N° 2464

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 avril 2024.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145-7 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur la mise en application de la loi n° 2023- 630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Mathilde HIGNET et M. Bastien MARCHIVE

Députés.


SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Chapitre Ier : Favoriser le dialogue territorial et renforcer la gouvernance décentralisée (Articles 1er et 2)

I. la prolongation des délais pour intégrer les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols dans les documents de planification et d’urbanisme (article 1er)

A. Les dispositions de la loi

B. des précisions sur la territorialisation des objectifs du Zan ont été apportées par un décret de novembre 2023 et par une circulaire de janvier 2024

1. Le décret n° 2023-1097 apporte des précisions sur la territorialisation des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols

2. Une circulaire du 31 janvier 2024 apporte des précisions complémentaires

C. Premier bilan de l’application du report de l’échéance du ZAN dans les collectivités

1. L’entrée en vigueur des documents de planification et d’urbanisme intégrant les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols

2. La désignation des référents territoriaux

3. Un besoin manifeste d’ingénierie et d’accompagnement des territoires

4. Les dispositions relatives aux zones d’aménagement concerté suscitent des interrogations

II. La nouvelle gouvernance du ZAN à l’échelle locale (article 2)

A. Les dispositions de la loi

B. L’application des mesures

Chapitre II : accompagner les projets structurants de demain (article 3)

A. Les dispositions de la loi

1. Les modalités d’établissement de la liste des projets d’envergure nationale ou européenne (PENE) présentant un intérêt général majeur

2. Les modalités de décompte des PENE qui présentent un intérêt général majeur

3. Des précisions sur les modalités de décompte des projets d’envergure régionale

B. le décret sur la commission de conciliation a été publié

1. Composition de la commission de conciliation

2. Fonctionnement de la commission de conciliation

3. Aucune commission de conciliation n’a pu être saisie, la liste définitive des PENE n’ayant pas encore été établie

C. l’arrêté recensant les projets d’envergure nationale ou européenne qui présentent un intérêt général majeur tarde à être publié

1. Un projet d’arrêté listant les PENE présentant un intérêt général majeur a été diffusé par voie de presse

a. L’établissement de la liste définitive est en cours

b. Le contenu de la liste provisoire des PENE présentant un intérêt général majeur

2. L’arrêté doit être publié dans les meilleurs délais afin qu’il soit pris en compte pour les trajectoires locales de réduction de l’artificialisation des sols

D. Les précisions sur les postes électriques pouvant être intégrés aux pene seront données par l’arrêté recensant les pene présentant un intérêt général majeur

E. Des précisions sur les projets d’envergure régionale apportées par décret

chapitre III :  mieux prendre en compte les spécificités des territoires (articles 4 et 5)

I. La « garantie communale » (article 4)

A. Les dispositions de la loi

B. la « garantie communale » est un paramètre supplémentaire à prendre en compte dans la territorialisation des objectifs du Zan

II. la prise en compte des spécificités des communes situées en zone littorale (article 5)

A. Les dispositions de la loi

B. bien que non prévues par la loi Zan, des dispositions réglementaires précisent les modalités de prise en compte des enjeux relatifs au littoral

chapitre IV :  prévoir les outils pour faciliter la transition vers l’absence de toute artificialisation nette des sols (artICLES 6 à 9)

I. Le droit de préemption et le sursis à statuer spécifiques aux enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols (article 6)

A. Les dispositions de la loi

B. L’article 6 est d’application immédiate

II. La prise en compte effective des opérations de renaturation effectuées avant 2031 (article 7)

A. Les dispositions de la loi

B. cet article permet de souligner le travail de nomenclature des sols effectué par voie réglementaire

III. les ajouts apportés au contenu du rapport qui doit être remis en application de l’article 207 de la loi « climat et résilience » (article 8)

A. Les dispositions de la loi

B. ces dispositions, d’application directe, ne sont pas sans lien avec les enjeux relatifs aux données nécessaires pour établir et suivre l’artificialisation des sols

IV. Le Rapport relatif à la fiscalité comme outil de lutte contre l’artificialisation des sols n’a pas été remis (article 9)

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE 1 :  état de l’application de la loi au 1er avril 2024

annexe 2 : Liste des personnes auditionnées

ANNEXE 3 : liste des contributions écrites reÇues

 


   Introduction

Une nouvelle version du projet d’arrêté recensant les projets d’envergure nationale ou européenne (PENE) présentant un intérêt général majeur a été diffusée par voie de presse le lendemain de la présentation du présent rapport. Ce projet d’arrêté comporte deux nouvelles listes : la première, qui recense les PENE présentant un intérêt général majeur qui sont prêts à être réalisés, regroupe 167 projets, pour un total de 11 872 hectares de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF). La seconde liste, qui détermine les PENE dont la réalisation n’est pas encore certaine, comporte 257 projets. La consommation d’ENAF n’est pas chiffrée pour cette dernière liste.

Vos rapporteurs regrettent de ne pas avoir été informés de la publication de ce nouveau projet d’arrêté.

Selon une récente note d’analyse publiée par France Stratégie ([1]), plus de 20 000 hectares (ha) sont artificialisés chaque année en France métropolitaine. Entre 2011 et 2021, ce sont environ 224 000 ha ([2]) d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) qui ont été consommés sur le territoire dans les régions couvertes par un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet). Cette artificialisation a des effets néfastes pour notre environnement, au premier rang desquelles l’altération des fonctions du sol, l’effondrement de la biodiversité et une souveraineté alimentaire contrainte. De plus, l’extension excessive de l’urbanisation qui résulte de cette artificialisation engendre un mitage du territoire, qui à son tour a des conséquences sur les besoins en développement de réseaux (eau, électricité, télécommunications, etc.) ou encore sur les mobilités (usage renforcé de la voiture individuelle).

Pour enrayer ce phénomène, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience », a défini un objectif national d’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050. Cet objectif doit être décliné dans les documents de planification et d’urbanisme. Un objectif intermédiaire de réduction de la moitié de la consommation d’ENAF sur la période 2021-2031, par rapport à la période 2011-2021, a également été défini pour les régions couvertes par un Sraddet. Les collectivités territoriales sont donc au cœur de la mise en œuvre du « zéro artificialisation nette » (ZAN).

La loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux, ci-après dénommée « loi ZAN », est le second volet législatif relatif à la lutte contre l’artificialisation des sols. Issue d’une proposition de loi sénatoriale, cette loi répond à certaines difficultés de mise en œuvre des dispositions de la loi « Climat et résilience » dans les territoires.

Initialement composée de 13 articles, elle n’en comporte plus que 9 dans sa version définitive. Certaines dispositions de la proposition de loi, introduites par le Sénat, avaient été supprimées à l’Assemblée nationale au motif qu’il s’agissait de mesures devant faire l’objet de dispositions réglementaires plutôt que législatives. Deux décrets d’application de la loi « Climat et résilience », soumis à consultation publique au moment des débats sur la proposition de loi, ont été publiés en novembre 2023 ([3]). Une circulaire du 31 janvier 2024 ([4]) fournit également des informations sur la mise en œuvre du ZAN.

Le présent rapport est réalisé en application du premier alinéa de l’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée nationale, qui dispose que deux rapporteurs, dont le rapporteur de la loi et un autre rapporteur appartenant à un groupe d’opposition, doivent présenter, à l’issue d’un délai de six mois suivant l’entrée en vigueur d’une loi, un rapport sur la mise en application de cette loi. Lors de sa réunion du 7 février 2024, la commission des affaires économiques a ainsi nommé M. Bastien Marchive, député apparenté au groupe RE et rapporteur de la proposition de loi, et Mme Mathilde Hignet, députée membre du groupe LFI-Nupes, corapporteurs.

Ce rapport permet donc de vérifier que les textes réglementaires nécessaires à la bonne application de la loi ont été pris et qu’ils sont bien conformes à l’intention du législateur ou aux engagements qui auraient pu être pris par le Gouvernement les concernant lors des débats parlementaires.

Il ne s’agit donc pas encore d’un exercice d’évaluation des effets de la loi – travail qui pourra être mené trois ans après sa publication, si le bureau de la commission des affaires économiques le décide. Par ailleurs, le Sénat mène également des travaux sur le sujet : une mission sur le financement du ZAN a été créée par la commission des finances ainsi qu’un groupe de suivi, commun à plusieurs commissions, des dispositions législatives et réglementaires relatives à la stratégie de réduction de l’artificialisation des sols.

Seules deux mesures réglementaires d’application sont explicitement prévues dans la loi « ZAN », à son article 3 : un décret et un arrêté. Le décret, relatif à la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols, a été publié en novembre 2023, quatre mois après la publication de la loi, accompagné d’un arrêté (non prévu par la loi). Par contre, l’arrêté qui doit lister les projets d’envergure nationale ou européenne présentant un intérêt général majeur est toujours attendu. Vos rapporteurs appellent à la publication de cet arrêté dans les meilleurs délais.

Une fois cet arrêté publié, plus aucune mesure réglementaire ne sera attendue pour la bonne mise en œuvre du ZAN. Les rapporteurs appellent dès lors le Gouvernement à maintenir une certaine stabilité normative sur le sujet du ZAN au cours des prochains mois, afin de permettre aux différents échelons de collectivité d’adapter leurs documents d’urbanisme dans les meilleures conditions possibles. Le Gouvernement doit également maintenir l’effort d’accompagnement des différents échelons de collectivités en vue de garantir la mise en œuvre des objectifs de la loi Climat et résilience en matière de réduction d’artificialisation.

 

Taux d’application par chapitre de la loi au 1er avril 2024 ([5])

 

Décrets

Arrêtés

Ordonnances

Taux d’application

Chapitre Ier

-

-

-

-

Chapitre II

1/1

0/1

-

50 %

Chapitre III

-

-

-

-

Chapitre IV

-

-

-

-

TOTAL

1/1

0/1

-

50 %


Chapitre Ier :
Favoriser le dialogue territorial et renforcer la gouvernance décentralisée (Articles 1er et 2)

I.   la prolongation des délais pour intégrer les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols dans les documents de planification et d’urbanisme (article 1er)

A.   Les dispositions de la loi

L’article 1er de la loi ZAN prolonge les délais prévus par le IV de l’article 194 de la loi « Climat et résilience » pour intégrer les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) dans les documents de planification et d’urbanisme.

Échéances d’entrée en vigueur des documents d’urbanisme intégrant les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols ou de réduction de la consommation d’enaf

 

 

Délais instaurés par la loi « Climat et résilience »

Délais instaurés par la loi « 3DS » ([6])

Délais instaurés par la loi « ZAN »

Sraddet, SAR, Sdrif, Padduc ([7])

22 août 2023

22 février 2024

22 novembre 2024

SCoT

22 août 2026

-

22 février 2027

PLU

22 août 2027

-

22 février 2028

Cartes communales

22 août 2027

-

22 février 2028

Cet article précise par ailleurs qu’à compter du 22 août 2027, les communes de la collectivité de Corse ne pourront plus construire en extension de l’urbanisation si elles ne sont pas couvertes par un document d’urbanisme. Il prévoit également que l’objectif d’absence d’artificialisation nette des sols et l’objectif de réduction du rythme de l’artificialisation par tranche de 10 ans soient déclinés entre les différentes parties du territoire de la Corse.

