commerçants eux-mêmes jugent l’action du programme ACV et la façon dont ils s’y impliquent.
M. THIERRY MANDON, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL NATIONAL DU COMMERCE
Comme vous l’avez rappelé, le Conseil national du commerce (CNC) est une création récente, destinée à permettre, en tant qu’interlocuteur des pouvoirs publics, une meilleure prise en compte des préoccupations du monde du commerce.
La rupture des chaînes d’approvisionnement, pendant la période du covid-19, a fait prendre conscience que le monde du commerce, qui représente une part du PIB supérieure à celle de l’industrie et plus d’emplois que celle-ci, faisait l’objet de très peu de politiques publiques. Le CNC regroupe 350 acteurs, entreprises ou organisations professionnelles.
Le CNC a mis en place un groupe de travail sur l’ancrage territorial du commerce qui recouvre les problématiques traitées par ACV. Comme cela a été dit, il est difficile de quantifier précisément l’action du programme sur la baisse du taux de vacance des commerces observé dans les villes moyennes concernées. Sur 244 villes labellisées, il y a eu 163 projets de rénovation de locaux commerciaux – ce qui est assez peu – dont 59 financés sur le fonds de restructuration des locaux d’activité ([24]).
Lorsqu’on les interroge sur le programme, les commerçants nous disent que :
1° on parle enfin de stratégie commerciale au niveau local. C’est un changement culturel majeur et bienvenu ;
2° le commerce reste encore une problématique secondaire pour les élus par rapport au logement, aux transports, à l’urbanisme. Cependant, ces derniers prennent conscience de l’importance du commerce et des promesses de revitalisation que contient le programme ACV ;
3° les relations entre les responsables locaux du programme ACV et les managers du commerce sont perfectibles.
Je veux insister sur le fait que la puissance des grandes transitions qui bouleversent l’activité commerciale va impacter la place du commerce en centre-ville à moyen et long termes. Pour dire les choses plus directement, le plus dur reste à venir. La plateformisation de l’activité commerciale représente aujourd’hui en France environ 15 % du chiffre d’affaires des commerces, contre 8 % en 2018, et 25 à 30 % dans certains pays européens. Les commerçants des centres-villes sont le plus souvent insuffisamment outillés face à ces nouvelles formes d’organisation. À cela s’ajoutent, comme le soulignait le président Gil Avérous, les coûts liés à la transition énergétique qui se conjuguent avec un effondrement de la rentabilité de ces commerces, quelle que soit leur taille.
Ceci conduit à une baisse tendancielle des mètres carrés commerciaux en centre-ville qui va se poursuivre. À terme, le taux de vacance pourrait reprendre sa progression.
Ce constat fait, je peux former trois vœux pour ACV s’agissant du commerce :
1° Renforcer les outils d’accompagnement dans la transition environnementale et digitale des commerces de centre-ville. Cela peut passer par un nouveau FISAC mais il est également pertinent d’encourager, en lien avec l’ANCT, les innovations, qu’il s’agisse d’innovations technologiques, de regroupement de commerçants, de mutualisation logistique, etc. ;
2° Pousser plus loin la culture de la vision stratégique locale autour du maire et d’autres acteurs de l’intercommunalité voire de la région. Un outil pourrait être développé. Il est important d’être en capacité de gérer en termes d’aménagement la réduction programmée de la surface commerciale et sa transformation ;
3° Renforcer les outils déjà existants d’interventions lourdes tels que les foncières immobilières. Créer une foncière immobilière est un processus naturellement long. Il faut qu’elle soit dotée de moyens consistants.
Pour clore mon propos, je veux revenir sur l’extension du périmètre d’ACV vers les entrées de villes et les quartiers gares qui ne doit pas se faire au détriment des centres-villes. Les cœurs de ville ont besoin, pour le maintien de leur fonction commerciale, d’un surcroît d’investissement public.
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Le président David Valence. Vous soulignez, à juste titre, la nécessité qui s’attache à ce que les projets de revitalisation des centres-villes soient menés sur le long terme, avec une vision stratégique, à l’image des opérations programmées d’amélioration de l’habitat et de rénovation urbaine (OPAH-RU) qui permettent de mettre en cohérence plusieurs domaines d’action publique, notamment l’urbanisme et le logement, dans la durée.
J’invite, à présent, M. Xavier Desjardins, professeur d’aménagement et d’urbanisme à Sorbonne‑Université, à s’exprimer. Vous avez choisi de développer une approche comparative des politiques menées dans différents pays européens en matière d’aménagement du territoire. Parmi les conclusions que vous en avez tirées, quels sont les éléments susceptibles de compléter utilement l’évaluation du programme ACV ?
M. XAVIER DESJARDINS, PROFESSEUR D’URBANISME ET AMÉNAGEMENT DE L’ESPACE À SORBONNE UNIVERSITÉ
Par rapport aux pays européens sur lesquels j’ai travaillé, en particulier le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Pologne et l’Italie, la France se distingue par la dimension nationale de son programme de revitalisation. Dans la plupart des autres pays, les politiques d’aménagement du territoire sont traitées à l’échelon régional : en Pologne, par exemple, qui n’est pas un État fédéral, le service national compétent se contente d’effectuer des analyses et des recommandations à destination des échelons territoriaux régionaux : ceux-ci sont, ainsi, appelés à élaborer des réponses à leur niveau et non, comme en France, à répondre à un programme conçu à l’échelon national.
Le territoire français se distingue, par ailleurs, par un maillage de villes moyennes éloignées des grandes métropoles, à différence des autres pays où les villes moyennes sont les relais des pôles urbains. La fermeture d’un service de centre-ville en France a donc un impact plus important sur la vie des habitants concernés que chez nos voisins européens.
Si l’on considère l’évolution de la démographie de chaque strate urbaine entre 1961 et 2011, on peut constater que, si les variations sont diverses d’un pays à l’autre, la France se caractérise par la croissance régulière de la population de toutes les strates, tant des villes moyennes que des métropoles. À l’inverse, le Royaume-Uni voit a vu la population des métropoles de plus de 500 000 habitants décroître jusqu’en 1991 au profit, notamment, des centres urbains intermédiaires (de 100 000 à 500 000 habitants) et des villes moyennes de 10 000 à 50 000 habitants. En Allemagne, l’ensemble évolue peu jusqu’en 2011, bien que les villes moyennes aient été un peu plus dynamiques que les métropoles.
L’analyse par strate ne saurait, bien évidemment, être suffisante. L’évolution de la population des agglomérations de plus de 10 000 habitants entre 1961 et 2011 en France montre que les dynamiques démographiques sont de plus en plus régionalisées, c’est-à-dire concentrées sur le littoral et les zones de montagne, les territoires du nord, de l’est et du centre ayant tendance à perdre des habitants.
Parmi les villes qui voient leur population diminuer, plusieurs dynamiques sont à l’œuvre, qui ont été mises en évidence par une thèse soutenue en décembre dernier au sein de l’Université Panthéon-Sorbonne par M. Ivan Glita ([25]).
Si certains territoires perdent des habitants en raison de difficultés économiques, liées à une forte spécialisation industrielle (nord et est) ou, au contraire, à une trop faible spécialisation (bassin parisien), on observe des phénomènes contre-intuitifs dans certaines unités urbaines : à Metz, Cherbourg, Auxerre ou Carcassonne, par exemple, la vitalité du bassin d’emploi n’empêche pas la ville centre de perdre des habitants. L’attraction de la périphérie peut s’avérer, dans ce cas, plus forte. Il s’agit clairement d’une spécificité française.
Selon moi, les perspectives de ralentissement, voire de baisse, de la population française à plus ou moins long terme auront nécessairement un impact sur les villes petites et moyennes. Notre pays doit d’autant plus l’anticiper qu’il n’y a jamais été confronté, jusqu’à présent, en raison même de son dynamisme démographique. Nos voisins européens ont mis en œuvre des politiques d’accompagnement de la rétraction démographique, qu’il s’agisse de la transition industrielle à Liverpool au Royaume-Uni dans les années 1970 ([26]) ou de l’absorption en Allemagne de l’ex-République démocratique allemande (RDA) dans les années 1990.
La politique française d’aménagement du territoire, telle qu’elle apparaît au travers des programmes ACV, PVD et Villages d’avenir, est structurée autour d’une logique de stratification démographique. Ne serait-il pas, dès lors, plus pertinent d’adopter une approche plus régionalisée compte tenu du processus de différenciation territoriale en œuvre ?
Dans la lignée de travaux récents que j’ai co-publiés sur le thème de la transition écologique ([27]), je souhaiterais également insister sur la nécessité de tracer des perspectives territorialisées d’adaptation au changement climatique. Pour l’instant, les politiques publiques se contentent de décliner au niveau local les objectifs de réduction de gaz à effet de serre et de non-artificialisation des sols sans envisager les mutations des territoires concernés à l’issue de la transition.
Sans pour autant faire revivre le « scénario de l’inacceptable » présenté par la délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) en 1971 ([28]) ou même les mutations des systèmes spatiaux imaginées par la revue « Territoires 2040 » ([29]), les villes petites et moyennes ont besoin de visualiser les opportunités que leur réserve sur le long terme la transition écologique.
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Le président David Valence. Je vous remercie d’avoir rappelé la logique de stratification à l’œuvre dans les programmes actuels de revitalisation, alors que la politique d’aménagement du territoire mise en œuvre par l’État dans les années 1970 était éminemment régionalisée. Nous allons maintenant ouvrir maintenant un temps d’échanges avec les représentants d’associations d’élus locaux en commençant par M. Frédéric Chéreau, maire de Douai, qui représente l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité (AMF).
M. Frédéric Chéreau, maire de Douai. Je commencerais, M. le président, par rappeler que l’AMF se félicite du programme ACV, dont la principale qualité réside dans sa souplesse : le programme s’adapte aux projets définis par le maire lui-même et non l’inverse. On peut regretter, à cet égard, que le second volet du programme soit plus directif par son insistance à faire prévaloir certaines thématiques, telles que la transition écologique. La fixation des priorités doit rester du ressort des maires.
Au-delà du commerce, qui est l’aspect le plus visible et le plus immédiat des politiques de revitalisation des centres-villes, ce sont les actions en faveur du logement qui sont les plus longues à mettre en œuvre. Le parc immobilier est parfois ancien et morcelé entre plusieurs propriétaires privés, qui ne résident pas toujours sur le territoire de la commune. L’intervention publique, quand elle s’impose, est efficace lorsqu’elle s’appuie sur un établissement public foncier (EPF).
Bien évidemment, les élus locaux se félicitent du soutien apporté par l’ANCT dans la mise en œuvre de projets immobiliers complexes. Nous appelons, dès lors, le législateur à ne pas s’engager dans la voie d’une fusion de cette agence avec d’autres opérateurs de l’État, tels que l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) ou l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) : une telle réforme fragiliserait l’ANCT dans sa montée en puissance au service des communes. Le rôle essentiel joué par Action Logement en termes d’apport financier doit également être souligné, notamment lorsque le projet immobilier comporte des surcoûts susceptibles de générer un important reste à charge pour la commune.
S’agissant des quartiers de gare, qui constituent un important volet du programme ACV, je souhaiterais attirer l’attention de l’État sur les contradictions qui peuvent surgir entre, d’une part, un projet de modernisation de la zone ferroviaire et, d’autre part, la réduction par la SNCF de son offre de transport. Plus généralement, les opérateurs de l’État ont parfois tendance à réduire leur présence dans les villes moyennes alors même que se mettent en place des dispositifs de revitalisation dans les communes concernées.
Enfin, à titre plus anecdotique, je voudrais signaler que les maires sont souvent démunis face à des locaux commerciaux laissés volontairement vides par leurs propriétaires dans le cadre de stratégies de défiscalisation. Le maire, que l’on rend parfois responsable de la situation, ne peut pas faire grand-chose vis-à-vis de personnes qui, le plus souvent, ne résident pas dans la commune.
M. Christophe Martins, président de Montfort Communauté. Tout d’abord, je souhaiterais rappeler que, si le maire reste au cœur du dispositif ACV, c’est au niveau de l’intercommunalité que se traitent de nombreuses politiques publiques consubstantielles à la revitalisation, en particulier la mobilité, la santé, le logement et les gardes d’enfants. Même l’aide au maintien ou à la création d’un commerce ne peut, aujourd’hui, s’effectuer sans l’appui de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et, bien entendu, de la région.
Par ailleurs, le « cœur de ville » ne peut se concevoir sans sa périphérie : n’oublions pas que, si les habitants du centre-ville contribuent au chiffre d’affaires de leurs commerces à hauteur de 40 %, les 60 % restants proviennent des habitants des communes aux alentours.
