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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 novembre 2024
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 146-3, alinéa 6, du Règlement
PAR le comitÉ d’Évaluation et de contrÔle des politiques publiques
sur l’évaluation de la politique immobilière de l’État
ET PRÉSENTÉ PAR
MM. François JOLIVET et KÉvin MAUVIEUX
Députés
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SOMMAIRE
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Pages
A. L’ÉTAT ET SES OPÉRATEURS DISPOSENT D’UN PATRIMOINE IMMOBILIER VASTE ET COMPOSITE
1. Une envergure exceptionnelle, une grande hétérogénéité
2. Des statuts juridiques d’occupation très divers
3. Une part importante du parc occupée par les opérateurs
1. La mise en place progressive d’un système d’information relatif à l’immobilier de l’État (SIIE)
2. En parallèle du SIIE, des outils de gestion ont été développés par certains ministères
II. UNE GOUVERNANCE QUI NE PERMET PAS D’ASSURER UN PILOTAGE GLOBAL ET COHÉRENT
A. LA DÉFINITION DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE MANQUE D’UNE PROGRAMMATION D’ENSEMBLE
1. L’animation des instances de concertation au niveau national
2. La légitimité métier conserve une forte emprise (la défense, la justice)
3. Le soutien au pilotage régional des préfets
4. La consolidation des métiers de la filière immobilière
5. La conduite du programme de rénovation des cités administratives
C. UNE ARCHITECTURE BUDGÉTAIRE ÉCLATÉE QUI DILUE LES RESPONSABILITÉS
1. La dispersion des dépenses immobilières de l’État au sein de 62 programmes budgétaires
III. UNE SOUTENABILITÉ FINANCIÈRE FRAGILE DEVANT L’EFFORT D’INVESTISSEMENT À VENIR
A. UN ENTRETIEN INSUFFISANT DU PATRIMOINE IMMOBILIER
1. Une dépense immobilière peu portée sur l’entretien courant
2. Le contournement par l’immobilier locatif ou le tiers financeur
3. Le financement de la rénovation énergétique
B. FAIRE FACE À DES BESOINS DE FINANCEMENT EN FORTE CROISSANCE
1. La poursuite des grandes opérations immobilières
2. Assurer la mise en œuvre des obligations légales et réglementaires, notamment environnementales
a. Le diagnostic du Cerema et le « mur d’investissement » à effectuer
b. La réponse du secrétariat général à la planification écologique
IV. POUR UNE RÉFORME URGENTE DE LA GESTION IMMOBILIÈRE
A. PRENDRE DAVANTAGE EN COMPTE LES ATTENTES DES AGENTS PUBLICS
1. S’adapter à l’évolution des usages des bâtiments
2. Mener une densification sans brutalité
3. Poursuivre la mutualisation interministérielle
4. Mesurer la satisfaction des agents et des usagers
B. MODIFIER LES RÈGLES DE GOUVERNANCE
1. Formaliser une stratégie globale
C. REVOIR LES PARAMÈTRES DE L’ÉQUATION FINANCIÈRE
1. Sécuriser la trajectoire pluriannuelle des crédits immobiliers
2. Recourir à des financements innovants
3. Diversifier les modes de valorisation
1. Un premier retour d’expérience positif sur les interventions de l’agence AGILE
2. Le projet de foncière du Gouvernement : périmètre et répartition des compétences
3. La soutenabilité économique et budgétaire du nouveau modèle
ANNEXE : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS
CONTRIBUTION DE LA COUR DES COMPTES
Proposition n° 1 : Généraliser la mesure de la satisfaction des agents des services publics et des usagers, relative à la fréquentation des emprises immobilières et aux services qui y sont associés.
Proposition n° 2 : Élaborer un document-cadre unique décrivant la stratégie immobilière de l’État assorti d’un plan d’action et d’indicateurs mesurant sa mise en œuvre.
Proposition n° 3 : Mettre en place un plan de contrôle interne destiné à renforcer la fiabilité des données, afin d’alimenter un logiciel unique de gestion de patrimoine.
Proposition n° 4 : Rattacher la direction de l’immobilier de l’État au Premier ministre et maintenir la direction nationale d’interventions domaniales au sein de la direction générale des finances publiques.
Proposition n° 5 : Instaurer une programmation triennale des crédits d’entretien du patrimoine immobilier de l’État, fondée sur une planification des opérations.
Proposition n° 6 : Confier à une société foncière, détenue à 100 % par l’État, la gestion et l’exploitation des actifs immobiliers appartenant à l’État.
Le 20 octobre 2022, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a inscrit à son programme de travail une évaluation de « la politique immobilière de l’État » et a désigné comme rapporteurs MM. François Jolivet (Horizons) et Kévin Mauvieux (Rassemblement National). Le 3 octobre 2024, le CEC a renouvelé cette désignation, afin d’achever les travaux interrompus par la dissolution de l’Assemblée nationale intervenue le 9 juin 2024.
Sollicitée sur le fondement de l’article L. 132-6 du code des juridictions financières, la Cour des comptes a remis au CEC une communication intitulée La politique immobilière de l’État, une réforme nécessaire pour aborder les enjeux à venir, dont les conclusions lui ont été présentées le 7 décembre 2023 par Mme Carine Camby, présidente de la première chambre.
La Cour y rappelle que deux grands objectifs ont été assignés à la politique immobilière de l’État depuis une quinzaine d’années : la rationalisation du parc et la prise en compte du changement climatique. Selon la Cour, ces deux objectifs présentent une mise en œuvre décevante.
Pour situer cette étude dans son contexte, on soulignera que ces deux dernières années ont vu se développer une réflexion sur l’évolution de la gouvernance de cette politique publique, notamment depuis la parution du rapport IGF‑CGEDD Immobilier de l’État : une nouvelle architecture pour professionnaliser en avril 2022.
Une perspective nouvelle a été ouverte avec l’annonce par le ministre des comptes publics, à l’issue du Conseil de l’immobilier de l’État du 29 février 2024, de la mise en place d’une foncière publique interministérielle, qui a pour objectif de constituer un outil opérationnel pour mieux répondre aux priorités de la politique immobilière que sont l’accélération de la transition écologique et l’amélioration de l’entretien du patrimoine et des conditions de travail des agents publics ou de l’accueil des usagers.
Il apparaît en effet souhaitable de mener à bien rapidement une réforme de la gestion immobilière de l’État, actuellement pénalisée par une connaissance lacunaire des actifs et une gouvernance éclatée.
Au regard de son envergure (194 456 bâtiments, répartis sur 30 918 terrains), de son caractère hétéroclite (des bureaux, à hauteur de 23,4 millions de m², mais aussi des logements, des locaux d’enseignement, des institutions, des monuments historiques, etc.) et de son empreinte géographique (des actifs présents en France continentale et ultra‑marine, ainsi que dans de très nombreux pays), le parc immobilier constitue bien « la matérialisation concrète de la place de l’État central dans la construction de la Nation » ([1]).
Plusieurs outils numériques ont été mis en place afin de cartographier de façon précise les actifs immobiliers étatiques. Si ces bases de données permettent aujourd’hui de disposer d’une meilleure connaissance du patrimoine, leur incomplétude est régulièrement mise en avant. Dans son étude déjà citée, la Cour des comptes soulignait les lacunes du système d’information actuel relatif à l’immobilier de l’État. Les outils existants peinent en effet à répondre aux exigences croissantes en la matière, notamment quant à la précision de la donnée, à l’état des biens et à leur valorisation.
Des marges de manœuvre existent pour enrichir la connaissance des actifs immobiliers de l’État et garantir la complétude et la fiabilité des données.
L’envergure du parc immobilier de l’État est considérable, autant par rapport aux autres pays européens qu’en comparaison avec les actifs des foncières privées. En pratique, la qualité du pilotage et de la gestion de ces biens immobiliers dépend de la précision des connaissances qu’entretiennent les services de l’État au sujet de leurs caractéristiques, de leur emplacement, de leurs coûts (d’investissement comme de fonctionnement) ou encore de leur vétusté.
Selon le document de politique transversale (DPT) consacré à La politique immobilière de l’État, annexé au projet de loi de finances pour 2025 ([2]), l’État, ses établissements publics et ses opérateurs occupaient pour l’exécution de leurs missions de service public, au 31 décembre 2023, 194 456 bâtiments couvrant une surface utile brute de 95,9 millions de m², et 30 918 terrains non bâtis représentant une superficie de 4,1 millions d’hectares ([3]). Le nombre d’actifs immobiliers de l’État s’élevait donc, à cette date, à 225 374.
À ce titre, l’étendue du parc immobilier de l’État français apparaît particulièrement exceptionnelle, si on la compare avec les surfaces immobilières occupées par les autres pays européens ou à celles détenues par les grandes foncières privées.
Comparaison de la surface des actifs immobiliers de l’État en France
avec ceux des pays européens et des grandes foncières privées
Dans les pays européens voisins, le parc immobilier détenu par les États centraux est nettement moins vaste qu’en France : 60 millions de m² pour l’Allemagne, 11,7 millions pour les Pays-Bas, 7 millions pour l’Autriche et 5,9 millions pour la Finlande ([4]).
Quant aux principaux acteurs de l’immobilier privé, la comparaison de la surface du parc immobilier étatique français aux actifs que ceux-ci détiennent est particulièrement éloquente. La Société nationale des chemins de fers français (SNCF), qui constitue le deuxième propriétaire de biens immobiliers en France derrière l’État, possède un ensemble de biens qui couvrent une surface de 7,7 millions de m². Le groupe La Poste occupe une surface de 5,9 millions de m². Au 31 décembre 2022, l’une des plus grandes foncières de logements, CDC Habitat, occupait des biens couvrant une surface de 28 millions de m² (alors que l’État possédait 18 millions de m² de logements). À la même date, la plus grande foncière de bureaux en Europe, la société Gecina, disposait de 1,4 million de m² de bureaux (contre 13,6 millions de m² pour les bureaux non spécialisés de l’État).
Deux phénomènes sont à observer concernant l’évolution de cette surface immobilière :
– d’une part, une tendance structurelle à la baisse des surfaces occupées par l’État qui se poursuit depuis plusieurs années. La surface couverte par le parc immobilier de l’État est ainsi passée de 101,2 millions de m² de surface utile brute au 31 décembre 2013 à 95,9 millions au 31 décembre 2023. De façon agrégée sur les dix dernières années, le parc immobilier étatique a connu une diminution de 5 %. Cette baisse s’explique en grande partie par deux raisons : la politique de cessions menée par les services du Domaine et les plans de réorganisation du parc militaire et de l’administration territoriale ;
DonnÉes clÉs de l’inventaire du parc immobilier de l’État
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31 décembre 2019 |
31 décembre 2020 |
31 décembre 2021 |
31 décembre 2022 |
31 décembre 2023 |
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Nombre |
Surface |
Nombre |
Surface |
Nombre |
Surface |
Nombre |
Surface |
Nombre |
Surface |
Bâtiments mesurés par une SUB |
191 000 |
97 millions m² |
191 500 |
94,3 millions m² |
191 800 |
93,8 millions m² |
192 550 |
94,4 millions m² |
194 456 |
95,9 millions m² |
Terrains mesurés en hectares |
30 500 |
4 millions |
30 500 |
4 millions |
30 500 |
4 millions |
30 469 |
4 millions |
30 918 |
4,1 millions |
Total |
221 500 |
|
222 000 |
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222 300 |
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223 019 |
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225 374 |
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Source : Document de politique transversale Politique immobilière de l’État, annexe au projet de loi de finances pour 2025, d’après les données d’inventaire immobilier éditées par Chorus RE-FX au 31 décembre 2023.
– d’autre part, on observe une récente tendance conjoncturelle à l’augmentation des surfaces immobilières occupées par l’État sur les trois dernières années. Entre le 31 décembre 2021 et le 31 décembre 2022, la légère hausse des surfaces de 1 %, marquée par un relèvement de la surface utile brute de 93,8 à 94,4 millions de m² de surface utile brute, s’explique par des opérations de fiabilisation de l’inventaire et par de nouvelles constructions liées à deux opérateurs : l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (à hauteur de 600 000 m²) et l’université Paris‑Sorbonne (à hauteur de 300 000 m²). Entre le 31 décembre 2022 et le 31 décembre 2023, la surface totale du parc a de nouveau connu une légère augmentation, passant de 94,4 à 95,9 millions de m². Celle-ci a pour cause un ensemble de créations nettes de nouvelles surfaces sur des sites existants : 249 000 m² supplémentaires de surface brute utile pour des locaux du ministère des armées, 265 000 m² pour des sites dépendant des opérateurs du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, 123 000 m² pour les bâtiments de l’administration pénitentiaire.
Du point de vue fonctionnel, ce parc se compose de bureaux, de monuments historiques, d’universités, de laboratoires ou encore de logements. Les surfaces tertiaires de bureaux représentent 24 % du patrimoine total, soit 22,8 millions de m² de surface utile brute. Inversement, les logements occupés par l’État couvrent 18,1 millions de m² de surface utile brute, soit 19 % de la surface totale de l’immobilier étatique. Les 58 % restants du parc se décomposent en différents types de biens correspondant à des activités spécifiques : des bâtiments d’enseignement ou de sport (21 % des surfaces), des bâtiments techniques (20 %), des bâtiments sanitaires et sociaux (10 %) et des bâtiments culturels (3,5 %).
Évolution de l’occupation en m² de surface utile brute (SUB)
en fonction de la typologie des bÂtiments du parc
Source : Document de politique transversale Politique immobilière de l’État, annexe au projet de loi de finances pour 2025, d’après les données d’inventaire immobilier éditées par Chorus RE‑FX au 31 décembre 2023.
Du point de vue géographique, le parc immobilier étatique connaît une grande concentration, dans la mesure où le cinquième des bâtiments et des surfaces non bâties occupées par l’État se trouve dans la région Île‑de‑France. À l’inverse, seuls 4 % des biens se situent dans les départements, les régions et les territoires d’outre-mer.
Le caractère composite du parc immobilier de l’État s’illustre dans l’inégale répartition des surfaces entre ses différents occupants (ministères et opérateurs). Dans les faits, plus des deux tiers de la surface totale de ces actifs relèvent de la compétence de seulement trois ministères :
– 26 % des biens relèvent du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (24,5 millions de m² de surface utile brute), composés essentiellement des universités et des locaux des organismes de recherche. Le ministère gère les bâtiments des universités, qui occupaient 12,4 millions de m² de SUB au 31 décembre 2023, à l’exception de celles qui ont obtenu la dévolution de leur patrimoine immobilier ([5]), possibilité ouverte par la loi n° 2007‑1199 relative aux libertés et responsabilités des universités du 11 août 2007 ;
– pour une proportion similaire (26 %), 24,3 millions de m² du parc immobilier de l’État sont occupés par le ministère des armées ;
– enfin, le ministère de l’intérieur se trouve être le gestionnaire de 16 % des actifs immobiliers de l’État (15,1 millions de m²), qui se décomposent en casernes de gendarmerie, commissariats de police, préfectures et sous‑préfectures.
Au total, ces trois ministères occupent une surface qui représente 68 % du parc immobilier total de l’État. Viennent ensuite, pour une proportion similaire, les actifs relevant du ministère de la justice (4,7 % du parc pour 4,5 millions de m², composés essentiellement des tribunaux et des établissements pénitentiaires) et les biens dits « multi-occupants », qui accueillent plusieurs ministères (environ 5 % du parc). La part représentée par ces sites « multi-occupants » témoigne d’une évolution significative de l’organisation des services, qui est intervenue au cours des dernières années et s’est manifestée par plusieurs regroupements, notamment dans des cités administratives.
Le graphique suivant présente la répartition du patrimoine entre les différents ministères à la date du 31 décembre 2023.
RÉpartition des surfaces occupÉes par ministÈre
Source : Document de politique transversale Politique immobilière de l’État, annexe au projet de loi de finances pour 2025, d’après les données d’inventaire immobilier éditées par Chorus RE-FX au 31 décembre 2023.
Le parc de logements relève pour l’essentiel des ministères de l’intérieur et des armées : 80 % des bâtiments résidentiels, en termes de surface comme de nombre. Ces ministères ont en effet la particularité de disposer de l’intégralité des bâtiments de casernement. On peut toutefois regretter que le ministère de la défense confie désormais la construction de ses logements à un opérateur privé dans le cadre du contrat CEGeLog, ce qui témoigne d’une perte de compétence. Les autres ministères occupant des logements, à l’instar des ministères de la transition écologique ou de l’agriculture, ont, de façon principale, l’usage de maisons individuelles.
Par ailleurs, à rebours du mouvement global de réduction progressive de la surface totale couverte par l’immobilier de l’État, certaines administrations connaissent une augmentation des superficies immobilières dont elles disposent. À titre d’exemple, en ce qui concerne le périmètre de l’intérieur, la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, dite « loi LOPMI », doit notamment permettre de financer la mise en place de 200 nouvelles brigades de gendarmerie, la création de 7 escadrons de gendarmerie mobile, l’augmentation des capacités des écoles, la création de centres régionaux d’instruction et la réouverture de sous-préfectures dans les zones rurales.
2. Des statuts juridiques d’occupation très divers
Les biens qui sont à la fois possédés et occupés par l’État représentent moins de la moitié du parc immobilier : l’appellation « patrimoine immobilier de l’État » cache ainsi des réalités diverses.
Selon la classification effectuée par la direction de l’immobilier de l’État (DIE), service de la direction générale des finances publiques (DGFiP) du ministère de l’économie et héritière de France Domaine, le patrimoine immobilier étatique peut se décomposer en quatre catégories :
– premièrement, les biens répondant au double critère de possession et d’occupation par l’État représentent 46,1 % du parc total ;
– ensuite, des biens détenus par l’État sont en pratique occupés par des tiers, à savoir des établissements publics ou des opérateurs, à hauteur de 25,5 % des surfaces. C’est notamment le cas des bâtiments universitaires et des locaux de recherche ;
– par ailleurs, 14,2 % des surfaces du parc correspondent à des biens qui ne sont pas détenus par l’État, mais qui sont effectivement occupés par un établissement public ou un opérateur ;
– enfin, 13,6 % des biens sont occupés par des services administratifs de l’État sans constituer pour autant des possessions de celui-ci.
Le tableau suivant précise la répartition des biens immobiliers du parc étatique, en fonction de leur statut d’occupation.
Source : Cour des comptes, La politique immobilière de l’État, décembre 2023, d’après l’inventaire des biens immobiliers au 31 décembre 2022.
À cette diversité des statuts juridiques d’occupation du parc immobilier de l’État correspond une pluralité des acteurs occupants et gestionnaires. Dans le périmètre de la direction de l’immobilier de l’État, seules 59,7 % des surfaces sont en réalité occupées par des services administratifs étatiques ([6]), qu’il s’agisse de propriétés (77 % de ces actifs) de l’État ou de biens pris à bail ou mis à disposition par d’autres personnes publiques (28 %).
Deux catégories principales peuvent être distinguées parmi les propriétaires des biens occupés par des services de l’État mais non détenus par lui :
– d’une part, des personnes publiques (50 %), à savoir les collectivités territoriales (qui ont acquis ces actifs à la suite des transferts de compétences opérés par les différentes étapes de décentralisation), les offices publics de l’habitat, les sociétés d’économie mixte, etc. ;
– d’autre part, des personnes privées (43 %), qui détiennent 5,5 millions de m² de bâtiments pris à bail par les services de l’État dans le cadre de leurs missions.
Au 31 décembre 2023, d’après le document de politique transversale précité, la part du parc occupée par des établissements publics nationaux et des opérateurs était composée de 57 731 bâtiments et terrains, qui se décomposaient de la manière suivante :
– en ce qui concerne les actifs bâtis, 33 millions de m² de surface utile brute (SUB). Une grande partie de ces surfaces bâties est occupée par des organismes relevant de l’enseignement supérieur : universités, CROUS, grandes écoles, locaux de recherche, etc. Les biens du parc immobilier de l’État occupés par les opérateurs répondent à des fonctions très diverses, comme en témoigne le graphique suivant : 44 % correspondent à des bâtiments d’enseignement, 31 % à des locaux d’activité (commerces, bâtiments sanitaires, bâtiments techniques, bâtiments agricoles), 13 % à des bureaux, 6 % à des bâtiments culturels et 6 % à des logements ;
Ventilation des biens occupÉs par les opÉrateurs de l’État
par type de bÂtiment
Source : Document de politique transversale Politique immobilière de l’État, annexe au projet de loi de finances pour 2025, d’après les données d’inventaire immobilier éditées par Chorus RE-FX au 31 décembre 2023.
– en ce qui concerne les terrains non bâtis, 3,9 millions d’hectares de contenance cadastrale. Plusieurs opérateurs se distinguent par l’importance des surfaces qu’ils occupent : entre autres, le parc national de Guyane (1,9 million d’hectares de contenance cadastrale), l’Office national des forêts (1,7 million d’hectares), ou le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (211 000 hectares).
Par ailleurs, à la même date, le statut juridique des biens occupés par les opérateurs se décomposait de la façon suivante :
– 59 % des surfaces occupées par les opérateurs étaient des biens propres de l’État. Ainsi, celui-ci a mis à la disposition de ses opérateurs 36 % des biens immobiliers qu’il possède, soit 24,1 millions de m² de surface utile brute (SUB) ;
– 24 % constituaient des biens propres de ces opérateurs ;
– 17 % des actifs appartenaient à d’autres propriétaires (collectivités territoriales, multipropriété, autres).
La direction de l’immobilier de l’État (DIE) s’est attachée à développer un ensemble d’outils techniques et numériques destinés à améliorer la connaissance du parc immobilier, afin d’en optimiser la gestion.
Le système d’information de l’immobilier de l’État (SIIE) a pour objectif de parvenir à une connaissance précise des actifs immobiliers, de retracer leur coût budgétaire et d’assurer leur valorisation comptable. Il se compose de deux ensembles de données :
– d’une part, un inventaire physique des actifs composant le parc immobilier, construit autour du module RE-FX du progiciel Chorus, qui constitue la première brique du SIIE ;
– d’autre part, un certain nombre d’applications de gestion progressivement développées par la DIE, qui recensent désormais les principales données utiles à l’analyse, à la stratégie et à la décision dans le champ de la politique domaniale.
Le SIIE dispose d’un budget annuel situé entre 3 et 4,5 M€ et d’une dizaine d’agents ; il a pour objectif de traiter les données relatives aux actifs immobiliers étatiques dans quatre domaines : un inventaire physique des biens (précisant leur nature, leur surface, etc.), une valorisation comptable ou commerciale, un diagnostic technique de l’état du bâtiment (performance énergétique, vétusté, conformité réglementaire, etc.) et un diagnostic économique (recensant les coûts de gestion, d’utilisation et d’entretien).
Cependant, les informations disponibles sont, encore aujourd’hui, très parcellaires : elles ne permettent pas de bénéficier d’une connaissance exhaustive du parc, qui demeure « entravé par l’incomplétude et le manque de fiabilité de certaines données » ([7]).
1. La mise en place progressive d’un système d’information relatif à l’immobilier de l’État (SIIE)
Les services du Domaine ont mis en place à partir de 2009 le système d’information de l’immobilier de État (SIIE), dont la vocation était d’offrir aux administrations un outil commun de recensement et de gestion des biens immobiliers de l’État. Le SIIE est composé d’une multitude d’outils numériques et de bases de données.
Le systÈme d’information DE L’immobilier de l’ÉTat
Source : Le site de l’immobilier de l’État, rubrique « Transition numérique ».
La première brique du SIIE correspond à la mise en place du référentiel immobilier RE-FX dans le progiciel de gestion étatique Chorus. Ce module recense des informations administratives régulièrement mises à jour sur les actifs de l’État. De la sorte, il assure un inventaire des actifs immobiliers occupés par l’État et ses opérateurs, et constitue un référentiel dont les données sont utilisées pour la construction des applications de gestion.
Le module Chorus RE-FX
L’inventaire physique des actifs immobiliers de l’État et de ses opérateurs est complété de façon permanente par les services déconcentrés de l’État en charge de l’immobilier étatique (à savoir les directions régionales et départementales des finances publiques), sous le pilotage de la direction de l’immobilier de l’État (DIE), qui en contrôle la qualité.
Dans la base de données, chaque bâtiment répertorié et faisant l’objet d’une utilisation par les services de l’État, qu’il s’agisse d’un bien domanial ou d’un actif pris à bail (bureaux, logements, monument, archives, laboratoire, etc.) dispose d’un numéro RE‑FX. À partir de cette nomenclature par nature de bien sont identifiées les différentes catégories de dépenses correspondant à chaque actif :
– les dépenses de fonctionnement, qui se décomposent en : coûts d’occupation, constitués par les loyers et les taxes ; coûts des services, englobant charges locatives, assurances, charges de maintenance et de gardiennage ; et coûts de gestion (coûts liés à la gestion des activités réalisées dans le bien immobilier considéré) ;
– les dépenses d’investissement, qui recouvrent le champ des dépenses de travaux, de construction, d’études engagées dans le cadre d’un processus de travaux, etc.
Ne font pas l’objet d’une saisie sous les numéros RE-FX : les dépenses de fluides (voir infra pour la création de l’outil de suivi des fluides interministériel – OSFi), les dépenses générales issues d’engagements juridiques globaux (et qui ne peuvent pas être affectées directement à un bâtiment : e.g. l’entretien des ascenseurs) et les dépenses de personnel.
Les données du module immobilier RE-FX du progiciel Chorus ont fait l’objet de travaux de fiabilisation de la part de France Domaine puis de la direction de l’immobilier de l’État, qui ont permis d’améliorer significativement depuis 2009 la qualité des données. À compter de janvier 2018, chaque dépense saisie dans Chorus par un ministère ou un service facturier doit systématiquement être rattachée à un site ou un bâtiment en particulier, à partir d’un moteur de recherche de « localisation interministérielle » des biens.
Par la suite, le SIIE a été enrichi d’applications interministérielles, qui offrent désormais aux acteurs de la gestion de l’immobilier de l’État une grande variété d’outils et de données :
– des outils de diagnostic et d’appui à la stratégie offrent des données précises (non recensées directement par l’inventaire RE-FX) sur l’état des actifs immobiliers de l’État.
Nourri par le module RE-FX et par les informations saisies manuellement par les occupants des biens immobiliers (ministères ou opérateurs), le référentiel technique (RT) offre des données techniques, réglementaires et fonctionnelles à l’échelle d’un bâtiment identifié ; ces éléments, d’une grande précision, permettent la connaissance de l’état des actifs immobiliers étatiques (vétusté, consommation en fluides, conformité réglementaire, risques d’amiante).
De plus, le déploiement de l’outil de suivi des fluides interministériel (OSFi) offre désormais aux services de l’État la possibilité d’assurer une gestion plus fine des consommations énergétiques des bâtiments qu’ils occupent ;
L’outil de suivi des fluides interministériel
Développée par la direction de l’immobilier de l’État en étroite collaboration avec la direction des achats de l’État, cette application de gestion recense le suivi des fluides énergétiques (gaz, électricité, eau, chauffage, etc.) consommés par les bâtiments occupés par des services administratifs ou des opérateurs. En 2022, 62 % du patrimoine immobilier étatique était raccordé à l’OSFi. La circulaire n° 6425‑SG du 21 novembre 2023 relative à l’engagement pour la transformation écologique de l’État propose l’objectif d’un taux de raccordement de 70 % en 2024 (d’après le DPT, nous serions à 67 %) et de 85 % en 2027, et confie le suivi de cette évolution à la DIE.
La précision des données de cet outil de suivi a eu trois conséquences majeures :
– d’une part, il permet de dessiner une cartographie générale de la consommation énergétique du parc (e.g. en concourant à la détection d’anomalies dans les factures énergétiques) ;
– d’autre part, l’analyse des consommations peut servir efficacement à l’élaboration de mesures de réduction des coûts et de décisions d’investissements ;
– enfin, le suivi énergétique contribue à l’objectif de consolidation de la qualité des données immobilières.
– ensuite, des applications de gestion immobilière, locative, financière et budgétaire assurent un suivi de l’exploitation du parc immobilier. Il s’agit notamment d’outils retraçant les opérations de gestion : conventions d’utilisation, prises à bail, redevances, pilotage de l’activité et évaluation, programmation budgétaire, comptabilité analytique...
Créé en 2012, l’outil de suivi des cessions (OSC) assure le suivi des procédures de cessions, à destination des ministères, des acteurs locaux et des opérateurs. Cette application web s’appuie sur des données du progiciel Chorus et revêt une utilité particulière dans le calcul des prévisions de recettes du compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du parc immobilier de l’État ;
– de plus, des applications d’analyse et d’aide à la décision offrent aux acteurs publics des outils fiables pour améliorer la gestion du parc.
Corollaire décisionnel du RT, l’outil d’aide à la décision (OAD) est une interface de pilotage qui se nourrit des données contenues dans le RT et assure leur restitution par le biais d’une présentation des données immobilières pour l’ensemble d’un parc identifié (celui d’un ministère, d’un opérateur, d’une région, d’un département), sous la forme de graphiques, d’indicateurs techniques et de cartographies. Il permet ainsi de faciliter le pilotage et la gestion d’un parc immobilier. D’autres outils particulièrement utiles en matière d’aide décisionnelle ont également été mis en place : l’infocentre immobilier, l’observatoire des valeurs locatives tertiaires, l’outil de contrôle et d’analyse, etc.
L’outil de simulation et d’analyse financière (OSAF) a été élaboré par la DIE pour modéliser financièrement différents scénarios immobiliers envisagés en réponse au besoin d’un service ou d’un opérateur de l’État. Cet outil d’analyse de la performance économique et financière constitue une aide à la décision pour apprécier l’efficience économique des différents scénarios présentés, notamment à travers une approche en coût complet sur la durée de vie du bâtiment.
