N° 2523

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 avril 2024.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

 

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
sur le programme de stabilité pour les années 2024 à 2027 et les orientations des finances publiques

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Jean-René CAZENEUVE

Rapporteur général,

Député

——

 


   SOMMAIRE

___

Pages

introduction

I. le scénario macroéconomique 2024-2027

A. malgré un ralentissement à court terme, une croissance forte en fin de période

1. Une prévision de croissance légèrement revue à la baisse pour les années 2023 à 2025

2. À moyen terme, l’hypothèse maintenue d’une croissance supérieure à son rythme potentiel

B. Un reflux légèrement plus rapide de l’inflation

C. Des aléas équilibrés

II. l’amélioration progressive du solde public jusqu’en 2027

A. Les engagements européens de la France

1. Le retour à l’application des règles du Pacte européen de stabilité et de croissance

a. Les normes prescrites par le droit européen

b. La levée de la clause dérogatoire générale

2. La mise en œuvre prochaine de nouvelles règles

B. une réduction du déficit public visant un retour sous les 3 points de PIB en 2027

1. Un solde plus dégradé que prévu en 2023 malgré la bonne tenue des dépenses

2. L’ambition maintenue du redressement du solde public

III. une stabilisation du poids des recettes publiques

A. Les prélèvements obligatoires

B. Les autres recettes

IV. Un objectif plus ambitieux de maîtrise des dépenses, malgré le léger décalage de la trajectoire de réduction du ratio de dépense publique

A. La poursuite de la décrue du ratio de dépense publique en 2023

1. Une normalisation progressive de la part de la dépense publique dans le PIB qui se poursuit en 2023

2. Un écart aux prévisions qui s’explique pour plus de la moitié par le passage de la comptabilité nationale en base 2020

3. Un nouveau ralentissement de la progression des dépenses publiques, malgré une inflation toujours soutenue

4. Une nouvelle baisse en volume des dépenses publiques en 2023

B. une trajectoire de maîtrise des dépenses à l’ambition réaffirmée malgré l’ajustement du ratio de dépense publique

1. Une diminution plus tardive, mais toujours ample, du ratio de dépense publique par rapport à la loi de programmation des finances publiques

2. Une révision en légère baisse de l’évolution en valeur et en volume des dépenses publiques

3. Les déterminants de l’évolution des dépenses publiques

V. Un ajustement à la hausse de la trajectoire du ratio de dette publique

A. Le ratio de dette publique augmenterait en 2024 et en 2025, tout en demeurant inférieur à son niveau de 2020, avant de reprendre sa décrue

B. Les déterminants de l’évolution du ratio de dette publique

1. Un rehaussement du solde stabilisant en début de période conjugué à des prévisions plus dégradées de solde public

2. Un impact faible, mais non négligeable, des flux de créances

3. Un léger rehaussement technique de l’endettement public

Travaux de la commission

I. audition de M. Pierre Moscovici, premier prÉsident de la Cour des comptes, prÉsident du Haut Conseil des finances publiques, sur le rapport relatif aux rÉsultats de la gestion budgÉtaire de l’exercice 2023 et sur la certification des comptes de l’État pour l’exercice 2023 ainsi que sur les avis du Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi relative aux rÉsultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’annÉe 2023 et sur le programme de stabilitÉ prÉsenté aux institutions europÉennes

II. audition de M. Thomas Cazenave, ministre dÉLÉGUÉ chargÉ des comptes publics, sur le programme de stabilitÉ 2024-2027 valant rapport sur l’Évolution de l’Économie nationale et sur les orientations des finances publiques, et le projet de loi relative aux rÉsultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’annÉe 2023 (n° 2520)

 


 

   introduction

Le projet de programme de stabilité 2024-2027 a été présenté en conseil des ministres le 17 avril 2024 et transmis le même jour aux assemblées parlementaires. En application du dernier alinéa de l’article 1er K de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), il fera l’objet d’un débat inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le 29 avril 2024, en amont de sa transmission aux institutions européennes prévue par le même article de la LOLF.

Le programme de stabilité 2024-2027 tient compte d’une exécution financière 2023 marquée par un solde public de – 5,5 % du produit intérieur brut (PIB), alors que la prévision associée de la loi de finances de fin de gestion pour 2023 s’établissait à – 4,9 %. Cette dégradation du solde public, si elle est techniquement accrue par un changement de base des comptes nationaux pour environ 0,2 point de PIB, s’explique à titre principal par le montant des prélèvements obligatoires, qui s’est établi à environ 1 218 milliards d’euros, en retrait de près de 22 milliards d’euros par rapport à la prévision de fin de gestion – alors même que le PIB a progressé en 2023 de 0,9 %, un niveau très proche de la prévision du Gouvernement fixée à 1 %.

En partant d’une situation plus difficile en 2023, le programme de stabilité 2024-2027 propose une trajectoire des finances publiques plus ambitieuse que celle inscrite dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (LPFP), dans la mesure où le point d’arrivée est comparable : le PStab envisage un solde public de – 2,9 % en 2027, en léger retrait par rapport à la cible de – 2,7 % définie par la LPFP.

Au total, le programme de stabilité 2024-2027 envisage une baisse du ratio de dette publique à compter de 2026 – il s’établirait à 112 % du PIB en 2027 après avoir atteint 113,1 % du PIB en 2025. Cette trajectoire est moins favorable que celle inscrite dans la LPFP pour les années 2023 à 2027 ; elle est en revanche comparable – et même un peu meilleure – que celle envisagée par le programme de stabilité publié à l’été 2022.

Pour engager notre pays sur la trajectoire définie par le programme de stabilité 2024-2027, il convient en premier lieu de parvenir en 2024 à la cible de solde public de – 5,1 % que le Gouvernement a récemment actualisé, compte tenu d’une croissance du PIB désormais évaluée à 1 % pour cet exercice et d’un rebasage du montant des prélèvements obligatoires en fonction des recouvrements constatés en 2023. Cet ajustement de la cible de solde public en 2024 est opportun dans la mesure où il constitue à court terme à la fois un effort effectif et ambitieux de maitrise de nos finances publiques et un objectif atteignable sans mettre en péril nos services publics et l’activité économique.

Cet effort de maîtrise implique, après le décret du 21 février 2024 portant annulation de près de 10,2 milliards d’euros en crédits de paiement, de réaliser pour un montant analogue (i) de nouvelles économies pour l’État sur la base des mises en réserve de crédits, (ii) de sécuriser la trajectoire d’évolution en volume des dépenses des collectivités territoriales prévue par la LPFP 2023-2027 et (iii) de mettre à contribution certains secteurs économiques caractérisés par des marges bénéficiaires confortables et en progression dans le contexte des crises sanitaire et inflationniste intervenues depuis 2020.

Il convient en second lieu de prévoir des économies nouvelles sur la période 2025 à 2027, sur la base de revues de dépenses. Au demeurant, la LPFP prévoit de telles économies pour le champ de l’État et celui de la sécurité sociale à hauteur au total de 12 milliards d’euros par an de 2025 à 2027, soit 36 milliards d’euros en cumulé à l’achèvement de ce triennal pour les deux champs. Même si ce montant d’économies pourrait devoir être dépassé et constituera un effort substantiel (notamment pour contribuer à un effort structurel de plus d’un point de PIB potentiel en 2025), il ne devrait pas conduire à un recul en volume de la dépense publique et doit être comparé à l’augmentation d’environ 300 milliards d’euros des dépenses publiques constatée entre 2017 et 2023. Il importe que la dépense publique rapportée au PIB poursuive jusqu’en 2027 une décrue nettement amorcée en 2023, afin d’atteindre avec un peu plus de 54 % du PIB un niveau plus proche de la moyenne observée dans l’Union européenne (49,4 % du PIB en 2023).

Le programme de stabilité 2024-2027 se fonde sur une prévision de croissance de 1 % en 2024, que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) qualifie d’optimiste mais qu’il ne considère pas hors d’atteinte. Le HCFP estime que le niveau de croissance potentielle retenue par le Gouvernement, soit 1,35 %, est également optimiste – impliquant ainsi un aléa sur la trajectoire annuelle de croissance retenue notamment en 2026 et 2027. Cet aléa est renforcé par l’hypothèse, sur la période, d’un effet négatif sur l’activité des économies programmées en dépense – le Gouverneur de la Banque de France ayant toutefois récemment qualifié cet éventuel effet de modéré. Toutefois, les niveaux de croissance envisagés en 2026 et 2027, un peu inférieurs à 2 %, sont comparables à ceux constatés de 2017 à 2019.

Il importe en tout état de cause de poursuivre une politique économique qui privilégie le renforcement de notre croissance potentielle. Depuis 2017, les réformes du marché du travail, la baisse des impôts, le soutien public à la formation, à l’innovation et à la relance ont renforcé notre économie de façon pérenne : la croissance cumulée entre 2017 et 2023 a été supérieure dans notre pays à celles observées dans les grandes économies européennes, et plus de 2 millions d’emplois ont été créés en France. De surcroît, sur la même période, les Français ont été protégés des conséquences économiques de la crise sanitaire et ont subi les effets de l’inflation dans des proportions nettement moindres qu’ailleurs en Europe.

Notre pays doit entamer le redressement de ses finances publiques. Le programme de stabilité 2024-2027 en dessine la trajectoire. Il s’agit désormais de la documenter et de la mettre en œuvre autour des principes suivants : poursuivre la politique économique entreprise depuis 2017 et maintenir ses acquis ; opérer des économies documentées en préservant toutefois les dépenses et investissements stratégiques favorables à cette politique, au renforcement de la croissance potentielle et à la transition écologique et énergétique ; maintenir une stabilité d’ensemble de la pression fiscale.

Le programme de stabilité et le rapport d’orientation des finances publiques

Aux termes de l’article 1er K de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) – introduit par la loi organique n° 2021‑1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques –, au plus tard quinze jours avant la présentation par le Gouvernement aux institutions européennes des documents prévus par le droit de l’Union européenne dans le cadre des procédures de coordination des politiques économiques et budgétaires, le Gouvernement transmet l’ensemble de ces documents au Parlement et y joint, dans la perspective de l’examen et du vote du projet de loi de finances de l’année suivante, un rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques.

Le 17 avril 2024, le Gouvernement a transmis un programme de stabilité pour les années 2024 à 2027 aux assemblées parlementaires, en considérant que le rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques s’y trouvait de facto.

Le programme de stabilité est le document de programmation pluriannuelle des finances publiques transmis chaque année à la Commission européenne par les États membres de la zone euro, avant le 30 avril, dans le cadre du semestre européen.

Il s’agit d’une composante du volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance (PSC), qui doit permettre un dialogue entre les instances européennes et les gouvernements nationaux. Ceux-ci élaborent également un programme national de réforme (PNR). Sur la base de ces deux documents, la Conseil de l’Union européenne adopte, au mois de juillet, ses recommandations par pays. Il convient de noter qu’aux termes de l’accord intervenu le 10 février dernier entre la présidence du Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen et soumis à l’approbation formelle de celui-ci, la procédure applicable devrait être modifiée.

Le programme de stabilité pour les années 2024 à 2027 détaille le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement et la stratégie de finances publiques pour l’ensemble de la période, en tenant compte de la qualité de la dépense et de la soutenabilité de la trajectoire présentée. Il réunit ainsi des éléments prospectifs et l’actualisation des grands agrégats budgétaires à moyen terme.

En application du VIII de l’article 61 de la LOLF, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a été saisi des prévisions sur lesquelles repose ce programme de stabilité. Il a rendu son avis n° HCFP-2024-2 le 16 avril 2024.

Présenté en conseil des ministres le 17 avril, le programme de stabilité pour 2024-2027 fera l’objet d’un débat en séance publique le 29 avril 2024 à l’Assemblée nationale.

 


I.   le scénario macroéconomique 2024-2027

Prévu à l’article 1er de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 du 18 décembre 2023 ([1]), le rapport annexé à celle-ci détaille le scénario macroéconomique et de finances publiques retenu par le Gouvernement pour l’ensemble de la période ([2]).

Le scénario macroéconomique sous-jacent au programme de stabilité actualise certaines prévisions de la loi de programmation des finances publiques pour tenir compte, des données de l’exécution 2023 et de l’environnement économique.

La croissance connaîtrait une accélération un peu plus tardive que prévu par le scénario sous-jacent à la LPFP (A). En revanche, le reflux de l’inflation serait plus rapide que celui-ci ne l’anticipait (B). Les aléas entourant ces prévisions paraissent équilibrés (C).

Principales hypothèses du scénario macroéconomique
sous-jacent au programme de stabilitÉ

 

2023

2024

2025

2026

2027

PIB nominal

LPFP

6,8

4

3,6

3,3

3,4

PStab 2024

6,2

3,6

3,1

3,3

3,4

PIB en volume

LPFP

1

1,4

1,7

1,7

1,8

PStab 2024

0,9

1

1,4

1,7

1,8

Déflateur de PIB

LPFP

5,7

2,5

1,8

1,6

1,6

PStab 2024

5,5

2,6

1,7

1,6

1,6

Inflation*

LPFP

4,9

2,6

2

1,75

1,75

PStab 2024

4,9

2,5

1,7

1,75

1,75

Masse salariale privée

LPFP

6,5

3,6

3,4

3,4

3,4

PStab 2024

5,5

2,9

3,1

3,5

3,7

Croissance potentielle

LPFP

1,35

1,35

1,35

1,35

1,35

PStab 2024

1,35

1,35

1,35

1,35

1,35

Écart de production (en points de PIB potentiel)

LPFP

– 1,2

– 1,1

– 0,8

– 0,4

0

PStab 2024

– 1,1

– 1,5

– 1,4

– 1,1

– 0,6

* : indice des prix à la consommation hors tabac.

Source : commission des finances.

A.   malgré un ralentissement à court terme, une croissance forte en fin de période

Compte tenu des données de l’exécution 2023 et à la suite d’une révision de la prévision gouvernementale de croissance du produit intérieur brut pour 2024, le programme de stabilité est l’occasion d’une révision en légère baisse de la prévision de croissance pour les années 2023 à 2025 (1). L’accélération de la croissance serait manifeste en 2026, la croissance dépassant alors nettement son rythme potentiel (2).

1.   Une prévision de croissance légèrement revue à la baisse pour les années 2023 à 2025

Pour 2023, la prévision de croissance en volume du produit intérieur brut (PIB) du Gouvernement était de 1 %. Jugée « un peu élevée » par le Haut Conseil des finances publiques ([3]), cette hypothèse, sous-jacente au projet de loi de finances pour 2023 et maintenue dans le cadre des scénarios macroéconomiques sous-jacents au précédent programme de stabilité (publié au mois d’avril 2023), à la LPFP et au projet de loi de finances pour 2024, s’est finalement révélée extrêmement proche de la réalité, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) annonçant finalement une croissance du PIB de 0,9 % en 2023.

La prévision de croissance en volume du Gouvernement pour 2024 a été revue à la baisse de 0,4 point depuis l’adoption de LPFP et de la loi de finances pour 2024 pour s’établir à 1 %. Cette révision tire les conséquences du ralentissement de l’activité au second semestre de l’année 2023, plus marqué que prévu, et de perspectives moins favorables pour 2024, qui s’expliquent en particulier par un contexte économique international défavorable, marqué par la poursuite de chocs géopolitiques – notamment au Moyen-Orient et mer Rouge – et par le net ralentissement de l’activité chez les partenaires économiques de la France. Le gouvernement allemand a révisé à la baisse de 0,8 point sa propre prévision de croissance du PIB allemand pour 2024, la passant ainsi de 1,3 % à 0,2 %.

Si l’élan pour 2024 à la fin de l’année 2023 est ainsi plus réduit que prévu au moment du dépôt du projet de loi de finances pour 2024, avec désormais un acquis de croissance de 0,2 % à l’issue du quatrième trimestre 2023, il convient cependant de noter que les dernières enquêtes de conjoncture, parues au début de l’année 2024, suggèrent une amélioration de la conjoncture, le climat des affaires ayant retrouvé sa moyenne de long terme au mois de mars ([4]), tandis que la confiance des ménages poursuivant sa progression depuis les points bas atteints à la mi-2023.

L’activité serait ainsi majoritairement portée par l’accélération de la consommation des ménages, laquelle croîtrait de 1,6 % (après 0,6 % en 2023) grâce au reflux de l’inflation (cf. infra) qui soutiendrait les salaires réels et favoriserait en outre une décrue du taux d’épargne, qui s’établirait à 17,2 %, après 17,6 % en 2023. L’environnement international resterait relativement peu porteur mais la poursuite du redressement des performances à l’exportation, notamment grâce aux livraisons dans l’aéronautique, permettrait au commerce extérieur de soutenir la croissance. En revanche, l’investissement connaîtrait un repli de 0,4 % en raison de l’effet des taux d’intérêt élevés et pèserait sur l’activité. L’investissement des ménages serait ainsi en baisse de 4,1 % en 2024 après une baisse de 5,1 % en 2023, tandis que la progression de l’investissement des entreprises ralentirait, passant de 2,7 % en 2023 à 0,5 % en 2024.

Cette nouvelle prévision pour 2024 est égale à la dernière prévision publique du Fonds monétaire international (FMI) et légèrement supérieure à celle des autres prévisionnistes : la Commission européenne prévoit une croissance de 0,9 %, la Banque de France de 0,8 %, le consensus des économistes de 0,7 % et l’OCDE de 0,6 %. Le Gouvernement relève que « le diagnostic général, à savoir une accélération de la consommation des ménages favorisée par le repli de l’inflation, est partagé par la grande majorité des prévisionnistes », les écarts s’expliquant par des « jugements différents sur la dynamique du marché du travail et de l’investissement des entreprises ». Le HCFP estime que cette prévision de croissance « demeure optimiste, même si elle n’est pas hors d’atteinte ». Il observe en outre que « la plupart des enchaînements retenus pour 2024 par le Gouvernement le sont également par les prévisionnistes auditionnés ([5]) : un rebond de la consommation des ménages en lien avec une hausse du pouvoir d’achat, un recul de l’investissement des ménages du fait du renchérissement du coût du crédit et d’un accès plus difficile à celui-ci ; une progression plus forte des exportations de biens et services malgré une stabilisation de la croissance mondiale, grâce notamment au redressement des livraisons aéronautiques ».

Pour 2025, le Gouvernement prévoit une croissance de 1,4 %. Si ce niveau est inférieur de 0,3 point à celui prévu par le scénario macroéconomique sous-jacent à la LPFP, la croissance n’en retrouverait donc pas moins un rythme proche de la croissance potentielle, estimée à 1,35 %. Elle resterait majoritairement soutenue par la consommation des ménages, qui progresserait encore de 1,6 % et bénéficierait d’une baisse du taux d’épargne plus franche qu’en 2024, favorisée par la poursuite de la décélération de l’inflation et une hausse du revenu moins soutenue par les revenus de la propriété, qui seraient associés à une propension à consommer plus faible que les revenus d’activité ou de transfert. L’activité profiterait également d’un léger rebond de l’investissement des entreprises, dont la hausse atteindrait 0,9 %, en raison de la baisse des taux amorcée en 2024, et du commerce extérieur qui bénéficierait du redressement de la demande mondiale.

La prévision d’une croissance de 1,4 % du PIB en 2025 se situe dans la fourchette des autres prévisionnistes, qui va de 1,2 % pour l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) à 1,7 % pour le FMI. Elle est en outre très proche de celle de la Banque de France (+ 1,5 % en 2025 et + 1,7 % en 2026).

DerniÈres PrÉvisions de croissance pour la France en 2024 et 2025

 

Date de publication
en 2024

2024

2025

Commission européenne

15 février

0,9

1,3

OCDE

5 février

0,6

1,2

Banque de France

14 mars

0,8

1,5

Rexecode

5 avril

0,4

1,2

Consensus Forecasts

8 avril

0,7

1,5

FMI

16 avril

0,7

1,4

OFCE

5 avril

0,5

1,2

Gouvernement (PStab 2024)

17 avril

1,0

1,4

Source : commission des finances et avis du HCFP.

2.   À moyen terme, l’hypothèse maintenue d’une croissance supérieure à son rythme potentiel

Le scénario potentiel sous-jacent à la prévision macroéconomique du programme de stabilité a été révisé pour le passé par rapport aux estimations de la LPFP : la perte pérenne de PIB potentiel liée à la crise sanitaire et énergétique est revue légèrement à la hausse, passant de 1,25 à 1,5 point, ajustement lié à la prise en compte d’un redémarrage plus lent qu’anticipé de l’économie française, qui suggère que les chocs l’ont affectée plus longtemps que prévu à l’automne 2023.

Compte tenu du redémarrage plus tardif qu’anticipé de l’activité, l’écart de production anticipé pour 2024 est davantage creusé, et sa fermeture reportée au-delà de 2027. L’estimation du Gouvernement de l’écart de production en 2023 (– 1,1 point) se situe ainsi entre celle de l’OCDE (– 1,5 point) et celle du FMI (– 0,8 point).

La croissance potentielle de l’économie française demeure estimée à 1,35 % par an sur toute la période. Le HCFP relève que « c’est ainsi la cinquième fois depuis 2020 que le Gouvernement ajuste son scénario de PIB potentiel sur le passé pour prendre en compte les effets de la pandémie de Covid-19, de la guerre en Ukraine et des politiques mises en œuvre pour en limiter les conséquences sur l’économie, tout en supposant à l’inverse que ces crises n’ont pas affecté la trajectoire de croissance future ». Interrogé par le rapporteur général, le Gouvernement a précisé que « l’hypothèse retenue pour intégrer l’impact des crises récentes sur le potentiel de l’économie française consiste à considérer ces chocs comme un impact en niveau sur le PIB potentiel, plutôt que comme un impact en tendance qui réduirait la croissance potentielle », cet impact en niveau étant « concentré sur les années 2020, 2021 et 2022 au vu de la nature des chocs » ; il « reflète essentiellement un choc négatif sur la productivité et, de façon résiduelle, un choc sur le stock de capital lié à la baisse de l’investissement en 2020 ».

Le scénario de croissance effective pour les années 2026 et 2027 est inchangé par rapport à la LPFP et au programme de stabilité présenté en 2023. Il n’aboutirait toutefois pas au comblement de l’écart de production en 2027, puisque celui-ci demeurerait alors légèrement négatif.

Tirée par les capacités de rattrapage importantes de l’économie française, la croissance dépasserait sensiblement son rythme potentiel, atteignant 1,7 % en 2026 et 1,8 % en 2028. Le HCFP juge pour sa part « élevée » une prévision de croissance effective de 1,6 % en moyenne par an sur les années 2025 à 2027. Elle repose notamment sur une baisse de l’épargne des ménages, « possible mais non acquise » aux yeux du HCFP, et le rattrapage – grâce au rebond des livraisons d’Airbus – d’une partie des pertes de performances à l’exportation enregistrées entre 2020 et 2022. Le HCFP relève plus particulièrement que la prévision pour les années 2026 et 2027 (1,7 % puis 1,8 %) est « plus optimiste que les prévisions aujourd’hui disponibles, qui vont de 0,5 % pour la Commission européenne à 1,5 % dans la prévision d’avril 2024 du FMI et s’établissent à 1,3 % selon le Consensus Forecasts d’avril 2024 ».

Le Gouvernement souligne cependant que « l’économie française dispose en effet de marges conséquentes de rebond », notamment en raison du reflux du taux d’épargne et d’une poursuite du rattrapage des pertes de performance à l’exportation et que le PIB a connu une croissance proche de 2 % par an au cours des années 2017 à 2019. Il relève en outre qu’un tel diagnostic est par ailleurs cohérent avec les derniers indicateurs, qui montrent :

– une poursuite du reflux des tensions d’offre, confirmant leur nature ponctuelle et le fait qu’elles ne sont pas le symptôme d’une surchauffe de l’économie ([6])  ;

– la baisse continue de l’inflation depuis le début 2023, avec un ralentissement de toutes les composantes de l’IPC ;

– un taux d’utilisation des capacités de production se trouvant en dessous de sa moyenne de long terme (à 81 % au début de l’année 2024 selon l’Insee, soit 2 points en dessous de ladite moyenne).

La prévision de croissance intègre en outre, selon le Gouvernement, l’effet de l’ensemble des réformes mises en œuvre ou annoncées pour accroître l’offre de travail et atteindre le plein-emploi : rénovation du service public de l’emploi par la création de France Travail, réforme de l’accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et amélioration de l’insertion des publics éloignés de l’emploi, évolutions de l’assurance chômage, réforme des retraites, élargissement de l’apprentissage au lycée professionnel, mise en place d’un service public de la petite enfance.

B.   Un reflux légèrement plus rapide de l’inflation

En 2024, l’inflation baisserait à 2,5 % en moyenne annuelle. Les indicateurs avancés, comme les prix de production et d’importation, indiquent une poursuite de la diminution de l’inflation pour les produits alimentaires et manufacturés. Les prix de l’énergie augmenteraient en 2024 à un rythme proche de 2023, en raison notamment de la levée progressive du bouclier tarifaire électricité. Les prix des services resteraient dynamiques, sans accélérer pour autant, sous l’hypothèse que les hausses passées de salaires continueraient à se transmettre progressivement aux prix. L’inflation sous-jacente serait de 2,2 % en 2024, après 5,1 % en 2023.

La prévision d’inflation 2024 est légèrement révisée à la baisse par rapport au moment du dépôt du projet de loi de finances pour 2024 (– 0,1 point). Cette révision est principalement due à une décélération des prix de production et des matières premières plus rapide qu’anticipée alors, conduisant à réviser à la baisse la prévision pour les prix des produits manufacturés et les prix alimentaires.

En 2025, l’inflation continuerait sa baisse, pour s’établir à 1,7 % en moyenne annuelle. Les prix des services augmenteraient à un rythme proche de 3 %, supérieur à celui d’avant la crise sanitaire, et seraient le principal déterminant de l’inflation en 2025. L’inflation alimentaire ralentirait de nouveau et reviendrait à un rythme proche de ses variations moyennes de 2010-2019. Les prix des produits manufacturés seraient en légère baisse, comme le suggère le repli déjà constaté des prix de production et des cours des matières premières. Les prix de l’énergie décéléreraient. L’inflation sous-jacente s’élèverait à 1,7 %.

À partir de 2026, il est fait l’hypothèse que l’inflation serait de 1,75 %, un niveau compatible avec la cible d’inflation de la Banque centrale européenne.

C.   Des aléas équilibrés

Alors que le précédent programme de stabilité relevait que des incertitudes importantes et des aléas majoritairement négatifs pesaient sur les prévisions, le Gouvernement estime que les aléas qui entourent le scénario macroéconomique du programme de stabilité 2024-2027 apparaissent équilibrés.

À court terme, la principale incertitude tient à l’environnement géopolitique, particulièrement instable – qu’il s’agisse de la guerre en Ukraine ou de la situation au Moyen-Orient –, qui fait peser des risques sur l’évolution des prix des matières premières et les flux commerciaux. En revanche, le risque lié à la politique monétaire régresse. Le reflux de l’inflation rend très probable une baisse des taux d’intérêt ; leur éventuelle diminution plus rapide que le scénario ne le prévoit – réduisant le coût de l’endettement et soutenant l’investissement – représenterait un aléa favorable.

À moyen terme, les aléas sont principalement liés aux marges de rattrapage de l’économie française. Le scénario macroéconomique se fonde notamment sur l’hypothèse d’un reflux très progressif du taux d’épargne des ménages, mais le maintien de celui-ci à un niveau toujours supérieur à sa moyenne de long terme pose la question d’un changement durable des comportements de consommation. L’ampleur du rattrapage des pertes de performance à l’exportation constitue un autre aléa, principalement haussier, le scénario faisant l’hypothèse d’un rattrapage d’un quart des pertes à l’horizon 2027.


II.   l’amélioration progressive du solde public jusqu’en 2027

Conformément aux engagements européens de la France (A), le solde public, quoique plus dégradé que prévu en 2023 et 2024, s’améliorerait progressivement jusqu’en 2027 (B).

A.   Les engagements européens de la France

La levée de la clause dérogatoire générale qui s’appliquait depuis 2020 entraîne un retour à pleine application des règles budgétaires européennes à compter de 2024. Cependant, à la suite de l’accord politique intervenu le 10 février 2024, une réforme de celles-ci devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2025.

1.   Le retour à l’application des règles du Pacte européen de stabilité et de croissance

Les obligations fixées par le droit européen retrouvent leur plein effet avec la levée de la clause dérogatoire générale.

a.   Les normes prescrites par le droit européen

La France est actuellement soumise à trois catégories de normes chiffrées inscrites dans le droit européen en matière de finances publiques :

– la prohibition d’un déficit public excessif (supérieur à 3 points de PIB) et d’un niveau de dette publique excessive (supérieure à 60 points de PIB, auquel cas elle doit diminuer d’un vingtième par an la fraction qui dépasse 60 points) ;

– l’objectif d’équilibre des comptes publics, réputé atteint lorsque le déficit structurel est inférieur à 0,5 point du PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 points du PIB, et à 1 point du PIB pour les autres ;

– la norme d’ajustement structurel minimal, qui se traduit par un objectif de moyen terme (OMT) de solde public compris entre 0,5 point de PIB de déficit structurel et l’excédent, ainsi que par une trajectoire d’ajustement en vue d’atteindre l’OMT – le solde structurel devant converger vers l’OMT d’au moins 0,5 point de PIB par an, et de plus de 0,5 point par an lorsque la dette publique supérieure est à 60 points du PIB.


Le pacte de stabilité et de croissance

Le pacte de stabilité et de croissance (PSC) a été adopté en 1997 et est entré en vigueur le 1er janvier 1999, jour de la création de l’euro. Il vise notamment à instaurer une surveillance des finances publiques nationales par l’Union européenne. Le but est d’éviter que des déficits excessifs d’un pays ne mettent en péril l’ensemble de l’économie européenne.

Le PSC est régi par deux règlements qui ont fait l’objet de plusieurs modifications :

– le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dit « volet préventif » ;

– et le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, dit « volet correctif ».

Le PSC a été réformé par le « six-pack », un ensemble de cinq règlements et une directive de novembre 2011 qui ont renforcé la coordination des politiques économiques et budgétaires des États en créant notamment le semestre européen, et par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), dit « pacte budgétaire européen », en 2012.

b.   La levée de la clause dérogatoire générale

Lors de la réforme du Pacte de stabilité et de croissance par le « six-pack », a été introduite une clause dérogatoire générale permettant aux États membres de s’écarter temporairement des exigences normales des règles budgétaires européennes en cas de crise généralisée provoquée par une grave récession économique dans la zone euro ou dans l’ensemble de l’Union. Face à la crise sanitaire et ses conséquences économiques et sur la recommandation de la Commission européenne, le Conseil de l’Union européenne a décidé la mise en œuvre de cette clause le 23 mars 2020. Son application a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2023. Dans sa communication sur les orientations pour la politique budgétaire en 2024 ([7]), la Commission a estimé que les conditions de désactivation de la clause seraient considérées comme remplies à partir de 2024.

Dès lors, les exigences du droit européen et, partant, les sanctions afférentes aux dépassements des normes de déficit et de dette sont de nouveau susceptibles d’être appliquées à compter de 2024.

2.   La mise en œuvre prochaine de nouvelles règles

Les règles budgétaires européennes ont fait l’objet de critiques récurrentes, notamment en raison de leur caractère très contraignant en cas de choc économique et du fait qu’elles encourageraient les politiques procycliques. Par ailleurs, elles n’incitent pas à procéder aux investissements d’avenir – en faveur de l’innovation ou de la transition écologique – en ne prenant pas en compte la spécificité de ces dépenses dans l’évaluation des comptes publics. Enfin, leur complexité s’est accrue à mesure de l’empilement des textes.

Dans le prolongement de sa communication du mois de novembre 2022 définissant des orientations pour une réforme du cadre de gouvernance économique de l’Union européenne, la Commission européenne a présenté, le 26 avril 2023, ses propositions législatives pour réformer les règles budgétaires européennes. À la suite de l’accord conclu entre les États membres au mois de décembre 2023, puis de l’accord politique intervenu le 10 février dernier entre la présidence du Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen, la réforme du cadre de gouvernance budgétaire devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2025. Selon le Gouvernement, prévoyant des règles « plus crédibles et réalistes », incitant aux réformes et aux investissements, elle « instaurera un cadre budgétaire équilibré et adapté à la nouvelle réalité économique, en contribuant à la fois à la soutenabilité des finances publiques et à la croissance à long terme ».