Enfin, l’article 1er prévoit la faculté pour les autorités compétentes de saisir la commission départementale de conciliation en matière d’urbanisme pour les évolutions des documents d’urbanisme liées à l’intégration des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols.

B.   des précisions sur la territorialisation des objectifs du Zan ont été apportées par un décret de novembre 2023 et par une circulaire de janvier 2024

Aucune mesure réglementaire d’application n’est explicitement prévue par l’article 1er de la loi ZAN. Néanmoins, des précisions ont été apportées sur la territorialisation des objectifs du ZAN par décret, ce qui permet de répondre aux attentes exprimées :

– lors des contestations qui s’étaient élevées contre le décret d’application de la loi « Climat et résilience » publié en 2022 ([8]). Ce décret imposait notamment de définir des objectifs chiffrés de réduction de l’artificialisation dans le fascicule des règles générales du Sraddet ;

– dans les articles 2 et 6 de la proposition de loi « ZAN », articles supprimés par l’Assemblée nationale, au motif que des dispositions réglementaires étaient en cours de préparation à ce sujet. En lien avec les difficultés soulevées par le décret précité, l’article 2 prévoyait que les objectifs et les trajectoires de réduction d’artificialisation mentionnés dans le fascicule du Sraddet s’appliquent selon un lien de prise en compte, et non de compatibilité comme c’est le cas pour les autres règles du fascicule. L’article 6 prévoyait une meilleure prise en compte des efforts passés de réduction de la consommation d’ENAF et de réduction de l’artificialisation dans le Sraddet.

1.   Le décret n° 2023-1097 apporte des précisions sur la territorialisation des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols

Le décret n° 2023-1097 du 27 novembre 2023 ([9]) encadre les modalités de territorialisation des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols dans les documents de planification et d’urbanisme.

Les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols contenus dans le rapport du Sraddet doivent être définis et territorialement déclinés en tenant compte des efforts de réduction d’artificialisation ou de consommation d’ENAF déjà réalisés ([10]), ces derniers étant évalués selon le nombre d’emplois et de ménages accueillis par hectare consommé ou artificialisé, ainsi qu’en prenant en considération un certain nombre de critères, parmi lesquels figurent :

– l’équilibre du territoire, qui inclut les enjeux relatifs au désenclavement des communes rurales, ainsi que les particularités des communes littorales et des zones de montagne ([11]) ;

– l’adaptation des territoires exposés à des risques naturels ou la recomposition des communes exposées au recul du trait de côte ;

– les enjeux de maintien et de développement des activités agricoles.

En outre, il n’est plus obligatoire de fixer des cibles chiffrées d’artificialisation à l’échelle infrarégionale dans le fascicule des règles générales du Sraddet ([12]) : cela demeure cependant une faculté. Lorsque des règles différenciées sont définies, elles doivent tenir compte de la « garantie communale » et, le cas échéant, favoriser les projets de recomposition spatiale pour les communes exposées au recul du trait de côte. Cette déclinaison territoriale doit aussi tenir compte, plus généralement, des « caractéristiques géographiques locales ».

Ces différentes règles applicables aux Sraddet peuvent également être appliquées au Padduc, aux SAR ainsi qu’au Sdrif, en fonction des caractéristiques spécifiques à ces documents et des enjeux propres à ces territoires.

2.   Une circulaire du 31 janvier 2024 apporte des précisions complémentaires

Une circulaire relative à la mise en œuvre de la réforme vers le « zéro artificialisation nette des sols » a été mise en ligne le 2 février 2024 ([13]). Elle est adressée aux préfets de région et de département, auxquels il est demandé une application « appropriée, nécessaire et proportionnée de cette réforme ». Elle s’articule en 3 axes :

– « une trajectoire de sobriété foncière progressive et territorialisée » : il est notamment précisé que les documents d’urbanisme élaborés ou modifiés avant l’entrée en vigueur des Sraddet révisés pour inclure les objectifs du ZAN mais qui sont compatibles avec ceux-ci n’ont pas à être modifiés à nouveau ;

– « faire preuve de souplesse en accompagnant les territoires dans la mise en œuvre de la réforme »

– « la mutualisation de la consommation d’espaces induite par les projets d’envergure nationale et européenne d’intérêt général majeur » (voir, infra, application de l’article 3 de la loi ZAN).

C.   Premier bilan de l’application du report de l’échéance du ZAN dans les collectivités

1.   L’entrée en vigueur des documents de planification et d’urbanisme intégrant les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols

La déclinaison des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols dans les documents de planification et d’urbanisme est une obligation en vigueur depuis la publication de la loi « Climat et résilience » de 2021. La loi ZAN permet simplement de laisser davantage de temps aux collectivités pour intégrer ces objectifs. Dans une récente note ([15]), France Stratégie relevait qu’en juin 2023, toutes les régions étaient engagées dans une procédure de modification de leur Sraddet pour prendre en compte les impératifs de la loi « Climat et résilience ».

Cependant, selon Régions de France, une grande majorité des régions se trouve encore en difficulté pour permettre une entrée en vigueur des Sraddet révisés dans les délais imposés par la loi. Ces difficultés s’expliquent en particulier par le fait que la liste des projets d’envergure nationale ou européenne présentant un intérêt général majeur n’a toujours pas été arrêtée (voir article 3 infra). Or cette liste doit fixer les projets structurants pour lesquels la consommation d’ENAF afférente sera décomptée au niveau national et non aux niveaux régional et infra-régional, pour la période 2021-2031. Elle a donc nécessairement des conséquences sur l’élaboration des trajectoires de réduction de la consommation d’ENAF et d’artificialisation par les différents échelons de collectivités. Mme Laurence Fortin, vice-présidente de la région Bretagne, souligne ainsi que « Respecter cette échéance [de novembre 2024] impose théoriquement aux régions d’arrêter le projet de modification d’ici le 22 mars 2024 afin de permettre la consultation des parties prenantes (3 mois), la consultation du public (2 mois) et la validation par le préfet de région (3 mois). Une majorité de régions métropolitaines considère que ce rétroplanning est dorénavant intenable du fait notamment de la transmission tardive de la liste des projets d’envergure nationale et européenne (PENE) d’intérêt général majeur et plus généralement des exigences de concertation avec le bloc local ».

Plus généralement, la prise en compte simultanée des nouvelles dispositions de la loi ZAN, publiée en juillet 2023, des décrets d’application de la loi « Climat et résilience » publiés en novembre 2023, ainsi que l’installation des nouvelles conférences régionales de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols ont conduit les élus locaux à devoir s’adapter dans des délais restreints.

De nombreux acteurs consultés par vos rapporteurs ont salué la publication de la circulaire du 31 janvier 2024 et la souplesse à laquelle elle appelle pour l’application du ZAN.

2.   La désignation des référents territoriaux

Les référents territoriaux ne sont pas tous identifiés ou opérationnels, comme l’ont indiqué les organisations d’élus locaux auditionnées ou sollicitées par vos rapporteurs.

Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a indiqué à vos rapporteurs que 15 référents régionaux sur 18 ont été désignés ([16]). Les régions qui n’ont pas encore nommé de référent sont la Nouvelle-Aquitaine, la Corse et la Guadeloupe. La région Auvergne-Rhône-Alpes a quant à elle désigné deux référents : l’un en direction générale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), l’autre en préfecture. Quant aux référents départementaux, les services ministériels ont connaissance de 13 nominations seulement à ce stade, sur les 101 attendues.

Vos rapporteurs appellent à la désignation des référents régionaux et départementaux manquants dans les meilleurs délais et rappellent l’importance d’établir une doctrine claire et partagée entre toutes les parties prenantes sur l’application du ZAN.

De plus, votre rapporteure Mathilde Hignet questionne la méconnaissance par les services ministériels de la nomination de l’ensemble des référents départementaux. Elle espère que le dialogue entre les référents régionaux et départementaux sera bien effectif. En effet, afin d’assurer une mise en œuvre homogène sur l’ensemble du territoire, il est important que toutes les parties prenantes dialoguent et que les informations circulent sur les territoires.

3.   Un besoin manifeste d’ingénierie et d’accompagnement des territoires

Les consultations effectuées par vos rapporteurs ont fait ressortir un fort besoin d’accompagnement des élus locaux et d’ingénierie territoriale dans la déclinaison des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols.

Une récente enquête du groupe SCET sur la mise en œuvre du ZAN ([17]) relève ainsi, parmi les quatre constats principaux ressortant de cette enquête, que « les dirigeants publics et privés ont pris conscience des enjeux du ZAN mais ne sont pas encore suffisamment outillés pour en décliner la mise en œuvre opérationnelle ». Il est pourtant fondamental que ces derniers puissent s’approprier toutes les dispositions législatives et réglementaires à mettre en œuvre dans le cadre de l’atteinte du ZAN.

Pour répondre à ces besoins, la circulaire du 31 janvier 2024 précitée prévoit plusieurs dispositifs de formation dans les centres de valorisation des ressources humaines (CVRH), en partenariat avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), ainsi que la mobilisation du réseau « planif territoires ». Le ministère indique qu’une formation à distance (« MOOC ») va également être mise à la disposition des services déconcentrés et des collectivités d’ici l’été 2024.

Vos rapporteurs ne peuvent qu’appeler à maintenir l’engagement des services de l’État, aux niveaux national et local, pour assurer la réussite du déploiement des objectifs du ZAN.

4.   Les dispositions relatives aux zones d’aménagement concerté suscitent des interrogations

Lors des débats sur la proposition de loi, l’Assemblée nationale avait supprimé une disposition, introduite par le Sénat (article 12 bis de la proposition de loi), précisant que la consommation d’ENAF résultant de travaux, de constructions, d’aménagements ou d’installations réalisés au sein d’une zone d’aménagement concerté (ZAC) ([18]) dont l’acte de création est intervenu avant le 22 août 2021 – date de promulgation de la loi « Climat et résilience » – n’est pas décomptée sur la période 2021-2031 au titre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols, mais au titre de la période 2011-2021.

L’amendement du Gouvernement supprimant cette disposition ([19]) expliquait qu’elle relève du domaine réglementaire et non de la loi, tout en indiquant qu’il partageait l’ambition de cet article pour les ZAC et que « La prise en compte sur la période 2011-2021, et non pas sur la période 2021-2031, des ZAC créées avant la loi Climat et résilience sera ainsi précisée par le biais d’une instruction technique du ministère ».

