N° 302
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 octobre 2024.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
en conclusion des travaux d’une mission d’information
sur la gestion de la dette sociale
ET PRÉSENTÉ PAR
M. Hadrien CLOUET et Mme Stéphanie RIST,
Députés.
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SOMMAIRE
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Pages
Avant-Propos de M. Hadrien Clouet, Rapporteur
Avant-Propos de Mme Stéphanie Rist, rapporteure
A. La dette sociale : un exercice de définition indispensable à toute tentative de mesure
1. La gouvernance et les règles comptables et budgétaires applicables à la Cades et à l’Acoss
a. Les règles applicables à la Cades
b. Les règles applicables à l’Acoss
B. La Cades et l’Acoss ne connaissent aucune difficulté à emprunter
1. Quelles sont les stratégies de financement de la Cades et de l’Acoss ?
3. La Cades et l’Acoss cherchent à diversifier leurs bases de financement et leurs outils d’émission
4. La Cades et l’Acoss ont recours à des programmes d’émissions sociales
b. Les dotations versées par le Fonds de réserve pour les retraites
3. Les implications du choix d’un financement par l’impôt plutôt que par les cotisations sociales
A. Les lois du 7 aoÛt 2020 ont organisÉ une reprise de 136 milliards d’euros de dette par la Cades
a. Des transferts permis par un allongement de la durée d’amortissement de la dette sociale
3. Une reprise de dette contestée à plusieurs titres
c. La reprise de la dette des hôpitaux : un élargissement de la dette sociale
B. LA situation financiĖre de la sÉcuritÉ sociale prÉsente une trajectoire de dÉficits non maÎtrisÉe
3. Les branches maladie et vieillesse portent l’essentiel du déficit de la sécurité sociale
a. Les déficits de l’assurance maladie se stabiliseraient à un niveau élevé
b. Les comptes de l’assurance vieillesse se dégraderaient du fait du régime général et de la CNRACL
1. La réduction des déficits de la sécurité sociale permettrait de tarir la dette à sa source
a. L’Acoss n’est pas outillée pour assurer durablement le financement de déficits élevés
b. Scénario n° 1 : une augmentation des recettes de CSG ou de cotisations
c. Scénario n° 2 : une baisse des dépenses d’assurance maladie
ANNEXE : Liste des personnes ENTENDUEs par les rapporteurs
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Avant-Propos de M. Hadrien Clouet, Rapporteur
● Le terme de « dette sociale » est apparu très récemment dans les discussions parlementaires, et a fortiori dans le débat public. Sa prégnance ne saurait donc faire oublier qu’elle n’apparaît qu’au tournant des années 1980, dans un moment intellectuel et politique spécifique marqué par l’individualisation des risques sociaux, le tournant des modes d’accumulation économique vers la sphère financière et la naissance d’un « ordre de la dette » ([1]), lequel place le crédit public au rang supérieur des contraintes et des engagements de l’État et de la sécurité sociale, plaçant les exigences des créanciers hors de portée des discussions politiques, notamment en naturalisant des choix politiques par le biais de l’expertise proto-scientifique ([2]).
La jonction entre l’idéologie du risque privé et la financiarisation des activités économiques s’opère dans des outils concrets, à l’instar de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), objet du présent rapport. Cet outil d’économie politique s’inscrit dans la longue histoire des ingénieries conservatrices visant la mise en marché expiatoire de la dette. Du cantonnement Poincaré (1922) au cantonnement Juppé (1996) en passant par le cantonnement Chirac (1986), tous ont extrait une fraction de dette de ses circuits ordinaires pour « l’afficher » et ériger son remboursement en priorité nationale. Le cantonnement de la dette s’est donc présenté comme la solution incontournable au problème du « trou de la sécu », dont on ne voit guère à quoi il fait référence, puisque les déficits des différentes caisses sont exclusivement dus aux ponctions de l’État dans les recettes, via les exonérations et les charges indues.
Mais alors que cette caisse devait disparaître au bout de treize ans, voici qu’elle fête son vingt-huitième anniversaire. Cette pérennité étonnante et l’indigence des débats qui ont entouré sa prorogation, puis les transferts incessants de nouvelles charges, ont intrigué les députés de tous les groupes parlementaires représentés à la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss). Avec Stéphanie Rist, nous avons donc conduit de nombreuses auditions, pour restituer l’histoire très (trop) discrète de la Cades, son fonctionnement, ses prérogatives et les relations de pouvoir qu’elle instaure. La direction de la Cades, des administrateurs de la sécurité sociale, les organisations syndicales représentatives ou encore des enseignants-chercheurs sont venus éclairer nos analyses. Les travaux étaient donc fort avancés lorsque la XVIe législature de l’Assemblée nationale a vécu sa dissolution-surprise.
Pour rattraper le retard calendaire et respecter les engagements d’information du grand public, le bureau de la commission des affaires sociales a accepté que nous transformions ce rapport en mission d’information. Il s’agissait donc d’éclairer les discussions budgétaires en cours autour du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Finalement, le rapport est publié alors que les discussions budgétaires n’ont toujours pas démarré et que le PLFSS demeure retenu dans un bureau ministériel quelconque. Mais, quoiqu’il en soit, notre rapport montre que des parlementaires sont en capacité de s’accorder sur des faits économiques, de restituer la nature d’une controverse sans abdiquer leurs préférences politiques. Bref, il témoigne d’un besoin de discuter librement les options économiques du pays et du refus de toute pensée unique en la matière.
Car le jugement de principe, de méthode et d’opportunité que porte chaque rapporteur sur la Cades diffère. À mes yeux, l’ordonnance fondatrice de la Cades a engagé un dangereux tête-à-queue. Elle acte le renoncement de la puissance publique à augmenter les cotisations destinées à la sécurité sociale ou à accorder un prêt de la Caisse des dépôts et consignations pour couvrir les dépenses nécessaires. À la place, une « dette sociale » est construite de toutes pièces en accumulant des déficits, ultérieurement transférés à une caisse dédiée. Celle-ci rembourse intégralement la « dette sociale » – au lieu de la faire rouler, comme la dette publique. D’où des frais exorbitants de commission et de remboursement du principal. En ce sens, il n’y a pas de « fardeau intergénérationnel », mais un rapport de classe : les contribuables (donc essentiellement, en proportion de leurs revenus, les classes populaires et moyennes) versent des intérêts aux créanciers (les détenteurs de hauts revenus, qui placent ainsi l’argent que les contre-réformes fiscales leur ont restitué ces dernières années). Les enfants d’ouvriers et d’employés paieront demain des intérêts aux enfants de rentiers.
Et ils s’en acquittent notamment par le biais de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), c’est-à-dire un impôt, doublement injuste. D’abord, il est proportionnel, car il frappe à 0,5 % quel que soit le niveau de revenu, les riches comme les pauvres. Ensuite, il dispose d’une assiette antisociale, car il s’applique à tous les revenus, y compris les pensions de retraite ou d’invalidité. Chaque prolongation de la durée de vie de la Cades revient à une hausse d’impôts sur les ménages, puisqu’ils s’acquitteront plus longtemps de la CRDS qui lui est liée et n’expirera qu’avec elle. En somme, les victimes du démantèlement de la sécurité sociale subissent à la fois les déremboursements... et l’obligation de rembourser une dette délibérément creusée. Cette manœuvre culpabilise les ayants droit par une taxe, en épargnant tout relèvement des taux de cotisation aux grands monopoles ou aux hauts salaires.
Comme toute politique de financiarisation, celle-ci fait des gagnants... dont le profil demeure inconnu de la Cades elle-même. Mais le volume net d’intérêts et de commission versé depuis la création de la Cades excède 75 milliards d’euros – des sommes qui n’auraient jamais existé en branchant ce circuit de financement sur la sécurité sociale. Cela représente sept années de déficit de la sécurité sociale ! La finance vit au-dessus de nos moyens – mais à nos frais – et ce rapport constitue donc l’anatomie d’une financiarisation critiquable.
Face à ce constat, que faire ?
Premièrement, tenir bon sur les principes. La Cades et les opérations qui l’entourent ont un objectif principalement idéologique, celui de « retourner la dette sociale » ([3]). Depuis 1945, les États sociaux proposaient un contrat social impliquant qu’ils protègent les citoyens des risques de la vie : ils avaient ainsi une « dette sociale » à l’égard des accidentés de la vie. La contre-révolution conservatrice des années 1980 retourne la redevabilité de l’individu à l’égard de l’État en exigeant des preuves répétées d’adhésion. Je ne l’accepte pas : c’est la puissance publique qui entretient une dette à l’égard des citoyens qui naissent, grandissent et travaillent en son sein ([4]).
Deuxièmement, refuser tout processus financiarisé dans la sécurité sociale, ce grand outil de production économique (de soins, de prestations, d’investissements dans les qualifications...) qui repose sur le couple subvention‑cotisation plutôt que sur le couple intérêt‑emprunt. En effet, la note finale est toujours supérieure aux prévisions initiales. Et, surtout, elle déplace les lieux de décision vers les marchés financiers, érigés en juges des politiques publiques par le biais des taux d’intérêt acceptés ou refusés.
Troisièmement, conséquence logique du deuxième point, accroître les ressources de la sécurité sociale afin d’éviter toute constitution de dette, plutôt que d’inventer des impôts injustes censés l’éponger a posteriori. Les sommes levées par la CRDS pour rembourser la dette mériteraient d’être réinjectées directement dans la sécurité sociale. Les marges de manœuvre sont là : à titre d’exemple, depuis 2017, la part des rémunérations du travail dans la valeur ajoutée a reculé de 2 points. Cela représente 28 milliards d’euros par an, exclusivement dus à sept ans de compression salariale. De même, les exemptions d’assiette sur des revenus non‑salariaux, comme la prime « Macron », coûtent près de 10 milliards d’euros par an aux comptes de la sécurité sociale.
Quatrièmement, le rachat et la réintégration des engagements de la Cades dans le budget de l’État, en démarrant par cette charge indue qu’a constitué la « dette covid‑19 », soit la facture du chômage partiel ou des congés parentaux décidés par l’État et imputés à la sécurité sociale. Un tel mouvement permettrait de faire rouler la dette plutôt que de sabrer dans les comptes sociaux au nom d’un hypothétique remboursement du principal.
Cinquièmement, limiter les ressources allouées à la Cades. Chaque année, plus de 20 milliards d’euros de recettes s’y engouffrent – le double du déficit annuel de la sécurité sociale ! Dans un esprit de grande modération, on pourrait n’y allouer que la CRDS, et récupérer les 10 milliards levés par le biais de la CSG et du Fonds de réserve pour les retraites vers la sécurité sociale. De quoi ramener les comptes, en un seul mouvement, à l’équilibre ou à l’excédent. De plus, le financement ainsi étalé pourrait reposer sur une fiscalité progressive, mettant à contribution les grandes fortunes, plutôt que l’allocation de rentrée scolaire ou l’aide personnalisée au logement des plus précaires.
Puisque la Cades est un outil indexé sur les appétits du capital financier, au détriment de la justice sociale, fiscale et sanitaire, ce rapport est à mes yeux un plaidoyer pour le retour à une sécurité sociale intégrale, autonome dans ses ressources et gérée par les travailleurs eux-mêmes.
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Avant-Propos de Mme Stéphanie Rist, rapporteure
● En 2020, la sécurité sociale fit face à ce qui fut sans doute la pire crise de son histoire. Alors que la situation financière des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (Robss) était proche de l’équilibre (1,7 milliard d’euros de déficit en 2019) après presque dix années de redressement progressif, l’exécution du dernier programme de reprise de la dette, engagée en 2010, et des perspectives d’amortissement de la dette sociale à horizon 2024 qui apparaissaient réelles. La crise liée à l’épidémie de covid‑19 a néanmoins brutalement interrompu cette trajectoire. Les mesures alors mises en place par les pouvoirs publics et la sécurité sociale, indispensables pour assurer la protection de nos concitoyens et de notre tissu économique, ont entraîné à la fois une chute des recettes de la sécurité sociale et une augmentation massive des dépenses de l’assurance maladie et des établissements de santé.
En trois ans, cette crise aura en effet entraîné un coût de 90 milliards d’euros pour les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), dont 50 milliards d’euros de dépenses supplémentaires prises en charge par l’assurance maladie.
L’« effet ciseau » d’une baisse des recettes et d’une augmentation des dépenses a très rapidement provoqué une tension sur les besoins de financement de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), qui assure la gestion de la trésorerie du régime général. Une étape fut franchie en avril 2020, lorsque les marchés financiers refusèrent momentanément de répondre aux demandes d’emprunts sollicitées par l’Acoss afin de garantir le paiement en temps voulu des prestations sociales de nos concitoyens.
Cet événement eut lieu dans un climat de très forte incertitude. Outre l’effet de stupeur qu’il provoqua, il mit également en lumière les risques auxquels l’Acoss était exposée dans sa mission de gestion de la trésorerie dans un contexte où les déficits qu’elle devait être amenée à financer allaient, selon toute vraisemblance, s’accroître sensiblement.
● En réponse à cette situation, les pouvoirs publics prirent en urgence des décisions structurantes pour l’avenir de nos finances sociales. Afin de desserrer les contraintes de financement de l’Acoss, les lois organique et ordinaire du 7 août 2020 relatives à la dette sociale et à l’autonomie ont ainsi organisé la reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) d’un montant de 136 milliards d’euros correspondant aux déficits déjà constatés au titre des exercices antérieurs ainsi qu’à ceux, prévisionnels, des exercices 2020 à 2023. Il en a résulté une prorogation de la date d’extinction de la Cades au 31 décembre 2033.
Aussi indispensable qu’elle ait pu être, cette reprise de dette fut toutefois décidée dans des conditions de célérité qui ne facilitèrent pas l’appropriation publique des enjeux qui la justifiaient. Moins de trois mois s’écoulèrent ainsi entre le dépôt des projets de lois organique et ordinaire en mai 2020, leur adoption définitive et la première opération de reprise par la Cades en août 2020.
● En janvier 2024, alors que le programme de reprise de dette était désormais achevé et dans un contexte où les déficits sociaux restent importants malgré le redressement observé entre 2021 et 2023, la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) a décidé de consacrer son évaluation structurante à l’analyse et l’évaluation de la gestion de la dette sociale. Deux raisons me semblaient de nature à justifier ce choix :
– d’une part, il était nécessaire que la représentation nationale se saisisse de cette question de la dette sociale, non seulement pour évaluer le plan de reprise de dette adopté en 2020 mais également pour éclairer les conséquences des choix faits depuis 1996 s’agissant de sa gestion ;
– d’autre part, la dégradation des perspectives financières pluriannuelles des Robss et du FSV présentée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 laissait penser que le législateur serait amené, dans un horizon relativement proche, à débattre des modalités de financement des déficits sociaux qui s’accumuleront dans les années à venir. Les travaux menés par cette mission apparaissaient donc de nature à permettre à la représentation nationale d’effectuer le choix le plus éclairé possible lorsque la question du financement de la dette sociale lui serait de nouveau posée.
Nous avons mené un large programme d’auditions au premier semestre 2024 avec les administrations et caisses de sécurité sociale concernées mais également avec des enseignants‑chercheurs et des spécialistes du sujet. Bien que la dissolution de la XVIe législature de l’Assemblée nationale du mois de juin 2024 ait formellement interrompu les travaux menés par la Mecss, le bureau de la commission des affaires sociales a décidé de reprendre ces travaux, dès son renouvellement en juillet, sous la forme d’une mission d’information, nous permettant ainsi de rendre nos conclusions dans les délais que nous nous étions fixés.
● Dans le présent rapport, nous nous sommes efforcés de restituer les conclusions de nos travaux de la façon la plus objective possible, qu’il s’agisse de la présentation des raisons qui ont conduit au choix de distinguer la dette sociale de celle de l’État et de la cantonner dans un établissement public chargé de son amortissement, de l’analyse de l’efficacité de la gestion de cette dette au regard des objectifs confiés à la Cades et à l’Acoss ou de l’énumération des pistes envisageables pour assurer son financement et réduire les déficits sociaux.
Toutefois, il est incontestable que nos appréciations respectives sur ces différents points divergent sensiblement.
Premièrement, il me semble que le choix fait en 1996 de distinguer la dette sociale du reste de la dette publique et de prévoir son amortissement à moyen terme par un organisme ad hoc ne doit pas être remis en cause. Par la nature même des dépenses qu’ils servent à financer, nos régimes de sécurité sociale ne peuvent être durablement déficitaires. C’est un mécanisme vertueux et une question de justice envers les générations futures qui ne doivent pas se voir transmettre la responsabilité éponger une dette générée par des déficits courants dont ils ne bénéficient pas. Il y a donc bien nécessité de distinguer la dette sociale et d’assurer les conditions de son apurement.
Deuxièmement, j’estime que la Cades et l’Acoss assurent la mission qui leur a été confiée avec un grand professionnalisme et une efficacité certaine. La qualité de leur signature est reconnue de tous les acteurs, comme en témoigne la facilité avec laquelle ils parviennent à lever des fonds sur les marchés. Les taux auxquels ils empruntent présentent par ailleurs des écarts très faibles avec ceux de l’État, de sorte que le léger surcroît d’intérêts que génèrent ces emprunts est peu significatif au regard des avantages de flexibilité et de souplesse qu’apporte leur capacité à émettre des titres en dehors du cadre de refinancement de la dette de l’État.
Troisièmement, l’amortissement de la dette sociale par la Cades est une tâche vaine si nous ne parvenons pas à réduire les déficits structurels qui l’alimentent. Pour ma part, j’ai la conviction que nos efforts doivent se concentrer sur la réduction des dépenses et l’amélioration de leur efficience, mais s’accompagner également d’une réflexion sur les recettes sociales. J’ai évoqué les causes structurelles du déficit de la sécurité sociale, en particulier celui des deux branches qui accusent les déficits les plus élevés : l’assurance maladie et l’assurance vieillesse. Il convient donc d’y apporter des réponses structurelles.
De nombreuses idées ont été versées au débat ces derniers mois, qu’il s’agisse de la lutte contre les arrêts de travail non justifiés, de la limitation du volume de médicaments consommés dans notre pays, de la pertinence des actes, etc. Ces efforts doivent être partagés par tous. S’agissant des recettes, un consensus émerge sur la nécessité de faire évoluer certains allégements généraux tout en préservant leurs effets positifs sur l’emploi. Ces réflexions animeront, à n’en pas douter, nos débats sur le prochain PLFSS. À plus long terme, le renforcement de la prévention peut tout à la fois être un moyen d’améliorer sensiblement la santé de nos concitoyens et un levier d’économies considérables. Nous devons impérativement poursuivre dans cette voie.
Quelles que soient nos convictions politiques, la question de l’avenir de la dette sociale et, in fine, du financement de notre modèle social est une question centrale qui se pose au Parlement et à la société française. Seule une approche responsable – et donc des efforts partagés par tous – peut nous permettre de sauver notre modèle social auquel nous sommes tous attachés. Je forme donc le vœu que nos travaux puissent alimenter utilement les réflexions et les débats que nous aurons, dès cet automne, sur l’avenir de son financement.
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● Le 13 décembre 2023, la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) de la commission des affaires sociales a décidé de lancer une évaluation structurante portant sur la gestion de la dette sociale, et désigné Mme Stéphanie Rist (groupe Renaissance), rapporteure générale, et M. Hadrien Clouet (groupe LFI - NUPES) rapporteurs de celle-ci.
Compte tenu du domaine de compétence de la Mecss ([5]), les rapporteurs ont estimé que leurs travaux devaient porter sur les modalités de gestion mises en œuvre depuis la création de la Caisse d’amortissement de la dette sociale en 1996 pour refinancer et apurer les déficits cumulés des organismes de sécurité sociale. Ils ont pour l’essentiel souscrit à la définition de la dette sociale retenue par le Conseil d’État qui, compte tenu des dispositions organiques applicables à la gestion de celle‑ci, la caractérise comme « la dette des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement [...] résultant de leurs besoins de financement passés ou prévisibles » ([6]).
Leur attention s’est portée à la fois sur les modalités techniques de la gestion de la dette sociale et sur les principes en vertu desquels les pouvoirs publics ont choisi de l’isoler de la dette de l’État, de la cantonner au sein d’un établissement public particulier et de l’amortir en mobilisant des ressources spécifiques. D’une façon générale, les rapporteurs ont cherché à dresser, à l’intention des citoyens et des responsables publics, un état des lieux de cette gestion et des principes qui la sous-tendent, en rendant compte des appréciations très diverses dont ce dispositif a fait l’objet depuis son instauration.
Au cours du premier semestre 2024, ils ont recueilli la contribution des principales administrations centrales concernées par cette mission ; de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), établissement public chargé, depuis 1996, d’apurer les déficits cumulés des organismes de sécurité sociale dont le législateur lui confie le financement ; de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), qui gère la trésorerie du régime général et assure à ce titre le financement des déficits dudit régime qui ne sont pas couverts par des versements de la Cades ; des caisses responsables de la gestion administrative des branches et des régimes de sécurité sociale les plus déficitaires ; des partenaires sociaux ; d’enseignants-chercheurs et de spécialistes des finances publiques et sociales.
La dissolution de l’Assemblée nationale ayant mis fin à l’ensemble des missions de contrôle, les rapporteurs n’ont pas été en mesure de présenter leurs conclusions à la Mecss elle-même. Toutefois, en les autorisant à reprendre leurs travaux dans le cadre d’une nouvelle mission d’information partageant l’objet de l’évaluation initiale, le bureau de la commission des affaires sociales nouvellement reconstituée leur a finalement permis de présenter leurs conclusions ([7]).
● La première partie du présent rapport montre comment, à partir des années 1990, le niveau atteint par les déficits cumulés de la sécurité sociale – c’est-à-dire principalement du régime général – a fait de la gestion de la dette de cette dernière un enjeu central de la gouvernance des finances sociales.
Après une première reprise de dette mise en œuvre dès 1993 sous la forme d’un transfert des déficits de l’Acoss à l’État, le choix est fait en 1996, dans le cadre du « plan Juppé » de réforme de la sécurité sociale, de confier à une structure ad hoc – conçue pour être temporaire – la mission de rembourser la dette des régimes obligatoires de base qui lui est transférée sur la décision du législateur.
Aussi, à la différence notamment de la dette de l’État, la dette sociale n’est pas seulement refinancée – c’est-à-dire reconduite par la souscription de nouvelles créances permettant de rembourser les précédentes et de « faire rouler » la dette –, mais également amortie. L’objectif énoncé lors de la création de la Cades était de ne pas reporter sur les générations ultérieures les charges inhérentes au remboursement d’une dette qui résultait pour l’essentiel de dépenses de prestations excédant les ressources des régimes de sécurité sociale. Pour les initiateurs de la Cades, il était nécessaire de faire peser le coût du remboursement de la dette sociale sur les assurés sociaux eux-mêmes dans la mesure où ils avaient bénéficié de ces prestations. Ce postulat a justifié que les ressources de la Cades soient principalement constituées de prélèvements sur les revenus des ménages – essentiellement au moyen d’une nouvelle imposition, la contribution au remboursement de la dette sociale, ou CRDS – et que l’amortissement de la dette soit réalisé dans un temps suffisamment court pour que les générations concernées par ces déséquilibres contribuent effectivement à leur résorption.
Alors même que les missions de la Cades auraient dû s’achever en 2009, la persistance des déficits sociaux a justifié plusieurs « réouvertures » de cette caisse initialement conçue comme une structure « fermée », conduisant à reporter le terme de l’amortissement de la dette sociale. Il apparaît ainsi que l’objectif d’éteindre dans un horizon de temps resserré une dette présentée comme exceptionnelle n’a pas été atteint. En effet, si la Cades n’a pas été transformée en institution perpétuelle chargée de couvrir des déficits dont on aurait admis le caractère récurrent, force est de constater que les « réouvertures » successives de la Caisse, en repoussant l’extinction de ses missions de 2009 à 2033, ont écarté la perspective d’un apurement rapide de l’ensemble de la dette de la sécurité sociale – et cela en dépit du renforcement progressif du cadre juridique des reprises de dette.
● Les rapporteurs constatent, dans une deuxième partie, que les institutions chargées de mettre en œuvre les principes définis en 1996 ont su, dans le cadre défini par ces derniers, instaurer une gestion de la dette sociale considérée comme efficace par une partie des personnes entendues lors des auditions. Quelle que soit l’appréciation que l’on porte sur les justifications énoncées en 1996 et régulièrement confirmées depuis, force est de constater que la Cades respecte les objectifs que le législateur lui a assignés, dans la mesure où elle n’a jamais rencontré de difficulté de financement. Elle a ainsi su maintenir, entre ses propres conditions de financement et celles dont bénéficie l’État pour la gestion de sa propre dette, un écart de taux relativement faible pour que les coûts supplémentaires qui en résultent soient contenus. Pour y parvenir, la Caisse a mis à profit la possibilité qui lui est offerte d’effectuer des opérations auxquelles d’autres émetteurs publics ne peuvent se livrer, en particulier en émettant des titres dans des devises étrangères. Il reste que la somme des charges d’intérêt nettes versées par la Cades depuis sa création s’élevant à 75 milliards d’euros ([8]), la constitution d’une dette sociale a entraîné des surcoûts qu’une gestion des branches à l’équilibre aurait permis d’éviter.
● Dans un troisième temps, les rapporteurs rappellent que, dans le contexte de la pandémie de covid-19, le choix a été fait d’organiser une nouvelle reprise de dette par la Cades afin de couvrir notamment les besoins de financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale liés à la crise sanitaire. Ils montrent que cette reconduction des mécanismes historiques de gestion de la dette sociale a été décidée dans l’urgence, dès le printemps 2020, compte tenu des difficultés rencontrées par l’Acoss pour se financer auprès des marchés. Ils rendent compte des débats que ces transferts ont suscités. À titre d’exemple, certaines personnes entendues par les rapporteurs ont fait valoir que l’engagement de dépenses supplémentaires pour faire face à la crise sanitaire ayant été décidé par l’État, la dette résultant de ces surcoûts aurait dû être imputée à ce dernier et gérée dans les mêmes conditions que sa propre dette. D’autres ont au contraire souligné que la gestion financière de la sécurité sociale relevant de la compétence du législateur – en particulier dans le cadre de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale – et du pouvoir réglementaire, la circonstance que la « dette covid » résultait de décisions prises par le Gouvernement ou le Parlement n’aurait pas justifié à elle seule qu’elle fût isolée du reste de la dette sociale ou transférée à l’État.
Les rapporteurs soulignent également la novation qu’a représenté le transfert à la Cades d’un tiers de la dette des hôpitaux, alors même que ces passifs avaient jusqu’alors été distingués de ceux de la sécurité sociale elle-même et qu’ils résultaient pour l’essentiel de dépenses d’investissement plus que de dépenses courantes. Si les établissements de santé assurant le service public hospitalier sont en partie financés au moyen de dotations de la branche maladie, cette composante des reprises de dette décidées en 2020 n’en constituait pas moins un élargissement de la dette sociale.
À l’issue de ces reprises de dette, environ 7 milliards d’euros de déficits du régime général constitués jusqu’à la fin de l’année 2023 ne sont pas couverts par des versements de la Cades et pèsent donc sur la trésorerie de l’Acoss. D’ici à 2027, les branches maladie et vieillesse, y compris la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), accumuleront une dette estimée à 70 milliards d’euros par le Haut Conseil du financement de la protection sociale ([9]). Selon les prévisions présentées dans le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, le déficit des régimes obligatoires de base de sécurité et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) excédera dès cette année le montant des sommes apurées par la Cades, entraînant une dégradation de la situation patrimoniale de la sécurité sociale ([10]). La reconstitution rapide des déficits sociaux mettra à l’épreuve la capacité de l’Acoss à couvrir les besoins de financement de court terme du régime général, dont elle gère la trésorerie, ainsi que ceux des autres régimes auxquels elle consent des avances ou des prêts – en particulier la CNRACL.
Les rapporteurs présentent finalement plusieurs mesures, mentionnées lors des auditions, qui pourraient empêcher l’accumulation de tels déficits en rétablissant l’équilibre courant des branches de sécurité sociale, soit par une augmentation de leurs recettes, soit par la réduction de leurs dépenses. Ils rendent aussi compte de propositions tendant à privilégier le rétablissement de l’équilibre financier de la sécurité sociale plutôt que le maintien d’un amortissement rapide de la dette, y compris en reportant l’échéance définie lors de la dernière modification du cadre organique. En effet, alors que les ressources de la Cades étaient jusqu’en 2009 principalement constituées du produit de la CRDS, c’est-à-dire d’une contribution exclusivement affectée à la couverture des déficits passés, la mobilisation de recettes affectées à des organismes de sécurité sociale – sous forme de fractions de contribution sociale généralisée, ou CSG – a conduit selon certains observateurs à faire prévaloir l’amortissement de la dette sur la recherche de l’équilibre courant des branches. Les rapporteurs soulignent combien ce choix mérite aujourd’hui d’être interrogé à la lumière des prévisions de solde des régimes obligatoires de base pour les années à venir.
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I. La dette sociale est une notion aux frontières mouvantes qui fait l’objet d’un encadrement juridique strict et d’une gestion distincte du reste de la dette publique
La dette sociale peut être définie en première analyse comme la somme des déficits des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes qui concourent à leur financement. Cette définition repose cependant sur plusieurs conventions et doit par conséquent faire l’objet d’un travail préalable d’explicitation (A). Celui-ci est d’autant plus nécessaire que l’origine, la nature et les modalités de gestion des passifs qu’elle inclut n’ont cessé d’évoluer depuis les années 1990 (B), au gré des modifications du cadre juridique qui lui est applicable (C), lesquelles ont mis en évidence plusieurs « figures » de la dette sociale ([11]), dont l’identification et les modalités de gestion résultent de choix politiques
A. La dette sociale : un exercice de définition indispensable à toute tentative de mesure
La notion de dette sociale, dans son acception financière ([12]), revêt plusieurs dimensions qui reflètent la diversité des champs d’études des finances sociales, définis par le cadre juridique et les instruments comptables mis en œuvre pour en contrôler l’évolution.
Une première distinction doit être introduite entre, d’une part, les agrégats de la loi de financement de la sécurité sociale – lesquels se rapportent aux régimes obligatoires de base et aux organismes qui concourent à leur financement – et, d’autre part, les comptes des administrations de sécurité sociale au sens des catégories comptables du droit de l’Union européenne.
1. La dette sociale correspond pour l’essentiel aux déficits cumulés des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse repris par la Cades
● La notion de régime obligatoire de base est liée à celle de loi de financement de la sécurité sociale dont elle permet de circonscrire le domaine ([13]). Les dispositions organiques qui régissent l’objet des lois de financement prévoient notamment que ces dernières déterminent et rectifient les prévisions de recettes, les tableaux d’équilibre et les objectifs de dépenses, par branche, de ces régimes ([14]).
Les régimes obligatoires de base de sécurité sociale
Les régimes obligatoires de base offrent une protection contre un ou plusieurs des risques couverts par la sécurité sociale, sous certaines limites. Ils constituent à la fois :
– une organisation administrative destinée à mettre en œuvre cette protection sociale au sein de caisses de sécurité sociale, les représentants des personnes affiliées au régime étant associées à cette gestion ;
– un ensemble de règles de couverture des risques sociaux s’appliquant à un groupe donné de personnes – le plus souvent identifiées sur la base d’un critère professionnel – qui définissent les prestations dont ces affiliés et leurs ayants droit peuvent bénéficier, ainsi que les cotisations dont ils sont tenus de s’acquitter, pour la couverture d’un ensemble plus ou moins étendu de risques.
La liste des régimes obligatoires de base, présentée dans une annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année, comprend trente-deux régimes, dont certains ne couvrent qu’un seul risque (le plus souvent le risque vieillesse), la couverture des risques famille et autonomie étant assurée par le régime général pour l’ensemble des assurés sociaux.
Les premiers d’entre eux par le nombre des bénéficiaires sont :
– le régime général ;
– les régimes agricoles (celui des salariés comptant 2 288 162 bénéficiaires et celui des non-salariés 1 213 545) ;
– le régime des fonctionnaires civils et militaires de l’État (compte d’affectation spéciale Pensions, 2 246 597 bénéficiaires) ;
– le régime de retraite des agents des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière (1 276 473 bénéficiaires), géré par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL).
Source : annexe 1 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
Le traitement de la dette de ces régimes et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) relève expressément du domaine obligatoire des lois de financement, qui déterminent l’objectif d’amortissement de cette dette dans leur partie correspondant à l’année à venir ([15]), et rectifient ledit objectif dans celle relative à l’année en cours ([16]).
En outre, la loi de financement arrête la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes, ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources ([17]).
Son domaine facultatif comprend de surcroît les dispositions ayant un effet sur les recettes de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ([18]) ainsi que sur la dette des régimes obligatoires de base, l’amortissement et les conditions de financement de cette dernière ([19]).
La situation patrimoniale des régimes obligatoires de base est également retracée dans le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, qui comprend un tableau retraçant leur situation financière au 31 décembre du dernier exercice clos ainsi que l’affectation des excédents et la couverture des déficits constatés au terme de cet exercice ([20]).
La notion même de déficit de la sécurité sociale peut interroger. Au-delà du débat consistant à imputer les résultats observés à des dépenses excessives ou à des recettes insuffisantes, rappelons que les prévisions se révèlent souvent plus pessimistes que le solde constaté. En effet, entre la prévision et la réalisation, des mesures d’équilibrage sont régulièrement arrêtées, qui influencent finalement le solde. En outre, d’après certains chercheurs, les soldes comptables sont indépendants des mécanismes internes de gestion de la sécurité sociale, car tributaires de la conjoncture des investissements publics et privés, ce qui conduit ces auteurs à pointer un « déficit de financement » plutôt qu’un « déficit de la sécurité sociale » elle-même. Finalement, en infra-annuel, les modalités de prélèvement ne sont pas neutres. Selon les dates d’exigibilité des cotisations ou de versement des prestations et dotations, la trésorerie présente une apparence très variable – elle comprend des points bas à la moitié du mois, suivis de phases de « gonflement ». L’effet de ces variations sur le solde est cependant neutre à l’horizon d’un an ([21]).
● Parmi les régimes obligatoires de base relevant de la compétence du législateur financier social, le régime général revêt une place prépondérante tant par le nombre de cotisants et par le montant des prestations servies que par sa contribution à la formation des déficits sociaux. Il convient de rappeler que la première reprise de dette d’un régime de sécurité sociale par un tiers – en l’occurrence l’État –, décidée en 1993, visait la trésorerie du régime général, gérée par l’Acoss, laquelle avait couvert les déficits exceptionnels de cet exercice comptable en s’endettant auprès de la Caisse des dépôts et consignations ([22]).
Toutefois, tant l’architecture des lois de financement de la sécurité sociale – qui portent sur l’ensemble des régimes obligatoires de base – que les contributions ultérieures d’autres régimes à la constitution de la dette sociale invitent à ne pas limiter l’analyse des déficits sociaux au seul régime général et à considérer également la dette amortie par la Cades au titre d’autres régimes obligatoires de base.
2. La dette sociale inclut plus largement les déficits des organismes de sécurité sociale non couverts par des versements de la Cades
● À cette « dette affichée » ([23]), il convient d’ajouter les déficits des organismes de sécurité sociale qui, n’ayant pas fait l’objet d’une reprise de dette, pèsent sur la trésorerie de ces organismes.
Le cadre organique établit une distinction entre, d’une part, la « dette » des régimes obligatoires de base et des organismes qui concourent à leur financement et, d’autre part, les « besoins de trésorerie » de ces régimes et de ces organismes, pour la couverture desquels il leur est possible de recourir à des ressources non permanentes dans des limites fixées par la loi de financement de l’année ([24]). Cette différenciation reflète la séparation organique et fonctionnelle entre la gestion de la trésorerie des régimes de sécurité sociale – confiée, dans le cas du régime général, à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ou Acoss ([25]) – et le traitement de leur dette, isolée de celle des autres administrations publiques et cantonnée au sein de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) qui l’apure au moyen de ressources affectées.
La distinction entre la couverture de besoins de trésorerie en cours d’exercice et le refinancement à long terme des déficits entraîne la mise en œuvre de règles différentes encadrant les opérations de l’Acoss et celles de la Cades ([26]).
Malgré ces différences, deux éléments au moins justifient que l’on inclue dans la dette sociale les déficits portés par l’Acoss :
– si le recours de cette dernière a des ressources non permanentes est en principe justifié par le décalage entre la date d’encaissement des cotisations et celle des versements aux différentes branches au titre du versement des prestations, une partie de ces besoins de trésorerie correspondent en réalité à des déficits reconduits d’un exercice comptable à l’autre. À l’instar des reprises de dette effectuées par la Cades, la gestion de la trésorerie du régime général par l’Acoss permet de combler les besoins de financement des régimes de sécurité sociale, c’est-à-dire des déficits cumulés de ces régimes ;
– la gestion de la trésorerie des régimes de base et l’amortissement de leur dette participent des mêmes circuits de financement. Les reprises de dette effectuées par la Cades prennent le plus souvent la forme de versements à l’Acoss permettant de soulager cette dernière de l’obligation de refinancer les déficits des principaux régimes déficitaires en s’endettant auprès des marchés. On peut ainsi soutenir que les règles encadrant les opérations de l’Acoss et les dispositions régissant les missions de la Cades participent d’un même ensemble de règles et poursuivent la même finalité : favoriser une gestion à l’équilibre des comptes sociaux ou, à défaut, organiser le refinancement de ces derniers selon des modalités plus contraignantes juridiquement que celles qui déterminent la gestion de la dette de l’État. En 2011, la Cour des comptes avait résumé cette imbrication croissante des missions respectives de la Cades et de l’Acoss en soutenant que la seconde était « devenue un financeur à grande échelle des déficits sociaux avant transfert » à la première ([27]).
3. La dette des administrations de sécurité sociale autres que les régimes obligatoires de base échappe largement à la compétence du législateur financier social
● Le périmètre des administrations de sécurité sociale, défini par le système européen de comptes (SEC) nationaux pour l’application de l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), relatif à l’interdiction des déficits publics excessifs, comprend, outre la plupart des régimes obligatoires de base, l’assurance chômage et les régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires.
La notion d’administration de sécurité sociale dans le système européen des comptes nationaux
« Le sous-secteur des administrations de sécurité sociale (S.1314) réunit les unités institutionnelles centrales, fédérées et locales dont l’activité principale consiste à fournir des prestations sociales et qui répondent aux deux critères suivants :
« a) certains groupes de la population sont tenus de participer au régime ou de verser des cotisations en vertu des dispositions légales ou réglementaires ;
« b) indépendamment du rôle qu’elles remplissent en tant qu’organismes de tutelle ou en tant qu’employeurs, les administrations publiques sont responsables de la gestion de ces unités pour ce qui concerne la fixation ou l’approbation des cotisations et des prestations.
« Il convient de noter qu’il n’existe habituellement aucun lien direct entre le montant des cotisations versées par un individu et les risques auxquels il est exposé. »
Source : annexe A au règlement (UE) n° 549/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne.
● La dette des administrations de sécurité sociale comprend également celle de l’assurance chômage et des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires. À la fin de l’année 2023, elle atteignait 263,7 milliards d’euros, soit environ 8,5 % de l’ensemble de la dette des administrations publiques au sens de Maastricht.
La dette des administrations de sécurité sociale en fin d’année
(en milliards d’euros)
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
225,6 |
204,1 |
192,2 |
272,4 |
274,4 |
270,8 |
263,7 |
Source : Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), Comptes nationaux des administrations publiques – année 2023, compléments à l’Informations rapides n° 74 du 26 mars 2024.
Cette vision d’ensemble masque cependant des différences entre les situations patrimoniales respectives des organismes relevant de ce périmètre. Les régimes complémentaires de retraite ont notamment constitué des réserves – celles de l’Agirc-Arrco atteignaient 68 milliards d’euros à fin 2022 ([28]) – tandis que l’assurance chômage porte encore un passif qui, cependant, s’est réduit de 60,7 milliards d’euros en 2022 à 57,5 milliards d’euros l’année suivante, à la faveur des excédents dégagés par ce régime ([29]). On constate surtout un point de rupture en 2020 avec la prise en charge des déficits liés à la crise de la covid-19, dont la gestion est assurée par l’État mais dont le financement est en partie imputé à la sécurité sociale, qui interrompt une tendance baissière, puisque le solde s’était jusqu’alors amélioré chaque année depuis 2010.
● Contrairement aux deux catégories de déficits présentés ci-dessus, les mesures influençant la situation patrimoniale des régimes complémentaires d’assurance vieillesse et du régime d’indemnisation du chômage ne relèvent pas du domaine des lois de financement de la sécurité sociale, dès lors qu’elles sont dépourvues d’effet sur les conditions générales de l’équilibre financier de ceux‑ci ([30]).
Les circuits financiers des régimes de base et de certaines administrations de sécurité sociale ne sont toutefois pas strictement séparés. Ainsi, les établissements de santé assurant le service public hospitalier – qui constituent des organismes dépendants des assurances sociales et sont par conséquent compris parmi les Asso – sont en partie financés par des dotations de la branche maladie entrant dans le champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Cette circonstance a d’ailleurs été invoquée pour justifier qu’une partie de la dette des établissements assurant le service public hospitalier soit reprise par la Cades moyennant les modifications apportées au domaine des lois de financement de la sécurité sociale prévues par la loi organique du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie et par la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ([31]).
Depuis la dernière réforme du cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale ([32]), la loi de financement de l’année peut également comprendre, tant dans sa partie relative à l’exercice en cours que dans celle qui se rapporte aux dépenses de l’année à venir des dispositions qui ont un effet sur :
– la dette des établissements relevant du service public hospitalier ;
– la dette des établissements médico-sociaux publics et privés à but non lucratif, à condition qu’ils soient financés en tout ou partie par les régimes obligatoires de base et soumis à un objectif de dépenses ([33]).
Pour figurer en loi de financement, ces dispositions doivent de surcroît modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale.
● Si les rapporteurs partagent le constat d’un élargissement progressif de la dette sociale à de nouvelles catégories de déficits, ils relèvent néanmoins que l’application des modalités spécifiques de gestion de celle-ci mises en œuvre depuis 1996 demeure circonscrite, en ce qui concerne les Asso, à la dette d’établissements dont le financement est étroitement lié à celui des régimes obligatoires de base, ce qui limite la portée de ces évolutions quant à l’étendue de la notion de dette sociale. Il reste que ces novations rappellent que « c’est bien le législateur qui est chargé de définir ce qui relève de [la] cette dette [sociale], la seule limite étant celle de compenser tous nouveaux transferts de dette à la Cades susceptibles d’allonger sa durée de vie ou de passer par une réforme organique » ([34]).
4. Certaines dépenses de protection sociale prises en charge par d’autres administrations publiques ne sont pas non plus comprises dans la dette sociale stricto sensu
● La prise en compte de dépenses sociales portées par d’autres personnes morales que les régimes et les organismes relevant des lois de financement ou que les administrations de sécurité sociale constitue un enjeu des débats portant sur la gestion de la dette sociale, dès lors qu’elle modifie le montant des déficits comptabilisés au sein de celle-ci.
D’après certains observateurs ([35]), il conviendrait notamment d’inclure dans la dette sociale la part de la dette publique correspondant à l’ensemble des contributions, présentées comme dérogatoires au droit commun, de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics de santé à certains régimes de retraite. En 2022, le Haut-commissariat au Plan évaluait ainsi à 30 milliards d’euros par an le « besoin de financement complémentaire » des régimes de retraite pris en charge par les employeurs publics au moyen, d’une part, de subventions d’équilibre versées par le budget de l’État et, d’autre part, de cotisations supérieures à celles versées par les employeurs privés ([36]).
Une telle approche présente le mérite de mettre en évidence le rôle d’autres personnes morales que les administrations de sécurité sociale dans la prise en charge de certaines prestations. Néanmoins, les « déficits » ou la « dette » qu’elle vise à retracer n’ont pas d’existence comptable : d’une part, les régimes spéciaux équilibrés par l’État n’affichent par définition pas de déficit ; d’autre part, les « sur‑cotisations » versées par certaines personnes publiques ne sont pas distinguées de la partie des cotisations employeurs qui équivaut au taux de prélèvement dans le secteur privé. En outre, considérer que ces contributions supplémentaires aggravent le déficit public présuppose que l’on fasse l’hypothèse que ces dépenses ne sont pas couvertes par les recettes des personnes publiques qui les consentent. Toute estimation de la part de dette publique correspondant à ces dépenses est donc nécessairement conventionnelle.
● Sans méconnaître ces débats, les rapporteurs ont estimé que leurs travaux devaient porter sur la gestion de la dette des seuls régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse, soit le champ défini par le cadre organique des lois de financement.
Il leur a d’abord semblé indispensable de tenir compte du domaine de compétence de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss), qui leur avait confié sous la précédente législature la préparation du présent rapport et dans le cadre de laquelle l’ensemble des travaux préparatoires de ce dernier ont été conduits. Aux termes de l’article L.O. 111‑10 du code de la sécurité sociale, la Mecss est chargée de « l’évaluation permanente des lois de financement de la sécurité sociale ». Il se déduit de cette définition que ses travaux doivent porter sur des dispositions précises de lois de financement – dans le cadre du « Printemps social de l’évaluation » – ou, dans le cas des évaluations dites « structurantes », sur tout sujet se rapportant aux finances de la sécurité sociale au sens des dispositions organiques qui régissent le contenu desdites lois.
Les rapporteurs ont d’autre part considéré que l’objet de leur mission était avant tout d’évaluer la pertinence des principes et l’efficacité de la gestion mis en œuvre depuis la fin des années 1990 pour amortir les déficits cumulés des régimes de sécurité sociale. Le choix d’un objet plus large aurait présenté l’inconvénient d’écarter du cœur de la discussion un mécanisme spécifique qui fait régulièrement l’objet – notamment à l’occasion de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale – de débats parmi les parlementaires.
B. L’identification de la dette sociale s’est accompagnÉe, dÈs l’origine, du choix de son cantonnement vis-à-vis du reste de la dette publique
1. La dette sociale résulte de l’accumulation de déficits que les modalités historiques de couverture des besoins de financement de la sécurité sociale ne permettaient plus de résorber
a. À l’origine, des besoins de financement couverts par des mesures de rééquilibrage et des avances de trésorerie
● En 1945, la sécurité sociale avait été conçue dans la perspective d’une gestion à l’équilibre ([37]). Au cours des trois décennies suivantes, la conjonction d’une hausse régulière des taux de cotisation sociale en fonction des besoins, d’une forte croissance économique – atteignant en moyenne 6 % du PIB – et d’une inflation élevée a permis à la sécurité sociale d’être régulièrement en excédent ([38]).