Le nouveau cadre de gouvernance se caractérisera notamment par :

– un principe de différenciation des trajectoires d’ajustement budgétaire, pour que celles-ci soient adaptées à la réalité économique de chaque pays, grâce à un outil d’analyse de soutenabilité de la dette qui permettra de déterminer les ajustements nécessaires pour assurer la soutenabilité des finances publiques à moyen terme et le respect des objectifs des traités ;

– une meilleure appropriation du cadre par les États membres, ces derniers proposant leur propre plan budgétaire et structurel à moyen terme pour une période de quatre ou cinq ans et devant chacun publier annuellement un rapport d’avancement présentant les progrès réalisés dans la mise en œuvre du plan ;

– la possibilité pour les États d’obtenir une prolongation jusqu’à trois années supplémentaires de la période d’ajustement budgétaire – qui serait ainsi portée à sept ans –, lorsque les États membres prendront des engagements de réformes et d’investissements contribuant à la soutenabilité des finances publiques, à l’amélioration de la croissance potentielle ou aux priorités européennes comme les transitions écologique et numérique et le renforcement des capacités de défense ;

– une adaptation transitoire des règles s’appliquant en cas de déficit excessif pour tenir compte du contexte de hausse des taux d’intérêt et de la charge de la dette ([8]).

Les plans nationaux budgétaires et structurels à moyen terme ont vocation à se substituer aux programmes de stabilité et aux programmes nationaux de réforme propres au droit en vigueur. La France devrait présenter son premier plan à l’automne 2024, l’année 2024 étant donc envisagée comme une année de transition.

B.   une réduction du déficit public visant un retour sous les 3 points de PIB en 2027

Selon les comptes nationaux provisoires des administrations publiques publiés le 26 mars dernier par l’Insee, le déficit public serait supérieur, en 2023, de 15 milliards d’euros à la prévision de la LPFP. L’objectif d’un passage du déficit sous le seuil des 3 points de PIB en 2027 est maintenu.

1.   Un solde plus dégradé que prévu en 2023 malgré la bonne tenue des dépenses

Alors qu’il était envisagé, au moment du dépôt du projet de loi de finances pour 2024, un déficit d’un montant de 138,8 milliards d’euros, équivalent à 4,9 points de PIB, le compte provisoire de l’Insee indique qu’il s’élèverait à 154 milliards d’euros, soit une aggravation de près de 15 milliards d’euros.

Cet écart de l’exécution à la prévision procède de deux facteurs principaux :

– d’une part, pour un montant d’environ 21 milliards d’euros, une moins-value sur les recettes de prélèvements obligatoires (cf. infra). Cet écart, s’il n’est pas exceptionnel eu égard à ceux constatés depuis 2020, doit conduire à améliorer les outils et méthodes permettant durant un exercice budgétaire de tester le bienfondé des prévisions de recettes publiques et, le cas échéant, de les ajuster ;

– d’autre part, à hauteur de 4 milliards d’euros, le passage en base 2020 des comptes nationaux (cf. encadré ci-après), le classement de l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) en dehors du champ des administrations publiques conduisant, à lui seul, à une dégradation de 2,6 milliards d’euros du déficit public en 2023.

Le passage des comptes nationaux en base 2020

À l’occasion de la publication, le 31 mai prochain, des comptes nationaux 2023, l’Insee mettra en œuvre la nouvelle base 2020, en remplacement de la base 2014 en usage depuis mai 2018. Conformément aux préconisations d’Eurostat, les changements de base interviennent à un rythme quinquennal et de manière coordonnée. La majorité des pays membres de l’Union européenne procédera à un changement de base en 2024.

Selon l’Insee, le changement de base permet de recaler l’intégralité des séries des comptes nationaux sur de meilleures sources et de modifier certaines méthodes afin de mieux décrire le fonctionnement de l’économie. Les périmètres des différents secteurs institutionnels sont par ailleurs actualisés, y compris celui des administrations publiques. Ces changements peuvent conduire à des révisions parfois significatives du niveau de certains agrégats macroéconomiques. L’ensemble des données de la période couverte par les comptes nationaux (1949-2023) sera révisée en conséquence.

Lors du passage en base 2020, les recettes et les dépenses des administrations publiques seront révisées à la hausse du fait en particulier de l’intégration complète des activités de l’audiovisuel public et de SNCF Réseau dans leur champ. La dette publique sera également revue à la hausse à la suite de la sortie de l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) du champ des administrations publiques. Le niveau du PIB devrait pour sa part être révisé légèrement à la baisse.

Le 26 mars dernier, l’Insee a publié les premiers résultats provisoires de la campagne des comptes nationaux 2023. Certaines séries font d’ores et déjà l’objet d’une présentation en base 2020 (dette publique, dépenses publiques, etc.) alors que d’autres continuent à être présentées en base 2014 (notamment le PIB). En conséquence, les ratios de finances publiques connaîtront une nouvelle actualisation lors du passage complet en base 2020, le 31 mai prochain.

Source : Insee, communiqué de presse du 15 février 2024.

Le solde des administrations publiques locales (Apul) présenterait également un écart de – 4 milliards d’euros à la prévision, contribuant négativement d’autant au solde public global – rappelons qu’un solde négatif pour les Apul correspond, pour une année donnée, aux montants des emprunts contractés par elles qui équilibrent leur section d’investissement (et ce malgré la règle d’or, qui se borne à leur imposer d’équilibrer leur section de fonctionnement par des recettes de fonctionnement).

Le solde public s’élèverait ainsi à – 5,5 points de PIB. Il convient toutefois de noter que, retraité du changement de base, il s’établirait à – 5,3 points de PIB.

tableau de passage pour 2023
entre le projet de loi de finances pour 2024
et le compte provisoire de l’insee

Source : direction générale du Trésor.

Par rapport à l’exercice antérieur, passant de 4,8 points de PIB en 2022 à 5,5 points en 2023, le déficit public se creuse de 0,7 point. Cela s’explique à hauteur de 0,3 point par une dégradation du solde conjoncturel, la croissance effective ayant été inférieure à la croissance potentielle, et à hauteur de près de 0,5 point de PIB potentiel par une dégradation du solde structurel, celui-ci passant à – 4,8 points en 2023. Cette dégradation s’explique par une évolution spontanée des prélèvements obligatoires plus faible que la croissance du PIB en valeur et, dans une moindre mesure, par des mesures nouvelle – l’achèvement de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et la suppression de la moitié de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises.

Une analyse par sous-secteur d’administrations publiques montre une évolution différenciée des soldes de l’État – et des organismes divers d’administration centrale (ODAC) –, des administrations publiques locales et des administrations de sécurité sociale :

– le solde de l’État et des ODAC se creuse, passant de – 5 points à – 5,6 points de PIB, notamment sous l’effet de la baisse des recettes de l’État, de l’accélération des dépenses d’aide à l’investissement au titre du Programme d’investissements d’avenir et de France 2030 et de la dynamique des dépenses d’apprentissage ;

– le solde des administrations publiques locales, proche de l’équilibre en 2022, atteint – 0,4 point de PIB en 2023, du fait du dynamisme des dépenses et de moindres recettes issues des droits de mutations à titre onéreux (DMTO) ;

– l’excédent des administrations de sécurité sociale s’accroît, passant de 0,3 point de PIB à 0,5 point de PIB, notamment sous l’effet d’une réduction des dépenses de santé liées à la crise sanitaire.

2.   L’ambition maintenue du redressement du solde public

Les données de l’exécution conduisent à un ajustement de la trajectoire du solde public par rapport aux niveaux prévus par la LPFP.

Trajectoire pluriAnnuelle du solde public
de la loi de programmation des finances publiques
au programme de stabilité 2024-2027

(en points de PIB)

 

2023

2024

2025

2026

2027

Solde des administrations publiques

Solde public

 

 

 

 

 

LPFP

– 4,9

– 4,4

– 3,7

– 3,2

– 2,7

PStab 2024

– 5,5

– 5,1

– 4,1

– 3,6

– 2,9

Écart

– 0,6

– 0,7

– 0,4

– 0,4

– 0,2

Solde conjoncturel

 

 

 

 

 

LPFP

– 0,7

– 0,6

– 0,4

– 0,2

0

PStab 2024

– 0,6

– 0,8

– 0,8

– 0,6

– 0,3

Écart

0,1

– 0,2

– 0,4

– 0,4

– 0,3

Mesures ponctuelles et temporaires

 

 

 

 

 

LPFP

0,1

-0,1

-0,1

0

0

PStab 2024

-0,1

-0,1

-0,1

0

0

Écart

-0,2

0

0

0

0

Solde structurel*

 

 

 

 

 

LPFP

– 4,1

– 3,7

– 3,3

– 2,9

– 2,7

PStab 2024

– 4,8

– 4,2

– 3,2

– 2,9

– 2,5

Écart

– 0,7

– 0,5

0,1

0

0,2

Ajustement structurel*

 

 

 

 

 

LPFP

0,1

0,5

0,4

0,3

0,2

PStab 2024

– 0,5

0,6

0,9

0,3

0,4

Écart

 0,6

0,1

0,5

0

0,2

* : en points de PIB potentiel.

Source : commission des finances.

En dépit d’un solde public pour 2023 plus dégradé que prévu, qui conduit à une révision de la trajectoire prévue par la LPFP, l’objectif d’un déficit public inférieur à 3 points de PIB en 2027 est maintenu. Il serait atteint grâce à un ajustement structurel cumulé sur quatre ans de 2,3 points de PIB potentiel et à une amélioration de 0,3 point de PIB du solde conjoncturel du fait de la résorption progressive de l’écart de production.

Déficit et solde structurels

Le déficit structurel est le déficit corrigé des effets du cycle économique. Il s’agit du déficit qui serait observé si le PIB était égal à son potentiel. Inversement, le déficit conjoncturel est le déficit lié à la conjoncture.

Ainsi, le déficit comprend deux composantes : l’une liée à la conjoncture et l’autre indépendante de la conjoncture. La réduction de la composante structurelle est prioritaire dès lors que la composante conjoncturelle est censée se résorber d’elle-même en période d’amélioration de la conjoncture.

L’ajustement structurel correspond quant à lui à la baisse du déficit structurel.

La cible de déficit pour l’année 2024 est fixée à 5,1 points de PIB, soit une amélioration de 0,4 point par rapport à 2023. Cette amélioration résulterait de celle, à hauteur de 0,6 point de PIB potentiel, du solde structurel, laquelle ferait plus que compenser la dégradation de 0,2 point de PIB du solde conjoncturel. Outre le décret d’annulation du 21 février 2024 (cf. infra), la sortie progressive des mesures d’aide relatives à la hausse des prix de l’énergie, la modération – prévue par la LPFP – des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales et des mesures complémentaires telles la maîtrise de la dépense de l’État et des opérateurs et la taxation annoncée de certaines « rentes » doivent permettre de l’atteindre.

En 2025, le redressement du solde public serait amplifié, pour atteindre – 4,1 points du PIB, notamment sous l’effet d’économies liées aux revues de dépenses prévues par la LPFP, qui seront détaillées dans les prochains projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale. Le HCFP qualifie de « considérable » l’ajustement structurel prévu sur les années 2024 et 2025, à hauteur de 0,6 point de PIB en 2024 et de 0,9 point de PIB en 2025. Il estime notamment qu’en l’absence de mécanisme contraignant, la contribution des collectivités locales, à hauteur de 0,2 point de PIB, à cet ajustement est loin d’être acquise.

Le solde poursuivrait son amélioration jusqu’en 2027.

L’analyse par sous-secteur fait ressortir que l’État et les organismes divers d’administration centrale (ODAC) fourniraient la plus importante part de l’effort, avec une réduction de 2,3 points de leur déficit entre 2023 et 2027. La contribution des administrations de sécurité sociale au solde serait positive tout au long de la période, quoique de moindre ampleur que prévu par la LPFP, tandis que celle des administrations publiques locales deviendrait positive à partir de 2026.

 

évolution du solde public
par sous-secteur d’admiNistrations publiques

(en points de PIB)

 

2023

2024

2025

2026

2027

Solde public toutes administrations publiques

Solde public

 

 

 

 

 

LPFP

– 4,9

– 4,4

– 3,7

– 3,2

– 2,7

PStab 2024

– 5,5

– 5,1

– 4,1

– 3,6

– 2,9

Écart

– 0,6

– 0,7

– 0,4

– 0,4

– 0,2

Analyse par sous-secteur

Administrations publiques centrales

LPFP

– 5,4

– 4,7

– 4,3

– 4,2

– 4,1

PStab 2024

– 5,6

– 4,9

– 4,4

– 4,5

– 4,3

Écart

– 0,2

– 0,2

– 0,1

– 0,3

– 0,2

Administrations publiques locales

LPFP

– 0,3

– 0,3

– 0,2

0,2

0,4

PStab 2024

– 0,4

– 0,4

– 0,2

0,1

0,4

Écart

– 0,1

– 0,1

0

 0,1

0

Administrations de sécurité sociale

LPFP

0,7

0,6

0,7

0,9

1

PStab 2024

0,5

0,2

0,6

0,7

1

Écart

– 0,2

– 0,4

– 0,1

– 0,2

0

Source : commission des finances.

 


III.   une stabilisation du poids des recettes publiques

Le programme de stabilité prévoit une relative stabilisation du poids des recettes publiques dans le PIB. Le taux de prélèvements obligatoires connaîtrait toutefois une légère remontée, jusqu’à 44,1 points de PIB, après s’être établi à 43,5 points en 2023, en nette diminution par rapport au niveau de 45,2 points atteint en 2022.

évolution des recettes publiques

(en points de PIB)

 

2023

2024

2025

2026

2027

Ratio de prélèvements obligatoires

 

 

 

 

 

LPFP

44,0

44,1

44,4

44,4

44,4

PStab

43,5

43,6

43,9

44,1

44,1

Écart

-0,5

-0,5

-0,5

-0,3

-0,3

Ratio de recettes hors prélèvements obligatoires

 

 

 

 

 

LPFP

7,1

7,0

7

6,9

6,9

PStab

7,9

7,9

7,8

7,7

7,7

Écart

0,8

0,9

0,8

0,8

0,8

Total

 

 

 

 

 

LPFP

51,1

51,1

51,4

51,3

51,3

PStab

51,4

51,5

51,7

51,8

51,8

Écart

0,3

0,4

0,3

0,5

0,5

Source : commission des finances.

A.   Les prélèvements obligatoires

Le ratio des prélèvements obligatoires (PO) rapportés au PIB a nettement diminué en 2023. Ce mouvement s’explique par une évolution spontanée des recettes sensiblement moins dynamique que celle de l’activité. Sont particulièrement notables un contrecoup sur les recettes d’impôt sur les sociétés de la très forte croissance du bénéfice fiscal en 2021 et le faible dynamisme anticipé du bénéfice fiscal en 2023

Les prélèvements obligatoires perçus par l’État ont été plus particulièrement touchés puisqu’ils ont enregistré un recul, alors que ceux des administrations publiques locales et des administrations de sécurité sociale ont crû, quoique moins vite que l’activité.

En 2024, le ratio s’établirait à 43,6 % du PIB, leur croissance spontanée demeurant légèrement moindre que celle de l’activité en valeur, avec une élasticité de 0,8. Cette élasticité infra-unitaire serait principalement portée par une diminution des DMTO en raison d’une anticipation de baisse des volumes de transactions et d’une baisse des prix, ainsi que par un léger recul des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) après une année 2023 exceptionnelle. Enfin, le produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques serait lui aussi en légère baisse en raison d’une baisse des consommations.

Les mesures nouvelles contribueraient à la hausse, particulièrement les mesures fiscales concernant les rentes, par exemple dans le secteur énergétique.

En 2025, le ratio de prélèvements obligatoires s’établirait à 43,9 points de PIB, avec une élasticité plus proche de l’unité, en raison d’une progression de la masse salariale totale (+2,7 %) légèrement inférieure à celle de l’activité (+3,1 %), ce qui affecterait les recettes de prélèvements sociaux sur l’activité, ainsi que d’une poursuite de la baisse de la TICPE accompagnant la baisse de la consommation de produits pétroliers.

En 2026 et 2027, la progression des prélèvements obligatoires serait identique à celle de l’activité.

élasticité des prélèvements obligatoires à l’activité

2023

2024

2025

2026

2027

0,4

0,8

0,9

1,0

1,0

Source : PStab 2024.

B.   Les autres recettes

Le taux de recettes hors prélèvements obligatoires serait quasi stable à compter de 2023, représentant 7,9 points de PIB en 2023 et 2024, 7,8 points de PIB en 2025 et 7,7 points de PIB en 2026 et 2027.

Les recettes de financement européen, au titre du plan national de relance et de résilience, suivraient la chronique suivante en comptabilité nationale :

 

2021

2022

2023

2024

Total 2021-2027

13,5

11,4

5,4

4,6

40,3

Source : Gouvernement.

Le plan de relance européen

En 2021, de manière exceptionnelle et en sus de la présentation du Programme de stabilité et du Programme national de réforme (PNR), un Plan national de relance et de résilience (PNRR) a été transmis à la Commission pour détailler la stratégie de relance et d’investissement, dans le cadre du plan européen « Next generation EU » mis en place pour faire face à la crise économique et sanitaire liée à la pandémie de covid-19 et doté de 807 milliards d’euros courants.

Ce plan engage notamment à construire « des lois financières articulées avec les évaluations de la dépense publique couvrant le champ des administrations publiques dans le respect de la trajectoire de dépenses de la loi de programmation des finances publiques ». Cet objectif se traduit par la mise en place d’une revue de la qualité des dépenses publiques, selon des modalités précisées par la LPFP ainsi que par la loi de finances pour 2023.

 


IV.   Un objectif plus ambitieux de maîtrise des dépenses, malgré le léger décalage de la trajectoire de réduction du ratio de dépense publique

La normalisation du déficit public implique une trajectoire ambitieuse en dépenses, réaffirmée par le programme de stabilité 2024, tout en portant une attention particulière à la qualité de la dépense.

A.   La poursuite de la décrue du ratio de dépense publique en 2023

1.   Une normalisation progressive de la part de la dépense publique dans le PIB qui se poursuit en 2023

En 2023, le ratio de dépense publique par rapport au PIB a connu, pour la troisième année consécutive, une importante décrue, puisqu’il s’établit selon les données du programme de stabilité à 57,3 points de PIB y compris crédits d’impôts et à 56,7 points de PIB hors crédits d’impôts. Ces taux font apparaître une diminution du ratio de 1,4 point de PIB par rapport à 2022, après neutralisation de l’impact des effets d’arrondi.

Le traitement des crédits d’impôts en dépenses publiques

Depuis septembre 2014, un nouveau système européen des comptes nationaux (SEC) s’applique à l’ensemble des États membres. Précédemment traités en moindres recettes publiques, les crédits d’impôts dits restituables sont désormais enregistrés comme un surplus de dépenses. Le montant enregistré en dépenses est le montant intégral de la créance reconnue par l’administration fiscale et non seulement le montant budgétaire imputé ou restitué.

Dans le programme de stabilité, au sein du tableau intitulé « trajectoire pluriannuelle des finances publiques », le Gouvernement présente l’évolution du ratio de dépense publique hors crédits d’impôts (pour 2022 à 2027). Il présente par ailleurs l’évolution de ce ratio y compris crédits d’impôts (pour 2023 à 2027) dans le tableau annexe relatif à la situation financière des administrations publiques. Le maintien d’une présentation du ratio de dépense n’intégrant pas les crédits d’impôts est justifié par la cohérence avec la définition retenue par l’Insee du taux de prélèvements obligatoires. Ce taux est en effet calculé net des crédits d’impôts, afin de mieux rendre compte de la charge fiscale réelle supportée par les agents économiques.

La présentation du ratio de dépense publique hors crédits d’impôts est par ailleurs cohérente avec celle retenue par la loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027. Contrairement à la précédente LPFP qui comprenait une double présentation de ce ratio (hors et y compris CI), celle-ci l’exprime en effet uniquement en excluant les crédits d’impôts.

Sous le double effet d’une progression très dynamique des dépenses et d’une contraction de l’activité, liées à la crise sanitaire, le ratio de dépense publique avait connu une très forte progression en 2020, après une décennie de baisse tendancielle. Il s’était ainsi établi, en base 2014, à 61,3 points de PIB y compris crédits d’impôts (ou 61,7 points de PIB en rapportant les dépenses exprimées en base 2020 au PIB en base 2014) et 60,5 points de PIB hors crédits d’impôts.

Depuis 2020, le ratio de dépense publique suit une tendance de nette diminution (– 4,4 points de PIB y compris crédits d’impôts, en trois exercices), sans avoir pour autant retrouvé son niveau d’avant-crise.

Évolution du ratio de dépense publique

(en points de PIB)

Source : Insee, comptes nationaux (données provisoires, à partir des comptes nationaux des administrations publiques notifiés à la Commission européenne en mars 2024), et programme de stabilité 2024.

2.   Un écart aux prévisions qui s’explique pour plus de la moitié par le passage de la comptabilité nationale en base 2020

Pour 2023, la loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (LPFP 2023-2027) prévoyait un ratio de dépense publique, hors crédits d’impôts, de 55,9 points de PIB. L’écart du ratio effectif, exprimé en base 2020, à celui prévu par la LPFP, exprimé en base 2014, est donc d’environ 0,8 point de PIB.

Selon le Gouvernement, le passage en base 2020 des comptes nationaux a pour effet de rehausser le niveau des dépenses publiques de l’ordre de 14 milliards d’euros, avec un effet de l’ordre de 0,5 point de PIB supplémentaire sur le ratio de dépense publique en 2023. Les principaux déterminants de cette hausse technique du niveau des dépenses sont :

– l’intégration du compte complet de SNCF Réseau dans les comptes nationaux, avec un effet de l’ordre de 10 milliards d’euros supplémentaires ;

– un nouveau traitement des corrections liées à la recherche et développement dans la sphère publique, avec un effet de l’ordre de 4 milliards d’euros supplémentaires.

L’écart réel du ratio de dépense publique à la LPFP, hors effets du passage en base 2020, serait donc de l’ordre de 0,3 point de PIB. Cet écart résiduel s’explique essentiellement par un effet dénominateur lié à une croissance nominale du PIB inférieure aux prévisions de la LPFP 2023-2027 (6,2 % contre 6,8 % escomptés).

Hors effets du passage en base 2020, le niveau des dépenses publiques en valeur a été proche de celui attendu pour 2023 aux termes de la LPFP 2023-2027, malgré une évolution contrastée entre sous-secteurs marquée par une meilleure maîtrise que prévu des dépenses de l’État et par une progression plus dynamique des dépenses des administrations locales et sociales (cf. infra).

3.   Un nouveau ralentissement de la progression des dépenses publiques, malgré une inflation toujours soutenue

Avant 2020, hors crédits d’impôts, le taux d’évolution en valeur des dépenses publiques avait fortement ralenti sur moyenne période, passant de 3,9 % en moyenne entre 2002 et 2007 à 3,1 % entre 2007 et 2012 et 1,5 % entre 2012 et 2017.

Ce taux s’est établi en moyenne à 3,7 % entre 2017 et 2023 et à 5,1 % pour la seule période 2020-2022, sous les effets conjugués de la crise sanitaire puis du rehaussement de l’inflation.

Après un maximum à 7 % en 2020, le taux d’évolution en valeur des dépenses publiques poursuit son ralentissement et s’établit à 3,7 % en 2023, en baisse de 0,4 point par rapport à 2022.

L’Insee et le calendrier de publication des comptes nationaux

Le 26 mars dernier, les comptes nationaux provisoires des administrations publiques ont été publiés par l’Insee et notifiés à la Commission européenne. Cependant, les données mises en ligne sur le site internet de l’Insee correspondent, sauf exception, à celles de la dernière campagne des comptes nationaux annuels publiée le 31 mai 2023.

Ainsi, les dernières données stabilisées disponibles ne sont pas cohérentes avec celles notifiées à la Commission européenne. L’Insee précise que les données seront mises à jour à l’occasion de la publication de la nouvelle campagne des comptes nationaux qui interviendra le 31 mai 2024.

Le rapporteur général considère indispensable d’harmoniser la date de publication des comptes annuels avec le calendrier européen, afin de permettre au Parlement de disposer de données actualisées exhaustives au moment de l’examen du programme de stabilité. Le décalage temporel actuel pose un problème méthodologique pour le Parlement en matière de suivi et de contrôle de l’action du Gouvernement.

Évolution des dépenses publiques

(en milliards d’euros)

Années

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Total des dépenses publiques

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En base 2020

851,1

881,8

915,9

956,1

992,2

1 039,3

1 080,2

1 122,6

1 151,7

1 175,3

1 209,0

En base 2014

838,3

868,7

902,9

941,1

977,2

1 020,5

1 061,9

1 106,7

1 135,0

1 158,7

1 192,9

Écart bases 2020/2014

12,8

13,1

13,0

15,0

15,0

18,8

18,4

15,9

16,7

16,6

16,1

dont crédits d’impôts enregistrés en dépenses

2,6

3,0

3,3

4,3

6,7

10,2

15,2

17,1

17,6

17,0

16,6

Dépenses publiques, hors crédits d’impôts

835,7

865,6

899,6

936,8

970,5

1 010,3

1 046,7

1 089,6

1 117,3

1 141,6

1 176,3

Taux d’évolution en valeur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En base 2020

3,6 %

3,9 %

4,4 %

3,8 %

4,7 %

3,9 %

3,9 %

2,6 %

2,1 %

2,9 %

En base 2014

3,6 %

3,9 %

4,2 %

3,8 %

4,4 %

4,1 %

4,2 %

2,6 %

2,1 %

3,0 %

Taux d’évolution en valeur, hors crédits d’impôts

3,6 %

3,9 %

4,1 %

3,6 %

4,1 %

3,6 %

4,1 %

2,5 %

2,2 %

3,0 %

 

Années

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Total des dépenses publiques

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En base 2020

1 242,4

1 257,3

1 268,0

1 280,6

1 321,4

1 327,6

1 346,2

1 430,4

1 491,4

1 550,7

1 607,4

En base 2014

1 211,6

1 230,0

1 248,7

1 266,4

1 298,0

1 315,1

1 349,3

1 421,9

1 477,7

1 538,9

1 595,9**

Écart bases 2020/2014

30,7

27,4

19,4

14,2

23,4

12,6

 3,1

8,4

13,7

11,8

11,5**

dont crédits d’impôts enregistrés en dépenses

15,9

25,4

32,4

31,7

31,8

39,6

38,2

18,8

15,8

16,4

17,0**

Dépenses publiques, hors crédits d’impôts

1 195,7

1 204,6

1 216,3

1 234,8

1 266,2

1 275,4

1 311,1

1 403,1

1 461,9

1 522,6

1 578,9**

Taux d’évolution en valeur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En base 2020

2,8 %

1,2 %

0,8 %

1,0 %

3,2 %

0,5 %

1,4 %

6,3 %

4,3 %

4,0 %

3,7 %

En base 2014

1,6 %

1,5 %

1,5 %

1,4 %

2,5 %

1,3 %

2,6 %

5,4 %

3,9 %

4,1 %

3,7 %

Taux d’évolution en valeur, hors crédits d’impôts

1,6 %

0,7 %

1,0 %

1,5 %

2,5 %

0,7 %

2,8 %

7,0 %

4,2 %

4,1 %*

3,7 %*

* ces données présentent un écart de 0,1 point de pourcentage avec celles du programme de stabilité 2024. Cet écart peut s’expliquer par les modalités de mise à jour des comptes nationaux de l’Insee (voir encadré supra).

** approximation par déduction, compte tenu du taux d’évolution en valeur des dépenses publiques, hors crédits d’impôts, indiqué par l’Insee dans l’information rapide n° 74 du 26 mars 2024.

Source : Insee, comptes nationaux, base 2014 sauf précision contraire. Le total des dépenses publiques pour 2022 et 2023 correspond à des données provisoires, à partir des comptes nationaux des administrations publiques notifiés à la Commission européenne en mars 2024 ; les autres lignes correspondent aux données publiées lors de la dernière campagne des comptes nationaux annuels publiée le 31 mai 2023. Ces données seront mises à jour à l’occasion de la publication de la nouvelle campagne des comptes nationaux qui interviendra le 31 mai 2024.


4.   Une nouvelle baisse en volume des dépenses publiques en 2023

Les deux derniers exercices budgétaires ont été marqués par une inflation soutenue, l’indice des prix à la consommation (IPC) hors tabac s’étant établi à 5,3 % en moyenne annuelle en 2022 et 4,8 % en 2023. Dans ce contexte, les dépenses publiques ont connu deux années de baisse inédite en volume. Au total, après une forte progression en 2020 puis un premier ralentissement en 2021, les dépenses publiques ont reculé en volume de plus de 2,2 % en deux exercices, hors crédits d’impôts. En 2023, leur diminution a été d’une ampleur comparable à celle de 2022 et s’est établie à 1,1 %, hors et y compris crédits d’impôts. Au total, la moyenne d’évolution en volume des dépenses publiques entre 2018 et 2023 n’est en rien atypique par rapport aux périodes précédentes.

Taux d’évolution en volume des dépenses publiques,
hors crédits d’impôts, et moyennes par périodes

(en pourcentage)

Les données pour 2022 présentent un écart de 0,1 point de pourcentage avec celles du programme de stabilité 2024. Cet écart peut s’expliquer par les modalités de mise à jour des comptes nationaux de l’Insee (voir encadré supra).

Source : Insee, comptes nationaux, base 2014, et calculs de la commission des finances à partir des données d’inflation hors tabac exécutées (moyenne annuelle) inscrites dans les rapports économique, social et financier annexés aux projets de lois de finances.

B.   une trajectoire de maîtrise des dépenses à l’ambition réaffirmée malgré l’ajustement du ratio de dépense publique

1.   Une diminution plus tardive, mais toujours ample, du ratio de dépense publique par rapport à la loi de programmation des finances publiques

Le ratio de dépense publique, hors crédits d’impôts, diminuerait de 3,6 points de PIB entre 2022 et 2027 et s’établirait à 54,5 points de PIB en fin de période. Il redeviendrait ainsi inférieur à son niveau de 2017, soit 55,1 points de PIB, avant même le retraitement des effets du passage des comptes nationaux en base 2020. L’objectif de réduction du ratio est revu en légère baisse de 0,3 point de PIB sur l’ensemble de la période par rapport à la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Écart de la trajectoire des dépenses publiques
aux objectifs de la LPFP, hors crédits d’impôts

(en points de PIB)

Années

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Évolution 2027/2022

PStab 2024

 

 

 

 

 

 

 

Ratio de dépense publique

58,1

56,7

56,3

55,6

55,2

54,5

– 3,6

Évolution

 

– 1,4

– 0,4

– 0,7

– 0,4

– 0,7

 

LPFP 2023-2027

 

 

 

 

 

 

 

Ratio de dépense publique

57,7

55,9

55,3

55,0

54,4

53,8

– 3,9

Évolution

 

– 1,8

– 0,6

– 0,3

– 0,6

– 0,6

 

Écart PStab 2024 / LPFP

 

 

 

 

 

 

 

Ratio de dépense publique

+ 0,4

+ 0,8

+ 1,0

+ 0,6

+ 0,8

+ 0,7

+ 0,3

Évolution

 

+ 0,4

+ 0,2

– 0,4

+ 0,2

– 0,1

 

PStab 2023

 

 

 

 

 

 

 

Ratio de dépense publique

57,5

56,0

55,1

54,6

54,0

53,5

– 4,0

Évolution

 

– 1,5

– 0,9

– 0,5

– 0,6

– 0,5

 

Écart PStab 2024 / PStab 2023

 

 

 

 

 

 

 

Ratio de dépense publique

+ 0,6

+ 0,7

+ 1,2

+ 1,0

+ 1,2

+ 1,0

+ 0,4

Évolution

 

+ 0,1

+ 0,5

– 0,2

+ 0,2

– 0,2

 

Source : loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et programmes de stabilité 2023 et 2024.

Alors que les années 2023 et 2024 connaîtraient au total une décrue du ratio de dépense publique inférieure de 0,3 point de PIB par an en moyenne à celle prévue en LPFP, la réduction de ce ratio serait au contraire plus prononcée en 2025, à hauteur de 0,4 point de PIB supplémentaire par rapport à la LPFP. Par la suite, le rythme d’évolution du ratio sur deux ans en 2026 et en 2027 serait globalement conforme aux prévisions antérieures, l’écart annuel moyen s’élevant à une demi‑décimale de point de PIB.

