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N° 714

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIèME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 décembre 2024.

 

 

RAPPORT  D’INFORMATION

 

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de l’article 145 du Règlement

 

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

 

 

en conclusion des travaux de la mission d’information sur
la prise en charge des urgences psychiatriques,

ET PRÉSENTÉ PAR


Mmes Nicole DUBRÉ-CHIRAT et Sandrine ROUSSEAU

Députées.

——

 

 

 

 

 

 


SOMMAIRE

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Avant-propos

Synthèse

Partie I : Si la notion d’urgence ne fait pas consensus en psychiatrie, l’urgence devient le point d’entrée dans le parcours de soins

I. En psychiatrie, la notion d’urgence, vaste et discutée, admet des modalités de prise en charge très variées

A. La prise en charge psychiatrique en urgence s’inscrit dans un cadre juridique imprécis

1. L’urgence en psychiatrie recouvre un champ très vaste

2. Les urgences psychiatriques n’ont pas de service dédié

B. La prise en charge de l’urgence s’inScrit dans le cadre global de l’organisation des soins psychiatriques

1. La prise en charge psychiatrique, en urgence ou non, repose historiquement sur une organisation par secteurs

2. La prise en charge psychiatrique est complétée par une offre de soins « non sectorisée »

3. La psychiatrie et la santé mentale : entre concurrence et complémentarité

C. Il n’existe pas de parcours type d’un patient pris en charge en urgence psychiatrique

II. La dégradation des indicateurs de santé mentale depuis 2020 se traduit dans les passages aux urgences

A. Une dégradation de la santé mentale de la population est observée depuis 2020

1. La santé mentale de la population se détériore depuis 2020

2. L’évolution de la consommation de psychotropes chez les adolescents et les jeunes adultes est préoccupante

3. La souffrance psychique se traduit dans une hausse de l’activité d’urgence depuis fin 2020, principalement dans le secteur public

B. La croissance de l’activité d’urgence psychiatrique est notamment induite par le fort niveau de recours des jeunes gens et, en particulier, des jeunes femmes

1. La détresse psychique des jeunes se traduit dans l’augmentation du recours aux urgences

2. Les urgences liées à un geste auto-infligé chez les femmes de 10 à 19 ans ont augmenté de 133 % depuis 2020 et de 570 % depuis 2007

C. Une croissance marquée des passages aux urgences et des hospitalisations pour sevrage, en particulier pour les patients Âgés de 40 à 59 ans

III. Les services d’urgences deviennent par dÉfaut le point d’entrÉe dans les soins psychiatriques et sont rÉguliÈrement saturÉs

A. L’effondrement des capacités d’hospitalisation publiques en psychiatrie n’est pas compensé par l’essor du secteur privé lucratif

1. Le « virage ambulatoire », qui a réduit les capacités d’hospitalisation à temps complet de près de 7 000 places en quinze ans, affecte principalement le secteur public

a. La politique de diminution du nombre de places d’hospitalisation à temps complet touche également la psychiatrie

b. La réduction du capacitaire d’hospitalisation à temps complet résulte de la fermeture de près de 9 000 places de psychiatrie dans les hôpitaux publics depuis 2008

2. Le secteur privé lucratif gère désormais plus du quart des séjours et du capacitaire en lits d’hospitalisation complète, dégageant une forte rentabilité

a. Le capacitaire du secteur privé lucratif a augmenté de plus de 30 % entre 2008 et 2022

b. La dynamique d’activité d’hospitalisation complète en psychiatrie reflète l’évolution du capacitaire

c. La psychiatrie est devenue la discipline la plus rentable du secteur privé lucratif

3. L’essor du secteur privé lucratif ne compense pas la réduction de l’offre de service public

B. En amont, l’offre de soins psychiatriques est insuffisante et trop complexe, ce qui incite les patients à se tourner vers les urgences

1. L’organisation complexe des soins psychiatriques en amont engendre un renoncement aux soins et un report vers les urgences

2. Des délais excessifs d’accès aux soins de ville en amont

3. En conséquence, les urgences deviennent le point d’entrée dans les soins psychiatriques

C. EN aval, le manque de lits retarde les transferts de patients, ce qui embolise les urgences

1. Favorisées par la pénurie de personnels, les fermetures de lits retardent le transfert de patients nécessitant une hospitalisation et renforcent la pression qui pèse sur les urgences

2. Des lits d’hospitalisation complète en psychiatrie sont occupés par des patients nécessitant une prise en charge médico-sociale

IV. La prison, marquée par la surreprésentation des troubles psychiatriques, est un autre point d’entrée dans les soins

A. La prévalence des troubles psychiatriques chez les détenus est significativement supérieure au reste de la population et s’aggrave en détention

B. Les soins psychiatriques en milieu pénitentiaire sont régis par des services spécifiques

C. La psychiatrie est mal appréhendée par la justice, ce qui accroît la proportion de malades en détention

D. Les lieux de privation de liberté deviennent un point d’entrée dans les soins psychiatriques

Partie II : Les dysfonctionnements constatés dans la prise en charge en urgence traduisent une crise profonde de la psychiatrie

I. La prise en charge en urgence est insatisfaisante, y compris dans des établissements à la qualité de soins reconnue

A. Les prises en charge sont davantage liées aux moyens disponibles qu’à des standards de qualité

1. L’organisation de la prise en charge dépend principalement des moyens disponibles

2. La démarche qualité est insuffisamment adaptée et peu mise en œuvre en psychiatrie

B. La prise en charge aux urgences est associée à une expérience de la violence pour patients et professionnels

1. La psychiatrie et les urgences sont historiquement des secteurs plus exposés aux violences

2. Les violences ont d’importantes répercussions sur les conditions de travail des soignants et de traitement des patients

C. Les contraintes de l’ensemble du secteur convergent vers les urgences, induisant contournements et pratiques abusives

1. La saturation des urgences favorise des pratiques délétères pour les patients comme les professionnels

2. Les contraintes d’accès aux lits d’hospitalisation en psychiatrie induisent des stratégies de contournement délétères

3. La permanence des soins psychiatriques, qui ne fait l’objet d’aucune obligation, est particulièrement fragile

II. Le recours croissant aux urgences nuit à la qualité du parcours de soins en psychiatrie

A. Le passage par les urgences marque un retard de prise en charge et ne garantit pas l’accès aux soins

1. L’augmentation de l’activité psychiatrique aux urgences révèle l’ampleur des ruptures de parcours et des retards de prise en charge

2. La venue aux urgences ne garantit pas l’entrée dans un parcours de soins psychiques

B. En dépit d’un cadre strict, les soins psychiatriques sans consentement ainsi que l’isolement et la contention sont en hausse tendanCielle depuis 2012

1. Les soins sans consentement en psychiatrie obéissent à un cadre juridique strict et renforcé

2. Le recours aux soins sans consentement et aux pratiques d’isolement et de contention est pourtant en hausse depuis 2012

III. La crise actuelle invite À reconsidÉrer l’Évolution des moyens financiers et humains dÉvolus À la psychiatrie

A. Les effets de la rÉforme du financement de la psychiatrie comme de la hausse des dÉpenses sont À relativiser

1. Le mode de financement historique de la psychiatrie, qui entretenait des inégalités de prise en charge, a fait l’objet d’une réforme pleinement effective en 2026

2. La hausse des dépenses d’assurance maladie liées à la prise en charge des maladies psychiatriques est toutefois à relativiser

B. Un lien manifeste entre les difficultÉs d’accÈs aux soins et l’Évolution en trompe-l’œil de la dÉmographie mÉdicale

1. La croissance en trompe-l’œil du nombre de psychiatres en activité entre 2010 et 2023

2. Les psychiatres libéraux, de moins en moins nombreux, voient davantage de patients en consultation

3. Des inégalités de répartition persistantes expliquent les difficultés d’accès aux soins dans certains territoires

IV. Conjuguant les difficultÉs de la psychiatrie et du secteur de l’enfance, la pÉdopsychiatrie est sinistrÉe

A. Une offre de soins trÈs insuffisante, affectÉe par des inÉgalitÉs entre les territoires

1. Le capacitaire de lits et places d’accueil en psychiatrie infanto-juvénile est insuffisant et creuse les inégalités territoriales d’accès à la santé

2. Des effectifs de pédopsychiatre en forte diminution

B. Un parcours de soins et une gouvernance inadaptÉs

C. Affaibli par des structures dÉfaillantes et par une demande extrÊmement dynamique, l’accÈs aux soins pÉdopsychiatriques est en pÉril

1. Les besoins de prise en charge en psychiatrie infanto-juvénile, comprenant des populations très vulnérables, sont criants

2. Un secteur dans une situation de crise majeure aux implications durables

Partie III :  Face À cette situation alarmante, pour mieux prÉvenir et prendre en charge les urgences, une action publique ambitieuse est impÉrative

I. Un nécessaire nouveau souffle des politiques publiques en matière de santÉ mentale et de psychiatrie

A. Depuis 2018, l’action publique nationale suit la feuille de route de la santÉ mentale et de la psychiatrie

1. Une feuille de route évolutive donne le cap d’une transformation du champ de la santé mentale et de la psychiatrie depuis 2018

2. L’ambition que transcrit la feuille de route est complétée par des mesures ciblées

B. Pour une nouvelle impulsion en faveur de la psychiatrie À l’occasion de la grande cause nationale annoncÉe par le Premier ministre

1. Si les mesures engagées produisent des résultats encourageants, un nouveau cycle plus ambitieux encore doit s’ouvrir

2. Alors que la santé mentale a été définie grande cause nationale par le Premier ministre, la psychiatrie publique doit en constituer une dimension essentielle

II. Une offre de soins À restructurer et À soutenir pour mieux prÉvenir et prendre en charge les urgences psychiatriques

A. Renforcer l’offre de soins de proximitÉ pour prÉvenir l’urgence psychiatrique

1. Améliorer la réponse de premier niveau à la souffrance psychique

a. Mieux outiller les médecins généralistes qui assurent dans les faits la réponse de premier niveau à la souffrance psychique

b. Renforcer les moyens humains et financiers des CMP de secteur, dont la mission première est d’assurer les soins psychiatriques ambulatoires et de coordonner les parcours de soins

c. Une place pour la prise en charge de l’addiction

2. Simplifier l’accès aux soins de secteur par une meilleure organisation territoriale

3. Se donner les moyens d’accompagner durablement les personnes les plus vulnérables

B. Structurer un vÉritable parcours de prise en charge psychiatrique d’urgence limitant les passages aux urgences

1. Réduire les venues non pertinentes aux urgences en renforçant l’offre de consultations en soins non programmés

2. Formaliser au niveau national un parcours de prise en charge de l’urgence psychiatrique lisible, gradué et commun à tous les territoires, qui s’appuie sur les structures existantes

3. L’amélioration des conditions d’accueil aux urgences requiert une plus grande disponibilité de lits d’hospitalisation en aval

a. Améliorer les conditions de prise en charge par les services d’urgences

b. Garantir un quota de lits de service public et un suivi en aval des urgences

C. L’amÉlioration de l’offre de soins nÉcessite une contribution plus Équitable du secteur privÉ

1. La nécessité d’un partage plus équitable entre établissements

2. Les dispositions de la récente loi « Valletoux » et la réforme des autorisations en psychiatrie peuvent permettre un rééquilibrage à court terme

D. Un sursaut attendu pour la pÉdopsychiatrie et la santÉ mentale des jeunes

1. Mettre en œuvre les mesures issues des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant de 2024

2. Développer une politique de prévention et de repérage précoce associant l’institution scolaire

3. Garantir une offre de soins pédopsychiatriques sur tout le territoire

4. Déployer des mesures ciblées sur les enfants protégés

5. Faire de la santé mentale périnatale un axe fort des politiques de santé publique

E. La formation et l’attractivitÉ de la filiÈre sont dÉterminantes pour l’avenir de la psychiatrie

1. Un effort de formation à amplifier pour le renouveau démographique de la filière

2. Renforcer l’attractivité des métiers en combattant la stigmatisation de la filière et en améliorant les conditions de travail

Liste des propositions

Travaux de la commission

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURES

Annexe  2 : dÉplacements effectuÉs par la mission

ANNEXE N°3 : MESURES DE LA FEUILLE DE ROUTE SANTÉ MENTALE ET PSYCHIATRIE

 


   Avant-propos

La mission d’information sur la prise en charge des urgences psychiatriques achève ses travaux alors que la santé mentale vient d’être déclarée « grande cause nationale » pour 2025. Ces travaux ont été engagés il y a près d’un an, à la suite d’alertes reçues de la part des acteurs de la psychiatrie. Perturbés par la dissolution de l’Assemblée nationale, ils ont heureusement pu être relancés par la commission des affaires sociales dès sa première réunion sous la nouvelle législature.

Bien que les rapporteures se soient très vite heurtées à un enjeu de définition, l’articulation entre la santé mentale et la psychiatrie se présentant comme un continuum relativement flou, la problématique des urgences psychiatriques est apparue comme un point d’entrée permettant d’appréhender le secteur dans sa globalité, sur le temps de l’urgence mais également en amont et en aval de celle-ci.

Si l’organisation des soins psychiatriques a fait l’objet d’un nombre significatif de rapports au cours des deux dernières décennies, la prise en charge de l’urgence psychiatrique n’avait jamais été véritablement traitée. Plus surprenante encore est l’exclusion systématique de la psychiatrie dans les rapports traitant des services d’urgences, qui semble faire l’objet d’une convention implicite, empêchant ainsi d’observer la part croissante de la psychiatrie au sein de l’activité d’urgence. Cette mission d’information a donc été largement exploratoire dans le recueil des informations relatives à l’activité d’urgence psychiatrique et à son évolution au cours des récentes années, marquées fortement par la pandémie de covid-19.

Dans ce contexte les rapporteures ont eu à cœur de conduire une grande diversité d’auditions et de déplacements sur le terrain, de façon à recueillir les préoccupations, les attentes et les besoins du secteur. La mission a ainsi rencontré plusieurs centaines de professionnels de santé, de patients, d’aidants, ou encore de responsables institutionnels, associatifs ou syndicaux au cours des trente‑six auditions et dix déplacements organisés en France entre le mois de janvier et le mois de septembre 2024.

Une évidence s’est très vite imposée : alors que les problématiques liées à la santé mentale et à la psychiatrie sont plus pressantes que jamais et constituent un enjeu majeur de santé publique, la psychiatrie connait en France une crise profonde. La prise en charge des urgences psychiatriques illustre les défaillances et les dysfonctionnements systémiques de l’organisation des soins psychiatriques en France.

La maladie mentale et les troubles psychiques touchent un cinquième de la population, soit près de 13 millions de Français. En 2021, 13,3 % des 18‑75 ans présentaient un épisode dépressif au cours des douze derniers mois ([1]). Bien plus, la santé mentale de la population se détériore et se développent des troubles nouveaux liés par exemple à l’usage des réseaux sociaux ou à la crise climatique. La détresse psychique des jeunes – particulièrement des jeunes filles – atteint à présent des proportions dramatiques. Une telle prévalence n’est pas sans conséquences : les personnes atteintes de troubles sévères voient leur espérance de vie réduite de 10 à 20 ans ([2]), tandis que le suicide est la première cause de mortalité entre 15 et 35 ans ([3]). À cela s’ajoute une augmentation préoccupante de la consommation de médicaments psychotropes : un quart de la population consomme régulièrement des anxiolytiques, hypnotiques ou antidépresseurs, plaçant la France au premier rang mondial pour la prescription de ces traitements ([4]).

Aussi, le coût économique et social total lié à la santé mentale atteindrait près de 163 milliards d’euros, en augmentation de 50 % depuis 2012 ([5]). La santé mentale représente aujourd’hui le premier poste de dépenses pour l’assurance maladie, largement devant les cancers, soit 26,2 milliards d’euros ou 14 % des dépenses ([6]).

Pour autant, ces chiffres recouvrent une réalité de terrain souvent difficile, les services de soins psychiatriques étant soumis à de fortes tensions depuis de trop nombreuses années. Confrontée à une dégradation préoccupante de la santé mentale de la population, aggravée par la pandémie de covid-19, la psychiatrie doit répondre à des besoins croissants dans un cadre marqué par une pénurie de moyens et une désorganisation des parcours de soins. Les services des urgences hospitalières, qui constituent désormais le principal point d’entrée dans le système de soins, subissent une pression considérable, reflet des tensions qui affectent l’ensemble du secteur.

L’un des principaux apports de la mission d’information réside certainement dans la documentation et l’analyse de l’évolution de la santé mentale de la population, en particulier depuis la crise sanitaire, et sa traduction dans les venues aux urgences et en centre de crise. Les travaux de la mission d’information ont ainsi permis d’établir que l’activité de psychiatrie d’urgence est en forte croissance ; plus encore que celle des urgences générales pour d’autres motifs.

Ce constat est particulièrement vrai pour le secteur public, qui prend en charge 85 % des patients et notamment les cas les plus complexes, alors que l’offre de soins dans ses établissements est bien souvent fragilisée par le manque de moyens matériels et humains. Cette inadéquation entre l’offre de soins et la demande est exacerbée par une démographie médicale et paramédicale inégalement répartie, marquée parfois par des pénuries, tout particulièrement en pédopsychiatrie. En 2023 en moyenne dans les hôpitaux publics, 23 % des postes de psychiatres étaient vacants ([7]), cette tendance étant plus marquée encore s’agissant des postes de pédopsychiatres. Ces difficultés de recrutement persistantes de médecins psychiatres dans les hôpitaux publics ont pour conséquences inévitables à la fois des fermetures de lits, une dégradation des conditions de travail et fort logiquement des conditions d’accueil et de prise en charge des patients. Ces difficultés sont accentuées par la forte augmentation de la demande de soins : entre 2014 et 2022, le nombre de patients suivis dans les établissements publics a augmenté de 7 % ([8]). Le secteur public subit ainsi une triple peine : obligation d’assurer le service public, moindres rémunérations, conditions de travail dégradées. La mission d’information s’est attachée à identifier les leviers d’une coopération plus efficace entre secteur public et secteur privé, dont l’absence de participation à l’activité de permanence des soins apparaît aujourd’hui injustifiable.

En plus des constats précités, la mission a pu mettre en lumière des problématiques multiples, parmi lesquelles le manque de coordination entre les différents acteurs et une orientation dans un parcours de soins qui relève d’une véritable gageure pour de nombreux patients, tant l’organisation des soins est peu lisible et fragmentée. À ces difficultés s’ajoutent les inégalités d’accès aux soins mais aussi l’exposition des professionnels à une violence institutionnelle, contre les professionnels, les patients et parfois des derniers envers les premiers. La fréquence des situations de violence et le recours croissant à la contention sont des phénomènes amplifiés par le manque de moyens humains et matériels adaptés aux besoins de la prise en charge.

Le rapport souligne l’insuffisance des politiques publiques actuelles dans la réponse apportée aux besoins en soins psychiatriques de la population. Ces politiques sont aujourd’hui peu normatives, très méconnues du terrain, et nécessiteraient des moyens massivement renforcés si l’on prend pour exemple la feuille de route « santé mentale et psychiatrie », qui s’appuie sur des données trop lacunaires pour permettre un suivi réel.

Il montre aussi que les problématiques liées à la prise en charge des urgences psychiatriques ne peuvent se résumer à une logique de chiffres et sont profondément liées à des besoins fondamentaux, souvent évoqués par les acteurs entendus : la nécessité d’environnements de soin « contenants », c’est-à-dire propices à l’apaisement et à la sécurité, l’importance de la relation humaine et du temps long dans l’accompagnement des patients.

Malgré l’ampleur du travail accompli, il était toutefois impossible aux rapporteures d’être exhaustives tant le sujet est vaste et les problématiques nombreuses. Ainsi, les auteures formulent le souhait que certaines dimensions abordées dans le rapport puissent être explorées plus amplement par des travaux futurs qu’elles appellent de leurs vœux, s’agissant notamment des spécificités des territoires ultramarins, de la périnatalité, du handicap mental de la place des aidants, des troubles addictifs, de la recherche en psychiatrie ou encore de la prise en charge de populations vulnérables telles que les détenus, les personnes âgées ou les enfants protégés. De plus, cette mission n’avait pas vocation à trancher les débats historiques qui traversent la psychiatrie, tels que l’opposition entre la prise en charge ambulatoire et l’hospitalisation complète, la sectorisation ou le recours à la contention.

Néanmoins, il serait impensable, compte tenu de l’enjeu majeur de santé publique dont traite ce rapport, que celui-ci ne soit pas suivi d’un débat public profond permettant de définir collectivement une stratégie claire à long terme sur ces sujets, matérialisée par le déploiement d’une action publique profondément redynamisée.

Les acteurs rencontrés dans le cadre de la mission d’information ont fait part de leurs très fortes attentes s’agissant de la portée effective de ce rapport sur l’amélioration de leurs conditions de travail pour les professionnels de la psychiatrie ou de celle des prises en charge s’agissant des patients et de leur entourage. Nombreux sont ceux qui ont alerté les rapporteures sur leur crainte de voir leurs espoirs déçus par la diffusion d’un « rapport de plus » sur la psychiatrie, dépourvu de tout impact concret sur les difficultés dont ils sont si nombreux à avoir témoigné au cours de cette année de travail. Ce rapport souligne dès lors l’urgence d’une mobilisation collective de grande ampleur pour répondre à une crise de santé publique susceptible de toucher chaque année des millions de nos concitoyens et qui affecte de manière singulière les plus jeunes d’entre nous depuis la crise sanitaire. Il appelle à multiplier les efforts et formule des propositions précises et concrètes, presque intégralement partagées par les rapporteures. Ce faisant, la mission espère poser les jalons d’une politique ambitieuse, humaine et adaptée aux besoins psychiatriques et de santé mentale d’une société en pleine mutation.


   Synthèse

  1.   Si la notion d’urgence ne fait pas consensus en psychiatrie, l’urgence devient le point d’entrée dans le parcours de soins
    1.   Une notion floue et des pratiques hétérogènes

La notion d’urgence psychiatrique, recouvrant des situations variées allant de la crise émotionnelle aiguë à la décompensation de troubles psychiques graves, reste mal définie et sujette à débat, tout comme l’articulation entre santé mentale et psychiatrie. La prise en charge des urgences psychiatriques se fait non pas dans des services dédiés mais dans le cadre global de l’organisation des soins psychiatriques, reposant depuis 1960 sur un principe de sectorisation. Dans ce contexte, il n’existe pas de parcours type d’un patient, qui peut être pris en charge dans un centre médico-psychologique (CMP), un centre d’accueil de crise (CAC) ou encore – de plus en plus – dans les services d’accueil des urgences (SAU) des hôpitaux. Selon les établissements et les régions, un même patient peut être orienté vers des services très différents, sans garantie d’une continuité des soins.

  1.   La dégradation préoccupante des indicateurs de santé mentale depuis 2020 entraîne une croissance de l’activité d’urgence

Une détérioration rapide de la santé mentale de la population peut être observée en France ces dernières années, particulièrement chez les jeunes. Chez les 18‑24 ans, la prévalence des épisodes dépressifs est passée de 11,7 % à 20,8 % entre 2017 et 2021, soit une hausse de 77 % en quatre ans ([9]). Les jeunes femmes sont spécialement touchées : les hospitalisations liées à un geste auto-infligé (tentative de suicide ou auto-agression) chez les femmes âgées de 10 à 19 ans ont progressé de 133 % depuis 2020 et de 570 % depuis 2007 ([10]). Dans le même temps, la consommation de médicaments psychotropes chez les adolescents et les jeunes adultes a augmenté de façon inquiétante : en 2023, 936 000 jeunes de 12 à 25 ans ont bénéficié du remboursement d’au moins un psychotrope. Cela correspond à 144 000 patients de plus qu’en 2019, soit une augmentation de 18 % ([11]), touchant elle aussi particulièrement les jeunes femmes. Cette situation est d’autant plus problématique que les capacités d’accueil des mineurs en centre de crise comme au sein des services d’urgences ou en aval de ceux–ci sont extrêmement limitées, mal réparties sur le territoire et insuffisantes pour répondre à la forte augmentation des besoins.

La souffrance psychique se traduit dans une hausse de l’activité d’urgence depuis fin 2020 : 566 000 passages aux urgences pour motif psychiatrique ont été recensés en 2023, soit une hausse de 21 % par rapport à 2019, la progression du taux du recours étant particulièrement notable pour les adolescents et les jeunes adultes ([12]). Cette activité reste majoritairement assurée par le secteur public et le secteur privé à but non lucratif : ils assurent 88 % des prises en charge psychiatriques au sein des SAU (qui assurent 75 % de l’activité de psychiatrie d’urgence) et 80 % de l’activité au sein des CAC (25 % de l’activité).

La prégnance croissante des enjeux d’addiction s’illustre à la fois dans la prévalence des venues aux urgences pour motif psychiatrique associées à une consommation de stupéfiants, et dans l’augmentation des hospitalisations pour sevrage au sein des hôpitaux généraux. Cette dernière est plus rapide que l’augmentation totale des séjours pour motif psychiatrique et s’explique pour moitié par la forte dynamique d’hospitalisation des patients âgés de 40 à 59 ans.

  1.   Les services d’urgences deviennent par défaut le point d’entrée dans les soins psychiatriques et sont régulièrement saturés

Le « virage ambulatoire », qui a réduit les capacités d’hospitalisation à temps complet de près de 7 000 places (6 741) en psychiatrie en quinze ans, affecte principalement le secteur public, qui a vu fermer près de 8 800 places depuis 2008 ([13]). Ces fermetures se sont accélérées après la crise sanitaire, principalement en raison du manque de personnel. Reposant sur une forte rentabilité, la psychiatrie étant devenue sa discipline la plus rentable, le secteur privé lucratif connaît quant à lui un essor relatif et gère 26 % des lits d’hospitalisation complète en 2023, soit une hausse de 8 points depuis 2008. Au sein des cliniques privées, les établissements spécialisés en psychiatrie se distinguent par un niveau exceptionnel de résultat net rapporté aux recettes. En effet, il y est en moyenne trois fois supérieur à celui des cliniques spécialisées en médecine, chirurgie et obstétrique. Les travaux de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) montrent la psychiatrie, malgré un léger recul par rapport à 2021, comme la discipline la plus rentable du secteur privé lucratif ([14]). Ainsi, les cliniques psychiatriques ont dégagé en 2022 un résultat net rapporté aux recettes de 8,7 % (après 9,1 % en 2021). Ces écarts de rentabilité s’expliquent d’autant moins que ce sont les hôpitaux publics qui assurent à la fois l’activité de permanence des soins et la prise en charge des patients les plus sévères ainsi que les hospitalisations sous contrainte.

La part croissante de patients se tournant vers les urgences ou les CAC laisse penser que la baisse globale des capacités d’hospitalisation se répercute sur ces structures. Bien plus, le manque de solution d’aval ou médico-sociales pour les patients stabilisés retarde les transferts, aggravant la saturation des SAU et des CAC et limitant la capacité des services à offrir une prise en charge rapide et adaptée, tout en augmentant le risque de ruptures dans le parcours de soins. Cette pression est renforcée par une offre de soins psychiatriques insuffisante et trop complexe en amont, qui renforce la place des médecins généralistes, exclut des publics précaires et pose de forts enjeux d’accès aux soins, qu’ils soient géographiques, financiers ou encore liés à l’accessibilité des CMP – dont les délais de consultation se dégradent et sont généralement de plusieurs mois. Dès lors, la prise en charge est souvent tardive, dans un état de santé dégradé, tandis que les urgences deviennent alors un point d’entrée majeur dans le système de soins psychiatriques.

  1.   La prison, marquée par la surreprésentation des troubles psychiatriques, devient un autre point d’entrée dans les soins

La prévalence des troubles chez les personnes détenues est nettement supérieure à celle observée dans la population générale et atteint des proportions critiques. Ainsi, les deux tiers des hommes détenus en maison d’arrêt et les trois quarts des femmes sortant de détention présentent, à la sortie de prison, un trouble psychiatrique ou lié à une substance ([15]). Bien plus, la prévalence des troubles est plus importante à la sortie qu’à l’entrée en détention.

Si les soins psychiatriques en milieu pénitentiaire sont régis par des dispositifs spécifiques, comme les unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP) ou les neuf unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) créées depuis 2010, ces dispositifs sont sous-dimensionnés. Tandis que la psychiatrie reste mal appréhendée par l’institution judiciaire, ce qui accroît la proportion de malades en détention, l’offre de soins psychiatriques en milieu pénitentiaire et la dégradation des conditions de traitement dans le secteur public concourent à l’augmentation de la prévalence comme à la surreprésentation des troubles psychiatriques en milieu carcéral, faisant aujourd’hui des lieux de privation de liberté un autre point d’entrée dans les soins psychiatriques.

  1.   Les dysfonctionnements constatés dans la prise en charge des urgences traduisent une crise profonde de la psychiatrie
    1.   Une prise en charge insatisfaisante et marquée par des conditions difficiles

La prise en charge des urgences psychiatriques est conditionnée par les moyens disponibles plus que par des standards de qualité clairement définis. Alors que tous les établissements ne disposent pas d’équipes pluridisciplinaires expérimentées et d’espaces adaptés, la prise en charge est marquée par de fortes inégalités territoriales, qui concernent également la place laissée aux proches ou encore le recours à certaines pratiques comme l’isolement et la contention. Ces inégalités sont d’autant plus fortes qu’en l’absence de norme établissant un standard de qualité des prises en charge, les procédures internes des établissements sont moins formalisées et plus hétérogènes que pour les soins somatiques. La mission d’information a ainsi mis en évidence un retard notable de la démarche qualité sécurité des soins en psychiatrie, dont témoigne le faible nombre d’indicateurs spécifiques dans le référentiel de certification ainsi qu’une corrélation entre de moindres résultats à la visite de certification et le fait qu’un établissement dispose d’une offre de soins psychiatriques.

Le passage par les services d’urgences, s’il peut permettre de répondre à une situation immédiate, est associé à une expérience des violences inhérentes au secteur psychiatrique et aux urgences, qui affectent les conditions de travail des soignants et de traitement pour les patients. Si les signalements pour faits de violence sont en hausse constante en psychiatrie comme aux urgences, la psychiatrie se singularise par la part notable des violences physiques, qui représentent 44 % des violences et sont commises le plus souvent à l’encontre des soignants ([16]).

En somme, les contraintes de l’ensemble du secteur convergent vers les services d’urgences qui, initialement conçus pour répondre à des pathologies somatiques, ne sont pas toujours équipés pour gérer les crises psychiques. Les services d’urgences ne sont par ailleurs ni conçus ni outillés pour prendre en charge les patients en attente d’une hospitalisation en psychiatrie qui attendent plusieurs jours voire plusieurs semaines qu’un lit d’hospitalisation puisse les accueillir en aval de l’urgence. Ainsi se banalise à tous les niveaux un fonctionnement en mode dégradé qui, en l’absence de permanence des soins mise en place en psychiatrie et d’une répartition équitable de la charge entre établissements, pèse largement sur le secteur public. En parallèle, les tensions dans l’ensemble du secteur entraînent des pratiques délétères et favorisent les dépassements de tâches et les stratégies de contournement, comme le refus d’admission ou le recours abusif à des hospitalisations sous contrainte. Ces conditions affectent l’attractivité de la psychiatrie et du secteur public tout comme la qualité du service et des soins rendus et sont propices à la survenue de drames, comme ce fut le cas au centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse en février 2024.

  1.   Le recours croissant aux urgences nuit à la qualité du parcours de soins en psychiatrie

Pour de nombreux patients en attente de diagnostic ou n’ayant pas accès à un parcours de soins adapté, la prise en charge par les urgences tend à se substituer à un suivi psychiatrique. Bien plus, elle ne garantit pas l’entrée dans un parcours de soins, puisque les patients stabilisés en urgence sont souvent réorientés vers des centres médico-psychologiques (CMP) ou d’autres services eux-mêmes saturés. Alors que le recours aux urgences pour motif psychiatrique a augmenté de 21 % entre 2020 et 2023, la part des nouveaux patients pris en charge par le système de soins psychiatriques (public et privé confondus) s’érode tendanciellement : celle-ci ayant baissé de 8 % entre 2019 et 2023 ([17]). La capacité du système de soins psychiatriques à répondre aux nouveaux besoins de soins de la population se dégrade, engendrant ainsi dans un système de soins saturé des phénomènes d’éviction, comme il est possible de le constater s’agissant des patients âgés de 40 à 59 ans.

La dégradation de la qualité des parcours se traduit par ailleurs dans la progression des soins sans consentement et des mesures restrictives et privatives de libertés. Alors que le législateur fait du consentement aux soins une condition indispensable à toute prise en charge thérapeutique ([18]) et a récemment précisé le cadre applicable à l’isolement et à la contention, ces pratiques sont en hausse tendancielle depuis 2012 et deviennent une variable d’ajustement d’organisations sous tension au détriment des droits fondamentaux des patients, comme des conditions de travail des professionnels.

  1.   La crise actuelle invite à reconsidérer l’évolution des moyens financiers et humains dévolus à la psychiatrie

Le mode de financement historique de la psychiatrie, marqué par des inégalités, a fait l’objet d’une réforme qui sera pleinement effective en 2026. Si celle-ci prévoit des dotations censées renforcer l’équité entre les différents territoires et établissements, elle suscite des appréhensions et ses effets devront être suivis avec attention. Quant à la croissance en apparence forte des dépenses remboursées de soins liés à des pathologies psychiatriques, elle est à relativiser et à mettre en lien avec celle du nombre de personnes atteintes d’une maladie psychiatrique : la dépense moyenne de soins remboursés par malade corrigée de l’inflation a ainsi baissé de 6,1 % entre 2016 et 2022.

Si la France dispose d’une densité de psychiatres parmi les plus élevées d’Europe, cette démographie ne permet pas de répondre aux besoins et a connu d’importantes transformations. Aussi, l’apparente hausse significative (+ 21 %) des effectifs de psychiatres entre 2010 et 2023 est une hausse en trompe-l’œil, essentiellement liée au recours croissant à des retraités actifs (+ 345 %), et dans une moindre mesure à celle des intermittents ainsi qu’à celle des médecins à diplôme étranger (15,8 % des psychiatres en activité régulière en 2023 contre 9 % en 2010) ([19]). S’ajoutent des disparités territoriales fortes et grandissantes, qui ne correspondent pas nécessairement à des écarts de densité de population. Le renouvellement générationnel apparaît aujourd’hui comme un enjeu crucial, compte tenu des nombreux départs en retraite de praticiens attendus jusqu’en 2030, et des aspirations des jeunes générations de psychiatres, qui se détournent du mode d’exercice libéral et aspirent à un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle.

  1.   Conjuguant les difficultés de la psychiatrie et du secteur de l’enfance, la pédopsychiatrie s’effondre

La pédopsychiatrie, qui supporte à la fois les difficultés de la psychiatrie et celles qui sont propres au secteur de l’enfance, apparaît particulièrement sinistrée et caractérisée par une offre de soins cruellement insuffisante, singulièrement dans le contexte de l’explosion des troubles psychiques des jeunes. La démographie des pédopsychiatres, dont le nombre a chuté de 34 % entre 2010 et 2022 ([20]) et dont le renouvellement générationnel n’est pas assuré, est tout simplement alarmante. Les capacités de prise en charge apparaissent structurellement lacunaires et même en diminution : 58 % des lits d’hospitalisation ont été supprimés entre 1986 et 2013, tandis que certains départements demeurent dépourvus de capacité d’accueil à temps complet. Les CMP infanto-juvéniles sont saturés et la prévention demeure très défaillante, notamment dans le cadre scolaire, où la médecine est elle-même déficiente.

Dans ce contexte, la prise en charge des mineurs est souvent opérée dans des conditions inadaptées, par exemple en unité pour adultes. Bien pire, la prise en charge est parfois impossible et entraîne des pertes de chances évidentes : en 2023, 123 enfants de moins de 15 ans s’étant présentés aux urgences du CHU de Nantes pour des idées suicidaires ou une tentative de suicide, n’ont pu être hospitalisés et ont dû retourner sans soins à leur domicile, alors même que la pédopsychiatre qui les avait évalués énonçait une indication formelle d’hospitalisation. L’accès aux soins pédopsychiatriques est ainsi en péril et les populations les plus vulnérables sont laissées-pour-compte, à l’image des mineurs pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) et des mineurs non accompagnés (MNA). L’état des lieux est d’autant plus alarmant que les défaillances actuelles se traduiront mécaniquement par une augmentation des troubles psychiatriques, et donc des besoins de prise en charge, à l’âge adulte.

  1.   Face à cette situation alarmante, pour mieux prévenir et prendre en charge les urgences, une action publique ambitieuse est impérative
    1.   Un nécessaire nouveau souffle des politiques publiques en matière de santé mentale et de psychiatrie

L’action des pouvoirs publics en matière de santé mentale et de psychiatrie, qui passe depuis 2018 principalement par une feuille de route spécifique, produit des effets positifs parmi lesquels le déploiement du dispositif VigilanS de maintien du contact avec l’auteur d’une tentative de suicide ou du numéro national de prévention du suicide (3114), la formation de près de 200 000 secouristes en santé mentale depuis 2019 ([21]), la mise en place de 104 projets territoriaux de santé mentale (PTSM) ou encore l’amélioration du dispositif Mon soutien psy, qui avait bénéficié à 381 000 patients en août 2024.

Cette feuille de route reste toutefois très méconnue et ne permet pas de répondre de manière satisfaisante à l’ampleur des enjeux. Selon les mots du délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, « un nouveau cycle plus ambitieux encore doit s’ouvrir ». La psychiatrie et son organisation se situent aujourd’hui à un moment charnière et des choix politiques profonds doivent encore être opérés, notamment pour trouver un équilibre entre les modèles de prise en charge fondés sur l’hospitalisation systématique et ceux qui reposent davantage sur les soins ambulatoires, afin de définir une stratégie claire à long terme. Dans cette perspective, la désignation de la santé mentale comme grande cause nationale de l’année 2025 se présente comme une opportunité, à la condition qu’elle inclue bien la psychiatrie et non la seule santé mentale, et qu’elle soit accompagnée d’une réelle ambition et de moyens substantiels.