Évolution des taux de cotisations salariales obligatoires
pour les non-cadres
(salaires inférieurs au plafond annuel de la sécurité sociale)
(en %)
1950 |
1960 |
1970 |
1980 |
1990 |
2000 |
2010 |
2020 |
6 |
6,2 |
8,18 |
12,8 |
17,99 |
13,41 |
13,7 |
11,31 |
Source : Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), Statistiques et études, taux de cotisations et salaires minima garantis.
À partir des années 1970, la situation économique née du premier choc pétrolier puis le gel des taux de cotisation deux décennies plus tard ont toutefois entraîné l’apparition de déficits au cours de plusieurs exercices consécutifs – ce qui signifie que les résultats négatifs reportés d’une année à l’autre ne pouvaient plus être comblés par les excédents des exercices suivants. Ainsi, depuis les années 1990, les taux de cotisation stagnent tant du côté salarial (16,8 % en 1996 contre 16,2 % en 2022) que du côté patronal (de 26,29 % en 1991 puis 26,96 % en 2022 pour une rémunération égale à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale, ou PASS ; 30,39 % en 1991 puis 23,43 % en 2022 pour une rémunération égale au PASS) ([39]).
La résorption des déficits constitués a justifié la mise en œuvre de mesures tendant, d’un côté, à augmenter les recettes par la croissance du produit des cotisations ou par des contributions du budget de l’État et, de l’autre, à ralentir la hausse des dépenses de protection sociale. Entre 1976 et 1993, une vingtaine de plans ad hoc destinés à rétablir l’équilibre des comptes de la sécurité sociale ont ainsi été mis en œuvre. Les besoins de trésorerie du régime général étaient par ailleurs comblés au moyen d’avances de la Caisse des dépôts et consignations et du Trésor ([40]). Le comblement des déficits à brève échéance empêchait la constitution d’un encours de dette important.
b. En 1993, les déficits résultant de la récession justifient un premier transfert de dette de la sécurité sociale à l’État
● L’année 1993 représente une rupture tant au regard de la situation financière de la sécurité sociale que des moyens mis en œuvre afin de couvrir les déficits de cette dernière.
Cet exercice est marqué par la plus forte récession depuis la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte de ralentissement économique général dont les effets sont amplifiés en Europe par la politique monétaire restrictive mise en œuvre en Allemagne pour lutter contre l’inflation accentuée par la réunification ([41]). D’une part, la crise entraîne une diminution du PIB de 1 %. D’autre part, plusieurs rapports mettent en évidence des charges dites « indues » supportées par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés à hauteur de 36 milliards d’euros ([42]), le transfert des déficits de régimes tiers au régime général d’assurance vieillesse à hauteur de 19,1 milliards de francs et 9,2 milliards de francs « d’exonérations de cotisations sociales au titre des mesures en faveur de l’emploi » non-compensées ([43]). La diminution des recettes de la sécurité sociale entraîne un déficit de 57 milliards de francs égal à 5,5 % de ses ressources, et place celle-ci dans une situation inédite quant à ses conditions de financement. Le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de décembre 1993 relève ainsi que « pour la première fois de son histoire, la trésorerie du régime général est restée constamment négative tout au long de l’année » ([44]). Les déficits cumulés du régime général ont été couverts, à la fin de l’année 1993, par un prêt exceptionnel de la Caisse des dépôts et consignations s’ajoutant aux avances versées par cette dernière ainsi que par le Trésor ([45]).
La dette contractée par le régime général auprès de ladite Caisse, d’un montant de 110 milliards de francs – soit environ 16,8 milliards d’euros – a été transférée à l’État par la loi de finances pour 1994 ([46]). Le Gouvernement d’alors avait décidé la mise en place de mesures de redressement des comptes publics, comprenant à la fois des mesures portant sur les recettes et sur les dépenses. En outre, comme l’expliquait le rapport de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 1994, le Gouvernement avait estimé que le recours aux avances de l’État ne pouvait devenir un mode normal et durable de financement des dépenses du régime général de la sécurité sociale » ([47]).
D’un même mouvement, il est décidé de rembourser la dette transférée à l’État par des versements du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), créé la même année ([48]), en mobilisant les propres ressources de celui-ci, et selon un échéancier courant jusqu’en 2008 ([49]). Au transfert de dette de l’État vers le FSV – que le Conseil constitutionnel analyse dans sa décision sur la loi de finances pour 1994 comme une « opération de trésorerie » ([50]) – correspond ainsi l’introduction d’un mécanisme de remboursement, par un organisme de sécurité sociale, de la dette contractée auprès d’un tiers.
Cette solution conduisait cependant à confier au FSV, organisme servant des prestations, la charge de rembourser la dette du régime général. La couverture des déficits par des opérations de moyen et de long terme n’est par conséquent pas encore nettement distinguée du financement des dépenses courantes de la sécurité sociale, en l’absence d’organisme spécifiquement chargé de la gestion de sa dette. De surcroît, faute d’avoir institué de nouvelles ressources à ces opérations de remboursement, celles-ci mobilisent les recettes du FSV.
2. Pour faire face à des déséquilibres devenus récurrents, une nouvelle architecture financière est mise en place à partir de 1993 et aboutit à la création de la Cades en 1996
Les déficits se sont reconstitués malgré les mesures de rééquilibrage mises en œuvre à partir de 1993. Aussi, s’agissant des recettes, les politiques d’allègement de cotisations sociales amorcées par les gouvernements de Michel Rocard, d’Édith Cresson puis de Pierre Bérégovoy se sont accélérées avec le Gouvernement d’Edouard Balladur. Ainsi, entre 1992 et 1994, le montant total des mesures d’exonération de cotisations sociales non compensées par le budget de l’État s’élevait à 28 milliards de francs ([51]). À l’époque, ces exonérations de cotisations sociales avaient suscité de nombreuses critiques. Simone Veil, alors ministre des affaires sociales, s’inquiétait des pertes de recettes provoquées par les allègements de cotisations ([52]). Ainsi la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale a instauré un principe de compensation par l’État des pertes de recettes dues aux exonérations de cotisations sociales ([53]) .
La dégradation des comptes publics a mené à ce que de nouvelles modalités de gestion de la dette sociale soient instituées en 1996.
a. La création de la Cades s’insère dans le cadre d’une réforme générale de la sécurité sociale renforçant le rôle de l’État et du Parlement dans sa gouvernance
● Dans sa déclaration de politique générale du 15 novembre 1995, le Premier ministre Alain Juppé présente un ensemble de « mesures de sauvegarde » de la sécurité sociale, dont la première porte précisément sur le traitement de la dette héritée des exercices précédents ([54]).
L’objectif général est de réduire rapidement le déficit des comptes sociaux, alors estimé à 61 milliards de francs pour l’exercice 1995 – dont le montant cumulé atteignait 230 milliards de francs durant la période 1992-1995 –, puis à 17 milliards de francs l’année suivante, avant de dégager en 1997 un « excédent [...], comme il est normal en période de croissance économique » ([55]). Le « plan Juppé » s’inscrit donc dans la perspective d’un comblement de déficits présentés comme transitoires par la combinaison d’un surcroît de recettes permis par la reprise économique et, à plus forte raison, par un ensemble de mesures portant sur les dépenses, dans le cadre plus général d’une réforme de l’organisation et du pilotage de la sécurité sociale.
Ces mesures sont vivement critiquées par l’opposition lors du débat qui suit la déclaration de politique générale du Premier ministre Alain Juppé le 15 novembre 1995. Certains de ces membres reprochent ainsi au Gouvernement « une remise en cause profonde du régime français de protection sociale » ([56]) à travers notamment la suppression des élections à la sécurité sociale, et prônent l’augmentation des recettes pour financer la dette sociale par « le gel des licenciements économiques, la revalorisation du [salaire minimum interprofessionnel de croissance] et des bas salaires » ([57]). D’autres, à l’instar du député socialiste Augustin Bonrepaux, accusent le Gouvernement de « gonfler artificiellement la dette pour se procurer des recettes, pour équilibrer le budget et pour réaliser ses promesses électorales » ([58]). Le rapporteur général Philippe Auberger conteste également le choix du Gouvernement d’inclure dans son estimation du montant de la dette sociale les déficits déjà transférés à l’État en 1994 (soit 110 milliards de francs), et propose de s’en tenir aux déficits constitués à partir de ce transfert, lesquels sont alors estimés à 120 milliards de francs ([59]).
Les principales mesures du plan Juppé
Tout en prévoyant la reprise et l’apurement de la dette du régime général, le plan Juppé visait tout d’abord à rééquilibrer le solde des trois branches déficitaires par un ensemble de mesures financières pesant en particulier sur les assurés sociaux, dont certaines ont été abandonnées à la suite d’une grève générale :
– le rééquilibrage de la branche vieillesse a été entrepris au moyen de la prise en charge par le FSV de dépenses de solidarité incombant au régime général, à quoi s’ajoutaient la limitation à 2 % de la revalorisation des pensions au 1er janvier 1996, l’harmonisation des prises en compte de durée d’activité des polypensionnés et, surtout, l’allongement de la durée de cotisation de 37,5 à 40 annuités pour les agents de la fonction publique ;
– le rééquilibrage de la branche famille comportait la non-revalorisation des prestations familiales en 1996, l’harmonisation des conditions d’attribution de certaines prestations familiales et des aides au logement et l’imposition des prestations des allocations familiales à compter de 1997, cette dernière mesure ayant été ensuite abandonnée ;
– le rééquilibrage de la branche maladie incluait la limitation de l’augmentation des dépenses d’hospitalisation et de médecine de ville à celle des prix en 1996 et en 1997 ; une contribution exceptionnelle des laboratoires pharmaceutiques et des médecins ; l’augmentation des cotisations maladie.
Une réduction des dépenses de gestion était par ailleurs demandée aux différentes caisses de sécurité sociale.
Le plan Juppé modifiait également le cadre de gouvernance de la sécurité sociale en confortant le rôle du Parlement par la création des lois de financement de la sécurité sociale à la faveur de la révision constitutionnelle du 22 février 1996 ; en prévoyant la conclusion de conventions d’objectifs et de gestion entre l’État et les caisses nationales de sécurité sociale ; ou encore en instituant des agences régionales de l’hospitalisation.
b. Un cantonnement conçu comme le corollaire de l’amortissement à brève échéance d’une dette résultant de dépenses de prestations
● Dans le cadre de ce plan de réforme, la création de la Cades est présentée comme une mesure tendant à soulager la sécurité sociale des charges inhérentes au remboursement de sa dette afin de ne pas retarder l’amélioration de sa situation financière. Comme l’explique le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale du 15 novembre 1995, « il n’[était] pas sain que le remboursement de [la dette du régime général pesât] sur l’équilibre des branches. Il [n’était] pas normal que les ressources du Fonds de solidarité vieillesse [fussent] amputées [...] pour financer l’annuité de la dette des années 1992 et 1993. L’argent du FSV [devait] aller à de vraies dépenses de solidarité, pas à l’apurement du passé. » ([60])
Le choix de cantonner la dette sociale et de la rembourser au moyen d’une ressource nouvelle, distincte de celles de la sécurité sociale, est donc présenté initialement comme un moyen de favoriser l’équilibre courant de cette dernière, que les mesures financières du plan visent par ailleurs à rétablir. Dans ce dispositif, le rôle de la Cades est analogue à celui d’une structure de défaisance, permettant de libérer les organismes de sécurité sociale de la gestion des déficits passés en remboursant toute la dette, principal inclus, sans la « faire rouler ».
● L’amortissement de la dette sociale est quant à lui justifié par l’application d’un principe d’équité intergénérationnelle fondé sur la nature économique des dépenses prises en charge par la sécurité sociale : la dette correspondant à un déséquilibre entre les recettes prélevées sur les générations présentes et les prestations dont elles bénéficient ne doit pas être transférée à celles qui leur succéderont. Les dépenses de la sécurité sociale correspondent en effet pour l’essentiel à des prestations servies aux assurés sociaux et non pas à des investissements susceptibles d’accroître la valeur des actifs dont pourraient bénéficier les générations futures. Un corollaire de cette affirmation est que la dette sociale doit être amortie dans un temps suffisamment court pour que les bénéficiaires de ces prestations contribuent effectivement à son remboursement. Cette logique est contestée à l’époque par l’opposition de gauche, qui critique la mise à contribution des bénéficiaires de prestations sociales. À ses yeux, le discours d’équité intergénérationnelle cache une iniquité de classe, car le remboursement pèsera plus sur les milieux populaires que sur les classes supérieures en proportion de leurs revenus ([61]). On peut par ailleurs juger que le maintien en bonne santé de la population et les dépenses hospitalières, par exemple, relèvent d’une intervention en faveur des générations futures.
En outre, pour les initiateurs de la Cades, la contribution au remboursement de la dette sociale doit peser sur l’ensemble des assurés sociaux – qui tous ont pu bénéficier de prestations que les recettes prélevées sur leurs propres revenus n’ont pas suffi à financer –, et non sur les seuls actifs. Dans ses réponses aux questions des rapporteurs, la Caisse d’amortissement de la dette sociale se fait l’écho de ces justifications en soulignant que « le choix vertueux d’amortir la dette sociale avait une dimension pédagogique que n’aurait pas eue la consolidation de [cette dette] avec [celle] de l’État. Le mécanisme permettait aux assurés sociaux, qui dans la très grande majorité étaient appelés à acquitter la CRDS, de comprendre que cette dernière était la contrepartie tangible de la nécessité de combler rapidement “le trou de la sécurité sociale”. » ([62]) Comme l’explique encore la direction de la sécurité sociale, l’affectation à la Cades d’une contribution assise sur l’ensemble des revenus « vise également à faire peser [le] remboursement de la dette sociale générée par une génération donnée sur cette même génération, de façon contemporaine et quasi universelle (sans distinction liée à la nature de l’assiette imposée), le financement de la sécurité sociale s’étant lui‑même élargi à l’ensemble des assiettes » ([63]).
Les représentants de plusieurs organisations syndicales ainsi que certains chercheurs entendus par les rapporteurs ont contesté ces arguments. Ils soulignent en premier lieu que tout le monde est successivement actif et assuré au cours de sa vie, ce qui implique qu’une contribution des seuls actifs mettrait également à contribution l’ensemble de la population. Ils relèvent également que le choix d’un impôt proportionnel sur le revenu des assurés met à contribution le plus grand nombre, au lieu de cibler les grandes fortunes ou les profits exceptionnels des entreprises, notamment lorsque ces derniers procèdent d’exonérations grevant les recettes de la sécurité sociale. Hélène Fauvel (Force Ouvrière) le résumait ainsi : « le salarié paye sa part salariale, la CSG, la CRDS, l’impôt sur le revenu, la TVA, et les exonérations de cotisations dont bénéficient les employeurs sont partiellement compensées par l’État, donc le salarié paye trois fois » ([64]). Enfin, l’usage de la notion de « trou » de la sécurité sociale a été contesté par certains auteurs au motif qu’il viserait à accréditer l’idée d’une « disparition » des sommes dépensées, quand il s’agit en réalité de revenus distribués ([65]) .
● L’isolement de la dette de la sécurité sociale de celle de l’État répond à plusieurs considérations :
– d’une part, les initiateurs de la Cades estiment que la nature de leurs dépenses diffère dans la mesure où les organismes de sécurité sociale servent des prestations tandis que l’État effectue, outre des dépenses de fonctionnement courant, des investissements dont le rendement à long terme excède le coût. D’autres intervenants auditionnés ont cependant contesté cette distinction, en rappelant tout d’abord que la sécurité sociale a également réalisé des dépenses d’investissements au sens de la comptabilité nationale – à travers notamment la création des centres hospitaliers universitaires, ou CHU, au cours des années 1960 et plus récemment dans le cadre du « Ségur de la santé ». Certains ont également souligné que les prestations sociales sont économiquement rentables en ce qu’elles soutiennent la productivité du travail.
– d’autre part, cet isolement doit être envisagé dans la perspective d’une autonomisation des circuits de financement de la sécurité sociale à l’égard de ceux de l’État, laquelle se trouve à la même époque réaffirmée par la création de lois de financement de la sécurité sociale distinctes des lois de finances, censées permettre la constitution « d’un espace cohérent de synthèse et de débat » ([66]). La notion d’autonomie financière de la sécurité sociale doit cependant être relativisée compte tenu du rôle important qu’a toujours joué l’État (c’est-à-dire à la fois le Gouvernement, l’administration et le Parlement, par le biais du contrôle financier, de la professionnalisation des dirigeants de caisse et de la fin des élections sociales) dans la gestion financière de la sécurité sociale, lequel a été progressivement amplifié depuis 1945.
Un dernier avantage de cet isolement au regard de l’objectif de rééquilibrage des comptes courants résiderait dans l’incitation faite aux pouvoirs publics de favoriser à l’avenir une gestion à l’équilibre, en excluant a priori la possibilité d’un financement des déficits de la sécurité sociale par l’État. Comme l’indique encore la Cades, « le choix de [recourir à une] structure ad hoc transitoire avait [...] aussi pour fonction d’afficher un refus, vu alors comme définitif, de la dérive des comptes sociaux » ([67]).
Un modèle sans équivalent en Europe
Les auditions menées par les rapporteurs ont permis de souligner l’originalité de la construction institutionnelle consistant à faire amortir la dette du système de protection sociale par un établissement ad hoc disposant de ressources propres. M. Patrice Ract Madoux, ancien président de la Caisse, a certes rappelé l’intérêt que ce modèle a pu susciter auprès des autorités espagnoles, d’une part, et chinoises, d’autre part, sans toutefois donner lieu à la création d’institutions comparables (1).
Deux facteurs au moins peuvent expliquer cette situation :
– la constitution d’une dette sociale présuppose l’accumulation de déficits reportés d’un exercice comptable au suivant. Or, comme la Cour des comptes le relevait en 2011, la Cades ne saurait avoir « d’équivalent en Europe [parce qu’] aucun de nos grands voisins européens, en particulier l’Allemagne, n’accepte que son système de protection sociale soit durablement en déficit » (2) ;
– un autre obstacle à une étude comparative des modalités de gestion de la dette sociale tient à ce que les dépenses de protection sociale ne sont pas toujours prises en charge par des administrations publiques spécialisées, ni financées par des recettes spécifiques, ce qui rend leur comptabilisation difficile.
(1) Audition de M. Patrice Ract Madoux le 6 mai 2024.
(2) Cour des comptes, La sécurité sociale, 2011, p. 104.
c. La Cades est affectataire de ressources qui lui permettent d’apurer les déficits qui lui sont transférés
● La Caisse d’amortissement de la dette sociale est créée par l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
Aux termes de cette dernière ([68]), la Cades est chargée de trois ensembles d’opérations :
– elle reprend en premier lieu, à compter du 1er janvier 1996, la dette d’un montant de 137 milliards de francs contractée par l’Acoss à l’égard de la Caisse des dépôts et consignations pour le financement des déficits du régime général constitués avant la fin de l’année 1995 et pour la couverture du déficit prévisionnel dudit régime au titre de l’exercice 1996 ;
– la Cades doit également verser un montant maximum de 3 milliards de francs à la Caisse nationale d’assurance maladie et maternité des travailleurs non‑salariés des professions non agricoles afin de couvrir les déficits constitués à fin 1995 et de contribuer au financement du déficit prévisionnel pour 1996 ;
– enfin, la Cades verse chaque année à l’État, jusqu’en 2008, l’annuité de 12,5 milliards de francs mise à la charge du FSV par la loi de finances pour 1994 précitée au titre du remboursement du prêt contracté par l’Acoss auprès de la Caisse des dépôts et consignations en 1993.
● La dette résultant de ces versements est financée au moyen d’une nouvelle imposition, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), instituée pour une période correspondant à celle de l’amortissement de la dette sociale soit, dans la version initiale de l’ordonnance du 24 janvier 1996, du 1er février 1996 au 31 janvier 2009.
Il s’agit en réalité de cinq contributions juridiquement distinctes portant sur les revenus d’activité et de remplacement ([69]) ; les revenus du patrimoine ([70]) ; les revenus de placement ([71]) ; les ventes de métaux précieux, de bijoux et d’objets d’art, de collection et d’antiquité ([72]) ; les sommes misées sur les jeux exploités par La Française des jeux, les sommes engagées au pari mutuel et le produit brut des jeux dans les casinos ([73]).
Le taux de ces contributions est établi à 0,5 % ([74]).
● Dans sa version initiale, l’ordonnance du 24 janvier 1996 précitée affectait à la Cades deux autres ressources correspondant :
– d’une part, au produit de la vente du patrimoine privé à usage locatif des caisses nationales du régime général, à l’exclusion des locaux affectés à un usage administratif ([75]) ;
– d’autre part, au reversement par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) des remboursements de sa créance sur les organismes étrangers de sécurité sociale afférentes à des prestations liquidées avant le 31 décembre 1995 ([76]).
En outre, une disposition toujours en vigueur qui s’apparente à une mesure de sauvegarde prévoit que « si les prévisions de recettes et de dépenses annuelles de la caisse sur la durée restant à courir de la période pour laquelle elle a été créée font apparaître qu’elle ne serait pas en mesure de faire face à l’ensemble de ses engagements, le Gouvernement soumet au Parlement les mesures nécessaires pour assurer le paiement du principal et des intérêts aux dates prévues » ([77]).
Toutefois, la CRDS est demeurée la ressource exclusive de la Cades jusqu’à l’affectation à cette dernière d’une part de CSG prélevée sur les recettes du Fonds de solidarité vieillesse ([78]).
Les caisses d’amortissement de la dette publique à travers l’histoire
La comparaison avec les modalités contemporaines de gestion de la dette de l’État conduit à mettre en évidence l’originalité des choix mis en œuvre à compter de 1996 pour éteindre la dette sociale. Il convient cependant de rappeler que la pratique consistant à cantonner tout ou partie de la dette publique afin de l’amortir n’était pas inconnue des finances publiques françaises avant les années 1990. Dans un article de 2012, M. Rémi Pellet avait recensé les caisses d’amortissement qui, depuis la « Caisse des remboursements » inventée par Joseph Pâris Duverney en 1722, ont eu pour objet d’éteindre les engagements souscrits par des personnes publiques.
On peut notamment citer :
– la « caisse autonome de gestion des bons de la Défense nationale, d’exploitation des tabacs et d’amortissement de la dette publique » instituée par la loi du 7 août 1926 à l’initiative du président du Conseil Raymond Poincaré. Celle-ci a pour fonction de « décharger le Trésor du risque de liquidité résultant de l’accumulation depuis la guerre d’une dette à court terme considérable », laquelle tient au premier chef au remboursement seulement partiel, par la République d’Allemagne, de la dette mise à sa charge par le traité de Versailles. Cette institution dispose de recettes fiscales propres prélevées sur les ressources de l’État (bénéfice du monopole des tabacs, fraction du produit des droits de succession, taxe sur les mutations d’immeubles et de fonds de commerce) ;
– la Caisse d’amortissement de la dette publique (Cadep) créée en 1986 pour amortir en particulier la dette résultant de « l’emprunt Giscard » en mobilisant le produit des privatisations.
Source : Rémi Pellet, « Notes de lectures sur l’échec historique des Caisses d’amortissement de la dette publique », Regards, 2012, pp. 40-73.
C. L’encadrement juridique de la dette sociale s’est ÉtoffÉ à mesure des reports successifs de sa date d’amortissement
1. De premières reprises de dette ont pu être mises en œuvre par des dispositions de loi ordinaire, témoignant de la relative souplesse du cadre initial
L’ordonnance du 24 janvier 1996 précitée ayant valeur de loi ordinaire, il était loisible au législateur de prévoir de nouveaux transferts à la Cades sans que la durée d’amortissement prévue lors de la création de la Caisse – dont la pérennité des recettes n’était pas non plus garantie – puisse lui être opposée.
a. La LFSS pour 1998 : une première « réouverture » de la Cades décidée moins de deux ans après sa création, sans affectation de ressources
À rebours de l’intention exprimée par le Gouvernement lors de la création de la Caisse, cette dernière est rouverte dès 1998 au risque, souligné par le rapport de la commission des affaires sociales du Sénat, d’entraîner « la transformation d’une mesure exceptionnelle et initialement temporaire en un dispositif banalisé et quasi-pérenne » ([79]).
Le plafond des transferts prévus pour la couverture du déficit prévisionnel du régime général pour l’exercice 1996 s’étant révélé insuffisant, et les prévisions pour les années 1997 et 1998 faisant état de nouveaux déficits, la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 organise un nouveau transfert d’un montant de 87 milliards de francs – soit environ 13,3 milliards d’euros –, dont 75 milliards de francs au titre des déficits constitués au 31 décembre 1997 et 12 milliards de francs pour la couverture des déficits prévisionnels ([80]). Les modifications introduites par ladite loi de financement se bornent à compléter la liste des transferts prévus par l’ordonnance du 24 janvier 1996. Elles ne prévoient pas l’affectation de recettes supplémentaires à la Cades et conduisent ainsi à allonger de cinq années la durée d’amortissement de la dette sociale, soit jusqu’en 2014.
La remise en cause du caractère initial de la Cades en tant que système clos a fait l’objet de critiques de différentes natures dont les travaux parlementaires sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 portent témoignage. Le rapport de la commission des affaires sociales du Sénat relevait en particulier que le prolongement des missions de la Cades entraînant celui de la durée de perception de la CRDS, il risquait d’accréditer l’idée que cette dernière, de temporaire, puisse devenir définitive et peser durablement sur les ménages – y compris sur ceux qui ne sont pas affiliés à des régimes de sécurité sociale déficitaires concernés par ces opérations d’apurement. La perspective du prolongement et celle d’une possible pérennisation des missions de la Caisse ont été présentées comme un risque pour la crédibilité de celle-ci auprès des investisseurs, de nature à dégrader les conditions de ses opérations de financement. Enfin, d’après le même rapport, « le risque le plus grave [était] d’inciter les acteurs de la protection sociale à relâcher leur effort de maîtrise des dépenses » ([81]).
b. La loi du 13 août 2004 : la couverture des déficits de la branche maladie entraîne une nouvelle prolongation de la Cades
● Malgré un contexte économique plus favorable, la situation financière du régime général redevient déficitaire à compter de 2002. La branche maladie voit en particulier son déficit se creuser de 2,1 milliards d’euros en 2001 à 11,1 milliards d’euros en 2003 ([82]). Un rapport sénatorial observe à cet égard que la structure de la dette creusée entre 1998 et 2003 « est dissemblable des dettes précédentes, en ce qu’elle ne concerne que l’assurance maladie », tandis que les dettes prises en charge par la Cades au cours des exercices précédents l’ont été au bénéfice des trois branches que compte alors la sécurité sociale (maladie, vieillesse et famille) ([83]).
Au moment du dépôt du projet de loi relatif à l’assurance maladie, le déficit prévisionnel de la branche précitée au titre de l’exercice 2004 s’établissait à 15 milliards d’euros, soit un montant équivalent à celui de la dette accumulée entre 1996 et 1998. La reprise de la dette de la branche maladie par la Cades était notamment justifiée, par le Gouvernement, par le montant des charges financières supportées par l’Acoss au titre de la couverture de ces déficits, lesquelles étaient estimées à 500 millions d’euros en 2004 ([84]).
La loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie prévoit ainsi de nouveaux versements de la Cades à l’Acoss afin de couvrir :
– d’une part, les déficits de la branche maladie constitués au 31 décembre 2003 et le déficit prévisionnel au titre de l’exercice 2004 dans la limite de 25 milliards d’euros ;
– d’autre part, les déficits de la branche précitée au titre des exercices 2005 et 2006 prévus par les lois de financement de la sécurité sociale se rapportant à ces mêmes années, dans la limite de 15 milliards d’euros ([85]).
● Dans le prolongement de la solution retenue lors de l’élaboration de la précédente reprise de dette, ces nouveaux transferts ne s’accompagnent pas de l’affectation de ressources supplémentaires à la Cades qui auraient permis de ne pas allonger la durée d’amortissement ou, à tout le moins, de limiter la prolongation de celle-ci. La loi supprime de surcroît la mention du terme de cet amortissement, que la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait fixé au 31 janvier 2014. Dorénavant, l’article 1er de l’ordonnance du 24 janvier 1996 précitée se borne à prévoir que la Cades existera « jusqu’à l’extinction » de ses missions, c’est-à-dire jusqu’à l’apurement de la dette qui lui aura été transférée ([86]).
Le rapport de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi précité indique que le maintien de ce terme aurait nécessité d’affecter à la Cades de nouvelles recettes équivalant à un doublement du taux de la CRDS ([87]). Il relève qu’il aurait été possible d’envisager « une solution intermédiaire évitant par une hausse modérée du taux un alourdissement excessif des prélèvements obligatoires couplée à une prolongation courte évitant de transférer une charge importante sur les générations futures » ([88]). La commission a ainsi adopté un amendement de son rapporteur, cosigné par son président, visant à augmenter de 0,15 point le taux de la CRDS tout en fixant à 2020 au plus tard la date d’extinction de la dette sociale ([89]). Cette disposition est cependant absente du projet de loi adopté par le Parlement, lequel conduit à reporter à 2024 – selon les estimations disponibles à la date d’examen de celui-ci – l’apurement définitif de la dette transférée à la Cades ([90]).
En réponse aux propositions des parlementaires, M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, avait notamment estimé que le doublement du niveau de la CRDS « risquerait de freiner la consommation des ménages et, partant, d’obérer la croissance, au détriment de l’emploi ». Il soulignait que les transferts prévus par le projet de loi « correspond[aient] à un transfert sur les générations futures, lié à un déficit exceptionnel de l’assurance maladie » et qu’il convenait de « porter les efforts sur l’accroissement des dépenses de santé » ([91]).
À défaut de relèvement de son taux, l’assiette de la CRDS est élargie en même temps que celle de la CSG – voir infra.
Une modification décisive a été apportée par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) et par l’interprétation que le Conseil constitutionnel en a donnée dans deux décisions.
2. L’introduction de contraintes organiques portant sur les recettes de la Cades et la durée d’amortissement de la dette sociale n’a pas suffi à empêcher la reconstitution des déficits
a. La LOLFSS de 2005 interdit au législateur ordinaire d’allonger la durée d’amortissement de la dette sociale
● Après les réouvertures successives de la Cades décidées en 1998 et en 2004, une partie des débats lors de l’examen du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale porte sur les moyens de prévenir un nouvel allongement de la durée d’apurement de la dette sociale et ainsi « d’empêcher un transfert intergénérationnel, inquiétant et inéquitable, de la charge des dépenses excédentaires de la sécurité sociale par rapport à ses recettes, charges qui, au demeurant, représentent essentiellement des dépenses de fonctionnement courant » ([92]).
La commission des lois a d’abord adopté un amendement de son rapporteur visant à interdire qu’un nouveau transfert à la Cades puisse conduire à relever la durée de remboursement de la dette cumulée restant à amortir, compte tenu du transfert, au-delà de dix ans à compter de celui-ci ([93]). Ainsi, dans le cas où le transfert envisagé n’aurait pas respecté cette condition, il aurait dû alors s’accompagner d’un accroissement des ressources affectées à la Cades, et ce « contrairement à l’arbitrage retenu jusqu’alors dans les mêmes circonstances, qui [s’était] toujours traduit par [...] l’allongement progressif de [la] durée » de perception de la CRDS, sans relèvement de son taux ([94]).
Dès lors qu’elle conditionnait tout nouveau transfert de dette à la Cades à l’affectation de ressources supplémentaires, cette nouvelle disposition constituait, pour le Gouvernement et le législateur, une incitation à équilibrer les comptes de la sécurité sociale. Elle n’équivalait cependant pas à une « règle d’or » imposant que la sécurité sociale, ou plus précisément les comptes consolidés des régimes obligatoires de base du Fonds de solidarité vieillesse, fût strictement équilibrée à l’échelle d’un exercice comptable ([95]). L’exposé sommaire de l’amendement déposé par le rapporteur au nom de la commission des lois y insistait, en soulignant que « le transfert, avec un amortissement limité dans sa durée, est acceptable et peut s’inscrire dans la logique cyclique qui devrait normalement régir les comptes de la sécurité sociale, en fonction du rythme du cycle macro-économique lui-même, du déficit de la sécurité sociale ». L’obligation d’accompagner les transferts de dette de nouvelles ressources s’apparente ainsi à un mécanisme de couverture, durant la phase haute du cycle économique, des déficits constitués en période de faible croissance, lorsque les recettes de la sécurité sociale augmentent plus modérément. De ce point de vue, la disposition introduite dans le projet de loi organique peut faire l’objet d’une lecture combinée avec les dispositions de celui-ci prévoyant que, dans sa partie relative au dernier exercice clos, la loi de financement de la sécurité sociale détermine les modalités de couverture des éventuels déficits dudit exercice ([96]). Par ailleurs, comme l’avait souligné le rapporteur de la commission, elle laissait au législateur futur le choix des ressources qu’il conviendrait de consacrer à l’apurement de la dette : « cela devra-t-il se traduire par une augmentation de la CRDS, d’un autre impôt, que sais-je encore ?... La réponse relève du débat politique qu’auront à mener les législatures successives dans les années à venir. Aujourd’hui, nous discutons seulement des principes » ([97]). La date d’extinction de la Cades était alors estimée entre 2021 et 2023 ([98]).
Le dispositif adopté par le Parlement prévoyait de surcroît que, pour l’application de cette nouvelle exigence, « la durée d’amortissement [serait] appréciée au vu des éléments présentés par la caisse dans ses estimations publiques ». La dernière réforme du cadre organique des lois de financement a permis de préciser que les annexes du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année doivent comporter les informations nécessaires à la vérification du respect du terme défini par le législateur organique.
● Le caractère organique de cette disposition s’est vu confirmé par le Conseil constitutionnel dans sa décision portant sur la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale ([99]), malgré les réserves exprimées lors des travaux parlementaires ([100]). Le Conseil constitutionnel a en effet estimé qu’elle devait être combinée avec les dispositions de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, aux termes duquel la loi de financement « détermine l’objectif d’amortissement au titre de l’année à venir des organismes chargés de l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base » – et, partant, qu’elle trouvait son fondement dans l’habilitation prévue par le vingtième alinéa de l’article 34 de la Constitution, qui dispose que « les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier [...] dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique » ([101]). En confirmant le caractère organique de cette disposition, le Conseil constitutionnel s’est reconnu compétent pour contrôler au regard de celle-ci toute future disposition de loi prévoyant de nouvelles reprises de dette.
Un autre apport de la même loi organique réside dans la possibilité de faire figurer dans la loi de financement de la sécurité sociale des mesures relatives aux recettes de la Cades. En effet, la CRDS ayant le caractère d’une imposition de toute nature affectée à une personne morale tierce aux régimes obligatoires de base et aux organismes concourant à leur financement, elle ne pouvait jusqu’alors être modifiée que par une disposition de loi de finances ou par une disposition de loi ordinaire, ce qui la plaçait hors de la compétence du législateur financier social – situation dont le caractère paradoxal avait été mis en évidence par les travaux parlementaires ([102]).
● Sous l’empire des nouvelles dispositions organiques, et dans le contexte de la crise économique et financière et de l’automne 2008, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a prévu une première reprise de dette répondant à la condition introduite en 2005 ([103]).
Les opérations correspondantes devaient permettre la couverture, dans la limite d’un montant total de 27 milliards d’euros :
– des déficits de la branche maladie du régime général au titre des exercices 2007 et 2008, estimés à 8,6 milliards d’euros ;
– des déficits de la branche vieillesse du régime général au titre des exercices 2005 à 2008, soit 14 milliards d’euros ;
– des déficits du FSV constitués depuis sa création, soit de 1994 à 2008, lesquels atteignaient 3,9 milliards d’euros ([104]).
En soulageant la trésorerie de l’Acoss des coûts engendrés par la couverture de ces déficits, les transferts prévus par le projet de loi devaient permettre de réduire de 1,1 milliard d’euros les charges financières du régime général ([105]).
● Afin de ne pas reporter la date prévisionnelle d’apurement de la dette transférée à la Cades, il était nécessaire de lui affecter des recettes d’un montant équivalent à celui des versements prévus par le projet de loi ([106]). Il a ainsi été décidé d’affecter à la Caisse une fraction du produit de la CSG, à hauteur de 0,2 point, auparavant attribuée au Fonds de solidarité vieillesse ([107]).
Cette modification des recettes de la Cades constituait une novation par rapport au principe, défini en 1996, selon lequel le remboursement de la dette sociale devait pour l’essentiel être assuré au moyen d’une contribution spécifique dont la Caisse serait le seul affectataire. Aussi M. Yves Bur déplorait-il, dans son rapport sur la partie du projet de loi de financement précité relative aux recettes et à l’équilibre général, que « l’affectation d’une fraction de CSG à la Cades [vînt] remettre en cause la simplicité et la lisibilité du financement de la dette » qui prévalaient depuis la création de la Caisse, et qui exigeaient qu’elle n’eût « qu’une seule ressource » ([108]). La commission avait adopté un amendement de son rapporteur qui supprimait la nouvelle affectation de recettes prévue par le projet de loi et majorait à la place le taux de la CRDS – tout en confirmant la baisse de 0,2 point de la fraction de CSG affectée au FSV, afin de préserver la neutralité du dispositif sur le niveau des prélèvements obligatoires ([109]).
En outre, contrairement à la CRDS, dont la période de perception est limitée à la durée de l’amortissement de la dette sociale, la CSG n’est pas conçue pour disparaître avec la Cades. Pour certains observateurs, cette nouvelle affectation de recettes peut être regardée comme la confirmation du fait que la dette sociale tend à être gérée comme une dette permanente, à l’instar de celle de l’État, et non plus comme le résultat d’un déséquilibre temporaire voué à un amortissement rapide ([110]).
Les rapporteurs relèvent que la décision d’affecter à la Cades une recette auparavant dévolue à un organisme de sécurité sociale peut être interprétée comme l’expression d’une priorité accordée à l’amortissement de la dette sur l’équilibre des comptes courants, résultant de l’interdiction de prolonger les missions de la Caisse sans modification préalable de la loi organique. Une partie de la doctrine avait d’ailleurs critiqué cette opération au motif qu’elle aboutirait à une dégradation de la situation financière du FSV, alors même que ce dernier – compte tenu de la composition de ses recettes et de la nature des prestations qu’il finance – est particulièrement sensible aux ralentissements de la conjoncture économique ([111]). L’articulation entre la recherche de l’équilibre courant, qui justifierait d’accroître ou de pérenniser les recettes des branches, et la couverture des déficits passés par l’affectation de ressources à la Cades, est au centre de débats dont la troisième partie du présent rapport se fait l’écho.
L’ampleur des pertes de recettes subies par la sécurité sociale en raison de la crise économique a cependant entraîné la mise en place d’une nouvelle reprise de dette.
b. Un cadre rénové par la loi organique de 2010 qui introduit de nouvelles contraintes portant sur les recettes de la Cades
● La reprise de dette prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 n’a pas permis de prendre en charge l’ensemble des conséquences de la crise économique et financière de l’automne 2008 sur les comptes de la sécurité sociale, lesquelles n’étaient pas encore connues à la date de son adoption. En 2009 et en 2010, les déficits sociaux ont été portés à des niveaux inédits – à hauteur de 23,5 milliards d’euros et de 28 milliards d’euros respectivement – au point de perturber la gestion de trésorerie assurée par l’Acoss pour le compte du régime général. Les charges financières liées à la couverture de ces besoins de financement sont apparues peu soutenables et peu compatibles avec la mission de couverture des besoins de court terme qui est celle de l’Acoss.
Cependant, afin de respecter la règle organique introduite en 2005 imposant au législateur ordinaire d’accompagner tout nouveau transfert de dette de ressources équivalentes, il aurait été nécessaire d’accroître fortement les recettes de la Cades et donc d’augmenter le niveau des prélèvements obligatoires au risque de « pénaliser la croissance » ([112]).
● Le Gouvernement a soumis un nouveau programme de reprise de dette à l’approbation du Parlement, à travers deux véhicules distincts, combinant une prolongation des missions de la Cades et une augmentation de ses recettes.
En premier lieu, un projet de loi organique relatif à la dette sociale visait à allonger de quatre années la durée d’amortissement de cette dernière. L’étude d’impact qui accompagnait ce projet de loi indiquait que le scénario médian établi par la Cades prévoyait que celle-ci achèverait sa mission en 2021. Elle précisait que la Caisse estimait alors avoir 5 % de chances de l’avoir achevée en 2020 et 5 % de chances de ne pas l’avoir achevée en 2022 ([113]). La prolongation des missions de la Cades prévue par le projet conduisait donc à envisager l’extinction de cette dernière en 2025.
En outre, l’examen dudit projet de loi organique a permis de compléter, au moyen de plusieurs initiatives parlementaires, le cadre des reprises de dette en introduisant de nouvelles exigences portant sur la nature et l’affectation des recettes de la Cades. Dans sa nouvelle rédaction, l’article 4 bis de l’ordonnance précitée prévoyait ainsi que tout transfert de dette devrait dorénavant être accompagné « d’une augmentation du produit d’impositions de toute nature ou de la réalisation d’actifs » affecté à la Cades, et précisait de surcroît que « l’assiette des impositions de toute nature affectées à [ladite Caisse] porte[rait] sur l’ensemble des revenus perçus par les contribuables personnes physiques ». Le Sénat avait également introduit une « clause de retour à meilleure fortune », prévoyant qu’en cas d’accroissement des recettes de la Cades supérieur à 10 % des prévisions initiales pendant deux exercices consécutifs, « la loi de financement de la sécurité sociale pour l’exercice suivant contribue à ramener la fin de la durée de cet organisme à l’horizon prévu avant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 », c’est‑à‑dire à 2021.
De façon complémentaire, dans le cadre organique ainsi rénové, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 prévoit une reprise de dette pour un montant total de 130 milliards d’euros. Les sommes concernées par ces opérations sont réparties de la façon suivante ([114]) :
– 68 milliards au plus dès 2011, correspondant au déficit cumulé en 2009 et 2010 du régime général (hors branche accidents du travail et maladies professionnelles) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), ainsi qu’au déficit prévisionnel des branches famille et maladie pour 2011 ;
– 62 milliards au plus entre 2011 et 2018, dans la limite de 10 milliards par an, correspondant au déficit prévisionnel de la branche vieillesse et du FSV au titre de ces années, afin « d’apporter une solution à la dette accumulée pendant la phase de montée en charge de la réforme des retraites » ([115]).
● Conformément au cadre organique, ces transferts ont été accompagnés de ressources supplémentaires prévues par le même projet de loi correspondant :
– d’une part, à l’affectation à la Cades de 0,28 point de CSG, bénéficiant antérieurement à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) ;
– d’autre part, au transfert à la Cades d’actifs du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) à travers l’affectation de 1,3 point du prélèvement social sur les revenus du capital et d’un versement annuel de 2,1 milliards d’euros, jusqu’en 2024 ([116]).
La chronique de ces versements a été modifiée à deux reprises, par les lois de financement de la sécurité sociale pour 2014 et 2016, afin de tirer les conséquences de la réforme des retraites adoptée en 2014, laquelle conduisait à envisager une résorption plus rapide des déficits de la branche vieillesse ([117]).
● Une novation de ce programme de reprise tenait à ce qu’il visait à couvrir les déficits prévisionnels de la branche vieillesse jusqu’en 2018, tandis que les précédentes reprises de dette avaient toujours eu pour objet d’amortir soit des déficits déjà constitués, soit des déficits prévisibles correspondant à une période n’excédant pas deux années. La réforme des retraites adoptée la même année permettait d’envisager un retour de la branche vieillesse à l’équilibre en 2018 ([118]). L’affectation à la Cades d’un versement annuel du FRR devait permettre d’amortir les déficits de la branche précitée, conformément à l’objet dudit Fonds qui est de mettre en réserve des recettes afin de couvrir le besoin de financement de la branche vieillesse.
● Le contrôle de constitutionnalité de la loi organique précitée a conduit le Conseil constitutionnel à compléter sa jurisprudence concernant les transferts à la Cades en précisant la portée de la règle introduite en 2005 ainsi que les conditions dans lesquelles il sera conduit à s’assurer de son respect par les lois de financement :
– d’une part, le Conseil constitutionnel précise que, dans la mesure où la loi de financement de la sécurité sociale de l’année devra prévoir l’ensemble des ressources affectées au remboursement de la dette sociale jusqu’au terme prévu pour celui-ci, il sera mis à même de vérifier que ces ressources sont suffisantes pour que ce terme ne soit pas dépassé ([119]) ;
– d’autre part, le Conseil constitutionnel décide que « les lois de financement de la sécurité sociale ne pourront pas conduire, par un transfert sans compensation au profit de [la Cades] de recettes affectées aux régimes de sécurité sociale et aux organismes concourant à leur financement, à une dégradation des conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale de l’année à venir » ([120]). Ce faisant, le Conseil précise la portée de l’objectif de valeur constitutionnelle d’équilibre financier de la sécurité sociale qu’il avait déjà consacré dans les conditions rappelées par l’encadré infra.
L’équilibre financier de la sécurité sociale dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
La notion d’équilibre financier de la sécurité sociale a été introduite à l’article 34 de la Constitution par la révision constitutionnelle du 22 février 1996. Celui-ci prévoit depuis lors que les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les « conditions générales » de cet équilibre. Outre sa fonction dans la définition de l’objet desdites lois, cette disposition a conduit le Conseil constitutionnel à faire référence, à compter de sa décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997 portant sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, à « l’exigence constitutionnelle qui s’attache à l’équilibre financier de la sécurité sociale » afin de contrôler la conformité des lois soumises à son contrôle à ce principe.
À titre d’exemple, le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision n° 99‑422 DC, qu’il appartient au législateur de « concilier le droit au respect de la vie privée et l’exigence de valeur constitutionnelle qui s’attache à l’équilibre financier de la sécurité sociale » et déclaré en conséquence conformes à la Constitution, sous certaines réserves, des dispositions prévoyant en particulier que, lorsqu’ils établissent une prescription d’arrêt de travail donnant lieu à l’octroi d’indemnités journalières par l’assurance maladie, les médecins sont tenus de mentionner sur les documents produits à cet effet les éléments d’ordre médical justifiant l’interruption du travail.