Prévisions d’évolution du ratio de dépense publique

(en points de PIB)

Source : loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et programme de stabilité 2024.

L’écart entre les niveaux de ratios de dépenses publiques y compris crédits d’impôts et hors crédits d’impôts serait constant à 0,7 point de PIB sur l’ensemble de la période de prévision, après s’être établi à 0,6 point de PIB en 2023.

2.   Une révision en légère baisse de l’évolution en valeur et en volume des dépenses publiques

À partir de 2024, la reprise d’une croissance modérée de la dépense publique en volume mettrait un terme à l’importante tendance à la baisse constatée en 2022 et en 2023 sous l’effet du reflux des dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire et à la lutte contre l’inflation.

L’évolution des dépenses publiques en volume, hors crédits d’impôts, s’établirait en moyenne à 0,5 % par an entre 2024 et 2027, soit un niveau nettement inférieur à la moyenne sur longue période (1,5 % entre 2003 et 2023) et inférieur de 0,1 point à celui prévu par la LPFP 2023-2027. Entre 2024 et 2027, en moyenne annuelle, la croissance des dépenses en volume demeurerait ainsi inférieure d’environ un point à la croissance du PIB.

Hors mesures de soutien et de relance, la croissance des dépenses publiques, hors crédits d’impôts, s’établirait en moyenne à 0,7 % entre 2024 et 2027.

En valeur, la progression des dépenses, hors crédits d’impôts, serait en moyenne de 2,4 % par an au cours de la même période, soit 0,2 point de moins qu’envisagé par la LPFP.

Objectif d’évolution de la dépense publique, hors crédits d’impôts

(en pourcentage)

Années

2022

2023

2024

2025

2026

2027

PStab 2024

 

 

 

 

 

 

Évolution de la dépense publique en valeur

+ 4,0

+ 3,6

+ 2,9

+ 1,9

+ 2,5

+ 2,1

Évolution de la dépense publique en volume

– 1,3

– 1,1

+ 0,6

+ 0,2

+ 0,7

+ 0,4

Évolution en volume hors soutien et relance

+ 2,3

+ 0,3

+ 0,7

+ 0,6

+ 0,9

+ 0,4

LPFP 2023-2027

 

 

 

 

 

 

Évolution de la dépense publique en valeur

+ 3,4

+ 3,0

+ 2,8

+ 2,2

+ 2,3

Évolution de la dépense publique en volume

– 1,1

– 1,3

+ 0,5

+ 0,8

+ 0,5

+ 0,5

Source : loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et programme de stabilité 2024.

Hors charges d’intérêts, l’évolution annuelle en valeur des dépenses des administrations publiques, hors crédits d’impôts, serait inférieure de près de 0,5 point en moyenne entre 2024 et 2027 à son niveau charges d’intérêts comprises ([9]), ou d’environ 0,3 point entre 2023 et 2027 compte tenu de la baisse de la charge d’intérêts constatée en 2023 par rapport à 2022 (cf. infra).

Approximation de l’évolution des dépenses publiques primaires, hors crédits d’impôts, d’après les hypothèses du programme de stabilité

(en milliards d’euros courants, sauf précision contraire)

Années

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Montant des dépenses publiques, hors crédits d’impôts, d’après les hypothèses du PStab 2024

1 534

1 590

1 636

1 667

1 708

1 744

Évolution en valeur des dépenses totales hors crédits d’impôts (en pourcentage)

+ 3,6

+ 2,9

+ 1,9

+ 2,5

+ 2,1

Dépenses primaires (selon l’estimation des charges d’intérêts calculée infra)

1 484

1 543

1 581

1 604

1 637

1 661

Estimation de l’évolution en valeur des dépenses primaires (en pourcentage)

+ 4,0

+ 2,5

+ 1,5

+ 2,1

+ 1,5

Source : commission des finances d’après les hypothèses de PIB nominal, de ratio de dépense publique et d’évolution des dépenses publiques hors crédits d’impôts du programme de stabilité 2024.

3.   Les déterminants de l’évolution des dépenses publiques

La diminution du ratio de dépense publique résulterait notamment, en début de période et en particulier en 2024, dans la continuité de l’exécution 2023, du reflux des dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire et à l’inflation.

Les dépenses de soutien pour faire face à la hausse des prix, notamment énergétiques, nettes des moindres charges de service public de l’énergie mais hors mesures en recettes, ont ainsi connu un repli de 7,4 milliards d’euros entre 2022 et 2023, s’établissant à 16,9 milliards d’euros en 2023. Cette décrue serait deux fois plus importante en 2024, s’élevant à 14,6 milliards d’euros. In fine, le coût net pour les finances publiques des mesures de soutien face à la hausse des prix, y compris les mesures en recettes, ne s’élèverait plus qu’à 1,3 milliard d’euros en 2025. Le montant total des mesures de soutien d’urgence pour faire face à la crise sanitaire ne serait plus que résiduel en 2024, alors qu’il s’élevait à 14,8 milliards d’euros en 2022. Les dépenses portées par le plan de relance, nettes des financements européens, s’établiraient à 4,3 milliards d’euros en 2024 puis à 3,2 milliards d’euros chaque année entre 2025 et 2027, après 8,6 milliards d’euros en 2022.

Impact sur le solde public, en effet dépense,
des mesures de soutien pour faire face à l’inflation

(en milliards d’euros)

Années

2021

2022

2022

(écart au PStab 2023)

2023

2023

(écart au PStab 2023)

2024

2025

Mesures en dépense

 

 

 

 

 

 

 

Boucliers tarifaires

0,4

14,8

– 3,1

17,5

– 5,3

3,0

Gaz – Compensation aux fournisseurs

0,4

4,5

– 2,2

2,0

– 0,3

0,5

Électricité – Manque à gagner des fournisseurs

10,3

– 0,9

15,5

– 5,0

2,5

Amortisseur électricité et garantie TPE

2,2

– 1,4

0,8

Guichet d’aide au paiement des factures d’électricité pour les entreprises

0,5

1,9

– 2,6

0,1

Indemnité inflation

3,8

Remise sur les prix du carburant

7,7

– 0,2

Chèques énergie (exceptionnels, fioul et bois) et indemnité carburant

0,5

1,2

1,1

– 0,2

Aide exceptionnelle de rentrée

1,1

Revalorisation anticipée des retraites et des prestations

6,7

1,6

0,1

Barème kilométrique

0,4

0,6

0,5

0,4

Aides sectorielles

0,9

0,1

Moindres charges de service public de l’énergie (CSPE) par rapport aux prévisions de la CRE de juillet 2021

– 1,9

– 9,0

+ 1,1

– 8,1

+ 1,4

– 2,2

0,4

Total net en dépense

2,8

24,3

– 2,2

16,9

– 8,1

2,3

0,8

Mesures en recettes (en effet dépense, les montants positifs correspondent à de moindres recettes ; les montants négatifs correspondent au contraire à des recettes supplémentaires)

Bouclier électricité – Baisse de la TICFE et de la TCCFE

6,3

– 0,7

8,8

4,0

0,5

Contribution sur la rente infra-marginale de la production d’électricité (CRIM)

– 0,4

+ 0,8

– 0,3

+ 4,0

– 0,1

Contribution exceptionnelle de solidarité (CES)

– 0,1

+ 0,1

Hausse des redevances hydroélectriques

– 0,1

– 0,2

– 0,4

+ 0,3

– 1,0

Total net en recettes

– 0,1

5,6

+ 0,2

8,1

+ 4,3

2,9

0,5

Coût net pour les finances publiques

2,7

29,8*

– 2,0

25,1*

– 3,7*

5,2

1,3

* l’écart à la somme des montants présentés s’explique par un effet d’arrondi.

Source : commission des finances d’après les programmes de stabilité 2023 et 2024.

Impact sur le solde public des mesures de relance

(en milliards d’euros)

Années

2020

2021

2022

2023

2024

2025 à 2027

Mesures du plan de relance (hors baisse des impôts de production)

2,5

22,5

20,0

10,0

9,0

8,5

Financement UE

– 13,5

– 11,4

– 5,4

– 4,6

– 5,3

Total net des financements UE

2,5

9,0

8,6

4,6

4,3*

3,2

* l’écart à la somme des montants présentés s’explique par un effet d’arrondi.

Source : commission des finances d’après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général.

Impact sur le solde public des mesures de soutien
pour faire face à la crise sanitaire

(en milliards d’euros)

Années

2020

2021

2022

2023

2024

Activité partielle (hors activité partielle de longue durée du plan de relance)

25,3

8,1

0,2

Fonds de solidarité et aides annexes

16,0

23,9

1,4

Dépenses de santé

14,0

18,3

11,7

0,9

Exonérations et aide au paiement des cotisations sociales

5,8

2,9

0,3

Trésorerie de Santé publique France

– 0,9

0,4

0,4

Prolongation des revenus de remplacement et décalage de l’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance-chômage

3,9

5,1

0,3

Report en arrière des déficits sur l’assiette fiscale de l’IS

0,1

0,4

– 0,1

Crédit d’impôt bailleurs

0,1

Autres mesures de soutien spécifiques (masques, permittents, etc.)

6,4

1,9

Sinistralité BEI (Banque européenne d'investissement)

0,2

Sinistralité PGE (prêts garantis par l'État) nette des primes

– 0,4

– 0,1

1,0

1,0

0,7

Autres dépenses sous norme pilotable

1,0

Total

70,1*

61,7*

14,8

2,4*

1,3

* l’écart à la somme des montants présentés s’explique par un effet d’arrondi.

Source : commission des finances d’après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général.

La diminution du ratio de dépense publique entre 2023 et 2027 résulterait par ailleurs de moindres dépenses résultant des réformes structurelles. Dans le champ des administrations de sécurité sociale, le programme de stabilité estime ainsi les gains liés à la réforme des retraites, en 2027, à près de 0,4 point de PIB en recettes, soit de l’ordre de 13 milliards d’euros, et 0,1 point de PIB en dépenses, soit plus de 3 milliards d’euros. La réforme tendant à améliorer la contracyclicité de l’indemnisation des demandeurs d’emplois en modulant sa durée en fonction de la conjoncture produirait pour sa part des économies de l’ordre de 4,2 milliards d’euros par an en 2027 qui amélioreraient le solde de l’Unédic.

Un effort supplémentaire en dépenses, chiffré par la LPFP 2023-2027 à 12 milliards d’euros annuels entre 2025 et 2027 et portant pour moitié sur l’État et pour moitié sur les administrations de sécurité sociale, interviendrait dans le cadre des revues de dépenses annuelles prévues par la LPFP 2023-2027 et la loi de finances pour 2023 ([10]). Ces revues de dépenses, conduites par le Gouvernement sous l’autorité du Premier ministre, ont permis dès 2024 d’identifier des pistes d’amélioration d’un certain nombre de politiques publiques, afin de donner lieu à des économies budgétaires ([11]). Elles concernent tous les champs de la dépense publique.

Les revues de dépenses permettront par ailleurs de s’assurer de la qualité de la dépense publique dans les domaines étudiés. Elles contribueront ainsi à ce que la mise en œuvre de l’effort de maîtrise des dépenses au cours de la période couverte par le programme de stabilité n’affecte que marginalement les perspectives de croissance.

Après une exécution 2023 inférieure aux prévisions de la loi de finances initiale et de la LPFP 2023-2027 ([12]), les dépenses de l’État sont marquées en 2024 par l’application de mesures en gestion visant à contenir leur progression. Par un décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits, le Premier ministre a ainsi procédé à l’annulation de 10,2 milliards d’euros en crédits de paiement et 10 milliards d’euros en autorisations d’engagement. La moitié de ces annulations résulte de mesures ciblées (notamment le ciblage des aides distribuées par l’Agence nationale de l’habitat, la mise en place d’un ticket modérateur sur le coût des formations éligibles au compte personnel de formation ou la mise à contribution de plusieurs opérateurs de l’État), le surplus provenant d’une mesure transversale sur les crédits des ministères et de la mobilisation de la réserve de précaution.

En outre, le Gouvernement a annoncé, au cours du mois d’avril, un objectif de réalisation de 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires en gestion, dont 5 milliards d’euros sur le champ des administrations publiques centrales grâce au pilotage de la réserve de précaution ainsi qu’à des mesures nouvelles. Les administrations publiques locales contribueraient à cet effort dans le cadre de l’objectif, fixé par la LPFP 2023-2027, de baisse en volume de leurs dépenses de fonctionnement de – 0,5 % par an.

Les mesures de gestion budgétaire mises en œuvre en 2024 et leur pérennisation les années suivantes contribueraient à la réalisation d’une trajectoire de dépense marquée par des montants en valeur inférieurs à ceux prévus en LPFP, une fois neutralisés les effets liés au passage des comptes nationaux en base 2020.

Écart de la trajectoire des dépenses publiques,
hors crédits d’impôts, aux prévisions de la LPFP

(en milliards d’euros courants)

Années

2023

2024

2025

2026

2027

Estimation des dépenses publiques, hors crédits d’impôts, d’après les hypothèses du PStab 2024

1 590

1 636

1 667

1 708

1 744

Montant des dépenses publiques hors crédits d’impôts prévu par la LPFP 2023-2027

1 575

1 622

1 668

1 705

1 744

Écart brut PStab 2024 / LPFP

15

14

– 1

3

0

Écart corrigé d’une clé de passage pour 2023 de 14 milliards d’euros entre les bases 2014 et 2020 (supposée constante)

1

0

– 15

– 11

– 14

Tous les montants sont arrondis à l’entier le plus proche.

Source : commission des finances d’après la loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et le programme de stabilité 2024.

Les dépenses des administrations de sécurité sociale (ASSO), déjà dynamiques en 2023 (+ 3,9 % en valeur y compris les transferts entre sous-secteurs), connaîtraient une progression plus rapide en 2024 (+ 4,6 %), sous l’effet en particulier de la hausse du coût des prestations sociales. Du fait de leur indexation sur une inflation élevée au cours de l’année précédente, celles-ci progresseraient de 5,3 % en 2024 dans le seul champ des ASSO.

Les dépenses des ASSO connaîtraient une croissance plus modérée à partir de 2025, grâce à l’effort de maîtrise des dépenses publiques et à une inflation plus modérée.

Approximation de la dépense des administrations publiques, y compris crédits d’impôts, d’après les hypothèses du programme de stabilité

(en milliards d’euros)

Années

2023

2024

2025

2026

2027

Dépenses totales des APU, y compris crédits d’impôts (base 2020)

1 607

1 657

1 688

1 731

1 767

Dont prestations sociales

710

744

752

768

784

 

+ 4,8 %

+ 1,1 %

+ 2,1 %

+ 2,1 %

Dont dépenses de rémunération

346

361

369

375

381

 

+ 4,2 %

+ 2,3 %

+ 1,6 %

+ 1,7 %

Dont charges d’intérêts

48

55

63

71

83

 

+ 15,8 %

+ 14,0 %

+ 13,1 %

+ 16,9 %

Note : le calcul du taux d’évolution des dépenses par nature entre 2022 et 2023 n’est pas opérant en raison de la différence de base entre les données du programme de stabilité (en base 2020) et celle publiées par l’Insee pour les années antérieures à 2023 (en base 2014). L’intégralité des données en base 2020 sera rendue disponible lors de la publication par l’Insee des comptes nationaux 2023, le 31 mai 2024.

Les taux d’évolution présentés ont vocation à renseigner sur un ordre de grandeur. Ils peuvent présenter une discordance avec les montants présentés car ceux-ci sont arrondis à l’entier supérieur.

Source : commission des finances d’après les prévisions de PIB nominal et de dépenses en points de PIB du programme de stabilité 2024.

Après avoir connu une évolution très dynamique en 2023 (+ 7,1 % y compris les transferts entre sous-secteurs), les dépenses des administrations publiques locales progresseraient en valeur de 3,4 % en 2024 et de 1,0 % en 2026, dans le cadre des objectifs fixés par la LPFP 2023-2027 et d’un effort de maîtrise des dépenses commun à tous les sous-secteurs.

Le tableau suivant déduit du PStab l’évolution de la dépense publique en valeur et en volume pour chacun des sous-secteurs d’administration publique pour 2023 et 2024. L’État contribue très substantiellement sur ces deux exercices à la modération de l’évolution en volume de la dépense publique totale.

Comparaison de l’évolution des dépenses par sous-secteurs
prévue par le PStab 2024 et par la LPFP 2023-2027

(en %)

Années

2023

2024

Évolution en valeur (%)

Évolution en volume (%)

Évolution en valeur (%)

Évolution en volume (%)

Toutes APU

 

 

 

 

PStab 2024

+ 3,6

– 1,1

+ 2,9

+ 0,5

LPFP

+ 3,5

– 1,3

+ 3,0

+ 0,5

État et ODAC

 

 

 

 

PStab 2024 (État)

– 0,3

– 5,1

– 0,7

– 3,1

PStab 2024 (ODAC)

+ 5,3

+ 0,5

+ 5,6

+ 3,2

PStab 2024 (approximation État + ODAC)

+ 0,6

– 4,2

+ 0,4

– 2,0

LPFP

+ 1,2

– 3,6

+ 1,1

– 1,4

APUL

 

 

 

 

PStab 2024

+ 7,3

+ 2,5

+ 3,4

+ 1,0

LPFP

+ 5,8

+ 1,0

+ 3,4

+ 0,9

ASSO

 

 

 

 

PStab 2024

+ 4,4

– 0,4

+ 4,6

+ 2,2

LPFP

+ 4,3

– 0,5

+ 4,2

+ 1,7

Source : commission des finances d’après le PStab 2024.

Compte tenu de prévisions de taux d’intérêt plus favorables et d’un recul de l’inflation plus précoce qu’anticipé, partiellement compensés par l’accroissement du stock de dette sous l’effet de la révision à la hausse du déficit public, les hypothèses de charge d’intérêts des administrations publiques présentées par le programme de stabilité sont légèrement inférieures à celles de la LPFP 20232027.

Hypothèse de charge d’intérêts des administrations publiques

(en points de PIB, sauf précision contraire)

Années

2023

2024

2025

2026

2027

Ratio de charge d’intérêts (PStab 2024)

1,7

1,9

2,1

2,3

2,6

Ratio de charge d’intérêts (LPFP)

1,7

1,9

2,2

2,4

2,6

Approximation de la charge d’intérêts selon les hypothèses du PStab 2024 (en milliards d’euros)

48

55

63

71

83

Écart entre la prévision de charge d’intérêts du PStab 2024
et celle de la LPFP 2023-2027 (en milliards d’euros)*

 0

– 0,5 à 0

– 4 à – 3

– 4 à – 3

– 1 à 0

* l’intervalle indiqué résulte de l’utilisation, en limite haute, des hypothèses de PIB nominal du programme de stabilité 2024 et, en limite basse, de celles de la LPFP 2023-2027.

Source : commission des finances d’après la loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et le programme de stabilité 2024.

Le ratio de charges d’intérêts connaîtrait toutefois une nette augmentation entre 2024 et 2027, de 0,2 point de PIB chaque année jusqu’en 2026 puis de 0,3 point de PIB en 2027, correspondant en moyenne à près de 9 milliards d’euros supplémentaires par an. Le relèvement des taux d’intérêts, et notamment des taux longs, est la cause principale de cette progression du ratio de charges d’intérêts. Les taux des obligations assimilables du Trésor à dix ans sont anticipés à 3,6 % en 2026 et en 2027. Ils atteindraient donc un niveau identique à celui prévu en LPFP en fin de période, malgré un écart entre les deux trajectoires de – 0,3 point en 2024 et – 0,1 point en 2025. Compte tenu de la structure de l’encours de dette publique – en particulier celle de l’État –, la hausse des taux d’intérêts aurait un impact progressif sur les charges d’intérêts au cours de la période 2024-2027.

Hypothèses de taux d’intérêt
de la dette négociable de l’État en fin d’année

(en pourcentage)

Années

2023

2024

2025

2026

2027

Taux d’intérêt à court terme (BTF 3 mois)

 

 

 

 

 

PStab 2024

3,25 %

3,0 %

3,0 %

3,0 %

LPFP 2023-2027

3,9 %

3,5 %

3,5 %

3,5 %

3,5 %

Taux d’intérêt à long terme (OAT 10 ans)

 

 

 

 

 

PStab 2024

3,2 %

3,5 %

3,6 %

3,6 %

LPFP 2023-2027

3,4 %

3,5 %

3,6 %

3,6 %

3,6 %

Source : loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et programme de stabilité 2024.

S’agissant de l’État, dont la dette comptait pour 81,1 % de celle des administrations publiques à la fin de l’année 2023, la trajectoire de charge de la dette retenue par le programme de stabilité est légèrement plus optimiste que le scénario central de la loi de programmation des finances publiques (– 2,1 milliards d’euros en 2027 et – 9,5 milliards d’euros au total de 2024 à 2027).

Prévisions d’évolution de la charge de la dette de l’État
en comptabilité maastrichtienne

(en milliards d’euros)

Années

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Programme de stabilité 2024

46,3

39,0

46,3

54,0

62,7

72,3

LPFP 2023-2027

 

 

 

 

 

 

Scénario central de taux d’intérêt

46,3

38,6

48,1

57,1

65,2

74,4

Scénario minimaliste ( 2 points de taux d’intérêts sur toute la trajectoire)

43,0

43,9

44,5

46,7

Scénario maximaliste (+ 2 points de taux d’intérêts sur toute la trajectoire)

53,2

70,2

85,8

102,1

Source : loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et programme de stabilité 2024.

Par rapport aux hypothèses de la LPFP 2023-2027, l’effort structurel se trouverait renforcé de 0,16 point de PIB potentiel par an en moyenne et s’établirait à un peu plus de 0,8 point de PIB en moyenne annuelle au cours de la période 2023‑2027. L’essentiel de l’écart du programme de stabilité à la LPFP est attribuable aux prévisions pour 2024 et 2025, de sorte que la majeure partie de l’effort structurel pèserait sur les années 2023 à 2025.

L’effort en dépense, qui n’est pas précisé par le programme de stabilité 2024, compterait pour une part prépondérante dans l’effort structurel, compte tenu du faible impact des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires au cours de la période.

Hypothèses d’effort en dépense, y compris crédits d’impôts

(en points de PIB potentiel)

Années

2023

2024

2025

2026

2027

Programme de stabilité 2024

 

 

 

 

 

Hypothèse d’effort structurel

1,3

0,9

1,1

0,4

0,4

LPFP 2023-2027

 

 

 

 

 

Hypothèse d’effort structurel

1,7

0,5

0,4

0,4

0,3

Dont effort en dépense

2,1

0,5

0,2

0,3

0,3

Source : loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et programme de stabilité 2024.

 


V.   Un ajustement à la hausse de la trajectoire du ratio de dette publique

Le léger ralentissement de la croissance en 2023 et la détérioration des perspectives d’évolution du PIB en 2024 et 2025 ainsi que la révision à la baisse des prévisions de solde public conduisent à ajuster à la hausse la trajectoire d’endettement public au cours de la période 2023-2027, par rapport aux prévisions de la loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (LPFP 2023-2027). Conformément à l’impératif de soutenabilité des finances publiques, la maîtrise des dépenses publiques permet toutefois d’envisager une reprise du désendettement rapporté au PIB en 2026 et en 2027, après un recul du ratio de dette publique entre 2021 et 2023.

A.   Le ratio de dette publique augmenterait en 2024 et en 2025, tout en demeurant inférieur à son niveau de 2020, avant de reprendre sa décrue

Alors que le ratio de dette publique connaissait une tendance à la baisse depuis 2018, inédite depuis plus d’une décennie, la crise sanitaire a entraîné un surplus d’endettement public de 17 points de PIB en 2020. Depuis 2021, le ratio de dette publique a reflué en moyenne de plus de 1,4 point de PIB par an pour s’établir à 110,6 % à la fin de l’année 2023.

Évolution du ratio de dette publique

(en % du PIB)

Source : Insee, comptes nationaux.

Cette tendance a bénéficié d’un effet dénominateur lié au rattrapage de la croissance du PIB en volume (+ 6,4 % en 2021), qui s’est estompé en 2022 (+ 2,5 %) et en 2023 (+ 0,9 %). Sous l’effet de l’inflation, la croissance du PIB en valeur est toutefois demeurée soutenue en 2023 (+ 6,4 %).

En 2024 et en 2025, le ratio de dette publique évoluerait de nouveau à la hausse, à un rythme moyen de 1,25 point de PIB par an, pour atteindre 113,1 % du PIB à la fin de l’année 2025. Au cours de la même période, la LPFP 2023-2027 prévoyait une quasi-stabilité du ratio d’endettement public.

L’endettement public rapporté au PIB recommencerait à diminuer légèrement en 2026 (– 0,2 point de PIB), puis de manière plus prononcée en 2027 (– 0,9 point de PIB) pour atteindre 112 % en fin de période. Le ratio s’établirait ainsi en 2027 à un niveau proche de celui de 2022 (+ 0,1 point de PIB), alors que la LPFP 2023-2027 prévoyait une décrue de 3,7 points de PIB sur la période de programmation.

Trajectoires de ratio de dette publique

(en % du PIB)

Source : loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et programmes de stabilité 2022 à 2024.

Bien que moins favorable par rapport aux objectifs de la LPFP 2023-2027, la trajectoire d’endettement public du programme de stabilité 2024 prévoit un ratio inférieur, pour chacune des années considérées, à ce qui était envisagé à l’été 2022, lors de la présentation du programme de stabilité 2022-2027.

Variation du ratio de dette publique

(en points de PIB)

Années

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Évolution 2027/2022

Programme de stabilité 2024

 

 

 

 

 

 

 

Ratio d’endettement

111,9

110,6

112,3

113,1

112,9

112,0

0,1

Variation annuelle

– 1,3

1,7

0,8

– 0,2

– 0,9

 

LPFP 2023-2027

 

 

 

 

 

 

 

Ratio d’endettement

111,8

109,7

109,7

109,6

109,1

108,1

– 3,7

Variation annuelle

– 2,1

0,0

– 0,1

– 0,5

– 1,0

 

Écart PStab 2024 / LPFP

 

 

 

 

 

 

 

Ratio d’endettement

+ 0,1

+ 0,9

+ 2,6

+ 3,5

+ 3,8

+ 3,9

+ 3,8

Variation annuelle

+ 0,8

+ 1,7

+ 0,9

+ 0,3

+ 0,1

 

Source : loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et programme de stabilité 2024.

B.   Les déterminants de l’évolution du ratio de dette publique

1.   Un rehaussement du solde stabilisant en début de période conjugué à des prévisions plus dégradées de solde public

En début et en fin de période, la diminution du ratio de dette publique résulterait de perspectives de solde public supérieures au solde dit stabilisant. Au contraire, en 2024 et en 2025, la majeure partie de la hausse prévue du ratio d’endettement public s’explique par la divergence entre le solde stabilisant, révisé à la hausse par rapport aux prévisions de la LPFP 2023-2027, et un solde public prévisionnel plus dégradé.

Les notions de solde stabilisant et d’écart au solde stabilisant

Le solde stabilisant désigne le niveau de solde public à atteindre pour stabiliser la dette en points de PIB. Il est égal à l’opposé du produit de la croissance du PIB en valeur par le taux de dette publique en points de PIB.

À titre d’exemple, pour une croissance du PIB en valeur de 5 % et une dette de 60 points de PIB, le déficit stabilisant s’établit à 3 %.

L’écart au solde stabilisant est la différence entre le solde stabilisant et le solde public effectif ou prévisionnel. Si l’écart est positif, cela signifie que le ratio de dette publique s’accroît ; à l’inverse, si l’écart est négatif, cela signifie que l’endettement public diminue.

La révision à la baisse des prévisions de croissance nominale (– 0,5 point en moyenne annuelle entre 2023 et 2025) par rapport aux hypothèses de la LPFP 2023-2027 et la décrue plus rapide que prévu de l’inflation (– 0,3 point en 2025) ont en effet conduit à revoir à la hausse les prévisions de solde stabilisant entre 2023 et 2025, de près de 0,5 point de PIB supplémentaire par an en moyenne. Au cours de ces trois exercices, le déficit public stabilisant est par conséquent inférieur à celui prévu par la LPFP ; il est donc plus exigeant à atteindre.

Comparaison des prévisions de solde stabilisant et d’écart à ce solde

(en points de PIB)

Années

2023

2024

2025

2026

2027

PStab 2024

 

 

 

 

 

Solde stabilisant la dette

– 6,5

– 3,8

– 3,4

– 3,6

– 3,7

Solde public effectif

– 5,5

– 5,1

– 4,1

– 3,6

– 2,9

Écart au solde stabilisant

– 1,1*

1,3

0,7

0,0

– 0,8

LPFP 2023-2027

 

 

 

 

 

Solde stabilisant la dette

– 7,1

– 4,2

– 3,8

– 3,5

– 3,6

Solde public effectif

– 4,9

– 4,4

– 3,7

– 3,2

– 2,7

Écart au solde stabilisant

– 2,2

0,2

0,0*

– 0,4*

– 0,9

Écart PStab 2024 / LPFP

 

 

 

 

 

Solde stabilisant la dette

+ 0,6

+ 0,4

+ 0,4

– 0,1

– 0,1

Solde public effectif

– 0,6

– 0,7

– 0,4

– 0,4

– 0,2

Écart au solde stabilisant

+ 1,1*

+ 1,1

+ 0,7*

+ 0,4*

+ 0,1

* l’écart à la somme des montants présentés s’explique par un effet d’arrondi.

Source : loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et programme de stabilité 2024.

Compte tenu de la légère amélioration du solde stabilisant par rapport à la LPFP en 2026 et en 2027 et du retour du déficit public sous les 3 % du PIB en 2027, l’écart au solde stabilisant la dette redeviendrait négatif en 2027, permettant d’amplifier la décrue du ratio de dette publique initiée dès 2026.

2.   Un impact faible, mais non négligeable, des flux de créances

Les flux de créances sont des opérations neutres sur le déficit en comptabilité nationale, mais qui ont des effets sur le niveau des besoins de financement et, par conséquent, sur celui de la dette publique ([13]). Leur impact sur le ratio d’endettement public est en général quantitativement limité par rapport à celui de l’écart au solde stabilisant.

Entre 2023 et 2027, les flux de créances connaîtraient une volatilité légèrement plus importante que ne le prévoyait la loi de programmation des finances publiques. Sur l’ensemble de la période, leurs effets sur le ratio de dette publique se compenseraient, de sorte qu’ils seraient à l’origine d’une hausse totale de 0,1 point de PIB de l’endettement public en cinq ans, alors que la LPFP prévoyait un effet à la baisse de 0,3 point de PIB.

En 2024, plus d’un tiers de la hausse du ratio d’endettement public résulterait du niveau des flux de créance (0,4 point de PIB), alors qu’en 2026, ils seraient à l’origine de l’essentiel de la diminution de ce ratio (– 0,2 point de PIB), en raison d’un décalage comptable des recettes liées au financement européen du plan de relance.

Comparaison des flux de créances

(en points de PIB)

Années

2023

2024

2025

2026

2027

Flux de créances – PStab 2024

– 0,2

0,4

0,1

– 0,2

0,0

Flux de créances – LPFP 2023-2027

0,1

– 0,1

0,0

– 0,2

– 0,1

Écart PStab 2024 / LPFP

– 0,3

+ 0,5

+ 0,1

0,0

+ 0,1

Source : loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et programme de stabilité 2024.

3.   Un léger rehaussement technique de l’endettement public

Le passage des comptes nationaux en base 2020 (cf. supra) a conduit à un léger rehaussement technique du ratio de dette publique, de l’ordre de 0,1 point de PIB en 2023. En effet, par convention, l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP), détenteur de titres de dette publique à hauteur d’environ 3 milliards d’euros, soit près de 0,1 point de PIB, n’est désormais plus considéré comme appartenant au champ des administrations publiques. Ces montants de dette sont donc désormais vus comme étant détenus par un tiers.