Or la circulaire du 31 janvier 2024 précise que l’élément déclencheur de la comptabilisation d’ENAF « n’est pas l’acte administratif de création ou de réalisation d’une ZAC, mais le démarrage effectif des travaux ». Par ailleurs, le maire ou le président de l’EPCI compétent peut comptabiliser la consommation d’ENAF soit en totalité au démarrage des travaux, soit progressivement, au fil de leur déroulement. Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires explique cette fixation du point de départ du décompte au démarrage des travaux plutôt qu’à l’acte administratif de création de la ZAC par les éléments suivants : « Ce démarrage intervient en principe après le dossier de réalisation de la ZAC et notamment l’approbation du programme des équipements publics. Une ZAC créée administrativement mais qui n’a connu aucun démarrage effectif des travaux d’aménagement n’entraîne pas de consommation d’espaces dans les " fichiers fonciers " et ne peut être considérée comme ayant d’ores et déjà emporté une consommation d’espaces ». Il précise également que plus généralement, la consommation d’ENAF s’entend, depuis la loi « Climat et résilience », comme « la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés sur le territoire concerné » ; or, une autorisation d’urbanisme ou un autre acte administratif n’emporte pas, en lui-même, une consommation d’ENAF effective. Pour ces raisons, le ministère n’estime pas que les modalités de décompte sont contradictoires avec ce qui avait été évoqué lors des débats parlementaires sur la proposition de loi.

De nombreux acteurs regrettent un certain flou autour de ces dispositions concernant la consommation d’ENAF résultant des ZAC. La FFB souhaiterait pouvoir faire bénéficier les projets de ZAC autorisés avant l’entrée en vigueur de la loi « Climat et résilience » de ces modalités de décompte. La région Nouvelle‑Aquitaine ou FNE font observer que cette disposition peut augmenter significativement la consommation d’ENAF constatée sur la période 2011-2021 lorsque la totalité de cette consommation est décomptée dès le début des travaux, ce qui conduit à augmenter mécaniquement la consommation de ces espaces permise sur la décennie suivante, sans nécessairement refléter celles effectivement constatées.

Votre rapporteur Bastien Marchive déplore quant à lui une contradiction manifeste avec l’intention de l’article 12 bis de la proposition de loi, qui était de permettre une comptabilisation de la consommation d’ENAF engendrée par une ZAC créée sur la période 2011-2021 non à compter du démarrage effectif des travaux liés à celle-ci, mais dès son acte de création,  compte tenu des délais souvent très longs de réalisation des ZAC et de leur caractère structurant à l’échelle d’un territoire, de tels projets étant ici potentiellement fragilisés dans leur faisabilité.

II.   La nouvelle gouvernance du ZAN à l’échelle locale (article 2)

A.   Les dispositions de la loi

Afin d’assurer une meilleure représentation des élus locaux et de renforcer le dialogue territorial, l’article 2 de la loi ZAN transforme la conférence des SCoT, instaurée par la loi « Climat et résilience », en conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols. Il est désormais indiqué dans la loi que sa composition doit assurer une représentation équilibrée des territoires urbains, ruraux, de montagne et du littoral.

L’article L. 1111-9-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit deux cas de figure pour la composition de cette conférence :

– soit elle est fixée par délibération du conseil régional, sur avis conforme de la majorité des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre compétents en matière de PLU et des conseils municipaux des communes n’ayant pas transféré leur compétence en matière de PLU. Dans ce cas, la commission doit comprendre au moins un représentant de chaque département du périmètre régional, qui siège à titre consultatif ;

– soit, si aucune proposition n’est faite par le président du conseil régional pour la composition de cette commission ou à défaut d’avis conforme des EPCI et des conseils municipaux concernés, la composition et le nombre de membres de cette conférence est celle fixée par l’article L. 1111-9-2 du CGCT.

Composition de la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols en l’absence de délibération du conseil régional fixant une autre composition

 

Catégorie représentée

Nombre de représentants

Région

15

Établissements publics porteurs de SCoT

5

EPCI compétents en matière de documents d’urbanisme, dont au moins 1 représentant par département et 3 d’établissements non couverts par un SCoT

15

Communes compétentes en matière d’urbanisme, dont au moins 1 représentant par département

7

Communes non couvertes par un document d’urbanisme

5

Un représentant de chaque département, siégeant à titre consultatif

Variable selon le nombre de départements concernés

État

5

Total

52 hors représentants siégeant à titre consultatif

S’agissant des compétences de cette commission :

– elle peut se réunir sur tout sujet lié à la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols à l’initiative de la région ou d’un établissement public porteur de SCoT, transmettre des analyses sur ce sujet à l’État et consulter, en tant que de besoin, les personnes publiques associées (PPA) ;

– elle est consultée pour la qualification des projets d’envergure nationale ou européenne (PENE), d’une part, et celle des projets d’envergure régionale, d’autre part ;

– elle peut décider de réunir une conférence départementale pour tout sujet lié à la mise en œuvre communale ou intercommunale des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols ;

– lorsqu’est prescrite une évolution du Sraddet, du SAR, du Sdrif ou du Padduc qui a des conséquences sur les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols, la conférence peut, dans un délai de 3 mois, transmettre à l’autorité compétente une proposition sur ces objectifs régionaux ;

– cette commission doit établir un bilan de la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols ;

– chaque conférence régionale doit remettre au Parlement, au cours du premier semestre 2027, un rapport sur le niveau de consommation foncière et sur les résultats obtenus en matière de réduction de l’artificialisation des sols, au regard des objectifs régionaux qui auront été fixés.

B.   L’application des mesures

Aucune mesure réglementaire d’application au sens strict n’était attendue et n’a été prise à l’article 2. Néanmoins, vos rapporteurs ont pu disposer de quelques remontées de terrain sur la mise en place de ces nouvelles commissions.

Une majorité des régions a retenu la composition « par défaut » proposée par l’article 2 de la loi ZAN. Régions de France souligne que les délais impartis et la nécessité d’obtenir l’aval de la majorité des EPCI pour fixer une composition ad hoc pouvaient contraindre un tel exercice. Toutefois, certaines régions, telles que la Bretagne et la Normandie, ont choisi une composition « à la carte ». En Bretagne, cette conférence réunit 41 membres et a été approuvée favorablement par près de 80 % des communes et EPCI consultés. La région Grand Est souhaitait initialement fixer une composition ad hoc, mais en l’absence de consensus local, elle a finalement adopté la composition prévue par la loi, selon les informations transmises par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

La plupart des acteurs ont salué une composition de la nouvelle conférence plus représentative de la diversité des territoires que l’ancienne conférence des ScOT.

Dans un constat plus nuancé, la région Sud regrette que la création de cette nouvelle conférence ait conduit à gommer le travail engagé entre la conférence régionale des ScOT et la région, en ajoutant un facteur de complexification de la concertation. Elle estime également que la composition fixée par la loi « induit une sous-représentation des élus en charge des SCoT, qui devraient être les interlocuteurs privilégiés sur ce sujet foncier, au bénéfice des élus communaux ». De même, la FédéSCoT souligne que leurs élus considèrent que l’ancienne gouvernance était plus appropriée.

D’autres auraient souhaité élargir la composition de cette conférence à d’autres participants : par exemple, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) aurait souhaité y voir siéger les associations de protection de la nature et les gestionnaires d’espaces naturels ; la Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU) souhaite que les agences d’urbanisme puissent être systématiquement associées.


Chapitre II :
accompagner les projets structurants de demain (article 3)

  1.   Les dispositions de la loi

L’article 3 de la loi ZAN crée un décompte au niveau national, sur la période 2021‑2031, de la consommation d’ENAF liée à certains grands projets présentant à la fois une envergure nationale ou européenne et un intérêt national majeur. Cela permettra que cette consommation ne pèse pas de manière disproportionnée sur les trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols fixés par les documents de planification et d’urbanisme locaux.

  1.   Les modalités d’établissement de la liste des projets d’envergure nationale ou européenne (PENE) présentant un intérêt général majeur

L’article 3 de la loi ZAN liste neuf grands types de projets qui peuvent être considérés comme des projets d’envergure nationale ou européenne (PENE).

Définition des projets d’envergure nationale ou européenne
à l’article 194 de la loi « Climat et résilience »

« 7° Peuvent être considérés comme des projets d’envergure nationale ou européenne :

« a) Les travaux ou les opérations qui sont ou peuvent être, en raison de leur nature ou de leur importance, déclarés d’utilité publique par décret en Conseil d’État ou par arrêté ministériel (…). Pour les infrastructures fluviales, sont concernés les travaux ou les opérations qui sont réalisés sur le domaine public de l’État ou de ses opérateurs ;

« b) Les travaux ou les opérations de construction de lignes ferroviaires à grande vitesse et leurs débranchements ;

« c) Les projets industriels d’intérêt majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique ainsi que ceux qui participent directement aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable ;

« d) Les actions ou les opérations d’aménagement qui sont réalisées par un grand port maritime ou fluvio-maritime de l’État (…) ou pour son compte (…), et qui sont conformes aux orientations prévues dans son projet stratégique pour sa circonscription ainsi que celles réalisées par le port autonome de Strasbourg ;

« e) Les opérations intéressant la défense ou la sécurité nationales ;

« f) Les opérations de construction ou de réhabilitation d’un établissement pénitentiaire qui sont réalisées par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice ;

« g) Les actions ou les opérations de construction ou d’aménagement réalisées par l’État ou, pour son compte, par l’un de ses établissements publics ou, le cas échéant, par un concessionnaire, dans le périmètre d’une opération d’intérêt national (…) ;

« h) La réalisation d’un réacteur électronucléaire au sens de l’article 7 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 (…) ;

« i) Les opérations de construction ou d’aménagement de postes électriques de tension supérieure ou égale à 220 kilovolts, selon des modalités précisées par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme. »

Surtout, au sein de ces grandes catégories, doit être recensée, par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme, une liste de PENE qui présentent un intérêt général majeur. Cette liste est établie selon les modalités suivantes :

– une proposition de liste est envoyée par le ministre aux régions ;

– elle est soumise à l’avis du président du conseil régional, qui doit rendre un avis sur celle-ci dans un délai de deux mois. La conférence régionale de gouvernance du ZAN doit être consultée. La région peut aussi, après avis de la conférence, émettre des propositions pour identifier des PENE ;

– le ministre adresse à la région une réponse motivée sur les suites données à cet avis ou à ces propositions.

Cette liste est rendue publique annuellement et peut être modifiée.

Par ailleurs, une commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols est instituée dans chaque région. Cette commission peut être saisie à la demande de la région en cas de désaccord avec l’État sur la liste des PENE présentant un intérêt général majeur. Elle doit comprendre, à parts égales, des représentants de la région concernée et de l’État. Un décret doit préciser sa composition et ses modalités de fonctionnement.

