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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 décembre 2024
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 146-3, alinéa 6, du Règlement
PAR le comitÉ d’Évaluation et de contrÔle des politiques publiques
sur l’évaluation des politiques publiques pour favoriser l’accès à la culture des personnes en situation de handicap
ET PRÉSENTÉ PAR
Mme Sophie METTE et M. Yannick MONNET
Députés
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Pages
PARTIE I : DES DROITS BIEN ÉTABLIS, INÉGALEMENT MIS EN ŒUVRE
A. LES PRINCIPES POSÉS PAR LES TEXTES EUROPÉENS ET INTERNATIONAUX
B. L’ÉVOLUTION DU CADRE JURIDIQUE NATIONAL SUR LA PRISE EN COMPTE DES HANDICAPS
1. Une obligation large d’accessibilité des lieux culturels
3. Des dispositions spécifiques sur l’accès à certaines œuvres culturelles
a. L’accessibilité des programmes audiovisuels
II. UNE MISE EN ŒUVRE PROGRESSIVE ET INÉGALE DU DROIT A L’ACCESSIBILITÉ ET DES DONNÉES PARCELLAIRES
B. L’ACCESSIBILITÉ DES CINÉMAS
1. Des obligations globalement bien respectées
2. Un dispositif jugé perfectible
D. L’ACCESSIBILITÉ DU LIVRE RESTE EN COURS DE CONSTRUCTION AVEC SES MULTIPLES ACTEURS
E. LE VASTE CHANTIER DE L’ACCESSIBILITÉ NUMÉRIQUE
I. UNE GRANDE DIVERSITÉ DE BÉNÉFICIAIRES ET DE STRUCTURES
A. DE TRÈS NOMBREUSES PERSONNES CONCERNÉES PAR LE HANDICAP
1. Une définition claire du handicap, socle des droits à l’accessibilité
2. Plusieurs évaluations établissent le nombre très important de personnes en situation de handicap
B. UNE OFFRE CULTURELLE RICHE ET VARIÉE MAJORITAIREMENT PORTÉE PAR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
1. Le ministère de la culture, ses opérateurs et services déconcentrés
a. Les différentes directions et grands opérateurs interviennent dans le champ de l’accessibilité
b. La gestion particulière du Pass culture
a. Le ministère en charge des personnes en situation de handicap
b. Le ministère de l’éducation nationale
c. D’autres départements ministériels porteurs de programmes
3. Une interministérialité progressivement mise en œuvre
4. Le rôle déterminant du Conseil national consultatif des personnes handicapées et des associations
B. DES FINANCEMENTS ÉPARS, LARGEMENT DÉCONCENTRÉS
1. Des actions réparties entre de nombreux programmes budgétaires
2. Le Fonds accessibilité : une dotation budgétaire novatrice mais bien modeste
3. Des financements à la main des grands opérateurs de la culture
4. La contribution décisive des collectivités territoriales
II. DES OUTILS D’ACCESSIBILITÉ PROMETTEURS MAIS ENCORE PEU DÉVELOPPÉS
A. LE LANGAGE FACILE À LIRE ET À COMPRENDRE (FALC)
B. LES NOUVELLES TECHNOLOGIES AU SERVICE DE L’ACCESSIBILITÉ
III. L’ENJEU DU COÛT DES ÉQUIPEMENTS
PARTIE IV : DIX PRÉALABLES POUR FAVORISER L’ACCESSIBILITÉ DE LA CULTURE
I. FAIRE FIGURER L’ACCESSIBILITÉ DANS LES OBJECTIFS DES ACTEURS CULTURELS
II. REMÉDIER AUX RUPTURES D’ACCESSIBILITÉ
A. L’ACCESSIBILITÉ DES LIEUX CULTURELS DOIT FAIRE L’OBJET D’UN TRAITEMENT PRIORITAIRE
A. MIEUX REPRÉSENTER LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP DANS LES CONTENUS CULTURELS
1. L’accès aux formations d’enseignement supérieur artistique doit être amélioré
2. L’inclusion passe par l’accès des personnes en situation de handicap aux métiers de la culture
V. AMÉLIORER L’ACCÈS A LA CULTURE DANS LES ETABLISSEMENTS ET SERVICES MEDICO-SOCIAUX
VI. AMÉLIORER L’ACCESSIBILITÉ DES ACTIVITÉS ARTISTIQUES
VIII. REMÉDIER AUX PROGRAMMATIONS INADAPTÉES ET AMÉLIORER L’INFORMATION
IX. SENSIBILISER L’ENSEMBLE DES ACTEURS CULTURELS À L’ACCESSIBILITÉ DES ŒUVRES ET DES SPECTACLES
A. LES FORMATIONS ARTISTIQUES ET D’ARCHITECTURE DOIVENT MIEUX PRENDRE EN COMPTE LES HANDICAPS
B. LES INTERVENANTS, LES ACCOMPAGNATEURS ET LES MEDIATEURS CULTURELS
ANNEXE N° 1 : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS
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Proposition n° 1 : Compléter les projets annuels de performances des missions « Culture » et « Médias, livre et industries culturelles » ainsi que l’annexe budgétaire consacrée aux avances à l’audiovisuel public, par des objectifs et indicateurs relatifs à l’accessibilité des lieux et des œuvres, définis avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Proposition n° 2 : En concertation avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, intégrer systématiquement un objectif d’accessibilité des manifestations et des œuvres aux cahiers des missions et des charges des structures labellisées au fur et à mesure de leur renouvellement, ainsi qu’aux contrats d’objectifs et de performance des opérateurs du ministère de la culture et dont l’absence de mise en œuvre sera sanctionnée.
Proposition n° 3 : Inclure un critère d’accessibilité dans les appels à projets culturels au‑delà d’un certain seuil budgétaire.
Proposition n° 4 : Soutenir la mise aux normes d’accessibilité des lieux de culture en rendant les petits établissements culturels systématiquement éligibles au fonds territorial d’accessibilité, en incluant des mécanismes d’évaluation en lien avec des experts sur les questions d’accessibilité.
Proposition n° 5 : En concertation avec les représentants de personnes en situation de handicap, prévoir, dans la mesure du possible, dès leur création, l’accessibilité des œuvres aux différentes formes de handicap.
Proposition n° 6 : Mettre en place une certification nationale pour les contenus Facile à lire et à comprendre (FALC) de nature à faciliter le développement des structures créatrices de contenus et l’emploi de personnes en situation de handicap dans ce cadre.
Proposition n° 7 : Compléter les aides du Centre national du livre (CNL) destinées au soutien aux éditeurs par une aide dédiée à la publication d’œuvres Facile à lire et à comprendre (FALC).
Proposition n° 8 : Développer les supports en Facile à lire et à comprendre (FALC) dans les lieux de culture, les établissements et services médico‑sociaux et les écoles.
Proposition n° 9 : Prévoir la réalisation d’au moins un support en Facile à lire et à comprendre (FALC) dans tous les établissements culturels nationaux, en particulier les musées.
Proposition n° 10 : Renforcer significativement le Fonds accessibilité du ministère de la culture aujourd’hui doté de moins d’un million d’euros, pour faciliter l’accès aux œuvres. Envisager une répartition favorisant les territoires les moins dotés en ressources culturelles.
Proposition n° 11 : Dans le cadre d’une concertation menée avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, élaborer un guide des experts en situation de handicap dans le secteur de l’audiovisuel.
Proposition n° 12 : Dans le cadre des soutiens accordés par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), envisager un bonus en faveur des films dont les équipes comportent des personnes en situation de handicap.
Proposition n° 13 : Prévoir systématiquement l’accessibilité des scènes lors des projets d’aménagements, de rénovations ou les nouveaux projets de salles de spectacles.
Proposition n° 14 : Développer l’offre de livres à la disposition des élèves et des enseignants en FALC et en braille, en particulier dans les écoles accueillant des élèves d’unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis).
Proposition n° 15 : Dans le cadre de la réforme du Pass culture, recentrer le dispositif sur les publics les plus éloignés de la culture, en particulier les jeunes en situation de handicap. Mieux identifier l’offre accessible à toutes les formes de handicap sur la plateforme du Pass culture et accompagner les jeunes en situation de handicap pour son utilisation.
Proposition n° 16 : Accompagner la mise en œuvre et l’utilisation du Pass culture pour les jeunes accueillis dans des établissements et services médico‑sociaux.
Proposition n° 17 : En concertation avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, développer, à partir de la plateforme Acceslibre, un module dédié à l’accessibilité des établissements et manifestations culturelles.
Proposition n° 18 : En concertation avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, intégrer de manière systématique un module dédié à l’accueil et à la prise en compte des publics et aux handicaps dans les formations relatives aux métiers de la culture et de l’architecture.
Proposition n° 19 : En concertation avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, sensibiliser les architectes des bâtiments de France (ABF) au caractère prioritaire de l’accessibilité des monuments historiques ouverts au public.
Proposition n° 20 : Former régulièrement les conférenciers et les personnels des établissements culturels en charge de l’accueil des publics à la prise en compte des handicaps et à la manipulation des matériels de médiation dédiés.
Proposition n° 21 : À l’occasion des 20 ans de la loi de 2005, communiquer auprès des acteurs culturels sur leurs obligations en terme d’accessibilité ; mettre à jour et en évidence sur le site internet ministériel les guides dédiés publiés par le ministère de la culture.
Proposition n° 22 : En lien avec les représentants locaux de personnes en situation de handicap, charger les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) du recensement et de l’évaluation de l’accessibilité des structures labellisées et la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle de la centralisation des données et de l’évaluation consolidée.
Proposition n° 23 : Confier à un comité d’usagers en situation de handicap le suivi des informations figurant sur la plateforme Acceslibre et la bonne coordination de celle‑ci avec l’application du Pass culture.
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Le 9 novembre 2023, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a inscrit à son programme de travail une évaluation des politiques publiques pour favoriser l’accès à la culture des personnes en situation de handicap et a désigné comme rapporteurs Mme Sophie Mette (Dem) et M. Yannick Monnet (GDR). Le 3 octobre 2024, le CEC a renouvelé cette désignation, afin d’achever les travaux interrompus par la dissolution de l’Assemblée nationale intervenue le 9 juin 2024.
Évaluer une politique publique, en l’espèce, celle de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap, nécessite de connaître son cadre juridique et les modalités de sa mise en œuvre, d’identifier les besoins de la population à laquelle elle s’adresse, les acteurs concernés ainsi que l’état des lieux de l’accessibilité existante pour ensuite s’interroger sur l’efficacité, la pertinence, l’impact, la cohérence et l’efficience des moyens mis en œuvre pour la conduire.
L’objet du présent rapport n’est pas de traiter de l’accessibilité dans son ensemble mais bien de l’accès à la culture, source d’inclusion, d’émancipation, d’apprentissage et d’épanouissement des personnes en situation de handicap… et d’en traiter toutes les dimensions.
Le handicap et la culture recouvrent des réalités très diverses. Or, trop souvent, l’accessibilité est appréhendée à l’aune des seuls handicaps physiques et sensoriels, laissant au second plan la question de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap cognitif ou psychique.
Le champ de la culture et des politiques culturelles est vaste : de l’archéologie à l’audiovisuel, en passant notamment par les musées, les archives, le patrimoine et l’architecture, les arts visuels, la danse, la musique, le théâtre, le livre et les industries culturelles.
Trop souvent, l’accès à la culture est appréhendé à travers le seul prisme de l’accessibilité des lieux de culture et de certains contenus culturels. Or, au‑delà de cette dimension importante, il convient également d’examiner la capacité des personnes en situation de handicap à être des acteurs à part entière de la culture et à participer pleinement à la création artistique et culturelle.
De surcroît, élus de ce qu’il est convenu d’appeler les « territoires », les rapporteurs sont très sensibles à la question de la répartition géographique des ressources culturelles accessibles, condition fondamentale pour un accès réel à la culture des personnes en situation de handicap, où qu’elles se trouvent.
Après avoir rappelé le cadre juridique de l’accessibilité à la culture des personnes en situation de handicap et les modalités de sa mise en œuvre (I), les rapporteurs se sont attachés à recenser les destinataires et les nombreux acteurs de cette politique publique protéiforme (II) ; ils ont ensuite dressé un panorama des initiatives locales et des outils destinés à améliorer l’accessibilité de la culture (III) ; enfin, ils suggèrent des orientations qui leur paraissent nécessaires à la structuration et au suivi de l’action publique ainsi qu’à l’amélioration de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap (IV).
Les rapporteurs tiennent à remercier tous les acteurs qui, dans le cadre d’auditions, de visites, de réponses à des questionnaires ou de transmissions de documents, ont apporté leur précieux concours à leurs travaux.
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PARTIE I :
DES DROITS BIEN ÉTABLIS, INÉGALEMENT MIS EN ŒUVRE
Les droits des personnes en situation de handicap en matière d’accès à la culture trouvent leur fondement dans de nombreux textes internationaux, européens et nationaux dont la mise en œuvre est inégale.
Malgré l’absence de données consolidées et de suivi par les innombrables acteurs centraux et locaux, les rapporteurs ont pu constater que l’accès à la culture, dans ses différentes dimensions, progresse, y compris dans des domaines non encadrés par la loi. Pour autant, les obligations légales ont conduit à se concentrer sur l’accessibilité des lieux et de certaines œuvres culturels que sur la participation à la création artistique.
I. L’ACCÈS À LA CULTURE DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP : UNE ÉVOLUTION PROGRESSIVE DES DROITS
Le droit des personnes en situation de handicap de participer à la vie culturelle relève d’une construction progressive, tant au niveau national qu’à l’échelle européenne et internationale.
A. LES PRINCIPES POSÉS PAR LES TEXTES EUROPÉENS ET INTERNATIONAUX
Le droit international s’est attaché à reconnaître des droits aux personnes en situation de handicap en matière d’accès à la vie sociale et culturelle.
L’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 garantit notamment « le droit de toute personne de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent ».
L’article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 engage les États parties à reconnaître à chacun « le droit de participer à la vie culturelle ».
L’article 30 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées signée à New York le 30 mars 2007 et dont la ratification par la France a été autorisée par la loi n° 2009‑1791 du 31 décembre 2009, consacre « le droit des personnes handicapées de participer à la vie culturelle sur la base de l’égalité avec les autres ».
Article 30. Participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports
1. Les États Parties reconnaissent le droit des personnes handicapées de participer à la vie culturelle, sur la base de l’égalité avec les autres, et prennent toutes mesures appropriées pour faire en sorte qu’elles :
a) Aient accès aux produits culturels dans des formats accessibles ;
b) Aient accès aux émissions de télévision, aux films, aux pièces de théâtre et autres activités culturelles dans des formats accessibles ;
c) Aient accès aux lieux d’activités culturelles tels que les théâtres, les musées, les cinémas, les bibliothèques et les services touristiques, et, dans la mesure du possible, aux monuments et sites importants pour la culture nationale.
2. Les États Parties prennent des mesures appropriées pour donner aux personnes handicapées la possibilité de développer et de réaliser leur potentiel créatif, artistique et intellectuel, non seulement dans leur propre intérêt, mais aussi pour l’enrichissement de la société.
3. Les États Parties prennent toutes mesures appropriées, conformément au droit international, pour faire en sorte que les lois protégeant les droits de propriété intellectuelle ne constituent pas un obstacle déraisonnable ou discriminatoire à l’accès des personnes handicapées aux produits culturels.
4. Les personnes handicapées ont droit, sur la base de l’égalité avec les autres, à la reconnaissance et au soutien de leur identité culturelle et linguistique spécifique, y compris les langues des signes et la culture des sourds. (…).
À l’échelle européenne, le traité d’Amsterdam de 1997 est le premier texte à avoir intégré le principe de « non-discrimination en raison du handicap ». Adoptée trois ans plus tard (2000), la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a poursuivi l’élaboration d’un cadre juridique de la protection des personnes en situation du handicap, en interdisant toute discrimination fondée sur le handicap (article 21). Par ailleurs, l’article 26 de la Charte précise que « l’Union reconnaît et respecte le droit des personnes handicapées à bénéficier de mesures visant à assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur participation à la vie de la communauté ».
Depuis 2004, l’Union européenne a engagé plusieurs initiatives en faveur des personnes en situation de handicap, dont la dernière couvre la période 2021‑2030 et s’articule autour de trois thèmes principaux : la non‑discrimination, l’égalité des chances et l’accès des personnes en situation de handicap à la culture et au tourisme.
B. L’ÉVOLUTION DU CADRE JURIDIQUE NATIONAL SUR LA PRISE EN COMPTE DES HANDICAPS
Une succession de textes se sont efforcés de concrétiser les droits des personnes en situation de handicap, en particulier en matière de participation à la vie sociale et culturelle.
Pionnier en matière de droits sociaux et culturels, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que « la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture ».
Trente ans plus tard, la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées, qui fait notamment de l’intégration sociale des personnes en situation de handicap « une obligation nationale » (art. 1er), constitue le premier texte législatif sur le handicap. En conséquence, l’action de l’État devait désormais assurer « l’accès du mineur et de l’adulte handicapé aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population », champ qui inclut, de façon évidente, les lieux et les espaces culturels.
La loi crée le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), instance consultative placée auprès du ministre chargé des personnes en situation de handicap.
Par la suite, les travaux menés à partir de la fin des années 1980 ont attaché un intérêt particulier à l’inclusion des personnes en situation de handicap.
Dans la continuité, la loi n° 91‑663 du 13 juillet 1991 portant diverses mesures destinées à favoriser l’accessibilité aux personnes handicapées des locaux d’habitation, des lieux de travail et des installations recevant du public a étendu aux espaces de travail l’obligation d’accessibilité déjà énoncée par la précédente loi de 1975. Est alors mis en place un contrôle de l’accessibilité des établissements recevant du public (ERP), dont l’ouverture est conditionnée à la délivrance d’une autorisation constatant le respect de l’obligation d’accessibilité du bâti.
Par la suite, la loi n° 2000‑1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains a apporté des modifications substantielles au code de l’urbanisme en consacrant l’obligation d’accessibilité des espaces publics urbains.
Enfin, la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées constitue une étape fondatrice en adoptant une approche inclusive des différentes formes de handicap.
Ce texte précise par ailleurs que « toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté » (art. L. 114-1 du code de l’action sociale et des familles [CASF]). Dans ce cadre, une prestation de compensation du handicap (PCH) est mise en place (art. 11 et 12 de la loi n° 2005-102), dont le principe est codifié dans le CASF (art. L. 245-1 : « Toute personne handicapée […] a droit à une prestation de compensation qui a le caractère d’une prestation en nature qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces »). Cette prestation doit permettre aux personnes en situation de handicap de mener une vie sociale la plus normale possible : de fait, la PCH est destinée à financer des aides humaines et techniques. En matière d’aide humaine, l’un des actes essentiels de l’existence prévu par le référentiel d’accès à la PCH de l’annexe 2‑5 du code de l’action sociale et des familles porte sur la « participation à la vie sociale ». La notion de participation à la vie sociale repose fondamentalement sur les besoins d’aide humaine pour se déplacer à l’extérieur et pour communiquer afin d’accéder notamment aux loisirs, à la culture et à la vie associative. La PCH permet de mobiliser jusqu’à 30 heures par mois d’aide humaine au titre de la participation à la vie sociale.
Sont également créées dans chaque département des maisons départementales des personnes handicapées (art. 64 de la loi n° 2005-102), dont la vocation est d’exercer « une mission d’accueil, d’information, d’accompagnement et de conseil des personnes handicapées et de leur famille, ainsi que de sensibilisation de tous les citoyens au handicap » (art. L. 146-3 du CASF).
La loi instaure une conférence nationale du handicap, tous les trois ans à compter du 1er janvier 2006.
De façon novatrice, elle consacre un principe général d’accessibilité des espaces de la vie ordinaire à tout type de handicap. Les lieux culturels n’échappent pas à cette définition extensive du champ de l’accessibilité.
1. Une obligation large d’accessibilité des lieux culturels
La loi précitée du 11 février 2005 édicte un certain nombre d’obligations relatives à l’accessibilité physique des lieux ; son troisième chapitre, intitulé « Accessibilité » (art. 19 à 54), apporte de substantielles modifications aux régimes d’accès des personnes en situation de handicap à tous les lieux de la vie sociale et consacre des obligations de résultats et de délais que doivent respecter les établissements recevant du public (ERP). Il prévoit notamment un principe d’accessibilité totale des systèmes de transports urbains aux personnes handicapées et à mobilité réduite (art. 45), ainsi que la création d’une commission communale pour l’accessibilité aux personnes handicapées dans toutes les communes françaises de plus de 5 000 habitants (art. 46). Autrement dit, les ERP ont désormais vocation à garantir leur accessibilité totale.
Modifié par le texte de loi, le code de la construction et de l’habitation (CCH) prévoyait ainsi que « les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs (…) des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public (…) doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique » ([1]). Le même code précisait (dans sa version antérieure à l’ordonnance du 29 janvier 2020) que « les établissements existants recevant du public doivent être tels que toute personne handicapée puisse y accéder, y circuler et y recevoir les informations qui y sont diffusées, dans les parties ouvertes au public. L’information destinée au public doit être diffusée par des moyens adaptés aux différents handicaps ».
Un décret d’application du 17 mai 2006 est venu préciser qu’« est considéré comme accessible aux personnes handicapées tout bâtiment ou aménagement permettant, dans des conditions normales de fonctionnement, à des personnes handicapées, avec la plus grande autonomie possible, de circuler, d’accéder aux locaux et équipements, d’utiliser les équipements, de se repérer, de communiquer et de bénéficier des prestations en vue desquelles cet établissement ou cette installation a été conçu. Les conditions d’accès des personnes handicapées doivent être les mêmes que celles des personnes valides ou, à défaut, présenter une qualité d’usage équivalente ».
Au‑delà de l’accessibilité physique des bâtiments, la notion d’accessibilité s’étend donc aux œuvres présentées et aux prestations proposées dans les lieux culturels.
La loi de 2005 prévoyait enfin la mise en œuvre de l’obligation d’accessibilité des établissements recevant du public (ERP) à échéance du 1er janvier 2015. L’impossibilité constatée de respecter cette échéance a conduit le Gouvernement à prendre une ordonnance ([2]) qui simplifie et explicite les normes d’accessibilité et instaure des agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP), documents de programmation pluriannuelle qui permettent d’organiser les travaux dans un délai de 3 à 9 ans. Des dérogations sont prévues par le code de la construction et de l’habitation (CCH) (art. L. 164-3) en cas d’impossibilité technique, de disproportion manifeste entre les améliorations apportées par la mise en œuvre des prescriptions techniques d’accessibilité et leurs coûts, et enfin en cas de contraintes liées à la préservation du patrimoine architectural. Ces dérogations sont de nature à avoir des conséquences négatives sur l’accès aux espaces culturels puisque nombre de sites patrimoniaux ouverts à la visite sont protégés au titre des monuments historiques.
La nouvelle rédaction du CCH, issue de l’ordonnance précitée du 29 janvier 2020, consacre les objectifs généraux d’accessibilité à destination des établissements recevant du public existants. D’une part, les installations ouvertes au public et les établissements recevant du public dans un cadre bâti « sont rendus accessibles, dans les parties ouvertes au public » (art. L. 164-1 du CCH). D’autre part, l’ordonnance codifie l’obligation pour les propriétaires et les exploitants d’ERP qui ne répondaient pas, au 31 décembre 2014, aux exigences d’accessibilité précitées, d’élaborer un agenda d’accessibilité programmée, qui « comporte une analyse des actions nécessaires pour que l’établissement réponde à ces exigences et prévoit le programme et le calendrier des travaux ainsi que les financements correspondants » (art. L 165-1 du CCH).
2025 sera donc à la fois l’année des 20 ans de la loi fondatrice de 2005 et celle des 10 ans de la ratification de l’ordonnance adaptant les conditions de mise en œuvre de l’accessibilité bâtimentaire.
La loi précitée du 11 février 2005 a par ailleurs posé pour la première fois un principe général d’accessibilité des services de communication en ligne des services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent en faveur des personnes en situation de handicap ([3]).
La loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a étendu cette obligation d’accessibilité aux organismes délégataires d’une mission de service public et aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 250 M€.
Rendre les services de communication au public en ligne accessibles signifie qu’ils doivent être perceptibles (par exemple, proposer des équivalents textuels à tout contenu non textuel ou proposer une mise en page simplifiée), utilisables (par exemple en rendant toutes les fonctionnalités accessibles au clavier, ou en ne concevant pas de contenu susceptible de provoquer des crises d’épilepsie), compréhensibles (en aidant l’utilisateur à corriger les erreurs de saisie), robustes (en optimisant la compatibilité avec les utilisations actuelles et futures).
Cette obligation générale s’applique évidemment aux services de communication en ligne des acteurs du champ culturel.
Plusieurs structures ne sont pas soumises à ces obligations parmi lesquelles figurent les services de communication au public en ligne des fournisseurs de services de médias audiovisuels et les reproductions de pièces de collections patrimoniales qui ne peuvent être rendues totalement accessibles. Par ailleurs, les exigences légales en matière d’accessibilité sont mises en œuvre dans la mesure où elles ne créent pas une charge disproportionnée pour l’organisme concerné, notion définie par plusieurs critères.
Afin d’évaluer la conformité du service de communication en ligne, l’organisme doit conduire un audit d’accessibilité – effectué par l’organisme lui‑même ou par un tiers – qui donne lieu à une déclaration d’accessibilité, respectant certains critères et publiée sur internet dans un format accessible.
Pour faciliter la mise en accessibilité des sites et services numériques, la direction interministérielle du numérique (DINUM) édite le référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA) dont la quatrième version est aujourd’hui en vigueur et propose un cadre opérationnel de vérification de la conformité aux exigences d’accessibilité fondée sur 106 critères.
L’ordonnance du 6 septembre 2023 a confié à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) la responsabilité du contrôle et du suivi de l’accessibilité numérique initialement confiée au ministère chargé des personnes en situation de handicap.
Au titre de sa mission consistant à veiller au respect d’un certain nombre d’obligations relatives à l’accessibilité des services numériques (sites internet, applications mobiles, intranets…), l’Arcom doit s’assurer que les pages d’accueil des services concernés comportent une mention claire de conformité aux règles d’accessibilité, ainsi qu’un accès au schéma pluriannuel de mise en accessibilité, et permettent facilement aux usagers de signaler les manquements aux règles d’accessibilité. En cas de manquements relevés par des agents assermentés, l’Arcom peut mettre en demeure les personnes morales concernées de se conformer aux dispositions légales, voire prononcer des sanctions pécuniaires d’un maximum de 25 000 € ([4]). Sont ainsi concernées les personnes morales de droit public, les personnes morales de droit privé délégataires d’une mission de service public, les entreprises dont le chiffre d’affaires excède un seuil fixé par décret.
En ce qui concerne les deux premiers acteurs, l’Arcom est également compétente pour contrôler la conformité des services numériques au référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA) ; la non-conformité d’un service aux exigences en matière d’accessibilité, constatée par des agents assermentés, peut conduire l’Arcom à mettre en demeure l’entité de se conformer à ses obligations légales. De même, en cas de manquement persistant, elle peut prononcer des sanctions pécuniaires d’un montant maximal de 50 000 €.
3. Des dispositions spécifiques sur l’accès à certaines œuvres culturelles
a. L’accessibilité des programmes audiovisuels
La loi du 11 février 2005 a modifié la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication afin de créer de nouvelles obligations à destination des chaînes de télévision nationales ([5]) quant à l’accessibilité des programmes.
Les chaînes de télévision publiques, ainsi que les chaînes privées dont l’audience nationale dépasse 2,5 % de l’audience totale des services de télévision, ont l’obligation de rendre accessible aux personnes sourdes ou malentendantes la totalité de leurs émissions à l’exception de certains programmes dérogatoires ([6]). Cette obligation concerne les chaines publiques (France 2, France 3, France 4 et France 5) ainsi que les chaînes privées TF1, Canal+, M6, C8, W9 et TMC.
Pour les chaînes de télévision privées dont l’audience est inférieure à 2,5 % de l’audience totale des services de télévision, une convention conclue avec l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) fixe les proportions des programmes accessibles.
S’agissant des chaînes n’utilisant pas de fréquences assignées par l’Arcom, adossées à un groupe audiovisuel éditant des programmes sur la télévision numérique terrestre (TNT) gratuite, leurs conventions prévoient qu’elles rendent accessibles de 10 % à 20 % de leurs programmes aux personnes sourdes ou malentendantes.
La loi du 30 septembre 1986 n’impose aucune obligation aux opérateurs audiovisuels en matière d’interprétation en langue des signes française (LSF) mais les conventions conclues par plusieurs chaînes avec l’Arcom comprennent des engagements en la matière. C’est ainsi le cas de chaînes destinées au jeune public qui s’engagent à proposer des émissions relatives à l’univers des personnes sourdes ou malentendantes, en langue des signes, ou d’apprentissage de la LSF. De même, l’article 3-1-4 de la convention du service Canal+ prévoit que « dans le cadre de la diffusion d’une émission culturelle en clair, l’éditeur s’engage à diffuser chaque semaine au sein de cette émission une séquence accompagnée d’une traduction en langue des signes ».
La loi du 30 septembre 1986 prévoit que les cahiers des charges des sociétés de l’audiovisuel public et les conventions des chaînes privées dont l’audience nationale dépasse 2,5 % de l’audience totale des services de télévision définissent les proportions de programmes accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes, en particulier aux heures de grande écoute.
Concrètement, l’ensemble des conventions conclues par l’Arcom avec les chaînes de la TNT comprennent des obligations de contenus audiodécrits.
Ainsi, les conventions des services TF1 et M6 fixaient à 100 le nombre de programmes devant être proposés en audiodescription dont 55 de programmes inédits. Dans la nouvelle convention signée en avril 2023 avec les deux chaînes à la suite de l’appel à candidatures lancé le 7 décembre 2022, cette obligation a été rehaussée à 375 contenus audiodécrits par an d’ici 2027.
Les conventions des chaînes prévoient annuellement au moins 25 programmes inédits en audiodescription pour C8, W9 et TMC, 24 pour RMC Story, 12 pour L’Équipe, RMC Découverte et Chérie 25.
À l’occasion de la procédure de reconduction simplifiée des autorisations de cinq chaînes, leurs obligations en matière d’audiodescription ont été rehaussées.
obligations et diffusion de programmes audiodécrits
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Source : Arcom – L’accessibilité des contenus audiovisuels et numériques aux personnes en situation de handicap et la représentation des personnes handicapées dans les programmes – Exercice 2022.
Pour France Télévisions, ces obligations sont précisées par voie réglementaire à l’article 38 de son cahier des charges modifié par un décret de décembre 2013 ([7]).
Article 38 du cahier des charges de France Télévisions
L’accès des programmes aux personnes handicapées
I.-France Télévisions rend accessibles les programmes de ses services de télévision aux personnes sourdes ou malentendantes dans les conditions suivantes.
La totalité des programmes de France 2, France 3, France 4 et France 5 est accessible, à l’exception des messages publicitaires, des mentions de parrainage, des chansons interprétées en direct, des bandes annonces, des compétitions sportives retransmises en direct entre minuit et 6 heures du matin et des programmes régionaux et locaux.
Franceinfo diffuse quotidiennement au moins six heures de programmes accessibles réparties entre la matinée, l’après-midi et la soirée, dont trois éditions d’information traduites en langue des signes. Toutefois, le nombre d’éditions traduites en langue des signes est fixé à deux en 2023.
En outre, France Télévisions s’efforce de développer, en concertation avec les associations de personnes sourdes ou malentendantes, un outil visant à rendre accessible la totalité des programmes de Franceinfo lors de leur reprise intégrale et simultanée sur internet.
II.-France Télévisions rend accessibles les programmes de ses services de télévision aux personnes aveugles ou malvoyantes dans les conditions suivantes.
France Télévisions diffuse chaque année au moins 1 500 heures de programmes audiodécrits, dont les deux tiers au moins sont diffusés aux jours et heures mentionnés au premier alinéa du III de l’article 9 du présent cahier des charges. Toutefois, ce volume est fixé à 1 300 heures en 2023 et 1 400 heures en 2024.
La société s’efforce de diversifier les genres de programmes audiodécrits et de proposer en particulier des programmes à destination des enfants et des adolescents.
III.-France Télévisions rend accessibles les programmes de ses services de médias audiovisuels à la demande aux personnes sourdes ou malentendantes et aux personnes aveugles ou malvoyantes dans les conditions suivantes.
L’ensemble des programmes des services de télévision accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes ou aux personnes aveugles ou malvoyantes sont également rendus accessibles lorsqu’ils sont proposés par un service de médias audiovisuels à la demande édité par France Télévisions.
Lorsque France Télévisions conclut un accord de distribution de ses services de médias audiovisuels à la demande, elle propose aux distributeurs la reprise de l’accessibilité aux personnes sourdes ou malentendantes et aux personnes aveugles ou malvoyantes.
France Télévisions rend également accessible, respectivement à destination des personnes sourdes ou malentendantes et des personnes aveugles ou malvoyantes, une part des programmes qu’elle finance au titre de la contribution à la production d’œuvres audiovisuelles prévue au IV de l’article 9 du présent cahier des charges et dont les contrats prévoient, au jour de la prise en compte des dépenses par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, qu’ils sont destinés exclusivement à une exploitation sur un service de médias audiovisuels à la demande. Cette part est fixée à :
-au moins 20 % pour l’accessibilité des programmes à destination des personnes sourdes ou malentendantes ;
-au moins 20 heures pour l’accessibilité des programmes à destination des personnes aveugles ou malvoyantes.
Pour tout nouveau programme introduit dans le catalogue de l’un de ses services, France Télévisions reprend sur ce service, lorsqu’ils existent et que la société en dispose, les dispositifs d’accessibilité existants.
IV.-France Télévisions veille à la qualité des moyens d’accessibilité qu’elle met en œuvre et à la diversité des genres de programmes accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes.
À ces fins, elle développe une concertation étroite avec les associations représentatives des personnes handicapées.
Elle veille à ce que les sous-titres mis à disposition sur ses services soient conformes à la charte de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique relative à la qualité du sous-titrage à destination des personnes sourdes ou malentendantes. De même, elle veille au respect de la charte de l’Autorité relative à la qualité pour l’usage de la langue des signes dans les programmes télévisés. En outre, elle veille à la bonne qualité de l’audiodescription. A cet effet, elle se réfère aux principes figurant dans le guide de bonnes pratiques rédigé par les auteurs d’audiodescription et la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes, sous l’égide de l’Autorité.
Elle s’assure également de l’accessibilité aux personnes aveugles ou malvoyantes de l’interface permettant la navigation dans le catalogue de programmes de ses services et rend compte à l’Autorité des dispositifs mis en place à cet effet.
La transposition de la Directive « Services de médias audiovisuels » (SMA) par l’ordonnance du 21 décembre 2020 a conduit à introduire des obligations d’accessibilité pour les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) dont l’éditeur est établi sur le territoire national. Cela concerne par exemple Canal VOD, Orange VOD, MyTF1… mais pas les grandes plateformes américaines (Netflix, Disney+, Amazon Prime Video, Max).
En application de l’article 33‑3 de la loi du 30 septembre 1986, les SMAD dont l’éditeur est établi en France concluent avec l’Arcom des conventions qui déterminent notamment « les proportions de programmes qui, par des dispositifs adaptés, sont accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes et aux personnes aveugles ou malvoyantes » ([8]). Ces obligations varient en fonction d’un seuil de chiffre d’affaires des SMAD, qui, dans le cadre des conventions conclues par l’Arcom avec les éditeurs, a été fixé à vingt millions d’euros.
L’article 7 de la directive SMA oblige les États membres de l’Union européenne à « veille[r], sans retard injustifié, à ce que les services fournis par les fournisseurs de services de médias relevant de leur compétence soient continuellement et progressivement rendus plus accessibles aux personnes handicapées » et ce, « au moyen de mesures proportionnées ». Depuis décembre 2022, les États membres sont tenus de rendre compte à la Commission européenne de la mise en œuvre de cette disposition, laquelle a fait l’objet de transpositions très différentes selon les États membres, s’agissant des œuvres, services et handicaps concernés. À titre d’exemple, selon un rapport de l’Observatoire européen de l’audiovisuel, les Pays-Bas, où se situe le siège européen de Netflix, ont limité les obligations d’accessibilité aux seuls services linéaires en excluant de fait les plateformes de vidéo à la demande. Par conséquent, dans le cadre de la réouverture de la directive SMA, les rapporteurs estiment opportun d’imposer à l’échelle européenne un cadre plus exigeant pour les grandes plateformes de vidéo à la demande en consacrant le cas échéant dans ce domaine le principe du pays de destination, qui permet à chaque État membre d’appliquer son cadre national aux services étrangers qui le ciblent.
L’ordonnance précitée de 2020 a également confié à l’Arcom la mission de s’assurer du renforcement continu et progressif, quantitatif et qualitatif, de l’accessibilité et d’en rendre compte dans son rapport annuel.
Avant l’introduction de cette mission, le contrôle, par l’Arcom, de la qualité de l’accessibilité des contenus s’est notamment traduit par l’élaboration d’une charte relative à la qualité du sous-titrage en 2011, d’une charte de qualité pour l’usage de la langue des signes française (LSF) dans les programmes télévisés en 2015, et d’un guide de l’audiodescription en 2020. Si ces documents constituent des textes de droit souple, l’Arcom les avaient introduits, depuis 2019, dans les conventions des services de télévision et des SMAD, leur donnant ainsi un caractère opposable. En 2022, des références à la charte relative à la qualité du sous-titrage, ainsi qu’au guide de l’audiodescription, ont ainsi été introduites dans les conventions des six chaînes de la TNT ayant fait l’objet d’une procédure de reconduction simplifiée.
Enfin, la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture a créé une nouvelle section consacrée à l’accessibilité des produits et services dans le code de la consommation qui prévoit que « les opérateurs économiques mettent sur le marché des produits et fournissent des services conformes aux exigences d’accessibilité prévues par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et des personnes handicapées » (art. L. 412-13). Le décret n° 2023-931 du 9 octobre 2023 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des produits et services précise les nouvelles obligations des prestataires de services, dont font partie les éditeurs et les distributeurs de services de communication audiovisuelle fournissant un accès à des services de médias audiovisuels. Ceux-ci doivent veiller « à concevoir et à fournir des services conformément aux exigences en matière d’accessibilité » (art. D. 412‑57 du code de la consommation), lesquelles sont définies par un arrêté du 9 octobre 2023 et seront applicables à partir du 28 juin 2025 aux services fournissant un accès à des services de médias audiovisuels.
La loi du 9 mars 2023 précitée modifie le code de la consommation pour habiliter les agents de l’Arcom à rechercher et à constater les infractions aux règles d’accessibilité définies par l’article L. 412-13 du code de ma consommation commises par les services des éditeurs et des distributeurs de services de communication audiovisuelle fournissant un accès à des services de médias audiovisuels (art. L. 511‑25‑1).
L’accessibilité du livre a évolué en plusieurs phases, suivant les évolutions du droit européen et international.
La directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, prévoyant le principe d’exception aux droits d’auteur pour les personnes en situation de handicap, a été transposée en droit français par la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.
Par la suite, la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine dite « loi LCAP » a amélioré l’exception au bénéfice des personnes en situation de handicap pour leur faciliter l’accès aux livres adaptés. L’Inspection générale des affaires culturelles dans un rapport de mai 2013 ([9]) estimait que la production annuelle de publications adaptées ne représentait que 3,5 % de l’offre « grand public » et l’offre globale, environ un dixième des références disponibles en France et estimait que la définition des bénéficiaires ne permettait pas de répondre aux besoins avérés de certains publics.
De plus, la directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services impose aux producteurs la mise en accessibilité généralisée de ces livres. Cette dernière a été transposée dans notre droit par la loi précitée du 9 mars 2023, et oblige les éditeurs à rendre accessibles leurs nouveaux livres numériques d’ici 2025, avant de l’étendre à l’ensemble de leurs collections en 2030. Un décret et un arrêté du 14 août 2023 précisent les conditions d’accessibilité des livres numériques et des logiciels nécessaires à leur utilisation. Dès le 28 juin 2025, le secteur du livre numérique devra se conformer aux exigences d’accessibilité.
De façon concrète, l’accessibilité des livres aux personnes en situation de handicap se traduit par des dispositions particulières en matière de droit d’auteur.
L’exception au droit d’auteur en faveur des personnes en situation de handicap est ainsi prévue au 7° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle ([10]) qui déroge au principe général de non‑reproductibilité d’une œuvre sans l’accord de l’auteur pour permettre aux personnes empêchées, du fait de leur handicap (déficience visuelle, handicap moteur, troubles Dys, etc.), de consulter l’œuvre dans sa forme initiale, d’accéder à un livre adapté à leurs besoins spécifiques qu’il s’agisse d’adaptations en gros caractères papier, braille, audio, en impression en relief ou en langue des signes sur support vidéo ou encore en différents fichiers (XML, PDF, EPUB, InDesign, HTML).
L’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle autorise la reproduction – hors droit d’auteur – de toute œuvre par des moyens adaptés en vue « d’une consultation strictement personnelle de l’œuvre par des personnes atteintes d’une ou de plusieurs déficiences des fonctions motrices, physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques et empêchées, du fait de ces déficiences, d’accéder à l’œuvre dans la forme sous laquelle l’auteur la rend disponible au public ».
Dans le cadre de la mise en œuvre de cette exception, la Plateforme de transfert des ouvrages numériques (PLATON), développée et administrée par la Bibliothèque nationale de France (BnF), a été ouverte en 2010 pour mettre en relation les demandeurs – les organismes habilités – et les éditeurs. Dans la pratique, les personnes en situation de handicap doivent s’adresser à des organismes habilités par le ministère de la culture et le ministère des solidarités et des familles pour enclencher le mécanisme de l’exception handicap et ainsi accéder à des œuvres adaptées à leur situation. On distingue deux types d’organismes habilités : les organismes agréés qui peuvent demander par l’intermédiaire de PLATON la mise à disposition du fichier numérique source ayant servi à l’édition de l’œuvre, d’une part, et les organismes « inscrits » qui ne peuvent récupérer via PLATON que des adaptations déjà réalisées par les organismes habilités ou procéder à des adaptations ne nécessitant pas d’agrément, d’autre part.
Source : Arcom
Une nouvelle mission de l’Arcom en faveur de l’accessibilité des livres numériques et des logiciels spécialisés a été introduite par la loi n° 2023‑171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture. À partir du 28 juin 2025 – date à laquelle les livres numériques et les logiciels spécialisés de flux devront être nativement accessibles – l’Arcom sera chargée de vérifier la conformité des livres numériques et des logiciels spécialisés aux exigences d’accessibilité, d’assurer le suivi des plaintes ou des rapports sur la non-conformité des livres numériques et des logiciels spécialisés aux exigences d’accessibilité et de vérifier que l’opérateur économique prend les mesures correctives nécessaires pour répondre aux exigences d’accessibilité (art. 48 modifié de la loi du 11 février 2005). L’Arcom évaluera également la validité des exemptions aux obligations légales que sont, d’une part, la « charge disproportionnée » et, d’autre part, la « modification fondamentale ».
Enfin, la loi n° 2021-1717 du 21 décembre 2021 relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique définit, pour sa part, les missions en matière d’accessibilité du livre dévolues aux bibliothèques des collectivités territoriales : celles-ci doivent « garantir l’égal accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs ainsi que de favoriser le développement de la lecture. À ce titre, elles (…) conçoivent et mettent en œuvre des services, des activités et des outils associés à leurs missions ou à leurs collections. Elles en facilitent l’accès aux personnes en situation de handicap ».
4. Une consécration législative des droits culturels et de l’objectif d’accès à la culture des personnes en situation de handicap
La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) puis la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP) ont inscrit dans la loi la notion de droits culturels, notion qui vise notamment à dépasser une approche fondée principalement sur l’accès aux équipements et œuvres culturels.
L’article 3 de la loi LCAP inscrit par ailleurs au plan législatif plusieurs objectifs de politique publique notamment celui de « mettre en œuvre, à destination de toutes les personnes, notamment de celles qui sont les plus éloignées de la culture, des publics spécifiques, ainsi que des jeunes, des actions d’éducation artistique et culturelle permettant l’épanouissement des aptitudes individuelles et favorisant l’égalité d’accès à la culture » et celui de « favoriser une politique de mise en accessibilité des œuvres en direction du public en situation de handicap et promouvoir les initiatives professionnelles, associatives et indépendantes visant à favoriser l’accès à la culture et aux arts pour les personnes en situation de handicap ainsi que leur contribution à la création artistique et culturelle ».
Est ainsi consacré un objectif d’accès à la culture dans une approche globale qui met l’accent sur l’épanouissement des aptitudes individuelles de chacun et la participation des personnes en situation de handicap à la création artistique et culturelle.
II. UNE MISE EN ŒUVRE PROGRESSIVE ET INÉGALE DU DROIT A L’ACCESSIBILITÉ ET DES DONNÉES PARCELLAIRES
Si l’objet du présent rapport n’est pas d’établir une évaluation de la mise en œuvre des droits liés à l’accessibilité générale des personnes en situation de handicap, il est important de souligner que, dans la continuité des observations finales formulées par le Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies, rendues publiques en septembre 2021, sur la mise en œuvre par la France de la convention internationale des droits des personnes handicapées, le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe a considéré, dans une décision du 17 avril 2023, que la situation des droits des personnes en situation de handicap en France contrevenait à certains articles de la Charte sociale européenne. En l’espèce, les associations plaignantes ([11]) estimaient qu’en l’état, le droit français n’offrait notamment aux personnes en situation de handicap ni un accès complet aux droits sociaux (garanti à l’article 14§1 de la Charte), ni un droit effectif à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale (art. 30). Après avoir sollicité des observations écrites de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, et au vu du déficit persistant d’accessibilité de nombreux bâtiments, de services de l’État, de logements et de transports publics, le Comité a constaté une violation de plusieurs droits garantis par la Charte, au motif que les autorités françaises n’avaient pas adopté dans un délai raisonnable une politique d’intégration sociale des personnes en situation de handicap.
À la suite de cette décision, les associations requérantes ont publié un communiqué ([12]) pour dénoncer l’attentisme des pouvoirs publics et déplorer que, près de 50 ans après la première loi sur l’accessibilité en 1975, le bâti, les transports, les informations ou les démarches administratives soient encore trop souvent inaccessibles, ce que les associations entendues dans le cadre du présent rapport ont souligné. Selon leur communiqué, « il y a urgence », à l’heure où « force est de constater que les droits des personnes en situation de handicap et de leurs familles ne sont toujours pas respectés ».
Dans un communiqué de presse du 14 septembre 2021 publié en réponse aux observations du Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies Mme Sophie Cluzel, alors secrétaire d’État chargée des personnes en situation de handicap, rappelait que le handicap avait été érigé au rang de priorité du quinquennat et indiquait qu’« avec un budget annuel de 51 milliards d’euros consacré aux politiques publiques du handicap, soit 2,2 % de la richesse produite chaque année, la France se positionne ainsi au 3e rang européen, derrière la Suède et le Danemark ».
En ce qui concerne plus particulièrement le champ culturel, les auditions réalisées par les rapporteurs et les réponses aux questionnaires qu’ils ont pu collecter permettent de disposer de données concernant l’accessibilité sans qu’un bilan exhaustif puisse être élaboré, compte tenu du nombre et de la dispersion des structures et des acteurs du secteur.
A. L’ACCESSIBILITÉ DES LIEUX CULTURELS : 20 ANS APRÈS, DES AMÉLIORATIONS MAIS PEU DE VISIBILITÉ SUR CE QU’IL RESTE À FAIRE
Selon les informations transmises par le ministère de la culture, à la fin de l’année 2023, 71 % des établissements recevant du public du ministère de la culture étaient accessibles en totalité (soit 57 établissements publics et 5 services à compétence nationale) et 29 % l’étaient partiellement (14 EP et 11 SCN), ce qui appelle des améliorations.
Ce bilan établi par le ministère de la culture met également en exergue la difficulté de procéder à un bilan chiffré des coûts supportés par ce ministère au titre de la mise en accessibilité de ses ERP. En effet, la plupart des travaux de mise en accessibilité sont englobés dans des opérations plus larges, ou dans des interventions de travaux de maintenance, qui ne permettent pas de distinguer les montants consacrés à la mise aux normes d’accessibilité.
Afin de sensibiliser les directions de tutelle et d’accorder une priorité renforcée aux travaux d’accessibilité, le ministère de la culture a missionné l’Inspection générale des affaires culturelles pour définir et quantifier ce qu’il reste à faire afin de tendre vers l’objectif de 100 % d’accessibilité, tout en précisant les limites bâtimentaires et budgétaires.
À la suite de la conférence nationale du handicap de 2023, afin d’accélérer les aménagements d’accessibilité, il a été décidé de créer un fonds spécifique aux petits établissements privés recevant du public (ERP), le fonds territorial d’accessibilité (FTA), doté de 300 M€, à compter de novembre 2023 jusqu’au 31 décembre 2028. Piloté par la délégation interministérielle à l’accessibilité (DIA), le FTA permet de bénéficier d’une subvention de l’État à hauteur de 50 % des travaux et équipements effectués mais n’est pas ouvert de droit aux établissements culturels ([13]). Les salles de spectacles ne sont donc, en principe, pas éligibles mais peuvent bénéficier d’une dérogation accordée par le sous-préfet référent sur les questions de handicap et d’inclusion de leur département en vue d’obtenir un cofinancement au titre du FTA. À titre d’illustration le sous‑préfet référent inclusion et handicap de Paris a rendu tous les établissements de type L (dont relèvent les salles de spectacle, selon la nomenclature du FTA) éligibles.
Localement, les commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité (CCDSA) publient des bilans annuels de leurs activités, incluant des informations sur l’accessibilité des ERP et des espaces publics, les actions menées et les avis rendus sur les projets d’agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP).
Entendue par les rapporteurs, la déléguée interministérielle à l’accessibilité a relevé que l’avancée des travaux de mise aux normes de près de deux millions d’établissements recevant du public était tangible. Toutefois, il n’existe aucune liste exhaustive des lieux d’ores et déjà accessibles et les données existantes sont éparpillées. Pour y remédier, la création d’un observatoire des données en matière d’accessibilité est soutenue par la délégation interministérielle à l’accessibilité (DIA). Depuis septembre 2024, la DIA enquête sur les besoins des élus et des associations représentant les personnes en situation de handicap tandis que la délégation ministérielle à l’accessibilité du ministère de la transition écologique travaille à la normalisation des données.
Les agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP) sont néanmoins suivis par les services déconcentrés de l’État et plus particulièrement par les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM). Une circulaire interministérielle à l’attention des préfets, signée par trois ministres le 15 mai 2024, leur demande de faire remonter auprès de l’administration centrale (DIA) pour le 15 juin 2024 au plus tard le bilan consolidé des Ad’AP de leur département. La DIA consolide actuellement les données transmises qui permettront d’établir un premier bilan du dispositif
En ce qui concerne les sites patrimoniaux, la direction générale des patrimoines et de l’architecture du ministère de la culture relève que, si leur mise en accessibilité fait partie des opérations que la direction peut accompagner financièrement (musées nationaux sous tutelle du ministère de la culture ou musées ayant reçu l’appellation « musée de France » aux travaux desquels le ministère peut contribuer par l’intermédiaire des directions régionales des affaires culturelles [DRAC]), il n’est pas possible d’isoler les montants relatifs aux travaux de mise en accessibilité.
Lors des auditions tenues par les rapporteurs, le président du CNCPH a regretté que les commissions de sécurité et d’accessibilité passent trop souvent la question de l’accessibilité au second plan et que, dès lors que les conditions de sécurité étaient réunies, l’autorisation d’ouverture était donnée même si l’accessibilité n’était pas achevée. L’Institut national des jeunes aveugles a, pour sa part, souligné que la signalisation indispensable à l’accès aux représentations était souvent défaillante.