 

 

 


   Travaux de la commission

I.   audition de M. Pierre Moscovici, premier prÉsident de la Cour des comptes, prÉsident du Haut Conseil des finances publiques, sur le rapport relatif aux rÉsultats de la gestion budgÉtaire de l’exercice 2023 et sur la certification des comptes de l’État pour l’exercice 2023 ainsi que sur les avis du Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi relative aux rÉsultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’annÉe 2023 et sur le programme de stabilitÉ prÉsenté aux institutions europÉennes

Au cours de sa séance du 17 avril après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques, sur le rapport relatif aux résultats de la gestion budgétaire de l’exercice 2023 et sur la certification des comptes de l’État pour l’exercice 2023 ainsi que sur les avis du Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 et sur le programme de stabilité présenté aux institutions européennes.

M. le président Éric Coquerel. Mes chers collègues, je vous rappelle tout d’abord que M. Pierre Moscovici, que nous auditionnons en sa double qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) et de Premier président de la Cour des comptes, est connecté à distance à l’audition, car il se trouve à New York, dans le cadre de la mission de certification des comptes de l’ONU dont est chargée la Cour des comptes actuellement.

Néanmoins, compte tenu de l’importance des sujets évoqués, je le remercie de s’être rendu disponible pour pouvoir évoquer avec nous le rapport de la Cour des comptes sur l’exécution du budget de l’État pour l’année 2023 ; la certification des comptes de l’État par la Cour des comptes ; l’avis du Haut Conseil des finances publiques sur le programme de stabilité que le Gouvernement va présenter aux institutions européennes et l’avis du Haut Conseil sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023.

Cette audition sera suivie, à 17 heures, de celle du ministre chargé des comptes publics, M. Thomas Cazenave. L’ensemble de ces travaux permettront ainsi de préparer au mieux le débat en séance publique relatif aux orientations et à la programmation des finances publiques (LPFP), qui aura lieu lors de la reprise des travaux en séance publique de notre Assemblée, lundi 29 avril à 15 heures. L’audition du président Moscovici va très certainement enrichir notre réflexion dans la perspective de ce débat en séance publique.

Nous pouvons d’emblée relever que si l’avis du Haut Conseil sur le projet de loi de règlement estime que l’écart entre le solde structurel prévu pour 2023 et celui fixé dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) n’est pas suffisamment important pour mettre en œuvre les mesures correctrices prévues par l’article 62 de la loi organique relative aux lois de finances, l’avis rendu sur le programme de stabilité ne laisse pas d’inquiéter, lorsqu’il relève que la prévision de trajectoire des finances publiques manque de crédibilité et de cohérence.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques. Je vous remercie de votre invitation. Notre mission d’assistance au Parlement est selon moi essentielle dans la mesure où elle nous met directement à contribution pour informer les parlementaires et les citoyens sur la conduite des affaires publiques.

Malgré le format un peu inhabituel de cette audition, je tiens à vous présenter différents travaux publiés aujourd’hui, qui ont tous en commun d’expliquer la situation de nos finances publiques et leurs perspectives. Cette année, la dégradation assez spectaculaire des finances publiques change la donne et confère un caractère d’alerte et d’urgence. Je rappelle que le déficit public est très élevé en 2023 : il est supérieur de 0,6 point de PIB à celui qui était initialement prévu dans la programmation. L’augmentation significative de l’endettement et la hausse spectaculaire du coût de la dette appellent une action déterminée.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de remercier devant vous les artisans de ce très important travail : Carine Camby, présidente de la première chambre ; Lionel Vareille, rapporteur général du rapport sur le budget de l’État, sous la supervision d’Emmanuel Giannesini contre-rapporteur pour la certification des comptes ; Denis Soubeyran, rapporteur général, sous la supervision de Jean-Luc Fulachier, contre-rapporteur. Je ne peux citer l’ensemble des personnes qui ont contribué à ces rapports, mais je tiens à leur exprimer toute ma gratitude. Je remercie également Éric Dubois, rapporteur général du Haut Conseil des finances publiques, les membres du HCFP, ainsi que la petite équipe qui compose son secrétariat permanent, qui n’a pas ménagé ses efforts dans des conditions toujours plus difficiles. Nous sommes saisis toujours plus tard d’avis qui sont toujours plus complexes à réaliser.

Je souhaite débuter mon propos en ma qualité de Premier président de la Cour des comptes, par la présentation du rapport sur le budget de l’État en 2023. La loi organique relative aux lois de finances confie à la Cour le rôle essentiel d’examiner l’exécution budgétaire. Comme son titre l’indique, ce rapport analyse uniquement le budget de l’État, sans inclure les administrations publiques locales et les administrations de sécurité sociale, sinon dans de brefs chapitres, au titre des financements que l’État leur procure.

Dans notre rapport public annuel publié le mois dernier, nous avions relevé le risque relatif à l’exercice 2023. Pour ce qui concerne l’État, ce n’est plus un risque, mais désormais une certitude ; l’année 2023 est une année grise et peut-être même une année noire. Le déficit budgétaire de l’État en 2023 est le deuxième le plus dégradé jamais enregistré. Il atteint presque le niveau record de 2020, qui avait été frappé de plein fouet par la crise sanitaire. Le déficit atteint cette année 173 milliards d’euros, soit 21 milliards d’euros de plus qu’en 2022 et 9 milliards d’euros de plus qu’initialement prévu dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2023. La comparaison avec l’année 2019 est peut-être encore plus frappante et parlante, puisque le déficit a quasiment doublé en quatre ans.

Si cette situation tient en premier lieu à une loi de finances initiale peu ambitieuse, elle est aggravée par des facteurs multiples. S’agissant des dépenses, le constat est clair et plutôt décevant. Nous n’avons pas profité du reflux des dépenses exceptionnelles de crise et de relance pour diminuer les dépenses de l’État et réduire le déficit. Après avoir augmenté de 110 milliards d’euros entre 2019 et 2022, les dépenses du budget général de l’État auraient dû logiquement diminuer. L’année 2023 a en effet été synonyme d’un reflux des dépenses exceptionnelles, avec une baisse de 28 milliards d’euros des dépenses liées à l’urgence sanitaire et à la relance. Mais cette baisse a été plus que compensée par la hausse des autres dépenses, dont le volume supplémentaire s’élève à 29,4 milliards d’euros.

Les dépenses totales de l’État ont ainsi atteint 454,6 milliards en 2023, soit 1,9 milliard d’euros de plus qu’en 2022. Toutes les composantes de la dépense de l’État ont progressé en 2023. Les mesures nouvelles décidées pour l’année 2023 atteignent près de 15 milliards d’euros, notamment pour prolonger les dispositifs de soutien face à la hausse des prix de l’énergie.

La croissance des dépenses de l’État est aussi due à la hausse continue des dépenses ordinaires. La Cour estime leur progression à 14,5 milliards d’euros en 2023, contre moins de 2 milliards d’euros en 2022. Cette progression est notamment due à la charge de la dette (3,2 milliards d’euros supplémentaires), à l’augmentation de la masse salariale (6 milliards d’euros) avec l’augmentation de la valeur du point d’indice en 2022 et en juillet 2023, et parallèlement, à l’augmentation significative des effectifs de l’État (8 991 ETP supplémentaires).

De surcroît, alors qu’ils ne dépassaient pas quelques milliards d’euros avant la crise sanitaire, les reports de crédits atteignent des niveaux inédits depuis quatre ans : 16 milliards d’euros de crédits de 2023 ont de nouveau été reportés sur 2024. La perpétuation de ces reports massifs altère la sincérité du niveau de solde voté par le Parlement. Surtout, cette pratique nuit à une maîtrise résolue des dépenses.

Ces augmentations et ces reports étaient en réalité tous prévus et tous autorisés par la loi de finances et la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Le constat est assez singulier à l’aube d’une trajectoire qui était déjà exigeante et qui était supposée ramener le déficit public sous le seuil des 3 %. C’est la raison pour laquelle j’évoquais initialement une LFI peu ambitieuse. Pour le dire simplement, la quasi-stabilité des dépenses de l’État entre 2022 et 2023, malgré le reflux très important des dispositifs de sortie de crise, retarde encore la maîtrise des dépenses. Après une année aussi décevante sur ce terrain-là, il est indispensable que les revues de dépenses lancées l’année dernière prennent toute leur ampleur et qu’elles donnent lieu à des économies pérennes et assez importantes.

De leur côté, les recettes de l’État baissent en 2023, après deux années très dynamiques. Cette mauvaise surprise ne fait qu’aggraver le déficit. En 2023, les recettes nettes du budget général ont diminué de 8,2 milliards d’euros par rapport à 2022 et elles se sont avérées inférieures de 7,4 milliards d’euros à la prévision de la LFI.

La diminution constatée par la Cour provient surtout de la baisse très marquée des recettes fiscales à hauteur de 7,4 milliards d’euros et de l’augmentation des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales (1,3 milliard d’euros). Par ailleurs, la Cour analyse la baisse des recettes fiscales nettes en 2023 comme un signe de désarmement des recettes de l’État, qui réduit d’autant ses marges de manœuvre pour l’avenir. Cette diminution en valeur est en effet une véritable singularité, alors même que 2023 a été une année de croissance, même modeste. À cet égard, j’entends dire ici ou là qu’un retournement conjoncturel expliquerait cette dégradation. Cela n’est pas le cas, puisque la croissance a été de 0,9 %, en ligne avec la prévision de 1 %.

Quelle en est la cause ? Il s’agit en partie des transferts de TVA, dont l’État n’est plus qu’un attributaire minoritaire. En conséquence, les recettes de l’État sont plus volatiles et moins corrélées à la croissance économique. Plus généralement, le rendement de tous les grands impôts est en baisse. Par exemple, l’État perd 10,5 milliards d’euros de TVA supplémentaires dans le cadre de la compensation pour les collectivités de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Comment expliquer cette mauvaise surprise de 2023 sur les recettes fiscales de l’État ? Plusieurs événements postérieurs à la loi de finances de fin de gestion expliquent cet écart inhabituel de près de 8 milliards d’euros. Une partie d’entre eux relève d’évolutions qui étaient difficilement prévisibles, mais une autre partie aurait pu être anticipée au cours des débats parlementaires de novembre. En particulier, les revenus de la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité étaient estimés à 12,3 milliards d’euros en LFI. Ce montant a été réduit à moins de 3 milliards d’euros en loi de finances de fin de gestion et il n’a finalement représenté que 0,6 milliard d’euros. Je suis, comme vous, attaché à ce que les raisons à l’origine d’un tel écart, extraordinairement rare en matière de prévisions fiscales, soient pleinement établies. L’administration l’explique par la baisse des prix de l’électricité durant l’année 2023, alors que cette imposition exceptionnelle a été estimée fin 2022 lorsque ces prix étaient au plus haut. Mais la baisse de l’inflation était tout de même anticipée. Des analyses complémentaires sont en cours pour apprécier si d’autres facteurs ont pu jouer.

Ces évolutions négatives sur les volets des recettes comme des dépenses ont contribué à accroître le besoin de financement et la dette de l’État, qui atteignent des niveaux plus que préoccupants. En comptabilité budgétaire, le besoin de financement de l’État atteint le niveau historique de 314,6 milliards d’euros, soit quasiment le montant des recettes fiscales de l’État. Ce besoin de financement est constitué par le déficit à financer, d’une part, et par le remboursement des emprunts arrivés à échéance, d’autre part. En d’autres termes, pour couvrir ses dépenses, l’État a emprunté quasiment autant, sous une forme ou une autre, qu’il a perçu en impôts.

Cette évolution montre bien les difficultés à sortir réellement du « quoi qu’il en coûte » et à reprendre le contrôle de nos finances publiques. Le corollaire de ce besoin de financement en hausse est bien entendu l’augmentation continue de l’encours de la dette, qui a augmenté de 6,5 % sur l’exercice 2023. En comptabilité budgétaire, la charge de la dette a aussi continué d’augmenter de manière soutenue après la brusque accélération de 2022. La charge de la dette s’est élevée à près de 54 milliards d’euros en 2023, contre 50,7 milliards d’euros en 2022.

Cette tendance est évidemment préoccupante, particulièrement dans un contexte où les taux d’intérêt ont augmenté et où les projections indiquent une progression continue de la dette. La loi de programmation des finances publiques prévoit en effet dans son scénario central d’évolution des taux une hausse de la charge en intérêts de 9,5 milliards d’euros en 2024 et de près de 36 milliards d’euros à l’horizon 2027.

À l’issue de cette année très difficile pour les finances publiques, j’aimerais partager avec vous un message d’alerte et de vigilance. L’absence de réformes et d’économies structurelles en 2023 pèsera fortement sur la trajectoire de retour du déficit à un niveau soutenable. Alors que se pose la question du financement des investissements nécessaires à la croissance et la transition écologique, la situation financière de l’État ne sera soutenable qu’au prix d’efforts considérables sur d’autres dépenses. Je le redis : ces efforts sont difficiles, mais ils sont encore possibles. Ils ne sont contradictoires ni avec une politique de croissance, ni avec le maintien du modèle social français, ni avec les exigences de la transition écologique, s’ils portent sur les dépenses peu efficaces, c’est-à-dire les dépenses de faible qualité.

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour a proposé un mode d’emploi pour passer au tamis la qualité des dépenses publiques, mais nous avons incontestablement perdu un an. Il faut aller plus loin, car le temps presse. La Cour a été saisie par le Premier ministre ce sens. Elle contribuera aux revues de dépenses, à sa place et dans son rôle. Nous proposerons des réformes et des économies inspirées par cette approche par la qualité.

J’en viens désormais brièvement à la présentation de l’acte de certification des comptes de l’État par la Cour. Cette certification consiste à donner une opinion sur la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes. Cette mission est une prérogative de puissance publique, déterminante pour apprécier la situation financière réelle de l’État et de la sécurité sociale. Elle ne peut pas être prise à la légère. Les réserves formulées par la Cour devraient à mon sens faire l’objet de toute l’attention de l’administration, afin de les faire disparaître.

Encore une fois, la Cour, dans son rôle de commissaire aux comptes de l’État, exprime une opinion avec réserves sur les comptes pour 2023. Ces comptes présentent en effet sur certains points des anomalies significatives par rapport aux normes applicables, ou l’administration n’a pas été en mesure de justifier les chiffres de certains postes importants sans qu’une anomalie ne soit certaine.

Par rapport à 2022, deux réserves importantes ont été levées, et non des moindres, puisqu’il existait une incertitude sur le montant futur des charges de retraites des fonctionnaires et une autre sur le montant des dettes de trésorerie de l’État envers les correspondants du Trésor. En revanche, une nouvelle réserve apparaît : il s’agit de l’absence de mentions, parmi les engagements donnés par l’État, de la garantie du remboursement de l’emprunt émis par l’Union européenne (UE) pour financer le plan de relance européen. Cet engagement peut être évalué à 75 milliards d’euros.

Au total, si les comptes de l’État sont riches, utiles en information et représentent un grand progrès par rapport à la situation prévalant avant 2006, il reste encore un peu de chemin à parcourir avant qu’ils ne puissent être certifiés sans réserve. La situation financière de l’État, telle qu’elle ressort de ces comptes 2023 est accompagnée d’une note d’analyse de la Cour complétant utilement la vision du rapport sur l’exécution du budget de l’État.

Permettez-moi de conclure sur la certification en attirant votre attention sur un point technique, mais qui a toute son importance. Nous nous étonnons en effet que lorsque le Gouvernement communique sur les comptes de l’État, il ne mentionne pas systématiquement les réserves récurrentes de la Cour. Quelle entreprise pourrait, comme l’État, présenter des comptes présentant durablement des anomalies ou des réserves sans signaler cette situation aux utilisateurs de ces états financiers ?

Parallèlement à ces deux rapports, et conformément aux dispositions prévues par loi organique, le Haut Conseil des finances publiques a rendu aujourd’hui deux avis. Le premier concerne le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 ; le second porte sur le programme de stabilité pour les années 2024-2027.

L’avis sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion concerne le solde structurel de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement l’État, mais aussi ses opérateurs : les administrations de sécurité sociale, les collectivités territoriales et leurs opérateurs. Cet avis doit juger si l’écart entre le solde structurel réalisé et celui de la loi de programmation des finances publiques est important.

Permettez-moi un petit rappel méthodologique : si le Haut Conseil venait ou était venu constater que cet écart est ou était important, cela déclencherait ou aurait déclenché automatiquement le mécanisme de correction prévu par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’union économique et monétaire (TSCG). Le Gouvernement devrait ou aurait dû alors en tenir compte au plus tard dans le prochain projet loi de finances ou de loi de financement de la sécurité sociale de l’année et présenter des mesures de correction envisagées.

Or, comme vous le savez, les résultats présentés par l’Insee à la fin du mois de mars font état d’un déficit public plus élevé que celui prévu par la LPFP de 0,6 point de PIB. Le déficit s’est établi à 5,5 points de PIB, alors qu’il était prévu à 4,9 points de PIB dans la LPFP. Cet écart se traduit par un écart de 0,5 point sur le solde structurel, qui constitue justement le seuil du déclenchement du mécanisme de correction. En effet, la croissance était un peu moins forte que prévue, de 0,1 point. Une petite partie de l’écart est donc de nature conjoncturelle.

Pour juger si cet écart est important, le Haut Conseil doit tenir compte des circonstances exceptionnelles. Or, dans son avis rendu le 17 mars 2020, sur le premier projet loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020, le HCFP avait constaté, à la demande du Gouvernement, que la crise sanitaire et ses répercussions économiques et financières constituaient indéniablement des faits inhabituels et indépendants de la volonté du Gouvernement, qui relevaient donc des circonstances exceptionnelles. Depuis, cette clause est restée en vigueur.

Le Haut Conseil constate dans son avis publié aujourd’hui que ces circonstances exceptionnelles ne sont plus réunies et qu’elles ne doivent pas être prises en compte dans l’examen du présent projet de loi. En effet, les conditions d’exercice de l’activité économique qui avaient fortement pâti en 2020 et 2021 de la crise sanitaire, puis de la crise énergétique en 2022, se sont depuis nettement améliorées. En 2023, l’activité a continué de croître et l’inflation a reflué. Le Haut Conseil a donc décidé de lever les circonstances exceptionnelles, mais il constate toutefois que l’écart de 0,5 point entre le solde structurel pour 2023 et celui prévu par la LPFP résulte pour partie d’un changement d’ordre méthodologique. Ce changement est lié au passage de l’ensemble des données de comptes nationaux de la base dite 2014 à la base dite 2020.

Corrigé du changement de base, l’écart observé entre le solde structurel réalisé et celui prévu par la LPFP est donc de 0,36 point du PIB. Il ne peut donc pas être considéré comme important au sens de l’article 62 de la loi organique. Dans ces conditions, le Haut Conseil a estimé qu’il n’y avait pas lieu de déclencher le mécanisme de correction au titre de l’année 2023.

Cependant, ce n’est pas parce que cet écart n’est pas important au sens de la loi organique qu’il n’est pas significatif. Conserver durablement un déficit élevé n’est pas sans conséquences, puisque cela ne permet pas de réduire notre ratio de dette publique, déjà parmi les plus élevés d’Europe. Je l’ai déjà dit souvent devant vous : notre désendettement est impératif pour retrouver des marges de manœuvre et permettre à la France de faire face à d’éventuels chocs économiques, sans compter les investissements nécessaires en faveur de la transition écologique et d’autres transitions. La trajectoire de finances publiques de la loi programmation, que le Haut Conseil avait jugée optimiste quand elle lui a été soumise pour avis, est d’ores et déjà remise en cause, seulement quatre mois après avoir été communiquée.

J’en viens à présent au deuxième avis du Haut Conseil sur le programme de stabilité pour les années 2024-2027. Comme les années précédentes, le Haut Conseil des finances publiques a été saisi d’un programme de stabilité (PSTAB) pour les années 2024-2027, qui sera vraisemblablement le dernier. En effet, la nouvelle réforme de la gouvernance économique européenne remplacera les programmes de stabilité par des programmes dits budgétaires et structurels de moyen terme, fixés pour au moins quatre ans et déterminant une trajectoire non plus de solde public, mais d’évolution de la dépense publique.

Ce projet est désormais presque à son terme. Il prévoit une saisine obligatoire des institutions budgétaires indépendantes sur les hypothèses macroéconomiques sous-jacentes, mais seulement huit ans après que les règles seront entrées en vigueur. Rien n’interdit toutefois d’introduire cette obligation de saisine dès la transposition des règles en droit français et, ainsi, de prévoir une saisine annuelle du HCFP sur le déroulement de ces programmes. Pour vous le dire franchement et assez nettement, il me semble vraiment nécessaire de le prévoir pour pouvoir continuer à éclairer au mieux le Parlement et les citoyens sur les perspectives d’une dépense publique par une analyse impartiale, objective et pluraliste. Il me paraîtrait paradoxal qu’une approche plus nationale de la situation budgétaire des pays membres de l’UE se traduise par un recul du rôle de leurs institutions budgétaires indépendantes.

À la suite de nombreuses alertes sur nos finances publiques depuis le début de l’année 2024, et dans un contexte dégradé, le Gouvernement s’est doté d’une nouvelle trajectoire, profondément modifiée, qui était nécessaire. Notre avis sur le programme de stabilité s’articule autour de deux grands messages.

D’abord, les hypothèses présentées par le Gouvernement sont trop optimistes, comme nous en avions déjà fait part lors de notre avis l’an passé. Il est utile pour cela de revenir un instant sur la LPFP promulguée en fin d’année dernière. Lorsqu’il avait rendu son avis sur le projet de LPFP, le HCFP avait estimé que le scénario de croissance du Gouvernement était optimiste. Il avait relevé que la trajectoire de finances publiques était peu ambitieuse au regard des objectifs européens de la France, alors même qu’elle supposait déjà la réalisation d’importantes économies structurelles, qui restaient à préciser.

De fait, le Gouvernement prend acte, dès ce programme de stabilité, que la trajectoire de la LPFP promulguée il y a moins de quatre mois a été construite sous des hypothèses trop optimistes et qu’elle doit être profondément modifiée. Le Gouvernement a ainsi corrigé à la baisse de 0,8 point sa trajectoire de croissance sur la période 2023-2025 dans le programme de stabilité. Il a eu raison d’agir de la sorte : la croissance était de 0,9 % en 2023, contre une prévision de 1 % en loi de programmation, et l’économie française a été quasiment à l’arrêt au second semestre 2023.

Le Gouvernement a ainsi révisé à 1 % sa prévision de croissance pour 2024, soit 0,4 point de moins que la prévision précédente. Notons toutefois que cette prévision reste encore supérieure au consensus des économistes ou, par exemple, à la prévision de croissance pour la France présentée hier par le Fonds monétaire international (FMI), qui n’est pas d’ordinaire une institution pessimiste.

Le scénario macroéconomique à l’horizon 2027 reste toutefois encore optimiste. Il suppose un fort rebond du commerce mondial, qui n’est pas acquis dans un contexte d’obstacles croissants aux échanges internationaux, et une forte baisse du taux d’épargne des ménages qui, si elle n’est pas impossible, est assez peu probable au regard du passé.

L’évaluation du PIB potentiel associé n’a été réalisée qu’à la marge et reste donc avantageuse. Celle-ci suppose d’abord des gains de productivité sensiblement plus élevés que les tendances observées avant la pandémie de Covid 19, et a fortiori celles observées depuis. Elle suppose également une augmentation de l’emploi total, liée notamment aux réformes des retraites et de l’assurance chômage, qui nous paraît un peu surestimée. Le HCFP considère que l’estimation par le Gouvernement de l’écart de production actuel est optimiste puisqu’il estime qu’il est de -1,1 point en 2023. Cet écart n’est pas, à notre sens, en ligne avec les tensions persistantes sur les recrutements.

Malgré un scénario de croissance qui reste favorable, il en résulte que l’écart de production – la part conjoncturelle du PIB – reste négatif jusqu’en 2027. Cela conforte le diagnostic du Haut Conseil que la trajectoire du PIB potentiel retenue dans la prévision du Gouvernement est surévaluée et pourrait donc être prochainement révisée à la baisse. Cela aurait pour conséquence d’accroître la part du déficit considérée comme structurelle, et donc en particulier l’effort nécessaire pour ramener le solde public en dessous de 3 points de PIB.

La trajectoire de finances publiques a dû aussi être révisée de manière substantielle. Elle est nettement plus dégradée que dans la LPFP. Pour 2023, le résultat sur la dette publique, soit 110,6 points de PIB, est plus élevé de 0,9 point de PIB que celui qui est prévu dans la LPFP. En 2024, le déficit public est prévu en hausse de 0,7 point par rapport à la LPFP, pour atteindre 5,1 points de PIB, malgré les nouvelles mesures d’économies prises en compte dans la prévision. Le ratio de dette atteindrait donc 112,3 points de PIB en 2024, soit une augmentation de 2,6 points par rapport à la LPFP. En particulier, la prévision de prélèvements obligatoires que le Haut Conseil avait déjà jugée optimiste dans son avis sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 – et avant même les mauvaises surprises enregistrées en fin d’année 2023 – a dû être révisée à la baisse de plus de 25 milliards d’euros en 2024. La cible de déficit public pour 2027 a été relevée à 2,9 points au lieu de 2,7 points, même si le Gouvernement maintient l’objectif d’un retour sous 3 points de PIB à cet horizon. Cette trajectoire de déficit conduit à une augmentation du ratio de dette au PIB, qui atteindrait 112 points de PIB en 2027, soit 4 points de plus que ce qui avait été prévu dans la LPFP. Alors que les autres pays les plus endettés de la zone euro réduisent leur ratio de dette, la France risque ainsi de figurer durablement parmi les trois pays les plus endettés de la zone, avec la Grèce et l’Italie, lesquels semblent effectuer plus d’efforts de leur côté.

J’en viens enfin au dernier point, qui me paraît peut-être le plus important de nos échanges de ce matin. Bien qu’il ait été révisé par rapport à une loi de programmation trop optimiste, le scénario du programme de stabilité manque à nos yeux de crédibilité et de cohérence. La nouvelle trajectoire des finances publiques présentée dans ce programme de stabilité est nettement plus dégradée que dans la LPFP. Dès 2023, notre point de départ s’éloigne fortement de ce qui était inscrit dans cette loi. Le déficit public a atteint 5,5 points de PIB en 2023 et, en 2024 il est prévu en hausse de 0,7 point de PIB par rapport à la LPFP, où il était envisagé à 4,4 points de PIB.

Compte tenu de la dégradation des prévisions de finances publiques en 2023 et 2024, la trajectoire présentée par le Gouvernement est beaucoup plus exigeante que celle de la LPFP, sur laquelle nous nous interrogions déjà. Je souhaite que ce point soit clair : nous partons d’une situation encore plus dégradée, mais le Gouvernement prévoit toujours l’objectif d’un retour sous 3 points de PIB en 2027. La pente était déjà escarpée, elle est désormais beaucoup plus raide, presque abrupte. Par ailleurs, le maintien d’un objectif de déficit public en dessous de 3 points de PIB en 2027 suppose un ajustement structurel primaire – c’est-à-dire hors charges d’intérêt – massif entre 2023 et2027, de 3,2 points de PIB sur quatre ans. Cet effort inédit s’appuierait, d’après les documents qui nous ont été fournis, quasi exclusivement sur un effort d’économies en dépenses.

Le Haut Conseil considère que cette prévision manque de crédibilité. Alors qu’un tel effort en dépenses n’a jamais été réalisé par le passé, sa documentation reste encore lacunaire et sa réalisation suppose la mise en place d’une gouvernance rigoureuse qui associe l’ensemble des acteurs concernés – État, collectivités locales, sécurité sociale – qui ne semble pas réunie aujourd’hui. Le Gouvernement indique qu’il s’appuiera sur les revues de dépenses engagées. Au vu des économies dégagées par les revues effectuées jusqu’à présent, cela suppose une accélération puissante. Nous la souhaitons, mais elle reste à démontrer.

Le Haut Conseil considère aussi que cette prévision manque de cohérence. En effet, la mise en œuvre de l’ajustement structurel prévu ne manquerait pas de peser à court terme sur l’activité économique. Je rappelle que pour 2025 le chiffre inscrit dans le programme de stabilité s’établit à 27 milliards d’euros. Les prévisions de croissance du Gouvernement, élevées d’ici 2027, ne pourraient donc être atteintes que sous des hypothèses très favorables et, en réalité très peu probables. Un scénario cohérent supposerait de changer, soit la prévision macroéconomique, soit celle des finances publiques.

Une prévision macroéconomique inchangée aboutirait ainsi à un effort de réduction des déficits qui serait probablement nettement plus faible. À l’inverse, le maintien de la cible de déficit supposerait de retenir des prévisions de croissance nettement plus faibles et des efforts en dépenses encore plus importants que ceux envisagés par la trajectoire du PSTAB, qui sont déjà pourtant inédits. Si nous souhaitons rétablir des finances publiques saines, il faut tenir un discours de vérité et établir des choix. Nous ne pouvons pas annoncer un tel ajustement structurel sans que celui-ci ne repose sur des hypothèses robustes.

Pour conclure, laissez-moi préciser que le Haut Conseil considère toujours que la réduction du déficit public et du ratio de dette est indispensable. Certes, cette réduction sera encore plus difficile que ce que nous pouvions penser il y a quelques mois. Nous avons beaucoup trop tardé à maîtriser nos dépenses, mais la réduction des déficits publics n’en est pas moins nécessaire. Elle doit s’appuyer sur une stratégie articulée et crédible de réduction du poids de la dépense publique dans le PIB et un réexamen à la baisse des diminutions de prélèvements obligatoires. La définition de cette stratégie est désormais à nos yeux urgente ; nous ne pouvons plus tarder à agir.

Au delà du respect des engagements européens, la capacité de la France à conserver la maîtrise et le contrôle des finances publiques se joue dans les prochaines années et, en réalité, dans les tout prochains mois. La priorité consistera, à nos yeux, à concilier ajustement budgétaire et amélioration du potentiel de croissance. Ce défi est considérable, j’en suis pleinement conscient, mais il est incontournable.

Nous avons trop tardé à nous attaquer à la réduction des déficits et de notre dette, comme à la maîtrise de notre dépense publique. L’effort à produire est important, mais nous ne pouvons pas nous dérober. Nous risquons tôt ou tard de payer le prix fort d’un état aussi dégradé de nos finances publiques. Afin qu’elle réussisse, cette démarche doit être menée avec courage, volonté et intelligence.

M. le président Éric Coquerel. Alors que pour l’année 2024 le Gouvernement avait retenu à l’automne 2023 une prévision de croissance que vous aviez déjà qualifié d’optimiste, la révision de cette prévision à 1 % apparaît encore assez élevée, dans la mesure où le consensus des économistes s’établit à 0,7 %, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) tablant quant à lui sur 0,5 %. Je rappelle en outre que vous aviez jugé optimistes les chiffres de la LPFP, qui avait été adoptée à la fin de l’année dernière.

Je m’interroge sur la méthode utilisée par le Gouvernement, qui vous a d’ailleurs saisi tardivement et ne vous a pas transmis l’ensemble des éléments pour éclairer ses choix de finances publiques. Compte tenu des conséquences assez regrettables qui peuvent être celles d’une prévision mal établie, ne pensez-vous pas qu’il existe un problème de méthodologie ou de philosophie d’approche des prévisions économiques par le Gouvernement ? Sans parler d’insincérité, vous avez estimé que le Gouvernement avait péché par excès d’optimisme. Vous avez indiqué que les prévisions de croissance du PSTAB sont certainement trop élevées. Vous soulignez également qu’il sera quasiment impossible de passer de 5,1 % de déficit en 2024 à 2,9 % en 2027. Au total, si l’on considère les effets cumulés de prévisions peu réalistes et de reports massifs et peu documentés de crédits, ne peut-on pas légitimement parler d’insincérité budgétaire ?

Comme le souligne la Cour, une des raisons de la baisse des recettes en 2023 est en grande partie liée au transfert toujours plus important de TVA. Depuis quelques années, la TVA est utilisée pour compenser toutes les exonérations et suppressions d’impôts : la CVAE, la taxe d’habitation, les exonérations de cotisations. Aujourd’hui, l’État ne perçoit plus que 46 % du produit de TVA. Ne croyez-vous pas que les recettes de l’État sont en danger ? L’addiction à la TVA n’est-elle pas trop importante ?