  1.   Les modalités de décompte des PENE qui présentent un intérêt général majeur

Pour la période 2021-2031, la consommation d’ENAF résultant des PENE recensés par arrêté et qui présentent un intérêt général majeur est prise en compte au niveau national et non au titre des objectifs fixés par les documents de planification régionale et d’urbanisme.

Cette consommation est prise en compte dans le cadre d’un forfait national fixé à 12 500 ha, dont 10 000 ha mutualisés entre les régions couvertes par un Sraddet ([20]). Un arrêté du ministre chargé de l’urbanisme doit cependant préciser la répartition de ce forfait national entre ces régions, au prorata de leur enveloppe d’artificialisation définie pour la période 2021-2031.

En cas de dépassement de cette enveloppe nationale, l’article 3 de la loi ZAN dispose que le surcroît d’artificialisation induit ne peut pas être imputé sur les enveloppes locales. Le dépassement de cette enveloppe n’est cependant qu’une éventualité : à ce jour, le projet d’arrêté recensant les PENE présentant un intérêt général majeur permet de respecter le forfait national fixé par la loi (voir infra).

L’un des fascicules ([21]) publiés par le Gouvernement fin 2023 donne des indications quant aux critères, non exhaustifs, permettant d’apprécier le caractère d’intérêt général majeur d’un PENE : « contribution à la création d’emplois locaux ; accueil de populations (logements) ; maillage d’infrastructures d’intérêt national et européen (liaisons internationales ou connexions interrégionales) ; projets contribuant significativement à la sécurité nationale et à la souveraineté nationale voire au rayonnement de la France à l’international… ».

  1.   Des précisions sur les modalités de décompte des projets d’envergure régionale

L’article 3 de la loi ZAN apporte également des précisions sur les projets d’envergure régionale ou d’intérêt intercommunal :

– les aménagements, équipements et logements directement liés à la réalisation d’un PENE qui présente un intérêt général majeur peuvent être considérés comme des projets d’envergure régionale ou des projets d’intérêt intercommunal. Dans ce cas, l’artificialisation ou la consommation d’ENAF qui en résulte est prise en compte selon des modalités propres à ces projets ;

– la consommation d’ENAF ou l’artificialisation engendrée par des projets d’envergure régionale peut ne pas être décomptée au niveau du ScOT dès lors que cette consommation ou cette artificialisation est prise en compte au niveau du Sraddet.

B.   le décret sur la commission de conciliation a été publié

Le décret fixant la composition et les modalités de fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols a été pris : il s’agit du décret n° 2023-1098 du 27 novembre 2023. Il a été soumis à consultation publique ([22]).

1.   Composition de la commission de conciliation

La commission de conciliation se compose :

– de trois représentants de la région ou leurs suppléants, désignés par le président du conseil régional ;

– de trois représentants de l’État, le préfet de région et le directeur régional chargé de l’environnement et de l’aménagement en étant membres de droit. La circulaire du 31 janvier 2024 précitée précise que le dernier représentant doit être désigné par le préfet de région, « le cas échéant en fonction du type ou du périmètre de projet concerné par le désaccord » ;

– d’un magistrat administratif, qui préside la commission, désigné par le président de la cour administrative d’appel compétente.

À titre consultatif, peuvent siéger un représentant par commune ou EPCI compétent en matière d’urbanisme et un représentant par établissement public porteur de SCoT, lorsque le PENE faisant l’objet d’un désaccord se situe sur leur territoire. La notice du décret précise à ce sujet que « La présence du maire et du président d’un établissement public de coopération intercommunale est tout particulièrement recommandée dans le cas de projets ayant une implantation concentrée sur un périmètre communal et intercommunal bien circonscrit ».

Il est également prévu que la commission de conciliation puisse associer à ses travaux tout élu ou organisme non représenté en son sein et qu’elle puisse solliciter l’avis de toute personne ou organisme compétent.

Un arrêté du 13 février 2024 ([23]) fixe le montant des indemnités susceptibles d’être allouées au président d’une commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols. Le montant ainsi fixé est une indemnité forfaitaire de 300 € par séance présidée.

2.   Fonctionnement de la commission de conciliation

La commission est réunie sur convocation de son président. Elle établit elle‑même son règlement intérieur. Il est bien prévu qu’elle puisse être saisie par le président du conseil régional en cas de désaccord sur l’identification d’un PENE devant figurer dans la liste établie par arrêté ministériel.

Elle dispose d’un mois pour formuler ses propositions à compter de sa saisine. Si le ministre ne suit pas l’avis de la commission, il doit motiver son choix et transmettre ces motivations aux membres de la commission de conciliation.

La circulaire du 31 janvier 2024 précitée précise que la commission de conciliation devait être mise en place avant le 9 février 2024.

3.   Aucune commission de conciliation n’a pu être saisie, la liste définitive des PENE n’ayant pas encore été établie

Une commission de conciliation ne pourra être saisie qu’une fois la liste des PENE définitivement établie. Il est donc prématuré à ce stade de dresser un bilan de leur fonctionnement. Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires indique cependant que ces commissions sont bien en cours d’installation.

Comme sur la commission régionale de gouvernance du ZAN, certaines organisations consultées regrettent que la composition de cette commission ne permette pas une représentation obligatoire de la société civile ou d’associations de protection de l’environnement, comme relevé par France nature environnement (FNE) et la LPO. La Fédération française du bâtiment (FFB) aurait souhaité que les représentants locaux des professionnels siégeant au Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) puissent également y être associés. Terre de Liens suggère une association des commissions de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) soit pour consultation, soit pour avis délibératif.

Il peut être rappelé que la commission de conciliation pourra associer ou solliciter l’avis de tout organisme non représenté en son sein.

C.   l’arrêté recensant les projets d’envergure nationale ou européenne qui présentent un intérêt général majeur tarde à être publié

1.   Un projet d’arrêté listant les PENE présentant un intérêt général majeur a été diffusé par voie de presse

Un projet d’arrêté transmis aux régions fin décembre 2023, recensant les PENE présentant un intérêt général majeur, a été diffusé par voie de presse courant janvier 2024 ([24]). Il n’a toujours pas été définitivement publié. Cet arrêté doit contenir l’ensemble des mesures d’application attendues sous cette forme pour l’article 3 de la loi ZAN.

a.   L’établissement de la liste définitive est en cours

Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires ont précisé à vos rapporteurs les étapes passées et à venir nécessaires à la publication de cet arrêté :

– une circulaire du 17 août 2023 a été adressée aux préfets de région afin qu’ils transmettent aux services de l’État, à l’automne 2023, leurs propositions de PENE présentant un intérêt général majeur ;

– un projet d’arrêté a été transmis aux présidents de conseil régional le 21 décembre 2023 (celui ayant été diffusé par voie de presse), avec une demande de réponse sur cette liste dans un délai de deux mois, soit avant le 21 février 2024. Ce projet contient deux listes. Une première liste recense les PENE ayant un intérêt général majeur et qui emportent de manière certaine une consommation effective d’ENAF, chiffrée, sur la période 2021-2031. Le ministère précise que « les préfets et la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) ont pris en compte les références administratives relatives au projet (décision, autorisation, acte...) permettant d’apprécier la matérialisation du projet, son calendrier et son niveau d’avancement ». L’autre liste, établie à titre indicatif, concerne des projets dont la caractérisation de PENE ou de PENE présentant un intérêt général majeur n’est pas certaine, ou bien pour lesquels des informations manquent encore (consommation d’ENAF sur la période 2021‑2031, calendrier ou réalisation effective du projet peu certains, etc.). Le ministère relève qu’elle permet de donner une certaine visibilité et pourra utilement être mobilisée pour la révision de la première liste, comme cela est permis par la loi ;

– la consultation des conférences régionales de gouvernance du ZAN a été effectuée dans la majorité des régions ([25]). Toutes les régions n’ont pas répondu dans le délai imparti ;

– les arbitrages interministériels sur ce projet d’arrêté sont en cours et attendus pour début avril 2024. L’État devra alors apporter une réponse à chaque président de région sur sa liste de propositions de PENE, par courrier motivé et circonstancié. La région pourra saisir la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols, qui dispose d’un mois pour statuer. Une consultation du public sur le projet d’arrêté doit être effectuée, si possible dès le mois d’avril. Enfin, le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) devra aussi être saisi.

Toutes ces étapes pourraient conduire à une publication de l’arrêté au plus tard fin mai 2024, selon les estimations fournies par le ministère à vos rapporteurs.

La circulaire du 31 janvier précitée demandait aux préfets de transmettre avant le 9 février 2024 au Cerema et à la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) les informations géolocalisées relatives aux PENE présentant un intérêt général majeur, pour une mise en ligne par le Cerema sur l’observatoire de l’artificialisation des sols d’ici fin février 2024. Afin de faciliter le travail, ce dernier a indiqué à vos rapporteurs avoir « produit fin 2023 un standard de données permettant aux DREAL de remonter à la DGALN les informations relatives aux PENE : des informations sur le projet et notamment la consommation d’ENAF emportée prévue, et son contour cartographique ». Les données ont bien été remontées par les DREAL dans le standard demandé et dans les temps, hormis certaines pour lesquelles la localisation est approximative ou manquante à ce stade (notamment pour certains projets RTE). Ces informations pourront néanmoins être mises à jour ultérieurement.

Faute de liste définitive, ces informations n’ont pas encore pu être mises en ligne mais le Cerema indique que « le portail cartographique en ligne, sous forme d’un tableau de bord permettant la recherche d’un projet par sa localisation ou par son nom, est prêt à être ouvert et contient les données capitalisées à ce jour ».

b.   Le contenu de la liste provisoire des PENE présentant un intérêt général majeur

Le projet de liste des PENE présentant un intérêt général majeur diffusé par la presse recense 149 projets au total, représentant une consommation d’ENAF de 11 570 ha toutes régions confondues, dont 9 219 ha pour les régions couvertes par un Sraddet – ce qui représente environ 92 % des enveloppes de 10 000 ha (pour les seules régions couvertes par un Sraddet) et 12 500 ha (au total) prévues par la loi.

Répartition des projets d’envergure nationale ou européenne présentant un intérêt général majeur par région

 

 

ENAF consommés
(en ha)

ENAF consommés
(en %)

Nombre de projets

Régions couvertes par un Sraddet

Auvergne-Rhône-Alpes

544

4,7 %

7

Bourgogne-Franche-Comté

140

1,2 %

6

Bretagne

30

0,3 %

4

Centre-Val de Loire ([26])

849

7,3 %

7

Grand Est

845

7,3 %

15

Hauts-de-France

2 067

17,9 %

9

Normandie

1 259

10,9 %

12

Nouvelle-Aquitaine ([27])

1 280

11,1 %

14

Occitanie

968

8,4 %

15

Pays de la Loire

256

2,2 %

7

Provence Alpes Côte d’Azur

981

8,5 %

9

Régions couvertes par le Padduc, le Sdrif ou un SAR

Corse

9

0,1 %

1

Île-de-France ([28])

1 084

9,4 %

23

Guadeloupe

12

0,1 %

2

Guyane

716

6,2 %

6

Martinique

6

0,1 %

2

Mayotte

339

2,9 %

6

La Réunion

185

1,6 %

4

TOTAL

11 570

-

149

Les régions sont donc très diversement concernées par ces PENE. Ceux situés en Hauts-de-France représentent environ 18 % du total de consommation d’ENAF de l’ensemble de ces projets, alors que ceux situés en Bretagne ne représentent que 0,3 % de ce total. Ces différences peuvent s’expliquer pour partie par la nature même des projets pouvant être considérés comme des PENE présentant un intérêt général majeur : les projets industriels ou très directement liés à l’industrie y sont largement représentés.