Ainsi, au travers d’un tableau de données et des courbes illustrant la valorisation des scénarios en coûts complets indexés et actualisés sur 25 ans, l’outil permet d’identifier aisément les données d’entrée essentielles retenues pour élaborer chaque scénario (surfaces, quantités, ratios, valeurs de loyer ou de cession), les variables majeures et les seuils qui peuvent faire basculer les équilibres financiers favorisant un scénario plutôt qu’un autre ;
– enfin, la DIE a soutenu le développement d’outils de communication, qui améliorent la diffusion de l’information relative au parc immobilier étatique. À ce titre, le portail de l’immobilier de l’État, géré par la DIE, centralise les éléments de documentation utiles et l’accès aux applications de la PIE. Cet outil n’est accessible qu’aux acteurs de l’immobilier de l’État, et permet en une interface commune de regrouper l’ensemble des outils du SIIE. De même, le site de l’immobilier de l’État a pour vocation de rendre accessibles au grand public les principales informations relatives au parc immobilier géré par les administrations et les opérateurs.
En conséquence, d’après la Cour des Comptes ([8]), les différentes applications du SIIE étaient, au début de l’année 2023, utilisées par 9 355 acteurs de l’immobilier de l’État. En particulier, le RT et l’OAD comptaient alors environ 2 800 utilisateurs réguliers. De plus, une instruction du ministre délégué chargé des comptes publics, publiée le 15 juin 2023, a fortement incité à la mise à jour des données du RT et de l’OFSi, en en faisant une condition de l’octroi des crédits immobiliers interministériels.
La DIE s’est engagée dans un processus de modernisation du système d’information de l’immobilier de l’État, dans son schéma directeur « SIIE 2021‑2024 », dont l’ambition est d’achever la création d’une offre de services qui recouvre l’ensemble des domaines fonctionnels de la gestion immobilière.
Dans ce cadre, le Nouveau socle de gestion (NSG) constitue l’un des projets-phares de la DIE. Ce projet consiste en l’acquisition d’un progiciel de gestion immobilière capable de couvrir tous les métiers de l’immobilier et permettant une plus grande opérabilité avec les systèmes d’information des ministères et de l’Agence de gestion de l’immobilier de l’État (AGILE). À terme, il doit conduire au remplacement du module Chorus RE-FX et du référentiel RT par un nouveau référentiel de patrimoine. Ceci devrait s’accompagner d’un chantier de réorganisation des réseaux qui renseignent ces référentiels sur l’occupation et l’état de santé des immeubles, afin de garantir une saisie de données pertinentes et contrôlées dans les outils par des gestionnaires de site compétents.
L’avancement du projet NSG est conforme aux prévisions, avec, à l’issue d’une procédure d’expression des besoins interministériels et de parangonnage avec une douzaine d’éditeurs, la préparation d’une procédure d’acquisition via l’Union des groupements d’achats publics (UGAP) qui aboutira à la fin du premier quadrimestre 2025. La mise en service de la première version progicielle sur le périmètre de la gestion d’actifs (asset et property management) est prévue à la fin du premier semestre 2026.
Le projet SI Data a pour objectif de mettre en place un nouveau système de valorisation des données et de proposer de nouveaux services numériques destinés à faciliter l’analyse et le pilotage de la politique immobilière. Il s’est concrétisé au début de l’année 2024 par la mise en service d’une plateforme de valorisation des données collectées dans le SIIE ou dans les autres systèmes d’information immobiliers. Il a pour objectif un management complet de la donnée, avec un stockage de volumétrie très importante, leur fiabilisation et leur exploitation avec l’outil de data visualisation Tableau software. Une douzaine de cas d’usage ont été recensés pour 2024, dont ceux portant sur la consommation énergétique du parc ou la décarbonation et sur les indicateurs de performance immobilière. Cette plateforme permettra à terme de développer une meilleure connaissance du parc immobilier de l’État.
Le projet « GED (gestion électronique de documents) bâtimentaire » a pour ambition de rassembler dans une base unique tous les documents de référence utiles à la connaissance du parc immobilier étatique, quel que soit leur format. Il améliorera ainsi la complétude et l’accessibilité des données. Après l’acquisition de l’outil en 2024, une première version pourrait être disponible en 2025.
Le développement d’interfaces numériques entre les applications du SIIE doit rendre l’architecture globale du système plus accessible et plus performante. Cette évolution est qualifiée d’« APIsation » (de l’anglais API pour Advanced Programming Interface – interface de programmation d’application) : à savoir, l’ajout d’interfaces permettant l’accès aux services et aux données d’un tiers, afin que des applications internes ou externes puissent se connecter à l’application-ressource pour échanger des données. Ainsi, l’ouverture du SIIE sera améliorée par le partage des données détenues par la DIE ou la réception de données issues d’autres systèmes d’information.
En conséquence, cet ensemble de projets est destiné à remodeler le SIIE : les données, plus complètes, seraient ainsi directement utilisables par l’ensemble des gestionnaires.
À côté de ce système d’information commun à l’ensemble des administrations de l’État, plusieurs ministères et certains opérateurs ont développé des « applications ministérielles métiers » (AMM).
Pour gérer les bâtiments de l’administration centrale (bureaux sans spécificité liée aux missions de la Justice), le ministère de la justice utilise le référentiel technique (RT), relié à Chorus RE-FX. De plus, dans le cadre de la réalisation du schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) ministériel, la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) s’appuie sur le référentiel technique pour améliorer la connaissance de l’état technique et réglementaire du parc immobilier qu’elle occupe.
Cependant, en parallèle, deux directions du ministère de la justice – la direction des services judiciaires (DSJ) et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) – s’appuient sur l’outil PATRIMMO pour la gestion des bâtiments du parc immobilier relevant de leurs services. L’exploitation des données centralisées dans l’application PATRIMMO permet d’aboutir à une cartographie des interventions prioritaires, en fonction de l’état réglementaire, technique et fonctionnel du parc immobilier judiciaire.
Le niveau de complétude des données recensées dans l’application PATRIMMO pour la gestion du parc judiciaire permet d’élaborer une notation de l’état des biens, en fonction de critères pondérés englobant la performance énergétique du bien, le confort d’usage, l’état du bâtiment, le niveau d’accessibilité, la sécurité incendie, l’exposition à l’amiante et au radon, la fonctionnalité générale, la sûreté, l’accès au site, l’implantation du service d’accueil unique du justiciable (SAUJ), la densité d’occupation et la séparation des sites. Cet outil permet ainsi d’établir progressivement une vue globale de l’ensemble du parc judiciaire, à partir de données régulièrement mises à jour ([9]).
À défaut d’applications permettant de centraliser la totalité des données immobilières (projets en cours, budgets, calendriers, RH, équipements, etc.), les services du ministère ont recours à différents tableurs Excel pour le suivi de leurs opérations immobilières ([10]).
Si le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT) utilise généralement les outils mis à disposition par la DIE, l’une de ses directions, la direction générale de l’aviation civile (DGAC), a conservé un ancien outil qui lui est propre : l’application Gesimmo. De plus, l’établissement public Voies navigables de France (VNF), qui est placé sous la tutelle de la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) du MTECT, utilise plusieurs outils : un inventaire géré par le progiciel spécifique « Scot+ », un outil de suivi des valeurs nettes comptables « Sicave Immo », une base de données centralisées SPSI mise en place sous le logiciel SharePoint, et une application de suivi des dépenses et des consommations énergétiques intitulée « Delta Conso Expert ».
Le ministère reconnaît qu’il est difficile de rendre interopérables sous une interface commune ces outils avec ceux de la DIE. Ainsi, pour alimenter le référentiel technique et l’outil d’aide à la décision développés par la direction, VNF doit effectuer elle-même un export des données de sa base SPSI, puis adapter manuellement les fichiers d’extraction au format de destination, avant leur intégration à la base de données du SIIE.
Aujourd’hui, ni VNF, ni la DGAC n’envisagent d’abandonner leurs outils propres, compte tenu de la masse de données que ceux-ci contiennent déjà. Cependant, on constate que cette variété d’outils développés de manière autonome au fil du temps rend difficile, sinon impossible, l’obtention d’une vision globale et comparative sur les coûts de gestion de l’immobilier. En conséquence, le MTECT souhaite que soient privilégiés à l’avenir les outils de la DIE.
De son côté, pour la gestion de son parc immobilier (11 millions de m² de SUB, dont trois quarts de logements et un quart de locaux de service, d’après les informations transmises aux rapporteurs au cours des auditions), la Gendarmerie nationale dispose du système interne GEAUDE 2G AI : développé à partir de 2006, ce progiciel de gestion des affaires immobilières se caractérise par une centralisation des données immobilières (infrastructures physiques, diagnostic technique, équipements énergétiques, loyers, charges d’occupation, etc.) et une grande précision de la qualification des bâtiments (type de local, étage, type de pièce).
Les responsables de la gestion immobilière affirment disposer d’une connaissance précise de l’état du parc. Grâce au système GEAUDE, ils assurent la gestion des occupations des logements et des hébergements ainsi que le suivi des charges d’occupation des personnels logés. Enfin, ils facilitent la gestion des baux et les dépenses de loyers avec une interface compatible avec le système Chorus finances.
Les gestionnaires immobiliers de la Gendarmerie transmettent ensuite les informations aux responsables de Chorus RE‑FX, ce qui permet d’alimenter le référentiel technique au moyen d’un export de données périodique depuis GEAUDE 2G AI (actuellement, chaque trimestre) et d’identifier les points de livraison d’énergie au niveau régional (pour alimenter l’outil de suivi des fluides interministériel).
3. La connaissance de l’état du parc immobilier et de ses coûts de fonctionnement reste encore très lacunaire
Malgré l’élargissement du champ des données couvertes, le SIIE peine à répondre aux exigences croissantes en termes de qualité et de précision de la donnée. Ainsi, comme le note la Cour des comptes dans son rapport de décembre 2023 précité, les données dont dispose la DIE sont « assez lacunaires ».
Un indice de complétude de la donnée, calculé par la DIE à partir de seize données prioritaires réparties en trois grandes catégories, permet de documenter ce constat. Sur un total de 235 points, cet indice mesure l’état d’exhaustivité des données recensées dans le référentiel technique par les gestionnaires des biens. Selon la méthodologie fournie par l’Inspection générale des finances ([11]), il se décompose en trois notes partielles :
– une moitié des points est consacrée aux données générales sur le bâtiment appréhendé (surface, loyer, adresse, etc.) ;
– une deuxième partie des points jauge les données relatives aux états techniques du bâtiment (accessibilité, état, confort d’usage, etc.) ;
– une troisième cotation évalue les données d’exploitation (incluant notamment les charges et la consommation énergétique) relatives au bien.
Le tableau suivant précise le taux de complétude pour les seize données prioritaires du référentiel technique en avril 2022. À cette date, le taux de complétude global des données prioritaires s’élevait à seulement 63 %.
calcul du taux de complÉtude des donnÉes prioritaires
du parc immobilier de l’ÉTat
Source : Inspection générale des finances, avril 2022.
D’autres évaluations de ce taux de complétude, reprenant une méthodologie similaire, ont également été réalisées. Dans son rapport précité, la Cour des comptes estime que, pour le périmètre de l’État (hors opérateurs) réduit aux actifs bâtis (hors logement), le renseignement du référentiel technique présente un indice de complétude de 181, sur un total de 240 points.
Enfin, pour le périmètre des biens occupés par les établissements publics et les opérateurs, le DPT précité annexé au PLF pour 2025 identifie un indice de complétude des données de 195 sur 275 points (à la date du 15 mai 2024) ; cet indice s’élevait à 171 points sur 275 au 6 septembre 2023, ce qui correspond à une hausse de 24 points en 9 mois. Faire progresser la valeur de l’indice de complétude des données portant sur les biens occupés par les établissements publics et les opérateurs constitue un objectif que la DIE rappelle de façon régulière aux gestionnaires du parc immobilier étatique.
Les données portant sur l’état de santé des biens (vétusté, mise aux normes en matière réglementaire, etc.) sont essentielles pour ajuster le pilotage et l’entretien du parc immobilier. Or, celles‑ci demeurent très incomplètes.
En pratique, le DPT propose un indicateur de l’état de santé des bâtiments du parc immobilier étatique, qui se décline selon quatre niveaux : très satisfaisant, satisfaisant, peu satisfaisant, pas satisfaisant. Selon le DPT annexé au PLF pour 2025 (qui englobe un périmètre de 77 261 actifs, couvrant 60,3 millions de m² de surface utile brute), 14 % du parc se trouve dans un état très satisfaisant, 26 % dans un état satisfaisant, 9 % dans un état peu satisfaisant et 2 % dans un état pas satisfaisant. Ainsi, l’information ne porte que sur 51 % du parc, les données pour les 49 % restants des actifs étant trop lacunaires. Or, l’absence de données fiables et complètes pour une large majorité des biens rend impossible toute appréciation de son état de santé de façon globale.
En tout état de cause, cet indicateur de l’état de santé des bâtiments n’est pas encore suffisamment fiable. En témoigne le cas de bâtiments qui n’ont pas été identifiés comme étant en état « pas satisfaisant », et qui ont connu récemment d’importantes défaillances, avec les conséquences induites sur les missions des services (incendies, infiltrations de toitures avec revêtement amianté, dégâts des eaux liés à une rupture du réseau de chauffage au sol, etc.). Des interventions en urgence ont dû être organisées et les bâtiments rendus indisponibles, obligeant à reloger temporairement ou définitivement les services concernés.
Dans ce contexte, le déploiement en cours du nouvel outil DTA-thèque a pour ambition de recenser les analyses et les diagnostics amiante des bâtiments, afin de piloter et de programmer les opérations de désamiantage.
Par ailleurs, l’appropriation du référentiel semble variable selon les services, dans la mesure où l’utilisation des applications de gestion peut être jugée difficile ; de surcroît, le besoin de renseigner, d’actualiser et de fiabiliser les données n’est pas partagé avec le même degré d’exigence par tous les occupants.
En conséquence, pour des raisons liées à la fois à un manque de moyens humains et à un ensemble de difficultés techniques, les données saisies dans l’inventaire du SIIE demeurent à la fois partiellement faibles et relativement incomplètes. De surcroît, ce manque de fiabilité des données issues du RT rend plus délicate l’interprétation des indicateurs de performance (énergétique par exemple), dans la mesure où une instabilité de la donnée d’une année à l’autre nuit à la bonne information du gestionnaire.
La valeur nette comptable des actifs immobiliers (terrains et bâtiments, hors ouvrages routiers et autoroutiers, concessions et ouvrages hydrauliques) contrôlés par l’État s’élevait au 31 décembre 2023 à près de 75 Md€ dont 16,8 Md€ pour le ministère de la justice, 16,5 Md€ pour le ministère des armées et 14,5 Md€ pour le ministère de l’intérieur.
La valeur du parc immobilier contrôlé par l’État est en constante progression, du fait des réévaluations, des acquisitions, des remises de biens au Domaine pour leur cession, et plus généralement en raison du processus de fiabilisation grandissante de l’inventaire immobilier.
Évolution de la valeur comptable du patrimoine immobilier de l’État
Valeur comptable du patrimoine contrôlé |
31-déc12 |
31-déc13 |
31-déc14 |
31-déc15 |
31-déc16 |
31-déc17 |
31-déc18 |
31-déc19 |
31-déc20 |
31-déc21 |
31-déc‑22 |
31-déc‑23 |
En M€ |
59 064 |
58 568 |
58 425 |
60 910 |
59 988 |
63 124 |
65 213 |
65 716 |
68 214 |
70 330 |
73 327 |
74 985 |
Source : Document de politique transversale Politique immobilière de l’État, annexe au projet de loi de finances pour 2025, d’après les données d’inventaire immobilier éditées par Chorus RE-FX au 31 décembre 2023.
En 2023, la revalorisation est la résultante des évolutions suivantes : des sorties de l’inventaire (981 sites, pour une valeur comptable de -1 664 M€) ; des entrées dans l’inventaire (624 sites, +960 M€) ; des réévaluations sur les biens comptabilisés en valeur vénale (+1,44 Md€) et une réévaluation comptable du parc pénitentiaire (+809 M€).
Au 31 décembre 2022, les biens utilisés à des fins d’habitation et de bureaux représentaient une valeur vénale de 41,1 Md€ ; les terrains et bâtiments répondant à d’autres usages (bâtiments techniques, d’enseignement et de recherche, sanitaires, sociaux, sportifs, etc.) étaient valorisés à hauteur de 12,7 Md€ ; le parc pénitentiaire atteignait une valeur comptable de 11,4 Md€ ; le parc immobilier historique et culturel était présenté pour une valorisation de 2,7 Md€ ; les terrains et les sites naturels étaient estimés à une valeur de 4,7 Md€.
Par ailleurs, au 31 décembre 2023, la valeur comptable brute des biens immobiliers figurant au bilan des établissements publics nationaux et des 438 opérateurs s’élevait à 93,3 Md€. Ce montant s’inscrit dans une trajectoire en forte hausse par rapport aux années précédentes : 68,8 Md€ en 2018, 75,2 Md€ en 2020, 82,8 Md€ en 2021, 88 Md€ en 2022. D’après le DPT précité, cette augmentation était due à des opérations immobilières de grande envergure (concernant notamment la Société du grand Paris) ainsi qu’à des opérations de réévaluation domaniale et de fiabilisation des données comptables ([12]).
En outre, jusqu’au 31 décembre 2023, les bureaux et les logements figurant à l’actif du bilan de l’État étaient estimés selon leur valeur vénale. Celle‑ci est définie, selon les normes comptables de l’État, comme le montant qui pourrait être obtenu de la cession d’un bien aux conditions normales du marché. Elle est calculée à partir des transactions récemment effectuées sur des biens dont les caractéristiques sont similaires. L’estimation fait l’objet de deux types d’ajustements réguliers. D’une part, la valorisation est calculée tous les deux ans pour les immeubles de bureaux ou de logements dont la valeur vénale dépasse 15 M€, et tous les cinq ans pour le reste des biens relevant de cette catégorie. D’autre part, elle fait l’objet chaque année d’une révision à la hausse ou à la baisse en fonction des coefficients d’évolution des prix de l’immobilier.
Cette méthode de valorisation jusqu’alors en vigueur a été remplacée au 1er janvier 2024, pour cette catégorie d’actifs, par la méthode du coût historique amorti, afin de simplifier et d’harmoniser les méthodes de comptabilisation pour l’ensemble du parc, puisque les bâtiments techniques, d’enseignement et de recherche, sanitaires, sociaux, sportifs, étaient déjà évalués selon cette méthode.
Enfin, d’autres méthodes de valorisation existent : celle du coût de remplacement déprécié pour la détermination de la valeur comptable des bâtiments pénitentiaires (qui revient à déduire de la valeur à neuf d’une infrastructure les coûts de sa remise en état) ou l’évaluation à un euro symbolique pour certains biens historiques et culturels.
D’autre part, la certification de la valorisation du parc immobilier de l’État a fait l’objet de réserves récurrentes de la part de la Cour des comptes.
Le premier acte de certification des comptes, publié par la Cour en mai 2007 au titre de l’exercice 2006, mettait déjà en avant une réserve substantielle relative à la valorisation du parc immobilier de l’État, soulignant « les différentes faiblesses du processus d’inventaire et de valorisation » ([13]). Certes, les travaux de fiabilisation du référentiel immobilier dans Chorus menés depuis 2009 ont conduit la Cour à lever le caractère substantiel de la réserve n° 6 sur le patrimoine immobilier au titre de l’exercice 2012 de certification des comptes de l’État, puis à lever cette réserve spécifique, au titre de l’exercice 2013.
Cependant, jusqu’en 2020, dans la réserve consacrée aux anomalies relatives aux stocks militaires et aux immobilisations corporelles, la Cour relevait de manière systématique qu’elle n’était pas en mesure de se prononcer avec une assurance raisonnable sur la fiabilité de la valeur d’une part importante du parc immobilier de l’État. Elle alléguait que l’obtention de valeurs fiables et probantes (pour le calcul de la valeur vénale des biens à usage d’habitation ou de bureaux ou celui de la valeur historique des autres actifs) se heurtait à de nombreuses difficultés : manque d’informations à destination des agents chargés de réaliser les évaluations sur place ; lacunes en termes de fiabilité des mesures de surfaces ; faiblesses dans le calcul des valeurs vénales, déterminées parfois sur le fondement de données de marché trop anciennes ; absence de concordance entre les données issues des différentes applications de gestion immobilière, notamment.
Quoique la liste des lacunes relevées par la Cour se soit progressivement réduite en raison du développement des nouveaux outils d’information du SIIE, celle‑ci émet désormais de manière systématique, depuis 2021, une réserve de certification sans élément probant permettant d’identifier une anomalie significative. Selon elle, cette défaillance résulte des lacunes du système de gestion, du caractère inadapté du système d’information, et de l’inefficacité des contrôles internes.
Dans son acte de certification des comptes de l’État publié en avril 2024, la Cour des comptes se contente donc de certifier la valorisation du patrimoine immobilier de l’État « avec réserve », et souligne ne pas disposer de « suffisamment d’éléments probants pour pouvoir se prononcer, avec une assurance raisonnable, sur l’absence d’anomalies significatives » ([14]). En l’espèce, la Cour distingue plusieurs difficultés pratiques qui affectent la fiabilité de la valorisation du patrimoine immobilier de l’État au sein du compte général de l’État :
– d’une part, la Cour souligne l’absence de concordance entre les données d’inventaire renseignées dans le système Chorus et les données saisies dans les applications ministérielles de gestion immobilière (ministère de la justice, ministère des armées, direction générale de la gendarmerie nationale, direction générale de l’aviation civile). Cette discordance nuit à la fiabilité et à la complétude des données techniques et fonctionnelles relatives au parc immobilier de l’État, et rend donc difficilement possible une certification de la valorisation des actifs qui le composent ;
– d’autre part, en ce qui concerne les terrains et les bâtiments qui ne correspondent pas à des immeubles de logements ou de bureaux, et dont la valeur est évaluée au coût historique, leur valorisation correspond à la dernière valeur vénale connue avant l’abandon de cette méthode pour ce genre d’actifs (soit celle en vigueur le 31 décembre 2017). Or, la fiabilité du calcul comptable de la valeur vénale était elle-même très incertaine. En conséquence, la détermination de la valorisation au coût historique de ces biens est sujette à caution ;
– ensuite, en ce qui concerne les bâtiments à usage d’habitation et de bureaux, chaque vérification menée de façon annuelle depuis 2018 sur un échantillon d’une centaine d’actifs souligne, pour un quart des sites en moyenne, la présence d’anomalies de plusieurs sortes : absence de documentation des superficies, utilisation des données à des fins de comparaison peu pertinentes, défaut de justification des décotes appliquées ;
– enfin, dans ses actes de certification au titre des exercices 2022 et 2021, la Cour soulignait le caractère peu fiable des mesures établies selon la méthode du coût de remplacement déprécié, dans un tiers des cas, pour les bâtiments pénitentiaires. Cette réserve n’est cependant pas mentionnée dans l’acte de certification au titre de l’exercice 2023.
L’existence de plusieurs méthodes d’évaluation différentes, tenant compte de la nature des actifs, pour déterminer la valeur du parc immobilier de l’État nuisait à la cohérence et à la fiabilité des données. Dans ce contexte, le Conseil de normalisation des comptes publics (CNOP) a proposé, dans son avis n° 2021‑04 du 14 octobre 2021 relatif à la norme 6 « Les immobilisations corporelles » du Recueil des normes comptables de l’État, de modifier l’évaluation de la valeur du parc immobilier à usage de bureaux et d’habitation, en abandonnant la méthode de calcul de la valeur vénale et en lui substituant une approche au coût historique amorti. Cette proposition avait pour vocation de mettre en cohérence la détermination de la valeur comptable de ces actifs avec la façon dont l’État gère son patrimoine sur le long terme.
En accord avec cette proposition, la méthode du coût historique amorti s’est substituée à la méthode de la valeur vénale à la date du 1er janvier 2024, et sera donc utilisée pour la valorisation des bâtiments à usage d’habitation et de bureaux pour l’exercice 2024. La dernière valeur vénale de ces actifs, soit celle inscrite dans le compte général de l’État au 31 décembre 2023, devient la valeur initiale servant aux amortissements et aux dépréciations des biens considérés. La nouvelle norme permet de tenir compte dans la valeur comptable des dépenses d’investissement ultérieures qui pourraient avoir pour conséquence d’allonger la durée d’utilisation, d’augmenter la capacité d’utilisation, de diminuer le coût d’utilisation ou d’améliorer substantiellement la qualité de la production de l’actif immobilier. De la sorte, les travaux à venir dans les bâtiments contrôlés par l’État sont pris en compte dans les évaluations comptables de la valeur des biens, pour permettre une meilleure gestion des investissements et des dépenses dans le temps.
Par ailleurs, la classification des immobilisations corporelles a été revue pour se rapprocher du droit comptable commun, dans la mesure où la distinction du parc immobilier entre les biens à usage d’habitation et de bureaux et les autres actifs était devenue caduque. De la sorte, au sein des immobilisations corporelles, une catégorie intitulée « Bâtiments » a été créée, qui englobe les bureaux, les logements, les établissements pénitentiaires et une part des actifs immobiliers du ministère des armées, auxquels est désormais appliquée la même norme comptable du coût historique amorti.
En conséquence, l’application de cette nouvelle norme a pour finalité une harmonisation des méthodes de comptabilisation pour l’ensemble du parc immobilier de l’État, et une meilleure évaluation dans le temps de la valeur des bâtiments.
Dans ce contexte, les rapporteurs considèrent que la direction de l’immobilier de l’État doit s’efforcer de résoudre les anomalies relevées par la Cour, afin de parvenir à une connaissance satisfaisante de la valeur des actifs immobiliers étatiques.
II. UNE GOUVERNANCE QUI NE PERMET PAS D’ASSURER UN PILOTAGE GLOBAL ET COHÉRENT
La politique immobilière de l’État a été mise en place en 2007 avec l’avènement de la distinction entre le propriétaire (représenté au niveau national par le ministre chargé du Domaine et au niveau local par les préfets de région et de département) et les occupants, à savoir les administrations des ministères et les opérateurs de l’État.
France Domaine était un service essentiellement centré sur des missions traditionnelles de tenue de l’inventaire immobilier de l’État et d’expertise sur la domanialité. La création de la direction de l’immobilier de l’État (DIE) en 2016 ([15]) a représenté un changement important :
– d’abord parce que la DIE a été placée au cœur d’une gouvernance de l’immobilier qui, si elle reste trop fragmentée, est cependant renforcée par rapport à la situation précédente, avec la création de la conférence nationale de l’immobilier public (CNIP), la démarche de labellisation des projets immobiliers ou la création en 2018 des conférences budgétaires entrant dans le cycle de préparation des lois de finances ;
– ensuite, parce qu’elle a progressivement étendu son champ d’action en pilotant directement certaines opérations, comme le programme de rénovation des cités administratives, et en contribuant, par son expertise, à l’élaboration des stratégies immobilières des ministères.
La Cour des comptes rappelle, dans son rapport précité, que ce cadre de gouvernance est à l’origine de certains progrès, comme la diffusion progressive des schémas directeurs nationaux et régionaux qui conduit les différents acteurs à mieux anticiper leurs décisions et à professionnaliser leur méthodologie.
Les ministères ne sont pas propriétaires mais affectataires des actifs immobiliers de l’État, via une convention d’utilisation signée avec la DIE. Celle‑ci prend‑elle pour autant les grandes décisions ? La pratique montre plutôt le caractère prépondérant des ministres ou de leurs services immobiliers, et une DIE cantonnée dans un rôle d’expertise largement consultatif. Dans ce contexte, la Cour souligne que les progrès effectués relèvent davantage de l’outillage de la politique immobilière que de son fondement.
A. LA DÉFINITION DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE MANQUE D’UNE PROGRAMMATION D’ENSEMBLE
La Cour des comptes regrette l’absence de document stratégique formalisant la stratégie immobilière de l’État, qui retracerait les orientations générales et les objectifs, reposant sur un plan d’action et sur des jalons de réalisation précis. Il n’existerait pas non plus de tableau de bord de pilotage de la PIE, tel que le préconise le Conseil de l’immobilier de l’État. De ce fait, les priorités seraient fluctuantes au fil du temps et du contexte politique. Les objectifs ne seraient pas les mêmes selon les différents documents existants : document de politique transversale (DPT) budgétaire, rapport d’activité de la DIE…
Quelques documents déclinent néanmoins les principales actions définies au plan national : la transition écologique, l’adaptation aux nouvelles organisations du travail, l’efficience économique du parc et de sa gestion.
La feuille de route « transition écologique » des bâtiments de l’État a été adoptée en 2018, avec pour principaux axes d’améliorer la connaissance du parc, de définir et de faire monter en compétence les acteurs, afin de réduire les consommations énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre (GES). Mise en œuvre pour environ 75 % des actions, la feuille de route est à présent en cours d’actualisation pour tenir compte des nouvelles réglementations et des nouveaux enjeux (notamment l’adaptation au changement climatique avec la géothermie, les îlots de fraîcheur…). Depuis, la circulaire du 25 février 2020 a énoncé le dispositif « Services publics écoresponsables » et un plan de sobriété énergétique a été mis en œuvre fin 2022, visant à réduire la consommation énergétique de 10 %.
La circulaire dite « surface », prise par la Première ministre en février 2023, déploie une nouvelle doctrine d’occupation des espaces, avec un objectif de réduction des surfaces tertiaires occupées par l’État de 25 % en 10 ans, pour tenir compte, d’une part, des nouvelles organisations du travail et, d’autre part, de la nécessité de la sobriété immobilière.