Cependant, l’invocation de cette exigence – également qualifiée d’objectif de valeur constitutionnelle – n’impose pas au législateur financier social de s’assurer que les recettes de la sécurité sociale correspondent strictement à ses dépenses. En effet, « conformément aux dispositions de l’article 34 de la Constitution, le législateur doit se prononcer uniquement sur les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale et non directement sur cet équilibre » (1). L’introduction en 1994, par le législateur ordinaire, d’un principe d’équilibre financier applicable à chacune des branches n’était pas de nature à modifier l’interprétation de cette disposition constitutionnelle. Autrement dit, la référence à l’objectif de valeur constitutionnelle précité n’emporte pas la « consécration [par le Conseil constitutionnel] du principe selon lequel l’équilibre financier de la sécurité sociale des régimes de base obligatoires de la sécurité sociale est fondé sur la somme des équilibres de chacune des branches sans que le déséquilibre de l’une d’elles puisse donc être compensé par l’excédent d’une autre » (2).
Cette exigence constitutionnelle impose cependant au législateur de compenser les pertes de recettes résultant de l’affectation à la Cades de ressources précédemment affectées à la sécurité sociale, et revêt à ce titre une fonction décisive dans le dispositif juridique encadrant la gestion de la dette sociale.
(1) Aurélie Dort et Anne-Claire Dufour, « Le perfectionnement du contrôle de constitutionnalité du contenu des lois de financement de la sécurité sociale », Titre VII, juillet 2024.
(2) Rémi Pellet, « Le Conseil constitutionnel et l’équilibre financier de la sécurité sociale », Droit social, 1999.
● Le Conseil constitutionnel a été mis en mesure de contrôler la conformité de la reprise de dette prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 au cadre organique ainsi rénové. Dans sa décision portant sur ladite loi, il estime ainsi que « ces dispositions permettent, d’une part, de prévoir l’ensemble des ressources affectées au remboursement de la dette sociale jusqu’au terme prévu pour celui-ci et, d’autre part, d’assurer à la [Cnaf], par l’affectation de ressources nouvelles, la compensation, en 2011, de l’affectation de recettes » à la Cades. Aussi le Conseil constitutionnel écarte-t-il les griefs des députés requérants tirés de la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle de la sécurité sociale ([121]).
c. Des contraintes organiques qui ont contribué à ce qu’aucune nouvelle reprise de dette ne soit mise en œuvre avant la révision du cadre organique intervenue en 2020
● À la fin des années 2010, les conditions de financement de la Cades et le rendement de ses recettes laissaient prévoir que l’amortissement de la dette sociale pourrait intervenir dès 2024, soit un an avant l’échéance envisagée au moment de l’adoption de la loi organique de 2010 précitée.
Par ailleurs, selon les estimations présentées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, le montant cumulé des déficits de trésorerie portés par l’Acoss devait atteindre 27 milliards d’euros à la fin de l’année 2018. Compte tenu des bonnes performances de la Cades au cours des années précédentes et face au risque d’une dégradation des conditions de financement de l’Acoss, ledit projet de loi prévoyait ainsi :
– de transférer à la Cades 15 milliards d’euros de déficits portés par l’Acoss correspondant aux déficits des branches maladie, vieillesse et famille du régime général constitués au cours des exercices 2014 à 2018, le reliquat ayant vocation à être apuré par l’Acoss au moyen des excédents à venir ;
– d’affecter à la Cades une fraction supplémentaire de CSG à compter de 2020 afin de lui permettre d’amortir cette dette supplémentaire sans excéder la durée d’apurement prévue par la précédente réforme organique.
En l’état des prévisions disponibles lors de l’examen dudit projet de loi tenant compte des mesures prévues par ce dernier, les comptes sociaux auraient dû afficher un excédent à compter de 2020 (+ 1 milliard d’euros). Celui-ci se serait cependant résorbé pour s’élever à 0,7 milliard d’euros en 2019 puis 0,1 milliard d’euros en 2021 ([122]).
L’amélioration de la situation financière de la sécurité sociale rendait ainsi possibles l’organisation d’une nouvelle reprise de dette et la réaffectation à la Cades d’une fraction de CSG précédemment affectée aux branches famille et maladie sans pour cela compromettre l’équilibre financier de ces dernières, comme l’exigeait la réserve d’interprétation formulée par le Conseil constitutionnel en 2010 ([123]).
● La reprise de dette et l’affectation de recettes qui aurait dû l’accompagner ont toutefois été annulées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. En effet, compte tenu du changement de trajectoire des comptes de la sécurité sociale observé en 2019 – sous l’effet notamment de la révision des hypothèses macroéconomiques sur la base desquelles le projet de loi de financement précédent avait été construit – un tel transfert aurait contribué à la reconstitution des déficits de la sécurité sociale. Il se serait traduit, pour la Cnaf, par une perte de recettes non compensée qui semblait de nature à compromettre l’équilibre financier de la sécurité sociale et donc à contrevenir à la jurisprudence constitutionnelle. En d’autres termes, le programme de reprise de dette prévu en 2018, « probablement contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel [...], devenait en outre inopportun » dans le contexte d’un retour d’un déficit de la sécurité sociale ([124]).
L’annulation de cette reprise de dette montre bien que les réformes successives du cadre organique des lois de financement, à défaut d’avoir prévenu la reconstitution des déficits, ont réellement limité la capacité du législateur ordinaire à organiser leur couverture par des versements de la Cades, conformément à l’objectif énoncé à partir de 2005 d’encadrer plus strictement ces opérations.
● Ce cadre constitutionnel a encore été confirmé à l’occasion du contrôle exercé sur la loi organique du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie, laquelle a cependant conduit à reporter de 2024 à 2033 l’expiration de la période impartie à la Cades pour amortir l’ensemble de la dette transférée ([125]).
3. Un encadrement européen commun à l’ensemble de la dette publique au sein duquel les sommes amorties par la Cades sont comptabilisées comme des excédents
Dans la mesure où le cadre européen des finances publiques privilégie une approche consolidée du solde et de la dette de l’ensemble des administrations publiques, la dette sociale n’est soumise à aucune règle dérogatoire qui conduirait à la traiter différemment de la dette de l’État pour la mise en œuvre de l’interdiction des déficits excessifs. Nonobstant les différences qu’établit le droit national entre le régime et les modalités de gestion respectifs des différentes catégories de dette publique, « les règles européennes de discipline budgétaire ignorent toute distinction entre dette publique et dette sociale. Ces dernières s’appliquent en effet indistinctement à l’ensemble des administrations publiques, dont toutes les administrations de la sécurité sociale font partie, la Cades y compris » ([126]). Le solde et la dette des administrations de sécurité sociale font ainsi l’objet d’une présentation consolidée avec ceux des autres administrations publiques dans les comptes nationaux.
La Cades y occupe néanmoins une place particulière à deux titres :
– d’une part, l’amortissement qu’elle réalise est comptabilisé comme une recette des administrations de sécurité sociale. La principale explication est que ces apurements diminuent le passif des régimes obligatoires de base. Cette catégorisation des sommes amorties par la Cades est cependant critiquable dans la mesure où elle conduit à considérer l’amortissement de déficits résultant du besoin de financement des années passées comme une recette de l’exercice en cours, alors même que les sommes correspondantes ne peuvent être mobilisées pour couvrir les charges imputées sur cet exercice ([127]) ;
– d’autre part, l’amortissement de la dette sociale contribue à améliorer la situation patrimoniale de l’ensemble des administrations publiques dont il permet diminue l’encours de dette. Les sommes amorties par la Cades depuis sa création – qui atteignaient 242,6 milliards d’euros à la fin de l’année 2023 – équivalent à environ 8,5 points de produit intérieur brut et réduisent d’autant l’encours de la dette publique prise en compte pour l’application des règles budgétaires européennes ([128]).
II. La gestion opérationnelle de la dette sociale est confiée à la Cades et à l’Acoss et se caractérise par sa qualité et son efficacité
Le choix de cantonner la dette sociale par rapport au reste de la dette publique a conduit à confier sa gestion à des organismes distincts de l’État. Dans le champ retenu par le présent rapport, ce sont la Cades et l’Acoss qui gèrent l’essentiel de la dette sociale. La présente partie décrit la gouvernance de ces deux organismes et les règles qui encadrent la gestion opérationnelle de la dette sociale (A), comporte des développements sur l’efficacité de cette gestion (B) et analyse les caractéristiques des modalités de financement de la dette sociale (C).
A. La gestion opérationnelle de la dette sociale par la Cades et l’aCoss : règles de fonctionnement et principales caractéristiques
1. La gouvernance et les règles comptables et budgétaires applicables à la Cades et à l’Acoss
a. Les règles applicables à la Cades
● La Cades est un établissement public à caractère administratif dont la tutelle est exercée conjointement par le ministre chargé de l’économie et des finances et le ministre chargé de la sécurité sociale ([129]). Sa gouvernance est assurée par un conseil d’administration et un comité de surveillance dont les missions respectives sont définies par décret ([130]).
Gouvernance de la Cades
Source : Cades, rapport financier annuel pour l’année 2023, p. 10.
Le conseil d’administration gère le fonctionnement et le budget de la Cades et délibère sur son compte financier et sa stratégie de financement ([131]). Il est composé de treize membres et son président est une « personnalité choisie en raison de sa compétence », nommée par décret ([132]). Les fonctions d’administrateur sont assurées à titre gratuit.
La tutelle exercée par les ministres chargés de l’économie et des finances et de la sécurité sociale se matérialise notamment par le fait que les délibérations du conseil d’administration qui portent sur le compte financier ou par lesquelles la Cades fait appel à des tiers ou à l’État pour assurer sa gestion administrative et financière doivent être approuvées expressément par lesdits ministres pour devenir exécutoires ([133]). Le programme d’emprunts décidé par le conseil d’administration doit quant à lui être approuvé par le seul ministre chargé de l’économie et des finances ([134]).
La composition du conseil d’administration de la Cades
La caisse est administrée par un conseil d’administration composé de treize membres, comprenant :
– une personnalité choisie en raison de sa compétence, nommée par décret, président ;
– le président et le vice-président du conseil d’administration de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale ou leur suppléant, désigné au sein dudit conseil ;
– les présidents du conseil de la Caisse nationale de l’assurance maladie, du conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse et du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales ou les vice-présidents de ces conseils, désignés pour les suppléer ;
– le président du conseil d’administration de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole ou le premier vice-président de ce conseil, appelé à le suppléer ;
– deux représentants du ministre chargé de l’économie et des finances ou leur suppléant, nommés par arrêté du ministre chargé de l’économie et des finances ;
– deux représentants du ministre chargé de la sécurité sociale ou leur suppléant, nommés par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ;
– un représentant du ministre chargé du budget ou son suppléant, nommés par arrêté du ministre chargé du budget ;
– un représentant du conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites ou son suppléant, choisis par le président dudit conseil parmi les représentants des assurés sociaux ou des employeurs et travailleurs indépendants.
Source : article 3 de l’ordonnance n° 96‑50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
● Deuxième organe de gouvernance de la Cades, le comité de surveillance a pour mission d’émettre un avis sur le rapport d’activité et peut être consulté sur toute question par le conseil d’administration. Il est composé de dix‑huit membres, dont quatre parlementaires désignés par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Son président est élu en son sein.
La composition du comité de surveillance de la Cades
Le comité de surveillance de la caisse d’amortissement de la dette sociale, dont les membres sont nommés pour trois ans renouvelables, ou, lorsque celle-ci est inférieure à trois ans, pour la durée restant à courir de l’établissement, comprend :
1. Deux membres de l’Assemblée nationale et deux membres du Sénat ;
2. Trois représentants du ministre chargé de l’économie et des finances, désignés par le ministre chargé de l’économie et des finances ;
3. Trois représentants du ministre chargé de la sécurité sociale, désignés par le ministre chargé de la sécurité sociale ;
4. Un représentant du ministre chargé de l’agriculture, désigné par le ministre chargé de l’agriculture ;
5. Un membre de la Cour des comptes, ayant au moins le rang de conseiller maître, proposé par le premier président de la Cour des comptes, et désigné par le ministre de l’économie et des finances ;
6. Un membre du corps de l’inspection générale des finances, ayant au moins le rang d’inspecteur général, proposé par le chef de service dudit corps, et désigné par le ministre chargé de l’économie et des finances ;
7. Un membre du corps de l’inspection générale des affaires sociales, ayant au moins le rang d’inspecteur général, proposé par le chef de service dudit corps, et désigné par le ministre chargé de la sécurité sociale ;
8. Le secrétaire général permanent de la commission des comptes de la sécurité sociale ;
9. Le président du conseil d’administration de la Caisse nationale de l’assurance maladie ;
10. Le président du conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse ;
11. Le président du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales ;
12. Le président du conseil d’administration de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale ;
13. Le président de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Source : article 4 du décret n° 96‑353 du 24 avril 1996 relatif à la caisse d’amortissement de la dette sociale
Par ailleurs, la Cades est une entité d’intérêt public au sens de l’article L. 821‑2 du code de commerce, ce qui implique notamment la constitution en son sein d’un comité d’audit chargé d’assurer le suivi des questions relatives à l’élaboration et au contrôle des informations comptables et financières ainsi que l’efficacité des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques ([135]). Les membres de ce comité sont désignés au sein du conseil d’administration comme le prévoit l’article L. 821‑67 du code de commerce.
● Les règles budgétaires et comptables applicables aux opérations de la Cades diffèrent selon que lesdites opérations relèvent de ses activités de financement ou de ses activités administratives.
En tant qu’établissement public à caractère administratif, la Cades est soumise à l’essentiel des dispositions du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ([136]) pour ce qui relève de ses opérations administratives. Il en va ainsi notamment du principe de séparation entre les activités d’ordonnateur et de comptable public. Dans ce cadre, le président du conseil d’administration est l’ordonnateur des dépenses de la Cades ([137]) et l’agent comptable, nommé par le ministre chargé du budget, constate les opérations de recettes et de dépenses de la caisse selon les normes de son plan comptable particulier ([138]) et procède aux encaissements et décaissements après avoir effectué les contrôles prévus aux articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 précité ([139]). Comme pour tout autre établissement public à caractère administratif, l’activité de l’agent comptable est soumise au contrôle de la Cour des comptes. Toutefois, le décret du 24 avril 1996 exclut la Cades de l’application de la comptabilité budgétaire en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, peu adaptée à son activité spécifique ([140]).
En tant qu’opérateur sur les marchés, la Cades présente des spécificités organisationnelles par rapport à d’autres établissements publics à caractère administratif. Les opérations de financement sont prises selon un circuit qui respecte la stricte séparation entre les activités de « front office », de « middle office » et de « back office » généralement observée par les établissements bancaires :
– le « front office » assure les interventions sur les marchés et négocie les opérations de financement, de placement et de couverture des risques ;
– le « middle office » collecte les positions de trésorerie, établit les prévisions, fournit les échéanciers de paiement et assure un premier contrôle sur les opérations du « front office » ;
– le « back office » vérifie le formalisme et le respect des règles par les opérations du « front office » avant de les enregistrer. Il est en charge du suivi des risques et gère la liaison avec les services comptables.
Au sein de la Cades, cette séparation se matérialise par une répartition des fonctions entre la cellule chargée des opérations de marché (le « front office ») et la cellule chargée des opérations de post‑marché (les « middle » et « back office »).
● Pour assurer ses missions, la Cades repose sur une structure légère composée, au 1er janvier 2024, d’un effectif global de sept personnes :
– quatre emplois de contractuels de droit public en CDI à temps plein ;
– deux emplois de contractuels de droit public en CDD à temps plein ;
– un emploi de titulaire de la fonction publique en détachement.
Ces effectifs resserrés, auxquels s’ajoute l’emploi de président du conseil d’administration, se traduisent par des charges de personnel particulièrement faibles, qui se sont élevées à 674 179 euros en 2023 ([141]). Ils sont à mettre en regard des quarante‑trois personnes qui composaient, au 1er janvier 2024, les effectifs de l’Agence France Trésor (AFT) ([142]), service à compétence nationale qui gère la dette de l’État et ses besoins de trésorerie.
Les rapporteurs précisent toutefois que sur le plan opérationnel, les effectifs de la Cades sont intégrés aux services de l’AFT depuis le 1er octobre 2017. Le rapprochement des services de la Cades et de l’AFT est une réflexion menée de longue date. Dès 2014, à l’initiative du directeur général de l’AFT et dans la perspective de la fin de l’amortissement de la dette sociale et de l’extinction de la Cades, alors programmée pour l’année 2024 le choix fut fait d’envisager un rapprochement opérationnel entre les services de la caisse et ceux de l’Agence France Trésor. Un tel rapprochement poursuivait deux objectifs spécifiques :
– d’une part, il s’agissait de réduire les risques opérationnels afférents à l’activité de la Cades en lui faisant bénéficier de l’expertise de l’AFT en matière de contrôle interne ;
– d’autre part, il s’agissait également d’intégrer au sein de l’AFT les compétences spécifiques développées par les agents de la Cades en matière d’intervention sur les marchés en devises étrangères (cf. infra) et de leur assurer des perspectives d’évolution de carrière.
Pour permettre ce rapprochement et en s’appuyant sur une habilitation législative prévue par le II de l’article 5 de l’ordonnance du 24 janvier 1996 ([143]), un décret du 9 mai 2017 a modifié l’article 8 du décret n° 96‑353 précité afin de prévoir que la Cades puisse confier à l’État, « la responsabilité opérationnelle [de ses] activités de financement » ([144]). En application de ces nouvelles dispositions réglementaires, l’AFT et la Cades ont ainsi conclu trois conventions distinctes :
– une convention de mandat précisant la nature des tâches que l’AFT est conduite à exercer au nom et pour le compte de la Cades ;
– une convention de mise à disposition de l’AFT des personnels de la Cades : sur les sept emplois dont dispose la Cades, les six emplois de contractuels de droit public sont ainsi mis à disposition ([145]) ;
– une convention financière détaillant le rapprochement budgétaire et financier de l’AFT et de la Cades : en application de l’article 2 de cette convention, la Cades verse à l’AFT une rémunération globale qui comprend la rémunération brute annuelle des agents de l’AFT réalisant les opérations de la Cades ainsi qu’un montant correspondant aux dépenses prises en charge par le ministère de l’économie et des finances pour le compte de la Cades ([146]).
Ce rapprochement, purement opérationnel, n’a pas remis en cause le principe de cantonnement de la dette sociale ni n’a eu pour effet de fusionner la Cades au sein de l’AFT : la Cades reste donc une entité juridique distincte de l’AFT, sa signature conserve son indépendance par rapport à celle de l’État et les recettes dont elle dispose n’ont pas été modifiées à l’occasion du rapprochement.
Interrogés par vos rapporteurs, le président de la Cades et le directeur général de l’AFT ont tiré un bilan positif de ce rapprochement opérationnel. Selon le président de la Cades, « la mutualisation des fonctions a amélioré la résilience et renforcé l’expertise des équipes » ([147]). Ce constat rejoint l’analyse développée par la Cour des comptes dans une communication transmise à la commission des finances de l’Assemblée en février 2022 ([148]).
Compte tenu de cette organisation, la Cades dispose d’un budget de gestion administrative fixé à 3,6 millions d’euros en 2023 dont seulement 2,7 millions furent consommés. Le montant net de gestion administrative est même en réalité plus faible (2 millions d’euros) puisque la Cades bénéficie du remboursement par la direction générale du Trésor des salaires et charges des personnels mis à disposition de l’AFT, à hauteur de 659 571,41 euros, en application de l’article 5 de la convention‑cadre de mise à disposition signée entre les deux entités. L’essentiel de son budget de gestion reflète donc le coût du recours à des services extérieurs (1,25 million d’euros) : honoraires de conseils juridiques et de cabinets d’audits, honoraires des contrats des agences de notation, frais de tenue de compte des banques commerciales, frais d’enregistrement liés aux programmes d’émissions, frais liés à la communication etc.
b. Les règles applicables à l’Acoss
● Comme la Cades, l’Acoss est un établissement public national à caractère administratif qui dispose de la personnalité juridique et de l’autonomie financière ([149]). Créée en 1967 par les ordonnances dites « Jeanneney » ([150]) pour assurer la gestion de la trésorerie du régime général de sécurité sociale, elle est administrée par un conseil d’administration de trente membres comprenant des représentants des assurés sociaux et des employeurs et travailleurs indépendants ainsi que des personnalités qualifiées désignées par l’État ([151]). Le directeur de l’Acoss est nommé par décret rendu sur le rapport du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget après avis du président du conseil d’administration et son agent comptable est nommé par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale ([152]).
En tant qu’elle est chargée de la gestion de la trésorerie des cinq branches du régime général ([153]), l’Acoss porte la dette sociale constituée par les déficits cumulés desdites branches et n’ayant pas fait l’objet d’une reprise par la Cades. Bien que la majeure partie de la dette sociale constituée à la date de rédaction du présent rapport a fait l’objet d’une reprise par la Cades, le rôle de l’Acoss dans la gestion de la dette sociale est donc crucial.
● Pour assurer la gestion de la trésorerie du régime général, l’Acoss est autorisée à recourir à des ressources non permanentes dans une certaine limite votée chaque année en loi de financement de la sécurité sociale ([154]). Pour l’année 2024, l’encours limite de recours à des ressources non permanentes par l’Acoss a été fixé à 45 milliards d’euros. Son programme d’émission fait l’objet d’une approbation annuelle par les ministres chargés de sa tutelle ([155]).
L’Acoss dispose de plusieurs outils pour garantir le financement des besoins des régimes de sécurité sociale dont elle assure la gestion de la trésorerie ainsi que pour assurer le financement de la dette qu’elle porte :
– l’émission de titres de créances sur les marchés financiers ;
– le recours à des emprunts auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Les relations entre les deux organismes sont formalisées dans une convention quinquennale dont le dernier renouvellement a eu lieu en décembre 2023 et qui précise que l’encours de prêt maximal que l’Acoss peut effectuer auprès de la CDC est fixé à 13 milliards d’euros ;
– la mobilisation, contre rémunération, des excédents de trésorerie d’autres organismes de la sécurité sociale.
En pratique, l’outil privilégié de l’Acoss pour financer ses besoins est l’émission de titres de créances (cf. infra).
En 2023, l’Acoss s’appuyait sur un effectif de 2 005,29 équivalents temps plein (ETP), en augmentation par rapport à 2022 (1 921,9 ETP), représentant un budget de 186,7 millions d’euros ([156]). Les informations recueillies par vos rapporteurs ne permettent toutefois pas d’identifier avec précision le nombre d’emplois ni le budget spécifiquement consacrés par l’Acoss à ses activités d’intervention sur les marchés pour assurer le financement des besoins de trésorerie des branches du régime général de sorte qu’il est difficile de comparer ces données avec celles disponibles pour la Cades.
2. Les modalités d’intervention sur les marchés de la Cades et de l’Acoss sont différentes et se distinguent de celles de l’État
Dans la mesure où la Cades a pour mission d’apurer la dette sociale qui lui est confiée et où l’Acoss doit assurer la gestion de la trésorerie du régime général de la sécurité sociale, leurs besoins en termes de financement sont différents, ce qui justifie que les modalités de leur intervention sur les marchés le soient également. Par ailleurs, ces modalités présentent des spécificités par rapport à celles par lesquelles l’AFT finance la dette de l’État.
a. La Cades émet des titres en euros et en devises, à court et à long termes, selon la technique de la syndication
● Pour rembourser la dette qui lui est confiée, la Cades intervient sur les marchés financiers. L’article 5 de l’ordonnance n° 96‑50 précitée habilite la caisse à contracter des emprunts et, à ce titre, à émettre tout titre négociable représentatif d’un droit de créance.
À cette fin, elle peut procéder à toutes opérations de marché à terme, notamment ([157]) :
– mener des opérations d’achat ou de vente sur des marchés à terme ;
– procéder à des opérations de change ;
– conclure des contrats d’échange ou d’options de taux d’intérêt ;
– procéder à des opérations de pensions sur titres d’État ou sur les titres qu’elle a émis ;
– procéder à des opérations de rachat ou d’échanges d’emprunt.
En pratique, la Cades est le plus important émetteur public français après l’État. Elle réalise des opérations conséquentes et garantit aux investisseurs la liquidité des titres sur le marché secondaire. Elle est un émetteur quasi‑souverain.
● La Cades a recours à deux principaux programmes qui s’appuient sur des documentations de référence servant de base juridique aux emprunts de long terme qu’elle émet :
– le debt insurance programme (DIP) qui lui permet d’emprunter en euros mais également dans d’autres devises ([158]) dans une limite d’encours fixée à 130 milliards d’euros ;
– le global medium term note (GMTN) qui lui permet d’emprunter en dollars états‑uniens en vendant ses titres à des investisseurs basés aux États‑Unis dans une limite d’encours de 65 milliards d’euros.
S’agissant des emprunts de plus court terme, la Cades peut, à l’instar de l’Acoss, émettre des titres de créances négociables à court terme (« Negotiable european paper – NeuCP) pour un encours maximal de 20 milliards d’euros et des Euro commercial paper (ECP). Comme indiqué par le président du conseil d’administration lors de son audition, la Cades privilégie toutefois le recours à des billets de trésorerie américains (US commercial paper) afin de ne pas faire concurrence à l’Acoss sur le marché des ECP. La Cades peut également émettre des titres de créances négociables de moyen terme (« Negotiable european medium term note » – NeuMTN) pour un encours maximal de 10 milliards d’euros et effectuer des émissions hors programmes.
● La possibilité pour la Cades d’intervenir aussi bien sur les marchés en euros que sur ceux en devises étrangères constitue une différence notable avec l’AFT. Comme l’ont précisé plusieurs personnes auditionnées par les rapporteurs, la Cades est ainsi l’un des rares émetteurs public français à accéder au marché américain. Cette spécificité présente plusieurs avantages :
– d’une part, cela permet à la Cades de diversifier sa base d’investisseurs qu’il s’agisse de leur nature (banques, banques centrales, investisseurs institutionnels ou autres) ou de leur localisation géographique mais également de diversifier la maturité des titres qu’elle émet (cf. infra) ;
– d’autre part, dans la mesure où l’AFT n’intervient pas sur les marchés en devises, cela renforce la complémentarité des opérations effectuées par l’agence et la Cades et limite les risques de concurrence entre les deux organismes.
Intervenir sur des marchés en devises présente toutefois un risque lié à l’évolution des taux de change. En effet, en cas de dépréciation des devises dans lesquelles la Cades a emprunté, la caisse est susceptible de subir des pertes en capital. Pour se prémunir d’un tel risque de change, la Cades convertit systématiquement en euros les titres qu’elle émet en devises étrangères à travers des contrats d’échange conclus à titre de couverture. La contrepartie de l’usage de ce type de produits dérivés est de générer un risque de liquidité lié aux appels de marge auxquels peuvent donner lieu ces produits ([159]) ainsi qu’un risque de contrepartie lié aux pertes éventuelles subies en cas d’inexécution de ses obligations par la contrepartie au contrat d’échange. Tandis que le risque de liquidité lié aux appels de marge apparaît plus limité que le risque de change auquel la Cades serait exposée en l’absence de contrat d’échange de devises, la caisse limite son exposition au risque de contrepartie de plusieurs manières :
– d’une part la Cades ne traite qu’avec des établissements financiers reconnus comme spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) depuis son rapprochement avec l’AFT ;
– d’autre part la Cades impose à ses contreparties l’obligation de signer un contrat de garantie assorti d’appels de marge.
Les contrats d’échange de taux et de devises
Un contrat d’échange de taux d’intérêt, communément appelé « swap de taux », est un contrat entre deux opérateurs qui échangent leurs obligations de payer des intérêts dans une même monnaie sans échanger les dettes correspondantes. Il a pour finalité de modifier les positions de taux d’intérêt des deux parties.
En pratique, il permet à un opérateur A ayant emprunté à taux variable de se prémunir des risques d’intérêts liés à la hausse des taux en « échangeant » le taux d’intérêt variable contre un taux d’intérêt fixe avec un opérateur B. L’opérateur A est ainsi couvert contre le risque d’une hausse des taux d’intérêt. En pratique, seul le montant des intérêts nets à l’échéance donne, le plus souvent, lieu à un flux financier (intérêt net à payer ou à recevoir). Il ne bénéficie en revanche pas du bénéfice lié à une baisse de ces mêmes taux.
Un contrat d’échange financier de devises, communément appelé « swap de devises », est un contrat entre deux opérateurs qui décident de s’échanger des flux de capitaux libellés dans deux devises différentes portant sur un montant, une durée, une périodicité de versement du principal et des intérêts déterminés à l’avance.
À la différence d’un « swap » de taux d’intérêt, les montants des capitaux servant de base au contrat sont libellés dans des devises différentes et font généralement l’objet d’un échange.
Le montant du capital peut être effectivement versé ou servir de base au calcul des intérêts. Par ailleurs, le contrat prévoit, en règle générale, un cours de change unique à retenir pour les échanges de capitaux et d’intérêts.
Source : direction générale des finances publiques.
Au 31 décembre 2023, près des deux tiers de l’encours de dette émise par la Cades étaient libellés en euros, 35,3 % l’étaient en dollars états‑uniens (USD) et 2,6 % l’étaient dans une autre devise.
Répartition des emprunts en cours de la Cades par devise (31 décembre 2023)
Source : commission des affaires sociales.
36,6 % des emprunts présentaient une maturité supérieure à cinq ans tandis que 42,9 % avaient une échéance comprise entre un et cinq ans. 20,5 % des titres arrivaient à terme dans le courant de l’année 2024.
Répartition des emprunts en cours de la Cades par maturité
(31 décembre 2023)
Source : commission des affaires sociales.
L’essentiel des emprunts était constitué d’obligations en euros (58 %) ou en devises (31,5 %). 2,7 % des emprunts prenaient la forme d’obligations indexées. La part des instruments de court et de moyen termes était logiquement moins élevée : les papiers commerciaux de court terme représentaient ainsi 5,7 % des emprunts tandis que les titres de créance de moyen terme (MtNs) en représentaient 2,1 %.
Répartition des emprunts en cours de la Cades par type d’instrument (31 décembre 2023)
Source : commission des affaires sociales.
● La Cades se distingue également de l’AFT par les techniques d’émissions qu’elle utilise. Tandis qu’elle a recours à la syndication pour émettre ses titres, l’AFT n’utilise que marginalement cette technique lui préférant l’adjudication.
L’adjudication est une technique qui consiste à servir les titres émis au prix de soumission selon un processus dit d’« enchère hollandaise » ([160]). Concrètement, l’AFT annonce, avant chaque adjudication, le montant qu’elle souhaite emprunter sous la forme de bons du Trésor français (BTF) ou d’obligations assimilables du Trésor (OAT). Au moment de l’adjudication, les soumissionnaires transmettent leurs offres en indiquant le montant de titres qu’ils souhaitent acquérir et à quel taux. Les offres sont ensuite classées par ordre de prix. Les offres présentant le prix le plus élevé (et donc le taux le plus faible) sont servies en priorité jusqu’à ce que le montant total d’émission soit atteint. L’adjudication fait donc directement jouer la concurrence entre les souscripteurs.
Cette technique est utilisée pour la plupart des émissions de l’AFT selon un calendrier hebdomadaire pour les BTF et mensuel pour les OAT.
La syndication est une technique d’émission différente par laquelle un émetteur et des banques réunies dans un syndicat bancaire s’engagent respectivement à émettre et acquérir des titres à un prix défini entre eux. Pour chaque émission, l’émetteur ouvre un livre d’ordres à destination des investisseurs sur la base d’un taux initial défini par rapport au taux d’un titre de référence. En fonction du volume des ordres reçus et de la nature des investisseurs, l’émetteur peut diminuer le taux proposé pour emprunter à de meilleures conditions. Suite à cette diminution, le volume d’ordre s’ajuste, donnant des indications sur le prix réel auquel les investisseurs sont prêts à acheter le titre. Ce processus se poursuit jusqu’à ce que l’émetteur définisse le prix et les caractéristiques définitifs de l’émission. L’émetteur peut ensuite allouer les titres entre les différents investisseurs selon la répartition qu’il choisit.
La syndication présente plusieurs avantages pour un émetteur tel que la Cades :
– elle lui assure de la flexibilité puisque, à l’inverse des adjudications, les syndications ne suivent pas un calendrier prédéterminé. Cela permet notamment à l’émetteur de choisir une fenêtre d’opportunité adéquate pour le lancement de ses émissions ;
– elle lui permet de diversifier ses investisseurs en choisissant à qui elle sert les titres émis, ce qui est par nature impossible dans une adjudication où le service des titres s’effectue par ordre décroissant du prix des offres soumises. Lors de son audition, le président du conseil d’administration de la Cades a souligné le fait que le choix de la distribution des titres aux différents souscripteurs constituait un enjeu important pour la caisse, notamment pour fidéliser les investisseurs et soigner les relations qu’ils entretiennent avec eux ;
– elle est plus adaptée aux caractéristiques des émissions de la Cades, lesquelles sont moins nombreuses à l’année et se font sur la base d’opérations ponctuelles et non régulières comme l’AFT ;
– elle permet enfin à l’émetteur de mieux contrôler le prix proposé pour un titre ainsi que le montant d’émission du fait des échanges constants avec le syndicat bancaire lors de l’élaboration de l’opération.
À l’occasion d’une syndication, les banques constituées en syndicat jouent un rôle crucial dans le processus d’émission des titres. Elles assurent l’intermédiation entre l’émetteur et les investisseurs finaux et exercent un rôle de garant en s’engageant à souscrire à un titre au cas où l’un des investisseurs vient à faire défaut.
Outre leur engagement à participer à l’acquisition des titres émis, certaines banques jouent le rôle de « chef de file » : elles assurent la communication et la promotion de l’opération auprès de la presse économique et financière, elles tiennent le livre d’ordres, elles distribuent les titres aux investisseurs finaux conformément au choix d’allocation fait par l’émetteur et elles rédigent les documents légaux. Les chefs de file conseillent l’émetteur sur la stratégie de resserrement du taux ou sur les conditions de marché.
Pour toutes ces raisons, les banques sont rémunérées lorsqu’elles participent à des syndications. Ces rémunérations apparaissent dans le bilan de la Cades et sont inscrites comme commissions. Pour l’année 2023, ces commissions ont représenté une charge de 22,1 millions d’euros, soit un ratio de 0,01 % si on rapporte ce montant à celui des 22,2 milliards d’euros d’emprunts émis l’année dernière. Le montant des commissions était de 45,9 millions d’euros en 2022.
Depuis son rapprochement avec l’AFT, la Cades traite exclusivement avec des spécialistes en valeurs du Trésor (SVT), lesquels sont des banques et institutions financières habilitées par le ministre chargé de l’économie à jouer le rôle d’intermédiaire entre l’État et les investisseurs.
Les spécialistes en valeurs du Trésor
Les spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) sont les contreparties privilégiées de l’AFT pour l’ensemble de ses activités sur les marchés.
Ils conseillent et assistent l’agence sur sa politique d’émission et de gestion de la dette, et plus généralement sur toute question intéressant le bon fonctionnement des marchés.
La composition du groupe des SVT a évolué dans le temps. Au nombre de treize en janvier 1987, il s’est élargi à vingt-deux au début des années 2000 avant de compter quinze établissements aujourd’hui. Ce groupe de SVT représente aujourd’hui la diversité des établissements actifs sur le marché des emprunts d’État français : grandes banques de réseau, établissements spécialisés, institutions d’origine française ou étrangère.
Les SVT sont sélectionnés par le ministre chargé de l’économie, sur recommandation du directeur général du Trésor, président de l’AFT. Le directeur général du Trésor peut, pour l’établissement de ses recommandations, recourir à l’avis d’un comité de sélection.
Pour le mandat 2022‑2024, le groupe des SVT est composé de quatre établissements français (BNP Paribas, Crédit agricole, Natixis et Société générale), deux allemands (Commerzbank et Deutsche Bank), trois britanniques (Barclays, HSBC et NatWest Markets), cinq nord-américains (Bank of America, Citigroup, Goldman Sachs, JP Morgan et Morgan Stanley) et un japonais (Nomura).
Les SVT doivent respecter une charte publique qui définit leurs relations et leurs obligations et engagements vis-à-vis de l’AFT. Chaque année, l’AFT publie un classement des SVT qui prend en compte leur participation sur le marché primaire de la dette française, leur présence sur le marché secondaire dans l’échange des titres émis par l’État et la qualité de leur relation avec l’agence.
Source : Agence France Trésor.
b. L’Acoss peut recourir à des financements de marché de court terme dans les limites votées par le législateur financier social
● Pour assurer le financement des déficits de la sécurité sociale et des besoins de trésorerie des branches, l’Acoss se finance presqu’exclusivement auprès des marchés. En application de l’article L. 139‑3 du code de la sécurité sociale, l’Acoss ne peut émettre de titres de créances dont la maturité est supérieure à un an, ce qui limite son intervention à des programmes de dette de très court terme. Cette contrainte se justifie principalement par le fait que, contrairement à la dette de l’État, la dette sociale a vocation à être intégralement remboursée. En limitant la maturité des titres qu’elle émet à moins de douze mois, l’Acoss n’est donc pas en mesure de constituer une dette financière de moyen ou long terme. Par ailleurs, comme l’ont rappelé plusieurs personnes auditionnées par les rapporteurs, cette durée de douze mois représente un horizon temporel classique des financements de trésorerie, à même de limiter les risques de rupture de liquidités.
Interrogée par les rapporteurs, la direction de la sécurité sociale a indiqué qu’une réflexion était actuellement menée sur la pertinence d’assouplir légèrement les contraintes résultant de la durée maximale d’emprunts de l’Acoss ([161]) . L’ouverture d’une telle réflexion se justifie à un double titre :
– d’une part du fait de l’évolution globale du contexte d’emprunt avec une remontée vraisemblablement durable des taux par rapport à la situation qui préexistait à la crise inflationniste intervenue depuis 2022 ;
– d’autre part par le besoin de sécurisation des financements de l’Acoss tel qu’il s’est manifesté à l’occasion de la crise sanitaire (cf. partie III. A.).
● Compte tenu de ces limitations, l’Acoss recourt à deux programmes différents :
– le programme de titres de créances négociables à court terme (NeuCP) sur la place boursière de Paris ([162]). En 2023, les émissions sur ce marché représentaient 25 % du financement de marché de l’Acoss pour un encours moyen de 4,5 milliards d’euros. Elles sont majoritairement réalisées à taux fixe mais peuvent également l’être à taux variable ;
– le programme « Euro commercial papers » (ECP) sur la place boursière de Londres. En 2023, les émissions sur ce marché représentaient 75 % du financement de marché de l’Acoss pour un encours moyen de 13,9 milliards d’euros. Elles sont exclusivement réalisées à taux fixe.
Comme le montre le graphique ci‑après, la part des émissions ECP dans le financement des besoins de l’Acoss a progressé entre 2013 et 2017 pour se stabiliser à un niveau proche de 75 %. Seule l’année 2020 fait figure d’exception en raison de l’irruption de la crise sanitaire et du ralentissement des marchés financiers qui en a découlé ([163]). Entamée à la fin des années 2000 avec le recours par l’Acoss à ses premiers instruments de marché (les billets de trésorerie), la réduction du recours à des emprunts bancaires auprès de la Caisse des dépôts et consignations, partenaire historique de l’Acoss, s’est quant à elle poursuivie ([164]).
Évolution de la répartition des financements en moyenne annuelle
Source : commission des affaires sociales à partir des données fournies par l’Acoss aux rapporteurs.
Sur le plan de la technique d’émission, l’Acoss n’a recours ni à l’adjudication ni à la syndication. Elle intervient sur les marchés de gré à gré par le biais de ses banques partenaires et émet des titres selon ses besoins et la demande du marché.
B. La Cades et l’Acoss ne connaissent aucune difficulté à emprunter
1. Quelles sont les stratégies de financement de la Cades et de l’Acoss ?
La stratégie de financement de la Cades s’articule autour de plusieurs objectifs :
– assurer un accès constant à la liquidité ;
– optimiser le coût et la charge de la dette sociale en limitant notamment les risques de marché auxquels elle est soumise ;
– diversifier les sources de financement ;
– garantir la qualité de sa signature.
Cette stratégie sert l’objectif principal de la Cades qui est d’amortir la dette qui lui est confiée.
L’Acoss poursuit des finalités similaires à ceux de la Cades. Sa mission de gestion de la trésorerie du régime général de la sécurité sociale y ajoute l’objectif d’assurer quotidiennement une sécurisation des financements du régime général sur un horizon d’un mois.
La Cades et l’Acoss n’éprouvent pas de difficulté à placer leurs titres très demandés sur les marchés. À ce titre, elles remplissent l’objectif stratégique qui leur est fixé, qu’il s’agisse de la diversification des bases de financement, des coûts de gestion réduits ou de la qualité de la signature. Au total, la Cades a versé 75 milliards d’euros nets (constants de 2023) en intérêts et commissions.
Tandis que certaines personnes auditionnées ont salué la qualité de la gestion de la Cades et de l’Acoss sur les marchés financiers, d’autres ont estimé qu’un tel montant aurait pu être mieux utilisé en finançant directement la sécurité sociale.
2. Le coût de financement est relativement contenu et la qualité de signature est reconnue par les acteurs du marché
● L’un des arguments pouvant être opposé à la décision de confier le financement de la dette sociale à la Cades plutôt qu’à l’État est que cette décision entraîne des surcoûts liés à la charge d’intérêt de cette dette. En effet, toutes choses égales par ailleurs, les émetteurs souverains tels que l’AFT bénéficient de taux d’intérêts moins élevés que les émetteurs non souverains, facteur lié entre autres à la qualité de leur signature. En pratique pourtant, l’on observe que la Cades et l’Acoss jouissent de bonnes conditions de financement par rapport à la moyenne du marché. Cela relève de plusieurs facteurs.
– S’agissant de la qualité de la signature, la Cades et l’Acoss bénéficient de notations très favorables par les différentes agences de notation internationales.
Notation de l’état, de la Cades et de l’Acoss (septembre 2024)
Agence |
Notation à long terme |
Notation à court terme |
||
Cades |
État |
Cades |
Acoss |
|
Moody’s France |
Aa2 |
Aa2 |
P-1 |
P-1 |
Standard and Poor’s |
AA- |
AA- |
A-1 |
A-1 + |
DBRS Morningstar |
AA |
AA |
R-1 |
n.a. |
Fitch |
AA- |
AA- |
F-1 + |
F-1 + |
Source : commission des affaires sociales.
Ces notations s’appuient sur plusieurs arguments à l’appui de la Cades et de l’Acoss : leur statut d’établissement public national, la responsabilité en dernier ressort de l’État quant à leur solvabilité et leur liquidité, l’importance et la stabilité des ressources dont ils bénéficient et la capacité de l’État à les soutenir en cas de besoin. Il en résulte qu’ils sont considérés comme des émetteurs quasi souverains et que, dans les faits, leur notation est alignée sur celle de l’État.
– Historiquement, les écarts de taux d’intérêt entre la Cades et l’État (spreads) sont faibles et oscillent entre 10 à 40 points de base ([165]).
tableau des écarts de taux entre les émissions de la Cades
et l’OAT de référence (depuis 2015)
Date de négociation |
Date de valeur |
Maturité |
Montant émis |
Taux de référence |
Écart de taux (pb) |
7 février 2024 |
14 février 2024 |
24 septembre 2027 |
4 milliards d’euros |
OAT 2,5 % Septembre 2027 |
25 |
9 janvier 2024 |
16 janvier 2024 |
25 février 2029 |
4 milliards d’euros |
OAT 2,75 % Février 2029 |
29 |
21 juin 2023 |
28 juin 2023 |
25 novembre 2031 |
3 milliards d’euros |
OAT 0 % Novembre 2031 |
26 |
21 février 2023 |
1er mars 2023 |
1er mars 2030 |
4 milliards d’euros |
OAT 0 % Novembre 2030 |
31 |
10 janvier 2023 |
17 janvier 2023 |
25 mai 2028 |
5 milliards d’euros |
OAT 0,75 % Mai 2028 |
42 |
9 novembre 2022 |
16 novembre 2022 |
25 mai 2027 |
5 milliards d’euros |
OAT 0 % Février 2027 |
56 |
20 septembre 2022 |
27 septembre 2022 |
25 novembre 2032 |
5 milliards d’euros |
OAT 2 % 25 novembre 2032 |
35 |
24 août 2022 |
31 août 2022 |
25 novembre 2027 |
3 milliards d’euros |
OAT 0 % Février 2028 |
37 |
26 avril 2022 |
3 mai 2022 |
25 mai 2032 |
5 milliards d’euros |
OAT 0 % Mai 2032 |
25 |
9 février 2022 |
16 février 2022 |
25 novembre 2029 |
2 milliards d’euros |
OAT 0 % 25 novembre 2029 |
18 |
12 janvier 2022 |
19 janvier 2022 |
19 janvier 2032 |
6 milliards d’euros |
Interpol OAT Mai 2032 |
18 |
8 septembre 2021 |
15 septembre 2021 |
15 septembre 2031 |
5 milliards d’euros |
OAT 0 % 25 novembre 2031 |
13 |
8 juin 2021 |
15 juin 2021 |
25 novembre 2026 |
4 milliards d’euros |
OAT 0,25 % 25 novembre 2026 |
15 |
10 mars 2021 |
17 mars 2021 |
25 mai 2029 |
5 milliards d’euros |
OAT 0 % 25 mai 2029 |
15 |
27 janvier 2021 |
3 février 2021 |
25 mai 2031 |
4 milliards d’euros |
OAT 0 % 25 mai 2031 |
16 |
25 novembre 2020 |
2 décembre 2020 |
25 février 2026 |
3 milliards d’euros |
OAT 0 % Février 2026 |
16 |
29 septembre 2020 |
6 octobre 2020 |
25 février 2028 |
5 milliards d’euros |
OAT 1 % Mai 2027 OAT 0,75 % Mai 2028 |
18 |
9 septembre 2020 |
16 septembre 2020 |
25 novembre 2030 |
5 milliards d’euros |
OAT 0 % 25 novembre 2030 |
20 |
13 juin 2018 |
20 juin 2018 |
25 octobre 2023 |
1 milliard d’euros |
OAT 1,75 % Mai 2023 OAT 2,25 % Mai 2024 |
14 |
25 janvier 2017 |
1er février 2017 |
25 novembre 2022 |
4 milliards d’euros |
OAT 2,25 % Octobre 2022 |
13 |
27 janvier 2016 |
3 février 2016 |
25 novembre 2020 |
4,5 milliards d’euros |
OAT 0,25 % Novembre 2020 |
17 |
15 janvier 2015 |
23 janvier 2015 |
25 mai 2023 |
3 milliards d’euros |
OAT 1,75 % Mai 2023 |
10 |
Source : réponse de la Cades au questionnaire des rapporteurs.