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Le président David Valence. Vous avez, M. Martins, rappelé à juste titre le rôle joué par l’intercommunalité en soutien du maire de la ville-centre. Bien entendu, celui-ci doit rester au cœur du dispositif : c’est lui qui fixe les priorités, les autres acteurs venant en appui. Une telle articulation est simple quand le maire de la ville-centre est aussi le président de l’EPCI, mais ce n’est pas toujours le cas, en particulier dans les communes rurales.
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TABLE RONDE N° 2 : QUELLES SONT LES CONDITIONS DE RÉUSSITE DES NOUVEAUX PROGRAMMES DE REVITALISATION DES PETITES VILLES ET DE LA RURALITÉ ?
Le président David Valence. Je vous propose d’ouvrir la seconde table ronde des Rencontres, consacrée aux programmes Petites villes de demain (PVD) et Villages d’avenir. On peut observer que la mise en place de PVD est concomitante à l’installation de l’ANCT, en 2020. Plus encore qu’ACV, ce sont bien les nouveaux programmes de revitalisation des petites villes et de la ruralité qui permettent à l’ANCT de déployer son offre de services. À ce titre, je laisse la parole à son président, M. Christophe Bouillon.
M. CHRISTOPHE BOUILLON, PRÉSIDENT DE L’AGENCE NATIONALE DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES (ANCT)
Dans un premier temps, je voudrais indiquer que l’ANCT est sortie de la phase de « filature exigeante » évoquée par la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Mme Françoise Gatel, et qu’elle a adopté des mesures visant à renforcer sa visibilité auprès des collectivités ainsi que la lisibilité de son action. En ce sens, 80 % des préconisations formulées par le Sénat dans un rapport publié l’an dernier ([30]) ont été mises en œuvre à ce jour.
Parmi les recommandations figurait l’adoption d’une « feuille de route » stratégique ([31]) : le conseil d’administration de l’Agence a adopté cette feuille de route le 29 juin 2023. Ce document permet à l’ANCT de progresser dans la mise en place d’un guichet unique et le « décloisonnement » des procédures. Nous avons fait le choix d’une direction unique ([32]) pour traiter les trois programmes, car la mise en œuvre d’un dispositif ne saurait se passer de l’expérience acquise à travers la réalisation des deux autres programmes. Que l’on soit dans une ville moyenne, une petite ville ou un village, la manière de traiter l’habitat dégradé ou la vacance commerciale fait appel à des ressources similaires. En quelque sorte, une forme parangonnage s’exerce entre les bénéficiaires des différents programmes.
Par ailleurs, je voudrais rappeler que la gouvernance de l’ANCT associe étroitement les élus locaux, puisque le conseil d’administration comprend dix représentants des associations d’élus ([33]) parmi ses trente-trois membres permanents.
Selon moi, le succès des trois programmes de redynamisation territoriale réside dans leur co-construction. Alors que Villes de France avait été à l’origine du programme ACV, ce sont bien l’APVF et l’AMRF qui sont respectivement à l’origine des programmes PVD et Villages d’avenir, le tout en lien avec l’ANCT. La mise en œuvre de chacun des programmes s’effectue, en outre, au travers d’un partenariat avec les autres opérateurs nationaux, notamment l’ANAH et la Banque des territoires pour ACV et PVD.
Bien évidemment, le maire est celui qui apporte à l’ensemble du dispositif toute sa cohérence. « Premier ingénieur » du projet, c’est lui qui fixe et réoriente les priorités. En réponse à l’AMF, qui s’inquiète d’une éventuelle « recentralisation » des programmes, je signale que les élus locaux n’ont pas attendu la feuille de route de l’ANCT pour intégrer la transition écologique dans leurs projets. La plupart des programmes politiques de 2020 comportaient un volet de mesures dans le domaine de l’isolation thermique des bâtiments ou la renaturation des centres-villes.
J’en viens maintenant aux conditions de réussite du programme PVD. Les 1 645 villes sélectionnées ne l’ont pas été au hasard : elles correspondent en partie aux collectivités identifiées par le Commissariat général à l’égalité des territoires ([34]) comme étant des « îlots d’urbanité » confrontés à de sérieux problèmes de dévitalisation au travers d’un accroissement de la vacance commerciale et du nombre de logements vides. Ces villes ont moins de 20 000 habitants, mais il n’y a pas de « plancher » démographique : ainsi, 52 % d’entre elles ont moins de 3 500 habitants et 73 % sont même considérées comme rurales.
Le rythme de déploiement du programme est pleinement satisfaisant, puisqu’à ce jour, 80 % des communes éligibles ont signé la convention-cadre permettant de préciser les ambitions retenues pour le territoire, de fixer les engagements des différents partenaires et d’identifier les moyens d’accompagnement susceptibles d’être mobilisés ([35]). On peut noter avec satisfaction que 1 122 collectivités ont conclu parallèlement une opération de revitalisation des territoires (ORT), ce qui permet d’accéder à des moyens complémentaires ([36]).
En matière d’ingénierie, les maires peuvent bénéficier du soutien des quelque 900 chefs de projet positionnés, pour une bonne partie d’entre eux, dans les intercommunalités.
Les opérateurs nationaux du programme, c’est-à-dire l’ANAH, l’ANRU, la Banque des territoires, le CEREMA et l’ADEME, interviennent également, chacun dans son domaine de compétences. Le CEREMA, par exemple, dispose d’un savoir-faire dans l’accompagnement à la mise en œuvre de projets de renaturation des centres‑villes.
À cette occasion, je tiens à souligner que l’Agence a pris la mesure des attentes des élus en matière d’accès à l’ingénierie. L’offre existe, mais n’est pas toujours connue : c’est la raison pour laquelle l’ANCT a élaboré une « cartographie » permettant à tout élu de savoir à qui s’adresser en fonction de ses besoins.
Une convention a également été signée avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) afin de mieux former les 900 chefs de projet précités. Les compétences en ingénierie doivent, en effet, évoluer avec le projet depuis l’animation jusqu’à la recherche des financements en passant, bien évidemment, par la conception et la définition des aspects techniques des projets. On peut observer, sur les aspects financiers, qu’à ce jour, 1,46 milliard d’euros ont été engagés sur les 3 milliards d’euros annoncés lors du lancement du programme en 2020.
Je voudrais, en outre, insister sur le caractère évolutif de ces programmes, dont les composantes sont loin d’être figées. Les conventions-cadres comportent aujourd’hui un volet consacré à la prise en compte des besoins issus de la transition démographique. Le vieillissement de la population amène, en effet, de plus en plus d’habitants âgés des périphéries à rechercher des zones urbaines accueillantes en termes de commerce, de santé et de mobilité. Les préoccupations de tranquillité et de sécurité publiques ont également, à la demande des maires eux-mêmes, été inscrites dans les conventions-cadres, dans la mesure où ces sujets conditionnent en grande partie l’attractivité des centres‑villes.
Outre la redynamisation des commerces de centre-ville, nous assistons également à la montée en puissance d’un enjeu tout aussi crucial, à savoir la réhabilitation des zones commerciales en décroissance. La mise en place par le Gouvernement, à la fin de l’année 2023, d’un plan de transformation des zones commerciales doté de 24 millions d’euros permet d’envisager la prise en compte, de ces questions dans les actions de revitalisation financées sur le programme PVD.
Enfin, je souhaiterais insister sur l’importance qui s’attache à ce que l’ANCT facilite l’essaimage des bonnes pratiques. Les méthodes mises en œuvre par certaines collectivités dans le cadre du programme ACV pour « révéler le foncier invisible », c’est-à-dire pour optimiser les usages de l’existant peuvent ainsi être reprises utilement par les bénéficiaires des programmes PVD. À mon sens, il s’agit là d’une condition essentielle de réussite du dispositif.
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Le président David Valence. Je vous remercie pour cet éclairage, qui permet d’appréhender la souplesse du dispositif PVD et de comprendre comment l’État, à travers ses opérateurs, s’efforce de faciliter l’accès des collectivités à une ingénierie par nature protéiforme. J’invite maintenant M. Michel Fournier, maire des Voivres (88) et président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), à présenter le dernier des programmes de revitalisation, à savoir Villages d’avenir.
L’AMRF a fortement contribué à l’élaboration, et même à la dénomination, de ce programme. Au-delà des villes petites et moyennes, il était nécessaire que l’État apportât aux villages toute la considération qu’ils méritent au regard de leur contribution au dynamisme économique de notre pays. Le nombre de communes lauréates au titre de la première vague (2 458) est logiquement plus important que les villes bénéficiaires des programmes ACV et PVD et j’observe que les Vosges figurent en deuxième place avec 64 villages, derrière l’Yonne (68).
L’une des mesures phares du dispositif consiste en la mise à disposition des collectivités labellisées de 120 chefs de projet mutualisés à l’échelle départementale et installés dans les sous-préfectures. Vous nous direz comment cette ressource en ingénierie peut être concrètement mobilisée par les élus locaux. Par ailleurs, il pourrait être utile que vous nous indiquiez ce que pourrait-être, selon vous, la meilleure temporalité pour ce programme.
M. MICHEL FOURNIER, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES MAIRES RURAUX DE FRANCE (AMRF)
Le programme Villages d’avenir est, en quelque sorte, l’héritier des programmes ACV et PVD. Le terme de « considération » que vous venez d’employer, Monsieur le président, est très juste : les maires ruraux, souhaitaient légitimement avoir accès à un accompagnement en ingénierie pour leurs projets de développement au même titre que les villes petites et moyennes. Ce besoin est d’autant plus fort dans les villages que les ressources se limitent parfois à une seule secrétaire de mairie.
Quelle que soit la strate communale, la revitalisation du commerce suppose que l’on améliore l’accessibilité des lieux ainsi que leur environnement immédiat. Il faut « créer de l’envie » pour réussir à faire venir les clients.
Pour autant, Villages d’avenir n’est pas la simple copie du programme PVD. À la différence de ce dernier, où les préfets avaient joué un rôle central dans l’identification des lauréats, l’entrée dans le programme Villages d’avenir suppose une démarche de candidature de la part de la commune concernée. C’est à l’élu de se positionner vis-à-vis du programme et non l’inverse.
Nous redoutions également que l’État limitât sa sélection aux « petites centralités », alors qu’il est essentiel, à nos yeux, que plusieurs villages puissent s’associer autour d’un projet commun. Ce critère a été pris en compte dans l’identification des 2 458 lauréats, ce dont l’AMRF se félicite.
Pour autant, on peut estimer qu’un nombre important de communes, équivalent à celui de la première vague, auraient été tentées de se positionner ou ont déposé, sans succès, leur candidature. On peut, certes, comprendre que les effectifs de chefs de projets mobilisés (120) ne permettaient pas d’aller au-delà des 2 500 lauréats sélectionnés. Pour autant, j’appelle l’État à ne pas délaisser ces communes lorsque sera lancée la deuxième vague sous peine de générer de la frustration dans ces territoires.
S’agissant de l’ingénierie, la qualité du recrutement des chefs de projet départementaux apparaît comme une condition de réussite du programme. Ces personnels doivent disposer d’une large palette de compétences et connaître les potentialités de chacun des territoires concernés. Ils doivent, en outre, avoir la possibilité de s’appuyer sur les ressources disponibles en ingénierie, que ce soit au niveau de la région ou de l’intercommunalité.
Dans les villages, la réhabilitation de l’habitat dégradé est un défi qu’il n’est pas facile de tenir. Pour la mise en œuvre de leurs projets, les communes devront disposer de moyens financiers et juridiques supérieurs à ce qu’elles ont aujourd’hui. Au-delà de la facilitation des acquisitions, il faudra que les élus aient la garantie de pouvoir couvrir les surcoûts engendrés par ces opérations de réhabilitation, qui seront inévitablement supérieurs au coût d’une construction simple. On ne rénovera pas un ancien corps de ferme avec les mêmes méthodes qu’un immeuble de centre-ville. Les communes rurales sont d’autant plus concernées qu’elles concentrent de nombreux logements qui ne seront bientôt plus accessibles à la location ([37]).
Par ailleurs, j’ai été sensible aux réflexions de l’ANCT quant à la prise en compte du vieillissement de la population. Dans nos villages, les personnes âgées demandent le maintien de services « à taille humaine », du moins celle qu’elles connaissent.
D’un point de vue général, j’insiste sur la nécessité qui s’attache à ce que l’État, au travers de ses nouveaux programmes de revitalisation, ajuste son accompagnement aux besoins exprimés par la ruralité.
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Le président David Valence. Je vous remercie d’avoir rappelé, notamment, que le commerce n’était pas uniquement un lieu de consommation, mais un endroit où l’on vient pour ressentir une certaine ambiance.