Les consommations d’ENAF résultant des projets listés sont variables. Il est peu aisé d’établir des statistiques claires par catégorie recensée par la loi en raison de nombreux projets qui relèvent de plusieurs catégories. Les aménagements portuaires (grands ports maritimes de Dunkerque pour 718 ha et de Marseille pour 709 ha), routiers ou du Canal Seine Nord (855 ha) figurent parmi les projets les plus consommateurs d’ENAF.

Répartition des projets d’envergure nationale ou européenne présentant un intérêt général majeur par catégorie définie à l’article 3 de la loi ZAN

 

Catégories de PENE définies aux a) à i) du 7° du III de l’article 194 de la loi « Climat et résilience »

Consommation d’ENAF (en ha)

Nombre de projets

a) : projets déclarés d’utilité publique (DUP) par arrêté ministériel ou décret en Conseil d’État

3 836

28

b) : lignes ferroviaires à grande vitesse et débranchements

1 045

5

c) : projets industriels d’intérêt majeur (PIIM) pour la souveraineté nationale ou la transition écologique

646

20

d) : grands ports maritimes ou fluvio-maritimes

163

6

e) : opérations intéressant la défense ou la sécurité nationales

287

16

f) : établissements pénitentiaires

309

27

g) : opérations d’intérêt national

1 392

11

h) : réacteurs électronucléaires

438

3

i) : postes électriques de tension supérieure ou égale à 220 kV

141

17

a) et b) : DUP et ferroviaire

21

1

a) et c) : DUP et PIIM

889

4

a) et d) : DUP et grands ports

61

1

a), c) et e) : DUP, PIIM et défense/sécurité nationales

130

1

a), c), d) et i) : DUP, PIIM, grands ports et postes électriques

718

1

c) et d) : PIIM et grands ports

1 359

5

c) et e) : PIIM et défense/sécurité nationales

110

1

c) et i) : PIIM et postes électriques

15

1

c) et h) : PIIM et nucléaire

10

1

TOTAL

11 570

149

S’agissant de la seconde liste indicative, elle ne comprend aucune estimation de la consommation d’ENAF engendrée par les différents projets. Le tableau ci-dessous recense, par région, la ventilation des 220 projets qui y sont mentionnés. Il est à noter que plus d’une centaine de ces projets concerne des postes électriques.

Projets recensés à titre indicatif par le projet d’arrêté

 

 

Nombre de projets

Régions couvertes par un Sraddet

Auvergne-Rhône-Alpes

25

Bourgogne-Franche-Comté

14

Bretagne

3

Centre-Val de Loire

11

Grand Est

24

Hauts-de-France

13

Normandie

15

Nouvelle-Aquitaine

6

Occitanie

33

Pays de la Loire

25

Provence Alpes Côte d’Azur

22

Régions couvertes par le Padduc, le Sdrif ou un SAR

Corse

-

Île-de-France

19

Guadeloupe

2

Guyane

3

Martinique

1

Mayotte

1

La Réunion

3

TOTAL

220

La circulaire du 31 janvier 2024 précitée apporte des précisions quant à la conséquence du décompte, au niveau national, de la consommation d’ENAF des PENE présentant un intérêt général majeur pour la décennie 2021-2031. Cette mutualisation au niveau national conduit, après péréquation, à un objectif de réduction de la consommation d’ENAF de 54,5 % pour les régions couvertes par un Sraddet, par rapport à la période 2011‑2021, contre 50 % auparavant.

2.   L’arrêté doit être publié dans les meilleurs délais afin qu’il soit pris en compte pour les trajectoires locales de réduction de l’artificialisation des sols

Les différents projets recensés dans le projet d’arrêté font inévitablement l’objet de critiques. Des interrogations émergent sur les critères qui ont présidé à leur sélection, voire parfois sur le calcul des emprises foncières associées. Il est donc essentiel que dans la réponse prévue par l’État aux présidents de région sur la liste définitive des PENE présentant un intérêt général majeur, les critères de sélection soient bien explicités et le choix des projets suffisamment motivé.

La transmission tardive du premier projet de liste recensant les PENE présentant un intérêt général majeur a pu être regrettée par les régions, notamment compte tenu des délais nécessaires à l’organisation du processus de concertation associé. En effet, cette liste a des conséquences importantes pour la territorialisation des objectifs du ZAN :

– les projets qui y sont inscrits voient leur consommation d’ENAF décomptée au niveau national : cela doit naturellement être pris en compte dans les trajectoires de réduction d’artificialisation des sols prévues dans les Sraddet, puis dans les SCoT et dans les PLU ;

– la création des PENE a pour conséquence de modifier la trajectoire de réduction de la consommation d’ENAF pour les régions sur la période 2021-2031, celle-ci passant d’une réduction de 50 % à 54,5 % par rapport à la période 2011‑2021 ;

– cette liste peut également avoir des conséquences sur l’élaboration de la liste des projets d’envergure régionale : certaines régions peuvent choisir d’inscrire dans cette dernière des projets non retenus au niveau national.

La publication de cet arrêté est donc une étape critique pour permettre aux différents échelons de collectivités de respecter les délais prévus par la loi pour l’entrée en vigueur des documents de planification et d’urbanisme tenant compte des objectifs du ZAN.

Par ailleurs, certaines régions dénoncent le déséquilibre entre l’effort supplémentaire de réduction de la consommation d’ENAF demandé sur la période 2021-2031 et le faible nombre de PENE présentant un intérêt général majeur sur leur territoire. C’est notamment le cas de la région Bretagne, où seuls 30 ha sont imputés sur l’enveloppe nationale dans le projet de liste de ces PENE, alors que l’effort supplémentaire qui lui est demandé au titre de la péréquation liée à cette enveloppe est de 807 ha. Ce constat de déséquilibre important pour certains territoires est aussi relayé par la Fédération nationale des SCoT (FédéSCoT).

La présence d’une deuxième liste indicative dans le projet d’arrêté est parfois source d’interrogations. La région Sud estime que « des précisions seront nécessaires sur le suivi de la consommation foncière des PENE, les conditions de passage des projets inscrits en liste 2 vers la liste 1, et les conséquences sur le forfait de 10 000 ha qui ne couvre pas la réalisation de l’ensemble des projets d’intérêts général majeurs inscrits sur les 2 listes ».

Si vos rapporteurs ont conscience de la complexité de l’exercice, ils en appellent cependant à une publication de l’arrêté recensant les PENE d’intérêt général majeur dans les meilleurs délais, afin de permettre aux collectivités territoriales de préciser leurs trajectoires de réduction d’artificialisation des sols dans les documents de planification et d’urbanisme en cours de révision.

Votre rapporteure Mathilde Hignet déplore le flou qui entoure les catégories de PENE, établies par la loi ZAN, parmi lesquelles peuvent être identifiés les projets d’intérêt général majeur. Elle s’interroge par ailleurs sur l’impact environnemental et l’opportunité de certains PENE mentionnés dans le projet d’arrêté. Certains projets tels que la réalisation de réacteurs électronucléaires ou d’autoroutes cristallisent particulièrement les critiques des associations de protection de l’environnement.

D.   Les précisions sur les postes électriques pouvant être intégrés aux pene seront données par l’arrêté recensant les pene présentant un intérêt général majeur

L’article 3 de la loi ZAN dispose qu’un arrêté du ministre chargé de l’urbanisme précise les modalités selon lesquelles les opérations de construction ou d’aménagement de postes électriques de tension supérieure ou égale à 220 kilovolts peuvent être qualifiées de PENE ([29]).

Selon les informations fournies par le ministère à vos rapporteurs, cette précision sera effectuée dans le projet d’arrêté recensant les PENE présentant un intérêt général majeur. Pourront être intégrés les postes de transformation du réseau public de transport, mais aussi des postes de répartition et des stations de conversion, sous réserve du niveau de tension mentionné dans la loi. Les travaux conjoints entre un gestionnaire du réseau de transport et un gestionnaire du réseau de distribution compétent peuvent aussi être concernés.

E.   Des précisions sur les projets d’envergure régionale apportées par décret

Le décret n° 2023-1097 précité apporte certaines précisions sur les modalités de décompte des projets d’envergure régionale. En particulier :

– il est explicitement indiqué que le fascicule des règles générales du Sraddet pourra réserver une part de consommation d’espaces ou d’artificialisation des sols pour des projets d’envergure régionale ([30]) ;

– une part d’artificialisation peut être réservée, au niveau régional, pour une liste de projets de construction ou d’extension de constructions ou installations nécessaires aux exploitations agricoles, lorsqu’ils contribuent aux objectifs et orientations prévus dans le schéma directeur régional des exploitations agricoles. Conjugué à la mention du maintien et du développement des activités agricoles au titre des enjeux à prendre en compte dans le rapport du Sraddet pour décliner les objectifs du ZAN ([31]), ce point permet de répondre à certaines attentes exprimées lors des discussions sur la proposition de loi ([32]).

La notice de ce même décret précise aussi que « pour la première tranche de dix ans (2021-2031), les constructions ou installations à destination d’exploitations agricoles qui sont réalisées dans les espaces agricoles ou naturels n’emportent généralement pas de création ou d’extension d’espaces urbanisés et donc de consommation de ces espaces ».

Les listes de projets d’envergure régionale sont transmises pour avis aux présidents des établissements publics porteurs de SCoT, aux EPCI à fiscalité propre compétentes en matière de PLU, aux maires et aux présidents de conseil départemental concernés territorialement par le projet. Leur avis est réputé favorable s’il n’est pas rendu dans un délai d’un mois.

Une récente note de France Stratégie relève que la plupart des régions mobilisées pour mettre en place une telle enveloppe évoquent le plus souvent, dans les projets retenus, des projets industriels et routiers et, dans une moindre mesure, des projets d’entrepôts logistiques ([33]).