Le graphique ci‑dessous traduit le resserrement du spread sur le marché secondaire entre les titres émis par la Cades et des OAT de maturité comparable.
Évolution des taux « cades » par rapport aux taux d’OAT comparables
Source : réponse de la Cades au questionnaire des rapporteurs.
S’agissant d’un titre émis par la Cades avec un remboursement prévu en mai 2027, l’écart de taux avec une OAT comparable a ainsi atteint un point haut en novembre 2022 (56 points de base) avant de diminuer pour s’établir à 20 points de base en mars 2024. Le graphique ci‑dessus montre également que l’écart de taux est d’autant plus élevé que la maturité du titre est courte, ce qui suggère que, toutes choses égales par ailleurs, la Cades a intérêt à privilégier des instruments de long terme.
À titre d’exemple, la dernière émission effectuée en euros par la Cades le 7 février 2024 s’est effectuée pour un montant de 4 milliards d’euros au taux de 2,83 %, un taux supérieur de 25 points de base par rapport au taux de l’OAT de référence (maturité à trois ans). Cette différence représente un surcoût en termes de charge d’intérêt relativement limité de 10 millions d’euros.
De manière générale, une différence de taux de 25 points de base représente un surcoût en termes de charges d’intérêt de 2,5 millions d’euros par milliard d’euros empruntés. Ce surcoût, au demeurant assez faible au regard des montants concernés, doit être mis en regard de l’avantage de flexibilité dont bénéficient les émetteurs de plus petite taille dans leurs émissions par rapport à des émetteurs souverains tels que l’État.
– Enfin, les titres émis par la Cades et par l’Acoss sont attractifs pour les investisseurs au regard des règles prudentielles auxquelles ils sont soumis au niveau européen. En effet, ils sont considérés comme des actifs sûrs et, à ce titre, ne sont pas pris en compte par les autorités de régulation prudentielle dans le calcul du niveau minimal de fonds propres dont les banques et les entreprises d’investissement doivent justifier en application des orientations du Comité de Bâle et de la réglementation européenne relative au suivi de leur solvabilité dite « CRD IV/CRR » ([166]). Autrement dit, l’acquisition de titres émis par la Cades ou l’Acoss n’implique pas la nécessité pour ces établissements d’accroître leur niveau de fonds propres.
● Au‑delà des écarts de taux avec l’État, l’évaluation des performances de la Cades sur les marchés peut s’apprécier à travers plusieurs indicateurs : le taux de refinancement, le ratio de dette amortie par rapport aux ressources disponibles et le ratio des intérêts versés par rapport au montant de dette amortie.
Si l’on observe l’évolution sur le temps long, l’on observe que le taux de refinancement du stock de dette par la Cades n’a cessé de diminuer jusqu’en 2022 avant d’augmenter à nouveau ([167]). Cette chronique reflète à la fois la consolidation de sa crédibilité sur les marchés et la tendance baissière des taux depuis les années 1990.
évolution du taux moyen de refinancement du stock de dette nette de la Cades
Source : Cades.
Le taux de refinancement a ainsi atteint un plus bas historique en mai 2022 après plusieurs années où les conditions de taux sur les marchés étaient particulièrement favorables. Le taux a ensuite amorcé une augmentation en lien avec la crise inflationniste pour s’établir, au 31 décembre 2023 à 2,16 % ([168]).
Surtout, l’on observe que, depuis près de quinze ans, la part des ressources affectées à la Cades et consommées pour amortir le capital de la dette a fortement augmenté. Ainsi, en 2010, sur les 8,2 milliards d’euros alors affectés à la Cades, près de 38 % étaient consacrés à rembourser des intérêts (3 milliards d’euros). En 2022, ce ratio avait chuté en dessous de 6 % (1,3 milliard d’euros) avant d’entamer une nouvelle hausse en 2023. Autrement dit, la part des ressources affectées à la Cades servant uniquement à rembourser la charge de la dette a drastiquement diminué au profit de la part servant à amortir effectivement le capital de dette.
amortissements annuels et intérêts versés par la Cades
(en milliards d’euros)
|
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Montant des ressources affectées |
8,2 |
15,5 |
16 |
15,8 |
16 |
16,5 |
16,8 |
17,2 |
17,7 |
18,3 |
17,6 |
19,0 |
20,2 |
21,1 |
Intérêts versés par la Cades |
3 |
3,8 |
4,1 |
3,4 |
3,2 |
2,7 |
2,3 |
2,2 |
2,2 |
2,0 |
1,5 |
1,2 |
1,3 |
2,8 |
Montant de la dette amortie |
5,1 |
11,7 |
11,9 |
12,4 |
12,7 |
13,5 |
14,4 |
15 |
15,4 |
16,2 |
16,1 |
17,8 |
19,0 |
18,3 |
Dette amortie/ ressources affectées |
62,2% |
75,5% |
74,4% |
78,5% |
79,4% |
81,8% |
85,7% |
87,2% |
87,0% |
88,5% |
91,4% |
93,7% |
94,1% |
86,9% |
Source : rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale annexé au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2023.
Ce phénomène s’explique par deux facteurs :
– d’une part par l’augmentation des ressources de la Cades. Ce facteur a particulièrement joué en 2011, date à laquelle la Cades s’est vue affecter une part supplémentaire de CSG ainsi qu’une partie des prélèvements sociaux sur les revenus du capital et une dotation du Fonds de réserve pour les retraites ([169]) ;
– d’autre part par la diminution de la charge d’intérêts en lien avec la baisse des taux.
Cette situation induit comme conséquence que le ratio des intérêts versés par la Cades par rapport à la dette effectivement amortie depuis sa création n’a cessé de diminuer : alors que le montant des intérêts versés par la Cades entre 1996 et 2011 représentait 56 % du montant total de dette amortie sur cette même période, ce ratio a diminué pour atteindre un point bas historique de 26 % en 2023.
Ratio des intérêts versés par rapport à la dette amortie par la Cades depuis sa création
|
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Intérêts cumulés versés / dette cumulée amortie |
56 % |
53 % |
49 % |
46 % |
43 % |
40 % |
37 % |
35 % |
33 % |
31 % |
28 % |
27% |
26% |
Source : rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale annexé au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2023.
Au total, le montant cumulé des intérêts versés par la Cades depuis sa création et jusqu’en 2023 s’est élevé à 62,5 milliards d’euros courants. Les données à disposition des rapporteurs dans le cadre de cette mission ne permettant pas de reconstituer le montant de charges d’intérêt année par année, ils n’ont pas été en mesure de calculer l’équivalent de cette somme en euros constants.
Ce travail a toutefois été effectué par Mme Ana Carolina Cordilha, économiste, professeure associée à l’université de Rennes 2. Selon ses calculs, le montant des intérêts et commissions versés par la Cades entre 1996 et 2022 représente l’équivalent de 91,2 milliards d’euros de 2023 ([170]). Déduction faite des revenus d’intérêts perçus par la Cades, la charge d’intérêt nette de la dette sociale (y compris commissions) s’est élevée à 75 milliards d’euros constants de 2023 entre 1996 et 2022. À titre de comparaison avec l’endettement public de l’État, la charge de la dette incombant à l’AFT (hors gestion de la trésorerie) a atteint 54,4 milliards d’euros pour la seule année 2023 ([171]).
Rapportée sur la durée de vie de la Cades, cette somme de 75 milliards d’euros aurait amélioré le solde de 2,8 milliards d’euros par an en moyenne (en euros constants de 2023) si elle avait été affectée à la sécurité sociale.
● S’agissant de l’Acoss, l’efficience de sa gestion financière fait l’objet d’un suivi annuel par la direction de la sécurité sociale dans le cadre des rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale annexés au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale.
L’un des critères permettant d’apprécier cette efficience est le montant moyen emprunté au regard du plafond de recours à des ressources non permanentes fixé chaque année par le législateur financier social. Depuis 2011, l’on observe que l’Acoss est toujours parvenue à respecter les plafonds. Il convient toutefois de reconnaître que, de 2011 à 2019, les plafonds fixés en loi de financement ont globalement augmenté, passant de 20 milliards d’euros à 40 milliards d’euros et rendant plus facile l’atteinte de cet objectif. La période 2020‑2021 est quant à elle exceptionnelle puisque le plafond a été relevé à 95 milliards d’euros pour faire face à la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid‑19.
Depuis 2022, l’on observe un retour progressif du plafond à des montants proches de ceux fixés antérieurement à la crise sanitaire. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a ainsi fixé le plafond à 45 milliards d’euros. Il apparaît en outre que l’écart entre le plafond d’emprunt et les montants moyens empruntés augmente à la faveur d’une baisse de ces derniers.
Montant moyen emprunté au regard du plafond fixé en loi de financement
Source : Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale pour 2023 – Financement, p. 55.
Note : le plafond a parfois été modifié en cours d’année. Il avait été fixé à 58 milliards d’euros du 1er janvier au 31 mai 2011 avant d’être abaissé à 20 milliards d’euros. En 2016, il fut fixé à 40 milliards d’euros du 1er janvier au 31 juillet puis à 30 milliards du 1er août au 31 décembre. La LFSS 2020 avait initialement fixé le plafond à 39 milliards d’euros. Il fut augmenté successivement à 70 milliards d’euros de mars à mai puis à 95 milliards d’euros de mai à décembre.
Les rapporteurs précisent toutefois que l’Acoss bénéficie actuellement d’une situation favorable au regard de sa trésorerie qui limite exceptionnellement ses besoins de recours à l’emprunt. En effet, en application des lois du 7 août 2020 relatives à la gestion de la dette sociale et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ([172]), la Cades a progressivement repris 13 milliards d’euros à l’Acoss au titre des mesures de restauration des capacités financières et de soutien à l’investissement des hôpitaux. Ce montant a vocation à être progressivement servi par l’Acoss à des établissements publics de santé selon des échéanciers figurant dans les contrats signés entre lesdits établissements et les agences régionales de santé. À la date de rédaction du présent rapport, tandis que l’intégralité des 13 milliards d’euros avait fait l’objet d’une reprise par la Cades, seuls 3,2 milliards d’euros avaient été effectivement servis aux hôpitaux, laissant ainsi 9,8 milliards d’euros de ressources disponibles dans la trésorerie de l’Acoss.
Si la situation de l’Acoss au regard du respect de son plafond d’emprunt est en amélioration, les rapporteurs constatent toutefois que la charge d’intérêt dont elle doit s’acquitter au titre des emprunts qu’elle émet est en augmentation.
Le taux moyen annuel de financement de l’Acoss est en forte hausse en 2023 par rapport à la période 2012‑2022. Entre 2022 et 2023, ce taux est ainsi passé de ‑ 0,338 % à 1,9987 % ([173]). Dans la mesure où l’Acoss ne peut s’endetter qu’à très court terme et que la maturité moyenne de ses titres est limitée (36 jours en 2023), la hausse des taux d’intérêt se répercute très rapidement sur la situation financière de l’Acoss.
Le taux de référence du marché à court terme, l’€ster ([174]), est passé de – 0,5 % en juillet 2022 à 3,9 % en septembre 2023. Selon les données communiquées par l’Acoss aux rapporteurs, ce taux de référence s’est établi à 3,208 % en moyenne sur 2023. Cette évolution suit la forte hausse du taux de facilité de dépôt de la Banque centrale européenne qui est passé de – 0,5 % à 4 % sur la même période en réponse à la hausse de l’inflation. L’Acoss bénéficie habituellement de conditions de financement légèrement inférieures à l’€ster, de l’ordre de 5 à 10 points de base. Là où elle pouvait emprunter sur les marchés à environ – 0,6 % jusqu’à la moitié de l’année 2022, elle ne peut plus emprunter qu’à des taux compris entre 3,8 % et 3,9 % depuis septembre 2022.
évolution du taux de facilité de dépôt de la Réserve fédérale américainE (Fed) et de la Banque centrale européenne (BCE)
Source : Cades, rapport financier annuel pour 2023, p. 18.
N.B. Le taux de facilité de dépôt de la BCE a depuis été abaissé de 25 points de base à deux reprises. Depuis la dernière baisse, en date du 12 septembre dernier, le taux est donc fixé à 3,5 %.
Ainsi, le coût de financement de l’Acoss s’est élevé à 617,4 millions d’euros en 2023 contre 62,8 millions d’euros en 2022 ([175]). Sur ces 617,4 millions d’euros, 537,4 millions d’euros correspondaient à la charge d’intérêts en tant que telle tandis que les 80 millions d’euros restant reflétaient les charges liées à la mutualisation des trésoreries de la sphère sociale ([176]). Ce coût est néanmoins partiellement compensé par les produits financiers qu’elle reçoit, en particulier grâce à la rémunération des comptes qu’elle détient auprès de la Caisse des dépôts et consignations (378 millions d’euros de produits en 2023) de sorte que le résultat financier net de l’Acoss n’était que de – 75,7 millions d’euros. Là encore, l’impact des reprises de dette par la Cades est positif pour l’Acoss puisque, en réduisant les besoins de recours à l’emprunt, elles limitent les conséquences liées à la hausse des taux.
3. La Cades et l’Acoss cherchent à diversifier leurs bases de financement et leurs outils d’émission
Plusieurs outils utilisés par la Cades et l’Acoss leur permettent de diversifier leurs bases d’investisseurs. Cette diversification s’apprécie au regard du type d’investisseurs, de leur origine géographique mais également de leurs engagements environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
● Comme cela a été rappelé lors des auditions, la possibilité d’emprunter en devises permet à la Cades de diversifier le profil d’investisseurs de manière efficace. Les graphiques ci‑dessous détaillent la manière dont les émissions menées par la Cades depuis 2022 ont été réparties en fonction du type d’investisseurs et de leur zone géographique d’origine. Ils montrent notamment que la possibilité d’émettre en devises, en particulier en dollars états‑uniens, procure un avantage comparatif à la Cades dans son objectif de diversification du financement. L’on constate en effet que les emprunts en dollars états‑uniens sont davantage prisés des banques centrales que les emprunts libellés en euros. Ainsi, sur les deux premières émissions de l’année 2022, lesquelles présentaient la même échéance de dix ans, 56 % du montant émis en dollars a été placé chez des banques centrales contre seulement 31 % du montant émis en euros.
Répartition des programmes de financement par type d’investisseurs
Source : Cades.
Note : Ces informations concernent uniquement la distribution des émissions sur le marché primaire, c’est-à-dire au moment de la réalisation de l’emprunt. Cette répartition évolue au gré des transactions de ces titres sur le marché secondaire. La Cades ne dispose pas de l’information permettant de savoir qui détient ces titres à un instant donné.
Par ailleurs, les émissions en dollars présentent des maturités généralement plus courtes que les émissions en euros, ce qui permet là encore d’intéresser un plus grand nombre d’investisseurs qui recherchent de plus faibles maturités.
S’agissant de la répartition géographique, l’on observe une appétence beaucoup plus grande pour les emprunts émis en dollars non seulement de la part des investisseurs basés en Amérique, mais aussi de ceux basés en Asie‑Pacifique et en Afrique. Les émissions en euros reçoivent quant à elle davantage de succès auprès des investisseurs basés en Europe et particulièrement dans la zone euro.
Répartition des émissions par zone géographique
Source : Cades.
Note : Ces informations concernent uniquement la distribution des émissions sur le marché primaire, c’est-à-dire au moment de la réalisation de l’emprunt. Cette répartition évolue au gré des transactions de ces titres sur le marché secondaire. La Cades ne dispose pas de l’information permettant de savoir qui détient ces titres à un instant donné.
Le graphique ci‑dessous présente la distribution géographique des titres émis par la Cades sur le marché primaire de 2019 à 2023. On observe que la part des titres acquis par des acheteurs européens oscille entre 62 % et 74 % du total des titres émis.
répartition géographique des détenteurs des titres émis par la Cades
Source : réponses de la direction de la sécurité sociale aux questionnaires des rapporteurs.
● Les titres de l’Acoss sont quant à eux majoritairement achetés par des fonds spécialisés dans l’achat d’actifs financiers. Selon des données fournies par l’Acoss en réponse au questionnaire des rapporteurs, 71 % des titres émis en 2023 ont été achetés par des fonds de marché monétaire ou des gestionnaires d’actifs financiers et 18 % par des banques centrales, des fonds souverains ou des entités publiques. De façon plus marginale, les titres ont également été acquis par des fonds de pension (4 %), des banques (2 %) des entreprises (2 %) et des sociétés d’assurance (2 %).
Répartition des titres émis par l’Acoss par type d’investisseurs (2023)
Source : commission des affaires sociales à partir des données de l’Acoss.
FMM : fonds de marché monétaire.
Selon les informations fournies par l’Acoss aux rapporteurs, le panachage des instruments d’émission a été poursuivi en 2023, répondant ainsi aux demandes des investisseurs.
L’Acoss se caractérise par ailleurs par le fait que la majorité de ses émissions sont libellées en devises étrangères. Elle a particulièrement recours à des titres émis en dollars états‑uniens sur le marché des ECP et à des titres émis en livres Sterling sur le marché des NeuCP.
ventilation des émissions d’ECP par devises (2023)
Source : commission des affaires sociales à partir des données de l’Acoss.
Note : AUD : dollars australiens ; EUR : euros ; GBP : livres sterling ; USD : dollars états‑uniens.
Ventilation des émissions de NeuCP par devises (2023)
Source : commission des affaires sociales à partir des données de l’Acoss.
Note : AUD : dollars australiens ; EUR : euros ; GBP : livres sterling ; USD : dollars états‑uniens.
Selon le directeur de l’Acoss, cette particularité traduit la volonté de ne pas entrer en concurrence avec l’AFT dans l’émission de bons du Trésor français, qui ne peuvent être libellés qu’en euros, en investissant des marchés différents mais complémentaires.
● Les rapporteurs précisent toutefois que les éléments présentés ci‑dessus ne concernent que les émissions sur le marché primaire. Les souscripteurs ayant la possibilité d’échanger les titres directement sur le marché secondaire, la répartition du stock de titres émis par la Cades dont la maturité n’est pas encore arrivée à échéance évolue quotidiennement. Or, la Cades ni la direction de la sécurité sociale ne sont en mesure de fournir une photographie de la détention du stock de dette sociale par type ou nationalité de détenteurs. Si l’on connaît le profil de ceux qui alimentent la Cades, à savoir les contribuables redevables de la CRDS et de la CSG, on ne connaît pas le profil des bénéficiaires nets de la Cades, c’est-à-dire ceux qui perçoivent des intérêts.
Il en résulte donc une absence de visibilité sur le profil des détenteurs réels des titres de créances émis pour assurer le financement de la dette sociale, ce que regrettent les rapporteurs.
4. La Cades et l’Acoss ont recours à des programmes d’émissions sociales
● Depuis plusieurs années, la Cades et l’Acoss ont développé des programmes d’émissions sociales qui suivent les principes définis par l’International Capital Market Association (ICMA).
Selon l’ICMA, les obligations sociales sont « tout type d’instruments obligataires dont le produit de l’émission, ou un montant équivalent, est utilisé exclusivement pour financer ou refinancer, partiellement ou en totalité, des projets sociaux nouveaux et/ou existants et qui respectent quatre principes essentiels » ([177]).
Pour qu’une de ses obligations soit qualifiée de sociale, un émetteur doit :
– utiliser les fonds empruntés pour financer des projets sociaux ;
– communiquer auprès des investisseurs sur les projets qu’elle permet de financer, leurs objectifs sociaux et la manière dont il choisit ces projets ;
– garantir son fléchage vers les projets qu’elle doit financer au moyen, notamment, d’un processus interne formalisé qui présentent ses opérations de prêts et d’investissement dans des projets sociaux ;
– mettre à disposition du public un dossier d’information sur l’utilisation des fonds, mis à jour annuellement.
Le développement des programmes d’obligations sociales répond à la demande croissante des investisseurs pour des produits financiers garantissant une utilisation des fonds pour des projets positifs socialement ou sur le plan environnemental. Le fait de pouvoir émettre des obligations sociales donne donc un avantage comparatif par rapport aux autres acteurs du marché et permet de diversifier sa base d’investisseurs.
Dans la mesure où la Cades et l’Acoss ont pour objectif de financer la dette de la sécurité sociale, leurs émissions poursuivent par nature un objectif social. Pour se conformer à leurs obligations en matière de transparence et de suivi de son programme d’émissions sociales, la Cades et l’Acoss publient chaque année des rapports d’évaluation de ces émissions ([178]). Ces rapports analysent l’impact social des emprunts de la Cades et de l’Acoss en mettant en avant les actions menées par le système de sécurité sociale français. Il s’appuie, d’une part, sur le système national de suivi des avancées de la France vers la réalisation des objectifs de développement durable des Nations Unies et, d’autre part, sur les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) annexés chaque année au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale.
Labellisé par l’ICMA, le programme d’émission sociale de la Cades a été inauguré le 9 septembre 2020 par une émission de 5 milliards d’euros à dix ans et un coupon de 0 %, soit un écart de 20 points de base au‑dessus du taux de l’OAT de référence. Cette émission a rencontré une bonne demande de la part des investisseurs : la Cades a reçu 270 ordres de la part d’investisseurs pour un volume total de 16,2 milliards d’euros. Les quatre autres émissions sociales effectuées sur le second semestre 2020 ont également fait l’objet d’un nombre d’ordre important pour des montants supérieurs aux volumes définis par la Cades.
S’agissant de l’Acoss, l’intégralité des programmes d’émissions qu’elle mène sur le marché des NeuCP (depuis le 5 avril 2022, faisant de l’Acoss le premier émetteur social sur ce marché) et sur le marché des ECP (depuis le 11 janvier 2024) sont labellisés « social ».
Lors de leur audition, le président du conseil d’administration de la Cades, le directeur de l’Acoss et le directeur de la sécurité sociale ont par ailleurs mis en avant le rôle pionnier de la Cades et de l’Acoss dans la structuration du marché encore récent des obligations sociales.
Selon les données fournies par les banques partenaires de la Cades, une majorité des investisseurs qui acquièrent des titres émis par la caisse déclarent intégrer des considérations sociales dans leur choix d’investissement. De telles données ne sont malheureusement pas disponibles pour les émissions effectuées par l’Acoss.
Part allouée à des investisseurs intégrant des critères ESG dans leur décision d’achat
Source : Cades sur la base des données fournies par les banques procédant à ses syndications.
Dans la mesure où la Cades et l’Acoss sont des émetteurs publics financés par l’impôt et les cotisations sociales, il apparaît nécessaire aux rapporteurs que les obligations qu’elles émettent puissent être labellisées « sociales » afin que les emprunts qu’elles contractent attirent des investisseurs qui intègrent une considération sociale dans leur décision d’achat. Les rapporteurs précisent toutefois que les exigences permettant la labellisation « sociale » d’un programme d’émission s’imposent aux emprunteurs et non aux investisseurs. Ainsi, même si cette qualification permet d’attirer des investisseurs soucieux de limiter l’impact social de leurs investissements, elle ne suffit pas en elle‑même à garantir que les détenteurs des titres, et donc les bénéficiaires des intérêts versés par la Cades et l’Acoss, soient des établissements ou des institutions respectant des critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance. D’une part car le fait pour un investisseur de déclarer prendre en considération de tels critères dans ses choix d’investissement n’indique pas qu’il le fasse pour l’intégralité des emprunts qu’il consent. D’autre part en raison du fait que les titres s’échangent sur le marché secondaire sans que la Cades et l’Acoss ne puissent contrôler à qui ils sont cédés par les acquéreurs initiaux.
C. La dette sociale est essentiellement financée par le biais de ressources spécifiquement consacrées à son remboursement
1. Les ressources dont la Cades dispose pour apurer la dette sociale ont été progressivement renforcées
● Dès 1996, la mise en place de la Cades s’est accompagnée de la création d’une ressource spécifiquement consacrée au remboursement de la dette sociale : la contribution au remboursement de la dette sociale. Jusqu’en 2008, la CRDS a été la ressource quasi exclusive de la Cades.
À l’occasion de la reprise de dette de 27 milliards d’euros décidée en réponse à la crise économique de 2008, et pour respecter les exigences de la loi organique du 2 août 2005 imposant que toute nouvelle reprise de dette non suivie d’un report de la date d’amortissement s’accompagne de l’affectation de recettes nouvelles à la Cades ([179]), la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a prévu l’affectation d’une fraction de 0,2 point de CSG qui bénéficiait auparavant au Fonds de solidarité vieillesse ([180]).
Bien que la reprise de dette votée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 se soit traduite par la possibilité d’un report de la date d’amortissement de la dette sociale d’une durée pouvant aller jusqu’à quatre années supplémentaires (soit 2025) ([181]), son ampleur (130 milliards d’euros) a justifié que les ressources de la Cades soient à nouveau augmentées. La Cades s’est ainsi vue affecter :
– 0,28 point de CSG supplémentaire, antérieurement affecté à la branche famille, portant le montant total de CSG affecté à la Cades à 0,48 point ;
– 1,3 point du prélèvement social sur les revenus du capital ([182]), affecté jusqu’alors au FRR ;
– un versement annuel par le FRR d’un montant de 2,1 milliards d’euros sur la période 2011‑2024.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a rationalisé la structure de financement de la Cades en substituant au 1,3 point de prélèvement social sur les revenus du capital 0,12 point de CSG supplémentaire ([183]).
La dernière modification des recettes affectées à la Cades a été votée en 2020 à travers deux changements :
– la diminution, à compter du 1er janvier 2024, de la part de CSG affectée de 0,6 point à 0,48 point en vue de l’affectation du différentiel à la branche autonomie nouvellement créée ([184]) ;
– la réduction de 2,1 milliards d’euros à 1,45 milliard d’euros de la dotation versée par le FRR, dont l’entrée en vigueur est prévue le 1er janvier 2025 ([185]).
Évolution des ressources affectées à la Cades depuis sa création
Source : Cades.
● Ces modifications successives ont contribué à accroître sensiblement le montant des ressources affectées au remboursement de la dette sociale. Entre 2010 et 2011, le montant des ressources de la Cades a presque doublé (+ 89 %). En 2023, la Cades a pu bénéficier de 21,1 milliards d’euros de ressources.
évolution du montant des ressources affectées à la cades (2010‑2023)
(en milliards d’euros)
|
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Montant des ressources affectées |
8,2 |
15,5 |
16 |
15,8 |
16 |
16,5 |
16,8 |
17,2 |
17,7 |
18,3 |
17,6 |
19 |
20,2 |
21,1 |
Taux de croissance annuel moyen |
n.a. |
89,0 % |
3,2% |
-1,3% |
1,3% |
3,1% |
1,8% |
2,4% |
2,9% |
3,4% |
-3,8% |
8,0% |
6,3% |
4,5% |
Source : commission des affaires sociales.
Outre cette augmentation générale, la structure des ressources a beaucoup évolué. Tandis que la CRDS représentait plus de 75 % des ressources en 2010, elle n’en représente plus que 41,8 % en 2023. À partir de 2016, la CSG est ainsi devenue la principale source de financement de la dette de la sécurité sociale. Depuis les années 2010, on assiste donc à un changement de paradigme. Alors qu’à l’origine de la création de la Cades il avait été décidé de créer une nouvelle contribution spécifiquement consacrée à l’objectif d’amortissement de la dette sociale, les reprises de dette effectuées depuis 2010 se sont accompagnées d’un transfert des ressources des branches de la sécurité sociale vers la Cades.
Afin d’éviter l’instauration d’un cercle vicieux par lequel ce transfert de recettes au détriment des branches de la sécurité sociale se traduirait par une aggravation des déficits dont l’accumulation alimenterait la dette sociale en retour, le Conseil constitutionnel a rappelé qu’une loi de financement de la sécurité sociale ne pourrait pas conduire, « par un transfert sans compensation au profit de [la Cades] de recettes affectées aux régimes de sécurité sociale et aux organismes concourant à leur financement, à une dégradation des conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale » ([186]). En obligeant le législateur à compenser les transferts de recettes à la Cades en provenance des régimes de sécurité sociale, cette interprétation assure donc une protection juridique aux ressources qui leurs sont affectées.
2. La Cades perçoit des recettes fiscales portant sur l’ensemble des revenus perçus par les ménages ainsi que des dotations du FRR
En 2024, la Cades dispose donc de deux principales catégories de ressources : le produit de deux impôts, la CRDS et la CSG, qui portent sur l’ensemble des revenus perçus par les contribuables personnes physiques d’une part, les dotations du FRR d’autre part.
a. Le produit d’impositions de toute nature dont l’assiette porte sur l’ensemble des revenus perçus par les contribuables personnes physiques : la CRDS et la CSG
● Juridiquement, la CSG et la CRDS sont en réalité composées de plusieurs contributions portant sur les différentes catégories de revenus des personnes physiques :
– une contribution portant sur les revenus d’activité et de remplacement ([187]) ;
– une contribution portant sur les revenus du patrimoine ([188]) ;
– une contribution portant sur les produits de placement ([189]) ;
– une contribution portant sur les sommes engagées et les produits perçus à l’occasion des jeux ([190]).
La CRDS comporte également une contribution portant sur les ventes de métaux précieux, bijoux, objets d’art, de collection et d’antiquité ([191]).
Les personnes assujetties à la CSG et à la CRDS portant sur les revenus d’activité doivent répondre un double critère ([192]) :
– elles doivent être domiciliées fiscalement en France ;
– elles doivent être affiliées à un régime obligatoire français d’assurance maladie.
Ce second critère fut ajouté par une ordonnance du 2 mai 2001 ([193]) visant à rendre les règles d’assujettissement à la CSG conformes à la réglementation européenne ([194]). Il ne s’applique pas à la CSG ni à la CRDS portant sur les autres revenus.
En revanche, depuis 2016 et bien qu’elles puissent être domiciliées fiscalement en France, les personnes qui relèvent d’un régime légal d’assurance maladie d’un État membre de l’Union européenne ou de l’espace économique européen ou de la Suisse ne sont pas redevables de la CSG ni de la CRDS portant sur les revenus du capital ([195]).
● Malgré leur proximité, la CSG et la CRDS présentent quelques différences notables en matière de taux et d’assiette.
S’agissant du taux, la CRDS est prélevée sur la base d’un taux forfaitaire de 0,5 % quelle que soit l’assiette considérée – à l’exception notable de celle portant sur les revenus des jeux ([196]) –, ce qui la distingue de la CSG, qui présente des taux distincts en fonction de la nature des revenus.
Les taux de CSG applicables peuvent également varier au sein d’une même catégorie de revenus. Il en va ainsi de certains revenus de remplacement – pensions de retraites et d’invalidité et allocations chômage – qui se voient appliquer des taux de CSG variable selon un barème dépendant du revenu fiscal de référence (RFR) du foyer et de son quotient familial.
Taux de CSG et de CRDS en fonction de la nature des revenus
Nature des revenus |
Taux de CSG |
Part de CSG déductible de l’impôt sur le revenu |
Taux de CRDS |
Assiette (base de calcul) |
Revenus d’activité |
9,2 % |
6,8 % |
0,5 % |
98,25 % du revenu brut si le montant ne dépasse pas 185 472 €
100 % au‑delà |
Retraites et invalidité (a) |
Taux normal : 8,3 % |
5,9 % |
0,5 % |
100 % de la pension |
Taux médian : 6,6 % |
4,2 % |
|||
Taux réduit : 3,8 % |
3,8 % |
|||
Exonération |
||||
Allocations chômage (a) |
Taux normal : 6,2 % |
3,8 % |
0,5 % |
98,25 % du revenu brut si le montant ne dépasse pas 185 472 €
100 % au‑delà |
Taux réduit : 3,8 % |
98,25 % du revenu brut |
|||
Exonération |
||||
Allocations familiales et aides sociales |
Exonération |
0,5 % |
100 % des prestations brutes |
|
Indemnités journalières maladie |
6,2 % |
3,8 % |
0,5 % |
100 % des indemnités journalières brutes |
Revenus du patrimoine et revenus de placement |
9,2 % |
6,8 % (b) |
0,5 % |
100 % des revenus constitutifs de l’assiette (c) |
Revenus des jeux de loterie physiques ou en ligne |
8,6 % |
0 % (d) |
2,2 % |
100 % des produits bruts |
Revenus des jeux dans les casinos |
11,2 % sur les gains issus des jeux automatiques |
0 % (d) |
3 % |
CSG : 68 % du produit brut
CRDS : 100 % du produit brut |
13,7 % sur les gains réglés par des bons de paiement manuels |
CSG : tous les gains d’un montant supérieur ou égal à 1 500 €
CRDS : 100 % du produit brut |
Source : commission des affaires sociales.
(a) Le taux applicable dépend du revenu fiscal de référence et du quotient familial ; (b) la déductibilité de la CSG sur les revenus du patrimoine ne s’applique pas aux personnes ayant opté pour une imposition au prélèvement forfaitaire unique de 30 % ; (c) les plus‑values sur certains biens immobiliers font l’objet d’un abattement en fonction de la durée de détention ; (d) les produits des jeux de hasard n’étant pas soumis à l’imposition sur le revenu, la CSG portant sur ces produits n’est pas déductible.
Parmi les différences d’assiette, la plus notable réside dans l’intégration de certaines prestations sociales exonérées de CSG au sein de l’assiette de la CRDS portant sur les revenus de remplacement :
– les aides personnelles au logement ;
– les prestations familiales mentionnées à l’article L. 511‑1 du code de la sécurité sociale (prestation d’accueil du jeune enfant ; allocations familiales ; complément familial ; allocation de logement ; allocation de soutien familial ; allocation de rentrée scolaire ; allocation forfaitaire versée en cas de décès d’un enfant ; allocation journalière de présence parentale), à l’exception de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé ;
– la prime d’activité.
● L’une des principales caractéristiques reconnues à la CSG et à la CRDS réside dans leur assiette très large. Contrairement à l’impôt sur le revenu, les assiettes de la CSG et de la CRDS sont peu affectées par des dispositifs d’exonérations ou d’exemptions ce qui en fait des impositions de rendement efficaces et des ressources fiables. Quoique relativement similaires ces deux assiettes présentent toutefois quelques différences.
Dans la mesure où la CSG et la CRDS ne présentent pas le même taux, leur rendement ne sont pas directement comparables. En appliquant le taux de 0,5 % à l’assiette de la CSG, il est toutefois possible d’analyser les différences entre ces deux impositions. Ce travail est effectué chaque année par la Cades dans son rapport financier.
En 2023, cette comparaison entre la CRDS (8,9 milliards d’euros) et la CSG rapportée à 0,5 % (8,5 milliards d’euros) fait apparaître un écart de 432 millions d’euros au profit de la CRDS qui s’explique par les différences d’assiette évoquées ci‑dessus :
– 266 millions d’euros s’expliquent par l’intégration des allocations familiales dans l’assiette de la CRDS ;
– 180 millions d’euros s’expliquent par les différences d’assiette sur les produits issus des jeux ;
– 6 millions d’euros s’expliquent enfin par l’assujettissement de la vente de bijoux et métaux précieux à la CRDS et pas à la CSG.
Sur le plan du rendement total, les différences d’assiette ont donc un impact relativement modéré.
● Les rapporteurs ont souhaité approfondir le travail effectué par la Cades pour analyser l’impact de ces différences sur la répartition du rendement par assiette économique.
Lorsque l’on prend en considération leurs assiettes réelles, on observe que la CRDS pèse légèrement plus sur les revenus de remplacement (23,8 % de son rendement) que la CSG (21,9 % de son rendement). L’on observe en outre que la part de CRDS portant sur les revenus issus des jeux (2,2 %) est supérieure à la part de CSG portant sur ces mêmes revenus. À l’inverse, la CSG porte davantage sur les revenus d’activité (67,3 %) que la CRDS (63,9 %).
répartition des montants de CSG et CRDS par assiette économique
(en millions d’euros)
CRDS nette comptable |
2023 |
2022 |
||
Revenus d’activité |
5 653,7 |
63,9 % |
5 402,7 |
63,8 % |
Revenus de remplacement |
2 107,2 |
23,8 % |
2 030,3 |
24,0 % |
Revenus du patrimoine |
383,3 |
4,3 % |
382,9 |
4,5 % |
Revenus de placement |
510,9 |
5,8 % |
468,1 |
5,5 % |
Revenus issus des jeux |
191,9 |
2,2 % |
182,8 |
2,2 % |
Revenus issus des ventes de bijoux et métaux précieux |
6,1 |
0,1 % |
6,4 |
0,1 % |
Total |
8 853,1 |
100,0 % |
8 473,2 |
100,0 % |
CSG nette comptable |
2023 |
2022 |
||
Revenus d’activité |
6 803,1 |
67,3 % |
6 484,4 |
67,3 % |
Revenus de remplacement |
2 217,2 |
21,9 % |
2 123,1 |
22,0 % |
Revenus du patrimoine |
460,7 |
4,6 % |
460,4 |
4,8 % |
Revenus de placement |
613,1 |
6,1 % |
561,7 |
5,8 % |
Revenus issus des jeux |
12,1 |
0,1 % |
12,1 |
0,1 % |
Total |
10 106,2 |
100,0 % |
9 641,7 |
100,0 % |
Source : commission des affaires sociales.
Note de lecture : en 2023, le montant de CRDS issu des revenus d’activité s’est élevé à 5,7 milliards d’euros, représentant 63,9 % du rendement total de la CRDS.
Lorsque l’on entre dans le détail, il apparaît que cet écart s’explique essentiellement par les différences d’assiette sur les revenus de remplacement. En effet, les assiettes de la CRDS et de la CSG « activité » étant identiques, les montants d’impôt se répartissent, à peu de chose près, de la même manière selon le secteur concerné.
répartition des montants de CSG et CRDS « Activité » par secteur
(en millions d’euros)
CRDS activité |
2023 |
2022 |
||
dont secteur privé |
3 697 |
65,1 % |
3 432 |
63,6 % |
dont indépendants |
650 |
11,4 % |
658 |
12,2 % |
dont secteur public |
1 105 |
19,5 % |
1 042 |
19,3 % |
dont secteur agricole |
187 |
3,3 % |
173 |
3,2 % |
Autres |
39 |
0,7 % |
89 |
1,6 % |
Total |
5 678 |
100,0 % |
5 394 |
100,0 % |
CSG activité |
2023 |
2022 |
||
dont secteur privé |
4 435 |
64,9 % |
4 117 |
63,6 % |
dont indépendants |
791 |
11,6 % |
778 |
12,0 % |
dont secteur public |
1 326 |
19,4 % |
1 251 |
19,3 % |
dont secteur agricole |
231 |
3,4 % |
214 |
3,3 % |
Autres |
46 |
0,7 % |
110 |
1,7 % |
Total |
6 829 |
100,0 % |
6 470 |
100,0 % |
Source : commission des affaires sociales.
Note de lecture : en 2023, le montant de CRDS « activité » issu du secteur privé s’est élevé à 3,7 milliards d’euros, représentant 65,1 % du rendement total de la CRDS « activité ».
En revanche, la même analyse effectuée sur les revenus de remplacement fait apparaître un constat différent, avec des écarts beaucoup plus marqués : tandis que 52,8 % du rendement de la CRDS « remplacement » porte sur les retraites de base, c’est le cas de 60,4 % du rendement de la CSG « remplacement ». Cet écart de 8 points s’explique essentiellement par l’assujettissement à la CRDS de certaines prestations sociales gérées par les caisses d’allocations familiales. En effet, comme le montre le tableau ci‑après, le retrait de ces prestations de l’assiette de la CRDS aboutit à rendre presque identique la répartition du rendement par type de revenu de remplacement des deux impôts.
répartition des montants de CSG et CRDS
par type de revenu de remplacement
(en millions d’euros)
CRDS remplacement |
2023 (si retrait des allocations familiales de l’assiette) |
2023 (assiette réelle) |
||
Retraites de base |
1 114 |
60,5 % |
1 114 |
52,8 % |
Retraites complémentaires |
470 |
25,5 % |
470 |
22,3 % |
Indemnités journalières |
94 |
5,1 % |
94 |
4,5 % |
Prestations familiales |
0 |
0,0 % |
266 |
12,6 % |
Chômage |
44 |
2,4 % |
44 |
2,1 % |
Autres |
120 |
6,5 % |
120 |
5,7 % |
Total |
1 842 |
100,0 % |
2 108 |
100,0 % |
CSG remplacement |
2023 |
|
|
|
Retraites de base |
1 338 |
60,4 % |
|
|
Retraites complémentaires |
563 |
25,4 % |
|
|
Indemnités journalières |
113 |
5,1 % |
|
|
Allocations familiales |
0 |
0,0 % |
|
|
Chômage |
52 |
2,3 % |
|
|
Autres |
149 |
6,7 % |
|
|
Total |
2 215 |
100,0 % |
|
|
Source : commission des affaires sociales.
Note de lecture : en 2023, le montant de CRDS « remplacement » issu des pensions de retraites de base s’est élevé à 1,1 milliard d’euros, représentant 52,8 % du rendement total de la CRDS « remplacement ».
b. Les dotations versées par le Fonds de réserve pour les retraites
● Le FRR est un établissement public à caractère administratif dont la mission principale est de « gérer les sommes qui lui sont affectées afin de constituer des réserves destinées à contribuer à la pérennité des régimes de retraite » ([197]). Sa politique d’investissement vise à optimiser le rendement dans les meilleures conditions de sécurité afin de participer au financement des retraites.
Le FRR détient aujourd’hui environ 21 milliards d’euros d’actifs, et verse annuellement un paiement à la Cades, à hauteur de 2,1 milliards d’euros en 2024 puis de 1,45 milliard d’euros chaque année entre 2025 et 2033 (cf. supra). Entre 2011 et 2023, le FRR a ainsi versé 27,3 milliards d’euros à la Cades. En y ajoutant les dotations prévues au titre des années 2024 à 2033 (15,15 milliards d’euros), la Cades devrait donc recevoir un montant total de 42,45 milliards d’euros provenant du FRR.
Ces dotations proviennent :
– du capital versé par les pouvoirs publics au FRR ;
– des rendements qu’il tire des investissements réalisés.
● Lors de sa création en 1999 ([198]), l’ambition du FRR était d’accumuler des réserves financières de l’ordre de 150 milliards d’euros à l’horizon 2020, afin d’atténuer la charge qui pèserait sur les futures générations de cotisants à partir de cette période, laquelle était estimée entre 12 milliards d’euros et 15 milliards d’euros par an, et de lisser la bosse démographique héritée du baby‑boom. La vision défendue par ses promoteurs était donc de constituer un système de « répartition provisionnée » qui combinerait les avantages de la capitalisation avec la mutualisation des risques propres à la répartition ([199]).
Initialement destiné à percevoir une dotation initiale et à être abondé régulièrement par des ressources fiscales portant sur les revenus du patrimoine et les produits de placement ou issues des excédents de la Cnav et du FSV, le fonds fut « fermé » aux ressources nouvelles en 2010 lorsqu’il fut décidé d’affecter les réserves qu’il détenait au remboursement de la dette de la branche vieillesse du régime général via, entre autres, une dotation à la Cades.
Entre 1999 et 2010, le FRR a perçu un total de dotations d’un montant de 31,38 milliards d’euros, composé :
– de fractions de recettes fiscales affectées par l’État – prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement – à hauteur de 14,41 milliards d’euros ;
– de recettes de privatisations et de ventes de parts des Caisses d’épargne pour un total de 4,63 milliards d’euros ;
– de produits de la vente de licences de téléphonie mobile pour 2,79 milliards d’euros ;
– d’excédents de la Cnav et du FSV versés jusqu’en 2005 pour un montant total de 5,9 milliards d’euros ;
– de la soulte versée au régime général par la Caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg) en contrepartie de son adossement, qui, avant sa restitution en 2020, constituait une dette envers la branche vieillesse du régime général, et dont le montant initial s’élevait à 3,06 milliards d’euros.
● Comme cela a été précisé dans les réponses fournies aux rapporteurs par le FRR, son action repose sur trois piliers principaux :
– la construction d’un portefeuille diversifié en termes de classes d’actifs et de zones géographiques et doté d’une poche significative d’actifs de performance, qui vise à optimiser le rendement dans un cadre de risque maîtrisé ;
– la sélection de gérants selon un processus d’appels d’offre ;
– une politique d’investisseur responsable, dont les effets portent au-delà des actifs en gestion, et diffuse sur l’écosystème de gestion financière.
Cette stratégie conduit le FRR à sélectionner des sociétés de gestion qui investissent dans des entreprises engagées sur une trajectoire de croissance crédible, créatrices d’emplois et capables d’atteindre la rentabilité sur des technologies porteuses (cybersécurité, énergie bas-carbone, mobilité électrique, santé, etc.). Près de 190 sociétés dont 140 françaises sont financées via le portefeuille de private equity du FRR en direct et 345 entreprises françaises via le programme d’investissement en fonds de fonds.
Certains fonds soutiennent en particulier le secteur des biotechnologies, l’aide à la recherche et au design de médicaments, le soutien au développement de thérapies géniques et analyses génomiques. Par ailleurs, les sociétés financées en actions non cotées par le fonds Nov Santé créé pendant la crise du covid (dont le FRR est le troisième plus gros porteur avec 10 % des parts) ont contribué à la souveraineté médicale en France et en Europe en produisant et distribuant des biens et services de santé innovants et essentiels, tels que des générateurs d’oxygène, des principes actifs pharmaceutiques, des produits ophtalmologiques et des solutions d’imagerie médicale.
3. Les implications du choix d’un financement par l’impôt plutôt que par les cotisations sociales
● Les rapporteurs ont souhaité s’interroger sur les raisons qui ont conduit à faire porter le remboursement de la dette sociale essentiellement sur des recettes fiscales plutôt que sur les cotisations sociales et les conséquences de ce choix sur la manière dont les citoyens sont mis à contribution.