En parallèle de la doctrine d’occupation des surfaces, les rapporteurs regrettent l’inexistence de toute vision globale permettant d’élaborer une trajectoire pluriannuelle du nombre d’agents publics et donc de postes de travail par département ministériel. Cet état de fait, qui renvoie par définition à une variable politique, constitue un obstacle important à la formalisation d’une programmation immobilière d’ensemble, et peut expliquer une partie des difficultés auxquelles font face les gestionnaires des actifs immobiliers de l’État.
On mentionnera également le DPT annexé chaque année au projet de loi de finances, qui contient des éléments sur l’efficience du parc et de sa gestion. Ce document a été largement amélioré et comporte aujourd’hui de nombreux éléments de stratégie bien formulés.
Enfin, la DIE a transmis aux rapporteurs son tableau de bord opérationnel qui couvre les différentes dimensions de la politique immobilière.
Libellé |
Objectif |
Mesure de la densification des surfaces de bureau |
Rendement d’occupation des surfaces de bureau |
Suivi de la diminution de l’empreinte énergétique par les services de l’État |
Performance énergétique du parc |
Suivi de la diminution de l’empreinte carbone de l’immobilier de l’État |
Diminution de l’empreinte carbone du parc |
Suivi des cessions en nombre et montant |
Mesure des cessions |
Encaissement des redevances domaniales |
Mesure des encaissements |
Surface de bureaux inoccupés |
Réduction des surfaces de bureau inoccupés |
Réemploi de biens invendables en m² |
Mettre les actifs au service des politiques publiques quand ils ne sont pas utiles aux services |
Consommation d’AE, de CP et de trésorerie sur le CAS |
Soutenabilité du CAS et rapidité de l’exécution |
Consommation de CP sur le 348 |
Bon déroulé du programme de rénovation des CAD |
Gains énergétiques liés au 348 |
Mesurer les économies d’énergie liées au programme de rénovation des cités administratives |
Taux de complétude du RT |
Connaissance du parc |
Nb et montants des dossiers de labellisation CNIP et CRIP dans l’année |
Modernisation / soutenabilité |
Nb de SDIR et SPSI produits dans l’année |
Inscrire le parc dans des stratégies de moyen terme |
Nb de projets AAP NET livrés |
Adapter le parc aux nouveaux modes de travail |
Nb de quitus Relance |
Objectifs relance |
Nb de GWh EF économisés sur les projets relance |
Objectifs relance |
Nb de projets d’EM pris en gestion par AGILE |
Professionnaliser et améliorer la gestion |
Satisfaction des occupants |
Mesurer la satisfaction des usagers sur l’adaptation du parc à leurs besoins |
B. LA DIRECTION DE L’IMMOBILIER DE L’ÉTAT : UN MAGISTÈRE D’INFLUENCE PLUS OU MOINS FORT SELON LES MINISTÈRES
La DIE et son réseau comptent près de 1 570 agents, sur un total d’environ 13 100 agents relevant de la filière immobilière au sein de l’État, et un cinquième seulement de cet effectif relève des missions de stratégie et de gestion, les quatre autres cinquièmes étant affectés aux missions d’évaluation et de cession des biens.
En 2023, l’administration centrale comptait 123 emplois et les missions régionales de la politique immobilière de l’État (MRPIE) 99 agents, tandis que la direction nationale d’interventions domaniales (DNID), service à compétence nationale rattaché à la DIE en charge de l’évaluation et de la cession de biens, affichait 259 emplois au niveau central et 1 085 dans son réseau déconcentré. L’effectif des missions régionales est monté en puissance depuis deux ans du fait des recrutements réalisés pour suivre le plan de relance et, plus récemment, des « référents énergie » à raison d’un ou deux par mission régionale.
Lorsque la DIE a pris la suite de France Domaine en 2016, son cœur de métier était centré sur les fonctions comptables et immobilières de l’État. Aujourd’hui, la dynamique s’inscrit dans une volonté d’incarnation de l’État propriétaire et de professionnalisation des métiers de l’immobilier. Si les cadres étaient tous issus de la direction générale des finances publiques (DGFiP) en 2015, le comité de direction actuel, qui compte 15 sous-directeurs et experts de haut niveau, est très diversifié : 3 sont issus de la DGFiP, spécialistes de la partie inventaire et comptable, 4 viennent du secteur privé, 2 viennent des collectivités territoriales, 3 du ministère de la transition écologique (architectes urbanistes) et 3 viennent d’autres ministères. Plus du quart des agents de l’administration centrale de la DIE sont des contractuels.
La DIE se définit davantage comme un animateur fonctionnel que comme un décideur de la politique immobilière. Son influence monte cependant en puissance grâce aux outils qu’elle a progressivement déployés, à la diversification des compétences qu’elle a mobilisées ou aux programmes dont elle a assumé la direction opérationnelle (composante immobilière du plan de relance, rénovation des cités administratives).
Cette influence demeure variable selon les ministères, tant la logique métier prévaut dans certains d’entre eux, comme les armées ou la justice.
1. L’animation des instances de concertation au niveau national
La réforme de la gouvernance de la politique immobilière s’est traduite par la création d’une instance unique, la conférence nationale de l’immobilier public (CNIP), qui a remplacé cinq instances préexistantes, conformément à la circulaire du Premier ministre du 27 avril 2016. Cette instance, dont la présidence opérationnelle revient au responsable de la DIE et qui réunit notamment les secrétaires généraux des ministères, fixe le cadre interministériel et arrête les orientations de la politique immobilière de l’État.
26 réunions de la CNIP se sont tenues en 2023 dont sept CNIP ad hoc : cinq CNIP portant sur la transition énergétique et deux CNIP consacrées au système d’information de l’immobilier de l’État. Sur les 19 autres CNIP, huit ont été consacrées à la labellisation de différents projets, une à l’examen d’un schéma directeur immobilier régional et dix thématiques. Ces CNIP thématiques ont notamment permis d’évoquer le suivi du plan de relance et des plans de résilience I et II, le bilan des cessions, les contrôles périodiques, la rénovation des cités administratives, l’appel à projets « Nouveaux espaces de travail », le projet de tiers-lieux, le site des locations immobilières de l’État, le lancement du concours Cube État, la Task force opérationnelle AGILE, le déploiement de la DTA‑thèque, la comptabilité du parc immobilier, l’accessibilité des établissements recevant du public de l’État, l’appel à projets du programme 348 Transition environnementale. En 2023, 13 projets immobiliers ont été labellisés par la CNIP pour 373 M€.
Pour la première moitié de l’année 2024, l’activité de la CNIP a été particulièrement intense, puisque 24 réunions se sont tenues au 30 juillet 2024. Cette forte augmentation s’explique par l’examen en séance de plusieurs schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR) pour la période 2023-2027 et la création de CNIP consacrées aux travaux d’élaboration de la feuille de route RH interministérielle de l’immobilier de l’État. Ces 24 CNIP se composaient de 18 CNIP opérationnelles [dont sept CNIP portant sur la labellisation, six consacrées à la présentation de SDIR, quatre CNIP abordant des sujets de la PIE – le plan de relance, les plans de résilience, l’AAP programme 348 Transition environnementale, la transition écologique, les certificats d’économies d’énergie, l’adaptation au changement climatique, les tiers‑lieux, la présentation de l’AGILE, les sites multi-occupants, la création d’une foncière publique interministérielle… –, une CNIP « mixte » comprenant à la fois la labellisation d’un projet, l’examen de SDIR et d’autres sujets] et six CNIP consacrées à la transition énergétique, la feuille de route RH et le système d’information de l’immobilier de l’État.
Les CNIP prévues pour le second semestre de l’année 2024 concernent notamment la poursuite des travaux sur la transition écologique, le suivi des projets de la mesure « Transition environnementale » du programme 348, l’intervention de l’AGILE, les obligations fiscales déclaratives des occupants du parc immobilier, l’examen de SDIR et de projets à labelliser.
Les conférences immobilières annuelles permettent des échanges sur l’ensemble des sujets immobiliers d’un ministère. Ce sont davantage des réunions d’information que de décision. Des dossiers très complets sont établis à cette occasion sur tous les volets : la stratégie immobilière et sa mise en œuvre, la gouvernance et l’organisation de la fonction immobilière, les principales opérations, l’entretien du parc, la transition énergétique, la programmation budgétaire avec une projection pluriannuelle sur cinq ans, qui sert notamment à documenter les lois de programmation des finances publiques.
Ces conférences immobilières favorisent la cohérence des choix des ministères avec les orientations de la politique immobilière de l’État. Elles présentent néanmoins certaines limites :
– d’une part, les informations sont détaillées sur le périmètre des administrations centrales et des opérateurs (malgré l’absence trop fréquente de schémas directeurs), mais restent inégales, selon les ministères, sur le périmètre des services déconcentrés ;
– d’autre part, les conférences immobilières ne donnent pas lieu aux arbitrages budgétaires, qui interviennent plus tard dans la procédure d’élaboration du budget, en l’absence de la DIE.
Le renforcement de la prise en compte des intérêts de l’État propriétaire et des orientations de la politique immobilière invite donc à généraliser les conférences immobilières et à renforcer le rôle de la DIE dans le cycle budgétaire.
La programmation opérationnelle de la politique immobilière de chacune des entités décisionnelles repose sur les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) pour les administrations centrales et les opérateurs de l’État, et sur les schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR) pour les services déconcentrés de l’État (hors Justice et Armées).
Le SPSI a vocation à définir les orientations et les objectifs d’un ministère en matière de politique immobilière pour les cinq années à venir : déterminer le parc immobilier cible, les biens à conserver qui doivent concentrer les efforts financiers, le chiffrage des besoins en termes d’investissement et de rénovation et la priorisation de ces investissements.
Le Conseil de l’immobilier de l’État, qui a notamment pour mission de donner un avis sur les SPSI, s’est inquiété de la détérioration de la qualité de ces documents, regrettant leur manque d’ambition et le fait qu’ils reflètent des stratégies d’administrations occupantes et non de pilote. Il déplore aussi régulièrement que la moitié des opérateurs de l’État n’en disposent toujours pas.
La DIE n’avait jusqu’à récemment que peu de marge de manœuvre pour refuser la validation de ces schémas, aussi imparfaits soient-ils. Lors de son audition par les rapporteurs, le directeur de l’immobilier de l’État a cependant estimé que des évolutions récentes, comme le conditionnement de l’ouverture de crédits interministériels à la validation du SPSI, lui permettaient de disposer d’un levier et commençait à avoir un réel impact.
Au niveau central, la DIE fixe donc les bonnes pratiques et les orientations générales mais les questions stratégiques majeures sont tranchées ministère par ministère : propriétaire occupant ou location des bureaux ? Logements domaniaux ou prises à bail dans le privé ? Cession ou valorisation ? Construction neuve ou réhabilitation de l’existant ? Maîtrise d’ouvrage publique ou marchés globaux dérogatoires à la loi dite « maîtrise d’œuvre privée » ? Préservation d’une forme de prestige et de symbolique pour les bâtiments du service public ou « banalisation » de l’immobilier ?
La DIE ne pèse réellement dans les arbitrages que lorsqu’elle décide directement l’attribution de crédits, comme pour l’exécution du programme France Relance, dont elle a coordonné la partie immobilière – soit 4 214 projets pour un montant de 2,7 Md€. La direction a mis en place un processus de sélection rapide qui lui a permis de retenir 4 000 projets en seulement 18 mois et de passer en 2021 plus de 20 000 marchés de travaux. Au 1er septembre 2022, 1 984 projets étaient déjà livrés, soit près de la moitié.
2. La légitimité métier conserve une forte emprise (la défense, la justice)
Dans certains ministères régaliens aux missions spécifiques, comme les armées ou la justice, l’immobilier est soumis aux exigences du métier, et il est pleinement intégré dans les directions fonctionnelles, sans beaucoup de place pour un œil extérieur. Cette exigence n’est pas fondamentalement remise en cause par les évolutions envisagées pour la politique immobilière.
Le ministère des armées possède 26 % des bâtiments relevant de la politique immobilière de l’État, soit 24,3 millions de m² de surfaces utiles brutes (SUB). Deuxième ministère gestionnaire de biens publics, sa typologie bâtimentaire s’étend des infrastructures de vie, de travail et de soutien ([16]) aux sites exclusivement sur emprise militaire, tels que les dépôts de munitions et sites de résilience (exemple du site de Creil).
La complexité de ses actifs se traduit dans la diversité des métiers recensés dans sa fonction immobilière : le ministère a structuré une famille professionnelle autour de 9 filières et de 251 emplois types. L’étendue des métiers et des compétences est particulièrement vaste et sans commune mesure avec la situation rencontrée au sein d’autres ministères. De même, le ministère a identifié 6 500 postes relevant de cette fonction en son sein, soit près de la moitié du total des emplois de ce type au sein de l’État.
L’article L. 1142-1 du code de la défense prévoit que « le ministre de la défense est responsable de la préparation et de la mise en œuvre de la politique de défense. Il est en particulier chargé de l’infrastructure militaire ». Cette compétence est déléguée au secrétariat général pour l’administration (SGA), auquel appartient la direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (DTIE). Cette direction est chargée d’approuver et de suivre la mise en œuvre des schémas directeurs immobiliers des bases de défense (SDI‑BdD) pour rationaliser le parc immobilier. Elle s’applique à en valoriser les actifs selon la préoccupation environnementale et énergétique affichée du ministère.
La politique immobilière du ministère des armées bénéficie d’un régime dérogatoire lui offrant une grande autonomie décisionnelle : à ce titre, ses projets immobiliers sont exclus du processus de labellisation défini par la circulaire du Premier ministre du 27 avril 2016 relative à la gouvernance de la politique immobilière de l’État ([17]). L’identification des immeubles assujettis aux réglementations environnementales et énergétiques par la DIE est par exemple une difficulté, le ministère faisant valoir que ses bâtiments tertiaires inclus dans des sites militaires ne peuvent faire l’objet d’une déclaration individuelle de consommation énergétique pour des raisons de sécurité. Aussi l’interconnexion avec les outils de la DIE sur l’état de santé global des biens du ministère n’est‑elle pas opérationnelle.
De même, le ministère de la justice conserve la plénitude de la responsabilité du propriétaire, considérant que ce parc est un support direct et essentiel aux politiques publiques mises en œuvre : tribunaux, établissements pénitentiaires, établissements de la protection judiciaire de la jeunesse… L’exploitation-maintenance des sites relève de la responsabilité des trois directions utilisatrices du ministère : la direction des services judiciaires, la direction de l’administration pénitentiaire et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.
Le ministère se prête au suivi de sa gestion et rend compte de son action auprès de la DIE, lors de la conférence immobilière annuelle, sur la base d’un document détaillant les aspects de sa stratégie immobilière, sans omettre les obligations de l’État propriétaire. La conférence immobilière ayant lieu au mois d’avril, en présence de la direction du budget (DB), elle donne l’opportunité à la DIE de formuler une opinion sur les choix stratégiques du ministère et les exprimer auprès de la DB dans la perspective du projet de loi de finances de l’année suivante. Le ministère rejetterait toutefois un avis pouvant constituer une entrave ou une contrainte sur l’exécution d’une trajectoire budgétaire encadrée, soit par une loi de finances, soit par la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
Les établissements pénitentiaires importants sont gérés soit dans le cadre d’un contrat de partenariat, soit dans le cadre d’un contrat de gestion déléguée garantissant un haut niveau d’exploitation-maintenance et de gros entretien.
Par ailleurs, le ministère confie depuis 2006 la maîtrise d’ouvrage de ses opérations immobilières d’ampleur à l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ). La mise en œuvre des projets se fait sous protocole de maîtrise d’ouvrage ou sous convention de mandat. L’agence dispose d’une forte expérience de maîtrise d’ouvrage pour la construction, la rénovation et la réhabilitation des palais de justice et des établissements pénitentiaires, de même que pour les établissements de la protection judiciaire de la jeunesse et les écoles de formation du ministère.
3. Le soutien au pilotage régional des préfets
Au niveau déconcentré, les préfets de région, représentants de l’État propriétaire, définissent les orientations de la politique immobilière.
Le patrimoine régional peut être segmenté en trois ensembles en fonction du statut des occupants :
– cercle 1 : les services de l’État, un périmètre de responsabilité du préfet de région ;
– cercle 2 : les opérateurs et administrations centrales (avec un SPSI soumis à avis du préfet) ;
– cercle 3 : les armées, la justice, hors périmètre de responsabilité du préfet.
L’élaboration du SDIR est un travail animé par le préfet de région, avec l’appui du secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR), du responsable régional de la politique immobilière de l’État (RRPIE) et d’une équipe de plusieurs personnes. Il doit associer les préfets de département et les services des ministères occupants. L’animation et le pilotage sont conduits au sein des commissions départementales pour l’immobilier public (CDIP), où sont représentées les sous‑préfectures d’arrondissement. Le schéma suivant montre, à titre d’exemple, les différents services impliqués dans l’élaboration du SDIR.
SchÉma de gouvernance de la politique immobiliÈre
pour la rÉgion Normandie
Source : Ministère de l’intérieur et des Outre-mer.
La circulaire sur l’organisation territoriale de l’État (dite OTE) a abouti à la création des secrétariats généraux communs départementaux (SGCD), avec l’objectif de mutualiser en partie les services chargés de l’immobilier dans le périmètre de l’administration territoriale de l’État.
Cette mutualisation n’aurait cependant pas permis de constater d’amélioration générale du traitement de l’immobilier. Certains SGCD sont pourvus de compétences immobilières, mais la moitié d’entre eux n’en possèdent pas. La question des compétences détenues est doublée de la question budgétaire : le ministère de l’intérieur ne consacre pas de crédits à l’immobilier des directions départementales interministérielles (DDI), ce qui suscite une forte préoccupation quant au maintien en état du parc, sans même évoquer sa mise aux normes environnementales.
Plusieurs interlocuteurs ont évoqué devant les rapporteurs le désengagement regrettable du ministère anciennement appelé de l’équipement, la disparition des services construction de ses directions départementales et le retrait des ingénieurs des Ponts et des Travaux publics.
Interrogé sur ce point, le secrétaire général du ministère de la transition écologique a souhaité rappeler deux éléments de contexte qui ont amené le ministère à faire cet arbitrage : « D’une part, nous avions des services présents dans tous les départements afin d’assurer l’assistance à maîtrise d’ouvrage, et dont la baisse d’activité avait été constatée en raison d’un manque de crédits ; d’autre part, le MTECT, qui a réduit drastiquement son nombre d’emplois au cours des vingt dernières années, a dû faire des choix de suppression de services », en reconnaissant que l’ingénierie publique n’était plus opérationnelle dans les territoires.
Ce processus n’a pas atteint le ministère des armées, qui conserve un corps spécifique des ingénieurs militaires d’infrastructure de la défense.
Les directions départementales des territoires (DDT) ont de ce fait perdu leurs compétences en matière immobilière, avec pour conséquence un appauvrissement des moyens techniques pour mener à bien les projets de regroupement de locaux et assurer la bonne avancée des travaux.
Par exception, la direction départementale de la Seine-Maritime, par exemple, a conservé un service en charge des opérations d’investissement les plus importantes au profit du réseau de l’administration territoriale de l’État.
Au niveau régional, ce déficit est aussi fortement constaté, à tel point que des services décident de ne pas présenter leur candidature aux appels à projets (dans le cadre du plan de relance notamment) par manque de compétences techniques pour y répondre et pour en gérer la mise en œuvre en cas de succès.
La DIE a tenté de remédier à cette dégradation en pérennisant les contrats de projets recrutés pour accompagner localement le pilotage du plan de relance, placés au sein des missions régionales de la politique immobilière de l’État (MRPIE). Ces contrats ont été maintenus par la loi de finances pour 2023, qui a aussi autorisé le recrutement de 26 coordinateurs énergie au sein des missions régionales.
Quelques améliorations ont également été apportées au pilotage régional des services déconcentrés de l’État.
La DIE a entrepris de rationaliser et de simplifier le réseau MPRIE/Domaine en plaçant sous la responsabilité du RRPIE la mission mais également le pôle de gestion domaniale et le service local du domaine régional (avec une généralisation à l’ensemble du territoire en 2025) : cette nouvelle structure est dénommée « pôle régional de l’immobilier de l’État » (PRIE). Les services départementaux du Domaine sont aussi placés sous la responsabilité du PRIE (17 directions départementales sont en phase d’expérimentation de cette organisation).
L’encadré suivant montre les aménagements qui peuvent être apportés pour améliorer le fonctionnement du réseau DIE en région, à l’initiative du responsable régional de la PIE. Il est consacré à la préfecture de la région Normandie, dont les rapporteurs ont pu entendre les responsables.
Les aménagements apportés au réseau DIE en région Normandie
– la pérennisation des contrats de projets initialement dédiés au plan de relance. Ces renforts ont constitué une référence « métier » au niveau régional ;
– le renfort d’un correspondant régional énergie chargé de la mise en œuvre et l’animation de la politique énergétique régionale, apportant une expertise et un appui aux gestionnaires de bâtiments, et déployant les outils d’amélioration de la gestion énergétique (concours CUBE, task force AGILE…) ;
– la constitution du pôle régional de l’immobilier de l’État sous la responsabilité du RRPIE, rassemblant la MRPIE, le pôle de gestion domaniale (PGD) et le service local du domaine régional (SLDR) apportant une continuité décisionnelle entre stratégie et gestion ;
– l’expérimentation d’antennes départementales en plaçant sous l’autorité fonctionnelle des RRPIE les SLD des DDFiP (la totalité des départements pour la Normandie).
Ces évolutions donnent au RRPIE une capacité opérationnelle renforcée, et assurent une coordination optimale entre le niveau régional et départemental, qui n’était pas assurée auparavant.
Malgré de tels aménagements, les moyens d’action de la DIE et des préfets restent limités, indirects et insuffisamment contraignants ou incitatifs : les occupants ont une large part d’appréciation sur les moyens à consentir, qu’il s’agisse de crédits ou de ressources humaines, sur les objectifs à atteindre et la pertinence de la stratégie.
4. La consolidation des métiers de la filière immobilière
Les métiers de la gestion de patrimoine immobilier sont classés selon quatre grandes catégories :
– l’asset management recouvre la gestion stratégique du portefeuille ;
– le property management est l’administration des biens avec la gestion locative et technique ;
– le facility management est le service aux immeubles et aux occupants ;
– enfin le project management est le montage et la conduite d’opérations immobilières.
Parmi les compétences requises pour exercer ces métiers, les ministères relèvent des difficultés de recrutement des profils d’ingénieurs pour la conduite d’opérations immobilières ou la gestion de contrats complexes.
Malgré son positionnement professionnalisé, l’agence de maîtrise d’ouvrage du ministère de la justice a ainsi fait part aux rapporteurs de ses difficultés.
Le recrutement des compétences immobilières sous tension :
l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ)
L’Agence dispose actuellement d’un plafond d’emplois de 173 ETP, pour 159 ETP à ce jour en poste. Son personnel est composé à plus de deux tiers de contractuels et un peu moins d’un tiers de fonctionnaires (peu de fonctionnaires seraient candidats aux différents postes proposés).
Elle rencontre des difficultés à recruter pour plusieurs raisons, dont les principales sont :
– la forte concurrence sur le marché de l’emploi dans le domaine de la maîtrise d’ouvrage, en particulier pour les chefs de projet et les assistants de projet ;
– un cadre de gestion, fixant les niveaux de rémunération des personnels et leur progression salariale, devenu trop bas car sans mise à niveau depuis 2011 ;
– un fort turn over qui fragilise le maintien à un haut niveau de ses compétences ;
– la construction d’établissements de type pénitentiaire qui peut dissuader le choix d’orientation pour certains professionnels du secteur.
Il en va de même des compétences de type techniciens supérieurs pour les opérations de maintenance les plus complexes et pour la gestion technique du patrimoine. Les ministères recourent alors à de l’externalisation avec des marchés de maintenance multi-technique.
Les compétences de programmistes, d’urbanistes et d’économistes de la construction font également défaut ainsi que celles de space planner pour l’aménagement de nouveaux espaces de travail.
Pour la Cour, « la montée en compétences des services en charge de l’immobilier est une préoccupation de la direction de l’immobilier de l’État, qui toutefois n’est pas en mesure d’identifier précisément les besoins. Elle ne dispose pas d’une connaissance détaillée des agents travaillant dans les ministères, les seules informations disponibles étant les effectifs déclarés par ces derniers et présentés dans le document de politique transversale, que la DIE n’a pas les moyens de contre-expertiser au-delà du seul contrôle de cohérence ».
La Cour relève également que « la DIE identifie une préoccupation pour l’avenir : les compétences attendues des agents en charge des questions immobilières auront un contenu technique croissant (bâtiment intelligent dans le respect des dernières règlementations et normes européennes, outils de suivi de la performance énergétique, Building information modeling, etc.) et pluridisciplinaire (commercialisateurs, énergéticiens, gestionnaires, ingénieurs de la donnée et data analysts, etc.). Au-delà du problème général lié au constat d’un manque d’attractivité de la fonction publique, cette évolution pourrait se traduire par des difficultés croissantes de recrutement ».
En 2023, la Première ministre a donné mandat à la DIE de conduire une feuille de route RH interministérielle de l’immobilier de l’État, dont l’objectif est d’établir une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, d’interministérialiser et de développer l’offre de formation, de définir des parcours de carrière, de traiter les questions de rémunérations et d’attractivité. Il s’agit bien d’organiser une filière. Un des chantiers de cette feuille de route consiste à renforcer le rôle de pôle d’excellence et de ressources de la DIE elle-même. Le programme de travail a été validé en réunion interministérielle en décembre 2023, et a fait l’objet d’une CNIP en février 2024.
Vos rapporteurs ne peuvent qu’encourager cette démarche interministérielle qui peut fluidifier les parcours et les carrières d’un ministère à l’autre, tout en adaptant les recrutements et les formations aux évolutions d’un secteur dans lequel la gestion par la donnée et le numérique prend de plus en plus d’importance.
5. La conduite du programme de rénovation des cités administratives
Depuis 2022, la DIE exerce la responsabilité opérationnelle et financière du programme de rénovation des cités administratives, décrit dans le rapport de Mme Sophie Errante au titre de la commission des finances de l’Assemblée nationale ([18]).
La direction intervient en suivi renforcé des 37 projets dont elle est membre des comités de pilotage. Elle y est représentée soit par son directeur, lorsque des sujets d’arbitrage financier majeurs sont à l’ordre du jour, soit par une de ses équipes dédiées qui suit au quotidien l’évolution du projet. Elle apporte un appui juridique et technique aux porteurs de projet dans leurs décisions stratégiques avec l’objectif constant de maîtriser à la fois le calendrier, l’enveloppe financière allouée et la performance énergétique visée.
Elle suit l’exécution budgétaire du projet, les prévisions de consommation et l’optimisation de l’utilisation des crédits. En cas de dérive financière, la DIE recherche auprès du porteur de projet les gisements d’économie possibles et conserve le pouvoir de déléguer des crédits complémentaires pour financer des aléas sur l’enveloppe budgétaire de l’opération.
C. UNE ARCHITECTURE BUDGÉTAIRE ÉCLATÉE QUI DILUE LES RESPONSABILITÉS
La politique immobilière de l’État revêt un caractère transversal dans notre architecture budgétaire. De fait, aucune mission du budget général ne comprend l’ensemble des programmes concourant à cette politique publique, et les crédits consacrés aux dépenses immobilières d’un ministère font rarement l’objet d’un seul support budgétaire, se trouvant souvent mêlés à des dépenses de fonctionnement ou d’investissement au sein d’un ou de plusieurs programmes.
En outre, les objectifs de la politique immobilière de l’État s’articulent avec les autres politiques publiques sectorielles en faveur du logement, du patrimoine culturel, de l’accessibilité, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Depuis 2012, l’information du Parlement en la matière s’est nettement améliorée, avec l’élaboration d’un document de politique transversale (DPT) annexé au projet de loi de finances, dont le contenu a été densifié depuis cette date.
Par ailleurs, dans le cadre de son action en propre, la DIE dispose quant à elle de quatre principaux vecteurs budgétaires : le compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État (comprenant notamment le programme 123) ; le programme 348 Performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs ; le programme 362 Écologie, s’agissant du volet rénovation énergétique de la mission Plan de relance ; ainsi que le compte de commerce 907 Opérations commerciales des domaines, essentiellement pour sa ligne Gestion des cités administratives et pour les opérations immobilières liées aux remises effectuées en application de décisions de justice.
1. La dispersion des dépenses immobilières de l’État au sein de 62 programmes budgétaires
D’après le DPT annexé au PLF pour 2025, le total des crédits concourant à la politique immobilière de l’État s’élève à 10,1 Md€ en autorisations d’engagement (AE) et 9,4 Md€ en crédits de paiement (CP) ([19]). Or, l’ensemble de ces crédits est dispersé au sein de 62 programmes budgétaires différents, dont 47 sont effectivement actifs et utilisés dans le projet de loi de finances pour 2025. Le tableau suivant résume la contribution des principaux programmes budgétaires concourant à la réalisation des objectifs de la PIE.
principaux programmes budgÉtaires
concourant À la politique immobiliÈre de l’État
(en euros)
Intitulé du programme (PLF 2025) |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
P178 Préparation et emploi des forces |
1 949 860 970 |
1 557 965 886 |
P152 Gendarmerie nationale |
1 474 293 569 |
1 026 635 046 |
P182 Protection judiciaire de la jeunesse |
99 965 710 |
81 352 708 |
P215 Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture |
98 651 766 |
30 000 646 |
P212 Soutien de la politique de la défense |
910 953 294 |
956 417 018 |
P129 Coordination du travail gouvernemental |
85 009 435 |
98 869 124 |
P166 Justice judiciaire |
776 207 556 |
629 400 970 |
P348 Performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs |
674 956 624 |
360 300 105 |
P107 Administration pénitentiaire |
592 081 037 |
736 417 313 |
P146 Équipement des forces |
578 830 400 |
554 882 638 |
P354 Administration territoriale de l’État |
424 947 013 |
354 918 308 |
P156 Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local |
355 037 880 |
320 472 605 |
P723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État |
340 000 000 |
340 000 000 |
Source : Données issues du document de politique transversale Politique immobilière de l’État, annexé au projet de loi de finances pour 2025.