  1.   Une offre de soins à restructurer et à soutenir pour mieux prévenir et prendre en charge les urgences psychiatriques

Dans ce contexte, la mission formule, à travers cinq axes, des préconisations visant à améliorer la prise en charge de l’urgence psychiatrique tout au long de la filière, c’est-à-dire d’agir sur l’offre de soins et sa structuration pendant, mais aussi en amont et en aval de l’urgence.

● Renforcer l’offre de soins de premier niveau pour garantir une prise en charge précoce, graduée et homogène sur le territoire et pour prévenir les urgences psychiatriques. Cet axe suppose de mieux outiller les médecins généralistes, qui sont souvent le premier recours face aux troubles psychiques, par des formations et par des outils d’aide à la prise en charge, ainsi que de renforcer les moyens humains et financiers des CMP afin qu’ils puissent assurer des soins ambulatoires de proximité et la coordination des parcours de soins. Il appelle par ailleurs à simplifier l’organisation territoriale des soins psychiatriques et à se donner les moyens de mieux prendre en charge les troubles addictifs et d’accompagner durablement les personnes les plus vulnérables, notamment en généralisant les équipes mobiles et en impliquant davantage les acteurs de proximité.

● Structurer un parcours de prise en charge d’urgence qui soit clair et accessible. Il s’agit de limiter les passages non pertinents aux urgences en augmentant l’offre de consultations non programmées (CAC, consultations en soins non programmés, etc.) ainsi que de formaliser un parcours de prise en charge des urgences psychiatriques commun à tous les territoires, clair et gradué impliquant la généralisation de la compétence psychiatrique à l’ensemble des services d’accès aux soins (SAS). Cet axe appelle également à améliorer les conditions de prise en charge par les services d’urgences et à limiter l’attente des patients par la création de lits dédiés au sein des unités d’hospitalisation de courte durée (UHCD), ainsi qu’à systématiser le suivi post-urgences des patients tout en suivant cet indicateur dans le cadre de la démarche qualité.

● Mobiliser davantage le secteur privé pour mieux prendre en charge les patients et pour une équité accrue entre établissements et professionnels de santé. Cet axe nécessite, de la part du Gouvernement et des agences régionales de santé (ARS), de mobiliser et d’adapter les dispositions réglementaires relatives à la permanence des soins des établissements de santé (PDSES) et au nouveau régime des autorisations en psychiatrie. Il s’agit par ailleurs de garantir un quota de lits de service public en psychiatrie dans les établissements privés afin de fluidifier la filière d’aval des urgences et d’éviter une concentration excessive des prises en charge dans le secteur public.

● Soutenir particulièrement la pédopsychiatrie et la santé mentale des jeunes. À la suite des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant de 2024, dont la mission appelle à mettre en œuvre les recommandations, il s’agit de garantir une offre de soins pédopsychiatriques homogène et adaptée aux besoins sur tout le territoire, comprenant des possibilités d’évaluation en urgence ou en soins non programmés, mais aussi de mener un diagnostic approfondi et partagé sur l’usage croissant des psychotropes. Les moyens de la médecine scolaire doivent par ailleurs être renforcés, et les établissements scolaires associés au déploiement d’une politique de prévention et de repérage précoce des troubles psychiques, ce qui suppose de réinterroger les liens entre la médecine scolaire et le ministère de l’éducation nationale. Des mesures renforcées et ciblées sont par ailleurs attendues pour mieux prendre en charge les enfants protégés, tandis que la psychiatrie périnatale doit quant à elle être soutenue dans le cadre de la grande cause nationale.

● Améliorer la formation et l’attractivité des métiers de la psychiatrie. L’offre de formation doit être rapidement et massivement renforcée face à la pénurie de professionnels constatée sur le terrain. Cela suppose une augmentation des effectifs de psychiatre et d’infirmiers en formation initiale et continue, le développement de passerelles ou encore la hausse du nombre d’infirmiers en pratique avancée. La filière doit par ailleurs être rendue plus attractive à travers une campagne de communication, des stages obligatoires ou encore la création d’un institut hospitalo-universitaire (IHU). Enfin, il s’agira de commanditer un audit sur les conditions de travail en psychiatrie et, dans le même temps, d’améliorer celles‑ci par des rémunérations revalorisées, par des simplifications administratives ou encore par une meilleure appréhension des situations de violence et d’agressivité, que celles-ci soient dirigées vers des tiers ou vers les patients eux-mêmes.

   Partie I :
Si la notion d’urgence ne fait pas consensus en psychiatrie, l’urgence devient le point d’entrée dans le parcours de soins

I.   En psychiatrie, la notion d’urgence, vaste et discutée, admet des modalités de prise en charge très variées

Les urgences psychiatriques sont une notion mal définie. Recoupant partiellement celle de crise, souvent réservée ou dédiée aux adultes, elles prennent cependant une importance et une ampleur grandissante dans l’organisation des soins. Laquelle n’est que mal dimensionnée ou adaptée aux évolutions des besoins. La prise en charge de ces urgences psychiatriques ne fait pas l’objet d’une organisation standardisée. S’inscrivant théoriquement dans le cadre global de l’organisation des soins psychiatriques, marqué par un principe de sectorisation, cette prise en charge demeure très variable sur le territoire. Elle tend toutefois à converger vers les services d’accueil d’urgence (SAU) des hôpitaux non spécialisés mais disposant d’une activité de psychiatrie, comme les centres hospitaliers et les centres hospitaliers universitaires, et les centres d’accueil et de crise (CAC) lorsqu’ils existent.

A.   La prise en charge psychiatrique en urgence s’inscrit dans un cadre juridique imprécis

1.   L’urgence en psychiatrie recouvre un champ très vaste

Les rapporteures constatent que la notion d’urgence en psychiatrie reste floue et débattue.

● Si la circulaire du 30 juillet 1992 relative à la prise en charge de l’urgence en psychiatrie ([22]) en ébauche les contours, la définition apportée recouvre un champ particulièrement vaste et laisse une grande part à l’appréciation. L’urgence psychiatrique serait ainsi, au sens de cette circulaire, « une demande dont la réponse ne peut être différée : il y a urgence à partir du moment où quelqu’un se pose la question, qu’il s’agisse du patient, de l’entourage ou du médecin : elle nécessite une réponse rapide et adéquate de l’équipe soignante afin d’atténuer le caractère aigu de la souffrance psychique ».

Certains spécialistes de l’urgence intègrent quant à eux des états autres que strictement psychiatriques. Pour le professeur Adolphe Steg « l’urgence psychiatrique recouvre en réalité trois grandes catégories d’états pathologiques :

«  L’urgence psychiatrique pure par décompensation d’une affection psychiatrique lourde (mélancolie, grand état d’angoisse, agitation), qui à l’évidence nécessite une prise en charge en milieu psychiatrique après élimination par le diagnostic d’une affection organique ;

«  Les urgences psychiatriques mixtes groupent les malades qui présentent des manifestations organiques et psychiatriques simultanées : tentatives de suicide, delirium tremens, etc. ;

«  Les états aigus transitoires c’est-à-dire les réactions émotionnelles intenses survenant sur un terrain psychologique vulnérable à la suite d’événements, conflits et détresse très souvent vécus dans la solitude : tentative de suicide, ivresse, etc. » ([23]).

● La définition des services chargés de prendre en charge les urgences psychiatriques qui figure dans le code de la santé publique est tout aussi vague. Il n’existe pas de définition réglementaire d’un cadre de soins nécessaire pour organiser la prise en charge des urgences psychiatriques, mais il est demandé aux établissements accueillant un nombre important de patients en urgence psychiatrique d’organiser la prise en charge. Ainsi, l’article D. 6124-26-6 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du décret n° 2023‑1376 du 29 décembre 2023 ([24]), dispose :

« Lorsque l’analyse de l’activité d’une structure des urgences ou d’une antenne de médecine d’urgence fait apparaître un nombre important de passages de patients nécessitant des soins psychiatriques, la structure ou l’antenne comprend en permanence un psychiatre.

« Lorsque ce psychiatre n’appartient pas à l’équipe de la structure des urgences ou de l’antenne de médecine d’urgence, il intervient dans le cadre de la convention prévue à l’article D. 6124268.

« Dans le cas autre que celui prévu au premier alinéa, un psychiatre peut être joint et intervenir, en tant que de besoin, dans les meilleurs délais, dans le cadre de la convention prévue à l’article D. 6124268. »

● Les rapporteures relèvent en outre que la notion d’« urgence psychiatrique » ne fait l’objet d’aucun consensus chez les professionnels de santé, en raison notamment de sa proximité avec la notion de crise, souvent privilégiée par les psychiatres.

« Pendant longtemps, et déjà au moment de ma formation, on apprenait que l’urgence psychiatrique n’existe pas. »

Alain Lopez, psychiatre, ancien inspecteur général des affaires sociales.

2.   Les urgences psychiatriques n’ont pas de service dédié

● La circulaire du 30 juillet 1992 décrit également les modalités actuelles de réponse aux urgences psychiatriques, lesquelles font appel à une variété de structures :

– les centres de réception, de régulation des appels en amont des services d’accueil des urgences (SAU). Cette catégorie recouvre notamment les numéros d’urgence ([25]) qui peuvent orienter les patients vers d’autres structures d’accueil ou de prise en charge, notamment la consultation en ambulatoire auprès du médecin traitant, d’un psychologue ou d’un psychiatre en ville ;

– la réponse dans le circuit des urgences générales hospitalières ([26]), situation la plus fréquente étudiée à titre principal par la mission d’information ;

– la réponse dans les structures spécialisées en psychiatrie publique, soit la consultation non programmée auprès d’un centre médico-psychologique (CMP), auprès d’un centre d’accueil de crise (CAC) ou dans un centre médico-psychologique habilité à répondre à l’urgence psychiatrique dit « centre d’accueil permanent » (CAP). Les CAC et CAP, qui relèvent en principe du secteur public et de manière croissante du secteur privé, assurent une permanence téléphonique et des consultations psychiatriques. Ils accueillent, soignent, orientent ou hospitalisent pour une durée brève, mais ne prennent pas en charge les hospitalisations sans consentement ;

– les autres modalités de réponse à l’urgence, à savoir les consultations effectuées sans délai par les médecins généralistes, les psychiatres libéraux et les regroupements de professionnels spécialisés dans la réponse à l’urgence psychiatrique. Les réseaux d’écoute téléphonique animés par des bénévoles remplissent également une fonction spécifique et importante.

● La prise en charge de l’urgence psychiatrique recouvre également des modalités plurielles : soins libres ou soins sans consentement du patient, lorsque son état représente un danger pour lui-même ou pour les autres.

● Il n’existe donc pas de service dédié à la prise en charge des urgences psychiatriques, qui mobilise une variété de services et de structures, et qui ne se traduit pas toujours par une hospitalisation.

Cette absence n’est pas nécessairement remise en cause. Pour Alain Lopez, un hôpital psychiatrique disposant d’un « service d’urgence » serait en effet dans l’impossibilité de disposer du plateau technique et des compétences médicales suffisantes aux explorations nécessaires et aux diagnostics pertinents. C’est la raison pour laquelle les services d’urgence psychiatrique, qui ont existé dans le passé, ont progressivement disparu au bénéfice d’un accueil dans les services d’urgences générales.

« Les services d’urgence psychiatrique n’existent pas, et je n’ai pas constaté l’existence de tels services dans les nombreux hôpitaux où je me suis rendu à des fins d’inspection ou d’accompagnement de leurs projets médicaux. Je dois rajouter qu’il ne faut surtout pas créer de tels services. »

Alain Lopez, psychiatre, ancien inspecteur général des affaires sociales.

Le centre psychiatrique d’orientation et d’accueil (CPOA)
du centre hospitalier Sainte-Anne

Le CPOA, situé au centre hospitalier Sainte-Anne à Paris, a été créé en 1967 afin d’assurer l’accès aux soins psychiatriques et leur continuité, en accueillant l’urgence psychiatrique et la consultation sans rendez-vous 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il accueille en consultation toute personne de plus de 16 ans qui se présente, quel que soit son domicile et y compris les personnes sans domicile. La prise en charge, qui augmente et concerne aujourd’hui près de 10 000 personnes par an, consiste en une consultation ou une hospitalisation sur place qui ne peut excéder 72 heures, à l’instar de la plupart des CAC et CAP, dont les durées d’hospitalisation théoriques sont comprises entre 48 et 72 heures. Selon l’état du patient, le CPOA peut l’orienter vers une consultation ambulatoire ou, dans près de 50 % des cas, une hospitalisation libre ou sans consentement, en coordination avec le secteur de destination.

B.   La prise en charge de l’urgence s’inScrit dans le cadre global de l’organisation des soins psychiatriques

Le parcours de soins du patient en situation d’urgence psychiatrique s’inscrit dans le cadre plus global des soins psychiatriques dont les principes et l’organisation ont été décrits par la circulaire du 15 mars 1960 relative au programme d’organisation et d’équipement des départements en matière de lutte contre les maladies mentales ([27]).

1.   La prise en charge psychiatrique, en urgence ou non, repose historiquement sur une organisation par secteurs

● La circulaire du 15 mars 1960 établit un principe de sectorisation de l’organisation des soins psychiatrique, qui vise à prendre en charge tous les patients, au plus près de leur environnement de vie, quelle que soit la gravité de la pathologie.

La circulaire structure en secteurs l’organisation administrative et géographique de la psychiatrie, accessibles selon le lieu de résidence du patient. Elle propose une organisation des soins psychiatriques intégrant la prévention, les soins, le suivi des patients : « la même équipe médico-sociale doit assurer à tous les malades hommes et femmes, la continuité indispensable entre le dépistage, le traitement sans hospitalisation quand il est possible, les soins avec hospitalisation et, enfin, la surveillance postcure ». La circulaire indique en outre qu’« un service de deux cents lits, recevant des malades des deux sexes, comportant son service libre, peut prendre en charge, sur la base de trois lits pour 1 000 habitants fixée par l’Organisation mondiale de la santé, un sous-secteur de 67 000 habitants environ », et pose le principe selon lequel « l’hospitalisation du malade mental ne constitue plus qu’une étape du traitement qui a été commencé et devra être poursuivi dans les organismes de prévention et de postcure ».

Si la prise en charge des situations d’urgence n’est pas évoquée en tant que telle, elle relève de toute évidence de la compétence du secteur, y compris lorsqu’il s’agit de décider une hospitalisation. Le secteur organise la prise en charge coordonnée et pluridisciplinaire de ville et hospitalière, par une même équipe, tout au long du parcours de soins du patient.

● En pratique, les secteurs désignent l’aire géographique de rayonnement de l’équipe pluridisciplinaire qui accompagne les patients dans leurs besoins de soins, que ces derniers soient dispensés à l’hôpital ou dans les structures ambulatoires. Ainsi, chaque secteur couvre une zone déterminée dans l’objectif de garantir à chaque patient, à travers divers points d’entrée, un accueil inconditionnel dans son secteur d’appartenance déterminé selon son lieu de résidence.

« En théorie le CMP de secteur est le premier niveau de réponse à l’urgence, mais selon les lieux un même patient peut alternativement passer par le secteur, par le CMP ou encore alors par les urgences générales. »

Syndicat CGT, table ronde syndicats nationaux.

● Le secteur psychiatrique s’est spécialisé si bien qu’il en existe aujourd’hui trois grandes catégories : la psychiatrie adulte (à partir de 16 ans), la pédopsychiatrie et la psychiatrie en milieu pénitentiaire.

Aussi, si la gestion du secteur et des activités ambulatoires qui lui sont rattachées est centralisée à l’hôpital ([28]), le déploiement progressif de la nouvelle organisation des soins psychiatriques s’est accompagné de la création de nombreuses structures spécifiques composant la prise en charge ambulatoire de secteur.

Les centres médico-psychologiques (CMP) constituent le pivot du dispositif ambulatoire de secteur. Composés d’équipes pluridisciplinaires, ils assurent les missions de prévention, de diagnostic, de suivi et de coordination des actes effectués en ambulatoire, ainsi que des interventions à domicile. En 2022, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a recensé 1 685 CMP de psychiatrie générale et 1 356 CMP de psychiatrie infanto-juvénile (CMP‑IJ) ([29]).

Aux CMP s’ajoutent diverses autres structures ambulatoires comme les centres d’accueil thérapeutiques à temps partiel (CATTP) qui sont des lieux non médicalisés d’écoute, d’expression et de rencontres destinés à accompagner la réinsertion sociale des malades.

Les équipes mobiles psychiatrie et précarité (EMPP) complètent l’offre de secteur pour les patients les plus précaires et les plus éloignés des soins.

Les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) proposent quant à eux un dépistage précoce et un suivi thérapeutique en ambulatoire des enfants âgés de moins de 6 ans. La prise en charge est organisée dans le cadre de vie habituel de l’enfant en coordination, le cas échéant, avec la médecine scolaire ainsi que la protection maternelle et infantile.

Les services et établissements des secteurs sociaux et médico-sociaux participent aussi à la prise en charge psychiatrique et à sa dimension de réhabilitation psychosociale, notamment à l’issue des soins, ce qui permet aux malades de s’inscrire dans un projet de vie. Les établissements et services qui y contribuent le plus souvent sont les services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS), les services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah), les foyers d’accueil médicalisé (FAM) et les maisons d’accueil spécialisées (MAS), qui allient accompagnement, hébergement et soin, ou encore les établissements et services d’aide par le travail (Esat).

D’autres services accueillent des personnes souffrant d’addictions comme de maladies chroniques somatiques qui présentent des comorbidités psychiatriques prises en compte dans l’accompagnement et la prise en charge globale médicale et psychosociale. Ce sont les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud), les centres de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) ainsi que les appartements de coordination thérapeutique (ACT).

2.   La prise en charge psychiatrique est complétée par une offre de soins « non sectorisée »

Au secteur psychiatrique s’ajoute l’offre de soins « non sectorisée », composée à titre principal de l’offre libérale de ville mais également l’offre de soins hospitalière des établissements privés à but lucratif autorisés en psychiatrie, et de structures spécialisées.

● Selon une étude publiée en 2014 par la Drees ([30]), le médecin généraliste représente le premier recours pour les besoins en santé mentale pour 50 % des patients, et 47 % voudraient que celui-ci assure leur prise en charge. Par ailleurs, 30 à 35 % de la patientèle des médecins généralistes présenterait une problématique psychiatrique ou psychologique ([31]).

● Les psychiatres et psychologues libéraux complètent l’offre de soins en ville. La France comptait 6 170 psychiatres installés en libéral en 2022 contre 6 459 en 2010, soit une baisse de près de 4,5 % ([32]). Inversement, le nombre de psychologues en activité a quasiment doublé entre 2010 et 2023. Alors que la France comptait 38 128 psychologues en activité en 2012, ces derniers étaient 74 195 en 2023, soit une augmentation de près de 95 % (94,5 %) sur la période. Cette augmentation a concerné tous les modes d’exercice mais est plus marquée s’agissant des psychologues libéraux. En effet, les psychologues libéraux, qui étaient 9 175 en 2012, ont vu leurs effectifs augmenter de 190 % sur la période, pour atteindre 26 691 en 2023 ([33]).

Le nombre de psychologues en activité a quasiment doublé entre 2010 et 2023

Alors que la France comptait 38 128 psychologues en 2012, ils étaient 74 195 en 2023, soit une augmentation de près de 95 %. Cette hausse a concerné tous les modes d’exercice mais elle est plus marquée s’agissant des psychologues libéraux. En effet, s’ils étaient 9 175 en 2012, ils ont vu leurs effectifs augmenter de 190 % sur la période et ils étaient 26 691 en 2023. Les salariés hospitaliers ont progressé en nombre de près de 62 % pour atteindre 15 463 professionnels en 2023, contre 9 549 en 2012. Les salariés d’autres structures sont également 65 % plus nombreux : 32 000 en 2023 contre 19 000 en 2012 ([34]).

Cette hausse très nette du nombre de psychologues en activité, particulièrement marquée s’agissant de ceux installés en libéral, reflète l’augmentation de la demande de soins dans la population. Cette tendance permet de formuler l’hypothèse selon laquelle les psychologues assurent aujourd’hui une partie importante de l’accès aux soins psychiques, s’agissant de la réponse aux troubles anxieux légers, ce qui réserve le suivi psychiatrique aux patients porteurs d’une maladie psychiatrique.

Les rapporteures se félicitent de l’augmentation forte du nombre de psychologues. Il s’agit d’une condition nécessaire pour assurer la gradation des soins, plus encore dans un contexte de forte augmentation de la demande. Cette augmentation appelle toutefois une réflexion sur cette profession afin de mieux l’ancrer comme actrice du soin en santé mentale et de favoriser une meilleure prise en charge de ces soins, notamment par les complémentaires santé. Cela suppose un meilleur encadrement de cette profession, par exemple à travers la création d’un nouveau livre dans le code de la santé publique ou par un processus rénové de validation des formations liées à la psychologie ou à la psychothérapie.

Les effectifs de psychologues en activité ont quasiment doublé
entre 2010 et 2023

Source : Drees, 2023.

● Les établissements privés à but lucratif autorisés en psychiatrie sont dans la grande majorité des cas spécialisés en psychiatrie ([35]). Ils ont la particularité de ne prendre aucune part à la prise en charge des urgences, sauf en seconde intention en cas d’adressage d’un patient depuis les urgences de l’hôpital général vers le CAC ou le CAP lorsqu’ils en sont équipés. Ces établissements ne peuvent non plus admettre aucun patient en soins sans consentement.

● L’offre de soins non sectorisée est elle-même complétée par des structures spécialisées dans le diagnostic de certaines maladies. Il s’agit par exemple des centres experts qui se développent dans le champ de la santé comme de la santé mentale. Il s’agit également d’unités de prise en charge sécurisée de certains patients : les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour des patients détenus ou encore les unités pour malades difficiles (UMD) pour les patients dangereux.

● En définitive, l’offre de soins de secteur et hors secteur assure aux patients l’accès aux soins psychiatriques et, quoique le secteur comprenne une dimension géographique réputée couvrir les besoins de la population domiciliée du territoire, il ne saurait faire obstacle à l’application du principe à valeur législative de libre choix par le patient de son lieu de soins.

Ce principe figure à l’article L. 3211‑1 du code de la santé publique, qui dispose que « toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques ou sa famille dispose du droit de s’adresser au praticien ou à l’équipe de santé mentale, publique ou privée, de son choix, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du secteur psychiatrique correspondant à son lieu de résidence ».

3.   La psychiatrie et la santé mentale : entre concurrence et complémentarité

De nombreux experts rencontrés par la mission d’information ont souhaité attirer l’attention des rapporteures sur un glissement sémantique entre la psychiatrie et le concept plus global de santé mentale.

Alors que la psychiatrie désigne la discipline médicale spécialisée dans le diagnostic et le traitement voire la prévention des maladies mentales et troubles du psychisme répertoriés au sein de la classification internationale des maladies ; la santé mentale est un concept qui désigne une notion de bien être subjectif des individus, qui n’est pas directement corrélée à l’existence ou non d’un diagnostic psychiatrique. Selon le sociologue Alain Ehrenberg, entendu dans le cadre de la mission d’information, l’essor du concept de santé mentale est étroitement lié à l’émergence d’une « économie du bonheur », dont témoigne le succès des ouvrages de développement personnel, des conseillers de vie, ou encore des objets connectés visant à renforcer le pouvoir d’agir des individus dans un sens réputé augmenter leur bien-être, leur santé et leur bonheur individuel. Le bien-être et la santé mentale, feraient, toujours selon le sociologue, l’objet d’une attention médiatique et politique croissante, dont atteste la progressive substitution conceptuelle de la santé mentale à la psychiatrie dans le vocabulaire administratif des politiques publiques de la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cette évolution répondrait à un objectif ambitieux de faire évoluer le modèle binaire de la psychiatrie qui oppose les catégories sain ou malade, vers un modèle plus holistique de bien-être et de bonheur des individus quelles que soient leurs différences, et notamment leurs maladies.

Selon le sociologue Alain Ehrenberg, ainsi que de nombreux acteurs rencontrés par la mission d’information, au rang desquels figurent l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam), la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (Fnapsy), mais également de nombreux psychiatres et chercheurs, cette substitution conceptuelle ne serait pas neutre et alimenterait une dérive que d’aucuns qualifient de « santé mentalisation » de la psychiatrie. Le concept de santé mentale est vaste et holistique, il s’attache prioritairement à renforcer le pouvoir d’agir de l’individu, reléguant les déterminants sociaux, économiques des maladies mentales, par une approche indifférenciée. La Drees rappelait lors de son audition qu’il est possible d’avoir une très mauvaise santé mentale sans être porteur d’une maladie psychique et inversement, avoir une bonne santé mentale tout en étant porteur d’une maladie psychique.

Le risque de cette évolution serait ainsi de relativiser la singularité d’une maladie psychiatrique au sein des motifs de souffrance psychique ou d’anxiété et de remettre en cause la compétence des psychiatres et de la psychiatrie pour le traitement de ces maladies. Par ailleurs, Alain Ehrenberg y voit également une dérive d’hyper responsabilisation des individus, faisant de la volonté individuelle le facteur principal de la santé et du bien-être, devant le déterminisme de la maladie. Cette approche serait déstabilisante pour la société dans la mesure où l’injonction à la performance individuelle et à l’affirmation de soi fragilise les individus ([36]), en particulier pour les personnes dépressives ([37]), qui ne sont pas tant considérés comme des malades que comme des personnes manquant de volonté, voire de responsabilité.

La France fait le choix de conserver les deux notions, qui sont accolées dans la dénomination de la délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie créée en 2019. La politique de santé mentale est donc plus globale que la seule psychiatrie, qui s’intègre dans cet ensemble comprenant la santé mentale et visant à renforcer le bien-être de tous, y compris les malades psychiatriques.

C.   Il n’existe pas de parcours type d’un patient pris en charge en urgence psychiatrique

Les rapporteures constatent que la prise en charge psychiatrique par les services d’urgences hospitaliers repose sur des modes d’organisation variés, sollicitant plus ou moins ces services, notamment selon l’existence ou non d’une filière psychiatrique dédiée au sein des urgences, de ressources humaines médicales et non médicales spécialisées, de l’offre de soins sur le territoire et en particulier de la disponibilité de lits d’hospitalisation en aval des urgences, de la présence éventuelle d’un CAC ou d’un CAP y compris dans les cliniques privées.

● L’accueil des urgences psychiatriques converge de plus en plus vers les services d’accueil d’urgence (SAU) des hôpitaux non spécialisés en psychiatrie, y compris s’agissant des urgences pédiatriques. Leur prise en charge a lieu par un point d’entrée unique des urgences relatives à un trouble somatique et à un trouble psychiatrique pour répondre à la nécessité d’exclure une cause somatique avant d’aborder la prise en charge proprement psychiatrique.

Une fois le patient examiné par un médecin urgentiste, il est vu par un psychiatre qui peut éventuellement prescrire des soins au cours du temps passé aux urgences (prescription médicamenteuse, isolement, contention). Il peut également l’orienter vers :

– un retour au domicile en lui indiquant le suivi à réaliser en ambulatoire (auprès d’un psychologue, d’un psychiatre, du CMP) ;

– une hospitalisation (à temps partiel, à temps plein, nécessitant éventuellement un transfert dans un autre établissement), de courte durée (de 48 à 72 heures au sein d’un CAC, d’un CAP, d’une unité dédiée au sein de l’hôpital ou d’un autre établissement), immédiate ou différée ;

– la mise en œuvre de soins sans consentement lorsque le patient présente un danger pour lui-même ou pour les autres et que son état ne lui permet pas de consentir aux soins.

● Les modes d’organisation des SAU sont variés. Leur organisation dépend du contexte de chaque établissement et, à titre principal, des moyens dédiés à la prise en charge psychiatrique aux urgences.

Ainsi, tous les SAU ne disposent pas d’une équipe dédiée de psychiatres affectés à la filière psychiatrique des urgences. La présence d’une telle équipe médicale dédiée au sein des urgences est un cas de figure plus fréquemment rencontré dans les centres hospitaliers universitaires (Lille, Lyon, Marseille par exemple). Dans le cas contraire, la prise en charge psychiatrique aux urgences est assurée par l’équipe de psychiatrie de liaison rattachée au centre hospitalier du secteur spécialisé en psychiatrie. Dans ce cas, la permanence des soins pendant les soirées, nuits et fins de semaine est assurée ([38]) :

– à distance par une ligne d’astreinte (33 % des cas) ;

– par une garde sur place (24 % des cas) ;

– par une ligne d’astreinte à distance et une ligne de garde sur place (43 % des cas).

Certains établissements ont développé des organisations encore différentes. Le SAU de l’hôpital européen Georges-Pompidou n’a pas de ligne de garde de psychiatre entre 18 h 30 et 9 heures du matin, mais il a déployé des antennes de psychiatrie de liaison entre chaque service de l’hôpital (en médecine, chirurgie et obstétrique) et la psychiatrie de liaison. Ainsi chaque service d’hospitalisation dispose-t-il d’un binôme référent composé d’un psychiatre et d’un psychologue.

Pour les SAU les mieux dotés et disposant d’une filière psychiatrique développée au sein des urgences (comme au CHU de Lyon, Toulouse ou Marseille), des espaces dédiés aux patients psychiatriques sont prévus, avec des espaces de consultation réservés, des chambres sécurisées au sein de l’unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) attenante aux urgences, ainsi que des chambres permettant l’isolement et la contention des patients dans des conditions adaptées.

Le parcours de soins peut alors être complété d’une première consultation paramédicale auprès d’un infirmier spécialisé précédant l’examen par le psychiatre et, à la sortie du patient, d’une consultation post-urgence dont le rendez-vous est donné avant la sortie pour limiter les risques de rupture de soins, comme à l’hôpital Édouard Herriot aux Hospices civils de Lyon.

De nombreuses plateformes téléphoniques de réponse aux situations d’urgence psychiatrique se sont développées au cours des dernières années, au premier rang desquelles figurent les services d’accès aux soins (SAS) psychiatriques. Ces SAS psychiatriques permettent, notamment dans les métropoles, de compléter la filière psychiatrique des urgences par une meilleure régulation préalable de la demande vers le mode de prise en charge le plus adapté à l’état du patient, et d’éviter ainsi un sur-recours aux services d’urgences.

● L’accueil par les SAU est parfois complété par les CAC et CAP lorsque les patients peuvent s’y rendre en première intention, comme c’est le cas à Marseille avec le CAP 48 des urgences de la Timone ou avec le CAP 72 du centre hospitalier psychiatrique Édouard Toulouse. Les établissements publics et privés à but non lucratif ont développé des modalités diverses d’organisation conformément au cadre relativement souple permis par l’article D. 6124‑26‑6 du code de la santé publique.

Les CAC et CAP accueillent dans des proportions très variables selon les modes d’organisation retenus à la fois les patients qui se présentent spontanément et les patients adressés. Lorsque la filière psychiatrique des urgences générales est très structurée, le CAC ou le CAP ne reçoit pas les patients en première intention mais uniquement à la suite d’un adressage par les urgences : il joue alors un rôle d’unité d’hospitalisation de courte durée. Certains professionnels entendus par la mission d’information évoquent à cet égard l’image d’une urgence « refroidie », c’est-à-dire dont les manifestations les plus aiguës ont été contenues (CAC de l’hôpital Sainte-Anne à Paris, CAC des urgences de l’hôpital Nord à l’Assistance publique - Hôpitaux de Marseille). Lorsque les patients se présentent d’eux-mêmes et que leur état nécessite une hospitalisation, ils doivent nécessairement être examinés par un médecin dit « somaticien ». Il peut s’agir d’un médecin urgentiste mais également d’un généraliste dans certains cas. Ce mode d’organisation complète la prise en charge psychiatrique par les services d’urgences générales.

● La prise en charge des urgences relevant de la pédopsychiatrie est dans la grande majorité des cas assurée par la pédopsychiatrie de liaison, sans équipe ni lit dédié au sein de la filière psychiatrique des urgences, y compris dans les CHU, notamment quand les patients arrivent par les urgences pédiatriques. En cas d’hospitalisation, les patients sont hébergés au sein des services de pédiatrie sous la responsabilité de l’équipe de pédopsychiatrie de liaison. Il arrive cependant, de plus en plus souvent, que les patients de pédopsychiatrie soient hospitalisés dans un secteur adulte, faute de place disponible en pédiatrie ou lorsqu’ils sont adolescents, y compris dans une unité fermée du secteur adulte.

La permanence des soins pendant les soirées, nuits et fins de semaine est assurée par un tableau unique regroupant la psychiatrie adulte et la pédopsychiatrie (73 % des cas) ou par deux équipes et deux tableaux distincts lorsque les effectifs de pédopsychiatres sont suffisants pour le permettre (27 % des cas) ([39]).

La plateforme « POP » de réponse aux problèmes psychiques des adolescents déployée par le centre hospitalier Le Vinatier

Le centre hospitalier spécialisé en psychiatrie Le Vinatier à Bron (Métropole de Lyon) a déployé en 2020 une plateforme d’appel destinée à répondre aux demandes concernant les enfants et les adolescents, nommée « POP ».

Elle s’adresse aux parents, aux adolescents et à tous les professionnels en lien avec cette population qui souhaitent un avis ou une prise en charge en cas de difficultés scolaires, de difficultés affectives, de troubles du comportement, de troubles de la communication ou du langage. L’objectif est d’apporter une réponse rapide et d’orienter vers une consultation lorsqu’elle s’avère nécessaire, en évitant des passages aux urgences causés par une prise en charge tardive ou inadaptée.

Sur 2 800 demandes adressées en 2023, 1 350 ont donné lieu à un rendez-vous dans l’un des quatre secteurs du territoire de la métropole. Il n’y a plus de file d’attente en 2024 alors que les délais de prise de rendez-vous pour les patients pouvaient atteindre un an avant l’ouverture de cette plateforme.

Exemple d’un parcours de patient en crise psychiatrique

Source : extrait du projet médical de l’Association de santé mentale du XIIIe arrondissement de Paris (ASM 13).

II.   La dégradation des indicateurs de santé mentale depuis 2020 se traduit dans les passages aux urgences

Les données recueillies par la mission d’information mettent en évidence au cours des dernières années une dégradation préoccupante de la santé mentale, qui touche notamment les jeunes gens et tout particulièrement les jeunes femmes. Cette détérioration s’accompagne d’une explosion des hospitalisations liées à un geste suicidaire ou à un sevrage suite à un usage de toxiques qui se généralise dans la population. Il en résulte une forte hausse d’activité au titre de l’urgence psychiatrique, unanimement décrite par les personnes rencontrées.

A.   Une dégradation de la santé mentale de la population est observée depuis 2020

1.   La santé mentale de la population se détériore depuis 2020

Les rapporteures ont été alertées à de multiples reprises de la détérioration de la santé mentale de la population au cours des dernières années. Elle est observée par les études sanitaires et épidémiologiques, à l’image du baromètre Santé publique France 2021 qui mesure l’augmentation de la prévalence des épisodes dépressifs à l’issue des périodes de confinement ([40]). Selon cette étude, 13,3 % des 18‑75 ans avaient présenté, en 2021, un épisode dépressif au cours des douze derniers mois, contre 9,8 % en 2017, soit une augmentation de 3,5 points. Cette hausse de la prévalence des épisodes dépressifs concerne tous les segments de population. Mais elle est particulièrement marquée chez :

– les 18‑24 ans, avec une croissance de plus de 77 % entre 2017 (11, 7 %) et 2021 (20,8 %). Une étude de l’Université de Bordeaux montre qu’en 2023, 41 % des étudiants bordelais présentaient des symptômes dépressifs (+ 15 points en quatre ans), tandis que les idées suicidaires concernent sur la même période une fraction de la cohorte examinée passée de 21 % à 29 % ([41]) ;

– les femmes ;

– les personnes seules et les familles monoparentales ;

– les personnes en difficulté financières et au chômage.

Santé publique France a également comparé les hospitalisations à la suite d’une tentative de suicide en 2020 et durant la première partie de l’année 2021 avec celles des années précédentes, notamment pour estimer l’impact de la pandémie sur la santé mentale. En 2020, le taux estimé de ces hospitalisations tous âges confondus atteignait 13,3 pour 10 000 personnes (contre 14,8 en 2019 et 15,2 en 2018), soit 68 556 personnes hospitalisées à ce titre en 2020 contre 75 932 en 2019. Lors du premier confinement, le taux observé était inférieur à la moyenne relevée entre 2017 et 2019. En revanche, il a augmenté chez les 11‑24 ans jusqu’à devenir significativement supérieur à cette moyenne après le deuxième confinement.

Nombre hebdomadaire de passage aux urgences pour geste suicidaire tous âges confondus entre 2021 et 2024

Source : Santé publique France, Santé mentale, point mensuel, 13 mai 2024.

En 2021, une forte hausse de la prévalence de l’épisode dépressif caractérisé déclaré au cours des douze derniers mois

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Source : baromètre Santé publique France 2021.

Indicateurs clés sur la santé mentale mis en place depuis la crise de la covid‑19

Santé publique France a procédé à près de 64 relevés épidémiologiques hebdomadaires dédiés à la santé mentale lors de la crise sanitaire liée à la covid‑19.

L’enquête Coviprev de 2023, qui porte sur la prévalence des troubles dans la population générale adulte, l’estime à 16 % concernant les états dépressifs, 23 % concernant les états anxieux, 71 % pour les problèmes de sommeil et 10 % pour les pensées suicidaires.

L’enquête Enabee de 2022, portant sur les enfants âgés de 6 à 11 ans, montre que 13 % d’entre eux connaîtraient un trouble probable de la santé mentale, 5,6 % un trouble émotionnel probable, 6,6 % un trouble oppositionnel et 3,2 % un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité.

L’enquête Population générale, également produite en 2022, fait état de 81 025 passages aux urgences pour gestes suicidaires, de 89 251 hospitalisations au sein des services généralistes de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) pour tentatives de suicide et de 8 958 décès par suicide enregistrés en France métropolitaine.

2.   L’évolution de la consommation de psychotropes chez les adolescents et les jeunes adultes est préoccupante

En écho à la dégradation de la santé mentale des Français et plus particulièrement des plus jeunes, la consommation de médicaments psychotropes ([42]) chez les adolescents et les jeunes adultes a augmenté de façon inquiétante au cours des dernières années.