Sur le plan économique, le fait de recourir à des ressources fiscales présentant une assiette aussi large que celles de la CSG et de la CRDS répondait à l’objectif de ne pas faire reposer le financement de la dette de la sécurité sociale sur la seule assiette des revenus d’activité ([200]). Il s’agissait de ne pas augmenter les cotisations sociales pour ne pas accroître le coût du travail. De ce point de vue, la création de la CRDS en 1996 apparait cohérente avec la politique d’allégements des cotisations sociales employeurs mise en place par le Gouvernement de l’époque ([201]).
Sur le plan politique, la création d’une ressource fiscale portant sur l’ensemble des revenus permettait en outre de faire contribuer le plus de personnes possible au remboursement de la dette sociale. Ainsi, à la différence des cotisations, la CRDS et, dans une moindre mesure, la CSG sont également dues par des personnes qui ne touchent aucun revenu d’activité.
L’un des arguments à l’appui de cette solution consistait à considérer que la dette sociale étant le fruit d’une accumulation de déficits dont aurait bénéficié l’ensemble de la population, il n’apparaissait donc pas juste d’en confier le remboursement aux seuls travailleurs en activité. L’instauration de la CRDS permettait ainsi de faire participer les retraités mais également les personnes bénéficiant d’autres revenus de remplacement telles que les prestations familiales. Elle présentait en outre l’avantage de faire participer au remboursement de la dette les personnes touchant des revenus du patrimoine et de placement.
Au demeurant, le principe de financement universel de la dette sociale fut assumé par le Parlement à l’occasion de la révision du cadre organique de 2010. La précision des catégories de ressources pouvant être affectées à la Cades fut en effet apportée, non sans quelques débats, par la voie d’un amendement déposé par la rapporteure pour avis de la commission des finances de l’Assemblée nationale, amendement dont l’exposé sommaire énonçait explicitement l’objectif ([202]).
Exposé sommaire de l’amendement de Mme Marie‑Anne Montchamp à l’article premier du projet de loi organique relative à la gestion de la dette sociale (2010)
« [Cet amendement] a pour objet essentiel de poser la règle selon laquelle les impositions de toute nature affectées à la Cades doivent avoir une assiette universelle ; il s’agit par là de garantir la pérennité des recettes de la Caisse. Ce principe de l’assiette universelle est aujourd’hui respecté, puisque aussi bien la CRDS que les 0,2 % de CSG affectés à la Cades sont des impositions qui portent sur l’ensemble des catégories de revenus (revenus d’activité, de remplacement, du patrimoine, des produits de placement) perçus par l’ensemble des personnes domiciliées en France pour l’établissement de l’impôt sur le revenu. Ce principe de l’assiette universelle est par ailleurs justifié, dans la mesure où l’imposition ainsi établie a pour objet le remboursement d’une dette sociale, contractée pour assurer les dépenses d’assurance maladie et d’assurance vieillesse de l’ensemble de la population. Enfin, le législateur organique est fondé à imposer cette exigence, car l’article 34 de la Constitution l’habilite à déterminer les conditions dans lesquelles les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale. Caractériser l’assiette des impositions affectées à la Cades est un moyen de s’assurer que l’équilibre financier déterminé par les lois de financement de la sécurité sociale sera un équilibre pérenne.
« Cet amendement prévoit également que la compensation des dettes transférées doit être assurée par des impositions de tout nature spécialement affectées à la Cades. Il offre ce faisant un ancrage au principe d’universalité de l’assiette des impositions affectées à la Cades.
« Enfin, il propose de renforcer la clause de garantie introduite à l’initiative du Sénat afin que celle-ci s’applique effectivement à l’ensemble de la dette transférée à la Cades, y compris à la dette nouvelle transférée en LFSS pour 2011. Une telle clause de garantie permet de renforcer la position de la Cades vis-à-vis des opérateurs financiers et des agences de notation, dans un contexte particulièrement difficile, où il importe que celle‑ci maintienne la qualité de sa signature publique. C’est pourquoi il convient de donner une valeur organique à cette clause de garantie, qui permettra chaque, en PLFSS, de s’assurer que les conditions de gestion de la dette par la Caisse la mettent en mesure de faire face à son échéance d’amortissement. »
Enfin, sur le plan de la justice sociale, l’un des arguments mobilisés pour justifier un financement de la dette sociale par l’impôt plutôt que par les cotisations sociales est qu’il serait plus adapté pour mettre à contribution les personnes disposant de revenus élevés. Ce dernier argument est toutefois difficile à objectiver puisque plusieurs facteurs semblent jouer en sens contraires :
– premièrement, contrairement aux cotisations sociales, la CSG et la CRDS reposent en partie sur les revenus du patrimoine et les revenus du capital. Or, la détention du patrimoine est fortement corrélée au revenu disponible : selon l’enquête Histoire de vie et Patrimoine de l’Insee, en 2021, les 10 % de ménages les plus aisés détenaient 52 % du patrimoine brut ([203]). Les revenus du patrimoine représentaient en 2023 11,3 % du revenu disponible des 25 % de ménages disposant du niveau de vie le plus élevé contre 3,4 % du revenu disponible du quart des ménages les plus modestes ([204]) ;
– deuxièmement, tandis que les cotisations sociales sont individualisées, la CSG et la CRDS prennent en compte le revenu fiscal de référence et le quotient familial, ce qui permet de mieux refléter le niveau de vie du ménage ;
Taux de CSG applicable aux allocations chômage selon le revenu fiscal de référence et le quotient familial
Quotient familial |
Revenu fiscal de référence |
||
Taux zéro |
Taux réduit (3,8 %) |
Taux normal (6,2 %) |
|
1 part |
Jusqu’à 12 230 € |
De 12 231 €
à 15 988 € |
Plus de 15 988 € |
1,5 part |
Jusqu’à 15 495 € |
De 15 496 €
à 20 257 € |
Plus de 20 257 € |
2 parts |
Jusqu’à 18 760 € |
De 18 761 €
à 24 526 € |
Plus de 24 526 € |
2,5 parts |
Jusqu’à 22 025 € |
De 22 026 €
à 28 795 € |
Plus de 28 795 € |
3 parts |
Jusqu’à 25 290 € |
De 25 291 €
à 33 064 € |
Plus de 33 064 € |
Quart de part supplémentaire |
1 633 € |
1 633 € |
2 134,50 € |
Demi-part supplémentaire |
3 265 € |
3 265 € |
4 269 € |
Source : commission des affaires sociales.
Taux de CSG applicable aux pensions de retraite selon le revenu fiscal de référence et le quotient familial
Quotient familial |
Revenu fiscal de référence |
|||
Taux zéro |
Taux réduit |
Taux médian |
Taux normal |
|
1 part |
Jusqu’à 12 230 € |
De 12 231 €
à 15 988 € |
De 15 989 €
à 24 813 € |
Plus de 24 813 € |
1,5 part |
Jusqu’à 15 495 € |
De 15 496 €
à 20 257 € |
De 20 258 €
à 31 436 € |
Plus de 31 436 € |
2 parts |
Jusqu’à 18 760 € |
De 18 761 €
à 24 526 € |
De 24 527 €
à 38 059 € |
Plus de 38 059 € |
2,5 parts |
Jusqu’à 22 025 € |
De 22 026 €
à 28 795 € |
De 28 796 €
à 44 682 € |
Plus de 44 682 € |
3 parts |
Jusqu’à 25 290 € |
De 25 291 €
à 33 064 € |
De 33 065 €
à 51 305 € |
Plus de 51 305 € |
Quart de part supplémentaire |
1 633 € |
1 633 € |
2 134,50 € |
3 312 € |
Demi-part supplémentaire |
3 265 € |
3 265 € |
4 269 € |
6 623 € |
Source : commission des affaires sociales.
– troisièmement, les personnes bénéficiant de pensions de retraites, d’allocations chômage ou de prestations sociales sont redevables de la CRDS mais ne versent pas, à quelques exceptions près ([205]), de cotisations sociales. Les dispositifs d’exonérations et, pour la CSG uniquement, les taux réduits et intermédiaires permettent toutefois de lisser l’effort demandé aux retraités et aux chômeurs les plus modestes. Par ailleurs, les revenus perçus au titre des minima sociaux sont exonérés de CSG et de CRDS. Il en va notamment ainsi de l’allocation de solidarité spécifique, de l’allocation temporaire d’attente, de l’allocation aux adultes handicapés, de l’allocation personnalisée d’autonomie, des bourses versées aux étudiants sous conditions de ressources et du revenu de solidarité active.
● Faute d’études et de données disponibles, les rapporteurs ne sont pas en capacité de fournir d’éléments précis et exhaustifs concernant la répartition du taux d’effort des ménages au remboursement de la dette sociale en fonction de leur revenu ni, a fortiori, de comparer cette répartition à celle qui résulterait de modes de financement alternatifs. Bien que débordant du champ de la gestion de la dette sociale stricto sensu, une telle démarche pourrait pourtant utilement éclairer la représentation nationale et les citoyens sur les conséquences des choix effectués en matière de redistribution.
La direction de la sécurité sociale a toutefois transmis aux rapporteurs quelques éléments qui, s’ils n’épuisent pas le débat, permettent toutefois de l’éclairer :
– d’une part, la répartition de la distribution des rendements de CSG et de CRDS par décile de revenu fiscal de référence par part laisse apparaître que, malgré l’absence de progressivité des taux, les déciles supérieurs paient proportionnellement davantage de CSG « activité » et de CRDS que les déciles inférieurs ;
Distribution des rendements de CSG activité et de CRDS par déciles de revenus
Source : réponse de la direction de la sécurité sociale au questionnaire des rapporteurs.
Champ : ensemble des foyers fiscaux – France entière
Lecture : 23 % du rendement de la CSG activité est versé par les 10 % des foyers fiscaux ayant le revenu fiscal de référence par part la plus importante.
Note : Cette distribution est une estimation réalisée à partir d’une distribution de RFR par tranches. Les déciles sont donc calculés sur l’ensemble de la population, y compris les foyers fiscaux sans revenu d’activité qui ne sont, par définition, pas redevables de la CSG activité.
– d’autre part, à défaut de pouvoir disposer de données similaires pour la CSG portant sur les revenus de remplacement, la structure des effectifs de foyers de retraités selon le taux d’assujettissement montre que l’existence du barème permet de lisser l’effort demandé aux retraités selon leur niveau de pension.
Structure des effectifs de foyers de retraités selon le taux d’assujettissement à la CSG, par décile de pension de retraite
Source : réponse de la direction de la sécurité sociale au questionnaire des rapporteurs.
Lecture : En 2021, près de la moitié des 10 % de foyers de retraités disposant des pensions les plus modestes étaient exonérés de CSG.
III. Quatre ans aprĖs l’adoption du dernier programme de reprise de dette par la Cades, la situation financiĖre dÉgradÉe des comptes sociaux appelle À prendre d’autres mesures pour assurer le financement de la dette et rÉduire Les dÉficits
Alors que l’amortissement de la dette transférée à la Cades s’était poursuivi à un rythme qui permettait d’envisager l’extinction de celle-ci avant le terme initialement prévu – estimé à 2024 –, la crise sanitaire a brutalement interrompu le rétablissement des comptes sociaux ([206]). Le choix d’engager de nouvelles dépenses pour répondre à la pandémie de covid-19, imputées à la charge de la sécurité sociale, notamment dans le champ de l’assurance maladie, ainsi que les pertes de recettes suscitées par la récession ont creusé les déficits sociaux et abouti à l’adoption par le Parlement d’un nouveau programme de reprise de dette à l’été 2020 (A). La persistance de déficits non couverts par ce programme et la perspective d’une nouvelle dégradation de la situation financière de la sécurité sociale à partir de 2024 conduisent à envisager la couverture de nouveaux déficits (B). Ces évolutions prévisibles imposent de réfléchir aux voies et moyens d’un rétablissement durable des comptes sociaux, ainsi qu’à l’articulation entre l’équilibre du solde et l’apurement de la dette (C).
A. Les lois du 7 aoÛt 2020 ont organisÉ une reprise de 136 milliards d’euros de dette par la Cades
1. La crise sanitaire a entraîné une dégradation des comptes sociaux d’une ampleur inédite et fragilisé la capacité de financement des organismes de sécurité sociale
● La crise sanitaire a entraîné une chute des recettes de la sécurité sociale du fait, en premier lieu, des reports d’échéances de cotisations et de contributions sociales visant à permettre aux entreprises de faire face à la mise en place du confinement. Le montant maximal de ces reports, mis en œuvre à partir de mars 2020, est atteint en juin de la même année : il s’élève alors à 16,6 milliards d’euros, auxquels il convient d’ajouter 8 milliards d’euros de reports de cotisations pour les travailleurs non salariés. La dégradation de la situation économique entraîne également une réduction de l’assiette des prélèvements obligatoires et, par conséquent, des pertes de recettes pour la sécurité sociale. La mise en œuvre de l’activité partielle entraîne des moins-values de cotisations estimées à 15 milliards d’euros à la fin de l’année 2020 ([207]).
La lutte contre la pandémie a engendré de surcroît des dépenses exceptionnelles supportées par l’assurance maladie et les établissements de santé financés par cette dernière, pour un montant estimé à la fin de l’année 2020 à environ 10 milliards d’euros s’agissant des dépenses entrant dans le champ de l’Ondam, déduction faite des moindres dépenses de soins de ville ([208]).
● La direction de la sécurité sociale a indiqué aux rapporteurs que l’incidence financière totale de la crise pandémique pour les régimes obligatoires de base et le FSV s’élève à 90 milliards d’euros environ entre 2020 et 2023, dont 50 milliards de surcoûts pris en charge par la branche maladie. Le reliquat des effets de la crise s’explique principalement par des moins-values de recettes liées à la dégradation de la situation économique. À titre de comparaison, la plupart des pays européens – où les comptes du système de protection sociale ne sont pas distingués aussi nettement qu’en France du reste des comptes publics – ont choisi de faire peser de telles dépenses sur le budget de l’État.
● Alors même que ses encaissements diminuaient, l’Acoss devait faire face aux besoins croissants de certaines branches – en particulier l’assurance maladie – tout en refinançant les déficits non couverts par des versements de la Cades, qu’elle gérait en trésorerie. Le plafond d’emprunt de l’Acoss, fixé à 39 milliards d’euros par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ([209]), a été relevé à deux reprises en cours d’exercice par décret pour le porter successivement à 70 milliards d’euros ([210]), puis à 95 milliards d’euros ([211]).
Un événement décisif s’est produit au début du mois d’avril de cette année lorsque l’Acoss n’a pu obtenir des marchés financiers l’ensemble des financements qu’elle avait sollicités, « ce qui souligna l’importance de [son] exposition [auxdits] marchés au vu du niveau des déficits cumulés qu’elle était appelée à financer au-delà de son besoin naturel de trésorerie » ([212]). En effet, comme l’explique la direction de la sécurité sociale, « le très haut niveau d’incertitude avait eu pour effet de suspendre l’activité de certains investisseurs » ([213]).
Dans ces conditions, il devenait possible d’imaginer que l’Acoss ne soit plus en mesure d’obtenir des marchés les ressources nécessaires à la couverture de ses engagements auprès des branches de sécurité sociale et qu’ainsi le service des prestations ne puisse plus être assuré dans le cadre des circuits financiers habituels.
● Avant même que ces défaillances des marchés ne se manifestent, les besoins de financement croissants de l’Acoss imposaient que de nouvelles solutions soient mises en œuvre pour garantir sa solvabilité. Aussi le plan de financement exceptionnel de l’Agence, élaboré dès le mois de mars 2020, mobilisait-il plusieurs ressources :
– il reposait tout d’abord sur l’augmentation des financements de marché, à hauteur de 45 milliards d’euros. Une fois passé le moment d’incertitude rappelé ci‑dessus, les marchés ont finalement accordé à l’Acoss les financements qu’elle avait sollicités auprès d’eux, lui permettant de souscrire un encours total de 70 milliards d’euros de dette, somme bien supérieure à l’objectif fixé ;
– un emprunt d’un montant de 19 milliards d’euros a également été souscrit auprès de la Caisse des dépôts et consignations, d’une part en excédant le plafond d’emprunt de 11 milliards d’euros prévu par la convention quinquennale passée entre ladite Caisse et l’Acoss, et d’autre part en contractant un prêt complémentaire saturant la capacité d’emprunt de l’Acoss auprès de la CDC ;
– il a de surcroît été fait appel à un groupement – ou « pool » – de onze établissements bancaires, principalement constitué de spécialistes en valeurs du Trésor, auprès desquels 31 milliards d’euros de financements complémentaires ont été obtenus – dont 20 milliards d’euros seulement ont été finalement utilisés du fait des financements de marché qui, ainsi qu’il est rappelé ci-dessus, ont excédé les attentes initiales ;
– enfin, il était prévu que l’Agence France Trésor couvrît, à hauteur de 10 milliards d’euros, d’éventuels besoins complémentaires. Toutefois, la direction de la sécurité sociale a indiqué aux rapporteurs que cette dernière possibilité n’a finalement pas été mise en œuvre ([214]).
● Cependant, comme le rappelle l’étude d’impact annexée au projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie, les besoins de financement de l’Acoss étaient alors « d’une ampleur inédite et les instruments financiers de court terme dont [elle] dispose [n’étaient] pas adaptés, compte tenu des contraintes de volume et de liquidité sur ces marchés ». Même si l’Agence était parvenue à répondre à ses engagements auprès des branches en dépit d’un besoin de financement accru, « l’accumulation de tels déficits sur [sa] trésorerie [n’était] pas conforme à sa mission de financement de court terme de la sécurité sociale et [créait] une situation qui [n’était] pas durablement soutenable » ([215]).
La direction de la sécurité sociale a établi d’ailleurs un lien entre le rétablissement rapide de la capacité de financement de l’Acoss au printemps 2020 et la décision de faire reprendre par la Cades les déficits exceptionnels qu’elle supportait alors : « la bonne réalisation de ce plan exceptionnel pour le financement de court terme [tenait] également à la perspective d’une reprise de dette par la Cades actée dès l’été 2020 » ([216]).
2. Les lois organiques et ordinaires du 7 août 2020 ont prévu la reprise des déficits de la sécurité sociale ainsi que d’une partie de la dette des hôpitaux
Les projets de loi déposés en mai 2020 prévoient la reprise par la Cades de passifs hétérogènes par leur nature et leur origine. Le programme de reprise combine ainsi une opération tendant à soulager la trésorerie de l’Acoss des déficits constitués avant la crise ; la couverture des besoins de financement de la sécurité sociale pour la durée de la crise ; et une opération de rétablissement de la situation financière des hôpitaux dont le principe et les modalités avaient déjà été arrêtés lors du déclenchement de la crise.
● La condition prévue par l’article 4 bis de l’ordonnance du 24 janvier 1996 précitée s’imposant au législateur ordinaire, ce dernier ne pouvait prévoir la reprise par la Cades de la dette correspondant aux déficits déjà constitués ou prévisibles des branches de sécurité sociale sans une augmentation des recettes de la Caisse dont le Gouvernement estimait qu’elle aurait entraîné une hausse des prélèvements obligatoires d’un montant compris entre 1 et 2 points de PIB ([217]). Cette condition était particulièrement difficile à respecter dans le contexte d’une récession qui entraînait une résorption de l’assiette des prélèvements obligatoires.
De surcroît, compte tenu de l’assiette des contributions affectées à la Cades, il aurait fallu faire peser sur les ménages des prélèvements supplémentaires qui auraient pesé sur leur niveau de vie et, in fine sur la consommation et l’activité économique.
Aussi, dès lors que le principe d’une réouverture de la Cades était admis, il était nécessaire de modifier à nouveau l’article 4 bis de l’ordonnance du 24 janvier 1996 afin d’allonger la durée de l’amortissement de la dette sociale. La loi organique du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie a donc modifié l’article 4 bis de l’ordonnance précitée afin de fixer le terme de l’apurement de la dette au 31 décembre 2033 au plus tard ([218]). La réforme du cadre organique n’a, en revanche, pas remis en cause le principe selon lequel toute nouvelle reprise de dette qu’autoriserait ultérieurement le législateur ordinaire devrait s’accompagner de ressources équivalentes qui permettraient de ne pas repousser le terme de l’amortissement de la dette sociale au-delà de cette date.
● Les rapporteurs relèvent néanmoins que, pour la première fois depuis la création de la Cades, cette reprise de dette s’est accompagnée d’une diminution des recettes de la Cades à la faveur de deux modifications :
– d’une part, la fraction de CSG dont la Caisse est affectataire est réduite de 0,6 point à 0,45 point à compter de 2024, dans le cadre de la création de la branche autonomie ([219]) ;
– d’autre part, à partir de 2025, le montant du versement annuel du FRR est réduit de 2,1 milliards d’euros à 1,45 milliard d’euros ([220]).
● La sécurité sociale était restée déficitaire au cours des années 2010, sans que la totalité de la dette résultant de cette situation n’ait été couverte par des versements de la Cades. La reprise de dette prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ayant été annulée par la loi de financement suivante ([221]), le déficit cumulé porté par l’Acoss, la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) et la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) atteignait 31 milliards d’euros au 31 décembre 2019 ([222]).
Ainsi, la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie prévoit le transfert à la Cades, dans la limite de 31 milliards d’euros, des déficits cumulés au 31 décembre 2019 :
– de la branche maladie du régime général et du FSV ;
– de la branche vieillesse du régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles, gérée par la CCMSA ;
– du régime de retraite des agents des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière, géré par la CNRACL ([223]).
● Le tableau suivant présente l’exécution de cette composante du plan de reprise de dette, réalisée avant le 30 juin 2021 ([224]).
reprises de dette effectuÉes au titre de la couverture des dÉficits constituÉs au 31 dÉcembre 2019
(en milliards d’euros)
|
Maladie |
CNRACL |
FSV |
MSA |
Total |
2020 |
10,2 |
|
6,2 |
3,58 |
19,98 |
2021 |
6,14 |
1,29 |
3,73 |
|
11,26 |
2020-2021 |
16,4 |
1,29 |
9,9 |
3,58 |
31,24 |
Source : direction de la sécurité sociale.
● La deuxième composante des transferts prévus à l’été 2020 vise à faire apurer par la Cades une partie de la dette des établissements de santé assurant le service public hospitalier, dans la limite de 13 milliards d’euros.
Ces mouvements avaient été proposés par le Gouvernement le 20 novembre 2019 lors de la présentation d’un « plan d’urgence pour l’hôpital public », dont ils constituaient l’une des principales mesures d’ordre financier – lesquelles comprenaient également, en particulier, la réforme des modes de financement des hôpitaux et la garantie de leurs recettes jusqu’en 2022.
Le programme de reprise de dette envisagé en novembre 2019 dans le cadre du plan en faveur de l’hôpital public
Mesure 14 : reprendre une partie de la dette hospitalière pour dégager les marges nécessaires pour les établissements
« À partir de 2020, 10 milliards d’euros de dettes seront repris aux hôpitaux en 3 ans afin d’alléger les charges d’établissements, assainir leur structure financière et leur permettre d’investir et de se transformer.
« C’est une décision de rupture, avec un plan de reprise de dettes attendu par les personnels eux-mêmes : l’investissement hospitalier a été divisé par 2 en 10 ans pendant que la dette des hôpitaux augmentait de 40 %.
« Chaque hôpital qui souhaite s’engager dans une trajectoire de désendettement et/ou dans un plan de transformation pourra bénéficier d’une reprise de dette, qui lui permettra de réduire son endettement et de retrouver, le cas échéant, les moyens de conduire sa transformation tout en limitant son niveau d’endettement futur. »
Source : Dossier de presse, « Ma santé 2022 – Investir pour l’hôpital », 20 novembre 2019, p. 11.
Le champ d’application de la reprise de dette comprend finalement l’ensemble des établissements assurant le service public hospitalier, catégorie qui comprend à la fois les établissements publics de santé (EPS), les établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic) et les établissements de santé privés qui respectent les critères de ce service public ([225]). L’absence de différence de traitement fondée sur le statut des établissements justifie la compatibilité du dispositif avec les règles du marché intérieur en matière d’aides d’État.
En outre, il était initialement envisagé que cette reprise de dette fût réalisée au cours d’une période de trois ans, et qu’elle conduisît à transférer à la Cades 10 milliards d’euros de passifs, soit un tiers de l’encours de dette de l’ensemble des établissements publics de santé. Ce montant a ultérieurement été réévalué à hauteur de 3 milliards d’euros, pour atteindre 13 milliards d’euros, afin de tenir compte des frais financiers associés à cette part de l’encours.
Un projet de loi devait être présenté au premier semestre 2020, lequel aurait déterminé les modalités de ces transferts.
L’endettement des hôpitaux connaît deux explications concurrentes. D’un côté, la Cour des comptes l’imputait principalement dans son rapport public annuel de 2018, l’endettement des hôpitaux était principalement dû à deux plans d’investissement lancés en 2003 puis 2008 : « sous l’effet des programmes "Hôpital 2007" et "Hôpital 2012", qui avaient favorisé dans une logique de guichet ouvert [...] de nombreux effets d’aubaine sans considération suffisante des enjeux d’efficience et des nécessités de réorganisation des structures hospitalières, les dépenses d’investissement des établissements publics de santé avaient connu une dynamique très forte. En constante progression depuis le début des années 2000, elles étaient devenues supérieures à 6 milliards d’euros par an en 2010 comme en 2011. » ([226])
D’autre part, en 2011, le rapport de la commission d’enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux déplorait que les établissements hospitaliers aient été contraints de conduire de tels investissements « sans le soutien de la puissance publique » ([227]), en recourant aux marchés bancaires. Les hôpitaux ont ainsi recouru à des produits financiers « en apparence accommodants » (dont certains étaient indexés sur la variation du cours du franc suisse), mais éminemment toxiques, comme la crise financière de 2008 l’a révélé ([228]).
Les plans « Hôpital 2007 » et « Hôpital 2012 »
Engagé en 2003, le plan « Hôpital 2007 » a ciblé les établissements publics et privés, avec un montant initial de 10,3 milliards d’euros d’investissements immobiliers (85 % du total) ainsi qu’en équipements lourds ou numériques. Il s’est traduit par le versement de subventions en capital ainsi que de dotations en exploitation sur vingt ans (à hauteur de 450 millions d’euros) permettant de financer 4,5 milliards d’euros d’emprunts aidés. Ces aides à l’emprunt ainsi que le dérapage du plan (dont le coût total s’est élevé à 16 milliards d’euros) ont favorisé l’accroissement de l’encours de dette.
À compter de 2008, le plan « Hôpital 2012 » a également privilégié le soutien à l’investissement par un accompagnement de l’endettement. Il a suivi la même logique pour un montant global de 5 milliards d’euros d’investissements, financés par 1,2 milliard d’euros de subventions en capital et des aides en fonctionnement couvrant 3,8 milliards d’euros d’emprunts. Si seule la première tranche du plan a finalement été mise en œuvre, celle-ci a été constituée à 85 % de projets immobiliers.
Source : Inspection générale des finances (IGF) et Inspection générale des affaires sociales (Igas), Évaluation de la dette des établissements publics de santé et des modalités de sa reprise, avril 2020, pp. 2‑3.
Ces plans d’investissement financiarisés avaient entraîné un triplement de l’encours de dette, passé de 10 milliards d’euros en 2004 à 30 milliards d’euros en 2014. Ces passifs étaient majoritairement constitués d’emprunts bancaires, à hauteur de 25,7 milliards d’euros, et plus marginalement d’emprunts obligataires (2,4 milliards d’euros) ainsi que d’encours liés aux partenariats public-privé (1,5 milliard d’euros). Au surplus, 9 % de l’encours total était constitué d’emprunts à taux variables risqués ([229]).
Il en était résulté une chute de l’effort d’investissement des hôpitaux publics à compter des 2009 : alors que celui-ci atteignait 11 % de leurs recettes en 2009, ce taux était inférieur à 6 % en 2017. Le secteur hospitalier se trouvait de surcroît confronté à des déficits importants, de l’ordre de 530 millions d’euros en 2016. La conjonction de ces déficits et d’un encours de dette maintenu à un niveau élevé avait réduit la capacité d’autofinancement des établissements de santé, dont 42 % étaient considérés comme surendettés en 2018. Compte tenu de l’encadrement de l’endettement des établissements publics de santé instauré en 2011, le recours à l’emprunt était, pour ces hôpitaux, soumis à l’autorisation du directeur général de l’agence régionale de santé ([230]).
● Le recours à la Cades était justifié par la circonstance que celle-ci était « déjà identifiée comme refinanceur de la dette au sein des administrations de sécurité sociale », et que sa mobilisation n’entraînerait « pas de surcoût d’emprunt par rapport à l’Agence France Trésor » ([231]).
D’autre part, « le recours à la Cades pour financer une part des échéances de la dette des hôpitaux [s’intégrait] au circuit de financement traditionnel des établissements publics de santé, qui reçoivent leurs recettes des caisses primaires d’assurance maladie, elles-mêmes refinancées, au travers de la caisse nationale d’assurance maladie, par l’Acoss » ([232]).
● Les conditions de versement de ces dotations ont été précisées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ([233]).
Le schéma de reprise de dette, présenté ci-dessous, comprend deux ensembles de mouvements :
– d’une part, des versements de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) aux établissements assurant le service public hospitalier ;
– d’autre part, des versements d’un montant équivalent de la Cades à la Cnam, qui répartit ces sommes entre les établissements de santé dans le cadre d’un contrat conclu avec l’agence régionale de santé (ARS) territorialement compétente.
Schéma financier de la mesure de refinancement de la dette des établissements publics de santé
Source : annexe 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, p. 125.
Ainsi, comme la Cades l’a indiqué dans ses réponses aux questions des rapporteurs, le processus suivi n’est « pas celui d’une reprise de dette proprement dite » dans la mesure où la Caisse n’intervient pas directement dans le processus de financement du principal et des intérêts de la dette des établissements concernés : elle se borne à « [lever] les fonds sur les marchés financiers et [à] verse[r] une dotation à l’Acoss selon un montant et un échéancier prédéterminé » ([234]). D’autre part, l’Acoss, suivant son propre calendrier, transfère à son tour cette dotation à la Cnam qui reverse les sommes correspondantes aux agences régionales de santé. Les versements aux établissements publics de santé sont ensuite effectués par les caisses primaires d’assurance maladie en fonction des échéanciers figurant dans les contrats signés entre ces établissements et les ARS, ainsi que des arrêtés de versement pris par les ARS pour l’exécution de ces contrats.
Trois versements ont été effectués au profit de la Cnam en 2021 (5 milliards d’euros) ([235]), 2022 (5 milliards d’euros) ([236]) et 2023 (3 milliards d’euros) ([237]).
● Ainsi que l’a indiqué la direction de la sécurité sociale dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs, la reprise de dette a été « réorientée », dans le cadre du Ségur de la santé, pour concourir à l’amélioration de la situation financière des établissements de santé et, plus largement, contribuer à « la compensation des charges nécessaires à la continuité, la qualité et la sécurité du service public hospitalier et à la transformation de celui-ci » ([238]).
Les modalités de répartition des fonds prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ont été précisées par la circulaire interministérielle du 10 mars 2021, suivant deux orientations ([239]) :
– d’une part, le soutien à la restauration des capacités financières permettant d’assurer la continuité, la sécurité et la qualité du service public hospitalier (« volet 1) ;
– d’autre part, le soutien à des opérations d’investissements immobiliers ou mobiliers concourant à l’amélioration et à la modernisation des établissements de santé (« volet 2 »).
Au premier trimestre 2024, 3,2 milliards d’euros avaient été versés aux établissements de santé bénéficiaires, dont 2,7 milliards d’euros au titre du premier volet et 0,5 milliard d’euros dans le cadre du second ([240]).
● Un troisième ensemble de versements de l’Acoss visait à couvrir, dans la limite de 92 milliards d’euros ([241]), les déficits prévisionnels pour les années 2020 à 2023 afin de combler les besoins de financement nés de la pandémie :
– des branches maladie, vieillesse et famille du régime général de sécurité sociale ainsi que du FSV ;
– de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles.
Le tableau suivant présente les transferts effectués sur le fondement de ces dispositions. Il montre en particulier que la branche maladie du régime général a logiquement été la principale bénéficiaire de ces opérations.
RÉpartition des reprises de dette effectuÉes au titre de la couverture des dÉficits prÉvisionnels des annÉes 2020 à 2023
(en milliards d’euros)
|
Maladie |
Vieillesse |
FSV |
Total |
2020 |
6,14 |
|
|
6,14 |
2021 |
18,64 |
|
3,12 |
21,76 |
2022 |
35 |
|
0,32 |
35,32 |
2023 |
22,5 |
2,6 |
|
25,1 |
2024 |
8,76 |
|
|
8,76 |
2020-2024 |
85,6 |
2,6 |
3,44 |
91,64 |
Source : direction de la sécurité sociale.
● Comme la direction de la sécurité sociale l’a indiqué aux rapporteurs, l’objectif initial de ce programme de reprise de dette était d’assurer la couverture des déficits des exercices 2020 à 2022. Une partie du déficit des régimes obligatoires de base pour l’année 2023 a finalement pu être reprise, sans couvrir cependant la totalité du besoin de financement des branches concernées par cette reprise de dette.
Montant des dÉficits du rÉgime gÉnÉral et du FSV constituÉs À la fin de l’annÉe 2023 non couverts par une reprise de dette
(en milliards d’euros)
|
Déficits cumulés à la fin de l’année 2023 |
Déficits transférés à la Cades |
Solde après reprise de dette |
Maladie |
90,1 |
85,6 |
– 4,5 |
Vieillesse |
6,7 |
2,6 |
– 4,1 |
FSV |
1,8 |
3,4 |
1,6 |
Total |
98,6 |
91,6 |
– 7 |
Source : commission des affaires sociales sur la base des comptes du régime général et du FSV présentés dans le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de mai 2024.
3. Une reprise de dette contestée à plusieurs titres
a. Une décision de « rouvrir » la Cades prise sans que d’autres modalités de gestion de la dette sociale n’aient été pleinement envisagées
● Tant les réponses de la direction de la sécurité sociale que celles de la Cades aux questions des rapporteurs indiquent qu’au moment de l’élaboration des projets de loi ordinaire et organique déposés au printemps 2020, l’organisation de nouveaux transferts de dette à la Cades n’était pas contestée dans son principe au sein de l’administration et du Gouvernement. Les débats ultérieurs sur les modalités de gestion de la dette constituée à cette période – et notamment les discussions sur l’opportunité d’isoler les déficits directement liés à la pandémie des autres dettes de la sécurité sociale – ne s’étaient pas encore manifestés. Les rapporteurs notent que le Gouvernement souhaitait avant tout, après les difficultés rencontrées par l’Acoss à la fin du mois de mars, lever toute incertitude quant à la capacité de celle-ci à répondre à ses engagements à l’égard des branches et, ce faisant, à garantir le service des prestations.
Outre la nécessité de rétablir rapidement une situation de trésorerie soutenable, l’organisation de nouveaux transferts a pour fonction de permettre, dans la continuité des choix effectués en 1996, de « respecter l’engagement de remboursement de la dette sociale », lequel doit se faire « sur une période de temps limitée afin de tenir compte de la particularité des dépenses sociales qui sont, par nature, des dépenses courantes » ([242]). Selon la direction de la sécurité sociale ([243]), la décision de faire reprendre ces déficits par la Cades répondait avant tout à l’objectif de préserver un mécanisme qui avait fait la preuve de son efficacité pour amortir les déficits passés et dont il importait de maintenir la crédibilité auprès des investisseurs.
Les rapporteurs relèvent ainsi que cette décision prise face à l’urgence de la situation s’est imposée, de l’aveu même des principales administrations concernées, avec une sorte d’évidence et qu’elle n’a pas été précédée d’une étude approfondie des solutions alternatives qui auraient pu être mises en œuvre, telles que le transfert de cette dette à l’État, l’établissement d’un circuit interne du Trésor, l’augmentation des prélèvements sur des ménages ou des entreprises notamment par l’introduction d’une taxe sur les profits exceptionnels de ces dernières. Seules ont été prises en compte – comme en témoigne l’étude d’impact accompagnant le projet de loi organique – diverses hypothèses concernant la durée de la période supplémentaire qui serait impartie à l’amortissement de la dette sociale et l’augmentation du taux des prélèvements obligatoires qu’il aurait nécessaire de mettre en œuvre pour conserver le terme défini en 2010 ([244]). Il convient de rappeler que, dans le cas de l’État, la gestion de la dette liée au covid a été pour l’essentiel organisée bien plus tard, à compter du projet de loi de finances pour 2022. Il a notamment pu être tenu compte des travaux la commission de réflexion sur l’avenir des finances publiques installée en décembre 2020 et présidée par M. Jean Arthuis ([245]).
b. Des critiques portant sur le choix de ne pas isoler la « dette covid » des autres déficits sociaux
● La reprise de dette décidée par le Parlement à l’été 2020 a fait l’objet de plusieurs critiques portant en particulier sur le choix d’amortir les déficits résultant d’une crise exceptionnelle tant par sa nature que par ses effets économiques et sociaux selon les mêmes modalités que le reste de la dette sociale.
Un premier ensemble de griefs concernait la décision de faire supporter par la sécurité sociale le coût de mesures qui, à l’instar du report d’échéances de versement des cotisations sociales et de la mise en place de l’activité partielle, ont été décidées par l’État et, dans les autres pays européens, assumés par ce dernier. Certains économistes, qui estimaient que « les assurances sociales n’avaient pas à supporter la dette due au covid », ont critiqué ce choix ([246]). M. Rémi Pellet a néanmoins fait valoir lors de son audition, s’agissant du rôle de l’État dans la prise de décisions ayant un effet sur les finances sociales, que celui-ci assume la responsabilité de la gestion financière de la plupart des régimes de sécurité sociale ([247]).
D’autres critiques portaient plus spécifiquement sur la finalité de ces dépenses supplémentaires, qui aurait excédé la fonction première de la sécurité sociale en tant que système de protection contre « les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent ». ([248]) . Certains auteurs ont ainsi observé que des mesures telles que le report d’échéances de cotisations ou encore la prise en charge des indemnités journalières pour les parents dont les enfants avaient été contaminés ou cas contact, répondaient avant tout à un objectif de soutien à l’activité économique et perçu dans ces évolutions un « brouillage de l’organisation des solidarités » ([249]). Les auditions menées par les rapporteurs ont montré que le lien de ces dépenses avec la sécurité sociale suscitait des discussions, car elles relèvent de décisions prises par l’État dans le cadre de la gestion de crise pandémique, en cela très comparables aux décisions des pays voisins qui ont choisi de les imputer à la dette publique sans aucun cantonnement dans une caisse dédiée.
● Par ailleurs, la reprise de dette mise en œuvre à partir de 2020 a favorisé l’expression de critiques d’ordre plus général portant sur les principes qui président depuis 1996 à la gestion de la dette sociale. À titre d’exemple, M. Patrice Brossart (CGT) a estimé lors des auditions organisées par les rapporteurs que « l’existence même de la dette sociale est de la responsabilité de l’État [à travers] le choix fait à partir des années 1990 de ne plus augmenter le taux de cotisations sociales et même d’exonérer massivement les entreprises de cotisations sociales » ([250]).
Lors de l’examen des deux projets de loi précités, l’écart entre les taux auxquels l’État et la Cades se financent respectivement auprès des marchés a d’abord été mis en évidence par certains parlementaires qui estimaient, compte tenu de cet écart, qu’il aurait été moins coûteux de transférer au premier plutôt qu’à la seconde les déficits constitués durant la crise sanitaire, a fortiori dès lors que l’État fait rouler la dette au lieu de rembourser en une durée déterminée le principal ([251]).
La prolongation des missions de la Cades conduisait d’autre part à maintenir les recettes affectées à son profit, lesquelles auraient pu être attribuées aux branches de la sécurité sociale voire, s’agissant en particulier de la CRDS, être supprimées ([252]).
En outre, la distinction entre les dépenses d’investissement et de prestations, qui justifie l’isolement de la dette sociale, a été remise en cause par une partie de la doctrine à la faveur d’une « tendance à proposer une définition compréhensive de l’investissement, émancipée de celle adoptée par la comptabilité nationale. Devrait être considérée comme de l’investissement toute dépense apte à procurer un gain futur, quelle que soit la nature de ce gain, patrimoniale ou extrapatrimoniale. Cette autre définition permet de valoriser les dépenses sociales susceptibles de procurer ce type de gain ou, autre formule, un retour sur investissement. Rentrent dans cette catégorie les dépenses de santé comme les dépenses d’éducation puis de formation tout au long de la vie. » ([253]) Plusieurs des représentants syndicaux entendus par les rapporteurs se sont notamment déclarés en faveur d’un tel élargissement.
● D’autres modalités de gestion de la dette de la sécurité sociale résultant de la crise sanitaire auraient pu être mises en œuvre.
– Il aurait été en premier lieu possible d’isoler la dette nouvellement constituée au sein d’une structure ad hoc chargée de la gérer selon des modalités éventuellement différentes de celles mises en œuvre pour apurer les déficits déjà couverts par des versements de la Cades. Il aurait été également envisageable, ainsi que l’avait proposé le Haut Conseil du financement de la protection sociale en 2022, de maintenir le principe d’une reprise de ces déficits par la Cades tout en prévoyant des durées d’amortissement différentes ([254]). Tout en maintenant la séparation entre la dette de la sécurité sociale et celle de l’État, une telle solution aurait cependant pu s’accompagner d’un renoncement à la perspective d’un amortissement rapide de la première. L’instauration de modalités de gestion dérogatoires aurait pu être justifiée par le caractère conjoncturel des déficits concernés. Plusieurs des personnes entendues par les rapporteurs se sont déclarés en faveur de cette solution. Ainsi, Mme Christelle Thieffine (CFE-CGC) a estimé que « la dette issue de la pandémie relevant d’un aléa exceptionnel, elle n’aurait pas dû être portée par la sécurité sociale » ([255]).
À titre de comparaison, le choix de cantonner la dette correspondant aux déficits constitués durant la pandémie et de la gérer selon des modalités dérogatoires a été mis en œuvre dans le cas de la dette de l’État. La part de cette dernière dont l’origine est attribuée à la crise sanitaire a ainsi été isolée au sein d’un programme budgétaire spécifique et doit être amortie jusqu’en 2042 dans les conditions présentées dans l’encadré infra.
Le cantonnement de la dette de l’État résultant de la crise sanitaire
L’amortissement du surcroît de dette de l’État en 2020 et 2021 né de la crise sanitaire est effectué au moyen de crédits budgétaires affectés au programme 369 Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 de la mission Engagements financiers de l’État. Ce programme budgétaire répond à un double objectif d’isolement comptable de la dette issue de la crise sanitaire en 2020 et 2021 et d’affichage d’une trajectoire de traitement de cette dette sur vingt ans, entre 2022 et 2042.
Le montant de dette de 165 milliards d’euros correspond au surcroît de dette issu de la crise en 2020 et 2021 par rapport aux estimations de fin 2019. Ce chiffre résulte d’une comparaison entre la trajectoire observée du déficit de la dette de l’État (hors plan de relance) et celle envisagée avant crise.
L’amortissement est financé par les fruits de la croissance, c’est-à-dire par une part de la hausse des prélèvements enregistrée grâce à la croissance (recettes fiscales nettes de l’État) entre l’année de référence et 2020. Cette part est affectée à la Caisse de la dette publique (CDP) et utilisée chaque année pour rembourser à due concurrence la dette publique, jusqu’à l’atteinte du montant correspondant à la dette due à la crise en 2020-2021, estimé à 165 milliards d’euros.
Les crédits du programme correspondent à la dotation annuelle de la CDP, qui permet l’amortissement progressif de dette année après année. Un contrat conclu entre la CDP et l’État détaille le circuit opérationnel du remboursement. Le schéma comptable repose sur trois grandes étapes :
(1) engagement et versement des crédits du programme 369 pour abonder en recettes, préalablement à l’opération, le compte d’affectation spéciale (CAS) Participations financières de l’État ;
(2) versement de la dotation à la CDP via ledit compte d’affectation spéciale ;
(3) utilisation de la dotation pour amortir la dette.
Le projet de loi de finances pour 2024 proposait d’attribuer 6,47 milliards d’euros de crédits de paiement à ce programme.
Source : projet de loi de finances pour 2024, projet annuel de performances du programme 369.
– Une autre solution aurait consisté à prévoir des versements de l’État à l’Acoss correspondant au montant des déficits dont elle assurait déjà le financement lors du déclenchement de la crise sanitaire, et éventuellement au montant des déficits prévisionnels pour la durée de celle-ci. Une telle solution aurait conduit à faire reprendre par l’État tout ou partie de la dette de la sécurité qui n’était pas déjà couverte par des versements de la Cades, c’est-à-dire à rompre avec l’isolement et, compte tenu des modalités particulières de gestion de la dette de l’État, avec l’amortissement de la dette sociale mis en œuvre depuis 1996. Or, comme le rappelait l’étude d’impact accompagnant le projet de loi organique relatif à la dette sociale examiné en 2010, le cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale « ne réserve pas de monopole à la Cades pour les reprises de dette sociale », de sorte qu’il eût été possible de faire reprendre cette dette par l’État sans devoir modifier auparavant les dispositions encadrant le domaine desdites lois ([256]).
L’identification d’une « dette covid » distincte du reste de l’endettement des régimes de sécurité sociale aurait de surcroît exigé un travail d’évaluation des coûts et des pertes de recettes effectivement imputables à la crise sanitaire, lesquels correspondraient à la part conjoncturelle des déficits sociaux.
c. La reprise de la dette des hôpitaux : un élargissement de la dette sociale
● La portée, quant aux principes présidant à la gestion de la dette sociale, des transferts au profit des hôpitaux décidés en 2020 a fait l’objet d’appréciations différentes au cours des auditions conduites par les rapporteurs.
D’un côté, comme l’a souligné la Cades, les établissements de santé publics ou privés participant au service public hospitalier et étant financés principalement par la branche maladie de la sécurité sociale, au moyen de dotations prises en compte dans l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), une intervention de la Cades pour alléger la charge de leur dette s’inscrivait naturellement dans le cadre historique des missions de la Caisse ([257]).