Pour renseigner les usagers en situation de handicap sur l’accessibilité des ERP publics et privés, la plateforme collaborative Acceslibre, élaborée à partir de 2019 par le service « La Fabrique Numérique de l’Écologie », porté par le ministère de la transition écologique, permet aux personnes en situation de handicap de préparer au mieux leurs déplacements culturels.
La plateforme Acceslibre
Acceslibre est une plateforme collaborative en données ouvertes qui a pour objectif de permettre à tout individu en situation de handicap d’avoir accès aux informations indispensables (présence de places de parking adaptées, marches à l’entrée, personnel formé ou sensibilisé...) et de contribuer à l’alimentation et à l’actualisation de cette base de données.
Gérée par la délégation ministérielle à l’accessibilité du ministère de la transition écologique, cette plateforme recense tous les sites accueillant du public et pas seulement les lieux culturels. Néanmoins, en juin 2024, la plateforme recensait plus de 14 000 lieux culturels accessibles (de la librairie au théâtre national). La chaîne d’accessibilité des lieux y est décrite pour différents handicaps. Le Pass culture est également partie prenante de ce dispositif depuis quelques mois et, en juin 2024, avait intégré près de 35 % de ses lieux culturels partenaires sur la plateforme Acceslibre.
Acceslibre et AlloCiné ont signé le 24 mai 2023 une convention de partenariat afin de faciliter l’accès aux informations sur l’accessibilité des cinémas, directement via le site AlloCiné.
Faute de données centralisées sur l’accessibilité des sites culturels, ce qui, par exemple, pourrait être envisagé au niveau des DRAC, les rapporteurs ont pu obtenir des indications de différents acteurs culturels entendus au premier semestre 2024. Par ailleurs, les réponses aux questionnaires des principaux établissements et services nationaux du ministère de la culture ([14]) font, pour la plupart, état d’une accessibilité complète ou partielle de leurs sites tandis que des travaux d’accessibilité bâtimentaire ont été récemment programmés.
Ainsi, le Centre des musées nationaux (CMN) qui rassemble 110 monuments et 600 bâtiments a, dès le lancement du dispositif Ad’AP en 2015, évalué à 59 M€ les travaux de mise en accessibilité de 73 monuments. Ont ainsi été réalisés des travaux d’accessibilité au château d’Azay‑le‑Rideau en 2017 avec l’installation d’une salle de médiation, au château ducal de Cadillac‑sur‑Garonne en 2019 avec la création d’une visite virtuelle, au château de Bussy‑Rabutin en 2020 avec l’espace d’interprétation ou encore l’accessibilité totale du château de Villers‑Cotterêts. En 2023, le château de Rambouillet a fait l’objet d’importants travaux de restauration, en marge desquels a été créé un espace d’interprétation pour les jardins anglais, comprenant des dispositifs de médiation destinés aux visiteurs en situation de handicap. Plusieurs projets ont également été réalisés au sein de plusieurs monuments nationaux du CMN : traduction de films pédagogiques en LSF au cairn de Barnenez (Finistère) et à la maison d’Ernest Renan à Tréguier (Côtes‑d’Armor), déploiement de cartels en braille au château de Rambouillet (Yvelines), installation de maquettes tactiles à la Cité internationale de la langue française au château de Villers‑Cotterêts (Aisne) et à l’oppidum d’Ensérune (Hérault)… Ainsi, en 2023, plus de 150 visites et animations différentes adaptées aux personnes en situation de handicap ont été proposées dans une soixantaine de monuments nationaux.
Enfin, des travaux étaient en cours au futur musée des sacres de Reims et au Palais de la Cité à Paris, et le Plan de relance a ensuite permis de mener quatorze opérations sur des monuments historiques en région. Pour autant, ces travaux se font au gré des crédits annuellement disponibles.
En ce qui concerne les scènes nationales, certaines ne sont pas encore en capacité d’accueillir des publics en situation de handicap mais plus d’une vingtaine d’établissements ont été rénovés ces dernières années et d’autres mises aux normes sont en cours. L’essentiel des structures labellisées appartenant aux collectivités territoriales, ces dernières doivent faire appel à des maîtres d’ouvrage pour la mise aux normes des bâtiments, des financements étant alloués par la direction générale de la création artistique (DGCA).
L’accessibilité des cinémas est évoquée plus spécifiquement ci-après.
Le représentant de l’Association des maires de France entendu par les rapporteurs a souligné que les travaux d’accessibilité constituaient des défis techniques complexes à relever, notamment au regard du manque de moyens financiers des collectivités territoriales.
Tous secteurs confondus, les interlocuteurs des rapporteurs en sont convenus : beaucoup de travaux ont été menés notamment depuis 2015 et la mise en œuvre des agendas d’accessibilité programmée, mais beaucoup de travail reste à faire ; ce constat a été réitéré à l’occasion des jeux paralympiques.
B. L’ACCESSIBILITÉ DES CINÉMAS
Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a mis en place une mesure puissante en faveur de l’accessibilité : depuis 2020, les producteurs ont l’obligation de réaliser l’audiodescription et le sous-titrage de leurs films pour obtenir son agrément.
Selon une étude du CNC ([15]), 75 % des établissements déclaraient en 2022 être accessibles (68 % des établissements déclarant être totalement accessibles et 88 % disposer d’au moins une salle accessible). Toutefois, le parc des salles est très composite et le CNC ignore la part des salles mono‑écran accessibles aux personnes à mobilité réduite. Or, ces salles, aux moyens limités, sont très nombreuses dans les territoires ruraux.
12 % des établissements déclaraient être entièrement accessibles pour les malvoyants (40 % des établissements déclarant être accessibles hors salles de projection, 59 % déclarant proposer au moins une salle adaptée à l’audiodescription et 60 % des établissements équipés déclarant organiser au moins une séance par semaine en audiodescription). 70 % des établissements avaient indiqué être équipés d’au moins un dispositif pour les sourds et malentendants, 86 % des établissements proposant le sous-titrage à l’écran. 44 % des établissements équipés déclaraient organiser au moins une fois par semaine des séances dédiées.
75 % des établissements déclaraient former leur personnel pour accueillir les spectateurs en situation de handicap tandis que seuls 27 % des établissements déclaraient que la programmation adaptée aux spectateurs en situation de handicap et l’information concernant l’accessibilité étaient visibles sur l’application AlloCiné.
La majorité des salles accessibles ([16]) reste principalement les salles multiplexes et les cinémas des grandes villes.
Lors de son audition par les rapporteurs, la Fédération nationale des cinémas français a indiqué que la question de l’accessibilité des caisses est également en cours de traitement ; ce sujet complexe nécessite un travail sur la compatibilité des logiciels utilisés.
Entendu par les rapporteurs, l’Institut national des jeunes aveugles (INJA) a rappelé les difficultés d’accessibilité aux contenus numériques pour ce public même si la conditionnalité des aides du CNC à l’audiodescription des films constitue une avancée très significative car elle permet aux personnes en situation de handicap visuel de voir les films nativement audiodécrits lors de leur sortie en salle avec tous les publics.
Chaque année, le CNC accueille la remise d’un prix, le « Marius de l’audiodescription », organisé par la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes (CFPSAA). Le jury, constitué d’environ 300 personnes en situation de handicap visuel, choisit le film bénéficiant de la meilleure audiodescription parmi les cinq nommés dans la catégorie du meilleur film aux César. Cette année, c’est le film Le Règne animal qui a reçu cette distinction, laquelle aurait incontestablement toute sa place à la cérémonie des César. En partenariat avec l’Institut national des jeunes aveugles (INJA), un « Marius » pour les jeunes aveugles est en cours d’élaboration.
Lors de son audition, le CNC a identifié plusieurs difficultés : d’une part, la formation des salariés des salles de cinéma, ce qui le conduit, avec la Fédération nationale des cinémas français, à développer des formations continues ; d’autre part, l’harmonisation des pratiques et logotypes des équipementiers ; enfin, la cartographie des aides, peu lisibles en raison du maillage territorial des 2 000 cinémas et des plus de 6 000 écrans. Enfin, le CNC a mentionné une expérience pilote en cours de développement par la ville de Boulogne‑Billancourt qui, à horizon 2025, a l’ambition d’ouvrir un cinéma uniquement géré par des salariés en situation de handicap.
Lors de son audition par les rapporteurs, la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) a, pour sa part, souligné que l’arrivée du numérique dans les salles avait constitué une révolution pour la prise en compte des handicaps sensoriels car il permet, dans la chaîne de production, de disposer de plusieurs versions du film (sous‑titrées, audiodécrites, avec renforcement sonore). Néanmoins, il est nécessaire de s’assurer que toutes ces versions existent bien et sont bien transmises. Un travail important de normalisation a été conduit avec la Commission supérieure technique de l’image et du son mais un effort de coordination doit encore être mené au sein de la filière (production – distribution) pour que ces éléments arrivent bien jusqu’aux salles.
La FNCF a aussi relevé que les personnes en situation de handicap avaient l’habitude du sous‑titrage en couleur (selon qu’une personne est visible ou non à l’écran par exemple), or les sous-titrages anglo‑saxons sont monochromes et assortis de symboles (par exemple un # pour signifier que la personne qui parle n’est pas à l’écran). Les sous‑titrages colorisés sont plus difficiles à utiliser sur les supports portatifs (casques audio, tablettes ou tel portable sur lequel l’audiodescription ou le sous-titrage sont téléchargés et se synchronisent automatiquement avec le film une fois en salle). La question, pour les salles, est d’avoir des prestataires pour fournir ces matériels tandis que la diversité des équipements proposés a l’inconvénient de proposer des solutions dont l’usager peut ne pas avoir l’habitude. Cette situation exige également une information précise, en temps réel et accessible. Or, l’information sur l’accessibilité des œuvres est à la peine (en 2022, 27 % des salles déclaraient leur programmation adaptée sur l’application AlloCiné).
Plusieurs chantiers sont en cours sur ces sujets : ainsi, la FNCF, le CNC et les équipementiers et intervenants concernés (en particulier AlloCiné) travaillent à donner aux spectateurs une information en temps réel concernant l’accessibilité à tous les handicaps des différents films projetés dans les salles. Un travail de normalisation des pictogrammes et de coordination de l’ensemble de la chaîne de distribution est ainsi en cours. Par ailleurs, un travail sur l’accessibilité des caisses est également engagé. La FNCF a enfin indiqué aux rapporteurs communiquer et proposer régulièrement des formations à ses adhérents sur les sujets d’accessibilité comme elle accueille des professionnels et fournisseurs d’équipements lors de ses congrès annuels.
Pour autant, certains handicaps peinent à être pris en compte. Entendue par les rapporteurs, la présidente d’Autisme France a fait état d’une expérimentation menée à Aix-en-Provence concernant des projections de film « au ralenti » afin d’en améliorer l’accessibilité.
La Fédération nationale des cinémas français, entendue par les rapporteurs, a élaboré un vade‑mecum à destination de ses adhérents, afin d’envisager l’accessibilité dans toutes ses dimensions. Le vade‑mecum précise, photos à l’appui, les points à traiter.
Source : Vade‑mecum de l’accessibilité dans les cinémas de la FNCF.
C. L’ACCESSIBILITÉ DES CONTENUS AUDIOVISUELS : DES OBLIGATIONS GLOBALEMENT BIEN RESPECTÉES, UN DISPOSITIF JUGÉ PERFECTIBLE
1. Des obligations globalement bien respectées
L’Arcom est tenue de rendre compte annuellement de la mise en œuvre des obligations d’accessibilité dans le domaine audiovisuel. Il en ressort que ces obligations sont globalement bien respectées et souvent dépassées.
Selon un récent rapport de l’autorité ([17]), l’obligation des chaînes de télévision publiques (France 2, France 3, France 4 et France 5) et des chaînes privées dont l’audience nationale dépasse 2,5 % de l’audience totale des services de télévision (TF1, Canal +, M6, C8, W9 et TMC) de rendre accessible aux personnes sourdes ou malentendantes la totalité de leurs émissions a été respectée en 2022, en dépit d’un léger déficit sur France 2 et France 4, ce qui représente entre 5 500 et 8 400 heures de programmes.
En ce qui concerne les services de médias audiovisuels à la demande (Canal VOD, Orange VOD, MyTF1…) ([18]), ils ont respecté leurs engagements à l’exception de TFou Max et d’UniversCiné.
Les chaînes destinées au jeune public ont proposé, comme le prévoit leur convention, plusieurs émissions en langue des signes. De même, la chaîne Canal+ a diffusé en avant‑soirée à 30 reprises en 2022 le magazine culturel Tchi-Tcha, consacré à l’actualité cinématographique, en LSF.
S’agissant de l’audiodescription, en 2022, TF1 et M6 ont largement respecté leurs obligations en proposant respectivement 230 et 241 programmes audiodécrits soit 730 et 834 heures. France Télévisions a proposé 1 557 heures de programmes audiodécrits (France 2 et France 3 environ 563 heures chacune). Il convient de préciser que France Télévisions dispose d’une filiale dédiée à l’accessibilité des programmes.
Les autres chaînes de la TNT ont également respecté leurs obligations d’audiodescription.
En ce qui concerne les SMAD, seuls les services Canal VOD et Orange VOD étaient soumis à des obligations en 2022 et ont respectivement rendu accessibles en audiodescription 1 428 et 414 titres, soit 2 370 et 644 heures de programmes, l’essentiel des programmes audiodécrits étant des films.
La chaîne franco-allemande Arte sous-titre ses émissions, traduit les sous‑titres de l’allemand vers le français et s’apprête à proposer une déclinaison pour les personnes sourdes et malentendantes de ses 1 500 heures de programmes en anglais, espagnol, polonais et italien, ce qui représente un investissement considérable. Elle travaille aussi au développement du chansigne ([19]), malgré les difficultés de la traduction audiovisuelle. Actuellement, Arte propose des versions audiodécrites et sous-titrées ; elle intègre systématiquement des personnes aveugles ou malvoyantes dans le processus de production des versions audiodécrites. Le pôle français du groupe fournit l’intégralité de ses programmes en versions sous-titrées.
En ce qui concerne la dimension qualitative de l’accessibilité, l’Arcom est intervenue à plusieurs reprises auprès de France Télévisions après avoir été alertée du décalage récurrent dans ses programmes entre les propos tenus et les sous-titres qui les retranscrivent à l’écran.
2. Un dispositif jugé perfectible
Entendu par les rapporteurs, le président du CNCPH s’est réjoui d’être désormais consulté en amont de la signature des contrats d’objectifs et de moyens de l’audiovisuel public et d’échanger régulièrement avec France Télévisions ; en revanche, plusieurs représentants des associations entendues ont regretté des liens distendus avec les chaînes privées.
Au-delà des avancées sur l’accessibilité des programmes audiovisuels, le président du CNCPH a posé la question de l’accessibilité de toutes les plateformes, des supports, des outils et des équipements connectés pour lesquels des progrès restent à accomplir.
Il a également mentionné le problème de l’accès aux programmes télévisés des enfants qui ne savent pas lire les sous-titrages ; faute de cadre précis sur la LSF, il faudrait inciter les chaînes à aller le plus loin possible dans le développement de l’accessibilité en la matière. Par ailleurs, les télévisions locales, qui se sont développées depuis 2005, doivent être associées au dispositif d’accessibilité. Sur la qualité de l’accessibilité en LSF, par le sous-titrage et l’audiodescription, il a souligné le caractère essentiel des chartes diffusées par l’Arcom.
Enfin, il a appelé de ses vœux le développement d’autres formats d’accessibilité pour associer d’autres publics notamment à l’intention des personnes ayant un handicap de la compréhension ; ainsi, Canal+ a développé un sous-titrage pour les personnes Dys.
Tout en soulignant la nette amélioration de l’accessibilité, le président d’UNANIMES a, quant à lui, regretté que les avancées soient encore loin des attentes des personnes concernées. Il a notamment fait état de difficultés nées du décalage entre la parole et les sous‑titrages, de la qualité des sous‑titrages ou de la LSF (question de la taille, de l’éclairage du traducteur…), du manque de diversité des programmes audiodécrits et regretté que l’on parle peu des difficultés des sourds aveugles.
En termes de suivi, l’association a développé une application permettant de noter la présence ou non de sous-titrage ou de LSF et de commenter leur qualité. Elle a l’ambition d’en faire un outil d’évaluation ainsi qu’un observatoire et d’y intégrer le suivi de l’audiodescription et des plateformes de streaming. Le président de l’association a enfin regretté que les sous-titrages sur les réseaux sociaux ne concernent pas la totalité des contenus.
Le président de la CFPSAA a, pour sa part, relevé que 80 % des œuvres audiodécrites étaient des fictions et que celles-ci représentaient une faible proportion de l’ensemble des programmes diffusés. Il a regretté que le dialogue avec les chaînes s’étiole depuis l’après-Covid.
D. L’ACCESSIBILITÉ DU LIVRE RESTE EN COURS DE CONSTRUCTION AVEC SES MULTIPLES ACTEURS
On estime aujourd’hui à 8 % seulement des 800 000 titres commercialisés par les éditeurs français, la proportion des livres adaptés aux différents handicaps.
Dans le cadre législatif développé plus haut, trois chantiers sont mis en œuvre :
– favoriser le développement d’une offre de livres nativement accessibles c’est‑à‑dire fabriqués dans des formats adaptés ;
– améliorer l’efficience de la chaîne de production des livres adaptés aujourd’hui très fragmentée et artisanale, car certains ouvrages auront toujours besoin d’une intervention humaine dans le cadre de l’exception au droit d’auteur pour le handicap ;
– améliorer l’identification des livres adaptés aujourd’hui dispersés dans autant de catalogues qu’il y a d’acteurs, le plus souvent associatifs, de l’adaptation en construisant un « portail de l’édition accessible et adaptée ».
Ces trois chantiers sont issus de la feuille de route du comité interministériel du handicap (CIH) du 3 décembre 2019.
En ce qui concerne la production de livres nativement accessibles : les technologies numériques permettent l’édition de versions numériques (ebooks) dans des formats répondant aux besoins des personnes en situation de handicap. Mais cette évolution impliquant l’ensemble des acteurs de la chaîne du livre, les ministères en charge de la culture et des personnes en situation de handicap ont constitué un comité de pilotage associant les opérateurs publics et privés concernés et arrêté un plan stratégique pour l’ensemble de la filière qui fait l’objet d’un bilan annuel. L’objectif est également de développer l’accessibilité native de filières potentiellement exemptées des exigences de la directive, telles que l’édition scolaire.
La modernisation de l’édition adaptée repose sur deux objectifs : l’élaboration d’un plan de production (plan de rattrapage) de documents adaptés et sa réalisation d’ici à l’ouverture du portail national de l’édition adaptée, d’une part, la conception d’un plan pour une meilleure efficience et une meilleure structuration de la filière de l’édition adaptée, en tenant compte des fonctionnalités du nouveau portail (centralisation des demandes d’adaptation) et du développement de l’édition nativement accessible, grâce aux progrès de l’intelligence artificielle, d’autre part. Selon une étude commandée par le ministère de la culture, on estime à 17 000 le nombre de livres numériques qui seront mis sur le marché annuellement par les éditeurs tandis que la mise en conformité du stock de livres numériques représenterait 333 000 titres d’ici 2030.
L’association Valentin Haüy, principale structure d’adaptation en France pour le handicap visuel, estime, pour sa part, qu’elle peut proposer 93 000 titres en version accessible (numérique et papier) et qu’elle a permis d’adapter 2 600 titres en 2023 destinés à des personnes en situation de handicap.
En ce qui concerne la construction d’un service national centralisé pour permettre aux personnes en situation de handicap d’identifier les ouvrages adaptés disponibles, la création d’un portail national de l’édition accessible (PNEA) et adaptée a été décidée par le comité interministériel du handicap (CIH) du 6 octobre 2022. La Bibliothèque nationale de France (BnF) est responsable de la réalisation du portail, l’Institut national des jeunes aveugles (INJA) de la définition d’un plan de production de livres adaptés et la structuration de la filière de l’édition adaptée.
Le PNEA doit permettre aux personnes en situation de handicap d’identifier les titres nativement accessibles commercialisés, ceux adaptés dans un autre cadre et de télécharger les versions numériques des documents adaptés.
Dans un second temps, le portail prévoit la possibilité de demander des adaptations si le titre souhaité n’est ni accessible ni adapté, ce qui nécessite une transformation du paysage de l’adaptation, actuellement très dispersé et artisanal.
Une convention pluriannuelle 2023‑2027 a été signée le 14 novembre 2023 afin de lancer la phase opérationnelle du projet, associant le secrétariat général du CIH, les ministères chargés de la culture et des personnes en situation de handicap, la BnF et l’INJA. Le budget alloué à l’ensemble du projet représente près de 14 M€ sur la période 2023‑2027, répartis sur les crédits des programmes 334 (ministère de la culture), à hauteur de 5 M€, et 157 (ministère chargé des personnes en situation de handicap), à hauteur de près de 8 M€ ([20]). Cette convention fait l’objet d’un avenant, en cours de finalisation pour intégrer les modalités de réalisation de l’interface publique qui présideront au choix, dans le cadre d’un marché public, d’opérateurs pour assurer la médiation du portail. Des groupes de suivi élargis associent les ministères chargés de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, et du travail ainsi que les représentants des personnes en situation de handicap et les acteurs de la chaîne du livre.
Le module de catalogue signalant les titres accessibles et adaptés dans le commerce et en bibliothèque devrait être opérationnel en 2026 ; la bibliothèque numérique des livres adaptés et la commande d’adaptations en 2027. Une mission conjointe de l’Inspection générale des affaires culturelles et de l’Inspection générale des affaires sociales accompagnera prochaînement l’INJA pour dessiner un modèle économique pour la restructuration du secteur de l’édition adaptée.
À la BnF, le département des systèmes d’information et le département des métadonnées sont considérés comme « maîtres d’ouvrage » en matière d’accessibilité numérique. Une équipe de 3 ou 4 personnes se consacre exclusivement au centre Exception handicap, à PLATON et au projet de portail national de l’édition adaptée (PNEA). La plateforme PLATON met en relation 1 593 éditeurs avec 100 organismes agréés ([21]) et 95 organismes inscrits ([22]) (associations, écoles, bibliothèques municipales…). Il s’agit réellement d’un service de tiers de confiance, avec un enjeu de sécurisation des fichiers sources. Depuis 2010, plus de 227 000 demandes de fichiers sources ont été formulées par les organismes, donnant lieu à plus de 101 000 titres adaptés ([23]). Plus de 224 000 adaptations sont déclarées dans la plateforme PLATON – correspondant à plus de 83 772 titres (un titre pouvant être adapté en plusieurs formats différents). 33 % des livres adaptés relèvent de la littérature générale, 21 % des sciences humaines et sociales, 17 % de la littérature jeunesse et 9 % des manuels scolaires ; 13 formats d’adaptation y sont recensés dont les plus nombreux sont les gros caractères, les fichiers PDF, le braille numérique ou les formats audio. Un indicateur du contrat d’objectifs et de performance de la BnF concerne le nombre de fichiers nouveaux disponibles sur la plateforme PLATON.
La direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture (DGMIC) est en relation avec 16 000 bibliothèques et points lecture en France et suit leur activité sur le fondement du contrôle scientifique et technique octroyé aux DRAC ([24]).
Entendue sur ce sujet, la CFPSAA a regretté qu’aujourd’hui, seulement 8 % des livres soient accessibles en braille ou en audio ; très peu de bibliothèques disposent de livres retranscrits en braille, lequel n’est d’ailleurs que peu enseigné, tandis que les livres audio concernent essentiellement des ouvrages très populaires et peu de nouvelles parutions. La production d’ouvrages accessibles reste un défi ; les organismes transcripteurs font du « cousu main » avec des trésors d’ingéniosité. Mais faute de méthodologie, d’outils et de moyens, ces productions restent très artisanales et certains types d’ouvrages peinent à être transcrits comme c’est le cas des ouvrages scolaires. Les représentants de l’association ont regretté que le portail national de l’édition adaptée peine manifestement à avancer.
De son côté, le réseau associatif UNAPEI regrette que le dispositif d’agrément limite, en France, l’adaptation d’ouvrages aux besoins des personnes en situation de handicap, en particulier les ouvrages scolaires ou de loisirs.
Les rapporteurs ont entendu les principaux acteurs publics du comité de pilotage interministériel du portail national de l’édition adaptée qui comprend les professionnels de la chaîne du livre numérique, les associations de personnes en situation de handicap et les ministères en charge de la culture et des personnes handicapées et en particulier, sur la mise en œuvre technique, la BnF et l’Institut national des jeunes aveugles (INJA).
Ces auditions ont mis en évidence des difficultés en termes de gouvernance, d’objectifs et de financement (ainsi, la question de la prise en charge de la première adaptation demandée pour un titre ne paraît pas tranchée) ; or, la construction du portail est tributaire des orientations prises sur ses objectifs et son mode de fonctionnement. Il s’agit donc d’un très vaste chantier dont la mise en œuvre s’organise pas à pas… et qui doit aussi prendre en compte la pluralité des handicaps tels les handicaps cognitifs et les handicaps auditifs, qui privent les usagers concernés de certains apprentissages, rendant ainsi les contenus difficilement accessibles.
E. LE VASTE CHANTIER DE L’ACCESSIBILITÉ NUMÉRIQUE
Il n’est pas du ressort de la présente évaluation d’examiner la mise en œuvre de l’accessibilité de l’intégralité des sites et services numériques, sujet complexe qui, à lui seul, pourrait faire l’objet d’un rapport. Pour autant, de plus en plus de contenus culturels sont accessibles par voie numérique aux personnes géographiquement éloignées des infrastructures culturelles ou empêchées de se déplacer.
À l’occasion de la conférence nationale du handicap, organisée le 26 avril 2023, le Gouvernement a affiché une ambition en faveur de l’accessibilité numérique, avec notamment « un plan de rattrapage massif pour garantir l’accessibilité des démarches et sites internet publics » assorti d’une politique de contrôle par l’Arcom dès 2024.
À la suite de cette conférence, 60 M€ ont été affectés au développement de l’accessibilité numérique des sites institutionnels par l’intermédiaire de la direction interministérielle du numérique (DINUM). Il s’agit d’un immense chantier compte tenu des investissements à réaliser lorsque les sites internet ne sont pas nativement conçus pour être accessibles ; les obstacles peuvent être nombreux à l’image de l’identification Captcha, présente sur de nombreux sites et inaccessible aux malvoyants.
En application de l’article 47 de la loi du 11 février 2005 précitée, le ministère de la culture, qui gère 65 sites internet, extranet, intranet et 4 applications mobiles, a établi un schéma pluriannuel d’accessibilité pour 2024‑2026 qui prévoit notamment des actions de formation et de sensibilisation en direction des personnels intervenant sur les sites et applications ainsi que la diffusion de mémos sur les critères d’accessibilité à prendre en compte. Dix audits avaient été établis en 2021‑2022, présentant un taux de conformité de 40 % pour l’Atlas culture, de 90 % pour le Moteur collections qui permet d’accéder à plus de 7,4 millions de documents et à plus de 5,6 millions d’images, et de 80 % pour le site institutionnel du ministère.
Les différents opérateurs du ministère progressent également sur le sujet. À titre d’exemple, dans le cadre du schéma pluriannuel d’accessibilité 2021‑2023, les supports de la BnF font l’objet d’une dizaine d’audits par an ([25]) (par exemple sur Gallica ou Nouveautés Éditeurs). Au terme de ces audits, tous les sites ([26]) ont été jugés conformes aux 106 critères d’accessibilité du RGAA 4.1. Afin de prendre en compte l’accessibilité dès la conception des projets, le schéma pluriannuel prévoit une formation initiale sur ces questions pour les experts fonctionnels et développeurs en charge des services numériques de la BnF.
L’interface de navigation de la plateforme doit aussi être rendue accessible.
Les sites et l’application Arte sont accessibles ; le lecteur vidéo fonctionne avec le clavier et est compatible avec les assistances technologiques utilisées par les internautes en situation de handicap. Depuis 2020, l’application mobile d’Arte permet le lancement de la lecture d’une vidéo, avec le « voice over » qui indique le titre du programme et la version audio sélectionnée tandis qu’une refonte de la navigation dans le guide a été mise en œuvre, grâce à laquelle il est désormais possible de naviguer plus facilement.
D’autres informations sur l’accessibilité des sites de grands établissements publics sont recensées en annexe 3.
L’association APF France handicap, entendue par les rapporteurs, a insisté sur la nécessité d’améliorer le travail informationnel des lieux et pratiques culturels accessibles. Dans le cadre de la conférence nationale du handicap 2023, l’UNAPEI relevait pour sa part que la promotion des activités culturelles passait largement par les réseaux sociaux et les sites internet qui proposent par exemple des visites virtuelles mais nombre d’entre eux demeurent inaccessibles.
Force est de constater que les normes d’accessibilité comme leur mise en œuvre concernent, pour l’essentiel, les handicaps physiques et sensoriels tandis que d’autres sont souvent mal connus et oubliés des problématiques d’accessibilité. Ainsi que le rappelait la présidente d’Autisme France, 12 % des enfants sont concernés par un trouble du neurodéveloppement et, pour les personnes concernées, les conditions d’accueil et l’accompagnement sont fondamentaux ; or, trop souvent, l’accès à la culture est considéré comme un luxe et les acteurs peu sensibilisés à ces handicaps mal connus et trop souvent stigmatisés.
Rappelons, en guise de conclusion, les propos tenus par Mme Isabelle Queval, professeure à l’Institut national supérieur formation et recherche‑handicap et enseignements adaptés (INSHEA) et spécialiste de l’éducation inclusive, lors d’un débat consacré à l’inclusion à l’école ([27]) : « Trop souvent, lorsque l’on évoque l’accessibilité, on pense accessibilité technique qui, trop souvent se résume à l’installation d’une rampe, d’un ascenseur, ce qui représente un minima par rapport aux besoins de certaines catégories de handicap. Or l’accessibilité comme l’inclusion doivent aussi être développées au niveau social, sociétal, intellectuel, dans le regard que l’on porte sur les personnes en situation de handicap et les considérer comme des personnes à même de choisir quelque chose, de décider ce qui leur convient ou pas, de leur place dans une classe ou un cinéma. Trop souvent, l’accessibilité technique est un fléchage qui stigmatise finalement les personnes concernées (…) » ; elle regrettait un déficit de formation dans le cursus des enseignants du premier et second degré. « Il y a une possibilité d’inclure en proposant une similarité d’expériences (…) le point commun se trouve alors hors des codes communs, hors des habitudes qui marquent plutôt les différences. L’objectif de l’inclusion c’est l’universel. La difficulté de l’inclusion, c’est que, dans la notion, il y a cette ambivalence : pour pouvoir inclure, il faut identifier et lorsqu’on identifie, on risque de stigmatiser (…) Il faut donc penser une similarité, une communauté d’expériences ». Les rapporteurs souscrivent à cette approche.
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PARTIE II :
UNE POLITIQUE PUBLIQUE PROTÉIFORME, MAL IDENTIFIÉE ET DONT L’ÉVALUATION RESTE À CONSTRUIRE
L’accès à la culture des personnes en situation de handicap est-elle une politique publique ? Sur le site du ministère de la culture, elle ne figure pas comme telle ([28]) ; pour autant, beaucoup d’initiatives sont prises par ses multiples services et opérateurs dont la plupart sont amenés à traiter de la question de l’accessibilité.
Source : capture d’écran du site internet du ministère de la culture du 16 septembre 2024
Conduire une politique publique nécessite d’abord d’établir un état des lieux des usagers concernés, des besoins et des ressources existantes. C’est à l’appui d’un tel état des lieux que l’on peut définir les modalités de suivi des actions conduites. Or, en ce qui concerne tant les destinataires de la politique consacrée à l’accessibilité que les structures et acteurs de la politique culturelle, le nombre et la diversité des intervenants sont conséquents, rendant particulièrement complexes la définition, la mise en œuvre et le suivi des actions engagées pour favoriser l’accès à la culture des personnes en situation de handicap.
I. UNE GRANDE DIVERSITÉ DE BÉNÉFICIAIRES ET DE STRUCTURES
Indépendamment des droits en vigueur, définir une politique publique et ses priorités d’action exige de connaître le champ des usagers concernés, les ressources existantes et les acteurs.
Ainsi, le handicap a longtemps été appréhendé comme physique puis sensoriel tandis que d’autres troubles, moins visibles et plus difficiles à appréhender, peinent à être inclus dans les démarches d’accessibilité, les aménagements et la mise en œuvre d’accompagnements dédiés.
A. DE TRÈS NOMBREUSES PERSONNES CONCERNÉES PAR LE HANDICAP
En France, une personne de plus de 15 ans sur sept est en situation de handicap, celui-ci revêtant un très grand nombre de réalités dont la plupart ne sont pas nécessairement visibles.
1. Une définition claire du handicap, socle des droits à l’accessibilité
Le handicap, défini par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, couvre « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant » (article 114 du code de l’action sociale et des familles).
L’article premier de la Convention relative aux droits des personnes handicapées signée à New York le 30 mars 2007 définit ainsi le handicap : « Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. »
Cependant, ainsi que le montre la récente étude ([29]) de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère chargé des solidarités, le handicap est une notion complexe et le dénombrement de personnes concernées peut résulter d’approches multiples. C’est cet ensemble de personnes, de tous âges, quel que soit leur handicap, qui doit être pris en compte dans la politique menée pour favoriser leur accès à la culture.
2. Plusieurs évaluations établissent le nombre très important de personnes en situation de handicap
Selon la DREES, en 2021 ([30]), 6,8 millions de personnes de 15 ans ou plus (13 %) déclaraient avoir au moins une limitation sévère dans une fonction physique, sensorielle ou cognitive et 3,4 millions (6 %) déclaraient être fortement restreintes dans des activités habituelles, en raison d’un problème de santé. Au total, le nombre de personnes en situation de handicap ou dépendantes pouvait atteindre 7,6 millions de personnes de 15 ans ou plus vivant à domicile en 2021.
Les différents handicaps
Source : Charte d’accessibilité de la communication de l’État - septembre 2022
La proportion de personnes en situation de handicap augmente avec l’âge : avant 60 ans, 9 % ont une limitation fonctionnelle sévère ou déclarent une forte restriction d’activité, contre 25 % parmi les personnes de 60 ans ou plus.
Les troubles du neurodéveloppement (TND) sont caractérisés par des difficultés significatives dans le développement de plusieurs fonctions du cerveau (fonctions cognitives) telles que la socialisation, la communication, la motricité, l’attention, le raisonnement, la mémoire ou encore les apprentissages. Ces troubles regroupent les troubles du spectre de l’autisme (1 à 2 % de la population), le trouble du développement intellectuel (1 % de la population), le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (6 % des enfants et 3 % des adultes), les troubles Dys (8 % de la population) qui regroupent les troubles de la communication incluant le trouble développemental du langage (dysphasie), les troubles de la parole (principalement les troubles articulatoires) et de la fluence, les troubles spécifiques des apprentissages du calcul (dyscalculie), du langage écrit (dyslexie) et du graphisme (dysgraphie), les troubles moteurs incluant le trouble développemental de la coordination (dyspraxie) et les tics chroniques. Les troubles TND concernent une personne sur 6 ([31]).
15 % des femmes ont une limitation fonctionnelle sévère ou une forte limitation d’activité en raison d’un problème de santé contre 13 % des hommes. La différence intervient à partir de 40 ans.
À ces données s’ajoutent celles concernant les enfants et les adultes accueillis dans les établissements spécialisés.
Ainsi, en 2021, 4,8 % des enfants de 5 à 14 ans vivant à domicile en France (soit 400 000 enfants environ) étaient en situation de handicap, que ce soit au titre d’une limitation sensorielle, physique ou cognitive ou bien au titre d’une forte restriction dans les activités de la vie quotidienne, et 4,2 % recevaient une aide d’un professionnel ou de l’entourage en raison d’un problème de santé ou d’un handicap. Fin 2018, 167 300 enfants et adolescents en situation de handicap étaient accompagnés dans des établissements et services médico-sociaux, soit 1 % de l’ensemble des moins de 20 ans. La moitié des enfants accompagnés par un établissement médico-social avaient une déficience intellectuelle et 28 % un trouble du psychisme comme déficience principale ([32]).
En 2021-2022, 212 400 élèves en situation de handicap étaient scolarisés dans les établissements du premier degré et 197 000 l’étaient dans les établissements du second degré. 75 % des 212 400 élèves en situation de handicap scolarisés dans les établissements du premier degré étaient en classe ordinaire, 141 600, soit les deux tiers d’entre eux, recevant une aide humaine, individuelle ou mutualisée. 72 % des 197 000 élèves en situation de handicap scolarisés dans les établissements du second degré étaient en classe ordinaire, près de la moitié d’entre eux recevant une aide humaine, individuelle ou mutualisée.
Source : Panoramas de la DREES - social – Le handicap en chiffres – édition 2023
Fin 2018, quelque 312 000 personnes étaient accompagnées dans des établissements et services médico-sociaux dédiés, soit 0,6 % de l’ensemble de la population de 20 ans ou plus en France. Parmi celles-ci, 9 % avaient plus de 60 ans. 56 % des adultes accompagnés avaient une déficience principale intellectuelle, dont 9 % sous une forme sévère.
S’ajoutent aux difficultés inhérentes au handicap, celles de la précarité ; ainsi, en 2019, plus d’un quart des personnes handicapées de 15 à 59 ans étaient pauvres, au lieu de 14 % de la population qui n’est pas en situation de handicap, l’écart s’accroissant avec l’importance des limitations ([33]).
Les associations entendues par les rapporteurs ont confirmé les difficultés d’accès à la culture des personnes en situation de handicap, et ce d’autant que les différents handicaps peuvent être mal connus : c’est par exemple le cas du handicap visuel souvent oublié et mal connu alors qu’il concerne quelque 1,7 million de personnes dont 200 000 aveugles. De même, la catégorie des personnes atteintes de surdité est, quant à elle, très diverse : il existe des sourds oralistes, signants, qui pratiquent le langage parlé complété ([34]), des sourds implantés, appareillés, etc., ainsi que la surdicécité, qui combine une déficience auditive et une déficience visuelle. Ces différentes combinaisons de handicap impliquent d’appréhender l’accessibilité de manière universelle.
La proportion de personnes en situation de handicap doit être rapprochée de la répartition de la population sur le territoire. En effet, selon la nouvelle définition des zones denses et de l’espace rural établie en 2020, 88 % des communes sont rurales et un tiers de la population française réside dans des communes denses et très peu denses de l’espace rural. Ainsi, une personne sur 10 vit hors de l’aire d’attractivité des villes... où se trouvent la plupart des structures culturelles.
Cette réalité a été mise en avant par la ministre de la culture Mme Rachida Dati, qui a souhaité, dans le cadre du « printemps de la ruralité », améliorer l’accès à la culture dans les territoires ruraux, appelant à une mobilisation générale des acteurs culturels et annonçant une concertation nationale sur l’offre culturelle dans les territoires ruraux. De façon concomitante, l’Inspection générale des affaires culturelles a été saisie d’une mission d’observation des dispositifs déployés dans les territoires ruraux afin d’adapter les politiques culturelles aux spécificités locales ([35]).
Si tel n’est pas le sujet de la présente évaluation, il est indéniable que, l’accessibilité comprenant, en premier lieu, la question de l’accès physique aux ressources culturelles, l’éloignement de celles-ci constitue, à l’évidence, une « double peine » pour les personnes en situation de handicap.
Si évaluer la pertinence et l’impact des politiques publiques suppose d’en connaître les bénéficiaires, beaucoup passent « sous les radars » : certains handicaps cognitifs et psychiques sont ainsi encore mal connus et mal identifiés ; en outre, les personnes concernées ne souhaitent pas toujours s’identifier comme étant en situation de handicap, d’autres ne souhaitent pas être ramenées à leur handicap, d’autres enfin s’autocensurent, considèrent que les activités culturelles « ne sont pas pour elles » ou encore qu’il y a trop d’obstacles pour y participer… En définitive, les personnes concernées par le handicap sont très nombreuses et très diverses. Il y a donc tout un travail de « retour d’expérience » à conduire pour évaluer l’efficacité des actions menées en la matière et identifier les priorités pour améliorer l’accès à la culture de toutes les personnes en situation de handicap, quels que soient leur handicap et leur lieu de résidence.
3. Une mesure très imprécise de la réalité de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap
La DREES, dans l’étude précitée, a interrogé la participation à la vie sociale des personnes en situation de handicap vivant à domicile ; celle-ci témoigne d’un isolement supérieur à l’ensemble de la population (ainsi, 6,7 % d’entre elles sont membres d’une association culturelle contre 7,6 % de l’ensemble de la population), ce qui donne à penser que ces personnes tireraient un bénéfice évident d’activités culturelles accessibles qui pourraient leur être proposées.
Une autre étude ([36]) a été conduite en 2022 auprès de personnes en situation de handicap et de leurs accompagnants afin de connaître leurs habitudes de sorties culturelles, mais aussi leur perception de l’accès à la culture. Il en ressort que 75 % des répondants ont fréquenté au moins une fois par an un lieu culturel ces dernières années. Le cinéma est la sortie la plus prisée (88 % y vont au moins une fois dans l’année), suivi des musées et des expositions (83 %), des festivals de musique (72 %) et du théâtre (60 %). La fréquentation des lieux culturels est supérieure chez les jeunes de moins de 35 ans, résidant à Paris ou dans des grandes villes et percevant l’accès à la culture comme facile. Le tableau ci-dessous répertorie les freins à la réalisation de sorties culturelles. Ces chiffres traduisent des pratiques culturelles plutôt plus élevées que celles de l’ensemble de la population française. Cette étude a néanmoins été menée par internet, sur un échantillon limité de personnes et l’on peut penser qu’y ont répondu les plus engagées dans des démarches culturelles.
Source : Fondation Malakoff Humanis Handicap et Culture - L’accès à la culture des personnes en situation de handicap - Mai 2022.
Les principaux freins identifiés aux sorties culturelles sont le prix, la crainte d’affluence et le défaut d’accessibilité. Parmi les pistes d’amélioration prioritaires citées figure l’accessibilité (moyens de transports, rampes d’accès, ascenseurs…) (40 %), les services d’aide (accueil, formation du personnel, interprètes en langues des signes) (15 %), les tarifs (11 %).
Une étude publiée récemment bien que fondée sur une enquête de 2018 ([37]) met en avant la différence des pratiques culturelles selon le lieu de résidence : comme l’indique le tableau ci-dessous, la présence ou non, à proximité, de ressources culturelles impacte les pratiques… Or l’éloignement constitue une difficulté supplémentaire pour les personnes en situation de handicap.
Ces éléments d’information doivent être mis en regard de la contribution du Collectif handicap ([38]) regroupant 52 associations nationales, qui, dans le cadre de la conférence nationale du handicap d’avril 2023, soulignait que « de nombreuses personnes en situation de handicap – d’autant plus celles aux besoins complexes – n’ont pas accès à la culture. Cela soulève de nombreux enjeux, tous interdépendants : lutte contre l’autocensure, éducation culturelle pour tous, accessibilité universelle, formation du plus grand nombre aux spécificités du handicap, coût des pratiques culturelles, etc. »
En 2020, à l’occasion des 20 ans de la convention interministérielle « Culture et Santé », les ministères du travail, des solidarités et de la santé et de la culture ont lancé une étude sur l’accès aux arts et à la culture et la pratique artistique et culturelle des personnes âgées et des personnes en situation de handicap accompagnées par des établissements ou services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) ([39]) dont les résultats ont été présentés en février 2021. De ces travaux, il ressort que la pratique artistique dans les ESSMS prend la forme de sorties culturelles, d’ateliers de pratique artistique ou, plus rarement, d’accueil au sein d’un ESSMS d’une exposition ou d’un évènement artistique… ce qui implique un degré d’investissement variable : si une sortie culturelle ponctuelle ou de manière plus régulière suppose peu de logistique, les ateliers ou l’accueil d’un évènement culturel au sein même de l’établissement exigent une logistique et des moyens plus importants.
Dans certains cas (peu nombreux), les projets artistiques recouvrent une dimension stratégique et figurent dans le projet de l’établissement avec l’objectif de faire de ceux-ci des lieux de vie ouverts sur l’extérieur, ancrés sur leur territoire, et d’offrir aux personnes accompagnées, mais aussi aux professionnels de la structure, un moment de convivialité où la relation soignant-soigné change. Mais les directions sont le plus souvent happées par des urgences liées à leur mission première de soins et d’accueil, aux budgets contraints, à la difficulté de recruter et de fidéliser les professionnels.
L’étude met également en lumière une organisation peu structurée au sein des ESSMS étudiés, les initiatives culturelles étant majoritairement portées par des professionnels de l’établissement, qui à titre personnel sont sensibles aux arts et à la culture, sans que cela fasse partie de leurs missions. Parfois, des postes sont dédiés au développement de projets culturels ou, plus rarement, la « mission culture » est portée par la direction. De nombreux freins sont identifiés pour développer des actions culturelles au sein des établissements : il s’agit d’abord des moyens humains, financiers et matériels nécessaires ; en outre, la mise en place de projets culturels suppose, par exemple, une connaissance des acteurs de la culture sur les territoires et demande des compétences dont les professionnels des ESSMS se sentent parfois dépourvus. Il y a parfois une réticence des professionnels soignants auxquels les actions culturelles peuvent sembler superflues. Enfin, la mise en œuvre d’actions culturelles se heurte également au défaut d’accessibilité des équipements culturels (musée ou festival inaccessibles par exemple).
B. UNE OFFRE CULTURELLE RICHE ET VARIÉE MAJORITAIREMENT PORTÉE PAR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Pour mettre en œuvre une politique publique et en suivre l’efficacité, il est nécessaire d’en connaître tous les acteurs et les moyens disponibles. Or l’offre culturelle est vaste et multiple tout comme les acteurs dont les moyens – souvent limités – sont hétérogènes et épars. On ajoutera que, au-delà du ministère de la culture qui a notamment la charge des grandes entités patrimoniales nationales, pour une large part, situées en région parisienne, les collectivités territoriales portent l’essentiel de l’offre culturelle dans les territoires.
Une publication relativement récente du ministère de la culture ([40]) constatait les limites du recensement des ressources culturelles : « Avec plus de 71 600 lieux, sites et équipements culturels, auxquels il faudra ajouter les milliers de festivals (…), le territoire français se caractérise par l’extraordinaire richesse et la variété de son offre.(…). Pour autant, il demeure des points aveugles : l’envergure des festivals (…), le périmètre d’action des structures itinérantes (cinémas, festivals, chapiteaux, bibliobus) difficilement comptabilisées à ce jour, le caractère structurant de certains grands équipements qui concourent, par leurs relations réticulaires avec des équipements plus modestes, à un service culturel de proximité. De même, il sera intéressant de compléter l’approche en termes de répartition territoriale de l’offre culturelle par une analyse de l’accessibilité des habitants aux équipements selon les territoires. En effet, les indicateurs de nombre d’équipements par zone ou par habitant ne rendent pas compte de la distance et du temps d’accès à l’équipement, qui varie avec la surface de chaque zone et avec ses spécificités géographiques, économiques, etc. Si l’offre est plus variée et parfois plus dense dans les territoires urbains qu’elle ne l’est en milieu rural, la question de la mobilité des populations prend ainsi une dimension importante pour les habitants des communes rurales éloignés des pôles urbains. La politique culturelle interagit ici avec d’autres politiques publiques pouvant être actionnées pour garantir une égalité de services aux citoyens en tout point du territoire ».
En termes de structures, l’atlas culture précité ([41]) recensait ainsi :
– près de 15 700 bibliothèques et points d’accès au livre, neuf Français sur dix résidant dans une commune ou groupement de communes offrant un accès à au moins un lieu de lecture publique, avec d’importantes disparités d’un département à l’autre ([42]).
– 2 071 cinémas actifs en 2020 – dont 2 041 sur le territoire métropolitain – les multiplexes – huit écrans ou plus ‑ représentant 11 % du parc, les mono‑écrans 55 % et les établissements de 2 et 3 écrans 21 % de l’ensemble. L’Île-de-France avec plus de 1 200 cinémas rassemble 19 % de l’offre, suivie de la région Auvergne‑Rhône‑Alpes avec plus de 300 cinémas, la Nouvelle‑Aquitaine (230) et l’Occitanie (220) étant les mieux dotées. Si l’on rapporte le nombre d’écrans à la population, la Nouvelle‑Aquitaine et Auvergne‑Rhône‑Alpes ont 11 écrans pour 100 000 habitants contre 3 à 4 écrans en Guyane, à La Réunion et en Guadeloupe ;
– s’agissant du patrimoine, 45 000 monuments historiques sont inscrits, classés ou partiellement classés. Quelque 1 400 édifices de moins de 100 ans présentant un intérêt architectural sont labellisés « Architecture contemporaine remarquable ». 1 200 établissements se sont vu attribuer l’appellation nationale « Musée de France », et près de 150 Micro‑Folies ont été ouvertes fin 2021. Les monuments nationaux rassemblent une centaine de châteaux, remparts, sites mégalithiques, édifices religieux ainsi que le domaine national de Chambord. On recense plus de 800 sites archéologiques, des lieux de mémoire labellisés (dont 245 maisons des Illustres), 450 jardins labellisés « Jardin remarquable » et des sites naturels classés dont certains sont inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco. Enfin, près de 800 services communaux, départementaux et régionaux des archives maillent l’ensemble du territoire. Avec plus de 6 200 monuments protégés, la Nouvelle‑Aquitaine est la région qui compte le plus grand nombre de monuments historiques et les Pays de la Loire celle qui en compte le moins (2 100), devant la Corse et les territoires ultramarins particulièrement sous‑dotés par rapport au territoire métropolitain. Les 1 200 musées bénéficiant de l’appellation « Musée de France » semblent relativement bien répartis dans l’ensemble des régions, avec un poids plus important de la région francilienne.
– 49 % des lieux de spectacle vivant sont situés en zone urbaine dense, moins d’un sur cinq est situé en zone rurale, autonome ou sous l’influence d’un pôle, mais ce décompte ne tient pas compte de la cartographie complète des festivals.
En 2018, on compte en France près de 90 400 établissements culturels employeurs relevant des champs marchand ou non marchand. Un tiers d’entre eux sont situés en Île-de-France, 12 % en Auvergne-Rhône‑Alpes, 9 % en Occitanie, et 8 % en Provence‑Alpes‑Côte d’Azur et en Nouvelle-Aquitaine. Toutes les autres régions rassemblent moins de 6 % de l’ensemble des établissements culturels.
Le très récent rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles ([43]) établi dans le cadre du Printemps de la ruralité complète ces données : il constate que si « les opérateurs du ministère sont exceptionnellement implantés en zone rurale et les organismes labellisés y sont peu présents (5 % des labels de la création), leurs actions s’y déploient mais de manière contrastée. 56 % des lieux cartographiés (72 000 au total) sont situés en ruralité, dont une majorité de monuments historiques, de bibliothèques et de chantiers de fouilles, suivis des cinémas et des « jardins remarquables », ce qui permet de conclure à une bonne présence culturelle en milieu rural, même si une majorité de ces lieux sont patrimoniaux (châteaux, églises, etc.) et sans effet systématique sur l’animation culturelle ».
Mais ces données ne présentent qu’une photographie partielle si elles ne sont pas assorties de données en termes de temps d’accès, telles qu’établies récemment à la lumière de la nouvelle grille de densité établie en 2020 ([44]). Or ces informations sont essentielles lorsqu’il est question d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap, et ce quel que soit le handicap car des handicaps cognitifs et psychiques peuvent par exemple générer un stress important pour les usagers concernés et les conduire à renoncer à une sortie faute de mobilité et d’accompagnement adaptés.
II. UN GRAND NOMBRE D’OPÉRATEURS ET SERVICES MINISTÉRIELS, DES FINANCEMENTS ÉPARS ET LARGEMENT DÉCONCENTRÉS
L’accessibilité de l’offre culturelle, qui gagnerait à être affirmée et à figurer au titre des politiques publiques menées par le ministère de la culture, concerne ses nombreux opérateurs et plusieurs départements ministériels. Les financements dédiés sont épars, largement déconcentrés et peu suivis.