Dans le sillage d’un rapport alarmant du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) qui portait sur les années 2014 à 2021 ([43]), la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), dans un rapport sur l’évolution des charges et des produits au titre de 2025, dresse un panorama de la consommation de psychotropes chez les jeunes gens ([44]).

● Ce rapport montre qu’en 2023, 936 000 jeunes gens de 12 à 25 ans ont bénéficié du remboursement d’au moins un psychotrope. Cela correspond à près de 144 000 patients de plus qu’en 2019, soit une augmentation de 18 %. Dans le même temps, la population de cette tranche d’âge n’a augmenté que de 3 %.

Le nombre de jeunes gens de 12 à 25 ans ayant bénéficié du remboursement d’au moins un psychotrope était pourtant en légère baisse entre 2015 et 2020, avant de connaître à partir de septembre 2020 une nette augmentation qui s’est élevée à 12 % en 2021. Après une année 2022 marquée par une quasi-stabilité (+ 1 %), l’augmentation a repris à 5 % en 2023.

Nombre d’adolescents et de jeunes adultes (12-25 ans) sous psychotropes et remboursements associés, entre 2015 et 2023

Source : Caisse nationale de l’assurance maladie.

● Cette dynamique est d’autant plus remarquable qu’elle est spécifique à cette tranche d’âge. Entre 2019 et 2023, le taux de personnes sous psychotropes a ainsi augmenté de 15 % dans cette population (passant de 71 à 81 jeunes pour 1 000), alors qu’il a diminué de 1 % chez les 26 à 60 ans.

Si elle s’observe pour l’ensemble des catégories de psychotropes, elle est, depuis la crise sanitaire, particulièrement importante pour les antidépresseurs, les hypnotiques et les antipsychotiques. Entre 2019 et 2023, les effectifs traités par antidépresseurs ont connu une progression importante de 60 %, soit 143 600 jeunes gens supplémentaires. Les anxiolytiques, sont à la fois les médicaments psychotropes les plus fréquemment prescrits aux jeunes mais aussi ceux dont la consommation a le moins progressé depuis 2015.

● La Caisse nationale de l’assurance maladie relève que les filles sont à l’origine de l’essentiel de la dynamique observée. Alors que le nombre de filles âgées de 12 à 25 ans auxquelles ont été délivrés des psychotropes a augmenté de 20 % entre 2019 et 2023, et même de 45 % pour celles âgées de 12 à 15 ans, les filles représentent désormais 62 % des jeunes gens de 12 à 25 ans sous psychotropes.

● Enfin, la Cnam précise que les remboursements de ces médicaments sont également de plus en plus importants, passant de 45,2 millions d’euros en 2019 à 63,7 millions d’euros en 2023 (+ 41 %) malgré certaines baisses de prix.

3.   La souffrance psychique se traduit dans une hausse de l’activité d’urgence depuis fin 2020, principalement dans le secteur public

Santé publique France observe une augmentation de l’activité des services d’urgences pour les troubles de l’humeur, les idées suicidaires et en particulier les gestes suicidaires depuis l’épidémie de covid‑19 ([45]). Cette tendance est marquée chez les adolescents âgés de 11 à 17 ans et les jeunes adultes âgés de 18 à 24 ans.

● Les consultations pour motif psychiatrique dispensées dans les services d’accueil des urgences hospitaliers sont en hausse constante depuis 2020. L’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih), mobilisant des données de codage de l’activité hospitalière ([46]), recense 566 000 passages aux urgences pour motif psychiatrique en 2023 (soit 2,7 % des passages) contre 466 000 en 2019, soit une hausse de plus de 21 % sur la période. L’accroissement des consultations aux urgences pour motif psychiatrique est plus de deux fois supérieur à la progression de l’activité globale des urgences entre 2019 et 2023 (+ 2,7 % contre + 1,1 %). La prise en charge des urgences psychiatriques est assurée par le secteur public au sein des services d’urgences générales des CHU, par les centres hospitaliers ainsi que par les établissements privés à but non lucratif.

 Cette activité reste majoritairement assurée par le secteur public et le secteur privé à but non lucratif. Ils assurent à eux seuls 88 % des prises en charge psychiatriques au sein des SAU et 80 % de l’activité au sein des CAC.

Si les cliniques ne participent pas à la prise en charge psychiatrique au sein des SAU, elles sont responsables d’une part croissante de l’activité au sein des CAC, dont la progression est en effet portée par le secteur privé lucratif alors que la part du secteur public baisse tendanciellement. Si les capacités d’accueil en CAC ont triplé entre 2020 et 2022 dans le secteur privé lucratif, le nombre de places totales disponibles conduit à relativiser cette tendance. En effet, les capacités d’accueil en CAC dans le secteur privé lucratif étaient de seulement 40 places en 2020 et sont de 135 places depuis 2022. L’activité des CAC du secteur privé lucratif a été multipliée par 3,5 entre 2020 et 2022.

Quant au privé non lucratif, selon la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires (Fehap), cinq des établissements psychiatriques qu’elle représente mettent à disposition des services d’accueil des urgences des effectifs médicaux et non médicaux pour la mission d’urgence psychiatrique. Ces partenariats sont encadrés par des conventions, conformément à l’obligation issue du décret du 29 décembre 2023 ([47]). En outre, deux établissements de la Fehap disposent d’un SAU propre accueillant des urgences psychiatriques. Cette contribution du secteur privé non lucratif à la prise en charge psychiatrique par les services d’urgences reste cependant très minoritaire.

● La prise en charge des urgences psychiatriques est donc principalement le fait des SAU des hôpitaux. Ils représentent près de 75 % de l’activité de psychiatrie d’urgence avec 566 000 passages en 2023, contre 25 % de l’activité réalisée au sein des CAC (196 000 passages en 2022).

L’activité de psychiatrie d’urgence au sein de SAU et des CAC est en hausse de plus de 20 % depuis 2019, passant de 630 000 consultations au total en 2019 à 762 000 en 2022‑2023.

Nombre de passages aux urgences pour motif psychiatrique en 2023
par catégorie de structure d’accueil

Source : données Atih 2023 pour la mission d’information.

● La progression du taux du recours est particulièrement notable pour les adolescents et les jeunes adultes ([48]). Pour les patients âgés de 13 à 17 ans, il s’élève en 2023 à 15 passages pour 1 000 habitants contre 10 en 2019. Pour les jeunes adultes âgés de 18 à 24 ans, ce taux est de 15 passages pour 1 000 habitants contre 11 en 2019.

En fin de compte, le recours aux urgences pour motif psychiatrique a fortement progressé depuis 2019. En 2023, on dénombrait 8 passages pour 1 000 habitants tous âges confondus. Cela représente une progression de plus d’un passage pour 1 000 habitants en seulement quatre ans.

Taux de recours aux urgences pour motif psychiatrique par classe d’âge entre 2019 et 2023 Source : données Atih 2023 pour la mission d’information.

● L’activité des CAC et CAP témoigne également de la croissance du nombre des urgences en psychiatrie, alors que les places dans ces services ont augmenté de près de 20 % depuis 2019. Cela signifie que la hausse du recours aux urgences pour motif psychiatrique dans les SAU ne résulte pas d’un report de l’activité des CAC, mais que cette tendance se confirme dans l’ensemble des structures accueillant des urgences psychiatriques.

Évolution du nombre de places d’accueil en centres de crise par catégorie de structure d’accueil

Source : données Drees 2023 pour la mission d’information.

Évolution du nombre de journées d’accueil en centre de crise
par catégorie de structure d’accueil

Source : données Drees 2023 pour la mission d’information.

B.   La croissance de l’activité d’urgence psychiatrique est notamment induite par le fort niveau de recours des jeunes gens et, en particulier, des jeunes femmes

1.   La détresse psychique des jeunes se traduit dans l’augmentation du recours aux urgences

Selon l’Atih, un tiers des passages aux urgences en 2023 pour motif psychiatrique concernaient les mineurs. Le recours croissant des enfants aux urgences psychiatriques est particulièrement marqué depuis fin 2020. Cette tendance se retrouve également dans les hospitalisations pour motif psychiatrique des enfants âgés de 13 à 24 ans : en progression chaque année, elle dépasse la projection pour la classe d’âge 1317 ans depuis fin 2020. L’augmentation simultanée du recours aux urgences et du taux d’hospitalisation pour motif psychiatrique écarte l’hypothèse d’un recours aux urgences non pertinent pour ces patients.

Répartition des passages aux urgences pour motif psychiatrique
en 2023 selon la classe d’âge des patients

Source : données Atih 2023 pour la mission d’information.

Augmentation du taux de recours à l’hospitalisation en psychiatrie des adolescents et jeunes adultes âgés de 13 à 24 ans depuis 2020

Source : données Atih 2023 pour la mission d’information.

2.   Les urgences liées à un geste auto-infligé chez les femmes de 10 à 19 ans ont augmenté de 133 % depuis 2020 et de 570 % depuis 2007

● Selon les données transmises par la Drees ([49]), les hospitalisations de jeunes femmes âgées de 10 à 19 ans pour lésion auto-infligée ont plus que doublé entre 2019 et 2021. Dès la fin de l’année 2020, le taux de syndromes dépressifs s’élevait à 19 % chez les 15‑24 ans, touchant en particulier les jeunes femmes. Près d’une jeune femme sur quatre était concernée par un syndrome dépressif, soit 50 % de plus qu’au cours de l’année 2019, et plus d’une sur dix souffrait d’un syndrome majeur, soit une hausse de 270 % par rapport à 2019.

Les hospitalisations liées aux gestes auto-infligés (tentatives de suicide et auto-agressions) chez les jeunes femmes âgées de 10 à 19 ans ont progressé de 133 % depuis 2020 et de 570 % depuis 2007 ([50]). Pour les hommes de la même classe d’âge, l’augmentation est moindre mais reste préoccupante : + 110 % entre 2020 et 2022 et + 246 % entre 2008 et 2022.

Pour les jeunes femmes âgées de 20 à 29 ans, ces hospitalisations ont progressé de 64 % entre 2020 et 2022 et de près de 300 % (298 %) entre 2008 et 2022. Pour les hommes de même âge, elles ont respectivement augmenté de 65 % et 172 % au cours des mêmes périodes. En outre, elles présentent une sévérité supérieure à celle constatée avant la crise, en justifiant des journées d’hospitalisation plus fréquentes dans un service de soins intensifs en raison de passages à l’acte plus violents et du recours plus répandu à des moyens létaux ([51]).

hospitalisations en psychiatrie pour des lésions auto-infligées depuis 2008

Source : Drees, L’état de santé de la population en France, n° 122, septembre 2022.

Si la Drees observe des phénomènes similaires aux États-Unis et en Allemagne, les rapporteures alertent quant à cette augmentation préoccupante des tentatives de suicide et face à la dégradation marquée de la santé mentale chez les jeunes filles et les jeunes femmes. Elles posent avec une forte acuité la question de la bonne prise en charge de celles-ci.

« Quand j’ai commencé en pédopsychiatrie, il y avait une tentative de suicide par semaine et trois à quatre par mois, maintenant c’est plusieurs par jour. »

Audition du Pr Philippe Duverger, chef de service au CHU d’Angers.

● Il est toutefois intéressant de relever que l’exercice 2020 s’apparente à une année de rupture marquée par une amélioration des indicateurs de santé mentale. Il n’existe pas de consensus scientifique sur les effets des confinements sur la santé mentale ; il semble que le premier confinement ait joué un rôle de préservation de la santé psychique des personnes, précédant une phase de nette dégradation à son issue.

En effet, selon la Drees, le nombre de gestes suicidaires – suicides et tentatives de suicide – a baissé lors des deux premiers confinements en 2020 ([52]). Par ailleurs, les décès ont baissé de respectivement 20 % et 8 % lors de ces deux mêmes confinements par rapport aux projections. Les hospitalisations en court séjour pour lésions auto-infligées, utilisées pour estimer le nombre d’hospitalisations pour tentatives de suicide, ont diminué de 10 % en 2020 par rapport à la période 2017‑2019. Les passages aux urgences pour ces mêmes gestes ont également diminué en 2020 par rapport à la période 2018‑2019, bien que ceux liés à des idées suicidaires aient progressé simultanément.

Les passages aux urgences pour geste suicidaire des 11‑17 ans et des 18‑24 ans observés en 2020 étaient stables voire inférieurs à l’activité constatée en moyenne sur la période 2018‑2019. Mais la forte augmentation constatée à partir de 2021 se poursuit dans les données d’activité de 2022 ([53]).

Nombre de passages aux urgences pour geste suicidaire des 11-17 ans

 

 

 

 

 

 

Source : Santé publique France pour la mission d’information.

Nombre de passages aux urgences pour geste suicidaire des 18-24 ans

 

 

 

 

 

 

 

Source : Santé publique France pour la mission d’information.

C.   Une croissance marquée des passages aux urgences et des hospitalisations pour sevrage, en particulier pour les patients Âgés de 40 à 59 ans

Selon l’Atih, 234 000 patients ont été pris en charge en 2022 au sein des SAU hospitaliers pour un motif psychiatrique, dont près de 20 % (46 000 patients) ont nécessité un sevrage ([54]). Ces 46 000 patients ont à eux seuls occasionné 146 000 séjours, soit une moyenne légèrement supérieure à trois séjours par patient. Ces séjours pour sevrage sont en hausse de 6,6 % par rapport à 2019, soit une progression de 25 000 séjours. L’augmentation des hospitalisations pour sevrage au sein des hôpitaux généraux est donc plus rapide que l’augmentation totale des séjours pour motif psychiatrique.

Cette hausse des hospitalisations en dehors des services de psychiatrie, liée à un sevrage ou une intoxication est vérifiée chaque année depuis 2017, quel que soit le statut de l’établissement (public ou privé) ([55]).

La hausse des hospitalisations pour intoxication est particulièrement marquée entre 2022 et 2023. En effet, elles ont augmenté de 7,4 % dans les établissements du secteur public et de 14,9 % dans les établissements du secteur privé lucratif en un an. Les hospitalisations pour sevrage ont progressé de 12,2 % dans les établissements du secteur public et de 7, 4 % dans les établissements du secteur privé lucratif sur la même période (2022-2023).

Dans le secteur public, la hausse des séjours pour sevrage entre 2022 et 2023 s’explique pour moitié par la forte dynamique d’hospitalisation des patients âgés de 40 à 59 ans (+ 50 %) – il s’agit de la classe d’âge la plus représentée dans les hospitalisations pour sevrage – puis par celle des patients âgés de 25 à 39 ans (+ 26 %). Dans les établissements du secteur privé lucratif, la hausse des séjours pour sevrage entre 2022 et 2023 s’explique majoritairement par l’augmentation des séjours de patients âgés de 25 à 39 ans (+ 43 %) et des patients âgés de 40 à 59 ans (+ 40 %).

 

« Sur les 80 000 passages par an que nous relevons aux urgences, dont 7 000 relèvent de la psychiatrie, nous observons un nombre croissant de décompensations psychiatriques liées à la consommation d’alcool, de cocaïne, de cannabis et de nouvelles drogues de synthèse [...]. 50 % des comorbidités addictives sont associées à un diagnostic psychiatrique, mais 50 % ne relèvent que de l’addictologie et ne sont pas psychiatriques [...]. Ainsi, les urgences deviennent des chambres de dégrisement avant une évaluation psychiatrique. »

Dr Pauline Guillemet-Senkel, médecin responsable des urgences psychiatriques, visite des urgences de l’hôpital Édouard Herriot à Lyon.

La part croissante des passages aux urgences consécutifs à une intoxication due à une consommation de stupéfiants a été corroborée par la majorité des équipes soignantes rencontrées. Ces prises en charge sont particulièrement complexes s’agissant des intoxications par drogues de synthèse, fréquemment associées à des comportements violents et extrêmes des patients envers les soignants et les autres patients. Elles sont régulièrement accompagnées de dégradations de biens matériels. Selon l’ampleur locale du phénomène et les infrastructures disponibles, certains services réservent une à deux chambres, en particulier les chambres d’isolement lorsqu’elles existent, pour contenir ces patients et protéger les autres de leur agitation. De telles organisations sont toutefois dépendantes des moyens à disposition. Elles sont loin d’être systématiques. Les métropoles comme Paris, Lyon et Marseille semblent particulièrement touchées par ces débordements. Lors du déplacement à Marseille, les rapporteures ont été sensibilisées aux conséquences directes de l’ampleur locale du trafic de drogue dans les quartiers nord, qui s’accompagne d’une part plus importante de patients sous l’emprise de stupéfiants se rendant aux urgences psychiatriques de l’hôpital Nord que dans d’autres quartiers.

« Il y a entre 40 % et 50 % de comorbidités psychiatriques en lien avec les conduites addictives. On assiste à une flambée de l’usage des drogues et des nouvelles drogues : c’est un tsunami. Les patients qui arrivent sous l’emprise de ces drogues aux urgences sont tellement violents qu’on ouvre la porte du service et on les laisse partir. »

Audition du syndicat Samu-Urgences de France.

À cet égard, la classe d’âge des 40‑59 ans est la plus représentée dans les venues aux urgences générales pour motif psychiatrique en 2023, en hausse depuis 2019 ([56]), et 11 % de ces passages sont liés à l’utilisation de substances psychoactives. Cette classe d’âge se caractérise par ailleurs par une baisse tendancielle de recours aux soins psychiques, interroge d’autant plus que les travaux de l’Atih montrent que le nombre de patients âgés de 40 à 59 ans hospitalisés à temps complet continue de diminuer ([57]). En effet, selon les données transmises par l’Atih, entre 2019 et 2022 ([58]), le nombre de journées de présence en hospitalisation partielle et en hospitalisation complète en psychiatrie concernant des patients âgés de 40 à 59 ans a diminué en moyenne de 5,1 % par an.

Répartition des diagnostics principaux des passages aux urgences
pour motif psychiatrique en 2023 selon la classe d’âge

Source : données Atih 2023 pour la mission d’information.

« Aux urgences de la Timone, sur 6 000 passages par an, entre 2 000 et 2 500 relèvent de la psychiatrie pure sans prise de toxique, tous les autres surviennent dans un contexte de prise de toxiques : c’est cohérent avec la prévalence des addictions dans la population. »

Pr Michel Cermolacce, chef du pôle psychiatrie, visite des urgences de l’hôpital de la Timone, Assistance publique - Hôpitaux de Marseille.


 

L’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris, un établissement singulier mais également marqué par l’augmentation de l’usage de toxiques

L’Infirmerie psychiatrique de la préfecture de police (I3P ou IPPP) est un service médico-légal psychiatrique, unique en Europe, rattaché à la préfecture de police de Paris. Elle a pour mission d’accueillir les personnes présumées malades se trouvant sous la responsabilité des services de police des commissariats de Paris et des aéroports, représentant un danger imminent pour la société.

L’I3P a une capacité d’accueil de 16 places en chambres sécurisées et admet près de 2 000 personnes par an. Il s’agit majoritairement d’hommes, souvent en état de précarité (un tiers sont sans-abri), venant des commissariats où ils étaient en garde à vue et plus rarement directement après une interpellation sur la voie publique. L’admission se fait essentiellement entre 20 heures et 8 heures.

L’I3P accueille les personnes en chambre sécurisée, et procède à une évaluation psychiatrique dans un cadre médico-légal. La durée moyenne de séjour au sein de l’I3P est de 19 heures, correspondant au temps nécessaire à l’observation des patients et à leur évaluation psychiatrique, dans un contexte où près de 90 % des personnes admises sont sous l’emprise de substance psychoactives. Parmi ceux-ci, plus de 50 % sont sous l’emprise de drogues à effet psychostimulants (crack, cocaïne, MDMA, drogues de rue et drogues non répertoriées) associés à une exacerbation de l’agressivité et de la violence. L’admission en chambre sécurisée pour une durée correspondante à la dissipation des effets des drogues précède systématiquement l’examen médico-légal.

Cet examen psychiatrique permet d’établir si la personne présente une pathologie mentale aliénante ayant aboli le discernement et justifiant des soins, ce qui recouvre 50 % des cas, ou si la personne – même présentant d’autres troubles psychiques – dispose de son discernement et ne justifie pas d’hospitalisation, ce qui recouvre 50 % des cas.

« La consommation de drogues psychostimulantes a été démultipliée par rapport à l’époque où j’étais encore interne en psychiatrie. Ce qui était alors une rencontre épisodique est devenu la règle, c’est le nonusage qui est devenu rare et les comportements peuvent être très violents. Les services d’urgences ne sont pas adaptés pour prendre en charge ces patients et nous avons de plus en plus de patients en rupture de soins, en particulier chez les patients précaires et les poly-toxicomanes. »

Dr Vincent Mahé, médecin chef de l’I3P.

Dans le premier cas, la personne est transférée en vue d’une hospitalisation en psychiatrie, et dans de rares cas directement en unité pour malades difficiles (trois transferts directs en UMD en 2024). Dans le cas où l’état de la personne ne nécessite pas d’hospitalisation, elle est transférée vers les services de police pour la poursuite de sa garde à vue.


III.   Les services d’urgences deviennent par dÉfaut le point d’entrÉe dans les soins psychiatriques et sont rÉguliÈrement saturÉs

Alors que la réduction des capacités d’hospitalisation publiques s’accélère et que le manque de personnel se généralise, le fonctionnement déjà complexe des structures de prise en charge de l’urgence psychiatrique se dégrade. En raison des défaillances constatées en amont, les urgences générales deviennent trop souvent un point d’entrée dans les soins psychiatriques, à un stade avancé du trouble. En l’absence de solutions suffisantes en aval, ces urgences sont fréquemment embolisées et parfois assurées dans des conditions manifestement insatisfaisantes.

A.   L’effondrement des capacités d’hospitalisation publiques en psychiatrie n’est pas compensé par l’essor du secteur privé lucratif

1.   Le « virage ambulatoire », qui a réduit les capacités d’hospitalisation à temps complet de près de 7 000 places en quinze ans, affecte principalement le secteur public

a.   La politique de diminution du nombre de places d’hospitalisation à temps complet touche également la psychiatrie

● L’évolution des capacités d’hospitalisation en psychiatrie prend place dans le contexte du « virage ambulatoire », qui résulte de politiques publiques favorisées par des évolutions médicales. Elle traduit l’évolution structurelle des prises en charge vers des alternatives à l’hospitalisation complète, limitant le temps de séjour hospitalier.

La Cour des comptes a montré que, toutes spécialités confondues, le nombre de lits avait baissé de 23 % entre 2000 et 2022 pour l’ensemble des hôpitaux publics et privés ([59]). Cette baisse a été particulièrement intense dans les dernières années, avec près de 20 000 lits disparus entre 2019 et 2022, et dynamisée par des fermetures temporaires liées à un manque de personnel ([60]). Selon les dernières études de la Drees, cette tendance se poursuit en 2023 (– 1,3 %) ([61]), comme c’était déjà le cas en 2022 (– 1,8 %) ([62]) et en 2021 (– 1,4 %). Elle reste plus rapide qu’avant la crise sanitaire, quand elle atteignait en moyenne – 0,9 % par an entre 2013 et 2019 ([63]).

● La psychiatrie n’échappe pas à ce virage. Elle a été marquée dans les années 1970 par une réforme de la sectorisation censée rompre avec l’hospitalo-centrisme, qui a conduit, dans les établissements publics et privés à but non lucratif, à des réductions capacitaires accompagnées du développement d’alternatives à l’hospitalisation.

La Drees montre qu’en France, le capacitaire d’hospitalisation à temps complet en psychiatrie a baissé de 6,1 % entre 2008 et 2019, puis de 4,9 % entre 2019 et 2022 ([64]). Il a ainsi perdu 4 000 lits entre 2008 et 2019, passant de 65 600 à 61 308 lits ([65]) –, puis de 2 740 lits supplémentaires pour se restreindre à 58 568 lits fin 2022 ([66]). Le système de soins psychiatrique français a donc connu une perte nette de près de 7 000 places (6 741) de temps complet en quinze ans.

Parallèlement à cette réduction des capacités de prise en charge à temps complet, le virage ambulatoire a conduit à créer 1 700 places d’accueil à temps partiel entre 2008 et 2019, suivie de 160 autres entre 2019 et 2022. Près de 2 000 nouvelles places sont donc apparues en quinze ans.

La diminution des capacités d’accueil à temps complet n’a donc pas été compensée à due concurrence par les créations de places d’accueil à temps partiel dans le cadre du « virage ambulatoire ».

Cette perte nette résulte de dynamiques contraires entre les établissements participant au service public et ceux relevant du secteur privé lucratif. En effet, alors que le service public a fortement contribué aux fermetures de lits, les établissements du secteur privé ont augmenté leurs capacités d’accueil à temps complet, sans toutefois que cette dynamique enraye la diminution globale constatée.

b.   La réduction du capacitaire d’hospitalisation à temps complet résulte de la fermeture de près de 9 000 places de psychiatrie dans les hôpitaux publics depuis 2008

Entre 2008 et 2022, 8 816 places d’hospitalisation à temps complet de psychiatrie ont fermé dans les établissements publics et 1 567 s’agissant des établissements privés à but non lucratif ([67]), soit 10 383 places fermées dans ces deux catégories. Comme pour les autres spécialités, cette contraction observée en psychiatrie semble, depuis le début de la crise sanitaire, s’intensifier et être moins liée à une politique active qu’être le fait du manque de personnels soignants.

Cette tendance est particulièrement préoccupante : la Drees montre que la baisse du capacitaire s’accélère en psychiatrie en 2023 ( 2,4 %, contre  1,7 % en 2022 et  0,9 % en 2021) alors que, pour les autres spécialités, celui-ci décroît à un rythme moins rapide ( 1,3 % en 2022 contre  1,8 % en 2022) ([68]). La baisse intervenue en psychiatrie provient principalement du secteur public, qui a perdu 1 300 lits, soit  4,2 %, dont 700 lits de centres hospitaliers spécialisés ( 3,7 %) et 500 lits de centres hospitaliers ( 5,9 %).

Évolution des capacités d’hospitalisation à temps complet en psychiatrie de 2008 à 2022 ([69])

 

2019

Variation 2019‑2022

2022

Variation 2008‑2022

Places de prises en charge à temps complet

61 308

– 2 740

58 568

 6 741

Public

38 432

 2 923

35 509

 8 816

Privé lucratif

14 770

705

15 475

3 664

Privé non lucratif

8 084

 500

7 584

 1 567

Dont lits d’hospitalisation à temps plein

54 535

– 2 337

52 198

– 5 314

Public

33 238

 2 443

30 795

 7 477

Privé lucratif

14 408

448

14 856

3 451

Privé non lucratif

6 889

 342

6 547

 1 288

Source : Drees.

La baisse du nombre de places de prise en charge à temps complet est principalement liée à la réduction du nombre de lits d’hospitalisation à temps plein

L’hospitalisation à temps plein est la principale composante de l’hospitalisation à temps complet, qui intègre également les places d’accueil familial thérapeutique, les lits en centre de postcure, les places en appartement thérapeutique, les places d’hospitalisation à domicile et les places d’accueil en centre de crise.

La réduction du capacitaire global de prise en charge à temps complet a concerné toutes les formes de prises en charge, mais le nombre de lits d’hospitalisation à temps plein a plus fortement contribué à cette baisse en raison de son poids prépondérant puisqu’il représente 89 % de l’ensemble. Ce sont près de 3 300 lits d’hospitalisation à temps plein qui ont fermé dans les hôpitaux du service public sur la période 2008‑2019 ([70]), réduisant la capacité disponible de près de 57 700 lits à 54 535, puis 2 2 337 autres lits ont été fermés entre 2019 et 2022 pour établir les disponibilités à 52 198 lits ([71]).

La réduction des capacités d’accueil en hospitalisation à temps plein résulte elle-même des évolutions qu’a connues le service public, entendu comme les établissements publics et les établissements privés à but non lucratif. En effet, sur la période 2008‑2022, le secteur public a perdu 7 477 lits et le secteur privé à but non lucratif près de 1 288 autres, soit 8 765 fermetures de lits. Inversement, le secteur privé à but lucratif a connu une forte augmentation de son capacitaire de lits d’hospitalisation à temps plein : 3 451 lits y ont été ouverts dans la même période ([72]).

Les capacités d’accueil alternatives au temps plein ont pour leur part diminué dans le secteur public comme le secteur privé, mais dans une proportion beaucoup moins importante que les lits d’hospitalisation à temps plein (environ – 1 000 lits dans le public, – 10 lits dans le privé à but lucratif et – 42 lits dans le privé à but non lucratif) ([73]).

Évolution du capacitaire de prise en charge à temps complet
en psychiatrie, de fin 2008 à fin 2022

Source : données Drees pour la mission d’information.

2.   Le secteur privé lucratif gère désormais plus du quart des séjours et du capacitaire en lits d’hospitalisation complète, dégageant une forte rentabilité

a.   Le capacitaire du secteur privé lucratif a augmenté de plus de 30 % entre 2008 et 2022

Parallèlement à la diminution des capacités d’hospitalisation complète en psychiatrie, la part relative du secteur privé à but lucratif a augmenté de 31 %, passant de 18 % à 26 % du capacitaire global entre 2008 et 2022 ([74]). À l’inverse, les capacités d’hospitalisation complète du secteur public ont diminué de 7,5 % sur la période. Alors que 68,2 % des lits d’hospitalisation complète relevaient du secteur public en 2008, cette part ne s’établit plus qu’à 63,1 % en 2019. À la différence de ce qui se produit dans les établissements publics, le nombre de lits d’hospitalisation a tendance à augmenter dans les établissements privés à but lucratif. Dans neuf départements ([75]), l’offre privée est d’ailleurs majoritaire et représente plus de la moitié des capacités d’hospitalisation à temps plein en psychiatrie générale ([76]).

Cette répartition capacitaire est cohérente avec la part relative de chaque secteur dans le nombre de journées d’hospitalisation à temps complet en psychiatrie. En 2022, selon l’Atih ([77]), elles avaient lieu à 60 % dans les établissements publics, à 27 % dans les établissements privés à but lucratif et à 13 % dans le secteur privé non lucratif.

Répartition du nombre de lits de prise en charge à temps complet
en psychiatrie, selon le statut juridique de l’établissement, de 2008 à 2019

Source : Drees pour la mission d’information.

b.   La dynamique d’activité d’hospitalisation complète en psychiatrie reflète l’évolution du capacitaire

Fort logiquement, la dynamique de réduction du capacitaire influence celle de l’activité réalisée. L’activité d’hospitalisation en psychiatrie, pour des prises en charge à temps complet comme à temps partiel, a connu une baisse entre 2008 et 2023. Le nombre de journées de prise en charge à temps complet a alors diminué de 7,9 %, passant de 21,0 millions à 17,3 millions, soit 81 % des journées, une part stable depuis 2017, en dehors de l’année 2020 où l’impact de la crise sanitaire l’a établi à 85 % ([78]). En 2023, près de 408 000 patients ont été pris en charge à temps complet (313 000) ou à temps partiel en psychiatrie, et les soins réalisés ont généré 21,5 millions de journées de présence à temps complet ou à temps partiel. Fait notable, les travaux de l’Atih montrent du reste que la part de femmes hospitalisées à temps complet dans la population française féminine dépasse celle des hommes ([79]), et que la hausse du nombre de femmes prises en charge à temps partiel, particulièrement forte entre 2022 et 2023 (+ 7,5 %) est plus soutenue que celle des hommes (+ 2,8 %).

Évolution de l’activité de psychiatrie à temps complet

Source : Atih, Analyse de l’activité hospitalière en psychiatrie, octobre 2024. RIM-P 2017 à 2023.

Le recul de l’activité de psychiatrie à temps complet est la conséquence de la baisse de l’hospitalisation à temps plein, avec une diminution de 6,4 % entre 2008 et 2019, ce qui représente une perte de 1,2 million de journées ([80]). Le recul de près de 8 % du nombre de journées de prise en charge à temps complet est cohérent avec la contraction de 7,5 % des capacités de prise en charge à temps complet dans le secteur public et le secteur privé non lucratif sur cette période. La forte baisse du nombre de journées est en effet le fait des établissements publics et privés à but non lucratif, qui représentent ensemble 75 % de l’offre de prise en charge à temps complet, en baisse respectivement de 15,8 % et 15,3 %.

À l’inverse, l’activité des établissements de santé privé à but lucratif, qui comptent pour le quart de l’offre de prise en charge à temps complet, a augmenté de 23,5 % entre 2008 et 2019 ([81]). La Fédération de l’hospitalisation privée Psychiatrie (FHP Psy) indique que les cliniques privées, attendent une augmentation de 4,7 % par an de leur activité d’hospitalisation sur la période 2022-2027.

c.   La psychiatrie est devenue la discipline la plus rentable du secteur privé lucratif

● Le dernier panorama des établissements de santé publié par la Drees montre une situation financière des cliniques privées bien plus favorable que celle des hôpitaux publics ([82]).

Les comptes financiers des hôpitaux publics se sont fortement dégradés en 2022. Leur déficit s’est creusé de 415 millions d’euros en 2021 à 1,3 milliard d’euros en 2022. Toutes les dépenses progressent fortement (+ 5,1 %), sous l’impulsion notamment des charges de personnel résultant du Ségur de la santé ([83]) et de la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires ([84]), alors que les recettes ont augmenté plus faiblement (+ 4,1 %), ce qui explique l’aggravation des déficits.

À l’inverse, la situation financière des cliniques privées à but lucratif est nettement bénéficiaire. Alors que la progression moyenne était de 1,7 % par an entre 2014 et 2020, les recettes des cliniques privées ont augmenté de 12 % entre 2020 et 2021 et de 7,1 % entre 2021 et 2022. Plusieurs phénomènes y ont contribué, en particulier la garantie de financement qui a assuré, de 2020 à 2022, un financement minimal au moins équivalent à celui observé avant la crise sanitaire. Contrairement aux hôpitaux publics, l’activité des cliniques est très dynamique depuis la crise sanitaire, en hausse de 8,3 % par rapport à 2019 ce qui leur a permis d’ajouter, aux recettes tirées de la garantie de financement, celles liées au supplément d’actes accomplis. En effet, les cliniques privées ont su tirer profit des déprogrammations massives liées à la gestion de la crise sanitaire par les hôpitaux publics pour conquérir des parts de marché en proposant aux patients reportés une prise en charge rapide.

● Au sein des cliniques privées, les établissements spécialisés en psychiatrie se distinguent par un niveau exceptionnel de résultat net rapporté aux recettes. En effet, il y est en moyenne trois fois supérieur à celui des cliniques spécialisées en médecine, chirurgie et obstétrique. Les travaux de la Drees montrent la psychiatrie, malgré un léger recul par rapport à 2021, comme la discipline la plus rentable du secteur privé lucratif ([85]). Ainsi, les cliniques psychiatriques ont dégagé en 2022 un résultat net rapporté aux recettes de 8,7 % (après 9,1 % en 2021), contre 2,8 % en clinique de médecine, chirurgie et obstétrique, et 4,8 % en clinique de soins de suite et réadaptation.

Évolution du résultat net rapporté aux recettes des cliniques privées

Source : données Drees, 2024.

3.   L’essor du secteur privé lucratif ne compense pas la réduction de l’offre de service public

En 2022, 60 % des prises en charge psychiatriques dans les établissements de santé étaient effectuées dans les hôpitaux publics. Les prises en charge dans les établissements du secteur privé lucratif représentaient moins de 30 % des journées, et 13 % pour le secteur privé à but non lucratif ([86]). Alors que l’activité d’hospitalisation complète baisse de manière continue dans le secteur public et augmente de manière tout aussi continue dans le secteur privé, une part croissante de patients se tournent vers les urgences ou les CAC, laissant penser que la baisse globale des capacités d’hospitalisation se répercute sur ces structures.

Cette hypothèse, formulée à de nombreuses reprises par les personnes que la mission d’information a entendues, est corroborée par l’analyse des journées d’hospitalisation classées selon le diagnostic principal de chaque séjour ([87]) au sein des établissements publics et privés à but non lucratif d’une part, et au sein des établissements privés à but lucratif d’autre part ([88]).

● Certains paramètres de l’organisation des soins peuvent avoir un impact sur l’adressage préférentiel des patients vers le secteur public ou vers le secteur privé à but lucratif.

Premièrement, les situations d’urgence psychiatrique sont prises en charge quasi exclusivement dans le secteur public. Ensuite, les soins sans consentement doivent être prodigués dans des structures autorisées qui relèvent historiquement du secteur public ou privé d’intérêt collectif ([89]). Entre 2018 et 2022, 234 établissements du secteur public ou du secteur privé à but non lucratif ont déclaré des soins sans consentement en hospitalisation et seulement 10 établissements du secteur privé à but lucratif. L’isolement et la contention, qui doivent avoir lieu dans le cadre de soins sans consentement si elles dépassent une certaine durée, sont également mis en œuvre historiquement et quasi exclusivement par des établissements du secteur public ou privé d’intérêt collectif.

Par ailleurs, l’analyse faite par l’Atih des données d’activité 2022, regroupées selon le diagnostic principal de chaque séjour, révèle un adressage préférentiel des patients les plus sévères vers le secteur public ou le privé à but non lucratif. Ainsi, les diagnostics de schizophrénie, troubles schizotypiques et troubles délirants sont largement dominants dans les établissements publics et privés non lucratifs dont ils représentent 35 % à 40 % des prises en charge en 2022. À l’inverse, dans les établissements privés lucratifs, plus de la moitié des prises en charge (52 %) concernait alors les troubles de l’humeur. En outre, certaines familles de diagnostics ne se retrouvent pas ou très peu dans les établissements privés lucratifs, ce qui signifie qu’ils ne sont pas ou très rarement pris en charge en dehors du secteur public. Il s’agit notamment des troubles du développement psychologique, des syndromes comportementaux associés à des perturbations physiologiques et à des facteurs physiques ainsi que du retard mental.

Répartition des journées d’hospitalisation en psychiatrie en fonction de la catégorie de diagnostic principal et du statut d’établissement

Source : données Atih 2022 pour la mission d’information.