Vous avez également évoqué l’impérieuse nécessité pour les maires des communes rurales de disposer d’une ingénierie de qualité. J’invite, sur ce sujet, Mme Florence Lerique, professeure de droit public à l’université de Bordeaux Montaigne, à donner son avis sur cette question. Vous avez écrit ou co-écrit des ouvrages sur l’ingénierie territoriale en 2019 et en 2023 : selon vous, comment les élus d’un village peuvent-ils piloter la mise en œuvre d’un projet de développement dans la mesure où il apparaît clairement que tout ne pourra pas être fait à l’échelle du chef de projet départemental ?
MME FLORENCE LERIQUE, PROFESSEURE DE DROIT PUBLIC À L’UNIVERSITÉ BORDEAUX-MONTAIGNE
Au travers de sa politique d’aménagement du territoire, l’État se comporte comme un « médecin » au chevet de villes ou de villages en souffrance. Les dispositifs de revitalisation doivent être appréhendés sous l’angle de l’efficacité, mais aussi au regard de l’architecture de la décentralisation en vigueur. En ce sens, la réforme institutionnelle fait aussi partie des conditions de réussite de ces programmes.
Je souhaiterais débuter ma présentation par un constat : aujourd’hui encore, 88 % des communes françaises sont rurales et 71 % ont moins de 1 000 habitants. La fragmentation du pouvoir local rend d’autant plus difficile l’aménagement du territoire : même en agglomérant les communes bénéficiaires des programmes PVD (1 645) et Villages d’avenir (2 458), on n’aboutit qu’à un total de 4 103 communes labellisées, soit à peine plus de 10 % de l’ensemble des 35 000 communes françaises.
Face à ce dilemme de la revitalisation, l’État a mis en place des politiques qui concentrent les moyens sur les territoires qui en ont le plus besoin. C’est l’échelon communal qui a été jugé le plus représentatif de « l’hétérogénéité » du local. L’ANCT, opérateur chargé du recueil des besoins issus du terrain, préfigure « l’État plateforme » évoqué par l’Inspection générale de l’administration (IGA) dans un rapport de 2021 ([38]).
La place des intercommunalités apparaît, toutefois, encore largement insuffisante, en particulier dans la mise en œuvre des programmes PVD et Villages d’avenir.
D’un point de vue général, le succès des programmes de revitalisation repose sur une approche globale des questions posées. La contractualisation doit, ainsi, être la pierre angulaire de tout projet de développement.
Il faut également assurer aux collectivités territoriales les moyens financiers correspondants, ce qui suppose une réforme des dotations de l’État, en particulier de la dotation globale de fonctionnement (DGF), et de la fiscalité locale. L’attractivité des fonctions d’élu local est un autre critère important : en ce sens, les démarches engagées par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale visant à faire émerger un « statut » de l’élu local ([39]) doivent être saluées.
Enfin, s’agissant des aspects institutionnels, il me semble que notre pays ne pourra plus négliger la question de l’organisation communale. Indéniablement, la viabilité des communes de moins de 1 000 habitants ne doit plus être un tabou, même si je reconnais que le contexte actuel s’y prête peu.
J’illustrerai mon propos avec Castillon-la-Bataille (33), commune de 3 200 habitants bénéficiaire du programme PVD. En dépit d’un éloignement relatif ([40]) et d’indicateurs socio-économiques peu favorables ([41]), la commune a réussi à obtenir l’ouverture de 24 commerces en trois ans. Le succès de la démarche réside, à mon sens, dans la stratégie globale de revitalisation adoptée par la collectivité, articulée autour de quatre volets complémentaires ([42]). On peut également observer que la commune a conclu parallèlement une ORT et que la gouvernance des projets est multi-partenariale : la région Nouvelle-Aquitaine, le département de la Gironde ainsi que, naturellement, l’EPCI (communauté de communes de Castillon-Pujols) ont été associés au dispositif. Enfin, la mise en œuvre concrète des actions sollicite un « binôme » constitué du maire et d’un chef de projet.
Cet exemple permet de distinguer plusieurs conditions de réussite des programmes de revitalisation. Il convient, tout d’abord, de sortir de la logique d’appels à projets afin de faire émerger des projets conçus par les élus eux-mêmes. Ensuite, il faut traiter les demandes de manière individualisée en fonction des spécificités locales. La diversité des situations oblige, par ailleurs, au développement d’une offre d’ingénierie sur-mesure, qui soit quasiment du « cousu‑main ». L’association de l’intercommunalité paraît également pertinente dès lors que l’EPCI permet de « récupérer » des villes qui n’auraient pas été sélectionnées dans des programmes ou des appels à projets.
Par ailleurs, comme l’indiquait M. Christophe Bouillon tout à l’heure, le partage d’expérience doit être favorisé. Un rapport sénatorial de 2020 consacré au rôle des collectivités territoriales dans le développement des territoires ruraux ([43]) a, ainsi, mis en avant des projets de développement qui ont pu aboutir par la mutualisation des moyens et la diversification des partenariats.
C’est, notamment, le cas de la communauté de communes du Pays Rethélois (08) qui a su mener des projets extrêmement ambitieux, tels que la construction d’une médiathèque-musée ou encore d’un centre aquatique prisés. J’observe que figurent dans ce rapport des préconisations qui permettraient de faciliter l’accès des communes rurales à de l’ingénierie de qualité, telle que la levée du seuil de 40 000 habitants en-deçà duquel une commune ne peut recruter un ingénieur en chef territorial ([44]). Les sénateurs ont également recommandé que la DETR puisse être utilisée pour financer des dépenses en ingénierie d’animation non directement rattachables à un projet d’investissement ([45]).
En raison même de l’intérêt que représente, pour une commune lauréate du programme PVD, le rattachement à une ORT, j’estime qu’il pourrait être intéressant de permettre aux bénéficiaires du programme Villages d’avenir, sous réserve d’un seuil de population à déterminer, de se rattacher à ce type d’opération.
À terme, la question qui se pose est de nature institutionnelle. Le maintien d’un émiettement communal, qui est une singularité française, n’est-il pas au‑dessus de nos moyens ? Il s’agit ici de rendre forts des territoires structurellement faibles et, sur ce point, l’EPCI à fiscalité propre semble avoir atteint ses limites. Il conviendrait probablement au-delà du dispositif des communes nouvelles, qu’il semble difficile de relancer aujourd’hui après l’engouement rencontré dans les années 2000.
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Le président David Valence. Je vous remercie d’avoir exprimé des positions claires, y compris dans le domaine institutionnel qui est loin d’être consensuel. C’est précisément le rôle des universitaires de faire usage de la liberté de ton que leur assure le principe constitutionnel des professeurs université.
Au fond, vous vous interrogez sur le niveau le plus pertinent pour porter un projet. Y-a-t-il une taille critique à partir de laquelle un projet ne peut plus être sérieusement mis en œuvre ? J’ai également noté avec intérêt que vous aviez évoqué les difficultés des exécutifs locaux à piloter leurs services et à disposer de la souplesse nécessaire dans leurs recrutements.
Je donne maintenant la parole à M. Olivier Sichel, directeur général délégué à la Caisse des dépôts et consignations et directeur de la Banque des territoires. Traditionnellement, la Caisse des dépôts avait peu l’habitude d’intervenir en faveur des villes moyennes. Sa participation au programme ACV constitue, en ce sens, un « changement d’échelle ». Comment la Banque des territoires parvient-elle à se mobiliser dans les territoires concernés par les nouveaux programmes de revitalisation, qui sont encore plus petits que ceux d’ACV ?
M. OLIVIER SICHEL, DIRECTEUR DE LA BANQUE DES TERRITOIRES
Monsieur le Président, vous avez raison de souligner que la Banque des territoires est née, en 2018, en même temps que le programme ACV. Lorsqu’Éric Lombard et moi-même avons été nommés respectivement directeur général et directeur général adjoint de la Caisse des dépôts et consignations en décembre 2017, nous avons constaté que l’institution était considérée comme trop « lointaine » par ses clients. La création de la Banque des territoires s’est traduite par la déconcentration des décisions : aujourd’hui, plus de la moitié des décisions d’investissement et la quasi-totalité des réponses aux demandes de prêts sont prises au niveau régional.
Dans la même logique, nous avons souhaité mettre à la disposition des élus locaux un « guichet unique » permettant l’accès aux différentes offres, ainsi qu’un « directeur territorial » qui puisse être le partenaire du maire. À cette occasion, je souligne que nos équipes ne font qu’accompagner les élus sans décider à leur place. Il n’y a qu’un seul patron : le maire.
Dans le cadre du programme ACV, nous n’avons pas eu de difficultés à positionner des interlocuteurs auprès des 234 villes lauréates, dans la mesure où nous disposons d’un millier de personnels en région. Bien évidemment, il est impossible de faire la même chose pour les 1 645 communes labellisées PVD. La Banque des territoires s’est donc appuyée sur les ressources disponibles, le cas échéant, dans les départements et les régions. À ce jour, 47 ont manifesté leur intention d’être les intermédiaires de la Banque des territoires en matière de crédits d’ingénierie sur le programme PVD. Parfois, ce sont les services déconcentrés de l’État qui ont pris le relais. Dans certains territoires tels que la Corse ou les outre‑mer, nous avions les capacités de le faire nous-mêmes.
Le programme PVD a également constitué un changement d’échelle en termes de moyens financiers en ingénierie, puisque la Banque des territoires y a consacré 205 millions d’euros, contre 100 millions d’euros pour ACV.
Les besoins des collectivités sont, en effet, d’autant plus importants que leurs effectifs sont restreints. Derrière le terme « d’ingénierie », il y a, bien sûr, le chef de projet, mais aussi des réflexions pré-opérationnelles très concrètes : dans une ville touristique comme Honfleur (14), il s’agit de prévoir le positionnement du parking de la manière la plus pertinente au vu d’une analyse de flux.
Plus de trois ans après le lancement du programme PVD, la Banque des territoires a engagé 130 millions d’euros, soit plus de 60 % de l’enveloppe totale affectée à l’ingénierie. Les versements s’élèvent, sur ce total à 75 millions d’euros. Ces fonds ont permis de financer 1 500 ingénieries locales. Au-delà de l’ingénierie, il s’agit désormais de soutenir la mise en œuvre des différents projets. Sur ce point, on recense 58 actions d’investissement mises en œuvre et 600 opérations financées par un prêt pour un total de 786 millions d’euros. Le montant moyen du prêt par opération, soit 1,3 million d’euros, est représentatif de la taille d’un projet mis en œuvre par une petite ville.
Si l’on intègre les prêts octroyés en faveur du logement social, l’effort de prêt fourni par la Banque des territoires s’élève à 3,2 milliards d’euros.
Enfin, je voudrais indiquer que la Banque des territoires contribue également au partage d’expériences. Nous organisons tous les ans un séminaire avec les maires bénéficiaires du programme ACV et, s’agissant de PVD, nous avons déjà animé 40 séminaires en ligne.
En conclusion, on peut dire que la Banque des territoires s’efforce, dans les limites des moyens humains qui sont à sa disposition, d’être au plus près des collectivités dans la préparation et la mise en œuvre de leurs projets de développement. Je citerais l’exemple de la réhabilitation du Grand Hôtel, du Palarium et de l’hôtel Ermitage de Vittel (88) engagée par les élus locaux concernés avec le soutien de la Banque des territoires et le Crédit Agricole Alsace Vosges ([46]).
* * *
Le président David Valence. Vous avez évoqué le projet de réhabilitation de Vittel, dont l’importance nécessitait l’appui d’un financeur de premier plan tel que la Caisse des dépôts et consignations. Pour autant, on peut s’interroger sur la façon dont la Banque des territoires va accompagner les communes bénéficiaires du programme Villages d’avenir : il ne suffira pas d’accorder des prêts pour que les projets se mettent en place. J’invite maintenant les parlementaires à réagir, s’ils le souhaitent.
INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES
Mme Catherine Couturier, députée de la Creuse. Je souhaiterais tout d’abord revenir sur l’intervention de Mme Lerique : si l’on souhaitait, pour reprendre les termes employés, résorber « l’émiettement communal » dans mon département par la fusion de toutes les communes de moins de 1 000 habitants, il n’en resterait plus que 23 sur les 256 actuellement existantes ! Vous pouvez imaginer qu’une telle mesure ne correspond en rien aux idées politiques que je porte.
S’agissant des programmes de revitalisation, nous reconnaissons que ceux-ci comportent individuellement des aspects positifs. Pour autant, ils ont été conçus de façon à mettre les collectivités en concurrence entre elles. Comme l’indiquait M. Fournier tout à l’heure, de nombreuses communes rurales n’ont pas pu bénéficier du programme Villages d’avenir en dépit de leur volonté d’y adhérer. Une telle situation engendre inévitablement de la frustration chez les élus locaux et risque de porter atteinte, de mon point de vue, au principe d’égalité entre les citoyens.