A. UN GRAND NOMBRE D’OPÉRATEURS ET DE SERVICES MINISTÉRIELS INTERVIENNENT DANS LE CHAMP DE L’ACCESSIBILITÉ CULTURELLE
L’architecture complexe du ministère de la culture et de celui en charge des personnes en situation de handicap ne facilite pas la lisibilité des actions dédiées à l’accès à la culture. Malgré des évolutions récentes pour en faciliter l’interministérialité, cette politique est souvent intégrée à des dispositifs plus larges donc mal identifiée… et difficilement évaluable, faute de données et d’indicateurs dédiés.
1. Le ministère de la culture, ses opérateurs et services déconcentrés
Aux termes du décret n° 2022-844 du 1er juin 2022 ([45]), le ministre de la culture a pour mission « de rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l’humanité et d’abord de la France (…) À ce titre, il conduit la politique de sauvegarde, de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel dans toutes ses composantes, il favorise la création et la diffusion des œuvres de l’art et de l’esprit, la participation de tous à la vie culturelle et artistique et le développement des pratiques et des enseignements artistiques (…). Il encourage les initiatives culturelles locales, développe les liens entre les politiques culturelles de l’État et celles des collectivités territoriales (…). Le ministre de la culture (…) encourage la diffusion de programmes éducatifs et culturels par les sociétés nationales de programme et les autres entreprises de communication audiovisuelle ».
Au-delà des directions qui le composent dont la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC) et son Haut fonctionnaire au handicap et à l’inclusion, 18 directions régionales des affaires culturelles (DRAC et DAC) et 3 services en Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, le ministère assure la tutelle de :
– 20 services à compétence nationale dont les Archives nationales, plusieurs musées régionaux tels le Musée national et domaine du château de Pau, les musées de Saint‑Germain‑en‑Laye, Compiègne, Malmaison…
– 79 établissements publics dont la Bibliothèque nationale de France (BnF), le Château de Versailles, la Comédie‑Française, diverses écoles (architecture, arts, etc.), différents musées – dont le Louvre – et théâtres.
Parmi ceux-ci, plusieurs grands opérateurs : le Centre national de la musique (CNM), le Centre national de la danse (CND), le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et le Centre national du livre (CNL) ; ces établissements publics sous la tutelle du ministère de la culture ont, parmi leurs missions, le soutien à la création et la diffusion/présentation/promotion des œuvres auprès d’un large public. Également, le Centre des monuments nationaux (CMN) dont les missions sont d’ouvrir à la visite et animer plus de cent monuments nationaux qui ont accueilli plus de 10 millions de visiteurs en 2022.
La gestion du ministère est parfois déléguée, comme c’est le cas avec la Société du Pass culture dont les crédits prévus pour 2024 ne représentaient pas moins de 267 M€ ([46]) pour un effectif de 166 équivalents temps plein travaillé (ETPT) au 30 septembre 2023 quand la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle en compte 55.
a. Les différentes directions et grands opérateurs interviennent dans le champ de l’accessibilité
Certaines directions du ministère de la culture sont peu dotées en effectifs tandis que la mise en œuvre de l’action ministérielle est déléguée à de nombreux opérateurs, ce qui, malgré la bonne volonté des équipes que les rapporteurs ont pu constater lors de leurs nombreuses auditions, ne facilite ni le suivi, ni l’évaluation des politiques publiques engagées.
Le suivi de la politique d’accessibilité était assuré, jusqu’en 2020, par le service de la coordination de la politique culturelle et de l’innovation au sein du secrétariat général du ministère avant d’être intégré à la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC). Le Haut fonctionnaire handicap et inclusion, directement rattaché au délégué général, est en charge des questions d’accessibilité au niveau interministériel (liens avec le CIH et le CNCPH), au niveau ministériel et en direction des acteurs (établissements publics, labels…) pour les sensibiliser sur le sujet du handicap et de l’inclusion.
Au sein de la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC), un Haut fonctionnaire au handicap et à l’inclusion (HFHI) et un bureau de la politique interministérielle (un chef de bureau et une chargée de mission en charge du handicap) sont en charge du pilotage de la politique d’accessibilité ; ainsi, sur les 55 ETP, la direction dispose d’un effectif de 1,75 ETP pour coordonner l’ensemble de cette politique (0,75 ETP pour le bureau de la politique interministérielle).
Lors de son audition par les rapporteurs, le délégué général à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle a indiqué que la politique menée par la délégation tendait à se concentrer davantage sur les publics plutôt que sur l’offre, ce qui manifestement correspond à un besoin – ainsi, la consultation en ligne interrogeant notamment les attentes des citoyens dans les territoires lancée dans le cadre du Printemps de la ruralité a recueilli plus de 35 000 réponses – et permet d’intégrer la vie culturelle de chacun au sein des futurs projets ministériels.
La DG2TDC soutient des associations qui développent des formations destinées aux professionnels du handicap et de la culture, notamment les référents handicap dans les conservatoires (associations Musique et santé, Retour d’image, Musique et situations de handicap), ainsi que des formations diplômantes (par exemple le DU « culture, soin et accompagnement » porté par l’association Culture et Hôpital à l’Université de la Sorbonne). En outre, avec le soutien de la DG2TDC, un guide est en cours de rédaction pour l’accueil dans les lieux de culture des personnes concernées par les troubles du spectre de l’autisme et celles ayant des troubles du neurodéveloppement.
Des actions sont également conduites dans le cadre de la Convention culture et santé – médico-social dont la mise à jour est en cours. Ainsi, les Pôles culture/santé/handicap développent, à l’échelle des régions, des formations croisées pour les professionnels du handicap et du médico‑social dans les ESSMS mais également pour les professionnels de la culture.
La DG2TDC porte également une réflexion sur le cadre de formation des intervenants sociaux dans le cadre de la politique culture/solidarité. L’enjeu est de renforcer la place de la méthodologie de projet culturel dans le cadre de la formation initiale et continue des intervenants sociaux, ces derniers pouvant accompagner des personnes en situation de handicap dans des ESSMS.
La direction générale de la création artistique (DGCA) comptait 163 ETP fin 2023. Cette direction ne dispose pas d’ETP dédié au handicap ni en charge de l’évaluation des politiques publiques menées sur le sujet mais une personne est référente sur les questions de handicap.
Dans le cadre de la Commission nationale Culture et handicap, un des axes de travail établi pour 2023‑2024 relevant du champ d’intervention de la DGCA a trait au lancement de l’expérimentation pour le Centre national pour la création adaptée (CNCA) de Morlaix de constituer un pôle de ressources pour les institutions culturelles ([47]).
La direction générale des médias et des industries culturelles dont relève le service du livre et de la lecture copilote les vastes chantiers de l’édition accessible (voir supra) ou le développement du Facile à lire et à comprendre (FALC) dans les bibliothèques.
La direction générale des patrimoines et de l’architecture intervient au titre de l’accessibilité des lieux de son ressort.
Le ministère ne dispose pas d’évaluation de sa politique en faveur du handicap, mais de remontées de bilans des associations, d’évaluations dans le cadre des déplacements de l’équipe interministérielle et de dialogues coordonnés avec les référents culture‑handicap au sein des DRAC. La DG2TDC soutient également des études, enquêtes et travaux de recherche portés notamment par des associations.
Plusieurs opérateurs du ministère mènent des actions, plus ou moins identifiées en direction des publics en situation de handicap. Ainsi :
– le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a notamment pour mission de contribuer au financement et au développement du cinéma et, à cette fin, de soutenir la création, la production, la distribution, la diffusion des œuvres par des aides financées par des taxes affectées. À la fois administration centrale de l’État en charge de la politique du cinéma et établissement public, il réserve désormais son agrément aux œuvres sous‑titrées et audiodécrites. Le CNC apporte son soutien aux exploitants de salles (par la prise en compte de travaux relatifs à l’accessibilité des salles), aux éditeurs de vidéo (pour la réalisation de fichiers d’audiodescription et de sous-titrage), à la réalisation de fichiers d’audiodescription et de sous-titrages pour les longs métrages à petit budget, les films de patrimoine et ceux relevant du dispositif scolaire d’éducation à l’image. Enfin, le CNC a mis en place, au printemps 2022, un observatoire de l’accessibilité qui associe les associations concernées pour évaluer l’impact et les insuffisances des initiatives menées et y apporter des réponses concrètes. Plusieurs groupes de travail ont été mis en place dans ce cadre : le premier a permis de recenser l’ensemble du matériel d’accessibilité existant et d’en faire un descriptif technique en vue d’une publication à destination des professionnels ; le second pour améliorer la visibilité des séances accessibles, avec AlloCiné et les équipementiers ;
– établissement public administratif du ministère de la culture, le Centre national du livre (CNL) a pour mission d’encourager la création et la diffusion d’ouvrages de qualité au travers de nombreux dispositifs d’aides aux acteurs de la chaîne du livre (auteurs, éditeurs, libraires, bibliothèques, organisateurs de manifestations littéraires) et de favoriser le développement de la lecture, auprès de tous les publics. Il soutient des actions en faveur de la lecture dans le secteur médico‑social, telle l’opération Les Mots parleurs en partenariat avec six hôpitaux, dont certains concernent des personnes en situation de handicap (il s’agit d’élaborer un podcast autour d’un ouvrage) ; en 2024, ce partenariat avec l’AP‑HP devait s’élargir à douze établissements, la moitié concernant des patients en situation de handicap cognitif. En 2024, le CNL a engagé une réflexion avec six maisons d’édition affiliées à la Fédération des aveugles et des amblyopes de France, pour renforcer les soutiens aux éditions adaptées en format papier (gros caractères, FALC, braille) ;
Exemples de projets soutenus en 2023
- L’enregistrement de livres sonores pour la médiathèque de Charenton‑le‑Pont (Val‑de‑Marne) qui propose des livres accessibles dans le cadre des « bibliothèques sonores de Charenton ». Trois livres sonores ont ainsi été enregistrés pour un jeune public enfant en situation de handicap et/ou Dys.
- Le projet Facile à lire développé par la commune de Roques (Haute‑Garonne) avec la création de trois fonds : un fonds FALC doté majoritairement d’histoires courtes destiné aux associations accompagnant des enfants atteints de trouble Dys ou accompagnant le public en difficulté avec la langue française mais également pour les usagers du tiers‑lieu eux-mêmes. Un fonds Dys : situé au sein de l’espace bibliothèque jeunesse de la structure. Ce fonds s’adressera aussi bien aux parents des enfants atteints de trouble Dys qu’aux enfants sans difficulté apparente.
- Le projet « Lire autrement » de la médiathèque de Chauny (Aisne) visant à développer des collections adaptées (livres en grands caractères, livres lus, braille, LSF) et des collections proposant une autre façon de lire sur tablette (liseuse, smartphone, ordinateur, livres numériques) au sein d’un espace « Lire autrement » et à proposer des actions spécifiques.
- Le développement d’une collection d’ouvrages adaptés au public dyslexique à la médiathèque intercommunale La Haye-Pesnel (communauté de communes de Granville dans la Manche) qui a également sollicité une formation pour l’accueil de ces lecteurs. Une démarche de conventionnement avec l’association Valentin Haüy est en cours pour rendre accessibles des livres au format Daisy ([48]), tant pour les personnes malvoyantes que pour les jeunes dyslexiques.
– le Centre national de la musique (CNM), établissement public à caractère industriel et commercial créé en 2020, a notamment pour mission de soutenir l’écriture, la composition, l’interprétation, la production, l’édition, la promotion, la distribution et la diffusion de la musique auprès de tous les publics et de participer au développement de l’éducation artistique et culturelle. Il assure également des missions d’information et de formation. S’il a soutenu, en 2021, un projet portant sur l’accès à la musique pour les personnes sourdes ou malentendantes, sa politique d’accessibilité apparaît peu lisible et peu visible. En l’état, de l’avis de plusieurs interlocuteurs, il semble que peu d’actions soient conduites dans l’univers de la musique pour les personnes en situation de handicap. Afin de pallier ces lacunes, l’association Réseau national musique et handicap (RNMH) a lancé une étude sur ce sujet ;
– établissement public industriel et commercial, le Centre national de la danse (CND) a notamment pour mission d’élargir le public des spectacles de danse. Son contrat d’objectifs et de performance conclu pour la période 2022‑2024 oriente en particulier son action vers le développement de l’art et de la culture chorégraphiques et l’élargissement des publics. Organisateur de spectacles et centre de ressources pour les professionnels, sans être un observatoire, le CND a indiqué, dans le cadre de son audition, qu’il n’était pas à même de recueillir des données structurées en matière d’inclusion et d’accessibilité. Il est partenaire de la Mission Handicap du spectacle vivant et enregistré ([49]) et collabore ponctuellement avec le Centre national pour la création adaptée (CNCA), le Pôle européen de l’accessibilité culturelle (CEMAFORRE) ([50]) et la Mission Vivre Ensemble ([51]) ;
– enfin, depuis 20 ans, Universcience, établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) qui regroupe le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l’industrie, placé sous la double tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de la culture, porte une mission fédératrice en faveur d’une plus grande inclusion des personnes en situation de handicap au sein des établissements culturels nationaux : la Réunion des établissements culturels pour l’accessibilité (RECA).
La Réunion des établissements culturels pour l’accessibilité (RECA)
En 2003, le ministre de la culture a confié à la Cité des sciences et de l’industrie et au musée du quai Branly la mission d’animer des groupes de travail chargés de proposer des mesures concrètes visant à améliorer, à court terme, l’accueil des personnes en situation de handicap dans les établissements culturels. À cette fin, divers groupes de travail thématiques sont créés.
Entre 2003 et 2004, les travaux des groupes thématiques constitués ont conduit à la réalisation d’améliorations d’ordre architectural, éditorial, informatique et technique ; les préconisations élaborées dans ce cadre ont ainsi conduit à la publication d’un « Guide pratique de l’accessibilité » édité en 2007 par le ministère de la culture. De même, ont été conçus un support d’échanges d’information sur les formations des personnels à l’accueil des personnes en situation de handicap et un document de diagnostic, d’analyse et de propositions sur l’accessibilité de huit sites culturels emblématiques.
Entre 2004 et 2006, les travaux de nouveaux groupes thématiques conduisent à la modification des politiques tarifaires de plusieurs établissements, tandis qu’est créé un groupe de travail consacré à la mise en conformité des établissements publics culturels dans le cadre de l’application de la loi du 11 février 2005.
En 2009, les établissements contractualisent leurs relations en signant des conventions bilatérales avec la Cité des sciences et de l’industrie, pilote de la mission ; le groupement ainsi constitué prend alors le nom de Réunion des établissements culturels pour l’accessibilité (RECA).
Parmi les actions menées par les différents groupes de travail de la RECA :
- Emploi des personnes en situation de handicap : rédaction d’un guide d’accueil des travailleurs en situation de handicap intégré au « guide pratique de l’accessibilité Culture et Handicap », création d’une bourse aux candidatures, commune aux établissements participants, organisation de journées de sensibilisation internes et inter-établissements, participation à des forums pour l’emploi des personnes en situation de handicap.
- Promotion des offres culturelles adaptées : développement d’un site internet expérimental « Ariane-info », intégration des offres accessibles de la RECA dans l’annuaire accessible.net en partenariat avec le CRT Île‑de‑France, création d’un logo et d’une charte graphique.
- Nouvelles technologies : élaboration de préconisations pour la conception et l’utilisation de visioguides en LSF et d’audioguides adaptés aux personnes en situation de handicap visuel, veille technologique sur les innovations en France et à l’étranger, tests d’évaluation de dispositifs de localisation, de guidage et d’informations.
- Mise en conformité des établissements publics culturels avec la loi du 11 février 2005 : travail sur le cahier des charges du diagnostic d’accessibilité, clarification des procédures d’agrément et repérage des prestataires existants, suivi des agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP), contribution à la définition du « Baromètre d’accessibilité des sites internet des établissements publics », concertation sur la mise en place des registres d’accessibilité.
- Évaluation des offres et dispositifs proposés aux publics en situation de handicap : réalisation d’enquêtes dans une douzaine d’établissements pour améliorer la connaissance des publics en situation de handicap, analyser leur réception des dispositifs et offres de médiation proposés, expérimenter des méthodologies d’enquête pour recueillir la parole des personnes en situation de handicap.
- Améliorer l’accueil des personnes en situation de handicap mental : formations inter-établissements, participation à la production du guide pratique de l’accessibilité « Équipements culturels et handicap mental », édité par le ministère de la culture en 2009, développement d’une collection de films « La Visite ».
- Faire venir les groupes de personnes avec handicap dans les établissements culturels : étude sur les actions menées par les correspondants auprès des relais, organisation du Forum RECA au Musée de l’Homme en 2018, méthodologie de l’organisation des visites et projet culturels.
- Assurer l’accessibilité culturelle en temps de pandémie (2020) : contribution au site #culturecheznous : définition des critères d’accessibilité des ressources ; sélection de ressources accessibles, partage des modalités d’accueil des personnes avec handicap pour la réouverture au public (consignes, repérages des masques adaptés, distributeurs de gel hydroalcoolique…), rédaction de fiches pratiques pour l’accueil des personnes en situation de handicap visuel.
En 2021‑2022, une note de préconisations a été établie après des travaux sur la tarification, les documents d’accompagnement adaptés ont été recensés, une plateforme numérique d’échanges (Osmose) a été créée et un cahier des charges pour la création d’un site web rédigé.
En 2023, la rédaction d’une charte RECA, le recueil des besoins en formation et des échanges de bonnes pratiques concernant l’autisme étaient à l’ordre du jour tandis qu’un « Guide pratique des sorties culturelles » a été publié en 2024.
En avril 2024, à l’occasion des 20 ans de la RECA, un forum a été organisé à la Cité des sciences et de l’industrie, autour de quatre principales thématiques : organiser une sortie ou un projet culturel, accompagner les publics en apprentissage du français, découvrir les actions des établissements du spectacle vivant, s’informer sur les offres de médiation pour les personnes en situation de handicap.
On notera qu’à l’exception du Centre des monuments nationaux qui rassemble une centaine de monuments du territoire métropolitain, les 42 membres de la RECA sont, pour l’essentiel, franciliens voire parisiens. Celle-ci gagnerait sans doute à élargir son champ d’action aux grands établissements culturels départementaux et régionaux.
b. La gestion particulière du Pass culture
L’objet du présent chapitre n’est pas de porter un jugement sur la place prise par le Pass culture dans l’accès à la culture ni sur son mode de gestion, d’autres s’y sont employés, en particulier la Cour des comptes dans un rapport publié en juillet 2023 ([52]) ou nos collègues parlementaires lors de l’examen des projets de loi de finances.
Le fait est qu’avec plus de 267 M€ inscrits dans le PLF pour 2024 et quelque 282 M€ pour 2025 ([53]), le Pass culture est devenu un acteur central de l’accès des jeunes à la culture, même s’il n’est structurellement pas un opérateur de l’État ([54]).
En effet, la société Pass culture est une société par actions simplifiée dont les actionnaires sont l’État (70 %) et la Caisse des dépôts (30 %) et dont les missions, définies par décret ([55]), sont notamment d’encourager la diversité des pratiques artistiques et culturelles, de favoriser la connaissance et l’accès aux offres culturelles. La société comptait 185 ETP fin 2023.
Le Pass culture est constitué de deux volets distincts : un volet individuel destiné aux jeunes de 15 à 18 ans, scolarisés ou non, qui peuvent grâce à une application géolocalisée, réserver des contenus culturels (la société a un rôle d’animation de réseau et de mise en avant d’offres) et un volet collectif destiné aux établissements scolaires pour financer, par l’intermédiaire des enseignants, des sorties culturelles pour les classes de la 6ème à la terminale (la société procède au remboursement de prestataires culturels sans intervenir dans l’homologation des offres).
L’offre individuelle représente 20 € à 15 ans, 30 € à 16 et 17 ans, 300 € à partir de 18 ans, utilisables durant 24 mois, via l’application dédiée. L’offre collective, attribuée aux collèges et lycées, correspond à 25 € pour les élèves de la classe de la sixième à la troisième, 30 € pour les élèves de seconde et de CAP, et 20 € pour les élèves de première et de terminale.
La part collective concerne les établissements d’enseignement du second degré publics et privés sous contrat avec le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, de la défense et du secrétariat d’État à la mer. Le travail d’intégration des jeunes en situation de handicap accueillis dans des institutions spécialisées se poursuit dans le cadre d’échanges entre le ministère de l’éducation nationale et la direction générale de la cohésion sociale ; en effet, celles-ci n’avaient pas été intégrées au dispositif initial.
En ce qui concerne les offres culturelles référencées sur la plateforme, les partenaires culturels sont invités à renseigner les critères d’accessibilité de leurs équipements dans la description de leurs offres selon quatre critères : handicap visuel, handicap psychique ou cognitif, handicap moteur et handicap auditif. Une plus grande précision dans les critères d’accessibilité des lieux (accès à une place PMR, ascenseur, etc.) est disponible depuis l’interconnexion du dispositif avec la plateforme Acceslibre, fruit d’un partenariat technique mis en place au début de l’année 2024 et qui permet au Pass culture de récupérer les données sur le site d’Acceslibre. Un filtre dédié a également été ajouté dans la barre de recherche du site pour identifier plus facilement les établissements qui proposent un accueil adapté aux personnes en situation de handicap.
Selon les informations transmises par la société Pass culture en juin dernier, 33,5 % des lieux référencés sur le Pass culture avaient indiqué des critères d’accessibilité, ce qui est modeste ; en revanche, 95 % des offres de spectacle vivant (soit 73 256 offres) avaient référencé leur accessibilité. Ainsi 42 % d’entre elles étaient accessibles pour les personnes en situation de handicap cognitif, 30 % pour les personnes en situation de handicap auditif, 83 % pour les personnes en situation de handicap moteur, et 33 % pour les personnes en situation de handicap visuel.
Dans le cadre du dernier comité interministériel du handicap tenu le 16 mai dernier, le point d’étape concernant le ministère de la culture indiquait qu’en avril 2024, 40 % des partenaires du Pass culture avaient engagé l’intégration de leurs propositions culturelles sur la plateforme gouvernementale Acceslibre.
En ce qui concerne l’offre de livres, les données disponibles sur le Pass culture ne permettent pas de comptabiliser les livres en braille et en FALC. Cependant, environ 30 % des offres actives de livre papier possèdent des informations d’accessibilité concernant les différents handicaps. Néanmoins, les livres en braille et en FALC disponibles en librairie sont automatiquement mis en ligne par l’intermédiaire de leur catalogue accessible sur l’application et, en cas d’indisponibilité d’un livre en braille ou en FALC en librairie, le jeune bénéficiaire du Pass culture peut en faire la demande directement auprès de la librairie qui le commandera pour lui.
Les bénéficiaires en situation de handicap peuvent solliciter une assistance du service support de la société Pass culture par l’intermédiaire de la messagerie instantanée disponible sur le site du Pass culture ou par courriel. On notera l’absence de service téléphonique, la société arguant des moyens humains et financiers engendrés sans plus grande efficacité de traitement des demandes.
En juin 2024, le site internet dédié aux jeunes bénéficiaires était accessible à 85 % tandis qu’une nouvelle version était lancée début juillet dont l’audit est prévu pour l’automne 2024. Le site dédié aux partenaires culturels du Pass culture n’est accessible qu’à 50 %. Il devra faire l’objet d’un travail de mise en conformité. La collaboration avec Acceslibre et PictoAccess est un des éléments de progression de la prise en compte des questions d’accessibilité de l’information diffusée par le Pass culture.
Un comité « Accessibilité » regroupant les directions chargées du suivi des partenaires culturels et des publics, du design et des développements techniques de l’application a été mis en place au sein de la société Pass culture. Il a pour mission de construire et de suivre l’accessibilité de l’application ainsi que les actions à mener auprès des associations du secteur. Des opérations spécifiques sont aussi organisées avec des représentants de personnes en situation de handicap ([56]) ; ainsi, un atelier d’inscription et de tests de l’application auprès de jeunes aveugles et malvoyants a été organisé avec l’aide de l’INJA.
En partenariat avec le ministère de la culture, un comité de suivi réunit régulièrement les instances représentatives et associations pour suivre les actions du Pass culture en matière d’accessibilité. À l’occasion de la publication du rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) sur les impacts de la part individuelle du Pass culture, le site du ministère indiquait que, le 18 juin 2024, s’était tenu un comité d’orientation sur l’accessibilité et l’inclusion, afin que le Pass culture prenne en compte les jeunes en situation de handicap.
Plusieurs interlocuteurs des rapporteurs se sont étonnés de ce que la question de l’accessibilité du Pass culture soit seulement en passe d’être traitée. Les rapporteurs y reviendront dans le cadre de leurs préconisations.
Dans le cadre des discussions en amont du projet de loi de finances pour 2025, Mme la ministre de la culture a évoqué la perspective d’une évolution du Pass culture. Il serait opportun que, dans ce cadre, la question de l’accès de tous les jeunes en situation de handicap, en particulier pour ceux accueillis dans les établissements et services médico-sociaux, soit traitée de manière prioritaire.
c. Les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), une gestion déconcentrée où l’accessibilité est inégalement prise en compte
Les missions des directions régionales des affaires culturelles sont définies par le décret n° 2010-633 du 8 juin 2010. Services déconcentrés du ministère de la culture dans les régions, elles exercent leurs missions sous l’autorité du préfet de région et de département.
Elles conduisent la politique culturelle de l’État dans les régions et les départements notamment pour la valorisation du patrimoine, la création et la diffusion artistique, le développement du livre et de la lecture, l’éducation artistique et culturelle et la transmission des savoirs, la promotion de la diversité culturelle ainsi que l’élargissement des publics. Elles participent à l’évaluation des politiques publiques et développent la coopération avec les collectivités territoriales.
Au sein des DRAC, les sujets de l’accessibilité sont suivis par les pôles action culturelle et territoriale et plus particulièrement par des conseillers qui, sur leur territoire, pilotent l’ensemble des politiques d’éducation artistique et culturelle, d’action culturelle et d’aménagement culturel des territoires (EAC, politique de la ville, ruralité, justice, santé, handicap, champ social, pratiques amateurs, éducation aux médias et à l’information, etc.). Dans certaines régions, les DRAC et les agences régionales de santé (ARS) soutiennent conjointement des pôles culture/santé et/ou culture/handicap qui ont vocation à développer, qualifier, structurer la mise en œuvre locale de la politique culture/handicap.
Lors de son audition, la DG2TDC a souligné que le critère de l’accessibilité figurait peu dans le choix des financements alloués par les DRAC en raison de la petite taille des structures concernées ; en revanche, l’accessibilité est plus simple à mettre en œuvre pour des structures plus importantes.
Les rapporteurs ont adressé aux directions régionales et aux directions des affaires culturelles (DRAC et DAC) un questionnaire sur leur politique d’accessibilité dont la synthèse se trouve en annexe. Celles-ci soutiennent des projets très hétérogènes et, depuis peu, gèrent le Fonds accessibilité (cf. infra), parfois en déléguant la gestion des appels à projets à d’autres structures, ce qui ne facilite pas le suivi et l’évaluation des subventions allouées.
En lien avec le ministère de la culture, plusieurs ministères contribuent aux actions conduites pour favoriser l’accès à la culture des personnes en situation de handicap, au premier titre desquels on trouve le ministère en charge des questions liées aux handicaps, mais également d’autres départements ministériels tels que celui de l’éducation nationale ou celui en charge des problématiques d’accessibilité bâtimentaire par exemple.
a. Le ministère en charge des personnes en situation de handicap
Le ministère des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, en particulier, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) co‑pilotent les actions en direction des publics accueillis au sein des établissements et services sociaux et médico‑sociaux (ESSMS). On rappellera que l’article L. 1431-2 du code de la santé publique dispose que « en relation avec les autorités compétentes de l’État et les collectivités territoriales qui le souhaitent, [les ARS] encouragent et favorisent, au sein des établissements, l’élaboration et la mise en œuvre d’un volet culturel ».
La DGCS pilote des actions transversales à l’intention des personnes en situation de handicap. Co‑responsable de trois réseaux déconcentrés ([57]) dont les agences régionales de santé (ARS), elle conçoit et pilote les politiques publiques de solidarité, pour améliorer la vie quotidienne des personnes en situation de handicap. La DGCS porte en particulier ses efforts sur l’accès à la pratique artistique et culturelle dans les ESSMS.
La politique menée en collaboration par le ministère de la culture est encadrée par la convention nationale culture et santé dont la première édition de mai 2010 s’ouvrait, à titre expérimental, aux établissements et services sociaux et médico-sociaux et qui reste le socle des conventions conclues localement par les agences régionales de santé (ARS) – qui se dotent de référents handicap – et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) pour développer une politique en faveur de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap sur leur territoire et dont les collectivités territoriales peuvent être signataires. Ces conventions locales se traduisent par des appels à projets.
La mise à jour de cette convention était en discussion courant 2024 et devrait être signée à la fin de l’année ou début 2025 ; elle donnera une impulsion nationale même si la vraie déclinaison se fera à l’échelon territorial, avec les acteurs institutionnels et associatifs. Cette nouvelle convention devrait tirer les enseignements de l’étude citée plus haut ([58]). Dans cette perspective, plusieurs pistes étaient envisagées :
– pérenniser l’extension de la convention au champ médico-social de l’autonomie ;
– mettre en œuvre une politique culturelle inclusive en veillant à une complète mobilisation des structures culturelles du territoire ;
– favoriser l’interconnaissance des acteurs de la culture et des ESSMS sur les territoires en encourageant par exemple les actions de formation/sensibilisation des professionnels des ESSMS au monde de la culture et inversement, impulsant des moments de rencontres territoriales entre les acteurs de la culture et ceux des ESSMS et ainsi favoriser la mise en place de partenariats pérennes entre les ESSMS et les structures culturelles de proximité ;
– changer le regard sur ces publics, encore trop souvent qualifiés par leurs incapacités plutôt que leurs capacités et leur citoyenneté ;
– mieux outiller les ESSMS pour les aider à développer des actions culturelles ;
– inciter les ESSMS à mieux se structurer (désignation au sein de l’ESSMS d’un référent culture par exemple, intégration d’une démarche artistique et culturelle dans le projet d’établissement) en faisant de cette structuration une condition dans le cadre des appels à projets régionaux.
On rappellera qu’il existe près de 20 000 établissements et services médico‑sociaux accueillant et accompagnant des personnes âgées et des personnes en situation de handicap sur l’ensemble du territoire national.
Selon les informations transmises par la DGCS, une dizaine de pôles culture et santé contribuent à la mise en œuvre des orientations fixées par les conventions locales comme par exemple l’organisation de formations ou de sensibilisation des acteurs du médico‑social au monde de la culture. Pour leur part, les ARS disposent d’un référent culture et santé qui travaille en collaboration étroite avec les conseillers actions culturelles territoriales (ACT) des DRAC. Des rencontres sont, par ailleurs, organisées au niveau national pour favoriser les échanges de bonnes pratiques, la dernière s’étant tenue en décembre 2023.
Les objectifs des pôles culture et santé sont de : favoriser l’accès de tous les publics aux pratiques artistiques ; être un lieu ressource, d’expérimentation de nouvelle formes de travail artistique ; développer des collaborations et la mise en réseau de ceux qui agissent dans ce domaine ; sensibiliser aux enjeux de la démarche Culture et Santé ; intervenir comme conseil et relais auprès des professionnels et soutenir des artistes qui souhaitent travailler avec des publics spécifiques.
Certains pôles culture et santé peuvent avoir la mission de coordonner les appels à projets ; s’ils n’ont pas cette mission, ils proposent toujours un soutien à l’ingénierie de projets et des formations. La plupart des pôles ont un statut associatif.
Six pôles ont créé un réseau Entrelacs (Espace National de Travail, Ressources, Échanges et Liens entre Arts, Culture et Santé) qui favorise le partage de bonnes pratiques.
Entendue par les rapporteurs, la DGCS a rappelé que les politiques poursuivies sont de plus en plus marquées par la volonté de faire pleinement participer les personnes en situation de handicap à toutes les activités de la vie sociale ; dans cette optique, les politiques publiques ne sont pas centrées sur un public en tant que tel, mais doivent être centrées sur l’accessibilité ab initio. Sur la question de la culture, la direction se concentre sur l’accès spécifique des personnes prises en charge dans les établissements et services médico‑sociaux.
Au-delà de l’étude précitée menée en 2020 qui a souligné les difficultés existantes pour conduire des projets culturels au sein des ESSMS, il apparaît néanmoins que la qualité de l’insertion de ces établissements au sein d’un écosystème plus large, incluant l’accès à la culture, est une préoccupation de plus en plus présente.
La DGCS participe également au projet de portail national de l’édition accessible et adaptée. Ainsi, une convention a été conclue le 14 novembre 2023 entre l’État (DGCS, DGMIC, SG CIH) et les deux établissements publics, BnF et INJA, pour les années 2023 à 2027, qui correspondent à la réalisation du portail national de l’édition accessible et adaptée ainsi qu’à l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan de production et la conception d’un plan de structuration de la filière de l’édition adaptée. Le budget alloué à l’ensemble du projet se monte à près de 14 M€ sur la période 2023-2027 répartis sur les crédits des programmes 334 (ministère de la culture) à hauteur de 5 M€, et 157 (ministère du travail, de la santé et des solidarités), à hauteur de près de 9 M€.
Par ailleurs, la DGCS assure conjointement avec le ministère de la culture l’instruction des demandes d’habilitation des organismes au titre de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes en situation de handicap ([59]). Ainsi, un arrêté conjoint des ministres chargés de la culture et des personnes handicapées liste les organismes pouvant bénéficier de l’exception au droit d’auteur dont, aujourd’hui, plus de 200 organismes bénéficient, parmi lesquels figurent 51 organismes du champ du médico-social tandis que plus de 90 sont agréés pour accéder aux fichiers numériques des éditeurs parmi lesquels 44 organismes du champ médico‑social.
L’Institut national des jeunes aveugles Louis Braille (INJA)
L’INJA, placé sous la tutelle du ministère des solidarités et de la santé, est un établissement public national d’enseignement et d’éducation spécialisés pour jeunes aveugles et malvoyants. Il accueille des élèves aveugles et malvoyants, de la grande section de maternelle à la terminale en appliquant les programmes de l’éducation nationale.
Pour la première fois depuis 240 ans, l’INJA est dirigé par un déficient visuel.
L’établissement met l’accent sur l’éducation musicale avec 11 professeurs de musique sur 56 enseignants, dispose d’une grande salle de concert, trois orgues, 80 pianos, et a conclu différents partenariats avec le conservatoire du 7e arrondissement de Paris et plusieurs grands établissements culturels – Philharmonie, Opéra-Comique, la Comédie‑Française, le Louvre… Outre la musique, l’Institut propose aux jeunes des programmes de danse, des podcast avec une artiste pour les sensibiliser à d’autres formes d’expressions artistiques (avec l’aide des fonds « Culture et Santé » alimentés par les ARS et les DRAC et de financements privés). En mars dernier, l’Institut a lancé un programme de « lectures dans le noir » animé par l’acteur Thibault de Montalembert. Les jeunes déficients visuels sont aussi sollicités pour évaluer la qualité de l’audiodescription de contenus culturels.
On ajoutera que, dans le cadre de la stratégie nationale 2023‑2027 pour les troubles du neurodéveloppement ([60]), il est prévu de faciliter l’accès à la culture et aux lieux culturels et, pour ce faire, de développer un guide opérationnel pour améliorer l’accueil et l’accessibilité des personnes autistes, atteintes de troubles Dys, de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et de troubles du développement intellectuel (TDI) dans l’ensemble des champs de la culture : musées et monuments, spectacles vivants, arts visuels, livres et lecture, cinéma, etc. Des outils et des stratégies d’accueil de ces personnes et de leurs accompagnants seront développés dans l’ensemble des établissements recevant du public.
Au titre des améliorations récentes, le décret n° 2022‑570 du 19 avril 2022 relatif à la prestation de compensation mentionnée à l’article D. 245‑9 du code de l’action sociale et des familles, entré en vigueur le 1er janvier 2023, a créé un nouveau domaine d’aide humaine, le « soutien à l’autonomie », permettant de mobiliser jusqu’à 3 heures d’aide supplémentaires par jour pour renforcer l’accompagnement des personnes vivant avec une altération des fonctions mentales, psychiques ou cognitives ou des troubles du neurodéveloppement dans les différentes activités de leur vie quotidienne, y compris les activités culturelles et les loisirs.
Enfin, la prestation de compensation du handicap (PCH) contribue au financement d’aides techniques utiles pour l’accès à la culture, notamment des aides à la mobilité, des prothèses auditives, des aides à la communication par exemple pour la lecture. Sur ce dernier point, des travaux sont en cours pour améliorer dès 2024 le remboursement des aides à la communication dans le cadre de la PCH, conformément à l’engagement pris lors de la conférence nationale du handicap d’avril 2023. Les MDPH sont sensibilisées à ces questions notamment par le biais d’évènements organisés par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) visant à accompagner les professionnels dans l’élaboration du plan personnalisé de compensation. Ces évènements prennent notamment la forme de webinaires pour expliciter la réglementation et échanger sur les pratiques.
Malgré les belles initiatives conduites dans plusieurs établissements, que les organisateurs et les artistes considèrent souvent comme particulièrement bénéfiques tant pour les spectateurs que pour eux-mêmes, les associations consultées par les rapporteurs estiment que, faute de moyens humains et financiers, la culture demeure, malgré tout, le parent pauvre des politiques à l’intention des personnes en situation de handicap dans le cadre médico-social.
b. Le ministère de l’éducation nationale
Selon le récent panorama de la DREES ([61]) concernant les années 2021‑2022, 75 % des 212 400 élèves en situation de handicap scolarisés dans les établissements du premier degré étaient en classe ordinaire, 141 600, soit les deux tiers d’entre eux, recevant une aide humaine (individuelle ou mutualisée). Les autres élèves se trouvant en scolarisation collective avec l’appui d’une unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis) ou en unité d’enseignement élémentaire autisme (UEEA). 72 % des 197 000 élèves en situation de handicap scolarisés dans les établissements du second degré l’étaient en classe ordinaire, près de la moitié d’entre eux recevant une aide humaine (individuelle ou mutualisée), 28 % avec l’appui d’une Ulis.
L’éducation artistique et culturelle : la circulaire n° 2013‑073 du 9 mai 2013 relative au parcours d’éducation artistique et culturelle (EAC) définit les principes et les modalités de mise en œuvre de ce parcours qui permet à chaque élève de rencontrer des artistes et des œuvres, de s’initier à des pratiques artistiques et d’acquérir des connaissances afin de développer une culture artistique personnelle en mettant en cohérence les enseignements et les actions éducatives, et en les reliant aux expériences personnelles. Il est organisé sur les différents temps de l’élève (scolaire, périscolaire, extrascolaire).
Dans le cadre de son audition par les rapporteurs, la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) a indiqué que l’objectif était que 90 % des élèves bénéficient d’une éducation artistique et culturelle (EAC) en 2026. Le ministère s’appuie, au niveau national, sur une centaine de partenaires intervenant dans les huit domaines de l’EAC : éducation musicale, arts et patrimoine, spectacle vivant, cinéma‑audiovisuel, éducation aux médias et à l’information, livre et lecture, culture scientifique, technique et industrielle, histoire et mémoire. Lors de la mise en œuvre des projets d’EAC, les enseignants et les structures culturelles veillent à l’accessibilité des lieux de culture et de diffusion en amont du parcours.
Les délégations académiques à l’éducation artistique et à l’action culturelle (DAAC) sont en charge du pilotage, du suivi, de l’application et de l’évaluation des actions EAC déclinées à l’échelle de chaque académie. Animées par la Mission EAC de la DGESCO, les DAAC sont en charge du pilotage des outils de l’EAC (ADAGE, part collective du Pass culture, label 100 % EAC) et travaillent en étroite collaboration avec les DRAC. Les DAAC animent le réseau des enseignants référents culture de leur académie, ainsi que les professeurs relais auprès d’une structure culturelle. La prise en charge et l’accompagnement des élèves en situation de handicap est un sujet évoqué lors des formations de réseaux.
Tous les collèges et lycées disposent désormais d’un référent culture. Celui‑ci est souvent le professeur documentaliste. Dans le cadre de la mise en œuvre de la part collective du Pass culture en janvier 2022, les moyens ont été augmentés pour permettre le déploiement de référents culture au collège, jusque‑là en nombre insuffisant.
On ajoutera que l’EAC est une politique multipartenariale où les collectivités territoriales sont très actives. Dans ce cadre, un Conseil des territoires pour la culture (CTC), créé en 2019, réunit sous la présidence du ministre de la culture les principales associations et fédérations de collectivités territoriales et des CTC territorialisés ont vu le jour en 2020, co‑présidés par les préfets et présidents de région, au terme d’un travail de préparation animé par les DRAC.
Exemples d’initiatives et adaptations permettant la participation
des élèves en situation de handicap
Arts plastiques : « Art en immersion » s’appuie sur le potentiel de l’art numérique immersif. Chaque année, près de 8 000 élèves âgés de 5 à 12 ans participent au programme actuellement effectif dans cinq académies (Paris, Versailles, Créteil, Bordeaux et Aix-Marseille).
Cinéma – Audiovisuel : « Ma classe au cinéma » bénéficie chaque année à près de 2 millions d’élèves ; le CNC prend en charge chaque année les travaux d’accessibilité de 3 à 5 films parmi ceux proposés aux catalogues (Maternelle au cinéma, Ecole et cinéma, Collège au cinéma et Lycéens et apprentis au cinéma). À ce jour 16 % des titres (soit 55 titres) des catalogues de « Ma classe au cinéma » sont totalement accessibles (audiodescription + sous-titrage). Les catalogues « Ma classe au cinéma » proposent également 115 films uniquement sous‑titrés pour sourds et malentendants (33 %) et 110 en audiodescription (31,4 %).
L’offre EAC à la BnF
La fréquentation de l’offre « éducation artistique et culturelle » (EAC) est un indicateur du contrat d’objectifs et de performance de la BnF, avec un objectif annuel de 25 000 bénéficiaires d’actions de médiation, objectif largement dépassé : quelque 80 000 personnes ont bénéficié de ce dispositif. Des agents EAC de la BnF sont formés afin de proposer des ateliers spécifiques aux publics en situation de handicap (visites guidées des sites François Mitterrand et Richelieu pour les sourds signants et déficients intellectuels, visites descriptives et tactiles des sites pour les personnes en situation de handicap visuel, visites‑ateliers du musée à destination des familles avec enfants porteurs de troubles du spectre de l’autisme en partenariat avec Ikigaï et le Département des médailles et monnaies antiques, ateliers adaptés en fonction des handicaps comme « Il était une fois Gutenberg »…). Dans les salles de lecture (loupe à main éclairante, vidéo-agrandisseur, cabine insonorisée, logiciel Vocale Presse, flâneuse pour personne fatigable).
On relèvera que la charte de l’EAC, présentée par le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle en juillet 2016, pose dix principes dont le premier concerne l’accessibilité à tous et préconise la formation des différents acteurs et l’évaluation de l’impact de ses actions.
Éducation artistique et culturelle : les usages du Pass culture
dans les collèges et lycées en 2022-2023
(Culture chiffres 2024-2 ‑ Sylvie Octobre, Claire Thoumelin)
Durant l’année scolaire 2022‑2023, la part collective a permis de financer plus de 60 000 activités telles que des visites de musées, des spectacles, des concerts, des projections cinématographiques, des rencontres avec des artistes ou des ateliers de pratique artistique. 86 % des collèges et 89 % des lycées ont utilisé la part collective du Pass culture pour financer au moins une activité d’EAC. En moyenne, les collèges utilisateurs du Pass culture ont dépensé 46 % du budget qui leur était alloué au titre de la part collective et les lycées un peu moins (40 %) pour réaliser 5 activités par collège et 12 activités par lycée.
Au collège comme au lycée, les domaines principaux des activités financées par le Pass sont le théâtre (32 % des activités au collège et 36 % au lycée) et le cinéma/audiovisuel (24 % et 31 %). La présence d’un référent culture semble être positivement corrélée à l’utilisation de la part collective du Pass culture.
Le budget moyen par activité est de plus de 500 euros au collège comme au lycée et est sensible au domaine artistique mobilisé. Ce sont les activités en partenariat avec les artistes et les collectifs d’artistes qui ont les niveaux moyen et médian de dépense les plus importants. Les partenariats avec les musées et les salles de cinéma sont parmi les moins consommateurs de budget. Les niveaux de dépense par élève au collège et au lycée sont relativement semblables : le budget moyen est de 13 euros par élève au collège et 7 euros au lycée.
La formation des personnels de l’Éducation nationale : les éléments d’information transmis aux rapporteurs font état, au titre de la formation initiale, d’un module d’une durée minimum de 25 heures dédié à l’école inclusive dans sa globalité. En 2023‑2024, 125 modules de formation autour de l’école inclusive (dont le handicap) ont été proposés, auxquels près de 4 800 professeurs spécialisés, non spécialisés, AESH, personnels d’encadrement... se sont inscrits, ce qui reste modeste.
Des évolutions semblent toutefois en cours : des formations croisées entre les personnels de l’Éducation nationale, du secteur médico‑social et des collectivités territoriales se développent de plus en plus, afin de favoriser la construction d’une culture commune et d’engager des changements de pratiques ; par ailleurs, un guide édité par le ministère de la culture apporte des éléments sur l’accessibilité de l’enseignement artistique et culturel.
L’avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation dans le cadre de l’examen du PLF 2024 ([62]) nous en dit un peu plus sur le sujet en mentionnant la création, au sein du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), de l’Institut national supérieur de l’éducation artistique et culturelle (Inséac). Cet établissement public d’enseignement supérieur, situé à Guingamp, a pour mission d’améliorer la formation des professionnels de l’EAC. Les missions de cet établissement consistent à structurer au niveau national la formation et la recherche dans le domaine de l’EAC, à accompagner son rayonnement et sa diffusion, à concevoir et dispenser une offre de formation à destination de l’ensemble des acteurs de l’EAC, à développer des recherches autour des pratiques innovantes en EAC, à animer les réseaux de l’EAC, et enfin à produire des ressources dans ce domaine (notamment par le biais de kits et d’un portail de ressources en ligne)...
En ce qui concerne l’accessibilité du livre : la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) siège depuis 2023 au comité de pilotage interministériel pour le développement de l’offre de livres numériques nativement accessibles dans le cadre duquel sont organisés les travaux dédiés au futur portail du livre accessible.
En outre, la DGESCO collabore avec le Conseil scientifique de l’éducation nationale (CSEN) sur l’accessibilité native des manuels scolaires numériques. Cette démarche s’intéresse à la définition des fonctionnalités nécessaires dans la version numérique de ces manuels, afin d’en garantir l’accessibilité et l’usage par les élèves en situation de handicap. Des chercheurs vont à la rencontre des élèves en situation de handicap dans les écoles, afin de recueillir leurs besoins en termes d’accessibilité sous forme d’échanges de deux heures, suivie d’un entretien collectif avec leurs enseignants, d’une durée d’une heure environ. Des entretiens sont également organisés avec la chaîne de production des éditeurs scolaires. L’objectif est de produire des recommandations sur l’accessibilité des manuels scolaires numériques. Ce travail se poursuivra ensuite dans d’autres champs disciplinaires.
Un travail est également en cours afin d’expliciter la procédure consacrée aux demandes d’adaptation de livres au titre de l’exception au droit d’auteur sous la forme d’un guide destiné aux enseignants pour les orienter vers certains organismes habilités.
La question de l’accès aux livres adaptés est au cœur des préoccupations des associations entendues par les rapporteurs. La DGESCO a indiqué que des livres et albums en FALC étaient proposés sur la plateforme de ressources pédagogiques Cap école inclusive… dont le système de navigation pourrait être plus intuitif.
Des ouvrages en FALC ont été ajoutés aux listes de référence de littérature du CP à la 6ème. Par ailleurs, dans le cadre de l’opération « Le livre pour les vacances » qui consiste à offrir un livre aux élèves de CM2 avant l’été, le livre retenu est adapté pour les élèves en situation de handicap visuel ou cognitif par l’association Valentin Haüy, livre en version audio avec voix humaine, en voix de synthèse, ainsi qu’en braille numérique ([63]). Pour l’édition 2022 du « Livre pour les vacances », une dizaine de demandes d’adaptation de l’ouvrage pour les élèves en situation de handicap visuel ou cognitif ont été faites par les enseignants.
Les associations entendues par les rapporteurs ont regretté le peu de livres accessibles, notamment en braille et en FALC ainsi que l’accessibilité partielle des manuels scolaires ; par exemple, certains chapitres peuvent être adaptés en fonction des besoins mais plus rarement l’ensemble des ouvrages scolaires.
La place croissante de la part collective du Pass culture : 57 M€ étaient inscrits au titre des crédits du ministère de l’éducation nationale dans le PLF 2024, 72 M€ dans le PLF pour 2025 pour le financement de la part collective du Pass culture qui permet aux professeurs de financer, à hauteur de 20 à 30 € par an et par élève, des activités d’éducation artistique et culturelle pour les classes de la sixième à la terminale. 83 % des collèges et lycées avaient réservé au moins une activité à ce titre en 2022‑2023, essentiellement pour des spectacles et représentations (33 %), du cinéma (22 %) ou des pratiques artistiques (13 %).
c. D’autres départements ministériels porteurs de programmes
Plusieurs ministères interviennent au titre de l’accessibilité culturelle :
– le ministère de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques via les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) qui suivent les agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP) ;
– le ministère de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique, sous l’autorité duquel la direction interministérielle du numérique (DINUM) pilote la politique interministérielle de l’accessibilité numérique sur laquelle un important travail de rattrapage reste à conduire en raison du nombre important de sites nativement non-accessibles ou insuffisamment accessibles ;
– le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, gestionnaire du fonds territorial d’accessibilité qui peut bénéficier aux établissements culturels ; la direction générale des entreprises délivre, quant à elle, le label Tourisme & Handicap, qui identifie les établissements dont les lieux de visite et les activités de loisirs répondent aux besoins des touristes en situation de handicap. Le ministère de la culture est associé à l’examen des dossiers de candidature au label et, en fonction de la qualité des aménagements mis en place, il associe son évaluation à celles des autres ministères sous la coordination de la direction générale des entreprises. À titre d’exemple, le Mucem et Universcience (Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l’industrie) sont ainsi labellisés.
3. Une interministérialité progressivement mise en œuvre
Le caractère transversal de la question du handicap a conduit, sur la période récente, à instituer des structures interministérielles dans le cadre desquelles sont définies des orientations en faveur de l’accès à la culture.
Le comité interministériel du handicap (CIH) et la conférence nationale du handicap
Le comité interministériel du handicap (CIH), prévu par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a été créé par décret du 6 novembre 2009. Il est chargé de définir, coordonner et évaluer les politiques conduites par l’État en faveur des personnes en situation de handicap. Sous la présidence du Premier ministre, le CIH est réuni annuellement et trace une feuille de route pour l’ensemble des membres du Gouvernement. C’est donc un organe clef de la mobilisation interministérielle autour de la politique du handicap.
La conférence nationale du handicap (CNH) se réunit, tous les trois ans, sous l’autorité du Président de la République. Elle permet un dialogue de fond avec les représentants de personnes en situation de handicap, les professionnels, les collectivités territoriales et les associations.
Pour la période 2023‑2025, la CNH a défini plusieurs actions afin de renforcer l’accessibilité culturelle et de favoriser l’emploi dans ce secteur pour les personnes en situation de handicap : le site et l’application du Pass culture seront ainsi adaptés pour répertorier les offres culturelles accessibles à tous, le lancement du portail national de l’édition accessible, la création d’une plateforme de l’audiodescription, la mise en place d’un activateur et d’un observatoire de l’emploi culturel, spécifiquement destiné aux personnes en situation de handicap, afin de promouvoir leur intégration dans le secteur.
À l’issue des travaux de la CNH, le Gouvernement dépose sur le bureau des assemblées parlementaires, en application de l’article L. 114-2-1 du code de l’action sociale et des familles, un rapport sur la mise en œuvre de la politique nationale en faveur des personnes handicapées précédé d’un avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) ; ce dernier a été rendu en juillet 2024.