Enfin, à cet adressage préférentiel des situations d’urgence, des soins sans consentement et des diagnostics les plus lourds vers les établissements du secteur public ou privé non lucratif, s’ajoute une même orientation des personnes les plus précaires vers le secteur public au détriment du privé lucratif. Ce constat a été partagé par de nombreux acteurs rencontrés par la mission d’information, et en particulier par l’Association de santé mentale du XIIIe arrondissement de Paris (ASM 13). Il s’appuie sur une étude conduite en 2014 par le département d’information médicale de la communauté hospitalière de territoire francilienne, qui met en évidence la prévalence des difficultés sociales dans les secteurs de l’ASM 13 et de l’hôpital Maison Blanche. Selon cette étude, ces deux secteurs ont accueilli, en 2014, respectivement : 21,1 % et 23 % de patients d’origine immigrée ; 21,4 % et 21 % de familles monoparentales ; 14,6 % et 17,3 % de patients non scolarisés et sans diplôme ; 5,8 % et 8,9 % de bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU‑C) ; 36,7 % et 28,1 % de locataires d’habitations à loyer modéré (HLM).

« Depuis très longtemps, les cas les plus légers sont pris en charge dans le privé, tandis que les établissements publics doivent prendre en charge les cas les plus complexes, les personnes les plus précaires, ainsi que les soins sans consentement. »

Pr Christophe Arbus, chef de pôle de psychiatrie au CHU de Toulouse.

Le constat d’une prévalence des personnes les plus précaires dans la file active des patients de deux importants secteurs psychiatriques parisiens se trouve ainsi conforté.

Prévalence des difficultés sociales chez les patients du secteur psychiatrique de l’ASM 13 et de l’hôpital maison blanche

Source : rapport du département de l’information médicale de la communauté hospitalière de territoire parisienne, 2014.

L’ASM 13, un établissement privé à but non lucratif
qui reflète certaines grandes tendances et difficultés de la psychiatrie

Association préfiguratrice de la sectorisation psychiatrique en France, créée en 1958, cet établissement privé à but non lucratif est l’une des premières structures à mettre en œuvre les principes de la sectorisation de la psychiatrie publique prévus dans la circulaire du 15 mars 1960. La file active en 2022 s’élève à 7 400 patients.

Le capacitaire a diminué de moitié entre 1995 et 2023, reculant de 163 à 82 lits. Les hospitalisations sous contrainte ont triplé entre 1992 et 2023, passant de 250 à 629.

L’ASM 13 dispose d’un CAC qui assure un accueil inconditionnel 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Les patients arrivent seuls ou accompagnés par un proche dans 60 % des cas et adressés par les urgences dans 30 % des cas. 50 % d’entre eux rentrent au domicile à l’issue de leur passage et de 15 % à 25 % d’entre-eux sont hospitalisés sous contrainte.

L’ASM 13 dispose également d’un centre médico-psychologique (CMP) dont la file active se renouvelle de 30 % à 40 % chaque année et qui permet d’éviter l’hospitalisation et les passages aux urgences pour 80 % des patients suivis.

Les patients suivis sont des cas lourds : schizophrénie (40 %), trouble de la personnalité (20 %) ; trouble de l’humeur (20 %) ; trouble de la personnalité limite (20 %).

L’équipe de pédopsychiatrie du CMP fait face à une forte augmentation de la demande de soins : avec cinq nouvelles demandes de suivi chaque semaine, il s’agit le plus souvent d’un adressage par l’établissement scolaire dans lequel est inscrit l’enfant, ou le médecin de ville.

Une étude menée en 2017 portant sur les 4 005 patients vus le 31 janvier 2017 dans l’ensemble des unités de psychiatrie adulte des cinq établissements ayant une activité de secteur à Paris met en évidence la prévalence de personnes socialement défavorisées et précaires dans la prise en charge de secteur. Ainsi, 1 patient sur 2 est inactif (hors retraités et étudiants), 6 % n’ont aucune ressource, 40 % bénéficient d’une allocation aux adultes handicapés ou d’une prestation en compensation du handicap, 2 % sont couverts par l’aide médicale de l’État, 1 % n’ont aucune couverture maladie et 74 % n’ont pas de logement.

La situation de l’ASM 13 illustre bien les grandes tendances qui traversent la psychiatrie, particulièrement publique : la forte réduction capacitaire depuis les années 1990, le recours accru aux soins sans consentement, la polarisation des prises en charge médicalement et socialement les plus lourdes sur la psychiatrie de secteur, la forte augmentation de la demande de soins en pédopsychiatrie.

B.   En amont, l’offre de soins psychiatriques est insuffisante et trop complexe, ce qui incite les patients à se tourner vers les urgences

1.   L’organisation complexe des soins psychiatriques en amont engendre un renoncement aux soins et un report vers les urgences

Alors même que l’offre de soins psychiatriques dans le secteur public a baissé et semble aujourd’hui insuffisante pour couvrir les besoins, les rapporteures ont constaté au cours de leurs travaux que cette tendance est aggravée par les difficultés d’accès et par la complexité des parcours de soins.

« Ce qui nuit à la psychiatrie c’est la grande hétérogénéité des organisations et l’illisibilité qui en résulte. »

Audition du Dr François Appavoupoullé,
président de la commission médicale d’établissement de l’établissement public de santé mentale (EPSM) de La Réunion.

● Le manque d’accessibilité tient beaucoup à la complexité de l’organisation des soins psychiatriques et à la difficulté pour les patients de se repérer dans un environnement peu lisible. Le baromètre 2023 de l’Unafam montre à cet égard que l’orientation pour la prise en charge d’une urgence psychiatrique requiert des aidants des malades entre deux et cinq appels à différentes structures.

« Avec la saturation des CMP se crée une multitude de dispositifs, qui ont tous leur utilité, leur pertinence mais qui aboutissent à un émiettement du suivi et à une illisibilité du parcours de soins : c’est un véritable maquis psychiatrique. Les enjeux de coordination sont démultipliés par la profusion de structures. Une grande partie des patients attendent très longtemps un rendez-vous pour une consultation en CMP et, qui plus est, dans la mauvaise filière. »

Dr Ève Bécache, cheffe de service au centre hospitalier Le Vinatier (Bron), visite du SAS psychiatrique aux Hospices civils de Lyon.

● L’application dévoyée de la sectorisation, notamment par une « lecture cadastrale » ([90]), que les rapporteures ont pu observer dans certaines grandes métropoles, peut également constituer un frein à l’accès aux soins et favoriser la saturation des services de soins psychiatriques.

Ainsi, la délimitation entre secteurs n’est pas toujours bien identifiée. Un lieu de résidence situé dans une zone d’interface peut conduire les établissements à décliner toute compétence et donner lieu à des renvois du patient d’un secteur vers l’autre. Les équipes de secteur des grandes villes rencontrées par la mission d’information ont régulièrement fait part de refus de prise en charge pour ce motif. La circulaire du 14 mars 1990 était pourtant explicite à ce sujet en indiquant « qu’en aucun cas l’organisation sectorielle ne doit amener à une étanchéité des territoires, à des filières cloisonnées, à des refus motivés par la seule “non appartenance” au secteur. Les malades comme leurs familles doivent toujours pouvoir s’adresser au praticien ou à l’équipe de santé mentale publique ou privée de leur choix tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du secteur psychiatrique correspondant à leur lieu de résidence. » ([91])

« Il y a de grandes incohérences induites avec la sectorisation psychiatrique. Quand on a besoin d’aller au bloc opératoire on ne nous demande pas notre code postal : il faut opérer. Il faut plus de souplesse en cas d’urgence pour désectoriser. »

Audition du syndicat Samu-Urgences de France.

● Cette lecture cadastrale empêche l’accès aux soins de secteur pour certaines catégories de patients précaires ou amenés à changer de lieu résidence régulièrement, qui se trouvent particulièrement exposés à la souffrance psychique. Il s’agit en particulier d’étudiants qui poursuivent leurs études loin du domicile parental, de personnes immigrées ([92]) et de personnes sans abri.

« Beaucoup d’étudiants n’ont pas de mutuelle et beaucoup d’étudiants étrangers n’ont pas même de droits ouverts ni la possibilité de payer une consultation libérale. Le renoncement aux soins est lié pour 40 % à des raisons financières et pour 40 % au manque de temps. »

Mme Muriel Prudhomme, directrice du service de santé étudiante de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Le service de santé étudiante (SSE) de l’université Paris 1 PanthéonSorbonne, une illustration des difficultés d’accès des étudiants aux soins psychiatriques

Le SSE de l’université Paris 1 PanthéonSorbonne est une équipe de professionnels de santé qui reçoivent, informent, et consultent les étudiants. Le centre PierreMendèsFrance du site de Tolbiac est l’une de ses antennes, dont la visite par les rapporteures souligne l’importance des enjeux liés à la prévention ainsi qu’au suivi psychologique mais aussi psychiatrique des étudiants, dont Santé publique France estime que 36,6 % déclarent des symptômes dépressifs (contre 20 % des non-étudiants) ([93]).

80 % des consultations du bureau d’aide psychologique sont liées à des troubles anxieux dépressifs, et 20 % sont liées à des troubles psychiatriques. Plus de 40 % des consultations du bureau d’aide psychologique nécessiteraient un suivi psychiatrique. Le suivi proposé par le SSE, marqué comme beaucoup de structures par des contraintes matérielles et des difficultés de recrutement, est de courte durée. Le relai par le secteur psychiatrique et l’orientation des étudiants vers d’autres structures de soins apparaît une difficulté majeure alors que les étudiants sont une population précaire et s’inscrivent souvent dans des parcours de mobilité géographique favorisant l’isolement et les ruptures de soins.

« La sectorisation pour les étudiants d’Île-de-France pose de réels problèmes d’accès aux soins. »

Mme Muriel Prudhomme, directrice du SSE de l’université Paris 1, Panthéon‑Sorbonne.

L’accès aux soins des personnes sans domicile fixe est particulièrement confronté à des difficultés. Or, comme le rappelle la Haute Autorité de santé (HAS) ([94]), la prévalence des troubles psychiques dans cette population est communément estimée à 30 % si l’on ne tient compte que des troubles psychiatriques sévères comme la schizophrénie ou les troubles bipolaires ([95]), et à plus de 75 % en incluant d’autres troubles comme la dépression, l’anxiété ou le trouble de stress post-traumatique ([96]).

Aussi, les populations précarisées sont souvent éloignées des soins et encore plus de la prévention, même quand elles disposent d’un hébergement. Elles peuvent parfois être identifiées par des acteurs de proximité, à l’image des bailleurs sociaux, qui ont la capacité d’identifier des personnes qui souffrent de troubles psychiques, ou des voisins et des gardiens, qui sont souvent les premières vigies de la santé mentale des habitants. Ces acteurs sont toutefois dépourvus de moyens pour dépister, gérer ou accompagner les populations fragiles. Les municipalités sont elles-mêmes démunies pour donner suite à un signalement ou pour inclure les personnes concernées dans un parcours de soins : elles ne disposent que de leurs services sociaux, souvent débordés et qui ne sont pas compétents pour une personne non précaire atteinte de troubles psychiatriques. Si la mairie de Paris met par exemple en place des actions de porte à porte pour prendre contact avec des personnes identifiées, ces actions sont effectivement financées par la collectivité et effectuées en dehors de toute compétence légale. À défaut de parcours de soins adapté à ces publics, les pathologies des personnes précaires peuvent s’aggraver jusqu’à relever de l’urgence, voire nécessiter une hospitalisation sous contrainte.

La mission d’information a pu constater ces difficultés en accompagnant l’équipe mobile psychiatrie et précarité de l’hôpital Sainte-Anne auprès des personnes sans abri, en collaboration notamment avec les équipes de la Régie autonome des transports parisiens (RATP). Elle relève que ces difficultés tiennent en partie au fait que ces personnes sont considérées « hors secteur » ([97]) et que leurs troubles psychiatriques éventuels peuvent affecter leur capacité à solliciter des soins ainsi que leur réinsertion. En l’absence de sas entre la rue et l’hôpital, c’est-à-dire d’établissements intermédiaires tels que des foyers médicalisés, la prise en charge et le suivi de ces personnes sont particulièrement délicats. En plusieurs endroits au cours des travaux de la mission, il a été regretté la disparition des appartements passerelles ou des dispositifs passerelles comme des accueils de jour, à l’image de La Maison Perchée ([98]) ou de l’Adamant ([99]) à Paris. La prise en charge psychiatrique des personnes vulnérables est ainsi affectée par l’absence d’alternative à l’hospitalisation : une sorte de « tout ou rien » qui empêche de stabiliser le ou la patiente sur le moyen terme et qui peut être source d’encombrement des urgences psychiatriques. S’ajoute la question du logement en sortie d’hospitalisation, alors que le manque de ressources ou l’isolement font que ces personnes retournent à la rue ou à la précarité sans entrer dans un dispositif de protection, même temporaire, suite à une hospitalisation.

● Les enjeux d’accessibilité horaire des CMP ont régulièrement été évoqués par les équipes rencontrées par la mission d’information. Les jours et heures d’ouverture des CMP, l’absence d’astreinte les soirs et fins de semaine, la fermeture pendant les vacances scolaires, la réservation des créneaux de consultations sans rendez-vous à des patients souvent déjà suivis, constituent autant de freins. L’offre peut parfois apparaître inadaptée aux besoins de la population.

« Le SAS psychiatrique est une bonne chose, mais comment garantir un suivi psychiatrique satisfaisant avec des CMP qui ferment à 17 heures ? Quatre ans après la covid, malgré de grosses alertes sur la santé mentale des jeunes notamment, nous constatons que rien ne s’est passé pour adapter le fonctionnement du secteur à ces enjeux. »

Audition du syndicat CFDT.

● L’accessibilité géographique n’est pas non plus garantie dans certains territoires, notamment ruraux. Le maillage territorial des soins psychiatriques est réputé couvrir une population de 67 000 habitants par secteur, ce qui signifie que les secteurs les moins densément peuplés couvrent une aire géographique plus étendue. La distance entre le domicile et les lieux de soins peut dès lors constituer une limite particulièrement forte à l’accès aux soins et entraîner des reports vers les urgences, à défaut de suivi psychiatrique au long cours.

« Dans l’Aveyron, cinquième plus grand département de France, assez rural, il y avait auparavant un bus pour aller jusqu’à l’hôpital. Ce n’est désormais plus le cas et, en conséquence, les patients ont beaucoup plus de difficultés pour venir nous voir et attendent les situations d’urgence. »

Audition de Mme Magali Brougnounesque, directrice du centre hospitalier Sainte-Marie de Rodez.

Bien plus, certaines personnes requièrent des soins spécialisés qui ne sont pas proposés dans chaque secteur. Ils s’organisent dans le cadre des inter-secteurs, c’est‑à‑dire d’unités de prise en charge spécialisées couvrant plusieurs secteurs, comme c’est parfois le cas en ce qui concerne l’offre de soins en psychiatrie du sujet âgé ou en périnatalité.

Les inter-secteurs proposant une offre de soins en psychiatrie du sujet âgé ne sont pas répartis équitablement sur le territoire, ce qui limite les possibilités de soins ambulatoires et renforce la nécessité des unités d’hospitalisation ou d’hébergement spécialisées dans les territoires ruraux à la population vieillissante. En Martinique, l’établissement public de santé mentale (EPSM) Maurice Despinoy de Fort‑de‑France est en passe de devenir le seul établissement psychiatrique. Alors que la Martinique est depuis 2022 la région française dans laquelle la part des 60 ans et plus est la plus élevée ([100]), l’offre de soins en psychiatrie du sujet âgé y repose sur une équipe mobile et sur un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à orientation psychiatrique de 34 places avec un projet d’extension à 86 places. Tandis que l’établissement psychiatrique projette une forte augmentation des capacités d’accueil de l’Ehpad psychiatrique, la disparition de l’équipe mobile est programmée en application d’un plan de retour à l’équilibre ([101]) décidé en 2016.

« Il est compliqué d’avoir une organisation homogène sur le territoire parce qu’à Rennes, il n’y a qu’un seul service de psychiatrie du sujet âgé. Ce service comprend 15 lits pour une dizaine de secteurs, complété par un hôpital de jour évaluatif et deux unités cognitivo-comportementales de 10 lits mais qui sont spécialisés dans la prise en charge des symptômes psychocomportementaux liés aux démences. »

Audition du Dr Tristan Mahouet, psychiatre au sein de l’équipe mobile d’appui et d’évaluation en psychiatrie de la personne âgée au centre hospitalier Guillaume Régnier de Rennes.

Le grand âge et la psychiatrie, un enjeu grandissant montrant l’inadaptation du parcours de soins classique

Le grand âge est associé à un besoin spécifique en matière de psychiatrie. En premier lieu les sujets atteints d’affections psychiatriques préalables et qui vieilissent peinent à trouver leur place dans des Ehpad souvent peu adaptés à leur pathologie ou sous‑dotés en personnels formés et disponibles. Le grand âge est lui-même vecteur de pathologies psychiatriques. Une personne sur trois en établissement souffrirait de troubles psychiques ([102]). Par ailleurs les pathologies comme la maladie d’Alzheimer ou les dégénérescences séniles sont souvent faussement orientées vers les urgences psychiatriques alors qu’elles n’en relèvent pas réellement mais peinent à trouver le chemin du soin en cas d’urgence. Enfin, les personnes âgees sont moins mobiles et autonomes que les autres, elles ont moins accès à des dispositifs de ville, libéraux et vivent plus souvent sur des territoires ruraux éloignés des centres hospitaliers ou subissant une desertification médicale rendant plus complexe leur prise en charge.

Dans la Creuse, département rural où plus de 30 % de la population a plus de 65 ans, les personnes âgées isolées et les agriculteurs sont des catégories de population associées à de fortes vulnérabilités psychiques. Dans ce contexte, le centre hospitalier La Valette de l’EPSM de la Creuse a développé une offre de soins en psychiatrie du sujet âgé qui vise à éviter les urgences de l’hôpital général.

Depuis la fin des années 1990, différentes structures de prise en charge psychiatrique du sujet âgé ont été créées au sein de l’EPSM de la Creuse. Une unité de court séjour de 16 lits est dédiée à la prise en charge de troubles psycho-comportementaux des patients âgés. Une équipe mobile est chargée de la prévention et de la gestion des crises. Lorsqu’elles ne peuvent être contenues au domicile, le patient est hospitalisé. Le CMP assure le suivi en ambulatoire pour la prise en charge en urgence de la personne âgée, mais suppose que les personnes puissent s’y rendre. Les équipes mobiles interviennent auprès du patient pour éviter les hospitalisations. Elles assurent également un transfert de compétence et d’expertise auprès des proches du patient. Une unité d’hospitalisation renforcée a été créée en complément pour les symptômes psycho-comportementaux sévères. Un tel dispositif prévient les passages des patients de gériatrie par les urgences de l’hôpital général avec des admissions directes en hospitalisation.

L’accessibilité géographique des soins de périnatalité est également marquée par des inégalités entre territoires. La périnatalité, spécialisée dans la prévention des répercussions des troubles parentaux sur le développement de l’enfant, et permettant un suivi psychiatrique conjoint des parents, ou de la mère et de l’enfant, apparaît souvent indispensable. En effet, l’accouchement peut induire des reviviscences traumatiques chez les femmes qui ont vécu des détresses psychiques dans l’enfance. Les plus vulnérables psychiquement sont d’ailleurs aussi souvent plus isolées et précaires, et particulièrement exposées aux troubles psychiques lors de la grossesse et de l’accouchement. Selon un récent rapport de Santé publique France sur les morts maternelles, le suicide est la première cause de mortalité au cours de la grossesse ou dans l’année qui suit ([103]). Bien plus, les travaux du même organisme montrent que, deux mois après l’accouchement, une femme sur six présente une dépression post‑partum plus d’une sur quatre un niveau d’anxiété important, et qu’une femme sur vingt déclarait des idées suicidaires ([104]).

Dans ce contexte, comme l’a souligné auprès des rapporteures l’équipe mobile rattachée à l’unité parents-bébé du centre hospitalier de Montfavet dans le Vaucluse, qui prend en charge une file active de 140 patients dont 60 bébés, la désectorisation du suivi en périnatalité pourrait constituer un moyen de prévenir certains refus de soins.

« S’il existe quelques rares unités d’hospitalisation temps plein, plutôt dans le nord de la France, l’offre de soins est surtout assurée par des hôpitaux de jour et des équipes mobiles et reste marquée par une forte inégalité de répartition sur le territoire et concernant les modes de prise en charge proposés.

« La désectorisation du suivi périnatal permettrait d’éviter les refus de soins aux patients [...] L’accessibilité géographique est également importante et le trajet ne devrait pas excéder une heure pour des soins ambulatoires. »

Dr Catherine Saugues, responsable de l’unité parents-bébé,
audition du centre hospitalier de Montfavet.

● L’accessibilité financière est un problème pour la consultation de nombreux professionnels libéraux, ce qui écarte les patients les moins aisés. En effet, selon les données transmises par la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), en 2023, le tarif conventionnel d’une consultation de psychiatrie par un médecin libéral s’élève à 42 euros, auquel s’ajoute un dépassement d’honoraires pour les psychiatres installés en secteur 2. En 2023, le montant moyen de dépassement d’honoraires facturé par un psychiatre installé en secteur 2 était de 32 euros ([105]). Cela signifie en pratique que pour un suivi psychiatrique par un psychiatre libéral installé en secteur 2, à raison d’une consultation par mois, le reste à charge moyen pour le patient avoisine les 400 euros par an, ce qui exclut de fait les personnes les moins aisées, en particulier les jeunes gens et les étudiants.

● À défaut d’accès à des soins psychiques adaptés, de nombreux patients font le choix de consulter leur médecin généraliste. Malheureusement, faute de temps et de formation adaptés au suivi psychologique ou psychiatrique, la prise en charge par les médecins généralistes repose le plus souvent sur un adressage vers un spécialiste sous réserve des difficultés d’accès qui viennent d’être évoquées, ainsi que sur des prescriptions de médicaments psychotropes – anxiolytiques, antidépresseurs, somnifères.

Au cours d’une table ronde organisée avec les syndicats nationaux, la CFDT a ainsi souligné que, si un tiers des patients des médecins généralistes consultent pour des problèmes psychiatriques, certains praticiens ne sont pas formés. Ceci peut conduire à des prescriptions inadéquates. Plus globalement, de nombreuses personnes ont alerté les rapporteures quant à des prescriptions inadaptées par les médecins généralistes, ordonnées sans suivi psychiatrique adéquat.

« Il y a clairement un déficit de formation des médecins traitants en pédopsychiatrie et malgré les enjeux majeurs à l’ordre du jour, il y a des lacunes graves et pas résorbées. On traite les symptômes par des médicaments à l’encontre des recommandations. Les prescriptions de psychotropes ont explosé de + 200 % chez les jeunes : neuroleptiques, hypnotiques, antidépresseurs, anxiolytiques à des enfants. Le traitement ne soigne pas. La majorité des enfants qui arrivent aux urgences pédopsychiatriques ont déjà un traitement prescrit hors recommandation et hors AMM par leur médecin traitant. »

Audition du Pr Philippe Duverger, chef de service au CHU d’Angers.

Ce constat est d’ailleurs à mettre en relation avec le manque persistant de médecins traitants, qui touche particulièrement les personnes souffrant de troubles psychiques. Dans son rapport public thématique de mai 2024 sur l’organisation territoriale des soins de premiers recours, la Cour des comptes montre à cet égard que « 120 000 patients atteints d’une affection de longue durée (ALD) pour troubles psychiatriques n’avaient pas de médecin traitant en 2022, soit 17 % du total des patients en ALD sans médecin traitant, alors qu’ils ne représentent que 12,4 % du nombre total de patients en ALD » ([106]).

● Dans ce contexte de nombreuses lacunes dans le parcours de soins des patients de psychiatrie, empêchant un suivi adapté, il n’est pas surprenant, comme le constate la Drees, d’observer une baisse de la prise en charge psychiatrique hospitalière à temps complet comme ambulatoire en 2022, et parallèlement une hausse de l’activité des centres de crise ([107]).

L’activité en ambulatoire en 2022 est en baisse de 1,7 % par rapport à 2021 et s’élève à 19 millions d’actes. Cette diminution serait imputable au recul des prises en charge par les 3 040 centres médico-psychologiques du territoire, qui enregistrent une baisse d’activité de 4,2 % en un an. Les hospitalisations à temps plein en psychiatrie sont également en baisse, dans la continuité de la tendance observée depuis une quinzaine d’années. Selon cette étude, la baisse généralisée des prises en charge à temps complet en psychiatrie est une tendance confirmée pour toutes les modalités, incluant les accueils en centre de post-cure (– 12 %), en appartement thérapeutique (– 10,2 %), en accueil familial thérapeutique (– 7 %) ou encore en hospitalisation à domicile (– 5,2 %).

2.   Des délais excessifs d’accès aux soins de ville en amont

● Les difficultés d’accès à une offre de soins en psychiatrie en amont des urgences tiennent aussi aux délais de prise de rendez-vous en CMP, qui sont anormalement longs et empêchent la gradation des soins en favorisant un report de l’activité vers les urgences.

Ces délais excessifs, souvent constatés par les rapporteures au cours de leurs travaux, sont bien documentés. En 2011, la Cour des comptes évoquait ainsi une attente supérieure à un mois pour une première consultation dans 20 % des secteurs de psychiatrie adulte et dans 60 % des secteurs de psychiatrie infanto-juvénile ([108]). En 2017, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a constaté un délai moyen de trois mois entre la prise de contact et le premier rendez-vous avec un psychiatre de CMP adulte ([109]). Dans une enquête récente ([110]), la Fédération hospitalière de France (FHF) montre que beaucoup d’établissements sont caractérisés par de telles latences, pour les consultations en ambulatoire comme pour les hospitalisations :

– près de 90 % des établissements considèrent que les délais d’attente pour une prise en charge en hospitalisation et en ambulatoire, en psychiatrie adulte comme en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, se sont dégradés après la crise sanitaire ;

– pour plus de la moitié des établissements (53 %), le délai moyen d’accès aux consultations en psychiatrie adulte est d’un à quatre mois. Une part légèrement inférieure (45 %) constate des délais d’accès aux consultations en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent compris entre cinq mois et plus d’un an. Ces délais sont compris entre un et quatre mois pour 20 % des établissements répondants ;

– aux importants délais d’accès à l’ambulatoire s’ajoutent souvent ceux précédant l’hospitalisation, qui peuvent conduire à différer une hospitalisation médicalement pertinente. Ces derniers sont particulièrement longs et vont de cinq mois à un an pour 13 % des établissements.

Dans les secteurs visités par la mission d’information, les délais d’attente pour une première consultation en CMP oscillaient entre deux et quatre mois pour les secteurs de psychiatrie de l’adulte, et entre huit mois et un an pour les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile, ce qui est unanimement pointé comme très excessif pour des patients de cet âge. La mission d’information a également constaté des fermetures de CMP dans de nombreux territoires, liées au manque de psychiatres disponibles. Lors de son audition, l’union syndicale départementale CGT du Nord a indiqué que, dans certains secteurs du département, les délais de rendez-vous en CMP infanto-juvénile atteignaient 18 à 24 mois. Alors que des recrutements sont attendus d’ici la fin de l’année 2024, l’inter-secteur roubaisien visité par la mission d’information est dépourvu de pédopsychiatre. Les psychiatres d’autres secteurs de la région se relaient pour y assurer tant bien que mal une maigre continuité des soins. En pratique, les patients se trouvent privés d’une offre de secteur, ce qui les contraint à se tourner vers l’offre privée ou, le plus souvent en l’espèce, à renoncer aux soins.

● Les délais d’attente pour un rendez-vous avec un psychiatre libéral s’allongent également. Les personnes entendues par la mission d’information l’estiment en moyenne à deux mois en psychiatrie adulte. La pénurie de pédopsychiatres, y compris en libéral, prive de nombreux patients de cette alternative dans les faits. Selon le baromètre 2023 de l’Unafam ([111]), 64 % des aidants indiquent que l’accès à un psychiatre ou à un psychologue est difficile, et 50 % des répondants jugent difficile d’accéder aux soins d’urgence.

3.   En conséquence, les urgences deviennent le point d’entrée dans les soins psychiatriques

Il résulte de ces nombreuses difficultés d’accès aux soins de ville, malgré des disparités entre les territoires, une prise en charge souvent tardive, dans un état de santé dégradé, au moyen d’un report sur les urgences, lesquelles deviennent un point d’entrée majeur dans le système de soins psychiatriques.

« Il faut un an pour avoir un rendez-vous en ville et si on passe par les urgences on a un rendez-vous dans les 12 heures ; parfois même en pleine nuit et avec le professeur chef de service. »

Audition du Pr Philippe Duverger, chef de service au CHU d’Angers.

Ainsi, l’Unafam, au cours de son audition, a souligné que l’urgence psychiatrique est généralement précédée d’une longue période de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, de dégradation progressive de la santé mentale, conduisant à la crise psychiatrique. Lorsqu’elle n’est pas soignée, celle-ci aboutit à l’urgence.

Les témoignages recueillis par la mission d’information indiquent qu’une part croissante des patients se présentant aux urgences n’avaient jamais consulté de psychiatre auparavant. Cela concerne en particulier le risque suicidaire au sujet duquel les travaux de la Commission nationale de la psychiatrie rappellent ([112]) que 80 % des premiers passages à l’acte ont eu lieu sans consultation psychiatrique préalable ([113]). Les SAU généralistes sont dès lors le point d’entrée dans les soins pour la grande majorité des auteurs.

« L’orientation spontanée et adressée par les généralistes des patients vers les urgences tient au manque d’accès aux soins. C’est le cas partout et en conséquence les urgences psychiatriques des SAU débordent, alors que 20 % des consultations pourraient être différées de quelques jours. Les urgences deviennent un guichet d’orientation et d’adressage pour les soins psychiatriques ; or ce n’est pas leur vocation : il faut absolument disjoindre l’accès aux soins et le passage aux urgences. »

Dr Ève Bécache, cheffe de service au centre hospitalier Le Vinatier (Bron).

● Le baromètre 2023 de l’Unafam corrobore d’ailleurs l’idée selon laquelle la carence de l’offre induit des ruptures dans le suivi des patients et génère des passages répétés aux urgences. En effet, ses répondants ont en moyenne consulté aux urgences 2,5 fois au cours de l’année ; un tiers s’y sont rendus une seule fois au cours des cinq dernières années, 31 % deux fois et 18 % trois fois. L’association déplore ainsi que l’entrée dans les soins résulte souvent d’une situation d’urgence, liée à un défaut de prise en charge des situations de crise qui précèdent les urgences, et qui empêche de surcroît un suivi de qualité une fois l’urgence passée. Ce constat est corroboré par la Cnam, qui indique dans un rapport récent que : « parmi les personnes ayant des passages très fréquents aux urgences (plus de cinq fois dans l’année), 22,9 % présentent une maladie psychiatrique, 20,5 % une maladie cardio-neurovasculaire et 17,3 % une maladie respiratoire chronique. Ainsi, pour les pathologies respiratoires chroniques, les passages fréquents aux urgences concernent principalement les moins de 15 ans, alors que pour les pathologies psychiatriques, les passages fréquents aux urgences concernent principalement les 15-54 ans. » ([114])

« Nous sommes la dernière roue du carrosse, la dernière lumière allumée de la société vers laquelle les patients peuvent se tourner. »

Audition du syndicat Samu-Urgences de France.

● En plus d’un recours accru aux urgences, il convient de noter la forte dynamique des accueils en centres de crise, dont l’activité a connu une hausse de 11,1 % entre 2021 et 2022, ce qui confirme le constat des équipes de terrain d’un report du suivi psychiatrique sur des prises en charge en urgence par les SAU et les CAC. Cette croissance ne suffit cependant pas à combler la baisse d’activité accusée dans les autres modalités de prise en charge.

C.   EN aval, le manque de lits retarde les transferts de patients, ce qui embolise les urgences

1.   Favorisées par la pénurie de personnels, les fermetures de lits retardent le transfert de patients nécessitant une hospitalisation et renforcent la pression qui pèse sur les urgences

Les fermetures de lits d’hospitalisation complète en psychiatrie étaient déjà importantes. Elles se sont accélérées après la crise sanitaire, souvent en raison du manque de personnel. Cette situation accentue le manque de solutions d’aval pour la sortie des patients, et contribue à l’embolisation des services d’urgences.

● Selon la Fédération hospitalière de France (FHF) ([115]), au 31 décembre 2022, près de 60 % des établissements avaient été contraints de fermer des lits, à hauteur de 10 % à 30 % de leur capacité pour près d’un quart des établissements (24 %). Avant la crise sanitaire, 80 % des établissements n’avaient pourtant fermé aucun lit et seuls 5 % avaient dû renoncer à 10 % à 30 % des leurs. Plus de la moitié d’entre eux (55 %) n’ont aucune perspective de réouverture de lits.

Proportion d’établissements selon la part de capacitaire fermé
au 31 décembre 2022

Source : FHF, enquête psychiatrie, septembre 2023 ; sur 101 répondants concernés.

● Le manque de personnel médical ou paramédical est identifié par la FHF comme le facteur principal de près de 90 % des fermetures de lits en 2022. Le nombre de postes médicaux vacants est particulièrement important, bien que les situations soient contrastées selon les établissements. Dans 40 % d’entre eux, les postes vacants de psychiatres oscillent entre 25 % et 75 %, tandis que plus de la moitié des effectifs ne sont pas pourvus dans 8 % des établissements. Ce phénomène est moins marqué dans les CHU que dans les centres hospitaliers, ces derniers représentant la majorité des établissements déplorant un quart à trois quarts de leurs postes de médecins vacants.

Proportion d’établissements selon la part de postes vacants de médecins rapportée À l’effectif théorique

Source : FHF, enquête psychiatrie, septembre 2023 ; sur 106 répondants concernés.

Le manque de personnel paramédical est également mis en lumière par l’enquête, quoique dans de moindres proportions : un quart des postes d’infirmiers sont vacants dans 14 % des établissements ; un tiers dans 7 % des établissements.

 Dans ce contexte, les conditions de prise en charge aux urgences ne sont plus toujours garanties. Des patients nécessitant une hospitalisation y demeurent souvent plusieurs jours.

En effet, les postes non pourvus contraignent les établissements à réduire le nombre de lits ouverts pour permettre aux équipes d’assurer les prises en charge dans des conditions satisfaisantes, ce qui accentue la réduction de l’offre de lits d’hospitalisation et, dans un cercle vicieux, se répercute sur les conditions de prise en charge des patients en attente d’hospitalisation au sein des services d’urgences.

« La durée moyenne de séjour dans la filière psychiatrique des urgences est assez bonne par rapport à la situation de nombreux établissements mais elle reste élevée pour un service d’urgence. La durée moyenne de séjour est de seize heures, mais elle est en forte augmentation par rapport à l’année dernière où elle était de douze heures, c’est lié aux difficultés à trouver des solutions d’aval pour les patients. »

Mme Chloé Brière, directrice du pôle de l’urgence, visite des urgences de l’hôpital Édouard Herriot, Hospices civils de Lyon.

Dans l’ensemble des services assurant la prise en charge des urgences psychiatriques visités par la mission d’information, la durée moyenne de séjour constatée est en hausse et dépasse la durée moyenne de séjour théorique du service. À titre d’illustration, la durée moyenne de séjour du CAP 48 et du CAP 72 à Marseille s’établit à 5 jours alors que la durée moyenne de séjour théorique du CAC 48 et du CAP 72 est, comme leurs noms l’indiquent, respectivement de 48 et 72 heures. Toutefois, les patients restent parfois jusqu’à 15 jours, ce qui excède très largement ces durées théoriques, et pose avec acuité la question de l’adéquation de la prise en charge.

« Il arrive souvent qu’il n’y ait aucun lit d’hospitalisation en psychiatrie sur toute la métropole de Marseille, de fait les CAP servent de lieux d’hospitalisation tampon le temps de trouver un lit mais les conditions sont loin d’être adaptées à des temps d’hospitalisation qui peuvent atteindre 15 jours. »

Dr Catherine Paulet, cheffe de pôle, visite des urgences de l’hôpital Nord, Assistance publique - Hôpitaux de Marseille.

2.   Des lits d’hospitalisation complète en psychiatrie sont occupés par des patients nécessitant une prise en charge médico-sociale

L’accès aux structures médico-sociales est lui aussi affecté par d’importants retards, allant parfois jusqu’à plusieurs années, ce qui fragilise les personnes les plus vulnérables et favorise les décompensations.

À cet égard, plus de 90 % des établissements répondants à l’enquête précitée de la FHF considèrent l’accès aux structures médico-sociales dégradé après la crise sanitaire. Seuls 2 % des répondants – soit deux établissements – déclarent un délai d’accès aux structures médico-sociales inférieur ou égal à un mois. À l’inverse, près de 60 % des répondants déplorent plusieurs années de délai d’accès, voire une dizaine d’années pour 3 % d’entre eux.

Proportion d’établissements
selon les délais d’accès aux structures médico-sociales

Source : FHF, enquête psychiatrie, septembre 2023.

La saturation des filières d’aval de la psychiatrie, résultant de fermetures de lits par manque de médecins ou par la saturation des lits disponibles par des patients ne nécessitant plus des soins psychiatriques mais une prise en charge médico-sociale elle‑même saturée, limite le nombre de lits disponibles pour de nouveaux patients. Il en résulte un manque de fluidité dans les parcours. L’admission et la durée d’hospitalisation dépendent aujourd’hui largement de l’offre de lits disponibles et d’une priorisation entre patients selon le nombre et la sévérité des pathologies. L’inadaptation des décisions d’hospitalisation, du service d’accueil ou de la durée de séjour se traduisent en particulier dans les indicateurs de longs séjours ou de nombre d’hospitalisations par patient au cours de l’année.

« À Toulouse, 75 % des lits se trouvent dans le secteur privé, contre 24 % des lits d’hospitalisation en moyenne en France, et 11 % il y a quinze ans. Les urgences ne peuvent pas être bien prises en charge si la filière d’aval n’est pas fluide. Il faut que tout le sanitaire soit impliqué : le privé doit jouer son rôle dans l’admission de patients, il faut des équipes mobiles pour des consultations avancées et des CMP qui peuvent répondre aux besoins de consultation. À Caen, 36 % des lits sont occupés par des patients présents depuis plus d’un an. »

Audition de l’Inspection générale des affaires sociales.