L’opportunité et les modalités de constitution d’une liste de projets d’envergure régionale varient selon les régions. À titre d’exemple :

– la région Sud n’a pas constitué de liste de projets d’envergure régionale. Elle souligne l’hétérogénéité des projets qui ont pu lui être remontés et que ceux-ci peuvent être réalisés grâce aux enveloppes foncières du SCoT. Constituer une telle liste peut aussi conduire à un taux d’effort supplémentaire pour certains territoires de la région, notamment ruraux ;

– à l’inverse, la région Nouvelle-Aquitaine prévoit de créer une « réserve régionale non encore affectée pour des projets économiques structurants futurs qui répondront à certains critères. Cela permet de stabiliser les objectifs de réduction demandés aux territoires, tout en permettant d’intégrer de nouveaux projets au fil de l’eau dans la réserve régionale » ;

– le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires indique que la région Hauts-de-France a débattu de projets identifiés au sein de la conférence régionale de gouvernance du ZAN, alors qu’en Occitanie, ce sont plutôt des orientations sur les modalités de péréquation de cette enveloppe régionale qui ont été présentées, sans qu’il y ait un avis sur une liste précise à ce stade ;

– la FNAU relève qu’« un cadre minimal de critères de définition de ces projets, applicables à l’ensemble des régions pour un souci de cohérence entre les Sraddet, pourrait permettre de leur faciliter le travail », citant l’exemple de la région Hauts-de-France, qui utilise « une grille d’analyse multicritères ».


chapitre III :
mieux prendre en compte les spécificités des territoires
(articles 4 et 5)

  1.   La « garantie communale » (article 4)
    1.   Les dispositions de la loi

Afin de prendre en compte les spécificités des petites communes et des communes rurales, l’article 4 de la loi ZAN a introduit un mécanisme souvent appelé « garantie communale ».

L’article 4 de la loi ZAN prévoit que toute commune qui est soit couverte par un PLU, par un document en tenant lieu ou par une carte communale, soit qui a entamé les démarches pour s’en doter avant le 22 août 2026 ([34]), ne peut être privée, en raison de la déclinaison des objectifs du ZAN dans les documents de planification et d’urbanisme, d’une surface minimale de consommation d’ENAF. Cette surface minimale a été fixée à 1 ha pour la période 2021-2031.

Cette surface peut être mutualisée à l’échelle intercommunale à la demande du maire, après avis de la conférence des maires de l’EPCI ou, à défaut, du bureau de l’EPCI concerné si l’ensemble des maires des communes membres en fait partie. Les communes nouvelles dont l’arrêté de création a été pris après le 1er janvier 2011 peuvent bénéficier d’une majoration de surface de 0,5 ha pour chaque commune déléguée, dans une limite de 2 ha.

Cette « garantie communale » n’exonère pas du respect des règles d’urbanisme en vigueur.

Au plus tard le 1er janvier 2031, la conférence régionale de gouvernance du ZAN devra présenter un bilan de l’application de cette « garantie communale ».

  1.   la « garantie communale » est un paramètre supplémentaire à prendre en compte dans la territorialisation des objectifs du Zan

Si aucune mesure réglementaire d’application à proprement parler n’est attendue sur cet article 4, le décret n° 2023-1097 précité précise qu’il doit être tenu compte de la « garantie communale » pour décliner les objectifs du ZAN, tant dans le fascicule de règles générales du Sraddet que dans le document d’orientation et d’objectifs (DOO) du SCoT ([35]). Or il n’est pas toujours aisé d’intégrer cette contrainte, notamment pour les régions disposant de nombreuses communes concernées.

La FNAU relève de plus que si cette disposition était appliquée par chaque commune qui y est éligible, cela pourrait créer des situations dans lesquelles des régions se retrouvent avec davantage d’artificialisation garantie que ce que leur permet leur trajectoire de consommation d’ENAF constatée sur la période 2011‑2021. Cela peut également conduire, au sein d’une même région, à faire peser sur certains territoires un effort de sobriété foncière plus important que sur d’autres.

FNE pointe le risque qu’une telle « garantie communale » puisse conduire à une moindre sobriété foncière. L’Association nationale des EPFL fait aussi observer les risques de mitage du foncier.

Enfin, il semble que l’application concrète de cette « garantie communale » soulève certaines difficultés, notamment pour la mutualisation de ces hectares à l’échelle intercommunale, que de nombreux acteurs appellent cependant de leurs vœux.

Vos rapporteurs rappellent que la mise en œuvre de la « garantie communale » demeure une faculté et appellent,  en tant que de besoin, les services de l’État à clarifier les modalités de mutualisation de ces hectares à l’échelle intercommunale. Votre rapporteure Mathilde Hignet souligne que l’objectif reste la diminution de la consommation d’ENAF.

  1.   la prise en compte des spécificités des communes situées en zone littorale (article 5)
    1.   Les dispositions de la loi

L’article 5 de la loi ZAN permet de prendre en compte les spécificités des communes littorales soumises à l’érosion côtière pour décliner les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols dans les documents de planification et d’urbanisme, au travers de trois dispositions :

– premièrement, la fixation des objectifs chiffrés de lutte contre l’artificialisation des sols dans ces documents doit tenir compte des enjeux d’adaptation et de recomposition spatiale du territoire pour les communes concernées par le recul du trait de côte ;

– deuxièmement, pour l’atteinte de ces objectifs, peuvent être considérées comme désartificialisées les surfaces artificialisées, soumises au recul du trait de côte à l’horizon de 30 ans, lorsque ces surfaces ont vocation à être renaturées dans le cadre d’un projet de recomposition spatiale du littoral. Si cette renaturation n’a pas été effectuée au terme de chaque tranche de 10 ans, ces surfaces sont à nouveau considérées comme étant artificialisées ;

– troisièmement, les spécificités des communes littorales, soumises aux prescriptions particulières d’un schéma de mise en valeur de la mer, seront prises en compte dans la trajectoire de réduction de l’artificialisation des sols fixée par le schéma d’aménagement régional (SAR) en outre-mer.

  1.   bien que non prévues par la loi Zan, des dispositions réglementaires précisent les modalités de prise en compte des enjeux relatifs au littoral

Aucune mesure réglementaire d’application n’était attendue pour l’application de l’article 5. Néanmoins, le décret n° 2023-1097 précité apporte des précisions quant à la prise en compte des enjeux propres aux communes littorales exposées au recul du trait de côte :

– les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols contenus dans le rapport du Sraddet doivent être définis et territorialement déclinés en tenant compte, notamment, des particularités géographiques locales pour les communes littorales, ainsi que de la recomposition des communes exposées au recul du trait de côte ([36]) ;

– lorsqu’elle est réalisée, la déclinaison territoriale de ces objectifs dans le fascicule général des règles du Sraddet doit permettre de favoriser les projets de recomposition spatiale des communes exposées au recul du trait de côte. Elle doit aussi être proportionnée à la surface des terrains situés dans les espaces urbanisés exposés au recul du trait de côté à horizon de 30 ans et qui ont vocation à être renaturés pendant la tranche de 10 ans en cours ([37]) ;

– dans le DOO du SCoT, il est tenu compte des spécificités des communes littorales lorsque les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols sont déclinés par secteur géographique ([38]).

La prise en compte des enjeux littoraux dans le décret est saluée. Plusieurs organismes consultés par vos rapporteurs appellent à maintenir une vigilance constante sur ces territoires, qui subissent de plein fouet les conséquences du changement climatique.

Le décret n° 2023-1097 a également permis de répondre aux attentes exprimées lors de la discussion de la proposition de loi sur la prise en compte des spécificités propres aux zones de montagne. Des dispositions introduites par le Sénat à cet article sur ce sujet avaient été supprimées à l’Assemblée nationale et renvoyées au pouvoir réglementaire. Ce décret précise :

– que les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols contenus dans le rapport du Sraddet doivent être définis et territorialement déclinés en tenant compte, notamment, des zones de montagne ([39]) ;

– que le DOO du SCoT doit tenir compte des spécificités des zones de montagne pour la déclinaison des objectifs de réduction de l’artificialisation par secteur géographique ([40]). Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a précisé à vos rapporteurs qu’« une analyse au cas par cas sera donc à chaque fois réalisée pour ces territoires ».

La région Sud regrette que « sur les communes de montagne, les spécificités à prendre en compte au regard des objectifs de consommation foncière sont moins précises [que pour les zones littorales] et par conséquent difficiles à mettre en œuvre ».


chapitre IV :
prévoir les outils pour faciliter la transition vers l’absence de toute artificialisation nette des sols (artICLES 6 à 9)

  1.   Le droit de préemption et le sursis à statuer spécifiques aux enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols (article 6)
    1.   Les dispositions de la loi

L’article 6 de la loi ZAN crée un droit de préemption urbain ainsi qu’un sursis à statuer spécifiques aux enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols. Il offre ainsi de nouveaux outils de maîtrise foncière aux territoires pour contribuer à l’atteinte de leurs objectifs de réduction de l’artificialisation des sols.

Grâce aux dispositions de cet article, l’autorité compétente peut délimiter au sein d’un PLU ou d’une carte communale « des secteurs prioritaires à mobiliser qui présentent un potentiel foncier majeur pour favoriser l’atteinte des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols » au sein desquels est institué un droit de préemption urbain. Parmi ces secteurs prioritaires, peuvent notamment être couverts des terrains contribuant à la préservation ou à la restauration de la nature en ville, des zones présentant un fort potentiel en matière de renaturation, ainsi que les terrains susceptibles de contribuer au renouvellement urbain, à l’optimisation de la densité des espaces urbanisés ou à la réhabilitation des friches.

L’article 6 ajoute également à la définition des actions ou opérations d’aménagement le fait de permettre le recyclage foncier, de restaurer le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels, et de renaturer ou de désartificialiser les sols.

Enfin, le sursis à statuer peut s’appliquer lorsqu’une demande d’autorisation d’urbanisme entraîne une consommation d’ENAF pouvant compromettre l’atteinte des objectifs de réduction de cette consommation définis par le document d’urbanisme en cours d’élaboration ou de modification. Ce sursis à statuer doit être motivé soit en raison de l’ampleur de la consommation d’ENAF occasionnée, soit de la faiblesse des capacités résiduelles de consommation au regard des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols qui ont été fixés.

  1.   L’article 6 est d’application immédiate

Aucune mesure réglementaire d’application n’était attendue à l’article 6. Le dispositif étant d’application récente, il est par ailleurs prématuré de dresser un bilan exhaustif de sa mise en œuvre. L’article 3 du décret n° 2023-1097 précité précise toutefois qu’une autorisation d’urbanisme ne peut pas être refusée au motif qu’elle pourrait compromettre le respect des objectifs chiffrés de lutte contre l’artificialisation des sols fixés par un document d’urbanisme, dès lors qu’elle est conforme aux prescriptions d’un document d’urbanisme en vigueur. En particulier, « afin de préserver les espaces affectés aux activités agricoles, une autorisation d’urbanisme relative à une construction ou à une installation nécessaire à une exploitation agricole ne saurait être refusée au seul motif que sa délivrance serait de nature à compromettre de tels objectifs ».