Vous indiquez que la réduction des déficits peut s’obtenir par deux moyens : la baisse des dépenses publiques et l’arrêt de la baisse des prélèvements obligatoires. La dépense fiscale a explosé depuis plusieurs années, à travers les baisses d’impôt pour les plus riches, les aides aux entreprises sans condition, les exonérations et les niches fiscales. Lorsque Mme Borne nous avait demandé une revue des dépenses l’an dernier, j’avais effectué un travail pour identifier des mesures qui pourraient être transpartisanes, à travers notamment les amendements adoptés dans cette commission pour 15 milliards d’euros. J’avais ainsi évalué que nous pouvions parvenir assez facilement à 43 milliards d’euros de recettes supplémentaires, sans changer pour autant de perspectives macroéconomiques.

À l’inverse, je ne vois pas les dépenses publiques diminuer. Par exemple, 10 milliards d’euros de crédits du budget de l’État ont été récemment annulés pour contrebalancer les prévisions de croissance trop optimistes pour 2024. Aujourd’hui, certains ministères ont rendu leur copie et les autres cherchent désespérément comment ils pourront diminuer les dépenses publiques. Dans de nombreux domaines, nous sommes donc « à l’os ». Pourquoi ne privilégiez-vous pas la piste consistant plutôt à diminuer les dépenses fiscales que les dépenses publiques ?

Par ailleurs, nous ne savons pas clairement où les 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires demandés seront recherchés. L’affichage est le suivant : 5 milliards d’euros pour l’État ; 2,5 milliards d’euros pour les collectivités territoriales et 2,5 milliards d’euros pour de nouvelles recettes liées à la taxation de la rente. Pensez-vous qu’il est raisonnable de se priver d’un projet de loi de finances rectificative, compte tenu des modifications du budget pour 2024 ?

Enfin, compte tenu du manque de cohérence et du manque de crédibilité du programme de stabilité présenté par le Gouvernement, que l’avis du Haut Conseil relève expressément avec des termes forts et qui me semblent n’avoir jusqu’à présent jamais été employés, ne serait-il pas souhaitable que le Gouvernement revoie sa copie avant de l’envoyer aux institutions européennes ?

M. Pierre Moscovici. Il est vrai que le consensus se situe à 0,7 point de croissance pour 2024 ; l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) table sur 0,6 %, contre 0,9 % pour la Commission européenne et 0,7 % pour le FMI. La prévision du Gouvernement est donc indiscutablement la plus élevée, et sans doute un peu élevée. 

S’agissant de l’insincérité, elle suppose une volonté délibérée de tromper ; ensuite, elle a des conséquences constitutionnelles massives. Le Conseil constitutionnel, très attentif aux considérations du Haut Conseil des finances publiques, pourrait ainsi être conduit à censurer un PLF. Si le HCFP estimait un tel projet insincère, il le dirait. Or il ne l’a pas dit dans ses avis sur les PLF pour 2023 et pour 2024. Cependant, dans son avis du 22 septembre 2023, il a signalé que la prévision de croissance était élevée. Je pense qu’il faudrait davantage en tenir compte, même si l’abaissement de la prévision de croissance à 1 % par le Gouvernement représente une première réponse à cet avertissement.

Je note que, dans l’avis de ce jour, nous utilisons un nouveau terme, qui a son importance : la cohérence. Ainsi, ce programme de stabilité n’est pas insincère, mais il manque de cohérence. Soit la prévision de croissance est trop élevée et il faudra réaliser beaucoup plus d’économies en dépenses pour ramener le déficit public sous le seuil des 3 % ; soit elle demeure réaliste, et à ce moment-là, les déficits seront moins élevés. Il importe donc d’effectuer un choix. En résumé, les femmes et les hommes qui composent le Haut Conseil, des spécialistes aux opinions extrêmement diverses, se sont accordés pour estimer que la cohérence faisait défaut.

S’agissant de la fiscalité, le Conseil des prélèvements obligatoires a attiré l’attention sur le fait que la réduction de la part de TVA affectée à l’État constituait assurément un manque de garanties pour les recettes de celui-ci. Désormais, l’État n’est plus attributaire que de 46 % des produits de la TVA, principal impôt strictement corrélé à la croissance économique. Son attribution croissante à d’autres organismes que l’État a donc pour conséquence de rendre les recettes fiscales de l’État plus sensibles à des impositions plus volatiles, notamment à l’impôt sur les sociétés.

Ensuite, nous considérons que les marges de manœuvre pour accroître les recettes sont limitées. Dans la situation compromise de nos finances publiques, nous considérons que nous n’avons pas en réalité les moyens de conduire des baisses d’impôts sèches. Naturellement, le Gouvernement est libre de voter des baisses d’impôts, mais s’il agit de la sorte, celles-ci doivent à notre sens être compensées par des économies supplémentaires. Tel est le sens de notre message. S’agissant des dépenses fiscales, nous avons publié l’année dernière une note thématique comportant quatre leviers d’action qui méritent, il me semble, toute votre attention.

Enfin, monsieur le président, je rappelle que les dépenses publiques représentent 57 % du PIB, alors que le taux de satisfaction sur les services publics n’est pas toujours le meilleur. Par conséquent, je ne pense pas que l’on puisse dire que nous sommes « à l’os ». Il existe des dépenses insuffisamment efficaces ; nous devons fonder l’effort de maîtrise des dépenses sur la qualité de la dépense publique. Mais encore une fois, je suis trop démocrate et respectueux des institutions de mon pays et du débat public pour considérer que le débat fiscal serait interdit. Il ne l’est pas, mais il ne nous revient pas de l’ouvrir.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous sommes réunis pour étudier à la fois l’exécution du budget 2023 et la stratégie des finances publiques 2024-2027. Ces deux événements sont liés puisque la dégradation subite du solde à la fin 2023 se répercute évidemment sur l’ensemble de la trajectoire. Personne ne peut nier que des événements se sont déroulés en fin d’année, que peu de personnes avaient prévus. Ainsi, je ne me souviens pas d’avoir entendu d’alertes particulières sur les recettes avant cette fin d’année 2023. En résumé, nous avons rencontré un ralentissement conjoncturel important en Europe à la fin de l’année 2023.

Selon certains, le Gouvernement établirait volontairement des prévisions trop optimistes. Cela n’est pas le cas. En 2023, nous avons tenu la prévision de croissance et le niveau de dépenses de l’État qui avaient été prévus. Ce sont donc bien des circonstances actuelles qui nous conduisent à constater un écart très important de recettes sur cette fin d’année 2023. L’hypothèse d’un déficit de 4,9 % était considérée comme plausible, même lorsque je reprends l’avis que vous avez donné, monsieur le président, sur le projet de loi de finances de fin de gestion.

S’agissant des recettes 2023, vous relevez que l’écart en pourcentage entre l’exécution des recettes fiscales nettes et la prévision associée au projet de loi de finances de fin de gestion est le plus faible depuis 2020. Vous observez que les moins-values constatées sur les recettes sociales et l’impôt sur les sociétés (IS) ont été effectivement surprenantes en fin d’année, du fait d’un ralentissement assez marqué. Je ne crois pas trahir votre rapport en considérant que ces constats surprenants, qui expliquent une large part de l’écart final, n’étaient pas anticipables. En revanche, vous vous interrogez sur le fondement des estimations successives concernant la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (Crim). Je partage vos interrogations et j’ai d’ailleurs demandé aux services un certain nombre d’explications, tant les écarts sont beaucoup trop importants. Quelles sont vos premières conclusions en la matière, même si nous avons constaté que le prix spot de l’électricité a été divisé par cinq sur la période ?

Par ailleurs, vous considérez que, pour 2023, les moins-values importantes constatées sur l’impôt sur le revenu (IR) et la TVA auraient pu être réduites en tenant compte davantage des données d’encaissement au moment du dépôt du projet de loi de finances de fin de gestion. Sur quels fondements portez-vous cette appréciation ? Quelles auraient pu être les actions à entreprendre dans le cadre du débat parlementaire portant sur la loi de finances de fin de gestion ?

S’agissant des dépenses 2023, j’ai bien noté votre regret concernant l’absence d’économies structurelles sur le champ des dépenses de l’État. La lecture de votre rapport me conduit toutefois à penser que la gestion des dépenses de l’État a été sérieuse, sinon rigoureuse. Durant cet exercice, nous avons terminé l’année mieux que ce qui était prévu en matière de dépenses, avec une baisse en volume de 4,8 % sur le champ du budget général. Par ailleurs, vous observez qu’en valeur, les dépenses ont augmenté de 0,4 % sur les mêmes champs. Ce constat ne témoigne-t-il pas finalement de choix d’économies assumés et plus structurels qu’on ne le dit ?

Vous soulignez qu’en 2023, les montants des reports de crédit ont été deux fois plus élevés qu’en 2022. Un décret d’annulation a supprimé 5 milliards d’euros de crédits en septembre 2023 et la loi de finances de fin de gestion a, hors charges de la dette, ouvert des crédits autant qu’il en a annulé. Je constate comme vous – je le regrette et le dirai au ministre chargé des comptes publics – que les montants des réserves restent bien trop importants, conduisant à trop d’incertitudes sur le budget tel qu’il est examiné et voté par le Parlement. S’agissant de l’exécution 2023, nous sommes loin des caricatures décrivant une gestion hors de contrôle et sans attention portée au pilotage de la dépense publique.

Je note que le Haut Conseil ne qualifie pas d’important, au sens de la loi organique, l’écart entre le déficit structurel constaté en 2023 et celui établi en LPFP. Pour fonder cette appréciation, vous évoquez notamment l’impact du changement de méthodologie. L’écart est donc inférieur à 0,5 point de PIB. Pouvez-vous nous préciser la portée de ce changement, notamment sur le calcul du déficit et l’interprétation que nous devrions en faire ? Sans cet effet, le déficit aurait-il été de 5,5 % en 2023 ?

Je partage grandement votre préoccupation d’ensemble s’agissant de nos finances publiques et les alertes que vous avez soulevées. Nous sommes face à un problème sérieux qui nécessite de la constance dans l’effort. Vous prenez acte de la révision des prévisions de croissance du Gouvernement, qui implique une trajectoire des finances publiques plus ambitieuse que celle figurant dans la loi de programmation des finances publiques.

Le Haut Conseil considère par là même que la trajectoire en matière d’évolution des finances publiques manque de crédibilité, par manque de documentation des économies et par manque d’organisation entre les sous-secteurs des administrations publiques s’agissant des objectifs à atteindre. Il est vrai que le PLF pour 2025 doit être préparé sans attendre et que la marche est haute. Pouvez-vous nous préciser le degré d’avancement des revues de dépenses menées actuellement par la Cour des comptes et les principes méthodologiques que vous avez choisis ? Proposez-vous des préconisations d’économies chiffrées dans ce cadre ?

Vous considérez également que la trajectoire des finances publiques manque de cohérence et évoquez en retour un effet négatif de l’effort structurel sur la croissance. Avez-vous pu chiffrer cet effet ?

Monsieur le Premier président, la Cour ne formule-t-elle pas une injonction paradoxale ? En effet, vous nous avez assez souvent et parfois justement reproché de ne pas être ambitieux dans le redressement de nos finances publiques et la réduction de nos dépenses. Désormais, la trajectoire est par définition bien plus ambitieuse, mais vous considérez maintenant qu’elle n’est pas cohérente. Comment faire pour résoudre ce paradoxe ?

Enfin, pensez-vous que l’effort en matière de réduction de la dépense publique est justement réparti entre les trois catégories d’administrations publiques ?

M. Pierre Moscovici. Monsieur le rapporteur général, vous avez justement souligné que certains éléments du recul des recettes en 2023 étaient peu prévisibles. Cependant, vous avez observé que quelques éléments pouvaient malgré tout mériter de votre part une réflexion. Ainsi, il était malgré tout envisageable que les recettes de la Crim soient moins élevées que prévu dans une année où la désinflation était déjà à l’œuvre.

Les circonstances demeurent particulières en 2023, j’en conviens, mais après un long débat, nous sommes convenus qu’elles n’étaient pas exceptionnelles au sens de la loi organique.

Vous avez estimé que les dépenses de l’État avaient été bien gérées et je n’ai pas à formuler d’avis à ce sujet. Je me réfère simplement au rapport sur l’exécution du budget, qui indique qu’en effet, les chiffres d’une réduction des dépenses exceptionnelles et d’une croissance des autres dépenses étaient annoncés par le PLF.

En revanche, nous soulignons que ces éléments aboutissent de facto à un effort insuffisant de maîtrise des dépenses, notamment des dépenses structurelles. En effet, malgré une diminution de 28 milliards d’euros des dépenses exceptionnelles, les dépenses de l’État croissent malgré tout d’1 milliard d’euros. Ensuite, l’écart entre le déficit structurel constaté en 2023 et celui établi en LPFP est effectivement de 0,5 point. L’impact méthodologique étant de 0,14 point, l’écart s’établit à 0,36 point, ce qui demeure assez significatif.

Par ailleurs, je vous confirme que nous avons été saisis, assez tardivement, par le Premier ministre de trois revues de dépenses sur l’assurance maladie, sur le financement des collectivités et sur les dispositifs de sortie de crise. Je ne formule pas de jugement sur la répartition des efforts entre les différents types d’administration, mais il est en effet concevable que si l’accent est mis sur la réduction des dépenses, il devrait être alors équitablement partagé. Nos équipes commencent leurs travaux et nous vous demanderons sans doute, monsieur le rapporteur général, d’y contribuer. Nous rendrons ces travaux fin juin et formulerons des propositions très concrètes.

La question de l’injonction paradoxale est en effet intellectuellement très intéressante et nous nous la sommes posée. Notre priorité porte naturellement sur la réduction des déficits, mais encore faut-il qu’elle soit compatible avec les hypothèses établies qui, selon nous, manquent de cohérence. Le chemin était déjà escarpé ; il s’agit désormais d’une pente abrupte. Pour y parvenir, il faut réunir plusieurs conditions, en particulier une gouvernance de la dépense qui, jusqu’à présent, n’a pas été constatée. Les 27 milliards d’euros d’économies prévus pour le budget 2025 ne seront pas sans conséquences sur la prévision de croissance, comme le soulignent les travaux de l’OCDE.

Dans les circonstances actuelles, cela ne semble pas fonctionner. Compte tenu des éléments qui nous ont été présentés, soit les ambitions de croissance sont maintenues et à ce moment-là, nous risquons fort de ne pas atteindre le seuil de 3 % de déficit en 2027 ; soit ce niveau est recherché à tout prix et à ce moment-là, la croissance sera sans doute moindre, ce qui exigera des efforts de dépenses encore plus considérables que ceux qui sont prévus.

Le HCFP ne reproche pas un manque d’ambition au Gouvernement, mais considère que le niveau de réduction des dépenses conduirait à une croissance plus faible. C’est ici que réside le manque de cohérence.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Monsieur le président, je retiens trois enseignements de votre intervention : l’absence d’insincérité dans les prévisions du Gouvernement, l’absolue nécessité de réduire les dépenses et enfin, la considération que si la pente est certes abrupte, il n’est cependant pas impossible de la gravir.

En 2023, les dépenses de l’État sont quasi stables, les crédits consommés sont même inférieurs à la prévision initiale, malgré un soutien massif au pouvoir d’achat et au réarmement de l’État à travers les lois de programmation sectorielles. S’agissant du problème des recettes, vous évoquez la clé de répartition entre l’État et les autres affectataires de la TVA. Cependant, cette clé de répartition est comptable et n’explique donc pas les raisons pour lesquelles les recettes de TVA sont inférieures aux prévisions.

Face aux baisses de recettes que nous assumons, faut-il compenser par d’autres impôts que par des transferts de TVA ? Ces transferts de TVA doivent-ils être encadrés, à travers l’élargissement de la norme de dépense aux transferts de TVA, que la Cour des comptes a déjà recommandé ?

Considérez-vous que la charge d’intérêt associée au programme de stabilité serait cohérente avec l’évolution du volume des taux auxquels nous empruntons ? Est-elle un peu trop optimiste ?

Enfin, comment expliquez-vous la diminution des recettes liées à l’IS ?

M. Pierre Moscovici. Le Haut Conseil n’a pas évoqué l’insincérité ; le Gouvernement n’a pas la volonté de tromper les Français. Si nous avions pensé que tel était le cas, nous l’aurions dit.

En revanche, cette fois-ci, nous avons été un peu plus loin que dans nos avis précédents, puisque nous évoquons la question d’un manque de cohérence : nous estimons que le raisonnement et les résultats doivent être améliorés, ce qui exige d’effectuer un certain nombre de choix. Il ne nous revient pas de débattre pour savoir si un PLFR est nécessaire ; simplement, nous portons une appréciation sur ce que nous voyons. Dans ce cadre, il nous semble que quelques réflexions articulant la macroéconomie et les finances publiques peuvent être conduites utilement.

S’agissant de la baisse des recettes, le Conseil des prélèvements obligatoires avait effectivement produit un rapport sur la TVA proposant de limiter les transferts de cet impôt. Ce rapport demeure d’actualité. Nous avions en effet constaté que la part affectée à l’État était désormais trop peu importante.

Si nous n’avons pas formulé d’observations particulières sur les charges d’intérêts, nous avons noté que la charge de la dette continuait de croître. Or quand celle-ci est trop importante, notre marge de manœuvre pour faire face à des aléas ou pour investir devient extrêmement réduite. Vivre avec une charge de la dette de 73 milliards d’euros à 85 milliards d’euros selon les hypothèses est un cauchemar dont il faut absolument prémunir la France. Il faut donc infléchir la courbe.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous faisons face à la fois à une dérive et à un problème. La dérive concerne l’illisibilité de l’action publique et de l’analyse des comptes publics pour nos concitoyens. Il existe un grand écart entre d’une part, la gravité des faits et de la situation que vous exposez et, d’autre part, l’absence de décisions que vous justifiez pour des raisons méthodologiques, qui peuvent s’expliquer mais qui sont incompréhensibles et intolérables pour les Français.

Nous sommes dans une impasse où, à force de se déresponsabiliser en multipliant les commissions et les hauts conseils, le Parlement et le Gouvernement vous placent dans une situation où vous ne voulez pas rentrer en politique, alors qu’il vous est demandé de le faire. Aujourd’hui, quelle est la situation réelle pour les Français et les Françaises ? D’une part, il leur est précisé que le déficit public explose et, d’autre part, on leur indique que ceci intervient en raison de nouvelles méthodes comptables incompréhensibles. Cela crée une confusion encore pire pour les contribuables, pour les entreprises, pour ceux qui cherchent à comprendre la situation.

Les députés doivent cesser de perdre leur temps sur des considérations technocratiques dont personne ne comprend rien, pour prendre leurs responsabilités. Un débat est nécessaire devant le Parlement, parce que les Français ont besoin de visibilité. Il faut que le Gouvernement présente des perspectives crédibles. J’invite toutes les oppositions à se réunir, à déposer une motion de censure et à refuser toutes les lois qui nous seront proposées. Cela suffit.

M. Pierre Moscovici. Monsieur le député, vous faites de la politique ; je n’en fais plus et je n’ai pas à en faire. La Cour des comptes joue un rôle précis, établi dans notre Constitution. Le Haut Conseil des finances publiques a quant à lui vu ses fonctions établies par une loi organique. J’espère que les éléments que nous apportons aujourd’hui sont au contraire des éléments très précis qui, s’ils sont forcément techniques, ne sont pas technocratiques. J’ai en outre la faiblesse de penser qu’il faudrait plutôt remercier les auteurs – compétents et de bonne volonté – de ces rapports et avis, et de soixante-et-une notes d’exécution budgétaire accompagnant le rapport sur l’exécution budgétaire. La lecture de ces documents apporte une meilleure lisibilité. Ensuite, il ne nous revient pas de préconiser des décisions, ni a fortiori de les prendre. En démocratie, chaque institution est à sa place. Nous sommes à la nôtre, complètement.

Mme Véronique Louwagie (LR). En règle générale, le HCFP et la Cour des comptes utilisent toujours un ton policé. Or, dans le cas présent, ce budget de l’État constitue un moment de vérité, à charge pour le Gouvernement. La Cour des comptes relève que 2023 est une année grise, voire noire.

Sur le fond et la forme, vous indiquez un certain nombre de correctifs qui devraient intervenir. Vous évoquez par exemple le changement de méthode critiquable concernant la présentation des dépenses fiscales liées à la TVA, qui vient amoindrir de manière artificielle leur montant dans le PLF 2024. Vous évoquez également les reports de crédits qui nuisent à la maîtrise de la dépense.

À la page 40 du rapport sur l’exécution du budget de l’État, vous indiquez que « La réactivation du pacte [de stabilité] début 2024 expose de nouveau la France aux procédures prévues en cas de non-respect des règles européennes (…) ». Pouvez-vous nous rappeler ces impacts ?

Plus loin, en page 105, vous indiquez que la direction du budget n’a pas été en mesure de communiquer à la Cour un chiffrage du tendanciel de la dépense pour 2023, faute d’une formalisation entre la direction du budget et ses interlocuteurs ministériels. Avez-vous pu obtenir un tel tendanciel pour 2024 ? /

En page 112, vous évoquez un risque de dépassement qui existait en septembre 2023, de 23 milliards d’euros, alors que le décret d’annulation a été simplement de 5 milliards d’euros. Cela signifie-t-il que Gouvernement ne maîtrisait plus le process d’engagement des dépenses dans le cadre des crédits votés ?

Enfin, je souhaite vous poser plusieurs questions sur le programme de stabilité. Selon mes calculs, le niveau de dette correspondant à 112 % du PIB aboutit à un montant proche de 3 600 milliards d’euros en 2027. Est-ce correct ? Ensuite, le niveau des prélèvements obligatoires augmente entre 2023 et 2027 de 0,6 point de PIB. Cela correspond-il à une pression fiscale supplémentaire de 20 milliards d’euros ? Enfin, les hypothèses de recettes d’impôt sur les sociétés avaient été envisagées de manière très optimiste à la fin 2023. Cela aura-t-il une incidence sur 2024, étant entendu que le Gouvernement a retenu les mêmes hypothèses ?

M. Pierre Moscovici. Je ne pense pas que nous ayons changé de ton. Simplement, nous constatons une exécution plus foncée que prévu en 2023 et en 2024 et un nouveau décalage dans la réduction des déficits, qui nous placent dans une situation extrêmement compliquée. Le Haut Conseil le dit, en soulignant non une insincérité mais une forme de manque de cohérence.

Pour le reste, je ne dispose pas avec moi à New York des chiffrages que vous évoquez. Je n’ai aucune raison de mettre en doute ce que vous dites et il est vraisemblable que les ordres de grandeur que vous évoquez sont corrects.

S’agissant des conséquences européennes, il ne me revient pas de vous répondre ; mais la Commission peut engager des procédures pour déficit excessif. Lorsqu’une telle procédure intervient, un pays est tenu de procéder à un ajustement structurel de 0,5 point de PIB. Il est vraisemblable que, dans le cadre des nouvelles règles, un programme de réforme sera inscrit, en contrepartie d’un délai pour le mener à bien. Les possibilités de sanctions seront plus effectives que celles du pacte non révisé, mais aussi moins lourdes.

Enfin, nous avons effectivement indiqué l’absence de documentation suffisante sur les dépenses et le tendanciel. La direction du budget y travaille.

M. Emmanuel Mandon (Dem). Monsieur le président du Haut Conseil des finances publiques, votre tâche n’est jamais facile, tant elle se situe à la frontière de la décision politique et de l’appréciation technique. Face à des ressources en baisse, la croissance des dépenses, même limitée, n’est pas supportable, compte tenu notamment de la charge de la dette. Il est trop aisé de blâmer les corps administratifs ou les prévisionnistes. Cependant, ne pouvons-nous pas nous interroger sur les causes techniques de l’écart constaté et pourrions-nous en éviter le renouvellement ?

L’incertitude sur les faiblesses de l’évaluation affectera la réception par l’opinion publique de l’évidence comptable, la situation dégradée de nos finances publiques et donc l’acceptation des indispensables mesures d’économies. En effet, nous ne pouvons que nous inquiéter de l’écart de 0,6 point entre les dernières prévisions du déficit pour 2023 et le chiffre constaté lors de l’apurement des comptes.

Le groupe Démocrate souscrit à l’objectif de réduction de la dépense publique, à la condition que cette politique soit économiquement viable, mais elle sera d’autant plus efficace qu’elle sera comprise et acceptée par les Français. Quelles sont les conditions propres à faciliter la réalisation de cet objectif ? Pour 2024, vous estimez que la prévision de croissance établie par le Gouvernement, même si elle est optimiste, ne demeure pas hors d’atteinte. L’évolution annoncée des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) va-t-elle dans le sens de cet optimisme ?

Pour atteindre l’objectif de la baisse de 2,2 points de dépenses publiques en pourcentage du PIB, vous estimez nécessaire une gouvernance rigoureuse et collective associant l’État, les collectivités territoriales et les organismes sociaux. Pourriez-vous nous indiquer quelles seraient les conditions de sa mise en place et auriez-vous des exemples de bonnes pratiques de gouvernance à l’échelle européenne, dont notre pays pourrait s’inspirer utilement ?

M. Pierre Moscovici. Vous avez raison de souligner la marge d’erreur des prévisions, dans un sens ou dans un autre. Cependant, je suis toujours favorable à un principe de prudence en matière de prévisions. À ce titre, si la prévision de 1 % pour 2024 n’est pas hors d’atteinte, elle demeure néanmoins un peu élevée et au‑dessus du consensus.

S’agissant de la gouvernance, nous nous sommes contentés de mentionner que les conditions pour produire un effort d’économies massif de 27 milliards d’euros requièrent que l’État, les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale puissent travailler ensemble, de manière relativement consensuelle.

Enfin, la baisse des taux sera sans aucun doute favorable à la croissance, mais plutôt à partir de 2025, ce qui est pris en compte dans le programme de stabilité.

M. Philippe Brun (SOC). Certes, le budget n’est pas insincère, mais il n’est pas non plus sincère ; disons qu’il est non sincère. Dans l’avis relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité, le Haut Conseil indique que la prévision de croissance manque de cohérence, car « la mise en œuvre de l’ajustement structurel prévu pèsera nécessairement, au moins à court terme, sur l’activité économique, si bien que les prévisions de croissance élevées du Gouvernement pour la période couverte par la LPFP apparaissent peu cohérentes avec l’ampleur de cet ajustement. »

Je vois tout de même dans cette phrase une forme d’aporie : vous indiquez qu’il faudra encore plus réduire la dépense publique et les déficits, car la croissance sera plus faible parce que les dépenses publiques seront réduites. Reconnaissez-vous qu’un ajustement structurel trop brutal nuira définitivement à la croissance et donc, in fine, à notre objectif de réduction du déficit public ? Quel est le bon rythme de réduction du déficit ? Celui du Gouvernement n’est-il pas trop important ?

M. Pierre Moscovici. Monsieur le député, nous n’avons pas indiqué que le programme de stabilité était insincère, ni qu’il n’était non sincère. Le Haut Conseil a en revanche souligné le manque de crédibilité et de cohérence. Cela me paraît suffisamment net et clair.

Nous disons qu’il est extrêmement compliqué de passer d’un déficit de 5,1 points de PIB à 2,9 points de PIB, avec les hypothèses de croissance aujourd’hui sur la table, notamment pour 2026 et 2027. Soit ces hypothèses de croissance, qui demeurent élevées, sont maintenues, et alors le niveau de déficit final sera probablement plus élevé que celui qui est prévu. Soit cet effort massif est maintenu de manière stricte et dans ce cas, l’impact sur la croissance sera réel.

Vous me demandez ce qu’il est souhaitable de faire, mais il ne me revient pas de me prononcer sur cet aspect : nous ne faisons pas de politique. Or ces questions relèvent des décideurs politiques.

M. François Jolivet (HOR).  Vous indiquez que la baisse importante des dépenses publiques pourrait contrarier la croissance. Elles n’ont jamais été aussi élevées, mais la croissance n’est pourtant pas au rendez-vous. Comment pouvons‑nous sortir de ces injonctions paradoxales, même si je comprends bien que le déficit est financé aujourd’hui par la dette ?

Ma seconde question concerne la contribution sur la rente inframarginale, pour laquelle nous avons prévu 12,5 milliards de recettes et encaissé 600 millions d’euros. Vos équipes ont-elles travaillé sur ce sujet, qui ne cesse d’interroger le groupe Horizons et apparentés ?

Enfin, il nous faut sans doute retrouver une dynamique des recettes de l’État et vous avez abordé très justement la question du partage de la TVA. Selon vous, quelle serait la première réforme structurelle de l’État à réaliser pour retrouver le « droit » à l’équilibre ?

M. Pierre Moscovici. Nous constatons en effet que les recettes fiscales ont nettement diminué en 2023 et que le rendement de tous les grands impôts est en baisse, signe du désarmement des recettes fiscales. Cela explique la sensibilité croissante des recettes fiscales à l’évolution de l’impôt sur les sociétés qui, du fait de la mécanique d’acompte et de solde, subit le contrecoup des encaissements élevés de 2022. Il demeure toutefois qu’une partie des écarts entre les prévisions de recettes fiscales et les montants réellement encaissés est difficilement prévisible. C’est notamment le cas des ajustements à la baisse des acomptes de l’IS en fin d’année, difficiles à anticiper, car ils relèvent à la fois du choix des entreprises et de leurs résultats.

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin dernier, la Cour a souligné la nécessité d’une approche extrêmement méthodique, pluraliste et durable, qui associe tous les acteurs et qui passe en revue toutes les dépenses publiques pour privilégier celles qui favorisent effectivement la croissance. Il convient ainsi de développer plutôt une telle approche holistique.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES).  Monsieur le Premier président, vous vous interrogez, comme nous, sur le faible rendement de la contribution sur la rente intramarginale et vous ne vous satisfaites pas de la réponse du Gouvernement concernant la question du prix de l’énergie. Malgré les experts qui vous entourent, vous n’avez peut-être pas réussi à comprendre pourquoi la somme finale s’élève à 600 millions d’euros, quand 12 milliards d’euros étaient attendus. Disposez-vous d’éléments permettant de comprendre le faible rendement de cette taxe ? Nous l’avions déjà souligné auprès de Bruno Le Maire, quand celui-ci nous indiquait que les superprofits n’existaient pas.

Vous précisez que la prévision du Gouvernement suppose la mise en œuvre de mesures budgétaires supplémentaires qui, si elles étaient intégralement réalisées, pèseraient sur la croissance en cours d’année. Pouvez-vous nous éclairer davantage sur les mesures budgétaires supplémentaires que vous évoquez, en particulier en lien avec le pacte vert et la transition écologique ?

M. Pierre Moscovici. Il me semble que ces questions devraient plutôt être posées au ministre chargé des comptes publics que vous allez auditionner dans quelques minutes. S’agissant de la Crim, je rappelle que l’État a inscrit dans la LFI 2023 un produit de 12,3 milliards d’euros, abaissé lors du programme de stabilité à 5,5 milliards d’euros et à 2,78 milliards d’euros en loi de finances fin de gestion. Effectivement, le produit réellement constaté s’est élevé à 625 millions d’euros. Pour l’heure, l’administration n’a pas été en mesure d’expliquer de manière satisfaisante ce qui s’est passé. En réponse aux observations provisoires de la Cour, les trois directions de Bercy concernées ont à nouveau imputé cet écart à la seule baisse rapide des prix de l’électricité, au premier semestre 2023. Il reste à savoir si cela est bien le cas et si cela était imprévisible.

Les mesures à prendre relèvent plus du ressort du Gouvernement que du mien. Simplement, le Haut Conseil, dans son avis, indique que la documentation est très lacunaire. À ce stade, l’information n’est pas de nature à me permettre de vous répondre de manière précise.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Je partage l’avis de ma collègue Véronique Louwagie : les mots employés par la Cour et le HCFP sont bien plus sévères que d’habitude. La situation actuelle est liée à la déconnexion du budget actuel, mais nous payons également la multiplication des recours à l’article 49.3 de la Constitution. 

Entre 2019 et 2023, il n’y a pas eu une dérive des dépenses, mais bien une attrition des recettes. Quand la dépense publique baisse de 20 milliards d’euros, peut-on considérer que l’on diminue la croissance de 0,4 point de PIB ? Ensuite, faut-il abandonner la suppression de la CVAE pour permettre au moins cette rentrée fiscale auprès des collectivités territoriales ?

En plus de cette impéritie budgétaire, nous assistons à une explosion des patrimoines des plus aisés. Est-il possible d’instituer au niveau européen un impôt sur la fortune « vert » pour financer la transition écologique ?