Un secrétaire général (SG CIH), placé auprès du Premier ministre, prépare les CIH et la conférence nationale du handicap (CNH) ; en plus de projeter ses feuilles de route, le secrétariat général du comité (SG CIH) s’est vu attribuer des missions complémentaires, parmi lesquelles figurent l’animation du réseau des Hauts fonctionnaires handicap et inclusion (HFHI) désignés en 2017, à la demande du Premier ministre, la gestion des sous-préfets référents handicap et inclusion et la surveillance de la bonne application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (2010). Le SG CIH a donc pour mission de s’assurer que les ministères répondent correctement aux politiques publiques d’accessibilité.
Le SG CIH assure le secrétariat général du CNCPH et il mobilise la société civile. L’intérêt du SG CIH, c’est qu’il assure une réelle continuité de l’action car il n’est pas concerné par les changements de gouvernement.
Le comité interministériel du handicap du 6 octobre 2022 a décidé de créer la délégation interministérielle à l’accessibilité (DIA) et défini des engagements prioritaires pour chaque ministère. Pour le ministère de la culture, il s’agit : d’amplifier la politique d’éducation artistique pour tous (développer le Pass culture – avec l’extension, à la rentrée 2023, de la part collective au collège dès la sixième – et l’éducation artistique et culturelle) ; de mettre en place le portail national du livre accessible et d’améliorer la production de livres adaptés par un plan de rattrapage ; de renforcer l’accessibilité des parcours pédagogiques de l’enseignement culturel.
Le comité interministériel du handicap du 20 septembre 2023 a énoncé 10 priorités dont la 10e consiste en un égal accès au sport, à la culture, aux loisirs et à la citoyenneté. Une feuille de route a été définie pour chaque ministère.
Feuille de route du ministÈre de la culture
Le dernier comité interministériel, tenu le 16 mai 2024, a notamment établi qu’à partir de la rentrée 2024, tous les enfants et adolescents y compris ceux scolarisés dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux auront un identifiant national élève afin de permettre un meilleur suivi de leur scolarité et de bénéficier de dispositifs de droit commun comme le Pass culture. Le suivi de la feuille de route du ministère de la culture, définie en 2023, a été actualisé avec notamment la perspective de présenter, avant la fin de l’année, une première version de la nouvelle plateforme de l’audiodescription.
Le délégué interministériel à l’accessibilité, institué par le décret n° 2022‑1578 du 16 décembre 2022, a pour mission de :
– coordonner, promouvoir et suivre la mise en œuvre et l’évaluation des actions prescrites par l’ensemble des ministères en matière d’accessibilité physique et numérique ;
– promouvoir la prise en compte des principes d’accessibilité dans la conception et la mise en œuvre, notamment territoriale, des politiques publiques et veiller, à ce titre, à la constitution et la mobilisation des soutiens et de l’accompagnement à la mise en accessibilité ;
– organiser et coordonner le suivi, par chaque administration concernée, de la mise en œuvre des mesures décidées en faveur de l’accessibilité et notamment le suivi territorialisé de la mise en œuvre des agendas d’accessibilité programmée concernant les établissements recevant du public et des schémas d’accessibilité programmée dans les transports, ainsi que le suivi des obligations d’accessibilité numérique et téléphonique des organismes publics et privés ;
– promouvoir, en liaison avec les services de l’État compétents, cette action auprès des collectivités territoriales et favoriser leur engagement en faveur de l’accessibilité.
Le délégué est placé sous l’autorité des ministres chargés des solidarités, des personnes handicapées, des territoires, du logement, des transports, de l’économie et de la fonction publique. Concrètement, il intervient sur l’accessibilité physique et numérique mais l’accessibilité des contenus culturels ne fait pas partie de ses attributions en propre.
Si le champ du présent rapport ne doit pas excéder le domaine de l’accès à la culture, le caractère inévitablement interministériel des politiques d’accessibilité pourrait trouver sa traduction dans un rattachement au Premier ministre du ministre en charge du handicap, ce qui pourrait favoriser le suivi et l’évaluation de son action.
4. Le rôle déterminant du Conseil national consultatif des personnes handicapées et des associations
Dans la construction d’une politique publique, il est fondamental d’entretenir un dialogue régulier avec ses usagers. Si les échanges locaux ou sectoriels ont une réalité et une consistance variables, des instances dédiées ont un dialogue institutionnel avec les pouvoirs publics. C’est le cas du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) et de la Commission nationale culture-handicap.
Le conseil national consultatif des personnes handicapées, créé par la loi précitée du 30 juin 1975, est une instance consultative placée auprès du ministre chargé des personnes handicapées qui, en application de l’article L. 146‑1 du code de l’action sociale et des familles, assure la participation des personnes en situation de handicap à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques les concernant. Parmi ses 160 membres, figurent un député, un sénateur, des représentants des départements, des associations ou organismes regroupant des personnes en situation de handicap, développant des actions de recherche dans le domaine du handicap ou finançant leur protection sociale, ainsi que des organisations syndicales et patronales représentatives.
Le CNCPH peut être consulté par les ministres compétents sur tout projet, programme ou étude intéressant les personnes en situation de handicap et peut se saisir de toute question relative à la politique dédiée. Ainsi que l’a rappelé son président, M. Jérémie Boroy, entendu par les rapporteurs, le CNCPH n’est pas le porte-parole d’associations mais il fait en sorte que sa participation soit prise en compte et, autant que possible, suivie d’effets. À ce titre, il est partie prenante des travaux du comité interministériel du handicap.
Il est chargé, dans des conditions fixées par décret, d’évaluer la situation matérielle, financière et morale des personnes en situation de handicap et de présenter toutes les propositions jugées nécessaires au Parlement et au Gouvernement, visant à assurer, par une programmation pluriannuelle continue, la prise en charge de ces personnes.
Conformément à la circulaire de la Première ministre du 6 octobre 2022 relative à la mise en œuvre de la politique interministérielle pour l’inclusion des personnes handicapées, le recours à l’expertise du CNCPH et du Secrétariat général du comité interministériel du handicap (SG CIH) doit être systématisé dès la conception des actions ministérielles et tout au long de leur déploiement.
Pour étudier les questions soumises à son examen, le Conseil national consultatif des personnes handicapées organise six commissions et huit délégations spécialisées dont une est dédiée à la culture.
La commission nationale culture et handicap a été créée par arrêté du 1er février 2001 (donc avant la loi fondatrice du 11 février 2005). Elle constitue une instance de dialogue et de consultation entre les ministères chargés de la culture et des personnes en situation de handicap, les principales associations et personnes concernées, le milieu culturel et artistique.
Cette commission a pour mission de faciliter l’accès à la culture des personnes en situation de handicap, quelle que soit la nature de ce handicap, dans le souci de leur permettre de participer pleinement à la vie culturelle. Elle propose des mesures dans tous les domaines concernés, notamment l’accès aux équipements, à la pratique artistique, à la formation et aux métiers de la culture.
La commission nationale culture et handicap est placée sous la présidence des ministres chargés respectivement de la culture et des personnes en situation de handicap, et comprend les membres suivants :
– le délégué général à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle, vice‑président de la commission, ou son représentant ;
– la secrétaire générale du comité interministériel du handicap ;
– le président du Conseil national consultatif des personnes handicapées ;
– les représentants des huit associations suivantes : Association des personnes adultes et jeunes handicapées, APAJH ; Association des paralysés de France, APF France handicap ; Autisme France ; Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes, CFPSAA ; Groupement pour l’insertion des handicapés physiques, GIHP ; Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques, UNAFAM ; Union des associations nationales pour l’inclusion des malentendants et des sourds, UNANIMES ; Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis, UNAPEI ;
– un représentant désigné parmi leurs membres élus par chacune des associations d’élus suivantes : l’Assemblée des départements de France (ADF), l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), Régions de France (RF) ;
– trois experts de l’accès à la culture, deux représentants du ministère de la culture, deux représentants du secrétariat d’État aux personnes handicapées, le délégué ministériel à l’accessibilité au ministère de la transition écologique ou son représentant, le délégué à la stratégie nationale pour l’autisme ou son représentant, un représentant du ministère chargé du travail, de l’emploi et de l’insertion, un représentant du ministère chargé de la solidarité et de la santé, le Haut fonctionnaire au handicap et à l’inclusion du ministère de la culture ou son représentant.
La dernière réunion de la commission nationale culture et handicap s’est tenue le 6 novembre 2023 à Roubaix. Le président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) et les huit associations membres de la commission ont rappelé combien l’accessibilité universelle des établissements culturels et des œuvres était pour leurs adhérents la première des priorités. Entendu par les rapporteurs, le président du CNCPH s’est réjoui de l’esprit de collaboration qui préside aux travaux de cette commission, un temps tombée en désuétude ; constatant que, malgré une feuille de route peu contraignante, ces échanges permettaient d’avancer. Pour sa part, la présidente d’Autisme France a regretté que cette commission, qui se réunit peu, manque de contenu, sollicite peu les associations membres et a suggéré l’institution, dans ce cadre, d’un comité de suivi de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap.
Dans les territoires, le dialogue avec les représentants des personnes en situation de handicap peut prendre des formes diverses. Les maires, au plus près du terrain, sont en contact direct avec ces problématiques au titre de leurs obligations (notamment dans le cadre des Ad’AP) mais aussi dans le cadre scolaire, de l’organisation des activités périscolaires, de la formation des personnels ou en lien avec le secteur social et médico-social. Des départements, pour leur part, indiquent lancer des études ou organiser des rencontres pour identifier les besoins spécifiques ou les obstacles à l’accès à la culture, mais aussi collaborer avec les acteurs locaux de la culture et les services accueillant des personnes en situation de handicap.
Dans le cadre des questionnaires adressés aux DRAC et DAC ainsi qu’aux grands établissements culturels sous la tutelle du ministère de la culture, nombre d’entre eux ont indiqué échanger régulièrement avec des représentants de personnes en situation de handicap ([64]). Néanmoins, on peut constater que ce dialogue n’est pas systématique, notamment dans les petites structures et que les échanges concernant les personnes en situation de handicaps cognitifs et psychiques restent en retrait.
B. DES FINANCEMENTS ÉPARS, LARGEMENT DÉCONCENTRÉS
L’organisation même du ministère de la culture, dont nombre d’interventions sont déléguées à des opérateurs ou déconcentrées, ne facilite pas l’identification et le suivi des dépenses affectées à l’accessibilité des lieux ou des œuvres.
Ainsi, en dehors des importants crédits alloués au Pass culture, à l’interministériel (quelque 200 M€ chacun) et à Universcience (quelque 100 M€), les engagements ministériels représentent plusieurs dizaines de millions d’euros répartis entre les opérateurs qui conduisent leur propre politique en la matière.
À titre d’exemple, pour 2024, plus de 100 M€ étaient dévolus à l’EAC qui doit être accessible à tous (dont 24 M€ au titre des pratiques artistiques et culturelles en temps scolaire, 14 M€ hors temps scolaires, 21 M€ pour l’encouragement à la lecture, 14 M€ pour les actions menées dans les conservatoires, 15 M€ pour des partenariats avec les collectivités territoriales) ([65]).
En revanche, le récent fonds dédié spécifiquement à l’accessibilité des œuvres représente un budget très contraint (moins de 1 M€).
1. Des actions réparties entre de nombreux programmes budgétaires
Les programmes budgétaires de la mission « culture » (224 : soutien aux politiques culturelles, 361 : transmission des savoirs et démocratisation de la culture, 131 : création, 175 : patrimoine), la mission « médias, livre et industries culturelles » par son programme 334 (livre et industries culturelles) et leurs opérateurs interviennent tous en faveur de l’accessibilité de la culture.
Ainsi, le programme 361 (transmission des savoirs et démocratisation de la culture), géré par la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC), est construit à partir d’un référentiel par activité. L’administration centrale et les DRAC inscrivent les opérations budgétaires liées à la politique culture/handicap dans l’action 2 regroupant les politiques d’action culturelle, d’éducation artistique et culturelle (EAC) et d’aménagement culturel des territoires, et plus particulièrement dans la sous-action 22 « participation à la vie culturelle » et dans l’activité « action à destination des publics en situation de handicap ». Par ailleurs, un axe analytique complémentaire permet aux DRAC et à l’administration centrale de signaler des opérations budgétaires dont l’objet premier n’est pas le handicap mais qui inclut un axe accessibilité et prise en compte des personnes en situation de handicap.
PLF pour 2025 – Mission culture – programme 361
Action 2 – soutien à la démocratisation et à l’Éducation artistique
et culturelle
Les crédits de droit commun culture/handicap mobilisés par les DRAC/DAC (2,8 M€) concourent à l’accessibilité des lieux de culture, des œuvres et des pratiques culturelles, leur répartition peut être retracée par les outils budgétaires dédiés. Les rapporteurs ont adressé un questionnaire aux DRAC dont la synthèse se trouve en annexe 2 et présente des exemples de projets soutenus.
À titre indicatif, ci-dessous figurent les crédits « culture/handicap » de 2022 répartis entre les DRAC ainsi que la répartition, par champ disciplinaire, de 1,4 M€ de crédits de droit commun et de 1 M€ de crédits du Fonds accessibilité.
rÉpartition des crÉdits « culture/handicap » 2022 allouÉs par les DRAC
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Source : ministère de la culture
Si l’on y ajoute les crédits « culture/santé » (environ de 1,8 M€), le montant total pour 2022 correspond à environ 4,2 M€.
En 2023, l’enveloppe globale « santé/handicap » déléguée aux DRAC sur le programme 361 a représenté 5,7 M€ : 4 M€ au titre des appels à projets « culture/santé/handicap », 0,7 M€ hors appels à projets et 1 M€ au titre du Fonds accessibilité.
De même, 5,2 M€ étaient alloués à un fonds d’innovation territoriale lancé en 2022 destiné à soutenir divers projets culturels mais où l’accessibilité n’apparaît pas comme un critère spécifique de soutien. En 2023, huit projets concernant l’accessibilité ont été financés par le fonds d’innovation territoriale à hauteur de 225 000 €. La DG2TDC soutient également le Réseau national musique handicap, acteur associatif national qui développe une plateforme permettant de recenser les structures culturelles et établissements d’enseignement artistique accessibles pour les personnes en situation de handicap.
D’après les informations recueillies par les rapporteurs dans le cadre des auditions des représentants du ministère de la culture, il apparaît que le critère de l’accessibilité figure très peu parmi les financements alloués par les DRAC compte tenu de la petite taille des projets. Pour les structures plus importantes, l’accessibilité est plus simple à mettre en œuvre.
Ainsi que le rappelle le récent rapport d’inspection consacré au Fonds accessibilité ([66]), les DRAC possèdent généralement trois lignes pour le handicap : le Fonds accessibilité, les appels à projets « Culture-Santé » et une enveloppe fléchée handicap hors appels à projets « Culture-Santé ». Au-delà de celles-ci, d’autres dispositifs peuvent concerner les personnes en situation de handicap : les programmes en faveur de la petite enfance, de l’Été culturel, de la ruralité, le fonds d’innovation territoriale, les aides à l’innovation et à la transformation numérique.
Les DRAC peuvent également mobiliser des dispositifs nationaux comme le PIA 4 ou France 2030 (ce fut le cas en Hauts-de-France pour l’équipement en lunettes connectées). Le Secrétariat général pour l’investissement encourage ainsi, dans tous ses appels à projets, la démocratisation et l’accessibilité renforcée : il subventionne notamment dans le spectacle vivant, le patrimoine et le livre, des innovations y contribuant à travers des technologies comme la réalité augmentée ou la réalité virtuelle.
Comme évoqué précédemment, entendu par les rapporteurs, le service du livre et de la lecture rattaché à la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) travaille en particulier sur l’accessibilité du livre dans le cadre du projet de portail national de l’édition accessible (PNEA) (voir supra) dont le financement représente près de 14 M€ sur 2023‑2027, dont 10,5 M€ dédiés à la réalisation du PNEA et 3,4 M€ dirigés vers la modernisation de la filière.
Par ailleurs, plusieurs dispositifs contribuent à améliorer l’accessibilité du livre : le concours de la dotation générale de décentralisation (DGD) consacrée à l’équipement des bibliothèques, les contrats territoire-lecture (CTL) et le soutien aux associations.
En ce qui concerne la DGD, il est impossible d’isoler le montant des dépenses consacrées à l’accessibilité en bibliothèque car les dispositifs de financement de l’État aux collectivités territoriales ont une finalité plus large et ne portent pas spécifiquement sur le handicap.
Deux types de dépenses éligibles au concours particulier « Bibliothèques » de la DGD permettent de soutenir les collectivités territoriales au titre des mises aux normes d’accessibilité : la construction et rénovation des bâtiments et l’acquisition de systèmes de gestion des bibliothèques ou la réalisation de sites internet accessibles.
Par ailleurs, des actions peuvent être conduites dans le cadre d’un contrat entre l’État et les collectivités territoriales : les contrats territoire‑lecture (CTL) avec le bloc communal, les contrats départementaux lecture (CDL) avec les départements, sans que l’on dispose de données précises sur le handicap.
La DGMIC apporte également son soutien à trois associations dont les actions ont un rayonnement national ou sont exemplaires :
Programme 361 |
2023 |
2024 |
Objet de la subvention |
Association Valentin Haüy (AVH) |
110.000 € |
75.000 € |
Diffusion de livres audio Daisy dans les bibliothèques territoriales ; Projet de modernisation de la chaîne d’adaptation : du livre simple au livre complexe ; Observatoire des pratiques de lecture des personnes en situation de handicap. NB : la baisse de subvention en 2024 est due à la mise en suspens du projet de modernisation de la chaîne d’adaptation. |
Centre de transcription et d’édition en braille (CTEB) |
20.000 € |
40.000 € |
Edition de livres en braille papier (romans essentiellement) |
Les Doigts qui rêvent (LDQR) |
20.000 € |
20.000 € |
Edition d’albums tactiles jeunesse |
De son côté, la direction générale de la création artistique (DGCA) est, pour sa part, responsable du programme budgétaire 131 « création » (plus d’1 Md€) et du budget opérationnel sur le programme 361 (plus de 110 M€). Elle finance en particulier le nouveau Centre national pour la création adaptée de Morlaix (cf. infra) dont la participation pour 2024 devait être portée à 230 000 €. La DGCA a également financé le projet de recherche sur le théâtre en FALC porté par la compagnie Zig Zag (cf. infra).
En 2023, le financement d’associations par l’administration centrale a représenté 320 000 €.
2. Le Fonds accessibilité : une dotation budgétaire novatrice mais bien modeste
La création du Fonds accessibilité fait suite à un rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles consacré à l’accessibilité du spectacle vivant, des œuvres et pratiques amateurs, qui constatait la faible mobilisation des structures du spectacle vivant dans la mise en application de la loi de 2005, en particulier dans le champ de l’accessibilité aux œuvres.
Depuis 2018, ce fonds a vocation à créer un « effet levier » pour le financement de mesures concrètes d’accès aux œuvres, qu’elles se traduisent par l’acquisition de matériels adaptés aux différents handicaps, par un soutien à la création ou à la diffusion d’œuvres rendues accessibles. Ce fonds, de moins d’un million d’euros, exclut les projets liés à l’aménagement des espaces et est distinct des projets portés dans le cadre des conventions « Culture-Santé ».
La première année, seules les structures labellisées du spectacle vivant et les scènes conventionnées y étaient éligibles, puis dès 2019, le Fonds s’est ouvert aux réseaux inter-lieux, toutes disciplines confondues (musique, théâtre, danse), souhaitant acquérir collectivement un matériel ou coproduire l’accessibilité des œuvres ainsi qu’aux festivals dans le cadre d’une mise en réseau impliquant au moins deux festivals. En 2021, le périmètre du Fonds s’est encore élargi avec l’ouverture des crédits à toutes les structures du champ culturel, englobant le patrimoine, le livre et la lecture, le cinéma qui ne pouvaient en bénéficier jusqu’alors, mais son enveloppe budgétaire est restée inchangée.
Le Fonds répond ainsi à deux objectifs : l’équipement des structures du spectacle vivant en matériel d’accessibilité (émetteurs d’audiodescription et de sous-titrage, casques, bandes magnétiques, gilets vibrants…) et l’adaptation des œuvres pour leur accessibilité aux personnes en situation de handicap visuel ou auditif. Les structures bénéficiaires doivent engager des actions en faveur de l’accueil et de l’information des publics concernés comme de formation des personnels.
D’abord géré de façon centralisée par le secrétariat général puis la DG2TDC sous la forme d’appels à projets relayés par les DRAC auprès des structures concernées, la déconcentration du Fonds accessibilité a été décidée en 2023 et permet désormais à chaque DRAC de gérer directement l’enveloppe dévolue, certaines maintenant une procédure d’appel à projets.
Le rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles consacré au Fonds accessibilité ([67]) indique que le nombre de projets déposés a évolué de 77 en 2018 à 90 en 2019, 103 en 2021 et 174 en 2022. En conséquence, le taux de satisfaction des projets proposés a régressé de 94 % en 2018 à 53 % en 2022.
L’outre-mer n’a jamais recouru au Fonds, hormis La Réunion en 2018, les directions d’outre-mer faisant état d’un défaut d’information, d’autres difficultés plus générales étant également mentionnées. En Corse, la compétence culture relève de la collectivité de Corse. Sur l’ensemble du territoire, différentes raisons conjoncturelles expliquent les recours erratiques au Fonds.
Deux ans après son extension, l’utilisation du Fonds demeure centrée sur le spectacle vivant, tous les acteurs n’étant pas encore au fait de son extension tandis que certaines DRAC redoutent un risque de saupoudrage.
Source : DG2TDC – rapport IGAC n° 2023-34
Le schéma, page suivante, illustre la très grande diversité des projets soutenus :
Source : DG2TDC – rapport IGAC n° 2023-34
L’évolution du champ couvert par le Fonds ainsi que celle de son mode de gestion expliquent la mise en œuvre tardive d’un suivi structuré. Le rapport d’inspection recommande ainsi de « suivre de façon cohérente dans la durée l’usage du Fonds, à travers des critères définis conjointement par la DG2TDC et les DRAC ».
Le défaut d’information constaté a également conduit la mission d’inspection à recommander de « communiquer largement sur l’existence du Fonds dans son nouveau format élargi et déconcentré, à la fois auprès de l’administration centrale et des DRAC » comme elle a invité, dans un contexte de gestion déconcentrée, à « renforcer le partage d’expériences entre DRAC à travers l’animation de la DG2TDC ».
Quant au « délicat sujet de l’évaluation », la mission relève que celle‑ci « est absente dans la grande majorité des cas, que ce soit au niveau des DRAC ou des lieux concernés. Elle apparaît parfois au coup par coup, de façon parcellaire, ou ciblée, à travers des indicateurs isolés ». Elle recommande de « faire de l’évaluation un des objectifs partagés des DRAC et de la DG2TDC, à travers une mise en œuvre expérimentale et déconcentrée associant toutes les parties prenantes ».
La mission plaide également pour l’organisation de rendez-vous de travail entre les DRAC afin de valoriser les bonnes pratiques et de favoriser des mutualisations (par exemple entre festivals qui n’utilisent les accessoires que durant un temps limité ; cette démarche a été engagée dans plusieurs régions). Les DRAC pourraient, à cette fin, établir une cartographie, le Fonds devant conserver un usage au profit des projets de proximité.
Bien que représentant un budget limité, ce Fonds apparaît aux rapporteurs comme particulièrement intéressant dans une logique « d’amorçage » des projets et de diffusion, auprès des acteurs, d’une « culture de l’accessibilité des œuvres » qui fait encore trop souvent défaut.
3. Des financements à la main des grands opérateurs de la culture
Les opérateurs du ministère de la culture financent chacun des aménagements d’accessibilité, régulièrement à l’appui d’appels à projets.
À titre d’exemple, le Centre national du livre (CNL) finance des actions à l’intention des personnes en situation de handicap. Par le biais de subventions aux associations ou aux collectivités territoriales, ces aides permettent notamment de développer des fonds spécifiques (Dys, FALC, braille, gros caractères), d’acheter du matériel adapté (loupes, lecteur Daisy, liseuse, etc.) ou encore de mettre en place des actions de médiation en faveur des personnes en situation de handicap. En 2021, le CNL a créé une commission numérique qui subventionne deux types de projets à destination du public en situation de handicap : des livres audio (par exemple 15 000 € ont été alloués en 2022 à l’association Les doigts qui rêvent pour l’adaptation de quatre albums numériques jeunesse destinés aux enfants en situation de handicap visuel) et des projets interprofessionnels (par exemple le financement à hauteur de 61 000 € du projet « Lis mon livre » porté par l’association Valentin Haüy et EDRLab et consistant à rendre accessibles 56 000 livres audio via une enceinte connectée).
En 2023, 35 projets concernant le handicap ont été soutenus au titre de la commission « Aide au développement de la lecture auprès des publics spécifiques », soit 31 % des projets soutenus au cours de l’année pour un montant global de plus de 245 000 €. Depuis 2020, ce sont ainsi 150 projets qui ont été soutenus pour un montant de 480 000 €.
Le CNL finance également chaque année, à hauteur de 15 000 à 20 000 €, quatre associations participant à la mise en place de la Rentrée littéraire accessible ([68]) ; il organise aussi de grandes manifestations nationales destinées à la jeunesse, comme les Nuits de la lecture et Partir en livre dont les conditions d’accessibilité figurent sur le site du CNL. Une réflexion est en cours avec la Fédération des aveugles et amblyopes de France pour renforcer le soutien aux éditions adaptées en format papier.
De son côté, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), dont les aides sont financées par des taxes affectées, soutient les exploitants de salles de cinéma pour leurs travaux de mise aux normes d’accessibilité des salles. Il soutient la réalisation de fichiers d’audiodescription et de sous-titrage à destination des publics sourds et malentendants à hauteur de quelque 400 000 € en 2022 ([69]).
Le CNC achète également les droits de certains films dans le cadre du dispositif « Images de la culture » ([70]) pour les mettre à la disposition d’organismes culturels, sociaux ou éducatifs. Il soutient plusieurs associations engagées dans l’accessibilité des œuvres : Ciné Sens, qui soutient l’accès au cinéma des personnes handicapées sensorielles ([71]), perçoit 15 000 € par an, tout comme l’association Culture Relax, qui favorise l’accès aux salles de cinéma des personnes en situation de handicap mental et cognitif ; l’association Retour d’image, qui conseille les exploitants et les éducateurs pour la mise en place d’une offre de cinéma accessible a perçu 48 000 € tandis que Rêve de cinéma, qui organise des projections de films pour des enfants ou adolescents hospitalisés, malades ou en situation de handicap, a perçu 180 000 €.
Lors des auditions d’associations représentant les personnes en situation de handicap, certains ont regretté que nombre de salles de province ne soient pas équipées par un dispositif d’audiodescription, souvent en raison d’un manque d’informations.
Le CNC est à l’initiative d’un appel à projets intitulé « Les uns et les autres », doté de 265 000 € en 2022, puis de 300 000 € en 2023 et consacré au soutien des opérations exemplaires en matière de formation ou d’insertion des professionnels en situation de handicap dans les secteurs de l’audiovisuel et du cinéma. L’édition 2023 a ainsi soutenu une vingtaine de projets concernant la formation à l’accessibilité des salles, l’embauche de personnes en situation de handicap ou des projets d’œuvres dont la production emploie des personnes en situation de handicap. Ce dispositif a été reconduit en 2024, en partenariat avec l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) qui le cofinance.
Synthèse indicative des financements spécifiques liÉs À l’accEssibilitÉ
pour le ministÈre de la culture et ses grands opérateurs
Directions ou opérateurs concernés |
Objet et montant des financements spécifiques en 2023 |
Transmission et démocratisation de la culture : Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC)
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Plusieurs catégories de soutiens alloués par l’intermédiaire des DRAC : - Fonds d’innovation territoriale : 225 000 € ; - Crédits culture-santé-handicap : 4 M€ dans le cadre d’appels à projets ; 0,7 M€ hors appels à projets ; - Fonds accessibilité : 1 M€ ; (Plus de 300 projets ont ainsi été soutenus en 2023 en direction des personnes en situation de handicap à hauteur de 2,4 M€) ; Financement d’associations par l’administration centrale : 320 000 €. |
Livre et industries culturelles : Direction générale des médias et des industries culturelles et Centre national du livre (DGMIC et CNL)
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Le projet de l’édition accessible (2023-2027) : 14 M€ (dont 10,5 M€ pour le portail national de l’édition accessible et 3,4 M€ pour la modernisation de la filière) financés par le ministère de la culture – 5 M€ – et celui en charge des personnes en situation de handicap – 8 M€ ; Financement de 35 projets concernant le handicap : 245 000 € ; Financement de trois associations : 150 000 € ; Rentrée littéraire accessible : 15 à 20 000 € ; Contrats territoire-lecture (CTL) et contrats départementaux lecture (CDL). |
Les créations artistiques, le spectacle vivant : Direction générale de la création artistique (DGCA) |
Centre national pour la création adaptée de Morlaix : 150 000 € ; Projet sur le théâtre en FALC : 15 000 €. |
Développement et financement du secteur de l’image animée : Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) |
Financement d’adaptations en audiodescription et en sous‑titrage : 400 000 € en 2022 ; Subventions versées à quatre associations : 258 000 € ; Appel à projets « les uns et les autres » portant sur la formation ou l’insertion des professionnels en situation de handicap dans les secteurs de l’audiovisuel et du cinéma : 300 000 € (20 projets soutenus) en 2023, en partenariat avec l’Agefiph. |
Conservation et valorisation du Patrimoine : Direction générale des patrimoines et de l’architecture |
Accompagnement de travaux de mise en accessibilité (musées nationaux et musées de France par l’intermédiaire des DRAC). |
4. La contribution décisive des collectivités territoriales
L’article 103 de la loi n° 2015‑991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République dite loi « NOTRe » place la culture dans les compétences partagées entre l’État et les collectivités territoriales. En ce qui concerne les financements, ceux-ci sont largement portés par ces dernières et souvent attribués, en fonction de projets ponctuels et peu structurés, ce qui rend leur évaluation difficile… et encore davantage pour ce qui concerne les dépenses d’accessibilité des lieux de culture.
L’étude « Atlas culture, dynamique et disparités 2022 » déjà citée indiquait qu’en 2019, les dépenses culturelles publiques du ministère de la culture et des collectivités territoriales métropolitaines et outre-mer (pour les 3 196 communes de plus de 3 500 habitants et les 886 groupements de communes à fiscalité propre comptant au moins une commune de plus de 3 500 habitants) s’élevaient à 13,4 Md€, le bloc local réalisant à l’échelle nationale près de 60 % des dépenses culturelles brutes, soit près de 8 Md€, les dépenses culturelles des départements et régions s’élevant respectivement à 950 M€ (7 %) et 770 M€ (6 %). Les dépenses du ministère de la culture, avec 3,8 Md€ en 2019, représentaient un peu moins de 30 % des dépenses culturelles brutes du pays soit 67 € par habitant contre 127 € pour le bloc local (15 € par habitant pour les départements, 11 € pour les régions), avec de substantielles variations selon les collectivités concernées.
Mais ces moyennes masquent la situation atypique de l’Île‑de‑France ; ainsi, en 2019, plus de la moitié des crédits du ministère y étaient destinés (soit près de 2,4 Md€) et ce, en raison des dépenses de l’administration centrale et de celles liées aux établissements publics culturels nationaux. Hors Île‑de‑France, les collectivités territoriales métropolitaines assumaient, en moyenne, de 80 % à 88 % des dépenses culturelles des collectivités publiques en région.
En février 2023, un débat s’est tenu à l’Assemblée nationale sur le thème : « Hyper-concentration des dépenses du ministère de la culture en Île-de-France : une fatalité ? ». À cette occasion, la ministre de la culture d’alors avait indiqué que si plus de 58 % des crédits 2022 de son ministère avaient été dépensés en Île‑de‑France, les sommes allouées aux établissements ayant leur siège à Paris permettaient de mener des projets sur tout le territoire tandis que des travaux de restauration étaient nécessaires dans des sites établis en région parisienne depuis plusieurs siècles. Elle avait aussi rappelé qu’en 2022, la proportion de visiteurs français non franciliens était de 41 % au musée d’Orsay, 44 % au Louvre et 52 % au château de Versailles. L’établissement public de La Villette coordonne, quant à lui, le projet Micro‑Folies partout en France dont 370 étaient déjà implantées sur tout le territoire et diffusaient désormais du spectacle vivant tandis que de nombreuses pièces de la Comédie‑Française partaient en tournée (100 à 150 représentations en régions chaque année), la BnF alimentant le portail Gallica etc. Enfin, elle avait souligné que le budget des DRAC avait, pour la première fois en 2023, dépassé le milliard d’euros (+ 6 % par rapport à 2022).
Les collectivités territoriales ont donc la responsabilité de la mise aux normes d’accessibilité des lieux de culture publics de leur ressort. Dans le cadre de son audition par les rapporteurs, l’AMF a regretté de ne pas avoir de visibilité sur les aides financières spécifiques de l’État permettant de faciliter l’inclusion culturelle au-delà de la possible utilisation de la DGD bibliothèques pour les travaux de mise en accessibilité des équipements.
En ce qui concerne l’accessibilité des œuvres, le rapport d’inspection précité consacré au Fonds accessibilité indique que celles-ci jouent un rôle variable : certaines régions ont une tradition ancienne de soutien à l’accessibilité, quand d’autres apparaissent plus en retrait, concentrant leurs efforts financiers sur d’autres priorités de leur ressort. Toutefois, les régions sont souvent des membres constitutifs des structures labellisées et financent par ce biais, aux côtés de l’État, les programmations des scènes nationales, des FRAC, des centres dramatiques, des orchestres… intégrant des actions en faveur des personnes en situation de handicap et/ou des créations nativement accessibles. De manière générale, elles sont donc actives et engagées dans le cadre des conventions culture santé et du soutien aux structures labellisées.
Les départements à l’inverse sont, selon les DRAC interrogées dans le cadre des travaux de la mission d’inspection, le parent pauvre de la politique d’accès aux œuvres et à la culture. À l’exception de quelques départements, la majorité d’entre eux s’en tiennent à l’exercice de leurs compétences propres en matière d’action sanitaire et sociale ; dans le champ du handicap, la dimension culturelle n’est que rarement une priorité.
Enfin, les villes ou intercommunalités interviennent de façon ponctuelle même si certaines consacrent à l’accessibilité des crédits récurrents octroyés à des structures municipales culturelles. Elles sont souvent parties prenantes des structures labellisées et interviennent à ce titre dans la promotion de l’accessibilité des œuvres.
Au sein de ces financements publics très dispersés, les dépenses liées à l’accessibilité sont difficilement identifiables sauf à réaliser une enquête spécifique. Les rapporteurs ont adressé, à cet effet, des questionnaires aux grands établissements et services culturels ainsi qu’aux DRAC, dont les résultats sont synthétisés en annexe.
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PARTIE III :
SUR LE TERRAIN, DES INITIATIVES MULTIPLES ET DES OUTILS PROMETTEURS POUR RENDRE LES ŒUVRES ACCESSIBLES MAIS QUI RESTENT INSUFFISAMMENT VALORISÉS
Au‑delà des obligations nées des droits existants, prendre en compte le handicap implique souvent de se positionner par rapport à une interrogation récurrente : faut-il développer des initiatives spécifiques ou faut-il favoriser l’inclusion systématique au risque « d’invisibiliser » le handicap et de le prendre en compte de manière partielle ?
Une vraie volonté d’agir, un foisonnement d’initiatives, des évolutions très sensibles avec l’utilisation de nouveaux outils ont été constatés par les rapporteurs tout au long de leurs auditions menées sous la précédente législature… mais est-on à la hauteur des enjeux de la prise en compte du handicap, dans toutes ses composantes, qui concerne de 12 à 15 % de nos concitoyens ? De surcroît, la politique d’accessibilité souffre parfois de son intégration dans l’action, plus générale, en faveur de l’égalité et de la diversité des publics.
I. DES INITIATIVES TRÈS NOMBREUSES MAIS PEU COORDONNÉES ET QUI SE HEURTENT SOUVENT À UN MANQUE DE MOYENS
Faute de données centralisées sur le sujet, les rapporteurs ont sollicité une vingtaine d’établissements publics (musées, salles de spectacles…) sous la tutelle du ministère de la culture ainsi que plusieurs grands musées gérés par le ministère des armées, deuxième acteur étatique de la culture après le ministère en titre et dont les réponses sont synthétisées en annexe 3. Les informations transmises font apparaître une grande diversité de situations, des initiatives très diverses et une vraie volonté d’agir pour mieux accueillir les personnes en situation de handicap, même si l’accessibilité semble toujours être trop souvent appréhendée au prisme de l’accessibilité physique et sensorielle. De l’aveu de plusieurs interlocuteurs des rapporteurs, beaucoup reste à faire pour développer l’accessibilité de la culture à toutes les personnes en situation de handicap.
A. LA PRISE EN COMPTE DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP DANS LES MANIFESTATIONS CULTURELLES PROGRESSE LENTEMENT
Au sein du ministère de la culture, plusieurs directions interviennent sur les questions d’accessibilité et accompagnent des projets dont certains structurés autour du handicap, comme c’est le cas de celui de la compagnie de l’Oiseau‑Mouche à Roubaix qui produit des comédiens en situation de handicap ou du Centre national pour la création adaptée de Morlaix.
La compagnie de l’Oiseau-Mouche
Fondée en 1978, la compagnie de l’Oiseau-Mouche a émergé d’un atelier de théâtre visant à offrir une visibilité aux personnes en situation de handicap sur les scènes théâtrales. De ses débuts avec « Pantins à vendre » triomphant à l’Opéra de Lille, elle s’est rapidement affirmée comme une compagnie professionnelle grâce à des financements publics et a obtenu le label de compagnie conventionnée par le ministère de la culture en 2013.
Comptant une équipe de 60 membres, dont 20 comédiens permanents en situation de handicap mental ou psychique, elle est la seconde troupe permanente de théâtre en France après la Comédie‑Française. Avec 58 créations et plus de 2 200 représentations à son actif, la compagnie s’exporte aussi à l’international. La troupe était notamment présente au Festival d’Avignon en 2021 avec « Bouger les lignes – histoire de cartes ».
Dotée de deux salles de spectacle et d’un restaurant, elle accueille des équipes d’artistes en représentations, résidences, workshops et ateliers.
Le Centre national pour la création adaptée de Morlaix
Le CNCA est une structure de production de spectacles, en partenariat avec plusieurs partenaires culturels, du champ médico‑social et universitaire ; c’est aussi un centre d’accompagnement et de recherche ([72]) pour des artistes en situation de handicap par le biais de résidences et de coproductions. Il a vocation à devenir un pôle de référence en matière de formation des artistes en situation de handicap, d’accompagnement individuel et d’accompagnement de projets.
Actuellement, le CNCA rassemble 7 interprètes permanents, 2 éducateurs, 7 artistes associés, 8 chercheuses associées, 3 studios de répétition, 1 grande salle de spectacle, 5 équipes artistiques en résidence. Son budget s’élève à 760 000 € (soutenu à hauteur de 150 000 € par la DGCA qui prévoyait de porter sa participation à 230 000 € en 2024). En 2023, le centre a accueilli 56 jours de création en résidence, 110 jours de répétitions, 12 évènements dans la salle de spectacle de Morlaix et 39 dates de représentation dans 15 villes de France ont, par ailleurs, accueilli 5 400 spectateurs.
Les grands opérateurs du ministère de la culture ainsi que les services et établissements culturels publics conduisent également des projets en direction des personnes en situation de handicap ([73]) mais les handicaps cognitifs et psychiques paraissent moins pris en compte que les handicaps sensoriels. Parmi les actions réalisées :
– à la BnF, les récents travaux d’accessibilité se sont concentrés sur la réouverture du site Richelieu avec la mise en place de boucles magnétiques, d’une plateforme d’opérateurs spécialisés, d’un compagnon de visite téléchargeable disponible en LSF et de transcription instantanée de la parole… De nouvelles prestations ont été mises en place telles que les bornes tactiles dans le musée, un plan d’entrée accessible, un service de prêt de smartphone, des livrets tactiles et l’utilisation du FALC. Les agents reçoivent une formation une ou deux fois par an (en sessions de 3 heures) sur la sensibilisation et l’accueil des publics en situation de handicap auditif et visuel. Des visites sont proposées aux personnes atteintes du trouble du spectre de l’autisme comprenant une séquence thématique suivie d’un temps calme dans un espace pédagogique ;
– la RMN-Grand Palais a développé plusieurs programmes hors‑les‑murs destinés au public en situation de handicap. Ainsi celui intitulé « Histoire d’art aux petits soins », destiné aux jeunes adultes présentant des troubles du spectre autistique, a proposé, de 2021 à 2023, trois éditions consacrées à la notion du paysage, de l’objet puis du mouvement dans l’art. Les jeunes, encadrés par deux structures partenaires, ont participé à un programme de 10 à 20 séances (ateliers créatifs et sorties culturelles). Dans le cadre des Micro-Folies, la RMN a aussi participé à une cinquantaine de réunions dans les territoires, concernant l’animation de conférences sur l’histoire de l’art pour des enfants en classe Ulis ou de jeunes adultes en situation de handicap.
Les structures labellisées du spectacle vivant telles les scènes nationales ([74]) ont notamment la mission de développer l’accès à la culture de tous les publics mais le sujet de l’accessibilité ne figure pas explicitement dans leurs missions ni dans la convention pluriannuelle d’objectifs (CPO). Toutefois, l’Association des centres dramatiques nationaux a, par exemple, inclus cette thématique dans ses cinq axes de travail en 2024 au sein du volet parité diversité accessibilité. Chaque structure évalue individuellement son taux d’accessibilité, avec plus ou moins de précision selon les projets. La question du financement se pose avec, la plupart du temps, des budgets annuels alloués par projet. Lors de l’audition des représentants des structures labellisées du spectacle vivant ([75]), les rapporteurs ont pu recueillir des informations sur des initiatives territoriales variées.
Ainsi l’Association des scènes nationales a fait mention du spectacle Péplum médiéval réalisé avec sept artistes en situation de handicap – cognitif pour la plupart – et coproduit par 16 scènes nationales et centres dramatiques nationaux. Plus d’une vingtaine d’établissements ont, par ailleurs, été rénovés ces dernières années mais certaines scènes nationales ne sont pas en capacité d’accueillir du public en situation de handicap.
À titre d’exemple, le Pôle public de Malakoff, dont la rénovation récente a intégré des emplacements pour les personnes en fauteuil, mène des projets en collaboration avec l’Association des paralysés de France et un foyer d’accueil médicalisé afin d’élaborer des ateliers et des parcours de spectateurs. Un partenariat avec l’Institut des jeunes sourds de Bourg‑la‑Reine a permis de proposer quelques spectacles en LSF, tandis que des collégiens et étudiants en art ont été initiés aux rudiments de la LSF. Au moins un spectacle annuel est accessible au public malvoyant en faisant appel à des audiodescripteurs indépendants, tandis que le public malvoyant accueilli au théâtre se voit systématiquement proposé une visite tactile du décor menée par l’audiodescripteur et l’équipe d’accueil. Le pôle travaille aussi avec l’association Souffleurs de sens qui forme des bénévoles à décrire à l’oreille du spectateur malvoyant les actions invisibles en direct, ce qui rend toute la programmation accessible. 15 spectateurs complices ont ainsi été formés à devenir, eux aussi, souffleurs.
La scène nationale Le Parvis, scène nationale à Tarbes, a indiqué porter une attention particulière aux handicaps sensoriels (LSF, séances relax, visites guidées du centre d’art, audiodescription, gilets vibrants…), tout en s’attachant à privilégier des propositions naturellement accessibles, fruit d’un dialogue avec les encadrants de structures spécialisées.
En Ariège, l’Estive, scène nationale de Foix et de l’Ariège, à la fois théâtre et cinéma, intègre des séances Ciné‑relax avec des films adaptés. Certains des 620 résidents de l’association de personnes en situation de handicap ADAPEI se rendent aux évènements « tout public » organisés ou aux séances spécifiques.
Dans les zones rurales, le manque de partenaires et de structures adaptées pour les personnes en situation de handicap constitue néanmoins une difficulté majeure.
Enfin, la Réunion des Opéras de France (ROF) est à l’initiative, depuis 2007, de la manifestation Tous à l’Opéra ! qui permet, par des activités diverses sur tout le territoire et avec l’appui des ressources numériques disponibles sur la plateforme correspondante, de faire découvrir l’opéra à un large public dont des personnes en situation de handicap.
Déplacement au Centre national du costume et de la scène (CNCS) de Moulins
Le 8 novembre 2024, le rapporteur s’est rendu au CNCS. Il a visité les espaces d’exposition, de conservation et a longuement échangé avec la directrice et les équipes de l’établissement.
Créé en 2006, le CNCS est la première structure de conservation entièrement consacrée au patrimoine matériel des théâtres. Il conserve et valorise plus de 10 000 costumes et 30 000 accessoires issus des collections de l’Opéra de Paris, de la Comédie‑Française et de la BnF, enrichis chaque année de plus de 300 pièces. Établissement public doté d’un effectif de 26 ETP, le CNCS a accueilli plus d’un million de visiteurs depuis 2006, présenté 30 expositions temporaires et expose de manière permanente la Collection Noureev et un espace dédié à la scénographie (La Scène).
Plusieurs personnes sont en charge de l’accueil des publics : les responsables de la médiation, de l’accueil, de la billetterie et de la boutique, agents d’accueil, chargé de médiation auprès des publics individuels et empêchés, responsable des publics scolaires et de l’enseignement supérieur et quatre guides. Dix intervenants extérieurs sont sollicités ponctuellement. L’établissement est ouvert tous les jours. Il est référencé sur plusieurs sites internet concernant l’accessibilité : la plateforme Acceslibre, les sites Accessible.net et Handicap zéro ainsi que sur l’application Handivisites.
Ces données ne tiennent pas compte des personnes en situation de handicap qui ne se signalent pas comme telles. En 2024 (jusqu’au 31 octobre), 653 groupes ont été accueillis. L’accueil des groupes de personnes en situation de handicap n’est pas organisé sur des créneaux horaires fixes mais organisés « sur mesure » en fonction des demandes.
Le CNCS a conduit des travaux d’accessibilité dans le cadre de son agenda d’accessibilité programmé validé en 2018. Le CNCS propose plusieurs équipements d’accessibilité :
– pour les personnes en situation de handicap auditif : boucle à induction magnétique, visites guidées sur tablette ou en LSF sur demande, vidéo d’accueil et visites guidées en LSF ;
– pour les personnes en situation de handicap moteur : espaces adaptés (sanitaires, guichets, espaces de repos, plans inclinés, ascenseur), fauteuils roulants et sièges cannes disponibles gratuitement à l’accueil ;
– pour les personnes en situation de handicap mental et psychique : visites guidées adaptées par des médiateurs et des guides formés, livret en FALC relu et validé par l’UNAPEI, livret jeu et parcours de médiation dédiés aux expositions temporaires ;
– pour les personnes en situation de handicap visuel : parcours extérieur du site en braille, ascenseur avec des touches en braille, audioguides avec un clavier spécifique contrasté, transcription en braille et en caractères agrandis du livret de découverte du CNCS et des expositions temporaires, photothèque haute définition sur tablette pour agrandir les costumes, carnet de matières à toucher, répliques de costumes à essayer, documents de présentation thermo-gonflés.
Les personnels en charge des publics participent régulièrement à des sessions de formation ou de sensibilisation : en 2022 avec l’association Voir Ensemble pour l’accueil des publics malvoyants et aveugles, avec l’UNAPEI (pays d’Allier SESSAD Clairejoie) pour l’accueil des publics concernés par les troubles du spectre de l’autisme ; en 2024 avec l’UNAPEI (pays d’Allier secteur de l’enfance) pour une formation au FALC. En 2025 sont programmés : une sensibilisation à l’accueil des personnes en situation de polyhandicap (Hôpital Cœur du Bourbonnais), une formation au Makaton ([76]) et un suivi de relecture collective du FALC (UNAPEI Pays d’Allier – Le foyer des mûriers) ainsi qu’une sensibilisation sur les troubles du comportement des enfants en centre médico‑psycho‑pédagogique (Alefpa).
Le CNCS a développé des partenariats avec des établissements scolaires et de l’enseignement supérieur, des établissements spécialisés, des institutions et associations dans le cadre desquels il construit des projets culturels.
Ainsi, dans le domaine des handicaps cognitifs : avec l’UNAPEI (Sessad de Moulins : « Du visible à l’invisible », IME La clarté de Moulins : « J’peux pas, j’ai cabaret », Foyer Les mûriers : « Chapeau haut, chapeau bas »), l’Alefpa (IME Le Réray d’Aubigny : parcours de médiation dans l’exposition autour de la marionnette), France Alzheimer de l’Allier : « Un après-midi au CNCS » ou avec le Centre hospitalier Moulins Yzeure (pôle de santé mentale adulte et unité d’hospitalisation adolescents pédopsychiatrie) en partenariat avec la Matmut pour les arts.
Dans le domaine des handicaps visuels, le CNCS développe des partenariats avec Voir ensemble Institut des jeunes aveugles Les Charmettes et l’association Valentin Haüy ; dans le domaine des handicaps moteur, avec le centre hospitalier Moulins Yzeure, APF France handicap et l’Hôpital Cœur du Bourbonnais ; avec Dixit interprétation (Clermont‑Ferrand) pour les handicaps auditifs.
Dans un contexte budgétaire contraint, le mécénat (EDF, Fondation Casino, La Matmut pour les arts…) permet de compléter l’offre en direction des publics en situation de handicap.
Plusieurs dispositifs sont en cours de développement : l’adaptation du site internet, un guide de l’accessibilité du CNCS en FALC, la mise en place d’un comité de pilotage interne sur l’accueil des publics en situation de handicap pour chaque exposition, la création d’une mallette sensorielle, la présentation des propositions culturelles du CNCS à différents acteurs ; la rédaction d’un cahier des charges à destination des scénographes incluant des préconisations concernant les cartels, la lumière, le mobilier adapté, etc.
Plusieurs difficultés ont été relevées dans la mise en œuvre de programmes accessibles : parmi celles-ci, la question du coût des outils et des prestations de médiation limite leur mise en œuvre ; ainsi, la venue d’un prestataire en LSF nécessite de financer son déplacement et son hébergement, ce qui renchérit le coût. Par ailleurs, la labellisation Tourisme Handicap constitue une procédure particulièrement lourde pour un établissement de 10 000 m2 (200 à 300 questions) et peu doté en ressources humaines.
Les formations musicales de Radio France organisent des concerts relax et préparent des programmes en FALC dans le cadre de partenariats avec les associations Culture Relax et Culture accessible tandis que des ateliers radio sont organisés avec des instituts médico-éducatifs (IME). Des concerts, comme la 8ème Hip Hop Symphonique, organisée par Radio Mouv’ et l’orchestre philharmonique de Radio France, sont entièrement réalisés en chansigne ([77]) ; une réflexion étant en cours avec le CNCPH sur le prototypage du chansigne, dans l’objectif d’accueillir davantage de personnes en situation de handicap. Enfin, les transcriptions de plus de 132 000 contenus audio de France Inter, France Culture ou France Musique notamment, ont été réalisées et Radio France travaille à la présentation de ces transcriptions au public sur sa plateforme. Des ateliers sont aussi organisés pour les personnes en situation de handicap.
Les grands festivals subventionnés organisent l’accessibilité de leurs spectacles, comme en témoigne ci-dessous l’interface numérique du festival d’Avignon.
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Source : site du Festival d’Avignon – septembre 2024
De son côté, la direction de la mémoire, de la culture et des archives du ministère des armées a développé des visites virtuelles 360° pour faire découvrir le patrimoine mémoriel, dont elle a la responsabilité, aux personnes en situation de handicap. Ce format permet d’immerger les spectateurs directement au milieu du lieu de mémoire qu’ils désirent découvrir. Ainsi, les 10 hauts lieux de la mémoire nationale (HLMN), les nécropoles du Vercors, de Notre‑Dame de Lorette et de Fleury‑devant‑Douaumont sont accessibles en ligne, au format 360° sur la chaîne YouTube du ministère.