Ces nouveaux outils à la main des collectivités pour lutter contre l’artificialisation des sols suscitent des réserves de la part de la FFB et de la Fédération des promoteurs immobiliers de France (FPI). D’autres acteurs consultés, notamment l’Association nationale des EPFL et Terre de liens, soulignent que le sursis à statuer peut conduire à une mise en demeure de la collectivité ou de l’établissement public pour qu’il achète le terrain. Enfin, France Urbaine relève que des précisions pourraient être apportées concernant les modalités d’application de ces dispositions, notamment concernant « la procédure de détermination des zones potentielles de renaturation et désartificialisation, ainsi que la procédure de fixation des indemnités de préemption » ou encore les modalités de fixation de la valeur vénale du bien préempté.

Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires reconnaît que la mise en œuvre des dispositions de cet article a fait l’objet de questions de la part des services instructeurs « sur les procédures d’évolution des PLU concernées, l’échelle géographique et les modalités de justification de la renaturation d’un site, le délai de confirmation des demandes par le pétitionnaire à l’issue de la période de sursis à statuer ». En réponse à ces interrogations, une fiche élaborée par la DHUP a été transmise aux services déconcentrés.

  1.   La prise en compte effective des opérations de renaturation effectuées avant 2031 (article 7)
    1.   Les dispositions de la loi

L’article 7 de la loi ZAN permet de prendre en compte les efforts de renaturation effectués avant 2031 dans le calcul de la consommation d’ENAF. Il prévoit que la transformation effective d’espaces urbanisés ou construits en ENAF du fait d’une opération de renaturation puisse être comptabilisée en déduction de la consommation d’ENAF calculée sur la période 2021‑2031.

  1.   cet article permet de souligner le travail de nomenclature des sols effectué par voie réglementaire

Aucune mesure réglementaire directe n’était attendue et n’a été prise pour l’application de l’article 7.

Cet article est cependant l’occasion d’évoquer la publication du décret n° 2023-1096 du 27 novembre 2023 relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols. Celui-ci établit une nomenclature des sols qui s’appliquera à compter de 2031.

La qualification des surfaces se fera selon l’occupation effective du sol observée. Le décret précise également les modalités de décompte de l’artificialisation :

– des surfaces dont les sols sont végétalisés et à usage de parc ou de jardin public, qui peuvent être considérées comme non artificialisées ([41]) ;

– des surfaces sur lesquelles sont implantés des panneaux photovoltaïques (PV), qui peuvent être considérées comme non artificialisées dès lors que les panneaux implantés respectent certains critères, liés notamment aux fonctions écologiques du sol, précisés par un décret et un arrêté de décembre 2023 ([42]).

Lors de l’examen de la proposition de loi, l’Assemblée nationale avait supprimé, à cet article 7, des dispositions introduites par le Sénat précisant qu’« à compter de 2031, les surfaces non artificialisées utilisées temporairement pour les besoins de travaux ou d’aménagements puis restituées à une catégorie de surface non artificialisée ne sont pas comptabilisées comme des surfaces artificialisées ». Cette suppression avait été justifiée par le caractère réglementaire de telles mesures.

Le décret n° 2023-1096 précise effectivement que les surfaces en chantier ou en état d’abandon sont considérées comme artificialisées, dès lors qu’elles entrent dans l’une des catégories des surfaces artificialisées fixées par le décret ([43]). Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires précise cependant que « dans le cas d’une construction temporaire, la disparition de celleci pour laisser place à une surface non artificialisée au sens de la même nomenclature constitue une opération de désartificialisation ». Pour le calcul de la consommation d’ENAF sur la période 2021-2031, « le caractère temporaire d’une construction liée à un chantier induit qu’elle ne sera pas comptabilisée dans le flux de consommation d’espace si le terrain concerné est toujours un ENAF au moment du rapport triennal ou du bilan du document de planification ou d’urbanisme et qu’elle n’induit donc pas de flux de consommation d’espaces à long terme ». En revanche, une fois le projet achevé, le terrain occupé correspondant entraînera bien un décompte de consommation effective d’ENAF, à partir du démarrage effectif des travaux. Il « devra aussi être comptabilisé dans la consommation planifiée lors de la fixation des objectifs, englobant potentiellement, selon leur emplacement, les constructions temporaires nécessaires au chantier ».

De manière générale, plusieurs organisations consultées par vos rapporteurs souhaiteraient que la nomenclature des sols fixée dans le décret soit plus précise, notamment concernant les conséquences sur les fonctions écologiques des sols. La nécessité d’une vigilance sur les seuils de références utilisés pour qualifier une zone (supérieur ou égal à 2 500 m² d’emprise au sol ou au terrain, à 500 m² d’emprise au sol pour les surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison du bâti) a également été relayée, en particulier pour permettre un décompte des surfaces artificialisées le plus précis possible.

S’agissant des opérations de renaturation proprement dites, Intercommunalités de France et France Urbaine s’interrogent sur l’absence de définition précise de ce que constitue une opération de renaturation.

  1.   les ajouts apportés au contenu du rapport qui doit être remis en application de l’article 207 de la loi « climat et résilience » (article 8)
    1.   Les dispositions de la loi

L’article 8 complète le contenu du rapport prévu à l’article 207 de la loi « Climat et résilience ». Ce rapport, qui doit être rendu public par le Gouvernement au moins une fois tous les cinq ans, consiste en réalité en une « clause de revoyure » sur la mise en œuvre du dispositif de lutte contre l’artificialisation des sols. Il doit notamment contenir des préconisations sur la trajectoire de réduction de l’artificialisation pour atteindre le ZAN en 2050 et préciser les orientations de limitation de cette artificialisation à envisager pour la décennie 2031-2040.

En application de l’article 8 de la loi ZAN, ce rapport doit désormais dresser le bilan des effets de cette loi, en particulier sur les points suivants :

– les conditions de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols, notamment concernant la « garantie communale » ;

– la consommation d’ENAF occasionnée par les PENE qui présentent un intérêt général majeur ;

– les incidences du ZAN sur la production de logements et sur la réalisation de projets concourant à la transition écologique ou au développement économique des territoires ;

– les conséquences du ZAN sur la préservation de l’environnement naturel, de la biodiversité et de la disponibilité de la ressource en eau.

  1.   ces dispositions, d’application directe, ne sont pas sans lien avec les enjeux relatifs aux données nécessaires pour établir et suivre l’artificialisation des sols

L’article 8, s’il n’appelle pas de mesure réglementaire d’application particulière, pose plus largement la question des données utilisées pour retracer la consommation d’ENAF et l’artificialisation des sols. Ce sujet avait émergé lors des discussions sur l’article 11 de la proposition de loi, supprimé par l’Assemblée nationale, qui prévoyait des dispositions législatives sur la mise à disposition de telles données par l’État auprès des collectivités, ainsi que sur la possibilité d’utiliser, pour les collectivités le souhaitant, les données recueillies à l’échelle locale. Le sujet avait alors été renvoyé au pouvoir réglementaire.

La circulaire du 31 janvier 2024 précitée précise que l’État doit assurer le suivi de la mise en œuvre de la réforme du ZAN, dans le cadre du rapport prévu par l’article 207 de la loi « Climat et résilience ». À cette fin, les préfets devront transmettre chaque année une évaluation de la consommation effective emportée par chacun des PENE d’intérêt général majeur.

Plus encore, le décret n° 2023-1096 précité a consacré, à l’article R. 101-2 du code de l’urbanisme, l’existence de l’observatoire de l’artificialisation du Cerema.

Ce décret apporte également des précisions sur le rapport triennal relatif à l’artificialisation des sols que doivent réaliser les maires ou présidents d’EPCI en application de l’article L. 2231-1 du CGCT. Les communes et EPCI concernés ont gratuitement accès aux données de l’observatoire de l’artificialisation. Il est aussi prévu qu’ils puissent utiliser les données issues de dispositifs d’observation mis en place au niveau local. Le Cerema souligne que le portail de l’artificialisation permettra bien de fournir les données nécessaires à cet exercice et que la production de ce rapport pourrait même être automatisée : « le service mondiagnosticartif  ([44]), start-up d’État portée par la direction départementale des territoires et de la mer de la Gironde sous pilotage de la DGALN, a prévu d’automatiser la production de ce rapport triennal à partir des données nationales disponibles sur le portail de l’artificialisation ».

La mise en place de ce portail est saluée et s’avère être un outil utile. Cependant, des différences de décompte de la consommation d’ENAF entre les données du Cerema et celles obtenues au niveau local sont relevées.

Actuellement, pour établir ses données, le Cerema se fonde sur les fichiers fonciers, issue de la base de données MAJIC de la direction générale des finances publiques (DGFIP), en attendant la finalisation du référentiel OCS GE (occupation et usage des sols à grande échelle). Les fichiers fonciers, de par leur provenance et leur mode de constitution, ne sont pas sans limites, comme le souligne le Cerema lui-même : par exemple, ils permettent de disposer de données pour les parcelles cadastrées uniquement ou encore ne recensent pas les bâtiments appartenant à un organisme public exonérés de taxe foncière.

France Stratégie souligne que certaines régions préfèrent travailler avec les données issues de leurs observatoires locaux, qu’elles estiment « plus fiables, et représentatives de la réalité » ([45]). Il cite l’exemple de la région Bretagne, pour laquelle « l’artificialisation évaluée pour la période 2021-2031 par l’observatoire s’élève à 7 862 hectares contre 8 962 hectares avec les données Cerema », soit un différentiel de 1 100 ha.

Régions de France et Intercommunalités de France insistent sur l’importance des données produites ou appréciées localement. Le décret n° 2023‑1096 précité clarifie la possibilité donnée aux communes et aux EPCI d’utiliser les données produites localement pour l’élaboration de leur rapport triennal. La FédéSCoT s’interroge sur « la sécurisation des documents d’urbanisme qui utilisent les données régionales ou locales pour fixer et suivre la trajectoire foncière dans leur document de SCoT et de PLU(i) ».

  1.   Le Rapport relatif à la fiscalité comme outil de lutte contre l’artificialisation des sols n’a pas été remis (article 9)

L’article 9 dispose que le Gouvernement doit remettre au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi ZAN, un rapport relatif à la fiscalité comme outil de lutte contre l’artificialisation des sols. Ce rapport doit présenter l’ensemble des outils fiscaux qui incitent à l’artificialisation des sols ainsi que ceux qui incitent à ne pas les artificialiser.

Bien que le délai de six mois soit échu, le rapport n’a toujours pas été remis au Parlement, alors même que l’enjeu du financement et de la fiscalité du ZAN est particulièrement structurant. Vos rapporteurs appellent à sa publication dans les meilleurs délais. Vos rapporteurs souhaitent par ailleurs que des réflexions soient engagées sur la nécessaire évolution de la fiscalité foncière qui, à ce jour, soutient la rétention et la spéculation.