Mes collègues de la France insoumise et moi-même préconisons l’attribution de moyens beaucoup plus importants aux collectivités territoriales pour réaliser leurs programmes.
M. Stéphane Delautrette, député de Haute-Vienne. Je voudrais également réagir aux propos de Mme Lerique sur la taille des communes en rappelant que, dans la communication que j’ai effectuée en octobre dernier avec Mme Stella Dupont, députée du Maine-et-Loire, devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ([47]), nous avons rappelé l’intérêt de l’échelon communal. Il apparaît parfois souhaitable d’opérer un rapprochement avec d’autres communes, mais cela doit s’opérer de manière volontaire. Rien n’interdit, bien entendu, de tenter de s’organiser différemment à l’échelle locale pour mettre en œuvre un programme de revitalisation. Je précise, à cette occasion, que nous avons présenté les conclusions de notre rapport à M. Éric Woerth dans le cadre de la mission que lui a confiée le Gouvernement sur la décentralisation.
Les programmes eux-mêmes sont des dispositifs intéressants, mais ils ne valent que dans la mesure où ils ne sont pas cloisonnés les uns vis-à-vis des autres. Par ailleurs, la question des moyens financiers alloués aux communes doit être posée, car, indépendamment de l’accompagnement fourni par l’État, ses opérateurs ou les autres collectivités, il restera toujours un reste à charge non négligeable à financer.
Le président David Valence. Dans la communication que vous venez d’évoquer, M. Delautrette, j’ai noté avec intérêt que les territoires qui avaient le plus tendance à s’associer étaient les plus dynamiques d’un point de vue démographique et économique, tandis qu’à l’inverse, les territoires les plus en difficulté avaient plus de mal à adopter le modèle de la commune nouvelle.
Mme Isabelle Briquet, sénatrice de Haute-Vienne. Je voudrais, pour ma part, revenir sur la nécessité qui s’attache à ce que les politiques nationales n’entrent pas en contradiction avec les programmes de revitalisation engagés au niveau local, comme le soulignait Mme Catherine Démier tout à l’heure. Dans mon département, les programmes ACV et PVD rencontrent un franc succès, mais, en parallèle, on constate la fermeture de lignes ferroviaires.
Le président David Valence. Le problème que vous soulevez, Madame la sénatrice, tient souvent au décalage de temporalité entre le lancement d’un programme d’aménagement du territoire, tel qu’ACV en 2018, et la politique nationale de relance des investissements publics ferroviaires, qui n’a véritablement démarré qu’en 2020. Je vais maintenant donner la parole aux représentants d’élus locaux et, tout d’abord, à Mme Constance de Pélichy, maire de la Ferté‑Saint‑Aubin, pour l’AMF.
Mme Constance de Pélichy, maire de la Ferté Saint-Aubin (45). Ma commune est lauréate du programme PVD et nous nous en félicitons. Il s’agit, à mon sens, d’un formidable accélérateur de projets. Il nous permet d’envisager notre territoire de manière plus globale et de comprendre les enjeux de la revitalisation, qui ne se limite pas à « étendre » les zones artificialisées, mais à procéder à la réhabilitation de l’existant. Une telle vision est précieuse dans une commune comme la nôtre, qui ne disposait pas de fortes ressources en ingénierie. Comme l’indiquait M. Michel Fournier tout à l’heure, la réhabilitation coûte cher, mais elle est essentielle : l’extension du territoire artificialisé ne fait, en définitive, qu’accroître la dépendance des habitants à la voiture. Au fond, il convient d’intégrer les enjeux de l’artificialisation dans les programmes de revitalisation dans la logique de « décloisonnement » évoquée plusieurs fois ce matin.
Je voudrais pourtant alerter la représentation nationale sur le sort dévolu aux communes qui n’ont bénéficié d’aucun label, qui représentent près de 90 % de l’ensemble des communes françaises. Comment peut-on permettre à ces collectivités de continuer à exister ? Par ailleurs, je ne suis pas certaine que la logique de stratification démographique retenue pour définir chacun des programmes soit la plus pertinente.
Par ailleurs, même les communes lauréates peuvent rencontrer des difficultés en raison de la nature même des financements alloués. Notre commune finance ses projets de revitalisation à partir d’emprunts et de dotations d’État, en particulier de la DETR et de la DSIL. Or, ces dotations sont soumises au principe d’annualité budgétaire, ce qui est en décalage avec des projets conçus parfois pour une dizaine d’années. Dès lors, il pourrait être utile d’adosser de manière systématique les programmes de revitalisation au dispositif des contrats de relance et de transition écologique (CRTE) qui permet à une commune de bénéficier de financements croisés dans une perspective pluriannuelle ([48]).
S’agissant de l’ingénierie, il paraît souhaitable que les chefs de projet, en particulier ceux du programme Villages d’avenir, s’appuient sur des relais positionnés dans les intercommunalités. Sans cette possibilité, la tâche paraît presque impossible.
Le président David Valence. Je ne suis pas certain qu’il y ait nécessairement, comme vous le suggérez, une « concurrence » entre les territoires. Il était indispensable que l’État concentrât ses efforts, dans un premier temps, sur les zones urbaines caractérisées par une certaine centralité. Sans la revitalisation des centres-villes, les périphéries auraient encore plus souffert.
En revanche, je vous rejoins sur la nécessité d’apporter aux élus locaux une plus grande prévisibilité dans l’attribution des aides à l’investissement.
M. Christophe Martins, président de Montfort Communauté (35). Je vois une différence importante entre PVD et Villages d’avenir : les EPCI sont souvent associés dans la mise en œuvre du premier, ce qui n’est pas le cas, en revanche, pour le second. Or, comme l’indiquait Mme Constance de Pélichy, l’intercommunalité est précisément faite pour être le relais utile des services de l’État. Pourrait-on concevoir les problèmes d’artificialisation des sols, de vieillissement de la population, de natalité ou même de transformation des zones commerciales sans la dimension intercommunale ? À l’évidence, non !
Nous demandons donc que les intercommunalités soient systématiquement associées à la mise en œuvre des projets de redynamisation des « bassins de vie ».
Le président David Valence. Effectivement, le succès d’un projet suppose une bonne entente entre les maires et les présidents d’EPCI. Mais cela ne pourra jamais se décréter : le bon niveau de coordination locale est celui que les acteurs concernés veulent bien construire ensemble.
M. Olivier Sichel, directeur de la Banque des territoires. Je souhaiterais revenir sur la question des financements. Les communes ne doivent pas hésiter à se donner « le droit au temps long », c’est-à-dire à emprunter sur plusieurs dizaines d’années. Je rappelle, à cette occasion, que l’encours du livret A a progressé de 40 milliards d’euros en 2023, ce qui donne à la Caisse des dépôts et consignations des marges de manœuvre pour prêter aux collectivités.
M. Michel Fournier, président de l’AMRF. Dans mon intercommunalité ([49]), les choses se passent bien et les communes peuvent accéder à de précieuses ressources en ingénierie, mais ce n’est pas le cas partout en France. La coordination locale, c’est aussi, et surtout, une affaire de relations humaines.
C’est la raison pour laquelle il nous paraît essentiel que la gouvernance des programmes de revitalisation n’aboutisse pas à la mise en place d’une tutelle des EPCI sur les communes.
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M. Fabien Genet, vice-président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je reviens sur les relations entre communes et intercommunalités, qui ont animé en partie les débats de la seconde table ronde. Il m’est difficile de comprendre en quoi l’EPCI s’opposerait à la commune, dans la mesure où il s’agit précisément d’un rassemblement de communes. En tout cas, je ne partage pas l’idée, suggérée tout à l’heure, selon laquelle les intercommunalités seraient un moyen de remédier à l’émiettement communal et, si vous me permettez l’expression, de « faire la peau » à la commune.
Pour autant, s’agissant du programme Villages d’avenir, pourrait-on imaginer que l’ensemble des communes s’adressent directement au préfet ? La sélection des lauréats a montré qu’il manquait un espace permettant d’expliquer aux communes qui n’ont pas été retenues les raisons de cette décision. L’association des régions, des départements et, bien sûr, des EPCI me paraît être une condition essentielle de réussite de ce programme.
Le président David Valence. Pour conclure, je dirais que le succès du programme ACV et, donc, de ses successeurs, réside dans le rôle moteur de l’élu local dans le dispositif. Ce n’est pas l’État qui impose une matrice, mais qui accompagne une initiative issue des maires.
La logique du « temps long » évoquée par M. Olivier Sichel suppose un allongement conséquent de la durée des programmes. ACV a dû être prolongé sur cinq années supplémentaires et ce sera probablement le cas de PVD et de Villages d’avenir. Il vaut mieux approfondir les dispositifs existants plutôt que de céder à la tentation permanente du renouvellement.
La dernière condition de réussite se situe dans la capacité des acteurs locaux à coopérer. L’État peut jouer le rôle d’un tiers de confiance entre les collectivités, mais il n’aura jamais vocation à se substituer à elles. Il s’agit là d’une limite à l’extension des programmes de redynamisation vers les territoires les plus en difficulté, qui sont parfois ceux où les habitudes de coopération sont les plus réduites.
Je remercie l’ensemble des intervenants pour la qualité des discussions et le contenu des observations formulées. Celles-ci feront l’objet d’une synthèse qui sera inscrite dans le rapport qui sera présenté devant la délégation.
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SYNTHÈSE DES TRAVAUX DES RENCONTRES : les programmes de revitalisation au serVice d’une dynamique retrouvée d’aménagement du territoire
L’État, qui avait délaissé l’aménagement du territoire à partir des années 1980, semble avoir trouvé, au travers de ses programmes de revitalisation (Action Cœur de ville, Petites villes de demain et Villages d’avenir), le moyen de réinvestir une politique publique prometteuse à condition, toutefois, de la conforter sur le long terme et d’assurer sa pleine adéquation avec les besoins exprimés par les collectivités territoriales.
I. Action cœur de ville : un exemple réussi de décentralisation et de déconcentration au service de la revitalisation des villes moyennes
À travers son succès, le programme Action Cœur de ville prouve toute la pertinence qui s’attache au retour de l’État dans une politique d’aménagement du territoire qui, bien que différente dans ses modalités de celle mise en œuvre durant les Trente Glorieuses, répond à la crise d’attractivité des villes moyennes apparue dans les années 2010.
A. Le programme Action cœur de ville : symbole du retour de l’aménagement du territoire face à la crise des villes moyennes
1. Le programme Action cœur de ville marque le retour en France d’une nouvelle forme aménagement du territoire
La mise en place, sous l’acronyme « Action Cœur de ville » (ACV), d’une politique nationale de soutien à la redynamisation des villes moyennes à la fin de l’année 2017 apparaît comme une rupture dans un processus historique de désengagement de l’État en matière d’aménagement du territoire entamé dans les années 1980 à la faveur de la décentralisation. Lorsque M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, indique dans une instruction ministérielle en 2018 la nécessité d’une « action publique spécifique » pour aider les villes moyennes présentant les caractéristiques de « territoires délaissés ou dévitalisés » ([50]), ses propos résonnent avec ceux tenus quelque soixante-dix ans plus tôt par le géographe Jean-François Gravier qui déplorait le « gonflement congestif de 4 % [du territoire français] et l’appauvrissement continu en hommes et en productions de la moitié [des] provinces » ([51]).
La mise en avant d’un objectif national de revitalisation des territoires est une réponse à ceux qui, quelques années plus tôt, déploraient « la fin d’une ambition politique » ([52]) et appelaient l’État à jouer son rôle de « stratège », de « régulateur » et « d’aménageur » ([53]).
Pour autant, la politique nationale d’aménagement du territoire des années 1960 et 1970, symbolisée par la création en 1963 de la délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR), et les programmes de redynamisation mis en place depuis la fin des années 2010 obéissent à des logiques distinctes. La première était marquée par le souci de lutter contre la « macrocéphalie » parisienne, tandis que les seconds visent à résorber les « fractures territoriales » engendrées par le processus de « métropolisation » apparue depuis la fin des années 1990 : selon les données publiées par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en 2016, si l'emploi dans les commerces de centre‑ville progresse dans les métropoles régionales, il diminue dans les aires urbaines plus petites, notamment dans celles de taille moyenne ([54]).
2. Les villes moyennes françaises se sont développées jusqu’au début des années 2000 de manière singulière par rapport à nos voisins européens
Dans son intervention, M. Xavier Desjardins, professeur d’urbanisme et aménagement de l’espace à Sorbonne-Université, a confirmé non seulement qu’il existait en France de nombreuses fractures territoriales, mais aussi que le maillage territorial de notre pays était singulier par rapport à nos voisins européens. À la différence de l’Allemagne, de l’Italie ou même du Royaume-Uni, où les villes moyennes sont les « relais des pôles urbains », des pans importants du territoire français se caractérisent par des villes sensiblement éloignées des métropoles.