Les rapporteurs ont suivi deux visites adaptées au musée d’Orsay et au musée du Louvre où leur a été présenté le nouvel espace dédié à la découverte de la sculpture, lieu dont le caractère concret et pédagogique peut intéresser tous les publics. De telles salles gagneraient à être aménagées, avec une capacité d’accueil supérieure, dans les autres départements, tant elles sont de nature à intéresser, au‑delà des personnes en situation de handicap, tous les non-spécialistes c’est‑à‑dire l’essentiel du public.
Plusieurs des représentants de personnes en situation de handicap ont relevé que, souvent, les projets développés pour les personnes en situation de handicap reposent sur des personnes très engagées, avec le risque que ces initiatives disparaissent lorsque celles‑ci quittent leurs fonctions. Pour autant, la présidente d’Autisme France a souligné l’engagement important des musées en particulier Universcience ou les musées de la Mine et celui d’Art moderne à Saint‑Étienne qui se sont rapprochés de l’association pour développer des initiatives en direction des publics en situation de handicap ; en revanche, le théâtre reste trop souvent inaccessible pour des raisons de compréhension, d’environnement, d’accueil adapté et d’accompagnement.
Les visites adaptées à l’Assemblée nationale
Éléments d’information sur l’accessibilité des visites du Palais Bourbon (entre 150 et 200 000 visiteurs par an) et la documentation à destination des visiteurs, que les services de l’Assemblée nationale travaillent à rendre plus accessibles :
1. en ce qui concerne le handicap visuel, l’Assemblée nationale a fait l’acquisition du dispositif Virtuoz, dispositif de guidage tactile et audio, sous la forme de deux boîtiers tenus à la main comportant des plans en trois dimensions interactifs accompagnés de commentaires vocaux en français et anglais, permettant la découverte du Palais Bourbon en totale autonomie. Il est également prévu d’imprimer des plans en relief ainsi que des brochures en gros caractères et en braille ;
2. s’agissant des personnes malentendantes, est aujourd’hui proposé l’outil de traduction en langue des signes sur tablette Acceo disponible à l’entrée de la visite ;
3. en ce qui concerne le handicap cognitif, une brochure à destination des visiteurs en langage facile à lire et à comprendre (FALC) est aujourd’hui disponible. En parallèle, une formation des agents conférenciers leur permet d’accueillir des publics réguliers ; (ont, par, exemple bénéficié de visites l’Institut Simon Binet, le réseau Home Metitis et de nombreux instituts médico‑éducatifs) ;
4. en ce qui concerne l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, la configuration et l’ancienneté des lieux sont une contrainte certaine mais la visite est possible, avec un élévateur permettant l’accès à l’hémicycle et avec l’aide d’agents ; le projet de création d’un nouvel espace d’accueil du public côté Seine, dont l’appel d’offres a été lancé l’automne dernier, aura notamment pour objectif de rendre l’Assemblée nationale (nouvel espace muséographique et Palais Bourbon) parfaitement accessible aux visiteurs à mobilité réduite. Par ailleurs, un ascenseur d’accès aux galeries du public de l’hémicycle est en cours de construction et sera disponible en février 2025.
Dans le cadre d’un échange, à Moulins, avec des représentants et des membres d’associations locales de personnes en situation de handicap (le Groupe d’entraide mutuelle Troubles du spectre de l’autisme, le Comité Valentin Haüy et l’UNAPEI de l’Allier), plusieurs difficultés d’accès à la culture ont été énoncées : en premier lieu, le rôle fondamental des associations pour organiser des activités culturelles a été souligné, les déplacements et les lieux très fréquentés suscitant une vraie appréhension pour les personnes en situation de handicap. Les associations développent également des partenariats permettant l’organisation de sorties culturelles que des personnes seules ne peuvent pas envisager et dont elles ne sont pas nécessairement informées.
Les améliorations concernant les outils de médiation et l’aménagement des lieux sont réelles mais des obstacles demeurent notamment en termes de voirie, de transports et d’équipements (en particulier pour la lecture, le spectacle vivant et le cinéma). Outre les difficultés rencontrées par les personnes en situation de handicaps visuels, auditifs ou moteurs, les personnes souffrant de troubles du spectre de l’autisme se retrouvent souvent en situation d’isolement social car elles ne peuvent envisager des sorties et des activités qui les conduisent à être confrontées à un environnement bruyant, très fréquenté et donc anxiogène.
Afin d’améliorer la prise en compte des handicaps dans l’accès à la vie culturelle, il serait également nécessaire que l’ensemble de ses intervenants et ses créateurs de structures, de manifestations et de contenus aient une meilleure connaissance des différents handicaps et des besoins qui y sont associés, en particulier en ce qui concerne les handicaps invisibles.
B. DES ASSOCIATIONS TRAVAILLENT, AVEC DES MOYENS LIMITÉS, POUR AMÉLIORER L’ACCÈS À LA CULTURE DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
Ces associations sont nombreuses à œuvrer, sur tout le territoire, à la diffusion de la culture en direction des publics en situation de handicap. Elles sont d’autant plus précieuses qu’elles ouvrent le champ des possibles pour des familles qui, jusqu’alors, n’osaient pas se rendre dans des manifestations culturelles. Les rapporteurs en ont entendues plusieurs, subventionnées par le CNC, qui interviennent dans le domaine du cinéma et du spectacle vivant ([78]).
– Depuis bientôt 20 ans, Culture relax organise des séances culturelles pour des personnes en situation de handicap susceptibles d’exprimer des réactions aux spectacles ou aux films avec une optique de mixité des publics. L’association, financée par du mécénat, des fonds propres et des subventions publiques, est présente dans 74 villes, 77 salles, et partenaire de 17 établissements (avec la perspective d’atteindre 27 en 2025). La difficulté réside dans l’incertitude des financements sur le long terme. Or, l’enjeu des ressources est important car l’association est l’objet de nombreuses demandes qu’elle ne peut honorer et les dépenses de fonctionnement sont difficiles à financer. L’accessibilité repose ainsi beaucoup sur du bénévolat. Or ces limites sont d’autant plus regrettables que la société a évolué et les réticences qui avaient pu avoir cours au début de la mise en œuvre de ces séances sont moindres ou pourraient être levées par une communication adaptée. Les séances adaptées de spectacle vivant sont plus complexes à organiser et représentent des coûts supérieurs par rapport aux films nativement adaptés.
– Ciné-sens, créé il y a une dizaine d’années, favorise l’accès au cinéma des personnes en situation de handicap sensoriel. Ainsi, elle mobilise et accompagne les acteurs de la filière du cinéma pour accélérer le développement de l’offre adaptée, organise une médiation avec le public en situation de handicap en s’appuyant sur les réseaux d’associations et valorise ces actions auprès du grand public et des médias. L’association lyonnaise, aux effectifs très limités, s’appuie sur des subventions des DRAC, de la région, du CNC, a conclu des partenariats avec des structures privées et facture quelques prestations. Elle se heurte également à la difficulté d’organiser son action dans la durée.
– Dans le même esprit, depuis vingt ans, Retour d’image conseille, sensibilise et forme les professionnels pour la mise en place d’une offre de cinéma accessible et inclusive. L’association organise des séances de cinéma accessibles sur le thème du handicap suivies d’une rencontre avec un professionnel spécialisé et propose des ateliers de pratique artistique à destination des unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis), des instituts médico‑éducatifs (IME) ou des établissements et services d’accompagnement par le travail (ESAT). L’association est également un centre de ressources sur le cinéma et le handicap. Son financement repose sur des subventions publiques (ministère de la culture, DRAC, région), sur des dons, des cotisations et des prestations facturées.
– Essentiellement présente en région parisienne, Rêve de cinéma organise depuis 28 ans des projections de films à l’affiche pour un public qui ne peut pas se rendre au cinéma (enfants, adolescents hospitalisés ou en centres spécialisés) et propose des ateliers. Pour son activité, l’association est en relation avec les distributeurs ou les producteurs qui prêtent les copies de films et avec les centres spécialisés, les établissements régionaux d’enseignement adapté, les instituts médico‑éducatifs, les instituts d’éducation motrice… La responsable des projections utilise un matériel itinérant spécifique et procède au montage et démontage de la « salle de cinéma » en fonction des besoins. Les projections sont précédées d’échanges avec les équipes des établissements pour choisir un film adapté, et suivies de discussions avec les jeunes spectateurs. En 2023, Rêve de cinéma a organisé près de 300 projections de plus de 28 films à l’affiche dans près de 100 établissements mais peu dans les territoires ruraux. Comme les associations précédentes, elle dispose d’une très petite équipe et son financement repose sur du mécénat, des subventions publiques et des dons.
Les associations entendues ont souligné que malgré un engagement sans faille sur le terrain, en particulier de beaucoup de bénévoles, elles doivent composer avec un nombre extrêmement limité d’emplois permanents (un ou deux salariés) et de collaborateurs ponctuels pour répondre à des appels à projets chronophages qui ne permettent pas de se projeter dans la durée.
Les interlocuteurs des rapporteurs ont insisté sur les besoins de formation des acteurs culturels et d’information de ceux-ci, comme du public, sur les questions de handicap. L’amélioration de l’accessibilité doit en effet être appréhendée de manière globale ; c’est donc tout un écosystème de professionnels qu’il est nécessaire de sensibiliser au sujet.
II. DES OUTILS D’ACCESSIBILITÉ PROMETTEURS MAIS ENCORE PEU DÉVELOPPÉS
Plusieurs interlocuteurs des rapporteurs, en particulier au sein des associations entendues, ont regretté que les outils de médiation adaptée aux personnes en situation de handicap soient trop souvent méconnus. Au‑delà de la question budgétaire, ils ont plaidé pour une communication dynamique sur ces sujets, en particulier sur les moyens de développer l’accessibilité de la culture à tous. Sur ce point, le langage Facile à lire et à comprendre (FALC), permettant une transmission accessible d’informations et de savoirs, gagnerait à être développé.
A. LE LANGAGE FACILE À LIRE ET À COMPRENDRE (FALC)
Le langage Facile à lire et à comprendre dit FALC permet de faciliter la compréhension des personnes en situation de handicap. Le processus d’adaptation a la particularité d’associer ces personnes à la reformulation des contenus et à la relecture.
La méthode « Facile à lire et à comprendre » élaborée, en 2009, dans le cadre du projet européen Pathways est portée en France par l’UNAPEI et l’association Nous Aussi. Elle propose des règles pour aider les rédacteurs de documents à rendre l’information facile à lire et à comprendre pour tous. L’UNAPEI, avec le soutien de l’association Nous Aussi, a ainsi créé une marque Qualité FALC qui valorise les acteurs engagés dans une démarche éthique et qualitative de production de services autour du FALC et garantit la participation effective de personnes en situation de handicap intellectuel à toutes les étapes. Elle diffuse dans ce cadre un guide méthodologique des règles européennes pour une information facile à lire et à comprendre. La marque est attribuée gratuitement par une commission annuelle inclusive composée d’experts du FALC, pour une durée de 3 ans, renouvelable. Plusieurs ESAT (établissements et services d’accompagnement par le travail) réalisent des transcriptions en FALC et développent une activité commerciale. Le centre de formation de l’UNAPEI propose également des modules de formation à la méthode FALC. En 2020, treize organismes de formation et seize organismes de transcription dont quinze ESAT disposaient de la marque Qualité FALC. L’écosystème de formation, de production et de validation de contenus en FALC reste donc limité, ce qui peut constituer un obstacle dans la perspective d’une plus large diffusion de contenus en FALC.
Au ministère de la culture, ce sujet est porté par la DG2TDC et par la DGMIC mais aussi par la DGCA au titre des créations artistiques. Cette dernière soutient plusieurs projets dans ce domaine. C’est le cas d’un projet relatif au théâtre en FALC dont l’objet est de mesurer la faisabilité d’un théâtre facile à « lire » et à comprendre. Ainsi, la compagnie Zig Zag, entendue par les rapporteurs, émanation de la compagnie Les Zigônez déjà familière des pratiques artistiques adaptées, mène un projet de théâtre en FALC, soutenu par la DGCA à hauteur de 15 000 €, destiné à répondre au manque d’accessibilité des œuvres théâtrales pour certaines personnes en situation de handicap. En effet, alors que des adaptations littéraires existent, ce n’est pas le cas des pièces de théâtre. Le projet a donc d’abord consisté à choisir des pièces simples, de nature à être évaluées.
Aujourd’hui, un deuxième projet de recherche sur 30 mois et associant plusieurs partenaires ([79]) a pour but de proposer une méthodologie scientifique permettant aux compagnies de créer des spectacles et de développer des adaptations à la scène. Au moment de l’audition par les rapporteurs, le projet en était au stade de maquettes et des sujets devaient être approfondis sur la collaboration avec les travailleurs en situation de handicap, les droits d’auteurs, la traduction du FALC sur le jeu d’acteur, la gestion du son ou de la vue…
Le projet de théâtre en FALC de la compagnie Zig Zag
Plusieurs partenariats ont été mobilisés dont l’UNAPEI, l’ESAT La Roseraie, et l’Université CY Cergy Paris et ses étudiants de la licence Lettres et arts vivants. Trois pièces ont été choisies : « Le corbeau et le renard », « Le petit chaperon rouge » et « La jalousie du Barbouillé ». L’adaptation de la pièce de Molière a été difficile compte tenu de la complexité des mots utilisés. Une soixantaine d’heures, huit travailleurs en situation de handicap et de nombreux échanges ont été nécessaires.
Le projet a été conduit selon les étapes suivantes :
de septembre 2022 à février 2023 : rencontre avec les transcripteurs en situation de handicap de l’ESAT Avenir APEI La Roseraie ; choix des textes et transcription de ces textes en FALC ; en mars 2023 : préparation consultative de la mise en scène (avec les transcripteurs) ; d’avril à mai 2023 : travail à la table avec l’équipe de comédiens, les transcripteurs (en tant que conseillers). Construction des éléments de décors, costumes, accessoires, écran de vidéo-projection. Répétitions, filages techniques au théâtre Antarès à Vauréal ; en mai 2023 : présentation publique des trois pièces transcrites en FALC par l’ESAT la Roseraie : « Le corbeau et le Renard », « Le petit chaperon rouge », « La jalousie du Barbouillé » puis échanges avec les publics autour du concept et des pièces FALC ; de septembre 2023 à décembre 2023 : premiers montages des vidéos, réalisation d’un « teaser », participation à des colloques, des présentations dans les écoles et universités ; de janvier à février 2024 : montages définitifs des captations vidéo des formes publiques et des échanges avec les publics ; réalisation partielle du site internet. À l’issue de cette étape, le site internet devait être complété par différents articles dont un article scientifique réalisé par le centre de recherche intégré de l’École pratique de service social ainsi que par la création de supports de sensibilisation et d’information.
L’état d’avancement du projet est disponible sur le site dédié « FALC en scène ».
Les résultats attendus de ce projet comprennent l’émergence de modèles pour un « théâtre FALC » ainsi que le développement théorique du concept par des approches artistiques, techniques et collaboratives ainsi que la publication d’articles sur le sujet. Le projet vise également à fournir des éléments de faisabilité pour la mise en œuvre d’un théâtre « facile à lire et à comprendre ». Il a été présenté en mars 2024, dans le cadre des rencontres nationales « culture, sport et handicap », organisées par l’APF France handicap à Avignon.
La danse est aussi explorée comme vecteur du langage FALC ; ainsi, plusieurs structures labellisées sont engagées dans la production et la diffusion du projet « Danser ensemble », porté par la compagnie À ciel ouvert dont la chorégraphe en situation de handicap a créé des chorégraphies dont les interprétations par dix artistes devaient donner lieu à autant de capsules vidéo audiodécrites.
Plusieurs opérateurs proposent des supports en FALC ; c’est le cas de la RMN‑Grand Palais qui réalise des livrets en FALC pour les expositions qu’elle organise avec le concours d’un prestataire et d’ESAT pour relecture et validation à fin de labellisation.
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Source : RMN‑Grand Palais
Extrait du carnet de visite en FALC des alignements de Carnac
Source : Centre des monuments nationaux.
extrait de La brochure de visite de l’AssemblÉe nationale en FALC
Les services et établissements culturels ont transmis des indications sur leurs pratiques en la matière (voir annexe 3).
Les associations représentatives de personnes en situation de handicap, entendues par les rapporteurs, ont plaidé pour que davantage d’ouvrages en FALC garnissent les rayons des bibliothèques. Les rapporteurs préconisent également une large diffusion des contenus culturels en FALC. Toutefois, ils ont pu mesurer les difficultés existantes dès le stade de la production des contenus.
Ils ont ainsi entendu la fondatrice d’une maison d’édition dédiée au langage Facile à lire et à comprendre ([80]). Au-delà de la traduction d’œuvres du patrimoine littéraire en respectant une charte très exigeante, la maison d’édition demande désormais à des auteurs d’écrire directement en FALC sur des thèmes particuliers. Celle-ci a ainsi adapté 18 livres qui s’ajoutent aux 15 qui existaient avant leur début d’activité. Un livre sur l’histoire de l’impressionnisme en FALC vient d’être édité, financé par le musée d’Orsay et le CNL dans la collection « Vivre et découvrir ». D’autres ouvrages devraient voir le jour sur les thématiques art, sociétés et histoire. Un comité éditorial constitué d’enseignants et de parents d’enfants « Dys » sélectionne des livres pertinents.
Le processus de traduction d’un ouvrage est très long : à l’issue d’un travail de traduction de trois mois par un traducteur indépendant, le texte est transmis à des réviseurs qui s’assurent qu’il n’y a pas d’omissions, que les émotions, les nuances sont correctement restituées, ce qui donne lieu à de nombreux échanges entre traducteurs, réviseurs et l’équipe éditoriale, en s’assurant du respect du droit d’auteur ; ensuite, un comité de relecture interne de trois personnes dont deux en situation de handicap procède aux derniers ajustements. L’interlocutrice des rapporteurs a insisté sur la nécessité de ne pas « reléguer la question du handicap aux non-professionnels » et de faire entrer le FALC dans la sphère professionnelle.
Plusieurs handicaps ne sont, à l’évidence, pas suffisamment pris en considération dans la politique d’accessibilité ; or la transcription des contenus culturels en langage FALC, si elle demande du temps et des ressources humaines formées, permet de s’adresser à un public très large.
B. LES NOUVELLES TECHNOLOGIES AU SERVICE DE L’ACCESSIBILITÉ
Les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle se sont invitées dans les nombreuses auditions conduites par les rapporteurs. En effet, celles‑ci sont de plus en plus utilisées pour concevoir, développer et améliorer les outils de médiation agiles. Pour autant, elles ne sauraient occulter la nécessaire intervention humaine dans la construction des outils d’accessibilité.
La DG2TDC a précisé aux rapporteurs que la création et la mise à disposition de moyens innovants d’accessibilité des œuvres étaient soutenues par le ministère de la culture. L’intelligence artificielle pourrait dans les prochaines années intervenir dans l’audiodescription comme dans le livre audio. Néanmoins, a précisé la DG2TDC, il faut mesurer l’attachement du public à ce que les moyens d’accessibilité des œuvres favorisent toujours une dimension de recherche artistique, en particulier dans le domaine du livre, de l’image, du théâtre ou de la médiation des musées.
Parmi les outils particulièrement novateurs :
– les lunettes connectées qui intègrent le sous‑titrage, la langue des signes et l’audiodescription avec des oreillettes, sont disponibles à la Comédie-Française ([81]) et au Théâtre de la Ville de Paris. Cet outil permet à tous les publics d’avoir accès à tous les spectacles sans qu’ils soient tributaires de séances ou de places dédiées, souvent en nombre limité. Les lunettes connectées projettent directement sur le verre le contenu de la langue choisie sans que cela gêne la vue de la scène. Les contenus se superposent au champ de vision initial. Le spectateur choisit l’option qui lui convient et adapte les réglages (surtitre, choix de la langue, taille, positionnement du surtitre, couleur et luminosité) ;
– les gilets vibrants, qui permettent au public en situation de handicap auditif de percevoir des effets musicaux grâce à des pulsations dans un équipement porté comme un vêtement ;
– le dispositif « voix claire » ([82]), élaboré en Allemagne et en cours de développement par la chaîne européenne Arte France ([83]). Cet outil numérique permet de mettre en évidence les voix humaines et de diminuer les sons d’ambiance. Afin de le déployer en France, Arte travaille sur le confort audio avec l’Institut national de jeunes sourds (INJS). Ce dispositif consiste en un travail a posteriori de la piste audio existante grâce à un outil numérique qui suppose l’acquisition d’outils dédiés. Installé sur les systèmes de diffusion, il permet de faire ressortir la voix principale ;
– l’intelligence artificielle permet des avancées notables au service du sous‑titrage. Ainsi, France Télévisions est en train de tester un outil reposant sur l’intelligence artificielle pour un sous-titrage 24h/24 sur ses plateformes web. Le groupe audiovisuel dispose d’une filiale commerciale labellisée (France TV Access) qui, depuis plusieurs années, produit la majorité des moyens d’accessibilité des antennes du groupe. En matière de sous‑titrage, la validation et la diffusion des contenus sont subordonnées à une relecture par un tiers tandis qu’un examen de qualité est réalisé par une autre personne dans le cadre d’un échantillonnage mensuel des productions.
Toutefois, si elle permet des avancées en terme de quantité de contenus, la qualité du sous‑titrage produit par l’IA n’est pas toujours au rendez‑vous et les logiciels s’adaptent difficilement aux particularités locales.
Des expérimentations intéressantes ont ainsi été conduites sur le sous‑titrage automatique mais celui‑ci n’atteint pas la qualité du sous‑titrage professionnel ce qui, en l’état, lui permet de représenter une solution complémentaire au travail réalisé par des professionnels. En ce qui concerne l’audiodescription, l’implication humaine et quasi personnelle rend plus difficile le recours à des solutions automatisées. Lors de son audition dans le cadre d’une récente commission d’enquête ([84]), l’Arcom a indiqué que, compte tenu de la masse de contenus, il était important d’être en éveil sur les solutions automatisées tout en ayant conscience de leurs limites.
Le président du CNCPH appelle aussi à la prudence sur les traductions automatisées : si celles-ci permettent d’augmenter le nombre de contenus traduits, elles ne sauraient être livrées à elles-mêmes. Les associations entendues par les rapporteurs ont tenu le même langage : les nouvelles technologies permettent de développer l’accès aux contenus culturels ; ainsi, les dispositifs Bluetooth permettent à tous les publics de se connecter à des contenus accessibles. C’est aussi le cas des tablettes guides en LSF ou en langage parlé complété. Pour autant, la qualité doit être au cœur des préoccupations car un contenu faisant l’objet d’une mauvaise audiodescription n’est d’aucune utilité. L’INJA a également rappelé que l’audiodescription était un exercice subtil qui doit tenir compte des publics : ainsi, il y a une différence importante entre les non‑voyants de naissance pour qui un escalier ou un panneau ne sont que des concepts et ceux qui ont perdu la vue au cours de leur vie et sont en mesure de se représenter les objets décrits.
Bien qu’elles soient assorties de limites, les innovations doivent donc être encouragées car elles constituent souvent un accélérateur de l’accessibilité culturelle.
Les rapporteurs considèrent qu’il est nécessaire d’améliorer l’accessibilité de la culture à tous les handicaps, notamment avec le concours des innovations technologiques, de favoriser une meilleure accessibilité des lieux (par exemple en encourageant la création d’espaces calmes) et des œuvres (par exemple en intégrant, dans le cahier des charges des expositions, la réalisation de cartels accessibles, en gros caractères et en FALC).
III. L’ENJEU DU COÛT DES ÉQUIPEMENTS
Indépendamment de la mise aux normes bâtimentaires, l’accessibilité des contenus culturels concerne une grande diversité de situations et d’adaptations qu’il n’est pas toujours simple de mettre en œuvre, en particulier par les petites structures culturelles, souvent associatives, fonctionnant avec des moyens limités et peu de ressources humaines.
Il en est ainsi de nombreuses scènes nationales qui se heurtent au manque de moyens financiers, les conduisant à procéder à de douloureux arbitrages. Ainsi, selon les données recueillies par les rapporteurs au cours de leurs auditions, la traduction d’un spectacle en LSF est estimée entre 1 500 € et 3 000 € pour finalement n’en faire bénéficier qu’un nombre très limité de spectateurs. Pour remédier à ces difficultés, les scènes nationales peuvent répondre à des appels à projets interministériels mais ces derniers représentent souvent des financements à hauteur de 60 %, ce qui requiert de trouver ailleurs les 40 % restants…
L’audiodescription se heurte aux mêmes difficultés : selon les informations recueillies par les rapporteurs, le tarif moyen de l’audiodescription est évalué entre 55 et 70 euros par minute soit entre 5 000 et 6 300 € pour une fiction de 90 minutes même si des variations non négligeables existent entre différentes estimations.
Pour sa part, la RMN‑Grand Palais labellise systématiquement les documents d’exposition en FALC en sollicitant un cabinet privé, ce qui peut représenter un coût de plusieurs milliers d’euros pour un document agréé et peut dissuader les plus petits établissements.
Cette question se pose même pour les grands opérateurs ; ainsi, le département du développement des publics et de la médiation de la BnF dispose d’une ligne budgétaire pour les outils d’accessibilité dotée de 15 000 € par an pour la production d’outils de médiation. Toutefois, la moitié des fonds est consacrée à l’abonnement annuel à la plateforme d’opérateurs spécialisés intervenant sur le handicap auditif et l’intégralité du budget 2024 avait déjà été consommé, en mai 2024, pour deux expositions ([85]) et l’achat de matériel.
Quant à la maison d’édition en FALC entendue par les rapporteurs, elle estime à 30 000 € le coût de production d’un livre en FALC, compte tenu du nombre d’intervenants, des droits d’auteurs et des importants frais de production.
Si les rapporteurs sont conscients de la difficulté de trouver des fonds dans un contexte budgétaire très contraint, ils appellent à donner la priorité à l’accessibilité des contenus culturels, le cas échéant en favorisant la mutualisation des outils de médiation. Sur ce point, les DRAC ont incontestablement un rôle à jouer.
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PARTIE IV :
DIX PRÉALABLES POUR FAVORISER L’ACCESSIBILITÉ
DE LA CULTURE
Au‑delà de la nécessaire mise en œuvre des obligations légales d’accessibilité, la culture représente un aspect de la vie citoyenne qui doit être considéré avec la plus grande attention car elle constitue une précieuse source d’inclusion pour les personnes en situation de handicap et d’épanouissement pour tous.
S’il convient, en termes d’accessibilité à la culture, d’adopter une démarche la plus inclusive possible, il est nécessaire de prendre en compte les besoins spécifiques des différents handicaps et de proposer aux personnes concernées des conditions d’accompagnement adaptées sous peine de les voir renoncer à des sorties culturelles faute de certitude sur l’accueil et les équipements disponibles.
Le président du CNCPH ne dit pas autre chose lorsqu’il rappelle, au cours de son audition par les rapporteurs, que la nécessité de ne pas stigmatiser les personnes, de ne pas les cantonner à des espaces réservés ne signifie pas que le handicap ne doit pas être vu. Il s’agit de trouver le bon équilibre entre les deux, les personnes en situation de handicap devant être visibles car cela permet à d’autres de se reconnaître et de se projeter dans la sphère publique.
À l’issue de leurs nombreuses auditions et de leurs rencontres de terrain, les rapporteurs estiment que plusieurs mesures favoriseraient l’accès aux ressources culturelles des personnes en situation de handicap lesquelles représentent, on ne le rappellera jamais assez, 12 à 15 % de nos concitoyens.
I. FAIRE FIGURER L’ACCESSIBILITÉ DANS LES OBJECTIFS DES ACTEURS CULTURELS
Évaluer une politique publique consiste d’abord à en définir les objectifs et les modalités de suivi.
Des indicateurs figurent dans le projet annuel de performances de la mission « Culture » qui est réparti en quatre programmes : le programme 175 dédié aux patrimoines, le programme 131 à la création, le programme 361 à la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture, le programme 224 au soutien aux politiques du ministère. Les médias, livre et industries culturelles relèvent d’une mission ministérielle dédiée et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». Enfin, les politiques publiques relatives au cinéma, à la production audiovisuelle et au jeu vidéo sont présentées dans le document stratégique de performance du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).
Parmi les quatre objectifs et indicateurs considérés comme les plus représentatifs de la mission culture, figure l’augmentation de la fréquentation du public des lieux culturels sur l’ensemble du territoire (objectif 1 rattaché au programme 131) dont un des indicateurs fixe des objectifs de fréquentation des lieux subventionnés. Le second objectif traite de l’accroissement de l’accès du public au patrimoine national (objectif 2 rattaché au programme 175) dont un des indicateurs traite de la fréquentation des institutions patrimoniales et architecturales. Le quatrième objectif mis en avant par la mission culture concerne l’accès équitable à la culture notamment grâce au développement de l’éducation artistique et culturelle (objectif 4 rattaché au programme 361).
Sans prôner la mise en place d’objectifs et d’indicateurs stigmatisants ou trop complexes à renseigner, les rapporteurs estiment que le développement de l’accessibilité des lieux et des œuvres pour les personnes en situation de handicap doit être mis en avant dans les objectifs et indicateurs de la mission, par exemple par le suivi des équipements dédiés.
De même, le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2025 relatif à la mission ministérielle dédiée aux médias, livre et industries culturelles, est constitué de deux programmes, le premier relatif à la presse et aux médias (programme 180) et le second au livre et aux industries culturelles (programme 334). Parmi les objectifs les plus représentatifs de la mission figure celui de favoriser l’accès du public aux bibliothèques et le développement de la lecture dont les deux indicateurs concernent la fréquentation des bibliothèques et l’amélioration de l’accès au document écrit par le nombre de monographies en ligne sur Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF.
Au moment où commence à se mettre en place le portail national de l’édition accessible, il apparaîtrait utile de suivre, par le biais d’un indicateur dédié, le développement de l’accès aux livres pour les personnes en situation de handicap.
Enfin, l’annexe budgétaire consacrée aux avances à l’audiovisuel public rassemble les programmes relatifs à France Télévisions, Arte France, Radio France, France Médias Monde, Institut national de l’audiovisuel et TV5 Monde.
Ainsi, le projet annuel de performances du programme France Télévisions (programme 372) décline un premier objectif portant sur l’offre de service public axée sur la création française et européenne avec notamment un indicateur dédié à la qualité des programmes de fiction et d’information et un deuxième objectif de s’adresser au public le plus large dans un environnement numérique. Le programme énonce quatre priorités : la création et la culture, la jeunesse et l’éducation, l’information et la proximité. Reconnaître comme une priorité l’accessibilité à tous des contenus audiovisuels favoriserait la mise en œuvre d’un suivi de cette politique publique et permettrait de mieux en mesurer les avancées.
Proposition n° 1 : Compléter les projets annuels de performances des missions « Culture » et « Médias, livre et industries culturelles » ainsi que l’annexe budgétaire consacrée aux avances à l’audiovisuel public, par des objectifs et indicateurs relatifs à l’accessibilité des lieux et des œuvres, définis avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Le suivi de l’évolution de ces indicateurs pourrait être conduit dans le cadre des réunions de la commission nationale culture et handicap.
Au cours de leurs auditions, les rapporteurs ont pu constater que l’accessibilité des œuvres ne figurait pas systématiquement dans les missions et conventions pluriannuelles d’objectifs ou cahiers des charges des opérateurs culturels, qu’il s’agisse des structures labellisées ou des opérateurs du ministère de la culture ou de l’audiovisuel public.
La loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit que l’État conclut un contrat d’objectifs et de moyens (COM) ([86]) avec chacune des entreprises audiovisuelles publiques (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde, Arte France et l’INA). Ces contrats, d’une durée de 3 à 5 ans, fixent les priorités stratégiques de ces entreprises ; ils sont soumis pour avis au Parlement et à l’Arcom puis approuvés par les instances de gouvernance internes de chacune des entreprises concernées. Les COM 2020‑2022 ont fait l’objet d’un avenant pour l’année 2023 et ceux portant sur la période 2024‑2028 ont été soumis à l’Arcom qui a rendu un avis le 24 juillet dernier ([87]).
À titre d’exemple, le contrat d’objectifs et de moyens conclu entre l’État et France Télévisions pour la période 2020‑2022 fixe à l’opérateur des priorités spécifiques dont celle de s’engager en faveur de l’égalité, de l’inclusion et de la représentation de la diversité (objectif 8) tandis qu’un indicateur prévoit le sous‑titrage des programmes de France Info. Il prévoit un plan structuré d’actions positives en faveur de l’inclusion et de la représentation, qu’elle concerne le handicap, les catégories socio‑professionnelles ou l’origine perçue : une amélioration visible et mesurable est attendue à travers des efforts dans tous les genres de programmes. Le handicap est donc appréhendé ici comme une composante parmi d’autres des actions envisagées. La question spécifique du handicap figure au cahier des charges qui pose les obligations de sous‑titrage et d’audiodescription (art. 38) laquelle concernera 1 500 heures de programmes en 2025 contre 1 400 en 2024.
Le contrat d’objectifs et de moyens signé entre l’État et la société Arte France pour la période 2020‑2022 définit un cadre prospectif et pluriannuel où les questions d’accessibilité n’apparaissent pas. L’État et la société ont signé le 27 mars 2023 un avenant au COM 2020‑2022 pour la période 2023‑2024. Néanmoins, son projet de groupe fixe l’objectif de porter à six par semaine les programmes en prime time avec des audiodescriptions dans chaque pays (films, fictions et quelques grands documentaires).
Au‑delà des obligations légales, l’accessibilité ne figure pas explicitement dans les missions et les charges des labels « scènes nationales », « centre dramatique national » et « centre chorégraphique national » définies par des arrêtés du 5 mai 2017 ([88]). L’Association des centres dramatiques nationaux (ACDN) comme la Réunion des Opéras de France (ROF), ont confirmé aux rapporteurs que le sujet de l’accessibilité n’était inscrit ni dans les missions, ni dans la convention pluriannuelle d’objectifs (CPO), situation qui rend complexe son évaluation globale par l’État. Une rencontre professionnelle « Accessibilité – Création – Publics » a néanmoins été organisée en mai dernier par le Théâtre de l’Union – CDN du Limousin et l’ACDN, à destination des équipes des relations publiques, secrétariats généraux chargés de communication des Centres dramatiques nationaux.
La direction générale de la création artistique a, pour sa part, indiqué aux rapporteurs que les structures labellisées devaient répondre à des objectifs de parité et veiller à la prise en compte des droits culturels, de l’équité territoriale pour développer l’accès et la participation du plus grand nombre à la vie culturelle mais que les missions et les cahiers des charges ne disposaient pas d’indicateurs spécifiques relatifs aux personnes en situation de handicap.
On rappellera que la politique de labellisation et de conventionnement, définie par l’article 5 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine dite LCAP, prévoit que le cahier des missions et des charges correspondant fixe des objectifs « d’engagement au service de la diversité artistique, de démocratisation culturelle par des actions de médiation, dont celles concernant l’éducation artistique et culturelle, de traitement équitable des territoires, d’éducation artistique et culturelle ainsi que de professionnalisation des artistes et des auteurs des secteurs du spectacle vivant et des arts plastiques ».
Cette situation ne signifie naturellement pas que des actions pour développer l’accessibilité des œuvres ne sont pas conduites comme on l’a vu plus haut. D’autres établissements suivent des directives plus explicites comme, par exemple, les musées d’Orsay et de l’Orangerie dont le suivi de la mise en œuvre de la stratégie accessibilité et inclusion est intégré au contrat d’objectifs et de performance de l’établissement.
Les conventions conclues avec les chaînes de télévision gagneraient de leur côté à préciser la nature des contenus adaptés car, les associations entendues l’ont rappelé, une large proportion des contenus audiodécrits sont des fictions et rarement des documentaires. En effet, la convention signée entre l’Arcom et TF1 et M6 fait mention d’une obligation de produire 100 programmes en audiodescription par an, avec une montée en puissance estimée à 375 à horizon 2027. Toutefois, le choix des programmes à adapter reste à la discrétion des chaînes, sans obligation de résultat pour le volet culturel.
L’objectif d’accessibilité, notamment dans ses dimensions sensorielle, cognitive et psychique, souvent oubliées, gagnerait à figurer explicitement dans les objectifs et cahiers des charges des structures culturelles publiques ou subventionnées.
Proposition n° 2 : En concertation avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, intégrer systématiquement un objectif d’accessibilité des manifestations et des œuvres aux cahiers des missions et des charges des structures labellisées au fur et à mesure de leur renouvellement, ainsi qu’aux contrats d’objectifs et de performance des opérateurs du ministère de la culture et dont l’absence de mise en œuvre sera sanctionné.
Proposition n° 3 : Inclure un critère d’accessibilité dans les appels à projets culturels au‑delà d’un certain seuil budgétaire.
II. REMÉDIER AUX RUPTURES D’ACCESSIBILITÉ
L’enquête réalisée par la fondation Malakoff Humanis en mai 2022 ([89]) mettait en exergue les difficultés matérielles rencontrées par les personnes en situation de handicap lors de sorties culturelles, tant dans les métropoles que dans les petites communes. 40 % des répondants estimaient ainsi que l’accessibilité (moyens de transports, rampes d’accès, ascenseurs…) demeurait l’axe à prendre en compte de façon prioritaire, loin devant les services d’aide (accueil, formation du personnel, interprètes en langue des signes) mentionnés par 15 % d’entre eux, et les tarifs (11 %).
De son côté, l’UNAPEI a identifié des ruptures d’accessibilité de nature financière. Rappelant que les personnes en situation de handicap étaient davantage exposées à la pauvreté que l’ensemble de la population, l’association plaide pour la mise en œuvre de politiques tarifaires favorables aux personnes en situation de handicap, et qui prendrait davantage en compte les accompagnants. Elle regrette également que la culture demeure considérée comme secondaire ou superflue, par exemple lors des démarches d’évaluation, notamment au titre du temps d’aide humaine concernant la participation à la vie sociale. Pour lutter contre l’autocensure, l’association appelle ainsi à ce que les équipes des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) portent une attention particulière aux questions culturelles et à la prise en compte de la grande pluralité des situations de handicap.
Entendu par les rapporteurs au nom de l’AMF, le maire de Grigny (Rhône) a, pour sa part, identifié deux défis prioritaires en faveur de l’accès à la culture : celui de la fracture numérique et celui de « l’aller vers ». Les ruptures d’accès à la culture par le numérique ont aussi été relevées par les associations entendues par les rapporteurs, notamment en ce qui concerne les contenus présentés sur les réseaux sociaux dont le sous‑titrage n’est que partiel.
On regrettera enfin que, de plus en plus souvent, il soit nécessaire de créer un compte pour réserver un billet en ligne ; or cette complexité supplémentaire peut être une source de renoncement.
A. L’ACCESSIBILITÉ DES LIEUX CULTURELS DOIT FAIRE L’OBJET D’UN TRAITEMENT PRIORITAIRE
Lors de la présentation au festival de Cannes du film « Un p’tit truc en plus », le réalisateur a dû porter un des acteurs pour la montée des marches. Si l’on ne doute pas que des ascenseurs intérieurs permettent l’accès au Palais des festivals, le défaut d’accessibilité des marches met en évidence le fait que la présence ou la participation d’acteurs en situation de handicap n’avait manifestement pas été intégrée lors de la conception du site.
Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées d’alors s’en était d’ailleurs émue : « Cela n’est plus acceptable de voir ce genre d’images, c’est une atteinte à la dignité de la personne, que de devoir se faire porter jusqu’en haut. Cette fois‑ci, j’espère que cela aura été un électrochoc. L’année prochaine, les marches devront être accessibles aux personnes en situation de handicap. Ça n’est pas à elles de s’adapter à la société, c’est à la société tout entière de s’adapter à elles » avait-elle relevé ([90]).
Si le sujet du présent rapport concerne exclusivement les lieux de culture, il est clair qu’il est d’abord nécessaire de pouvoir s’y rendre. Or, à quelques mois du vingtième anniversaire de la loi du 11 février 2005, les associations consultées par les rapporteurs déplorent des manquements qui ont de lourdes conséquences sur le quotidien des personnes en situation de handicap, rappelant que neuf personnes en situation de handicap sur dix éprouvent des difficultés lors de leurs déplacements. Or, pour ces dernières, les difficultés inhérentes aux transports complexifient l’organisation d’une sortie culturelle. Ce sujet a également été mis en avant lors des jeux paralympiques de Paris.
Le président du CNCPH a rappelé le fait que l’accessibilité s’impose partout même si le principe de réalité conduit, comme pour beaucoup d’autres sujets, à programmer les choses. Certes, l’exigence en termes d’accessibilité pour un complexe de cinémas situé au centre d’une grande ville n’est pas la même que pour une salle gérée par une petite collectivité ou par une association ; en revanche, l’approche doit être la même. L’accessibilité ne constitue ainsi pas une option mais bien une obligation.
L’ancienne Première ministre Mme Élisabeth Borne avait indiqué, en septembre 2023, que « 100 M€ par an pendant 5 ans » seraient consacrés à soutenir les collectivités sur ce sujet. Cependant, il ne s’agit pas d’une enveloppe spécifique, ce soutien transitant par les dotations d’investissement, DETR et DSIL.
Quant au fonds territorial d’accessibilité destiné à soutenir la mise aux normes de petits établissements privés recevant du public, comme évoqué précédemment, il concerne les magasins de vente, restaurants, hôtels, cabinets médicaux, établissements bancaires… Les établissements culturels, classés en différentes catégories selon leur activité, n’y sont, en principe, pas éligibles mais peuvent bénéficier d’une dérogation accordée par le sous‑préfet référent sur les questions de handicap et d’inclusion de leur département.
Il serait donc utile de mieux soutenir la mise aux normes d’accessibilité des lieux de culture.
Proposition n° 4 : Soutenir la mise aux normes d’accessibilité des lieux de culture en rendant les petits établissements culturels systématiquement éligibles au fonds territorial d’accessibilité, en incluant des mécanismes d’évaluation en lien avec des experts sur les questions d’accessibilité.
B. L’ACCESSIBILITÉ DES ŒUVRES DOIT ÊTRE AMÉLIORÉE PAR LE DÉVELOPPEMENT DES CONTENUS EN FACILE À LIRE ET À COMPRENDRE (FALC)
La transmission de la culture et des savoirs, par une présentation accessible des œuvres, devrait être au cœur des préoccupations des concepteurs de manifestations et de projets culturels et ce au bénéfice de tous les citoyens. Est‑ce le cas aujourd’hui ? À l’évidence non, si l’on se réfère au peu de contenus présentés en langage FALC ou au caractère fort peu pédagogique de nombre de cartels d’expositions.
Développer l’accessibilité des contenus nécessite de porter une attention particulière aux besoins des différentes personnes auxquelles on s’adresse. Ainsi, le sous‑titrage ne convient pas aux enfants qui ne savent pas encore lire et pour lesquels la langue des signes constitue un précieux vecteur d’accessibilité.
Les rapporteurs souhaitent mettre l’accent sur les contenus en FALC, aujourd’hui trop peu répandus et qu’ils souhaitent voir développés.
Lors de leurs visites sur le terrain, les rapporteurs ont pu constater que des personnels se formaient au FALC afin de pouvoir internaliser l’adaptation de documents. Si des formations existent, l’écosystème de production, s’appuyant notamment sur les ESAT, reste limité, ce qui peut constituer un frein pour l’adaptation de contenus à grande échelle. La réalisation de courtes brochures, en respectant la charte diffusée par l’UNAPEI et en sollicitant des ESAT pour des relectures, est en revanche plus simple à conduire, ainsi qu’en témoigne l’expérience de l’Assemblée nationale pour la réalisation de ses brochures en FALC destinées aux visites patrimoniales de l’institution.
La créatrice et responsable de la maison d’édition spécialisée dans la publication d’ouvrages en FALC, entendue par les rapporteurs, a aussi relevé les barrières inhérentes à la production de ces contenus dont les coûts de production sont très élevés en ce qui concerne les livres ([91]). Pour la traduction d’ouvrages hors du domaine public, les droits d’auteurs s’ajoutent aux rémunérations des traducteurs eux aussi sous contrat de droits d’auteurs. Or, les aides du CNL comme des ministères de la culture et de l’éducation nationale sont limitées. En outre, un vrai travail de fourmi est nécessaire pour atteindre tous les publics susceptibles d’être intéressés par le FALC.
L’ensemble des obstacles recensés pour améliorer l’accessibilité des œuvres, en particulier par le développement du FALC, conduisent les rapporteurs à rappeler que l’accessibilité doit, autant que possible, être prise en compte le plus en amont possible dans le processus de création. Dans ce cadre, ils préconisent de développer l’usage du FALC dans les lieux de culture, les établissements et services médico-sociaux et les écoles et de prévoir la réalisation d’au moins un support en FALC dans tous les établissements culturels nationaux, en particulier les musées.
Diffuser la connaissance et l’usage du FALC nécessite de développer ses entités de formation, de production et de diffusion. Or, la marque Qualité FALC, délivrée par l’UNAPEI dans le cadre d’une commission annuelle, n’est attribuée qu’à un nombre limité d’organismes de formation et de transcription.
Afin de donner une visibilité plus importante au FALC, de favoriser le développement des structures de formation et de transcription ainsi que l’emploi de personnes en situation de handicap dans ce cadre, les rapporteurs préconisent la mise en place d’une certification nationale du FALC. En effet, la certification est une procédure réglementée définie par le code de la consommation, délivrée par un organisme indépendant, favorisant un développement à l’échelle nationale.
Dans le même esprit, il est nécessaire d’accroitre la visibilité du FALC et de susciter davantage de projets d’ouvrages en FALC par les maisons d’édition. Or, le Centre national du livre (CNL), qui propose différents soutiens aux éditeurs dont un dédié au développement de livres audio, est peu sollicité pour ce type de productions ou de traductions. La création d’une aide spécifique dédiée au FALC, serait de nature à accroitre la visibilité de ce langage et en développer l’écosystème de production.
Les rapporteurs souhaitent enfin un abondement du Fonds accessibilité du ministère de la culture afin de soutenir les équipements d’accessibilité en direction de tous types de handicaps et de prêter une attention particulière aux territoires moins dotés en ressources culturelles.
Proposition n° 5 : En concertation avec les représentants de personnes en situation de handicap, prévoir, dans la mesure du possible, dès leur création, l’accessibilité des œuvres aux différentes formes de handicap.
Proposition n° 6 : Mettre en place une certification nationale pour les contenus Facile à lire et à comprendre (FALC) de nature à faciliter le développement des structures créatrices de contenus et l’emploi de personnes en situation de handicap dans ce cadre.
Proposition n° 7 : Compléter les aides du Centre national du livre (CNL) destinées au soutien aux éditeurs par une aide dédiée à la publication d’œuvres Facile à lire et à comprendre (FALC).
Proposition n° 8 : Développer les supports en Facile à lire et à comprendre (FALC) dans les lieux de culture, les établissements et services médico-sociaux et les écoles.
Proposition n° 9 : Prévoir la réalisation d’au moins un support en Facile à lire et à comprendre (FALC) dans tous les établissements culturels nationaux, en particulier les musées.
Proposition n° 10 : Renforcer significativement le Fonds accessibilité du ministère de la culture aujourd’hui doté de moins d’un million d’euros, pour faciliter l’accès aux œuvres. Envisager une répartition favorisant les territoires les moins dotés en ressources culturelles.
III. FAVORISER la participation des personnes en situation de handicap dans les crÉations culturelles
L’immense succès du film de l’acteur et réalisateur Artus, « Un p’tit truc en plus », et sa présentation au festival de Cannes en mai dernier ont offert une visibilité aussi salutaire que nécessaire au handicap et il faut souhaiter que ce film ouvre la voie à une meilleure inclusion des personnes en situation de handicap dans les créations artistiques, en particulier dans celles où elles ne sont pas cantonnées à jouer leur propre rôle. Or sur ce point, le chemin est encore long.
Lors de leur audition, l’UNAFAM et Autisme France ont insisté sur l’enjeu de la compréhension et la nécessité d’apprendre à vivre avec la différence, regrettant que la mauvaise connaissance de certains handicaps entraîne un mauvais traitement de l’accessibilité ; or cette situation conduit souvent au renoncement et à l’exclusion des personnes concernées. Il est dès lors important de renforcer la connaissance du handicap dans toutes ses composantes et de ne pas le stigmatiser dans les médias où la promotion de contenus d’initiatives positives demeure trop timide.
Ce sujet semble néanmoins irriguer les réflexions en cours ; ainsi le récent rapport d’inspection relatif au Fonds accessibilité relevait que, au-delà des initiatives en faveur de l’accessibilité des œuvres, le sujet du handicap pouvait être « remonté » au stade de la création : « La stratégie d’accessibilité des œuvres peut s’incarner dans les conventionnements. Si la DRAC Grand Est porte un discours d’intégration du handicap auprès des producteurs sans formalisation encore dans les conventions pluriannuelles d’objectif à ce stade, le Centre-Val de Loire demande pour sa part qu’un intérêt soit porté au sujet dans ce cadre, PACA travaille sur des objectifs concernant des publics spécifiques, l’Occitanie sur des objectifs de création adaptée, et Auvergne‑Rhône‑Alpes considère le volet handicap tout aussi obligatoire que d’autres priorités comme la parité, ne signant pas des conventions faisant défaut en la matière. »
A. MIEUX REPRÉSENTER LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP DANS LES CONTENUS CULTURELS
Il a beaucoup été question d’inclusion lors de la cérémonie d’ouverture des jeux paralympiques ; cependant, au‑delà de quelques figures emblématiques, les maîtres d’œuvre de la cérémonie d’ouverture, chorégraphe, principaux musiciens et artistes interprètes étaient‑ils en situation de handicap ? Combien étaient‑ils lors de la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques ?
Dans son récent rapport traitant de la représentation des personnes en situation de handicap dans les programmes ([92]), l’Arcom relevait que leur représentation dans les programmes de télévision était passée de 0,6 % en 2021 à 1 % en 2022, ce qui, en dépit d’une progression incontestable, reste extrêmement modeste. Cette proportion varie de 2,4 % pour les fictions à 0,3 % pour les divertissements.
Des représentants des personnes en situation de handicap entendus par les rapporteurs ont, par exemple, regretté qu’au cinéma, les rôles de personnes en fauteuil roulant soient trop souvent interprétés par des comédiens n’étant pas en situation de handicap, que la représentation du handicap puisse être moquée (en particulier par les stand‑upers) ou relever d’une vision extrême du handicap qui ne concerne que 5 % des personnes. Ils ont exprimé le regret que le handicap soit trop souvent considéré comme une limite ou quelque chose de très lourd.
Entendu par les rapporteurs, le groupe France Télévisions a rappelé son engagement en faveur de l’inclusion, comme en témoignent les programmes faisant intervenir des personnes en situation de handicap tels que les fictions Astrid et Raphaëlle (série dont l’héroïne est autiste et dont plusieurs personnages secondaires sont incarnés par des comédiens autistes) ou Vestiaires (série qui met en scène des nageurs handisport partageant leur vision du monde, teintée d’humour et d’autodérision) ; le magazine Les rencontres du Papotin (dans le cadre duquel une personnalité est interviewée par des journalistes, non professionnels, porteurs de trouble du spectre autistique) ou encore l’émission T’es au top (émission d’écoute et d’accompagnement des enfants sur France 4, présentée par l’ancien parasportif Théo Curin).
La visibilité des personnes en situation de handicap doit progresser à hauteur de leur représentation dans la société. Cette visibilité sera de nature à favoriser leur inclusion et une attention plus grande aux problématiques d’accessibilité aujourd’hui trop souvent en retrait dans le cadre d’une approche globale d’inclusion, de diversité et de parité.