Comme le souligne Mme Sophie Errante, députée, dans son rapport précité, à propos de la rénovation des cités administratives, « les dépenses d’investissement immobilier sont financées […] surtout par 47 programmes budgétaires rattachés aux ministères. Cet éclatement des budgets immobiliers entraîne plusieurs conséquences négatives : dans le cadre de la prise en gestion des sites multi-occupants, il favorise une dilution des responsabilités et une moindre maîtrise des délais de signature des conventions. L’AGILE souligne que la dispersion des budgets immobiliers est un facteur aggravant de l’insuffisance des crédits alors que l’État est le premier propriétaire de France et d’Europe. La multiplication d’opérations conduites sur un même territoire par des porteurs de projets issus de ministères différents souligne une organisation en silos, source d’inefficacité par rapport à une approche interministérielle ».
En outre, la cartographie budgétaire en région reproduit l’organisation fonctionnelle au plan national : c’est ainsi que les crédits immobiliers sont dispersés entre 44 budgets opérationnels de programme pour la région Normandie, par exemple.
En conséquence, une vision globale de la politique menée par les différents acteurs s’avère difficile, sinon impossible. Les gestionnaires en région soulignent la difficulté de consolider les données budgétaires immobilières régionales depuis Chorus, car les modalités pratiques d’extraction par budget opérationnel de programme ne permettent pas de s’assurer de l’exhaustivité des données sur le périmètre régional.
2. Le compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État ne joue plus qu’un rôle mineur
Créé par la loi de finances pour 2006 ([20]) en application des articles 19, 20 et 21 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), le compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État est composé de deux programmes : le programme 721 Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État (qui n’est plus utilisé actuellement) et le programme 723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État.
Placé sous la responsabilité de la DIE, il a pour vocation de mutualiser le produit de cessions, mais aussi de redevances et de loyers, dans le but de financer des opérations structurantes ou des dépenses d’entretien. Son existence permet d’orienter la politique immobilière de l’État autour de deux axes complémentaires : d’une part, la rationalisation du parc immobilier (grâce au versement d’une partie des produits de cessions aux administrations occupantes afin de réaliser des opérations immobilières) et, d’autre part, le développement d’une démarche de gestion efficace et économe des actifs contrôlés par l’État et ses opérateurs (financement de travaux de remise en état, des opérations de maintenance préventive des bâtiments, etc.).
D’après l’article 47 de la loi de finances pour 2006 précitée, le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État retrace précisément :
– d’une part, en recettes, le produit des cessions des biens immeubles de l’État, les versements du budget général, les fonds de concours et le produit des redevances domaniales et des loyers perçus par l’État provenant de concessions ou de certaines autorisations d’occupation temporaires ;
– d’autre part, en dépenses, les dépenses d’investissement et de fonctionnement liées à des opérations immobilières ou à des dépenses d’entretien immobilier réalisées par l’État, les dépenses liées aux opérations de cession, d’acquisition, de construction et d’entretien réalisées par des établissements publics et des opérateurs sur des biens appartement au domaine de l’État, ainsi que les versements opérés au profit du budget général.
Le PLF pour 2025 évalue, d’après le projet annuel de performances (PAP) du compte d’affectation spéciale, les recettes du CAS pour 2025 à 340 M€. Elles se décomposent en 230 M€ de produits des cessions immobilières et 110 M€ de produits de redevances domaniales, que le CAS doit encaisser en 2025. Ce montant de recettes était le même pour l’année 2024, tel que prévu par la loi de finances pour 2024 ([21]) ; il s’inscrivait alors en baisse de 29,2 % par rapport aux recettes effectivement enregistrées en 2023, dont le montant était fixé à 480 M€ en loi de finances initiale pour 2023 ([22]). D’après le rapport spécial réalisé par M. Mohamed Laqhila sur le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État et enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023 ([23]), cette baisse était due à un retour à la normale des produits de cessions, après un pic observé en 2023 et lié à la cession de deux immeubles parisiens. D’après le PAP précité, ce montant de recettes devrait rester le même en 2026 et en 2027.
En ce qui concerne en particulier les cessions, les produits de cession représentent, en 2024 et en 2025, 61,8 % des recettes attendues (soit (230 M€). Pour l’année 2024, les opérations de cessions concernaient 523 biens, dont la valorisation s’élevait à 251,5 M€ ; celle‑ci présentait un écart de 22 M€ avec la valeur inscrite dans le PAP du compte d’affection spéciale, en raison d’un ensemble d’incertitudes relatives aux dates d’enregistrement des cessions et d’encaissement des paiements. Les cessions prévues en 2024 portaient essentiellement sur des terrains (207), des logements (107) et des immeubles de bureaux (93) ; 216 biens à vendre relevaient du ministère de la transition écologique, 55 du ministère de l’économie et des finances, 45 actifs du ministère des armées et 37 du ministère de l’intérieur.
Le nombre des opérations de cessions prévues en 2025 s’inscrira dans une trajectoire de diminution notable : 661 opérations en 2018, 704 en 2019, 567 en 2020, 687 en 2021, 661 en 2022, 556 en 2023 et 523 en 2024. En conséquence, M. Mohamed Laqhila soulignait, dans son rapport précité, que les biens susceptibles de faire l’objet d’une cession se raréfient, ce qui menace à terme l’équilibre financier du CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État, et suppose de pérenniser d’autres sources de financement.
En outre, les dépenses du CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État s’élèvent, pour 2025, à 340 M€. Cette valeur demeure la même que celle prévue par la loi de finances pour 2024 précitée. En pratique, les recettes du CAS ont vocation à financer essentiellement deux types de dépenses :
– d’une part, les opérations structurantes et les cessions (qui correspondent à l’action 11 du programme 723) : acquisitions, constructions, frais accessoires liés aux cessions d’un bien, qui ont pour objectif d’augmenter la valeur vénale des bâtiments concernés ;
– d’autre part, les opérations qualifiées de « travaux du propriétaire », qui regroupe les contrôles réglementaires, les audits, les expertises et les diagnostics (action 12), la maintenance à la charge du propriétaire (action 13) ainsi que les travaux de gros entretien, de réhabilitation, de mise en conformité et de remise en état (action 14).
Dans les faits, les crédits de ce programme ont eu tendance à s’éroder d’année en année, avec une baisse de 29,2 % des autorisations d’engagement entre 2023 et 2024, en raison de la baisse précitée des recettes.
Pour l’année 2024 comme pour l’année 2025, 41 % de l’enveloppe totale des autorisations d’engagement du programme 723 est consacrée à l’action 11 (opérations de restructuration du parc immobilier et frais accessoires liés aux cessions). Ces crédits ont principalement été consacrés au financement de deux grandes opérations immobilières : le projet Quai d’Orsay XXI, mené par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (80 M€ en 2024 et 70 M€ en 2025 en AE), et le projet Saint-Mandé, mené par le ministère de la transition écologique (40 M€ en 2024).
Pour ces deux années, le reste des crédits du CAS (59 %) est donc alloué aux actions 12, 13 et 14 du PAP, c’est-à-dire aux « travaux du propriétaire », dans la continuité des opérations de gros entretien d’immeubles de bureaux engagées au cours des années précédentes. Ils représentent un total de 200 M€, contre 160 M€ en 2022 et en 2023.
Cependant, le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État ne joue toujours pas aujourd’hui un rôle prépondérant dans le champ des dépenses immobilières. La part représentée par le CAS dans l’effort immobilier global de l’État ne s’élevait qu’à environ 6 % en 2022, comme en témoigne le graphique suivant.
Part du Compte d’affectation spÉciale
Gestion du patrimoine immobilier de l’État
dans l’effort immobilier global de l’État
Source : Annexe n° 27, Gestion du patrimoine immobilier de l’État, réalisée par M. le rapporteur spécial Mohamed Laqhila, au rapport n° 1680 sur le projet de loi de finances pour 2024, 14 octobre 2023, d’après les questionnaires budgétaires de la commission des finances.
De fait, les dépenses d’investissement immobilières sont inscrites dans les nombreux programmes budgétaires précités relevant des différents ministères, ainsi que dans les programmes 348 Performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs et 362 Écologie. Loin de constituer l’unique support budgétaire de la politique immobilière de l’État, le CAS apparaît donc dans une situation de relative marginalisation. Malgré tout, il demeure un outil à vocation interministérielle utile afin d’assurer la mutualisation des crédits issus des produits de cession et des redevances et loyers.
Dans ce contexte, pour assurer la pérennité des ressources de financement du CAS, la DIE a engagé une politique de dynamisation de ses recettes liées aux redevances et aux loyers. D’une part, les responsables régionaux de la PIE sont engagés à réaliser deux fois par an une revue des actifs composant le patrimoine immobilier de l’État qui se trouvent sous leur contrôle ; cette revue a pour vocation de déterminer la trajectoire du bien et de prévoir d’éventuelles cessions ou de possibles changements de gestionnaires. D’autre part, la DIE a mis en place au cours des dernières années un site internet recensant les locations immobilières en cours de l’État, qui, dans la troisième version du site disponible depuis mars 2023, permet aux gestionnaires d’assurer la publicité des biens mis en location, et aux candidats à l’occupation du domaine public de déposer leurs candidatures en ligne ([24]). Enfin, depuis juin 2022, le recouvrement des redevances est assuré par l’application FIGARO, intégrée au système Chorus : cet outil informatique assure désormais un suivi plus précis du versement des redevances et des loyers, ce qui permet une gestion plus fine des autorisations d’occupation des biens immobiliers de l’État.
En conséquence, cet élargissement des modes de valorisation est souhaitable pour préserver l’outil de mutualisation qu’est le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État.
3. Le recours accru aux programmes porteurs d’appels à projets contribue au manque de vision pluriannuelle
Concernant les investissements, la logique qui prévaut depuis quelques années est celle des appels à projets, portés par les programmes budgétaires 348 Performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs et 362 Écologie. Cependant, cette logique révèle ses limites avec l’absence de projection pluriannuelle, qui souligne la nécessité de cofinancer et de coordonner les différents acteurs, y compris pour l’expression des besoins.
Le programme budgétaire 348 de la mission Transformation et fonction publiques, piloté par la DIE, assure le financement interministériel des investissements immobiliers centrés autour de deux priorités :
– d’une part, la rénovation lourde du parc existant : initialement destiné à financer les opérations de rénovation des cités administratives (qui doit se conclure en 2025 avec la rénovation de 36 cités), le programme est désormais pérennisé avec l’inscription, depuis 2023, de crédits pour financer des travaux d’adaptation énergétique et de réhabilitation destinés à améliorer l’isolation des bâtiments, à réduire les consommations de fluides, etc. ;
– d’autre part, le financement d’actions ciblées sur l’évolution des modes de travail : accompagnement des administrations pour la réalisation d’aménagements intérieurs des espaces de travail, poursuite de l’optimisation des implantations immobilières, travaux de densification des surfaces occupées.
Le tableau suivant présente, par action, les crédits budgétaires alloués au programme 348 par le projet de loi de finances pour 2025, dont le montant s’élève au total à 675 M€ en autorisations d’engagement et 360 M€ en crédits de paiement. Le tableau indique la trajectoire de réduction notable des crédits accordés à ce programme : -4,91 % pour les AE et -31,74 % pour les CP par rapport aux montants prévus par la loi de finances initiale pour 2024.
Montant des crÉdits (AE et CP) du programme 348 pour l’annÉe 2025
Source : Projet annuel de performances de la mission Transformation et fonction publiques, annexe au projet de loi de finances pour 2025.
En particulier, l’action 12 de ce programme Travaux et gros entretien à la charge du propriétaire recense notamment les opérations de gros entretien et de réhabilitation mises en œuvres dans le cadre de la rénovation des cités administratives. À la fin du mois d’août 2024, 21 projets de rénovation de cités administratives étaient encore en cours, et 15 étaient déjà réceptionnés (soit 10 de plus qu’au 30 août 2023), à l’image des cités rénovées de Clermont-Ferrand, de Colmar, de Limoges ou de Mulhouse. Ainsi, les crédits de paiement ouverts au sein de l’action 12 de ce programme pour 2025 ont pour vocation de financer la fin des phases de travaux des opérations de rénovation restantes.
En outre, les crédits de cette action contribuent également à financer l’enveloppe consacrée à la mise en place de la foncière interministérielle annoncée en 2024, et dont le lancement est prévu au cours de l’année 2025. D’après le PAP du programme 348 publié en annexe du PLF 2025, cette enveloppe est destinée à « compléter en “année 1” les crédits portés par les programmes supports des entités occupant les bâtiments concernés, l’objectif étant à terme d’avoir un financement en propre et en direct par les ministères programmes supports des entités occupant les bâtiments concernés ». En l’espèce, ces crédits permettraient la mise en service d’un pilote de la foncière, qui porterait sur un périmètre réduit et reprendrait les missions assurées par l’État sur les bâtiments concernés. Ils seront par ailleurs, à terme, complétés par les loyers que verseront les occupants de ces bâtiments à l’entité ainsi créée.
D’autre part, le programme budgétaire 362 de la mission Plan de relance retrace les crédits qui contribuent à la transition écologique, dans le cadre du plan France Relance ; il comprend notamment un objectif intitulé « assurer la transition énergétique des bâtiments publics ». Cependant, après la mise en œuvre du plan de relance, la mission concernée est désormais entrée dans une phase de mise en extinction progressive, avec l’ouverture de seulement 169 M€ de crédits de paiement ciblés sur des dispositifs spécifiques.
Comme l’indique le tableau suivant, les crédits de paiement alloués au programme 362 pour l’année 2025 s’élèvent seulement à 100 M€, soit une baisse de 91,45 % par rapport aux crédits ouverts dans la loi de finances initiale pour 2024.
Montant des crÉdits (AE et CP) du programme 362 pour l’annÉe 2025
Source : Projet annuel de performances de la mission Plan de relance, annexe au projet de loi de finances pour 2025.
Cependant, le recours accru aux appels à projets dans le cadre de ces deux programmes a contribué à un manque de vision pluriannuelle. Dans la mesure où le temps de la gestion immobilière est un temps long, il est nécessaire d’avoir la capacité de mobiliser des compétences et des crédits, pour établir la trajectoire des transformations et une vision pluriannuelle des travaux. Or, la possibilité de cette vision pluriannuelle fait souvent défaut aux gestionnaires, qui plus est au vu de l’extinction progressive des crédits alloués au programme 362.
Au cours des auditions menées par les rapporteurs, les gestionnaires ont ainsi décrit la difficulté croissante qu’ils avaient à se projeter, et les incertitudes qu’ils nourrissaient sur les crédits à venir. Appréhender la baisse des surfaces dans ce contexte s’avère particulièrement délicat. Aussi leur faut‑il tâcher de comprendre la façon dont les services évolueront et obtenir les crédits nécessaires à la transformation et à l’adaptation des locaux et des équipements, tout en sachant que ces crédits sont souvent les premiers touchés en cas de restriction budgétaire en cours d’année.
III. UNE SOUTENABILITÉ FINANCIÈRE FRAGILE DEVANT L’EFFORT D’INVESTISSEMENT À VENIR
La dépense immobilière, et notamment les dépenses d’entretien du propriétaire et de l’occupant, est insuffisamment prise en compte dans les besoins tendanciels de l’action publique, et cela dès la construction budgétaire.
De plus, c’est une dépense qui subit en priorité les conséquences de la régulation budgétaire puisque les gestionnaires ont toujours la tentation de privilégier des dépenses de fonctionnement jugées plus urgentes au détriment d’un effort régulier sur l’immobilier.
Quelques progrès ont été faits dans la période récente, avec les plans pluriannuels et les schémas directeurs, qui conduisent à une prévision de plus long terme ; pourtant le système financier public conduit à un entretien insuffisant du patrimoine immobilier et ne permettra pas de faire face aux investissements qui s’annoncent.
A. UN ENTRETIEN INSUFFISANT DU PATRIMOINE IMMOBILIER
Lors du comité interministériel de la transformation publique (CITP) réuni en octobre 2018, le Gouvernement a lui-même formulé le constat du mauvais état du parc immobilier : « Le parc immobilier souffre d’un manque chronique d’entretien, au détriment de la qualité de l’environnement de travail des agents. Les mécanismes financiers existants n’ont pas permis de responsabiliser les occupants quant aux travaux d’entretien courant, ce qui nuit à la qualité du patrimoine à long terme. »
Le mauvais état actuel d’une partie du parc immobilier est un constat partagé, à mettre au compte d’une insuffisance des travaux d’entretien. Le DPT annexé au PLF pour 2024 confirme ce constat avec l’indicateur d’état de santé des bâtiments qui figure dans le référentiel technique (RT). Les biens dans un état peu ou pas satisfaisant représentent presque un sixième de ceux pour lesquels cette information a été renseignée.
La Cour complète ce diagnostic par l’analyse suivante : « Le sous‑entretien des bâtiments peut être relié à une insuffisante prise en compte des intérêts du propriétaire, en l’occurrence l’État, dont la valeur du patrimoine immobilier se dégrade.
« Dans les faits, les crédits budgétaires en faveur de l’immobilier sont attribués aux services qui occupent les bâtiments, y compris les crédits prévus pour les dépenses d’entretien du propriétaire lorsque le bâtiment est propriété de l’État. Or ces services n’ont pas d’intérêt propre à effectuer les dépenses d’entretien des bâtiments. Au contraire, ils peuvent être tentés, via le mécanisme de la fongibilité, de réallouer une partie des crédits prévus pour l’immobilier pour financer d’autres dépenses. La DIE n’intervient pas dans les décisions de gestion courante des ministères, et ne peut donc pas défendre les intérêts de l’État propriétaire.
« La réallocation de crédits via la fongibilité peut s’ajouter à un possible sous‑calibrage initial des crédits en faveur de l’immobilier courant, les grandes opérations emblématiques faisant de facto l’objet d’un traitement prioritaire. »
Les rapporteurs souscrivent à cette analyse dans sa double dimension.
1. Une dépense immobilière peu portée sur l’entretien courant
La moyenne des dépenses rattachées à l’immobilier de l’État s’est située à un niveau bas, autour de 7,2 Md€ annuels, entre 2012 et 2020, avec des montants qui ont été globalement stables en valeur mais inférieurs à ceux dont avaient pu bénéficier certains ministères avant la crise financière de 2008.
La présentation budgétaire distingue, comme les travaux parlementaires l’avaient demandé, les dépenses de l’État propriétaire (acquisition/construction, travaux structurants, entretien lourd) et celles du ministère occupant (entretien courant, énergie et fluides, loyers budgétaires et non budgétaires, autres).
Les dépenses d’investissement immobilisées (projets immobiliers structurants, acquisitions, constructions, gros entretien-renouvellement) ont oscillé pendant dix ans, jusqu’en 2020, entre 1,6 et 1,9 Md€, soit un effort annuel de 2,7 % pour un parc évalué à au moins 68 Md€.
L’entretien courant a oscillé pour sa part depuis 2012 entre 900 M€ et 1 Md€, pour suivre une meilleure trajectoire à partir de 2020 et atteindre un montant de 1,2 Md€ ces dernières années.
Le tableau suivant montre qu’un effort a été consenti à partir de 2021 en faveur des dépenses d’investissement immobilisées.
DÉpenses immobiliÈres de l’État
Source : Comptabilité générale de l’État (décaissements réalisés en trésorerie, ventilés par nature et groupes de marchandises pour les charges) au 31 décembre de chaque année (arrondis au million d’euros).
L’augmentation des dépenses d’investissement à partir de 2021 résulte de plusieurs mesures qui intègrent un rattrapage en matière d’entretien lourd et de transition énergétique : rénovation des cités administratives, plan d’investissement immobilier du ministère des armées dans le cadre de la loi de programmation militaire, rénovation énergétique des bâtiments de l’État dans le cadre du plan de relance… Cet effort devrait se poursuivre sur la période 2023-2027, dans la perspective de la transition environnementale.
Le montant mobilisable sur le compte d’affectation spéciale s’étant considérablement réduit, la plupart des ministères font porter la charge des dépenses d’investissement immobilier relevant du propriétaire sur leurs programmes support.
L’état du patrimoine immobilier est hétérogène car chaque ministère, voire chaque service, consacre des moyens différents, tant en compétences qu’en budget, pour l’entretien de son parc immobilier.
Ainsi, les réseaux DGFiP et Douanes ont consacré des moyens suffisants à l’entretien de leur parc en lien avec le resserrement de leur réseau ces dernières années (le nouveau réseau de proximité compte 50 % d’implantations en moins pour la direction générale des finances publiques).
Dans les faits, les moyens financiers du ministère de l’intérieur sont insuffisants pour entretenir un parc hétérogène, dispersé et souvent ancien (forces de police, de gendarmerie, immobilier préfectoral, DDI). Le secrétariat général pour l’administration du ministère de l’intérieur dispose de compétences de gestion et se concentre sur le soutien des forces de police ; la Gendarmerie nationale a un parc composé majoritairement de biens pris à bail et assure son propre soutien. Le rapport du sénateur Bruno Belin, présenté en juillet 2024, consacré à l’immobilier de la Gendarmerie nationale, constate que l’enveloppe financière de la maintenance a été inférieure de 50 % aux besoins recensés pendant dix ans ([25]). L’écart entre le besoin d’investissements immobiliers et les investissements réalisés dans le parc domanial aurait été de -71 %.
L’entretien de l’immobilier domanial de la gendarmerie constitue un problème critique depuis 15 à 20 ans. Certaines de ses composantes ont atteint un état de grande vétusté, les rendant inaptes au service et risquant de contribuer à un manque d’attractivité de la profession.
L’âge moyen de ce parc est de 55 ans, et celui du parc locatif de 33 ans. L’entretien du parc domanial exigerait un montant de crédits de 75 euros par m² et par an, et des rénovations importantes tous les 50 ans. Or les crédits disponibles se sont limités à 15 à 20 euros dans la période récente. Les crédits destinés à l’entretien-réparation s’élèvent à environ 100 M€ annuels (entre 39 et 123 M€ selon les années) depuis 10 ans, alors qu’ils étaient de 600 M€ en autorisations d’engagement jusqu’aux années 2007‑2009.
Le graphique suivant traduit l’évolution des crédits d’investissement immobilier de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) en autorisations d’engagement entre 2007 et 2024 : ils ont chuté de 618 M€ en 2007 à 89 M€ en 2019.
Évolution du budget allouÉ aux investissements IMMOBILIERS
DE la direction gÉnÉrale de la gendarmerie nationale
Source : Direction générale de la gendarmerie nationale.
Le mauvais état des logements est évidemment source de pression de la part des familles de gendarmes, qui dans certains cas ont refusé d’y emménager. L’une des conséquences de la dégradation a été très visible avec le risque d’effondrement présenté par la barre de logements à loyer modéré du quartier Lemaître à Melun, qui accueillait 300 à 400 familles. Celles-ci ont dû la quitter et la gendarmerie a dû procéder à 400 prises à bail dans le secteur privé. La reconstruction de ces logements n’a pas encore été entreprise. Des logements à diagnostic thermique F continueront vraisemblablement d’être loués à des familles au 1er janvier 2025, alors que la loi proscrit dorénavant ces locations.
Au problème des logements s’ajoute celui des casernes, dont une dizaine arrive « en fin de vie » chaque année. Trois casernes ont été abandonnées cette année faute de crédits d’entretien. Les casernes locatives sont au nombre de 3 075 actuellement !
Un autre exemple est le manque d’entretien-réparation des bâtiments administratifs du ministère de l’intérieur en région Normandie, qui exige aujourd’hui des investissements considérables pour préserver les bâtiments.
Le défaut de maintenance et le mérule
Le mérule est un champignon qui s’attaque au bois. Il apparaît à la faveur de quatre facteurs : la pénombre, des sources d’humidité et défauts d’étanchéité, un taux d’humidité supérieur à 20 %.
Le défaut d’entretien régulier des toitures des bâtiments administratifs de Rouen a entraîné leur dégradation par le mérule : des bâtiments ont dû être quittés en hâte afin d’éviter l’insécurité. La réfection exigera à présent des millions d’euros au lieu d’un entretien de quelques milliers d’euros au moment opportun.
Le défaut de maintenance peut avoir des conséquences importantes : plusieurs bâtiments, parmi les plus anciens, ont été diagnostiqués atteints de mérule, résultat d’aménagements intérieurs inadaptés (isolation sans aération) et d’un entretien défaillant (toitures) générant des infiltrations :
– la sous-préfecture de Dieppe,
– la sous-préfecture des Andelys,
– le bâtiment Joséphine à Évreux,
– la sous-préfecture du Havre,
– la sous-préfecture de Bernay,
– la sous-préfecture d’Argentan,
– l’unité éducative en milieu ouvert (UEMO) de Rouen.
Les travaux à réaliser sont conséquents (plusieurs millions d’euros), à comparer à un entretien régulier (quelques milliers d’euros par an) et/ou une rénovation de toiture (quelques centaines de milliers d’euros), qui aurait permis d’éviter l’infestation.
Le cas du ministère de l’Europe et des affaires étrangères paraît extrême : ce ministère détient un patrimoine très important lié à la volonté de présence de la France de manière « universelle », mais des crédits d’entretien dérisoires depuis des décennies.
Une communication a été présentée le 11 juillet 2023 par MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud, sénateurs, rapporteurs spéciaux, sur l’immobilier de ce ministère, communication qui attire une fois de plus l’attention sur les contradictions insolubles de la gestion immobilière.
Vendre le patrimoine pour pouvoir l’entretenir –
le cas du ministère de l’Europe et des affaires étrangères
Le MEAE estime qu’une enveloppe d’environ 80 M€ par an serait nécessaire pour couvrir sa programmation immobilière. Ce niveau de crédits est remis en question par la DIE et la direction du budget, critiquant un manque de transparence dans l’évaluation des besoins du ministère. De plus, cette évaluation ne recouperait pas nécessairement les besoins liés à l’amélioration des performances énergétiques et climatiques du parc immobilier.
Sous l’angle budgétaire, le MEAE a engagé, entre 2011 et 2022, 335,9 M€ pour des travaux d’entretien lourd à l’étranger et en France, notamment en vue de rationaliser son réseau et de sécuriser les logements. Les dépenses immobilières ont représenté un poids significatif, en atteignant près de 20 % de son budget total pour la période 2006‑2021.
Le financement des dépenses immobilières repose en partie sur les produits de cession, ainsi que sur les crédits budgétaires de la mission Action extérieure de l’État. Un débat se fait jour entre le MEAE et le ministère chargé du budget quant à un éventuel « rebasage » des crédits. Entre 2009 et 2017, le MEAE a principalement financé ses opérations par les produits de cession, en raison du faible niveau des dotations du programme 105.
Le ministère estime avoir exploité la majeure partie de son potentiel de cessions et rappelle que les produits qu’il tire de son parc immobilier sont désormais fléchés vers le remboursement de l’avance de 67 M€ consentie pour la sécurisation des emprises.
Il arrive également que des crédits de gros entretien-réparation inscrits dans une programmation budgétaire soient redirigés vers des besoins de fonctionnement au nom de la fongibilité et de l’urgence.
Ainsi, par exemple, la programmation immobilière du programme support du ministère de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques est régie par une trajectoire arrêtée en 2022 dans le cadre de la programmation budgétaire triennale. Le chiffrage du coût du décret tertiaire pour le ministère conduisait à demander une augmentation de ses moyens pour pouvoir faire face à cette exigence : l’augmentation avait été partiellement accordée pour 50 M€ de travaux à réaliser sur la Tour Séquoia de la Défense.
Les programmations immobilières annuelles s’inscrivent également dans cette trajectoire, ce qui oblige à redéployer des crédits initialement prévus pour assurer le gros entretien-réparation (GER) des bâtiments d’administration centrale vers les crédits de fonctionnement de l’immobilier s’il faut faire face à la hausse des prix de l’énergie. Or c’est également dans ce cadre que sont gérées les hausses des prix du bâtiment. C’est ainsi que l’ensemble des travaux nécessaires ne pourra être financé malgré l’enveloppe de crédits théoriquement dédiée à la rénovation thermique de la Tour Séquoia.
L’absence de visibilité budgétaire est soulignée par de nombreux interlocuteurs des rapporteurs : il est difficile de promouvoir des projets globaux comportant la mise en œuvre des obligations réglementaires et la transformation des espaces immobiliers lorsqu’il y a incertitude quant aux crédits disponibles l’année suivante, sans parler des réductions de crédits qui peuvent intervenir en cours d’année ; en effet l’entretien courant joue souvent le rôle de variable d’ajustement alors qu’il est déjà sous-dimensionné dans la projection budgétaire tendancielle.
2. Le contournement par l’immobilier locatif ou le tiers financeur
Devant la vulnérabilité des crédits d’entretien courant du parc domanial, les gestionnaires peuvent être tentés de les sanctuariser en recourant au parc locatif ou à un tiers financeur, ce qui oblige par contrat à payer un loyer, parfois pour une durée très longue, notamment dans le cas des contrats de partenariat.