Espaces situés à 50 kilomètres ou plus d’une ville de 100 000 habitants
Source : Présentation de M. Xavier Desjardins. Les zones grises correspondent aux agglomérations d’au moins de 50 000 habitants.
Selon M. Desjardins, la prise en compte assez tardive, en France, des enjeux de rééquilibrage territorial par rapport aux autres pays européens s’explique, en partie, par l’absence de rupture dans la croissance de la population des différentes strates urbaines.
Ainsi, dans les années 1970 et 1980, le Royaume-Uni a été confronté à une véritable « rétraction démographique » dans les villes de 500 000 habitants et plus, ce choc étant illustré par l’exemple de Liverpool, qui perd près de 30 % de sa population entre 1961 et 1981 ([55]). À l’opposé, les villes de taille intermédiaire (entre 100 000 et 500 000 habitants) ainsi que les petites villes de 10 000 à 50 000 habitants se montrent particulièrement dynamiques. En Allemagne, un phénomène analogue s’est produit, bien que les grands pôles urbains n’aient pas connu de choc similaire à celui des cités industrielles britanniques. En France, en revanche, jusqu’à une période récente, la croissance démographique est régulière quelle que soit la strate entre 1961 et 2011.
Évolution comparée de la population des villes selon les strates démographiques entre 1961 et 2011 (France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni)
Source : Présentation de M. Xavier Desjardins.
3. La situation des villes petites et moyennes s’est brutalement dégradée en France dans les années 2010
Dans les années 2010, notre pays connaît un relatif ralentissement de sa croissance démographique et voit la population des zones urbaines évoluer de manière différenciée selon que l’on considère le nord, l’est et le centre, en décroissance, ou l’ouest et le sud, en croissance. Lors de son intervention, M. Desjardins souligne qu’une telle distinction est trompeuse, dans la mesure où des travaux récents ont mis en évidence la décroissance démographique de centres urbains situés dans des zones de l’ouest et du sud-ouest caractérisées par des soldes migratoires positifs et même, dans certains endroits, par des bassins d’emploi dynamiques ([56]).
Un tel paradoxe s’explique en partie par l’attractivité de la périphérie, qui concentre à elle-seule 70 % du chiffre d’affaires du commerce de détail en 2018, ce qui correspond à un quasi-triplement par rapport à 2001 selon la Fédération représentative du commerce spécialisé Procos ([57]).
La croissance rapide du taux de vacance commerciale dans les aires urbaines de plus de 25 000 habitants, qui passe de 7,2 % en 2012 à 11,3 % en 2016 selon les données de l’Institut de la ville et du commerce (IVC) publiées en 2017 ([58]), témoigne de l’ampleur du phénomène.
La dégradation apparaît particulièrement forte pour les villes petites et moyennes, les grandes agglomérations apparaissant relativement épargnées.
Évolution du taux de vacance commerciale selon la strate démographique (2013-2016)
Source : Cahiers n° 1 de l’IVC précités (page 8).
Selon les termes employés par M. Gil Avérous, maire de Châteauroux (36) et président de l’association Villes de France qui a largement contribué au lancement d’ACV en 2017, il y avait là les symptômes d’une « spirale de la désespérance » face à laquelle les pouvoirs publics ne pouvaient rester inertes.
B. Le succès unanimement reconnu d’une politique publique décentralisée fondée sur le partenariat et la diversité des projets
Les Rencontres ont confirmé que le programme ACV faisait l’unanimité parmi les élus locaux et les institutionnels, la Cour des comptes ayant même admis que son évaluation, très positive, était « à contre-emploi » de ce qu’elle avait l’habitude d’exprimer.
1. Le positionnement du maire au cœur du dispositif est un atout essentiel du programme ACV
Bien évidemment, la politique d’aménagement du territoire telle qu’elle s’est remise en place avec le programme ACV n’a pas grand-chose de commun avec celle des Trente Glorieuses, où les décisions stratégiques d’évolution se prenaient au sein de la DATAR, à l’image du « scénario de l’inacceptable » de 1971 évoqué par M. Desjardins dans son intervention ([59]). Comme le président de la République l’a lui-même précisé lors de la conférence nationale des territoires du 18 juillet 2017, l’État est invité à « tenir son rôle » et à « assurer une égalité des possibles et des chances » en se tenant aussi près que possible « des besoins et des attentes locales ».
Concrètement, à l’issue d’une phase d’examen par un comité de pilotage national, 234 villes de l’hexagone et d’outre-mer ont été sélectionnées en 2018 pour participer au programme ([60]). Occupant une situation intermédiaire entre les métropoles régionales et les petites villes, elles constituent avant tout des villes moyennes dont la population est comprise entre 20 000 et 100 000 habitants, bien que, comme l’indiquait Mme Catherine Démier, présidente de la 5ème Chambre de la Cour des comptes, la sélection ait pu prendre en compte des critères de centralité et rendre éligibles des communes de moins de 20 000 habitants ([61]).
Les communes retenues ont ensuite été invitées à élaborer elles-mêmes leur projet avec les partenaires de leurs choix, une partie d’entre eux correspondant aux opérateurs nationaux mobilisés sur le programme.
La gouvernance décentralisée et partenariale du programme ACV
Le déploiement du programme ACV s’est articulé en trois phases :
1/ Au cours d’une première phase dite de « préparation », les communes définissent
les objectifs généraux de leur projet de revitalisation ainsi que ses modalités d’élaboration (études à réaliser, partenariats à mettre en place, etc.). Cette période s’achève par la signature d’une convention-cadre par la commune, l’intercommunalité dont elle est membre, l’État, les partenaires financeurs et, le cas échéant, d’autres acteurs publics et privés venant apporter leur expertise et leurs financements (région, département, etc.).
2/ Une deuxième phase dite « d’initialisation » permet aux partenaires ainsi définis de construire leur projet en mobilisant les études et expertises nécessaires et, le cas échéant, en révisant le diagnostic initial.
3/ La troisième phase, consacrée au « déploiement » du projet, a démarré concrètement le 1er janvier 2021 ([62]).
Le pilotage national du dispositif, initialement assuré par le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), relève aujourd’hui de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) créée par la loi n° 2019‑753 du 22 juillet 2019 par regroupement du CGET, de l’établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) ([63]) et de l’Agence du numérique ([64]). Au titre des aspects financiers, les communes ont l’assurance de pouvoir bénéficier, si elles le souhaitent, de subventions ou de prêts alloués par les trois opérateurs nationaux expressément désignés à cet effet, à savoir la Banque des territoires, qui est une branche de la Caisse des dépôts et consignations, l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et Action Logement Groupe.
En dépit de la présence d’un cadrage national, la maîtrise d’ouvrage est exercée tout au long du processus par le maire de la commune bénéficiaire, accompagné d’un chef de projet recruté à cette occasion et, parfois, d’un « manager de centre-ville ». Il s’agit là d’une des principales forces du programme, unanimement saluée par les intervenants des Rencontres, en particulier par M. Avérous, Mme Démier et M. André Chéreau, maire de Douai et représentant de l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité (AMF) : c’est le maire qui décide de ce qu’il convient de faire, les opérateurs nationaux ne venant qu’en appui.
2. Les élus locaux se déclarent satisfaits de pouvoir mener les projets qu’ils souhaitent dans un cadre partenarial « sur mesure »
Plus de six ans après son lancement, le programme ACV, qui avait été conçu pour s’achever en 2022, a été reconduit jusqu’en 2026. Selon les termes utilisés par Mme Démier, il s’agit d’un « exemple réussi de déconcentration et de décentralisation » ([65]) et d’un « label » aujourd’hui reconnu. Le rapport d’évaluation produit par la Cour en juin 2022 évoque la grande satisfaction des maires des communes bénéficiaires, qui se montrent « satisfaits » à 91 %, et même « très satisfaits » pour 26 % d’entre eux, en réponse à un sondage mené par l’ANCT en novembre 2021 ([66]). M. Avérous signale, pour sa part, qu’une seule commune parmi les 234 lauréates de 2018 n’a pas souhaité s’engager dans la deuxième phase du programme, ce qui montre qu’ACV répond véritablement aux besoins des collectivités.
Outre sa gouvernance décentralisée, les acteurs locaux semblent apprécier la « confiance partenariale » inhérente à la gouvernance du dispositif. M. Avérous a ainsi rappelé, par contraste, les frustrations que pouvait comporter pour un porteur de projet le passage devant une commission d’engagement de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ([67]).
L’autre point fort du programme réside dans la possibilité pour les élus locaux de traiter tout sujet de manière transversale sans craindre les limites d’une stratégie définie au plan national. Comme l’a rappelé Mme Démier dans son intervention, ACV ne se limite pas à la réhabilitation des surfaces commerciales, mais a vocation à améliorer l’offre de logements, renforcer l’accessibilité des centres-villes, développer l’offre culturelle et de loisirs, etc.
La diversité des projets financés sur le programme ACV
Les projets présentés sur le site internet de l’ANCT témoignent des approches multiples mises en œuvre par les élus des communes bénéficiaires : reconversion d’une ancienne friche industrielle en un quartier doté de 67 logements et de services de proximité à Montbrison (Loire), transformation d’une ancienne halle à tabac en cinéma multiplex à Dieppe (Seine-Maritime), pose de « boîtes créatives » susceptibles d’être utilisées comme locaux commerciaux sur la place Jean Bart à Dunkerque (Nord), création d’un tiers lieu d’enseignement supérieur et de formation à Bergerac (Dordogne), restauration de la chapelle Saint-Yves à Vannes (Morbihan), etc.
Source : catalogue 222 villes/projets d’aménagement urbain de l’ANCT (site internet de l’ANCT) et dossier de presse sur « Action cœur de ville 2 » du 21 novembre 2022.
3. Les modalités de suivi financier et d’évaluation du programme mériteraient toutefois d’être améliorées
Bien que la Cour des comptes ait, dans son rapport d’évaluation précité, donné un satisfecit général au programme ACV et, pour reprendre les propos de Mme Démier, « insisté sur la poursuite des dépenses », des marges d’amélioration ont été identifiées et rappelées lors des Rencontres.
S’agissant, tout d’abord, des aspects financiers, on peut rappeler que les montants annoncés par le Gouvernement en 2017 pour le premier volet (5 milliards d’euros sur cinq ans) et en 2021 pour le second volet (5 milliards d’euros sur quatre ans) sont considérables. Pour autant, comme le note la Cour des comptes dans son rapport précité ([68]), « même si l’engagement de l’ensemble des financeurs est substantiel, il est parfois difficile d’en cerner avec précision la dimension exacte et le contenu ». Certaines dépenses sont, ainsi, rattachées au programme ACV sans que le lien puisse être établi de manière indubitable et, en sens inverse, de nombreux financements issus de partenaires extérieurs (secteur privé et collectivités locales) ne sont pas retracés.
Lors des Rencontres, Mme Démier a, ainsi, rappelé que, selon les calculs de la Cour, le niveau d’engagement cumulé de l’État et des trois opérateurs du programme ACV (Banque des territoires, ANAH, Action Logement) s’élevait à fin 2021 à 2,8 milliards d’euros sur les 5 milliards d’euros annoncés et ne correspondait pas au chiffrage produit par l’ANCT fin 2021 (3,9 milliards d’euros).
Engagements financiers sur le premier volet du programme ACV à fin 2021 (comparatif ANCT - Cour des comptes)
(en millions d’euros)
|
Répartition initiale des crédits |
Crédits engagés à fin 2021 |
Crédits engagés à fin 2021 |
État |
600 |
409 |
409 |
Banque des territoires |
1 700 |
1 735 |
1 044 |
Action logement |
1 500 |
1 195 |
791 |
ANAH |
1 200 |
520 |
520 |
Total |
5 000 |
3 860 |
2 765 |
Source : rapport de la Cour des comptes précité (page 23).
L’autre sujet de préoccupation, évoqué tant par la Cour des comptes que par M. Thierry Mandon, secrétaire général du Conseil national du commerce, a trait à la mesure de l’impact du programme lui-même sur le commerce de centre-ville.
Sur ce point, M. Avérous se félicite de la baisse du taux de vacance commerciale constatée dans les villes lauréates, qui est passée de 13,15 % en 2018 à 12,50 % en 2022 après un pic à 14,15 % en 2020 ([69]). Pour autant, Mme Démier indique qu’il est difficile, faute d’indicateurs adéquats, de distinguer l’impact découlant directement des projets ACV de celui lié à l’attractivité renouvelée des territoires périphériques à l’issue de la crise sanitaire.