IV.   La prison, marquée par la surreprésentation des troubles psychiatriques, est un autre point d’entrée dans les soins

A.   La prévalence des troubles psychiatriques chez les détenus est significativement supérieure au reste de la population et s’aggrave en détention

Les problématiques de santé mentale et de prise en charge des troubles psychiatriques des personnes détenues, ayant fait l’objet d’un récent rapport de l’Assemblée nationale ([116]), sont aujourd’hui solidement établies et donnent lieu à des constats partagés.

● La dernière étude épidémiologique de référence, publiée en février 2023, a été menée par la Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France (F2RSM Psy) à la demande de la direction générale de la santé ([117]). Diligentée auprès de 586 détenus hommes incarcérés dans 26 maisons d’arrêt, elle montre que les deux tiers des hommes détenus en maison d’arrêt et les trois quarts des femmes sortant de détention présentent, à la sortie de prison, un trouble psychiatrique ou lié à une substance ([118]).

Elle met par ailleurs en lumière une prévalence plus importante des troubles à la sortie de prison par rapport à l’entrée en détention ([119]). En ce qui concerne la sévérité des troubles, 32,3 % des hommes et 58,8 % des femmes ont été considérés modérément à gravement malades à la sortie de prison. Le risque suicidaire est estimé à 27,8 % pour les hommes et 59,5 % pour les femmes, avec un risque élevé établi respectivement à 8,2 % et 19,1 %. Cette étude souligne ainsi la fragilité psychique des personnes à leur sortie de prison. Elle révèle en creux l’incidence de la surpopulation carcérale sur la croissance des besoins de soins psychiatriques de la population générale.

● Une précédente étude de 2004 ([120]), portant sur la santé mentale des personnes pendant la détention, avait déjà mis en évidence la forte prévalence des troubles psychiatriques en prison – huit détenus sur dix présentant au moins un trouble –, avec une gravité variable. L’étude révélait que, la majorité des personnes cumulant en réalité plusieurs troubles. Elle montrait également la forte prévalence des troubles anxio‑dépressifs, cohérente avec un contexte d’emprisonnement et la survenue du « choc carcéral », dont des détenus ont fait part aux rapporteures au cours de leurs travaux. Celui-ci cause une souffrance psychique ne relevant pas nécessairement d’un état pathologique.

Une autre étude de 2017 ([121]) sur les personnes entrant en détention estimait la surreprésentation de la prévalence des troubles psychiatriques en montrant qu’ils étaient dix fois supérieurs à la population générale pour le stress post-traumatique, quatre fois pour les dépendances aux substances et à l’alcool, et deux fois pour le syndrome d’allure psychotique ([122]). En moyenne, les troubles psychiatriques sont ainsi trois fois plus fréquents pour les personnes entrant en détention que dans la population générale. Les addictions et troubles liés à l’usage de substances sont, quant à eux, huit à dix fois plus fréquents ([123]).

B.   Les soins psychiatriques en milieu pénitentiaire sont régis par des services spécifiques

Des structures spécifiques sont prévues la prise en charge psychiatrique des personnes placées sous main de justice ([124]).

Les soins psychiatriques sont dispensés en prison par les 162 unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP), qui proposent des soins ambulatoires aux patients détenus. Ceux-ci peuvent aussi bénéficier d’une hospitalisation de jour dans l’un des 26 services médico-psychologiques régionaux (SMPR) et de soins en collaboration avec des structures extérieures, comme les Csapa et les Caarud en ce qui concerne l’addictologie.

Les personnes détenues souffrant de troubles mentaux font l’objet de soins psychiatriques avec leur consentement ([125]). Si une prise en charge à temps complet en psychiatrie est nécessaire, le détenu est transféré dans un établissement de santé, au sein de l’une des neuf unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) présentes sur le territoire.

Les UHSA, des structures d’hospitalisation psychiatrique des détenus à l’apport indéniable, mais déjà embolisées

Les UHSA, instituées par le législateur en 2002 ([126]), accueillent des personnes détenues atteintes de troubles mentaux. Elles sont implantées au sein d’établissements de santé et sécurisées par l’administration pénitentiaire. Les neuf premières unités, définies par arrêté ([127]), ont été ouvertes entre 2010 et 2018. Elles regroupent 440 places.

Les rapporteures constatent toutefois que l’offre reste structurellement insuffisante, à l’image de l’UHSA de Seclin, qu’elles ont visitée, où les 60 lits ne permettent pas de couvrir la région élargie. Du reste, ces structures ne sont pas épargnées par les fermetures de lits liées aux manques de personnels, qui concernent notamment les UHSA de Villejuif, Lyon et Dijon.

Alors que de nouvelles unités doivent être créées, portant leur nombre à 17, soit 705 places, l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’inspection générale de la justice (IGJ) ont évalué ce dispositif. Dans un rapport de mars 2020 ([128]), elles soulignent les apports indéniables de ces unités, bien que les premières créées se révèlent hétérogènes tant dans leur conception matérielle que dans leur organisation des soins.

Évolution du nombre de lits d’hospitalisation à temps plein
pour la psychiatrie pénitentiaire de 2008 à 2019

Source : Drees pour la mission d’information.

En 2022, les capacités d’accueil des détenus en hospitalisation à temps plein en psychiatrie s’élèvent à 388 lits (contre 425 en 2021), dont 96 % se trouvent au sein des 9 UHSA ([129]).

Lorsque leurs troubles mentaux rendent impossible leur consentement, les personnes détenues peuvent faire l’objet de soins psychiatriques sans consentement, alors sous la forme d’une hospitalisation complète dans un établissement autorisé en psychiatrie chargé d’assurer de tels soins ([130]). L’article L. 3214-3 du code de la santé publique dispose ainsi que « lorsqu’une personne détenue nécessite des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier en raison de troubles mentaux rendant impossible son consentement et constituant un danger pour elle-même ou pour autrui, le préfet de police à Paris ou le représentant de l’État dans le département dans lequel se trouve l’établissement pénitentiaire d’affectation du détenu prononce par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié, son admission en soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète dans les conditions prévues au II de l’article L. 3214-1 ».

L’hospitalisation peut aussi avoir lieu dans l’unité adaptée d’un autre établissement de santé autorisé en psychiatrie, et notamment dans une unité pour malades difficiles (UMD) si l’état mental pathologique de la personne détenue le nécessite.

● L’étude de 2023 précitée révèle que la majorité des participants (89,6 %) a pu bénéficier annuellement d’au moins une consultation par un professionnel de santé mentale. Plus d’un tiers d’entre eux indiquent avoir été suivis par un établissement médico-social spécialisé en addictologie (Csapa, Caarud). Dans les jours précédant la sortie, 22 % des répondants et 33,6 % des répondantes déclarent avoir un rendez-vous programmé avec un professionnel de la santé mentale, tandis que 14 % des répondants et 27,5 % des répondantes ont une date de consultation avec un professionnel de l’addictologie.

C.   La psychiatrie est mal appréhendée par la justice, ce qui accroît la proportion de malades en détention

Bien que le juge dispose d’outils pour évaluer et prendre en compte les troubles psychiatriques, à l’image de l’irresponsabilité pénale des malades mentaux qui constitue un principe ancien et généralisé ([131]), ces outils restent peu mobilisés. Un récent rapport sur l’irresponsabilité pénale ([132]) a d’ailleurs confirmé que l’appréhension des enjeux psychiatriques par le monde judiciaire est perfectible et, sans juger nécessaire de faire évoluer le cadre législatif de l’irresponsabilité pénale, formule des recommandations visant à une plus large appropriation de certains outils, en particulier s’agissant des mesures de sûreté.

● L’abandon des poursuites en raison de l’état psychologique est décidé dans moins de 1 % des affaires pénales. En 2019, moins de 10 000 personnes sur les 2 millions que poursuit chaque année la justice pénale ont bénéficié d’un abandon de poursuites en raison de troubles psychologiques, soit 0,5 % ([133]).

Seuls 5 100 classements sans suite pour « trouble psychiatrique » ont été prononcés en 2019, après un examen du mis en cause par un expert psychiatre concluant à une abolition du discernement. Deux tiers des affaires concernaient des atteintes aux personnes et un quart des atteintes aux biens ([134]).

Par ailleurs, 3 771 dossiers ont fait l’objet d’un classement sans suite pour « état mental déficient » en 2019. Ce motif s’applique lorsque l’auteur présente une défaillance manifeste sans qu’une expertise soit nécessaire. Plus de la moitié de ces classements sans suite portaient sur des atteintes à la personne et un quart sur des atteintes aux biens ([135]).

● Il en va de même concernant les décisions d’irresponsabilité pénale pour trouble mental assorties d’une mesure de sûreté, dont 145 seulement ont été prononcées en moyenne chaque année entre 2012 et 2019.

La possibilité pour une personne mise en examen d’être déclarée irresponsable pour les faits qui lui sont reprochés est régie par le premier alinéa de l’article 122‑1 du code pénal. Il dispose que « n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Si l’expertise psychiatrique est obligatoire pour les crimes et à la discrétion du magistrat pour les délits relevant du tribunal correctionnel, les expertises sont très rarement sollicitées pour les comparutions immédiates.

Selon les conclusions de la mission « flash » de 2021 sur l’application de l’article 122‑1 du code pénal ([136]), 1 159 décisions d’irresponsabilité ont été rendues et inscrites au casier judiciaire national entre 2012 à 2019. Un tiers de ces décisions (soit 361) concernait une infraction criminelle d’homicide ou de coups mortels, à rapporter aux 5 200 condamnations pour ce motif prononcées sur la même période. Selon ce même rapport, un quart des décisions d’irresponsabilité concernait des violences délictuelles (319) et 7 % des infractions sexuelles (82).

● S’ajoutent des fortes difficultés à recruter des psychiatres experts, qui manquent cruellement sur le territoire, pour des raisons déjà explicitées par une mission sénatoriale en 2021 ([137]) : diminution constante des effectifs, conditions d’exercice dégradées (formation insuffisante, rémunération peu incitative et sans rapport avec la complexité des affaires dont ils ont à connaître, accès non automatique au dossier médical de la personne examinée, etc.). La permanence de ces difficultés est particulièrement préoccupante et conduit certains tribunaux, comme le tribunal judiciaire des Ardennes, à confier à des infirmiers en pratique avancée (IPA) formés les examens psychiatriques présentenciels.

D.   Les lieux de privation de liberté deviennent un point d’entrée dans les soins psychiatriques

● La forte prévalence des personnes atteintes de troubles psychiatriques en prison résulte pour partie de facteurs sociologiques, mais elle est également alimentée par des biais de procédure pénale qui résultent de l’insuffisance de l’offre de soins psychiatriques.

Dans un article de 2005, le Dr Betty Brahmy, médecin chef du SMPR de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, impute la tendance croissante à l’enfermement de personnes atteintes de troubles psychiatriques à la prise en compte, par les magistrats comme les experts psychiatres, de la difficulté d’accéder aux soins en dehors du milieu pénitentiaire, et de la complexité pour les services hospitaliers de prendre en charge des patients médico-légaux qui effectuent des séjours plus longs avec une équipe soignante renforcée ([138]). La possibilité pour eux de bénéficier d’une prise en charge, voire de la commencer pendant la détention, serait selon elle l’une des raisons expliquant la prévalence des troubles psychiatriques des détenus :

« Les magistrats connaissent l’existence du dispositif de soins psychiatriques dans les prisons et prennent parfois la décision d’incarcérer la personne en raison de ces possibilités de soins en milieu pénitentiaire (et aussi parfois du fait des délais de prise en charge psychiatrique à l’extérieur... !) » ([139])

Le Dr Brahmy établit par ailleurs un lien entre l’appréciation plus stricte de l’irresponsabilité pénale par les experts psychiatres et la prise en compte par ces derniers des grandes difficultés induites par la prise en charge des patients médico-légaux par les services de psychiatrie publique – seuls habilités à les accueillir – dans un contexte d’insuffisance de moyens.

« Au total, on constate que les psychiatres experts (qui sont le plus souvent des psychiatres hospitaliers) prononcent de moins en moins d’irresponsabilités pénales. Ils ne souhaitent pas mettre en difficulté leurs collègues en leur imposant ce type de patients difficiles. Ils se prononcent pour le deuxième alinéa du même article 1221, qui dispose que "la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou le contrôle de ses actes demeure punissable. Toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime." » ([140])

● De tels constats ont été confirmés par les rapporteures au cours de leurs travaux.

L’équipe du SMPR de la prison de la Santé, que la mission d’information a visité, estime que les détenus incarcérés pour de courtes peines sont plus fréquemment porteurs d’un diagnostic psychiatrique préexistant, ce qui pourrait s’expliquer par la rareté du recours aux expertises psychiatriques pour les comparutions immédiates, empêchant en outre la reconnaissance d’une éventuelle irresponsabilité pénale Elle estime à 30 % la part des détenus dont les troubles psychiatriques étaient préexistants, mais considère difficile d’établir la part des troubles psychiatriques déclenchés par le contexte d’incarcération de ceux qui la précédaient, dans la mesure où une grande partie des sujets concernés n’a jamais bénéficié d’un suivi avant l’incarcération. Tous les détenus ne sont pas vus en consultation. Entre deux tiers et trois quarts des nouveaux détenus se rendent au SMPR à leur arrivée, mais l’accès aux soins est volontaire, à l’image d’un CMP de secteur. Les demandes de soins sont plus marquées à certaines périodes de l’année ou étapes du parcours carcéral, considérés comme propices aux crises. Ainsi, l’arrivée en détention et la survenue du « choc carcéral », le passage en jugement, les fêtes de fin d’année et les vacances scolaires, ou encore certaines sanctions comme un refus d’activité ou de parloir peuvent accroître la souffrance psychique et susciter des demandes de soins des détenus.

« Nous ressentons incontestablement une augmentation du nombre de détenus présentant troubles du comportement. Pour beaucoup, la prison marque l’entrée dans les soins psychiatriques. [...] Ce que beaucoup de magistrats ne comprennent pas, c’est que le suivi psychiatrique n’est pas obligatoire en milieu carcéral : le SMPR n’est pas une hospitalisation sous contrainte et les détenus sont soignés malgré la prison et pas grâce à la prison. [...] Il faut impérativement reprendre les programmes UHSA et assurer l’ouverture des places promises et augmenter les places dans les secteurs de psychiatrie car faute de place, on met de plus en plus de patients en prison. »

Équipe du SMPR de la prison de la Santé.

Au cours de leur visite, les rapporteures ont échangé avec cinq détenus suivis par le SMPR au cours d’une table ronde sur leur suivi psychiatrique en prison. Alors que quatre d’entre eux indiquaient avoir déjà reçu un suivi psychiatrique avant leur détention, et en dépit de parcours carcéraux marqués par les tentatives de suicide et les hospitalisations en psychiatrie, tous convenaient de la qualité des soins dispensés au SMPR : « Le suivi psychiatrique est bien meilleur ici que dehors. »

« Si l’on voulait caricaturer, on pourrait dire que l’ancien asile psychiatrique est devenu hôpital tandis que la prison devenait asile. »

Ministère de la justice, rapport de la mission sur l’irresponsabilité pénale présidée par MM. Philippe Houillon et Dominique Raimbourg, députés, n° 017-21, février 2021.

Les rapporteures ont à cet égard été informées, au cours de leurs travaux, de l’affectation par le juge de certains détenus dans des centres pénitentiaires proches d’UHSA, dans l’espoir que cela favorise une prise en charge dans cette UHSA voire, en dépit de la loi, de certaines demandes d’incarcération directement à l’UHSA. Le plus souvent, de telles décisions conduiraient davantage à une surreprésentation des détenus atteints de troubles psychiatriques dans ces centres pénitentiaires plutôt qu’à une meilleure prise en charge.

En somme, l’offre de soins psychiatriques en milieu pénitentiaire et la dégradation des conditions de traitement dans le secteur public concourent à l’augmentation de la prévalence comme à la surreprésentation des troubles psychiatriques en milieu carcéral, faisant aujourd’hui de la prison un mode d’entrée dans les soins.


   Partie II :
Les dysfonctionnements constatés dans la prise en charge en urgence traduisent une crise profonde de la psychiatrie

I.   La prise en charge en urgence est insatisfaisante, y compris dans des établissements à la qualité de soins reconnue

Les travaux de la mission d’information révèlent une grande variété de procédures et de défaillances dans la prise en charge des urgences psychiatriques, élaborées dans chaque territoire, dans chaque établissement voire dans chaque service. Le degré de connaissance et de formalisation de procédures dégradées, qui supplantent bien souvent la démarche qualité dans le fonctionnement quotidien des services, constitue à lui seul un témoignage édifiant de la contingence de l’organisation des soins psychiatriques. Cette organisation semble davantage corrélée aux moyens dont disposent les équipes médicales et soignantes qu’à une exigence de respect garantissant la qualité des soins dispensés. Alors que les prises en charge convergent vers les services d’urgences, qui deviennent le centre névralgique et embolisé de la prise en charge, les conditions dans lesquelles elles ont lieu ne permettent pas systématiquement d’apporter le cadre contenant et humain nécessaire, et peuvent causer une expérience traumatique. Elles illustrent l’état de délabrement de l’offre de soins en psychiatrie.

A.   Les prises en charge sont davantage liées aux moyens disponibles qu’à des standards de qualité

1.   L’organisation de la prise en charge dépend principalement des moyens disponibles

La grande variété qui caractérise l’organisation de la prise en charge des urgences psychiatriques, les procédures et les habitudes de travail répondent principalement à la nécessité de composer avec les moyens disponibles au sein de l’établissement et sur le territoire. Elle révèle souvent une banalisation d’un fonctionnement en mode dégradé. Cette contingence des organisations en fonction des moyens se traduit par d’importants écarts de pratiques qui affectent les conditions d’accueil et d’installation des patients, la gestion de leur attente et de leur agitation, ou encore la place réservée aux accompagnants.

● La prise en charge des patients arrivés de nuit aux urgences dépend par exemple de l’organisation de la permanence des soins. Dans les établissements qui ont peu de postes médicaux vacants et où la permanence des soins est organisée par lignes de garde, un psychiatre est présent aux urgences la nuit, ce qui permet aux patients d’être examinés dès leur admission. Dans les établissements qui font face à un grand nombre de postes médicaux vacants, et fréquemment en pédopsychiatrie, le patient arrivant de nuit aux urgences n’est examiné par un psychiatre que le lendemain, sauf nécessité impérieuse. Lorsque les effectifs médicaux ne permettent pas d’assurer une ligne de garde, la permanence des soins (nuit, fin de semaine et jours fériés) s’organise par astreintes, ce qui signifie que le psychiatre, qui rend des avis par téléphone, ne se déplace que s’il l’estime nécessaire et urgent. Dans ce cas, l’équipe paramédicale postée de nuit assure la prise en charge des patients sous la responsabilité médicale du psychiatre consulté à distance.

● Le port du pyjama de soins est très variable d’un service à l’autre : le pyjama de soins permet de rendre les patients les plus vulnérables facilement repérables par les équipes soignantes. Dans certains services visités par la mission d’information, le pyjama était utilisé par une part importante des patients sans se limiter aux seuls sujets présentant un risque suicidaire, en particulier s’agissant des patients de CAC et CAP en soins sans consentement dans l’attente d’un transfert en hospitalisation.

● La gestion de l’attente des patients nécessitant une hospitalisation en psychiatrie est également variable selon le nombre de personnes accueillies dans le service, l’espace disponible ou encore le nombre de postes vacants au sein de l’équipe médicale et soignante. Les établissements organisent, comme ils le peuvent, la surveillance médicale des patients en attente d’hospitalisation au sein des urgences psychiatriques, pendant de longues heures voire journées. Au Vinatier, à Lyon, des lits de camp ont été déployés à ras du sol, dans les couloirs, afin d’accueillir les patients en urgence psychiatrique en attente d’un lit d’hospitalisation. Ce mode de prise en charge, bien que dégradé, évite au moins de perdre de vue les patients par rapport à un placement en chambre ou à l’isolement, tandis que le format du lit limite les risques en cas d’agitation et de chute.

● Concernant spécifiquement la pratique de la contention, qui reste source d’importants débats, les rapporteures observent que, parmi les établissements visités, les mieux dotés et les mieux structurés et contenants y ont moins fréquemment recours. L’équipe médicale des urgences de l’Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) a indiqué ne prescrire la contention d’un patient que de manière très exceptionnelle, allant jusqu’à affirmer, comme l’a fait un psychiatre, que « la contention n’existe presque plus à Marseille ». Selon l’équipe médicale des urgences de l’hôpital de la Timone : « Le premier déterminant dans les pratiques de fermeture de service, d’isolement et de contention d’un patient est avant tout le manque d’effectifs. »

À l’inverse, les rapporteures ont pu constater un recours très important à la contention lors d’un déplacement aux urgences du centre hospitalier du Mans, qui disposent d’une filière psychiatrique assurée par la psychiatrie de liaison de l’EPSM de la Sarthe. Ce département est l’un des plus durement touchés par le manque de lits d’hospitalisation et de médecins psychiatres : la raréfaction des premiers résulte de décisions de fermeture en raison de la vacance persistante de la moitié des postes alloués aux seconds. Cette pénurie a des répercussions importantes sur la prise en charge des patients aux urgences. Au moment de la visite, de nombreux patients en attente de transfert étaient sédatés et contentionnés ou à l’isolement depuis plusieurs jours voire semaines. En effet, dix-sept personnes étaient en attente d’un lit d’hospitalisation, dont onze sous contention : une depuis dix jours, cinq depuis cinq jours et cinq autres depuis deux jours.

« Nous réalisons moins de contentions ici qu’en milieu hospitalier car nous bénéficions d’effectifs relativement plus étoffés : nous avons les moyens de faire de la psychiatrie d’urgence de qualité, même si ces moyens tendent à baisser. Nous avons une petite structure avec du personnel en nombre, formé et expérimenté et une présence médicale forte : l’I3P est un cadre idéal pour prendre en charge ces patients en urgence psychiatrique médico-légale avec un risque de comportement très violent. »

Dr Vincent Mahé, médecin chef de
l’Infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris (I3P).

● Le placement en isolement ou sous contention d’un patient est en principe exclusivement mis en œuvre dans une chambre sécurisée. Mais tous les services d’urgences n’en sont pas équipés, et un service dispose rarement de plus de deux chambres sécurisées. Les rapporteures ont pu constater que ceux qui disposent d’une ou plusieurs chambres dédiées à l’isolement, comme les CHU de Lyon et de Lille, n’ont recours à la contention que dans celles-ci.

Dans les services d’urgences qui ne disposent pas de telles chambres, ou lorsqu’elles sont en nombre insuffisant, les contentions ne sont pas mises en œuvre dans des conditions de sécurité pour les patients. Du reste, ces chambres sont parfois indisponibles en raison de leur affectation prioritaire à l’examen des patients gardés à vue. Ce phénomène prend de l’ampleur dans les urgences des métropoles. Il a des répercussions sur les conditions de prise en charge des autres patients. Aux urgences de la Timone à Marseille, cette file active représente deux patients par jour, soit environ 700 patients chaque année, dont la moitié présente un état de santé incompatible avec la poursuite de la garde à vue et reste alors en chambre sécurisée.

● Enfin, la place des accompagnants et de la famille dans la prise en charge des urgences psychiatriques est variable. Dans de nombreux services d’urgences, les accompagnants ne sont pas inclus dans le parcours de soins. Ils patientent en salle d’attente. Dans certains services d’urgences disposant d’une filière psychiatrique, ils sont davantage associés, lors de consultations spécifiques comme à l’hôpital Sainte-Anne qui propose des consultations dédiées à la famille sans le patient, ou encore l’hôpital Édouard Herriot, à Lyon, où des consultations post‑urgences sont ouvertes aux accompagnants et à leur famille.

2.   La démarche qualité est insuffisamment adaptée et peu mise en œuvre en psychiatrie

L’évaluation de la qualité des soins en psychiatrie est compliquée par l’absence de consensus parmi les psychiatres sur la pertinence de référentiels normés appliqués à la discipline. Il en résulte un retard de la démarche qualité portée à l’échelon national par la Haute Autorité de santé (HAS) dans le champ des soins psychiatriques ([141]).

Ce constat a été corroboré lors de l’audition de la HAS par la mission d’information. La certification des établissements de santé est une évaluation indépendante de la qualité et de la sécurité des soins, obligatoire depuis 1996, qui concerne l’ensemble des établissements de santé publics ou privés. Elle est réexaminée tous les quatre ans par des experts visiteurs mandatés par la HAS sur la base d’un référentiel de certification qui détaille le dispositif, les méthodes de travail et le processus d’évaluation et de décision. Les résultats sont publiés sur le site de la HAS.

● Alors que les établissements de santé spécialisés en psychiatrie sont inclus dans le champ de la certification des établissements de santé, et malgré la mise à jour du référentiel en 2024, seuls 7 de ses 132 critères de certification concernent spécifiquement la psychiatrie et aucun ne porte sur la prise en charge psychiatrique en urgence, qui comporte des particularités eu égard au contexte caractérisant la venue aux urgences. Le référentiel prend insuffisamment en compte la qualité des soins en psychiatrie pour l’évaluer de manière pertinente, notamment en matière de prise en charge en urgence.

En l’absence de norme établissant un standard de qualité des prises en charge en psychiatrie, les procédures internes des établissements sont moins formalisées et plus hétérogènes que pour les soins somatiques.

Critères de certification spécifiques à la psychiatrie de la Haute Autorité de santé

Critère n° 1.4-05 : le patient atteint de troubles psychiques bénéficie d’un panel de soins adapté et diversifié pour accompagner son inclusion sociale dans le cas où son état de santé le nécessite.

Critère n° 2.1-05 : la pertinence du recours à des mesures restrictives de liberté (limitations de contacts, de visites, retrait d’effet personnels, isolement) est argumentée et réévaluée.

Critère n° 2.2-17 : les équipes réalisent un examen somatique pour tout patient hospitalisé en psychiatrie/

Critère n° 2.2-18 : en psychiatrie, la prise en charge ambulatoire permet un accès précoce aux soins psychiques/

Critère n° 2.3-18 : la gestion des récidives d’épisodes de violence est anticipée et gérée avec le patient à l’aide d’un plan de prévention partagé/

Critère n° 3.1-03 : l’établissement est inscrit dans une dynamique de projet territorial de santé mentale (PTSM).

Critère n °3.1-04 : l’établissement a mis en place des modalités de collaboration entre les services ambulatoires de psychiatrie et la médecine générale de ville.

● Outre le faible nombre d’indicateurs spécifiques à la prise en charge psychiatrique, l’étude des résultats partiels de la dernière certification montre que les établissements ayant une activité de psychiatrie sont en moyenne moins bien certifiés que les autres. Cette tendance se vérifie aussi bien lorsque la psychiatrie constitue l’activité majoritaire (à titre principal les établissements spécialisés en psychiatrie) que lorsqu’elle ne l’est pas. Cette tendance est plus marquée dans les établissements publics, en particulier les établissements publics spécialisés en psychiatrie dont près de 25 % sont certifiés sous condition, c’est-à-dire que la qualité des soins est « à améliorer », quand seulement 10 % d’entre eux ont été certifiés avec mention « haute qualité des soins ».

Les Établissements publics ayant une activitÉ de soins psychiatriques ont le taux le plus ÉlevÉ de certification « sous rÉserve »

Source : HAS pour la mission d’information, janvier 2024.

Lecture : alors que l’ensemble des établissements présente un taux de certification sous réserve proche de 15 %, le taux de certification sous réserve dépasse les 20 % dans les établissements publics spécialisés en psychiatrie (catégorie « public majoritaire ») et avoisine les 20 % dans les établissements publics non spécialisés en psychiatrie (catégorie « public non majoritaire »).

Cette tendance pourrait s’expliquer de prime abord par le manque de critères de certification spécifiques à la psychiatrie et par l’inadaptation du référentiel de certification aux soins psychiatriques. Cette interprétation est toutefois contredite par l’analyse des écarts aux dix‑sept critères impératifs ([142]). Considérés les plus importants par la HAS, le non-respect d’un ou plusieurs d’entre eux a des répercussions importantes sur le résultat de la certification. Or, deux des dix-sept critères impératifs concernent spécifiquement la psychiatrie : le recours aux mesures restrictives de libertés et l’examen somatique des patients hospitalisés en psychiatrie. Selon la HAS, les établissements publics avec une activité de soins psychiatriques ont fait l’objet de constats d’écarts plus nombreux aux critères impératifs, ce qui explique leur moindre niveau global de certification. Les établissements publics disposant d’une offre de soins psychiatriques qui n’est pas majoritaire dans leur offre de soins sont ceux qui ont fait l’objet du plus grand nombre de « fiches anomalie » (FA) ([143]).

Des Écarts aux critÈres impÉratifs de certification plus nombreux dans les Établissements publics ayant une activité de soins psychiatriques

Source : HAS pour la mission d’information, janvier 2024.

Lecture : alors que près de 60 % de l’ensemble des établissements n’ont fait l’objet d’aucune fiche anomalie (« 0 FA ») au cours de leur visite de certification, ce taux est légèrement supérieur à 30 % dans les établissements publics spécialisés en psychiatrie (catégorie « public majoritaire ») et inférieur à 30 % dans les établissements publics non spécialisés en psychiatrie (catégorie « public non majoritaire »).

La démarche qualité développée par la HAS est donc peu spécifique à la psychiatrie et, de ce fait, moins présente dans les établissements dispensant des soins psychiatriques. Ce retard d’appropriation a des répercussions dans les résultats de certification des établissements de santé puisque les établissements publics ayant une activité de psychiatrie sont davantage représentés dans les mauvais résultats de certification. La mission d’information n’a pu que constater, lors des auditions comme des visites de terrain, l’existence d’un tel retard ainsi que les vifs débats doctrinaux concernant la pertinence même d’une démarche qualité fondée sur des procédures normées et des standards de prise en charge.

L’expérimentation d’un nouvel indicateur de qualité des soins en psychiatrie :
le « e-Satis PSY »

L’expérimentation d’un nouvel indicateur de qualité des soins perçue par les patients hospitalisés à temps plein dans un établissement autorisé en psychiatrie a commencé en septembre 2023. Elle est menée sous l’égide de la HAS et repose sur le recueil de la satisfaction des patients au moyen d’un questionnaire.

Le questionnaire e-Satis, qui n’était jusqu’alors pas proposé aux patients de psychiatrie, est le premier dispositif national de mesure en continu de la satisfaction et de l’expérience des patients hospitalisés. Cette mesure est effectuée depuis avril 2016 dans tous les établissements de santé concernés grâce à des questionnaires validés par la HAS avec des groupes de travail composés de professionnels de santé et de patients. Ces questionnaires s’adaptent aux différents types de prise en charge et permettent de mesurer le point de vue du patient sur les étapes importantes du parcours de soins : accueil, prise en charge, chambre et repas, sortie de l’établissement.

Cette expérimentation, dont les résultats doivent être présentés au groupe de travail au dernier trimestre 2024 ([144]), propose un questionnaire spécifiquement adapté aux patients adultes hospitalisés à temps plein en soins psychiatriques à leur sortie d’hospitalisation. Tous les établissements de santé ayant une autorisation d’activité de soins de psychiatrie de l’adulte (avec ou sans soins sans consentement) et disposant de lits d’hospitalisation à temps plein sont invités à participer, sur la base du volontariat.

B.   La prise en charge aux urgences est associée à une expérience de la violence pour patients et professionnels

1.   La psychiatrie et les urgences sont historiquement des secteurs plus exposés aux violences

● À l’interface de deux secteurs historiquement les plus touchés par les faits de violence – la psychiatrie et, dans une moindre mesure, les urgences – la prise en charge des urgences psychiatriques est caractérisée par la forte exposition aux violences qu’elle entraîne, alors même que les travaux de la mission montrent la nécessité d’environnements contenants et du maintien d’une relation humaine et bienveillante.

Selon le rapport annuel de l’Observatoire national des violences en santé (ONVS) publié par la direction générale de l’offre de soins (DGOS) en 2022 ([145]), la psychiatrie et les urgences sont respectivement classées en première et troisième positions parmi les secteurs les plus touchés par les faits de violence, les secteurs de gériatrie « unité de soins de longue durée (USLD) » et « établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) » dépassant très légèrement les secteurs d’urgences depuis 2020. En effet, 19 328 cas de violence ont été signalés dans les établissements de santé en 2021 :

– 22,2 % d’entre eux étaient relatifs à des faits survenus en psychiatrie, soit 4 097 signalements d’atteintes aux personnes et 946 atteintes aux biens ;

– 12,2 % d’entre eux concernaient les services d’urgences (contre 12,5 % pour les secteurs USLD et Ehpad), soit 2 276 signalements d’atteintes aux personnes et 361 atteintes aux biens.

Les retours d’expérience partagés aux rapporteures laissent par ailleurs penser que ces signalements pourraient être sous-estimés, de nombreux professionnels renonçant à les formuler.

● Tous services de soins confondus, les violences verbales sont bien plus importantes en 2021 que l’année précédente tandis que moins de violences physiques ont été signalées. Ainsi, 71 % des atteintes aux personnes recensées en 2021 pour l’ensemble des services de soins étaient des violences verbales et 29 % des violences physiques, contre respectivement 67,5 % et 32,5 % en 2020.

Si les signalements pour faits de violence sont en hausse constante en psychiatrie comme aux urgences, la psychiatrie se singularise par la part notable des violences physiques. Elles y représentaient 44 %, contre 56 % pour les violences verbales, des 7 561 faits recensés en 2020 et 38 % des 7 879 faits recensés en 2021. À l’inverse, aux urgences, les violences physiques représentaient 18 % seulement des 5 070 faits considérés en 2020, et 17 % des 5 290 occurrences en 2021 ([146]). Dans ces deux secteurs, c’est donc la très forte augmentation des violences verbales qui est à l’origine de la hausse du nombre de signalements.

● Si les personnels représentent 84 % des victimes d’atteintes aux personnes en 2021, leurs auteurs sont très majoritairement des patients, comme c’était le cas dans 70 % des signalements en 2021, suivis par la catégorie des visiteurs et accompagnants responsable de 19 % des signalements en 2021.

Une part significative des atteintes aux personnes par des patients est attribuée par les déclarants à un trouble psychique de l’auteur, au discernement aboli au moment des faits. Cette situation concernait 23 % des atteintes aux personnes par un patient en 2021 ([147]).

Ces troubles psychiques contribuent aussi à un niveau de gravité accru des violences. Près de la moitié des atteintes aux personnes de niveau 3 et 4 ([148]) sont imputables à un trouble psychique de l’auteur ([149]). En 2021, cet élément était en cause dans 41 % des signalements de niveau 3 et 42 % des signalements de niveau 4. À titre de comparaison, un trouble psychique n’apparaissait alors que dans 7 % des signalements pour atteinte aux personnes de niveau 1 dans les données portant sur l’ensemble des services de soins ([150]).

Les motifs de violences sont relativement stables et établis dans le temps. Le reproche relatif à une prise en charge est le plus fréquent, représentant 51,4 % des signalements en 2021. Suivent le refus de soins (21,2 % des signalements) et le temps d’attente excessif (8,5 % des signalements) ([151]).

2.   Les violences ont d’importantes répercussions sur les conditions de travail des soignants et de traitement des patients

● Les rapporteures ont entendu à de nombreuses reprises, lors de leurs déplacements dans les établissements de santé, des témoignages de professionnels ayant subi des violences lors de la prise en charge de patients en psychiatrie. Elles ont pu mesurer leurs importantes répercussions sur les soins, lorsqu’un patient présente un comportement considéré dangereux ou à risque. Lors d’une visite à l’hôpital psychiatrique Henri Ey, dans le XIIIe arrondissement de Paris, le 31 janvier 2024, un patient hospitalisé en unité fermée a connu un tel accès de violence que les équipes médicales et soignantes de plusieurs unités ont dû prêter main forte à leurs collègues en charge de ce patient ; une fois l’incident terminé, le trouble provoqué par cette violente crise était palpable dans l’attitude des patients comme des professionnels de santé.

La violence a un effet délétère sur les conditions de travail, même lorsqu’elle découle d’une altération du discernement de son auteur. Selon le rapport de l’ONVS précité, les personnels font fréquemment état d’une angoisse de faire les soins, d’une lassitude ou du sentiment d’avoir été agressés gratuitement dans l’exercice de leurs fonctions. Ce sentiment d’insécurité, partagé par les autres patients et les témoins, et pouvant conduire à une désorganisation des services, a souvent été relaté aux rapporteures, quand elles ne l’ont pas observé directement. Il s’ajoute à une charge de travail importante, aux exigences émotionnelles ou encore à la charge mentale qui peut déjà caractériser le fonctionnement des services d’urgences. Les rapporteures ont ainsi pu recueillir certains témoignages d’infirmiers et infirmières faisant des rotations de douze heures pour bénéficier de plus de temps loin de l’hôpital et réduire l’emprise de celui-ci sur leur vie.

● La prise en charge psychiatrique aux urgences est elle-même violente pour les patients, comme de nombreux acteurs rencontrés par la mission d’information ont eu l’occasion de le souligner. Dans son rapport thématique Soins sans consentement et droits fondamentaux, la Contrôleure générale des lieux de privations de liberté (CGLPL) recommandait d’ailleurs que « toute mesure soit prise pour prendre en charge des personnes en situation de crise prioritairement en dehors de l’hôpital, soit à leur domicile, soit dans des centres médico-psychologiques, ou dans toute autre structure pouvant les accueillir, jusqu’à résolution de l’épisode » afin d’éviter autant que possible le passage aux urgences ([152]).

Selon l’Unafam, la prise en charge des urgences psychiatriques au sein des urgences générales hospitalières est foncièrement inadaptée. Les délais d’attente excessifs, la forte affluence, les nuisances sonores, l’absence d’espace dédié à l’apaisement des patients et le manque de personnel formé font des services d’urgences un lieu particulièrement contre-indiqué pour ces publics.