Cette rigidification de la dépense a une contrepartie, c’est l’assurance de travailler dans un environnement entretenu par des professionnels du service aux occupants et dont la responsabilité civile et pénale est engagée, ce qui est moins vrai dans l’univers domanial, où les responsabilités sont diluées.
Le tableau suivant montre la croissance régulière du coût des loyers assumés par les administrations occupantes :
Montant des Loyers payÉs par l’État
|
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Loyers (en M€) |
1 579 |
1 660 |
1 540 |
1 522 |
1 619 |
1 421 |
1 633 |
1 738 |
1 780 |
1 875 |
Variation depuis 2014 (base 100) |
100 |
105 |
98 |
96 |
103 |
90 |
103 |
110 |
113 |
119 |
Source : Document de politique transversale Politique immobilière de l’État, annexe au projet de loi de finances pour 2025.
Par ailleurs, les prises à bail par les administrations progressent : en flux, elles s’élevaient à 2 253 en 2019 et ont atteint 3 122 en 2022, puis 3 917 en 2023.
À titre d’exemple, le montant total des loyers versés chaque année par la Gendarmerie nationale représente 64 % de son budget immobilier total et réduit considérablement les marges de manœuvre dont dispose le responsable de programme pour investir dans l’extension du parc domanial.
La dégradation, parfois très forte, à partir des années 2010, des moyens d’investissement et d’entretien a conduit les administrations à contourner la gestion étatique et budgétaire. C’est ainsi qu’elles se sont orientées vers la signature de contrats de partenariat avec des sociétés du secteur privé afin de réaliser les opérations impossibles à financer sur les crédits d’investissement annuels.
S’est développé le recours à des tiers financeurs et notamment au modèle des partenariats public-privé (PPP) ou encore au crédit-bail immobilier. Ces choix opérés par les ministères engagent l’État propriétaire dans la durée car l’amortissement des dépenses de construction s’impute sur le loyer perçu pendant 20 à 30 ans, période au terme de laquelle la propriété de l’actif est transférée à l’État.
Un exemple type en est le loyer du nouveau palais de justice de Paris (90 M€ annuels sur 27 ans) soit une forte proportion des crédits de paiement consacrés à l’investissement judiciaire.
De même, en 2011, le ministère de la défense décidait de recourir à un partenariat public-privé pour réaliser le regroupement sur le site de Balard à Paris de l’ensemble des états-majors et des organismes centraux du ministère des armées, soit 10 700 personnes. Cette transformation avait notamment pour but de rationaliser l’immobilier du ministère en concentrant les effectifs à Balard et en cédant la plupart des emprises parisiennes du ministère, dont certaines avaient une localisation très attractive et aisément valorisable, comme celles de l’Hôtel de l’Artillerie, ou encore de l’îlot Saint-Germain.
Le contrat de partenariat externalise pour 30 ans la conception, la réalisation, l’entretien, la maintenance et la fourniture des services associés. Après 10 ans d’exploitation du site, l’exécution du contrat donne satisfaction quant à son entretien et son fonctionnement, y compris dans sa dimension gros entretien-renouvellement (GER) car un audit indépendant a confirmé que les bâtiments étaient en bon état. Le contrat prévoit également la mesure de la satisfaction des usagers qui est positive. L’exécution d’un contrat aussi complexe mobilise plusieurs dizaines d’agents du ministère dont la mission est de mesurer la performance du groupement qui gère le site et de procéder aux rappels nécessaires en cas de dysfonctionnements.
La Cour des comptes a considéré que le projet avait été une réussite sur le plan opérationnel mais que les économies réalisées avaient été moindres que celles prévues dans le plan de financement, tant pour les économies de fonctionnement que de personnel. Le ministère convient pour sa part que le contrat de PPP se caractérise par un loyer élevé, contrepartie de la qualité des prestations, et par une rigidité des dépenses, qui sont pour la majorité forfaitisées jusqu’en 2041, date de l’échéance du contrat.
En 2022, le ministère des armées a également fait le choix de confier la gestion de son parc domanial au secteur privé dans le cadre du partenariat public-privé CEGeLog, d’une durée de 35 ans. Ce parc comprend 8 000 logements, auxquels s’ajouteront près de 2 500 logements à construire au cours des dix premières années du contrat pour assurer un bon amortissement, ainsi que des logements actuellement sous bail emphytéotique qui seront intégrés au contrat. À terme, le parc devrait compter environ 14 000 logements. L’un des objectifs de CEGeLog est de rendre ces logements financièrement accessibles aux militaires, avec des loyers inférieurs aux prix du marché. En créant CEGeLog, le ministère des armées a reconnu que la gestion de logements ne relevait pas de son domaine d’expertise et a décidé de s’appuyer sur des compétences privées, tout en veillant à disposer en interne des moyens nécessaires au contrôle de l’exécution du contrat.
La Gendarmerie nationale a recouru au partenariat public-privé pour la rénovation et l’entretien de sa direction générale.
L’investissement concernait le regroupement en 2011, pour plus d’efficience, de l’ensemble des douze sites de la DGGN sur un site unique hors de Paris, à Issy-les-Moulineaux. Le déroulement du contrat de PPP est respecté et l’immeuble est bien entretenu. Les services du mainteneur donnent satisfaction tandis que le gros entretien-renouvellement (GER) est respecté (changement des chaudières, des onduleurs, de l’éclairage…).
En 2043, le bâtiment sera remis à la gendarmerie quasi à « l’état neuf » car entretenu régulièrement. On soulignera que le bâtiment, prévu à l’origine pour accueillir 1 200 à 1 300 personnes, en compte actuellement plus de 1 800 au terme d’une démarche d’optimisation de l’espace.
Les marchés de partenariat, au nombre de sept pour la gendarmerie, signés entre 2010 et 2015 (ils ont donc environ 30 ans) donnent satisfaction : ils permettent de faire bénéficier les occupants de bonnes conditions de travail ou de logement, contraignent l’État à entretenir correctement le patrimoine utilisé, et offrent l’avantage du retour des bâtiments, en bon état, dans la domanialité, au terme du contrat.
3. Le financement de la rénovation énergétique
Alors que le secteur tertiaire concentrait, en 2021, 7 % des émissions totales de GES, plusieurs programmes de financement ont été mis en œuvre pour engager une rénovation efficace des bâtiments de l’État et permettre une diminution de leur consommation énergétique. Ces programmes s’inscrivent dans la continuité du décret du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire ([26]).
Dans un premier temps, le Grand plan d’investissement 2018‑2022, élaboré par les ministères de l’économie et des finances et de l’action et des comptes publics, a consacré une enveloppe de 3 Md€ à la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales et 1 Md€ pour le programme de rénovation des cités administratives de l’État.
Dans un second temps, le programme France Relance a poursuivi cette approche afin d’amplifier la réduction de l’empreinte énergétique des bâtiments publics. Il consacre 4 Md€ à la politique de rénovation des bâtiments publics, une somme divisée en deux enveloppes distinctes :
– une première enveloppe de 2,7 Md€ était allouée à la rénovation des bâtiments de l’État et de ses opérateurs ; elle portait principalement sur les bâtiments du parc universitaire et les logements étudiants. La répartition de la somme globale a fait l’objet de deux appels à projets, pilotés par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique : le premier était consacré aux projets portant sur le parc universitaire (1,4 Md€), et le second aux autres types de projets (1,4 Md€) ;
– la seconde enveloppe comportait 1,3 Md€ à attribuer aux collectivités territoriales. Elle était destinée à abonder les dotations aux investissements des collectivités, pour faciliter la rénovation de leur parc immobilier.
En ce qui concerne les crédits alloués spécifiquement à la rénovation des bâtiments de l’État et de ses opérateurs, la direction de l’immobilier de l’État a été chargée du suivi des deux appels à projets, en collaboration avec les ministères concernés ; elle s’est attachée à sélectionner les projets en retenant trois principaux critères : leur efficacité écologique et économique, l’attention portée au public des jeunes adultes (universités, logements étudiants, grandes écoles, etc.) et la problématique de l’équilibre territorial, en veillant à servir toutes les régions.
Sur les 6 682 dossiers soumis à la DIE concernant le volet de la rénovation énergétique des bâtiments du parc étatique, 4 216 ont été sélectionnés, pour un total de 2,6 Md€ de financement. Après l’abandon de certains projets, il en restait 4 056 à la fin de l’année 2021, pour un financement moyen de 673 000 euros par projet ([27]). Les projets retenus par la DIE ont porté essentiellement sur des travaux de chauffage et de climatisation, d’installation de panneaux photovoltaïques, d’isolation de toiture, de façade ou des fenêtres, de remplacement de l’éclairage, etc.
L’ensemble du territoire a bénéficié du dispositif. Les principaux ministères bénéficiaires du dispositif sont :
– d’une part, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, qui bénéficie de 45 % de l’enveloppe susmentionnée du plan de relance (soit 1,2 Md€), correspondant à 945 projets ;
– d’autre part, le ministère de l’intérieur, qui bénéficie de 13 % de l’enveloppe (1 132 projets pour un montant de 321 M€).
D’après le dernier rapport du Comité d’évaluation du plan France Relance, publié par France Stratégie en janvier 2024 et consacré à l’évaluation des dispositifs financés par le plan d’investissements, 3 475 projets avaient été réalisés à la moitié de l’année 2023. Parmi eux, 894 travaux avaient déjà été finalisés en 2021 (23 % de l’ensemble des projets sélectionnés ; il s’agissait essentiellement de travaux de faible envergure, avec un coût moyen de 50 000 euros par projet). Au total, selon le rapport, 2 % des bâtiments composant le parc immobilier de l’État ont ainsi pu bénéficier d’une aide à la rénovation énergétique grâce au plan de relance.
D’après ce même rapport, les subventions en question ont fait l’objet d’un ciblage satisfaisant car elles ont permis d’engager de larges économies d’énergie.
Les travaux les plus subventionnés sont ceux qui ont été suivis d’un gain énergétique important et d’une réduction notable des émissions de CO2. Autrement dit, il existe une corrélation positive entre le nombre de travaux et l’efficacité énergétique moyenne par type de travaux, ce qui témoigne d’un bon ciblage. En effet, les travaux de chauffage, de ventilation, de climatisation et d’isolation, qui s’avèrent être les plus efficients, constituent l’une des plus importantes catégories de travaux financés par les crédits de France Relance (environ 400 projets réalisés en 2021) ; pour ce type de travaux, un euro investi représente un gain énergétique d’1 kWh et une économie d’émissions de l’ordre de 0,27 KgeqCO2 par an. De même, 662 projets de rénovation ont porté sur des travaux d’isolation de la toiture ou de la façade des bâtiments publics concernés ; dans ce cas, l’efficience énergétique est de 0,5 kWh par euro investi. À l’inverse, les travaux de construction-extension ne permettent qu’un gain énergétique modeste et une faible économie d’émissions de CO2 (0,01 KgeqCO2 par euro investi) ; or, le nombre des travaux de construction-extension financés par le plan de relance demeure relativement faible.
En pratique, 87 % de l’enveloppe totale de crédits consacrés à la rénovation des bâtiments publics concerne des travaux qui permettront une réduction de consommation énergétique supérieure à 20 % dans les bâtiments concernés. L’économie d’énergie anticipée est en moyenne de 43 %, ce qui est cohérent avec l’exigence fixée par la loi ÉLAN ([28]), soit la réduction de 40 % des consommations d’énergie d’ici 2030.
Nombre de projets financÉs par les crÉdits du plan France Relance
en fonction du gain ÉnergÉtique moyen par type de travaux
Source : Rapport final du Comité d’évaluation du plan France Relance, France Stratégie ; données fournies par la DIE.
À la suite de ces travaux, les projets réalisés de rénovation des bâtiments publics (de l’État ou des collectivités territoriales) auraient, selon les estimations du Comité, permis une réduction de la consommation énergétique de l’ordre de 0,9 TWhef/an ([29]), ce qui revient à réduire de 0,4 % au total la consommation du secteur tertiaire. Chaque euro investi dans la rénovation des bâtiments publics permettrait d’obtenir un gain énergétique de l’ordre de 0,22 kilowattheure (kWh) d’énergie finale par an. Les données renseignées par les administrations porteuses de projets soulignent que, dans le cadre des subventions du plan de relance, le coût d’une tonne de CO2 évitée s’élève à 700 euros en moyenne. En moyenne, la baisse de la consommation énergétique des bâtiments rénovés dans le cadre du plan de relance est de 42 % pour les actifs des collectivités territoriales et de 37 % pour les bâtiments de l’État.
L’estimation du gain énergétique et donc financier réalisé à la suite des travaux est variable selon les territoires concernés et la nature des travaux qui ont été choisis.
Sur les 3 375 projets concernant les bâtiments de l’État, dont la DIE connaît le gain énergétique, l’économie annuelle totale serait de 540 GWh : en retenant une hypothèse de prix moyen de l’électricité, cela représenterait une économie de 102 M€ chaque année grâce à la rénovation énergétique, pour un total de 2,4 Md€ de subvention. En moyenne, le financement investi pour la réalisation de ces projets serait remboursé en vingt-cinq années. Cette projection n’est qu’une moyenne, le bilan montrant en cartographie plus détaillée que, dans certains départements, la rentabilisation des travaux s’effectuerait en moins de dix ans tandis qu’elle ne serait atteinte qu’en cinquante ans dans d’autres départements. Pour les bâtiments rénovés par les collectivités territoriales (projets renseignés pour l’enquête), les gains énergétiques attendus permettraient d’économiser 329 GWhef par an, soit une économie pouvant être estimée à 62 M€ chaque année. Avec un prix de l’électricité constant, la subvention investie pour la réalisation de ces projets serait remboursée en onze années, le coût total des travaux en vingt-cinq années.
Toutefois, ces résultats sont basés sur des gains énergétiques déclaratifs fournis par les porteurs de projet, et une évaluation plus robuste nécessiterait la réalisation d’audits ex post ou l’accès à des données de consommation énergétique réelle, en comparant consommation initiale et consommation après rénovation. De plus, l’évaluation ci-dessus a porté sur les travaux réalisés en 2021 : soit uniquement des travaux qui pouvaient être mis en œuvre rapidement. Ainsi le Comité ne peut‑il déterminer si les bâtiments les plus énergivores étaient prioritaires dans le cadre du plan de relance pour bénéficier des crédits alloués à la rénovation énergétique. Il sera donc utile de disposer par la suite d’une autre évaluation, plus complète, qui porterait sur les chantiers les plus longs et les plus difficiles.
Selon le projet annuel de performances (PAP) du programme 362, annexé au PLF 2025, au 1er juillet 2024, près de 95 % des projets de rénovation énergétique ont achevé leurs travaux (soit près de 4 000 projets). Ils représentent une économie de près de 460 GWhef/an ; l’objectif initial pourrait être dépassé et viser une économie finale de 600 GWhef/an, soit l’équivalent chaque année de l’énergie nécessaire à une ville de 150 000 habitants en termes de consommation domestique (chauffage, ventilation, climatisation, eau chaude, éclairage et électroménager).
Avec 16 TWh consommés par an, les 95 millions de m² de surface utile brute du parc immobilier occupé par l’État et ses opérateurs tiennent une part déterminante dans la consommation d’énergie de l’immobilier en France. En outre, l’amélioration de la performance du parc immobilier de l’État et des opérateurs a un effet d’impulsion pour le parc immobilier dans son ensemble.
La performance énergétique d’un bâtiment est évaluée par son niveau de consommation d’énergie (en kWh d’énergie finale qui correspond à la consommation affichée sur la facture). Cette consommation concerne tous les usages (chauffage, refroidissement, éclairage, eau chaude sanitaire, bureautique…). Son évolution serait plutôt à la baisse selon les données réunies par la DIE et retracées dans le DPT annexé au PLF 2025.
Évolution de la consommation ÉnergÉtique (État et opÉrateurs)
Source de données : RT - date de référence : 10 juillet 2024. Périmètre d’étude : bâtiments de bureau, de logement et d’enseignement supérieur/recherche, dont la SUB est supérieure à 2 000 m², situés en France (France métropolitaine et outre-mer) occupés par des services et opérateurs de l’État. Ce qui représente 7 241 actifs et une superficie de 37 millions de m² SUB.
Le taux de complétude de la donnée « consommation d’énergie finale du bâtiment » est de 71 % pour les immeubles de bureau et de 38,4 % pour les logements. Pour l’année 2019, une difficulté ponctuelle a empêché le calcul du ratio.
Source : DPT annexé au PLF 2025.
Ces données déclaratives – et sujettes à fortes variations – donnent une approximation de la consommation énergétique, dépendant notamment, au-delà du déploiement de la base de données de suivi des fluides (OSFi), de la complétude par les gestionnaires de site des données énergétiques dans le RT.
Malgré la modification des règles de calcul pour le calcul de la donnée au 1er juillet 2024, on observe la poursuite d’une tendance de la consommation d’énergie à la baisse (la donnée 2023 recalculée selon les mêmes règles donne une consommation moyenne de 129 kWh/m²) et permet de confirmer l’impact des actions menées à l’échelle nationale par la DIE et son réseau. Mais l’ampleur du parc de l’État souligne la difficulté de la tâche à venir afin de respecter les objectifs d’économies qui entreront progressivement en vigueur (au moins 40 % d’économies en 2030 par rapport à la consommation énergétique de 2010).
Les contrats de performance énergétique au ministère des armées
Afin de disposer d’un patrimoine performant énergétiquement, le ministère des armées est engagé de longue date dans des contrats de performance énergétique (CPE).
Ces CPE comprennent des investissements en travaux d’isolation, de chauffage, de ventilation ainsi que des fournitures ou des prestations de services. Ils s’appliquent à des emprises et pas seulement à un bâtiment. En cas de non-atteinte des objectifs du contrat, des pénalités financières sont prévues. Les sites les plus énergivores du ministère sont visés par des CPE.
La performance visée pour les 11 CPE actuellement notifiés correspond à des économies d’énergie de plus de 60 GWh, soit 5 % de la consommation thermique globale du ministère. Pour 2023, sept CPE sont « sous performance énergétique », c’est‑à‑dire que les travaux sont terminés avec une année d’exploitation constatée : ils ont entraîné des économies de 4,9 M€ sur la facture énergétique par rapport à 2010, pour un montant de dépense global de 153,5 M€ pour le ministère (dont 56,9 M€ de travaux, la différence étant le coût du service principalement). L’économie sur la facture énergétique augmente chaque année du fait de l’augmentation du prix de l’énergie. Ainsi le temps de retour sur investissement se réduit.
En ajoutant 14 CPE, 156 GWh d’économies d’énergie, soit 12 % de la consommation thermique du ministère, sont attendus à l’issue de l’actuelle loi de programmation militaire en 2030. Les économies sur les factures sont toutefois difficiles à estimer, du fait de l’augmentation du prix de l’énergie ; au prix de 2023, l’économie est toutefois estimée à 11 M€ /an.
À titre d’exemple, le CPE LA VALBONNE est établi sur 20 ans. L’investissement comprend des travaux contractualisés dans le CPE et des travaux réalisés en opportunité, pour instaurer un mix énergétique bois / gaz sur le site. Au total (dans et hors CPE), l’investissement est de 38 M€. Les travaux contractualisés dans le CPE comprennent l’isolation et la rénovation de 22 bâtiments, l’installation d’une gestion technique centralisée, la réfection du réseau de distribution de chaleur de 15 km et de 72 sous‑stations. Sur la période de référence 2019-2020, il a permis une réduction de 43,8 % des consommations énergétiques par rapport à l’année de référence 2014 (la prévision était de -41 %). Cela a conduit à réduire le montant de la facture énergétique de 47 %, soit 574 000 € par an sur cette période. Le temps de retour sur investissement est passé de 37 ans, en prévisionnel lors de la notification, à 27 ans constaté en 2023 ; il sera probablement de 24 ans au regard des dernières évaluations.
Les CPE permettent aussi de développer le recours aux énergies renouvelables, d’améliorer les conditions de travail (bâtiment mieux isolé / meilleur confort en hiver). Ils intègrent un service externalisé de pilotage et de management de l’énergie (luttant contre les effets rebond notamment), qui constitue ainsi des services certes non valorisés financièrement, mais utiles au ministère.
Source : Direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement du ministère des armées.
Le plan lancé par le Gouvernement en 2022 considérait la sobriété énergétique comme un élément structurel de la stratégie de la France.
Pour mémoire, ce plan préconisait un certain nombre de changements de comportements : chauffer les pièces à maximum 19°C, réduire l’utilisation de l’eau chaude sanitaire dans les bureaux, n’allumer la climatisation qu’à partir d’une température intérieure de plus de 26°C, baisser la température la nuit à 16°C et à 8°C lorsque le bâtiment est fermé plus de trois jours…
Un bilan a été présenté en octobre 2023, indiquant une baisse de 12 % de la consommation cumulée d’électricité et de gaz sur une année.
L’expérience de journées de télétravail avec fermeture des bâtiments
Dans le cadre du plan de sobriété, le ministère de la transition écologique a décidé à plusieurs reprises de fermer ses principaux bâtiments : la Grande Arche, la Tour Séquoia, le pôle Saint-Germain et le siège de la DGAC, les agents étant invités à se mettre en télétravail. Par exemple, les bâtiments ont été mis hors exploitation ou en exploitation partielle du vendredi soir 22 décembre 2023 au mercredi matin 27 décembre 2023. Tous les systèmes consommant de l’énergie et qui pouvaient l’être ont été mis à l’arrêt ou en mode exploitation de type inoccupation.
Ces fermetures ont permis une réduction globale de consommation d’environ 36 % le 26 décembre par rapport à un jour classique de décembre 2023, soit une réduction de consommation de 21 MWhef. La baisse s’est essentiellement portée sur une réduction de la consommation électrique et d’eau chaude.
Une réduction globale des consommations d’énergie de 37 % a été constatée pour la Tour Séquoia, 46 % pour le pôle Saint-Germain et 26 % pour l’Arche paroi Sud (où les besoins en chauffage sont, en proportion, moindres que sur les autres sites) par rapport au jeudi 21 décembre.
Ces baisses sont équivalentes à celles constatées lors de la fermeture de fin d’année 2022 pour l’Arche et le pôle Saint-Germain, les résultats sont bien meilleurs en Tour Séquoia (passage de -12 % à -37 %).
Ces expériences ont été concluantes avec des économies d’énergie significatives, ce qui a conduit le ministère de la transition écologique à pérenniser le principe de fermeture de ces bâtiments plusieurs fois par an.
B. FAIRE FACE À DES BESOINS DE FINANCEMENT EN FORTE CROISSANCE
Les besoins de financement de la politique immobilière seront très importants dans les prochaines années. Les investissements les plus importants concerneront les obligations environnementales applicables à l’immobilier.
1. La poursuite des grandes opérations immobilières
Les deux principales opérations financées en 2024 sont le projet « Quai d’Orsay XXI » du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le projet de Saint-Mandé mené par le ministère de la transition écologique. Ces deux opérations, qui s’inscrivent dans une perspective pluriannuelle, représentent un montant total estimé à 120 M€.
Le projet Quai d’Orsay XXI (80 M€ en 2024) a pour objectif de moderniser le site du ministère en améliorant les conditions de travail de ses agents en intégrant la dimension environnementale. Ce projet, modifiant les sites des archives à Paris et à Nantes, comprend 21 opérations concourant à l’adaptation du parc, aux regroupements fonctionnels ainsi qu’à la modernisation des emprises.
Le site de Saint-Mandé fait l’objet depuis plusieurs années d’une démarche de rationalisation, de densification et de valorisation menées par étapes afin d’y regrouper des opérateurs du ministère de la transition écologique. La phase trois (financée par le programme 723 à hauteur de 40 M€) consiste en la réhabilitation et une extension de deux bâtiments pour y accueillir le siège de l’Office français de la biodiversité (OFB) et des équipes de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN). Le site accueille également Météo France ainsi que le Service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM).
D’autres projets d’envergure sont en cours d’exécution comme ceux des services de renseignement extérieur et intérieur, ou bien encore à la phase d’étude, comme la réhabilitation du ministère de l’économie et des finances quai de Bercy.
2. Assurer la mise en œuvre des obligations légales et réglementaires, notamment environnementales
S’agissant de l’amiante, la Cour des comptes relève que « l’application des obligations réglementaires en matière de prévention et de traitement du risques amiante dans le parc immobilier de l’État est inégalement documentée, selon les sources disponibles. Le principal enjeu à ce stade est le recensement, à commencer par la réalisation, la révision périodique et le suivi de mise en œuvre des dossiers techniques amiante (DTA), qui n’est pas disponible aujourd’hui de manière exhaustive ».
Dans le cadre de la certification des comptes de l’État, la Cour formule des réserves sur les provisions constituées à cet effet, jugées insuffisantes. Cette demande poserait, selon certains interlocuteurs ministériels entendus par les rapporteurs, des questions méthodologiques, notamment quant au calcul de leur montant. Calculer de telles provisions supposerait une méthode commune à l’ensemble des ministères et cela devrait donc être piloté par la DIE. Le coût de traitement de l’amiante est « colossal » selon la DIE. Il est néanmoins objecté que l’obligation de réaliser un désamiantage n’est pas certaine, dès lors que l’amiante détecté se présente sous une forme qui ne porte pas atteinte à la santé.
L’immobilier est la source de 18 % des émissions nationales de GES en France, soit 75 MtCO2e. Dans cette part, l’immobilier résidentiel représente 48 Mt et l’immobilier tertiaire 27 Mt. Au sein du tertiaire, l’État et ses opérateurs sont à l’origine de 8 % des émissions.
Plusieurs dispositions légales et règlementaires concernent l’immobilier de l’État dans le cadre de la transition écologique : le décret du 23 juillet 2019 pris en application de la loi ÉLAN de 2018 (qui impose la réduction de l’empreinte écologique des biens immobiliers) ; la loi « Climat et résilience » (qui impose la rénovation de l’ensemble des logements considérés comme des passoires thermiques G à E d’ici 2034) ; la circulaire « Services publics responsables », laquelle prévoit la sortie des chaudières au fioul d’ici 2029 sauf exceptions…
S’y ajoutent les obligations de la directive européenne sur la performance environnementale des bâtiments de 2010, révisée en mars 2024, et celles de la directive « efficacité énergétique » entrée en vigueur en octobre 2023, qui vise à réduire la consommation d’énergie primaire et finale au niveau de l’UE de 11,7 % d’ici 2030, par rapport aux prévisions faites en 2020.
Ce dernier texte, très ambitieux, exige notamment la rénovation d’au moins 3 % du parc par an à un niveau BBC de rénovation, pour respecter l’objectif nearly zero energy building (NZEB) ([30]) : « Chaque État membre veille à ce qu’au moins 3 % de la surface au sol totale des bâtiments chauffés et/ou refroidis appartenant à des organismes publics soient rénovés chaque année de manière à être transformés au moins en bâtiments dont la consommation d’énergie est quasi nulle ou en bâtiments à émissions nulles conformément à l’article 9 de la directive 2010/31/UE. » À titre d’exemple, pour les bâtiments de la DIE (mal entretenus depuis 50 ans), respecter le décret tertiaire reviendrait à débourser 1 600 à 1 700 € du m² d’investissement, tandis que respecter la norme NZEB reviendrait à 3 000 € du m².
Une très grande part de l’immobilier domanial n’est pas en conformité avec ces prescriptions.
C’est par exemple le cas du parc universitaire caractérisé par des performances énergétiques médiocres, avec plus de 50 % des surfaces dont la consommation énergétique appartient à une classe inférieure ou égale à D, correspondant à une consommation d’énergie primaire supérieure à 151 kWh/m² par an ; 38 % étaient classées en catégorie D, et 21 % étaient considérées comme très énergivores (classes E, F, et G), ce qui correspondrait à la catégorie de « passoire thermique » pour un logement ([31]). Les données citées reposent sur la partie du parc mesurée.
L’exemple de l’immobilier universitaire
Un rapport intitulé L’immobilier universitaire a été présenté par la Cour des comptes en octobre 2022. Ce rapport constate qu’un tiers du patrimoine universitaire (18 millions de m² au total) se trouve dans un état peu ou pas satisfaisant et ne répond que rarement aux besoins de sobriété énergétique. 10 % des bâtiments recevant du public n’obtiennent pas l’agrément des commissions de sécurité. Le coût des réhabilitations s’élèverait à 7 Md€ selon la Cour, dont 75 % en lien avec la transition énergétique et environnementale.
Comme d’autres administations, les universités ne disposent pas des moyens de remplir leur obligation d’entretien, car les crédits accordés pour l’entretien courant comme pour le gros entretien-renouvellement, sont inférieurs au niveau requis pour maintenir le patrimoine en état. De surcroît, la fongibilité des crédits versés par l’État au titre de la subvention pour charges de service public (SCSP) ne garantit pas l’affectation à l’immobilier de la part calculée à cette fin par le ministère.
La déperdition est d’autant plus accentuée que le montant « immobilier » de la SCSP, déjà insuffisant, n’a pas évolué depuis plus de dix ans (140 M€ par an).
Quant aux programmes d’investissement, portés par les contrats de plan État‑région, ils ont tendance à se réduire en lien avec la moindre contribution de l’État. Si des programmes exceptionnels peuvent être mis en œuvre à la faveur de crises, leur effet de rattrapage ne couvre pas le besoin global.
Le patrimoine des universités est généralement géré par des non-professionnels. Le manque de clarté dans la gestion immobilière entraîne un manque de data, nuisible à l’entretien. Compte tenu des roulements récurrents dans les équipes administratives (car contractuelles), le patrimoine est mal suivi et se dégrade rapidement. Des améliorations peuvent être constatées lorsque les universités bénéficiant de la dévolution du patrimoine installent une gestion professionnelle de leur patrimoine.
a. Le diagnostic du Cerema et le « mur d’investissement » à effectuer
Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) est un établissement public relevant du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Il accompagne l’État et les collectivités territoriales dans l’élaboration, le déploiement et l’évaluation des politiques publiques d’aménagement et de transport.