M. Mandon partage ce constat : il est, selon lui, « difficile d’établir un bilan » précis, même s’il note des améliorations non-négligeables au travers des 163 locaux commerciaux rénovés ou en cours de réhabilitation dans les communes bénéficiaires du programme. Il se dit toutefois pessimiste sur la poursuite de la réduction du taux de vacance commerciale en centre-ville en raison du bouleversement des habitudes de consommation et des transformations du commerce, avec notamment la « plateformisation » des entreprises, c’est-à-dire l’utilisation de plateformes technologiques pour connecter entre eux les différents acteurs impliqués dans l’activité, employés, fournisseurs, clients, comptable, etc. Les commerces de centre-ville sont globalement mal « outillés » par rapport à ces nouvelles organisations et canaux de vente qui s’appuient sur les technologies numériques.
II. Les nouveaux programmes de revitalisation : au-delà de la simple extension d’ACV, une politique publique à conforter sur le long terme
Le succès du programme ACV a logiquement servi de modèle à la mise en œuvre des programmes Petites villes de demain (PVD) et Villages d’avenir. Le déploiement de ce qui apparaît comme une véritable politique d’ensemble suppose que l’État, dans toutes ses composantes, soit capable d’ajuster son action à la réalité des projets portés par les collectivités.
A. Le prolongement d’ACV au travers des programmes petites villes de demain et villages d’avenir
Les programmes PVD et Villages d’avenir, inspirés respectivement par l’Association des petites villes de France (APVF) et l’Association des maires ruraux de France (AMRF), s’inscrivent assez largement dans la lignée d’Action Cœur de ville sans en constituer pour autant des copies conformes.
1. Le programme Petites villes de demain constitue en partie une forme d’extension aux petites villes du dispositif ACV
Le 19 septembre 2019, lors du congrès annuel de l’Association des petites villes de France (APVF), le Premier ministre annonce avoir demandé à la ministre de la cohésion des territoires d’élaborer un programme de l’ANCT « spécifiquement consacré aux petites villes », communes « petites par la taille, grandes par l’histoire et leur rayonnement » ([70]).
Lancé le 1er octobre 2020 et doté de 3 milliards d’euros jusqu’en 2026, ce programme, dénommé « Petites villes de demain » s’adresse aux communes de moins de 20 000 habitants qui exercent des « fonctions de centralité » sans faire partie d’un « grand pôle urbain » supérieur à 10 000 emplois et montrent des « signes de fragilité multiples » ([71]).
À la suite d’un recensement effectué par les préfets, 1 645 communes ont été sélectionnées au niveau national et invitées à s’engager dans un processus de contractualisation.
Au cours de son intervention, M. Christophe Bouillon, président de l’ANCT et de l’APVF, a précisé que le programme PVD avait conservé les « points forts » du programme ACV, en particulier sa logique partenariale et sa gouvernance décentralisée. Le maire reste le « premier ingénieur » des projets, les opérateurs nationaux ne faisant qu’accompagner la mise en œuvre de priorités fixées au niveau local. Toutefois, il se distingue légèrement du programme précédent à plusieurs titres.
1/ Les objectifs des projets susceptibles d’être soutenus sont plus larges que la seule revitalisation des centres-villes. Il s’agit d’améliorer les conditions de vie des habitants des territoires concernés, en accompagnant les collectivités dans des trajectoires respectueuses de l’environnement. Comme l’a précisé M. Bouillon en réponse à M. Chéreau, ce dernier point ne constitue pas un obstacle à la liberté d’action des élus locaux. Rien n’interdit à ces derniers, lors de l’établissement de la convention-cadre, d’intégrer des objectifs spécifiques adaptés aux besoins de leur territoire. C’est le cas, notamment, de l’adaptation de la ville au vieillissement de la population ou du renforcement de la tranquillité et de la sécurité publiques.
Quatre exemples de projets financés sur le programme PVD
Commune de Saint-Laurent-du-Pont (Isère) : développement des mobilités douces et extension des zones piétonnes en centre-ville.
Commune de Calvi (Haute-Corse) : transformation du parc de stationnement situé devant la citadelle en une place propice aux rendez-vous et aux petits rassemblements (marchés).
Commune de Montendre (Charente-Maritime) : soutien d’initiatives associatives visant à favoriser l’inclusion sociale des personnes âgées (soins et aide à domicile, activités de sports et de loisirs, assistance dans l’utilisation d’internet).
Commune de Pavilly (Seine-Maritime) : transformation d’une ancienne usine de filature en centre de santé pluridisciplinaire.
Source : « projetothèque » du programme PVD (site internet de l’ANCT)
2/ La procédure de contractualisation comporte en amont la signature d’une « convention d’adhésion » matérialisant l’engagement des collectivités bénéficiaires et de ses partenaires. Le projet de territoire ne sera défini qu’au stade de la convention-cadre, mais il est possible d’engager des premières actions dès l’adhésion. Selon les données communiquées par M. Bouillon, 80 % des villes lauréates auraient déjà conclu, à la date des Rencontres, une convention-cadre.
3/ Le programme comporte un important volet d’ingénierie territoriale : le co-financement à hauteur de 75 % d’un poste de chef de projet est systématiquement proposé et, parmi les opérateurs nationaux mobilisés, figurent désormais le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) ainsi que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Action Logement Groupe ne participe pas, en revanche, au dispositif.
Lors de son intervention, M. Bouillon a précisé qu’environ 900 chefs de projet avaient été mis en place et, surtout, que le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) s’était engagé à fournir une offre de formation à ces chefs de projet de façon à permettre le renforcement de leurs compétences tout au long de la mise en œuvre des projets de revitalisation ([72]).
Il s’agit, ici, d’une réponse à l’une des critiques formulées par la Cour des comptes qui, dans son rapport d’évaluation du programme ACV, avait souligné les difficultés des communes à accéder à une ingénierie opérationnelle, c’est‑à‑dire à des compétences techniques postérieures à la simple identification des besoins ([73]).
2. Le programme Villages d’avenir permet aux communes rurales non couvertes par le dispositif PVD de bénéficier à leur tour d’une aide à la revitalisation
Bien que le programme PVD n’ait pas exclu à proprement parler les communes rurales qui, selon les éléments communiqués par le président de l’ANCT, représentent 73 % des bénéficiaires, aucun dispositif ne leur était spécifiquement consacré. Il était, en particulier, impossible à un groupe de communes rurales dénuées de fonctions de centralité d’être accompagnées dans leurs projets de redynamisation. C’est ce souci de « considération », pour reprendre les termes utilisés par M. Michel Fournier, président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), qui a conduit le Gouvernement à mettre en place un nouveau programme de revitalisation sous l’acronyme de « Villages d’avenir » en juin 2023.
Comme pour ACV et PVD, c’est la logique de co-construction qui a prévalu. Lors de son intervention, M. Fournier a indiqué avoir plaidé pour que la sélection des communes lauréates s’effectue à partir des candidatures adressées aux préfets, et non d’une évaluation laissée à la seule main des services déconcentrés. L’instruction ministérielle correspondante ([74]) reprend cette préconisation en demandant aux préfets d’établir une première liste composée des « communes intéressées » qui se seront préalablement signalées.
Elle rend éligibles les « groupes de 2 à 8 communes rurales » au sens de la grille de densité de l’Institut national de statistiques et des études économiques (INSEE) ainsi que les « petites centralités » qui ne seraient pas déjà couvertes par d’autres dispositifs d’appui de l’ANCT. À titre plus anecdotique, on remarquera que la dénomination même du programme est issue d’un communiqué de l’AMRF en date de mars 2022 ([75]).
Par ailleurs, afin de ne pas faire supporter aux communes lauréates la charge liée à la recherche des capacités d’ingénierie, l’État a décidé de positionner lui-même 120 chefs de projet au niveau des départements. L’instruction ministérielle précitée indique que « le recrutement, la gestion et l’animation des chefs de projet relèveront intégralement des préfets, dans un esprit de déconcentration. »
Pour le reste, le programme obéit aux mêmes principes que ses prédécesseurs : pilotage par l’ANCT, mobilisation d’opérateurs nationaux (Banque des territoires, CEREMA, etc.) jusqu’en 2026, gouvernance décentralisée, éventail très large de projets susceptibles d’être financés, etc.
Domaines d’action du programme Villages d’avenir ([76])
Habitat, logement, rénovation du bâti dégradé (construction, réhabilitation, rénovation)
Transition énergétique (éclairage public, rénovation énergétique, production d’énergie renouvelable)
Patrimoine et cadre de vie (rénovation, réhabilitation, valorisation touristique)
Services et commerces de proximité (mise en réseau avec France Services, lieux de convivialité, tiers lieux, fonds de commerce rural)
Circuits courts alimentaires et matériaux, valorisation d'un produit local
Transition numérique
Transition écologique et biodiversité
Engagement citoyen et participation des habitants.
Sur le plan financier, le programme a été doté de 2 milliards d’euros sur trois ans (2024-2026). Le 21 décembre dernier, le Gouvernement a dévoilé la liste des communes lauréates, qui s’élèvent à 2 458 au total.
3. L’extension du nombre de communes couvertes pose à terme la question de la capacité de l’État et de ses opérateurs à accompagner le mouvement
L’extension continue de ces programmes de revitalisation à de nouvelles catégories de communes témoigne à la fois de leur capacité d’attraction et de leurs limites.
Comme l’a souligné Mme Constance de Pélichy, maire de la Ferté‑Saint‑Aubin (45) et représentante de l’AMF, l’addition des lauréats des trois programmes (ACV, PVD et Villages d’avenir) aboutit à la prise en charge d’environ 12 % des 34 932 communes françaises, ce qui signifie que près de 90 % des communes restent en-dehors de ces outils d’aménagement du territoire. M. Fournier, pour sa part, a rappelé que près de 5 000 communes rurales s’étaient signalées aux préfets, la moitié d’entre elles n’ayant finalement pas été retenues. Certes, il aurait été déraisonnable d’aller au-delà des 2 458 retenues compte tenu du nombre de chefs de projets départementaux envisagés (120) ([77]), mais une telle sélection n’a pas manqué de générer des « frustrations ». Mme Catherine Couturier, députée de la Creuse, a exprimé des regrets similaires lors de son intervention ([78]).
Ce seuil pose la question de la capacité de l’État à « changer d’échelle » face à la massification des dispositifs de revitalisation. Lors de son intervention, M. Olivier Sichel, directeur de la Banque des territoires, a ainsi indiqué que, si la Caisse des dépôts n’avait eu aucune difficulté à mettre un « directeur territorial » à la disposition de chacune des communes bénéficiaires du programme ACV, il en a été tout autrement lors du déploiement du dispositif PVD, où il a été décidé de solliciter l’appui de « personnels relais » dans les régions, les départements ou les services déconcentrés de l’État ([79]).
Dès lors, une extension de ces programmes à un nouveau panel de communes risquerait d’entraver le « retour de l’aménagement du territoire » engagé en 2017. Dans un rapport de 2021 ([80]), l’IGA redoutait que la capacité de l’État territorial à fournir un appui massif aux collectivités ne fût « plus à la hauteur des enjeux ». Sans être aussi sévère, le rapport de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur l’ANCT évoqué tant par le sénateur Fabien Genet que par M. Bouillon lors des Rencontres ([81]) appelle au rapprochement de l’Agence des élus locaux et à l’allocation des préfets en « moyens humains ciblés ».
Plus largement, c’est la pertinence du critère démographique pour définir l’éligibilité d’une commune à un programme de revitalisation qui est remise en question. Selon Mme de Pélichy, la structuration de ces dispositifs autour de seuils de population devrait être abandonnée ou, tout au moins, limitée. Lors de sa présentation sur ACV, M. Desjardins appelle également à une approche « territorialisée » des politiques de redynamisation, rappelant, sur ce point, que la DATAR avait, en son temps, développé une approche régionale de l’aménagement du territoire ([82]).
B. les conditions de réussite des nouveaux programmes de revitalisation
À l’instar d’ACV, les programmes PVD et Villages d’avenir ont vocation à s’imposer comme des « labels » reconnus à condition d’apporter aux communes lauréates un certain nombre de garanties en termes de relais d’ingénierie, d’accompagnement financier et de prise en compte du long terme.
1. La présence d’un relais d’ingénierie au sein de la collectivité, de préférence au niveau de l’intercommunalité, paraît indispensable à la réussite des projets
En dépit du repli relatif de l’État déconcentré opéré dans les années 2010, M. Bouillon a tenu à rappeler que les ressources en ingénierie étaient loin d’être inexistantes, mais qu’elles restaient souvent méconnues des élus locaux eux‑mêmes. Pour cette raison, l’ANCT a mis en place sur son site internet une « cartographie » des porteurs d’ingénierie, répondant ainsi à la préconisation n° 7 du rapport sénatorial précité ([83]).