Enfin, vous ne parlez pas d’insincérité budgétaire, mais il est loisible de parler d’incompétence. Qu’en pensez-vous ?

M. Pierre Moscovici. Encore une fois, je suis attaché à la sémantique, condition de notre propre crédibilité. Je ne sais pas si les avis sont plus sévères que d’habitude, mais je sais en revanche que la situation est plus préoccupante que d’habitude. Nous avons donc essayé de la qualifier de manière juste, appropriée, ni plus, ni moins.

S’agissant des questions d’imposition, les derniers mots de nos avis invitent à réfléchir aux baisses d’impôts qui sont prévues, soit en les remettant en cause, soit en envisageant des économies correspondantes.

Le chiffre de 0,4 point de PIB est établi en effet par l’OFCE, qui tient également compte d’un certain montant d’économies. Pour pouvoir apporter un éclairage à ce sujet, il faudrait pouvoir connaître précisément la trajectoire des économies. En toute hypothèse, les économies massives de dépenses entraînent des conséquences sur les recettes ou sur les prévisions de croissance, qui ont elles-mêmes un impact sur les prévisions de recettes et exigent donc à leur tour des économies encore plus fortes.

Enfin, il y a effectivement eu une dérive des dépenses entre 2019 et 2022, de l’ordre de 100 milliards d’euros supplémentaires. En 2023, le reflux des dépenses exceptionnelles liées à l’urgence sanitaire et à la relance s’est élevé à 28 milliards d’euros, mais parallèlement, la hausse des autres dépenses s’est élevée à 29,4 milliards d’euros.

M. Michel Castellani (LIOT). Il est écrit dans le programme de stabilité que, selon l’indicateur S2 de soutenabilité de long terme, la stabilisation de la dette ne serait pas assurée si le solde primaire était maintenu au niveau actuel. Cet élément pose ipso facto la question de la relance de la croissance, laquelle est indispensable. Or je constate que, compte tenu du taux d’épargne des ménages, la consommation des ménages ne permettra pas d’accélérer la croissance. Le commerce extérieur n’offre pas non plus un soutien à la croissance. Dans ces conditions, comment la soutenir durablement ?

M. Pierre Moscovici. Votre question permet effectivement d’évoquer un débat essentiel. En effet, quand nous soulignons un manque de cohérence, nous appelons aussi à dire la vérité et à effectuer des choix. À ce titre, l’enjeu consiste à savoir comment rendre compatible une prévision de croissance élevée avec un effort d’économies massif, qui aboutit à une pente extrêmement forte de la diminution des déficits. Telle est la question que nous avons voulu soulever dans cet avis.

En effet, les prévisions de croissance sont plus raisonnables pour 2023, 2024 et 2025. Mais ensuite, pour 2026 et 2027, elles redeviennent élevées, à 1,7 % et 1,8 %, ce qui suppose par exemple, une relance massive du commerce extérieur.

Enfin, comme vous l’avez souligné, les prévisions font état d’un taux d’épargne des ménages historiquement haut. Sa réduction n’est pas absolument impossible, mais demeure contraire à tous les comportements qui ont été observés ces derniers temps. La question est donc la suivante : de quelle manière ces prévisions de croissance, déjà élevées en elles-mêmes, seraient-elles affectées par des économies de dépenses massives ?

M. le président Éric Coquerel. Monsieur le Premier président, même si vous récusez le fait que la sincérité puisse être mise en cause, j’observe que dans le rapport de la Cour des comptes sur l’exécution du budget de l’État, il y a une interrogation de ce type, d’une part sur les reports de crédits en page 139 et d’autre part sur la contribution sur la rente inframarginale en page 75.

M. Pierre Cordier (LR). Je vous remercie pour les explications que vous nous avez données et pour le travail réalisé, que nous avons regardé avec une grande attention. Ces derniers temps, le Gouvernement a particulièrement pointé du doigt les collectivités territoriales, à qui il sera demandé dans les prochains mois un effort significatif, apparemment à hauteur de 2,5 milliards d’euros. Cependant, les collectivités territoriales ne gèrent heureusement pas leur budget de la même manière que l’État s’occupe du sien.

Les passages de votre rapport sur la médiocrité de la politique budgétaire du Gouvernement me rappellent les leçons infligées au groupe LR depuis 2017 par M. Le Maire et ses différents ministres du budget. À la lumière dont le budget de la France est aujourd’hui géré, permettez-moi de m’interroger sur ces leçons, qui résonnent comme un constat d’échec de la politique du « en même temps ».

M. Pierre Moscovici. Je vous donne rendez-vous à la fin du mois de juin, lorsque nous réaliserons notre propre revue de dépenses sur le financement des collectivités territoriales. Par ailleurs, je participe ès qualité, en tant que Premier président de la Cour des comptes, au Haut Conseil des finances publiques locales qui, je l’espère, parviendra à réaliser un travail utile et consensuel.

M. Fabien Di Filippo (LR). Nous faisons face à des enjeux colossaux et les changements de prévisions du Gouvernement, qui ne vous semblent pas cohérents selon vos propres mots, nous interpellent.

En début d’année, nous avons entendu parler de 10 milliards d’euros d’économies pour 2024 et 20 milliards d’euros pour 2025. Quel montant d’économies faudrait-il réaliser pour stabiliser la charge de la dette ?

Emmanuel Macron nous indique qu’il n’existe pas en France de problème de dépenses excessives. Dans ce cas, quel devrait être le montant de la hausse des recettes – c’est-à-dire les taxes et les impôts – pour continuer à soutenir cette trajectoire ?

Enfin, quels garde-fous pourrions-nous placer, notamment dans un contexte de majorité relative, lorsque les prévisions sont manifestement trop optimistes, en dehors de tout consensus politique et économique ?

M. Pierre Moscovici. Vos deux premières questions me paraissent très clairement s’adresser davantage au Gouvernement qu’au Premier président de la Cour des comptes et au président du HCFP. Ensuite, je ne sais pas s’il faut parler de garde-fous, mais il faut peut-être écouter davantage le Haut Conseil des finances publiques. Je me permets de rappeler la proposition consistant à faire en sorte que le Haut Conseil puisse continuer à être saisi annuellement par le Gouvernement sur le suivi des programmes de réforme. Ce regard extérieur me semble en effet utile, lucide et pluraliste. Je souhaite donc que la compétence du Haut Conseil soit adaptée au nouveau cadre communautaire.

M. Philippe Juvin (LR). Monsieur le président, vous avez souligné un manque de cohérence. Estimez-vous donc qu’il existe une incohérence ?

M. Pierre Moscovici. Encore une fois, nous pensons que le bouclage tel qu’il est établi est extrêmement difficile à réaliser. Il repose sur des hypothèses qui doivent être mises en harmonie interne. Nous suggérons certaines voies pour y parvenir. Je le redis, le Haut Conseil parle bien d’un manque de cohérence. Et lorsque l’on manque de cohérence, il convient effectivement de la rétablir.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Vos mots sont précis et bien pesés, nous devons en prendre acte, en tant que responsables politiques. Je suis quand même étonné que nous ne disposions pas d’outils plus précis pour expliquer le décrochage des recettes. La Cour des comptes pourrait-elle fournir une méthode permettant d’obtenir des informations plus fiables ? Un PLFR offrirait à ce titre l’opportunité de disposer de données plus précises sur l’année 2024.

Pouvons-nous estimer que les recettes sont « à l’os » ? Serait-il possible d’obtenir une aide de la Cour des comptes pour calibrer des recettes qui ne limiteraient pas la croissance, puisque l’on a l’habitude de dire que « trop d’impôt tue l’impôt » ? Existe-t-il des pistes pour rendre les recettes acceptables ?

M. Pierre Moscovici. In fine, toute méthode pour bien évaluer les recettes reposera toujours sur les données de l’administration. À ce titre, je pense qu’il est préférable de l’interroger.

En matière de recettes, nous disposons effectivement de quelques idées, que vous connaissez, puisque nous avons tenu ici même un débat sur le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité du logement. Au-delà, il existe une série de travaux assez intéressants et pour ma part, je n’ai jamais considéré que la fiscalité constituait un débat tabou : quand on ne peut plus parler de fiscalité dans un pays, cela signifie que le débat politique n’existe plus. Or le débat politique sur la fiscalité est au cœur de l’histoire de notre République. Ce débat relève de votre noble tâche, que j’ai jadis partagée.

 


II.   audition de M. Thomas Cazenave, ministre dÉLÉGUÉ chargÉ des comptes publics, sur le programme de stabilitÉ 2024-2027 valant rapport sur l’Évolution de l’Économie nationale et sur les orientations des finances publiques, et le projet de loi relative aux rÉsultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’annÉe 2023 (n° 2520)

Au cours de sa séance du 17 avril après-midi, la commission a procédé à l’audition de M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le programme de stabilité présenté aux institutions européennes et le rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques, et le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (n° 2520).

M. le président Éric Coquerel. Je remercie M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics, d’avoir répondu à la traditionnelle invitation de notre commission à venir présenter le programme de stabilité, qui a été délibéré ce matin en Conseil des ministres, le rapport sur les orientations des finances publiques ainsi que le projet de loi de règlement du budget pour 2023 – plus exactement, d’après le nouvel intitulé retenu par la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023, même si je déconseille à quiconque d’utiliser cet intitulé devant les médias !

Après cette audition, la séquence relative à l’évocation des orientations et de la programmation des finances publiques se poursuivra avec un débat en séance publique, le lundi 29 avril après-midi, comme le permet l’article 1er K de la Lolf. Il nous semblait important d’évoquer ces sujets en commission des finances avec le ministre pour préparer au mieux ce débat.

Le programme de stabilité est l’occasion d’évoquer les objectifs et les hypothèses retenus par le Gouvernement pour élaborer une stratégie budgétaire jusqu’en 2027. Monsieur le ministre nous vous écoutons.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics. Vous l’avez dit, monsieur le président, cette audition a pour objectif de vous présenter le projet de loi d’approbation des comptes pour 2023 et l’actualisation de notre trajectoire macroéconomique et de finances publiques dans le cadre du programme de stabilité.

Dans un premier temps, je reviendrai sur l’année 2023, dont les comptes traduisent d’abord une chose : nos dépenses ont été tenues.

S’agissant de l’État et des opérateurs, nous avons moins dépensé que prévu – et ce, à hauteur de 7 milliards d’euros. Ce résultat a été obtenu grâce aux mesures de pilotage engagées : nous avons augmenté la mise en réserve dès mai 2023 et pris un décret d’annulation de 5 milliards d’euros en crédits de paiement en septembre 2023 ; nous avons présenté une loi de finances de fin de gestion portant des annulations nettes dans le périmètre des dépenses de l’État ; nous avons renforcé le suivi de l’exécution des dépenses en fin de gestion, ce qui nous a permis d’aboutir à une exécution significativement inférieure à ce qui avait été indiqué dans la loi de finances de fin de gestion.

S’agissant des emplois, les recrutements de l’État sont conformes au budget adopté.

Au-delà de l’État, la trajectoire de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) a été respectée. Les mesures de régulation ont permis de compenser les aides en trésorerie accordées aux hôpitaux au titre de l’inflation et le dépassement des dépenses de soins de ville. Les dépenses de santé liées à la crise sanitaire ont été significativement réduites, passant de près de 12 milliards d’euros en 2022 à 1 milliard d’euros en 2023.

S’agissant des collectivités locales, leurs dépenses de fonctionnement ont été dynamiques. Alors que la loi de programmation des finances publiques fixait une hausse des dépenses égale à celle de l’inflation, nous constatons qu’elles ont augmenté plus fortement, avec 5,9 %, alors que l’inflation hors tabac s’est élevée à 4,8 %.

Si les dépenses ont été globalement tenues, nous avons fait face à un ralentissement économique à l’échelle européenne et mondiale et à des difficultés conjoncturelles qui ont pesé lourdement sur nos finances publiques fin 2023, en particulier sur nos recettes. Au total, nous constatons 21 milliards d’euros de recettes en moins par rapport à ce que nous anticipions lors des débats au Parlement, en octobre et en novembre. Cet écart se décompose ainsi : 4,4 milliards pour l’impôt sur les sociétés, 4,3 milliards pour la TVA, 2,7 milliards pour la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (Crim), 200 millions pour les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), 1,4 milliard pour l’impôt sur le revenu (IR), 4,8 milliards pour les cotisations sociales et 1,4 milliard pour les prélèvements sociaux sur l’activité.

Certains nous reprochent de ne pas avoir pris en compte ce retournement lors de l’examen des textes financiers à l’automne. En décembre, les administrations de Bercy ont fait état d’un risque de déficit plus élevé que ce que nous attendions tout en alertant sur le risque de communiquer sur un tel chiffre eu égard aux nombreuses incertitudes qui l’entouraient. À cette date, la loi de finances de fin de gestion pour 2023 était promulguée depuis une semaine et ne pouvait donc pas être modifiée.

De tels écarts avec les prévisions de recettes ont déjà eu lieu. Je citerai deux exemples : en 2013, la chute des recettes avait entraîné un écart entre l’objectif du projet de loi de finances et le déficit constaté de 1,3 point de PIB, soit 25 milliards d’euros et, en 2011, l’État avait vu ses recettes baisser, notamment de 700 millions pour l’impôt sur le revenu et de près de 6 milliards pour l’impôt sur les sociétés (IS).

Cette année, par ailleurs, un changement de méthode appliqué par l’Insee a modifié le périmètre des administrations publiques, ce qui a conduit à dégrader le déficit public de près de 4 milliards d’euros.

Vous venez d’auditionner M. Pierre Moscovici. Je rappelle que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) estimait lui-même cet automne que la prévision de déficit de 4,9 % était « vraisemblable au vu notamment des informations disponibles » et que nos prévisions de recettes étaient « plausibles ».

En résumé, l’exercice 2023 a été marqué par des dépenses globalement maîtrisées, mais par de moindres recettes dans une conjoncture difficile, comme l’a souligné le Haut Conseil des finances publiques dans son avis du 15 avril 2024. C’est d’ailleurs dans ce contexte que nous ajustons notre trajectoire de finances publiques dans le cadre du programme de stabilité.

Face à cette conjoncture plus difficile, Bruno Le Maire a révisé notre prévision de croissance à 1 % pour 2024, en cohérence avec ce qu’ont fait nos voisins européens, et nous avons pris un décret d’annulation de 10 milliards d’euros – j’y reviendrai. Malgré la révision de notre croissance en 2024, ses fondamentaux restent solides, soutenus par les réformes structurelles et les investissements engagés depuis 2017 et, de façon plus conjoncturelle, par l’accélération de la consommation des ménages permise par la baisse de l’inflation et la baisse de leur taux d’épargne. Le 11 avril, la Banque de France a conforté cette prévision en constatant une hausse de 0,2 % du PIB au premier trimestre, ce qui n’est « pas incompatible avec une prévision de 1 % de croissance sur l’année ». La prévision gouvernementale de croissance, si elle est jugée optimiste, n’est pas hors d’atteinte d’après le dernier avis du Haut Conseil des finances publiques. Elle est d’ailleurs proche de celle de la Commission européenne, qui est de 0,9 %. Enfin, elle est conforme aux indicateurs conjoncturels. Le climat des affaires retrouve sa moyenne de long terme et la confiance des ménages se redresse. La trajectoire que nous présentons dans ce programme de stabilité s’inscrit donc dans un contexte de croissance préservée.

La boussole du retour sous la barre des 3 % de déficit à horizon 2027 guide notre action. Pour atteindre cet objectif, nous réajustons notre trajectoire avec une première marche crédible qui tient compte de l’exécution de 2023 et de la révision de la croissance de 2024 : l’objectif est de ramener le déficit de 5,5 % à 5,1 % en 2024. La suite de la trajectoire est également modifiée : 2,9 % en 2027, après 3,6 % en 2026 et 4,1 % en 2025.

On ne change pas une politique économique qui a fait ses preuves. Nous continuons de mener une politique de soutien à la croissance, à la création d’emplois et à l’activité partout sur notre territoire. Depuis 2017, 2,4 millions d’emplois ont été créés. Le taux de chômage est au plus bas depuis quarante ans et la réindustrialisation permet à notre pays d’être l’une des locomotives de la croissance européenne.

Pour tenir notre objectif pour 2024, je rappelle l’effort déjà consenti dans le cadre du décret de février 2024 qui a annulé 10 milliards d’euros de crédits dans l’ensemble du budget de l’État. Ce décret a conduit à des mesures d’économie et à des reprogrammations dans tous les ministères. Nous avons notamment réduit les dépenses de fonctionnement de l’État et des opérateurs. Ce décret concrétise la poursuite de nos efforts vers un État plus sobre – des efforts qui nous ont déjà conduits à réduire de 150 millions d’euros la facture énergétique de l’État, à céder pour 280 millions d’euros de biens immobiliers et à diviser par trois en deux ans les dépenses de conseil. Nous avons aussi reporté certains investissements immobiliers ou informatiques non encore lancés. Nous avons réduit nos dépenses d’aide publique au développement. Nous avons resserré le compte personnel de formation en mettant en place un ticket modérateur. Nous avons mobilisé la trésorerie des opérateurs dans tous les périmètres, notamment pour ceux relevant du ministère de l’économie et du ministère de la culture. Ces mesures rapides et ciblées visent à ajuster le niveau de nos dépenses à celui de nos recettes.

Pour tenir l’objectif de 5,1 % en 2024, nous savons déjà qu’un effort supplémentaire estimé à 10 milliards d’euros sera nécessaire.

Pour l’État, une part importante de la réserve de précaution, qui représente plus de 7 milliards d’euros, ne sera pas utilisée. Les ministères devront tenir leur budget dans les crédits disponibles et nous allons piloter la gestion au mois le mois, dépense par dépense, pour le garantir. En cas d’alerte d’insoutenabilité, les seuils au delà desquels un visa de Bercy sera nécessaire pour engager la dépense seront réduits, pour un contrôle quasi systématique. Ces mesures de bonne gestion ne remettent en cause ni nos priorités ni les grands équilibres du budget pour 2024. Les dépenses vertes, ainsi que les budgets de la sécurité intérieure, des armées, de la justice, de l’éducation nationale et de la recherche, continuent de progresser.

La maîtrise de nos dépenses publiques est un effort partagé avec les collectivités territoriales. Avec Bruno Le Maire, Christophe Béchu et Dominique Faure, j’ai eu l’occasion de le redire devant le Haut Conseil des finances publiques locales (HCFPL). Conformément à la loi de programmation des finances publiques (LPFP), l’objectif pour la période 2024-2027 est de maintenir la progression des dépenses de fonctionnement légèrement en dessous – 0,5% – de l’inflation, soit 1,9 % d’augmentation au maximum en 2024. Cet objectif n’a pas varié depuis le débat et l’adoption de la loi de programmation des finances publiques en décembre. Pour l’atteindre, il faut se poser la question de l’efficacité de l’action publique, de l’enchevêtrement des responsabilités et de la façon de réduire le coût de notre action publique.

Je demeure convaincu que c’est par le dialogue que l’État et les collectivités territoriales parviendront ensemble à construire des solutions face à la dégradation de nos finances publiques. C’est pourquoi les instances de dialogue comme le Haut Conseil des finances publiques locales sont importantes. La réunion de ce Haut Conseil du 9 avril a permis d’évoquer de nouveaux thèmes de travail conjoint entre l’État et les associations d’élus.

Dans le champ social, nous poursuivrons nos efforts de maîtrise de la dépense afin de tenir la trajectoire prévue, notamment pour l’Ondam, et nous continuerons d’appliquer notre stratégie économique payante en poursuivant les réformes structurelles pour plus de travail, plus de croissance et plus de recettes.

Concernant les recettes, je l’ai dit et je le redis ici, nous n’envisageons pas de changer notre politique fiscale. Comme nous l’avons fait par le passé pour les énergéticiens, les sociétés d’autoroutes, les raffineurs de pétrole ou les laboratoires de biologie, des mesures seront prises en 2024 sur la base des travaux des parlementaires, comme l’a annoncé le Premier ministre. Je pense en particulier au rapporteur général Jean-René Cazeneuve, à Mme Nadia Hai, au président Jean-Paul Mattei et à M. François Jolivet, qui auront l’occasion de présenter leurs conclusions d’ici l’été. Nous nous sommes déjà engagés à travailler à la question des énergéticiens et des rachats d’actions.

J’en viens à l’année 2025. Nous pourrons compter sur une croissance solide, estimée à 1,4 %, grâce à la consommation des ménages et au rebond de l’investissement des entreprises et du commerce extérieur. Malgré cette croissance solide, un effort important restera à faire, prioritairement pour les dépenses, avec un objectif de déficit à 4,1 %. Pour y parvenir, nous devrons faire des économies dans tous les champs. Le travail est déjà engagé avec les revues de dépenses, qui doivent nous permettre d’identifier le plus finement possible nos marges de manœuvre. Ce travail, qui doit nous permettre de maintenir un haut niveau d’ambition en matière de réformes structurelles, est également engagé avec vous, parlementaires, grâce au dialogue que nous avons commencé à mener à l’Assemblée comme au Sénat.

Dans la période que nous traversons, je réaffirme la détermination du Gouvernement à maîtriser notre dépense, à tenir nos objectifs et à préparer l’avenir. Ce travail exigeant se fera avec vous, grâce au dialogue toujours sincère que j’ai à cœur de mener depuis neuf mois.

M. le président Éric Coquerel. Dans le rapport sur l’exécution du budget de l’État pour 2023, la Cour des comptes relève des reports massifs de crédits, à hauteur 18,7 milliards d’euros, suivis de mises en réserve et d’annulations de crédits en cours d’année, pour un montant significatif. La Cour évoque d’ailleurs un problème de sincérité de certaines prévisions de dépenses et relève également l’importance des reports à l’exercice 2024 de crédits non consommés en 2023.

Le Parlement n’est pas tenu informé en fin de gestion des prévisions de consommation des crédits reportés, ce qui ne nous permet pas d’avoir une appréciation non faussée de ce qui sera effectivement exécuté pour l’année qui s’achève. Dans ces conditions, monsieur le ministre, à défaut de promettre d’arrêter de pratiquer des reports de crédits massifs, seriez-vous prêt à vous engager à présenter au Parlement, lors de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion, un état des lieux de la consommation des crédits reportés de l’année précédente ? Cela nous permettrait de mieux apprécier la portée des ouvertures et des annulations de crédits proposées à cette occasion.

Par ailleurs, tout comme vous avez rectifié les estimations de croissance pour 2024, le programme de stabilité se démarque considérablement de la loi de programmation des finances publiques adoptée par l’usage de l’article 49.3 de la Constitution et qui, nous disait-on alors, devait absolument être votée pour que Bruxelles libère les crédits dus à la France. Nous avons été nombreux à remarquer que non seulement les choses ne se passaient pas ainsi, mais surtout qu’il était compliqué de voter une trajectoire largement contestable et contestée. Quelques mois après, votre programme de stabilité change les chiffres, que nous avions été nombreux à dénoncer en décembre : le déficit passe alors de 4,4 % à 5,1 % en 2024 et de 2,7 % à 2,9 % en 2027, sans parler des années intermédiaires.

Passons sur la sincérité des prévisions, même si la question mérite d’être posée. Si ces prévisions étaient sincères, ce serait presque pire ! En effet, que dire d’une politique incapable de prévoir et d’anticiper et qui accumule les erreurs ? Cela ne serait pas seulement une question d’incompétence mais, plus grave, une question d’erreur de politique. Votre politique économique et financière est vouée à être remise en question quelques mois après, parce qu’elle ne correspond ni aux besoins des Français ni à la conjoncture économique. Les erreurs s’accumulant, vous êtes obligés de constater les échecs de votre politique.

Le Haut Conseil des finances publiques a relevé que les estimations d’une trajectoire de déficit passant de 5,1 % en 2024 à 2,9 % en 2027 sont peu crédibles. Il note qu’un tel effort n’a jamais été fait par le passé et que sa documentation reste lacunaire à ce stade. J’utiliserai une image un peu différente de celle de Pierre Moscovici : vous nous promettiez de descendre un rapide, mais c’est devenu les chutes du Niagara ! Or, pour des raisons tant économiques que politiques et en raison de l’incohérence dénoncée par le Haut Conseil, le premier effet d’une baisse des dépenses publiques est d’aggraver le caractère récessif de la politique menée. Les estimations de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) font état de – 0,2 point de PIB en 2024 et de – 0,6 point en 2025. Sans une baisse astronomique de nos dépenses publiques, dont notre économie ne pourrait se relever, les objectifs seront impossibles à tenir, sans parler des besoins des Français et des réformes structurelles qui représentent, d’après ce que nous avons compris de la part de membres du Gouvernement, une attaque sans précédent de la protection sociale.

Tout cela n’a pas de sens et ne tient pas ! Je pense que le programme de stabilité qui sera présenté à Bruxelles manquera autant de cohérence que la loi de programmation des finances publiques adoptée par 49.3 l’an dernier.

Vous affirmez que l’on n’a jamais créé autant d’emplois et que le chômage a baissé, mais l’Insee prévoit un taux de chômage à 8 % fin 2024. Nous verrons alors si vous attribuez cette hausse à votre politique ou à la conjoncture internationale. Si elle se confirme, je l’attribuerai pour ma part à votre politique. N’est-il pas urgent de changer complètement de logiciel ?

M. Draghi ne propose pas les mêmes recettes mais explique que les réponses apportées sont adaptées au monde d’hier. Il parle de décrochage de croissance de l’Europe par rapport aux autres blocs économiques. Ne pensez-vous pas qu’une politique qui joue sans arrêt sur la baisse de la dépense publique a un effet récessif, sans compter qu’elle ne répond pas aux besoins de la population et qu’elle est incapable d’investir suffisamment pour une véritable bifurcation écologique ? Les montants en faveur de cette bifurcation écologique continuent certes à augmenter, mais insuffisamment par rapport à ce que la plupart des économistes estiment nécessaire. Jean Pisani-Ferry, par exemple, estime qu’il faut 37 milliards d’euros de dépenses publiques en faveur de l’écologie. Ne croyez-vous pas qu’il est temps de changer de braquet ? Je sais que votre réponse sera négative, mais il faudrait d’une part mettre en place une politique de la demande dopée par des investissements écologiques au lieu d’une politique de l’offre et, d’autre part, rompre avec la politique de compétitivité qui vous a amené, depuis 2017, à offrir 50 milliards de cadeaux fiscaux chaque année. Par ailleurs, les aides publiques aux entreprises sans contrepartie, qui sont une sorte de dépense fiscale, ont explosé. Ne croyez-vous pas qu’il faut revenir sur cette politique, y compris si vous vous fixez comme objectif de baisser les déficits, car on ne voit pas ses effets sur l’emploi et car elle ne répond pas aux besoins des Français. En revanche, elle conduit à une accumulation des richesses dans les mains de quelques personnes, qui est, plus que la disparité entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches, inédite. Non seulement les cadeaux fiscaux pour les revenus du capital font exploser les inégalités, mais en plus ils privent l’État de recettes fiscales importantes.

Une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP) montre que les soixante-quinze plus fortunés de nos milliardaires rentiers et, pour aller vite, capitalistes, qui réalisent des gains à partir de leur patrimoine constitué des actions – c’est la définition même du capitalisme –, bénéficient d’un taux d’imposition de 26 % en moyenne pour l’ensemble de leurs revenus, personnels et professionnels. Pourtant, le taux d’imposition des 0,1 % les plus riches est de 48 %. La différence entre les deux représente pour l’État une perte de 18 milliards. Ce n’est qu’un exemple de cet argent qui, depuis des années, part vers le CAC40 pour être dilapidé en dividendes et qui ne rejaillit donc pas dans l’économie et manque cruellement aux recettes de l’État.

Le chef de l’État explique que nous avons un problème de recettes et pas de dépenses. Comment dès lors récupérer ces recettes ? Vous avez missionné plusieurs membres de la majorité pour présenter, en juin, des propositions dans ce sens, notamment en matière de rente. Il serait plus démocratique et plus nécessaire, compte tenu des modifications budgétaires – 10 milliards d’euros d’annulations de crédits et 10 milliards d’euros supplémentaires annoncés pour 2024 – de présenter un projet de loi de finances rectificative qui permettrait enfin le débat dans cette assemblée. Nous pourrions ainsi présenter à nouveau la proposition – votée par la majorité de notre commission, notamment avec le Modem –, de taxer les superprofits, taxe qui rapporterait 15 milliards d’euros à l’État. Je vous fais grâce des suppressions de niches ou d’aides aux entreprises sans condition, qui pourraient aisément rapporter plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Je vous demande solennellement de ne pas compter sur un projet de loi de finances de fin de gestion pour revoir le budget, qui est exécuté de manière totalement différente par rapport à ce qui a été adopté fin décembre : présentez plutôt un projet de loi de finances rectificative (PLFR). Faute d’un PLFR, le groupe auquel j’appartiens a indiqué qu’une motion de censure serait déposée, car le débat et le vote du budget sont fondamentaux pour l’Assemblée nationale.

M. Thomas Cazenave, ministre. Entre 2023 et 2024, les reports se sont élevés à 23,5 milliards d’euros. Ce montant est en baisse puisqu’il était de 29 milliards en 2022, mais il reste élevé, notamment en raison des effets latents de la crise : sur les 23,5 milliards d’euros de reports, 6 milliards concernent le plan de relance et 1 milliard concerne les entreprises énergo-intensives. Nous nous sommes donc engagés à poursuivre leur réduction.

Il n’est pas possible de suivre à l’euro près les montants des reports de 2023 vers 2024 car, une fois reportés, les crédits se fondent dans la masse – les crédits ouverts n’ont pas de millésime. Depuis l’application de la loi organique, les crédits budgétaires sont fongibles au sein d’un programme. Toutefois, pour la première fois en 2023, une annexe au projet de loi de finances de fin de gestion présente, pour chaque mission du budget, les crédits qui ont été engagés et ceux qui ne l’ont pas encore été.

Il est normal de réviser le programme de stabilité pour tenir compte du nouveau contexte économique. Si nous étions les seuls à le vivre, votre argument serait recevable mais, à quelques jours près, l’Allemagne a elle aussi revu sa croissance – de 1,3 % à 0,2 %. Les Britanniques sont entrés en récession et la Commission européenne a revu les prévisions de croissance de notre pays. Les Européens sont donc collectivement touchés par un ralentissement économique, qui n’est pas sans lien avec la guerre en Ukraine et avec les difficultés de la Chine. Notre responsabilité est bien de revoir notre trajectoire eu égard à cette nouvelle donne économique.

Vous nous demandez de prendre acte de l’échec de notre politique alors qu’elle a permis de briser le chômage de masse dans notre pays. Dans le combat contre le chômage de masse, beaucoup se sont cassé les dents alors que nous avons ramené le chômage à 7,5 % et créé 2,5 millions d’emplois. Nous rouvrons des usines. Notre politique économique, dont l’objectif ultime est plus de travail, de croissance et d’activité, produit des résultats. Notre déficit reste élevé, mais, au moment où nous protégions massivement les entreprises, les emplois, les associations et les collectivités territoriales, je n’ai pas entendu les groupes d’opposition dire : « Stop, vous protégez trop ! ». Nous avons bien fait de protéger le tissu économique : notre modèle résiste bien avec 1 % de croissance en France contre 0,2 % en Allemagne.

Quant aux prévisions de croissance, celle du Gouvernement – 1 % en 2024 – est proche de celle de la Commission européenne, de 0,9 %, et de celle de la Banque de France, de 0,8 % avec, selon le gouverneur, une marge d’erreur de 0,2 point. En décembre 2022, la Banque de France prévoyait 0,3 % pour 2023, avant de revoir cette prévision à 0,6 % en mars 2023, à 0,7 % en juin et à 0,9 % en septembre. Il n’est donc pas anormal de revoir les prévisions de croissance. La nôtre est robuste et en lien avec notre politique économique.

Vous évoquez les interrogations du Haut Conseil des finances publiques et estimez que l’effort que nous prévoyons est peu crédible. Vous soulignez qu’un tel effort n’a jamais été réalisé mais je rappelle qu’un décret d’annulation de 10 milliards d’euros n’avait jamais été pris. Je ne vois pas pourquoi nous ne parviendrions pas à faire cet effort. Il y a encore quelques mois, certains d’entre vous auraient considéré que nous ne serions pas capables d’annuler 10 milliards. Nous l’avons pourtant fait ! Nous avons immédiatement ajusté nos dépenses à nos recettes et nous sommes engagés sur cette voie pour 2025 et au delà. Je vous invite à participer à cette réflexion et à nous présenter des propositions pour atteindre cet objectif de réduction du déficit public et de réalisation d’économies.