« Les conditions de prise en charge aux urgences sont très rarement adaptées au soin psychique : temps d’attente très long, brutalité, violence, contention... À quoi cela sert d’attendre 24 ou 48 heures dans un couloir avant d’être finalement contentionné et éventuellement hospitalisé ? En France, on oblige les patients à passer par un état de crise psychique et un épisode de violence pour entrer dans les soins. »

Audition de l’Unafam.

Les associations de patients dénoncent l’effet délétère de ces mauvaises conditions de prise en charge sur l’état de santé des patients venus consulter. Selon l’Unafam, la violence de la prise en charge aux urgences aggrave souvent l’état de santé des patients et provoque des décompensations violentes, entraînant un recours excessif aux mesures de contention. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a également fait état de ses réserves quant à la prescription fréquente de contention dans les services d’urgences lors de son audition, notant que certains patients des urgences subissent cette mesure pour des raisons ne tenant pas exclusivement à leur état de santé, et constatant des dérives propres aux services d’urgences qui n’existent pas dans les services de psychiatrie. Selon elle, un patient présentant des troubles psychiatriques et une fracture de la jambe fera plus fréquemment l’objet d’une mesure de contention qu’un patient sans maladie psychiatrique présentant une fracture similaire. Les patients détenus seraient quant à eux systématiquement contentionnés. Cette pratique répandue dans les services d’urgences est d’autant plus problématique qu’elle n’entre pas dans le cadre légal de la contention, réservée aux services de soins psychiatriques autorisés en soins sans consentement. Le recueil des données relatives aux contentions prescrites au sein des services d’urgences est dès lors difficile et ne permet pas de rendre compte de toutes les différences de traitement ou discriminations.

Le recours habituel à la contention est une dérive courante dans le traitement des urgences psychiatriques : elle apparaît parfois comme la variable d’ajustement d’organisations sous tension. La prise en charge médicale aux urgences est assurée conjointement par les médecins urgentistes présents dans le service et les psychiatres qui sont soit présents, soit consultés à distance. La prise en charge paramédicale est assurée par l’équipe des urgences, qui n’est pas spécialisée en psychiatrie. Il en résulte que l’accueil aux urgences des patients agités, souvent assuré dans de lieux non adaptés, est majoritairement assuré par des soignants qui n’ont pas nécessairement d’expérience en psychiatrie. Par ailleurs, les secteurs d’urgences attirent sociologiquement davantage les jeunes professionnels en début de carrière. Alors qu’il arrive fréquemment que des postes médicaux ou soignants soient vacants, le manque d’expérience en psychiatrie des personnels postés aux urgences affecte leur capacité à prendre en charge les patients de manière satisfaisante. En outre, le taux de renouvellement des équipes postées dans les services d’urgences ne fait qu’aggraver ce constat d’une organisation de service et d’un accompagnement des professionnels largement inadaptés à la prise en charge des urgences psychiatriques. Cette inadéquation des moyens humains, en nombre et en niveau d’expérience, aux exigences de la prise en charge psychiatrique aux urgences, induit le recours abusif à la contention.

Les contentions prolongées de patients aux urgences ont également été constatées par les rapporteures lors de leurs déplacements. Le manque de personnel formé et expérimenté en psychiatrie et les durées de séjour excessives en attente d’hospitalisation étaient systématiquement associées à ces contentions prolongées.

« Les internes urgentistes ne sont pas suffisamment formés et préparés pour la prise en charge des patients de psychiatrie qui peuvent être à risque de violence. Aux urgences, on ne sait pas gérer les contentions, on a des patients qui hurlent qu’on doit sédater. [...] On va perdre patience plus facilement et contentionner les patients plus systématiquement ou plus longtemps par peur de fugue, par impatience, par crainte de violences et parce que les infirmiers ne sont pas formés et ne savent pas gérer. »

Intersyndicale nationale des internes (Isni), table ronde avec des jeunes professionnels.

La pratique des contentions croisées, c’est-à-dire qui n’attachent pas symétriquement les membres, a également été décrite dans les services d’urgences. Elle illustre les difficultés des professionnels non formés à la psychiatrie dans la prise en charge des patients aux urgences. Pour limiter l’inconfort d’une contention, certains médecins prescrivent des contentions incomplètes : un membre seul ou un membre supérieur et le membre inférieur du côté opposé, par exemple. Ces pratiques comportent d’importants risques de blessure en cas d’agitation. Or, les contentions sont précisément prescrites à des patients agités, qui présentent un danger pour eux-mêmes ou pour les autres. Le recours fréquent aux contentions croisées illustre les dérives aux urgences : prescrites à des patients dont l’état ne le justifie pas nécessairement et pendant une durée excessive.

C.   Les contraintes de l’ensemble du secteur convergent vers les urgences, induisant contournements et pratiques abusives

1.   La saturation des urgences favorise des pratiques délétères pour les patients comme les professionnels

La saturation précédemment décrite des urgences, liée à la forte hausse des admissions pour motif psychiatrique (+ 21 % entre 2019 et 2023) dans un contexte d’importantes vacances de postes de psychiatres et d’infirmiers, dégrade les conditions de prise en charge et favorise les mauvaises pratiques. Les professionnels de santé, qu’ils soient en nombre insuffisant ou insuffisamment formés pour répondre aux enjeux propres à la psychiatrie d’urgence, déplorent les dérives qu’ils constatent et auxquelles ils participent malgré eux.

● La hausse de la fréquentation des urgences par les patients de psychiatrie accentue les difficultés de ces services à assurer une prise en charge adaptée. Il en résulte fort logiquement la survenue d’événements indésirables graves ([153]), voire de drames. Depuis le lancement des travaux de la mission d’information, plusieurs faits graves associés à des patients des urgences psychiatriques ont mis en lumière la violence de certaines prises en charge.

C’est ainsi que trois événements graves sont survenus les 10, 11 et 14 février 2024 au site de Purpan du CHU de Toulouse, qui accueille une filière psychiatrique au sein des urgences générales. Il s’agit de deux faits de viol et d’agression sexuelle, dont l’un par une personne externe et l’autre sur une patiente immobilisée, puis du suicide d’un patient hospitalisé. Au cours de son audition par les rapporteures, la veuve de ce dernier a décrit la prise en charge « inhumaine et illégale » de son mari, hospitalisé depuis dix jours sur un brancard dans un box de consultation sans fenêtre ni télésurveillance, mettant en cause la défaillance de toute la chaîne de prise en charge, en amont (faute de lits d’aval et de prise en charge) – y compris de la médecine du travail – comme en aval.

« Cela fait des années que ça dure. Les urgences sont devenues des lieux d’hospitalisation. En moyenne, les patients attendent soixante-six heures pour les hospitalisations libres et une centaine d’heures pour celles sous contrainte, c’est très violent. » ([154])

Le site de Purpan du CHU de Toulouse, dernier maillon défaillant de la prise en charge des urgences psychiatriques en Haute-Garonne

L’Igas, chargée de contrôler ce site suite aux événements précités et d’évaluer la situation de la psychiatrie dans le département de la Haute-Garonne, relève que les difficultés liées à l’afflux de patients aux urgences de psychiatrie de Toulouse « sont connues depuis de nombreuses années » et fait état d’alertes répétées.

Dans un département où l’offre du secteur privé est majoritaire avec plus de 75 % des lits d’hospitalisation, le site de Purpan est depuis 2009 le seul site permettant la prise en charge des urgences psychiatriques, à la suite du transfert de cette activité auparavant également assurée par le centre hospitalier Gérard Marchant (CHGM).

En soulevant, comme les rapporteures, les questions d’aval, d’amont et d’engorgement des urgences, ainsi que celles de fermeture de lits en lien avec le virage ambulatoire et de pénurie de personnels, l’Igas constate que « le fait que le CHU site Purpan soit devenu le lieu quasi unique de prise en charge des patients adultes mineurs âgés de plus de 15 ans du département de Haute-Garonne venant pour des urgences psychiatriques, que la population ait augmenté, que la prévalence des troubles psychiatriques ait connu également une augmentation, notamment à la suite de la pandémie de Covid, a conduit à une situation telle qu’il est impossible de rester dans un statu quo ». Les rapporteures, qui partagent de toute évidence ce propos, relèvent par ailleurs que ce département, marqué par une prise en charge dysfonctionnelle, n’apparaît pas moins doté que d’autres territoires qu’elles ont observé.

Dans ce contexte, la mission Igas a préconisé de pérenniser le doublement des gardes, la restructuration des urgences de psychiatrie en filière et la réorganisation des locaux, ainsi qu’un dialogue médical rénové ou encore l’augmentation des capacités d’hospitalisation de courte durée en secteur fermé.

● Le manque de psychiatres peut conduire à des dépassements de tâches qui exposent les personnels paramédicaux des urgences à effectuer des actes médicaux. À cet égard, les CHU, qui ne sont pas toujours épargnés, apparaissent globalement mieux dotés que les autres centres hospitaliers, notamment grâce à la présence d’internes. Le centre hospitalier de Cholet fait ainsi face à une pénurie de médecins psychiatres qui s’est fortement aggravée depuis deux ans, alors que le territoire ne dispose ni de psychiatres libéraux ni de lits d’hospitalisation dans le secteur privé. La prise en charge psychiatrique se résume dès lors à l’activité assurée par la psychiatrie de liaison aux urgences, qui stabilise les patients et recherche des lits dans la région ou en dehors avec l’aide d’une cellule régionale mise en place par l’ARS. Les transferts des patients se font avec leur accord. Ces dispositifs reposent sur une implication et une autonomie très forte des infirmiers, infirmiers en pratique avancée (IPA) et psychologues, pour autoriser les psychiatres à se concentrer sur les situations les plus complexes et les activités médicales. Certains dépassements de tâches ont pu être constatés, ainsi que des sédations, contentions et isolement longs et peu pertinents pour les patients.

2.   Les contraintes d’accès aux lits d’hospitalisation en psychiatrie induisent des stratégies de contournement délétères

La réduction des capacités d’hospitalisation à temps plein en psychiatrie a des répercussions sur la prise en charge des patients aux urgences. L’insuffisante disponibilité de lits d’hospitalisation pour les patients de psychiatrie admis aux urgences, dont ont témoigné l’ensemble des services rencontrés par la mission d’information, occasionne un mode de prise en chargé dégradé et des stratégies de contournement de procédures dans la gestion des hospitalisations. Plusieurs acteurs entendus par les rapporteures en ont témoigné.

La difficulté à trouver des lits d’hospitalisation à temps plein pour les patients des urgences conduirait à un recours plus fréquent aux hospitalisations sans consentement, y compris lorsque l’état du patient ne le justifie pas. Autrement dit, des médecins se retrouvent obligés de signer des hospitalisations sans consentement, faute de pouvoir trouver une place hors de ce cadre. Cette pratique permettrait de se prémunir de comportements non coopératifs d’établissements de secteur refusant le transfert de patients en soins libres et ainsi leur imposer l’admission du patient.

« Nous assistons à un dévoiement de l’hospitalisation sans consentement, avec des passages à l’acte institutionnel où l’on décide de soins sans consentement pour permettre à des patients d’être hospitalisés parce qu’il n’y a pas de place, alors que si la personne avait les moyens d’aller dans le privé, elle pourrait être admise en soins libres. »

Syndicat FO, table ronde avec les syndicats nationaux.

En outre, la rareté des lits d’hospitalisation à temps plein conduirait les équipes médicales à développer des stratégies de gestion de la pénurie impliquant d’anticiper ou de retarder la sortie d’un patient dans le but de libérer le lit au moment le plus opportun pour le service, sans considération de la pertinence médicale du maintien en hospitalisation. Certaines sorties médicalement justifiées le vendredi seraient reportées au lundi pour éviter des admissions de patients transférés d’autres établissements dans l’intervalle.

« Mes collègues psychiatres qui exercent à Paris me relatent des pratiques répandues qui consistent à saturer les lits d’hospitalisation le vendredi soir pour éviter des hospitalisations dans le week-end. »

Dr François Appavoupoullé, président de la CME de l’EPSM de La Réunion.

Inversement, le manque de lits d’hospitalisation sans consentement dans un territoire peut conduire les psychiatres à interrompre prématurément des hospitalisations contraintes au profit d’un programme de soins, c’est-à-dire des soins sans consentement dispensés en ambulatoire, dans le but de libérer leurs lits pour d’autres patients plus urgents, puis à réadmettre en soins sans consentement les patients basculés prématurément en programme de soins.

Le manque de lits d’hospitalisation peut également conduire à renvoyer le patient au domicile alors qu’une hospitalisation serait indiquée. Les médecins prennent en considération les mauvaises conditions d’attente aux urgences et privilégient un retour au domicile avec pour consigne de revenir ultérieurement. Ces refus d’hospitalisation par manque de place ont régulièrement été évoqués au sujet des enfants et adolescents en crise suicidaire. Or, l’hospitalisation courte des mineurs suicidants est une recommandation de bonne pratique qui semble faire l’objet d’un très large consensus.

« Dans le sud de La Réunion, nous ne disposons que d’un centre hospitalier dont l’unité d’hospitalisation sans consentement comporte seulement trentedeux lits. L’équipe médicale s’accorde pour dire que cette unité est sous-dimensionnée par rapport aux besoins de la population. En 2019, la durée moyenne d’hospitalisation sans consentement était de dixneuf jours. Aucune statistique en interne ne permet de recenser le nombre de patients réintégrés en hospitalisation complète, après échec ou rupture du programme de soins mais ces situations sont très fréquentes. En pratique, cela signifie que des patients hospitalisés sans leur consentement font l’objet d’une mainlevée de l’hospitalisation complète au profit d’un programme de soins qui aboutit, quelques fois très rapidement, à des décisions de réintégration. La fréquence de ces situations amène à penser que les patients font parfois l’objet de programmes de soins prématurés afin de libérer des lits et accueillir d’autres patients en urgence. »

Mme Christelle-Claire Cellier, juge des libertés et de la détention,
vice-présidente du tribunal judiciaire de Saint-Pierre, La Réunion.

« Pour les médecins comme les soignants, il se joue quelque chose de l’ordre de la désillusion, de la perte de sens, de jouer comme un rôle de caution pour un système qui ne peut pas fonctionner. On fait sortir des patients avec consigne de revenir en cas de dégradation, mais il y a des prises de risques importantes et l’on joue avec la vie des gens. »

Audition du Pr Philippe Duverger, chef de service au CHU d’Angers.

Le manque de lits d’hospitalisation en pédopsychiatrie conduit également à des hospitalisations dans des conditions inadaptées, en particulier dans certains secteurs d’adultes, où les jeunes patients sont placés en chambre d’isolement et donc enfermés dans le but de les protéger des patients adultes du service.

« La question de l’hospitalisation psychiatrique des mineurs est également très problématique sur le ressort du tribunal judiciaire de Saint-Pierre. L’unité Vanille de l’hôpital Saint-Paul ne suffit pas à répondre aux besoins pédopsychiatriques du ressort si bien que, dans le sud de l’île, les mineurs entre 16 et 18 ans peuvent être hospitalisés dans l’unité d’hospitalisation sans consentement réservée aux adultes et placés en chambre d’isolement, afin de les protéger des autres patients majeurs. »

Mme Christelle-Claire Cellier, juge des libertés et de la détention,
vice-présidente du tribunal judiciaire de Saint-Pierre, La Réunion.

D’importantes difficultés dans la mise en œuvre des soins sans consentement dans certains territoires ultramarins

Les rapporteures ont été alertées à plusieurs reprises quant à des pratiques de contention extrêmement longue dans certains territoires ultramarins. Les témoignages mettent le plus souvent en cause le manque de personnel et de formation sur le cadre juridique applicable, ainsi que le défaut d’unités spécialisées dans la prise en charge des malades difficiles, qui doivent être rapatriés en Europe.

Le cas d’un homme schizophrène, violent et résistant aux traitements a été exposé aux rapporteures lors de leur visite de l’UMD de Villejuif. Avant son transfert à l’UMD, ce patient de Polynésie française, particulièrement difficile et dangereux, avait été maintenu en contention pendant près d’un an, par méconnaissance des services spécialisés pouvant le prendre en charge.

Les rapporteures ont également été alertées quant aux grandes difficultés liées, à La Réunion, à la mise en œuvre de la réforme de la contention, faute de moyens humains et matériels dans un contexte où les ressources sont mobilisées prioritairement en faveur de la prise en charge des urgences psychiatriques. La vice-présidente du tribunal judiciaire de Saint-Pierre a notamment alerté la mission d’information sur l’absence de personnel administratif dédié à cette réforme au CHU local, ce qui la prive de toute possibilité de mise en œuvre.

« Par ailleurs, le logiciel ne permet pas d’obtenir des informations fiables, l’administration de l’hôpital ayant affirmé qu’elle n’est pas en mesure de vérifier la cohérence interne du contenu des saisines du juge en cas de demande de prolongation de l’isolement ou de la contention [...]. Il nous est indiqué que la formation des 40 psychiatres et 80 cadres de garde n’est pas possible ou qu’elle est insuffisante pour éviter les écueils repérés. En l’état, la réforme n’est véritablement ni comprise ni appliquée, et les médecins d’expliquer que les soignants sont débordés par les urgences psychiatriques, qu’ils parent au plus pressé. »

Mme Christelle-Claire Cellier, juge des libertés et de la détention,
vice-présidente du tribunal judiciaire de Saint-Pierre, La Réunion.

3.   La permanence des soins psychiatriques, qui ne fait l’objet d’aucune obligation, est particulièrement fragile

Les contraintes de l’organisation des soins psychiatriques se cristallisent sur les services d’urgences en particulier pendant les soirées, les nuits, les fins de semaine ou encore les jours fériés. Cette situation est d’autant plus problématique que ces temps sont également ceux de la permanence des soins (PDS), qui désigne l’organisation de la continuité de l’offre de soins de ville et à l’hôpital aux heures de fermeture habituelles des cabinets médicaux. Or, la permanence des soins apparaît particulièrement fragile en psychiatrie.

● Cette fragilité, soulignée dans un récent rapport de l’Igas ([155]), tient notamment à ce que la psychiatrie n’entre pas formellement dans le champ des activités couvertes par l’obligation de permanence des soins pour les établissements de santé (PDSES) ([156]), qui ne concernerait que les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO). La psychiatrie ne dispose donc pas de ligne de PDSES dans tous les territoires : « la psychiatrie [qui] se voit reconnaître 70,5 lignes, dont 51 astreintes alors que formellement cette spécialité n’entre pas dans le champ de la PDSES (périmètre MCO), en dehors des services d’urgence ». Fort logiquement, elle figure donc parmi les spécialités dont la permanence des soins est la plus lacunaire. L’Igas dresse le constat d’« organisations de PDSES fragilisées pour les spécialités les plus exposées aux contraintes de la PDSES (anesthésie-réanimation, médecine intensive de la réanimation, gynécologie obstétrique, pédiatrie, gastro-entérologie, psychiatrie). La fragilité des lignes de gardes dont les ARS se font l’écho est due à la fois au déficit de ressources humaines dans les territoires ainsi qu’à la dépendance parfois forte aux prestations d’intérim [...]. Au-delà du risque (dépassé) d’atteinte du point de bascule, le constat doit être fait que ces organisations, qui dépendent de praticiens surinvestis, ne sont pas soutenables par la contrainte de disponibilité qu’elles imposent aux praticiens concernés. » ([157])

L’Igas observe que l’absence de reconnaissance de la psychiatrie comme discipline relevant de la PDSES tiendrait à son mode de financement, qui ne permettrait pas couvrir spécifiquement la charge induite par la création de lignes de garde ou d’astreinte en psychiatrie. Le rapport interroge la pertinence de cette situation : « Le modèle de financement particulier de cette activité suffit-il à justifier son exclusion de l’organisation de la PDSES ? » ([158])

● La permanence des soins en psychiatrie se confond dès lors avec la prise en charge des urgences et repose quasi exclusivement sur le secteur public, ce qui n’est pas sans entraîner de difficultés.

Les travaux de l’Igas montrent que la quasi-totalité des lignes de garde et des astreintes actuellement reconnues dans les schémas régionaux de la PDSES relèvent du secteur public, seules trois lignes d’astreinte étant assurées par le privé non lucratif, tandis qu’aucune garde ou astreinte n’est prévue dans le privé lucratif ([159]).

En l’absence de dotations palliant cette répartition – le privé non lucratif qui assurant la PDSES souffrant par exemple d’un sous-financement sans rapport avec la situation financière du privé lucratif et de structures qui n’assurent pas la continuité des soins –, cela se répercute sur les conditions de prise en charge et de travail dans le cadre de la permanence des soins. Une enquête de l’Association des établissements participant au service public de santé mentale (AdESM) établit ainsi que 81 % des répondants estiment la charge de travail pendant la permanence des soins « inconfortable » voire « extrêmement inconfortable » ([160]). Ils sont 60 % à considérer qu’ils ne disposent pas de l’effectif médical suffisant pour assurer la garde pendant la permanence des soins ([161]).

L’enquête comprend également un recensement des solutions mises en place par les établissements en cas d’absentéisme médical, sans distinguer entre la prise en charge des urgences et la permanence des soins, illustrant la parfaite superposition des deux missions du point de vue des répondants. Il ressort de cet exercice que les procédures dégradées les plus souvent mises en place sont :

– l’augmentation du ratio de gardes par médecin avec la possibilité d’échange entre collègues, et des critères d’attribution des gardes définies localement ;

– une dégradation du cadre de fonctionnement du service avec une réduction du nombre de médecins présents dans le service et une organisation de travail en demi-journées trois fois par semaine ;

– une procédure dégradée remplaçant la garde sur place par une astreinte à distance ;

– le recours à l’intérim médical ou à des contrats à durée déterminée de courte durée ;

– la mise en place d’une astreinte informelle ([162]) ;

– le rappel d’un praticien expérimenté selon les règles proposées localement par la commission relative à l’organisation de la permanence des soins et validées par le directeur ;

– le tirage au sort et l’assignation de praticiens au tableau de garde ;

– l’appel à la solidarité et l’appel au Samu en cas d’urgence vitale.

« L’obligation déontologique, c’est-à-dire l’obligation de participer à la PDSA, existait jusqu’en 2002. Le rapport de Geneviève Barrier ([163]) faisait déjà le constat en 1994 de la nécessité que les urgences psychiatriques deviennent une priorité de la médecine moderne, rappelant que 20 % des appels au Samu concernent une crise psychiatrique et que dans la majorité des cas le médecin généraliste peut gérer la situation. [...] La permanence des soins dans les établissements de santé ne peut plus reposer que sur les hospitaliers. »

Audition Samu-Urgences de France (SudF), table ronde avec les urgentistes.

● En somme, cette situation affecte tant les capacités d’accueil que les conditions de prise en charge du secteur public, dont il concourt par ailleurs à dégrader l’attractivité pour les soignants, accentuant les pénuries de personnels qui le touchent. L’évolution entre 2016 et 2022 de la démographie des paramédicaux en psychiatrie, précisée par la DGOS dans une contribution adressée à la mission, est éloquente à ce sujet :

– pour les infirmiers diplômés d’État (IDE) sans spécialisation, l’ensemble des établissements sanitaires a enregistré une légère diminution de 2,5 %, principalement due à une baisse dans les établissements publics (– 3,5 %) et privés à but non lucratif (– 3,6 %). En revanche, les établissements privés à but lucratif connaissent une hausse de 12,7 % ;

– la forte augmentation globale du nombre d’IDE avec spécialisation, s’élevant à 51,4 % sur la période, bénéficie particulièrement aux établissements privés à but lucratif (+ 328,8 %, contre + 50,3 % dans les établissements publics et + 42,3 % dans les établissements privés à but non lucratif).

– la croissance modérée (3,8 %) du nombre d’aides-soignants est nettement supérieure dans les établissements privés à but lucratif (17,2 %). Il en va de même pour les personnels de rééducation, pour lesquels la croissance globale (8,2 %) est soutenue par une hausse importante dans les établissements privés à but lucratif (44,8 %).

La permanence des soins, un enjeu majeur pour l’offre de soins

La PDS, reconnue depuis 2006 ([164]) comme une « mission de service public » prévue à l’article L. 6314‑1 du code de la santé publique, fait l’objet de débats soutenus, qui trouvent un prolongement dans un cadre législatif en évolution constante.

La permanence des soins ambulatoires (PDSA), qui consiste à prendre en charge les demandes de soins non programmées aux horaires durant lesquels les cabinets libéraux, centres et maisons de santé sont habituellement fermés, est organisée par les ARS depuis la loi dite « HPST » du 21 juillet 2009 ([165]) à travers une division par territoires permettant la définition de tours de garde. Autrefois obligatoire, la PDSA repose depuis 2003 sur la participation volontaire des médecins ([166]). Le manque de volontaires a toutefois conduit à des territoires élargis, au nombre réduit. La charge de la PDSA pour les médecins de garde en est alourdie, entraînant des tensions sur le tableau d’astreinte, des centres d’appels surchargés et, par endroits, des gardes non assurées. L’érosion de la permanence des soins ambulatoires se répercute sur l’activité des urgences, où se rendent les patients ne pouvant être pris en charge autrement.

La permanence des soins des établissements de santé (PDSES), qui n’est pas précisément définie dans la réglementation nationale, relève de l’article L. 6111‑1‑3 du code de la santé publique, qui indique que « les établissements de santé sont responsables collectivement de la permanence des soins en établissement dans le cadre de la mise en œuvre du schéma régional de santé et de l’organisation territoriale de la permanence des soins ». S’il appartient au directeur général de l’ARS de définir un nombre d’implantations sur le territoire, les tâches et spécialités médicales recouvertes par cette permanence sont peu précises dans le code de la santé publique, qui prévoit que le directeur général de l’ARS définit « les missions de permanence des soins » dans des appels à candidature ([167]). Aussi, un consensus s’est construit au fil du temps, sur la base d’une circulaire de 2011 ([168]), pour restreindre le champ de la PDSES à la seule MCO. Dans ce champ, la PDSES est aujourd’hui assurée principalement par les établissements publics où elle prend diverses formes (garde, astreinte opérationnelle à domicile, astreinte de sécurité dans les disciplines qui ne donnent lieu qu’à des appels peu fréquents…) ([169]).

II.   Le recours croissant aux urgences nuit à la qualité du parcours de soins en psychiatrie

Au-delà des dysfonctionnements constatés, la forte hausse du recours aux urgences nuit à la qualité du parcours de soins des patients psychiatriques. Elle signifie à la fois un retard de prise en charge, c’est-à-dire à une prise en charge à un stade avancé du trouble psychiatrique, aggravant en soi la charge pesant sur les urgences, et une entrée aléatoire dans ledit parcours de soins. Cette dégradation de la qualité des parcours se traduit par ailleurs dans la progression des soins sans consentement et des mesures restrictives et privatives de liberté depuis 2012.

A.   Le passage par les urgences marque un retard de prise en charge et ne garantit pas l’accès aux soins

1.   L’augmentation de l’activité psychiatrique aux urgences révèle l’ampleur des ruptures de parcours et des retards de prise en charge

Selon l’Unafam et la Fnapsy, la forte hausse des admissions aux urgences pour motif psychiatrique révèle l’ampleur du retard de prise en charge et du défaut de suivi des patients de psychiatrie en France. D’après ces associations de défense des droits des malades, les difficultés d’accès à un parcours de soins induiraient d’importants retards dans le diagnostic et un manque de suivi qui conduiraient à des décompensations régulières, à l’origine d’un recours chronique aux urgences. Le baromètre 2023 de l’Unafam fait notamment état de difficultés d’accès à un psychiatre ou un psychologue pour 64 % des répondants tandis que le délai d’attente avant le diagnostic est supérieur à deux ans pour 47 % des répondants ([170]). Ainsi, près de 95 % des aidants ont déjà dû faire face à une situation d’urgence psychique pour leur proche et 83 % d’entre eux déclarent avoir rencontré d’importantes difficultés lors de la prise en charge.

Pour de nombreux patients en attente de diagnostic ou n’ayant pas accès à un parcours de soins adapté, la prise en charge par les urgences tend à se substituer à un suivi psychiatrique. Cette situation contrevient aux principes de la sectorisation psychiatrique, qui suppose une prise en charge de proximité par une équipe unique intervenant au sein de l’hôpital comme à l’extérieur pour une meilleure cohérence du parcours, une amélioration de la connaissance du patient et une qualité accrue de son suivi. Selon l’Unafam, « la demande des personnes en souffrance psychique est incompatible avec un délai de prise en charge de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois. Pour que s’instaure la confiance avec les soignants, la stabilité des équipes intervenantes est nécessaire. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, le risque de rupture de parcours rend la stabilisation et le parcours de rétablissement du patient difficile. »

Se pose en outre la question de la bonne prise en charge de troubles spécifiques, tels que la maladie d’Alzheimer ou les troubles cognitifs faisant suite à un accident vasculaire cérébral (AVC), dont la prise en charge ne relève vraiment ni des Ehpad ni des urgences psychiatriques. Cette question est d’autant plus importante que ces personnes peuvent être dangereuses pour elles-mêmes ou pour les autres, du fait de leur pathologie et des atteintes cérébrales qui font partie du tableau somatique.

2.   La venue aux urgences ne garantit pas l’entrée dans un parcours de soins psychiques

La forte croissance du recours aux urgences pour motif psychiatrique et la chronicisation des consultations qui y sont dispensées pour les patients de psychiatrie est d’autant plus préjudiciable qu’elle ne garantit pas l’accès à des soins psychiques en urgence.

Selon l’Atih, en 2023, 263 766 des 566 000 consultations aux urgences pour motif psychiatrique ont donné lieu à une hospitalisation, soit plus de 46 % de l’ensemble. Par déduction, les venues aux urgences ont débouché sur un retour au domicile dans 54 % des cas. Or, le retour au domicile ne garantit pas un accès aux soins, compte tenu des difficultés d’accès aux consultations en centre médico-psychologique ou aux consultations de psychiatre ou de psychologue qui conduisent les patients à renoncer. De la même manière, l’hospitalisation n’assure plus un suivi durable prévenant de nouveaux passages aux urgences.

Ainsi, les consultations aux urgences ne permettent pas toujours aux patients un accès à des soins psychiques, ce qui conduit ceux qui sont dépourvus de suivi à consulter à nouveau aux urgences en cas de crise.

Il semble par ailleurs qu’un grand nombre de patients hospitalisés à l’issue de leur consultation aux urgences soient uniquement pris en charge dans un service somatique, sans garantie d’accueil dans un service de psychiatrie.

En effet, selon l’Atih, seuls 17 % des séjours à temps complet en psychiatrie en 2022 provenaient des urgences alors que 46 % des consultations aux urgences donnent lieu à une hospitalisation dans un service de médecine, chirurgie obstétrique (MCO) ([171]). Cet écart peut s’expliquer par la prévalence des hospitalisations liées à un geste suicidaire et à la prise en charge prioritairement somatique des patients. Mais on ne peut que s’étonner, dans ce cas, de la baisse des séjours en psychiatrie dont le mode d’entrée est un autre séjour hospitalier. En effet, la part des séjours en psychiatrie dont le mode d’entrée est un transfert depuis un autre établissement ou une mutation, c’est-à-dire un transfert depuis un autre service du même établissement, connaît également en baisse continue depuis 2017 ([172]).

L’Atih a analysé, à la demande de la mission d’information, l’évolution de la part de nouveaux patients dans la consommation de soins psychiatriques entre 2019 et 2023 ([173]). Elle montre que la part de nouveaux patients pris en charge par le système de soins psychiatrique, secteur public et secteur privé confondus, s’érode. En effet, alors qu’en 2019, 47 % des patients pris en charge en psychiatrie n’avaient jamais consulté pour ce motif préalablement, ils n’étaient plus que 39 % en 2023. Cette baisse s’exprime également en volume : les nouveaux patients étaient 194 230 en 2019, mais seulement 159 413 en 2023 – soit 35 000 personnes de moins. Sur cette période, la part des 13‑24 ans progresse : de 3 % pour les 13‑17 ans et 4 % pour les 18‑24 ans. À l’inverse, la fraction des 40-59 ans a diminué de 6 %.

Cette baisse de 8 % de la part des nouveaux patients pris en charge en psychiatrie dans le secteur public comme le secteur privé montre que le système de soins psychiatriques parvient moins bien, en 2023 qu’en 2019, à répondre aux nouveaux besoins de soins de la population.

Enfin, en ce qui concerne la dynamique d’activité atypique des patients âgés de 40 à 59 ans, cette classe d’âge se singularise par une baisse de recours aux soins psychiques ainsi qu’un recul dans la part de nouveaux patients pris en charge en psychiatrie ([174]). La concomitance du moindre accès aux soins psychiatriques de cette classe d’âge et de la part croissante qu’elle occupe dans les hospitalisations liées à la prise de toxiques interroge les rapporteures.

La part des nouveaux patients dans l’ensemble des prises en charge
recule depuis 2019

Source : Atih, pour la mission d’information.

Au fil des ans, la part des nouveaux patients âgés de 13 à 24 ans progresse
et celle des patients âgés de 40 à 59 ans diminue

Source : Atih, pour la mission d’information.

B.   En dépit d’un cadre strict, les soins psychiatriques sans consentement ainsi que l’isolement et la contention sont en hausse tendanCielle depuis 2012

1.   Les soins sans consentement en psychiatrie obéissent à un cadre juridique strict et renforcé

  1.   Le consentement aux soins est la règle et les soins sans consentement l’exception

● Depuis la loi du 4 mars 2002 ([175]), le code de la santé publique dispose que le consentement aux soins est une condition indispensable à toute prise en charge thérapeutique ([176]). Si une telle règle s’applique en principe à la psychiatrie, la possibilité d’imposer des soins en l’absence de consentement constitue une exception de cette spécialité. Elle figure à l’article L. 3211‑1 du code de la santé publique ([177]) : « Une personne ne peut sans son consentement ou, le cas échéant, sans celui de son représentant légal, faire l’objet de soins psychiatriques, hormis les cas prévus par les chapitres II à IV du présent titre et ceux prévus à l’article 706135 du code de procédure pénale. » La règle est donc le consentement, et l’absence de consentement l’exception.

Le second alinéa du même article dispose par ailleurs que « toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques ou sa famille dispose du droit de s’adresser au praticien ou à l’équipe de santé mentale, publique ou privée, de son choix tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du secteur psychiatrique correspondant à son lieu de résidence ».

● Les patients en soins psychiatriques libres jouissent des mêmes droits que les personnes hospitalisées pour une autre cause (article L. 3211‑2 du code). Parmi eux, la possibilité d’aller et venir à l’intérieur de l’établissement de soins est une liberté fondamentale qui ne peut être remise en cause.

Un établissement de santé, public ou privé, qui n’assure pas, en application de l’article L. 3222‑1 du code de la santé publique, la prise en charge de patients en soins sans consentement, ne peut accueillir que des personnes en soins psychiatriques libres. Elles ont le droit, sous les réserves liées au bon fonctionnement du service, de circuler librement dans l’établissement. Elles ne peuvent en aucun cas être hospitalisées dans des unités fermées ni, à plus forte raison, dans des chambres fermées. Si l’évolution de l’état de santé d’un patient en soins libres exige que l’on transforme son mode d’hospitalisation, l’article L. 3211‑2‑3 du code de la santé publique oblige l’établissement à prendre, au plus tard sous quarante-huit heures, les mesures nécessaires à son transfert dans une autre structure qui assure ce type de prise en charge. La mission d’information a pourtant recueilli de nombreux témoignages, notamment lors de ses déplacements et visites, indiquant que des patients admis en soins libres se trouvaient empêchés d’exercer cette liberté fondamentale d’aller et venir : soit parce que le patient est hospitalisé en unité fermée par manque de place dans l’unité de soins libres, soit parce que les chambres de soins libres et soins sans consentement ont été regroupées au sein de l’unité fermée par manque de personnel.

Dans les structures d’urgence et les établissements autorisés en psychiatrie, il est possible d’édicter, à titre exceptionnel et en cas d’urgence pour assurer la sécurité du patient ou d’autrui, des mesures de protection pendant quelques heures en attendant la résolution de la situation clinique critique ou l’hospitalisation en soins sans consentement ([178]).

● En France, seuls les établissements chargés d’une mission de service public, désignés par les agences régionales de santé après avis du préfet, sont autorisés à prodiguer des soins sans consentement. Il en existe deux types :

– les soins psychiatriques sur décision du directeur de l’établissement (SDDE, anciennement soins à la demande d’un tiers), doivent réunir quatre conditions. Il s’agit de la présence de troubles mentaux, de l’impossibilité de consentir aux soins, de la nécessité de soins immédiats et d’une surveillance médicale constante ou régulière, et enfin d’un risque grave d’atteinte à l’intégrité physique du malade. Ces conditions sont établies par deux certificats médicaux distincts. La prise en charge est demandée au directeur de l’établissement de soins autorisé par une personne proche de celle qui souffre des troubles et agissant dans son intérêt. Lorsqu’il est impossible qu’un proche effectue cette démarche, le directeur de l’établissement de santé peut également prononcer une prise en charge, mais uniquement en cas de péril imminent pour la santé de la personne ([179]) ;

– les soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État (SDRE, anciennement hospitalisation d’office), également soumis à quatre conditions que sont la présence de troubles mentaux, l’impossibilité pour le patient de consentir, la nécessité de soins immédiats et d’une surveillance médicale constante ou régulière, et enfin l’atteinte à la sûreté des personnes ou, de façon grave, à l’ordre public. Contrairement aux SDDE, cette procédure a pour objet de soigner une personne pour protéger les tiers et préserver l’ordre public. Les critères requis sont attestés par un certificat médical. La décision d’hospitalisation revient au préfet par voie d’arrêté ([180]). En cas d’urgence, le maire peut agir dans l’attente d’une décision conforme du préfet dans les 48 heures, à défaut de laquelle l’initiative du maire est caduque ([181]).

Les SDRE peuvent en outre concerner deux catégories de patients spécifiques : les personnes déclarées pénalement irresponsables dont les soins sont assortis d’un suivi renforcé ([182]) et les personnes détenues présentant des troubles psychiques graves requérant une hospitalisation en service de psychiatrie ([183]). Cette dernière prise en charge peut être décidée dans un établissement psychiatrique autorisé en soins sans consentement ou en soins libres dans une unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) conçue à cet effet.

● Autrefois limités aux hospitalisation à temps plein, les soins psychiatriques sans consentement peuvent être dispensés selon diverses modalités allant de l’ambulatoire à l’hospitalisation à domicile ([184]).