De l’autre, les rapporteurs relèvent que les modifications apportées au cadre organique des lois de financement témoignent d’un élargissement de la dette sociale à un nouvel ensemble de passifs :
– d’une part, sur le plan de l’architecture financière de la sécurité sociale, si les établissements publics de santé sont en partie financés au moyen de dotations de la branche maladie, leur situation patrimoniale ne fait pas l’objet d’une présentation consolidée avec celle des régimes de base dans la documentation budgétaire, retracée dans le tableau patrimonial dont l’approbation est proposée au Parlement par le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale. Le rapport des inspections générales précité précisait ainsi que « le financement d’une partie de la dette des hôpitaux constituerait pour la Cades une évolution par rapport à la mission historique de refinancement des déficits des branches de sécurité sociale » ([258]) ;
– d’autre part, s’agissant de l’origine et de la nature des déficits couverts par ces versements, il apparaît que l’objet même des opérations précitées est de faire reprendre par la Cades une dette correspondant à des dépenses d’investissement, et non pas à des dépenses de fonctionnement courant. Or la principale justification d’un amortissement rapide réside dans la nécessité de traiter différemment la dette correspondant à ces deux catégories hétérogènes de dépenses. Cet enjeu a été mis en évidence à plusieurs reprises lors des travaux parlementaires et par la doctrine, comme le souligne notamment Mme Anna Zachayus, qui relève que « la reprise des emprunts formés par les établissements publics entraîne un changement de perspective puisque ces emprunts résultent majoritairement de plans d’investissement » ([259]).
Aussi, lors des travaux parlementaires sur le projet de loi organique précité, une opposition s’est manifestée entre, d’une part, une interprétation de cette reprise de dette mettant en lumière l’imbrication des circuits financiers des hôpitaux et de la branche maladie et, d’autre part, une vision de celle-ci dénonçant l’élargissement de la dette sociale qui en résultait. Ainsi le Sénat avait adopté un amendement supprimant cette disposition du projet de loi relative à la dette sociale et à l’autonomie au motif que cette dette étant « constituée principalement d’investissements immobiliers lancés à l’initiative de l’État », il revenait à ce dernier d’en assumer le coût. Le rapport de la commission des affaires sociales du Sénat mettait en avant le risque que « la dette sociale ne [s’éteignît] jamais si le Parlement acceptait le transfert à la Cades de n’importe quel type de dette » ([260]).
B. LA situation financiĖre de la sÉcuritÉ sociale prÉsente une trajectoire de dÉficits non maÎtrisÉe
1. Entre 2020 et 2023, les déficits de la sécurité sociale se sont réduits mais se stabilisent néanmoins à un niveau élevé
● Depuis 2020, la situation financière de l’ensemble des régimes de base de la sécurité sociale s’est rapidement redressée. D’un montant record de 39,7 milliards d’euros en 2020, le déficit des régimes obligatoires de base et du FSV s’est résorbé à un rythme soutenu :
– 24,3 milliards d’euros en 2021 ;
– 19,7 milliards d’euros en 2022 ;
– 10,8 milliards d’euros en 2023.
Cette résorption est due à un double mouvement de hausse dynamique des recettes liée au rebond économique consécutif à la sortie de crise d’une part et de baisse des dépenses exceptionnelles mises en place pendant celle‑ci d’autre part.
● Après une chute de 7,8 % en 2020, le PIB a connu un fort regain en 2021 (+ 6,4 %) et, dans une moindre mesure, en 2022 (+ 2,5 %). Sous‑jacent macroéconomique principal des recettes de la sécurité sociale, la masse salariale soumise à cotisations du secteur privé a fortement progressé en 2021 (+ 8,9 %) et en 2022 (+ 8,7 %), du fait d’un rattrapage mécanique lié à la déflation salariale observée en 2020, puis a décéléré en 2023 (+ 5,7 %) ([261]).
Évolution du PIB et de la masse salariale depuis 2019
Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale.
L’évolution de la masse salariale a été particulièrement soutenue par celle des salaires liée notamment à la hausse de l’inflation à compter de 2022. L’indice des prix à la consommation hors tabac a ainsi évolué de 5,3 % en 2022 en moyenne annuelle puis de 4,8 % en 2023. Cette forte inflation s’est répercutée sur les salaires, notamment via les revalorisations successives du Smic qu’elle a induites en application du mécanisme de double indexation prévu par la loi ([262]). Ainsi le Smic a‑t‑il fait l’objet de quatre revalorisations infra‑annuelles depuis 2021, en plus des revalorisations habituelles du 1er janvier. L’impact de la hausse de la masse salariale sur le montant total des recettes a toutefois été amoindri par le dynamisme des exonérations de cotisations sociales et des exemptions d’assiette.
Dans ce contexte, les recettes de la sécurité sociale ont progressé de 5,4 % en 2022 et de 4,8 % en 2023, soit plus rapidement que les dépenses.
● En effet, le rythme des dépenses a quant à lui été davantage contenu puisqu’elles n’ont augmenté que de 3,1 % en 2023 après une évolution de 4,4 % en 2022. Cette dynamique est toutefois la résultante de deux mouvements agissant en sens contraires :
– les dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire ont connu une baisse continue sur la période, passant de 13,2 milliards d’euros en 2020 à 11,7 milliards d’euros en 2022 puis à 1,1 milliard d’euros en 2023 ;
– les dépenses hors crise ont augmenté de 5 % en 2023 (soit 29,2 milliards d’euros), un niveau supérieur à l’évolution des recettes.
Comme le rappelle donc le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, « le déficit des régimes de base et du FSV, hors dépenses « Covid », n’a pas diminué, mais a au contraire augmenté de 1,7 milliard d’euros » ([263]).
Le redressement de la situation financière de la sécurité sociale observé depuis 2020 résulte donc essentiellement de facteurs conjoncturels, tant en recettes qu’en dépenses, plus que d’un effort structurel pour rééquilibrer les comptes sociaux.
2. Les déficits se sont stabilisés à un niveau élevé et se creuseraient davantage dans les prochaines années
● Selon les dernières prévisions disponibles à la date de publication du présent rapport, le déficit de la sécurité sociale devrait s’aggraver de nouveau dès 2024, dans des proportions significatives.
Le déficit se creuserait de 5,8 milliards d’euros pour atteindre 16,6 milliards d’euros en 2024 ([264]). Ce montant est sensiblement supérieur aux prévisions de déficit indiquées dans l’annexe A de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 ([265]), laquelle anticipait un déficit de 10,5 milliards d’euros pour cette année. Si les prévisions se réalisent, le déficit pour 2024 s’établirait à un niveau proche de celui qui était attendu pour 2026 (16,8 milliards d’euros).
● Ces écarts à la prévision montrent toute l’importance mais également toute la difficulté d’une programmation pluriannuelle de la trajectoire financière de la sécurité sociale. Tout exercice de prévision doit donc être mené avec la plus grande prudence et son interprétation est soumise à des réserves. Cette précaution étant rappelée, si l’on applique le taux de croissance du déficit tel qu’anticipé dans les documents annexés à la loi de financement pour l’année 2024 aux prévisions actualisées pour 2024 et que l’on fait une projection sur les années à venir, il en résulterait des déficits proches de 25 milliards d’euros dès 2025.
Si ces prévisions se réalisent, la sécurité sociale se trouverait dans une situation que la présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes a qualifiée devant vos rapporteurs d’« impasse de financement ». En effet, dès lors que les déficits des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du FSV excèdent le montant des ressources affectées à la Cades, la dette s’accroîtra plus rapidement que la caisse n’arrivera à l’amortir.
3. Les branches maladie et vieillesse portent l’essentiel du déficit de la sécurité sociale
Au sein des régimes obligatoires de base, la situation varie selon la branche concernée. Les branches accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP), famille et autonomie dégageraient de faibles excédents en 2024, excédents qui se maintiendraient à horizon 2027. La situation est en revanche plus préoccupante pour les branches maladie et vieillesse.
a. Les déficits de l’assurance maladie se stabiliseraient à un niveau élevé
● Le déficit de l’assurance maladie s’est élevé à 11,1 milliards d’euros en 2023 et se stabiliserait autour de ce niveau en 2024 (11,4 milliards d’euros). L’annexe A de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 projetait des déficits stables à horizon 2027, quoiqu’un peu plus faibles que le déficit constaté en 2023 (autour de 9 milliards d’euros). Il paraît donc raisonnable de penser que, hors mesures de redressement, le déficit de la branche maladie se situerait aux alentours de 11 milliards d’euros par an jusqu’en 2027.
Si les déficits exceptionnels constatés entre 2020 et 2022 s’expliquent en partie par des facteurs conjoncturels liés aux mesures mises en œuvre pour faire face à la crise sanitaire, ils reflètent également une hausse des dépenses de nature structurelle, laquelle n’est pas compensée par le rythme d’accroissement des recettes ni par la diminution d’autres dépenses ([266]).
● Selon la Cnam, la hausse des dépenses dans le champ de l’Ondam observée entre 2019 et 2023 (+ 47,5 milliards d’euros) s’explique pour plus de la moitié par l’ensemble des mesures ponctuelles qui ont été mises en place pendant la crise sanitaire et la crise inflationniste mais dont les effets financiers sont pérennes ([267]). Ces mesures concernent en premier lieu les revalorisations dont ont bénéficié les professionnels de santé dont les rémunérations sont prises en charge sur l’enveloppe de l’Ondam : en 2023, l’impact des mesures de revalorisation prises dans le cadre du Ségur de la santé s’est élevé à 13,4 milliards d’euros tandis que les revalorisations du point d’indice intervenues en juillet 2022 (+ 3,5 %) et en juin 2023 (+ 1,5 % auquel s’ajoutent des mesures salariales) représentaient respectivement 2,9 milliards d’euros et 1,6 milliard d’euros de dépenses supplémentaires.
Outre les mesures de revalorisations des rémunérations, 2,5 milliards d’euros correspondent aux mesures prises pour compenser les charges non salariales des établissements de santé provoquées par l’inflation. Les honoraires des professionnels de santé en ville ont été revalorisés à hauteur de 2,5 milliards d’euros ([268]). Enfin l’évolution du niveau du Smic se répercute sur le montant des indemnités journalières versées par l’assurance maladie, laquelle estime le surcoût à 1,4 milliard d’euros en 2023.
DÉcomposition des facteurs mesurables expliquant la hausse de l’Ondam entre 2019 et 2023
(en milliard d’euros) |
Impact des mesures sur la période |
Revalorisations salariales prises dans le cadre du Ségur de la santé |
13,4 |
Revalorisations du point d’indice en juillet 2022 (+ 3,5 %) |
2,9 |
Mesures salariales de juin 2023 dont la prime de pouvoir d’achat et la revalorisation du point d’indice (1,5 %) |
1,6 |
Mesures de compensation aux établissements de santé des charges non salariales supplémentaires causées par l’inflation |
2,5 |
Revalorisations des honoraires des professionnels de santé en ville |
2,5 |
Effet prix des indemnités journalières |
1,4 |
Mesures de lutte contre l’épidémie de covid‑19 |
1,1 |
Total |
25,4 |
Source : Caisse nationale de l’assurance maladie.
● La hausse de l’Ondam reflète également des facteurs structurels qui ne correspondent pas à des mesures prises par les pouvoirs publics mais qui tendent à accroître tendanciellement les dépenses d’assurance maladie :
– l’accroissement de la population couverte qui augmente mécaniquement la demande de soins ;
– le vieillissement de la population ;
– la chronicisation des maladies et la hausse tendancielle des personnes en affection de longue durée (ALD).
L’impact budgétaire précis de tels facteurs est plus délicat à déterminer mais la Cnam estime qu’ils expliquent près de 25 % de la hausse de l’Ondam.
Le reste de la hausse s’expliquerait par d’autres facteurs tels que la croissance du nombre d’actes effectués, la hausse du prix des médicaments, l’augmentation du nombre de boîtes de médicaments ou de dispositifs médicaux remboursés ou la consommation de soins et de produits de santé plus coûteux.
b. Les comptes de l’assurance vieillesse se dégraderaient du fait du régime général et de la CNRACL
● Si en 2023 l’ensemble formé par la branche vieillesse et par le FSV est à peu de chose près à l’équilibre (– 0,2 milliard d’euros), le déficit augmenterait de nouveau fortement à compter de 2024. Cette situation s’explique principalement par la hausse des dépenses liées au mécanisme légal d’indexation des pensions de retraite sur l’inflation. Les pensions de base ont ainsi été revalorisées de 5,3 % le 1er janvier 2024 pour prendre en compte l’inflation constatée en 2023. Sur le champ des prestations de droit propre, cette revalorisation représente un coût de presque 13 milliards d’euros. En outre, les mesures adoptées à l’occasion de la réforme des retraites d’avril 2023 ([269]) produisent des effets différenciés dans le temps : les mesures de revalorisation des petites pensions sont entrées en vigueur dès le 1er septembre 2023 ([270]) tandis que le report de l’âge légal de départ et l’accélération du calendrier « Touraine » d’augmentation de la durée d’assurance requise pour le bénéfice du taux plein se font progressivement.
Principales mesures de la rÉforme des retraites d’avril 2023
Mesures |
Mise en œuvre |
Décalage de l’âge d’ouverture des droits de 62 à 64 ans |
Un trimestre par génération à partir des assurés nés le 1er septembre 1961 (64 ans pour la génération née en 1968) |
Accélération de l’augmentation de la durée d’assurance requise pour le taux plein |
Un trimestre par génération à partir des assurés nés à compter du 1er septembre 1961 (172 trimestres pour la génération née en 1965) |
Aménagement du dispositif de retraite anticipée pour carrières longues (RACL) |
Quatre bornes d’âge s’élevant à 58, 60, 62 et 63 ans permettant un départ à taux plein |
Revalorisation des petites pensions liquidées après le 1er septembre 2023 |
Hausse de 100 euros par mois du minimum contributif et de sa majoration ainsi que de la pension majorée de référence et indexation sur le Smic à la liquidation |
Revalorisation des petites pensions liquidées avant le 1er septembre 2023 |
Majoration jusqu’à 100 euros par mois pour les assurés relevant du régime général et de la mutualité sociale agricole qui justifient de plus de 120 trimestres cotisés |
Création d’une majoration spécifique du montant de pension liée à la majoration de durée d’assurance (MDA) |
Droit à majoration de pension pour les assurés ayant obtenu un trimestre de MDA pour enfant et justifiant d’une durée d’assurance de 43 ans à 63 ans (1,25 % par trimestre cotisé au‑delà de 63 ans et dans la limite de 5 %) |
Élargissement du champ des périodes réputées « cotisées » |
24 trimestres d’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) ou d’assurance vieillesse des aidants (AVA) pour le minimum contributif et le minimum garanti 4 trimestres d’AVPF ou d’AVA pour la RACL |
Source : commission des affaires sociales.
Indépendamment de la temporalité de leur entrée en vigueur, force est de constater que les mesures de la réforme des retraites ne permettront pas un retour à l’équilibre de la branche vieillesse à moyen terme. En effet, le déficit projeté pour l’année 2027 serait de 13,6 milliards d’euros en intégrant les 6,3 milliards d’euros d’économies induites par la réforme à cet horizon ([271]). Selon les projections du Conseil d’orientation des retraites, et sur l’ensemble du système de retraites, les déficits s’accroîtraient à long terme (– 0,5 % du PIB en 2048) ([272]).
● Le déficit de la branche vieillesse serait porté non seulement par le régime général (5,5 milliards d’euros en 2024 hors FSV) mais également par la CNRACL, dont la situation apparaît de plus en plus préoccupante.
La CNRACL gère le régime de retraite et d’invalidité des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Après avoir atteint 2,5 milliards d’euros en 2023, le déficit s’aggraverait en 2024 (3,6 milliards d’euros).
La dégradation tendancielle de la situation financière de la CNRACL résulte essentiellement d’évolutions démographiques défavorables. L’effectif cotisant stagne globalement en projection alors que le nombre de pensionnés croît rapidement, d’environ 3 % en moyenne par an. À cela s’ajoute le fait que, malgré les mesures salariales récentes – revalorisation de la valeur du point d’indice de 3,5 % au 1er juillet 2022 puis de 1,5 % au 1er juillet 2023 et relèvement forfaitaire des traitements de 5 points d’indice au 1er janvier 2024 –, le traitement moyen des affiliés à la CNRACL augmente légèrement moins vite que la pension moyenne des retraités du fait de l’indexation des pensions sur les prix. L’impact défavorable de l’évolution démographique n’est que très partiellement atténué par la baisse concomitante des charges de compensation.
Il en résulte une détérioration très marquée du déficit du régime, qui atteindrait – 9,8 milliards d’euros en 2028, une fois prises en compte les charges d’intérêt ([273]). Même si le plafond d’autorisation de recours à des ressources non permanentes de la CNRACL adopté en loi de financement est distinct de celui de l’Acoss ([274]), ses besoins de financement sont intégralement couverts par des emprunts souscrits par cette dernière.
C. Cette situation appelle des mesures visant À assurer le financement de la dette accumulÉe hors Cades et À rÉduire les dÉficits de la sÉcuritÉ sociale
Le redressement des comptes sociaux peut donc renvoyer alternativement ou cumulativement à l’amortissement d’une dette déjà constituée et à la résorption des déficits qui l’entretiennent. Concentrer ses efforts à l’amortissement de la dette sociale est vain si aucune mesure n’est prise pour équilibrer les comptes de la sécurité sociale. À l’inverse, plusieurs personnes auditionnées estiment qu’une relégation de l’amortissement de la dette déjà constituée au rang d’objectif secondaire, le cas échéant en modifiant l’affectation des ressources aujourd’hui confiées à la Cades au profit des régimes de sécurité sociale, présente le risque de fragiliser la position de la Caisse auprès de ses investisseurs. Il serait susceptible d’en résulter des difficultés de financement et un renchérissement du coût de la dette sociale.
Or, l’existence d’une dette sociale n’est pas simplement une anomalie résultant d’un déséquilibre dans les conditions de financement de la sécurité sociale qu’il conviendrait de rectifier pour des raisons purement théoriques ou conceptuelles. Elle est surtout le motif pour lequel 20 milliards d’euros de ressources publiques sont prélevés chaque année, essentiellement sur le revenu des ménages. L’amortissement de la dette sociale et le rétablissement de conditions permettant d’assurer un équilibre financier durable pour la sécurité sociale permettraient donc, selon les opinions et les préférences politiques, de restituer du pouvoir d’achat aux ménages par la suppression de la CRDS et d’une partie de la CSG ou d’utiliser ces ressources pour mieux couvrir les risques et en socialiser de nouveaux.
1. La réduction des déficits de la sécurité sociale permettrait de tarir la dette à sa source
a. L’Acoss n’est pas outillée pour assurer durablement le financement de déficits élevés
● L’accumulation des déficits est problématique puisqu’elle conduit l’Acoss à porter une dette importante dont elle assure le financement en complément de sa mission de gestion de la trésorerie des branches du régime général.
Dans son état des lieux du financement de la protection sociale publié en janvier 2024, le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) anticipait la constitution d’une dette sociale portée par l’Acoss (CNRACL comprise) de 70 milliards d’euros en 2027 ([275]). Lors de son audition en mars dernier, le président du HCFiPS a alerté les rapporteurs sur le fait que, compte tenu des dégradations attendues des comptes pour les années 2023 et 2024, ce montant serait plutôt de l’ordre de 90 milliards d’euros.
Comme cela a été évoqué précédemment dans ce rapport (cf. partie II), l’Acoss ne dispose pas des outils lui permettant d’assumer le financement d’un tel niveau de dette. Compte tenu de son exposition au risque de taux, inhérente aux caractéristiques des instruments financiers de court terme à sa disposition, le financement de cette dette se traduirait par des charges d’intérêt plus élevées et plus volatiles que si elle était confiée à la Cades. Les réflexions en cours sur l’allongement éventuel de la maturité maximale des titres que l’Acoss peut émettre sur les marchés financiers poursuivent l’objectif de desserrer la contrainte que cette limitation fait peser sur sa mission de gestion de la trésorerie. Pour utile qu’un tel allongement puisse être, il ne saurait lui donner à lui seul la capacité de refinancer une dette de plusieurs dizaines de milliards d’euros et encore moins de l’amortir. Supprimer toute contrainte en la matière reviendrait à changer la nature de la gestion de la dette sociale en permettant à l’Acoss de refinancer la dette à long terme.
De la même manière, l’accumulation de déficits sur le compte de l’Acoss entraînerait la nécessité de rehausser le niveau de plafond de recours à des ressources non permanentes à des niveaux jamais observés depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale. À horizon 2027, le déficit serait alors proche du plafond exceptionnel fixé à 95 milliards d’euros pour les exercices 2020 et 2021.
● Afin d’éviter que des déficits continuent d’alimenter la dette portée par l’Acoss, il convient donc de prendre des décisions pour rééquilibrer la situation financière de la sécurité sociale. L’objet du présent rapport n’est pas de se prononcer en faveur d’une ou plusieurs mesures mais plutôt de présenter différentes pistes qui ont été évoquées aux rapporteurs durant les auditions.
Lors de son audition, le président du HCFiPS a présenté deux scénarios alternatifs pour assurer le rétablissement des comptes sociaux, l’un portant sur l’augmentation des recettes, l’autre sur la diminution des dépenses. Avant d’exposer ces scénarios, les rapporteurs souhaitent formuler deux remarques préliminaires :
– d’une part, ces scénarios leur ont été présentés en mars, c’est-à-dire avant que les comptes de l’exercice 2023 ne soient définitivement arrêtés et que les prévisions pour 2024 ne soient affinées. Si des signaux laissaient alors déjà penser que le déficit pour 2023 serait plus élevé que celui inscrit dans la trajectoire financière de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, l’ampleur de la dégradation du déficit pour 2024 n’était pas connue ;
– d’autre part, ces deux scénarios sont présentés comme étant alternatifs : tandis que le premier scénario n’envisage qu’une augmentation des recettes sans toucher aux dépenses, le second porte uniquement sur une baisse des dépenses sans hausse concomitante des recettes. Entre ces deux hypothèses maximalistes, des voies intermédiaires sont envisageables qui jouent sur les deux leviers en même temps.
b. Scénario n° 1 : une augmentation des recettes de CSG ou de cotisations
Le premier scénario de rétablissement des comptes porte sur une augmentation des recettes de la sécurité sociale qui passerait, selon les préférences politiques, par le biais de cotisations, d’impôts ou de taxes. En partant de l’hypothèse selon laquelle le déficit pour l’exercice 2025 serait plus élevé de 4 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la loi de financement pour 2024 (soit environ 19 milliards d’euros), et compte tenu du fait qu’une hausse d’un point de CSG entraîne un rendement de 17,5 milliards d’euros de recettes en plus en 2024 ([276]), le HCFiPS a calculé que le rétablissement des comptes pourrait s’effectuer, dès 2025, par une augmentation de 1,05 point de l’ensemble des taux de CSG. Comme les rapporteurs l’ont évoqué précédemment, les dernières prévisions pour l’année 2024 issues du rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale laissent toutefois penser que le déficit pour 2025 serait proche, hors mesures nouvelles, de 25 milliards d’euros. Si ces prévisions s’avéraient justes, la hausse de CSG nécessaire pour assurer un équilibrage des comptes serait donc supérieure.
À titre de comparaison, s’il était décidé de combler le déficit des branches de la sécurité sociale uniquement par le biais d’une hausse des cotisations, il conviendrait alors d’augmenter les taux de cotisations des assurés du régime général d’assurance maladie et du régime d’assurance vieillesse de plusieurs points.
Valeurs d’un point de CSG en fonction de l’assiette
|
2023 |
2024 (p) |
Activité |
11 380 |
11 740 |
Remplacement |
3 580 |
3 770 |
Capital |
1 810 |
1 880 |
dont patrimoine |
780 |
840 |
dont placement |
1 030 |
1 040 |
Jeux |
100 |
100 |
Total |
16 870 |
17 490 |
Source : DSS/SDEPF/6A.
Valeurs d’un point de cotisation des actifs des rÉgimes de base (2023)
Secteur privé |
7 030 |
Secteur public |
1 550 |
Travailleurs indépendants |
1 010 |
Salariés agricoles |
170 |
Exploitants agricoles |
90 |
Particuliers employeurs |
120 |
Autres actifs |
110 |
Total |
10 080 |
Source : DSS/SDEPF/6A.
Note : ces estimations prennent pour hypothèse la compensation intégrale à la sécurité sociale de la hausse du montant des exonérations compensées induite par la hausse des taux de cotisations (y compris les allégements généraux sur les bas salaires).
Interrogée par les rapporteurs, la Cnav a indiqué que le relèvement d’un point du taux de cotisation déplafonnée au 1er janvier 2025 générerait une hausse des ressources du régime général d’environ 7,4 milliards d’euros. Le rendement serait de 6,2 milliards d’euros en cas de hausse d’un point du taux de cotisation plafonnée. Le rendement d’une hausse d’un point de cotisation déplafonnée serait assis pour 30 % sur les 10 % de salaires les plus élevés. Les 20 % de personnes ayant les salaires les plus faibles ne verseraient pas de cotisations supplémentaires, ce point de cotisation étant supposé exonéré dans le cadre des allégements de cotisations sur les bas salaires.
Dans l’hypothèse d’une hausse d’un point de cotisation plafonnée, la contribution du dernier décile au rendement de la mesure serait fortement réduite (16 %) et les troisième à neuvième déciles seraient proportionnellement davantage mis à contribution.
RÉpartition par dÉcile de salaire du rendement d’une hausse d’un point du taux de cotisation d’assurance vieillesse au rÉgime gÉnÉral
Source : Cnav.
Note : le salaire considéré ici est le salaire déplafonné des travailleurs salariés. Le rendement comprend les allégements sur les bas salaires mais ne prend pas en compte le rendement lié aux prises en charges de cotisations par d’autres branches qui se caractériseraient par des dépenses supplémentaires, notamment pour les branches famille (prise en charge des cotisations des personnes bénéficiant de l’assurance vieillesse des parents au foyer) ou maladie (prise en charge des cotisations portant sur les indemnités journalières maladie).
● S’agissant de la situation particulière de la CNRACL, la Caisse des dépôts et consignations a estimé à 1,2 milliard d’euros l’impact financier du relèvement d’un point des taux de cotisations au régime en 2024 (600 millions d’euros pour le taux de cotisation employeur et 600 millions d’euros pour le taux de la retenue sur les traitements, l’équivalent des cotisations salariales) ([277]). Un rééquilibrage du régime dès 2024 aurait donc nécessité une augmentation des deux taux de cotisations de 3 points supplémentaires ([278]). Compte tenu des perspectives démographiques, le maintien de l’équilibre sur le long terme impliquerait toutefois des augmentations successives des taux de cotisation dans les prochaines années.
Indépendamment des questions liées aux recettes du régime, l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale de l’administration se sont vu confier une mission portant sur la situation financière de la CNRACL et proposant des solutions permettant d’équilibrer le régime. Les conclusions de cette mission ont été publiées moins d’une semaine avant la présentation du présent rapport ([279]). Les pistes avancées par les inspections comprennent à la fois des mesures en recettes – par exemple une hausse progressive de la contribution employeur et la création d’une taxe sur la masse salariale des agents contractuels affectée au régime pour limiter l’effet de substitution des emplois publics par le recrutement de contractuels – mais également des mesures plus structurelles telles que la réforme du mécanisme de compensation démographique entre régimes de retraite ou l’alignement des règles de financement de certains avantages non contributifs sur celles applicables pour les autres régimes de retraite ([280]). Elle recommande en outre de prévoir une reprise de la dette de la CNRACL par la Cades ou, s’agissant d’un régime de fonctionnaires, par l’État.
c. Scénario n° 2 : une baisse des dépenses d’assurance maladie
● Sous l’hypothèse d’un redressement des comptes de la sécurité sociale qui passerait uniquement par une maîtrise des dépenses, et sous les mêmes conjectures de déficit que celles retenues pour le premier scénario, le HCFiPS estime que le rétablissement des comptes serait envisageable sur plusieurs années en maintenant le taux d’évolution de l’Ondam à 1 % par an entre 2025 et 2028. Cela correspond à une diminution d’environ 2 points par an de la prévision d’évolution de l’Ondam projetée dans les documents annexés à la loi de financement pour 2024. C’est un effort considérable puisque le taux d’évolution annuelle de l’Ondam a toujours été supérieur à 2 %, à l’exception notable de l’année 2016 où il atteignit son point bas à 1,8 %.
À titre d’illustration, un tel effort nécessiterait de trouver des économies dans le champ de l’Ondam de l’ordre de 5,1 milliards d’euros dès 2025, de 10,1 milliards d’euros d’ici 2026, de 15,4 milliards d’euros en 2027 et de 20,8 milliards d’euros à horizon 2028 ([281]).
Économies À rÉaliser dans le champ de l’ondam pour assurer l’Équilibre des comptes en 2028 selon le HCFiPS
(en milliards d’euros)
|
2023 |
2024 (p) |
2025 (p) |
2026 (p) |
2 027 (p) |
2028 (p) |
Ondam (LFSS 2024) (*) (1) |
247,8 |
254,9 |
262,5 |
270,2 |
278,0 |
286,1 |
Taux d’évolution |
4,8 % |
2,9 % |
3 % |
2,9 % |
2,9 % |
2,9 % |
Ondam (1 %) (2) |
247,8 |
254,9 |
257,4 |
260,0 |
262,6 |
265,2 |
Économies à réaliser (1-2) |
0,0 |
0,0 |
5,1 |
10,1 |
15,4 |
20,8 |
Source : commission des affaires sociales.
Note : afin d’atteindre un niveau d’Ondam compatible avec la résorption des déficits des Robss en 2028, il serait nécessaire de trouver 20,8 milliards d’euros d’économies sur le champ de l’Ondam au cours de la période 2025 à 2028.
(*) Il est fait l’hypothèse que l’Ondam pour 2024 serait conforme à l’objectif voté en LFSS 2024. Les montants projetés pour les années 2025 à 2027 sont obtenus en appliquant au montant de l’exercice 2024 puis aux montants projetés de chaque exercice suivant les taux d’évolution de l’Ondam hors dépenses de crise tels qu’ils figurent à l’annexe A de la LFSS 2024. Pour l’année 2028, il est fait l’hypothèse que le taux d’évolution tendanciel serait identique à ceux constatés en 2026 et 2027, soit 2,9 %.
La réduction des déficits s’effectuerait ainsi sur un horizon de quatre ans, avec comme conséquence la poursuite de l’accroissement de la dette durant cette période. Selon le HCFiPS, une telle option conduirait ainsi à accroître de 30 milliards d’euros la dette portée par l’Acoss à horizon 2028.
2. Faut-il prévoir une reprise de dette par la Cades pour amortir les déficits accumulés qui ne rentrent pas dans le champ des lois du 7 août 2020 ?
● Dans les deux scénarios esquissés par le HCFiPS, la résorption des déficits n’intervient au plus tôt qu’en 2025. L’exercice 2024 se terminerait donc avec un déficit d’environ 16,6 milliards d’euros qui s’ajouterait, dans les comptes de l’Acoss, aux 7 milliards d’euros de dette du régime général ainsi qu’aux 10,6 milliards d’euros représentant la dette cumulée de la CNRACL sur les exercices 2020 à 2024.
Ainsi, même sous l’hypothèse d’un retour à l’équilibre dès 2025, l’Acoss serait conduite à devoir financer une dette d’un montant d’environ 34,5 milliards d’euros qui n’entre dans aucun programme de reprise par la Cades.
Selon la Cour des comptes et le HCFiPS, cette situation appelle à considérer une éventuelle reprise supplémentaire de dette par la Cades.
● Les estimations du dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale font apparaître la possibilité d’un amortissement définitif de la dette actuellement portée par la Cades dès 2032, soit un an avant la date de son extinction fixée par l’article 4 bis de l’ordonnance n° 96‑50 précitée. Par conséquent, il serait envisageable de transférer un montant de dette supplémentaire à la Cades correspondant à sa capacité d’amortissement sur un an sans qu’il soit nécessaire d’allonger sa durée de vie. Le HCFiPS estime qu’à horizon 2033, la Cades pourrait être en capacité d’amortir environ 27 milliards d’euros par an compte tenu de la dynamique des recettes qui lui sont affectées ([282]).
Tout transfert excédant cette limite devrait donc s’accompagner :
– soit d’une augmentation des recettes affectées à la Cades, qui peut être effectuée par une loi ordinaire ou à l’occasion d’une loi de financement. Dans le cas du premier scénario, le HCFiPS estimait le montant de recettes supplémentaires à affecter à la Cades à environ 3 milliards d’euros d’ici à 2033 avec un déficit cumulé attendu à 30 milliards d’euros fin 2024. Compte tenu du fait que les déficits cumulés pourraient finalement atteindre un montant plus élevé (34,5 milliards d’euros), le montant de recettes à affecter à la Cades devrait donc être rehaussé à 6 milliards d’euros. Sous l’hypothèse d’un redressement uniquement par les dépenses, le HCFiPS recommandait alors d’augmenter les recettes de la Cades de 6 milliards d’euros dès 2025 puis de 6 milliards d’euros supplémentaires en 2029. De la même manière, ces montants devraient probablement être plus élevés compte tenu de la situation financière réelle ;
– soit d’une prolongation de sa durée de vie, ce qui implique l’adoption d’une loi organique. À titre d’exemple, le transfert d’un montant de 34 milliards d’euros de dette à la Cades à périmètre de recettes constant pourrait être amorti d’ici à 2035.
Dans son rapport de janvier 2022 pour des finances sociales soutenables adaptées aux nouveaux défis ([283]), le HCFiPS proposait de privilégier le rééquilibrage des comptes courants de la sécurité sociale plutôt que le remboursement de la dette. Dans cette optique, il recommande plusieurs approches différentes :
– une distinction de la dette « covid » et de la dette « hors covid », soit pour que deux schémas d’amortissement différenciés soient mis en œuvre par la Cades, soit pour que la première soit transférée à l’État afin d’être amortie selon les mêmes modalités que celles mises en œuvre pour la dette « covid » de l’État ;
– un report de l’horizon d’amortissement de la dette sociale et de la date d’extinction de la Cades permettant de réaffecter une partie de ses ressources aux régimes de sécurité sociale. Il serait ainsi envisageable de transférer à la Cnam les 0,48 point de CSG dont bénéficie la Cades afin de réduire le déficit de l’assurance maladie. Selon la Cades elle‑même et la direction de la sécurité sociale, une telle option pourrait toutefois avoir des conséquences sur la qualité de signature de la caisse et complexifier ses opérations de refinancement de la dette reprise.
*
* *
● Quelles que soient les solutions envisagées en matière de rééquilibrage des comptes sociaux, et dès lors qu’il est décidé de respecter le choix fait en 1996 d’un cantonnement de la dette sociale et de son amortissement via l’action d’un organisme ad hoc auquel sont transférées des recettes spécifiquement consacrées à cette mission, il appartiendra au législateur de se prononcer sur une éventuelle reprise de dette par la Cades. Plus largement, c’est au Parlement que se décidera l’avenir de ce modèle de gestion de la dette sociale si particulier à la France.
En effet, comme l’ont évoqué plusieurs experts auditionnés par les rapporteurs ([284]), ailleurs dans le monde, la dette sociale n’est pas l’objet de débats aussi nourris qu’en France. S’il faut y voir la résultante des choix institutionnels et de gouvernance bien particuliers du système de sécurité sociale en France qui conduisent à rendre visible cet objet politique, financier et social, les rapporteurs y lisent également le profond intérêt et l’attachement réel que portent les Français à leur modèle social.
● À plus long terme, plusieurs perspectives sur l’avenir de la gouvernance des finances sociales ont été esquissées lors des travaux menés par les rapporteurs :
– l’élargissement du champ des lois de financement de la sécurité sociale à l’ensemble des dépenses de protection sociale, y compris celles mises en place par l’État et les collectivités territoriales. Une telle démarche s’inscrirait dans la continuité du choix fait par le Parlement lors de la dernière révision du cadre organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale puisque ces dernières comportent désormais une annexe portant sur la situation financière du régime d’assurance chômage et des régimes de retraite complémentaires ([285]) et que leur domaine facultatif s’étend également aux dispositions ayant un effet sur la dette des hôpitaux et certains établissements médico‑sociaux financés par les Robss lorsqu’elles modifient les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale ([286]) ;
– la mise en place de nouvelles institutions de gouvernance, notamment consacrées à la réconciliation des enjeux de court, de moyen et de long terme. M. Benjamin Ferras proposait ainsi la création d’une « agence de l’avenir social » qui pourrait être chargée de coordonner les actions de mise en réserves, de gestion de la trésorerie, de transfert de dette et de son amortissement. Dans son rapport de janvier 2022, le HCFiPS proposait la création d’une agence pour la soutenabilité financière de la sécurité sociale qui assumerait les missions actuelles de la Cades (gérer les dettes) et du FRR (gérer les réserves) en fonction des cycles économiques et de la situation patrimoniale de la sécurité sociale.
Bien qu’elles excèdent le champ et l’ambition du présent rapport, elles constituent d’intéressantes pistes de réflexion dont il appartiendra à la représentation nationale de se saisir.
–– 1 ––
Dans sa séance du 2 octobre 2024, la commission des affaires sociales examine le rapport d’information de M. Hadrien Clouet et Mme Stéphanie Rist sur la gestion de la dette sociale.
Mme Annie Vidal, présidente. Nous en venons à notre ordre du jour. Sous la précédente législature, la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) avait décidé de consacrer une évaluation structurante à la gestion de la dette sociale. À la suite de la dissolution, nous avons décidé, dès juillet, de perpétuer ces travaux sous la forme d’une mission d’information de la commission. À quelques jours du débat annoncé dans l’hémicycle sur la dette publique puis de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), il est plus que jamais pertinent que notre commission dispose de solides éléments sur cette question.
M. Hadrien Clouet, rapporteur. Le terme « dette sociale » est récent dans nos débats puisqu’il n’apparaît pas avant les années 1990. Il est depuis devenu incontournable d’autant qu’il dispose d’un véhicule spécifique : la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), qui était censée disparaître il y a une quinzaine d’années.
L’imprécision de ce terme et l’étonnante persistance d’un organisme temporaire ont attiré l’attention de la Mecss, tant sur les principes d’un tel organisme que sur ses modalités techniques de fonctionnement.
Le présent rapport porte sur un sujet d’intérêt public. Il nous a semblé important de restituer les appréciations diverses et parfois contradictoires que suscite la Cades, dont la création constitue une rupture dans l’histoire de la sécurité sociale. Celle-ci engage des dépenses visant à dissiper l’insécurité du lendemain en couvrant un ensemble de risques, mais également en finançant des plans d’investissement dans la santé et des plans de prévention au travail. Ces dépenses nécessitent des recettes.
Que faire lorsqu’il existe un décalage entre recettes et dépenses ? S’il s’agit d’un excédent, comme en 2001, l’argent est provisionné. S’il y a un déficit, il faut lever des fonds pour assurer la continuité des droits garantis à la population. Jusqu’aux années 1990, une option existait : l’augmentation des taux de cotisations et l’emprunt auprès du crédit public, notamment la Caisse des dépôts et consignations. En conséquence, il n’y avait pas d’encours de dette. La rupture intervient avec la crise économique de 1993, qui entraîne un effondrement du volume des cotisations sociales. La sécurité sociale s’endette à hauteur de 17 milliards d’euros. Certains gestionnaires, à l’époque, accusent les charges indues et exonérations non compensées d’être exclusivement responsables de ce déficit.
Le Premier ministre de l’époque, Alain Juppé, fait adopter une nouvelle méthode de gestion des déficits de la sécurité sociale : le cantonnement. Cette méthode, qui n’est pas inédite, consiste à transformer des déficits annuels en une dette confiée à une institution dédiée à son refinancement, à sa renégociation et à son apurement. Il s’agit d’un établissement public administratif distinct de l’État : la Caisse d’amortissement de la dette sociale.
La durée de vie de cette institution, initialement fixée à treize ans, a été prolongée et ses missions se développées. Outre la dette de la sécurité sociale, elle reçoit de multiples nouveaux engagements à rembourser, ce qui repousse d’autant sa date d’expiration. Opérationnellement, la Cades émet des titres à moyen et à long terme sur les marchés financiers à un taux excédant légèrement celui de l’État.
Mais là s’arrête la comparaison avec la dette publique. La dette sociale ne roule pas : elle est amortie. Elle fonctionne de manière radicalement différente de la dette publique d’État, les intérêts et le principal étant remboursés dans une durée limitée, avec une recette exclusivement dédiée.
Au-delà de cette distinction technique, l’opération poursuit un but symbolique, voire disciplinaire : singulariser cette dette par rapport aux autres pour en visibiliser le besoin de remboursement, par opposition à d’autres solutions comme l’effacement ou la dilution par roulement. Il s’agit donc de donner à voir un engagement financier en le comptant à part et de mettre à contribution les personnes censées être concernées par les déséquilibres initiaux. Elles sont ainsi confrontées à une expression comptable de ce que certains ont appelé le « trou de la sécu ». Cette expression contestable signifierait l’existence de déficits à caractère presque permanent, nécessitant d’agir sur les dépenses. D’autres soulignent que cette métaphore est abusive puisque les revenus ne disparaissent pas dans un trou : ils sont toujours distribués auprès des populations.
Ainsi, selon le représentant de la Cades, le choix vertueux d’amortir la dette sociale avait une dimension pédagogique que n’aurait pas eu la consolidation de la dette avec celle de l’État. Les représentants des organisations syndicales ont contesté cette vision, qu’ils estiment un faux-semblant : quand un salarié paie sa part salariale, la taxe sur la valeur ajoutée et les exonérations de cotisations dont bénéficient les employeurs, partiellement compensés par l’État, il rembourse trois fois la dette sociale.
Les missions de la Cades n’ont cessé de croître, tout comme les ressources affectées. Concrètement, on passe de 4 milliards d’euros affectés en 1996 à un peu plus de 20 milliards d’euros aujourd’hui.
Pour éteindre la dette en empruntant, la Cades bénéficie d’une série de ressources propres. En 1996, un impôt spécifique est créé : la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), au taux de 0,5 % sur l’ensemble des revenus, prestations sociales comprises. S’y ajoute à partir de 2009 une fraction de 0,2 point de la contribution sociale généralisée (CSG), qui bénéficiait auparavant au Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Entre 2011 et 2024, de nouvelles évolutions du taux sont intervenues pour augmenter les ressources de la Cades.
Le bilan comptable de cette caisse est contradictoire. D’un côté, la mission qui lui est allouée est remplie : elle place des titres facilement sur le marché, qui sont demandés par des créanciers privés, et elle respecte ainsi son mandat de cantonner la dette sociale en substituant des financements à long ou à moyen terme à des financements à court terme, contenant ainsi les taux tout en réduisant le risque de liquidité.
D’un autre côté, l’ensemble des revenus qu’elle a versés en commissions bancaires et en intérêts depuis 1996 représente 75 milliards d’euros. Rémunérer la finance coûte 3 milliards d’euros par an à la sécurité sociale en simples frais financiers. De plus, un mystère demeure : on sait qui alimente la Cades par le biais des impôts et ressources affectés, mais on ne connaît toujours pas le profil de ses bénéficiaires, qui touchent les intérêts susmentionnés.
Nous portons chacun un regard différent sur le recours au marché financier pour cantonner une dette issue de déficits cumulés de la sécurité sociale. Se pose dès lors une deuxième interrogation, que présentera ma collègue Stéphanie Rist : celle de la nature des dépenses qui ont été intégrées à la dette sociale.
Mme Stéphanie Rist, rapporteure. Les deux premières parties du rapport portent sur l’historique et la définition de la dette sociale, ainsi que sur les modalités de sa gestion. Une fois ce panorama brossé, nous nous sommes intéressés à la question de l’actualité de la dette sociale à travers l’évaluation du programme de reprise voté dans les lois du 7 août 2020 et aux conséquences de la situation financière actuelle de la sécurité sociale, marquée par d’importants déficits.
Avant la pandémie de covid-19, le terme de l’amortissement de la dette sociale, fixé à 2024, était en passe d’être respecté. L’exécution du dernier programme de reprise de dette, engagée en 2010, permettait d’envisager la disparition de la caisse et l’éventuelle réaffectation de ses ressources. Les comptes sociaux s’étaient progressivement redressés, à tel point que le déficit de la sécurité sociale n’était plus que de 1,7 milliard d’euros en 2019. La crise sanitaire a brutalement mis fin à cette embellie. Les surcoûts et les pertes de recettes directement liés à la pandémie se sont élevés à 90 milliards d’euros entre 2020 et 2023. L’essentiel de ce montant, soit environ 50 milliards d’euros, correspond à des dépenses supplémentaires dans le champ de l’assurance maladie, le reliquat étant principalement constitué de pertes de recettes.
Il est apparu dès mars 2020 que l’effet ciseau des pertes de recettes et des hausses de dépenses remettait en question la capacité de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) à répondre aux besoins de financement à court terme de la sécurité sociale. Au début du mois d’avril, l’Acoss ne fut pas en mesure d’obtenir des marchés l’ensemble des financements sollicités auprès d’eux. Cette situation inédite laissait craindre que le service des prestations ne puisse plus être assuré par les circuits financiers habituels. C’est pourquoi le gouvernement de l’époque a décidé d’organiser une nouvelle reprise de dette par la Cades afin de soulager la trésorerie de l’Acoss et de lui permettre de respecter ses engagements envers les branches.
Les deux projets de loi examinés par le Parlement entre mai et août 2020 prévoyaient tout d’abord de transférer à la Cades la dette de l’assurance maladie, du fonds de solidarité vieillesse, de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles et de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), constituée jusqu’à la fin de l’année 2019, soit avant le déclenchement de la crise sanitaire, pour un montant total de 31 milliards d’euros. Ils permettaient ensuite de couvrir les déficits prévisionnels du régime général et du FSV pour les années 2020 à 2023, dans la limite de 92 milliards d’euros.
Enfin, le même plan de reprise prononçait le transfert à la Cades d’un tiers de la dette des établissements assurant le service public hospitalier, soit 13 milliards d’euros. La mise en œuvre de ce programme impliquait de reporter le terme de l’amortissement de la dette sociale à la fin de l’année 2033 au plus tard, ce qu’autorisa la loi du 7 août 2020. D’un même mouvement, la Cades s’est vu privée d’une partie de ses ressources, une fraction de la part de CSG dont elle était affectataire étant consacrée au financement de la cinquième branche à partir de 2024, tandis que le montant du versement annuel qu’elle recevait du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) a été réduit de 2,1 milliards d’euros à 1,45 milliard d’euros à compter de 2025.