Selon vous, ces économies risquent de remettre en question nos services publics et de casser la croissance. Je rappelle d’abord que, entre 2019 – avant la crise – et 2023, les dépenses de l’État ont augmenté de 100 milliards d’euros pour faire face à la crise. Il est donc normal de réajuster une partie de nos crédits au monde d’après la crise. Je rappelle ensuite que les dépenses publiques représentent 1 600 milliards d’euros. Un décret d’annulation de 10 milliards et une poursuite de l’effort à hauteur de 10 milliards cette année ne remettent donc pas en cause notre modèle. Nous sommes très loin d’une cure d’austérité.

Vous nous reprochez de ne pas en faire assez pour la transition écologique et vous citez le rapport de Jean Pisani-Ferry, qui évalue la part publique des dépenses pour la transition écologique à une trentaine de milliards d’euros. Il faut toutefois aussi tenir compte de l’investissement des collectivités territoriales. Depuis 2021, nos dépenses vertes augmentent chaque année, et, même après le décret d’annulation, le budget 2024 est le plus vert de notre histoire.

De quels cadeaux fiscaux parlez-vous ? La baisse du barème de l’impôt sur le revenu dans les premières tranches n’était pas un cadeau aux ultrariches, mais à ceux qui travaillent. Cette revalorisation du barème de l’IR ne s’est pas accompagnée de la revalorisation de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.

Toujours concernant la justice fiscale, je rappelle que la loi de finances contient des dispositions visant à mieux lutter contre l’évasion fiscale, notamment celles traduisant l’innovation du pilier 2 de la réforme de la fiscalité internationale qui crée un impôt minimal sur les sociétés – une réussite internationale. Tout le monde en rêvait, nous l’avons fait ! Ensuite, nous renforçons la lutte contre la fraude : ainsi que mon prédécesseur Gabriel Attal s’y était engagé, le nombre de contrôles fiscaux sur les plus fortunés a augmenté de 25 %. Avant d’augmenter les impôts, nous nous assurons que les impôts dus sont payés. C’est cela, la politique de lutte contre la fraude. Enfin, nous souhaitons qu’une initiative soit prise dans le cadre du G20 pour que certains, particulièrement fortunés et mobiles, qui échappent à l’impôt – ce qui me choque autant que vous – ne puissent plus le faire. Ce n’est pas un sujet de désaccord entre nous. La question est de savoir comment faire. Une réponse purement nationale n’est pas efficace. Il faut donc notamment, comme nous l’avons fait, améliorer l’échange de données entre États pour mieux lutter contre l’évasion fiscale, ce que Gabriel Zucman a salué. Je le répète : nous sommes favorables à une initiative internationale pour lutter contre l’évasion fiscale des contribuables les plus fortunés. Comme vous, nous sommes révoltés quand certains contribuables, notamment les plus fortunés, échappent à l’impôt. Le Président de la République et Bruno Le Maire ont pris un engagement en la matière et nous souhaitons voir aboutir ces échanges dans le cadre du G20.

Je rappelle que les parlementaires de la majorité travaillent sur différentes questions fiscales : les rentes, l’encadrement des rachats d’actions – auquel le Gouvernement est favorable – et les énergéticiens.

Je confirme qu’il y aura un projet de loi de finances fin de gestion, comme il y en a systématiquement pour permettre des ouvertures et des annulations de crédits. C’est une souplesse indispensable.

Par ailleurs, les 10 milliards d’euros d’efforts supplémentaires pour atteindre l’objectif de 5,1 % ne nécessitent pas de PLFR. L’effort attendu de l’État représente en effet environ 5 milliards d’euros et nous disposons de 7 milliards d’euros de crédits en réserve. Les réserves servent à faire face aux aléas, comme celui représenté par une croissance moins forte que prévu. Nous mobiliserons donc la réserve de précaution tout en continuant à réaffirmer que les finances publiques sont gérées en partage avec les collectivités territoriales et que l’augmentation des dépenses de fonctionnement doit ralentir. Nous consacrerons un débat aux recettes, prenant en compte les initiatives des parlementaires. En somme, nous n’avons pas besoin d’un texte.

M. le président Éric Coquerel. Une solution nationale est possible : la baisse des impôts sur les revenus du capital depuis 2017 le démontre.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je voudrais commencer par pousser un coup de gueule, si vous le permettez. La Cour des comptes est reconnue mondialement pour son indépendance. Elle publie des travaux de qualité et est souvent critique avec le Gouvernement. Depuis le début de l’audition de M. Pierre Moscovici par la commission il y a maintenant plus de deux heures, j’observe des tentatives – presque un acharnement indécent – pour faire dire à son Premier président ce qu’il n’a pas dit. Il n’a pas dit que les comptes étaient insincères et je voudrais rappeler à nos collègues socialistes que la Cour des comptes a déclaré des comptes insincères pour la dernière fois en 2017 et qu’il s’agissait du dernier budget d’un gouvernement socialiste.

J’observe également que certains rejouent le match s’agissant des prévisions. Le ministre a rappelé la difficulté de l’exercice pour 2023, mais notre majorité, avec une prévision de croissance à 0,9 %, avait raison. Chacun doit reconnaître avec modestie que l’environnement économique et géopolitique rend toute prévision particulièrement complexe. Il y a encore trois jours, le Fonds monétaire international (FMI) prévoyait 1 % de croissance pour la France. Il évoque désormais 0,7 %, après avoir révisé à la baisse la croissance en Europe. Nous ne pouvons pas changer nos prévisions à chaque fois qu’un organisme modifie les siennes ou pour reprendre in extenso les recommandations d’organismes extérieurs ! Nous devons retenir les hypothèses les plus justes possibles pour notre politique, qui doit avoir un impact sur notre croissance.

J’en viens à mes questions. La première concerne le changement de méthodologie de l’Insee, qui aurait des répercussions à hauteur de 0,15 point de PIB. Peut-on considérer que, sans cet ajustement, le déficit de 2023 aurait été plus proche de 5,3 % que de 5,5 % ?

Nos prévisions de croissance et de dépenses pour 2023 étaient justes. Les dépenses ont même été inférieures à ce qui était prévu. L’importante chute de nos recettes a pris tout le monde de court, y compris le Haut Conseil des finances publiques, qui trouvait crédible les prévisions associées au projet de loi de finances de fin de gestion dans son avis d’octobre 2023. Avec les équipes de Bercy – que je salue pour la qualité de leur travail – avez-vous lancé des analyses pour essayer de comprendre ce qu’il s’est passé ? Existe-t-il des moyens pour ne pas se laisser surprendre par un décrochage aussi important dans le futur ?

Concernant la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (Crim), l’écart entre les prévisions budgétaires successives et la réalité peut surprendre et choquer beaucoup de monde, nous les premiers. Les prix spot de l’électricité ont certes fortement évolué, et c’est tant mieux pour notre économie, mais une communication n’aurait-elle pas permis d’éviter cet imbroglio de fin d’année ? Nous travaillons à rectifier les défauts dans la manière de calculer la Crim. Avez-vous des pistes de votre côté ?

Malgré les caricatures qui décrivent une gestion hors contrôle des dépenses, il faut souligner le sérieux de l’exécution du budget de l’État. Vous avez apporté des réponses précises. La baisse en volume des dépenses de 4,8 % dans le champ du budget général a été portée par une forte diminution du budget de crise – nous sommes sortis du « quoi qu’il en coûte ». En dehors de ces effets, les dépenses ont augmenté de 0,4 % en valeur : elles sont donc contrôlées.

Le montant des crédits gelés et mis en réserve est deux fois plus élevé qu’en 2022. Je peux le comprendre s’agissant des crédits gelés, compte tenu du contexte. En revanche, je m’associe à l’esprit des propos du président de la commission : le niveau des reports à la fin 2023 n’est pas normal. Il fausse la lisibilité du budget et le travail parlementaire. Avant 2019, les reports représentaient 6 à 7 milliards d’euros chaque année, un niveau cohérent avec les masses dont il est question, puis ils sont montés à des niveaux élevés. Ils sont aujourd’hui en baisse, mails il faut un plan vigoureux et volontariste de votre part car l’effort annoncé pour les faire baisser ne me paraît pas assez ambitieux.

Concernant le programme de stabilité 2024-2027, j’exprimerai plusieurs remarques à rebours de ce qui a été dit par le président de la commission. D’abord, l’objectif de déficit pour 2024 peut sembler insuffisamment ambitieux à certains. Je le trouve assez raisonnable : en raison de la faible croissance prévue pour 2024, nous disposons de moins de leviers et il faut prendre garde à ne pas casser cette croissance. En 2025 et 2026, nous devrions retrouver des niveaux de croissance plus élevés et donc des marges de manœuvre plus importantes pour jouer sur nos recettes. Ensuite, nous n’avons pas besoin de PLFR. J’ajoute simplement aux explications du ministre qu’il faut aller vite compte tenu de la dégradation de nos recettes depuis novembre. J’appelle moi aussi un débat de mes vœux, mais le PLFR n’est pas le seul moyen de débattre du budget au Parlement : les occasions ne manquent pas et nous pourrons débattre lors de l’examen du programme de stabilité puis lors de l’examen du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023.

Concernant la période 2025-2027, disposez-vous d’une estimation actualisée du niveau d’économies qu’il faudra atteindre ? Prévoyez-vous une modification des plafonds d’emploi d’ici la fin du programme de stabilité, en 2027 ?

M. le président Éric Coquerel. Le rapporteur général et moi-même avons tous deux demandé un débat en séance publique sur le programme de stabilité, et je me réjouis qu’un tel débat puisse se tenir. Toutefois, ce débat ne donnera pas lieu à un vote alors que la fonction du Parlement est de voter.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Bien sûr, mais on connaît déjà votre vote !

M. Thomas Cazenave, ministre. Le changement de méthode de l’Insee pour le calcul du déficit public – car vous savez que ce dernier n’est pas calculé par Bercy, mais par l’Insee – a conduit notamment à sortir du champ des administrations publiques l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp) pour le classer en institution financière. Ce seul mouvement entraîne un déport de 2,6 milliards d’euros, qui correspondent notamment aux réserves de l’Erafp. Si ce changement de méthode n’avait pas eu lieu, l’Insee aurait constaté un déficit public non pas de 5,5 % mais de 5,36 % pour 2023. Il y a donc bien un pur effet de méthode.

Je n’ai pas assisté aux échanges lors de l’audition du Premier président de la Cour des comptes, mais l’intervention du rapporteur général m’incite à aborder la question de la sincérité des comptes 2023. J’ai lu dans le détail l’avis du Haut Conseil des finances publiques : il valide complètement l’analyse selon laquelle l’aggravation du déficit n’est pas un sujet de dépenses mais de recettes. C’est écrit noir sur blanc. Je le redis avec la plus grande clarté et avec la plus grande fermeté : il n’a jamais été question de sincérité des comptes 2023, jamais ! J’ai communiqué en totale transparence à ceux qui voulaient la mettre en débat une note de la direction du Trésor et de la direction du budget du 7 décembre 2023, bien après le dépôt du projet de loi de finances de fin de gestion, expliquant qu’il y avait trop d’aléas et qu’il était trop tôt pour communiquer.

S’agissant des recettes, nous avons constaté un recul des impôts, qui sont traditionnellement difficiles à estimer. Je pense notamment à l’impôt sur les sociétés (IS), qui obéit à des pratiques d’entreprises, notamment celles relatives à la constitution de provisions. L’évolution des recettes est difficile à estimer et des écarts ont déjà été observés : en 2013, le déficit s’est établi à 25 milliards d’euros en raison d’une chute des recettes qui n’avait pas été anticipée ; en 2011, l’IS a rapporté 6 milliards d’euros de moins que prévu. Nous avons poursuivi les investigations afin d’identifier, secteur par secteur, les effets que l’on peut détecter pour améliorer la prévision des recettes. La baisse s’explique en partie par les pratiques de provisions, notamment dans le secteur financier, et par des phénomènes d’autoliquidation des entreprises. Les équipes de Bercy – la direction générale du Trésor et la direction du budget – mènent un travail continu d’ajustement de nos modèles aux pratiques des entreprises et à la situation économique. Il faut reconnaître que les crises que nous avons traversées ont parfois bouleversé nos modèles de prévision.

Vous m’interrogez sur les économies à réaliser dans le cadre du programme de stabilité. Le 6 mars, j’avais présenté devant vous l’hypothèse de 12 milliards d’euros d’économies à documenter pour 2025. Compte tenu de la baisse de la croissance et des effets des années antérieures, il faudrait faire passer cet effort de 12 à 20 milliards d’euros, en pérennisant les économies réalisées en 2024. Nous nous inscrivons dans cette trajectoire.

Nous avons effectué les recrutements prévus dans le budget de l’État pour 2023. Nous plaidons pour une stabilisation des recrutements en 2025.

M. le président Éric Coquerel. La parole est aux orateurs des groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). À mon tour de dire à quel point l’accusation d’insincérité jette le discrédit non seulement sur le Gouvernement, qui aurait délibérément menti à la représentation nationale, mais aussi sur vos équipes et sur l’administration placée sous votre autorité, qui ont autre chose à faire que de mentir délibérément à la représentation nationale.

Le groupe Renaissance partage l’ambition du Gouvernement de ramener le déficit en deçà de 3 % en 2027, pas par fétichisme mais par impératif de souveraineté budgétaire. Il réaffirme aussi son soutien à une politique économique qui a donné des résultats. Pour atteindre cet objectif, nous pensons, comme vous, qu’il faut plus d’emplois, qui généreront plus de recettes et plus de croissance pour financer notre modèle social. Il faut donc agir sur tous les leviers, notamment celui de l’assurance chômage, mais on ne répond pas à une baisse de recettes par des hausses d’impôts. Rien ne serait pire que d’aggraver le mal. Penser qu’une augmentation des impôts entraînerait une augmentation des recettes procède d’une lecture erronée de notre histoire fiscale des dernières années.

Les transferts de TVA ont servi pour compenser les baisses et les suppressions d’impôts des années passées. Envisagez-vous d’élargir la norme de dépense du budget de l’État à la TVA pour éviter l’éparpillement de cette ressource fiscale ? Ou bien envisagez-vous de modifier la méthode de compensation des éventuelles nouvelles suppressions d’impôts par d’autres impôts, en évitant de recourir à la TVA ?

Compte tenu de l’effet volume et de l’effet taux ces dernières années, maintenez-vous le scénario de taux associé à la charge d’intérêt de la dette ?

M. Thomas Cazenave, ministre. Monsieur le président, avec votre autorisation, je voudrais compléter ma réponse au rapporteur général avant de répondre à Mathieu Lefèvre.

Le rapporteur général a raison de souligner que la Crim a eu un rendement plus faible que prévu, ce qui s’explique en partie, selon nos analyses, par la baisse des prix de l’énergie, qui a modifié les hypothèses initiales. Tout nouvel impôt est difficile à calibrer, notamment pour ce qui est des modalités de recouvrement et de la solidité des prévisions. Nous avons permis la mobilisation de la capacité à imputer les pertes, y compris celles des années précédentes, dans le calcul du montant de la Crim. Pour 2024, nous pourrions envisager d’aménager cette capacité pour augmenter le rendement de cet impôt. Je renvoie au travail conduit par le rapporteur général et d’autres députés pour faire évoluer le dispositif. Nous y sommes favorables et restons à votre disposition si vous souhaitez instruire plusieurs scénarios sur la base de notre expérience.

Monsieur le président, il n’existe pas de monde dans lequel il n’y aurait aucun report de crédits. Je conteste ce que l’on essaie de faire dire à un certain nombre de pratiques qui sont pourtant parfaitement légales et conformes à la loi organique.

Monsieur le rapporteur général, il faut certes faire baisser les reports, mais certains sont de droit et les fonds de concours, par exemple, font l’objet de reports automatiques. Il existe donc un montant minimum et incompressible de report. Leur réduction doit être progressive, mais nous avons été touchés par la poursuite des effets de crise.

Monsieur Lefèvre, vous posez une question importante sur la TVA, a fortiori pour les collectivités territoriales qui bénéficient d’une fraction de cette recette et qui souhaiteraient avoir une vision plus complète et même exhaustive des ressources dont elles disposent, y compris celles de nature fiscale. C’est une idée intéressante que nous pourrions creuser pour poursuivre le travail que vous esquissez.

S’agissant du scénario de taux sous-jacent au programme de stabilité, je rappelle nos hypothèses. Pour les taux courts, en particulier ceux à moins de trois mois, nous prévoyons 3,25 % en 2024 et 3 % de 2025 à 2027. Pour les taux longs, notamment les obligations assimilables du Trésor (OAT) à dix ans, nous avons mis les hypothèses à jour depuis la LPFP, en fonction de l’analyse de la situation menée par l’Agence France Trésor. Les hypothèses de taux retenues sont les suivantes : 3,2 % en 2024, 3,5 % en 2025 et 3,6 % en 2026 et 2027. Si l’impact de la variation des taux sur la charge de la dette est progressif, c’est notamment en raison du calendrier de refinancement de la dette.

M. le président Éric Coquerel. Je me permets d’intervenir, puisque le rapporteur général et moi étions du même avis concernant les reports de crédits. La Lolf, que vous avez citée, permet les reports de crédits dans la limite de 3 % des crédits initiaux, sauf dérogation prévue expressément en loi de finances. Dans le passé, les dérogations concernaient une vingtaine de programmes. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à quarante programmes et cela est décidé par 49.3 – ces reports dérogatoires ne sont donc pas votés mais adoptés, ce n’est pas tout à fait pareil. Il y a bien un excès de reports.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Sincèrement, monsieur le ministre, je suis consterné par votre audition et par cette autosatisfaction permanente. À défaut d’écouter la représentation nationale, essayez peut-être d’écouter les Français ! Selon le dernier sondage Ifop, il en reste 12 % qui vous font confiance pour la maîtrise de la dette et du déficit alors qu’ils sont 16 % – c’est un peu mieux, il faut le souligner, bravo ! – à vous faire confiance pour l’amélioration du pouvoir d’achat. Vous n’êtes même plus crédibles au sein de votre propre électorat. Vous pouvez donc continuer à vous faire plaisir en vous félicitant entre parlementaires et ministres de la majorité, mais ce cercle de l’amour devient extrêmement restreint.

Les faits sont là et ils sont têtus : la situation est catastrophique. Je m’étonne que certains de mes collègues opposent la compétence et la sincérité. On peut en effet être insincère et incompétent, ainsi que vous le montrez depuis sept ans : vous mentez aux Français en espérant que vos résultats maquillent vos mensonges précédents. « Pas de bol ! » comme dirait un prédécesseur, qui avait pourtant le soutien de M. Macron en 2017. Je dis cela pour M. Cazeneuve, qui semble oublier que son gouvernement procède de François Hollande. Le ruissellement des plus riches ; la hausse des taxes qui ne toucherait pas les classes moyennes ; la politique énergétique inflationniste qui abîme notre productivité : tout cela, c’était bidon, mais vous continuez comme si de rien n’était. Les prévisions de productivité, de croissance et – plus grave pour les Français – de hausse des salaires sont toujours surestimées. Pourquoi, d’ailleurs, contrairement à vos dires, la hausse des salaires réels n’a-t-elle pas rattrapé l’inflation ? Contrairement aux promesses de Mme Borne, cela fait trois ans que les salaires augmentent moins que l’inflation et que les travailleurs perdent du pouvoir d’achat. La réalité, c’est que vous voulez gagner du temps jusqu’au 9 juin avant la purge, la vraie. Qu’annoncerez-vous aux Français après le 9 juin ? Dites la vérité avant les élections ! Cette année blanche se fera-t-elle, ou pas ? La perte de pouvoir d’achat représente 25 milliards d’euros pour tous les Français. Quelles seront les économies drastiques ? Dites la vérité aux Français au lieu de nous balader et de nous prendre pour des imbéciles que – désolé ! – nous ne sommes pas.

Vous avez eu recours au 49.3 et je constate que plus vous privez le Parlement de pouvoir, plus les comptes déraillent. Faites confiance aux compétences du Parlement. Visiblement, nous sommes moins mauvais que vous !

M. Thomas Cazenave, ministre. Il faut s’accrocher à son siège quand on entend ce que je viens d’entendre : le Rassemblement national, qui promet de baisser massivement la TVA, de nationaliser les autoroutes et d’exonérer Mbappé d’impôts sur le revenu — alors que tout cela aggraverait le déficit public de 100 milliards —, n’a aucune leçon à nous donner en matière de crédibilité, de sincérité et de compétence. Je vais néanmoins vous répondre, parce que vous connaissez mon attachement au dialogue avec le Parlement.

Vous avez raison, il faut toujours revenir aux chiffres et aux résultats. A-t-on créé 2,5 millions d’emplois depuis 2017 ? Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Insee. A-t-on rouvert des usines ? Vous évoquez une purge : quelle purge ? Nous sommes très transparents. Lorsque, en début d’année, nous avons constaté une baisse des recettes, nous avons pris un décret d’annulation de 10 milliards d’euros. Personne ne l’avait jamais fait. Le 6 mars dernier, je suis venu devant vous pour expliquer que nous disposions d’informations selon lesquelles les recettes étaient moins importantes que prévu et je suis ici pour vous dire qu’en 2024, un effort supplémentaire de 10 milliards sera fait, dont 5 milliards à la charge de l’État. Nous disposons de 7 milliards d’euros de réserves de précaution. Un travail est en cours avec des parlementaires concernant quelques recettes ciblées. Nous sommes prêts à travailler sur les rachats d’actions et sur les énergéticiens. Voilà ce que nous allons faire en 2024, dans la transparence vis-à-vis des Français et, cet après-midi, vis-à-vis de la représentation nationale.

M. Manuel Bompard (LFI-NUPES). Pour éviter que vous ne répétiez que tout va bien dans le meilleur des mondes, je vais vous poser des questions concrètes.

Premièrement, pour justifier ou expliquer l’écart entre les prévisions et ce qui s’est réellement passé, vous avez fait référence à d’autres années. Vous avez cité à deux reprises 2011 et 2013. Ces deux années ont pour point commun d’avoir connu un projet de loi de finances rectificative. Pourquoi ne corrige-t-on pas les écarts entre les prévisions et la réalité par un débat au Parlement, dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative ?

Deuxièmement, vous venez de parler de TVA. Dans son livre, M. Bruno Le Maire évoque la piste du transfert d’une partie du financement de la protection sociale vers une augmentation du taux de TVA. Vous engagez-vous solennellement devant la commission des finances à ce qu’il n’y ait pas d’augmentation du taux de TVA d’ici à 2027 ?

Troisièmement, vous avez, dans une émission de radio, évoqué le gel des pensions de retraite comme une piste d’économie pour l’année à venir. M. Maillard, lui, a lui parlé de gel des pensions de retraite et de gel des prestations sociales. Confirmez-vous que le Gouvernement travaille à cette option, ou l’écartez-vous, aujourd’hui, devant la commission des finances ?

Enfin, comme le Président de la République, vous avez reconnu que le déficit plus élevé qu’annoncé était dû à une baisse des recettes attendues et vous avez annoncé avoir créé un groupe de travail pour examiner notamment la taxation des superprofits. Il se trouve qu’en commission des finances, nous avons consacré une mission à ce sujet dès 2022 et que des débats ont eu lieu, au moment des examens budgétaires, quant à l’instauration de taxes sur les superprofits. Toutes les solutions sont donc sur la table. Cherchez-vous à gagner du temps afin de créer une taxe sur les superprofits quand il n’y aura plus de superprofits ?

M. Thomas Cazenave, ministre. Pour reprendre les exemples de 2011 et 2013, il n’y a aucun lien entre les écarts et le PLFR. En 2011 et 2013, on a constaté un écart entre la prévision et l’exécution. Ce sont des choses qui arrivent. Cette année, nous avons souhaité réagir tout de suite face au constat de la baisse de nos recettes. Avons-nous besoin d’un PLFR pour le faire ? Ma réponse est non, pour deux raisons. D’abord, peut-on annuler des crédits ? La réponse est dans la Lolf, qui est un texte d’initiative parlementaire : oui, on peut le faire. C’est parfaitement légal. Nous respectons parfaitement le cadre organique et nous aurions pu même aller jusqu’à annuler 12 milliards d’euros. Le reste de l’effort relève du pilotage de la dépense. Nous avons mis des crédits en réserve, à hauteur de 7 milliards d’euros. Ces mises en réserve nous permettront de respecter les objectifs sans avoir besoin d’un projet de loi de finances rectificative. Nous verrons ensuite quel véhicule permettra d’appliquer les propositions qui seront faites par les parlementaires pour 2024.

Par ailleurs, il n’y a pas de projet de TVA sociale. Je vous le dis nettement, puisque vous faites référence à l’idée d’augmenter la TVA pour baisser les cotisations : ce n’est pas au programme.

Enfin, s’agissant de 2025, le travail débute – avec les ministres et, j’y tiens beaucoup, avec les parlementaires. Nous écouterons les propositions qui seront formulées. J’ai l’occasion de rencontrer un grand nombre de parlementaires. Certains m’écrivent et me font des propositions. Nous avons plusieurs mois devant nous pour bâtir le projet de loi de finances qui sera déposé à l’automne. Commencer tôt me convient et nous sommes dans un moment de dialogue et d’écoute.

Mme Véronique Louwagie (LR). À vous entendre, il n’y aurait ni inquiétude ni préoccupation. Je voudrais quand même rappeler que le déficit de 2023 est pire que celui de 2022. Seul celui de 2020 a été pire. Nous restons un mauvais élève de l’Union européenne. La Cour des comptes relève d’ailleurs que 2023 n’est pas une année blanche, mais une année noire. Hors dépenses exceptionnelles, nos dépenses ont augmenté de 29,4 milliards d’euros et, concernant les recettes, la Cour des comptes relève qu’une partie de l’écart aurait dû être anticipée.

En février 2024, vous prévoyez une progression de TVA nette de 7,8 milliards d’euros en raison d’un décalage technique et provisoire constaté en 2023. Ce décalage a-t-il une incidence sur 2023 et, le cas échéant, laquelle ?

Ma deuxième question concerne les hypothèses de croissance. Vous évoquez le nombre d’emplois créés et nous savons que la croissance potentielle est importante. En revanche, avec une baisse de 5 % de la productivité depuis 2019, nous devons faire face aux résultats de votre politique économique. Avez-vous analysé les raisons de cette baisse de productivité ? Si oui, avez-vous engagé des correctifs ?

Ma troisième question concerne l’effort de maîtrise des dépenses publiques : sa documentation est lacunaire – je reprends les termes du Haut Conseil des finances publiques – et il manque de crédibilité. Pourriez-vous pallier ce manque de crédibilité en présentant un état précis, chiffré et documenté des économies que vous envisagez ?

Enfin, le Haut Conseil des finances publiques souligne le manque de cohérence entre le taux de croissance et l’effort de réduction des dépenses qui aura nécessairement un effet sur l’activité économique. L’objectif de déficit pour 2027 serait donc difficile à atteindre. Envisagez-vous, dans ce cas, d’augmenter les impôts ? Si vous n’engagez pas ces économies de dépenses, ce sera votre seule solution pour atteindre ce niveau de déficit.

M. Thomas Cazenave, ministre. Vous dites que le déficit de 2023 est l’un des plus graves de notre histoire. Ce n’est pas tout à fait le cas quand on l’évalue en pourcentage du PIB – il faut le comparer à la richesse nationale, puisque c’est ainsi qu’on le mesure. Je peux ainsi citer le déficit de 2009, 7,4 % du PIB, ou celui de 2010, 7,2 %. Il n’en reste pas moins qu’il faut réduire le déficit et notre objectif est de le ramener à 2,9 % en 2027. C’est le sens du programme de stabilité que nous vous présentons.

Entre 2019 et 2023, les dépenses de l’État ont augmenté de 25 %, soit 100 milliards d’euros. Il est donc possible, crédible et souhaitable de faire des économies sur les dépenses dans notre trajectoire de retour à 3 % de déficit public.

J’entends que la documentation de nos économies serait lacunaire...

Mme Véronique Louwagie (LR). Ce n’est pas moi qui le dis.

M. Thomas Cazenave, ministre. Le programme de stabilité n’est pas un projet de loi de finances pour les trois prochaines années. Nous avons engagé un travail sur les pistes d’économies, que je vous invite à continuer avec nous. J’ai relu en détail le contre-budget du groupe Les Républicains. Nous sommes d’accord avec certaines pistes concernant l’État et ses opérateurs, mais pas avec d’autres, comme les dépenses supplémentaires ou la baisse de la TVA.

La hausse de 7,8 milliards d’euros des recettes de TVA entre 2023 et février 2024 est un simple problème d’appariement dans les bases de la direction générale des finances publiques (DGFIP). Ce qui n’a pas été comptabilisé en février apparaîtra en mars et en avril, mais cela n’a aucun impact en comptabilité : aucune bonne nouvelle ne se cache derrière ces chiffres.

M. Philippe Brun (SOC). À la lecture de ce programme de stabilité, on est plutôt pris d’un sentiment de compassion à votre égard et à celui de vos conseillers qui ont dû faire « entrer l’édredon dans la valise » ! Vous proposez des économies – 27 milliards d’euros en 2025 – dont on ne connaît ni le détail ni les moyens de les obtenir. Dans un avis très sévère, le Haut Conseil des finances publiques considère que vos prévisions manquent de crédibilité et de cohérence. Vous vous en sortez en disant que les collectivités réduiront leurs dépenses. Comment le feront-elles ? Comment un maire décidera-t-il de ne pas construire le gymnase qu’il avait prévu sans aucune norme pour l’y contraindre et au seul motif qu’il faut aider à la réduction faciale du déficit public dans les documents transmis à Bruxelles ?

Nous n’avons aucune information. Je regrette que le programme national de réforme, qui est normalement annexé au programme de stabilité, n’ait pas été transmis aux parlementaires, car nous n’avons pas de détail concernant les voies et moyens que vous prévoyez pour atteindre vos objectifs. Nous sommes particulièrement inquiets. Vient alors la question des mesures qui pourraient être mises sur la table, dont nous ne pourrons pas débattre faute de projet de loi de finances rectificative. Vous déclariez pourtant dans Le Monde, au moment où le décret d’annulation a été pris, que si nous allions au-delà de 10 milliards d’euros, il faudrait un projet de loi de finances rectificative. C’est votre déclaration, monsieur le ministre. Nous avons confiance en vous et en votre parole, mais cette déclaration est contredite par vous-même et par le Gouvernement.

Que faire s’agissant des recettes ? Êtes-vous favorable à ce que nous élargissions l’assiette de la contribution sur la rente inframarginale ? En ne s’attaquant qu’aux producteurs d’électricité et pas à l’ensemble des fournisseurs, on ne s’attaque qu’à EDF, à Engie et à trois ou quatre acteurs en France et le rendement sera donc plus bas.

Êtes-vous favorable à une réflexion sur la taxation des superprofits ?

M. Thomas Cazenave, ministre. Dans un programme de stabilité, il n’est pas nécessaire de documenter l’intégralité des mesures et des éléments sous-jacents pour atteindre les économies nécessaires car on n’y construit pas un budget pluriannuel : ce document redonne un cap et précise la manière selon laquelle doivent évoluer le déficit public et les grands équilibres. Je vous donne rendez-vous pour le projet de loi de finances pour 2025 et je propose que nous en discutions ensemble, y compris concernant les pistes d’économies. Nous avons le temps. Je préfère que nous nous y prenions suffisamment à l’avance afin d’essayer de trouver des points d’accord sur les pistes d’économies, mais aussi sur les recettes. Vous évoquez la question de la contribution sur la rente inframarginale : nous avons toujours affirmé qu’il n’y avait pas de tabou. Cette imposition n’a pas produit les recettes attendues. Des parlementaires y travaillent et je ne verrais que des avantages à ce qu’un travail commun soit effectué, y compris avec des élus de l’opposition.