Afin de mener une évaluation du patrimoine immobilier de l’État, le Cerema s’est intéressé à l’état initial du parc en fonction de la typologie de bâtiments (usages), de l’état général de ces derniers et de leur consommation d’énergie. Il a extrait des données de l’outil d’aide au diagnostic (OAD) ([32]) sur la période 2021‑2022 pour l’ensemble des bâtiments, ainsi que de l’OAD-ESR pour la catégorie « bâtiments d’enseignement supérieur et de la recherche ». Puis, le parc immobilier a été divisé en cinq catégories distinctes, définies en fonction de l’usage principal des bâtiments : bâtiments d’enseignement ou de sport, bâtiments sanitaires ou sociaux, bureaux, logements et autres. In fine, chaque typologie de bâtiments s’est vue attribuer deux évaluations : l’une concernant son état de santé global, l’autre sa consommation énergétique.
L’état de santé global d’un bâtiment fait référence au diagnostic technique global (DTG) qui comprend une analyse de l’état apparent des parties communes et des équipements communs de l’immeuble, un état technique de l’immeuble et des équipements communs au regard des obligations légales et réglementaires au titre de la construction, une analyse des améliorations possibles de la gestion technique et patrimoniale de l’immeuble, un diagnostic de performance énergétique de l’immeuble (DPE) et une évaluation sommaire du coût et une liste des travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble, à la préservation de la santé et de la sécurité des occupants et à la réalisation d’économies d’énergie. Cette évaluation doit notamment préciser les travaux à mener dans les 10 prochaines années.
Classement (État gÉnÉral et consommation ÉnergÉtique) des bÂtiments
en fonction de leur typologie
Source : Cerema, Planification écologique des bâtiments de l’État, Trajectoire financière, énergétique et carbone de la rénovation énergétique du parc immobilier de l’État, avril 2023.
Dans un second temps, le Cerema a fait le choix d’exclure les bâtiments de moins de 50 m², ceux dont la consommation d’énergie finale annuelle n’était pas comprise entre 40 et 500 kWh/m² et ceux dont les données n’étaient pas suffisamment fiables et complètes.
Taux de reprÉsentativitÉ des surfaces
aprÈs ventilation du parc initial par l’OAD
Source : Cerema, Planification écologique des bâtiments de l’État, Trajectoire financière, énergétique et carbone de la rénovation énergétique du parc immobilier de l’État, avril 2023.
Dans le cadre de son diagnostic, le Cerema a proposé plusieurs scénarios de mise aux normes, affichant toutefois une préférence pour le scénario réglementaire afin d’atteindre les objectifs fixés par plusieurs textes tels que le décret éco‑énergie tertiaire (DEET, 2019). Ce dernier dispositif prévoit de réduire la consommation énergétique de 40 % d’ici 2030, 50 % d’ici 2040 et 60 % d’ici 2050 pour tous les propriétaires et occupants de bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m². Toutefois, sa mise en œuvre a pris du retard compte tenu des difficultés d’identification des immeubles y étant assujettis. Par conséquent, cette obligation est considérée comme un levier d’amélioration de la qualité des données contenues dans le système d’information SIIE, notamment son référentiel technique RT, sur les caractéristiques techniques et énergétiques des bâtiments.
En outre, le décret du 20 juillet 2020 relatif au système d’automatisation et de contrôle des bâtiments non résidentiels et à la régulation automatique de la chaleur, dit décret « BACS », instaure une obligation de mettre en place un système d’automatisation et de contrôle des dispositifs énergivores (chauffage, climatisation, ventilation), comme la gestion technique des bâtiments (GTB), dans certains bâtiments tertiaires. Il est à noter que le décret du 7 avril 2023 a élargi cette obligation aux bâtiments équipés d’un système de chauffage ou de climatisation d’une puissance comprise entre 70 kW et 290 kW, avec une échéance au 8 avril 2024 pour les bâtiments neufs, au 1er janvier 2025 pour les bâtiments tertiaires existants avec une puissance supérieure à 290 kW, au 1er janvier 2027 pour les bâtiments tertiaires existants avec une puissance supérieure à 70 kW.
La loi Climat et résilience (2021) a introduit l’interdiction progressive de la location des logements énergivores dits « passoires thermiques » d’ici 2034. Depuis le 1er janvier 2023, les logements dépassant un seuil de consommation d’énergie finale de 450 kWh/m² (classe G du diagnostic de performance énergétique) ne peuvent plus être proposés à la location (nouveaux contrats ou renouvellements). Cette interdiction sera étendue aux logements de classe F du DPE au 1er janvier 2025, à ceux de classe E du DPE au 1er janvier 2028 et à ceux de classe D au 1er janvier 2034. Les audits réalisés sur les 7 800 logements domaniaux « utiles » du ministère des armées ont conclu que 32 % de ce parc était en classes F et G, soit considéré comme « passoires thermiques ».
La directive sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB) a été adoptée en 2002 suite au protocole de Kyoto, et est entrée en vigueur en 2006 avant d’être révisée en 2010 et 2018. Cette directive traduit l’objectif de rénover à échéance 2030 15 % des bâtiments se situant dans les bâtiments les moins performants du parc (chiffre porté à 25 % pour 2035). La directive efficacité énergétique (DEE), adoptée en 2012 et révisée en 2018, fixe quant à elle une obligation spécifique pour le secteur public de réduction annuelle de sa consommation d’énergie de 1,9 %.
Enfin, la réglementation environnementale 2020 (RE 2020) poursuit trois objectifs : la sobriété énergétique et la décarbonation de l’énergie, la diminution de l’impact carbone de la construction des bâtiments, la garantie de la fraîcheur en cas de forte chaleur. Son application, prévue initialement au 1er janvier 2021, a été décalée du fait notamment de la crise sanitaire : au 1er janvier 2022 pour les bâtiments résidentiels individuels et collectifs, au 1er juillet 2022 pour les bureaux et bâtiments d’enseignement primaire et secondaire, en 2023 pour le tertiaire spécifique. Ces nouvelles exigences, qui placeraient la France parmi les pays les plus ambitieux au niveau mondial si elles entrent en vigueur suivant le calendrier envisagé, sont aussi un facteur de renchérissement des coûts de construction, que le Service d’infrastructure de la défense (SID) a évalué à environ 20 % pour les bâtiments des armées.
Il s’agit ensuite de déterminer, par typologie de bâtiment, des ratios budgétaires (coût du passage à la classe supérieure du DPE) et énergétiques (gain en kWhEF ([33])), qui mesurent les impacts d’un changement de catégorie pour une période donnée. Afin d’aboutir à une simulation au m² et non au nombre de bâtiments, le Cerema a décidé de s’appuyer sur des exemples concrets, impliquant de collecter et d’analyser des dossiers de rénovation énergétique de bâtiments publics. Toutefois, en raison de la représentativité limitée de ces données, il a été décidé de compléter l’analyse par les expertises du Cerema et de la DIE, notamment en exploitant les bases de données de projets concernant les bâtiments de l’État (programme Travaux immobiliers à gains rapides en énergie dit « TIGRE », Plan de relance, Plan Résilience...) ou d’autres bases de données et sources bibliographiques externes (BBC Effinergie...).
Pour obtenir le coût total et le gain énergétique moyen total, la dernière étape consiste à multiplier le flux d’un changement de catégorie par son coût unitaire, puis à sommer ces résultats pour l’ensemble des changements de catégorie et des types de bâtiments.
Concernant la trajectoire financière, le Cerema décline sa stratégie par année en considérant que l’investissement sera linéaire au cours d’une même période. En fonction des scénarios, l’investissement total sur 28 ans oscille entre 144,4 Md€, soit en moyenne 5,2 Md€ par an, et 147,4 Md€, soit en moyenne 5,3 Md€ par an à euros constants, sans tenir compte du coût des facteurs sur l’ensemble de la période.
Trajectoire financiÈre de la mise aux normes rÉglementaires
du parc immobilier de l’État
Source : Cerema, Planification écologique des bâtiments de l’État, Trajectoire financière, énergétique et carbone de la rénovation énergétique du parc immobilier de l’État, avril 2023.
Ces investissements doivent être mis en regard d’une analyse en coût global des projets de rénovation, notamment pour l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments et la réduction des factures d’énergie, que ce soit avec des actions « par geste » ou par rénovation globale. Il est à noter que les mécanismes actuels de valorisation du patrimoine public (comme la vente) ne permettent pas aux opérateurs de l’État d’utiliser cette recette pour optimiser leur parc.
b. La réponse du secrétariat général à la planification écologique
Dans le même temps, un groupe de travail conduit par le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) et la DIE a quant à lui estimé les besoins nets d’investissement immobilier à 67 Md€ à horizon 2051, soit une diminution significative de 75 Md€, grâce à plusieurs leviers d’économies.
Le SGPE a retraité les crédits d’investissements actuellement budgétés, des crédits redéployés et des financements du plan de relance, soit 29,3 Md€ de crédits déjà prévus ou mobilisables ([34]). Ensuite, 25,4 Md€ d’économies pourraient être obtenues grâce à une réduction de 25 % de la surface du parc tertiaire et, enfin, 20 Md€ correspondraient à la baisse de la facture énergétique résultant des travaux et du plan de sobriété.
Sont pris en compte les leviers que sont les cessions et le produit qui en est issu, les dépenses de fonctionnement liées évitées et les loyers évités par résiliation de baux.
RÉÉvaluation des besoins d’investissement
en actionnant diffÉrents leviers
Source : Politique immobilière de l’État, SGPE, 2024.
Même en tenant compte de ces contributions potentielles au financement des travaux, il resterait à trouver 67 Md€ sur la période 2024‑2051, soit 2,4 Md€ supplémentaires par an. Cela représenterait une augmentation notable de l’enveloppe annuelle totale de crédits budgétaires pour l’immobilier, qui s’élève à environ 8 à 10 Md€ ces dernières années.
Devant l’ampleur de cet effort d’investissement, les rapporteurs considèrent qu’il est essentiel d’établir un ordre de priorité entre les différentes catégories d’opérations immobilières qui seront envisagées à l’avenir. En effet, toutes les opérations réalisables ne présentent pas le même degré d’urgence, selon qu’il s’agit de travaux de mise hors d’eau ou hors d’air, ou de travaux d’isolement et de rénovation thermique. Il semble donc indispensable que des arbitrages concrets soient réalisés en la matière, afin d’utiliser au mieux les crédits disponibles.
Source : Secrétariat général à la planification écologique.
La trajectoire de rénovation des bâtiments cohérente avec les objectifs réglementaires conduirait à des gains de performance énergétique de +46 % en 2030 et +73 % en 2050 par rapport à 2023. Elle est traduite dans le schéma ci‑dessus.
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IV. POUR UNE RÉFORME URGENTE DE LA GESTION IMMOBILIÈRE
Le cycle d’auditions tenues par les rapporteurs a renforcé leur conviction qu’une réforme profonde de l’immobilier de l’État était devenue indispensable pour atteindre deux objectifs que l’organisation actuelle ne remplit que fort mal : respecter les obligations relatives à la transition écologique et assurer l’entretien incombant au propriétaire.
La politique immobilière est justement présentée par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) comme une politique prioritaire et un levier important de réforme de la gestion publique et des modes de travail. Elle doit participer à l’amélioration des conditions de travail des agents publics et de l’accueil des usagers tout en contribuant à la maîtrise des dépenses publiques. C’est la raison pour laquelle il convient de promouvoir le concept de maîtrise d’usage, qui associe, dès le stade de la démarche programmatique, les usagers, les agents publics, les personnels d’exploitation, d’entretien et de maintenance, dont les préoccupations et les besoins essentiels doivent trouver un lieu d’expression.
Les rapporteurs proposent un certain nombre de transformations, dont certaines sont préconisées par l’Inspection générale des finances ou la Cour des comptes, ou par le Conseil de l’immobilier de l’État ; certaines, comme la création d’une foncière publique, figuraient parmi les projets du précédent gouvernement et pourraient être reprises par l’actuel.
Une réforme complète ne peut évidemment être menée à bien sans un portage politique fort, c’est-à-dire avec l’appui du Premier ministre, car la logique interministérielle est à la source des actions à engager : mutualisation des bâtiments entre services, centralisation de la gestion du propriétaire, création d’une société foncière externe permettant de généraliser les bonnes pratiques.
A. PRENDRE DAVANTAGE EN COMPTE LES ATTENTES DES AGENTS PUBLICS
Le constat de la Cour des comptes est sévère : le parc immobilier de l’État accuse de multiples retards dans la mise en œuvre des obligations légales et règlementaires ; il se caractérise par une grande vétusté et par une forte consommation énergétique. La majorité des bâtiments publics, comme ceux des collectivités locales, ont été construits avant 1975 et sont énergivores, selon les données recueillies par la Banque des territoires.
Cet état de fait ne peut agir que défavorablement sur le bien-être au travail des agents publics et leur fidélisation. Cette dimension de la gestion n’a pas été suffisamment prise en compte jusqu’à présent et devra figurer au premier rang des orientations à venir.
1. S’adapter à l’évolution des usages des bâtiments
Une concertation menée par la DIE sur « l’immobilier de demain » a été menée en 2020 et a donné lieu à un rapport public en juin 2021, dressant le constat d’une évolution de l’organisation du travail comme des attentes des agents quant à la qualité de leur environnement de travail.
L’immobilier public repose encore trop souvent sur des schémas d’organisation traditionnels, avec des bureaux individuels, un cloisonnement des espaces de travail et des salles de réunion classiques. La crise sanitaire a incité la DIE comme la DITP à réfléchir au rapport des agents publics à leur espace de travail et à rechercher de nouvelles solutions pour accompagner la mutation de l’organisation du travail qui s’est alors engagée.
L’immobilier public doit s’adapter aux nouveaux besoins, notamment du fait de la dématérialisation, des déplacements extérieurs, du temps partiel, de la diffusion du télétravail. Le modèle actuel avec bureaux individuels, corridors et espaces inutiles semble dépassé, et reflète une conception de l’encadrement reposant sur le contrôle et la présence physique ; il souffre par ailleurs d’un manque de lieux d’échange et conviviaux. Le rapport propose de concevoir une modularité des espaces, une approche par l’usage, des zones de travail en commun et de réunion, une méthode d’expérimentation et de construction avec les usagers des espaces…
Différents aspects peuvent être pris en considération. Le temps de présence des agents sur le lieu de travail est devenu plus flexible et influe sur la superficie nécessaire. Le télétravail s’est développé dans l’ensemble des administrations, comme l’a établi une enquête de la direction générale de l’administration et de la fonction publique achevée en novembre 2023, portant sur les constats de l’année 2022.
Cette enquête rappelle que tous les agents publics ne sont pas éligibles au télétravail : c’est une proportion allant de 24 à 37 % qui l’est, selon les catégories d’agents – A, B ou C. Pour les agents en région, 66 % des agents ne sont pas éligibles au télétravail. Sur les 34 % qui le sont, 74 % ont bénéficié d’une autorisation de télétravail.
Comme le schéma ci-dessous le montre, 38 % des agents de catégorie A ont eu recours au télétravail contre seulement 20 % pour les agents de catégorie C. Un agent est comptabilisé comme « ayant recours au télétravail » dès la première demi‑journée de télétravail : cette précision relativise l’ampleur du phénomène.
Les représentants syndicaux entendus par les rapporteurs ont alerté sur l’incertitude quant à la réalité d’une transformation profonde des organisations : si quelques milliers d’agents font du travail « nomade », il ne s’agit pas d’un mode largement répandu ; l’année 2024 témoignerait plutôt d’un retour à plus de présence dans les locaux administratifs ; enfin, la semaine de quatre jours qui commence à être évoquée fera l’objet d’une expérimentation et sa généralisation n’est pas actée.
Source : DGAFP, 21 novembre 2023, enquête réalisée sur un périmètre d’agents publics de l’État hors enseignants, et un échantillon de 665 738 agents, dont 500 114 identifiés comme éligibles au télétravail (soit 75 %).
Les données quant à la quotité hebdomadaire de télétravail relativisent l’impact du télétravail sur une disponibilité accrue de locaux.
Afin d’accompagner les mutations de l’organisation du travail, la DIE et la DITP ont lancé à la fin de 2022 un appel à projets commun pour un montant de crédits de 20 M€, dont 10 M€ apportés par le Fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP). Cet appel à projets est intitulé « Nouveaux espaces de travail au sein des bâtiments de l’État - aménagement et accompagnement de la transformation publique » : son objectif est de soutenir des projets concrets portant une transformation managériale dans les territoires ; 131 projets ont été déposés et 43 ont été retenus sur des critères de performance économique ou environnementale, de portage managérial, d’optimisation des surfaces, de démarche d’usage écoresponsable ou d’économie circulaire...
L’appel à projets veut encourager la mise en place de nouveaux espaces favorables à une plus grande flexibilité, induite par le télétravail, l’essor du numérique et le renforcement des pratiques de travail collectif. Sont ainsi encouragés l’aménagement de locaux modulables avec des espaces collaboratifs (restaurant, espace cafétéria, zone de confort) et des équipements facilitant la conciliation de la vie professionnelle et la vie personnelle (crèches, équipements sportifs...). L’accessibilité et l’accueil des usagers doivent y être intégrés dès la conception.
La DITP souhaite encourager le développement de méthodes de travail plus transversales et coopératives, et le recours au mode projet, qui représenterait une moindre charge administrative.
La mise en place du flex office dans les bureaux de la cité administrative de Lyon a été citée en exemple, comme ayant permis de diviser les surfaces utilisées par trois, ce qui d’ailleurs est vivement critiqué par certaines organisations syndicales. Le projet de la cité administrative de Nantes, qui accueille neuf services, comportera 88 postes de travail au sein d’espaces collectifs « privatifs » à côté des 664 postes de travail classiques.
Une autre évolution de l’organisation du travail est la semaine de quatre jours : se déroule actuellement une phase de recensement des administrations ou services intéressés. La DGFiP a posé par exemple trois conditions à cette expérimentation : le volontariat des agents, la réversibilité et le maintien / développement de la qualité de service, voire un élargissement des horaires du service.
Par ailleurs, l’évolution des métiers et des conditions immobilières de leur exercice sous l’impact des nouvelles technologies n’est pas encore caractérisée : il conviendra de comprendre quelles compétences de long terme les agents devront acquérir, et quel sera l’impact de ces technologies sur l’immobilier. L’intelligence artificielle va faire évoluer certains métiers : on citera en exemple les automates et la robotique utilisés à la préfecture de Nancy pour le traitement des titres de séjour qui était source d’erreurs nombreuses : les robots rédigent les décisions et l’on constate moins de recours, et des gains de productivité pour les agents qui se consacrent de ce fait à d’autres tâches.
La DITP précise que s’orienter vers une plus grande flexibilité et vers la mutabilité des services publics occasionne un surcoût financier à court terme, mais que le coût global de possession sera plus favorable sur le long terme.
2. Mener une densification sans brutalité
Une norme d’occupation de 12 m² de surface utile nette (SUN) par poste de travail dans les immeubles de bureaux utilisés par les services et opérateurs de l’État a été introduite par la circulaire du 16 janvier 2009 relative à la politique immobilière de l’État, prise par le gouvernement de M. François Fillon.
En réalité, malgré l’apparition d’outils de pilotage territorialisés, cette norme plafond n’a jamais été atteinte, jusqu’à sa suppression en mars 2023, remplacée par une nouvelle circulaire de la Première ministre Mme Élisabeth Borne.
Il est probable que de nombreux ministères ne respectent pas l’objectif de rationalisation décidé en 2009 ; certaines directions nous ont cependant indiqué avoir réduit leur ratio d’occupation, comme la DITP, parvenue à un ratio de 7,48 m² par poste de travail dans ses locaux du 20 avenue de Ségur et 6,63 m² par résident au 77 avenue de Ségur.
Dans un avis de méthode rendu le 14 octobre 2021, le Conseil de l’immobilier de l’État a déploré le dépassement de 30 % des ratios d’occupation par rapport à la norme établie treize ans auparavant.
Une nouvelle cible a été introduite par la circulaire prise par la Première ministre le 8 février 2023 : 16 m² de surface utile brute (SUB) par résident en 2032 alors que la DIE estime que le ratio est de l’ordre de 25 m² actuellement contre 10 m² dans le parc de bureau privé.
Le ratio SUB/résident est en effet plus pertinent dans la mesure où la surface utile brute correspond à la surface effectivement occupée et entretenue et que le nombre de résidents correspond à l’occupation réelle du bâtiment, en prenant en compte ses utilisateurs réguliers et pérennes ainsi que l’éventuel taux de nomadisme lié aux missions exercées.
Les acteurs de la politique immobilière disposent, depuis 2023, de l’outil « Pilote » pour connaître l’évolution du parc et participer à sa rationalisation et réduction. Depuis son déploiement, chaque préfet reçoit des objectifs chiffrés annuels et doit « activer ses marges de manœuvre » pour les politiques publiques prioritaires (on notera que les chantiers prioritaires sont au nombre de 137 !).
L’annonce du ministre en charge de l’économie, le 19 novembre 2023, d’un objectif de réduction des surfaces de bureaux de 25 % en dix ans, est en phase avec ces objectifs.
Les ministères élaborent en conséquence dans leurs schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) les différentes voies de la réduction des surfaces.
Il peut s’agir de densifier l’occupation des bâtiments dont le ministère est seul occupant ou de déménager dans des bâtiments plus petits ou des bâtiments multi-occupants comme les cités administratives.
La densification n’exclut pas de maintenir des bureaux attribués à chaque agent, mais elle s’envisage aussi en adoptant des modalités de flex office, réduisant la part des bureaux et créant des espaces de travail collaboratifs. Cette solution convient aux administrations dont les agents sont amenés à se déplacer fréquemment sur le terrain.
Différentes solutions sont expérimentées par les administrations.
La Gendarmerie nationale développe par exemple des moyens informatiques nomades, ce qui permet la réalisation d’un ensemble de missions en mobilité et non plus seulement en présentiel.
À la suite de la parution de la note de la Première ministre du 8 février 2023, la Gendarmerie nationale a adapté ses « guides techniques de conception des casernes » en réduisant les surfaces de locaux tertiaires. Les surfaces des logements ont été revues en comparaison des surfaces pratiquées dans le parc de logements privés.
Le passage à la norme SUB qui va de pair avec la mise en œuvre de la circulaire « surfaces » de février 2023 suscite des difficultés dans beaucoup d’administrations, et notamment celles qui comportent des locaux dédiés à l’accueil du public. Tant les représentants des administrations que ceux des organisations syndicales entendus par les rapporteurs demandent que les usages des services publics soient davantage pris en compte : les zones de confidentialité des commissariats de police, les bureaux d’accueil pour les usagers ou les parents et élèves dans le système éducatif, les limitations du télétravail dans certaines administrations...
La circulaire appelle des déclinaisons adaptées aux différents usages de l’immobilier des services publics.
Pour le ministère de la justice, l’adaptation de la norme aux palais de justice, aux unités d’accueil de la DPJJ et aux services de probation et d’insertion de la DAP demande un travail minutieux de « transposition ». Le ministère a documenté auprès de la DIE les outils qui lui permettent d’identifier le nombre de résidents, les surfaces considérées comme étant du « pur » tertiaire et celles, hybrides, qui servent à accueillir des détenus, des jeunes mineurs suivis, ou encore des familles.
La DIE a proposé deux solutions : soit conserver la surface SUB globale et ajuster à la hausse la cible, soit retirer la surface d’accueil des usagers de la SUB mais conserver la cible sous réserve de proratiser les résidents en fonction du temps passé dans la zone de bureau. La première solution a été considérée comme étant la plus réaliste en termes de faisabilité.
Cet exemple montre la complexité de la tâche et la nécessité de procéder sans brutalité car la norme d’occupation des surfaces ne peut constituer l’alpha et l’oméga de la politique immobilière de l’État.
3. Poursuivre la mutualisation interministérielle
Si la cible de réduction n’a pas été atteinte, des efforts de rationalisation du parc sont néanmoins conduits. Sous l’impulsion des préfets de région, la rationalisation des surfaces est inscrite dans les schémas directeurs immobiliers régionaux. Toutefois, la mutualisation interministérielle des surfaces entre administrations reste encore faible, même pour les bureaux standard : elle concerne 4 % des bâtiments, représentant 12 % des surfaces.
Le plan de rénovation des cités administratives et des sites multi‑occupants, créé par la loi de finances pour 2018 dans le cadre du Grand plan d’investissement de l’État 2018-2022, est un élément essentiel de la mutualisation. Ce plan comportait 39 projets initiaux, actés en conférence nationale de l’immobilier public (CNIP), dont deux ont été stoppés : les 37 autres projets sont en cours de réalisation. Trois projets verront leur livraison décalée courant 2025 compte tenu de délais d’études supplémentaires (Orléans, Grenoble, Toulon) ; et quatre projets de cité ont fait l’objet de marchés notifiés en 2023 (Bourges, Dijon, Soissons et Toulon). Le plan est piloté par la DIE et dispose d’une enveloppe budgétaire fermée d’un milliard d’euros, de gestion difficile dans un contexte de hausse des coûts de la construction.
L’évolution de l’immobilier de bureaux des services de l’État dans la région Normandie permet d’illustrer l’effort de réduction des surfaces réalisé depuis 2018.
La mise en œuvre de la rationalisation du parc et de la norme d’occupation
des bureaux en région Normandie
La rationalisation prend place depuis 2018 sur la durée de deux schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR).
● Au cours du SDIR 2018-2022, 37 700 m² ont été libérés sur un objectif initial de 36 089 m² dont 25 500 m² proviennent de projets non prévus initialement au SDIR (principalement liés à la restructuration du réseau DGFiP), ce qui correspond à un montant annuel de baux libérés de 1,2 M€ HT/HC et à un produit de cession de 16 M€.
=> Les objectifs de libérations envisagées initialement n’ont pas pu être réalisés sur la période du SDIR, essentiellement du fait du retard pris par les projets de rénovation des cités administratives. Ces derniers projets, financés par le programme 348, ont depuis été lancés et permettront à terme les libérations envisagées.
Sans ces investissements importants, la dynamique de resserrement du parc immobilier de l’État ne pourrait pas être mise en œuvre.
● Sur la période du SDIR 2024-2027, il est encore prévu la libération de près de 57 000 m², pour un montant de cession évalué à 22 M€ et une économie annuelle de loyer de 2,8 M€/an en fin d’exercice.
=> Cette prévision est conforme à l’objectif de réduction de 25 % de surface de bureaux sur 10 ans avec la mise en œuvre de 92 opérations identifiées au total sur le périmètre régional, dont 19 qualifiées de « structurantes », principalement dans les chefs‑lieux d’arrondissement, sur des bâtiments au fort potentiel de densification. Le programme structurant est estimé (ratios) à hauteur de 283 M€, portant sur 155 000 m² d’immeubles tertiaires, et la libération en conséquence de 39 000 m² de surfaces de bureaux.
Malgré ces efforts, le ratio obtenu de 25,3 m² SUB/poste de travail (2023) s’il constitue un progrès, reste encore au-dessus du seuil préconisé par la note « surface » de 2023. Les responsables devront trouver de nouveaux « gisements de densification » pour atteindre les cibles définies pour 2027 et 2032 !
4. Mesurer la satisfaction des agents et des usagers
Les évolutions de l’immobilier de l’État doivent être conçues et mises en œuvre au service des agents et des usagers. Les rapporteurs préconisent que la gestion prévisionnelle des ressources humaines soit beaucoup plus développée et accompagnée d’un meilleur dialogue social.
Les agents doivent être régulièrement associés aux réflexions portant sur des transformations immobilières impactant la qualité du travail. Il convient de réunir régulièrement l’instance de concertation des représentants du personnel.
Un projet immobilier constitue une occasion importante d’amélioration des conditions de travail, il doit être avant tout un projet de service, adopté par la communauté de travail qu’il concerne.
Les rapporteurs prennent acte de la prise en considération prochaine de la satisfaction des agents vis-à-vis de leurs conditions de travail, et notamment de l’immobilier, dans le cadre du programme Fonction Publique +. Ils considèrent cependant qu’il y a lieu de déployer des modes de consultation plus précis et plus fréquents.
Les rapporteurs ont constaté une inquiétude des partenaires sociaux face au développement de la gestion immobilière par des acteurs extérieurs à l’administration, craignant que l’information à leur égard soit réduite et que leur avis soit encore moins pris en considération qu’aujourd’hui.
La mesure de la satisfaction des usagers doit prendre toute sa place dans le cadre des projets de transfert de l’entretien du propriétaire à un acteur externe à l’administration, comme le montrent les exemples actuels de la gestion déléguée à des tiers financeurs.
Proposition n° 1 : Généraliser la mesure de la satisfaction des agents des services publics et des usagers, relative à la fréquentation des emprises immobilières et aux services qui y sont associés.
B. MODIFIER LES RÈGLES DE GOUVERNANCE
La rénovation de la politique immobilière suppose de clarifier les objectifs poursuivis et de mieux identifier les responsabilités de la DIE au sein de l’État.
1. Formaliser une stratégie globale
La Cour constate une absence de stratégie formalisée : elle préconise de réunir dans un document de référence les objectifs d’avancement pluriannuels de la politique immobilière avec leurs différentes composantes (rénovation énergétique, mise aux normes, rationalisation des surfaces), leur hiérarchisation, les échéances à respecter, les cibles et les moyens afférents. Elle préconise aussi l’actualisation de la feuille de route « Transition énergétique pour les bâtiments de l’État ».