Nos auditions nous ont permis de mesurer combien la décision de rouvrir la Cades afin de couvrir les déficits exceptionnels liés à la crise avait été prise dans l’urgence, s’imposant comme une évidence au gouvernement de l’époque. Elle n’en a pas moins suscité des débats qui demeurent vifs. Certains observateurs ont estimé que, la gestion de la crise sanitaire ayant été assurée par l’État, la dette qui en résultait aurait dû lui être transférée. On peut cependant leur objecter que la gestion financière de la sécurité sociale relève de la compétence du Gouvernement et du législateur, qui l’exercent en particulier lors de l’examen des lois de financement de la sécurité sociale. Il semblait donc difficile d’isoler la dette liée au covid du reste de la dette sociale au seul motif que la lutte contre la pandémie avait été conduite par l’État.
Il est aussi important de relever que la dette liée au covid n’est pas clairement distinguée du reste de la dette sociale reprise par la caisse. Elle ne fait pas non plus l’objet d’un traitement spécifique, notamment en ce qui concerne la durée de son amortissement. À l’inverse, la part de la dette liée au covid portée par l’État est retracée au sein d’un programme budgétaire spécifique qui isole comptablement ces passifs du reste de la dette publique.
D’autres commentateurs ont mis en lumière l’élargissement de la dette sociale à de nouvelles catégories de passifs. Il est ainsi légitime de rappeler que la dette des hôpitaux résultait, pour l’essentiel, de dépenses d’investissements, et non de dépenses de prestations.
Selon nos calculs, il reste 7 milliards d’euros de dette non couverts par le programme de reprise. Ces déficits pèsent sur la trésorerie de l’Acoss dans un contexte où ses besoins de financement sont appelés à augmenter du fait de la situation financière dégradée de la sécurité sociale. Selon les dernières prévisions présentées à la Commission des comptes de la sécurité sociale, le déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du FSV s’établirait à 16,6 milliards d’euros en 2024. Ce montant est sensiblement supérieur aux prévisions indiquées en annexe de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, qui anticipait un déficit de 10,5 milliards d’euros.
Les déficits de la sécurité sociale pourraient donc atteindre, dès 2025, un montant supérieur à la capacité d’amortissement de la dette par la Cades. La présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes a qualifié cette situation d’impasse de financement, dans la mesure où la dette s’accroîtrait en valeur absolue malgré l’action de la Cades.
Le constat est connu. Deux branches portent spécifiquement les déficits de la sécurité sociale : la branche maladie et la branche vieillesse. Le déficit de l’assurance maladie s’est élevé à 11,1 milliards d’euros en 2023. Il se stabiliserait autour de ce niveau en 2024. S’agissant de l’assurance vieillesse, les déficits seraient portés à la fois par le régime général, malgré la réforme des retraites, mais également par la CNRACL, dont le déficit pour 2023 s’est élevé à 2,5 milliards d’euros et s’aggraverait à 3,6 milliards d’euros dès 2024. Or, les besoins de financement de la CNRACL sont intégralement couverts par les emprunts souscrits par l’Acoss.
La gestion de la dette sociale implique donc certes d’amortir la dette déjà constituée, mais également d’éviter qu’elle ne se recompose en accumulant des déficits non maîtrisés. Notre rapport se conclut donc par deux pistes d’équilibrage des comptes sociaux : hausse des recettes et maîtrise des dépenses. Naturellement, on peut combiner les deux. Par ailleurs, les hypothèses de déficit pourraient être modifiées lors de la présentation du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale ; il faudrait alors affiner les projections.
Redresser les comptes sociaux dès 2025 par une hausse des recettes nécessiterait d’augmenter tous les taux de CSG de plus de 1 point ou de relever de plusieurs points les cotisations vieillesse et d’assurance maladie. Pour y parvenir par la seule maîtrise des dépenses, le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) estime qu’il faudrait plusieurs années, en maintenant à 1 % l’augmentation annuelle de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) de 2025 à 2028. Selon nos calculs, cela reviendrait à un effort de 21 milliards d’euros d’économies à l’horizon 2028 par rapport aux prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
Dans les deux cas, la résorption des déficits n’interviendrait qu’en 2025. Il faut donc s’interroger sur la reprise des déficits non couverts des exercices 2023 et 2024 et de la dette cumulée de la CNRACL entre 2020 et 2024, soit quelque 34 milliards d’euros. Or, les dernières prévisions présentées à la Commission des comptes de la sécurité sociale montrent que la Cades pourrait amortir la dette dès 2032, soit un an avant la date officielle de son extinction. Il serait donc possible de lui transférer une part de dette supplémentaire, à hauteur de sa capacité d’amortissement sur un an, sans allonger sa durée de vie. Selon le HCFiPS, cette capacité s’élèverait à 27 milliards d’euros en 2033. Toute reprise excédant cette somme devrait s’accompagner d’une augmentation des recettes affectées à la Cades ou d’un report de sa date d’extinction, donc de l’adoption d’une loi organique.
Nous nous sommes bornés à présenter des pistes de solution pour alimenter le débat. Il ne vous aura pas échappé que nos opinions divergent sensiblement.
M. le rapporteur. « Lorsque la Cades a été créée, j’exerçais le métier d’assureur. J’avais alors interdit l’achat de titres de la Cades, considérant que la sécurité sociale ne devait pas être financée ainsi. » Ces propos ont été tenus par M. Patrice Ract Madoux, président de la Cades, devant la représentation nationale. Je suis d’accord : l’ordonnance de création de la Caisse acte le renoncement de la puissance publique à augmenter les cotisations pour couvrir les dépenses utiles à la sécurité sociale. On a privé cette dernière des ressources nécessaires et on a construit à la place une dette sociale, favorisant l’accumulation de déficits ensuite transférés à une caisse spécifique et remboursés d’une manière injuste, en pesant davantage sur les petits revenus que sur les grandes fortunes. Cela entraîne les frais exorbitants de commission et de remboursement déjà cités – 75 milliards d’euros d’intérêts. Tout ce qui est mis dans le remboursement de la dette ne peut pas l’être dans le financement des prestations. Or, il faudrait allouer plus de ressources au financement de la branche maladie.
La création de la Cades marque une bifurcation. Le circuit socialisé, qui va des cotisations aux subventions, a fait la preuve de son efficacité – le maillage hospitalier le montre. Mais il a été grignoté par le circuit de reproduction capitalistique conduisant du crédit au remboursement, dont la Cades est le symbole.
Que peut-on faire ? Premièrement, on peut accroître les ressources de la sécurité sociale afin d’éviter les déficits plutôt que d’inventer des impôts injustes pour les éponger après coup. Les sommes perçues au titre de la CRDS mériteraient d’être directement réinjectées dans la sécurité sociale. Il existe des marges de manœuvre ; par exemple, depuis 2017, à cause de la compression salariale, la part de la rémunération du travail dans la valeur ajoutée a reculé de deux points, soit 28 milliards d’euros par an. Les exemptions d’assiette afférentes que constituent les revenus non salariaux, comme les « primes Macron », coûtent près de 10 milliards d’euros par an aux comptes de la sécurité sociale.
Deuxièmement, le rachat et la réintégration des engagements de la Cades dans le budget de l’État devraient constituer une priorité. Il faut démarrer en soldant l’opération douteuse de la dette liée au covid, qui a consisté à faire payer à la sécurité sociale la facture du chômage partiel et des congés parentaux décidés par l’État. La France est la seule à avoir fait ce choix. Un tel mouvement permettrait de faire rouler la dette plutôt que de sabrer dans les comptes sociaux au nom d’un hypothétique remboursement du principal à court terme.
Troisièmement, si l’on veut favoriser l’extinction de la Cades, il faut limiter ses ressources. Chaque année, plus de 20 milliards d’euros lui sont alloués, soit le double du déficit annuel de la sécurité sociale. Pour rester mesuré, on pourrait ne lui affecter que la CRDS et ramener à la sécurité sociale la fraction de la CSG et les versements du FRR qui lui reviennent. Ils ne sont pas efficacement utilisés : il y aurait de quoi rééquilibrer les comptes en quelques années. Un financement ainsi étalé pourrait reposer enfin sur une fiscalité progressive, qui mettrait à contribution grandes fortunes et superprofits – pardon, bénéfices exceptionnels –, plutôt que des impôts qui pèsent sur l’allocation de rentrée scolaire ou sur l’aide personnalisée au logement.
Puisque la Cades est un outil de financiarisation de la sécurité sociale, on peut lire le présent rapport comme un plaidoyer pour le retour à une sécurité sociale intégrale, autonome en matière de ressources, reposant sur le salaire des travailleurs qui en seraient les gestionnaires.
Mme la rapporteure. Nous avons mené un travail très riche. J’en tire trois conclusions. Il ne faut pas remettre en cause le choix fait en 1996 de distinguer la dette sociale du reste de la dette publique, et de prévoir son amortissement à moyen terme par un organisme dédié, la Cades. Le mécanisme est vertueux et c’est une question de justice pour les générations futures à qui nous ne devons pas transmettre la responsabilité d’éponger une dette constituée par des déficits courants, dont elles ne bénéficient pas.
La Cades et l’Acoss remplissent leur mission avec professionnalisme et efficacité. Tous les acteurs reconnaissent la qualité de leur signature. La facilité avec laquelle ils lèvent des fonds en témoigne. L’écart des taux qui leur sont consentis avec ceux dont bénéficie l’État est très faible, de sorte que le léger surcroît d’intérêts est peu significatif au regard des avantages de la souplesse d’une possible émission de titres en dehors du refinancement de la dette de l’État.
Il serait vain d’organiser l’amortissement de la dette sociale sans réduire les déficits qui l’alimentent. Je suis convaincue que nous devons d’abord consacrer nos efforts à réduire les dépenses et à améliorer leur efficacité, sans omettre de réfléchir aux recettes sociales. J’ai évoqué les causes structurelles du déficit de la sécurité sociale. Il convient d’y apporter des réponses elles aussi structurelles. Ces derniers mois, de nombreuses idées ont été versées au débat pour diminuer les dépenses : lutter contre les arrêts maladie non justifiés, limiter le volume de médicaments consommés, améliorer la pertinence des actes, etc. Ces efforts doivent être partagés par tous.
S’agissant des recettes, un consensus émerge pour faire évoluer certains allégements généraux, tout en préservant leurs effets bénéfiques sur l’emploi. Ces réflexions animeront nos débats lors de l’examen du PLFSS à venir, qui sera également l’occasion de réfléchir aux moyens de l’Acoss pour gérer au quotidien la trésorerie de la sécurité sociale. À plus long terme, renforcer la prévention est un levier pour améliorer la santé tout en réalisant des économies considérables. Nous devons continuer.
Quelles que soient nos convictions politiques, la question de l’avenir de la dette sociale est centrale. Seule une approche responsable, donc des efforts partagés par tous, pourra sauver notre modèle social. Je forme le vœu que nos travaux puissent alimenter utilement les réflexions et les débats que nous aurons dès cet automne.
Mme Annie Vidal, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. René Lioret (RN). La dernière mission d’information consacrée à la gestion de la dette sociale datait de 2006. Elle faisait déjà état de deux problèmes majeurs : la multiplicité des facettes de la dette sociale et la méconnaissance de plusieurs de ses composantes. Dix-huit ans plus tard, votre rapport, que je salue, est plus alarmant encore. Outre les reports successifs de l’amortissement – prévu en 2009, repoussé en 2014, puis en 2024, maintenant en 2033 –, il révèle la dégradation de la situation financière. Vous parlez de près de 11 milliards d’euros de déficit en 2023 et 16,6 milliards d’euros en 2024, soit 6,5 milliards d’euros de plus que prévu. Pire encore, selon les prévisions citées dans le rapport, il atteindrait 25 milliards d’euros en 2025, enfermant la Cades dans une impasse.
De plus, le HCFiPS souligne que la dette supportée par l’Acoss, que les prévisions estimaient à 70 milliards d’euros en 2027, se montera plutôt à 90 milliards d’euros alors qu’elle n’est pas outillée pour financer durablement des déficits aussi élevés.
Deux scénarios sont envisagés : augmenter les recettes de la CSG ou des cotisations, ce qui passe par une hausse des contributions obligatoires, ou diminuer les dépenses de l’assurance maladie en plafonnant à 1 % l’augmentation de l’Ondam de 2025 à 2028, quand bien même cela semble impossible, parce que jamais réalisé et parce que cette hausse serait inférieure de deux points aux prévisions initiales. En résumé, vous proposez plus d’impôts ou moins de services, à l’encontre des attentes de nos concitoyens.
Notre dette sociale est abyssale et ne saurait s’amplifier indéfiniment. Ne peut-on explorer d’autres pistes, comme la lutte contre la fraude sociale, grande absente de votre rapport ? Elle coûte des milliards d’euros aux honnêtes citoyens.
Mme Brigitte Liso (EPR). Je remercie les rapporteurs pour la qualité de ce travail. Je me réjouis que l’examen du rapport intervienne à la veille de la période budgétaire et à l’heure où la maîtrise des dépenses publiques préoccupe tant nos concitoyens. Évoquer la gestion de la dette sociale, c’est parler de la pérennité de notre modèle de solidarité nationale, qui protège ceux qui en ont le plus besoin des risques et des injustices de la vie.
Je souscris pleinement aux propos de la rapporteure : l’équité intergénérationnelle justifie de sanctuariser la dette sociale et de l’amortir le plus rapidement possible. La sécurité sociale a été conçue avec une gestion à l’équilibre. Tout accroissement de sa dette augmente à proportion le risque que la solidarité nationale échoue à atteindre ses objectifs. Pour l’éviter, les gouvernements qui se sont succédé depuis 2017 ont contribué à la dynamique vertueuse de réduction impulsée en 2010. L’effet ciseaux lié à la crise sanitaire, imprévisible et implacable, lui a donné un coup d’arrêt. Mais les résultats étaient là.
Nous ne céderons pas aux sirènes de la facilité, qui appellent à augmenter de manière irresponsable les prélèvements ou les cotisations, ce qui entraînerait des conséquences désastreuses. Le retour à l’équilibre budgétaire passera par l’optimisation des dépenses, en les réduisant lorsqu’elles sont inefficaces ou en les fléchant où elles sont indispensables, et en luttant contre la fraude.
Si l’on ne peut appréhender les dépenses publiques avec une approche seulement comptable, ignorer cette dimension du système revient à le condamner à la ruine.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Je remercie les rapporteurs pour la qualité et la pertinence de leur travail. Ce rapport constate qu’il faut faire évoluer notre gestion de la dette sociale, construction politique de l’État. D’abord, les plans d’exonérations en cascade ont drastiquement réduit les recettes des organismes de sécurité sociale. Ensuite, l’État les a mis sous la tutelle des marchés financiers, avec des taux d’intérêt abusifs. En trente ans, 71 milliards d’euros net ont été donnés à la finance – « un pognon de dingue ».
Pour pallier cette dépendance, l’État, pompier pyromane, a créé la CRDS, un impôt totalement injuste qui fait rembourser la dette par les citoyens. Pour couronner le tout et pérenniser la financiarisation du système, le Gouvernement d’alors a intégré à la Cades 136 milliards d’euros de la dette liée au covid, issue du « quoi qu’il en coûte ». De quel droit le Gouvernement fait-il peser ses choix politiques sur la sécurité sociale ? Les organismes de sécurité sociale et leurs caisses sont indépendants de l’État. Ils appartiennent aux travailleurs, qui devraient pouvoir librement décider de leur organisation.
À l’heure de la crise de l’hôpital public et de l’explosion de la précarité, alors que la France a perdu 6 700 lits en 2022 et que la désertification médicale s’étend toujours plus dans les départements ruraux, comme le Tarn, nous aurons besoin de réorienter massivement le remboursement de la dette sociale vers le financement des branches du régime général de la sécurité sociale. Pensez-vous, dans ces conditions, que la CRDS doive continuer à payer les intérêts des marchés financiers, ou que nous devions changer de modèle en faisant reprendre par l’État la dette sociale, ou au moins celle liée au covid, comme certains pays européens ?
M. Jérôme Guedj (SOC). Je remercie les rapporteurs. Leur travail confirme que la gestion de la dette sociale est avant tout un sujet politique, dont il ne faut pas limiter l’approche à une méthode technicienne. Il serait d’ailleurs intéressant que vous écriviez un avant-propos pour donner du sujet une lecture croisée.
M. le rapporteur et Mme la rapporteure. C’est prévu.
M. Jérôme Guedj (SOC). La loi d’août 2020 prévoit le cantonnement de la dette liée au covid. Elle procède d’un choix politique qui continue à affecter des domaines essentiels. Elle a aussi créé la branche autonomie. Mes collègues de l’époque s’en réjouissaient, mais cette branche n’est pas financée à hauteur des besoins et il n’y a pas de loi de programmation relative au grand âge, précisément parce que la séparation de la dette liée au covid l’a privée de ressources. En effet, il avait été envisagé de lui affecter les recettes de la CRDS.
Quelles sont les solutions possibles ? On peut revenir sur cette décision. À défaut, nous devrons choisir entre les solutions qui nous sont proposées. Le PLFSS prévoira de réduire les dépenses. On en connaît des bribes : augmentation du ticket modérateur de certaines consultations et de dispositifs médicaux ; clause de sauvegarde sur les médicaments – c’est très bien ; décalage de plusieurs plans de santé – c’est plus inquiétant. Nous devrons nous opposer au report de mesures que nous avons votées.
L’autre solution consiste à augmenter les recettes. Le rapport d’Antoine Bozio et d’Étienne Wasmer, dont la mission poursuit le travail que j’ai accompli avec Marc Ferracci dans le cadre de la Mecss lors de la précédente législature, mettra le pied dans la porte. Allons plus loin : les vraies recettes sont liées à la suppression des exonérations de cotisations sociales : chaque année, la sécurité sociale ne perçoit pas 80 milliards d’euros. Là est la marge de manœuvre pour résorber les déficits et éviter les dettes futures.
M. Yannick Neuder (DR). Je félicite les rapporteurs pour leur travail. Chacun incarne la borne d’un chemin possible. La vérité se trouve probablement au milieu. Le constat est alarmant. En 1996, la création de la Cades visait à amortir les déficits accumulés de la sécurité sociale afin qu’ils ne deviennent pas un fardeau pour les générations futures. C’était un vœu pieux et vous détaillez l’échec du dispositif. Il a été mis à mal en particulier en 2020 avec le transfert de 136 milliards d’euros, dont 13 milliards d’euros de dette hospitalière. Cette décision, purement comptable, était contestable car elle mêle une dette conjoncturelle à une dette structurelle.
Le précédent gouvernement a été incapable de maîtriser les déficits des branches maladie et vieillesse, qui pourraient atteindre 70 milliards d’euros en 2027 selon les prévisions du HCFiPS. Il a également fait d’autres choix contestés : il a utilisé la Cades comme un palliatif pour éviter d’assumer la dette liée au covid, à l’instar d’autres pays.
Quelles sont les perspectives ? On peut augmenter les prélèvements obligatoires. Mais notre pays est déjà l’un de ceux où ils sont les plus élevés. On peut aussi diminuer les dépenses, selon une hypothèse dont je n’ose interroger la crédibilité : le plafonnement à 1 % de la hausse de l’Ondam. Ce serait incompatible avec la pérennité des structures hospitalières.
Serons-nous capables de prendre des décisions courageuses pour changer de cap ? Nous le saurons lors de l’examen du PLFSS. En tout cas, les rapporteurs thématiques et moi-même avons demandé la fin du rapport Bozio-Wasmer pour éclairer nos décisions.
M. Hendrik Davi (EcoS). Merci pour ce rapport utile. La sécurité sociale doit sa création à la mobilisation des salariés, notamment des syndicalistes. Ambroise Croizat voulait libérer la population, lui permettre d’enfin « [v]ivre sans l’angoisse du lendemain, de la maladie ou de l’accident de travail, en cotisant selon ses moyens et en recevant selon ses besoins ». On comprend que les gouvernements successifs aient attaqué ce principe communiste, que la manne des 650 milliards d’euros du budget de la sécurité sociale fasse rêver les assurances et les fonds de pension. Cela explique que le taux des cotisations patronales soit passé de 42,6 % en 1991 à 6,9 %. Le salaire différé versé aux salariés a diminué d’autant. Or, ce que les salariés ne paient pas sous forme de cotisations, ils le paieront autrement, sous forme d’assurance, de mutuelle, d’épargne ou de franchise à l’hôpital.
Que faire de la dette sociale ? L’État, en partie responsable, devrait la reprendre. C’est d’autant plus légitime qu’elle a été essentiellement creusée par le covid. Par ailleurs, il faut augmenter d’un point les cotisations sociales et revenir sur les 80 milliards d’euros d’exonérations. Quant aux dépenses, on peut certes les baisser, mais cela exige de diminuer les maladies professionnelles, de limiter la pollution, de disposer d’un vrai service public de la santé qui œuvre à la prévention et d’en finir avec un management toxique qui pousse les salariés à bout, dans le public comme dans le privé. Pour pérenniser notre système social, il faut le concevoir globalement et relever tous les défis, dans tous les domaines liés à la santé, même indirectement.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Merci pour ce rapport. Les auditions ont été passionnantes. Il était temps de se pencher sur l’état des finances sociales. Depuis sa création en 1996, la Cades a déployé ses efforts pour amortir la dette sociale sans parvenir à équilibrer durablement les comptes. Fait nouveau, la situation est désespérée : il n’y a aucune perspective d’équilibrer le financement de la protection sociale hormis limiter à 1 % l’augmentation de l’Ondam. Plus grave, nous atteignons un point de rupture : le déficit excède la capacité de remboursement de la Cades. Dans les années 2010, une trajectoire a été tracée vers l’équilibre des comptes. Celui-ci a été atteint en 2019, puis est survenue la crise liée au covid et des mesures ont été prises pour revaloriser le métier de soignant et l’hôpital public, avec le Ségur de la santé, sans aucune ressource nouvelle. Je suis d’accord avec Jérôme Guedj s’agissant de la reprise de la dette, mais j’insiste sur le surfinancement du Ségur.
La situation de la branche vieillesse est pire encore : le déficit projeté en 2027 se monte à 13,7 milliards d’euros. La situation de la CNRACL se dégrade d’année en année. L’équilibre des comptes doit être notre priorité afin de préserver notre système social. Nous devons mener une réforme structurelle. Année après année, le MoDem demande à repenser le système de santé, que le gouvernement présente avant chaque PLFSS sa vision pluriannuelle avec un projet de loi de programmation. Il s’agit de prévenir le défi démographique et la hausse des maladies chroniques, et de responsabiliser tous les acteurs d’un système qui n’est plus régulé – financeurs, offreurs de soins publics et privés, acteurs du médicament.
Pensez-vous sincèrement que nous pourrons poursuivre avec un déficit structurel, assumer et amortir la dette, sans changer de modèle de santé, d’organisation de l’offre de soins ni imaginer d’autres sources de financement ? N’est-il pas temps de faire évoluer l’Ondam pour passer d’un objectif à une enveloppe fermée, éventuellement associée à une ligne budgétaire consacrée à financer des événements exceptionnels ?
M. François Gernigon (HOR). Le présent rapport dresse un état des lieux sans appel de la dette sociale. Depuis la création de la Cades en 1996, bien que cantonnée et strictement encadrée, elle n’a cessé de croître. Alors qu’elle devait s’éteindre en 2009, son échéance est désormais reportée à 2033. C’est le symptôme d’un problème profond : la persistance de déficits structurels dans les branches maladie et vieillesse. La Cades et l’Acoss ont efficacement géré la trésorerie à court terme, mais nous n’avons pas su maîtriser les dépenses ; les déficits se stabilisent à un niveau trop élevé pour réduire la dette à moyen terme. Le HCFiPS estime qu’elle pourrait augmenter de 70 milliards d’euros d’ici à 2027.
Si nous voulons préserver notre système, la réduction des déficits doit être une priorité absolue. Ceux, récurrents, des branches vieillesse et maladie mettent en danger la soutenabilité à long terme de la protection sociale. Avec le vieillissement de la population, les dépenses de la première augmentent inévitablement. Pour la seconde, les dépenses liées aux soins de santé continuent de croître. Sans une régulation appropriée, elles pèseront de plus en plus lourd. Il ne s’agit pas de sacrifier la qualité des soins ni de porter atteinte à notre modèle social, mais de repenser le cadre de régulation pour maîtriser les dépenses.
Le rapport propose des pistes pour augmenter les recettes, notamment la hausse de la CSG. Une telle décision requiert un examen attentif de ses effets sur les ménages et leur pouvoir d’achat. Il faudra procéder aux ajustements de manière concertée afin d’assurer un équilibre entre protection sociale et stabilité financière. Nous ne pouvons plus nous contenter de gérer les déficits au fil de l’eau. Nous devons discuter des modifications possibles pour garantir un avenir à la sécurité sociale, sans alourdir le fardeau de la dette pour les générations futures. La Cades n’étant pas un outil de financement, l’année 2033 doit rester le terme de l’amortissement.
M. Laurent Panifous (LIOT). Pourquoi nos prédécesseurs ont-ils souhaité isoler au sein de la Cades la dette issue des déficits cumulés des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ? Pour éviter de faire porter aux générations futures la charge du service rendu et des prestations. Faute de résorption de la dette, cette structure, pourtant conçue pour être temporaire, perdure. La dette est vertueuse lorsqu’elle permet de transformer, de servir plusieurs générations ; elle ne l’est aucunement si elle finance les prestations d’une seule génération.
L’accumulation de la dette sociale est un exemple parmi d’autres de notre incapacité à assumer le modèle que nous soutenons et dont nous bénéficions. Nous avons encore aujourd’hui besoin de la Cades car nous sommes incapables, comme nos prédécesseurs, de protéger les générations futures. Les dettes s’accumulent, le terme est sans cesse reporté – de 2009 à sa création, nous sommes passés à 2033 aujourd’hui, et qui sait demain ?
D’après le rapport, la Cades joue bien le rôle de remboursement et de refinancement que lui a assigné législateur. C’est heureux. Toutefois, son maintien ne nous détourne-t-il pas de la question existentielle de notre système de protection sociale : l’impératif d’équilibre des comptes ? Quelle est la légitimité d’un système financé par de la dette et non par des ressources suffisantes ?
Mme Karine Lebon (GDR). La crise liée au covid a mis à rude épreuve les comptes de la sécurité sociale. Mais la mise en scène du retour du trou de la sécu, volontairement trompeuse, a permis d’occulter les responsabilités de l’exécutif dans la gestion de la crise.
Les déficits résultent moins d’une hausse exponentielle des dépenses sociales que d’un effondrement des recettes de la sécurité sociale consécutif aux décisions du gouvernement. Le transfert de la dette liée au covid à la Cades participe de cet assèchement des ressources. Plutôt que d’ajuster leur niveau à celui des dépenses, l’État a décidé de fabriquer une nouvelle dette, d’imposer le recours au marché financier et de justifier ainsi l’austérité budgétaire.
La gestion de la dette par l’État avait plus de sens. Elle était aussi plus favorable financièrement au régime de la sécurité sociale. En effet, lorsqu’une dette publique est financée par la Cades, il faut rembourser le principal – le montant emprunté – ainsi que les intérêts – la rémunération du prêteur. Cette méthode est plus coûteuse que le financement direct par l’État qui fait rouler la dette et peut compter sur des taux d’intérêt très bas. Pourquoi ne recommandez-vous pas à l’État de reprendre la dette sociale ? À défaut, serait-il envisageable de faire évoluer le statut de la Cades afin que les prêts qui lui sont accordés soient garantis par l’État et bénéficient ainsi de meilleurs taux ?
Selon les prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, les comptes sociaux auraient dû afficher un excédent de 1 milliard d’euros à compter de 2020. La reprise de la dette liée au covid par la Cades a-t-elle mis les comptes sociaux dans le rouge ? Quel usage aurait-on fait de l’excédent initialement prévu ? Était-il envisagé soit de réduire ou de supprimer la CSG ou la CRDS, soit de provisionner l’excédent pour constituer une réserve en cas de déficit futur ?
M. Olivier Fayssat (UDR). L’objectif est simple : résorber la dette et équilibrer les comptes. Il faut éviter deux écueils : la dégradation des prestations et l’augmentation des prélèvements.
Je relève un grand absent de votre présentation : le combat contre la fraude. Stéphanie Rist a effleuré le sujet mais j’insiste, cette lutte est indispensable pour garantir des prestations sociales qui bénéficient réellement à ceux qui en ont besoin et à ceux auxquels elles sont destinées. C’est une question de justice financière pour les contribuables.
M. le rapporteur. Je commencerai par évoquer les alternatives à la Cades.
Le manque de financement chronique de la sécurité sociale depuis les années 1990 est connu, assumé, voire organisé pour dramatiser la situation sociale. Il résulte d’exonérations de cotisations abusives et de charges indues imposées à la sécurité sociale. Ce sous-financement crée inévitablement un déficit, néanmoins inférieur au montant des charges indues, démontrant ainsi la qualité de la gestion de la sécurité sociale bien supérieure à celle de l’État. Le recours aux marchés financiers devient inéluctable pour éponger le déficit. Il s’ensuit des frais financiers exorbitants – 75 milliards d’euros sur la période.
Je suis favorable à une hausse des ressources de la sécurité sociale. Cela signifie, d’une part, gaspiller moins d’argent en exonérations sociales et en exemptions d’assiette, notamment sur les revenus non salariaux, et d’autre part, mettre à contribution certains hauts revenus en mettant fin à un plafonnement des cotisations qui leur est trop favorable.
S’agissant de l’avenir de la Cades, je suis partisan d’une reprise par l’État de la dette en commençant par celle liée au covid qui constitue, à mes yeux, une charge abusivement supportée par les régimes de sécurité sociale au moment où ils allaient retrouver l’équilibre en dépit des dizaines de milliards d’euros de cotisations dont ils sont privés. C’est dire à quel point la sécurité sociale se porte bien malgré les obstacles que l’on place sur son chemin.
Monsieur Isaac-Sibille, vous considérez que le déficit est structurel là où j’y vois le résultat de politiques d’exonération. Tout dépend du sens que l’on donne au mot « structurel ». S’il renvoie à la pratique consistant à détourner des fonds qui devraient revenir à la sécurité sociale, je suis d’accord et je souhaite qu’il soit mis fin rapidement à ladite pratique.
Je suis opposé à l’idée d’une enveloppe fermée qui est en contradiction avec l’esprit de la sécurité sociale. À sa création, elle n’avait pas de budget. Elle a des engagements à tenir vis-à-vis de la population et elle lève des fonds pour ce faire. Les droits sociaux qu’elle garantit l’emportent sur l’équilibre prévisionnel des comptes. Les déficits éventuels doivent être compensés par des dotations supplémentaires.
Le HCFiPS lui-même évoque dans son dernier rapport l’hypothèse d’un transfert à l’État d’une partie de la dette de la Cades. Je soutiens évidemment cette idée.
En ce qui concerne les ressources qui pourraient être mobilisées au profit de la sécurité sociale, nos collègues du Rassemblement national nous prêtent l’intention d’augmenter les cotisations. Ils mettent surtout en avant la lutte contre la fraude. Je suis sceptique sur le montant que l’on peut en espérer parce que le HCFiPS l’estime au maximum à 4 milliards d’euros desquels il faut retrancher les dépenses nécessaires à cette lutte. En revanche, je plaide pour un accroissement des contrôles sur les très grandes entreprises ainsi qu’en matière fiscale, domaine dans lequel la fraude est dix à quinze fois plus importante.
La dette est-elle uniquement une redistribution intergénérationnelle ? Je ne le pense pas. La dette sociale n’est pas seulement un transfert dans le temps mais aussi un transfert entre petits et hauts revenus. Les contribuables de demain remboursent aux créanciers de demain. La dette pose la question de la justice sociale.
J’en conviens, une dette peut être vertueuse lorsqu’elle permet d’investir. Longtemps, la sécurité sociale a investi – en créant des centres hospitaliers universitaires (CHU) – sans générer de dette. Le couple cotisations-subventions a été d’une efficacité redoutable pour doter la France d’équipements sanitaires. À cet égard, la dette liée au covid-19 n’est-elle pas vertueuse ? La prévention des accidents du travail ou la construction d’équipements hospitaliers entrent aussi dans cette catégorie. La notion d’investissement mérite d’être débattue.
Quant aux comparaisons internationales, il faut être prudent. Dès lors que la France socialise plus d’activités que ses voisins, les dépenses publiques sont nécessairement plus importantes. Les pays dans lesquels les dépenses publiques de santé sont faibles sont ceux dans lesquels les dépenses privées de santé sont plus élevées. Il faut relativiser le mythe d’une France détentrice d’un record en matière de dépenses publiques. Si d’aventure elle détenait ce record pour offrir une meilleure prise en charge à la population, je n’y verrais aucun inconvénient.
Mme la rapporteure. Je conteste l’affirmation du rapporteur selon laquelle l’État aurait économisé 75 milliards d’euros en gérant directement la dette sociale. Il aurait lui aussi dû payer des intérêts. De surcroît, le rapport montre que la différence entre les taux proposés à la Cades et à l’État est peu significative.
Monsieur Neuder, les deux scénarios présentés dans le rapport ne correspondent pas aux positions de chacun des rapporteurs. Ils ont été élaborés à des fins pédagogiques par le HCFiPS. Je vous rassure : je ne suis pas favorable à un Ondam à 1 % dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je rappelle les progrès dans la lutte contre la fraude sociale ces dernières années. Le montant récupéré auprès des entreprises a doublé ; il représente plus de 1 milliard d’euros. Il en est de même en matière de fraude aux prestations sociales ; le montant atteint 500 millions d’euros. Les objectifs assignés à l’Urssaf en la matière ont été revus à la hausse puisque les prévisions avaient été dépassées. Nous pouvons nous rejoindre sur la lutte contre la fraude.
Monsieur Panifous, vous posez le débat dans les termes que la société devrait adopter. La sécurité sociale offre une protection qui a un coût. Celui-ci ne doit pas être supporté par nos enfants, puisque les dépenses ont vocation à nous protéger. C’est la raison pour laquelle un remboursement rapide et une dissociation de la dette de l’État s’imposent.
La société doit s’emparer de la question du financement de la protection sociale compte tenu du vieillissement de la population. Outre la hausse des recettes, le débat doit porter sur la diminution et la pertinence des dépenses, sur lesquelles un consensus pourrait être trouvé. Je plaide pour des réformes structurelles.
Je rejoins les interrogations du rapporteur sur les dépenses d’investissement : les dépenses en faveur de la prévention doivent-elles continuer à être comptabilisées à l’identique dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale alors qu’il s’agit d’un investissement ?
Mme Annie Vidal, présidente. Nous en venons aux interventions des autres orateurs.
M. Thibault Bazin (DR). Si nous en sommes là, c’est aussi parce que les gouvernements successifs ont laissé filer les comptes publics. Les déficits récurrents nous ont empêchés de faire face aux imprévus tels que la crise économique de 1993 ou le covid‑19 en 2020. La dette sociale constitue un sérieux handicap alors que les défis, au premier rang desquels le vieillissement de la population, nous attendent. Nous devons la rembourser sans quoi nous risquons de trahir l’une des promesses fondatrices de la sécurité sociale : la solidarité intergénérationnelle.
Mon ancien collègue Jean-Pierre Door avait alerté le 15 juin 2020 sur la non‑affectation des ressources nécessaires à la Cades. Le plan d’amortissement de la dette de 136 milliards d’euros, adopté en 2020, n’était pas tenable du fait de la perte de 30 milliards d’euros de recettes tirées de la CSG et du FRR. S’agissant des 13 milliards d’euros de la dette hospitalière, ne pourrait-on considérer que la partie de cette somme liée à des investissements immobiliers relève du budget de l’État ?
M. Michel Lauzzana (EPR). Je salue le savoir-faire des équipes de la Cades et leur gestion très performante de la dette. Les 75 milliards d’euros d’intérêts ne profitent pas seulement aux méchantes banques. En effet, environ 30 % de la dette est financée par les banques centrales et les établissements publics. En outre, si nous devons emprunter, c’est tout simplement parce que nous dépensons trop. Contrairement aux Japonais qui financent eux-mêmes leur dette, nous devons le faire à l’extérieur.
Pour ne pas avoir à emprunter sur les marchés, l’une des solutions consiste à moins dépenser. Vous préconisez d’augmenter les prélèvements. Mais nous sommes déjà l’un des pays où ceux-ci sont parmi les plus élevés. Dernière solution, la planche à billets ; nous savons où cela mène.
La protection sociale représente plus de 33 % du produit intérieur brut. Autrement dit, la dette de l’État et la dette sociale sont vraiment interdépendantes. À cet égard, le transfert de la dette sociale à l’État ne ferait que reporter le problème sans rien résoudre.
M. Yannick Monnet (GDR). Depuis hier, on nous serine qu’il faut baisser les dépenses. Vous gérez le pays et les comptes de la sécurité sociale depuis 2017. N’essayez pas de le faire oublier !
Comment voulez-vous dépenser moins quand 87 % des Français sont confrontés à un désert médical ? Quand 6,7 millions de personnes n’ont pas de médecin traitant ? Quand six Français sur dix renoncent à des soins ? Quand 60 % des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes publics en déficit ? Quand il manque 2 milliards d’euros à l’hôpital public ? Nous sommes à l’os en matière de dépenses de santé !
Vous ignorez la réalité. Pourtant je n’ose croire que vous ne rencontrez pas nos concitoyens dans vos circonscriptions. Avez-vous vraiment l’impression que l’on dépense trop pour soigner la population ? Pensez-vous vraiment que la prévention et la lutte contre la fraude résoudront les problèmes de financement de l’hôpital public ? Soyons sérieux ! Les manques sont abyssaux. Il faut de nouvelles recettes. Prétendre qu’il faut dépenser moins, c’est au mieux de l’irresponsabilité !
Mme Joëlle Mélin (RN). Votre rapport a le grand mérite d’exister. Mais il est décevant. Vous y analysez la dette sous un angle économique et technocratique sans vous intéresser aux causes réelles : les dysfonctionnements internes liés, si j’en crois la Cour des comptes, à l’absence d’indicateurs de risques et de contrôle interne satisfaisants. Dès lors, vos deux scénarios sur l’augmentation des recettes ou des prestations sont non seulement éculés mais manifestement inefficients.
C’est bien la gestion interne qui pose problème. Le contrôle est de la responsabilité de l’État puisque l’Acoss est un établissement public, contrairement aux Urssaf départementales qui sont de droit privé. Je rappelle la non-certification des comptes de la branche famille depuis deux ans. Quand obligera-t-on les différentes branches de la sécurité sociale à présenter des comptes sincères ?
Sauf erreur de ma part, l’Acoss est le seul organisme centralisateur des comptes en Europe. Sa structure juridique et son fonctionnement sont-ils adaptés à sa double mission de centralisation et de gestion ?
M. Emmanuel Taché de la Pagerie (RN). La Cades est un modèle sans équivalent en Europe, et pour cause ! Comme l’indique la Cour des comptes, « aucun de nos grands voisins européens, en particulier l’Allemagne, n’accepte que son système de protection sociale soit durablement en déficit ».
Emmanuel Macron, pas plus que ses prédécesseurs, n’a mis un terme à cette dette sociale dont l’extinction est en permanence repoussée. Notre modèle social est abîmé par la gestion catastrophique des comptes sociaux. La somme des charges d’intérêts nets versés par la Cades depuis sa création s’élève à 75 milliards d’euros. Or, à titre de comparaison, la construction d’un CHU coûte 1,25 milliard. Ainsi, en vingt-huit ans, il eût été possible d’en construire deux par an. Mais, au lieu de cela, les Français qui subissent la dégradation continue de notre système de santé ont payé des intérêts tant inutiles qu’injustifiés.
Le rapport prône deux pistes : soit l’augmentation de la CSG ou des cotisations, soit la baisse des dépenses d’assurance maladie. Madame Rist, avant la dissolution, vous étiez rapporteure générale des lois de financement de la sécurité sociale : quelle piste privilégiez‑vous ? Sur quelles recettes et quelles dépenses joueriez-vous pour rétablir durablement les comptes sociaux ?
M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). J’ai deux questions très simples : qui est responsable de la situation ? Qui doit de l’argent à qui ?
Mme Josiane Corneloup (DR). Le déficit de la sécurité sociale devrait s’aggraver de nouveau dès 2024 dans des proportions significatives. Après 10,8 milliards d’euros en 2023, il pourrait atteindre 16,6 milliards d’euros. Selon les projections, il pourrait être proche de 25 milliards d’euros dès 2025.
Les déficits récurrents des branches maladie et vieillesse mettent en péril la pérennité de notre modèle. Il faut donc le repenser. Le retour à l’équilibre budgétaire ne doit pas reposer sur une augmentation des cotisations, compte tenu du taux de prélèvement dans notre pays, ni sur une baisse de l’Ondam à 1 %, impossible sans dégrader la qualité des soins. Nous devons privilégier une optimisation des dépenses grâce à des réformes structurelles, en réorganisant notre offre de soins, en développant la prévention – ambition ancienne mais difficile – et en luttant mieux contre la fraude sociale. Le temps n’est plus à gérer les conséquences mais à s’attaquer aux causes.
M. Philippe Vigier (Dem). Je salue ce rapport dans lequel vous dites les choses sans détour. Si nous nous contentons de nouveaux emplâtres sur des jambes de bois, le système que nous chérissons tous court à la catastrophe. J’espère donc que l’esprit transpartisan qui anime votre rapport permettra à chacun de faire un pas pour l’éviter.
Le matraquage à coups de prélèvements obligatoires ne fonctionne pas. La piste, évoquée en son temps par Marc Ferracci, d’une suppression de l’exonération de cotisations sociale sur les salaires compris entre 2,5 et 3,5 Smic mériterait néanmoins d’être explorée. En revanche, l’idée d’un Ondam limité à 1 % pour équilibrer les comptes est parfaitement invraisemblable. Je plaide pour une réorganisation complète de notre système de santé dont la responsabilité et la prévention seraient les lignes directrices. J’appelle aussi de mes vœux une programmation pluriannuelle.
Pas un mot n’est dit de nos aînés alors que le financement de la dépendance est un enjeu majeur des prochaines années. Je m’inquiète aussi de l’annonce d’une hausse du ticket modérateur, sachant que les frais de gestion des mutuelles sont supérieurs à ceux de la sécurité sociale. Enfin, je rappelle qu’à la fin des années 1990, le cantonnement de la dette de la SNCF, qui s’élevait à 200 milliards de francs, a remis l’entreprise sur de bons rails. À un moment, il faudra sauter le pas. Sinon, nous ne nous en sortirons pas.
M. Arthur Delaporte (SOC). Le coût de la gestion de la dette de la sécurité sociale fait l’objet d’appréciations divergentes des rapporteurs. Quelle aurait été la différence en matière de frais financiers si cette dette avait été gérée directement par la sécurité sociale ? Cela aurait-il permis de réaliser une économie de quelques milliards d’euros, susceptibles d’être utilisés de manière différente ?
Jérôme Guedj, a évoqué le scénario qui consiste à financer l’augmentation des dépenses sociales – liée notamment aux évolutions démographiques –, par exemple en accroissant les cotisations ou en mettant fin à diverses exonérations. Cela permettrait de dégager jusqu’à 80 milliards d’euros. Mais il existe un second scénario qui consiste à baisser les dépenses d’assurance maladie. Si l’on veut garantir l’équilibre, il faut non seulement trouver 5 milliards d’euros d’économies en 2025 mais surtout 20,8 milliards d’euros à l’horizon 2028. Compte tenu des attentes de nos concitoyens, pensez-vous que ce soit réaliste et socialement envisageable ?
Mme Sylvie Bonnet (DR). Dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale publié en mai 2024, la Cour des comptes a rappelé que le financement de celle-ci n’est plus assuré à moyen terme. Elle suggère de prolonger la durée de vie de la Cades au-delà de 2033 pour reprendre le déficit supporté par l’Acoss à partir de 2023. La durée des emprunts serait allongée mais, en l’absence d’un plan crédible de retour à l’équilibre des comptes, le niveau des déficits deviendrait tel qu’une prolongation indéfinie de la durée de vie de la Cades permettrait à peine de stabiliser la dette sociale à son niveau actuel, et non plus de la réduire. Partagez-vous cette analyse ?
Mme la rapporteure. Les arguments défendus avec passion par Yannick Monnet pour expliquer qu’il est impossible de faire des économies me laissent pantoise. Je suis rhumatologue et, tous les lundis matin, des patients souffrant d’une arthrose se présentent en consultation avec trois imageries par résonance magnétique du genou alors qu’ils n’en ont pas besoin. Des progrès peuvent être consentis pour que notre système de santé fasse des économies. Cela suppose un effort de tous, aussi bien des professionnels de santé que des parlementaires.
Comme l’a indiqué Arthur Delaporte, il faut vite se pencher sur cette question pour savoir comment parvenir à financer la protection sociale face à l’accélération des effets des évolutions de la démographie d’ici à 2028. Je crois pour ma part qu’il faut ouvrir un réel débat de société. Lorsque l’on dépense plus de 30 % du produit intérieur brut pour la protection sociale, on doit s’interroger sur la manière de la financer à l’avenir. Le rapport que nous présentons porte sur la gestion passée de la dette sociale et sur la situation actuelle. Il revient à notre commission de travailler sur les moyens de préserver la meilleure protection sociale des pays développés. Pourrons-nous le faire sans envisager des baisses de dépenses et sans discuter des futures recettes ?
M. le rapporteur. On peut aborder de deux manières la question des 75 milliards d’euros de commissions et d’intérêts versés par la Cades depuis sa création. Il est possible de comparer ces sommes avec celles qui auraient été versées par l’État s’il avait directement repris cette dette. Il existe certes un écart, mais il représente seulement de l’ordre de 500 millions à 1 milliard d’euros sur l’ensemble de la période, ce qui ne change finalement pas grand-chose. La principale différence de gestion réside dans le roulement de la dette par l’État, ce qui aurait permis une charge annuelle plus faible.
En revanche la comparaison est beaucoup plus éclairante si l’on s’interroge sur la différence entre le fait de confier l’argent à la Cades ou à la sécurité sociale. Cette dernière ne fonctionne pas selon une logique financière et n’a donc pas à acquitter des commissions bancaires ou des intérêts. Si j’étais taquin, je dirais qu’on aurait pu faire 75 milliards d’euros d’économies en lui confiant la gestion de cet argent. En effet, les circuits de financement ont un coût intrinsèque dès lors qu’ils passent par les marchés.