   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 10 avril 2024, la commission a examiné le rapport de la mission d’application de la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires (Mme Mathilde Hignet et M. Bastien Marchive, rapporteurs).

 

La commission a approuvé la publication du rapport d’information.

 

Ce point de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/2AEabX.

 

 

 

 


   ANNEXE 1 :
état de l’application de la loi au 1er avril 2024

 

Article

N° initial

Dispositif

Mesures réglementaires d’application et rapports prévus

Mesures publiées ou calendrier prévisionnel de publication

Chapitre Ier : Favoriser le dialogue territorial et renforcer la gouvernance décentralisée (art. 1er à 2)

1er

1

– allongement des délais d’intégration des objectifs de réduction de l’artificialisation dans les documents de planification et d’urbanisme

 

– précisions sur la déclinaison des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols en Corse

-

Le décret n° 2023-1097 du 27 novembre 2023 et une circulaire du 31 janvier 2024 ont apporté des informations sur la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs du ZAN, mais ne sont pas des mesures réglementaires d’application de cette loi stricto sensu

2

3

Transformation de la conférence des SCoT en conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols

-

-

Chapitre II : Accompagner les projets structurants de demain (art.3)

3

4

– exclusion des PENE qui présentent un intérêt général majeur du décompte de la consommation d’ENAF au titre des objectifs fixés par les documents de planification ou d’urbanisme afin de les comptabiliser au niveau national

 

– institution d’une commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols dans chaque région

 

– précision sur les modalités de décompte applicables aux projets d’envergure régionale

Précisions, par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme, des modalités de prise en compte des opérations de construction ou d’aménagement de postes électriques de tension supérieure ou égale à 220 kV au titre des PENE

 

 

 

 

 

 

Premier projet de liste recensant les PENE d’intérêt général majeur diffusé par voie de presse.

 

Arrêté commun dont la publication est prévue en mai 2024.

Arrêté du ministre chargé de l’urbanisme recensant les PENE présentant un intérêt général majeur dont la consommation d’ENAF est prise en compte au niveau national

Arrêté du ministre chargé de l’urbanisme précisant la mutualisation, entre régions couvertes pour un Sraddet, d’un forfait de 10 000 ha pour les PENE présentant un intérêt général majeur

 

Décret déterminant la composition et les modalités de
fonctionnement de la commission régionale de conciliation
sur l’artificialisation des sols

– décret n°2023-1098 du 27 novembre 2023 relatif à la composition et aux modalités de fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols ;

arrêté du 13 février 2024 fixant le montant des indemnités susceptibles d’être allouées au président d’une commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols (non prévu par la loi)

Chapitre III : Mieux prendre en compte les spécificités des territoires (art.4 à 5)

4

7

« Garantie communale » d’un hectare de consommation d’ENAF, sur la période 2021-2031, pour les communes couvertes par un document d’urbanisme ou engagées dans une démarche pour en disposer
 

-

-

5

10

Prise en compte des spécificités des communes littorales soumises à l’érosion côtière dans les documents d’urbanisme

-

Précisions complémentaires apportées par le décret n°2023-1097 du 27 novembre 2023 (pas une mesure d’application de la loi stricto sensu)

Chapitre IV : Prévoir les outils pour faciliter la transition vers l’absence de toute artificialisation nette des sols (art. 6 à 9)

6

12

Création d’un droit de préemption urbain et d’un sursis à statuer spécifiques aux enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols

-

-

7

13

Prise en compte effective des opérations de renaturation effectuées avant 2031

-

-

8

14

Ajouts d’éléments sur le bilan de la loi dans le rapport quinquennal prévu à l’article 207 de la loi « Climat et résilience »

-

Rapport devant être remis une fois tous les 5 ans à compter d’août 2021; première échéance le 22 août 2026

9

15

Demande de rapport sur la fiscalité comme outil de lutte contre l’artificialisation des sols.

À remettre dans les 6 mois suivant la promulgation de la loi

Le rapport devait être rendu au mois de janvier 2024 et n’a toujours pas été remis. Pas de date prévisionnelle de remise.


annexe 2 : Liste des personnes auditionnées

Par ordre chronologique

Table ronde :

Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF)

M. Guy Geoffroy, vice-président

Association des maires ruraux de France (AMRF)

M. Sébastien Gouttebel, membre du bureau

Mme Adèle Laborderie, chargée de mission

Intercommunalités de France

M. Sébastien Miossec, président délégué

Régions de France

Mme Laurence Fortin, vice-présidente de la région Bretagne

Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN)/direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP)

M. Jean-Baptiste Butlen, sous-directeur de l’aménagement durable

M. Ludovic Lamoureux, conseiller juridique de la sous-direction de l’aménagement durable

 

 

 

 

 

 

 

 

 


   ANNEXE 3 : liste des contributions écrites reÇues

Par ordre alphabétique

 

Association nationale des établissements publics fonciers locaux

Cabinet du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Cerema

Fédération nationale des schémas de cohérence territoriale (FédéScOT)

Fédération française du bâtiment (FFB) *

Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU)

Fédération nationale des travaux publics (FNTP) *

Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) *

France nature environnement (FNE) *

France urbaine

Intercommunalités de France

Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) *

Région Bretagne

Région Nouvelle-Aquitaine

Région Pays de la Loire

Région Sud

Réseau national des établissements public fonciers de l’État

Terre de liens *

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) France Stratégie, L’artificialisation des sols : un phénomène difficile à maîtriser,  128, novembre 2023.

([2]) Données issues de l’observatoire national de l’artificialisation du Cerema.

([3]) Décret n° 2023-1096 du 27 novembre 2023 relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols et Décret n° 2023-1097 du 27 novembre 2023 relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols.

([4]) Circulaire du 31 janvier 2024 relative à la mise en œuvre de la réforme vers le « zéro artificialisation nette des sols ».

([5]) Ne sont pas prises en compte les mesures d’application déjà prises avant la publication de la loi, celles relatives à des dispositions législatives avec une entrée en vigueur différée, les mesures facultatives ainsi que les mesures prises mais non prévues par la loi. Ont été décomptées pour un seul texte les mesures prévues à différents endroits d’un même dispositif et qui seront logiquement réunies dans un même texte, selon les informations transmises par le Gouvernement (en l’occurrence, les 3 dispositions devant faire l’objet d’un arrêté à l’article 3 de la loi).

([6]) Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi « 3DS ».

([7]) Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), schéma d’aménagement régional (SAR), schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), plan d’aménagement et de développement durable de Corse (Padduc), schéma de cohérence territoriale (SCoT), plan local d’urbanisme (PLU).

([8]) Décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires.

([9]) Décret n° 2023-1097 du 27 novembre 2023 relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols.

([10]) Art. R. 4251-3 CGCT.

([11]) Art. R. 4251-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

([12]) Art. R. 4251-8-1 CGCT.

([13]) Circulaire du 31 janvier 2024 relative à la mise en œuvre de la réforme vers le « zéro artificialisation nette des sols ».

([14]) https://artificialisation.developpement-durable.gouv.fr/guide-synthetique-zan

([15]) France Stratégie, Objectif ZAN : quelles stratégies régionales ?,  129, novembre 2023.

([16])  Données transmises le 5 avril 2024.

([17]) SCET, Objectif ZAN, Le temps de la mise en action(s), décembre 2023.

([18]) Ces dispositions étaient également rendues applicables aux grandes opérations d’urbanisme et aux opérations d’intérêt national créées avant le 22 août 2021, ainsi qu’aux autorisations d’urbanisme déposées avant la même date.

([19]) Amendement CE332 du Gouvernement.

([20]) Les 2 500 ha restants sont consacrés aux régions couvertes par un SAR, le SDRIF et le PADDUC.

([21]) Zéro artificialisation nette – Fascicule 2 : Planifier la consommation et l’artificialisation des sols, 21/12/203.

([22]) Décret n° 2023-1098 du 27 novembre 2023 relatif à la composition et aux modalités de fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols et consultation publique associée : https://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projet-de-decret-relatif-a-la-composition-et-aux-a2894.html

([23]) Arrêté du 13 février 2024 fixant le montant des indemnités susceptibles d’être allouées au président d’une commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols.

([24]) Contexte, ZAN : ce qu’il faut retenir de la liste des projets les plus artificialisants de France, 19 janvier 2024.

([25]) Selon les informations transmises par le ministère : Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Centre‑Val‑de‑Loire, Grand Est, Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Normandie, Occitanie, Provence Alpes Côte d'Azur, Pays de la Loire, La Réunion et Mayotte.

([26]) Dont un projet commun avec la Normandie (576 ha).

([27]) Dont un projet commun avec l’Occitanie (700 ha).

([28]) Dont un projet commun avec la Normandie (18 ha) et un projet commun avec les Hauts-de-France (21 ha).

([29]) (i) du 7° du III de l’article 194 de la loi « Climat et résilience ».

([30]) 3° du II de l’art. R. 4251-8-1 CGCT.

([31]) 6° du I de l’art. R. 4251-3 CGCT.

([32]) Voir l’article 9 de la proposition de loi, supprimé à l’Assemblée nationale et le 4° du II de l’art. R. 42518-1 CGCT.

([33]) France Stratégie, « Objectif ZAN : quelles stratégies régionales ? », n° 129, novembre 2023, p. 13.

([34]) C’est-à-dire qu’un PLU, un document en tenant lieu ou une carte communale a été prescrit, arrêté ou approuvé avant cette date. Au 31 mars 2024, 22,11 % de la surface du territoire est couverte par des communes soumises au règlement national d’urbanisme (RNU), selon les données du géoportail de l’urbanisme.

([35]) Article R. 4251-8-1 du CGCT et art. R. 141-6-1 du code de l’urbanisme.

([36]) 5° de l’art. R. 4251-3 CGCT.

([37]) 2° de l’art. R. 4251-8-1 CGCT.

([38]) Art. R. 141-6-1 du code de l’urbanisme.

([39])  5° de l’art. R. 4251-3 CGCT.

([40]) Art. R. 141-6-1 du code de l’urbanisme.

([41]) cf. discussions sur l’article 9 de la proposition de loi.

([42]) Décret n° 2023-1408 du 29 décembre 2023 définissant les modalités de prise en compte des installations de production d’énergie photovoltaïque au sol dans le calcul de la consommation d’espace au titre du 6° du III de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et arrêté du 29 décembre 2023 définissant les caractéristiques techniques des installations de production d’énergie photovoltaïque exemptées de prise en compte dans le calcul de la consommation d’espace naturels, agricoles et forestiers.

([43]) C’est-à-dire l’une des catégories des 1° à 4° de l’annexe à l’article R. 101-1 du code de l’urbanisme.

([44]) https://mondiagartif.beta.gouv.fr/

([45]) France Stratégie, Objectif ZAN : quelles stratégies régionales ?,  129, novembre 2023, p. 13.