La proposition de la Cour des comptes est d’élaborer un document cadre de stratégie immobilière qui contiendrait :
– les orientations et les objectifs de la politique immobilière de l’État, aujourd’hui dispersés dans plusieurs documents et circulaires plus ou moins obsolètes ;
– une doctrine de mise en œuvre de ces objectifs ;
– un plan d’action et une programmation pluriannuelle ;
– des indicateurs de suivi.
Les rapporteurs approuvent cette proposition qui pourrait être un vecteur de remise en question du bien-fondé d’un certain nombre de règles qui sous‑tendent la politique immobilière depuis ses débuts.
Proposition n° 2 : Élaborer un document-cadre unique décrivant la stratégie immobilière de l’État assorti d’un plan d’action et d’indicateurs mesurant sa mise en œuvre.
En particulier, devrait être remise en question la règle de priorité accordée à la possession par l’État de son immobilier plutôt que de recourir à la location. Les décisions sont aujourd’hui prises projet par projet dans le cadre du processus de labellisation qui, dans l’ensemble, privilégie le domanial.
La Cour des comptes appelle à la définition de critères d’arbitrage entre propriété et location. La priorité au domanial devrait être reconsidérée en fonction des spécificités des territoires et villes concernés. En effet, la location permet de s’adapter plus facilement aux variations d’effectifs.
Il nous semble que cette stratégie d’ensemble doit définir un plan stratégique de patrimoine, identifier les patrimoines les plus dégradés et faire porter les efforts sur ceux-ci, avec une liste des chantiers prioritaires et un suivi annuel transparent de l’avancée des rénovations. La vision doit être de rénovation mais aussi de prévention ; elle doit bien sûr être pluriannuelle, avec une projection des projets de rénovation à cinq ans, puis à dix ans voire davantage.
Il convient également de continuer à prioriser la gestion technique du patrimoine : centraliser les données, connaître le nombre de m² des administrations et leur coût de gestion, ce qui permet des arbitrages en fonction du coût d’usage d’un bâtiment.
Le développement d’un plan de contrôle interne est nécessaire pour s’assurer de la fiabilité des données renseignées dans le système d’information SIIE et prévoir un indicateur de fiabilité des données, ainsi que le préconise la Cour des comptes dans son rapport.
Proposition n° 3 : Mettre en place un plan de contrôle interne destiné à renforcer la fiabilité des données, afin d’alimenter un logiciel unique de gestion de patrimoine.
Enfin, il est important de chiffrer les économies, à terme et même en cours du processus de rénovation, en recettes ou en moindres dépenses de fonctionnement et d’investissement.
2. Renforcer l’autorité de la direction de l’immobilier de l’État en la plaçant auprès du Premier ministre
La Cour conclut son étude par trois scénarios d’évolution de la politique immobilière qui ont en commun de renforcer la position de la DIE par rapport aux ministères occupants.
Le premier renforce la portée des conférences immobilières annuelles et la labellisation des projets soumis à l’approbation de la DIE.
Le deuxième centralise la gestion de l’État propriétaire au profit d’une ou plusieurs structures professionnelles placées sous l’autorité et la tutelle de la DIE.
Le troisième confirme cette centralisation mais va plus loin en transférant la propriété des actifs à une entité externe à l’administration, une société foncière, détenue par l’État et soumise au contrôle de la DIE.
Il apparaît aux rapporteurs qu’aucun de ces scénarios ne peut s’accompagner du positionnement institutionnel actuel de la DIE qui dispose aujourd’hui de peu d’autorité et de capacité d’impulsion vis‑à‑vis des ministères occupants.
Il semble donc indispensable de détacher la DIE de la DGFiP et de la rattacher au Premier ministre car c’est une politique interministérielle qu’il faut mettre véritablement en place comme le montre le recours à des circulaires du Premier ministre pour fixer les objectifs et les méthodes. L’appartenance actuelle à la DGFiP ne nuit pas à l’indépendance d’action de la DIE même si cette administration dispose de l’un des plus gros parcs de bureaux de l’État, ce qui peut mettre la DIE en situation de juge et partie. L’appartenance à la sphère du ministère des finances fragilise aussi la DIE dans ses relations avec les autres ministères qui la soupçonnent toujours d’une certaine proximité avec la direction du budget.
Ce changement de rattachement ne concernerait pas la direction nationale d’interventions domaniales (DNID) dont l’appartenance à la DIE n’est plus évidente, comme le relève la Cour. Ce service à compétence nationale anime un réseau de plus de 400 évaluateurs répartis dans 59 pôles d’évaluation domaniale. Les évaluations – 81 272 en 2022 – sont réalisées très majoritairement pour le compte d’autres personnes publiques que l’État. En 2022, 44 318 évaluations ont été réalisées pour les collectivités locales, 11 542 pour l’État, 5 212 pour des établissements publics fonciers, 6 972 pour des sociétés HLM, 4 619 pour des SAFER, 8 698 pour d’autres organismes.
Lorsque les évaluations concernent l’État, l’indépendance du service évaluateur n’est qu’imparfaitement garantie, comme le souligne le Conseil de l’immobilier de l’État, qui recommande de dissocier la fonction de contrôle et la prestation d’expertise, aujourd’hui regroupées au sein d’une même mission dite d’évaluation.
Les autres missions de la DNID ne sont pas toujours en relation directe avec le patrimoine immobilier de l’État, notamment celle de vente de biens mobiliers pris en charge par 13 commissaires aux ventes implantés sur tout le territoire, de curateur des successions avec un réseau national de 17 pôles hors Île‑de‑France (14 000 dossiers traités en 2021) ou encore d’animation du réseau des commissaires du Gouvernement auprès des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER).
Proposition n° 4 : Rattacher la direction de l’immobilier de l’État au Premier ministre et maintenir la direction nationale d’interventions domaniales au sein de la direction générale des finances publiques.
C. REVOIR LES PARAMÈTRES DE L’ÉQUATION FINANCIÈRE
1. Sécuriser la trajectoire pluriannuelle des crédits immobiliers
L’entretien immobilier s’accommode mal de l’annualité budgétaire, d’autant que ces crédits sont aussi souvent identifiés comme relevant de la base « taxable » en cas de régulation en cours d’année.
Lors de son audition, Mme Amélie Verdier, actuelle DGFiP et ancienne directrice du budget, a affirmé aux rapporteurs qu’elle avait essayé de combattre cette tentation en proposant un contrat triennal à certains directeurs de programme mais qu’elle s’était heurtée aux réticences de nombre de ministres, convaincus d’obtenir davantage de crédits lors des négociations annuelles. Seule la DGFiP a finalement opté pour le contrat triennal avec la DB. Mme Verdier a par ailleurs estimé que les besoins immobiliers étaient insuffisamment pris en compte dans la trajectoire (le tendanciel) des besoins identifiés par la DB.
Rénover le patrimoine immobilier et l’adapter à la transition écologique impose de donner une meilleure visibilité aux gestionnaires et d’établir une véritable programmation, au moins triennale, afin que les crédits d’entretien ne soient pas utilisés comme variable d’ajustement.
Publier chaque année, dans les documents budgétaires, la trajectoire triennale des dépenses de maintenance immobilière présenterait à cet égard une amélioration substantielle. Le contrôle de l’exécution de la trajectoire pourrait être fait par le Parlement dans le cadre du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année, déposé en avril de l’année suivante.
Proposition n° 5 : Instaurer une programmation triennale des crédits d’entretien du patrimoine immobilier de l’État, fondée sur une planification des opérations.
2. Recourir à des financements innovants
La loi n° 2023-222 du 30 mars 2023 visant à ouvrir le tiers financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales, qui résulte d’une initiative parlementaire déposée à l’Assemblée nationale, a créé un instrument de financement nouveau afin d’accélérer la réalisation des travaux de rénovation énergétique.
Elle a instauré une nouvelle catégorie de contrats, les marchés globaux de performance énergétique à paiement différé (MGPE-PD), qui pourront être conclus à titre expérimental et pendant une durée de cinq ans. Cette nouvelle catégorie de contrat s’ajoute aux marchés globaux de performance et aux marchés de partenariat.
Ces contrats interviennent pour la rénovation énergétique des bâtiments en permettant aux maîtres d’ouvrage public d’engager des travaux dont le préfinancement est assuré par le titulaire du contrat. Ce dernier se voit confier un marché global qui associe la réalisation des travaux et la maintenance ; son action se déroule dans un cadre prévoyant des objectifs chiffrés de performance à respecter.
Ces contrats ont la particularité de déroger au principe d’interdiction des paiements différés dans les marchés publics. La possibilité de différer le paiement est étroitement encadrée pour tenir compte du fait que le recours à un tiers financement est coûteux pour le maître d’ouvrage public, mais elle permet d’engager des travaux rapidement malgré des ressources budgétaires limitées, en étalant dans le temps le paiement des travaux. Ces derniers sont remboursés par le versement d’un triple loyer qui couvre coûts d’investissement, coûts de fonctionnement et coûts de financement.
3. Diversifier les modes de valorisation
La raréfaction à venir des terrains, conséquence de la politique du « Zéro artificialisation nette » impose d’avoir une vision de long terme sur le patrimoine immobilier.
Certains ministères ont des besoins croissants, ainsi le ministère de l’intérieur qui doit faire face à l’augmentation des effectifs de gendarmerie, ou le ministère de la justice avec l’administration pénitentiaire et le manque de foncier disponible pour la construction de nouveaux établissements.
L’un des axes de la politique immobilière actuelle est la cession « au meilleur prix » de biens devenus inutiles au service public, mais aussi la recherche des modes de valorisation alternatifs à la cession. La DIE s’est dotée en 2020 d’une cellule commercialisation comprenant des experts venus du privé, qui apportent un soutien au réseau de la direction en matière de stratégie de cession et de mise en valeur des biens cédés.
La cession a été une priorité pendant une quinzaine d’années. Aussi le nombre des biens cédés a-t-il diminué ces dernières années : 567 biens cédés en 2020, 688 en 2021 et 661 en 2022 pour un prix de vente moyen de 307 110 € (282 602 € en 2021). Le produit des cessions attendu pour 2024 s’élève à 210 M€ (en baisse de 40 % par rapport à 2023).
recettes du CAS PIE sur la pÉriode 2006-2022
(en millions d’euros)
Source : Rapports annuels de performances années 2006-2022.
Les biens immobiliers les plus « liquides » – c’est-à-dire les plus facilement cessibles – ont été vendus au cours des quinze dernières années, qui ont vu la libération de nombreuses emprises et la reconfiguration de plusieurs administrations (justice, défense, services du Premier ministre…). À l’inverse, les biens plus complexes occupent une place de plus en plus importante au sein du stock géré par la DIE. Cette complexité résulte de leur emplacement géographique, de leur état, des conditions d’accessibilité ou bien encore de pollutions.
Selon les informations recueillies par la Cour lors de l’analyse de l’exécution budgétaire 2022, la DIE considère que trois quarts des 1 636 biens immobiliers déclarés inutiles et remis au Domaine fin 2022 sont « difficiles », « très difficiles » ou « improbables » à céder.
Des biens continuent d’être vendus, ainsi la vente par le ministère de la transition écologique de terrains appartenant historiquement à l’IGN, cédés par l’État à la Ville de Saint-Mandé pour la réalisation d’un programme de logements ; le produit de la vente a été affecté à la rénovation des bâtiments de l’Institut, dans le cadre d’une opération de restructuration de l’ensemble du site.
Les cessions étaient d’autant plus recherchées par les administrations que leur produit alimente le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État, qui permet d’entretenir les actifs utilisés. Des critiques de ce principe de « vendre pour entretenir » s’expriment depuis plusieurs années, car il s’agit en effet d’un modèle de financement devenu insoutenable. Ainsi M. Jean-Paul Mattei, dans son rapport budgétaire sur l’évolution du CAS, observait dès octobre 2021 que, d’une part, les moyens limités du CAS ne lui permettaient pas de jouer un rôle à la hauteur des enjeux et qu’il était nécessaire d’en diversifier les ressources, et que, d’autre part, la stratégie du « tout cession » n’aboutissait qu’à une impasse.
La DIE s’oriente vers la recherche de revenus de long terme tirés de l’immobilier, évitant la cession. Les rapporteurs approuvent la démarche visant à étudier toute opportunité foncière ou immobilière de réhabilitation d’un patrimoine de l’État difficile à vendre pour le réutiliser dans un autre usage.
À titre d’exemple, des études de faisabilité ont été réalisées par le ministère de la justice afin de loger, au sein de l’ancienne prison Saint-Michel à Toulouse, des services judiciaires et pénitentiaires de milieu ouvert. Ces études de faisabilité ont été concluantes et l’opération est désormais conditionnée à l’arbitrage du ministre et la disponibilité budgétaire. Cette opération permettrait de loger les personnels attendus en renfort dans le ressort de la cour d’appel de Toulouse sans acquérir un nouveau site, et mettre fin à une prise à bail grevant le budget de la direction de l’administration pénitentiaire.
La DIE encourage la diversification des moyens de valorisation du patrimoine immobilier, par exemple la location à court ou long terme, ce qui induit une expertise accrue des équipes immobilières des différents ministères.
Ainsi le ministère de la transition écologique a signé plusieurs autorisations d’occupation temporaire du domaine public (AOT) à la suite d’appels à manifestation d’intérêt, comme par exemple l’AOT attribuée à la compagnie CMA‑CGM pour son occupation d’un site du domaine public à Marseille avec paiement d’un loyer pour la réalisation d’un centre de formation international.
En conséquence de cette évolution, les nouvelles recettes à attendre pour le CAS seront davantage issues de l’exploitation des biens immobiliers remis à la DIE ; redevances ou loyers. Ces derniers proviennent des concessions ou autorisations de la compétence du directeur départemental des finances publiques (DDFiP), des concessions de logement dont l’État est propriétaire ou locataire ainsi que des locations d’immeubles du domaine privé de l’État.
En 2022, le montant des redevances domaniales (redevances exclusivement liées à l’occupation du Domaine, quel que soit le destinataire) s’est établi à 731 M€ : 234 M€ ont été encaissés sur le budget général, 98 M€ sur le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État et 399 M€ pour le compte de tiers, notamment de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Entre 2020 et 2022, le montant total des redevances domaniales a progressé de 10,6 %.
Malgré cette tendance récente positive, l’équilibre de ce compte est encore structurellement fragile.
Plusieurs ministères s’efforcent de développer des alternatives au modèle de cession des emprises devenues inutiles. Ainsi la direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (DTIE) du ministère des armées a recruté des personnels qualifiés qui conçoivent et conduisent des opérations de valorisation immobilière novatrices permettant de faire de la diversité du patrimoine ministériel un atout au travers de montages contractuels.
Plusieurs exemples illustrent cette volonté : la concession de travaux et de service sur l’immeuble de la Pépinière, place Saint-Augustin (Paris 8ème), accueillant le cercle national des armées (CNA) qui doit être attribuée en 2024 ; le bail emphytéotique administratif de valorisation (BEAV), en phase de remise des offres pour un immeuble situé à Toulon (83) ; les études et expérimentations en cours concernant les écoles de formation des sous-officiers de l’armée de terre (Saint‑Maixent – 79) et de l’armée de l’air et de l’espace (Rochefort – 17) afin de déterminer le ou les meilleurs montages susceptibles de valoriser les emprises au service des armées.
Cette démarche a pour ambition d’expérimenter des montages innovants, d’acquérir de nouvelles compétences et de capitaliser sur les retours d’expérience. Il s’agit ensuite de diffuser cette expertise afin de généraliser les efforts de valorisation du parc immobilier en s’appuyant sur des acteurs et des relais locaux.
La valorisation revêt actuellement des formes nouvelles et diverses : production d’énergie solaire pour le compte de l’État sur des terrains publics inutilisés avec l’installation de panneaux photovoltaïques, implantation de pylônes destinés à héberger des antennes relais dans le but d’assurer une meilleure couverture numérique du territoire…
Le ministère des armées s’est aussi engagé dans le développement des énergies renouvelables à travers le plan gouvernemental « place au soleil ». Ces projets sont réalisés par deux vecteurs : cession ou autorisation d’occupation temporaire (AOT). Les AOT déjà signées représentent 295 ha répartis sur 6 sites.
Une évolution de la logique de l’exploitation des ressources photovoltaïques est également en cours via le développement d’un contrat d’approvisionnement de type Power Purchase Agreement (PPA), qui vise à l’installation d’une ferme photovoltaïque sur une emprise foncière, dont la production sera dévolue au MINARM à un prix stable dans la durée. Ce montage innovant réunit l’objectif de valorisation – sans cession du foncier – ainsi que la démarche d’investissement à des fins d’économies futures.
Les baux emphytéotiques constituent un autre mode alternatif à la cession des biens, intéressant car autorisant l’État à conserver les constructions faites à l’issue du bail. Il est limité aux patrimoines existants.
L’emphytéote bénéficie d’un transfert de droits réels et il est extrêmement libre dans la manière d’utiliser son bien, comme l’a établi la jurisprudence ; de ce fait, il apparaîtrait difficile d’imposer tel ou tel type de travaux. Il est tenu de ne pas dévaloriser le bien. L’occupant devient locataire – détenteur de droits réels – et donc propriétaire le temps de l’occupation. Le contrat se rompt au bout de 18 à 99 ans, et l’État redevient propriétaire du bien.
La DIE a souhaité recourir plus fréquemment au bail emphytéotique (qui permet à l’État de conserver les constructions) en particulier pour des immeubles situés en zone tendue pouvant faire l’objet d’une forte valorisation. On peut citer l’exemple de l’Hôtel de Grenelle à Paris : un bail emphytéotique de 99 ans a été conclu avec une foncière privée, qui a complètement réhabilité l’immeuble de bureaux et paie un loyer à l’État (ce loyer capitalisé a été versé en une fois). Il s’agissait traditionnellement d’un mode de gestion des biens confiés à des organismes du logement social (plus de 150 baux) tenus en contrepartie de réserver une part de leurs logements à des agents de l’État.
Il convient toutefois d’être circonspect quant aux résultats à attendre de la valorisation dans l’organisation actuelle des compétences, car de nombreux ministères ou opérateurs de l’État ne disposent pas des compétences internes indispensables à la passation et au contrôle de l’exécution de ce type de contrats, comme le montre par exemple le rapport de la Cour des comptes sur l’immobilier universitaire.
D. ACCÉLÉRER LA PROFESSIONNALISATION DE LA GESTION AVEC LA CRÉATION D’UNE FONCIÈRE À CAPITAUX PUBLICS
Pour optimiser la gestion du parc immobilier, la plupart des États européens se sont dotés d’une structure autonome, notamment pour favoriser la distinction propriétaire/occupant.
Une étude comparative sur l’immobilier public européen, financée par l’Union européenne, a été conduite en 2021‑2022. Elle a concerné 20 États de l’Union et a décrit les modalités d’organisation de la politique immobilière, les réformes menées pour augmenter l’efficience du parc et optimiser les coûts. L’étude constatait l’engagement de nombreuses transformations, mais regrettait tout de même le peu de résultats mesurables communiqués par les pays étudiés, à l’exception de la Finlande et de l’Autriche ([35]).
Trois modèles de propriété ont été distingués, comme le fait apparaître la carte suivante.
Source : Étude comparative sur la gestion de l’immobilier d’État en Europe, Union européenne/Direction de l’immobilier de l’État.
C’est ainsi que l’Allemagne par exemple a mis en place une structure nommée Bundesanstalt für Immobilienaufgaben (BImA), qui détient dans son périmètre d’action la quasi-totalité des biens immobiliers, logements inclus, à l’exception des biens opérationnels des armées et des biens situés à l’étranger. Cette agence compte 7 000 agents et 9 antennes régionales. Elle dispose d’une réelle autonomie de gestion et encaisse près de 4 Md€ de loyers par an de la part des administrations occupantes, pour 43 millions de m² de surfaces. D’autres pays ont créé plusieurs foncières, y compris une foncière militaire en Finlande, par exemple.
En France, l’Agence de gestion de l’immobilier de l’État (ou AGILE), créée en 2021, constitue une première expérience de transfert d’actifs patrimoniaux à un acteur extérieur en vue de leur gestion.
1. Un premier retour d’expérience positif sur les interventions de l’agence AGILE
L’agence AGILE a été créée sous la forme d’une société anonyme dont le capital est entièrement détenu par l’État, elle a succédé à la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM) dont elle poursuit certaines missions. Ses ressources humaines se sont accrues progressivement et comptent à présent 80 salariés, avec la prévision d’en accueillir 20 de plus en 2024.
Elle dispose d’un pôle « assistance à maîtrise d’ouvrage-valorisation immobilière », d’un pôle « entretien-maintenance » qui concerne à présent 16 sites « multi‑occupants » (pour une surface de 250 000 m²) avec comme objectif de passer à la fin de 2024 à 45 sites (pour une surface de 600 à 700 000 m²), et d’un pôle « photovoltaïque ».
AGILE vient en appui pour le pilotage des projets de cités administratives, placé sous la responsabilité des préfets de département qui assurent la fonction de maître d’ouvrage.
À côté de ses missions « historiques » de gestion d’actifs, AGILE participe à la mise en œuvre d’un plan solaire photovoltaïque, notamment en lien avec le ministère des armées qui développe un projet ambitieux sur ses terrains.
En 2023 les activités d’AGILE ont progressé avec le doublement du nombre d’opérations, la diversification de ses offres d’études énergétiques et bâtimentaires et le lancement d’une « task force opérationnelle » destinée à soutenir la politique de sobriété énergétique.
L’agence conclut avec les représentants de l’État des contrats dits in house, qui lui permettent d’agir à la fois sous le contrôle de l’État (en quasi‑régie publique) et d’avoir la souplesse d’une société anonyme.
L’agence a une comptabilité de droit privé et ne perçoit aucun denier public. Elle se rémunère sur le métier de gestionnaire des contrats triennaux d’entretien et de maintenance par une facturation au temps passé, comme le ferait un administrateur de biens. Sur la partie maîtrise d’ouvrage, la rémunération consiste en un pourcentage du montant des travaux toutes taxes comprises (entre 3 à 7 % selon l’assiette). Pour le pôle photovoltaïque, le montage est différent puisque le fonctionnement est celui d’une entreprise, avec un contrat et un paiement sur l’ouvrage remis. Dans le cas de baux temporaires pour rentabiliser un actif (ainsi lorsque le bâtiment Ségur sera livré), les loyers pourraient être basés sur l’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT).
Les cycles de trésorerie pluriannuels de l’agence vont de 3 à 5 ans. L’annualité budgétaire entre ici aussi en conflit avec l’obligation de construire des objectifs de long terme.
La directrice de l’agence, entendue par les rapporteurs, estime que ce mode de fonctionnement confère une grande liberté de recrutement pour embaucher des professionnels de l’immobilier privé tout en restant assujetti aux règles de la commande publique.
La gouvernance d’AGILE est assurée par un conseil d’administration de sept membres issus de plusieurs ministères et de corps de contrôle, où l’État est représenté par le directeur de la DIE. À noter que la directrice actuelle de l’AGILE est également une adjointe du DIE, ce qui souligne la fluidité des échanges entre les deux structures.
Ce nouveau modèle de gestion par un acteur externe a été mis en œuvre dans des régions pilotes. La Normandie a ainsi été région pilote pour le développement d’AGILE dès le début 2021, avec des expérimentations portant sur la gestion des cités administratives et le voltaïque.
L’expérimentation de la gestion de la cité administrative de Rouen Saint‑Sever
La cité administrative de Rouen Saint-Sever a été la première cité confiée à la gestion de AGILE, en juillet 2022. Elle a fait l’objet de deux expérimentations concomitantes : le transfert de la responsabilité de la gestion de la cité de la DRFiP au SGCD 76 et le contrat d’exploitation maintenance confié à AGILE par le SGCD.
La complexité du site rénové (Gestion technique centralisée) a convaincu le gestionnaire de confier l’exploitation maintenance à AGILE. Le représentant (temps plein) d’AGILE pilote une équipe de maintenance composée d’agents mis à disposition par les administrations et l’ensemble des contrats de prestataires.
Par ailleurs, AGILE conduit une mission de mandat de maîtrise d’ouvrage au profit du projet de rénovation de la cité administrative de Saint-Lô, appuyant une équipe projet en grande difficulté pour atteindre les objectifs d’engagement des marchés conditionnant la poursuite du projet. Le projet sera livré deuxième semestre 2024 conformément aux objectifs.
AGILE conduit en parallèle plusieurs études de diagnostic énergétique et de programmes en vue de labellisation de projets inscrits au SDIR. L’agence est à présent bien implantée en Normandie.
Un premier retour d’expérience a été tiré en décembre 2022, au terme des dix‑huit mois impartis à l’expérimentation, qui a montré un excellent taux de satisfaction des structures ayant recours à AGILE (l’intervention se faisant toujours à leur demande). Ce recours est considéré comme permettant d’accéder à une gestion immobilière professionnelle, là où les moyens humains manquaient pour la réaliser convenablement.
Il conviendra de confirmer ces bons retours dans la durée, notamment au terme de l’actuelle montée en puissance très rapide (triplement en un an des surfaces) de l’agence dans la gestion des services aux occupants des cités administratives.
Pour AGILE, une bonne part de l’acceptabilité trouve son fondement dans sa gouvernance, notamment avec la participation du ministère de l’intérieur à son conseil d’administration qui a un effet d’entraînement sur le périmètre de l’administration territoriale, cœur de cible initial de l’intervention de l’agence.
Ce retour d’expérience positif peut servir d’enseignement, selon la DIE, pour la structure de gouvernance de la future foncière interministérielle publique.
2. Le projet de foncière du Gouvernement : périmètre et répartition des compétences
Le ministre des comptes publics a annoncé le 29 février 2024 la création d’une foncière immobilière interministérielle d’État, afin de constituer un outil professionnel et opérationnel apte à mieux assumer les priorités de la politique immobilière : accélérer la transition écologique, améliorer l’entretien du patrimoine et veiller à la satisfaction des occupants.
L’objectif poursuivi est bien de professionnaliser la gestion immobilière, de responsabiliser les occupants en les soumettant à des mécanismes de marché dans l’exercice de leurs choix immobiliers, de contraindre les acteurs à entretenir le patrimoine et à appliquer les normes que l’État impose au secteur privé, sous peine d’engager leur responsabilité civile et pénale.
Cette société foncière publique deviendra propriétaire des bâtiments publics et les ministères occupants lui verseront des loyers.
L’audition par les rapporteurs d’un représentant du groupe La Poste, qui a opéré via la création d’une société foncière une très importante mutation de son patrimoine immobilier, a permis de bien appréhender les enjeux.
Les six enjeux de la foncière selon La Poste Immobilier
• Délimiter / déterminer finement le patrimoine qu’on bascule en « filiale(s) foncière(s) » pour ne pas se disperser
• Définir le propriétaire des actifs, établir des règles de gestion et centraliser les coûts et recettes, faire payer l’usage des lieux
• Privilégier la densification des immeubles en propriété aux sites locatifs pour générer des gains de gestion récurrents (Loyers et charges), se protéger des augmentations trop fortes et constituer une réserve de valeur
• Élaborer une politique de maintenance préventive financée par des recettes issues des locataires / utilisateurs qui paient des loyers ; c’est dans le cadre de cette politique que la décarbonation du parc et les économies d’énergie sont programmées
• La data doit être centralisée et aisément accessible pour produire du reporting et suivre la performance. En particulier le coût de la fonction immobilière
• Appréhender une foncière comme un outil d’optimisation de la gestion immobilière de long terme (économies de charges) et non comme un outil de cession d’actifs.
Le périmètre du pilote opérationnel (de l’ordre de 800 000 m²) porte sur les immeubles de bureaux occupés par les services du ministère des finances et du ministère de l’intérieur (hors police et gendarmerie) et les sites multi-occupants situés dans deux régions : Grand Est et Normandie. De façon ponctuelle, certains biens en Auvergne Rhône-Alpes et en Île-de-France pourraient également être concernés pour concrétiser des opérations prioritaires. Son lancement est prévu pour juin 2025.
À terme, la foncière aura vocation à se déployer sur l’ensemble du périmètre des immeubles de bureaux et locaux d’activités de l’État exception faite des logements isolés, des biens occupés par le ministère des armées et des biens situés à l’étranger ou des biens trop spécifiques (musées, cathédrales, barrages...), soit environ 20 millions de m² sur les près de 96 millions de m² occupés par les services de l’État et ses opérateurs.
L’inclusion des logements dans les actifs de la foncière n’interviendrait que dans une seconde phase. Cette exclusion peut paraître regrettable dans la mesure où le constat partagé est celui du mauvais état de nombreux logements, qui appellent des rénovations urgentes.
La Cour des comptes, de même que le CIE, considèrent que la réforme doit s’appliquer en priorité aux bureaux. La DIE considère que la foncière pourrait avoir une filiale dédiée au logement par la suite, ou que des partenariats stratégiques pourraient être noués avec des acteurs du logement.
La gestion en foncière conférera une capacité d’optimisation plus grande du fait du statut, des règles de gestion plus souples, et de la centralisation des décisions.
Si l’existence d’une personnalité morale distincte de l’État est acquise, le statut précis de la foncière peut être débattu : le Gouvernement s’oriente vers un établissement public industriel et commercial (EPIC), essentiellement pour faciliter le transfert des personnels, notamment ceux disposant du statut de fonctionnaire, actuellement en charge de certaines missions assumées dans l’avenir par la foncière.
Ce choix ne sera pas sans conséquence sur la gestion financière et juridique de la foncière. La filialisation est effectivement plus simple avec une société anonyme (SA), afin d’éviter de manier deux régimes juridiques différents. Or la filialisation est une dimension essentielle du développement de la foncière et de la création de valeur que l’on attend d’elle, à partir d’une exploitation inventive des actifs qui lui seront transférés.