Or cette visibilité indispensable nécessite de faciliter, en amont, la pratique d’activités artistiques, l’accès aux formations et la professionnalisation d’artistes en situation de handicap.
Des initiatives intéressantes ont été mises en place ces dernières années en faveur d’une meilleure visibilité ou présence des femmes dans l’audiovisuel et le cinéma, qui pourraient inspirer les politiques en faveur de l’accès des personnes en situation de handicap.
Il en va ainsi du guide des expertes qui permet de recenser des centaines d’expertes sur de nombreuses thématiques.
On peut également saluer le « bonus parité » dont bénéficie le soutien accordé aux films dont toutes les équipes de tournage comptent au moins autant de femmes que d’hommes dans leurs principaux postes d’encadrement (réalisateurs, directeurs photo, chefs opérateurs, etc.).
De même, France Télévisions a mis en place des quotas en faveur des femmes réalisatrices.
Dans le même esprit, il pourrait être envisagé, dans le cadre d’une concertation avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, d’établir un guide des experts en situation de handicap dans le secteur de l’audiovisuel.
Proposition n° 11 : Dans le cadre d’une concertation menée avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, élaborer un guide des experts en situation de handicap dans le secteur de l’audiovisuel.
Proposition n° 12 : Dans le cadre des soutiens accordés par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), envisager un bonus en faveur des films dont les équipes comportent des personnes en situation de handicap.
B. AMÉLIORER L’ACCÈS DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP AUX FORMATIONS SUPÉRIEURES ET AUX PROFESSIONS ARTISTIQUES
Prenant l’exemple d’un ami souffrant de difficultés d’élocution à qui l’on avait signifié qu’il ne pourrait se former au sein d’un prestigieux cours de théâtre, le responsable de la délégation culture du CNCPH relevait les difficultés d’accès des personnes en situation de handicap aux formations des métiers de la culture, regrettant un manque de compréhension, d’information et de sensibilisation sur un sujet encore tabou qui s’apparente à une discrimination silencieuse.
Dans sa contribution aux travaux de la conférence nationale du handicap d’avril 2023, le Collectif Handicaps, qui regroupe 54 grandes associations, demandait que la pratique culturelle et artistique pour les personnes en situation de handicap ne soit plus uniquement perçue comme une activité de divertissement et de loisir mais aussi comme un secteur potentiel de professionnalisation, les formations professionnelles aux métiers artistiques et culturels devant être mieux connues et plus accessibles.
1. L’accès aux formations d’enseignement supérieur artistique doit être amélioré
Le président du CNCPH a souligné que si de belles choses se font pour favoriser l’accès aux établissements d’enseignement supérieur, qui relèvent du ministère de la culture, elles restent encore circonscrites à une école, à un handicap ou à un sujet. En 2014, le CSA (devenu l’Arcom en 2021) avait élaboré une charte visant à favoriser la formation et l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap dans le secteur de la communication audiovisuelle afin que les écoles et les entreprises concernées s’engagent sur une politique d’accessibilité. Or, cette charte ne fait pas, selon le CNCPH, l’objet du suivi qu’elle mériterait. Ce sujet est pourtant essentiel, a‑t‑il rappelé, si l’on veut intervenir dans le champ de l’accès aux métiers, de la visibilité et de la représentation du handicap dans les médias.
Pour mémoire, la loi précitée dite LCAP a consacré plusieurs articles ([93]) à l’enseignement artistique spécialisé et à l’enseignement supérieur de la création artistique et de l’architecture. Elle détaille ainsi les missions et les modalités de fonctionnement de ces établissements et confie à l’État et aux collectivités le soin de garantir une véritable égalité d’accès aux enseignements artistiques, à l’apprentissage des arts et de la culture.
En 2020, le ministère de la culture a publié un Guide pratique pour un enseignement artistique accessible destiné à accompagner les professionnels concernés. Trois ans plus tard, le premier item de la feuille de route du ministère de la culture issue du comité interministériel du handicap du 20 septembre 2023 prévoyait de former les équipes et d’accompagner les étudiants pour un enseignement supérieur culture pleinement accessible et inclusif et l’élaboration d’une charte de l’accessibilité des études, déclinée selon la spécificité pédagogique de chaque établissement dont la mise en œuvre est prévue pour 2025. En 2023, dans le cadre de la même feuille de route, cent référents handicap ont été identifiés dans les établissements supérieurs de la culture, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors.
Parmi les missions des référents handicap :
– Coordonner l’ensemble des actions en faveur des étudiants en situation de handicap ;
– Participer à l’élaboration de la politique en matière de handicap de l’établissement et coordonner les actions permettant sa mise en œuvre ;
– Relayer et décliner au sein de l’établissement les actions prévues au niveau national ;
– Assurer l’accueil, l’orientation et l’accompagnement des étudiants en situation de handicap de leur entrée dans l’enseignement supérieur jusqu’à leur insertion professionnelle ;
– Analyser les besoins de l’étudiant avec les acteurs concernés en procédant, le cas échéant, à des aménagements (aménagements d’examens et de concours, aide humaine, technique…) ;
– Sensibiliser les étudiants et le personnel au sujet du handicap afin de prévenir les discriminations et favoriser une meilleure compréhension des besoins des étudiants en situation de handicap.
– Représenter l’établissement pour les sujets relatifs au handicap, notamment au sein du réseau des référents handicap des établissements de l’enseignement supérieur culture.
Deux fois par an, la DG2TDC réunit les référents pour une réunion de bilan et d’orientation. Lors de la réunion de janvier 2024, un premier projet de charte a été présenté pour une diffusion durant l’année universitaire 2024/2025. Celle-ci a pour objet d’inscrire dans la stratégie de chaque établissement l’ambition d’une accessibilité universelle de sa mission pédagogique, artistique et scientifique ; de garantir des dispositifs d’accueil et d’accompagnement, de la cohérence et la lisibilité des formations, de l’application des dispositions relatives aux adaptations et aménagements des épreuves d’examens et de concours ; de veiller au continuum (études supérieures, insertions professionnelle, pratique artistique) ; de promouvoir la vie étudiante comme vecteur inclusif ; d’accompagner la mobilité internationale.
Dans le cadre de son audition, la DG2TDC a indiqué aux rapporteurs que l’École du Louvre disposait ainsi d’un référent handicap à plein temps. Des parcours pédagogiques comprenant une adaptation des moyens logistiques pour l’accès des jeunes aux écoles d’art sont mis en œuvre. Aujourd’hui, près de 350 étudiants sont aidés au sein des 99 écoles d’art (contre 60, trois ans auparavant) mais beaucoup d’étudiants ne se déclarent pas comme en situation de handicap par crainte d’une forme de stigmatisation.
Entendue par les rapporteurs, la DGCA a indiqué que la sensibilisation au handicap était en train d’être intégrée aux formations, l’enjeu aujourd’hui étant de multiplier les partenariats soit entre le CNCA et d’autres écoles d’enseignement supérieur, soit entre les ESAT et les écoles d’enseignement supérieur situées à proximité.
Les opérateurs de la culture commencent également à mieux intégrer le handicap dans leurs offres ; ainsi, le Centre national de la danse (CND), organisme de formation professionnelle, agit d’abord sur l’accessibilité de ses formations ; il accueille, chaque année depuis 2020, une compagnie d’artistes en situation de handicap qui prennent part aux formations ; en outre, les référents handicap permettent de répondre aux besoins des danseurs concernés, comme ce fut le cas, en 2022, pour un chorégraphe en situation de handicap visuel.
Des formations sont aussi dédiées aux enjeux du handicap, telle la formation « Danse en partage » organisée en 2021 qui associe des artistes professionnels en situation de handicap mental, ou la formation « Danser sans (se) voir » organisée en 2024 qui a abordé la question du travail de composition et de transmission pour des danseurs en situation de handicap visuel. L’inclusion et les enjeux spécifiques qu’elle soulève dans le cas d’une pratique de la danse sont également abordés lors des autres formations professionnelles.
Enfin, un colloque « Handicap en scène » s’est tenu en janvier 2024, dans le cadre d’un partenariat entre quatre établissements d’enseignement supérieur artistique ([94]), autour d’échanges sur les pratiques, les innovations et les retours d’expériences en terme d’inclusion des handicaps dans l’enseignement artistique de haut niveau.
2. L’inclusion passe par l’accès des personnes en situation de handicap aux métiers de la culture
Une des six mesures concernant la culture, adoptée à l’issue de la conférence nationale du handicap d’avril 2023, concerne l’accompagnement vers l’emploi des artistes en situation de handicap.
Connaître et accompagner l’emploi dans le spectacle vivant et le cinéma
Objectifs de la mesure : la création d’un activateur et observatoire de l’emploi des personnes en situation de handicap dans le spectacle vivant et le cinéma permettra de connaître un secteur professionnel pour lequel n’existe aujourd’hui aucun état des lieux. Connaître la réalité de l’emploi et des carrières est la première étape indispensable pour établir un accompagnement cohérent.
Indicateur de suivi (national et régional) et cible : production d’un état des lieux et de statistiques en 2024. Édition d’un livret d’accompagnement des employeurs en 2023.
Si tel n’est pas le sujet du présent rapport, l’accès des personnes en situation de handicap aux métiers de la culture constitue un moyen d’inclusion et une voie d’accès à la culture.
La direction générale de la création artistique (DGCA) a indiqué aux rapporteurs que le handicap était intégré dans l’objectif global de diversité des pratiques, les personnes en situation de handicap ayant exprimé leur désir de passer d’une pratique professionnelle « à part » ([95]) à une pratique de droit commun, au sein de grandes équipes artistiques. Ce changement de paradigme conduit la DGCA à travailler spécifiquement sur la pratique professionnelle des artistes en situation de handicap dans le droit commun en se dotant de nouveaux outils face aux difficultés liées à l’extrême diversité des employeurs dans le domaine du spectacle vivant ainsi qu’à l’itinérance de la pratique. Dans ce cadre, la DGCA a travaillé sur une feuille de route autour de trois axes :
– la mise en place d’un groupe de travail pour affiner les connaissances sur la pratique professionnelle et le lancement d’une évaluation conjointe de l’Inspection générale des affaires culturelles et de l’Inspection de la création artistique sur la réalité de la création et de la diffusion de spectacles d’artistes en situation de handicap ;
– le déploiement du Centre national pour la création adaptée (CNCA) de Morlaix, établissement structurant, soutenu et accompagné par la DGCA pour constituer un pôle de ressources pour la création des personnes en situation de handicap ;
– une réflexion sur un statut spécifique pour les intermittents en situation de handicap.
Le développement de l’accès aux formations et métiers artistiques est un travail de longue haleine qui exige de lever certains obstacles : il s’agit notamment de constituer des réseaux de production et de diffusion. À ce titre, la DGCA a encouragé une initiative du CDN de Valence et de neuf théâtres pour co‑produire et diffuser un spectacle pour les malvoyants. De même, le « Réseau extraordinaire » est lui aussi en train de se structurer, accompagné par le CNCA, dans le but de mobiliser différents théâtres en France sur l’accueil de spectacles dont les interprètes ou les créateurs se trouvent en situation de handicap. Par ailleurs, les artistes interprètes doivent être en mesure de participer à une tournée et d’être accompagnés. Il est ainsi nécessaire de se pencher sur les questions de statut administratif et de salariat ([96]), afin de développer une pratique artistique au-delà de celle organisée au sein des ESAT.
Liste des ESAT à vocation culturelle
Enfin, l’appel à projets intitulé « Les uns et les autres », lancé par le CNC en avril 2022 et doté de 300 000 € en 2023, a pour objectif de soutenir des opérations exemplaires en matière de formation ou d’insertion des professionnels en situation de handicap dans les secteurs de l’audiovisuel et du cinéma. Il peut s’agir de favoriser l’apprentissage, mais aussi de soutenir l’accès aux études, ou au premier emploi, de personnes porteuses d’un handicap, ou encore d’accompagner les entreprises (de la production, de la distribution, de l’exploitation) dans l’accueil d’un salarié handicapé. Lors de l’édition 2023, le jury de cet appel à projets a été attentif aux projets visant notamment l’accessibilité des salles de cinéma aux personnes en situation de handicap à travers la formation de formateurs à ces questions, ou concernant l’embauche de personnes en situation de handicap dans un projet de lieu culturel intégrant des salles de cinéma. Le jury a également souhaité soutenir des projets d’œuvres (documentaires, séries, courts métrages) ayant la volonté de mettre en lumière, avec un regard différent, le handicap et dont la production emploie des personnes en situation de handicap.
Plusieurs représentants de personnes en situation de handicap ont appelé l’attention des rapporteurs sur les conférenciers sourds qui présentent des expositions pour des groupes de sourds signants et sont de moins en moins sollicités par les musées alors qu’ils ont fait des études, ont parfois rencontré des difficultés pour y accéder et sont tout à fait légitimes pour conduire des visites guidées dans de grands musées.
Il y a donc tout un écosystème à conforter afin de développer la participation des personnes en situation de handicap aux créations artistiques, de remédier à l’autocensure et de sensibiliser les créateurs et producteurs de contenus culturels aux handicaps. Progresser dans cette voie serait de nature à favoriser l’accès de tous à la culture. Tel était également le sens de la mission confiée, en 2023, à Mme Dominique Gillot, ancienne secrétaire d’État, entendue par les rapporteurs, sur l’emploi des personnes handicapées dans les métiers de la culture.
Enfin plusieurs interlocuteurs des rapporteurs ont regretté le défaut d’accessibilité des scènes de spectacles qui ne relèvent pas de la réglementation relative aux ERP. Or l’accessibilité des scènes va de pair avec l’ouverture accrue des formations artistiques et des métiers du spectacle aux personnes en situation de handicap.
Proposition n° 13 : Prévoir systématiquement l’accessibilité des scènes lors des projets d’aménagements, de rénovations ou les nouveaux projets de salles de spectacles.
IV. DÉVELOPPER LES CONTENUS CULTURELS ACCESSIBLES ET LES ACTIVITÉS CULTURELLES INCLUSIVES POUR LES JEUNES EN SITUATION DE HANDICAP
Dans une tribune du 11 octobre 2024 publiée dans le journal Le Monde, Mme Rachida Dati, ministre de la culture, appelle à réformer en profondeur le Pass culture. Elle constate, à juste titre, que la part individuelle du Pass « reste encore, trop souvent, un instrument de consommation culturelle et de reproduction sociale, comme deux rapports viennent de le confirmer ». Elle appelle à mettre ce dispositif, dont elle souligne qu’il a vocation à « corriger les inégalités de destin », au service d’une réelle diversification des publics.
Les rapporteurs estiment que cette réforme doit être l’occasion de mettre ce dispositif au service de ce qui constitue le cœur de la mission du ministère de la culture, à savoir l’accès à la culture des publics qui en sont le plus éloignés. Ils appellent par conséquent à le recentrer sur ces publics, en particulier les jeunes en situation de handicap.
Nous l’avons vu plus haut, le Pass culture est aussi devenu un outil majeur, ambitieux et innovant en matière d’éducation artistique et culturelle (EAC). C’est d’ailleurs ainsi qu’il était présenté dans le cadre du projet annuel de performances du projet de loi de finances pour 2025 de la mission Enseignement scolaire où ses objectifs étaient étroitement liés à l’EAC.
Or la question du handicap, nous le verrons plus loin ([97]), n’a été que tardivement intégrée à la feuille de route du Pass culture tandis que l’EAC ne dispose pas toujours d’outils pédagogiques adaptés à tous les handicaps. Dans ce contexte, plusieurs associations entendues par les rapporteurs ont déploré le manque d’ouvrages culturels adaptés à tous les handicaps, regretté le retard de formation des enseignants sur les questions de handicap et demandé la conception d’outils pédagogiques dédiés à l’accessibilité artistique et culturelle à destination des professionnels de l’enseignement scolaire.
Les rapporteurs ont pu prendre connaissance des « mallettes pédagogiques » proposées par certains musées, lesquelles constituent des supports intéressants pour développer l’accessibilité de la culture. Ainsi, la RMN-Grand Palais a conçu six mallettes proposant des outils qui mettent l’art à la portée du plus grand nombre et permettant d’organiser des activités autour de reproductions de créations artistiques. À titre d’exemple, la mallette L’animal dans l’art permet aux non‑lecteurs ou grands débutants de découvrir plus de 200 œuvres en 54 jeux et activités créatives et 10 ateliers.
Exemples de mallettes pédagogiques
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Source : RMN‑Grand Palais
Proposition n° 14 : Développer l’offre de livres à la disposition des élèves et des enseignants en FALC et en braille, en particulier dans les écoles accueillant des élèves d’unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis).
Proposition n° 15 : Dans le cadre de la réforme du Pass culture, recentrer le dispositif sur les publics les plus éloignés de la culture, en particulier les jeunes en situation de handicap. Mieux identifier l’offre accessible à toutes les formes de handicap sur la plateforme du Pass culture et accompagner les jeunes en situation de handicap pour son utilisation.
V. AMÉLIORER L’ACCÈS A LA CULTURE DANS LES ETABLISSEMENTS ET SERVICES MEDICO-SOCIAUX
Fin 2018, quelque 312 000 adultes et 167 000 enfants et adolescents étaient accompagnés dans des établissements et services médico‑sociaux (ESMS), dont plus de la moitié en situation de handicap cognitif. Ces éléments doivent être rapprochés du constat selon lequel ces handicaps sont moins pris en compte dans les propositions culturelles accessibles.
Dans sa contribution établie dans le cadre de la conférence nationale du handicap tenue en avril 2023, le Collectif Handicaps regrettait qu’il n’y ait pas de politique culturelle systématique dans les établissements et services médico-sociaux et préconisait d’intégrer un volet concernant la culture dans leur projet d’établissement comme il plaidait pour une augmentation des moyens, une formation des personnels mais également pour une meilleure diffusion des bonnes pratiques. Enfin, il estimait que tous les établissements culturels devraient avoir un projet d’établissement comprenant un volet « accessibilité et handicap ».
Lors de son audition par les rapporteurs, l’Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) a, pour sa part, rappelé combien la culture constituait un élément fondamental pour les personnes accompagnées par les 93 associations départementales regroupées au sein de cette fédération nationale gestionnaire de plus de 200 établissements et services médico‑sociaux. Depuis 2019, celle-ci a demandé à l’ensemble de ses directeurs d’établissements et associations départementales d’inscrire l’accès à la culture comme un élément fondamental, et qu’il soit traité dans le cadre de l’élaboration des projets d’établissements et de services de l’APAJH.
L’APAJH a aussi relevé que l’accès aux lieux de culture des personnes en situation de handicap avait nécessairement un coût en ressources humaines et en moyens dans un secteur où tous deux font défaut et où les établissements recrutent en priorité des professionnels de la filière socio‑éducative plutôt que des animateurs socio‑culturels. En outre, les dossiers de subvention sont assez complexes à renseigner pour des montants relativement limités.
Enfin, l’association a plaidé pour un élargissement du Pass culture aux établissements et services médico‑sociaux. De son côté, l’Institut national des jeunes aveugles, également entendu par les rapporteurs, a rappelé que les cinq établissements publics nationaux sous la tutelle du ministère des solidarités et de la santé avaient été les grands oubliés du dispositif… avant que les équipes du Pass culture ne se rendent dans l’établissement en mai dernier dans l’objectif d’organiser une séance de présentation du Pass individuel et d’aider les jeunes à installer l’application. Un projet pilote était en cours d’élaboration pour la partie collective.
Le sujet du Pass culture a également été abordé par le rapport d’inspection précité concernant le Fonds accessibilité : « il importe, indiquait-il, que les jeunes en situation de handicap soient informés de l’existence du Pass ; qu’ils soient épaulés si nécessaire dans leur parcours d’inscription, voire ensuite dans l’utilisation du site, malgré sa conformité satisfaisante au regard du RGAA. Le rôle des aidants professionnels ou familiaux est clé dans la prise en main de l’outil. De surcroît, de nombreux acteurs du champ social remontent que la possibilité d’un usage collectif plutôt qu’individuel les aiderait grandement, pour organiser des sorties groupées à l’instar de ce qu’ils pratiquent d’ordinaire. Il serait judicieux de lancer une étude sur l’opportunité de mettre en place un tel dispositif pour les personnes en situation de handicap sur le Pass culture ».
Les rapporteurs estiment que ces suggestions vont dans le bon sens et qu’il est en outre nécessaire de développer, avec le concours des DRAC, les initiatives culturelles en direction des établissements et services médico-sociaux dans une logique « d’aller vers ». Sans instituer des contraintes règlementaires supplémentaires vaines dans un contexte de manque de moyens, les rapporteurs estiment également que les ESMS pourraient être incités à intégrer dans leur projet d’établissement l’accès à la culture, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’établissement.
La DG2TDC a, pour sa part, précisé aux rapporteurs que, dans le cadre des appels à projets culture-handicap, les DRAC soutiennent de nombreux projets dans les ESSMS qui mobilisent des artistes et des professionnels de la culture et concernent tous les champs disciplinaires (spectacle vivant, livre et lecture, patrimoine et musée, arts plastiques, photo…) sans pour autant être en mesure de qualifier les subventions des DRAC et d’identifier ces projets de manière fine.
La DRAC de Bretagne a ainsi mis en place un système de jumelage entre établissements médico-sociaux ou de santé et établissements culturels tandis que la DRAC d’Île-de-France a mis en place un système de label (les établissements médico-sociaux peuvent ainsi demander à être labellisés par la DRAC s’ils ont une programmation artistique et culturelle développée, cette labellisation étant valable trois ans). D’autres initiatives conduites par les DRAC et les établissements publics sont présentées en annexe 2 du présent rapport.
La DG2TDC a indiqué aux rapporteurs porter une réflexion sur le cadre de formation des intervenants sociaux dans le cadre de la politique culture/solidarité. L’enjeu est de renforcer la place de la méthodologie de projet culturel dans le cadre de la formation initiale et continue des intervenants sociaux, ces derniers pouvant accompagner des personnes en situation de handicap dans des ESMS.
Proposition n° 16 : Accompagner la mise en œuvre et l’utilisation du Pass culture pour les jeunes accueillis dans des établissements et services médico-sociaux.
VI. AMÉLIORER L’ACCESSIBILITÉ DES ACTIVITÉS ARTISTIQUES
À l’image du CNCPH, plusieurs des interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs se sont émus de ce que l’accès à la pratique culturelle des personnes en situation de handicap et de celles accueillies dans les établissements dédiés, reste le parent pauvre de l’ensemble des politiques menées en matière culturelle.
Certes, des initiatives existent. Ainsi, entre 2014 et 2016, le Centre national de la danse a publié, avec l’association Cemaforre, une série de trois volumes intitulés Danse et handicap. Pour une accessibilité des pratiques chorégraphiques ([98]) qui constituent des ressources dans le champ de la pédagogie en danse. Le CND a aussi soutenu le projet Glossigne porté par la compagnie de danse Singulier Pluriel qui a lancé un outil pédagogique bilingue français et LSF destiné à faciliter l’accès de la danse aux personnes sourdes, projet notamment déployé au Conservatoire de Montpellier. Un autre projet de recherche tend à créer de la visibilité et du lien autour de la question de l’accessibilité des conservatoires, en l’occurrence celui de Villejuif, et interroge ce qui freine la mise en place d’un enseignement public en danse véritablement accessible aux personnes en situation de handicap.
Ces initiatives comme d’autres témoignent d’une attention croissante portée sur ces problématiques même si la pratique artistique des personnes en situation de handicap reste un maillon faible de leur accès à la culture.
De son côté, la DG2TDC a indiqué soutenir chaque année plus de 300 projets ([99]) afin de favoriser l’accès aux lieux et aux pratiques artistiques et culturelles pour les personnes en situation de handicap dans tous les champs disciplinaires : des ateliers théâtre, de musique, de danse, des projets en lien avec le livre et la lecture (ateliers d’écriture)… La DG2TDC a aussi financé une étude permettant de recenser l’état des lieux des pratiques en matière d’inclusion au sein des établissements d’enseignement artistique spécialisés et leurs besoins. Un réel besoin de prise en compte des troubles liés à l’apprentissage dans les conservatoires (dès le 1er cycle pour les enfants de 5 à 10 ans) a été observé et – a-t-elle affirmé – une action s’imposera pour développer et soutenir les projets pédagogiques innovants à destination de ces élèves. Dans cette perspective, un référent handicap devrait être désigné dans tous les conservatoires demandant une homologation par l’État.
Parmi les projets ayant reçu le soutien du ministère de la culture :
- Une chorale inclusive, soutenue en 2023 et 2024, portée par l’Institut français du chant choral à destination des personnes malvoyantes ;
- Des ateliers artistiques collectifs dédiés aux jeunes en situation de handicap ainsi qu’à leurs familles proposés par l’association La Source, créée par le peintre Gérard Garouste, et ses dix antennes (soutien de 80 000 euros) ;
- 473 projets en établissements de soins (IME, EHPAD, hôpitaux…) dans le cadre de l’Été culturel 2023 (soutien de plus de 2,6 M€ soit 16 % de l’enveloppe globale). À titre d’exemple : à Sète, la compagnie Du vent sous les semelles a proposé un atelier pour des jeunes en situation de handicap, âgés entre 14 et 18 ans, autour de la thématique de l’équilibre/déséquilibre grâce à un double ancrage : artistique, avec la pratique du théâtre, et sportif, avec l’initiation au judo. Cet atelier a été co-construit avec la compagnie Du vent sous les semelles et l’ITEP (institut thérapeutique, éducatif et pédagogique).
VII. MIEUX ASSOCIER LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP À LA CONCEPTION DES POLITIQUES CULTURELLES
« Ne faites rien pour nous, sans nous » ont rappelé plusieurs interlocuteurs des rapporteurs. Le président de l’Union des associations nationales pour l’inclusion des malentendants et des sourds (UNANIMES) a par exemple souligné combien il était difficile, pour les personnes non concernées par le handicap, d’avoir conscience des difficultés liées aux différentes formes que celui-ci peut revêtir.
Il est donc fondamental de concevoir tous les projets culturels avec les personnes en situation de handicap pour une prise en compte pertinente de leurs besoins. Il y a, en outre, un moindre coût et une plus grande efficacité à concevoir des projets nativement accessibles.
Nombre des interlocuteurs des rapporteurs ont indiqué avoir des contacts avec des représentants de personnes en situation de handicap en amont des projets mais cela est loin d’être systématique, est souvent lié à la taille de la structure et ne concerne que rarement tous les handicaps ([100]). De même, consulter n’a pas le même impact qu’associer les usagers concernés aux projets en amont et au cours de leur mise en œuvre pour s’assurer de la pertinence et de l’efficacité des dispositifs retenus. L’inclusion des personnes en situation de handicap doit intervenir dès la conception des projets, dans une démarche de co‑construction.
La mise en œuvre de l’accessibilité du Pass culture trois ans après sa création apparaît ainsi comme un exemple à ne pas réitérer : expérimenté à partir de février 2019 dans cinq puis quatorze départements pilotes, avant d’être généralisé à l’ensemble du territoire à compter de mai 2021, le dispositif a laissé de côté les jeunes scolarisés dans les cinq établissements nationaux dépendant du ministère en charge des solidarités et l’équipe du Pass culture n’a prévu une présentation du dispositif et une aide pour en installer l’application auprès des jeunes de l’INJA qu’au printemps dernier. Quant à l’accessibilité des propositions culturelles, elle repose sur la plateforme collaborative Acceslibre qui ne comporte pas toutes les informations d’accessibilité comme l’ont relevé plusieurs interlocuteurs des rapporteurs.
C’est donc tardivement que la question de l’accessibilité a été prise en compte. Ainsi la feuille de route du ministère de la culture pour 2024, faisant suite au CIH 2023, prévoyait-elle la nomination d’ambassadeurs en situation de handicap du Pass culture et la mise en accessibilité à 100 % de l’application correspondante ; tandis que le suivi de la feuille de route du ministère de la culture réalisé dans le cadre du comité interministériel du handicap du 16 mai dernier indiquait qu’en avril 2024, 40 % des partenaires du Pass culture avaient engagé l’intégration de leurs propositions culturelles sur la plateforme gouvernementale Acceslibre.
Si les personnes en situation de handicap avaient été réellement associées au dispositif dès sa phase de conception, les démarches d’accessibilité auraient sans doute été intégrées au Pass culture dès sa création.
Associer les personnes en situation de handicap dans toute leur diversité est également un prérequis fondamental lors d’aménagements d’accessibilité et ce dès l’élaboration du cahier des charges afin de s’assurer de la pertinence des équipements et de leur qualité d’usage. Ainsi que l’a indiqué l’INJA, le fait d’associer les personnes en situation de handicap visuel en amont d’un spectacle permet, par exemple, d’adapter la mise en scène de façon à la rendre plus accessible. Cette association dès la phase de conception est aussi bénéfique à une plus large prise en compte des handicaps à toutes les étapes de la création et de la diffusion des contenus. De même, la prise en compte de l’accessibilité dès la conception de contenus numériques aura un coût infiniment moindre que s’il faut modifier l’architecture d’un site ou d’une application web.
Enfin, associer les personnes en situation de handicap dès la conception des projets favorise l’organisation d’une communication adaptée sur les évènements.
VIII. REMÉDIER AUX PROGRAMMATIONS INADAPTÉES ET AMÉLIORER L’INFORMATION
Plusieurs représentants des personnes en situation de handicap entendues par les rapporteurs ont regretté que, trop souvent, les programmations accessibles soient incompatibles avec des horaires de travail occultant ainsi le fait que nombre de personnes en situation de handicap travaillent.
En outre, l’information sur les manifestations accessibles reste partielle. Ainsi, la présidente de Autisme France a relevé qu’il était très difficile de disposer d’une information locale sur les manifestations accessibles, conduisant les familles à se tourner vers ce qu’elles connaissent déjà.
Ainsi, certains ont relevé que lorsqu’un cinéma est équipé pour l’audiodescription, il l’indique sur son site et l’application « AlloCiné » relaie cette information statique. Or, les personnes en situation de handicap ont besoin d’une information dynamique pour savoir si le film envisagé a été produit avec audiodescription (notamment pour les films étrangers) et sera projeté avec son audiodescription dans une salle équipée. Selon une enquête conduite en 2022, 58 % des cinémas déclaraient avoir au moins une salle équipée et 12 % toutes leurs salles équipées. Or, en fonction de son succès, un film change de salle, en conséquence, les personnes en situation de handicap n’ont pas la certitude que leur film sera projeté dans la salle équipée ou non, et peuvent ne s’en rendre compte qu’une fois installées dans la salle. De même, voir un cinéma assorti du pictogramme représentant une oreille barrée ne garantit pas que celui-ci mette à disposition du public une boucle magnétique car les personnels en mesure de faire fonctionner ces équipements ne sont pas forcément présents. Le président du CNCPH a également souligné que la plateforme Acceslibre ne permettait pas de disposer d’un état des lieux de l’accessibilité mais en réalité d’un état des lieux des structures qui ont renseigné l’accessibilité de leur site, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
Sur ce point, comme indiqué plus haut ([101]) des évolutions sont en cours dans le cadre d’un partenariat entre la plateforme Acceslibre, AlloCiné et la Fédération nationale des cinémas français pour que, dans un premier temps, l’information de l’accessibilité de la salle soit disponible sur AlloCiné et que dans un second temps celle des séances le soit aussi. Les données d’accessibilité des salles sont disponibles sur AlloCiné depuis l’été 2023.
Pour sa part, la DG2TDC ([102]) a indiqué aux rapporteurs qu’elle travaillait à la construction d’une plateforme de l’audiodescription qui permettra au public du cinéma, puis à celui de l’audiovisuel et enfin à celui du spectacle vivant, de disposer de toute l’information, aujourd’hui défaillante, sur les œuvres audiodécrites et leurs modalités d’accès. Ce projet, qui représente le pendant du portail national de l’édition accessible, devait donner lieu, à l’automne 2024, à une première version « pilote » de la plateforme.
La délégation générale a également indiqué promouvoir plusieurs leviers pour « aller vers » les publics en situation de handicap et faire connaître les ressources accessibles existantes. Ainsi, elle s’appuie sur les associations représentatives dont la vocation est de communiquer à l’intention des personnes en situation de handicap qu’elles représentent (c’est le cas notamment pour APF France handicap, la Fédération des aveugles de France, l’association Valentin Haüy, le réseau national musique et handicap, etc.), mais également sur les structures culturelles et les équipes artistiques soutenues par le ministère. Elle travaille également à l’élaboration d’un guide pour un meilleur accueil dans les établissements culturels de toutes les personnes concernées par les troubles du spectre de l’autisme ou les troubles du neurodéveloppement, dans le cadre d’un groupe de travail qui associe des personnes concernées et les associations représentatives.
Pour autant, les questions de programmation et d’information adaptées restent un sujet de préoccupation des associations qui plaident notamment pour une amélioration de la visibilité de l’offre culturelle à l’échelle locale, ainsi que pour une utilisation accrue du FALC et pour des textes et images alternatives dans les communications sur les offres culturelles.
Le besoin d’information et de communication sur l’offre culturelle accessible a également été relevé par les auteurs du rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles sur le Fonds accessibilité. Ceux-ci considéraient en effet qu’« il serait souhaitable, afin de pouvoir toucher un public le plus vaste possible, que les DRAC puissent valoriser de façon globale les programmations accessibles proposées par les différents acteurs culturels sur leur territoire, auprès notamment des médias régionaux, en veillant à ce que cette communication soit elle-même accessible, les sites des différentes structures concernant un public déjà au fait des offres proposées ».
Le site d’information gouvernemental pour les personnes en situation de handicap et leurs aidants « Mon parcours handicap » propose plusieurs thématiques concernant les aides et démarches au sein desquelles quelques sujets portant sur la culture comme les nuits européennes des musées, les journées du patrimoine, ou la présentation de la méthode FALC.
Les rapporteurs estiment nécessaire d’améliorer l’information sur les manifestations culturelles accessibles. Cette démarche pourrait être conduite par le développement, à partir de la plateforme Acceslibre et en concertation avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, d’un module d’information dédié aux établissements et manifestations culturelles.
Proposition n° 17 : En concertation avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, développer, à partir de la plateforme Acceslibre, un module dédié à l’accessibilité des établissements et manifestations culturelles.
IX. SENSIBILISER L’ENSEMBLE DES ACTEURS CULTURELS À L’ACCESSIBILITÉ DES ŒUVRES ET DES SPECTACLES
À l’occasion de la dernière cérémonie des César, des jeunes de l’Institut des jeunes aveugles avaient été conviés par Mme la ministre de la culture mais n’avaient finalement pas pu y être accueillis au motif, leur a-t-on indiqué, que cette cérémonie ne faisait pas l’objet d’une audiodescription. C’est finalement dans le cadre d’une convention signée, en avril 2024, avec le CNC et Pathé, que les jeunes aveugles ont pu voir le film « Le règne animal », par ailleurs primé du Marius de l’audiodescription ([103]).
Plusieurs interlocuteurs des rapporteurs l’ont relevé : si les professionnels ne sont pas formés aux enjeux des handicaps, cela ne fonctionne pas. Or c’est encore trop souvent le cas dans le domaine culturel. Au-delà des obstacles inhérents au manque de moyens et de personnels, deux enjeux revêtent une importance stratégique en matière d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap : la formation aux métiers de la culture et la formation des médiateurs culturels.
A. LES FORMATIONS ARTISTIQUES ET D’ARCHITECTURE DOIVENT MIEUX PRENDRE EN COMPTE LES HANDICAPS
Une centaine d’écoles sous la tutelle du ministère de la culture forment aux métiers de l’architecture, du patrimoine, des arts plastiques, du spectacle vivant et du cinéma et délivrent plus de 40 diplômes nationaux.
La feuille de route du ministère de la culture issue du comité interministériel du handicap (CIH) de septembre 2023 prévoit la formation des équipes et l’accompagnement des étudiants pour un enseignement supérieur de la culture pleinement accessible et inclusif. Cette priorité est déclinée en trois points :
On peut s’étonner que plus de quinze ans après le vote de la loi précitée du 11 février 2005 et ses textes d’application, la formation à l’accessibilité du bâti au sein du cursus des écoles d’architecture ne soit pas un fait acquis. Mais, puisqu’il est question que tous les étudiants des écoles d’architecture et de design reçoivent une formation à l’accessibilité du bâti, il serait utile que ceux-ci soient sensibilisés aux besoins liés aux différents handicaps et, par exemple, à la pertinence de concevoir, lorsque cela est possible, dans les grands ERP culturels, des espaces moins exposés au bruit et au passage ainsi que des éclairages de moindre intensité. Des conceptions adaptées lors de la construction ou lors de réaménagements d’espaces sont en effet plus judicieuses que leur adaptation une fois ceux-ci achevés.
De même, si la préservation du patrimoine architectural relève des dérogations possibles prévues par l’article L. 164-3 du code de la construction et de l’habitation, il conviendrait de porter toute l’attention nécessaire à la formation et au cadre dans lequel sont prises les décisions des architectes des bâtiments de France, afin que la prise en compte de l’accessibilité des monuments historiques soit prioritaire. Certains interlocuteurs des rapporteurs ont en effet déploré que les préconisations édictées lors de la restauration de sites classés ne tiennent pas compte de l’accessibilité des personnes en situation de handicap.
Enfin, les professionnels qui remplissent les fonctions de commissaires d’expositions doivent être formés et sensibilisés à la transmission à tous les publics. Les expositions, qui engagent généralement des budgets importants, doivent être conçues, au-delà du travail scientifique qu’elles représentent, pour être accessibles à tous. Les cartels et les audioguides doivent être lisibles, pédagogiques et inclusifs. Cet impératif doit figurer dans les cahiers des charges, les formations comme dans les objectifs prioritaires des spécialistes qui conçoivent ces évènements.
B. LES INTERVENANTS, LES ACCOMPAGNATEURS ET LES MEDIATEURS CULTURELS
La formation et la sensibilisation des personnels sont indispensables pour améliorer l’accessibilité de la culture. Lors de leurs visites sur le terrain, les rapporteurs ont pu constater une incontestable volonté de former les agents et les médiateurs culturels à l’accueil des personnes en situation de handicap, même si une telle démarche est tributaire des personnels disponibles. Dans leurs réponses, les grands services et établissements culturels ont également indiqué former leurs intervenants. Pas toujours obligatoires, ces programmes sont dans leur majorité suivis ([104]).
Des guides sont également proposés tels que ceux de l’Association des maires de France sur l’inclusion des personnes autistes ou la Fédération nationale des cinémas français sur l’accessibilité des cinémas et l’accueil des personnes en situation de handicap. De son côté, le ministère de la culture propose plusieurs guides téléchargeables… à condition de les retrouver sur son site internet. En effet, l’accessibilité se cache derrière le thème « développement culturel » qui propose un onglet « handicap, accessibilité » tout en bas de la page web… qui, lui‑même, propose plus de 200 résultats ! Si l’on utilise l’onglet « documentation », l’onglet « recherche » propose 34 ressources classées par année… De guerre lasse, en indiquant « guides accessibilité ministère de la culture » sur un grand moteur de recherche, on obtient une page où sont présentés six guides pratiques : Culture et handicap. Guide pratique de l’accessibilité (2007), Accessibilité et spectacle vivant. Guide pratique (2008), Équipements culturels et handicap mental (2010), Expositions et parcours de visite accessibles (2017), Cinéma et accessibilité (2018), Pour un enseignement artistique accessible (2020). Comme l’a souligné le présent rapport, la législation et les équipements disponibles ont beaucoup évolué depuis 15 ans, certains de ces guides gagneraient donc à être mis à jour.
La formation et la sensibilisation aux questions d’accessibilité sont fondamentales pour tous les acteurs de la culture car, au-delà des ressources culturelles elles-mêmes, c’est tout le parcours de l’usager qui doit être accessible depuis l’information, la réservation, jusqu’au retour au domicile.
Proposition n° 18 : En concertation avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, intégrer de manière systématique un module dédié à l’accueil et à la prise en compte des publics et aux handicaps dans les formations relatives aux métiers de la culture et de l’architecture.
Proposition n° 19 : En concertation avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, sensibiliser les architectes des bâtiments de France (ABF) au caractère prioritaire de l’accessibilité des monuments historiques ouverts au public.
Proposition n° 20 : Former régulièrement les conférenciers et les personnels des établissements culturels en charge de l’accueil des publics à la prise en compte des handicaps et à la manipulation des matériels de médiation dédiés.
Proposition n° 21 : À l’occasion des 20 ans de la loi de 2005, communiquer auprès des acteurs culturels sur leurs obligations en terme d’accessibilité ; mettre à jour et en évidence sur le site internet ministériel les guides dédiés publiés par le ministère de la culture.
X. ORGANISER LE SUIVI ET L’ÉVALUATION DES ACTIONS EN FAVEUR DE L’ACCESSIBILITÉ AU SEIN DE L’« ÉCOSYSTEME » DE LA CULTURE
L’évaluation de l’efficacité, de l’efficience et de l’impact d’une politique publique nécessite de disposer de données sur sa mise en œuvre. Or, lorsqu’elles existent, celles-ci sont éparses, l’organisation très déconcentrée et décentralisée de l’écosystème de la culture ne facilitant pas leur collecte.
Jusqu’en 2020, c’est le service de la coordination de la politique culturelle et de l’innovation, au sein du secrétariat général, qui était chargé du suivi de la politique interministérielle d’accessibilité ; celle-ci est maintenant intégrée à la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC), évolution qui n’a pas facilité l’organisation du suivi de ces questions.
On rappellera également qu’en application du décret n° 2010-633 du 8 juin 2010 définissant les missions des directions régionales des affaires culturelles, les DRAC participent à l’évaluation des politiques publiques.
En l’état, la politique publique de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap est suivie et évaluée par :
– la « remontée de bilan » des associations soutenues dans ce cadre par l’administration centrale et les DRAC ;
– de façon marginale, les évaluations menées dans le cadre de déplacements sur le terrain de représentants de l’administration centrale et des DRAC ;
– le dialogue coordonné par la DG2TDC avec l’ensemble des référents culture/handicap au sein des DRAC ;
– l’analyse de données budgétaires imparfaites ;
– le soutien à des études, à des enquêtes et à des travaux de recherches portés notamment par des associations (à titre d’exemple : l’enquête sur la prise en compte du handicap dans les lieux d’enseignements artistiques développée par l’association MESH – Musique et situations de handicap – et soutenue par la DG2TDC).
Les opérateurs ministériels peuvent également collecter d’utiles informations ; ainsi, le CNC a mis en place, en 2022, un observatoire de l’accessibilité qui réunit les pouvoirs publics et les associations pour évaluer l’impact des mesures prises et les difficultés rencontrées.
Par ailleurs, plusieurs canaux de collecte de données existent, mais dont la mise en œuvre reste inégale :
– la convention Culture et santé de 2010 prévoyait ainsi la mise en place d’un comité de suivi et d’évaluation interministériel, toutefois, celui-ci n’a pas été réuni, faute de remontées de données permettant de disposer d’une visibilité globale et exhaustive sur les actions menées dans les territoires. La nouvelle convention nationale, qui devrait être signée à la fin de l’année 2024 ou au début de 2025, doit porter une vigilance particulière aux modalités de son suivi. Actuellement, les outils de remontée de données du ministère de la culture ne permettent pas de qualifier les subventions des DRAC et d’identifier de manière fine les projets qui se déploient dans les ESSMS ;
– concernant le spectacle vivant, l’application Sibil (pour Système d’Information BILletterie), créée en application de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 dite LCAP ([105]), est destinée à transmettre au ministère de la culture toutes les données de billetterie du spectacle vivant. En raison de problèmes d’interopérabilité, de la multiplicité des structures concernées et de leurs moyens souvent limités, le déploiement de ce dispositif n’est pas achevé.
Les difficultés liées à la collecte de données sur la fréquentation des spectacles vivants publics, par les personnes en situation de handicap, ont été confirmées aux rapporteurs par plusieurs acteurs du secteur, chaque structure évaluant individuellement son taux d’accessibilité, avec plus ou moins de précision selon les projets ;
– dans son rapport public annuel publié en mars 2023, la Cour des comptes a consacré une étude thématique aux festivals dans le cadre de laquelle elle pointe, en particulier, un suivi insuffisant des objectifs poursuivis en prenant l’exemple de la démocratisation des publics. À l’appui d’une enquête sur huit festivals, la Cour constate que rares sont ceux qui ont mis en place un dispositif permettant de suivre l’évolution de leurs publics dans la durée ; la plupart d’entre eux se trouvant en conséquence dans l’incapacité de vérifier s’ils contribuent par leurs activités à la démocratisation de l’accès à la culture ;
– dans les territoires, où les DRAC délèguent parfois leur action à d’autres structures souvent associatives, celles-ci ne procèdent pas à un suivi de ces questions ([106]) ;
– pour sa part, la mission « Réunion des établissements culturels pour l’accessibilité » (RECA), évoquée plus haut, permet mise en commun et retours d’expérience sur ces sujets.
Les auditions conduites par les rapporteurs et les réponses à leurs questionnaires ont néanmoins permis de constater qu’un suivi structuré des actions conduites par les acteurs culturels au titre de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap restait à construire.
C’est par exemple le cas pour le Pass culture, le projet annuel de performances pour 2024 de la mission Culture prévoyant à son sujet de « poursuivre les efforts d’évaluation du dispositif, ambition renouvelée pour 2025 ».
C’est également le constat formulé par la mission de l’Inspection générale des affaires culturelles dans le cadre de son rapport précité sur le Fonds accessibilité : « L’évaluation est globalement peu développée concernant l’accessibilité, y compris sur le terrain plus classique et même réglementaire de l’Agenda d’accessibilité programmée (Ad’AP). Elle est aussi rare pour les conventions Culture-Santé, et nombre d’ARS se déclarent tout aussi partantes et peu outillées que les DRAC pour avancer sur le sujet. Des établissements nationaux, dotés d’importants moyens, comme la BNF, sont à un stade tout aussi embryonnaire, suivant uniquement la fréquentation à travers la présentation de la carte mobilité inclusion (CMI). Le CNC observe statistiquement l’offre disponible, à savoir l’accessibilité des salles et des œuvres, mais pas la fréquentation. »
La mission rappelle opportunément que, de manière plus générale, « l’évaluation nécessite de définir en amont les objectifs de la politique menée. Ainsi, les buts à poursuivre peuvent être nombreux et de natures diverses :
– administrative : par exemple, la croissance du nombre de CPO disposant d’un axe sur l’accessibilité aux œuvres…
– économique : la maximisation de la mutualisation des équipements et la croissance de leur taux d’utilisation…
– systémique : le nombre de partages d’expérience sur un territoire donné, qui peut être un objectif en soi, pour échanger sur des sujets aussi divers que la marque des équipements les plus performants, les formations disponibles, les dispositifs d’accessibilité les plus appréciés des publics concernés…
– ergonomique : la mesure du niveau d’accessibilité au lieu, au site internet, à l’œuvre…
– quantitative : comment proposer plus d’œuvres, d’une plus grande diversité, à un plus grand public, aussi bien en nombre de personnes qu’en nombre de handicaps couverts…
– qualitative : quelle est la satisfaction des usagers au titre de l’accessibilité à l’œuvre, de leur expérience plus globale de la soirée, de leur relation avec le lieu dans la durée ? Cette évaluation aurait d’ailleurs vocation à englober toutes les personnes intéressées : les publics en situation de handicap comme les autres publics également présents dans le lieu, les accompagnants et les familles, les professionnels de la structure culturelle, les autres professionnels ayant participé au projet…
Une ultime évaluation pourrait avoir trait à l’efficience : les moyens mis en œuvre sont-ils proportionnés aux résultats ? »
Dans le même esprit, les rapporteurs suggèrent, à défaut de mettre en place une évaluation structurée, difficilement réalisable au niveau d’entités réduites, d’améliorer le suivi des actions conduites ; comme ils suggèrent que le département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS) du ministère se saisisse de ce sujet.
Proposition n° 22 : En lien avec les représentants locaux de personnes en situation de handicap, charger les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) du recensement et de l’évaluation de l’accessibilité des structures labellisées et la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle de la centralisation des données et de l’évaluation consolidée.
Proposition n° 23 : Confier à un comité d’usagers en situation de handicap le suivi des informations figurant sur la plateforme Acceslibre et la bonne coordination de celle‑ci avec l’application du Pass culture.
« Ce qui est en jeu au cœur des politiques publiques d’accessibilité, c’est la capacité à réduire l’écart existant entre ce qui est offert à un public pouvant accéder à toutes les propositions culturelles et ce qui nécessite une adaptation particulière » rappelait la mission de l’Inspection générale des affaires culturelles dans son rapport sur le Fonds accessibilité ; les rapporteurs souhaitent que leurs propositions permettent de valoriser les projets engagés dans ce sens et en développer d’autres afin de tendre vers cet objectif.
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Le Comité a procédé à l’examen du présent rapport d’information lors de sa réunion du mardi 10 décembre 2024 et a autorisé sa publication.
Les débats qui ont eu lieu au cours de cette réunion sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
ANNEXE N° 1 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS
M. Bernard Defebvre, président de la Confédération Française pour la Promotion Sociale des Aveugles et Amblyopes (CFPSAA) ;
Mme Dominique Leconte, administratrice de Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM) ;
M. Nicolas Mérille conseiller national Accessibilité, Conception universelle & Qualité d’usage et Mme Nathalie Caclard, responsable des programmes nationaux de l’Association des paralysés de France (APF France handicap).
M. Jérémie Boroy, président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), accompagné de M. Mounad Bizri, pilote de la délégation Culture, et de Mme Microslava Kachler, coordinatrice du CNCPH;
M. Thomas Soret, président de l’Union des associations nationales pour l’inclusion des malentendants et des sourds (UNANIMES) ;
M. Jean-Christian Sovrano, directeur général de la Fédération des Associations pour adultes et jeunes handicapés (APAJH).
M. Olivier Henrard, directeur général délégué du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) ;
M. Pascal Perrault, directeur général du Centre national du livre (CNL), accompagné de Mme Édith Girard, déléguée adjointe au pôle lecture action territoriale et internationale ;
Mme Corinne Sadki, directrice des affaires européennes et du développement international du Centre national de la musique (CNM) ;
Mme Alice Rodelet, directrice du département Transmission et formation du Centre national de la danse (CND).
Mme Marie-Anne Bernard, directrice de la RSE à France Télévisions*, accompagnée de Mme Livia Saurin, directrice des relations institutionnelles ;
Mme Agnès Lanoe, directrice prospectives et développements traverses et coordinatrice RSE à Arte France* ;
Mme Emmanuelle Baumgartner, directrice adjointe en charge des politiques Égalité, Diversité, Handicap à Radio France* ;
Mme Deborah Münzer, directrice de cabinet du président-directeur général de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), et Mme Anaïs Vincent, cheffe de service Prévention, RSE et relations sociales.
Mme Fabienne Loir, secrétaire générale de l’Association des scènes nationales (ASN), accompagnée de MM. Frédéric Esquerré, directeur du Parvis Scène nationale de Tarbes‑Pyrénées, Emmanuel Mourmant, directeur du pôle public à Malakoff Scène nationale et Mme Carole Albanèse, directrice de l’Estive, Scène nationale de Foix et de l’Ariège et membre du CA de l’ASN ;
Mme Emmanuelle Queyroy, secrétaire générale de l’Association des centres dramatiques nationaux (ACDN) ;
M. Thomas Da Silva Antunes, secrétaire général Association des centres chorégraphiques nationaux (ACCN) ;
M. Frédéric Pérouchine, directeur de la Réunion des Opéras de France (ROF).
Mme Cécile Arnoult, fondatrice et directrice générale de Kilema éditions ;
M. Matt K’Danet, artiste associé, Compagnie Zigzag.
Mme Cécile Dumas, déléguée générale de Ciné sens ;
M. Amar Nafa, délégué général de Culture Relax ;
M. Stéphane Fort, délégué général de Retour d’image.
M. Xavier Odo, maire de Grigny, pour l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) (7 février 2024).
Mme Isabelle Saurat, déléguée interministérielle à l’accessibilité (ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées), Mme Céline Poulet, secrétaire générale du comité interministériel du handicap, et Mme Sophie Rattaire coordinatrice interministérielle de l’accessibilité universelle (15 février 2024).