  1.   L’encadrement des pratiques d’isolement et de contention dans le cadre de soins sans consentement a été récemment renforcé

L’isolement consiste à placer le patient dans un espace fermé et séparé des autres patients lors d’une phase critique de sa prise en charge. La contention mécanique limite, par des sangles ou des vêtements spécifiques, ses capacités de mouvement dès lors que son comportement présente un risque grave et immédiat pour son intégrité ou celle d’autrui ([185]). Le cadre juridique applicable à ces pratiques a été récemment précisé par le législateur, dans un processus marqué par plusieurs censures prononcées par le Conseil constitutionnel.

● Le législateur a tenté en 2016 d’encadrer ces pratiques en précisant que « l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d’un psychiatre, prise pour une durée limitée. Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin. » ([186]) En 2020, ces dispositions ont toutefois été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel ([187]), saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, au motif que l’isolement et la contention sont des mesures privatives de liberté nécessitant un contrôle du juge dans le plus bref délai alors que l’article en cause ne mentionnait qu’une « durée limitée » pour la mise en œuvre de ces mesures.

En conséquence, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ([188]) a édicté de nouvelles dispositions relatives aux durées maximales des mesures de contention et d’isolement et à l’information sans délai du juge des libertés et de la détention, doté de la faculté de se saisir d’office ou pouvant être saisi pour mettre fin à la mesure dans un délai de vingt‑quatre heures. Ces prescriptions ont à leur tour été déclarées contraires à la Constitution par une décision du 4 juin 2021 ([189]), jugeant une simple faculté de contrôle du juge insuffisante pour garantir le respect des libertés fondamentales.

Alors que le contrôle obligatoire par le juge de toutes les mesures d’isolement et de contention avait été imposé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 ([190]), ces dispositions ont également été censurées, cette fois au motif qu’elles n’avaient pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale ([191]).

● Le dispositif actuellement en vigueur, qui figure à l’article L. 3222‑5‑1 du code de la santé publique, est issu de la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire ([192]). Les principes généraux de l’isolement et de la contention sont désormais les suivants :

– il s’agit de pratiques de dernier recours ;

– leur mise en œuvre est adaptée, nécessaire et proportionnée au risque, après évaluation du patient ;

– elles visent à prévenir un dommage imminent ou immédiat ;

– seule une décision motivée d’un psychiatre peut les autoriser ;

– leur mise en œuvre est limitée dans le temps ;

– elles s’accompagnent d’une surveillance stricte ([193]) ;

– elles concernent uniquement les patients en hospitalisation complète sans consentement.

Il est également précisé que la mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures, et renouvelée si l’état de santé du patient le nécessite dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures. Elle fait l’objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.

La contention est ordonnée dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures, pouvant être renouvelée si l’état de santé du patient le nécessite dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures. Elle fait l’objet de deux évaluations par douze heures. L’article L. 3222‑5‑1 prévoit qu’à titre exceptionnel, lorsque l’état de santé du patient le nécessite, le médecin peut prescrire ces mesures au-delà des durées maximales autorisées dans le respect des autres conditions exigées par le code ; en ce cas, le directeur de l’établissement prévient l’entourage du patient de cette prolongation. Par ailleurs, au-delà de vingt‑quatre heures de contention et de quarante‑huit heures d’isolement, le directeur de l’établissement informe le juge des libertés et de la détention, qui peut également se saisir d’office. Avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, le directeur de l’établissement est également tenu de saisir le juge des libertés et de la détention, qui statue dans un délai de vingt-quatre heures. Si le juge considère le maintien à l’isolement ou en contention injustifié, il prononce la mainlevée et aucune nouvelle mesure ne peut être prescrite pendant quarante-huit heures. La mainlevée des mesures d’isolement et de contention est sans effet sur les soins psychiatriques sans consentement.

Ce dispositif apparaît conforme aux recommandations de la Haute Autorité de santé en matière de recours à l’isolement et à la contention, qu’elle définit comme des mesures de « prévention d’une violence imminente du patient ou réponse à une violence immédiate, non maîtrisable, sous-tendue par des troubles mentaux, avec un risque grave pour l’intégrité du patient ou celle d’autrui. Uniquement lorsque des mesures alternatives différenciées, moins restrictives, ont été inefficaces ou inappropriées, et que les troubles du comportement entraînent un danger important et imminent pour le patient ou pour autrui. » ([194])

Il suscite toutefois des critiques, notamment quant à la charge administrative qu’il peut induire. L’équipe médicale de l’unité fermée de l’hôpital psychiatrique Henri Ey, dans le XIIIe arrondissement de Paris, a par exemple indiqué aux rapporteures que si cette réforme garantit une meilleure protection des droits des malades, la charge administrative qu’elle induit entraîne une moindre disponibilité des psychiatres et des soignants pour anticiper et prévenir les décompensations. Sur le terrain, « on passe notre temps à remplir de la paperasse ».

2.   Le recours aux soins sans consentement et aux pratiques d’isolement et de contention est pourtant en hausse depuis 2012

Une étude de l’institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes) parue en juin 2022, portant sur les soins sans consentement et les pratiques privatives de liberté en psychiatrie ([195]), alerte sur leur usage trop fréquent en dépit des réformes récemment entreprises et de l’objectif de réduction affiché dans la feuille de route nationale « Santé mentale et psychiatrie » ([196]).

● Selon cette étude, plus de 5 % des personnes suivies en psychiatrie en établissement de santé et 26 % de celles hospitalisées à temps plein ont été prises en charge en soins sans consentement au moins une fois au cours de l’année 2021. On relève une hausse sensible du recours aux soins sans consentement entre 2012 et 2021, malgré un infléchissement depuis 2015. Alors que la crise sanitaire a considérablement compliqué les soins psychiatriques au cours de l’année 2020, avec des hospitalisations à temps plein en recul de 8 %, les soins sans consentement pour les personnes hospitalisées à temps plein n’ont diminué que de 1 % sur la même période. Des recherches internationales établiraient par ailleurs que le recours aux soins sans consentement en France figure parmi les plus élevés en Europe, et que sa dynamique d’augmentation figure pareillement parmi les plus marquées du continent ([197]). Cette tendance s’expliquerait par l’élargissement des pratiques de soins sans consentement à de nouvelles modalités extra-hospitalières ainsi que par l’accroissement des admissions pour péril imminent, qui facilitent la prise en charge dans un contexte d’urgence et épargne aux proches cette démarche difficile.

Évolution de la file active hospitalisÉe À temps plein, suivie au moins une fois sans son consentement ou uniquement en soins libres, en psychiatrie en Établissement de santÉ entre 2013 et 2021

Source : Irdes, 2022.

● Les mesures d’isolement ont également augmenté jusqu’en 2018 avant de connaître une légère inflexion en 2019 puis une forte hausse à partir de 2020 (+ 6 % de personnes en isolement et + 14 % de journées d’isolement en un an) ([198]). Bien qu’elles reculent à partir de 2021, ces pratiques restent cependant plus employées qu’avant la crise sanitaire.

Selon la même étude, 10 000 personnes auraient ainsi fait l’objet d’une mise sous contention mécanique en 2021, ce qui représente plus d’un patient hospitalisé sans son consentement sur dix. Une amélioration continue de la qualité, de l’exhaustivité et de la diffusion de ces données demeure nécessaire pour limiter ces mesures, en particulier s’agissant des contentions au sein des services d’urgences ([199]).

Hopsyweb : le fichier de recueil des informations
relatives à l’isolement et à la contention

Depuis le 1er janvier 2018, les établissements autorisés à dispenser des soins sans consentement en psychiatrie doivent procéder au recueil des données relatives au recours à l’isolement et à la contention dans un fichier appelé Hopsyweb.

Le Défenseur des droits avait été saisi dès 2019 par des associations d’usagers du système de santé, dont l’Unafam, sur la légalité des traitements de données à caractère personnel du fichier Hopsyweb qui a pour finalité, à l’échelon départemental, le suivi des personnes admises en soins psychiatriques sans consentement.

En mars 2020, le Conseil d’État a rejeté six demandes d’annulation, dont celle de l’Unafam, du décret liant le traitement de données Hopsyweb avec le fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), en jugeant que la finalité du traitement créé répondait à l’intérêt public.

En mars 2021, un collectif militant a de nouveau alerté le Défenseur des droits quant à la stigmatisation des personnes vivant avec des troubles psychiques, ainsi que sur les décrets relatifs à la sécurité intérieure et le fichier Hopsyweb, qui autorisent le croisement les données médicales d’Hopsyweb (noms, prénoms et date de naissance de patients psychiatriques hospitalisés sans consentement) avec le FSPRT.

Dans sa lutte contre la menace terroriste, le Gouvernement a souhaité élargir la liste des autorités pouvant accéder aux données d’Hopsyweb. La loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement permet ainsi l’accès des préfets et des services de renseignement aux données d’identification des patients ayant fait l’objet de soins sans consentement ainsi qu’aux données relatives à l’admission en soins psychiatriques de personnes condamnées pour terrorisme jugées dangereuses à l’issue de leur peine. Le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité du dispositif dans une décision du 30 juillet 2021 ([200]).

En septembre 2021, le comité des droits des personnes handicapées des Nations unies a néanmoins recommandé à la France d’abroger ce dispositif et de cesser la collecte de données concernant les personnes souffrant de handicaps psychosociaux, jugée discriminatoire, et d’empêcher l’utilisation de leurs données à caractère personnel et médical sans leur consentement.

Source : contribution du Défenseur des droits pour la mission d’information.

III.   La crise actuelle invite À reconsidÉrer l’Évolution des moyens financiers et humains dÉvolus À la psychiatrie

L’urgence psychiatrique nécessite désormais une réponse sans précédent, qui dépasse la capacité du système de soins à la traiter correctement. Au-delà de la prise en charge de l’urgence proprement dite, l’un des principaux enseignements de la présente mission d’information est la relation ténue entre la démultiplication des situations de crise et la possibilité pour les structures de santé de garantir l’accès aux soins psychiques à la hauteur des besoins de la population. À cet égard, les moyens humains et financiers alloués au système de santé public et privé pour le suivi au long cours des patients semblent plus déterminants encore, pour résoudre la crise, que la généralisation d’un modèle de filière psychiatrique au sein des urgences générales dans tous les établissements.

Avant sa réforme en 2022, le financement des établissements de santé dispensant des soins psychiatriques engendrait des inégalités entre établissements publics et privés comme entre régions. Il n’incitait pas les établissements à adapter les prises en charges aux besoins de la population.

A.   Les effets de la rÉforme du financement de la psychiatrie comme de la hausse des dÉpenses sont À relativiser

1.   Le mode de financement historique de la psychiatrie, qui entretenait des inégalités de prise en charge, a fait l’objet d’une réforme pleinement effective en 2026

Si la santé mentale représente plus de 26,2 milliards d’euros de dépenses ([201]), soit le premier poste de dépenses de l’assurance maladie loin devant la lutte contre le cancer ou les maladies cardio-vasculaires, le financement des établissements de soins psychiatriques ne représente qu’une partie de cette enveloppe. Les sommes allouées aux soins psychiatriques par l’assurance maladie s’inscrivent dans le cadre général du pilotage des dépenses des établissements de santé, déterminé chaque année en loi de financement de la sécurité sociale par l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) et plus précisément par le sous-objectif relatif aux établissements de santé ([202]).

● Jusqu’à la réforme du financement de la psychiatrie entrée en vigueur le 1er janvier 2022, l’activité de psychiatrie était financée suivant deux modalités différentes selon le rattachement de la structure de soins au secteur public ou au secteur privé à but lucratif :

– la dotation annuelle de financement (DAF), rattachée à l’Ondam, consistait en une enveloppe globale de financement, allouée par année civile par les agences régionales de santé aux établissements du secteur public ainsi qu’aux établissements privés à but non lucratif (dits du « secteur DAF »), indépendamment du niveau d’activité. Le ministère de la santé définissait par arrêté un plafond de ressources par région en précisant par circulaires budgétaires le montant et la nature des missions financées par ces dotations ;

– l’objectif quantifié national (OQN) était à l’inverse un financement à l’activité établi sur la base de tarifs journaliers, rattachés à une prestation et à une discipline, pour l’activité accomplie au sein des cliniques privées du secteur commercial et de certains établissements privés à but non lucratif, également appelés « établissements sous OQN ». L’État déterminait un taux d’évolution des tarifs par région et par type de dépense, tandis que chaque région fixait les tarifs des établissements dans le respect du taux d’évolution moyen régional défini par l’État.

● L’existence de deux modèles distincts de financement a toutefois accentué les différences de prise en charge entre établissements publics et privés ainsi que les disparités dans l’allocation des moyens entre établissements selon leur implantation régionale ou leur nature juridique. La situation a justifié une importante réforme du financement de la psychiatrie.

La rémunération au prix de journée liée à l’OQN exerçait en effet une pression à la hausse sur le taux d’occupation des lits ([203]). Elle dissuadait de ce fait les établissements de se tourner vers les alternatives ambulatoires telles que les soins en hôpital de jour ou l’hospitalisation à domicile, encore embryonnaire en France.

Cette rémunération était également associée à des durées de séjour plus longues dans les établissements du secteur privé lucratif. Dès 2010, la Drees avait identifié un écart notable entre les durées moyennes de séjour dans le secteur public et dans le secteur privé à but lucratif. Selon ses chiffres, en 2008, la durée moyenne de séjour (DMS) en psychiatrie tous secteurs confondus était stable autour de 30 jours. Toutefois, elle était plus élevée dans les établissements privés : 35 jours dans le privé lucratif et 36,9 jours dans le non lucratif contre 28,5 jours dans le public ([204]). Cet écart de près d’une semaine s’explique d’autant moins que la typologie des patients pris en charge par le secteur privé à but lucratif correspond à des pathologies moins lourdes et socialement moins délicates. Au reste, la différence s’est accentuée depuis 2008 avec l’allongement de la durée moyenne de séjour dans le secteur privé lucratif en psychiatrie, proche de 40 jours, tandis qu’elle se maintient autour de 28 jours dans le secteur public ([205]). Il semble donc, au regard de ces éléments, que le financement par OQN avait pour effet d’inciter les cliniques psychiatriques à maximiser le taux d’occupation de leurs lits d’hospitalisation à temps plein au détriment du recours aux prises en charge à temps partiel, et à allonger les durées de séjour des patients hospitalisés, ce qui limitait fort logiquement la capacité de l’établissement à accepter de nouveaux patients.

Les durÉes moyennes de sÉjour d’hospitalisation complÈte en psychiatrie sont significativement plus ÉlevÉes dans le secteur privÉ lucratif que dans le secteur public en 2021

Source : Drees, Les dépenses de santé en 2022, édition 2023, p. 47.

La dotation annuelle de financement n’était pas non plus exempte d’écueils. S’agissant d’une enveloppe globale ne dépendant ni du nombre de journées d’hospitalisation, ni de la sévérité des prises en charge associée à la fixation d’un tarif, elle ne permettait pas de prendre en compte le rapport qualité/coût d’une prise en charge, et conduisait à des inégalités budgétaires selon les régions et les établissements. En outre, de nombreuses personnes rencontrées par la mission d’information ont dénoncé un effet d’aubaine associé à la gestion de cette enveloppe dans certains établissements non spécialisés en psychiatrie. En cas de sous exécution de la DAF ([206]), les crédits non consommés seraient versés dans le budget de l’hôpital afin d’améliorer le résultat net comptable en fin d’exercice, au lieu d’être reportés sur la seule activité de psychiatrie d’un exercice à l’autre.

● Dans ce contexte, le législateur a réformé le financement des activités de psychiatrie à partir de 2019 ([207]) afin d’en harmoniser les modalités et de réduire les inégalités territoriales et sectorielles constatées, tout en soutenant la modernisation des prises en charge. Ce modèle repose sur huit compartiments ([208]) :

– une dotation populationnelle visant à corriger les inégalités régionales de financement ;

– une dotation à la file active pour valoriser l’activité des établissements ;

– un compartiment relatif aux activités spécifiques pour reconnaître et financer certaines activités à portée suprarégionale ;

– plusieurs actions de financement ciblées afin de soutenir la transformation du secteur (dotation transformation), la structuration de la recherche en santé mentale (dotation recherche) et le développement d’activités innovantes (dotation nouvelles activités) ;

– un financement à la qualité à travers l’extension à la psychiatrie du dispositif d’incitation financière à la qualité (Ifaq) et la création d’un compartiment dédié au financement de la qualité du codage.

Cette réforme fait de la dotation populationnelle la principale source financière des établissements publics et privés non lucratifs tandis que la dotation à la file active devient le vecteur majoritaire de financement public des établissements privés à but lucratif. La réforme fait l’objet d’un dispositif de transition assorti d’une garantie de recettes des établissements en 2022 puis des deux principaux compartiments, la dotation populationnelle et la dotation file active, jusqu’en 2025. La réforme entrera pleinement en vigueur en 2026, à l’issue des mesures transitoires accompagnant son déploiement progressif.

Conformément aux préoccupations exprimées par la Cour des comptes, qui jugeait nécessaire une transformation améliorant l’efficacité de la dépense publique et tenant compte des besoins de santé dans les territoires([209]), les critères nationaux d’allocation de la dotation populationnelle élaborés pour le calcul du versement attribué à chaque région depuis la réforme sont :

– le nombre d’habitants de la région (critère pondéré à hauteur de 80 %) ;

– la densité de psychiatres libéraux (critère pondéré à hauteur de 5 %) ;

– le taux de pauvreté (critère pondéré à hauteur de 9 %) ;

– la taille moyenne des ménages (critère pondéré à hauteur de 1 %) ;

– le nombre de places dans le secteur médico-social (critère pondéré à hauteur de 5 %) ([210]).

● L’entrée en vigueur pleine et entière de la réforme suscite pourtant des appréhensions. Le nouveau modèle de financement incite les établissements à augmenter le nombre de patients accueillis, à développer des prises en charge ambulatoires et à limiter les durées de séjour, faisant redouter à certains acteurs de terrain rencontrés par la mission d’information que l’efficience des soins et leur rentabilité économique soit priorisée au détriment d’un suivi au long cours menant éventuellement à des hospitalisations temps plein prolongées. Quant à l’abandon du prix de journée, il pourrait induire des pertes de recettes importantes pour les établissements du secteur privé lucratif, sans adaptation de leurs modes de prise en charge. Le fléchage des crédits alloués à la psychiatrie au sein des établissements publics non spécialisés sera en revanche garanti avec l’entrée en vigueur de la réforme qui rompt avec la logique d’enveloppe globale au profit d’un financement spécifique par compartiments, gage d’une utilisation plus lisible des crédits.

● Au-delà des questions de méthode de calcul, le financement des établissements de soins psychiatriques du secteur public comme du secteur privé augmente. En atteste l’évolution entre 2016 et 2021 de la dotation annuelle de financement des établissements publics, comme celle de l’objectif quantifié national pour les établissements relevant du secteur privé à but lucratif.

Évolution de l’objectif de dÉpenses d’assurance maladie des Établissements financÉs par DAF et par OQN entre 2016 et 2021

       (en millions d’euros)

 

Objectif de dépenses pour les établissements financés par DAF ([211])

Objectif de dépenses pour les établissements financés par OQN ([212])

2016

8 937,6 

716,7 

2017

8 967,6 

722,2

2018

9 039,4

735,3

2019

9 080,9

763,7

2020

9 249,7

817,7

2021

10 085,7

847

Source : contribution de la DGOS pour la mission d’information.

Les crédits dévolus par l’assurance maladie aux établissements relevant du secteur public ont augmenté de 12,8 % entre 2016 et 2021, contre une hausse de 11,8 % des sommes allouées aux établissements relevant du secteur privé lucratif sur la même période. Si la situation des établissements relevant du secteur public semble légèrement plus favorable, il convient de garder à l’esprit que le financement par l’assurance maladie est la seule ressource des établissements publics tandis que les établissements du secteur privé lucratif facturent leurs prestations à la fois à l’assurance maladie et aux patients, montants dont les organismes complémentaires remboursent une part qui varie selon les conditions contractuelles souscrites ([213]).

Évolution de l’objectif de dÉpenses d’assurance maladie depuis 2022

(en millions d’euros)

 

Objectif de dépenses d’assurance maladie ([214])

2022

11 353,2

2023

12 139,8

2024

12 771,3

Source : contribution de la DGOS pour la mission d’information.

L’objectif de dépenses des activités de psychiatrie est unique pour l’ensemble des établissements depuis le 1er janvier 2022, sans distinction par nature juridique. Il a poursuivi sa dynamique de croissance entre 2022 et 2024, en hausse de 12,5 %.

2.   La hausse des dépenses d’assurance maladie liées à la prise en charge des maladies psychiatriques est toutefois à relativiser

● Si les dépenses d’assurance maladie liées à la prise en charge de maladies psychiatriques connaissent une hausse indéniable depuis 2016, s’élevant à 22,8 % entre 2016 et 2022 ([215]), elles augmentent cependant moins vite que les dépenses totales d’assurance maladie (+ 23,6 % toutes pathologies et tous types de prise en charge confondus).

Cette augmentation des dépenses remboursées résulte à titre principal de la croissance des dépenses d’hospitalisation (+ 23,7 %) et, dans une proportion légèrement inférieure de la croissance des dépenses de soins de ville (+ 22 %) et des prestations en espèces (+ 19 %).

La croissance en apparence forte des dépenses remboursées de soins pour des pathologies psychiatriques est donc à relativiser. Elle concerne un nombre de personnes atteintes d’une maladie psychiatrique significativement plus élevé en 2022 qu’en 2016 (+ 16,2 %). Ainsi, la dépense moyenne de soins remboursés rapportée au nombre de malades n’augmente que de 5,7 % alors que l’inflation cumulée sur la période atteint 11,8 %. La dépense moyenne de soins remboursés par malade corrigée de l’inflation a donc baissé de 6,1 % sur la période.

Évolution des dÉpenses remboursÉes par l’assurance maladie pour les maladies psychiatriques entre 2016 et 2022

 

2016

2022

Variation 2016-2022

Total dépenses remboursées par l’assurance maladie toutes pathologies
(en millions d’euros)

154 050

190 344

23,6 %

Dont dépenses liées aux maladies psychiatriques

 

 

 

Effectifs

2 410 190

2 799 950

16,2 %

Taux de prévalence dans la population

3,73 %

4,07 %

0,3 pt

Indice des prix à la consommation

100,18 ([216])

112,01 ([217])

11,8 %

Dépenses totales (en millions d’euros)

14 978

18 390

22,8 %

dont hospitalisations (tous secteurs)

9 760

12 077

23,7 %

dont soins de ville

2 945

3 594

22,0 %

dont prestations en espèces

2 272

2 719

19,7 %

Dépenses moyennes (en euros)

6 214

6 568

5,7 %

Source : Cnam, portail Data ameli.

Alors que la réforme du financement de la psychiatrie vise à réduire les inégalités de financement entre établissements selon leur territoire ou leur nature juridique et à mieux répondre aux besoins de santé du bassin de population n’entrera pleinement en vigueur qu’en 2026, l’analyse de l’évolution des dépenses remboursées liées aux maladies psychiatriques montre que la dépense moyenne par malade est en baisse et sans doute insuffisante au regard de l’augmentation du nombre de malades, de la gravité des pathologies constatées, et de l’inflation. Au‑delà des moyens financiers, l’analyse des moyens humains et singulièrement des effectifs de psychiatres en activité est également essentielle dans la compréhension des facteurs de saturation de l’offre de soins psychiatriques, qui se traduit dans la forte augmentation du recours aux urgences dans les récentes années.

B.   Un lien manifeste entre les difficultÉs d’accÈs aux soins et l’Évolution en trompe-l’œil de la dÉmographie mÉdicale

Alors que la France dispose d’une densité de psychiatres parmi les plus élevées d’Europe avec 22 praticiens pour 100 000 habitants, des difficultés d’accès aux soins ont été unanimement décrites par les personnes rencontrées dans le cadre de la mission d’information. L’analyse de la démographie médicale des psychiatres en activité montre d’importantes transformations depuis 2010, et une croissance en trompe-l’œil des effectifs de psychiatres. Par ailleurs, les disparités territoriales et de secteur d’installation ont affaibli la couverture des besoins dans certains départements dont l’offre de secteur public est extrêmement réduite. Les patients ne disposant pas des moyens pour être soignés dans le secteur privé, et ceux dont la pathologie n’est pas prise en charge dans le secteur privé, ne peuvent dès lors pas prétendre à un suivi adapté.

1.   La croissance en trompe-l’œil du nombre de psychiatres en activité entre 2010 et 2023

Les effectifs de psychiatres ont connu une croissance significative de 21 % entre 2010 et 2023. En 2010, 12 618 psychiatres en activité étaient inscrits à l’Ordre des médecins. Ils étaient 15 265 au 1er janvier 2023, dont 12 645 actifs réguliers ([218]), 2 078 retraités actifs ([219]) et 542 intermittents ([220]). Ce dynamisme démographique ne doit toutefois pas masquer d’importantes transformations depuis 2010 sous l’effet d’un renouvellement générationnel, d’une féminisation de la profession et d’une évolution des modes d’exercice.

● Si les effectifs sont en hausse pour tous les types d’activité, cette croissance est très largement induite par les retraités actifs et les intermittents, ainsi que par les médecins à diplôme étranger. En effet, entre 2010 et 2023, le nombre de psychiatres actifs réguliers a augmenté de 4,9 %, soit 586 actifs réguliers supplémentaires, tandis que le nombre de retraités actifs bondissait de 345 %, (soit 1 611 retraités actifs supplémentaires) et celui des intermittents de 489,1 % (450 personnes supplémentaires) ([221]). Les médecins ayant obtenu leur diplôme à l’étranger ([222]) sont également de plus en plus nombreux parmi les psychiatres en activité régulière. Ainsi, alors que 9 % des psychiatres en activité régulière avaient en 2010 obtenu leur diplôme à l’étranger, cette proportion est de 15,8 % en 2023. Ce qui pose question de la solidité et de la soutenabilité du modèle.

Évolution des effectifs de psychiatres en activitÉ entre 2010 et 2023

Source : Conseil national de l’Ordre des médecins, pour la mission d’information.

Au regard du faible nombre de psychiatres intermittents (542 en 2023), il apparaît que la croissance des effectifs correspond principalement à celle du nombre de retraités actifs. Ils ne représentaient que 3,7 % de l’effectif total en 2010, mais 13,6 % de celui-ci en 2023. En moyenne ce sont 410 départs à la retraite qui sont enregistrés chez les psychiatres actifs réguliers chaque année depuis cinq ans. Le type de retraite choisi est de plus en plus la retraite active. En ces termes, alors que les psychiatres en activité régulière qui sont partis à la retraite au cours de l’année 2018 ont fait le choix à 49,1 % d’une retraite active, ils sont 55,7 % à faire ce choix au cours de l’année 2022. Les actifs réguliers représentaient 95,6 % de l’ensemble des psychiatres en activité au 1er janvier 2010, mais seulement 82,8 % en 2023.

Cette évolution soulève des difficultés concernant le suivi au long cours des personnes atteintes d’une maladie psychiatrique tout au long de leur vie. En effet, si un psychiatre sur sept est aujourd’hui retraité en poursuite d’activité, cela signifie probablement qu’une part proche ne prend pas de nouveaux patients et que ces psychiatres n’ont pas le même niveau d’activité que les actifs réguliers. Si l’on considère que ce moindre niveau d’activité concerne la catégorie des retraités actifs (13,6 % des effectifs) et des intermittents (3,6 % des effectifs), cela signifie que plus de 17 % de l’effectif total déploie un moindre niveau d’activité et que cette part s’accroît. En somme, parmi les 2 647 psychiatres supplémentaires entre 2010 et 2023, 2 061 d’entre eux, soit la grande majorité de l’augmentation des effectifs, ont un niveau d’activité réduit, et une durée d’exercice restreinte.

Cette observation doit conduire à relativiser l’effet de l’augmentation apparente du nombre de psychiatres en activité mais aussi à souligner la fragilité d’organisations liées à la présence des seniors sans plans de consolidation en amont de leur départ, alors que plusieurs témoignages reçus par les rapporteures font état de services qui se sont effondrés au départ de l’un d’entre eux. Cette problématique est particulièrement sensible au regard de la pyramide des âges – au 1er janvier 2023, 925 psychiatres en activité régulière, soit 7,3 % de l’effectif, a déjà atteint l’âge moyen de départ à la retraite – et des futurs départs à la retraite anticipés par le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom). En effet, en se fondant sur la tendance observée ces cinq dernières années, et en partant du principe qu’une fois l’âge moyen de départ à la retraite atteint (66,4 ans) le psychiatre part à la retraite, le Cnom estime que, le 1er janvier 2028, 19,3 % des actifs réguliers actuels auront atteint l’âge de départ à la retraite, notamment suite à un pic de départs en 2027.

Nombre de dÉparts À la retraite de psychiatres

Source : Conseil national de l’Ordre des médecins, pour la mission d’information.

2.   Les psychiatres libéraux, de moins en moins nombreux, voient davantage de patients en consultation

● Les données transmises à la mission par la Drees montrent que l’effectif des psychiatres libéraux se distingue par une situation plus défavorable que pour l’ensemble des psychiatres, et a diminué de 2 % entre 2012 et 2022. Derrière une baisse en apparence modérée se cache toutefois une évolution des modes d’exercice : l’exercice exclusivement libéral a pour sa part baissé de 14 % sur la même période. Cette baisse est significativement plus élevée pour les plus jeunes professionnels : les effectifs de psychiatres libéraux de moins de 65 ans ont diminué de 36 % entre 2012 et 2022. Ce phénomène n’est pas propre à la psychiatrie mais il concerne également d’autres spécialités telles que la gynécologie, la dermatologie, l’oto-rhino-laryngologie, la pédiatrie ou encore l’ophtalmologie. Une proportion plus importante de psychiatres libéraux opte désormais pour l’exercice mixte, et s’agissant des libéraux exclusifs, leur niveau d’activité libérale est plus faible.

Cette évolution tient notamment aux nombreux départs en retraite, peu remplacés dans ce mode d’exercice par les jeunes générations et par les psychiatres en activité régulière, qui plébiscitent de plus en plus le salariat ([223]).

● Au-delà des évolutions relatives au mode d’exercice, la structuration démographique par sexe et par âge des psychiatres a connu une importante transformation entre 2010 et 2023 :

– la part des psychiatres âgés de 60 ans et plus, tous modes d’exercices confondus, reste relativement stable, passant de 20,2 % des effectifs en 2010 à 22,1 % en 2023, tandis que la part des moins de 40 ans a fortement augmenté, traduisant un renouvellement important. Ces derniers, qui ne représentaient que 16,2 % des effectifs en 2010, comptent pour 30,9 % d’entre eux en 2023. La situation est toutefois bien plus défavorable pour les psychiatres libéraux actifs : un tiers d’entre eux a aujourd’hui 65 ans ou plus, contre seulement un sur six il y a dix ans. La situation démographique de la profession est donc là-encore préoccupante et se pose la question de la délicate transmission entre anciennes et nouvelles générations de psychiatres ;

– la profession s’est également fortement féminisée. En 2023, 57 % des psychiatres en activité, tous modes d’exercices sont des femmes, contre moins de la moitié des effectifs en 2010 (47 %).

● Le renouvellement générationnel et la féminisation ont régulièrement été évoqués par les personnes entendues comme à l’origine d’une réduction du temps médical par praticien, c’est-à-dire du temps consacré aux consultations. La jeune génération de psychiatres, aspirant à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, y compris pour les jeunes psychiatres hommes, travaillerait moins d’heures par semaine, ce qui réduirait les plages de consultations disponibles et expliquerait qu’en dépit de l’augmentation du nombre de psychiatres en activité, leur file active diminue ([224]), laissant de nombreux patients atteints de maladies psychiatriques en errance diagnostique.

Si, pour de nombreux observateurs entendus par les rapporteures, la baisse d’activité des psychiatres libéraux expliquerait l’augmentation du recours aux urgences, cette analyse, bien que convaincante, semble contredite par l’évolution de la file active de patients suivi par psychiatre libéral. En effet, les données transmises par la Caisse nationale de l’assurance maladie concernant l’activité des psychiatres libéraux entre 2016 et 2023 montrent que les psychiatres libéraux voient leur file active augmenter tendanciellement.

Tous secteurs d’installation confondus, un psychiatre libéral reçoit en moyenne 308 patients différents en consultation en 2023 contre 295 en 2016, soit une augmentation de la file active par psychiatre de plus de 4 %. Cette croissance est plus marquée chez les praticiens installés en secteur 2, qui pratiquent des dépassements d’honoraires. En effet, ils reçoivent en moyenne 290 patients en consultation en 2023 contre 247 en 2016, soit une augmentation de 17,4 %. Les psychiatres installés en secteur 1 ont connu une croissance plus modérée de leur file active sur la période (+ 1,2 %), mais ils accueillent en moyenne une file active plus importante. Les psychiatres non conventionnés sont peu nombreux et disposent d’une file active marginale et en baisse tendancielle.

En somme, les psychiatres libéraux verraient davantage de nouveaux patients chaque année, en dépit du renouvellement générationnel de la profession et de sa féminisation, et malgré la part croissante d’entre eux exerçant une moindre activité. Ainsi, l’allongement des délais de rendez-vous auprès des psychiatres libéraux et l’augmentation de la fréquentation des urgences pour motif psychiatrique ne seraient pas imputables à un effacement des psychiatres libéraux. Les rapporteures formulent l’hypothèse selon laquelle les difficultés croissantes d’accès aux soins psychiatriques en ville sont davantage liées au nombre insuffisant de psychiatres libéraux qu’à leur niveau d’activité.

Augmentation de la file active de patients
par psychiatre libÉral en exercice entre 2016 et 2023

Source : données Cnam 2023, pour la mission d’information.

3.   Des inégalités de répartition persistantes expliquent les difficultés d’accès aux soins dans certains territoires

● La démographie des psychiatres libéraux connaît des disparités territoriales. Elle semble particulièrement alarmante dans certains espaces.

Près de vingt départements français disposent de moins de huit psychiatres libéraux pour couvrir les besoins de leur population. Il n’y a qu’un psychiatre libéral pour toute la Guyane et un seul également à Mayotte. Le Cantal, la Lozère et la Meuse en recensent trois. La Creuse n’en compte que cinq ([225]). L’observation des densités départementales, c’est-à-dire du nombre de psychiatres en activité régulière pour 100 000 habitants au sein de chaque département, met en exergue les disparités persistantes dans la répartition des praticiens. Par opposition à la faible dotation des espaces ruraux, on dénombre 69,8 psychiatres en activité régulière pour 100 000 habitants à Paris.

● Ces disparités se sont accentuées au fil des ans. En 2010, les 10 % des départements les mieux dotés présentaient une densité d’actifs réguliers 2,3 fois supérieure à celle des 10 % des départements les moins bien dotés. Celle-ci est trois fois supérieure en 2023 ([226]). Les départements d’outre-mer, littoraux, frontaliers, et ceux qui abritent de grandes villes ont bénéficié d’une augmentation de la densité de psychiatres en activité pour 100 000 habitants pendant la période. Les hausses les plus significatives ont concerné les départements de La Réunion (+ 76 %), de l’Eure (+ 57,5 %), et de la Haute-Loire (+ 57,3 %). Inversement, la densité a chuté dans certains départements ruraux : de 45 % en Creuse, de 44 % dans la Meuse et de près de 40 % dans le Cher ([227]).

● L’évolution de la densité de psychiatres par département n’est pas toujours corrélée au niveau d’activité médicale de chaque département. Il semblerait que les fortes variations, à la hausse comme à la baisse, ne soient pas toujours liées aux besoins de la population. Certains départements, comme la Haute-Vienne, le Puy-de-Dôme, les Landes, les Hautes-Pyrénées et la Haute‑Corse, témoignent d’une dynamique cohérente entre un nombre important de patients pris en charge en psychiatrie et une augmentation significative de la densité de psychiatres. D’autres présentent à la fois un important niveau d’activité de soins psychiatriques, traduit dans le nombre de patients ayant bénéficié d’une prise en charge à temps partiel ou à temps plein en psychiatrie dans l’année, et une baisse significative de la densité de psychiatres : il s’agit de l’Ariège, des Pyrénées-Orientales ou du Tarn. Cet écart entre haut niveau d’activité et baisse de la densité de psychiatres est particulièrement marqué dans la Meuse, la Lozère, la Creuse et l’Indre.

Variation de la densitÉ de psychiatres en activitÉ rÉguliÈre
entre 2010 et 2023

Source : Conseil national de l’Ordre des médecins, 2023.

Nombre de patients pris en charge à temps complet ou partiel en psychiatrie, par département, en 2022 ([228])

Source : Drees, 2022.

IV.   Conjuguant les difficultÉs de la psychiatrie et du secteur de l’enfance, la pÉdopsychiatrie est sinistrÉe

La pédopsychiatrie, qui supporte à la fois les difficultés de la psychiatrie et celles qui sont propres au secteur de l’enfance, apparaît particulièrement sinistrée et en crise. Comme le soulignait la HAS en 2021 ([229]), ce secteur se trouve particulièrement affecté par des difficultés d’accès aux soins, un manque de moyens ou encore des disparités territoriales importantes dans le contexte d’une demande exponentielle.

Aussi les rapporteures ne peuvent-elles que reprendre à leur compte et relayer fortement les multiples alertes quant à la pédopsychiatrie. Cette discipline a déjà fait l’objet de nombreux travaux, tels que des États généraux en avril 2014, une mission sénatoriale en 2017 ([230]), un rapport du Défenseur des droits en 2021 ([231]) ou encore un rapport du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) ([232]) et une communication de la Cour des comptes en 2023 ([233]).

A.   Une offre de soins trÈs insuffisante, affectÉe par des inÉgalitÉs entre les territoires

La Cour des comptes, dans sa communication précitée à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale publiée en mars 2023, faisait état d’une offre de soins de pédopsychiatrie marquée par de fortes inégalités territoriales et mal adaptée aux besoins.