L’acteur du pilote opérationnel sera constitué à partir de la société AGILE qui est étroitement associée à la genèse du dispositif. Une loi sera nécessaire pour créer une catégorie particulière d’EPIC, c’est la raison pour laquelle le Gouvernement prévoit de déposer un amendement au PLF 2025 alors que le support législatif existe déjà pour la SA avec la loi ([36]) ayant créé la SOVAFIM rebaptisée AGILE.
Toutefois, le transfert d’actifs relevant du domaine public de l’État aurait également nécessité une disposition législative spécifique ; or la DIE estime à 20 % la part des actifs transférés dans le cadre du pilote opérationnel relevant du domaine public.
L’inclusion du domaine public présente ainsi l’avantage d’adopter une approche harmonisée du patrimoine immobilier concerné, dans un contexte où les biens du domaine public et du domaine privé appartiennent le plus souvent à des typologies d’immeubles similaires. Un certain nombre d’immeubles de bureaux accueillant des services de l’État appartiennent, en effet, au domaine public, dès lors qu’ils forment un même ensemble immobilier avec des locaux faisant l’objet d’un aménagement indispensable aux missions de service public accomplies par l’État ou comprennent des espaces accueillant du public.
La foncière à capitaux publics aura cependant moins de marge de manœuvre que les foncières privées. L’actionnaire « État » devra rester maître de ses choix, et l’outil immobilier doit être placé au service de l’administration dans sa mission de service public, et non l’inverse. La DIE devra rester le garant des intérêts de l’État et de la mise en œuvre de la réforme. Elle représentera l’État au sein du conseil d’administration de la foncière, dont elle doit assurer le pilotage stratégique et la tutelle au nom du ministre.
Chaque ministère ou chaque responsable de programme continuera à déterminer sa stratégie immobilière et restera maître de ses crédits immobiliers. La création de la foncière a pour objectif d’instaurer une réelle césure entre les missions assumées par l’occupant et par le propriétaire mais ne se traduit pas par une modification importante de l’architecture budgétaire qui restera fragmentée comme actuellement, au moins dans un premier temps.
La détermination des règles de gouvernance de la foncière sera cruciale afin de pouvoir garantir des choix équitables et de rendre compte de manière transparente de la gestion, au risque de voir un ministère mécontent préférer un bailleur privé au bailleur public, dès lors qu’il doit acquitter des loyers dans les deux cas !
Il sera essentiel de porter une grande attention à l’adaptation au changement, car il sera considérable. Il conviendra d’animer cette transformation en suscitant l’adhésion des agents et des usagers, et donc de partager le sens de la réforme.
La répartition des compétences devra être finement délimitée dès le pilote opérationnel. Une première esquisse a été proposée par le Conseil de l’immobilier de l’État afin de délimiter les tâches relevant de la foncière et celles relevant de l’occupant locataire.
Le schéma précise les activités respectives des acteurs de l’immobilier de l’État dans le cadre de la foncière, sous la forme d’une pyramide. Les métiers à haute valeur ajoutée se trouvent en haut (gestion des actifs), et les métiers à faible valeur ajoutée en bas (services généraux). Le Conseil a recensé trois grandes familles de métiers :
– la gestion des actifs qui pilote la maîtrise d’ouvrage et les opérations et qui définit une trajectoire patrimoniale de valorisation pour le portefeuille d’actifs, fonction qui est assurée aujourd’hui par les ministères et par les préfets ;
– l’administration de biens qui définit la stratégie de services aux bâtiments, la gestion locative et technique, et qui pilote le plan de travaux ;
– les services généraux qui rendent les services aux occupants comme la téléphonie ou la bureautique, l’exécution des services aux bâtiments, la sécurité, la sûreté, et qui pilotent la maîtrise d’usage.
Tandis que les catégories de métiers « gestion des actifs » et « administration des biens » relèvent de la foncière-propriétaire, le locataire a quant à lui la charge des « services généraux » et de la gestion de l’usage. Il existe malgré tout une zone de frottement entre le propriétaire et l’occupant, dans le champ des services aux bâtiments, le pilotage relevant du propriétaire, l’exécution de l’occupant.
La vision du CIE a pour effet de limiter l’autonomie actuelle des ministères dans la définition de leur stratégie immobilière en la soumettant à un dialogue avec la foncière avec possibilité d’arbitrage du ministre chargé du domaine après instruction du projet par la DIE.
Aujourd’hui, existent déjà des SPSI et des SDIR, qui sont essentiellement élaborés par les occupants, avec leur propre prisme. Le CIE a depuis longtemps estimé que cette situation introduisait un biais dommageable, à la fois pour le propriétaire et pour l’occupant : par facilité, dans ces schémas, la question des besoins réels des services n’est pas posée et les occupants ne présentent pas de trajectoire pluriannuelle de réduction d’emprises. Or, l’immobilier ne peut être envisagé dans une vision statique : il est indispensable de prendre en compte non seulement la localisation, mais aussi le coût et la surface. Pour arriver à trouver des solutions pérennes il est nécessaire de poser, dans les schémas directeurs, la corrélation entre les métiers exercés par les services occupants et les actifs immobiliers mis à leur disposition. C’est à l’usager de définir son besoin le plus précisément possible, et de le partager ensuite avec la foncière, qui pourra alors définir la trajectoire de l’immobilier de l’État et tâcher de mettre en place les solutions les plus adaptées aux besoins exprimés.
Pour la DIE, l’État reste bien le stratège de la politique immobilière, à quatre niveaux très proches de l’organisation actuelle des compétences.
La DIE s’assure de la mise en œuvre de la réforme ainsi que de l’agrégation de l’information pour tout l’immobilier de l’État. Elle est la tutelle principale de la foncière. Elle en fixe les orientations et valide la stratégie globale de valorisation. Elle définit le cadre de la politique immobilière de l’État (PIE), intègre dans un ensemble normatif les politiques publiques, accompagne et approuve les schémas directeurs immobiliers (SPSI et SDIR).
Les administrations centrales conservent leur rôle de choix des implantations stratégiques, la définition des modalités d’organisation et d’exercice de leurs services et expriment leurs priorités. Elles portent par ailleurs leur schéma pluriannuel de stratégie immobilière d’administration centrale (SPSI).
Le préfet de région est responsable de la stratégie immobilière de l’État en région : stratégie d’implantation, de regroupement de services, d’évolution des besoins métiers, de création ou gros aménagement d’une cité administrative, etc. À ce titre, il porte le schéma directeur immobilier régional (SDIR).
Le préfet de département participe à l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie immobilière dont les principes sont arrêtés par le préfet de région. À ce titre, il est le décideur en matière immobilière à l’échelle départementale.
La foncière exerce des responsabilités de gestionnaire d’actifs, de maître d’ouvrage et elle organise sa relation avec ses locataires au travers des contrats de bail qui précisent les niveaux de loyers, les modalités de récupération des charges locatives et la répartition des droits et des devoirs. Elle pilote son parc dans une logique d’investisseur et de valorisation de son portefeuille. Elle assume les obligations patrimoniales du propriétaire et est responsable de la mise aux normes et de la modernisation de ses actifs. Elle propose aux services de l’État et à ses opérateurs des solutions immobilières adaptées à leurs besoins et aux normes.
Les administrations locataires assurent des responsabilités propres sur les actifs immobiliers qu’elles louent et dont la foncière est propriétaire. À ce titre, elles contractualisent avec le propriétaire via le contrat de bail et exécutent les conditions de ce dernier, elles sont redevables de l’ensemble des quittancements de charges (loyers, honoraires, assurances, taxes et charges de fonctionnement). Elles peuvent assurer la réalisation de travaux d’aménagement intérieur et de petite maintenance, sur autorisation du propriétaire. Les administrations locataires conservent également leur responsabilité d’employeur/chef d’établissement vis‑à‑vis de leurs agents.
La mise en place de la foncière aura un impact sur les ressources humaines : tous les agents actuellement en charge de l’immobilier public ne resteront vraisemblablement pas au sein des services préfectoraux ; un droit d’option serait ouvert, les agents choisissant s’ils veulent exercer leur métier au sein de la foncière, se reconvertir au sein de la fonction publique, ou continuer à exercer leur métier immobilier au sein d’actifs extérieurs au pilote opérationnel.
Cette réforme d’envergure modifie substantiellement l’organisation actuelle, elle ne va donc pas sans risques.
Il y a tout d’abord des risques opérationnels évidents liés au transfert des actifs et de certains contrats, qui s’accompagne d’un travail de bénédictin sur l’état du patrimoine transféré, à la montée en charge très rapide d’une structure professionnelle avec le recrutement des compétences qui en résulte, à l’amélioration du système d’information et de la connaissance du parc, ainsi qu’à l’appréciation du risque pénal du propriétaire.
Il existe ensuite un risque structurel lié au sentiment de dépossession : ce n’est pas le rôle de la foncière d’aller dire à la DGFiP quel doit être son maillage territorial. Il faudra donc trouver un bon équilibre pour que la foncière puisse trouver son rôle, et obtenir des informations de la part des ministères sur leurs stratégies d’implantations afin d’engager un dialogue constructif et convaincre grâce à son professionnalisme et à la qualité du service rendu.
Enfin, le risque principal est que les services de l’État, estimant qu’ils peuvent se permettre de ne pas payer leurs loyers à un EPIC, considèrent le versement des loyers comme une variable d’ajustement, retombant ainsi dans les errements des loyers budgétaires virtuels.
Le traitement de ce dernier risque repose sur une équation financière soutenable permettant de prendre en charge de véritables loyers.
3. La soutenabilité économique et budgétaire du nouveau modèle
L’État devrait faire l’apport à titre gratuit du patrimoine transféré à la foncière, ce qui la dispensera de s’endetter pour l’acquérir avec une surprime de risque par rapport à l’État.
En aucun cas, il ne s’agit de déconsolider de la dette publique au sens du traité de Maastricht car le montage juridique garantit que la dette éventuellement générée par la foncière sera bien consolidée dans les comptes publics.
La foncière devra faire face dans un premier temps au financement de la remise à niveau du parc confié, après plusieurs décennies de sous-investissement.
La détermination des conditions d’amorçage budgétaire du système est cruciale : si le transfert des actifs au patrimoine de la foncière se fait à titre gratuit, il faudra que l’État dégage les crédits nécessaires à la mise en place des loyers, quitte à progressivement retrouver sa mise grâce aux dividendes versés par la foncière.
Le financement de la foncière proviendra des loyers acquittés par les occupants : il s’agira de loyers réels, fixés en référence au marché tertiaire privé, et non des loyers budgétaires, qui étaient purement virtuels dans l’expérience conduite entre 2009 et 2019.
Créer une foncière ne signifie pas ipso facto que sera dégagée la marge de manœuvre budgétaire pour injecter davantage d’argent public dans l’entretien des bâtiments de l’État mais on peut en attendre une optimisation des dépenses et une meilleure efficience.
La mise en service de la foncière conduira de facto à augmenter à court terme les coûts de la politique immobilière de l’État, de façon directe et certaine. La foncière va en effet facturer :
– les charges immobilières : ces dernières sont certes déjà partiellement budgétées sur les programmes des ministères (coût usuel des dépenses d’entretien et de fonctionnement), mais à un niveau insuffisant pour permettre le maintien en conditions satisfaisantes de l’immobilier de l’État. Lors de l’entrée dans la foncière, le niveau d’entretien sera rehaussé pour se fixer sur des standards du secteur ;
– des loyers, qui couvriront notamment les investissements et les frais financiers en cas d’emprunt, mais visent surtout à créer un effet signal sur le coût des implantations pour les services occupants. Ces loyers constituent en eux‑mêmes une dépense nouvelle ;
– ses frais de gestion pour financer ses charges internes et se rémunérer, ce qui constitue une dépense totalement nouvelle ;
– la fiscalité : une dépense totalement nouvelle issue du fait que les biens ne sont plus gérés par l’État lui-même mais par un tiers. L’intégralité des flux entre la foncière et l’État est ainsi soumise à TVA (à laquelle pourrait s’ajouter l’impôt foncier si l’opérateur ne bénéficiait pas d’une exemption, soit environ 30 M€ par an en année pleine sur le seul périmètre du pilote).
Le graphique ci-dessous illustre, sur la seule année 2025 (en supposant une mise en service de la foncière à mi-année), les conséquences de la mise en œuvre de la foncière sur les besoins en AE et en CP en partant de la dépense déjà budgétée :
Source : Direction de l’immobilier de l’État.
L’impact des nouveaux loyers n’est pas négligeable puisqu’ils s’établissent à 24 M€ pour les six derniers mois de 2025 contre 31 M€ de dépenses actuellement financées par les occupants. Leur niveau a été fixé aux deux tiers des loyers de marché permettant de financer les coûts de la foncière et sa rémunération.
En prenant en compte la remise à niveau des flux d’entretien (12 M€), les frottements fiscaux (14 M€) et les frais de gestion de la foncière (3 M€), on aboutit à un total de 84 M€ contre 31 M€ déjà financés, soit un surcoût net de 53 M€ (+171 %) pour 2025 et de plus de 150 M€ pour les deux années suivantes. Pour assurer le démarrage du pilote, ce surcoût sera assuré par le programme interministériel 312 mais il aura vocation en régime de croisière à être financé par les différents programmes ministériels.
S’agissant des frottements fiscaux, les loyers sont soumis à TVA alors que l’État n’en paie pas actuellement, ce point devra être évoqué pour l’exercice 2026.
L’autre sujet concerne le paiement de la taxe foncière. Pour ses propres bâtiments, l’État ne paie aujourd’hui pas de taxe foncière, sauf en ce qui concerne les activités de valorisation. L’option est donc de travailler sur une exonération identique pour la foncière : quand elle se positionnera sur une mission de service public, elle bénéficiera d’une exonération ; et elle n’en bénéficiera pas pour ses activités de valorisation.
La DIE a défini une modélisation financière à moyen terme (10 ans) sur le périmètre de pilote opérationnel (800 000 m²) sur la base des hypothèses suivantes :
– le transfert des actifs de l’État à l’établissement public réalisé à titre gratuit ;
– les loyers calculés à partir de valeurs locatives de marché et ajustés à un niveau permettant d’atteindre un équilibre financier pour la foncière ;
– les charges des immeubles et les charges de structure calculées à partir de ratios de marché ;
– une chronique de diminution des surfaces (-25 % sur 10 ans à partir de 2026) a été prise en compte, ces réductions de surface permettant des cessions d’immeubles ;
– un volume d’investissement de 300 M€ sur les 10 prochaines années et de plus de 910 M€ à l’horizon 2050, en cohérence avec les besoins d’investissement identifiés pour le parc de l’État par le Cerema et la DIE sous l’égide du SGPE ;
– un volume d’investissement additionnel de l’ordre de 136 M€ sur 10 ans pour créer de la valeur sur des actifs à potentiel (opérations de transformation, restructuration, réhabilitation, changement de destination, création de surfaces) générant des produits de cession.
Au-delà de l’effet économique direct sur le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), de l’énergie et des services, ce plan d’investissement couplé à la stratégie de rationalisation des surfaces permettra la valorisation de biens ou leur transformation pour répondre à des besoins locaux, par exemple la transformation de bureaux en logements. Ainsi sur le périmètre du pilote, en 10 ans, 200 000 m² auront été libérés et seront valorisables et/ou transformables.
Dans ses réponses écrites aux questions des rapporteurs, le CIE a critiqué ce modèle sur deux points, dès lors qu’il s’écartait des pratiques de marché : « Le Conseil recommande de fonder le modèle économique sur la valeur de marché aussi bien pour la valeur des actifs transférés que pour les loyers pratiqués.
« L’application de loyers de marché oblige les services bénéficiaires de services à mesurer le coût réel des moyens immobiliers mobilisés pour répondre à leurs besoins.
« La pratique de “loyers conventionnels” inférieurs au marché présente un avantage budgétaire mais aussi plusieurs inconvénients. L’incitation de l’occupant à optimiser les surfaces occupées et le coût immobilier est atténuée en proportion de l’écart à la valeur de marché.
« Il est souhaitable que le transfert des actifs soit opéré à une valeur de marché. La valeur nette comptable (VNC) intègre difficilement les cycles de vie immobiliers et les variations du marché. Ainsi, sur le marché francilien, les changements d’usages intervenus avec le développement du télétravail et la concurrence pour le recrutement des “talents” ont fait s’effondrer la valeur des bureaux en périphérie alors que la valeur des bureaux situés à Paris s’est fortement appréciée.
« Sur le marché de la transaction, la valeur d’un bâtiment se calcule notamment par capitalisation des loyers. Un bâtiment de l’État, occupé par ses services, intéressera d’autant plus les investisseurs que la “signature de l’État” est gage de solidité et de pérennité. Si un bâtiment de l’État loué à ses services au prix de marché vaut 100, le même bâtiment loué à un loyer minoré de 50 % ne vaudra plus que 50. L’application de loyers de marché permet d’obtenir une valeur vénale et une recette de cession accrues. »
Le passage à la gestion par une foncière ira certainement de pair avec la révision des opérations importantes, la réduction des implantations dans le cadre des schémas directeurs et le regroupement de services, l’économie de certains loyers… Il appartiendra à la DIE d’être le chef de projet d’une réorganisation qui s’échelonnera sur plusieurs années.
L’État sera certainement contraint de dépenser plus qu’aujourd’hui pour l’entretien immobilier dans un premier temps, mais cela entraînera des économies à terme et c’est un impératif pour assurer la transition écologique, entretenir le patrimoine et assurer un cadre décent aux agents de l’administration et à ses usagers.
En outre, les rapporteurs soulignent le fait que, dans une situation où s’imposent de fortes restrictions budgétaires, l’immobilier fait régulièrement partie des variables d’ajustement à la disposition des gouvernements. Dans le contexte de la mise en place de la foncière, il demeure donc indispensable de faire de l’optimisation des frais de structure une priorité.
Proposition n° 6 : Confier à une société foncière, détenue à 100 % par l’État, la gestion et l’exploitation des actifs immobiliers appartenant à l’État.
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Le Comité a procédé à l’examen du présent rapport d’information lors de sa réunion du jeudi 14 novembre 2024 et a autorisé sa publication.
Les débats qui ont eu lieu au cours de cette réunion sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
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ANNEXE :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS
1. Auditions :
M. Jean‑Paul Mattei, député, président du Conseil de l’immobilier de l’État (CIE), et M. Bruno Bossard, secrétaire général (17 janvier 2024)
M. Alain Resplandy-Bernard, directeur de l’immobilier de l’État, accompagné de M. Jérôme Bonherbe, sous-directeur Gouvernance, financement et supports à la DIE (1er février 2024)
M. Guillaume Leforestier, secrétaire général du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, accompagné de M. Michel Vermeulen, chef de la mission de la stratégie immobilière ministérielle (8 février 2024)
M. Christian Cléret, membre du Conseil de l’immobilier de l’État (CIE), ancien directeur général de Poste Immo, président d’honneur de l’Association des directeurs immobiliers (ADI)* (15 février 2024)
M. Pascal Berteaud, directeur général du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), accompagné de M. Cédric Lentillon, directeur adjoint du département Bâtiments durables, et de Mme Catherine Maligne, directrice de cabinet (29 février 2024)
M. Antoine Pellion, secrétaire général à la planification écologique, accompagné de Mme Léa Boudet, directrice du programme Financement et budget au SGPE (29 février 2024)
Mme Sylviane Bourguet, directrice des territoires, de l’immobilier et de l’environnement du ministère des armées (7 mars 2024)
M. Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique, direction interministérielle de la transformation publique (DITP), accompagné de M. Karim Beddek, chef du pôle territorial, et de Mme Tiphaine Havel, cheffe de cabinet (14 mars 2024)
M. Christian Romon, secrétaire général de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP), accompagné de Mme Mireille Guignard, secrétaire générale adjointe (14 mars 2024)
Mme Aude Costa de Beauregard, directrice de cabinet de M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics, accompagnée de M. Louis d’Humières, directeur adjoint de cabinet (21 mars 2024)
M. Philippe Bajou, secrétaire général du groupe La Poste*, président du conseil d’administration de La Poste Immobilier, accompagné de M. Rémi Feredj, directeur général de La Poste Immobilier, et de Mme Rebecca Peres, déléguée aux affaires territoriales et parlementaires de La Poste (21 mars 2024)
M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), accompagné du Colonel Régis de Feydeau, sous‑directeur adjoint de l’immobilier et du logement, et du Colonel Antoine Lagoutte, chef du bureau de la synthèse budgétaire (28 mars 2024)
M. Willy Destrez, secrétaire national de la Fédération syndicale unitaire (FSU) (28 mars 2024)
Mme Béatrice Bellier-Ganière, présidente de l’Agence de gestion de l’immobilier de l’État (AGILE), et Mme Sandrine Brun, directrice générale déléguée, accompagnées de M. Lionel Tenette, conseiller en charge des relations institutionnelles (4 avril 2024)
M. David Barjon, directeur général de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ), et M. Philippe Clergeot, directeur, secrétaire général adjoint du ministère de la justice, accompagné de M. Philippe Monnot, chef du service de l’immobilier ministériel (11 avril 2024)
Mme Florence Gouache, secrétaire générale pour les affaires régionales à la préfecture de la région Centre-Val de Loire, accompagnée de M. Patrick Eldin, SGAR adjoint chargé du pôle Modernisation, moyens et mutualisations, et de M. Vincent Poirier, responsable régional de la politique immobilière de l’État ; et M. Philippe Leraître, secrétaire général pour les affaires régionales à la préfecture de la région Normandie, accompagné de M. Jacques Michel, SGAR adjoint chargé du pôle Mutualisation et moyens, et de M. Yannick Dubos, responsable régional de la politique immobilière de l’État (18 avril 2024)
Me Michèle Raunet, notaire associée, Étude Cheuvreux (30 avril 2024)
Mme Amélie Verdier, directrice générale des finances publiques (7 mai 2024)
M. Bruno Bossard, secrétaire général du Conseil de l’immobilier de l’État (CIE) (16 octobre 2024)
M. Alain Resplandy-Bernard, directeur de l’immobilier de l’État, accompagné de M. Jérôme Bonherbe, sous-directeur Gouvernance, financement et supports à la DIE (16 octobre 2024)
2. Table ronde réunissant des organisations syndicales (11 avril 2024) :
MM. Stanislas Gaudon, président fédéral de la CFE-CGC Services publics, et Philippe Sebag, délégué fédéral
Mme Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques, accompagnée de M. Alexandre Bataille, membre de la commission exécutive
M. Didier Lenfant, président de la Fédération CFTC des agents de l’État (CFTC-FAE)
3. Contribution écrite :
Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP)
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
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CONTRIBUTION DE LA COUR DES COMPTES
Cette contribution peut être consultée sur le site de la Cour des comptes à l’adresse suivante :
https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-politique-immobiliere-de-letat
([1]) Cour des comptes, La politique immobilière de l’État. Une réforme nécessaire pour aborder les enjeux à venir, communication au Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, décembre 2023.
([2]) Document de politique transversale, annexe au projet de loi de finances pour 2025, Politique immobilière de l’État.
([3]) D’après le document de politique transversale Politique immobilière de l’État annexé au projet de loi de finances pour 2024, les données clés sur l’inventaire étaient les suivantes au 31 décembre 2022 : 192 550 bâtiments couvrant une surface utile brute de 94,4 millions de m², et 30 469 terrains non bâtis occupant une superficie de 4 millions d’hectares. À cette date, le nombre d’actifs immobiliers de l’État s’élevait à 223 019.
([4]) Cour des comptes, décembre 2023, ibid.
([5]) La loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a octroyé aux établissements universitaires le droit d’acquérir des compétences élargies, et notamment la possibilité d’un transfert en pleine propriété des biens de l’État mis à leur disposition. Ce mécanisme de dévolution a été mis en œuvre par trois établissements entre 2011 et 2012 (universités de Poitiers, Toulouse I et Clermont‑Ferrand I) ; ont suivi deux autres vagues de dévolution, une deuxième en 2017 (Aix‑Marseille, Bordeaux, Caen et Tours), et une troisième (à partir de décembre 2021, toujours en cours, et concernant douze universités).
([6]) Soit, selon les données présentées par le tableau ci-dessus, les 46,1 % de biens détenus et occupés par l’État et les 13,6 % de biens non détenus par l’État mais occupés par un service administratif.
([7]) Cour des comptes, réf. cit.
([8]) Cour des comptes, La politique immobilière de l’État. Une réforme nécessaire pour aborder les enjeux à venir, décembre 2023.
([9]) Des campagnes de mise à jour des données patrimoniales sur les différents outils ont lieu régulièrement pour améliorer la note de complétude des données sur le référentiel technique, la mise à jour des données dans PATRIMMO permettant de mettre à jour le référentiel technique. Des campagnes spécifiques, comme dans le cadre du plan de transformation écologique de l’État, sont également conduites : en 2023 et 2024, le rythme de campagnes de mise à jour des données a été soutenu, afin de permettre la meilleure analyse possible de l’état du parc, en vue de la réalisation du SPSI ministériel.
([10]) Placée sous la tutelle du ministère, l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ), créée en 2001, joue le rôle d’opérateur immobilier et de maître d’ouvrage pour la rénovation des établissements judiciaires et le suivi des opérations immobilières, au moyen de tableaux de bord immobiliers assurant un suivi opérationnel et financier de l’avancement pour chaque opération.
([11]) Inspection générale des finances, Immobilier de l’État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022.
([12]) En pratique, le montant total de la valorisation comptable des biens figurant au bilan des opérateurs et des établissements publics nationaux est supérieur à celui de l’État. Cependant, la méthode d’évaluation des biens de ces acteurs repose sur le principe du coût historique, tandis que, jusqu’au 31 décembre 2023, la valorisation des biens et des logements inscrits au bilan de l’État reposait sur la méthode de l’évaluation selon la valeur vénale.
([13]) Cour des comptes, acte de certification des comptes de l’État, exercice 2006, avril 2007.
([14]) Cour des comptes, acte de certification des comptes de l’État, exercice 2022, avril 2023.
([15]) La DIE a été créée par un décret du 19 septembre 2016 (n° 2016-1234) pour remplacer le service France Domaine et a été rattachée à la direction générale des finances publiques (DGFiP).
([16]) Administratif, hébergement, logement, hôpital, atelier, activité industrielle, site de recherche, dissuasion nucléaire, base…
([17]) Cette circulaire a instauré la Conférence nationale de l’immobilier public (CNIP) en vue de piloter la gouvernance de la politique immobilière de l’État, sous la direction de la DIE.
([18]) Rapport d’information (n° 1288) sur la mise en œuvre du programme de rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants par la direction de l’immobilier de l’État, présenté le 31 mai 2023.
([19]) À titre d’information, les montants en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) étaient, pour les années précédentes : 9,478 Md€ (AE) et 9,819 Md€ (CP) en 2023, 12,493 Md€ (AE) et 9,970 Md€ en 2024.
([20]) Article 47, loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.
([21]) Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
([22]) Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.
([23]) Annexe n° 27, Gestion du patrimoine immobilier de l’État, réalisée par M. le rapporteur spécial Mohamed Laqhila, au rapport n° 1680 fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2024, par M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général, 14 octobre 2023.
([24]) Ainsi, le site internet https://locations.immobilier-etat.gouv.fr recense les mesures de publicité qu’il est nécessaire de réaliser préalablement aux délivrances d’autorisations d’occupation temporaire du domaine public, conformément aux dispositions de l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, qui prévoit des mesures de publicité et de sélections préalables à toute occupation du domaine public.
([25]) Rapport d’information fait au nom de la commission des finances, sur l’immobilier de la gendarmerie nationale, Sénat, n° 728, 10 juillet 2024.
([26]) Le décret n° 2019-771 a été pris en application de l’article 175 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi ÉLAN ». Le décret prévoit les mesures d’application permettant le respect de la trajectoire de réduction de la consommation d’énergie des bâtiments à usage tertiaire, qu’ils soient publics ou privés.
([27]) Rapport final du Comité d’évaluation du plan France Relance, volume II – Évaluation des dispositifs, France Stratégie, janvier 2024.
([28]) Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi « ÉLAN »).
([29]) Le térawattheure, abrégé en TWh, est l’unité d’énergie correspondant à un milliard de kilowattheures (kWh) ou mille milliards de wattheures. Il est employé pour quantifier la production et la consommation d’électricité à grande échelle, notamment dans les statistiques énergétiques nationales et internationales. L’énergie finale (ef) est la quantité d’énergie consommée et facturée à son point d’utilisation.
([30]) Directive (UE) 2023/1791 du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2023 relative à l’efficacité énergétique et modifiant le règlement (UE) 2023/955 (refonte) (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE).
([31]) On rappellera que l’étiquette énergie permet de connaître la consommation d’énergie primaire et comprend sept classes, allant de A à G (A correspondant à la meilleure performance, G à la plus mauvaise).
([32]) Outil de pilotage du parc immobilier mis en place par la DIE.
([33]) Le kWhEF mesure la quantité d’énergie disponible pour l’utilisateur final, mesurée par les compteurs.
([34]) Les travaux de rénovation énergétique produisent des certificats d’économies d’énergie (CEE) que les fournisseurs d’énergie rachètent (soit directement au maître d’ouvrage, soit à l’entreprise ayant réalisé les travaux, qui les déduit de la facture) pour justifier de leurs actions en matière de réduction de la consommation énergétique.
([35]) Ainsi pour la Finlande, l’administration répondante indiquait que Senate Group, la foncière publique qui gère l’immobilier public, a réduit de 70 % les émissions liées au cycle de vie des bâtiments entre 2012 et 2020.
([36]) Article 63 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.