La cartographie de l’ANCT en ingénierie
La cartographie est accessible par tout internaute à l’adresse suivante : https://aides-territoires.beta.gouv.fr/cartographie/. Elle permet de voir l’ensemble des offres d’ingénierie disponibles dans un département donné par domaine (ingénierie technique, juridique ou financière) et par organisme (public, privé, mixte).
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Source : site internet de l’ANCT
Pour autant, c’est moins la disponibilité d’une ressource technique que la capacité de la collectivité à la solliciter au bon moment et à l’utiliser dans le respect des orientations du projet qui conditionne le succès d’une opération de revitalisation. En ce sens, c’est bien le chef de projet qui est essentiel.
La consultation organisée par la mission conjointe de contrôle des délégations aux entreprises et aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat ([84]) auprès des élus locaux fait apparaître que l’existence d’un poste pérenne de chef de projet est jugée indispensable par 70 % des communes ACV et 86 % des communes PVD.
Or, comme l’ont fait remarquer lors des Rencontres Mme Constance de Pélichy et Mme Florence Lerique, professeure de droit public à l'université de Bordeaux Montaigne, plus on étendra le nombre de communes bénéficiaires, plus il s’avèrera nécessaire pour les services déconcentrés de l’État de s’appuyer sur des relais locaux à une échelle suffisamment pertinente pour que l’accompagnement conserve toute sa pertinence.
Dans son intervention, Mme Lerique évoque le problème que constitue, selon elle, la « fragmentation » communale. Sans aller jusqu’à rouvrir le débat sur les fusions de communes ou les incitations à se regrouper en communes nouvelles, Mme de Pélichy insiste, de son côté, pour que les EPCI soient systématiquement au cœur du dispositif. À cette occasion, M. Christophe Martins, président de la communauté de communes Montfort communauté (35), a déploré que les EPCI soient peu présents dans le programme Villages d’avenir. En effet, contrairement à ce qui est prévu pour le programme PVD, où les conventions-cadres prévoient l’implication des intercommunalités au travers des opérations de revitalisation de territoire (ORT), les communes Villages d’avenir ont la possibilité de contractualiser avec l’État sans passer nécessairement par leur EPCI.
Les opérations de revitalisation de territoire (ORT) et le programme PVD
Les ORT ont été instaurées par la loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) en son article 157. Elles permettent d’associer des acteurs locaux, notamment un EPCI et tout ou partie de ses communes membres, et nationaux autour d’un projet de territoire portant sur l’adaptation et la modernisation du « parc de logements et de locaux commerciaux et artisanaux » « dans une perspective de mixité sociale, d’innovation et de développement durable » (art. L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation).
L’ORT comporte des effets juridiques intéressants pour les collectivités désireuses de s’engager dans un projet d’aménagement, de logement ou d’urbanisme : éligibilité des propriétaires à la réduction d’impôt pour investissement locatif dans l’ancien (« Denormandie »), assimilation de l’ORT à une opération programmée d’amélioration de l’habitat et de rénovation urbaine (OPAH - RU), application de l’article 5 de la loi ELAN permettant à la commune de déroger jusqu’en 2025 aux règles d’urbanisme et de construction opposables à un projet, etc.
Le modèle de convention-cadre établi par l’ANCT pour le programme PVD (https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/mode-demploi-697) indique dès la première page la signature de l’EPCI et précise que, « pour que la présente convention vaille opération de revitalisation de territoire (ORT), inclure la signature de la ville principale de l’EPCI. »
Mme Lerique s’appuie sur les succès remportés par la commune de Castillon-la-Bataille (33) dans la revitalisation de son centre-ville ([85]), modèle de gouvernance partenariale associant l’EPCI et les autres strates de collectivités autour d’une ORT, pour préconiser le rattachement, lorsque cela est pertinent au regard de la nature du projet, des ORT aux conventions Villages d’avenir.
Subsidiairement, Mme Lerique a constaté que la réglementation empêchait les communes de 40 000 habitants ou moins de recruter des ingénieurs en chef territoriaux ([86]) et suggère donc de lever ce seuil afin précisément de permettre aux petites villes et aux villages d’accéder plus facilement à des compétences techniques essentielles à leurs projets.
2. L’accompagnement financier des projets pourrait, dans certains cas, être renforcé
Indépendamment de la qualité technique du projet, plusieurs intervenants ont rappelé que l’accompagnement financier devait également être à la hauteur des ambitions affichées par le Gouvernement. Ainsi, M. Michel Fournier, rejoint en cela par M. Stéphane Delautrette, député de Haute-Vienne, a indiqué que le coût de la réhabilitation d’un ensemble immobilier pouvait s’avérer prohibitif pour des petites communes, le reste à charge étant susceptible de représenter une charge significative malgré un taux de couverture élevé par des subventions ou des prêts.
Reste à charge : l’exemple des opérations immobilières réalisées dans le cadre du programme ACV
À l’occasion du bilan établi pour les quatre premières années du programme ACV (2018‑2021), Action Logement évalue à 2 693 euros par mètre carré le coût moyen d’une opération d’acquisition-amélioration destinée à alimenter le parc immobilier social et intermédiaire, soit un montant plus élevé qu’une simple construction neuve (2 461 euros par mètre carré en moyenne).
Sur les quatre années considérées, le financement du projet d’acquisition-amélioration était couvert à 27 % par des subventions (dont 20 % au titre du seul programme ACV), 56 % par des prêts et 17 % par des fonds propres.
Le plan de financement de la construction neuve s’avère similaire en dépit d’une proportion plus élevée de prêts (71 %), les subventions et les fonds propres concourant chacun à hauteur de 14 %.
Source : « Les Cœurs de ville en action » (Bilan Action Logement 2021) - page 40.
La part significative que représentent les emprunts dans chacun des dispositifs peut également freiner les velléités de certains élus locaux. Comme l’ont noté les rapporteurs de la mission conjointe de contrôle relative à la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs du Sénat, « les élus souhaitent des subventions directes et s’attendaient à cela, alors que les programmes proposent des financements de nature différente. » ([87])
En réponse à ces inquiétudes, M. Sichel a rappelé que la Banque des territoires disposait d’une capacité de prêt suffisante pour faire face aux besoins des collectivités lauréates et que l’emprunt de long terme pour des projets de revitalisation ne relevait absolument pas de la mauvaise gestion.
La montée en puissance des impératifs liés à la transition écologique dans les programmes de revitalisation, y compris dans le deuxième volet d’ACV, amène également les collectivités à s’interroger sur la capacité des commerçants eux‑mêmes à supporter le coût de la rénovation de locaux parfois très anciens. Pour cette raison, M. Avérous, rejoint en cela par M. Mandon, a émis le souhait que soit mis à la disposition des entreprises commerciales de petite taille un dispositif d’aide analogue à celui offert, avant sa suppression en 2019, par le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC). Tous deux ont également souligné l’intérêt que revêt pour une commune ou un EPCI la constitution d’une foncière immobilière pour porter les projets de redynamisation sans que cela ne pèse sur le budget général de la collectivité ([88]).
Le FISAC des origines (1989) à sa disparition (2018)
Issu de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989, le FISAC, alors dénommé « Fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce » avait pour vocation de répondre aux menaces pesant sur l’existence des services artisanaux et commerciaux de proximité dans des zones rurales ou urbaines fragilisées par les évolutions économiques et sociales. Son action se traduisait par le versement de subventions aux collectivités locales et aux entreprises, le plus souvent en milieu rural.
Alors qu’il bénéficiait à l’origine d’une logique de solidarité des grandes entreprises commerciales vers les petites, par le reversement d’une partie de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), le FISAC a fait l’objet de plusieurs réformes qui l’ont notamment conduit à voir ses crédits entièrement budgétisés à partir de 2003.
Renommé « Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce » à cette époque, le FISAC disposait alors de crédits d’intervention d’environ 80 millions d’euros. Ces crédits avaient été ramenés à 18 millions d’euros en 2018 avant sa suppression par la loi de finances pour 2019.
3. La temporalité des projets ne s’accorde pas toujours avec celle envisagée au niveau national
Au cours de son intervention, Mme de Pélichy a rappelé que la mise en œuvre d’un projet de revitalisation, quel que soit le programme de rattachement, prenait du temps et que ce temps n’était pas forcément pris en compte dans la configuration même du dispositif au niveau national.
Dans sa commune, lauréate du programme PVD, le projet de réaménagement du centre-ville en cours d’élaboration ne donnera probablement pas lieu à des travaux avant l’année 2025, soit l’année précédant la fin prévisionnelle du dispositif national.
Le calendrier de mise en œuvre extensible de certains projets ACV
La variété des projets financés sur le programme ACV se retrouve également dans la durée de réalisation. Ainsi, si la commune de Marc-en-Baroeul (59) a pu aboutir en trois ans (2018-2021) à la construction d’un nouveau cinéma (le Pont des Arts), la réhabilitation de la rue du Château-du-Roi à Cahors (46) est censée s’étaler pendant sept ans jusqu’en 2025 ([89]).
La commune d’Autun (71) s’est, quant à elle, engagée dans un vaste chantier de création d’un site muséal réunissant trois lieux : l’actuel musée Rolin, la prison circulaire, l’ancien palais de justice. L’étude de programmation architecturale a débuté en 2018 et la première tranche des travaux ne devrait être livrée qu’en 2025 ([90]).
La plupart des intervenants se rejoignent donc sur la nécessité d’allonger autant que possible la durée de l’ensemble des programmes de revitalisation, qui sont tous censés s’achever en 2026. Ainsi M. Avérous n’a-t-il pas hésité à préconiser, d’ores et déjà, la mise en place d’une « troisième volet » pour ACV.
Inévitablement, l’étalement des projets pose la question de leur adéquation avec les outils financiers disponibles. Mme de Pélichy a, ainsi, déploré que l’accès aux dotations d’investissement de l’État ([91]) soit remis en question tous les ans en application du principe d’annualité budgétaire alors même qu’il s’agit d’une composante essentielle du financement du projet de revitalisation porté par sa commune. Une meilleure prévisibilité de l’ensemble des financements lui paraît de nature à donner aux projets de revitalisation l’assurance de leur réalisation sur le long terme.
Plus généralement, de nombreux intervenants ont rappelé que les projets étaient souvent conçus localement dans un environnement susceptible d’évoluer de manière contradictoire en raison même de choix contradictoires opérés au niveau national par l’État ou ses opérateurs. M. Avérous, rejoint en cela par Mme Démier, M. Chéreau et Mme Isabelle Briquet, sénatrice de Haute-Vienne, a ainsi regretté que les efforts de réhabilitation des quartiers de gare soient parfois entravés par les décisions de réduction des liaisons ferroviaires prises par la SNCF.
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Lors de sa réunion du 13 mars 2024 à 15 heures, la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a examiné le présent rapport et en a autorisé la publication.
Le compte rendu de cette réunion peut être consulté en ligne, sur le site de l’Assemblée nationale :
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Sénat
– M. Fabien Genet, sénateur de Saône-et-Loire, vice‑président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Table ronde n° 1 :
– M. Gil Avérous, maire de Châteauroux (36), président de Châteauroux Métropole, président de l’association Villes de France ;
– Mme Catherine Démier, présidente de la 5ème Chambre de la Cour des comptes ;
– M. Thierry Mandon, secrétaire général du Conseil national du commerce
– M. Xavier Desjardins, professeur d’urbanisme et aménagement de l’espace à Sorbonne-Université ;
Table ronde n° 2 :
– M. Christophe Bouillon, maire de Barentin (76), président de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ;
– M. Michel Fournier, maire des Voivres (88), président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) ;
– Mme Florence Lerique, professeure de droit public à l'université de Bordeaux Montaigne ;
– M. Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des dépôts et consignations, directeur de la Banque des territoires ;
Association des maires et présidents d’intercommunalité de France (AMF)
– M. Frédéric Chéreau, maire de Douai (59), vice-président de l’AMF ;
– Mme Constance de Pélichy, maire de La Ferté Saint-Aubin (45), co-présidente de la commission Aménagement, urbanisme, habitat et logement de l’AMF ;
Intercommunalités de France
– M. Christophe Martins, maire d’Iffendic (35), président de la communauté de communes Montfort communauté.
([1]) Titres de deux articles, l’un paru dans La Croix du 24 août 2014, l’autre dans Le Monde du 6 janvier 2016.
([2]) « Les grands textes de l’aménagement du territoire et de la décentralisation » (Christel Alvergne et Pierre Musso), ouvrage publié en 2003 sous l’égide de la DATAR.