Concernant les collectivités territoriales, il n’existe pas de mécanisme de contrat cadre et nous ne sommes pas revenus à un mécanisme contraignant. Les relations reposent sur la confiance. Contrairement à ce que vous voulez laisser croire dans votre question, nous ne demandons pas aux collectivités de baisser leurs dépenses, mais de les faire évoluer au plus de 0,5 % en dessous de l’inflation – soit 1,9 % de croissance pour l’année 2024. Le Haut Conseil des finances publiques locales a toute son importance car nous avons les finances publiques en partage. Il nous faut identifier des surcoûts que nous partageons en raison d’une mauvaise organisation ou de redondances. Grâce à telle ou telle évolution réglementaire ou législative, nous ferons faire des économies aux collectivités territoriales. Telle est notre méthode.

Je répète que nous pouvons annuler jusqu’à 12 milliards d’euros de crédits en 2024 sans avoir à présenter un PLFR, mais nous n’aurons pas besoin de prendre un autre décret d’annulation puisque suffisamment de crédits ont été mis en réserve pour piloter la dépense de l’État. Avec la réserve de précaution, l’effort des collectivités territoriales et les recettes nouvelles permises par le travail conduit par les parlementaires, nous tiendrons nos 10 milliards d’euros d’efforts supplémentaires pour respecter un taux de déficit de 5,1 %.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Les crises récentes conjuguées à des décennies de gestion inadéquate ont déjà mis à mal nos finances publiques. Cette situation est aggravée par le ralentissement économique européen, voire mondial, que nous observons depuis la fin 2023, qui affecte nos ressources et nous oblige à ajuster à la baisse nos prévisions de croissance pour 2024. Dans ce contexte tendu, il est impératif de réduire nos dépenses publiques pour continuer à redresser notre situation financière, démarche essentielle pour renforcer notre capacité à planifier l’avenir avec confiance. Les mesures de gestion rigoureuse et l’optimisation des dépenses que vous proposez sont parfaitement alignées avec ces objectifs. Notre groupe, profondément attaché aux principes de responsabilité budgétaire et de redressement des finances publiques, vous assure de son soutien dans ces efforts tout en veillant à la préservation de notre dynamisme économique.

Pouvez-vous clarifier comment les mesures visant à réduire les dépenses publiques de 10 milliards d’euros en 2024 et de 20 milliards d’euros en 2025 pourront être appliquées sans nuire à notre croissance économique et à nos engagements pour une transition écologique ?

Quelle réduction précise de coûts anticipez-vous pour 2024 et 2025 grâce aux initiatives en cours comme celles de la rationalisation des opérateurs de l’État et de la gestion immobilière ? Je pense notamment à la poursuite de la récupération des excédents de trésorerie des opérateurs et à la réduction des espaces de bureaux non utilisés.

En considérant le risque d’une dégradation de la note de la France par les agences de notation, quelle stratégie le Gouvernement envisage-t-il pour maintenir notre crédibilité financière internationale ?

M. Thomas Cazenave, ministre. Je partage votre vigilance pour préserver, y compris dans une période de redressement des finances publiques, la robustesse de notre modèle productif et de croissance. De fait, il n’y aura pas de redressement des finances publiques sans croissance forte. Nous devons être vigilants à ce que les économies nécessaires ne portent pas atteinte à notre capacité à innover, à croître et à créer des richesses. Dans le décret d’annulation de 10 milliards d’euros, par exemple, nous avons fait attention à ne pas toucher aux investissements d’avenir. En continuant à travailler aux dépenses de fonctionnement, en réduisant de 25 % les surfaces de l’État et en réalisant 750 millions d’euros d’économies sur les achats grâce à la mutualisation entre les services de l’État, nous pouvons encore faire des économies. Après le décret d’annulation, nous continuons à augmenter, comme personne avant nous, les dépenses en faveur de la transition écologique.

Les opérateurs sont eux aussi concernés par les économies demandées aux ministères. Dans le champ de Bercy, par exemple, cela passera par la mobilisation d’une partie de la trésorerie et des moyens de Business France, de l’Agence nationale des fréquences (ANFR), d’Atout France et de quelques autres opérateurs.

Vous le voyez, tout le monde est mis à contribution. Nous prêtons une grande attention aux dépenses d’avenir et nous devons faire mieux pour les dépenses de fonctionnement.

M. François Jolivet (HOR). Le groupe Horizons et apparentés est attaché au redressement des comptes publics. La théorie du déficit à 3 % pourrait être vue comme une limitation, mais certains États, dont l’Allemagne, ont toujours essayé d’avoir des excédents, ce qui n’est pas notre cas. Le mal vient donc de loin. Pour autant, la parole de la France est encore crédible si j’en crois les conditions dans lesquelles l’emprunt obligataire a été levé il y a quelques semaines.

Vous avez retenu, dans le programme de stabilité, un taux de croissance à 1 % pour 2024 quand les plus pessimistes l’estiment à 0,6 %. Comment pensez-vous pouvoir piloter la rentrée des recettes en fonction de l’évolution de la croissance, sans attendre l’IS ou la note du directeur du Trésor en décembre afin de pouvoir prendre des mesures anticipées en cours d’exécution budgétaire ?

Par ailleurs, toujours dans le programme de stabilité, vous avez maintenu une maîtrise de 0,6 % des dépenses en volume. Pourquoi ne pas prévoir une trajectoire plus ambitieuse ? Quelles réformes structurelles envisagez-vous pour tenir cet engagement ?

Enfin, je souhaite à nouveau aborder le sujet de la contribution sur la rente inframarginale pour les énergéticiens. En 2022, lors de la présentation de l’amendement du Gouvernement au projet de loi de finances, on prévoyait une recette de 7 milliards d’euros. Après le passage au Sénat, cette prévision est passée à 12 milliards d’euros. Le projet de loi de finances rectificative l’a ensuite réduite à 3 milliards d’euros et la recette est finalement tombée à 600 millions d’euros. Plus jamais cela ! Soyez assurés que les parlementaires qui travaillent à ce sujet vous proposeront des mesures.

M. Thomas Cazenave, ministre. Pour répondre à votre première question, 0,1 point de croissance en moins représente 1,5 milliard d’euros de déficit en plus. Tel est l’ordre de grandeur qu’il faut avoir en tête.

Le programme de stabilité est exigeant concernant l’évolution de la dépense publique, puisque nous avons fixé un objectif d’évolution de 0,6 % en volume, hors urgence et relance, pour la période 2023-2027. Peut-on être plus ambitieux ? Durant la période 2015-2019, le taux était de 0,9 % en volume et en 2011-2014 il était de 0,7 % en volume. Cette trajectoire de dépenses est crédible, mais exigeante. C’est déjà un objectif ambitieux et je compte sur les parlementaires et sur le groupe Horizons et apparentés pour présenter des propositions afin de nourrir ce programme, y compris en matière d’économies et de redressement des finances publiques.

S’agissant de la Crim, je connais votre attachement au sujet et je ne doute pas que vous nous ferez des propositions. Le rendement a été plus faible que prévu, mais j’ai rappelé que plusieurs éléments, comme la forte baisse des prix de l’électricité, ont changé le calibrage de la mesure. Il est toujours difficile de calibrer un nouvel impôt et il faut pouvoir y revenir. Je suis à votre disposition, avec les services de Bercy, pour vous fournir tous les éléments d’appréciation afin que le travail que vous menez permette d’obtenir un meilleur rendement que celui de cette année.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Les programmes de stabilité, en tout cas les vôtres, ont toujours prévu une amélioration rapide du solde public. Cependant, la courbe des soldes constatés est presque systématiquement inférieure à celle du solde prévu, ce qui signifie que les objectifs de ces programmes n’ont jamais été atteints et que vous manquez donc de crédibilité. C’est d’ailleurs peut-être la raison pour laquelle vous nous avez envoyé si tardivement ce programme, ne nous laissant que peu de temps pour l’examiner. Il est inacceptable que nous recevions de tels documents si tardivement, car les députés de la commission des finances ne peuvent pas les analyser précisément. J’en suis indignée.

Vous affirmez investir comme jamais auparavant dans l’écologie alors que vous avez annulé par décret des crédits dans ce domaine. En tant qu’écologiste, je vous invite donc à supprimer tous les crédits pour l’écologie, pour investir encore davantage dans la transition. Soyons sérieux !

Puisque vous avez déjà supprimé 10 milliards d’euros de crédits mis en réserve, où trouverez-vous les 10 milliards d’euros qui vous manquent ? S’il y avait tant de réserves, peut-être avez-vous manqué de sincérité à leur sujet ?

Avez-vous l’intention de revoir la durée d’indemnisation de l’assurance chômage, de doubler le reste à charge sur les médicaments ou d’engager des mesures au détriment des plus précaires ?

Concernant la Crim, nous vous avons proposé à de multiples reprises de taxer les superprofits. Nous avons entendu Bruno Le Maire dire que ces superprofits n’existaient pas. Vous avez mis en place cette contribution sur la rente inframarginale, dont on connaît maintenant le rendement, qui ne taxe que les producteurs d’électricité, sans vous attaquer aux producteurs d’énergies fossiles, notamment le groupe Total. Vous saviez très bien ce que vous faisiez quand vous avez instauré ce dispositif – sans compter que vous avez permis que les pertes soient imputées sur les profits, ce qu’a fait EDF, qui a dégagé 10 milliards d’euros de profits. Vous dites ne pas avoir anticipé cette baisse de rendement, mais, en réalité, vous avez tout fait pour que la Crim ne produise pas le rendement que nous aurions souhaité pour que le budget soit sincère.

M. Thomas Cazenave, ministre. Le délai de transmission des documents pour cette audition tient au fait que le Conseil des ministres s’est tenu ce matin et que nous vous avons transmis le programme de stabilité à dix heures, au début du Conseil. On peut difficilement faire plus court ! Par ailleurs, j’avais fait savoir au président de la commission des finances que j’étais disponible plus tard, pour vous laisser quelques jours. En tout état de cause, je ne pouvais pas transmettre le programme de stabilité avant le Conseil des ministres.

S’agissant du financement de la transition écologique, je sens poindre un peu de cynisme dans votre question, car le budget pour 2024 contient environ 40 milliards d’euros d’engagements en faveur de la transition écologique après le décret d’annulation. Je peux l’affirmer grâce au budget vert, qui permet de classer les dépenses avec une méthodologie éprouvée et vérifiée. En outre, même après le décret d’annulation, les crédits en faveur de la rénovation énergétique augmentent de 800 millions d’euros. Je le redis, ne vous en déplaise : aucune majorité ou aucun gouvernement n’a investi autant d’argent dans la transition écologique. Nous pouvons débattre pour savoir si c’est trop ou pas assez, mais personne avant nous n’avait mis autant d’argent dans la transition écologique. C’est un fait.

Quant à la réserve, il n’y a aucun lien avec l’assurance chômage ou les franchises pour les médicaments. Il s’agit de la réserve de crédits de l’État, d’un montant de 7 milliards d’euros, sur lesquels l’effort portera après l’annulation de 10 milliards d’euros de crédits. Cette réserve de précaution sert à faire face à des aléas, comme celui représenté par une croissance moins importante que prévue.

J’ai déjà largement répondu au sujet de la Crim. Nous attendons les propositions des parlementaires.

Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Devant tant d’autosatisfaction, j’oscille entre le dépit et l’inquiétude. Nos concitoyens ne vont pas bien. Beaucoup, dans les territoires – notamment ruraux – n’en peuvent plus mais vous déroulez votre programme comme si tout allait bien. Il faut que le Gouvernement entende que le pays n’en peut plus de ces inégalités fiscales, de ces inégalités sociales, de ces inégalités territoriales !

Vous évoquez la diminution de la dépense publique, mais certaines dépenses fiscales et sociales sont aussi compensées par le budget de l’État. Il existe près de 80 milliards d’euros d’exonérations de cotisations, dont quelques milliards pourraient être repris selon le rapport Guedj-Ferracci, mais vous ne l’évoquez même pas.

Vous ne mentionnez non plus aucune des conséquences des annulations de 10 ou 20 milliards pour la croissance alors que nous savons qu’enlever 20 milliards d’euros de crédits représente une perte de croissance de 10 milliards. Faire ce que vous faites n’a vraiment pas de sens !

En 2023, vous avez mis le pays à feu et à sang au sujet du report de l’âge de la retraite. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) estime que cela ne suffira pas. Confirmez-vous que vous n’irez pas jusqu’au gel des pensions, comme vous l’avez dit à la radio ?

Par ailleurs, si vous modifiez le prélèvement sur recettes en faveur des collectivités locales, il faudra un PLFR. Sinon, cela veut dire que vous reprenez 2,5 milliards d’euros uniquement sur les subventions aux collectivités territoriales, ce qui serait un drame pour l’investissement public local.

Enfin, appliquerez-vous une contribution exceptionnelle sur les très hauts patrimoines pour financer la transition écologique ?

M. Thomas Cazenave, ministre. J’ai l’impression, monsieur Sansu, que vous n’êtes pas vraiment décidé à faire des économies. C’est un désaccord majeur entre nous. Les dépenses ont augmenté de 100 milliards d’euros entre 2019 et 2023. Pensez-vous que nous n’avons pas protégé les Français ? Pensez-vous être le seul à connaître la réalité du pays, du terrain et des gens qui souffrent ? Pendant les crises successives, nous avons massivement protégé les Français et aujourd’hui, le déficit représente un peu plus de 5 % du PIB. Ce n’est pas durable, il faut donc évidemment faire des économies. Si nous ne redressons pas les finances publiques, nous ne pouvons pas garantir le modèle social auquel nous sommes attachés.

Je ne suis pas non plus d’accord avec vous concernant les exonérations de cotisations sociales. Un travail a été engagé par les économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer sur ce sujet, à la suite de la conférence sociale qui s’est tenue sous l’égide de la Première ministre Élisabeth Borne. Qui plus est, nous avons gelé les bandeaux, notamment le « bandeau famille », entre 2,5 et 3,5 Smic. Cela représente des économies.

Faites attention aux fausses informations. Je n’ai jamais évoqué l’idée d’une baisse du prélèvement sur recettes (PSR) en faveur des collectivités territoriales ou des dotations en cours d’année. J’ai dit que, puisque les finances publiques ne relèvent pas que de l’État, mais aussi des collectivités et du secteur de la sécurité sociale, il faut que les dépenses des collectivités territoriales augmentent un peu moins vite que l’inflation. En 2023, elles l’ont dépassée d’un point et cela se retrouve dans notre déficit public. Le déficit public n’est pas seulement le déficit de l’État. Il faut avoir une vision large. Je souhaite que nous trouvions, avec les associations d’élus et les collectivités territoriales, une méthode intelligente pour faire des économies en commun. Ne dites pas que nous envisageons de baisser le PSR ou les dotations, c’est complètement faux – mais je pense que vous le savez, monsieur le député.

M. Michel Castellani (LIOT). Nous avons conscience de la difficulté qui est la vôtre, monsieur le ministre, puisque vous êtes chargé de stopper un dérapage qui a débuté il y a longtemps et qui n’a cessé de s’aggraver. Le résultat est un besoin de financement à hauteur de 314 milliards d’euros, soit 862 millions par jour, ce qui en dit long. Quant au coût de la dette, de l’ordre de 54 milliards d’euros si j’ai bien compris, il entraîne une véritable hémorragie puisque cette dette est détenue en majorité par des non-résidents.

Ne serait-il pas opportun de faire évoluer la politique d’émission, définie par l’Agence France Trésor, en adoptant des mesures de fléchage vers l’épargne liquide domestique ? Cette épargne liquide est énorme et ne rapporte rien aux gens. On pourrait inciter, suivant le modèle italien ou japonais, à souscrire des bons du Trésor et des obligations d’État. La dette resterait en plus grande partie domestique, ce qui minimiserait l’hémorragie et soutiendrait la consommation, donc les rentrées fiscales. Tel est le raisonnement macroéconomique que je voulais vous soumettre.

M. Thomas Cazenave, ministre. Vous avez raison de dire que notre montant de dette est important. Il faut donc tout faire pour redresser nos comptes publics. Je compte aussi sur le groupe LIOT pour nous présenter des propositions d’économies et alimenter notre réflexion collective afin de redresser, ensemble, nos comptes publics.

La dette est détenue pour un quart par des investisseurs domestiques, pour un quart par la Banque centrale européenne (BCE), à travers sa politique monétaire, pour un quart par des investisseurs de la zone euro et pour un dernier quart par des investisseurs hors zone euro. Cette variété d’investisseurs, liée au caractère liquide de notre dette, nous permet d’avoir un coût de refinancement assez faible. Outre cette variété, qu’il faut conserver, nous devons inciter les Français – par la poursuite de notre politique économique, par la confiance dans notre pays et par la baisse du chômage – à mobiliser davantage leur épargne, peut-être à consommer davantage et, d’une certaine manière, à continuer à alimenter ce modèle de croissance.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux questions supplémentaires. Je me permettrai d’en poser une et de vous rappeler celles auxquelles vous n’avez pas répondu.

Votre réponse relative au PLFR ne me satisfait pas. Vous indiquez que l’annulation de 10 milliards d’euros de crédits a été quasiment indolore mais je vous rappelle que les ministères ont tardé à rendre leur copie alors que la date était fixée à fin mars. Cela montre qu’il n’est pas si simple d’annuler 10 milliards de crédits.

Par ailleurs, vous indiquez qu’on ne passe pas au-dessus du plafond d’annulation fixé à1,5 % par la Lolf parce que les 5,5 milliards d’euros de dépenses qui ne seront pas faites n’équivalent pas à l’annulation déjà décidée de 10 milliards d’euros de crédits, mais, pour moi, c’est la même chose. Politiquement, il n’est pas tenable de changer autant un budget sans passer par la case de l’Assemblée nationale. Au lieu de consulter un groupe de travail dont les membres ont été uniquement désignés dans la majorité, un débat à l’Assemblée nationale présenterait l’intérêt d’étudier les pistes sur lesquelles nous avons déjà travaillé comme celles sur le rachat d’actions – vous en avez parlé lors des dialogues de Bercy et vous en parlez à nouveau – ou sur la taxation des superdividendes, qui recueillent l’adhésion d’une majorité de députés. Tout est déjà sur la table ! Un PLFR permettrait d’en débattre. Non seulement votre réponse n’est pas satisfaisante, mais elle est problématique. Je ne suis pas étonné qu’il y ait eu des désaccords au Gouvernement.

Par ailleurs, vous n’avez pas répondu aux questions relatives au gel de la protection sociale, au gel des retraites et au décrochage des salaires par rapport à l’inflation. Vous affirmez défendre les revenus du travail, mais je ne vous ai pas entendu réagir aux questions sur la baisse du pouvoir d’achat.

M. Thomas Cazenave, ministre. Nous n’avons pas besoin de PLFR car, vous l’avez vous-même reconnu, nous avons pris un décret d’annulation de 10 milliards d’euros. Contrairement à ce que vous dites, le travail de reprogrammation avec les ministères est terminé. Les rapporteurs spéciaux pourront auditionner les ministres pour avoir plus de détail.

Ce travail est donc achevé sur le fond, même s’il peut rester des éléments de processus, y compris interne.

Par ailleurs, je n’ai jamais dit que c’était indolore. En revanche, j’ai toujours dit que c’était accessible. Quand le montant des dépenses publiques est de 1 600 milliards, on peut prendre un décret d’annulation de 10 milliards.

Ensuite, l’effort supplémentaire que nous allons devoir faire pour tenir l’objectif de 5,1 % de déficit renvoie à des méthodes de gestion classiques. D’une part, des crédits sont toujours mis en réserve pour faire face à des aléas. C’est le cas pour le budget de l’État, pour un peu plus de 7 milliards d’euros, et nous allons piloter la dépense de manière fine – d’autant plus en fin de gestion lorsque l’on considère que les crédits ont été sous-exécutés. D’autre part, ce n’est pas l’intégralité de l’effort : les rachats d’actions sont peut-être une piste autour de laquelle les parlementaires de la majorité et de l’opposition peuvent se retrouver. Il y a aussi la taxe sur les énergéticiens.

Sur les retraites et les prestations, ma réponse ne varie pas, car j’applique la même méthode. J’avance de manière ordonnée dans la préparation du budget pour 2025. Je suis à la disposition des groupes, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, pour recueillir les propositions, échanger sur les pistes qui se dégagent et construire notre projet de budget pour 2025.

M. le président Éric Coquerel. Donc, contrairement à la TVA sociale, le gel des prestations sociales et des retraites n’est pas exclu ?

M. Thomas Cazenave, ministre. Je vous redis ce que nous allons faire. Je comprends que cette méthode ne vous convienne pas.

M. le président Éric Coquerel. Je pose une question. La TVA sociale a été annoncée par le ministre de l’économie mais, tout à l’heure, nous avons entendu qu’il n’en était pas question. Le gel des prestations sociales et des retraites a aussi été annoncé. Je souhaite simplement savoir s’il sera finalement exclu.

M. Thomas Cazenave, ministre. Encore une fois, aucune annonce n’a été faite. En revanche, dans le débat, les uns et les autres peuvent émettre des hypothèses et des idées.

M. Manuel Bompard (LFI-NUPES). Si, cela a été annoncé.

M. Thomas Cazenave, ministre. Non. C’est faux, monsieur Bompard et je crois que vous le savez. Qu’il y ait des initiatives et des idées avancées par les uns par les autres, très bien ! En revanche, n’attendez pas de moi que je dise que le budget est déjà fait. Cela n’aurait aucun sens. Nous travaillons avec le Parlement et avec les ministres et nous avons plusieurs mois devant nous, puisque je rappelle que le dépôt du projet de loi de finances interviendra à l’automne.

J’en viens à l’évolution du pouvoir d’achat et des salaires. Nous faisons l’hypothèse en 2024 que le salaire moyen par tête augmentera de 2,7 % et que l’inflation sera de 2,5 %. Je rappelle que les retraites ont été revalorisées de 5,4 %. Nous avons aussi revalorisé le barème de l’impôt sur le revenu. La publication de la direction générale des finances publiques parue hier montre que cette revalorisation a bénéficié à des dizaines voire à des centaines de milliers de Français. Nous avons donc répondu présents pour la défense du pouvoir d’achat.

M. Philippe Juvin (LR). Gabriel Attal a annoncé la création d’un groupe de travail sur la rente : quelle est la définition de la rente ? Parle-t-on des produits de l’épargne, des plans d’épargne logement, du livret A, du livret de développement durable et solidaire, des revenus fonciers, des résultats des entreprises ?

Par ailleurs, quel est votre diagnostic quant à l’effondrement de la productivité, qui affecte gravement les finances publiques ?

M. Thomas Cazenave, ministre. Merci de me donner l’occasion d’essayer, une nouvelle fois, de tordre le cou à des rumeurs ou à de fausses informations. Il n’a jamais été question de taxer le livret A ou de modifier l’imposition des revenus fonciers. Le travail qui a été engagé à la demande du Premier ministre consiste à étudier la façon dont certains secteurs ont tiré parti de situations exceptionnelles, comme la Cour des comptes l’a mis en avant avec les énergéticiens. Il ne m’appartient pas de dire ce que sera le résultat du travail mené par les parlementaires mais, du côté du Gouvernement, nous avons toujours dit que certains sujets méritaient d’être abordés – comme la question des énergéticiens ou celle de la taxation des rachats d’actions. En revanche, il est hors de question de taxer le livret A ou de modifier l’imposition des revenus fonciers.

La productivité est un sujet de préoccupation car, à long terme, elle guide la capacité à faire progresser le pouvoir d’achat et le niveau de vie. À ce stade, notre analyse est que les bons résultats obtenus dans le domaine de l’emploi – de nombreuses personnes qui en étaient exclues sont entrées sur le marché du travail – conduisent mécaniquement à une baisse de la productivité. Cette dynamique se poursuivra, avec la réforme de France Travail et celle du RSA qui permettront d’aller chercher encore plus loin les personnes sans emploi. Cela peut avoir une incidence sur la productivité apparente telle qu’elle apparaît dans les statistiques.

M. Daniel Labaronne (RE). Je voudrais revenir sur le lien entre la baisse ambitieuse de la dépense publique et le soutien à la croissance. Une dépense publique qui crée de la dette est une dépense qui contribue au maintien de taux d’intérêt élevés pour les ménages, les collectivités locales, les entreprises et l’État, et qui freine donc la croissance. Dès lors, la réduction de la dépense publique, hors investissements d’avenir, peut constituer un moyen de soutenir la croissance. Partagez-vous ce point de vue ?

Par ailleurs, dans le cadre de mon travail de rapporteur spécial, je sais précisément quel est l’impact de l’annulation des crédits sur les trois programmes budgétaires qui relèvent de mon périmètre.

M. Thomas Cazenave, ministre. Je refuse le raccourci qui consisterait à dire que la baisse de la dépense publique ralentirait nécessairement la croissance. Le Premier président de la Cour des comptes écrit d’ailleurs régulièrement sur la qualité de la dépense. En quoi la réduction des dépenses immobilières de l’État, en organisant mieux les espaces ou en vendant une partie du patrimoine, affecterait-elle la croissance potentielle du pays ? En revanche, vous avez raison de dire qu’il ne faut pas couper les dépenses d’avenir importantes pour notre croissance potentielle et pour notre capacité à créer des emplois, donc à réduire notre déficit public.

L’exemple de la capacité des rapporteurs spéciaux à y voir clair concernant les conséquences du décret d’annulation montre qu’il est important qu’un échange puisse avoir lieu avec les parlementaires, pour que vous soyez informés des conséquences du décret d’annulation. Nous sommes à votre disposition pour vous éclairer à ce sujet.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). L’augmentation des dépenses des collectivités locales est comptabilisée dans la dépense publique, mais pas dans le déficit puisqu’elles sont soumises à la règle d’or. L’augmentation du déficit n’est donc pas due aux collectivités locales. Je rappelle par ailleurs que leur endentement n’a pas augmenté.

M. Thomas Cazenave, ministre. Les finances publiques sont un tout. À la fin, nous devons considérer toute la dépense publique. Par ailleurs, outre les dépenses de fonctionnement, qui sont soumises à la règle d’or, il y a les dépenses d’investissement. Il faut ajouter toutes ces dépenses pour observer l’évolution globale des dépenses publiques. C’est la raison pour laquelle je ne dis jamais que les élus locaux sont de mauvais gestionnaires ! En revanche, je rappelle que nous avons les finances publiques en partage et que pour stabiliser l’évolution de la dépense publique, il faut aussi que les collectivités ralentissent la croissance de leurs dépenses publiques.

M. le président Éric Coquerel. Les déficits sur l’investissement n’ont pas augmenté, comme vous l’a expliqué la présidente de Régions de France.

M. Thomas Cazenave, ministre. Si !

M. Manuel Bompard (LFI-NUPES). Soyons précis. Le 20 février, vous avez évoqué à l’antenne de France Inter l’hypothèse du gel des retraites pour cette année, contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure. Concernant d’autres sujets, comme la suggestion de rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune, votre réponse est claire : il n’en est pas question, car le Gouvernement ne veut pas d’augmentation des impôts. C’est ce que vous répondez à longueur de journée quand on vous interroge à ce sujet ! Notre question est simple : vous engagez-vous solennellement à ce que le Gouvernement ne soutienne pas un gel des retraites cette année ? Si vous n’y répondez pas, tout le monde pensera que vous ne voulez pas le dire, mais que vous avez l’intention de le faire au lendemain des élections européennes. S’il vous plaît, dissipez notre doute.

M. Thomas Cazenave, ministre. Je vous ai déjà répondu quant à ce que nous allons faire cette année. J’ai été clair : au lendemain des élections européennes, aucune annonce ne sera faite car nous avons déjà annoncé ce que nous faisons.

Vous me parlez de l’impôt sur la fortune, mais vous ne m’avez pas posé de question à ce sujet. Vous anticipez donc une réponse que je n’ai pas formulée. C’est dire votre bonne foi !

Concernant la taxation des énergéticiens, un travail des parlementaires est en cours. Je ne vais pas figer le projet de loi de finances tout seul dans mon coin, dans un bureau à Paris. L’élaboration du budget est un exercice ouvert, sur la base de propositions. Il n’y a aucune précipitation, mais de l’ordre et de la méthode.

M. le président Éric Coquerel. Si les parlementaires proposent une TVA sociale, vous y serez défavorable ?

M. Thomas Cazenave, ministre. Vous faites référence au livre de Bruno Le Maire, qui m’a chargé de l’excuser car il est en déplacement.

Ce livre présente un changement complet de modèle de financement social.

Sommes-nous prêts à changer complètement le modèle de financement de la sécurité sociale ? Je vous ai répondu que non.

M. le président Éric Coquerel. Donc pour la TVA sociale, c’est non, et pour le gel des retraites, cela va dépendre des propositions qui seront faites. C’est ce que je comprends.

M. Thomas Cazenave, ministre. Nous attendons vos propositions.

M. le président Éric Coquerel. Donc, ce n’est pas non.

*

*     *

La commission a autorisé la publication du présent rapport.

 

 


([1]) Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

([2]) Déposé le 26 septembre 2022, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 a été adopté par l’Assemblée nationale en lecture définitive le 15 novembre 2023. Le 25 septembre 2023, examinant le projet de loi en nouvelle lecture, la commission des finances de l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement tendant à substituer au rapport annexé au texte déposé un nouveau rapport présentant un scénario macroéconomique actualisé.

([3]) Avis n° HCFP-2022-4 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2023.

([4]) « En mars, l’indicateur synthétique du climat des affaires est en hausse (+2 pt à 100) et atteint sa moyenne de long terme pour la première fois depuis septembre 2023 : selon ce signal, l’activité française évoluerait à un rythme de croissance moyen. Cette progression se reflète dans tous les secteurs d’activités à l’exception du bâtiment. Les hausses concernent les services (+2 pt à 102) et l’industrie (+1 pt à 102) ; ce dernier climat atteint son plus haut niveau depuis mars 2023. En outre, le climat des affaires dans le gros progresse (+2 pt à 95) mais reste sous sa moyenne. Enfin, le climat dans le bâtiment se dégrade (−1 pt à 102). Par ailleurs, le climat de l’emploi est stable et confirme son rebond du mois précédent au-dessus de sa moyenne de long terme (inchangé à 102). » (Direction générale du trésor, Flash conjoncture France - Le climat de l’Insee rebondit à sa moyenne, 25 mars 2024).

([5]) Pour rendre son avis, le Haut Conseil des finances publiques a entendu des représentants de la direction générale du Trésor et de la direction du Budget, ainsi que de la Banque de France, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), de l’Insee et de Rexecode, sur les perspectives de court et moyen terme de l’économie française.

([6]) Les enquêtes de l’Insee et de la Banque de France montrent un recul quasi-continu des difficultés d’approvisionnement depuis le printemps 2022 ainsi qu’un relâchement des tensions de recrutement depuis plusieurs trimestres

([7]) Communication de la Commission  au Conseil – Orientations en matière de politique budgétaire pour 2024.

([8]) Une procédure pour déficit excessif pourra être ouverte lorsqu’un État membre dépasse la cible de 3 % du PIB de déficit nominal. La Commission devra alors recommander une trajectoire de correction, compatible avec un ajustement structurel minimum de 0,5 % par an à titre de référence, comme dans les règles actuelles. Néanmoins, une flexibilité a été introduite pour les années 2025 à 2027 : la référence d’ajustement minimum de 0,5 % par an en termes structurels pourra être abaissée pour refléter la hausse de la charge d’intérêt lorsqu’un État membre réalise des investissements significatifs.

([9]) En prenant en compte les hypothèses du programme de stabilité relatives au PIB et à sa croissance nominale, aux dépenses hors crédits d’impôts et à leur croissance en valeur et à la part des charges d’intérêts dans le PIB.

([10]) Articles 22 de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et 167 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([11]) Un rapport d’évaluation de la qualité de l’action publique a ainsi été remis au Parlement par le Gouvernement en juillet 2023, s’appuyant sur les travaux de douze missions thématiques. De sa propre initiative, la Cour des comptes a par ailleurs publié, également en juillet 2023, neuf notes thématiques dans le cadre des revues de dépenses.

([12]) En comptabilité budgétaire, le périmètre des dépenses de l’État (PDE) a été exécuté à hauteur de 489,1 milliards d’euros, soit près de 7 milliards d’euros de moins que le montant inscrit en LPFP 2023‑2027.

([13]) Il s’agit par exemple, comme l’indique le rapport annuel sur la dette des administrations publiques, des prêts accordés par les administrations publiques à des entités hors des administrations publiques. Les flux de créances permettent ainsi de réconcilier l’évolution de la dette avec le cumul des besoins de financement en comptabilité nationale.