Mme Delphine Samsoen, directrice générale du centre des monuments nationaux (CMN), accompagnée de Mme Alexandra Dromard, cheffe du département des publics (29 février 2024).
Mme Cléa Richon, directrice adjointe à la direction éducation, territoires et photographie en charge de la sous-direction de la médiation à la Réunion des musées nationaux (RMN), accompagnée de M. François-Stéphane Hamon, responsable des relations institutionnelles et du développement territorial de la direction de la stratégie et du développement (29 février 2024).
Mme Laurence Pécaut-Rivolier, membre du collège de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et présidente du groupe de travail dédié à la protection des publics et de la cohésion sociale (14 mars 2024).
M. Noël Corbin, délégué général de la Délégation générale à la transmission aux territoires et à la démocratie culturelle du ministère de la culture, M. Thierry Jopeck, Haut‑fonctionnaire au handicap et à l’inclusion, et M. Nicolas Merle, chef du bureau des politiques interministérielles (28 mars 2024).
Mme Rachel-Marie Pradeilles-Duval, cheffe du service de l’instruction publique et de l’action pédagogique à la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) et Mme Amélie Miermont, directrice du cabinet de M. Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire (4 avril 2024).
M. Nicolas Georges, directeur chargé du livre et de la lecture à la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la culture (15 avril 2024).
Mmes Tiphaine Vacqué, adjointe à la directrice des services et des réseaux, et Marie‑Laure Chérel, directrice du département du développement des publics et de la médiation à la Bibliothèque nationale de France (BNF) (15 avril 2024).
Mme Dominique Gillot, ancienne secrétaire d’État chargée des personnes âgées et des personnes handicapées (16 avril 2024).
Mme Sophie Zeller, adjointe du directeur général de la création artistique du ministère de la culture, accompagnée de Mme Violette Viannay, cheffe de cabinet (23 mai 2024).
M. Benjamin Voisin, chef du service des politiques sociales et médico-sociales de la Direction générale de la cohésion sociale, et Mme Manuela Oliveira du bureau de l’Insertion, citoyenneté et parcours de vie des personnes handicapées (service Autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées) (31 mai 2024).
M. Stéphane Gaillard, directeur de l’Institut national des jeunes aveugles (INJA), accompagné de Mme Mara Tournier, responsable du service éducatif du second cycle et du service de suite (3 juin 2024).
M. Marc-Olivier Sebbag, délégué général de la Fédération nationale du cinéma français (FNCF)*, accompagné de M. Erwan Escoubet, directeur des affaires réglementaires et institutionnelles (6 juin 2024).
Mme Danièle Langloys, présidente de Autisme France (17 octobre 2024)
– Mme Delphine Pinasa, directrice du CNCS, M. Vincent Foray, administrateur, Mmes Amandine Lombard, responsable du département des publics, et Armance Rougiron, responsable du département de la médiation, et M. Jean-Baptiste Leblond, chargé de la médiation avec les publics empêchés ;
Rencontre avec des représentants et personnes en situation de handicaps :
– M. Alexandre Levebvre, président du GEM TSA 03 (Trouble du spectre de l’autisme), accompagné de MM. Romain Deilles, vice-président, Eric Konstantinoff, animateur, et M. Lucas Sennepin ;
– M. Daniel Guerbois, président du Comité Valentin Haüy de l’Allier, accompagné de Mmes Régine Guerbois, vice-présidente, Monique Ribier, secrétaire, M. et Mme Robert Pommery et M. et Mme Jean-Marie Pagliai, bénéficiaires, et M. Xavier Bélien secrétaire adjoint et formateur aux nouvelles technologies et informatique adaptées ;
Mme Sandra Maître, directrice de l’UNAPEI de l’Allier.
Groupement pour l’insertion des handicapés physiques (GIHP) ;
Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI)* ;
Assemblée des départements de France (ADF) ;
Association Rêve de cinéma ;
Association Valentin Haüy (AVH)* ;
Centre d’Étude des Médiateurs Artistiques FORmation Recherche – centre national de ressources pour l’accessibilité culturelle (association CEMAFORRE).
* Ces organismes ont procédé à leur enregistrement au répertoire des représentants d’intérêts géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.
ANNEXE N° 2 :
SYNTHÈSE DES RÉPONSES APPORTÉES PAR LES DIRECTIONS RÉGIONALES DES AFFAIRES CULTURELLES (DRAC) ET DIRECTIONS DES AFFAIRES CULTURELLES (DAC)
AU QUESTIONNAIRE DES RAPPORTEURS
1. Les moyens d’information sur les besoins d’équipements concernant les personnes en situation de handicap. Nature et fréquence des échanges avec les associations concernées et les collectivités territoriales
a. Les moyens d’information sur les besoins d’équipements et les échanges avec les associations et les collectivités territoriales
Les DRAC de Bretagne, de Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), des Pays de la Loire et la DAC de Guyane indiquent échanger régulièrement avec les structures culturelles labellisées et les collectivités territoriales partenaires. Plusieurs DRAC échangent également avec les agences régionales de santé (ARS) et les établissements et services sociaux et médico‑sociaux (ESSMS) pour mieux comprendre les attentes des publics en situation de handicap. C’est notamment le cas des DRAC du Centre-Val de Loire, de Bourgogne, d’Occitanie et d’Île-de-France. Cette collaboration avec les ESSMS et les associations qui en sont proches peut donner lieu à des soutiens financiers par la DRAC, qui suit alors dans le temps les besoins d’équipement des structures. La DRAC d’Occitanie semble avoir approfondi, plus que les autres DRAC, sa relation avec l’ARS par la création d’« unités départementales » afin d’entretenir le maillage à l’échelle locale.
Ces échanges peuvent être ponctuels, dans le cadre de réunions de réseaux initiées par les DRAC (en Bretagne, PACA, Hauts-de-France) ou auxquelles elles participent, portant sur des demandes de soutiens. La DRAC des Hauts-de-France a mis en place un groupe de travail « Égalité Diversité » contenant un sous-groupe « Handicaps et inclusion » rassemblant une douzaine de personnes qui se réunit régulièrement depuis juin 2023 et rédige actuellement une feuille de route et un plan d’action internes et externes.
Les DRAC du Grand Est, de Bourgogne, de PACA et des Hauts-de-France, soulignent le rôle important tenu par les conseillers sectoriels dans la collecte d’informations sur les besoins d’équipements et d’adaptation des structures culturelles, notamment dans le cadre de leur participation aux comités de suivi et conseils d’administration. Au sein de la DRAC de PACA, les conseillers « action culturelle et territoriale » ont cette responsabilité tandis qu’au sein de la DRAC de Bourgogne, l’action est limitée aux musées sous la supervision des conseillers « musées ». En Île-de-France, la DRAC évalue les besoins en accessibilité par des échanges avec les six pôles « Art et handicap d’Île-de-France » et le réseau Imago ([107]).
Les échanges des DRAC avec les collectivités territoriales (départements ou EPCI) se tiennent dans le cadre de la rédaction des accords-cadres et des appels à projets ponctuels portés par les départements ou par l’État (Fonds accessibilité, « Culture et Santé »). Les échanges avec les associations se font avec les représentants d’usagers membres de la commission « Culture et Santé » et avec les six pôles Art et handicap en Île‑de‑France.
En Guyane et dans les Pays de la Loire, les DAC et DRAC indiquent mener une veille réglementaire sur les normes en matière d’accessibilité, pour s’assurer que les aménagements répondent aux exigences en vigueur. Les transmissions de notes ou arrêtés de l’administration centrale leur permettent également d’informer les structures culturelles des dispositifs de financement proposés. En Bourgogne, des échanges avec les collectivités territoriales et les opérateurs ont lieu dans le cadre de contrats territoriaux (CPER, contrats prioritaires).
La DRAC d’Occitanie mentionne la création d’un Pôle régional de ressources « culture santé handicap et dépendance », appelé « La Mécano » créé en 2020 pour la seconder dans le suivi des structures. Ce centre s’est spécialisé dans l’ingénierie de projets culturels auprès des établissements de santé et médico‑sociaux et des personnes en situation de handicap. Ses missions portent sur l’animation des réseaux « culture handicap et dépendance » (CSHD), la consolidation des compétences de conduite de projets et l’animation du partenariat entre l’ARS et la DRAC abordé précédemment.
La DRAC des Pays de la Loire réalise des observations sur le terrain : visites régulières d’institutions culturelles et de lieux de diffusion artistique permettant d’évaluer leur accessibilité et d’identifier les éventuels besoins d’adaptation. Elle prend en compte les retours d’expérience des usagers en situation de handicap ainsi que les recommandations émises par les organismes spécialisés. Cette démarche a permis l’élaboration d’un référentiel d’accueil pour les personnes en situation de handicap dans les sites patrimoniaux.
b. La désignation d’un référent handicap au sein des services
Plusieurs DRAC ont un référent handicap au sein de leurs services : les DRAC du Centre-Val de Loire, des Pays de la Loire et des Hauts-de-France ont confié la gestion des dispositifs liés au handicap au conseiller « action culturelle et territoriale », le référent handicap de la DRAC de Bourgogne est la coordinatrice générale du pôle Création, Industries et Action Culturelles (CIAC). En Guyane, la référente est la conseillère en éducation artistique et culturelle. Dans la DRAC de PACA, un référent a été nommé au sein de la direction métier « Création, publics et territoires ». En Île-de-France, la conseillère action culturelle et territoriale, au sein du service régional « Populations, accompagnement, coopération et territoires » (SRPACTe), est référente du programme « Culture et Santé » en Île-de-France et en charge des sujets concernant l’accessibilité. Les DRAC de Normandie et du Grand Est ont également désigné un référent handicap.
En 2024, la DRAC de Bretagne a recruté une stagiaire pour établir un bilan de dix ans de mise en œuvre de la politique d’accessibilité, travailler à un annuaire des ressources disponibles sur le territoire et organiser une journée d’échanges avec les différents référents handicap des structures culturelles et des collectivités.
2. La gestion des priorités en termes d’accompagnement des projets culturels et de maillage territorial
a. Les critères prioritaires concernant l’accompagnement des projets culturels
Les DRAC d’Île-de-France, de Normandie et du Grand Est se réfèrent aux critères établis par le Fonds accessibilité pour orienter leur soutien aux projets culturels. Néanmoins, en 2024, la DRAC d’Île-de-France a défini ses propres critères et a décidé de donner la priorité aux structures nouvellement éligibles aux Fonds accessibilité (musées et centres d’art, monuments historiques, cinéma), ainsi qu’aux structures situées dans la grande couronne et/ou qui s’engagent dans une démarche d’accessibilité et d’inclusion.
Plusieurs DRAC établissent leurs propres critères dans le cadre des appels à projets « Culture et Santé ». En Bourgogne, le soutien des actions culturelles dans les ESSMS est décidé en fonction du maillage territorial des établissements culturels ou des manifestations, de la qualité artistique et d’une réelle démarche de co‑construction entre partenaires. La DRAC veille particulièrement à l’engagement de l’ensemble des champs de la création et donne la priorité aux nouveaux projets concernant des territoires fragiles.
Dans le Centre-Val de Loire, l’appel à projets annuel « Culture et Santé » est fondé sur la co‑construction entre les acteurs culturels et médico‑sociaux, la qualité artistique et la participation des publics cibles. Le maillage territorial est aussi un critère important en fonction des ressources financières disponibles.
La DRAC des Hauts-de-France a élaboré une grille d’indicateurs pour les festivals, prenant en compte l’accessibilité, la parité, la diversité et la transition écologique. Dans la DAC de Guyane, les priorités sont définies en fonction des besoins locaux et des sollicitations des acteurs culturels tout en portant une attention particulière aux personnes en situation de handicap. En région PACA, la DRAC sélectionne les projets selon leur exigence artistique, la diversité des formes d’accès à la culture, l’impact sur différents publics et le maillage territorial. La DRAC de Bretagne, quant à elle, donne la priorité aux structures labellisées ou aidées par le ministère de la culture et aux structures en réseau plutôt qu’aux structures isolées afin de relayer les bonnes pratiques ; elle privilégie les aides pluriannuelles aux aides ponctuelles afin de permettre aux acteurs de développer des stratégies dans la durée et mieux co‑construire des actions avec différents partenaires.
Enfin, dans la DRAC des Pays de la Loire, la priorité est souvent accordée aux projets permettant de rendre les équipements culturels et les manifestations accessibles à un large public, ce qui peut inclure des aménagements concernant l’accessibilité physique des sites ou des programmes de sensibilisation et de formation pour le personnel. La DRAC peut également accorder la priorité aux projets qui ont un fort impact sur l’inclusion des personnes en situation de handicap dans la vie culturelle locale ainsi qu’aux projets qui valorisent la diversité culturelle et intègrent leurs expériences.
b. La prise en compte du maillage territorial dans l’accompagnement des projets
La question du maillage territorial est diversement prise en compte : la DRAC du Centre‑Val de Loire, considère ce critère si l’enveloppe financière dont elle dispose ne permet pas d’accompagner l’ensemble des projets proposés. Plusieurs DRAC estiment en revanche le maillage territorial comme un critère clé. C’est le cas des DRAC de Bourgogne, PACA, Normandie, Occitanie, Grand-Est et Hauts-de-France, cette dernière relevant des disparités dans l’implantation des structures selon les disciplines artistiques. Depuis 2022, la DAC de Guyane privilégie les propositions artistiques itinérantes tandis que les établissements culturels sont également accompagnés, pour atteindre les communes environnantes.
Enfin, la DRAC des Pays de la Loire encourage la mise en réseau et la collaboration entre les institutions culturelles situées dans une même région, afin de faciliter l’accès des personnes en situation de handicap à une offre culturelle diversifiée et adaptée.
3. L’existence ou non d’un plan d’action spécifique en faveur de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap. Prise en compte de l’accessibilité pour la sélection des projets auxquels les DRAC apportent leur soutien
a. La définition d’un plan d’action spécifique en faveur de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap
Plusieurs DRAC, dont celles du Centre-Val de Loire, des Hauts-de-France, de l’Île‑de-France, du Grand Est, de l’Occitanie, de la Guyane, de la Normandie, de Nouvelle‑Aquitaine et de PACA, mettent en avant la coopération avec l’Agence régionale de santé (ARS) à travers les conventions régionales « Culture Santé ». En Île-de-France par exemple, un appel à projets alloue 600 000 € pour soutenir ces initiatives, avec une attention particulière aux établissements accueillant des personnes en situation de handicap (34 % des projets soutenus en 2023). Certaines DRAC telles que la DRAC des Hauts-de-France fondent exclusivement leur plan d’action en faveur de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap sur ce programme. C’est également le cas de la DAC de Guyane où 60 % à 70 % des projets soutenus sont destinés aux personnes en situation de handicap. La DRAC de Nouvelle‑Aquitaine s’appuie sur le Pôle Culture et Santé, structure de la politique régionale culture, santé et accessibilité qui a pour mission notamment de favoriser les échanges et les partenariats entre les acteurs de la santé et de la culture et d’accompagner leur professionnalisation.
Le Fonds accessibilité est également cité par les DRAC de Bourgogne, d’Île‑de‑France, du Centre-Val de Loire, de Normandie et des Pays de la Loire comme un levier majeur pour favoriser l’inclusion des personnes en situation de handicap au sein des structures culturelles. En Île-de-France, le fonds a permis d’accompagner 15 structures à hauteur de 170 000 € en 2023, tandis que la Normandie a pu, grâce à ce dernier, développer un dispositif spécifique (« SensACTion »), pour mutualiser l’acquisition de matériel et proposer des formations sur le handicap. En Nouvelle-Aquitaine, le Fonds accessibilité 2024 a été engagé à hauteur de 86 400 € pour le financement de 14 projets. En 2025, la DRAC de Nouvelle‑Aquitaine s’appuiera sur le Fonds accessibilité et ses crédits initiaux pour soutenir et intensifier l’accessibilité à la culture et aux lieux de culture pour les personnes TSA, DYS, TDI, TDAH. Celle-ci a également signé en mars dernier une convention avec la compagnie « Les singuliers associés » afin d’accompagner l’action régionale d’accessibilité au spectacle vivant au titre de la création, la diffusion, l’information, la médiation et la formation. Cette association propose ainsi une plateforme numérique régionale portant sur l’offre de spectacles accessibles, accompagne la mise en place d’un réseau des référents accessibilité au sein des lieux partenaires et l’anime par des outils de communication adaptés (newsletters, fiches‑conseils, etc.).
Au-delà de ces deux dispositifs, certaines DRAC développent des actions ou plans d’action en faveur de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap : la DRAC du Centre‑Val de Loire a ainsi défini un plan de six actions, parmi lesquelles la création d’un pôle régional Culture Santé réunissant les structures médico‑sociales et un soutien aux projets artistiques et culturels en direction des personnes en situation de handicap, avec le concours d’une enveloppe financière dédiée. La DRAC des Pays de la Loire indique avoir financé l’installation d’équipements spécifiques (rampe d’accès, ascenseur, signalétique adaptée, etc.), la mise en place de programmes de sensibilisation et de formation pour le personnel, ainsi que l’intégration d’outils de médiation adaptés aux différents types de handicap.
Estimant que les ressources financières du Fonds accessibilité sont limitées, la DRAC de Bourgogne finance des projets de plus grande envergure concernant l’acquisition de matériel (casques, boucles magnétiques, gilets vibrants) ou la refonte des sites internet.
La DRAC d’Île-de-France porte une attention particulière aux personnes en situation de handicap dans le cadre de l’écriture ou de l’examen des appels à projets ; elle soutient ou initie des projets spécifiques tels que l’Olympiade culturelle inclusive.
La DRAC de Bretagne a mis en œuvre un plan d’action d’ampleur sous la forme d’un programme pluriannuel pour accompagner les structures culturelles dans une démarche globale d’accessibilité recouvrant : l’accessibilité physique, l’accès à l’information et à la communication, la programmation artistique et les actions culturelles. Ce plan est constitué de plusieurs axes : une réflexion partagée avec des structures professionnelles du champ du handicap et des usagers en situation de handicap, un plan de formation pour le personnel d’accueil et de médiation (LSF, accueil de publics en situation de handicap, pratiques adaptées etc.), l’achat de petit matériel (boucle magnétique, gilets vibrants, casques etc.), une communication accessible (plaquettes et/ou documents de médiation en FALC, signalétique, site internet, etc.) et l’accessibilité des œuvres (audiodescription, visite tactile, etc.).
b. La prise en compte de l’accessibilité pour la sélection des projets auxquels la direction apporte un soutien
Certaines DRAC et DAC telles que les DRAC de Bourgogne, de PACA et la DAC de Guyane indiquent prendre en compte l’accessibilité pour la sélection des projets sans autres précisions. D’autres, dont les DRAC du Centre-Val de Loire, d’Occitanie, des Hauts‑de‑France et de Bretagne, adoptent une démarche contractuelle avec les acteurs de la culture. Elles indiquent mener un dialogue avec les organismes culturels sur ce thème, afin d’aboutir à une prise en compte de l’accessibilité dans le cahier des charges ou les conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO). Ces documents contractuels garantissent, en effet, que l’accessibilité, tant des structures que de l’offre culturelle, est intégrée dès la conception des projets. Dans les Pays de la Loire enfin, bien que non systématique, l’accessibilité est également un critère important d’évaluation des projets ; la DRAC incite également les collectivités à développer des actions en faveur des personnes en situation de handicap à travers ses conventions telles que le Contrat territoire lecture et le Contrat local d’éducation artistique.
4. Les réalisations et programmes adaptés aux personnes en situation de handicap soutenus depuis 2020. Initiatives pour favoriser l’accès à la culture des jeunes en situation de handicap et des personnes accueillies par les établissements sociaux et médico‑sociaux
a. Les programmes adaptés aux personnes en situation de handicap soutenus depuis 2020
Depuis 2020, la DRAC du Centre-Val de Loire a soutenu plus de 90 projets chaque année dans le cadre de l’appel à projets « Culture et Santé », du Fonds accessibilité et d’une quinzaine d’enveloppes spécifiques dédiées au handicap. Le développement du Pôle régional Culture Santé renforcera le nombre d’accompagnement de projets, et permettra de développer un volet axé sur le conseil.
La DRAC de PACA a soutenu plusieurs projets dans le cadre de l’appel à projets « Culture et Santé » : 32 000 € ont été engagés à ce titre en 2021 pour deux projets, 53 500 € pour neuf projets en 2022 et 42 000 € pour quatre projets en 2023. Parmi les projets soutenus, on peut par exemple citer la Scène Nationale La Passerelle qui a reçu 5 000 € pour proposer deux spectacles audiodécrits par saison ou le Musée Inguimbertine qui a reçu 23 000 € pour l’achat de dispositifs sensoriels dédiés à la visite du musée et des œuvres, la transposition de six maquettes, et la rédaction de consignes en braille.
Dans le cadre du Fonds accessibilité, la DRAC de Bourgogne a soutenu en 2020 la scène nationale l’ARC au Creusot pour développer des ateliers dédiés aux personnes sourdes et malentendantes. Le Fonds régional d’art contemporain (FRAC) de Franche‑Comté a conçu une mallette pédagogique pour les personnes en situation de handicap sensoriel et revu l’accessibilité de son site internet en 2021. En 2023, la scène nationale Les 2 Scènes à Besançon a été soutenue par le fonds pour former son personnel à la LSF, investir dans des kits d’accessibilité destinés aux personnes malvoyantes et développer l’accessibilité de son site internet. Des subventions d’investissement permettent, quant à elles, d’adapter les bâtiments muséaux et de lecture publique, ainsi que les dispositifs facilitant le déplacement des publics en situation de handicap.
La DRAC de Bretagne a soutenu cinq projets en 2020 pour 26 000 €, huit projets en 2021 pour 74 500 €, dix‑huit projets en 2022 pour 184 200 € et a dépensé 154 500 € à ce titre en 2023. Parmi les projets soutenus, la DRAC a notamment accordé une subvention de 10 000 € en 2020 au FRAC de Bretagne pour adapter ses supports en FALC et en LSF et développer des visites tactiles. En 2021, le Musée Mathurin Méheut a bénéficié d’une subvention de 8 000 € pour mettre en place des visites en LSF, une version accessible du plan du musée, des visites sensorielles et audio‑descriptives, des fiches tactiles ainsi que des livrets de présentation en FALC et en caractères agrandis. En 2022, la Scène de musiques actuelles Bonjour Minuit a également renforcé l’accessibilité de son site grâce à une subvention de 12 700 € qui a permis de créer des supports en braille, des vidéos en LSF et d’acheter des ceintures vibrantes. Le Théâtre de Lorient et le Théâtre national de Bretagne ont enfin respectivement bénéficié de subventions de 9 500 € en 2022 et de 3 500 € en 2023, afin d’améliorer leurs dispositifs d’accessibilité incluant des spectacles en LSF et en audiodescription et former leur personnel.
En 2020, la DRAC des Hauts-de-France a soutenu trois projets à la hauteur de 30 000 €, quatre projets en 2021 pour 62 800 €, neuf projets en 2022 pour 109 200 €, et quatorze projets en 2023 pour 108 931 €. Les projets soutenus concernent des spectacles vivants qui cherchent à renforcer leur démarche inclusive d’accueil (Comédie de Béthune, Culture commune), des médiathèques et des lieux de musique (La biscuiterie, La lune des pirates).
Dans le cadre du Fond accessibilité, la DRAC d’Île-de-France a soutenu vingt projets en 2020 pour 65 000 €, vingt et un projets en 2021 pour 93 300 €, vingt-trois projets en 2022 pour 100 400 € et vingt-huit projets en 2023 pour 113 300 €. Les organismes soutenus sont variés, qu’ils soient des ESSMS (IME, ESAT, IEM, MAS) ou des associations. Par exemple, l’ESAT Orange Epicée a reçu 7 500 € en 2020 pour la réalisation d’ateliers de pratiques artistiques pour permettre la construction d’une œuvre commune mêlant les imaginaires. L’IME du Centre de La Gabrielle a reçu 6 000 € en 2021 pour financer des ateliers de création plastique avec les jeunes de l’IME. En 2022, l’association Maison Russe a reçu 6 600 € pour son projet « Si on prenait la clé des champs ? » consistant à utiliser l’art pour explorer la mémoire et l’humanité à travers des rencontres et des créations partagées. En 2023, l’association Valentin Haüy a bénéficié de 4 500 € pour mettre en place une résidence artistique à Saulx‑les‑Chartreux.
La DRAC des Pays de la Loire a accompagné plusieurs projets : un conservatoire départemental (Cholet à deux reprises), deux scènes conventionnées (l’Entracte au Mans à deux reprises et la Bouche d’Air à Nantes), un centre dramatique régional (le Quai, Angers) une scène nationale et centre d’art contemporain d’intérêt national (le Carré, Château-Gontier, à deux reprises), deux scènes nationales (le grand R, la Roche‑sur‑Yon et le Théâtre de Saint‑Nazaire), un centre culturel régional (Fontevraud), une scène de musique actuelle (Chabada à Angers), quatre musées (histoire naturelle et château des Ducs à Nantes, vieux château à Laval, musée de Cholet ), un cinéma (les 400 coups à Angers) auxquels s’ajoutent deux festivals (la Folle Journée et les 3 Continents à Nantes) et deux compagnies (Murmuration à Nantes et Spectabilis à Saumur).
La DRAC de Normandie a financé dix projets en 2020 à hauteur de 180 490 €, douze projets en 2021 pour 148 500 €, onze projets en 2022 pour 103 700 €, et seize projets en 2023 pour 134 000 €. Parmi les structures subventionnées, on peut citer les CDN de Caen et de Vire, les scènes conventionnées l’Arsenal et le Volcan, le centre photographique de Rouen et le musée des beaux-arts de Caen.
La DRAC d’Occitanie a financé treize projets en 2020 à hauteur de 197 500 €, cinquante‑quatre projets en 2021 à hauteur de 382 775 €, soixante‑quatre projets en 2022 pour 441 757 € et soixante‑deux projets en 2023 pour 374 449 €. L’association La bulle bleue a reçu 65 300 € en moyenne sur 4 ans pour développer l’accueil de personnes en situation de handicap et financer un lieu de fabrique artistique accessible. Parmi les autres structures soutenues, des IME, tels que Le petit Cowboy, des associations, telles que Filentrope mima, Mondes et Multitudes, Mille et une mémoires, et des théâtres (Théâtre du Grand Rond, théâtre de Nîmes, théâtre de la Garonne).
En Nouvelle‑Aquitaine, le Fonds Handicap a, entre 2018 et 2021, financé l’achat, pour des structures conventionnées de Poitou-Charentes, de matériels (casques audio, gilets sonores…) ainsi que la traduction de spectacles, d’expositions ou la participation de jeunes en situation de handicap au travail d’une compagnie de danse (28 structures culturelles accompagnées). Depuis 2017, près de 20 projets culture/handicap ont été soutenu dans les quatre départements de Poitou‑Charentes dont la construction du fac‑similé d’un bateau mérovingien dans le cadre d’un projet d’éducation artistique et culturelle avec l’IME ‑ Lycée professionnel de Tonnay‑Charente. En 2020, la DRAC de Nouvelle‑Aquitaine a soutenu seize projets à hauteur de 148 044 €, vingt‑deux projets en 2021 à hauteur de 153 006 €, vingt‑cinq projets en 2022 à hauteur de 165 900 € et dix‑huit projets en 2023 à hauteur de 151 000 €. Parmi les projets soutenus en 2020 : le Théâtre national de Bordeaux Aquitaine à hauteur de 14 857 €, ou l’association française du cirque adapté qui a reçu 8 000 € pour développer des actions dédiées aux personnes en situation de handicap. En 2021, l’association Limousinart a par exemple reçu 2 000 € pour une résidence artistique participative d’art plastique pour les personnes en situation de handicap. En 2022, l’Office culturel de la ville de Périgueux a notamment reçu 11 000 € pour la mise aux normes d’accessibilité tandis que, depuis 2021, la compagnie Les singuliers associés a reçu 30 000 € chaque année pour développer l’accessibilité sensorielle des établissements culturels du territoire.
b. Les initiatives prises pour favoriser l’accès à la culture des jeunes en situation de handicap et des personnes accueillies par les ESSMS
Les DRAC prennent souvent en compte la situation des jeunes scolaires et des personnes accueillies dans les ESSMS dans le cadre d’appels à projets : c’est le cas des DRAC de PACA et de Normandie qui ont indiqué apporter une attention particulière aux projets concernant des instituts médico‑éducatifs (IME). Il en va de même pour la DRAC de Bourgogne qui soutient des projets concernant les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) et des actions par le biais des contrats territoriaux de développement culturel, qui incluent des activités culturelles pour les publics en situation de handicap. Chaque année, des actions d’éducation artistique et culturelle (EAC) dans des musées sont également financées, telles que des visites en langue des signes (LSF), des médiations sensorielles et l’accueil de groupes spécifiques (IME).
En Île-de-France, depuis 2020, 103 projets culturels dans des établissements médico‑sociaux accueillant des personnes en situation de handicap ont été soutenus dans le cadre de l’appel à projets « Culture et Santé ». Les élèves scolarisés bénéficient des politiques d’éducation artistique et culturelle du ministère de la culture, et des résidences artistiques sont mises en place dans les établissements spécialisés.
En Guyane, près de cinquante projets culturels ont été soutenus depuis 2020, principalement dans les établissements médico‑sociaux et scolaires autour de la pratique de la danse, du théâtre et de la musique.
Pour sa part, la DRAC des Pays de la Loire finance, à la demande des établissements, des interventions artistiques en milieu scolaire, tels que des spectacles en LSF. Elle soutient également des projets en partenariat avec l’Agence régionale de santé (ARS), dont le projet Actes en Sarthe, qui propose des ateliers artistiques dans les IME, les instituts d’éducation motrice (IEM), les foyers de vie, et les maisons d’accueil spécialisées (MAS). La DRAC a également soutenu l’ESAT artistique Le Cercle Karré, qui propose des créations théâtrales mettant en scène des comédiens en situation de handicap.
5. L’existence de supports, d’assistance, de référentiels pour faciliter la conception et la mise en œuvre d’équipements et parcours adaptés aux handicaps. Communication en direction des établissements culturels sur les soutiens possibles pour adapter leurs installations aux handicaps
La DRAC du Centre-Val de Loire et la DAC de Guyane n’ont pas de référentiels propres, mais proposent un accompagnement sur demande ou par l’intermédiaire des conseillers spécialisés. Les DRAC d’Île-de-France, des Pays de la Loire et de PACA s’appuient sur les guides accessibilité du ministère de la culture tandis que la DRAC des Hauts‑de‑France utilise l’ouvrage sur l’accessibilité dans les établissements d’enseignement artistique produit sur son territoire par l’association MESH ([108]). Dans les Pays de la Loire, des réunions ont été organisées pour échanger sur les bonnes pratiques entre les bénéficiaires du Fonds accessibilité. En PACA, dans les Hauts-de-France et en Île-de-France, les conseillers sectoriels des DRAC apportent également une assistance ainsi qu’une expertise de premier niveau aux associations et aux collectivités territoriales en matière d’accessibilité.
Les DRAC de Bourgogne, d’Occitanie, et de Bretagne proposent une assistance plus structurée. En Bourgogne, les conseillers des musées et experts de la mission « sécurité sûreté et audit » (MISSA) apportent leur soutien aux établissements. En Occitanie, la plateforme régionale La Mécano est devenue une plateforme de coopération, d’échanges, de formation, d’information et de valorisation au service des porteurs de projets « Culture et Santé ». La DRAC de Bretagne informe les acteurs culturels et les collectivités sur les dispositifs en faveur de l’accessibilité lors d’échanges avec ces derniers. Elle a également présenté à certaines « têtes de réseaux » (ex. Bretagne Musées, Films en Bretagne…) la manière dont elle accompagne les établissements pour mieux accueillir les personnes en situation de handicap.
La DRAC des Pays de la Loire a organisé en 2019 une rencontre sur les pratiques en matière d’accessibilité à l’offre artistique et culturelle avec des représentants d’Angers‑Nantes‑Opéra, du Lieu Unique (Nantes) du Théâtre de Saint-Nazaire, et de l’école de « design » de Nantes avec laquelle une collaboration avait été initiée.
La DRAC de Bretagne a co‑financé, en 2018, le projet d’Handibox de la Ville de Brest. Il s’agit d’une mallette contenant du matériel et des documents spécifiques relatifs aux différents types de handicap, et prêtée aux structures culturelles lorsqu’elles organisent des évènements. Elle a enfin soutenu l’association régionale du réseau des conservatoires, pour améliorer l’accessibilité des établissements d’enseignement artistique, notamment par la mise en place d’un plan de formation, d’une charte accessibilité et d’outils de communication adaptés.
Outre l’organisation de réunions avec des acteurs ou la création d’une plateforme référentielle en ligne, quelques DRAC mettent en place des actions de communication spécifiques : à titre d’exemple, en Île-de-France, les établissements médico‑sociaux sont informés par courriels de l’ARS, du pôle Culture et handicap, des conseils départementaux ou des structures labellisées « Culture et Santé ». Les structures culturelles reçoivent des informations par un mailing ciblé de la DRAC, des lettres d’information, ainsi que des envois spécifiques de conseillers sectoriels.
En Grand Est, des guides nationaux sur l’accessibilité sont diffusés en format papier et électronique, accompagnés d’une communication en ligne, incluant un site internet et une lettre d’information dédiée. En Guyane, les établissements sont informés lors du lancement de dispositifs de financement par le ministère de la culture.
6. Les initiatives prises pour développer le langage FALC et pour développer l’utilisation d’applications dédiées dans les cinémas et les salles de spectacles
a. Les initiatives pour développer le langage FALC
Les réponses des DRAC concernant les initiatives de développement du langage FALC témoignent de niveaux d’engagement variables selon les régions.
Certaines DRAC, telles que celles de Guyane et de PACA, n’ont pris aucune initiative dans ce domaine. Dans d’autres régions, telles que la Bourgogne et les Hauts-de-France, des actions sont menées par les musées ou les bibliothèques pour intégrer des outils en FALC facilitant l’accès aux collections et aux espaces culturels. En Île-de-France, dans le Centre‑Val de Loire, la Normandie et dans le Grand Est, les DRAC indiquent soutenir la mise en place de supports en FALC par l’intermédiaire du Fonds accessibilité. La DRAC d’Occitanie soutient, quant à elle, le développement de supports en FALC dans le cadre des appels à projets sur l’accessibilité. Dans les Pays de la Loire et dans le Grand Est, de nombreuses de bibliothèques se dotent de contenus en FALC et leur mise en place peut faire l’objet d’aides financières de l’État ou de la région. La DRAC de Bretagne a fait du développement du FALC une priorité dans le cadre des projets soutenus. Sur les 19 structures aidées entre 2021 et 2023, 11 proposaient de manière alternative ou complémentaire la formation des équipes au FALC, le déploiement de signalétique en FALC, la création de livrets explicatifs et le développement de pages de site internet. Enfin, dans le cadre d’un appel à projets relevant des programmes de soutien à l’édition et « culture connectée » porté par la région et la DRAC de Nouvelle‑Aquitaine, des livrets d’accueils, cartels et audioguides en FALC ont été réalisés avec le concours de l’association « Mes mains en or » spécialisée dans la conception d’albums adaptés.
b. Initiatives pour développer l’utilisation d’applications dédiées dans les cinémas et les salles de spectacle
Plusieurs DRAC soutiennent le développement d’applications dédiées aux personnes en situation de handicap dans les cinémas et salles de spectacles par le Fonds accessibilité. C’est notamment le cas des DRAC du Centre-Val de Loire, de Normandie, du Grand Est, des Hauts-de-France et de l’Île-de-France.
Les DRAC des Hauts-de-France, du Grand Est et d’Occitanie, s’appuient sur le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) pour le financement de matériel adapté ou de travaux de mise aux normes pour les personnes à mobilité dans les cinémas, circuits itinérants et associations.
7. Le soutien aux pratiques artistiques adaptées aux personnes en situation de handicap
Dans plusieurs régions, telles que le Centre-Val de Loire, le Grand Est, les Pays de la Loire, la Normandie, la Guyane, la Bretagne et la PACA, la pratique artistique adaptée aux personnes en situation de handicap est soutenue par des appels à projets annuels régionaux dans le cadre de la politique interministérielle « Culture et Santé » portée par la DRAC et l’ARS.
Certaines DRAC, telles que celles de Bourgogne, d’Île-de-France, des Pays de la Loire, de Bretagne, de PACA, des Hauts-de-France et du Grand Est, développent des collaborations spécifiques avec des acteurs culturels et sociaux pour favoriser l’accès des personnes en situation de handicap à la création artistique. Par exemple, la DRAC d’Île‑de‑France soutient des associations telles que Retour d’image qui propose une approche du cinéma à travers des ateliers de création adaptés, quel que soit le handicap au sein des ESSMS. La DRAC du Grand Est accompagne par exemple l’ESAT Théâtre « La mue du Lotus » depuis plus de dix ans, contribuant à l’inauguration d’un lieu dédié aux pratiques inclusives. Par ailleurs, les DRAC du Grand Est et de Bretagne sont en lien étroit avec le Centre national de la création adaptée de Morlaix.
Les conservatoires jouent un rôle central dans plusieurs régions, notamment dans les Hauts-de-France et en Occitanie, où ils reçoivent des dotations pour intégrer une offre de pratique artistique adaptée aux personnes en situation de handicap.
8. Suivi de la fréquentation des lieux culturels et de l’utilisation des supports dédiés aux personnes en situation de handicap financés avec le soutien des DRAC
Certaines DRAC, telles que celles du Centre-Val de Loire, des Hauts-de-France, des Pays de la Loire, du Grand Est, de Bretagne, de Bourgogne, d’Île-de-France et d’Occitanie, suivent ces questions dans le cadre de bilans produits par les structures soutenues. En Bourgogne, dans le Grand Est et en Île-de-France, les conseillers effectuent également des visites régulières pour tester les supports mis en place.
D’autres DRAC (Normandie, Guyane, PACA) mentionnent des difficultés et ne réalisent qu’un suivi partiel. La DRAC de Normandie recueille des informations de la part des établissements concernés. La DRAC de PACA et la DAC de Guyane ne recueillent pas d’informations en raison de moyens humains limités.
9. Recensement des établissements culturels régionaux proposant des ateliers, des accompagnements ou des séances destinés aux personnes en situation de handicap
L’ensemble des DRAC et DAC interrogées indiquent qu’elles ne disposent pas d’un recensement spécifique des établissements ou des manifestations culturelles pour les personnes en situation de handicap. Certaines DRAC nuancent néanmoins ce constat : dans les Hauts‑de‑France, le « RéCIT » ([109]) permet d’identifier les acteurs culturels les plus engagés dans l’inclusion des personnes en situation de handicap. En Occitanie, la plateforme « Mécano » répertorie les initiatives concernées. En Bretagne, la DRAC s’appuie sur une étude confiée au CNCA ([110]) dont l’objet est de dresser un état des lieux de l’existant et des besoins.
Dans la région PACA et en Guyane, la DRAC et la DAC s’appuient sur les projets financés directement ou au titre de l’appel à projets pour recenser au mieux les établissements.
La DRAC des Pays de la Loire se réfère aux enquêtes réalisées par l’Observatoire de la lecture publique (géré par l’administration centrale), auprès des bibliothèques municipales, afin d’identifier les bibliothèques proposant des équipements ou des collections adaptés aux personnes en situation de handicap. D’autre part, elle recense les actions destinées aux personnes en situation de handicap dans le cadre des subventions accordées aux structures proposant ces actions.
10. Les démarches engagées pour favoriser la communication au public des informations sur l’accessibilité des lieux et l’agenda des manifestations culturelles ou ateliers accessibles
Certaines DRAC, telles que celles de Centre-Val de Loire, de PACA, d’Île‑de‑France, de Bretagne et de Normandie, indiquent ne pas avoir de démarche spécifique en matière de communication, laissant cette responsabilité aux structures culturelles locales et aux établissements recevant des personnes en situation de handicap.
La DRAC de Bourgogne indique promouvoir les initiatives de l’administration centrale permettant la mise en avant des informations sur l’accessibilité dans leur région, tel que le logo du label « Tourisme et handicap » ou le prix national « Musée pour tous », qui récompense les réalisations d’excellence et les bonnes pratiques en matière d’accessibilité.
La DAC de Guyane prévoit d’adresser régulièrement un courriel aux acteurs culturels, aux communes et à l’ARS Guyane, pour encourager des actions en direction des personnes en situation de handicap et favoriser l’accessibilité de leurs offres aux publics en situation de handicap.
Les Hauts-de-France s’appuient sur le site OpenAgenda pour répertorier les événements accessibles. Dans ce cadre, les structures peuvent renseigner cinq items concernant l’accessibilité aux handicaps auditif, visuel, psychique, moteur et intellectuel. Dans une démarche similaire, la DRAC d’Occitanie utilise son site internet ainsi qu’une plateforme dédiée (dénommée Culture, santé, handicap & dépendance) pour centraliser ces informations. En 2022, enfin, la DRAC du Grand Est a soutenu financièrement l’association Culture Du Cœur pour la publication d’un livret sur l’accessibilité des structures culturelles dans la Marne.
Pôles Culture/Santé dans les régions
Auvergne-Rhône-Alpes : Résonnance Contemporaine (créé en 1987, soutenu par la DRAC mais pas pilote de l’AAP) ; InterSTICES (créé en 2012, soutenu par la DRAC, missionné par la DRAC et l’ARS comme outil d’appui au dispositif Culture/Santé).
Bourgogne-Franche-Comté : Itinéraires Singuliers (créé en 2000, soutenu par la DRAC et l’ARS, ressources en ingénierie pour les porteurs de projets, formations et informations avant le déploiement de l’AAP).
Bretagne : Passeurs de Culture/Electroni[k] (généraliste, créé en 2014, soutenu par la DRAC, ressources en ingénierie pour les porteurs de projets, formations et informations pour les porteurs de projets).
Normandie : Centre d’Entraînement aux Méthodes d’Educations Actives (CEMEA) de Normandie (généraliste, créé en 1937, un chargé de mission financé par la DRAC et l’ARS depuis 2023 pour coordonner le dispositif Culture/Santé et le fonds accessibilité).
Hauts-de-France : Le Bureau des Inspirations Partagées (BIP) Arts et Santé Hauts-de-France (créé en 2020, soutenu par la DRAC, ressources en ingénierie pour les porteurs de projets, formations et informations dans le cadre du dispositif Culture/Santé).
Provence-Alpes-Côte d’Azur : Le 3 bis f (centre d’arts contemporains d’intérêt national créé en 1983, soutenu par la DRAC et l’ARS, ressources pour les acteurs des projets arts et soins, la DRAC souhaiterait que la structure devienne un pôle Culture/Santé et soutienne le dispositif).
Centre-Val de Loire : Pôle Culture/Santé en cours de structuration en 2023 (soutenu par la DRAC et l’ARS, un poste de chargé de mission au sein du CHU était déjà financé pour soutenir les porteurs de projets et animer le réseau).
Occitanie : La Mécano (créé en 2020, soutenu par la DRAC et l’ARS, missionné par la DRAC et l’ARS comme outil d’appui au dispositif Culture/Santé).
Nouvelle Aquitaine : Pôle Culture et Santé (créé en 2010, SCIC en 2011, La DRAC, l’ARS et la Région en sont sociétaires, le pôle est missionné comme outil d’appui au dispositif Culture/Santé).
ANNEXE N° 3 :
SYNTHÈSE DES RÉPONSES APPORT֤ÉES PAR
LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS ET SERVICES À COMPÉTENCE NATIONALE SOUS LA TUTELLE DU MINISTÈRE DE LA CULTURE
AU QUESTIONNAIRE DES RAPPORTEURS
1. La connaissance des personnes concernées par le handicap et des besoins correspondants ; les référents handicap et leurs missions
a. La connaissance des personnes concernées par le handicap et des besoins correspondants
La grande majorité des établissements interrogés mentionnent des échanges réguliers avec un réseau d’associations. C’est notamment le cas de la Réunion des musées nationaux‑Grand Palais, du Centre Pompidou, du Centre des monuments nationaux, du théâtre national de Chaillot, du musée national Picasso Paris, de la Comédie‑Française et du musée Rodin. Parmi les associations citées : l’association Valentin Haüy, l’union des aveugles et malvoyants de France, France Alzheimer, l’Association de réadaptation et défense des devenus-sourds, le Conseil national consultatif des personnes handicapées, l’Association des paralysés de France, Accès culture et l’UNAPEI.
La mission Réunion des établissements culturels pour l’accessibilité (RECA) comme vecteur de diffusion des bonnes pratiques est également citée par la RMN-Grand Palais, le musée national Picasso Paris, le théâtre national de Chaillot, la Cité de l’architecture et du patrimoine et le musée Rodin. Les équipes de la Comédie-Française entretiennent, quant à elles, un lien permanent avec les publics en situation de handicap par mail, par téléphone, sur place, hors‑les‑murs ainsi que lors d’ateliers et de forums.
b. Les référents handicap et leurs missions
La majorité des établissements interrogés indiquent avoir désigné un référent handicap, un chargé de mission responsabilité sociétale des organisations (RSO), un pôle ou une équipe dédiée à l’accessibilité des publics en situation de handicap. C’est notamment le cas du domaine de Versailles, d’Universcience, du Louvre, de la RMN-Grand Palais, de la Philharmonie de Paris, des musées d’Orsay et de l’Orangerie, du musée du Quai Branly, du Centre Pompidou, du Palais de la Porte Dorée, du musée national Picasso, de la Cité de l’architecture, du Mucem, du théâtre national de l’Opéra‑Comique, du Centre des musées nationaux, du théâtre national de Chaillot, des musée de l’armée et musée de l’air et de l’espace, ainsi que de la Comédie‑Française.
Le rôle des référents dans le cadre des évènements organisés est variable ; ainsi, l’équipe en charge de l’accessibilité d’Universcience est composée de six personnes qui interviennent en amont des projets, tant pour les aspects techniques que pour l’accueil et l’accompagnement des publics en situation de handicap. Ils sont consultés pour tout projet de construction ou de rénovation, garantissant ainsi l’intégration de l’accessibilité dès la phase de conception. Dans les établissements tels que la Philarmonie de Paris, des réunions biannuelles sont organisées pour présenter les projets en cours et échanger sur les sujets d’accessibilité. Le référent élabore une feuille de route validée par le conseil d’administration pour encadrer ces actions. Au domaine de Versailles, la référente en charge de l’accessibilité veille à l’aménagement des espaces lors des travaux, tandis que le service des programmes culturels met en œuvre des activités spécifiques à destination des publics en situation de handicap. Le musée du Louvre et la Comédie‑Française associent leurs référents à plusieurs aspects de la gestion des publics (l’accueil, l’accessibilité du site internet, le cadre du bâti pour le Louvre) et de la médiation (humaine et graphique), afin que l’accessibilité soit présente dans toutes les étapes de la conception des évènements. Le Mucem et le théâtre national de l’Opéra-Comique associent leurs référents à la conception des parcours de visite et d’évènements spécifiques comme des ateliers, des visites ou des spectacles adaptés. Ils veillent à l’accessibilité de l’offre culturelle en collaboration avec des associations et des partenaires spécialisés.
2. L’association des représentants de personnes en situation de handicap en amont des projets d’aménagements, des expositions ou des manifestations culturelles
Plusieurs établissements indiquent associer des représentants de personnes en situation de handicap aux travaux de rénovation et d’aménagement : ainsi, à la RMN-Grand Palais, des associations représentant les personnes en situation de handicap ont par exemple été consultées pour la rénovation du bâtiment, avec le concours d’une agence spécialisée. De même, les architectes officiant au musée du Louvre prennent en compte les questions d’accessibilité en concertation avec les représentants de l’association Valentin Haüy et d’APF‑France Handicap. Certains établissements associent des représentants de personnes en situation de handicap à la conception ou l’adaptation des parcours de visite. Au Centre des monuments nationaux, des représentants de personnes en situation de handicap sont associés à des projets comme l’audiodescription pour l’Hôtel de la Marine et la réalisation de lexiques en vidéo au château d’Azay‑le‑Rideau. Le Mucem travaille avec des structures spécialisées dès la conception des expositions et des scénographies. À la Comédie‑Française, l’association Valentin Haüy a été consultée pour améliorer l’accessibilité des parcours des visiteurs en situation de handicap visuel.
Nombre d’établissements indiquent associer des représentants de personnes en situation de handicap à la création de projets ou l’achat d’outils de médiation culturelle : les musées d’Orsay et de l’Orangerie, la Cité de l’architecture et le Palais de la Porte Dorée indiquent par exemple solliciter des personnes en situation de handicap, en amont de projets de création d’outils de médiation (document Facile à lire et à comprendre, outils tactiles). Le Mucem dispose d’un comité handicap qui apporte son expertise sur la circulation des usagers, l’audiodescription ou l’accessibilité des sites internet. Le musée du Quai Branly a, pour sa part, mis en place un comité de pilotage accessibilité pour consulter les associations sur des projets ponctuels (refonte des brochures d’information, conception d’un nouvel outil de médiation, etc.).
3. Les équipements et accompagnements disponibles, l’accessibilité des sites internet et de l’information ; les activités accessibles proposées en 2023
a. Les équipements et accompagnements disponibles
Les équipements et accompagnements varient fortement d’un établissement à un autre. Le tableau ci-dessous présente une synthèse des réponses obtenues :
Les Équipements et accompagnements disponibles
par Établissement culturel
b. L’accessibilité numérique
Les établissements culturels interrogés se réfèrent au référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA) avec des résultats d’audits variant de 42 % à 95 %. Ainsi, le site du Louvre, présente un taux de conformité de 93 % au RGAA 4.1 ; de son côté, le Château de Versailles atteint 74 %, tandis que l’Opéra-Comique atteint 70 %, après une refonte de son site internet. La Philharmonie de Paris a obtenu un taux de 60 % lors de son audit en 2022, et des actions correctives sont en cours. Le musée Rodin affiche un taux de conformité de 67 % et le théâtre national de Chaillot, un taux de 77 % après la refonte de son site en 2023. Au musée Picasso de Paris, un audit est en cours pour évaluer l’accessibilité du site. La Comédie-Française présente un résultat de 55 % de conformité pour son site principal et de 78 % pour sa billetterie ; une refonte des sites étant programmée pour mai 2025.
Certains établissements proposent des rubriques dédiées à l’accessibilité : c’est le cas du musée du Louvre qui présente dans un menu spécifique des informations sur les aides à la visite, des parcours conseillés téléchargeables et une adresse e-mail dédiée aux visiteurs en situation de handicap. Deux newsletters trimestrielles sont adressées aux publics malentendants et malvoyants, ainsi qu’une troisième, dédiée aux membres du réseau santé et accessibilité. Au Mucem, un registre d’accessibilité, indiquant les dispositifs proposés, est téléchargeable tandis que les évènements accessibles sont répertoriés sur des pages dédiées par type de handicap. L’information est diffusée par l’intermédiaire de newsletters, de rencontres et d’échanges avec les partenaires des handicaps sensoriels. Les musées d’Orsay et de l’Orangerie travaillent à la mise en place de pictogrammes pour identifier les offres accessibles sur leurs supports numériques et imprimés. Leurs pages « Accessibilité » sont régulièrement mises à jour en fonction des retours des associations. Pour sa part, le musée national Jean-Jacques Henner utilise la solution « Acceo », développée par la RMN-Grand Palais, pour les visiteurs sourds et malentendants.