([3]) Plan présenté en conseil des ministres le 9 octobre 1968.
([4]) Rapport de la 5ème chambre n° 2021-1266-1 du 24 juin 2022 (page 6).
([5]) ACV a été conçu, sauf quelques exceptions, pour les villes de 20 000 habitants et plus.
([6]) L’établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) et l’Agence du numérique.
([7]) Art. L. 1231-2 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires.
([8]) Autour de 10 000 habitants.
([9]) Cour des comptes, Le programme Action Cœur de Ville. Exercices 2018-2021. Observations définitives, 24 juin 2022.
([10]) Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur l'évolution des relations entre l'État et les collectivités locales en matière de politique publique, au Sénat le 17 juillet 2017.
([11]) L’initiative Territoires d’Industrie, lancée fin 2018, s’inscrit dans une stratégie de l'État de reconquête industrielle et de développement des territoires. Elle représente le volet territorial de la politique de reconquête industrielle. 127 sites industriels ont été labellisés au cours de la période 2018-2022. Une nouvelle phase du programme sur 2023-2027 a été annoncée par le président de la République en mai 2023.
([12]) Déclaration de M. Édouard Philippe, Premier ministre, sur le pacte financier entre l’État et les collectivités territoriales, l'accès aux services publics et l'accompagnement des projets de territoire, à Cahors le 14 décembre 2017.
([13]) Rapport de la mission de préfiguration de l’Agence nationale de la cohésion des territoires présenté par M. Serge Morvan, commissaire général à l’égalité des territoires, 18 juin 2018.
([14]) Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
([15]) Revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs : entre enthousiasme et frustrations, rapport d’information (n° 910) fait par une mission conjointe de contrôle des délégations aux entreprises et aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, par M. Rémy Pointereau, Mme Sonia de la Provôté, MM. Serge Babary et Gilbert-Luc Devinaz, sénateurs, 29 septembre 2022.
([16]) L’ORT vise une requalification d’ensemble d’un centre-ville dont elle facilite la rénovation du parc de logements, de locaux commerciaux et artisanaux, et plus globalement le tissu urbain, pour créer un cadre de vie attractif propice au développement à long terme du territoire.
([17]) Cette réduction d’impôt sur le revenu est accordée aux personnes physiques achetant un logement ancien à rénover dans certaines zones (en cœur de ville, dans le cadre d’une ORT ou dans une commune dont le besoin de réhabilitation de l’habitant est important) avant sa mise en location (art. 199 novovicies du CGI).
([18]) L’opération programmée d’amélioration de l’habitat et de renouvellement urbain (OPAH-RU) permet la mise en œuvre d’une politique de réhabilitation du parc immobilier bâti et d’amélioration de l’offre de logements, en particulier locatifs, dans des quartiers ou zones urbaines, périurbaines ou rurales dans lesquelles sont identifiés des phénomènes de vacance ou une prégnance de l’habitat dégradé ou insalubre. Elle s’attache aussi à pallier l’insuffisance des services publics et le déclin des commerces pour répondre au mieux aux besoins des populations résidentes et vise à contribuer à l’amélioration du cadre de vie et à la préservation de la mixité sociale (source : Cerema).
([19]) Le fonds pour le recyclage des friches, doté de 750 millions d’euros, a été déployé en 2021-2022 dans le cadre du Plan de Relance pour financer, d’une part, des opérations de recyclage des friches ou de transformation de foncier déjà artificialisé dans le cadre d’opérations d’aménagement urbain, d’autre part, la reconversion de friches pollués d’anciens sites industriels ou miniers.
([20]) Le fonds pour l’accélération de la transition écologique, doté de 2 milliards d’euros en 2023, vise à aider les collectivités territoriales à renforcer leur performance environnementale, adapter leur territoire au changement climatique et améliorer leur cadre de vie. Il a été prolongé en 2024.
([21]) Le FISAC visait à favoriser la création, le maintien, la modernisation, l’adaptation et la transmission de commerces et d’entreprises artisanales de proximité. L’aide aux projets individuels ou collectifs pouvait atteindre 30 % des dépenses de fonctionnement et 20 % des dépenses d’investissement (30 % pour les aménagements liés à l’accessibilité). Le FISAC a été mis en extinction le 31 janvier 2019.
([22]) Cour des comptes, L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) : un outil à consolider. Exécution 2020-2022, février 2024, communication à la commission des finances du Sénat.
([23]) La démarche TPSF est une démarche expérimentale visant à accompagner certains territoires dans leur stratégie de sobriété foncière au regard des enjeux liés à l’artificialisation des sols et à l’étalement urbain. Elle aide les collectivités territoriales dans la définition de leur stratégie urbaine et leur permet de réinventer un modèle de densification/dédensification s’appuyant sur la qualité de vie qu’offre une ville à taille humaine. Elle est ouverte aux collectivités bénéficiaires du programme ACV et signataire d’une ORT (source : ANCT).
([24]) Le fonds de restructuration des locaux d’activité a été déployé en mars 2021 avec une enveloppe de 60 millions d’euros. Il vise à soutenir des opérations immobilières de restructuration de commerces dans les dans les territoires identifiés pour leur fragilité : ACV, PVD, ORT, QPV, ZRR notamment.
([25]) Les villes françaises en décroissance dans le temps long (1968-2017). Une typologie des trajectoires en fonction des composantes démographiques, des spécialisations économiques et de la diversité des contextes territoriaux (Ivan Glita)
([26]) La population de Liverpool passe de près de 700 000 habitants au début des années 1960 à 500 000 habitants en 1981.
([27]) La transition obligée : réussir la transition écologique sans dépendre de la Chine et des États-Unis (David Djaïz et Xavier Desjardins, 2024).
([28]) « Une image de la France de l'an 2000 » (DATAR - 19 juillet 1971).
([29]) « Territoires 2040, aménager le changement » (DATAR - juin 2010).
([30]) Rapport n° 313 (2022-2023) de Mme Cécile Brulin et M. Charles Guené, sénateurs, relatif à l’ANCT.
([31]) Recommandation n° 1.
([32]) La direction « Territoires et ruralités ».
([33]) AMF, Intercommunalités de France, Départements de France, Régions de France, Villes de France, AMRF, Ville et Banlieue, France Urbaine, APVF et Association nationale des élus de montagne (ANEM).
([34]) L’ANCT est le résultat de la fusion du CGAET avec l’établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) et l’Agence du numérique.
([35]) À la différence des conventions d’adhésion au dispositif, qui ne font qu’officialiser l’entrée de la commune dans le dispositif.
([36]) Issues de la loi dite « ELAN » du 23 novembre 2018, les ORT permettent d’associer des acteurs locaux (EPCI et communes) et nationaux autour d’un projet de territoire portant sur l’adaptation et la modernisation du « parc de logements et de locaux commerciaux et artisanaux » « dans une perspective de mixité sociale, d’innovation et de développement durable » (art. L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation).
([37]) En application de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (article 158).
([38]) L’ANCT : l’État déconcentré au service de la cohésion des territoires (rapport de l’IGA - décembre 2021).
([39]) Rapport d’information n° 2019 (2023-2024) de M. Sébastien Jumel et Mme Violette Spillebout, députés, du 20 décembre 2023.
([40]) La commune est à 20 kilomètres de Libourne et à près de 60 kilomètres de Bordeaux.
([41]) Plus de la moitié de la population a un revenu inférieur au revenu médian.
([42]) Une ville « active », une ville « habitée », une ville solidaire et une ville « accueillante ».
([43]) Rapport d’information n° 251 (2019-2020) de MM. Bernard Delcros, Jean-François Husson, Franck Montaugé et Raymond Vall, sénateurs et membres du groupe de travail sur les collectivités territoriales, leviers de développement des territoires ruraux.
([44]) Art. 3 du décret n°2016-200 du 26 février 2016. La suppression de ce seuil est reprise au niveau de la recommandation n° 28 du rapport.
([45]) Rapport d’information sénatorial n° 251 précité (recommandation n° 29).
([46]) Projet « Vittel Horizon 2030 ».
([47]) Communication du 3 octobre 2023 en conclusion de la mission d’information « flash » sur les communes nouvelles.
([48]) Issus des « contrats de cohésion territoriale » de l’art. L. 1231‑2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), les CRTE ont été instaurés par une circulaire du Premier ministre en date du 20 novembre 2020. Ces contrats ont été conçus pour accompagner les territoires dans leur projet de relance et de transition écologique et, notamment, « regrouper les démarches contractuelles existantes » dans une logique de simplification et de mise en cohérence des programmes d’aides offerts par l’État.
([49]) Communauté d’agglomération d’Épinal.
([50]) Instruction ministérielle n° TERR1800859C du 10 janvier 2018 relative au lancement du programme « Action cœur de ville ».
([51]) Paris et le désert français (1947).
([52]) Tribune de M. François Sauvadet, alors député, dans le Monde (7 février 2014).
([53]) Préconisations du rapport sénatorial n° 565 (2016-2017) de M. Hervé Maurey et Louis-Jean de Nicolay (Aménagement du territoire :: plus que jamais une nécessité)
([54]) « Le commerce de centre-ville : une vitalité souvent limitée aux grandes villes et aux zones touristiques » (Insee Références 2016).
([55]) Cf. page 29 supra.
([56]) Par exemple, Metz, Cherbourg, Auxerre et Carcassonne (cf. thèse de Ivan Glita évoquée supra).
([57]) Données citées dans l’avis n° CESL1100005X du 9 février 2021 du Conseil économique, social et environnemental (CESE) relatif à la « mission commerce » (page 23).
([58]) Cahiers n° 1 de l’IVC : la vacance commerciale dans les centres-villes en France (mai 2017) - page 7.
([59]) Cf. page 29 supra.
([60]) 244 villes aujourd’hui.
([61]) Par exemple, Chinon (37) et Saint-Omer (62), villes de respectivement 8 000 et 14 600 habitants.
([62]) Guide du programme national ACV, ANCT, édition de septembre 2021.
([63]) Établissement public industriel et commercial ayant pour objet de favoriser l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux dans les zones urbaines sensibles (ZUS).
([64]) Agence qui, entre 2015 et 2019, a été chargée du soutien aux initiatives locales de développement du numérique en France.
([65]) Cf. page 23 supra.
([66]) Rapport d’évaluation du programme ACV (S2021 1266-1, 24 juin 2022, page 49).
([67]) Cf. page 21 supra.
([68]) Rapport n° S2021 1266-1 précité (page 16).
([69]) Étude publiée en septembre 2023 par la Fédération des acteurs du commerce dans les territoires et le Comité des données pour la science et la technologie (CODATA).
([70]) Discours du Premier ministre, Édouard Philippe, du 19 septembre 2019 à Uzès (Gard).
([71]) Instruction ministérielle n° 19016706 du 19 octobre 2019.
([72]) Partenariat intervenu dans le cadre de la convention signée entre l’ANCT et le CNFPT le 2 mars 2022.
([73]) Rapport n° S2021 1266-1 précité (page 69).
([74]) Instruction ministérielle n° IOML2320999J du 14 août 2023.
([75]) « Créer un programme Villages d’avenir pour booster les maires développeurs ouvert à toutes les communes rurales » (proposition n° 8 du communiqué adressé le 22 mars 2022 aux candidats à l’élection présidentielle).
([76]) Instruction ministérielle du 14 août 2023 précitée.
([77]) Ce qui fait tout de même 20 communes par chef de projet.
([78]) Cf. page 42 supra.
([79]) Cf. page 40 supra.
([80]) L’ANCT : l’État déconcentré au service de la cohésion des territoires (rapport de l’IGA - décembre 2021).
([81]) Rapport n° 313 (2022-2023) de Mme Cécile Brulin et M. Charles Guéné du 2 février 2023 (précité) : voir notamment la page 87.
([82]) La DATAR a été, notamment, à l’origine du plan routier breton de 1972 qui a contribué au désenclavement de la région.
([83]) Rapport n° 313 (2022-2023) de Mme Cécile Brulin et M. Charles Guéné du 2 février 2023 supra.
([84]) Rapport n° 910 (2021-2022) supra (page 87).
([85]) Cf. page 38 supra.
([86]) Art. 3 du décret n° 2016-200 du 26 février 2016.
([87]) Rapport n° 910 (2021-2022) supra (page 73).
([88]) La Banque des territoires indique, dans son guide « Structuration des foncières de redynamisation » (2023) à destination des collectivités territoriales, que « plus d’un tiers des villes du programme ACV ont ou développent un projet de foncière, […] principalement dans le domaine du commerce » (pages 3 et 4).
([89]) « Projetothèque » du programme ACV sur le site internet de l’ANCT.
([90]) Site internet de la commune d’Autun.
([91]) Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et dotation de soutien à l’investissement local (DSIL).