Les analyses sur les conséquences de l’absence de roulement de la dette de la sécurité sociale ne sont pas forcément convergentes. Michaël Zemmour estime entre 8 et 10 milliards d’euros par an le coût supplémentaire de la gestion par la Cades. Cela représente un montant énorme, qui mérite d’être comparé au déficit de 16 milliards d’euros dont on nous parle. Il faut aussi souligner que les exemptions dont bénéficient des revenus non salariaux s’élèvent à 10 milliards d’euros – et je ne parle pas des 74 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales, accordées notamment à de grandes entreprises sans contrepartie. Il faut aussi aborder la question des taux de cotisations : un point de cotisations déplafonnées, c’est 7,5 milliards d’euros. Il existe donc des moyens de redresser les comptes de la sécurité sociale.
Je le répète : la sécurité sociale ne prélève pas. Elle redistribue de l’argent à certaines catégories de la population.
Une question a été posée sur d’éventuels dysfonctionnements internes de la sécurité sociale. Ses coûts de gestion sont extrêmement faibles. Ils sont inférieurs à ceux de presque tous ses homologues privés dans le monde et à ceux des organismes de sécurité sociale des pays voisins. Je tire donc mon chapeau à l’excellente gestion des conseils d’administration de la sécurité sociale, et notamment des représentants des salariés. On remarquera d’ailleurs que le déficit de cette dernière est estimé à 2,7 % cette année, contre 6 % pour celui du budget de l’État. J’ai tendance à penser que parfois les syndicats font mieux que Bruno Le Maire.
Thibault Bazin a eu raison de revenir sur la genèse du discours sur le déficit. En 1993, alors que l’on parle de crise des comptes de la sécurité sociale, avec un déficit de 57 milliards de francs, les charges indues s’élèvent à 36 milliards de francs – notamment en raison de transferts de déficits de régime tiers au régime général à hauteur de 19 milliards de francs et, déjà, de 9 milliards de francs d’exonérations non compensées. Le déficit de 1993 est inférieur aux charges qui pèsent sur la sécurité sociale, laquelle a un modèle de gestion à l’équilibre.
M. Lauzzana a évoqué les « méchantes banques ». Je ne vois pas l’intérêt de caractériser moralement des modes de production. En revanche, je retiens votre invitation tout à fait appropriée à travailler ensemble pour que notre dette publique soit détenue par les nationaux sur le modèle du Japon. La situation actuelle mérite que l’on reconstitue un circuit de distribution d’obligations assimilables du Trésor, avec des taux administrés et un public choisi de détenteurs.
Faut-il faire des économies sur la sécurité sociale ? Je ne le pense pas car l’espérance de vie en bonne santé recule. Le système de santé se clochardise à bien des égards et les prestations sociales sont gelées. On peut tourner autour du pot, mais il va bien falloir dépenser davantage et, pour cela, augmenter la contribution des grandes entreprises qui font des superprofits et des personnes aux plus hauts revenus. On peut aussi trouver une bonne source d’économies en renonçant aux circuits financiers évoqués précédemment, lesquels permettent à certains de vivre bien au-dessus de nos moyens.
Mme Annie Vidal, présidente. Je salue la qualité de vos réponses et de ce rapport important pour nos réflexions futures. L’initiative de la Mecss, prise avant la dissolution de l’Assemblée nationale, était fort judicieuse.
M. Jérôme Guedj (SOC). Il ne s’agit pas formellement d’un rapport de la Mecss, puisque la commission des affaires sociales en a repris l’idée.
Il serait opportun que les rapporteurs disposent d’un temps de parole lors du débat sur la dette qui aura lieu en séance publique le 14 octobre.
Mme Annie Vidal, présidente. Je ferai part de cette proposition à la Conférence des présidents.
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* *
En application de l’article 145, alinéa 7, du Règlement de l’Assemblée nationale, la commission autorise la publication de ce rapport d’information.
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ANNEXE : Liste des personnes ENTENDUEs
par les rapporteurs
(par ordre chronologique)
Urssaf Caisse nationale – M. Damien Ientile, directeur général, et M. Emmanuel Laurent, directeur centrale trésorerie banque financement investissement
Cour des comptes – Mme Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre, et M. Nicolas Fourrier, conseiller maître
Direction de la sécurité sociale – M. Franck von Lennep, directeur, M. Paul-Antoine Georges, sous-directeur du financement de la sécurité sociale, et M. Étienne Barraud, chef de bureau de la direction Synthèse financière
Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) – M. Dominique Libault, président
Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) – M. Jean-Louis Rey, président, et Mme Geneviève Gauthey, secrétaire générale
Table ronde de juristes en droit de la protection sociale
– M. Frédéric Guiomard, professeur à l’université Toulouse 1 Capitole
– M. Rémi Pellet, professeur à l’université Paris-Cité et à Sciences Po Paris
– Mme Isabelle Vacarie, professeure émérite à l’université Paris Nanterre
Table ronde de spécialistes en finances publiques et sociales
– M. Vincent Dussart, professeur de droit public à l’université Toulouse 1 Capitole, co-directeur de l’Institut Maurice Hauriou
– M. Benjamin Ferras, enseignant à Sciences Po Paris et à l’université Paris‑Panthéon-Assas
– Mme Anna Zachayus, docteure en droit
Audition conjointe
– M. Bertrand Blancheton, professeur de sciences économiques, directeur de la faculté d’économie de l’université de Bordeaux
– M. Philippe Trainar, professeur au Conservatoire national des arts et métiers
Audition conjointe
– Agence France Trésor – M. Antoine Deruennes, directeur général, et M. Antoine Pointeaux, adjoint au chef du bureau Trésorerie
– Direction du budget – Mme Mélanie Joder, directrice, et M. Louis Nouaille‑Degorce, chef du bureau des comptes sociaux et de la santé
Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) – M. Renaud Villard, directeur, Mme Valérie Albouy, directrice Statistiques, prospective et recherche, et M. Thomas Gagniarre, directeur délégué comptable et financier
Table ronde des organisations syndicales représentatives
– Confédération générale du travail (CGT) – M. Patrice Bossart, membre de la direction confédérale, M. Pierre‑Yves Chanu, conseiller confédéral, et M. Victor Duchesne, conseiller confédéral
– Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT‑FO) – Mme Hélène Fauvel, secrétaire confédérale en charge de l’économie et du service public, et M. Éric Gautron, secrétaire confédéral en charge de la protection sociale collective
– Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Léonard Guillemot, conseiller sur les questions relatives au financement, assurance maladie, autonomie, et M. Nassim Chibani, conseiller technique protection sociale
– Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – Mme Christelle Thieffinne, secrétaire nationale du secteur de la protection sociale, et Mme Leslie Robillard, chargée d’études protection sociale
– Confédération française démocratique du travail (CFDT) – Mme Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale responsable de la politique de financement de la sécurité sociale, M. Xavier Becker, secrétaire confédéral en charge du financement de la sécurité sociale, et M. Paul Busi, secrétaire confédéral en charge de la fiscalité et des questions économiques
Table ronde des organisations d’employeurs représentatives
– Mouvement des entreprises de France (Medef)* – Mme Diane Milleron-Deperrois, présidente de la commission Protection sociale, Mme Nathalie Buet, directrice de la protection sociale, Mme Clarisse Costa, chargée de mission à la direction de la protection sociale, et M. Adrien Chouguiat, directeur de mission affaires publiques
– Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)* – M. Éric Chevée, vice‑président, chargé des affaires sociales, Mme Gwendoline Delamare Debouteville, directrice des affaires sociales, M. Philippe Chognard, responsable du pôle Conditions de travail, et Mme Claire Richier, juriste en affaires sociales
M. Patrice Ract Madoux, ancien président du conseil d’administration de la Cades (1999-2017)
Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) – M. Thomas Fatôme, directeur général, M. Marc Scholler, directeur délégué de l’audit, des finances et de la lutte contre la fraude, M. Damien Vergé, directeur de la stratégie, des études et des statistiques, et Mme Veronika Levendof, directrice adjointe de la médiation
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
([1]) Benjamin Lemoine, L’ordre de la dette, La Découverte, 2016.
([2]) Pierre Bourdieu, Sur l’État. Cours au collège de France (1989-1992), Seuil, 2012.
([3]) Isabelle Astier, Les nouvelles règles du social, Presses Universitaires de France, 2007.
([4]) Robert Castel et Jean-François Laé, Le Revenu minimum d’insertion. Une dette sociale, Paris, L’Harmattan, 1992.
([5]) Aux termes de l’article L.O. 111-10 du code de la sécurité sociale, la Mecss est chargée de « l’évaluation permanente » des lois de financement de la sécurité sociale.
([6]) Avis sur le projet de loi organique et le projet de loi relatifs à la dette sociale et à l’aide pour l’autonomie des personnes âgées ou en situation de handicap, n° 400188 et n° 400189, 27 mai 2020. Ce choix a conduit les rapporteurs à exclure du champ de l’évaluation, pour des raisons présentées dans la première partie infra, la situation patrimoniale des régimes d’assurance vieillesse complémentaire et d’assurance chômage, ainsi que plus largement l’ensemble dépenses de protection sociale qui, par ce qu’elles ne sont pas financées par les régimes obligatoires de base, ne relèvent pas des lois de financement de la sécurité sociale.
([7]) En application du deuxième alinéa de l’article 145 du Règlement.
([8]) Selon les calculs effectués par Mme Ana Carolina Cordilha, professeure associée d’économie à l’université Rennes 2.
([9]) Haut Conseil du financement de la protection sociale, État des lieux du financement de la sécurité sociale, janvier 2024, p. 11.
([10]) Le déficit des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse atteindrait 16,6 milliards d’euros, tandis que la Cades amortirait 16 milliards d’euros de dette.
([11]) Cette notion est empruntée à Mme Isabelle Vacarie qui, lors de son audition, s’est attachée à mettre en évidence les figures de la dette sociale qui se dégagent des règles du droit de l’Union européenne définies pour en encadrer le contenu, le montant et l’affectation.
([12]) Dans un article de 2021, Mme Anna Zachayus relève que la notion de dette sociale est susceptible de revêtir plusieurs acceptions reflétant la polysémie du terme « social ». Elle distingue en particulier une conception juridique, identifiant la dette sociale à celle des entreprises, d’une conception philosophique renvoyant à l’idée de dette des individus envers la société ou, réciproquement, à celle de dette de l’État à l’égard des individus, qui détiendraient sur celui-ci une créance correspondant aux droits sociaux dont ils sont titulaires. Cf. Anna Zachayus, « Le mirage de l’amortissement de la dette sociale repoussé au 31 décembre 2033 », Gestion & Finances publiques, n° 5-2021, septembre-octobre 2021, p. 60. Mme Zachayus a par ailleurs été entendue par les rapporteurs lors d’une audition à l’Assemblée nationale le 28 mars 2024.
([13]) La liste des régimes obligatoires de base est présentée dans une annexe au projet de loi de financement de l’année (annexe 1).
([14]) Voir notamment le 2° de l’article L.O. 111-3-3 du code de la sécurité sociale concernant les dispositions de la loi de financement de l’année, qui se rapporte à l’exercice en cours, et l’article L.O. 111-3-4 s’agissant des dispositions de cette même loi relatives à l’année à venir.
([15]) b du 2° de l’article L.O. 111-3-4 du code de la sécurité sociale.
([16]) 3° de l’article L.O. 111-3-3 du code de la sécurité sociale.
([17]) e du 2° de l’article L.O. 111-3-4 du code de la sécurité sociale.
([18]) 1° de l’article L.O. 111-3-6 du code de la sécurité sociale.
([19]) 4° de l’article L.O. 111-3-7 du code de la sécurité sociale, s’agissant de la partie de la loi de financement relative à l’année à venir.
([20]) Articles L.O. 111-3-13 et L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale.
([21]) Dominique Lamiot, « Le déficit du régime général de la sécurité sociale », Économie & prévision, n°90, 1989, pp. 125-129.
([22]) Voir infra.
([23]) Cette désignation de la dette reprise par la Cades est empruntée à La dette sociale : mieux la connaître pour mieux l’affronter, rapport n° 345 (2005-2006) fait par MM. Alain Vasselle et Bernard Cazeau au nom de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales du Sénat, déposé le 10 mai 2006.
([24]) e du 2° de l’article L.O. 111-3-4 du code de la sécurité sociale.
([25]) Article L. 225-1 du code de la sécurité sociale.
([26]) Cf. infra, deuxième partie.
([27]) Cour des comptes, La sécurité sociale, 2011, p. 83.
([28]) Agirc-Arrco : Association générale des institutions de retraite des cadres - Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés. Cf. annexe 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, p. 9.
([29]) Ibid., p. 7.
([30]) Depuis l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, la situation financière des régimes complémentaires de retraite légalement obligatoires et de l’Unedic est toutefois présentée dans une annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année.
([31]) Loi organique n° 2020-991 et loi ordinaire n° 2020-992 du 7 août 2020 relatives à la dette sociale et à l’autonomie.
([32]) Loi organique n° 2022-354 précitée. Les enjeux de cette réforme pour la gestion de la dette sociale sont présentés infra.
([33]) 4° de l’article L.O. 111-3-6 et 3° de l’article L.O. 111-3-8 du code de la sécurité sociale.
([34]) Anna Zachayus, loc. cit., p. 65.
([35]) M. Rémi Pellet mentionne ainsi les travaux de M. Jean-Pascal Beaufret et du Haut-commissariat au Plan.
([36]) Haut-Commissariat au Plan, « Retraites : une base objective pour le débat civique », 8 décembre 2022.
([37]) À titre d’exemple, l’article 25 de l’ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale prévoit que les « décisions […] de nature à compromettre l’équilibre financier de la caisse [o]nt leur exécution suspendue jusqu’à décision ministérielle ».
([38]) Cf. Rolande Ruellan « La dette sociale et l’avenir de la protection sociale », Droit social, n° 7-8, juillet 2022, p. 576-587.
([39]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, juillet 2022, p. 132.
([40]) Ces relations entre l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale – chargée de la gestion commune de la trésorerie des caisses de sécurité sociale – et la Caisse des dépôts étaient définies par voie conventionnelle.
([41]) Pierre-Alain Muet, « La récession de 1993 réexaminée », Revue de l’OFCE, vol. 49, 1994, pp. 103-123.
([42]) Les gestionnaires critiquent sous le terme de « charges indues » des « charges étrangères à la vocation du régime général mais qui lui sont imposées unilatéralement. Il est particulièrement aigu au sein de la branche maladie. Ses gestionnaires estiment, par exemple, que pour 1993 le total des charges indues financées par celle-ci s’élève à 35 milliards et qu’en conséquence, si l’État assumait ses responsabilités, la CNAMTS aurait un résultat positif de près de 10 milliards ». Cf. rapport d’information n° 370 (1993-1994) fait par M. Charles Descours au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur l’avenir de la protection sociale et la place du Parlement dans sa définition, p. 8. On retrouve parmi ces charges dites indues des transferts de l’aide sociale vers le régime général, les compensations inter-régimes, l’affiliation de populations aux cotisations réduites ou forfaitaires (comme les détenus), la couverture de personnes sans recette fléchée (personnes sans activité professionnelle en situation de handicap), ou encore des financements d’institutions sanitaires sous contrôle exclusif de l’État, dans la recherche médicale ou la transfusion sanguine par exemple, comme l’expose le président du conseil d’administration de la CNAMTS Jean-Claude Mallet dans « Les comptes de la Sécurité sociale : l’effet ciseaux », Actualité et dossier en santé publique, n° 6, mars 1994, p. XXII.
([43]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, décembre 1993, p. 23.
([44]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, décembre 1993, p. 115.
([45]) Le contrat de prêt, formé le 18 octobre 1993, devait permettre la couverture des besoins de trésorerie de l’Acoss pour la période allant du 20 octobre au 31 décembre 1993. Pour une présentation détaillée de ce transfert, voir le rapport de M. Jean Arthuis, rapporteur général de la commission des finances du Sénat, n° 101 (1993-1994), tome I, pp. 133-136. Notons que ce rapport plaide pour un effort sur le volet des recettes lorsqu’il « propose, non de pérenniser, mais de reconduire pour une durée limitée à cinq ans, le prélèvement social de 1 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement ».
([46]) Loi n° 93-1352 du 30 décembre 1993 de finances pour 1994, article 105.
([47]) Rapport précité de M. Jean Arthuis, tome I, p. 135.
([48]) Loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale.
([49]) Ce remboursement devait être effectué à hauteur de 5,787 milliards de francs en 1994, de 6,787 milliards de francs en 1995, puis de 12 549,3 milliards de francs chaque année à partir de 1996. L’article L. 135-2 du code de la sécurité sociale organisait ce remboursement au titre des dépenses exceptionnelles du FSV.
([50]) Décision n° 93-330 DC du 29 décembre 1993. Aux termes de l’article 2 de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, les opérations de trésorerie exécutées par le Trésor sous la responsabilité de l’État comprenaient notamment les « émissions et remboursements d’emprunts publics ».
([51]) Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, décembre 1993, p. 32.
([52]) Simone Veil déclarait alors qu’il importait « d’éviter que des mécanismes trop avantageux d’exonération des cotisations sociales aient pour effet de réduire les recettes [des] régimes [de base ou celles des régimes complémentaires], en encourageant les entreprises à accorder des salaires différés au lieu de salaires directs ». Cf. Déclaration de Mme Simone Veil, ministre des affaires sociales de la santé et de la ville, sur l’histoire de la protection sociale, les problèmes des trois branches de la sécurité sociale et le financement de la sécurité sociale, Paris les 23 et 30 novembre 1993 à l’occasion de la Cérémonie du vingtième anniversaire du comité d’histoire de la sécurité sociale.
([53]) Loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale et article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.
([54]) Compte rendu de la deuxième séance du 15 novembre 1995.
([55]) Ibid.
([56]) Ibid.
([57]) Ibid.
([58]) Compte rendu de la première séance du 14 novembre 1995.
([59]) Ibid.
([60]) Compte rendu de la deuxième séance du 15 novembre 1995.
([61]) Compte rendu de la deuxième séance du 15 novembre 1995. M. Laurent Fabius (PS) calcule alors l’effort qui sera imposé à une petite retraite pour rembourser cette dette sociale, tandis que M. Maxime Gremetz (PCF) appelle à mettre les revenus financiers à contribution.
([62]) Réponses de la Cades aux questions des rapporteurs.
([63]) Réponses de la direction de la sécurité sociale aux questions des rapporteurs.
([64]) Audition des organisations syndicales représentatives, le 11 avril 2024.
([65]) Julien Duval, « Une réforme symbolique de la Sécurité sociale Les médias et le “trou de la Sécu” ». Actes de la recherche en sciences sociales, 2002, vol. 3 n° 143, pp. 53-67.
([66]) Carole Bousquet, « Gestion de la dette sociale : la vertu contrariée par la crise ? », Revue française des finances publiques, 2011, n° 115, septembre 2011, pp. 45-50.
([67]) Réponses de la Cades aux questions des rapporteurs.
([68]) I de l’article 4 de l’ordonnance n° 96-50 relative au remboursement de la dette sociale.
([69]) Article 14 de l’ordonnance du 24 janvier 1996 dans sa rédaction initiale.
([70]) Ibid., article 15.
([71]) Ibid., article 16.
([72]) Ibid., article 17.
([73]) Ibid., article 18.
([74]) Ibid., article 19. Le taux de la contribution sur le produit des jeux a ultérieurement été porté à 2,2 %. Les modifications de taux et d’assiette de ces prélèvements sont présentées dans la deuxième partie infra.
([75]) Article 9 de l’ordonnance du 24 janvier 1996.
([76]) II de l’article 6 de l’ordonnance du 24 janvier 1996.
([77]) Article 7 de l’ordonnance du 24 janvier 1996.
([78]) Loi n° 2008- du 13 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.
([79]) Rapport fait par M. Charles Descours au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, rapport n° 73 (1997-1998), tome I – Équilibres généraux et assurance maladie.
([80]) Article 10 de la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998 et II de l’article 4 de l’ordonnance du 24 janvier 1996 précitée.
([81]) Rapport n° 73 (1997-1998) précité.
([82]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2004, p. 10.
([83]) Rapport d’information n° 248 (2002-2003) fait par M. Alain Vasselle au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur la situation de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, déposé le 9 avril 2003.
([84])Voir le rapport n° 1703 fait par M. Jean-Michel Dubernard au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi n° 1675 relatif à l’assurance maladie, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 24 juin 2004, pp. 45-46.
([85]) Article 76 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie et II ter de l’article 4 de l’ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
([86]) Article 1er de l’ordonnance du 24 janvier 1996 précitée dans sa rédaction résultant de l’article 76 de la loi du 17 août 2004 relative à l’assurance maladie.
([87]) Rapport n° 1703 précité, p. 46.
([88]) Ibid.
([89]) Ibid., pp. 348-349.
([90]) La date d’apurement est ensuite avancée à 2020.
([91]) Audition de MM. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et la protection sociale, et Xavier Bertrand, secrétaire d’État à l’assurance maladie, par la commission spéciale précitée. Cf. rapport n° 1703, p. 67.
([92]) Rapport n° 2246 fait par M. Jean-Luc Warsmann au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur le projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif aux lois de financement de la sécurité sociale, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 13 avril 2005, p. 105.
([93]) Amendement n° 87 du rapporteur. Voir compte rendu analytique, deuxième séance du jeudi 12 mai 2005.
([94]) Rapport n° 2246 précité, p. 104.
([95]) Le rapport de la commission de réflexion sur la dette publique, créée en 2005 et présidée par M. Michel Pébereau, contenait plusieurs préconisations tendant à garantir l’équilibre des régimes sociaux, parmi lesquelles figuraient notamment, s’agissant de l’assurance maladie, l’instauration d’une obligation de vote à l’équilibre ; le retour automatique à l’équilibre d’une année sur l’autre ; la création d’un fonds de préservation de l’équilibre – cet ensemble d’obligations pouvant être qualifié de « règle d’or ». Cf. les parties de ce rapport reproduites en annexe de celui, précité, de la Mecss du Sénat portant sur la dette sociale, pp. 45‑47.
([96]) Exposé sommaire de l’amendement n° 306 rectifié déposé par M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur au nom de la commission des lois, sur le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. Cf. compte rendu de la deuxième séance du 12 mai 2005.
([97]) Compte rendu de la deuxième séance du 12 mai 2005.
([98]) Rapport n° 2246 précité.
([99]) Décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005.
([100]) L’exposé sommaire de l’amendement présenté par M. Jean-Luc Warsmann au nom de la commission indique que « cette disposition est de valeur législative ordinaire puisqu’elle ne semble pas pouvoir s’inscrire dans la définition constitutionnelle du domaine de la loi organique relative aux lois de financement ». Elle s’insère au demeurant dans un texte qui ne comportait alors que des dispositions de valeur législative ordinaire.
([101]) Ibid., considérant 20.
([102]) Rapport n° 2246 précité, p. 38.
([103]) Article 10 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.
([104]) Cf. le II ter de l’article 4 de l’ordonnance n° 96-50 relative au remboursement de la dette sociale.
([105]) Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, article 10.
([106]) Cf. l’annexe 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
([107]) Selon le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2008, le rendement d’un point de CSG atteignait 10,8 milliards d’euros en 2007.
([108]) Rapport n° 1211 fait par M. Yves Bur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (n° 1157), tome I, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2008.
([109]) Ibid. L’écart entre les évolutions des taux de CSG et de CRDS traduit la différence entre les assiettes de ces deux contributions – cf. infra.
([110]) Le professeur Rémi Pellet l’a notamment souligné dans ses réponses aux questions des rapporteurs.
([111]) Jean-François Chadelat écrivait ainsi en 2012 : « Diminuer les ressources du FSV alors qu’il est [...] l’organisme de protection sociale le plus sensible à une crise économique, puisqu’il est frappé à la fois sur ses recettes (moins de salaires) et sur ses dépenses (plus d’allocations de chômage), ne pouvait que conduire à le mettre en déficit ». Cf. Jean-François Chadelat, « La dette sociale : des origines à nos jours », Regards, juillet 2012, n° 42, pp. 10-17.
([112]) Communiqué de presse du Conseil des ministres du 13 juillet 2010.
([113]) Annexe au projet de loi organique précité relatif à la dette sociale, p. 5.
([114]) Article 9 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011.
([115]) Communiqué de presse du Conseil des ministres du 13 juillet 2010.
([116]) Cf. également infra, deuxième partie.
([117]) Pour une présentation de ces modifications, cf. rapport n° 1336 fait par M. Olivier Véran au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, XVe législature, pp. 190 sqq.
([118]) Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.
([119]) Décision n° 2010-616 DC du 10 novembre 2010.
([120]) Ibid.
([121]) Décision n° 2010-620 DC du 16 décembre 2010, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.
([122]) Cf. annexe B au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
([123]) Article 27 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.
([124]) Rapport n° 2340 fait par M. Olivier Véran au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, tome II, p. 126.
([125]) Cf. infra, troisième partie.
([126]) Isabelle Vacarie, « La sécurité sociale et sa dette », Droit social, n° 7-8, juillet 2022, p. 572-575. Voir également Vincent Dussart, « Dette publique, dette sociale et dette européenne », ibid., p. 584-587. Mme Vacarie et M. Dussart ont été entendus par les rapporteurs lors d’une audition à l’Assemblée nationale le 28 mars 2024.
([127]) M. Rémi Pellet a notamment mis en évidence ce point dans ses réponses écrites aux questions des rapporteurs.
([128]) Cf. Cades, Rapport financier annuel 2023, p. 17 et Insee « Les comptes de la nation en 2023 », 31 mai 2024.
([129]) Article 1er de l’ordonnance n° 96‑50 précitée.
([130]) Décret n° 96‑353 du 24 avril 1996 relatif à la caisse d’amortissement de la dette sociale.
([131]) Article 3 du décret n° 96‑353 précité.
([132]) Article 3 de l’ordonnance n° 96‑50 précitée.
([133]) Article 2 du décret n° 96‑353 précité.
([134]) Article 5 de l’ordonnance n° 96‑50 précitée.
([135]) Article L. 821‑67 du code de commerce.
([136]) Décret n° 2012‑1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.
([137]) Article 5 du décret n° 96‑353 précité.
([138]) Depuis 1996, la Cades a adopté le plan comptable des établissements de crédit (PCEC).
([139]) Article 7 du décret n° 96‑353 précité.
([140]) Ibid.
([141]) Cades, rapport financier annuel pour l’année 2023, p. 32.
([142]) Hors personnel mis à disposition de l’AFT par la Cades.
([143]) Cette habilitation est relativement ancienne puisqu’elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2006 en application de l’article 73 de la loi n° 2005‑1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 issu d’un amendement du rapporteur général de la commission des finances du Sénat mais dont les conséquences réglementaires n’avaient pas été tirées avant 2017.
([144]) Décret n° 2017‑869 du 9 mai 2017 relatif à la Caisse d’amortissement de la dette sociale.
([145]) Seul l’agent en charge du contrôle interne n’est pas mis à disposition de l’AFT.
([146]) Ce dernier montant a été fixé à 205 000 euros par an.
([147]) Réponses aux questionnaires des rapporteurs.
([148]) Cour des comptes, La gestion de la dette publique et l’efficience du financement de l’État par l’Agence France Trésor, février 2022.
([149]) Article L. 225‑2 du code de la sécurité sociale.
([150]) Ordonnance n° 67-706 du 21 août 1967 relative à l’organisation administrative et financière de la sécurité sociale.
([151]) Article L. 225‑3 du code de la sécurité sociale.
([152]) Article R. 225‑6 du code de la sécurité sociale.
([153]) Article L. 225‑1 du code de la sécurité sociale.
([154]) e du 2° de l’article L.O. 111‑3‑4 du code de la sécurité sociale.
([155]) Article L. 139‑3 du code de la sécurité sociale.
([156]) Acoss, états financiers pour l’année 2023, pp. 51 et 52.
([157]) Article 12 du décret n° 96‑353 précité.
([158]) La Cades a des emprunts en cours libellés en yuan, en dollar australien, en couronne norvégienne, en couronne suédoise, en livre sterling et en franc suisse.
([159]) Dans le cadre d’un contrat d’échange (par exemple de devises), est fixée une exigence de marge que les parties doivent apporter pour couvrir des pertes potentielles. L’appel de marge correspond à l’action par laquelle l’une des parties à un contrat d’échange demande à l’autre partie d’apporter des garanties supplémentaires pour couvrir les pertes potentielles liées à une dégradation des conditions du contrat (en l’occurrence une trop forte dépréciation du taux de change).
([160]) L’enchère hollandaise est une enchère inversée : le vendeur fixe un prix plus élevé que le valeur du bien et diminue ce prix jusqu’à trouver acquéreur.
([161]) Conformément à la convention d’objectifs et de gestion négociée entre l’Acoss et l’État pour la période 2023‑2027.
([162]) Les titres de créances négociables ont été créés par la Banque de France en 2016. Ils remplacent les billets de trésorerie auxquels l’Acoss avait recours depuis 2007.
([163]) Voir partie III.
([164]) Plusieurs rapports consacrés à la gestion de la trésorerie de la sécurité sociale ont documenté cette évolution sur le long terme. Voir par exemple Igas, La gestion de trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, janvier 2018.
([165])Un écart d’un point de base entre deux taux représente une différence de 0,01 point.
([166]) L’article 92 du règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement prévoit un ratio de fonds propres de 8 % du total des crédits que ces établissements consentent, pondérés par le risque que lesdits crédits représentent.
([167]) Le taux moyen de refinancement correspond au taux moyen des emprunts en cours, pondéré par leur montant.
([168]) Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale – Financement, mai 2024, p. 71.
([169]) Loi n° 2010‑1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011. La chronique de l’évolution des recettes de la Cades est présentée dans la partie II. C. du présent rapport.
([170]) Réponse au questionnaire des rapporteurs.
([171]) Rapport annuel de performances « Engagements financiers de l’État » annexé au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023.
([172]) Article 50 de la loi n° 2020‑1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.
([173]) Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale pour 2023 – financement, p. 58.
([174]) L’Euro short‑term rate est le taux d’intérêt interbancaire de référence calculé par la Banque centrale européenne.
([175]) Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024.
([176]) Et plus spécifiquement les intérêts des dépôts de trésorerie réalisés à l’Acoss par des organismes tiers tels que la caisse centrale de mutualité sociale agricole, la caisse nationale des industries électriques et gazières ou le conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants.
([177]) International Capital Market Association, principes applicables aux obligations sociales, lignes directrices d’application volontaire pour l’émission d’obligations sociales.
([178]) Voir par exemple Cades, rapport d’allocation et de performance des émissions sociales, édition 2023 et Urssaf Caisse nationale, rapport sur les émissions responsables, édition 2023.
([179]) Article 4 bis de l’ordonnance n° 96‑50 précitée créé par la loi n° 2005‑881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
([180]) Article 10 de la loi n° 2008‑1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.
([181]) En application de l’article 1er de la loi organique n° 2010‑1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale.
([182]) Articles L. 245‑14 et L. 245‑15 du code de la sécurité sociale.
([183]) Article 24 de la loi n° 2015‑1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.
([184]) Article 3 de la loi n° 2020‑992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.
([185]) Article 4 de la même loi.
([186]) Décision n° 2010-616 DC du 10 novembre 2010. Cf. supra.
([187]) Article L. 136‑1 du code de la sécurité sociale pour la CSG et article 14 de l’ordonnance n° 96‑50 précitée pour la CRDS.
([188]) Article L. 136‑6 du code de la sécurité sociale pour la CSG et article 15 de l’ordonnance n° 96‑50 précitée pour la CRDS.
([189]) Article L. 136‑7 du code de la sécurité sociale pour la CSG et article 16 de l’ordonnance n° 96‑50 précitée pour la CRDS.
([190]) Article L. 136‑7‑1 du code de la sécurité sociale pour la CSG et article 18 de l’ordonnance n° 96‑50 précitée pour la CRDS.
([191]) Article 17 de l’ordonnance n° 96‑50 précitée.
([192]) Article L. 136‑1 du code de la sécurité sociale.
([193]) Ordonnance n° 2001‑377 du 2 mai 2001 prise pour l’application du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971.
([194]) Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté et modifiant les règles d’assujettissement des revenus d’activité et de remplacement à la contribution sociale généralisée et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale.
([195]) En application de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne du 4 février 2015 dite « De Ruyter ».
([196]) Le taux de CRDS applicable aux produits des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne est fixé à 2,2 % tandis que le taux applicable aux produits des jeux réalisés dans les casinos est fixé à 3 %.
([197]) Article L. 135‑6 du code de la sécurité sociale.
([198]) Le FRR fut d’abord constitué en tant que section comptable du Fonds de solidarité vieillesse par la loi n° 98‑1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999. Il fut ensuite constitué en établissement public par la loi n° 2001‑624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d’ordre social économique et culturel.
([199]) Réponses du FRR au questionnaire des rapporteurs.
([200]) Cf. première partie.
([201]) Voir à ce sujet le rapport d’information n° 1685 présenté par MM. Marc Ferracci et Jérôme Guedj en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale de l’Assemblée nationale sur le contrôle de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales, septembre 2023.
([202]) Amendement n° 1 déposé par Mme Marie‑Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur le projet de loi organique relative à la gestion de la dette sociale, adopté en première lecture.
([203]) Insee, enquête Histoire de vie et Patrimoine, édition 2021.
([204]) Drees, Minima sociaux et prestations sociales, Panoramas de la Drees, édition 2023.
([205]) Ces exceptions concernent notamment les cotisations au régime local d’assurance maladie d’Alsace‑Moselle, les cotisations dues pour le financement des régimes de sécurité sociale de Mayotte ou des collectivités d’outre‑mer ainsi que, s’agissant des allocations chômage, des cotisations de retraite complémentaire.
([206]) À la fin de l’année 2018, la Cades avait repris 260,5 milliards d’euros de dette, dont 155,2 milliards d’euros avaient été amortis.
([207]) Cf. rapport n° 3432 fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (n° 3397) par M. Thomas Mesnier, Mme Caroline Janvier, Mme Monique Limon, M. Cyrille Isaac-Sibille et M. Paul Christophe, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2020, tome II, p. 52.
([208]) Ibid.
([209]) Article 30 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.
([210]) Décret n° 2020-327 du 25 mars 2020 portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale. Rappelons que l’article L.O. 111-9-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la LOLFSS précitée de 2005, disposait qu’en cas d’urgence, les plafonds de ressources non-permanentes prévus par la loi de financement pouvaient « être relev[és] par décret pris en conseil des ministres après avis du Conseil d’État et information des commissions parlementaires saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale », la ratification de ces décrets devant être demandée au Parlement dans le plus prochain projet de loi de financement. La loi organique du 14 avril 2022 précitée a précisé les conditions dans lesquelles le pouvoir réglementaire peut prendre de tels décrets, en distinguant les cas d’urgence « simple » et les situations auxquelles s’ajoute à ce caractère le constat d’une « nécessité impérieuse d’intérêt national », et renforcé le contrôle exercé par les commissions parlementaires compétentes.
([211]) Décret n° 2020‑603 du 20 mai 2020 portant relèvement du plafond de recours aux ressources non permanentes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale. Ce décret relève également de 5 milliards d’euros le plafond d’emprunt de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (MSA). Conformément à l’article L.O. 111-9-2 du code de la sécurité sociale, ces deux décrets ont été ratifiés par l’article 6 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.
([212]) Réponses de la Cades au questionnaire des rapporteurs.
([213]) Réponses de la direction de la sécurité sociale au questionnaire des rapporteurs.
([214]) Ibid.
([215]) Étude d’impact annexée au projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie, p. 7.
([216]) Réponses de la direction de la sécurité sociale au questionnaire des rapporteurs.
([217]) Étude d’impact précitée, p. 7.
([218]) Article 1er de la loi organique n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.
([219]) c du 3° et b du 3° bis de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale modifié par l’article 3 de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020.
([220]) Article L. 135-6 du code de la sécurité sociale modifié par l’article 4 de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020.
([221]) Cf. première partie supra.
([222]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi ordinaire relatif à la dette sociale et à l’autonomie, p. 10.
([223]) II septies A de l’article 4 de l’ordonnance du 24 janvier 1996 précitée dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la loi n° 2020-992 précitée.
([224]) Conformément au quatrième alinéa du II septies A de l’article 4 de l’ordonnance du 24 janvier 1996 précitée.
([225]) Le régime du service public hospitalier, défini par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, comprend en particulier des exigences en matière d’égal accès à des soins de qualité, de permanence de l’accueil et de la prise en charge, ou, à défaut, d’orientation vers un autre établissement ou une autre institution et d’absence de dépassement d’honoraires. Ces obligations sont réputées s’étendre par ailleurs à l’ensemble des personnes qui interviennent dans les établissements relevant de ce service public.
([226]) Cour des comptes, Rapport public annuel 2018, février 2018, tome II, chapitre V, p. 291.
([227]) Rapport d’enquête n° 4030 fait par M. Jean-Pierre Georges au nom de la commission d’enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux, sous la présidence de M. Claude Bartolone, XIIIe législature, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 6 décembre 2011, p. 57.
([228]) Béatrice Majnoni d’Intignano, « Emprunts toxiques des hôpitaux : qui est responsable ? », Le Monde, 17 avril 2015.
([229]) Ibid., p. 279.
([230]) Cf. rapport fait par M. Thomas Mesnier, rapporteur général, au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (n° 3397), XVe législature, tome II, pp. 207‑220.
([231]) IGF et Igas, Évaluation de la dette des établissements publics de santé et des modalités de sa reprise, rapport précité, p. 15.
([232]) Ibid.
([233]) Article 50 de la loi n° 2020-1576 du 14 novembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.
([234]) Réponses de la Cades au questionnaire des rapporteurs.
([235]) Article 4 du décret n° 2021-40 du 19 janvier 2021 relatif au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général, du Fonds de solidarité vieillesse, de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et des établissements publics de santé à effectuer en 2021.
([236]) Article 3 du décret n° 2022-23 du 11 janvier 2022 relatif au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général du Fonds de solidarité vieillesse et des établissements publics de santé à effectuer en 2022.
([237]) Article 2 du décret n° 2023-12 du 11 janvier 2023 relatif au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général et des établissements publics de santé à effectuer en 2023.
([238]) Article 50 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 précitée.
([239]) Circulaire du 10 mars 2021 relative à la relance de l’investissement dans le système de santé dans le cadre du Ségur de la santé et de France Relance.
([240]) Réponses de la direction de la sécurité sociale au questionnaire des rapporteurs.
([241]) B du II septies de l’article 4 de l’ordonnance du 24 janvier 1996 précitée.
([242]) Étude d’impact précitée, p. 7.
([243]) Réponses au questionnaire des rapporteurs.
([244]) Étude d’impact précitée, p. 7.
([245]) Cette commission a remis en mars 2021 son rapport, intitulé Nos finances publiques post-covid-19 : pour de nouvelles règles du jeu.
([246]) Cf. notamment la tribune de M. Michaël Zemmour publiée dans Le Monde du 26 mai 2020, dans laquelle cet auteur critique tout autant les principes qui sous-tendent ce choix que la méthode employée, au motif que la décision de cantonner la dette et de l’amortir plutôt que de la faire rouler constitue une charge pour la sécurité sociale : « la sécurité sociale a supporté les congés maladie pour les personnes fragiles et les congés de garde d’enfant, en plus des dépenses de soins et des congés maladie pour les personnes directement affectées par l’épidémie ; l’assurance- chômage a pris en charge le maintien des chômeurs en fin de droit, l’afflux de nouveaux chômeurs, mais surtout un tiers des dépenses de l’activité partielle. Côté recettes, ensuite, les assurances sociales ont dû supporter non seulement la baisse de leurs recettes du fait de la récession, mais aussi le report – qui pourrait vite devenir un abandon, au moins partiel – des cotisations sociales des entreprises, afin de soulager leur trésorerie. […] L’annonce que cette "dette Covid" serait transformée en dette sociale, et que ces dépenses ne seront donc pas compensées par l’État, est inquiétante pour l’avenir de la protection sociale, et au fond injustifiée ».
([247]) Audition de M. Rémi Pellet à l’Assemblée nationale le 28 mars 2024.
([248]) Article 1er de l’ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale.
([249]) Cf. notamment Frédéric Guiomard, « La « dette Covid », symptôme de la financiarisation de la gestion de la protection sociale », Droit social, 2022, pp. 598 sqq.
([250]) Audition des organisations syndicales représentatives, le 11 avril 2024.
([251]) Cf. le rapport n° 3067 précité, p. 65.
([252]) Haut Conseil du financement de la protection sociale, Pour des finances sociales soutenables, janvier 2022.
([253]) Isabelle Vacarie, « La sécurité sociale et sa dette », Droit social, n° 78, 2022.
([254]) Le Haut Conseil proposait ainsi que la « dette covid » fût « distinguée de la dette « hors Covid » [...] pour faire l’objet d’un traitement différencié au sein même de la Cades (qui serait amenée à gérer deux schémas d’amortissement, avec des calendriers différents par exemple) ». Dans le même rapport, le HCFiPS envisageait aussi que cette dette fût « transférée à l’État et [qu’elle fût] progressivement amortie selon les mêmes modalités que la dette « Covid » de l’État (c’est-à-dire sans prédétermination des recettes consacrées et de l’horizon de remboursement, et avec un horizon « souple » de vingt ans, plutôt qu’un strict horizon de onze ans) ». Cf. Pour des finances sociales soutenables, janvier 2022, pp. 213-214.
([255]) Audition des organisations syndicales représentatives, le 11 avril 2024.
([256]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi organique relatif à la dette sociale (2010), p. 10. Cette étude d’impact décrivait les conséquences d’une reprise de la dette de la sécurité sociale par l’État. Elle indiquait tout d’abord qu’une telle reprise aurait pour effet, en remettant en cause le cantonnement de la dette sociale, « de nuire à la transparence et à la prévisibilité qui comptent parmi les critères essentiels de la relation de confiance entre l’État émetteur et les investisseurs ». Elle soulignait également que cette solution aurait entraîné une « forte révision à la hausse du besoin de financement de l’État et le relèvement de l’encours d’émission de bons à taux fixe à des niveaux importants », lesquels auraient pu « engendrer un degré d’incertitude élevé quant à la sécurité de son financement ». La même étude d’impact précisait enfin que « le relèvement durable des émissions à moyen terme, compte tenu de l’intégration de la dette sociale et de la dette de l’État au sein d’un même programme de financement, pourrait conduire à creuser l’écart de taux entre la France et l’Allemagne ».
([257]) Réponses de la Cades au questionnaire des rapporteurs.
([258]) Évaluation de la dette des établissements publics de santé et des modalités de sa reprise, p. 16.
([259]) Anna Zachayus, loc. cit., p. 65.
([260]) Rapport n° 556 (2019-2020) fait par M. Jean-Marie Vanlerenberghe au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie, déposé le 24 juin 2020, p. 11.
([261]) Le rapport de mai 2024 à la Commission des comptes de la sécurité sociale estime qu’une variation de + 1 % de la masse salariale du secteur privé se traduit par une amélioration du solde des régimes de base de la sécurité sociale de 2,4 milliards d’euros.
([262]) L’article L. 3231‑4 du code du travail prévoit que le Smic est indexé sur l’évolution de l’indice des prix à la consommation. L’article L. 3231‑5 du même code prévoit en outre une revalorisation du Smic dès lors que le taux d’évolution de l’indice des prix à la consommation atteint un niveau supérieur de 2 % par rapport à son niveau observé lors de la revalorisation du Smic la plus récente.
([263]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 10.
([264]) Ibid.
([265]) Loi n° 2023‑1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.
([266]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2024.
([267]) Réponse au questionnaire des rapporteurs.
([268]) Le règlement arbitral de novembre 2023 faisant suite à l’échec des négociations conventionnelles prévoyait une hausse du tarif des consultations des médecins généralistes et spécialistes de 1,50 euro dans l’Hexagone. Ce facteur jouera particulièrement en 2024. En 2025, la hausse sera encore plus importante puisque la convention médicale approuvée par l’arrêté du 20 juin 2024 portant approbation de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie fixe le tarif de la consultation chez le généraliste à 30 euros. Elle s’appliquera à compter du 22 décembre 2024.
([269]) Loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
([270]) Le versement effectif des montants liés à ces revalorisations a toutefois été effectué en deux vagues : l’une dès septembre 2023 pour 600 000 retraités, l’autre en septembre 2024 pour 850 000 retraités.
([271]) Annexe A de la loi n° 2023‑1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.
([272]) Conseil d’orientation des retraites, rapport annuel, juin 2024, p. 93.
([273]) Réponse de la Caisse des dépôts et consignations (qui est gestionnaire du régime) au questionnaire des rapporteurs.
([274]) Ce plafond a été fixé à 11 milliards d’euros par l’article 35 de la loi n° 2023‑1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.
([275]) Haut Conseil du financement de la protection sociale, État des lieux du financement de la sécurité sociale, janvier 2024, p. 11.
([276]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 49.
([277]) Réponse au questionnaire des rapporteurs.
([278]) Le taux de contribution employeur a été relevé d’un point en 2024 pour s’établir à 31,65 %. Cette mesure fut toutefois neutre pour les employeurs puisqu’elle fut compensée par une diminution d’un point du taux de cotisation maladie.
([279]) Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale des finances, Inspection générale de l’administration, Situation financière de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, mai 2024, rendu public le 27 septembre 2024.
([280]) À titre d’exemple, la majoration de pension de 10 % pour les pensionnés ayant au moins trois enfants est intégralement prise en charge par la CNRACL alors que dans d’autres régimes, c’est la branche famille qui rembourse ces dépenses supplémentaires.
([281]) Ce montant correspond, pour chaque année considérée, à la différence entre le montant de l’Ondam projeté en LFSS 2024 et le montant qui résulterait d’une hausse de 1 % de l’Ondam à compter de l’exercice 2025.
([282]) Réponses au questionnaire des rapporteurs.
([283]) Haut Conseil du financement de la protection sociale, Pour des finances sociales soutenables adaptées aux nouveaux défis, janvier 2022.
([284]) Notamment M. Benjamin Ferras ou M. Dominique Libault.
([285]) L’annexe 8 prévue au 8° de l’article L.O. 111‑4‑1 du code de la sécurité sociale.
([286]) Article L.O. 111‑3‑6 du code de la sécurité sociale.