Outre son guide d’accessibilité mis à jour chaque saison, l’Opéra-Comique adresse une newsletter trimestrielle aux relais de l’accessibilité et aux spectateurs. Outre l’amélioration de l’accessibilité du site internet, l’information relative aux visites accessibles du Château de Versailles est relayée par le site, les réseaux sociaux, et diverses publications. Le musée Picasso de Paris prévoit, après audit de son site internet, de proposer des informations détaillées sur l’accessibilité des installations, les services disponibles, et les procédures de réservation pour les visites adaptées. Le musée du Quai Branly utilise le dispositif « Facil’iti », qui permet d’adapter l’affichage du site en fonction des handicaps. Le musée propose également des brochures et des guides pratiques adaptés, tandis que des newsletters trimestrielles informent sur les évènements accessibles. Enfin, les visiteurs sourds et malentendants peuvent joindre le standard et le service des réservations du musée par téléphone via le dispositif « Acceo », qui propose une traduction en LSF, une retranscription en Langue française Parlée Complétée (LPC) ou un sous‑titrage en direct. Au musée de la marine, l’information est relayée par des brochures et des newsletters. Outre ses informations numériques, la Comédie-Française dispose d’une ligne téléphonique et d’une adresse e‑mail dédiées aux personnes en situation de handicap et gérées par du personnel formé.
c. Le calendrier des visites et activités accessibles proposés en 2023
Les activitÉs et ateliers proposÉs en 2023 par les Établissements culturels
4. La formation des accompagnateurs et l’accompagnement des personnes en situation de handicap
La plupart des établissements ayant répondu à l’enquête du CEC ont indiqué avoir proposé des formations à leurs personnels. La RMN-Grand Palais a ainsi conçu un programme de formation sur l’accessibilité des personnes en situation de handicap constitué de trois modules : une formation à l’accueil des visiteurs en situation de handicap, une formation complémentaire spécifique à la lecture labiale et deux actions de formation adaptées plus spécifiquement aux équipes selon leur rôle dans les espaces de vente. Ses nouveaux conférenciers sont également formés au FALC, à l’accueil et à la médiation en direction des publics non-voyant, non ou mal entendant et en situation de handicap mental ou souffrant de troubles du spectre autistique.
Trois formations spécifiques ont également été mises en place en 2023 au sein du CMN : « Accueillir les publics en situation de handicap » (méthodes, savoir‑faire et savoir‑être), « Notions fondamentales de la langue des signes française et équivalent » ; « Favoriser une médiation inclusive dans un site patrimonial ». La stratégie Accessibilité et inclusion des musées d’Orsay et de l’Orangerie présentée la même année s’articule quant à elle autour de cinq axes : communiquer et diffuser, accueillir, permettre une circulation facilitée, proposer une offre scientifique et culturelle pensée, inclure par le travail.
Au théâtre national de Chaillot, une formation interne est dispensée sur les principes généraux d’accueil et l’utilisation du matériel à destination du public. Une partie de l’équipe au contact des publics (accueil, billetterie, référent handicap…) et de l’équipe communication ont également respectivement été formées à la LSF et au FALC. Au musée Picasso de Paris, à l’Opéra-Comique, à Universcience, à la Comédie-Française, dans les musées gérés par le ministère des armées, à La Villette ainsi qu’au Palais de la Porte Dorée, les agents en charge de l’accueil des visiteurs bénéficient d’une sensibilisation aux handicaps physiques, cognitifs et sensoriels, tandis que des fiches pratiques élaborées par des organismes agréés sont diffusées aux personnels. À la Comédie‑Française, certains services ont également été sensibilisés à l’accueil des personnes sourdes et connaissent les rudiments de la langue des signes. La Philharmonie de Paris propose une sensibilisation analogue ainsi qu’une formation spécifique destinée aux guides, conférenciers et intervenants musicaux afin d’adapter leurs activités à l’ensemble des publics.
Au Centre Pompidou, des sensibilisations et des formations sont régulièrement organisées à l’intention du personnel d’accueil et de l’équipe de conférenciers et d’animateurs : cinq sont formés aux visites en audiodescription, dix peuvent mener des visites et ateliers pour les personnes en situation de handicap mental ou psychique et deux sont formés aux visites en lecture labiale ; le Centre fait également appel à des conférenciers sourds externes pour les visites en LSF. Au musée du Quai Branly, des sessions de formation dédiées au handicap sont organisées tous les deux ans et permettent des retours d’expérience de la part des équipes d’accueil ; un agent a été formé à la LSF.
Plusieurs établissements culturels indiquent former leur personnel d’accueil dès leur arrivée. C’est le cas du musée du Louvre qui propose un module de formation obligatoire « Mieux accueillir le public en situation de handicap » aux agents en contact direct avec le public. Un guide de l’accessibilité a également été élaboré en 2023 pour l’ensemble des agents. La Cité de l’architecture inclut dans la formation initiale de ses agents d’accueil un module sur l’accueil des personnes en situation de handicap qui traite en particulier des accès, des cheminements au sein de l’établissement, des outils et des activités proposées. La LSF fait également partie des compétences demandées à ces agents.
Dans un certain nombre d’établissements, la formation des personnels peut être prise en charge par des référents accessibilité, eux-mêmes formés à la question du handicap. C’est le cas de l’Opéra-Comique, du domaine de Versailles, du théâtre national de Chaillot ainsi que de la Philharmonie de Paris.
Le CMN ainsi que le Mucem proposent à leurs agents une sensibilisation sur une plateforme de e-learning « Mon musée accessible », développée par le label « Tourisme et Handicap ». Le domaine de Versailles propose actuellement à deux de ses agents de suivre une formation régulière pour l’accueil de personnes en situation de polyhandicap dispensée par la « Sauvegarde des Yvelines ». Aux musées d’Orsay et de l’Orangerie, les agents sont formés, selon les cas, soit par des organismes externes, soit par des formateurs internes. Enfin le musée Jean-Jacques Henner fait appel à un intervenant extérieur dédié en fonction des besoins.
b. Exemples d’accompagnement des personnes en situation de handicap
Les formations continues mises en place par les établissements culturels permettent au personnel d’accueil d’assurer l’accompagnement des personnes en situation de handicap.
À titre d’exemple, l’Opéra-Comique, le théâtre national de Chaillot, les musées gérés par le ministère des armées, le Mucem, la Comédie‑Française et Universcience proposent des équipements adaptés (programmes en braille et en gros caractères, casques d’audiodescription, boucles magnétiques), ainsi qu’un accompagnement personnalisé par un personnel dédié en fonction des besoins exprimés par les personnes en situation de handicap dès leur arrivée. L’Opéra-Comique et le théâtre national de Chaillot aménagent les salles pour les personnes à mobilité réduites, ou proposent des introductions tactiles dans le cadre de demandes formulées en amont.
5. Les propositions culturelles pour les établissements accueillant des personnes en situation de handicap, les évènements « hors‑les‑murs » ou en accès distants
a. Les propositions culturelles dans les ESSMS ou les ESAT
Parmi les exemples cités : le musée Picasso Paris propose des ateliers de pratique manuelle au sein de l’ESAT Pierre Boudet. Le Centre Pompidou propose quant à lui un « Parcours Inspiration » avec l’ESAT Camille Hermange. Par le biais de sa convention avec l’Association Solidel, filiale de la MSA gestionnaire d’ESAT, le CMN propose aux salariés en situation de handicap mental ou psychique de découvrir un monument situé à proximité de leur lieu de travail. Il propose également aux salariés en situation de handicap visuel de découvrir les monuments grâce à des supports tactiles et auditifs.
D’autres établissements interviennent auprès des jeunes en situation de handicap accueillis au sein des ESSMS : la Philharmonie propose des ateliers d’éveil musical ; avec l’IME Suzanne Cordes, elle propose des ateliers aux publics en situation de handicap mental ou psychique ; avec l’IME MAIA Autisme, elle propose des ateliers aux publics présentant un trouble du spectre autistique. Sous son impulsion, l’Orchestre de Paris organise six ateliers annuels à l’IEM Saint-Jean-de-Dieu pour une classe de 20 collégiens polyhandicapés. Enfin, dans le cadre des orchestres Démos qui sont des dispositifs d’éducation musicale, la Philharmonie a noué un partenariat avec l’IME Le nid de la ville du Raincy, pour inclure un groupe de 15 enfants en situation de handicap dans l’orchestre Démos Grand Paris Grand Est.
Dans le cadre d’une convention, le CMN développe de son côté une relation privilégiée avec les éducateurs et enseignants de l’Institut national de jeunes sourds, pour leur permettre d’assister à des visites adaptées des monuments, en lien avec le programme scolaire et leurs besoins spécifiques. Les musées d’Orsay et de l’Orangerie mènent également des actions hors‑les‑murs, dans le cadre de projets partenariaux auprès de classes Ulis ou d’IME (Ulis de l’école Louis Aragon de Pantin, IME Toulouse‑Lautrec d’Aulnay‑sous‑Bois). Au musée du Quai Branly, des visites adaptées pour les jeunes porteurs de troubles du spectre autistique sont proposées en partenariat avec l’INP et l’IME Solfège.
La Comédie-Française a, quant à elle, conclu un partenariat avec des établissements scolaires qui accueillent des jeunes en situation de handicap (l’Institut national des jeunes aveugles, l’Institut national de jeunes sourds, le Cours Morvan). Enfin, l’Opéra-Comique a mis en œuvre trois projets d’action culturelle pour 120 bénéficiaires d’établissements médico‑sociaux accueillant des enfants ou adolescents en situation de handicap mental (l’IME Cour de Venise à Paris en 2023).
Les établissements publics de santé représentent un fort vecteur d’actions hors‑les‑murs, en particulier dans le cadre de partenariat avec l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) pour les établissements culturels d’Île‑de‑France. Une convention avec un hôpital parisien est notamment mentionnée par le musée Rodin, le domaine de Versailles, le musée du Quai Branly (32 séances dans 9 hôpitaux) et le Louvre. L’Opéra‑Comique se rend au sein du Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHU de la Pitié‑Salpêtrière et à l’hôpital Necker à Paris (AP-HP). Le musée Picasso a développé un partenariat avec les hôpitaux Broca, Vaugirard et Necker. La Philharmonie propose plus spécifiquement des ateliers musicaux collectifs et des concerts à l’hôpital Pitié-Salpêtrière (à l’aide d’une boîte à musique adaptée aux spécificités des enfants en situation de handicap psychique, mental et TSA).
Sont également régulièrement cités le GHU Paris Psychiatrie Neuroscience qui entretient des liens avec le Louvre et le Quai Branly. Par ailleurs, le domaine de Versailles et le Centre Pompidou sont partenaires d’établissements en dehors de Paris, tels que le Groupement hospitalier du territoire des Yvelines ou l’EPS Barthélemy Durand (dans l’Essonne), spécialisé dans le handicap psychique.
b. Les évènements en accès distants organisés
Certains établissements culturels proposent un accès distant adapté aux personnes en situation de handicap, afin de rendre directement accessible une partie de leur collection : les musées d’Orsay et de l’Orangerie ont ainsi développé une offre de médiation à distance intitulée « M’O à partager », au musée du Louvre, le site Louvre + permet à tous les publics en incapacité de se déplacer de suivre la programmation de l’auditorium Michel Laclotte à distance, et d’avoir accès aux collections et à l’actualité du musée. Le Mucem propose trois visites virtuelles sur son site internet, et crée des podcasts permettant l’accès à distance d’une partie de la programmation, notamment des soirées dites « Les procès du siècle ». Universcience, enfin, a produit une série de vidéos « Science en signes » qui présentent les termes scientifiques utilisés dans les expositions ou les médiations, en LSF avec un sous‑titrage et un doublage sonore. De nouveaux contenus sont programmés en 2024, autour des médiations scientifiques du Palais de la découverte.
Certains établissements ont fait part de leur incapacité à organiser des actions hors‑les‑murs dédiées aux personnes en situation de handicap en raison de ressources budgétaires et/ou de personnels insuffisants. C’est notamment le cas de la Cité de l’architecture et du Palais de la Porte Dorée.
6. Les moyens engagés, le coût des équipements dédiés à l’accessibilité, le financement des aménagements, les partenariats
Certains établissements disposent d’une enveloppe annuelle dédiée à l’offre culturelle accessible : 7 000 € pour la Cité de l’Architecture, 15 000 € pour le Centre Pompidou, 75 000 € pour l’Opéra-Comique et 100 000 € pour La Villette.
Le musée Picasso Paris dépense 5 000 € par an pour ses outils de médiation et 17 000 € par an pour les visites conférences accessibles. Au théâtre national de Chaillot, les équipements d’accessibilité s’étendent sur une fourchette de prix allant de 300 € (pour l’achat de casques pour l’audiodescription) à 15 000 € (pour l’achat de subpacs ‑ gilet qui permet de traduire les fréquences sonores). Le domaine de Versailles indique un coût de 40 000 € pour l’achat de fauteuils roulants, sièges pliants, rampes mobiles et boucles de géolocalisation pour les personnes malvoyantes. Au Palais de la Porte Dorée, 2 000 € ont été consacrés à l’achat d’équipements d’accessibilité (achat ou renouvellement de boucles à induction magnétique, sièges canne), la même somme pour les médiations, et 4 000 € pour la conception et l’impression de deux documents en FALC.
Au musée du Quai Branly, la réalisation de l’ensemble des dispositifs d’accessibilité pour les expositions représente environ 10 000 € par an. Les dispositifs « Facil’iti » et « Acceo » représentent également une dépense annuelle de 10 000 €. Le musée Jean‑Jacques Henner consacre 2 000 € par an à la mise en place du même dispositif « Acceo », et 180 € par visite pour la prise en charge d’un conférencier formé aux enjeux de handicap. Le musée Rodin indique débourser 2 000 à 3 000 € pour la conception et la fabrication de dépliants tactiles rigides. Le Mucem a dépensé environ 70 000 € en 2024 pour un parcours de six stations tactiles, 15 000 € pour la création d’audiodescriptions et la création de dix vidéos en LSF par exposition, tandis que le musée du Louvre a dépensé 50 000 € en 2023 pour la partie « Accessibilité » de son programme Service Éducation, Démocratisation et Accessibilité. Quelque 40 000 € ont été dépensés par Universcience pour rendre accessible une exposition permanente sur 600 m2.
Le musée de l’armée a engagé plusieurs dépenses concernant l’accessibilité des bâtiments : contrats de maintenance et travaux de réparation (20 000 €), visite périodique réglementaire et constat d’accessibilité (4 200 €), monte‑personne à chenille dôme (20 000 €), travaux de mise en conformité (13 400 €). Le musée national de la marine mentionne l’achat de plusieurs supports accessibles : des livrets FALC (environ 12 000 €), un compagnon de visite connecté sous la forme d’une application‑web (environ 50 000 € pour des audiodescriptions, des traductions LSF et un audit d’accessibilité de l’application), ou la réalisation de l’espace d’inspiration Snoezelen (environ 80 500 € pour la conception de l’espace, la fabrication, et l’assistance à maîtrise d’ouvrage des travaux d’accessibilité).
Universcience évalue entre 15 et 25 000 € le coût des équipements spécifiques dédiés à l’accessibilité pour une exposition temporaire (dépenses liées à l’intégration de supports d’accessibilité très spécifiques, tels qu’un doublage en LSF dans les vidéos et multimédia, la pose de braille sur les cartels, la sonorisation d’édito, l’installation d’un meuble d’accueil avec le plan accessible de l’espace ou la mise à disposition de livrets tactiles). L’établissement évalue à 150 000 € le budget annuel dédié à l’accessibilité spécifique (par exemple la mise en place de sténotypie pour une conférence, d’interprètes en LSF pour un salon ou un festival).
Au musée du Quai Branly, l’organisation de la « Semaine de l’accessibilité » représente un budget de 25 000 € pour chaque édition de l’évènement, tandis que les activités programmées hors‑les‑murs dans le cadre de partenariats pour des personnes en situation de handicap, représentent un budget de 10 000 € par an. À La Villette, le budget pour l’adaptation des spectacles se situe autour de 15 000 € par an et celui pour des actions dédiées à l’éducation artistique et culturelle hors‑les‑murs se situe autour de 3 000 € par an. Au théâtre national de Chaillot, un budget annuel de 37 000 € est dédié à l’accessibilité des spectacles pour les publics en situation de handicap sensoriel. Enfin, la Comédie‑Française a dépensé, pour la saison 2023/2024, 8 000 € pour l’utilisation d’un « souffleur d’images » permettant une représentation adaptée en LSF au Studio-Théâtre. 11 000 € ont été dépensés au théâtre du Vieux‑Colombier, pour des représentations en audiodescription ou surtitrées, quatre ateliers destinés au secteur médico‑éducatif, une visite tactile ainsi que pour le service « souffleur d’images ». Enfin 28 000 € ont été consacrés, dans la salle Richelieu, à l’audiodescription et au surtitrage, 1 360 € pour les visites tactiles et en LSF tandis que 55 000 € sont prévus pour le déploiement du nouveau dispositif de lunettes de surtitrage.
b. Les partenariats et le mécénat
Le théâtre national de Chaillot, le Mucem, la Philharmonie et le musée du Quai Branly indiquent recourir au mécénat pour étoffer leur offre en matière d’accessibilité. Pour sa part le domaine de Versailles indique notamment recevoir, depuis près de dix ans, le soutien de la Fondation d’entreprise Française des jeux. À l’Opéra-Comique, l’audiodescription, la création des séances « Relax » et l’amélioration de l’accessibilité du site sont soutenues par des mécénats d’entreprise (Gecina, Malakoff Humanis, Fonds Handicap et Société). En outre, l’Opéra‑Comique finance certains des projets d’ateliers in situ et hors‑les‑murs par les fonds récoltés lors de son gala annuel.
Le mécénat a permis à la Cité de l’architecture de consacrer 15 000 € en 2021 pour la création d’outils tactiles (Fondation Gecina) et 8 000 € en 2023 pour la conception de livrets en FALC (Caisse des dépôts). La Comédie‑Française financera les 55 000 € dédiés aux lunettes de surtitrage ainsi que 7 000 des 8 000 € alloués pour l’accessibilité au Studio‑Théâtre grâce à la fondation pour la Comédie‑Française. Au Louvre, l’espace découverte de la sculpture, conçu spécifiquement de manière inclusive et accessible, a reçu le soutien de Fondation Kone et Fonds Handicap et Société par Intégrance à hauteur de 200 000 € pour le premier et de 50 000 € pour le second. À Universcience, l’accessibilité de l’exposition Danser a été cofinancée par la Caisse des dépôts pour un budget total de 40 000 €.
7. Les principales difficultés rencontrées pour organiser l’accueil des personnes en situation de handicap
a. Les contraintes patrimoniales pour les monuments classés
Plusieurs établissements classés ou de grande dimension doivent faire face à d’importantes contraintes de mise en accessibilité, c’est en particulier le cas des musées d’Orsay et de l’Orangerie, du domaine de Versailles, du musée Picasso Paris, du théâtre national de Chaillot, du musée national Jean-Jacques Henner, de la Comédie‑Française, du musée Rodin, du musée de l’armée, du musée de l’air et de l’espace (12 halls d’exposition répartis sur 25 000 m2), de La Villette (55 hectares de parc) ainsi que du musée du Louvre (60 000 m2 d’espaces muséaux). Au-delà du montant des travaux de mise en accessibilité, certains aménagements ne sont pas compatibles avec la protection du patrimoine bâti et nécessitent des dérogations ou des solutions de compensation (par les outils numériques notamment). En outre, le Mucem, le Louvre, Universcience et le Centre Pompidou mentionnent des difficultés pour organiser l’accueil des personnes en situation de handicap liées à l’accès au site, la configuration des lieux pouvant souvent représenter des obstacles pour les personnes en situation de handicap. L’absence d’autonomie dans les déplacements urbains avant l’arrivée au musée reste pour beaucoup un frein pour l’accès à la culture.
b. Les contraintes de ressources humaines
La seconde contrainte la plus fréquemment rapportée est celle liée au manque de personnels dédiés à l’accessibilité : le travail sur l’accès aux établissements culturels des personnes en situation de handicap est, par essence, chronophage, en raison de la diversité des handicaps et de la nécessité d’adapter les propositions et accompagnements au plus près des besoins et des attentes des personnes. Une formation continue est également nécessaire, afin de suivre les évolutions des besoins et des solutions. Dès lors, se pose la question des moyens humains nécessaires à un accueil optimal. Ce sentiment est partagé par les musées d’Orsay et de l’Orangerie, l’Opéra-Comique, le musée Picasso Paris, la Cité de l’architecture, le Mucem, le Palais de la Porte Dorée, la Philharmonie, le musée du Quai Branly, le musée de l’armée, le musée national de la marine, le musée Jean-Jacques Henner, la Comédie‑Française et le Centre Pompidou.
c. La méconnaissance des offres destinées aux personnes en situation de handicap
Plusieurs établissements (les musées d’Orsay et de l’Orangerie, l’Opéra-Comique, le Mucem et Universcience) mentionnent la méconnaissance, par les personnes en situation de handicap, des offres et services qui leur sont accessibles. Il n’est pas toujours aisé d’identifier les supports de communication pertinents pour informer les publics concernés des possibilités offertes. Universcience relève ainsi que « faire savoir que l’établissement est accessible et propose tous les jours des activités en toute autonomie pour tous, sans programmation particulière, est un vrai défi. Il est plus simple de communiquer lors d’une manifestation avec un programme spécifique (par exemple lors de la journée de l’autisme, qui rencontre un vif succès depuis trois ans, avec une fréquentation moyenne de 1 000 visiteurs sur une journée) ».
8. Les référentiels d’assistance à la conception et à la mise en œuvre des accueils spécifiques et les échanges de bonnes pratiques
a. La Réunion des établissements culturels pour l’accessibilité
La plupart des établissements culturels sollicités sont membres de la Réunion des établissements culturels pour l’accessibilité (RECA). C’est notamment le cas des musées d’Orsay et de l’Orangerie, de la RMN-Grand Palais, de l’Opéra-Comique, du domaine de Versailles, du musée Picasso Paris, de la Comédie-Française, du musée du Quai Branly, du théâtre national de Chaillot, de la Cité de l’architecture, du musée Rodin, du Louvre, du Mucem, de la Philharmonie, du musée de la marine, du musée de l’air et de l’espace, de La Villette, de Universcience et du Centre Pompidou.
b. Les référentiels d’assistance concernant la conception et l’accompagnement
Les musées d’Orsay et de l’Orangerie font appel à des organismes extérieurs pour être accompagnés sur des questions d’accessibilité : assistance à maîtrise d’ouvrage sur l’offre de médiation accessible pour les publics en 2022, audit de l’accessibilité des sites internet en 2023, formation des équipes de la direction du numérique… Les équipes de la Philharmonie échangent régulièrement avec les structures accompagnant des personnes en situation de handicap estimant qu’il est plus aisé de recueillir directement les besoins et retours des publics concernés. Le musée Picasso Paris se réfère à des fiches de bonnes pratiques et guides d’accessibilité internes créés à partir d’ouvrages tels que « Culture et Handicap » du ministère de la culture ainsi que les référentiels illustrés de diverses associations (association Valentin Haüy, INJS, UNAPEII ([111])). Le musée national Jean-Jacques Henner s’appuie sur le référentiel diffusé par le ministère de la culture ainsi que sur des échanges lors des réunions « service public plus » portant sur l’accueil des publics. L’établissement public de La Villette, la Comédie-Française et le musée Rodin sont membres de la mission « Vivre Ensemble » qui concerne les publics peu familiers des institutions culturelles afin d’adapter l’offre mise à leur disposition pour mieux les accueillir. Le Mucem participe à plusieurs échanges de bonnes pratiques, notamment au sein du groupe « Vivre ensemble Marseille » qui rassemble une trentaine de structures culturelles marseillaises.
9. Les supports en Facile à lire et à comprendre (FALC) et les partenariats avec des structures spécialisées
Une part importante des établissements culturels interrogés indique proposer des supports en FALC parfois de manière ponctuelle. À Versailles, un livret de visite en FALC a été publié en 2023 dans le cadre de l’exposition « Horace Vernet. 1789-1863 ». À La Villette, il existe une brochure en FALC Bienvenue à La Villette disponible à l’accueil et sur le site internet. Les musées d’Orsay et de l’Orangerie, le musée de l’air et de l’espace, le musée Jean-Jacques Henner et le Centre Pompidou déclarent également proposer des livrets en FALC. La RMN-Grand Palais propose une version en FALC des livrets et audioguides de chacune de ses expositions. La Cité de l’architecture propose un guide pratique, un guide du musée et un support d’exposition par an en FALC. À l’Opéra-Comique, des guides en FALC sont réalisés en interne pour les séances « Relax ».
Le musée du Quai Branly propose un « guide pratique » en FALC, comprenant toutes les informations utiles pour préparer une visite au musée tandis que toutes les expositions comportent des fiches de salles en FALC. Le CMN rapporte avoir produit 58 carnets de visite en FALC, en gros caractères ou en braille pour la visite libre, tout en proposant systématiquement une version sous‑titrée en FALC pour l’ensemble des vidéos disponibles dans les parcours de visite. Le musée national de la marine propose, pour les sites de Toulon, Port‑Louis et Rochefort, un livret en FALC donnant accès à des informations pratiques et un livret en FALC portant sur les collections. À Paris, le musée propose huit dispositifs fixes en accessibilité universelle, qui comprennent du FALC (écrit et audio), ainsi qu’une application de visite pour les parcours « incontournables ». La Philharmonie propose plusieurs contenus en FALC : un guide d’accueil, des livrets pour chaque exposition temporaire, toutes les fiches de salle, des livrets de présentation des séances « Relax » et un parcours de visite dans le visioguide du musée de la musique.
Plusieurs établissements prévoient la création de contenus en FALC : à l’Opéra‑Comique et au musée Gustave Moreau, des guides en FALC permettant la préparation des venues sont en cours d’écriture. Au cours de la période 2023‑2025, le Mucem souhaite mettre à disposition onze cartels en FALC portant sur l’exposition « Méditerranées ». À La Villette, trois nouveaux livrets en FALC sont en cours de fabrication sur les thématiques suivantes : la Ferme de La Villette, le Cirque, le Hip-Hop. La mise à disposition prochaine de contenus en FALC est également prévue au théâtre national de Chaillot, à la Comédie‑Française, au musée du Louvre, au Palais de la Porte Dorée, au musée Picasso Paris ainsi qu’au musée de l’armée.
b. Les partenariats avec les structures spécialisées
Pour élaborer des contenus en FALC, de nombreux établissements culturels concluent des partenariats avec des acteurs spécialisés. Ainsi, l’association Papillons Blancs dispose d’un service de création de documents en FALC qui a conçu les deux livrets en FALC du musée de l’air et de l’espace, les livrets de La Villette ainsi que les prochains documents en FALC des musées d’Orsay et de l’Orangerie. L’Opéra-Comique réalise en interne ses supports en FALC, grâce à une formation de son personnel par l’association Culture relax. Le musée Jean-Jacques Henner et les musées gérés par le ministère des armées indiquent aussi avoir réalisé leurs livrets avec le concours d’associations.
Les musées ont également recours aux structures d’accompagnement de personnes en situation de handicap (ESAT, IME, centre d’activité de jour), pour élaborer des contenus en FALC. C’est notamment le cas du musée du Quai Branly, de la Cité de l’architecture, du Palais de la Porte Dorée, de la Philharmonie et de La Villette. Le domaine de Versailles co-construit ses livrets avec l’ESAT Eurydice, et le musée Picasso Paris avec l’ESAT Pierre Boudet et l’ESAT les ateliers de Jemmapes. Enfin, le théâtre national de Chaillot et le musée national de la marine ont mis en place un partenariat avec l’organisme de formation Com’Access, pour soumettre leurs textes en FALC à des structures accueillant des publics en situation de handicap mental. Le musée d’Orsay propose un ouvrage en FALC dédié aux collections impressionnistes du musée d’Orsay conçu en partenariat avec KILÉMA Éditions, première maison d’édition francophone dédiée au Facile à lire et à comprendre.
10. La mesure de l’impact de la politique d’accès des personnes en situation de handicap et de l’utilisation des équipements dédiés
a. La mesure de l’impact des politiques d’accès des personnes en situation de handicap
De nombreux établissements se réfèrent au taux de fréquentation des personnes en situation de handicap ; c’est notamment le cas du musée d’Orsay, de la Comédie-Française, du musée Rodin, du musée Picasso Paris, du théâtre national de Chaillot, de la Cité de l’architecture, du Centre Pompidou, du Mucem (en étudiant le nombre de tarifs gratuité handicap distribués), du CMN (de manière partielle car la gratuité concerne tant le handicap que les moins de 26 ans).
Certains établissements suivent l’utilisation du matériel accessible mis à la disposition des personnes en situation de handicap : c’est ainsi le cas au théâtre national de Chaillot, au CMN (pour monuments très fréquentés), au musée d’Orsay (utilisation du service « Acceo », de « Souffleurs d’images », des audioguides et des visites tactiles ou en LSF) et au musée Picasso Paris (utilisation des fauteuils roulants et boucles à induction magnétique). Des enquêtes qualitatives peuvent également être conduites dans le cadre de retours d’expériences des publics en situation de handicap après les visites. À titre d’exemple :
Les différents moyens d’enquÊte qualitatifs utilisés
par les etablissements interrogés
En outre, plusieurs établissements organisent des tests de leurs infrastructures : ainsi, la Cité de l’architecture et le domaine de Versailles organisent des visites mystères, le Comité régional du tourisme en organise ainsi cinq fois par an au domaine de Versailles afin d’évaluer la conformité de l’offre de médiation aux attentes des visiteurs. Durant les visites, le visiteur renseigne une grille d’indicateurs, dont plusieurs critères concernent le handicap. Au musée du Louvre, des visites d’audit sont conduites par des référents du label Tourisme et Handicap ; Universcience fait également évaluer la pertinence de ses dispositifs dédiés aux personnes en situation de handicap visuel par un comité de personnes en situation de handicap visuel.
D’autres établissements culturels réalisent des études d’impact : au Mucem, un doctorant a été recruté en janvier 2024 pour étudier les dispositifs d’inclusion et d’accessibilité du musée. À la RMN-Grand Palais, des études spécifiques portant sur les visites conférences en LSF et les parcours audiotactiles ont été menées et ont permis des ajustements des dispositifs de médiation. À La Villette, des études portant sur les spectacles adaptés (questionnaires, entretiens) sont réalisées et des bilans sont dressés à la fin des parcours d’éducation artistique et culturelle. Au musée de l’air et de l’espace, enfin, des études d’impact et des actions dédiées aux visiteurs en situation de handicap sont réalisées dans le cadre des phases tests en amont de la commercialisation d’une offre culturelle.
b. Données concernant les visites et les activités dédiées aux personnes en situation de handicap
Les données transmises par les établissements sont présentées dans le tableau suivant.
nombre de visiteurs dans les différents Établissements culturels en 2019 et 2023
11. La communication pour faire connaître les dispositifs d’accueil et favoriser l’accès à la culture des personnes en situation de handicap
Trois catégories de relais sont le plus souvent utilisées :
a. La mobilisation de réseaux du handicap et de la santé
La constitution, l’animation et le développement d’un réseau de relais du handicap et de la santé (professionnels et bénévoles des secteurs du handicap et de la santé susceptibles de constituer un groupe de visite des établissements culturels) représentent un moyen privilégié pour promouvoir les offres adaptées. Ces réseaux sont entretenus par des visites de sensibilisation régulières et des échanges directs entre les chargés de médiation et les relais. Ce moyen est notamment utilisé par le domaine de Versailles, la Comédie-Française, La Villette, l’Opéra-Comique, le Louvre, le Mucem, la Cité de l’architecture, le musée Rodin, les musées d’Orsay et de l’Orangerie, le musée Picasso Paris, le musée national de la marine, la Philharmonie, le Palais de la Porte Dorée et au RMN-Grand Palais.
L’établissement public de La Villette transmet des invitations à des associations dont le Groupe SOS et l’association Aurore qui les redistribuent aux structures locales. Le Centre Pompidou cite International Visual Theatre et Papiers communs comme ses partenaires spécifiques. Le théâtre national de Chaillot est en lien avec l’IVT, INJA, INJS et l’UNADEV ([112]). Le Mucem participe aux rencontres territoriales des acteurs du handicap par le réseau Parcours handicap 13 ainsi qu’au salon Autonomic sud.
La RECA organise des ateliers de travail et des rencontres entre professionnels et les relais concernés par l’accessibilité. Le Louvre, le Centre Pompidou et la Cité de l’architecture s’y associent. Ces deux derniers mobilisent également la mission « Vivre Ensemble » pour établir un lien avec les relais du handicap. « Souffleurs de Sens » réalise un important travail de communication pour l’établissement public de La Villette ou le Centre Pompidou. Il en est de même pour la tête de réseau Accès Culture, toujours avec La Villette, la Comédie-Française ou l’Opéra-Comique.
Le musée du Louvre a créé la « carte Louvre Éducation et Formation » (CLEF) à destination de l’ensemble des relais du champ social, de la santé et du handicap qui rassemble aujourd’hui 646 relais handicap. Un travail de fidélisation est mené auprès des relais pour faire connaître et expérimenter les offres, par le biais de la programmation de rencontres et de formations.
b. La communication par les médias numériques (site internet, mail, réseaux sociaux)
Dans certains établissements, une newsletter dédiée est adressée régulièrement aux publics en situation de handicap inscrits et/ou à leurs contacts et relais, pour les informer de la programmation. C’est notamment le cas de la RMN-Grand Palais, des musées d’Orsay et de l’Orangerie, de l’Opéra-Comique, du musée Picasso Paris, du Mucem, de Universcience, de la Philharmonie de Paris et du musée du Quai Branly.
La RMN-Grand Palais, le CMN, le musée Picasso Paris et Universcience communiquent également sur leur site internet. Ainsi, les sites internet d’Universcience proposent une rubrique dédiée « ma cité accessible » ou « mon palais accessible », qui regroupe l’ensemble des informations nécessaires à la préparation de visites adaptées (conditions d’accès, présentation de parcours d’aides à la visite ou de ressources spécifiques). Les musées d’Orsay et de l’Orangerie et les musées gérés par le ministère des armées sont référencés sur des sites présentant les lieux accessibles, parmi lesquels : VisitParisRegion, j’accede.com, Acceslibre, « souffleurs d’images ».
Enfin, plusieurs musées utilisent les réseaux sociaux, particulièrement auprès de la communauté sourde qui y est très active. Ainsi, le CMN, les musées d’Orsay et de l’Orangerie, le musée Picasso Paris, le Mucem et Universcience ont tous développé des profils Facebook en LSF ou mettent à disposition des contenus disponibles en LSF. Le musée d’Orsay et Universcience développent également respectivement des teasers et des vidéos LSF disponibles sur YouTube.
c. Les outils de communication
Quelques établissements culturels utilisent des supports spécifiques. Ainsi, le label « tourisme et handicap » offre une visibilité aux établissements culturels (le musée du Louvre, le Mucem, les musées gérés par le ministère des armées, le CMN et le musée du Quai Branly sont ainsi labellisés). Au musée national Jean-Jacques Henner, une prospection active a été mise en place en janvier 2024 par l’intermédiaire d’un prestataire afin d’atteindre de nouveaux publics en situation de handicap. La Philharmonie mobilise régulièrement son service presse afin de présenter ses propositions accessibles auprès de la presse généraliste et spécialisée. La Comédie-Française a recours à des « Instagrameurs » et « YouTubeurs » en situation de handicap pour s’adresser à leur communauté. Elle travaille également avec des médias spécialisés comme Mediapi. Enfin, le musée du Quai Branly a créé en 2023, un visuel générique Le monde accessible qui sert d’assise à toutes les communications concernant les offres accessibles.
Établissements sollicités : Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, Château de Fontainebleau, Château et musée de Versailles, Cité de l’architecture et du patrimoine, Cité de la musique et Philharmonie de Paris, La Comédie-Française, Domaine de Chambord, Établissement public de la porte dorée, Établissement public de la grande Halle de La Villette, Musée d’Orsay, Musée de l’Orangerie, Musée des arts asiatiques Guimet, Mucem, Musée du Louvre, Musée Rodin, Musée du Quai Branly, Musée Gustave Moreau, Musée national Picasso, Opéra national de Paris, Palais de la découverte et Cité des sciences et de l’industrie, Théâtre de l’Europe Odéon, Théâtre de la colline, Théâtre national de Chaillot, Théâtre de Strasbourg, Opéra-Comique.
([1]) Art. L. 111-7 du code de la construction et de l’habitation, abrogé par l’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation dont l’article L. 111‑1 indique désormais que l’on entend par Bâtiment ou aménagement accessible à tous : un bâtiment ou un aménagement qui, dans des conditions normales de fonctionnement, permet à l’ensemble des personnes susceptibles d’y accéder avec la plus grande autonomie possible, de circuler, d’accéder aux locaux, d’utiliser les équipements, de se repérer, de s’orienter, de communiquer et de bénéficier des prestations en vue desquelles il a été conçu, quelles que soient les capacités ou les limitations fonctionnelles motrices, sensorielles, cognitives, intellectuelles ou psychiques de ces personnes.
([2]) Ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées qui a été ratifiée par la loi n° 2015-988 du 5 août 2015.
([3]) Art. 47.- Les services de communication publique en ligne des services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées. L’accessibilité des services de communication publique en ligne concerne l’accès à tout type d’information sous forme numérique quels que soient le moyen d’accès, les contenus et le mode de consultation. Les recommandations internationales pour l’accessibilité de l’internet doivent être appliquées pour les services de communication publique en ligne.
([4]) Art. 24-25 de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021.
([5]) Les chaines locales ne sont pas dans le champ de ces obligations.
([6]) Les messages publicitaires, mentions de parrainage, les interprétations en direct de chansons et de morceaux de musique instrumentale, les bandes annonces, les programmes de téléachat et les commentaires des retransmissions sportives diffusées en direct entre minuit et 6 heures (art. 74 I. 1°, portant modification de l’article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986).
([7]) Décret n° 2023-1263 du 26 décembre 2023 portant modification du cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions – article 4.
([8]) Les programmes en replay relèvent des règles applicables aux programmes des chaines TV.
([9]) Exception « handicap » au droit d’auteur et développement de l’offre de publications accessibles à l’ère numérique.
([10]) Art. L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle : « Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire : […] 7° Dans les conditions prévues aux articles L. 122-5-1 et L. 122-5-2, la reproduction et la représentation par des personnes morales et par les établissements ouverts au public, tels que les bibliothèques, les archives, les centres de documentation et les espaces culturels multimédia, en vue d’une consultation strictement personnelle de l’œuvre par des personnes atteintes d’une ou de plusieurs déficiences des fonctions motrices, physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques et empêchées, du fait de ces déficiences, d’accéder à l’œuvre dans la forme sous laquelle l’auteur la rend disponible au public ;
Ces personnes empêchées peuvent également, en vue d’une consultation strictement personnelle de l’œuvre, réaliser, par elles-mêmes ou par l’intermédiaire d’une personne physique agissant en leur nom, des actes de reproduction et de représentation […] ».
([11]) L’Unapei, APF France handicap, l’Unafam et la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés.
([12]) Communiqué de presse de l’Unapei, APF France handicap, l’Unafam et la Fnath du 17 avril 2024.
([13]) Les ERP éligibles sont les magasins de vente, restaurants, hôtels, cabinets médicaux, établissements bancaires… Les établissements culturels, tels que les musées, les bibliothèques, les salles d’expositions et les théâtres, sont classés en différentes catégories selon leur activité mais en principe non éligibles.
([14]) Voir annexe 3.
([15]) Cinéma et accessibilité - CNC - Sophie Jardillier, cheffe du service des études et des statistiques – mars 2023.
([16]) La France compte un peu plus de 2 000 cinémas dont la moitié est constituée de salles mono-écran.
([17]) Arcom – L’accessibilité des contenus audiovisuels et numériques aux personnes en situation de handicap et représentation des personnes handicapées dans les programmes en 2022.
([18]) Les programmes en replay relèvent des règles applicables aux programmes des chaines TV.
([19]) Le chansigne consiste à présenter les paroles d’une chanson en langue des signes, au rythme de celle-ci.
([20]) 10,5 M€ dédiés à la réalisation du PNEA et 3,4 M€ dirigés vers la modernisation de la filière.
([21]) Émettent une demande auprès des éditeurs, réalisent des adaptations et, le cas échéant, déposent le résultat sur PLATON.
([22]) Assurent la communication autour du service PLATON.
([23]) De nombreux titres ont d’ores et déjà été traduits, expliquant ce différentiel ; un titre peut aussi avoir été demandé par plusieurs organismes.
([24]) Articles R. 621-63 à R. 621-68 du code du patrimoine.
([25]) 35 audits réalisés en 2023 sur le domaine bnf.fr.
([26]) Chaque site possède un bandeau explicatif du résultat de l’audit et du degré de conformité.
([27]) Le temps du débat - France Culture – « Handicap, l’école est-elle la clé de l’inclusion ? » - 7 septembre 2023.
([28]) La question du handicap est traitée dans l’onglet « égalité diversité » où il est d’abord question de parité.
([29]) DREES - Études et résultats n° 1254 – février 2023.
([30]) DREES – Le handicap en chiffres – édition 2023.
([31]) DREES – Le handicap en chiffres – édition 2023.
([32]) Panoramas de la DREES – social – Le handicap en en chiffres – édition 2023.
([33]) Ibid.
([34]) Panoramas de la DREES ‑ social – Le handicap en en chiffres – édition 2023.
([35]) Voir Inspection générale des affaires culturelles – L’action du ministère de la culture en direction des habitants des territoires ruraux – mai 2024.
([36]) Fondation Malakoff Humanis Handicap et Culture : L’accès à la culture des personnes en situation de handicap - Mai 2022 - synthèse de 860 réponses (667 personnes en situation de handicap, 193 accompagnants).
([37]) « Loisirs des villes, loisirs des champs ? » - Mmes Edwige Millery et Léa Garcia du département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS) du ministère de la culture – mai 2023.
([38]) Collectif Handicaps, une voix à faire entendre – Accès à la culture – contribution du Collectif Handicaps en vue de la CNH.
([39]) Étude menée dans 4 régions et de 14 établissements : 7 EHPAD, 1 MAS (maison d’accueil spécialisée), 2 FAM (foyers d’accueil médicalisés), 1 SAVS (service d’accompagnement à la vie sociale), 1 SAMSAH (service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés), 1 SEES (section d’enseignement et d’éducation spécialisés), 1 CSES (centre spécialisé d’enseignement secondaire), 1 IME-ITEP (institut médico‑éducatif et institut thérapeutique, éducatif et pédagogique), et 1 IEM (institut d’éducation motrice). Le panel a été ciblé sur des établissements volontaristes sur ces questions afin de repérer les leviers et bonnes pratiques.
([40]) Ministère de la culture - Revue Culture et études – Atlas culture, dynamique et disparités 2022 ‑ Edwige Millery, Jean-Cédric Delvainquière, Ludovic Bourlès, Sébastien Picard – mars 2022.
([41]) Ministère de la culture - Revue Culture et études – Atlas culture, dynamique et disparités 2022- ibid.
([42]) Cela peut concerner jusqu’à 30 % de la population non desservie dans cinq départements et les plus petites communes disposent de l’offre de lecture publique la plus faible.
([43]) Inspection générale des affaires culturelles – L’action du ministère de la culture en direction des habitants des territoires ruraux – n° 202-12 – mai 2024.
([44]) « Loisirs des villes, loisirs des champs ? » ‑ Mmes Edwige Millery et Léa Garcia du département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS) du ministère de la culture – mai 2023.
([45]) Décret n° 2022-844 du 1er juin 2022 relatif aux attributions du ministre de la culture.
([46]) 282 M€ au titre du PLF pour 2025.
([47]) Voir encadré infra partie IV – III.
([48]) Le Daisy est un format de livre audio qui permet de se déplacer à l’intérieur du livre, de retrouver le point où l’on s’était arrêté, de placer des marques-pages, de contrôler la vitesse de lecture, de modifier la hauteur de la voix, etc.
([49]) Portée par Audiens, en partenariat avec l’Agefiph, la Mission Handicap du spectacle vivant et enregistré a pour ambition de faire évoluer les pratiques professionnelles sur le handicap dans le spectacle.
([50]) Publication de trois volumes en collaboration avec l’association (Danse & Handicap visuel, moteur et auditif).
([51]) Impulsée en 2003 par le ministère de la culture, la mission Vivre ensemble lutte contre toutes les exclusions dans le domaine de la culture. Le CND travaille avec des acteurs du champ social en Seine-Saint-Denis.
([52]) Le Pass culture : création et mise en œuvre – exercices 2018-2022 – Juillet 2023.
([53]) 210 M€ par le ministère de la culture pour 2024 et 2025 au titre de la part individuelle, 57 M€ pour 2024 et 72 M€ pour 2025 par le ministère de l’éducation nationale pour la part collective du Pass.
([54]) Cour des comptes - Le Pass culture : création et mise en œuvre – juillet 2023 - Voir recommandation n° 3 : Inclure la SAS Pass Culture dans la liste des opérateurs de l’État.
([55]) Décret n° 2021-628 du 20 mai 2021 relatif au « Pass culture ».
([56]) Dont APF France handicap, l’Institut national des jeunes sourds et l’institut national des jeunes aveugles.
([57]) Les agences régionales de santé (ARS) ; les directions régionales en charge de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) et les directions régionales et départementales aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes.
([58]) Ministère des solidarités et de la santé – Ministère de la culture – Étude sur l’accès aux arts et à la culture des personnes âgées ou en situation de handicap accompagnées par un ESSMS – février 2021. Voir Partie II ‑ I-A-3.
([59]) Voir Partie I ; II ; 3 ; a.
([60]) Autisme, Dys (dyslexie, dyscalculie, dysorthographie, dyspraxie, dysphasie), trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et trouble du développement intellectuel (TDI).
([61]) Source : Panorama de la DREES – social – Le handicap en chiffres – édition 2023.
([62]) Assemblée nationale – avis culture n° 1781 au nom de la commission de affaires culturelles et de l’éducation par Mme Emmanuelle Anthoine – 18 octobre 2023.
([63]) Un livre en braille numérique est un fichier conçu pour être lu grâce à une plage braille, un dispositif de lecture permettant l’affichage de texte en braille éphémère grâce à des picots mobiles.
([64]) Voir annexes 2 et 3.
([65]) Assemblée nationale - Avis PLF 2024 Emmanuelle Anthoine ibid.
([66]) Inspection générale des affaires culturelles – rapport n° 2023-34 – Le Fonds accessibilité – septembre 2023.
([67]) Rapport de l’IGAC n° 2023-34 – Le Fonds accessibilité – septembre 2023.
([68]) Cette opération a permis, depuis 2013, d’adapter de façon anticipée près de 3 000 titres de la rentrée littéraire.
([69]) À destination des aveugles ou malvoyants, et des personnes sourdes ou malentendantes. Les subventions du CNC couvrent également les sous-titrages pour les longs métrages aux plus petits budgets, ainsi que la numérisation des films de patrimoine.
([70]) Soit un fonds d’environ 1 500 films.
([71]) Joue un rôle de conseil et de formation auprès des exploitants de salles de cinéma pour les aider à renforcer l’offre de films adaptés, les équipements et la médiation entre les différentes professions du cinéma et le monde du handicap.
([72]) Groupe de chercheuses associées au CNCA chargées de documenter et de travailler sur le statut de l’artiste.
([73]) Voir annexes 2 et 3.
([74]) 78 scènes nationales sont implantées en France métropolitaine et en Outre-mer, présentes dans les petites et moyennes villes (entre 50 et 100 000 habitants) et comprenant les anciennes maisons de la culture.
([75]) L’Association des scènes nationales (ASN), l’Association des centres dramatiques nationaux (ACDN), l’Association des centres chorégraphiques nationaux (ACCN) et la Réunion des Opéras de France (ROF).
([76]) Le Makaton est un mode de communication fondé sur un vocabulaire gestuel et des symboles graphiques.
([77]) Le chansigne est une forme d’expression artistique qui consiste à exprimer les paroles d’une chanson traduites en langue des signes au rythme de la musique de cette chanson.
([78]) Culture relax, Retour d’image, Ciné sens ; Rêve de cinéma a répondu par écrit aux questions des rapporteurs.
([79]) Dont le festival d’Avignon In, la Cité de la langue française, l’INHEI à Suresnes sont partenaires tandis que des discussions étaient en cours avec le ministère de la culture, le département des Yvelines et le ministère de la santé.
([80]) Kilema éditions, créée en 2021, dont la mission, inscrite dans ses statuts, est de développer son activité en direction du public des personnes en situation de handicap, de leurs proches et des éducateurs. Elle s’est engagée à ce que ses éventuels bénéfices distribuables soient affectés à des œuvres prenant en charge les personnes atteintes de handicaps cognitifs.
([81]) Pour les représentations de la Salle Richelieu, depuis le 1er mars 2024, en langue des signes française et surtitrage adapté aux personnes sourdes : https://www.comedie-francaise.fr/fr/lunettes-de-surtitrage#.
([82]) Klare Sprache en allemand.
([83]) Arte (Association relative à la télévision européenne) diffuse des programmes en français, allemand, anglais, espagnol, polonais et italien.
([84]) Commission d’enquête sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la TNT clôturée le 7 mai 2024.
([86]) Dont les ministères de l’économie, des finances et de la culture sont cosignataires.
([87]) Arcom - Avis du 24 juillet 2024 relatif aux projets de contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde pour la période 2024-2028.
([88]) Arrêté du 5 mai 2017 fixant le cahier des missions et des charges relatif au label « Scène nationale » ; arrêté du 5 mai 2017 fixant le cahier des missions et des charges relatif au label « Centre dramatique national » et le contrat type de décentralisation dramatique et arrêté du 5 mai 2017 fixant le cahier des missions et des charges relatif au label « Centre chorégraphique national ».
([89]) Cf. supra.
([90]) Nice Matin - 24 mai 2024.
([91]) Estimés à quelque 30 000 € incluant les droits d’auteurs, les traductions, la mise en page adaptée avec de gros caractères, des marges et illustrations en couleur…
([92]) Arcom - L’accessibilité des contenus audiovisuels aux personnes en situation de handicap et la représentation des personnes handicapées dans les programmes, exercice 2022 publié en janvier 2024.
([93]) Art. 51 à 54.
([94]) Le Conservatoire national supérieur d’art dramatique, le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, le Pôle sup’93 et le pôle supérieur Paris Boulogne-Billancourt, le Conservatoire à rayonnement régional de Paris et Sorbonne Université.
([95]) Au sein d’un environnement protégé de type ESAT.
([96]) En particulier la compatibilité du statut d’intermittent avec les contraintes des ESAT.
([97]) Voir VII Mieux associer les personnes en situation de handicap en amont des projets culturels.
([98]) Danse et handicap visuel (2014), Danse et handicap moteur (2015), Danse et handicap auditif (2016).
([99]) Dans le cadre des crédits de droit commun mobilisés par les DRAC sur le programme 361.2.
([100]) Voir les réponses des musées et établissements culturels nationaux en annexe 3.
([101]) Voir Partie I, II,2 b.
([102]) Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle du ministère de la culture.
([103]) Depuis 2018, à l’initiative de la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes, le Marius de l’audiodescription récompense le travail des audiodescripteurs réalisé sur les longs métrages nommés pour le César du meilleur film ; une telle distinction aurait sans doute toute sa place lors de la cérémonie des César.
([104]) Voir annexe 3.
([105]) Art. 48.
([106]) Voir les réponses au questionnaire en annexe 2.
([107]) Partenaire engagé aux côtés de la Région Île-de-France, dont l’objectif est de favoriser l’échange d’informations et de bonnes pratiques, la réflexion et la définition de projets communs concernant l’accès à la culture des personnes en situation de handicap sur le territoire francilien.
([108]) Musique et situations de handicap.
([109]) Le RéCIT est le Réseau Culture Inclusif Territoire. Composé d’une quarantaine de membres, il accompagne la région des Hauts‑de‑France et les établissements culturels vers une transition culturelle inclusive.
([110]) Créé en 2021, le centre national pour la création adaptée (CNCA) a pour but de repérer et de soutenir la recherche artistique réalisée par des personnes en situation de vulnérabilité.
([111]) INJS : Institut national de jeunes sourds de Paris, Unapei : Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés.
([112]) IVT : International Visual Theatre, INJA : Institut national des jeunes aveugles, INJS : Institut national de jeunes sourds de Paris, UNADEV : Union des aveugles et déficients visuels.