1.   Le capacitaire de lits et places d’accueil en psychiatrie infanto-juvénile est insuffisant et creuse les inégalités territoriales d’accès à la santé

Les travaux des rapporteures confirment que, à de multiples endroits du territoire, les capacités de prise en charge en pédopsychiatrie, et particulièrement d’hospitalisation, apparaissent structurellement insuffisantes et même en diminution.

Ces capacités ont en effet diminué au cours de la dernière décennie ([234]), à la faveur notamment du « virage ambulatoire » qui a conduit, selon la Cour des comptes, à la suppression de 58 % des lits d’hospitalisation entre 1986 et 2013, passant de 5 380 à 2 239 ([235]). Les données publiées par la Drees montrent que la densité moyenne de lits en psychiatrie infanto-juvénile, qui s’élevait à 24 lits pour 100 000 enfants-adolescents fin 2008, a légèrement baissé pour atteindre 22 lits à la fin de l’année 2014 comme à la fin de l’année 2019. Une telle tendance interroge particulièrement au regard de la dégradation de la santé mentale, précédemment décrite, observée chez les jeunes, et quant à la gravité grandissante des manifestations de cette souffrance psychique, notamment avec des actes d’auto agressivité et d’addiction.

À l’inverse on note une augmentation de 37 % du capacitaire des CAC infanto-juvéniles entre 2013 et 2022, qui est à relativiser au regard du nombre de places en valeur absolue pour la France entière : de 51 places en 2013, le capacitaire des CAC infanto-juvéniles est passé à 70 places en 2022 ([236]). Au reste, ces places sont réparties sur un faible nombre d’établissements et sont dès lors loin de constituer une offre de soins représentative sur l’ensemble du territoire. En effet, seuls six établissements disposaient de places d’accueil en CAC infanto juvéniles en 2013 et douze établissements en 2022.

● Cette évolution est d’autant plus notable que la psychiatrie infanto-juvénile se distingue de la psychiatrie générale, destinée aux adultes, par la surreprésentation de la prise en charge en ambulatoire et de l’hospitalisation à temps partiel. Ces orientations spécifiques visent à maintenir le lien du jeune patient avec son environnement familial et social. En 2019, les capacités de prise en charge à temps partiel, dont les densités départementales restent plus élevées et plus homogènes que pour le temps complet, représentaient ainsi 75,7 % des capacités hospitalières totales dédiées à la psychiatrie infanto-juvénile.

Or, ces modes de prise en charge, pourtant théoriquement favorisés par le « virage ambulatoire » et pour lesquels les capacités ont augmenté en psychiatrie générale, n’ont pas bénéficié d’une même augmentation capacitaire en pédopsychiatrie. Si le nombre de places d’hospitalisation à temps partiel en psychiatrie infanto-juvénile avait progressé entre 2008 et 2015, passant de 9 200 à 9 600 places, il a ensuite diminué pour revenir à 9 300 places en 2019. La prise en charge à temps complet a quant à elle vu ses capacités diminuer de 6 % en douze ans, de 3 200 à 3 000 lits entre 2008 et 2019. Aussi, au regard des différents modes de prise en charge, ce sont principalement les capacités d’accueil des autres prises en charge à temps complet, alternatives au temps plein dont les capacités sont stables, qui ont entraîné une baisse du nombre total de lits en psychiatrie infanto-juvénile.

● La baisse de ces capacités de prise en charge engendre un recul de l’activité en hospitalisation de jour et une augmentation d’activité pour le temps plein.

Le volume d’activité de prise en charge à temps complet en psychiatrie infanto-juvénile « a connu des évolutions plus contrastées au cours du temps, passant de 664 500 journées en 2008 à 646 600 en 2014, puis à 650 100 en 2019, soit une baisse de 2,2 % par rapport à fin 2008 » ([237]). Pour l’hospitalisation à temps plein en revanche, l’activité a augmenté de manière continue, soit une augmentation de 19,5 % entre 2008 et 2019.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE JOURNÉES DE TEMPS COMPLET ET DE VENUES DE TEMPS PARTIEL EN PSYCHIATRIE INFANTO-JUVÉNILE, DE 2008 À 2019

Source : Drees, « L’offre de soins hospitaliers en psychiatrie : évolutions de 2008 à 2019 et disparités territoriales », Les dossiers de la Drees, n° 112, septembre 2023.

Le volume de prises en charge à temps partiel enregistre, sur la même période, une baisse de 21,5 %, principalement pour l’hospitalisation de jour et concentrée sur la période 2013‑2019, corrélativement à la réduction des capacités d’accueil à temps partiel observée de fin 2014 à fin 2019.

● Si les disparités territoriales de densités de lits tendent à se réduire, certains départements demeurent dépourvus de capacité d’accueil à temps complet.

La Drees observe que, « si les dix départements les mieux dotés disposent en proportion de la population de six fois plus de lits que les dix départements les moins bien dotés au 31 décembre 2008, ce rapport interdécile passe à 5,8 fin 2014, puis 4,9 fin 2019 ».

Néanmoins, cinq départements n’avaient en 2019 aucune capacité d’accueil à temps complet en psychiatrie infanto-juvénile. Ils étaient sept en 2008, mais seulement quatre en 2014. Certaines zones sont en outre nettement moins bien dotées : ce sont les Côtes-d’Armor, la Drôme, la Dordogne, l’Eure, la Savoie ou bien la Seine-Saint-Denis. Elles le restent sur l’ensemble de la période, avec des densités de 8 à 12 lits pour 100 000 patients. Dans les départements les moins bien dotés comme dans ceux où les capacités d’accueil sont saturées, enfants et adolescents sont pris en charge dans les lits de psychiatrie adulte, ce qui n’est pas sans incidence sur la qualité des soins. Ils peuvent également être accueillis en pédiatrie par l’équipe de liaison, mais cela pose des difficultés à certaines périodes de l’année où les lits de pédiatrie sont très sollicités en raison des épidémies hivernales. Par ailleurs, les infirmiers de pédiatrie ne sont pas toujours formés pour recevoir des enfants relevant de pédopsychiatrie.

Lors de leur audition, les deux coprésidents du comité d’orientation des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant ([238]), M. Adrien Taquet et le Pr Christelle Gras-Le Guen, ont exprimé leur préoccupation concernant la dégradation continue et exponentielle des indicateurs de santé mentale des enfants. La dynamique des passages aux urgences pour motif psychiatrique des enfants âgés de 11 à 17 ans connaît une dégradation continue depuis 2020.

 

« L’année 2024 est particulièrement inquiétante pour la tranche d’âge entre 15 et 17 ans, qui se traduit par un pic de fréquentation pour des gestes suicidaires à la fin du mois de septembre. La troisième semaine après la rentrée des classes entre désormais dans les projections épidémiologiques des pédopsychiatres hospitaliers. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une situation très paradoxale : nous n’avons jamais eu autant de besoins de santé et aussi peu d’offre de soins, notamment par manque de professionnels pour y faire face. »

Pr Christelle Gras-Le Guen, audition du comité d’orientation des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant.

2.   Des effectifs de pédopsychiatre en forte diminution

 Les psychiatres infanto-juvéniles en activité sont de moins en moins nombreux, vieillissants et mal répartis sur le territoire. Comme l’ont constaté les rapporteures à de nombreuses reprises à travers leurs auditions et leurs déplacements, la crise de la démographie médicale est particulièrement aiguë et préoccupante dans ce secteur.

Le dénombrement exact des pédopsychiatres en France se révèle difficile depuis la suppression de la spécialité de pédopsychiatrie en 1991 ([239]). La Cour des comptes recense, en 2021, 545 médecins identifiés comme psychiatres spécialistes de l’enfant et de l’adolescent. En ajoutant les psychiatres ayant déclaré un savoir‑faire en psychiatrie infanto-juvénile, qui peut être reconnu à travers plusieurs voies et formations ([240]), l’effectif retenu de « psychiatres compétents en pédopsychiatrie » représente environ 2 000 praticiens ([241]).

● Si les effectifs de psychiatres augmentent en apparence, ceux des pédopsychiatres diminuent fortement. Leur nombre a chuté de 34 % entre 2010 et 2022. De plus, au regard de la pyramide des âges, cette tendance est amenée à se poursuivre puisque 37 % des médecins compétents en pédopsychiatrie en 2022, âgés en moyenne de 72 ans, sont des retraités actifs ([242]). Alors se profilent de nombreux départs à la retraite et, en l’absence de renouvellement générationnel, la profession semble en voie de disparition. Selon la Cour des comptes analysant les chiffres du Conseil national de l’Ordre des médecins, cette tendance « devrait aboutir à ce que, sans mesure ciblée, ils soient moins de 1 000 praticiens d’ici à 2035 ». Dès lors, pour compenser les futurs départs en retraite, il faudrait au moins doubler le nombre d’étudiants formés à la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au cours des quinze prochaines années.

Pyramide des Âges – Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent

Source : Conseil national de l’Ordre des médecins, Approche territoriale des spécialités médicales et chirurgicales, situation au 1er janvier 2024, p. 232.

Les chiffres du Conseil national de l’Ordre des médecins montrent aussi que cet effondrement touche la quasi-totalité des départements ([243]). Entre 2010 et 2023, la densité d’actifs réguliers en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent a connu une baisse de plus de 50 % dans la plupart d’entre eux, à tel point qu’ils sont désormais absents dans 41 départements. Les rapporteures ont pu constater cette pénurie sur le terrain. Il n’y a, par exemple, à Roubaix, plus que 0,3 équivalent temps plein (ETP) de pédopsychiatre par centre médico-psychologique (CMP), tandis qu’il ne reste plus que deux pédopsychiatres dans le département de la Mayenne.

● Ces constats sont à lier avec ce qui apparaît comme une crise d’attractivité et même des vocations qui, elle aussi, touche la psychiatrie et plus encore la pédopsychiatrie.

Les professionnels font en effet état de conditions de travail insatisfaisantes et non pourvoyeuses de sens, qui les contraignent par exemple à trier des patients – un phénomène qui touche aussi les métropoles telles que Nantes – en contradiction avec les valeurs du service public qui motivent leur engagement.

« Le tri est quelque chose que l’on fait quotidiennement. C’est insupportable et cela ne contribue pas à l’attractivité. »

Personnel soignant du CHU de Nantes.

Des pédopsychiatres, déjà trop rares, peuvent ainsi être amenés à se réorienter vers la psychiatrie générale, l’addictologie ou vers d’autres modes d’exercice n’impliquant ni urgences ni astreintes, et notamment vers le secteur privé non soumis à la permanence des soins. Ajoutés à un taux de poste vacants déjà élevé, ces départs reportent la charge de travail sur les personnels restants et, dans un cercle vicieux, induisent des réorganisations vers un service moindre, voire des fermetures dès lors que la masse critique pour garantir le service et des conditions de travail décentes fait défaut.

B.   Un parcours de soins et une gouvernance inadaptÉs

● L’offre de soins pédopsychiatriques, organisée en « secteurs » infanto-juvéniles ([244]) et trop peu graduée, apparaît inadaptée et marquée par un parcours de soins donnant lieu à des ruptures.

Alors que 750 000 à 850 000 enfants et adolescents bénéficient chaque année de soins prodigués en pédopsychiatrie ([245]), les professionnels libéraux en ville restent majoritairement au service d’une patientèle adulte, ne prennent pas part à la permanence des soins et sont peu formés aux caractéristiques des troubles des enfants et des adolescents. En conséquence, comme le souligne la Cour des comptes, ils ne jouent pas encore suffisamment leur rôle de porte d’entrée dans le parcours de soins. Dans ce contexte, les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles (CMP-IJ), qui sont généralement des services d’établissements publics hospitaliers, rattachés à un secteur ([246]), deviennent le principal lieu de prise en charge des enfants et des adolescents atteints de troubles psychiques. Fondés sur un accès universel, c’est-à-dire ouverts sans critère d’admission et recevant les patients sans avance de frais, ils s’érigent en « pivots » du secteur comme porte d’entrée dans le parcours de soins : ils accueillent, en 2021, 78 % des patients pris en charge en ambulatoire en pédopsychiatrie ([247]).

Les CMP-IJ se trouvent toutefois progressivement saturés par les demandes d’information, de conseil, d’évaluation et de suivi. De la sorte, l’organisation actuelle des soins conduit à prendre en charge des patients ne souffrant que de troubles légers au détriment de ceux plus sévèrement atteints. Dans les CMP-IJ, le nombre moyen d’enfants pris en charge, par structure et par an, a augmenté de 17 % entre 1997 et 2023 passant de 218 à 270, avec un nombre de structures de 1 329.

patients mineurs pris en charge en pÉdopsychiatrie

Source : Cnam, Atih, SAE, Scan-santé, retraitement Cour des comptes

● Se pose en outre la question de la prévention et du repérage des troubles psychiatriques infanto-juvéniles, notamment en milieu scolaire, d’autant que l’article L. 541‑1 du code de l’éducation dispose que « les actions de promotion de la santé des élèves font partie des missions de l’éducation nationale ». Or, les rapporteures soulignent que, sans doute en raison de manques de moyens, de problèmes de statuts mais aussi de culture, la prévention, la détection et l’accompagnement des troubles psychiques trouvent trop peu leur place à l’école, quel que soit le niveau d’éducation, alors même que cette dernière constitue un environnement déterminant pour la santé mentale des enfants ([248]). Ainsi, les médecins scolaires manquent et les psychologues scolaires se trouvent trop souvent conduits à faire de l’orientation. Ce constat pose avec acuité la question de l’appropriation des enjeux psychiatriques et de santé mentale par la médecine scolaire, ainsi que de la structuration d’un suivi et d’un parcours de soins entre le système de santé et le monde scolaire.

Ainsi, il n’existe aucun parcours de soins clairement établi pour une détection en milieu scolaire, ni d’articulation formalisée entre les soins et l’école. À titre d’exemple, les enseignants ne sont pas toujours informés du motif de l’absence du retour d’un élève qui a été hospitalisé en psychiatrie. Alors que la santé mentale des jeunes gens se dégrade fortement et qu’une corrélation forte existe, du point de vue des spécialistes, entre calendrier scolaire et passages à l’acte, la santé mentale des jeunes n’est pas suffisamment prise en compte dans l’environnement académique. À cet égard, la Cour des comptes relève que « les psychologues de l’Éducation nationale, tout particulièrement du second degré, sont encore trop orientés vers des missions d’orientation scolaire qui les éloignent de la détection et de l’orientation des jeunes souffrant de troubles psychiques ».

● En somme, comme le soulignait déjà la Cour des comptes dans sa communication précitée, la gouvernance peu adaptée de la pédopsychiatrie appelle à son « indispensable revitalisation ». Ce constat s’applique tant au niveau national que régional, où l’organisation administrative pâtit d’un manque de vision opérationnelle et du caractère peu objectivable des mesures prises. Le défaut de vision opérationnelle se traduit par exemple dans l’organisation de la prise en charge ambulatoire en CMP‑IJ ou en hospitalisation à temps partiel, souvent incompatible avec les temps scolaires, ce qui nuit à la bonne articulation entre les soins nécessaires à l’enfant et la poursuite de sa scolarité. Le caractère peu objectivable des mesures prises en faveur de la pédopsychiatrie transparaît dans son financement. En effet, celui-ci relève du même régime que la psychiatrie, et s’adapte peu aux spécificités locales. Du reste, la gouvernance de la pédopsychiatrie se heurte à la pénurie de professionnels, avec laquelle elle ne peut tant bien que mal que composer.

« Quand on n’habite pas Angers mais Saumur ou Cholet, il n’y a pas de psychiatre. En novembre 2024, avec l’ARS a été mise en place une prise en charge des urgences pédopsychiatriques du centre hospitalier de Cholet et du centre hospitalier de Saumur par les équipes du CHU d’Angers. Il n’y a que deux pédopsychiatres en Mayenne et trois dans le Maine-et-Loire. »

Audition du Pr Philippe Duverger, chef de service au CHU d’Angers.

C.   Affaibli par des structures dÉfaillantes et par une demande extrÊmement dynamique, l’accÈs aux soins pÉdopsychiatriques est en pÉril

1.   Les besoins de prise en charge en psychiatrie infanto-juvénile, comprenant des populations très vulnérables, sont criants

Les mineurs pris en charge par l’aide sociale à l’enfance ([249]) et les mineurs non accompagnés (MNA) sont des populations particulièrement vulnérables et exposées à des risques psychiatriques. Ils sont souvent mal pris en charge.

● Malgré une forte hétérogénéité entre les études, la prévalence des troubles psychiques chez les enfants protégés a pu être estimée à 49 %, soit quatre fois plus que celle observée en population générale ([250]).

« À Nice, 25 % des passages aux urgences sont liés à des jeunes de l’aide sociale à l’enfance et, pour 40 %, ils étaient déjà passés le mois précédent. »

Audition de l’équipe mobile MobiPsy 75.

Comme le soulignait récemment la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), l’accès aux soins psychiatriques de ces enfants intervient « généralement de manière trop tardive et en urgence, dans le cadre de parcours marqués par les ruptures de prise en charge. Ces situations d’urgence n’ayant pas été prévenues à travers un suivi régulier en ambulatoire, le sont généralement à l’occasion d’états de crise mettant en difficulté les structures d’accueil et conduisant à une hospitalisation des enfants de la protection de l’enfance au sein des services de pédopsychiatrie ou de pédiatrie. » ([251]) Cette analyse est corroborée par les observations des rapporteures au cours de leurs déplacements, qui donnent à voir une tendance à hospitaliser en pédopsychiatrie des jeunes gens relevant en fait initialement de problématiques d’ordre médico‑social, faute d’avoir été pris en charge de manière adaptée dans leur structure d’accueil, le plus souvent par manque de moyens et de personnel formé et en nombre suffisant.

« Un de nos patients a fini dans notre unité fermée faute d’avoir pu être pris en charge convenablement en foyer ASE. »

Personnel soignant du CHU de Nantes.

La Cnam identifie plusieurs limites à la prise en charge des jeunes de l’ASE, parmi lesquelles le manque de formation des professionnels de santé, des freins administratifs, l’absence de prise en charge par l’assurance maladie des consultations de psychologues libéraux et de psychomotriciens pourtant essentielles dans le parcours de soins de nombreux enfants, la saturation des services de pédiatrie et de pédopsychiatrie, la répartition inégale sur le territoire des centres médico-psychologiques (CMP), ou encore la réticence de certains professionnels de santé à recevoir des enfants bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire ([252]).

Il s’y ajoute un manque de coordination entre les secteurs social et sanitaire, souligné par la HAS, qui s’est autosaisie en 2021 en vue d’élaborer des recommandations de bonnes pratiques de coordination entre protection de l’enfance et services de pédopsychiatrie. Si l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE), dans son seizième rapport annuel, constate l’existence de partenariats entre l’ASE et le secteur de la pédopsychiatrie, il relève que, « dans la grande majorité des départements, le partenariat apparaît sporadique » ([253]). Ce manque de coordination constitue un obstacle majeur à l’accès aux soins d’une population concernée par des problématiques multiples (sociales, familiales, médicales, relevant également parfois du handicap) et qui nécessite une prise en charge transversale.

Finalement, les grandes difficultés connues par les services de l’aide sociale à l’enfance, ainsi que leur mauvaise coordination avec l’offre médico-sociale et psychiatrique, expliquent la dégradation de l’état de santé d’une population vulnérable, jusqu’à sa mise en péril.

« Il y a de nombreux enfants avec des ordonnances de placement et qui ne sont pas placés, faute de place. À l’échelle du Maine-et-Loire il y en a plus d’une centaine. Aujourd’hui, 600 enfants viennent témoigner dans le cadre de l’enfance en danger (Uaped), juste à côté du service de pédopsychiatrie, puis repartent, sans suivi. »

Audition du Pr Philippe Duverger, chef de service au CHU d’Angers.

● Les mineurs non accompagnés (MNA) constituent une autre population particulièrement exposée à des troubles psychiatriques souvent mal pris en charge. À cet égard, le Comité pour la santé des exilés (Comede) et Médecins Sans Frontières, dans un rapport publié en octobre 2021 ([254]), soulignent les obstacles dans l’accès aux soins auxquels cette population est confrontée ainsi que la dégradation des troubles psychiques qu’entraînent leurs conditions d’accueil. Ils observent, concernant les mineurs non accompagnés reçus par des psychologues au centre d’accueil de jour de Pantin, que 50 % d’entre eux sont atteints de troubles réactionnels à la précarité, 37 % de syndromes psychotraumatiques et 12 % de dépression.

2.   Un secteur dans une situation de crise majeure aux implications durables

● La conjugaison des difficultés précitées place le secteur de la pédopsychiatrie en situation de crise. Comme le soulignait le HCFEA dans son rapport de 2023 précité, « l’effet ciseaux » entre l’offre et la demande de soins se produit au détriment de l’enfant et de sa famille. Les rapporteures ont pu constater que l’accès aux soins ne peut parfois plus être assuré dans de bonnes conditions :

– le déficit chronique de l’offre de soins psychiatriques pour les mineurs, insuffisante et saturée, conduit souvent à leur hospitalisation dans des services de psychiatrie adulte, ce qui peut aboutir à une qualité de prise en charge dégradée. Lors de la visite des rapporteures au CHU de Nantes, vingt-cinq mineurs étaient ainsi hospitalisés en psychiatrie adulte contre dix en pédopsychiatrie.

« Pour un adolescent ou un jeune enfant en état de crise il n’y a pas de place, nulle part. Listes d’attente de plusieurs mois ou un an [...] : pédopsychiatrie et sectorisation, c’est la double peine. »

Audition du Samu-Urgences de France (SudF), table ronde urgentistes.

« À Corentin-Celton on observe une hausse voire une très forte hausse des pathologies des jeunes et très jeunes qui se trouvent contraints d’être hospitalisés en secteur adulte. Jusqu’à quatre à cinq mineurs sont hospitalisés dans l’unité fermée de dix-sept lits et il y en a toujours a minima entre un et quatre depuis le covid. »

Pr Frédéric Limosin, chef de service à l’hôpital Corentin-Celton d’Issy-les-Moulineaux.

– le manque de pédopsychiatres et de personnels dédiés peut provoquer un report vers d’autres professionnels moins formés aux spécificités de la pédopsychiatrie, ainsi qu’une consommation importante de médicaments, comme effet miroir de la difficulté de suivi.

« Avec onze lits de pédopsychiatrie pour tout le Jura et un secteur médicosocial en crise, les patients se retrouvent accompagnés par des professionnels moins compétents. »

Table ronde des syndicats de psychiatres.

● Pire, les défaillances de l’offre de soins peuvent parfois conduire à renoncer à toute prise en charge, remettant en cause l’accès aux soins pédopsychiatriques et entraînant des pertes de chances pour les patients ainsi qu’un coût social majeur pour la société. Les principes d’égalité d’accès, de qualité des soins et de solidarité, pourtant au cœur de notre modèle social et garantis par la Constitution, se trouvent dès lors mis en péril.

« Si l’offre de soins en pédopsychiatrie disparaît, la demande disparaît et c’est toute une cohorte qui n’est plus prise en charge. Nous retrouverons plus tard une partie de cette population en prison ou en difficulté à l’âge adulte. »

Personnel soignant au CHU de Lille.

« La pédopsychiatrie n’est pas en mesure de mettre en œuvre les recommandations de la HAS de 1998 sur les jeunes suicidants (hospitalisation obligatoire, même de courte durée). »

Association des psychiatres infanto-juvéniles.

 Face aux l’ensemble des constats établis précédemment, les rapporteures alertent quant à la crise du secteur pédopsychiatrique. L’état des lieux est d’autant plus alarmant que les défaillances actuelles de prise en charge des enfants se traduiront en toute probabilité par une augmentation des troubles psychiatriques, et donc des besoins de prise en charge, à l’âge adulte.

Le CHU de Nantes, un établissement qui ne parvient plus à garantir l’accès aux soins pédopsychiatriques dans un territoire sinistré

À l’occasion de leur déplacement dans le Maine-et-Loire et en Loire-Atlantique, les 13 et 14 mars 2024, les rapporteures ont constaté que le CHU de Nantes est fortement exposé aux difficultés qui concernent le secteur psychiatrique, et particulièrement pédopsychiatrique.

Marqué par des fortes tensions en matière de ressources humaines depuis plus de deux ans, cet établissement se trouve dans une région où 242 lits ont été fermés depuis le début de l’année 2022, dont 53 lits dans le département. 36 ETP sont vacants en psychiatrie en Loire-Atlantique, dont 11 postes sur les 52 postes de pédopsychiatre, et près de 100 dans la région. La qualité et la garantie même des soins s’en trouvent gravement fragilisées à l’image du service d’accès aux soins (SAS) psychiatrique du CHU, ne pouvant être assuré en raison des quatre postes d’infirmiers vacants.

Le déficit d’offre de soins est structurel alors que seuls 14 lits de pédopsychiatrie sont désormais disponibles en Loire-Atlantique, un département qui ne compte plus que 4,3 lits ouverts pour 100 000 habitants contre 16,5 en moyenne nationale. En tout état de cause, les nouvelles initiatives, à l’image des dispositifs Equipad (six places en soins intensifs à domicile pour prévenir le traumatisme et la stigmatisation causés par l’hospitalisation) et Micado (hospitalisation de jour pour adolescents en situation de crise), même si elles sont bienvenues, ne permettent pas de compenser le fort déficit de la zone. En outre, la création d’une unité de 8 lits en pédopsychiatrie est prévue au moyen de la suppression de 14 lits en psychiatrie générale.

« On renvoie chez eux des jeunes avec un risque vital. »

Personnel soignant du CHU de Nantes.

Dans ce contexte très dégradé, en 2023, 123 enfants de moins de 15 ans s’étant présentés aux urgences pour des idées suicidaires, voire une tentative de suicide, n’ont pu être hospitalisés et ont dû retourner sans soins à leur domicile, alors même que la pédopsychiatre qui les avait évalués énonçait une indication formelle d’hospitalisation.

En septembre 2024, l’ARS Pays de la Loire a annoncé l’ouverture de trois nouvelles unités d’hospitalisation pour mineurs permettant de renforcer l’offre de soins du territoire :

– dès 2025, une unité d’hospitalisation de 8 lits pour les 15-18 ans, à vocation départementale, créée et portée par le CHU sur le site de l’hôpital Saint-Jacques ;

– à horizon 2026, deux nouvelles unités d’hospitalisation, représentant au total de 16 lits complémentaires, au CH Daumézon.


   Partie III : 
Face À cette situation alarmante, pour mieux prÉvenir et prendre en charge les urgences, une action publique ambitieuse est impÉrative

  1.   Un nécessaire nouveau souffle des politiques publiques en matière de santÉ mentale et de psychiatrie

L’action des pouvoirs publics en matière de santé mentale et de psychiatrie, qui passe depuis 2018 principalement par une feuille de route spécifique, reste méconnue. Elle ne permet pas de répondre de manière satisfaisante à l’ampleur des enjeux. Il est nécessaire de lui apporter un nouveau souffle dont la Grande cause nationale annoncée par le Premier ministre Michel Barnier, sous certaines conditions et notamment en intégrant la psychiatrie sans la confondre avec la santé mentale, peut être un vecteur.

A.   Depuis 2018, l’action publique nationale suit la feuille de route de la santÉ mentale et de la psychiatrie

1.   Une feuille de route évolutive donne le cap d’une transformation du champ de la santé mentale et de la psychiatrie depuis 2018

● Une feuille de route « Santé mentale et psychiatrie » a été présentée par le Gouvernement en juin 2018 afin d’inscrire ces thématiques dans le débat public et d’assurer l’efficacité de l’action publique en la matière, en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale de santé (SNS).

● Initialement articulée autour de trente‑sept actions, la feuille de route a été complétée par les actions décidées dans le cadre du Ségur de la santé et des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie de septembre 2021. Elle comprend désormais cinquante actions, dont la liste figure en annexe au présent rapport, selon trois axes visant à :

 promouvoir le bien être mental, prévenir et repérer précocement la souffrance psychique, et prévenir le suicide ;

 garantir des parcours de soins coordonnés et soutenus par une offre en psychiatrie accessible, diversifiée et de qualité ;

 améliorer les conditions de vie et d’inclusion sociale et la citoyenneté des personnes en situation de handicap psychique.

LES ASSISES DE LA SANTÉ MENTALE ET DE LA PSYCHIATRIE
DES 27 ET 28 SEPTEMBRE 2021

Annoncées en janvier 2020 par le Président de la République, les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie se sont tenues à Paris les 27 et 28 septembre 2021. Réunissant l’ensemble des acteurs concernés dans un contexte de crise sanitaire, elles avaient pour ambition de dresser un état des lieux partagé de la prise en charge de la santé mentale des Français, de l’offre de soins en psychiatrie et de l’accompagnement qui leur est proposé.

Le Président de la République, en clôture de cet événement, a annoncé l’octroi de financements supplémentaires pour le déploiement de trente mesures relatives à trois thèmes « structurants » : la considération et la lutte contre la stigmatisation, l’information et la prévention ; l’organisation de soins ; la recherche. Parmi ces mesures clefs figurent la prise en charge pour l’ensemble de la population d’un forfait de séances chez le psychologue en ville, le développement des premiers secours en santé mentale (PSSM), la création d’une maison des adolescents (MDA) ([255]) dans chaque département, l’augmentation de 400 ETP sur trois ans des effectifs des CMP‑IJ et des CMP, la création de vingt équipes mobiles pour les personnes âgées, la création de douze postes d’enseignants chercheurs en psychiatrie ou encore celle d’un centre e‑CARE de prise en charge et de recherche sur l’enfant.

● La feuille de route s’accompagne d’une gouvernance spécifique. Un délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie (DMSMP), le professeur Frank Bellivier, auditionné à deux reprises par les rapporteures, a été chargé de la stratégie nationale en faveur de la santé mentale et de la psychiatrie, de son déploiement dans les territoires, et de l’accompagnement des évolutions de la psychiatrie afin de développer des prises en charge de qualité, diversifiées, personnalisées et accessibles à l’ensemble de la population ([256]). Des points d’avancement réguliers sont présentés au comité stratégique de la santé mentale et de la psychiatrie (CSSMP) ([257]).

2.   L’ambition que transcrit la feuille de route est complétée par des mesures ciblées

La stratégie nationale est complétée, principalement par voie réglementaire mais aussi législative, par des actions spécifiques à des problématiques ou à des populations identifiées comme des enjeux majeurs pour la société.

● Conformément aux recommandations du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), le ministère chargé de la santé a défini une stratégie nationale de prévention du suicide (SNPS) en cohérence avec l’action n° 6 de la feuille de route de 2018 ([258]).

Alors que le suicide est la première cause de mortalité entre 15 et 35 ans ([259]), cette stratégie entend prendre appui sur les études épidémiologiques de ces vingt dernières années, qui ont identifié des moyens de combattre efficacement la mortalité et la morbidité suicidaires. Elle part du postulat que le suicide est en grande partie évitable. Il importe dès lors, comme l’indique la direction générale de la santé (DGS) ([260]), de concentrer les actions de prévention sur les populations à risque, en prenant en compte les catégories de comportement suicidaire et de troubles psychiques suicidogènes.

Les fondements de la stratégie nationale de prévention du suicide figurent dans l’instruction du 10 septembre 2019, actualisée par celle du 6 juillet 2022 ([261]). Déclinée à l’échelon territorial par les agences régionales de santé (ARS), elle prévoit un ensemble d’actions coordonnées afin de prévenir et éviter les suicides :

 le dispositif VigilanS de maintien du contact avec l’auteur d’une tentative de suicide. Il s’agit d’un système de recontact et d’alerte, créé en 2015 dans les Hauts-de-France et piloté par le CHU de Lille, organisant autour de la personne concernée un réseau de professionnels de santé qui gardent l’attache avec elle de façon à prévenir la récidive ;

 le numéro national de prévention du suicide « 3114 ». Lancé officiellement le 1er octobre 2021, dans les Hauts-de France et également piloté par le CHU de Lille, ce service, accessible 24h/24 et 7j/7 en tout point du territoire national, est assuré par des professionnels de soins spécifiquement formés, infirmiers ou psychologues. En complément des lignes d’écoute associatives, dont l’action est précieuse et pourrait être soutenue financièrement, il s’adresse à l’ensemble de la population ainsi qu’aux professionnels de santé en recherche d’informations ;

 la formation actualisée au repérage, à l’évaluation et à l’intervention de crise suicidaire ;

 les actions de prévention de la contagion suicidaire ;

 l’information du public.

Les ARS, fixent des objectifs régionaux de réduction du suicide, pilotent la stratégie régionale, définissent et priorisent la mise en œuvre des actions pour y parvenir selon l’évaluation des besoins régionaux, ainsi que des ressources et des financements disponibles.

 La santé des personnes placées sous main de justice (PPSMJ), reconnues par la stratégie nationale de santé 20182022 comme l’un des publics vulnérables cumulant « des difficultés qui peuvent être sociales, éducatives, sanitaires, ou liées aux discriminations qui rendent complexe le recours au droit commun » ([262]), fait l’objet d’une feuille de route spécifique ([263]).

La dernière édition porte sur les années 2019 à 2022. Une nouvelle version pour les années 2024 à 2028 serait finalisée et en attente d’une validation gouvernementale. Elle contient vingthuit actions. Si elle n’est pas ciblée sur la santé mentale, elle entend « porter une attention à l’offre de soins en santé mentale, en cohérence avec les travaux et avancées de la feuille de route santé mentale et psychiatrie ». Elle fait également référence au plan gouvernemental de mobilisation contre les addictions.

L’action n° 16 vise ainsi à « améliorer le parcours de soins en santé mentale sur les trois niveaux (ambulatoire, hospitalisation partielle et hospitalisation complète) ». Il s’agit notamment d’installer un groupe de travail relatif au parcours en santé mentale des patients détenus, de lancer une enquête relative aux services médico-psychologiques régionaux (SMPR) ou encore de développer l’offre de soins psychiatriques en hospitalisation de jour. Il s’agit par ailleurs d’engager les travaux de construction de la seconde tranche d’unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). Si trois sites ont été identifiés à cette fin, représentant la création de 160 lits, les rapporteures s’étonnent que la phase de préfiguration soit toujours en cours et, surtout, que la direction générale de l’offre de soins (DGOS) ne soit pas, à ce stade, en mesure de déterminer leur date de livraison. De telles incertitudes soulignent la nécessité d’intensifier l’action publique pour garantir la portée concrète des mesures prévues par la feuille de route.

Cette feuille de route appelle par ailleurs à déployer des dispositifs en faveur de la population détenue en les adaptant par une phase d’expérimentation à ce milieu, à l’image du dispositif VigilanS précité, déployé dans le cadre de l’action  8, qui renforce les actions de prévention du suicide. Sur ce dernier point, la DGS indique qu’une expérimentation concernant l’accès depuis la détention au numéro national de prévention du suicide « 3114 » sera lancée prochainement sur cinq sites (Angers, Poitiers, Uzerche, Brest et Rouen).

Enfin, l’action n° 25 prévoit des formations conjointes sur des thématiques précises (suicide, addictions, troubles du comportement, etc.), à travers notamment des interventions de sensibilisation confiées à l’Unafam ainsi que des sessions de formation des personnels pénitentiaires aux conduites à tenir face à des personnes présentant des troubles psychiatriques et du comportement. Alors que la DGOS indique que les travaux relatifs à cette initiative ont été décalés du fait de la crise sanitaire, les rapporteures s’étonnent du délai qui affecte leur relance. Elles soulignent l’importance de telles formations, qui sont un levier incontournable d’amélioration de la prise en charge des personnes détenues, ainsi que leur attachement à la promotion auprès des services médicaux, judiciaires comme pénitentiaires, d’une compréhension mutuelle accrue des enjeux propres à la détention et à la psychiatrie.

● À la suite la crise sanitaire, l’accompagnement psychologique des étudiants a été renforcé à travers un dispositif propre au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le dispositif Santé psy étudiant (SPE). Ce dernier permet aux étudiants de bénéficier, sans avance de frais, de consultations chez un psychologue libéral conventionné par une université et répondant à des critères de sélection définis. Depuis son lancement en 2021, il ferait l’objet d’un succès croissant : 64 000 étudiants auraient été accompagnés tandis qu’un nombre croissant de consultations seraient effectuées chaque mois (de moins de 8 500 en septembre 2023 à plus de 10 000 en mars 2024) ([264]).

Des travaux sont en cours en vue d’une fusion à l’horizon 2026, dans un calendrier qui reste à confirmer, avec le dispositif de droit commun de l’assurance maladie également ouvert aux étudiants – Mon soutien psy. Les étudiants peuvent également, depuis le 1er juillet 2024, bénéficier de douze séances gratuites avec un psychologue dans le cadre de Santé Psy Étudiant, cumulatives avec les séances de Mon soutien psy.

Mon soutien psy, un dispositif d’accompagnement psychologique largement accessible et récemment élargi

Créé par le législateur en 2022 ([265]) et mis en œuvre par voie réglementaire ([266]), le dispositif Mon soutien psy, ouvert à toute la population âgée de plus de 3 ans, proposait initialement huit séances remboursées chez un psychologue. Il s’adressait plus particulièrement aux personnes en souffrance psychique d’intensité légère à modéré. Pour bénéficier d’un remboursement à 60 % par l’assurance maladie, celles-ci devaient être adressées par un médecin à un psychologue conventionné.

Ce dispositif a fait l’objet de critiques persistantes, au regard notamment du nombre limité de séances, de l’absence de suivi mis en place à leur échéance et du sous-investissement structurel non comblé dans le secteur public. Les professionnels dénoncent également la faible rémunération de la consultation associée ainsi que le manque d’accès direct perçu comme une étape dans un processus d’auxiliarisation de la profession ([267]). Jugeant toutefois le bilan globalement positif, et pour répondre à certaines de ces critiques, le Gouvernement a renforcé le dispositif au mois de juin 2024 à travers :

– la possibilité d’accès direct au psychologue ([268]) ;

– le passage de huit à douze séances annuelles de suivi psychologique ;

– l’augmentation du tarif de la consultation de 30 à 50 euros ([269]).

B.   Pour une nouvelle impulsion en faveur de la psychiatrie À l’occasion de la grande cause nationale annoncÉe par le Premier ministre

1.   Si les mesures engagées produisent des résultats encourageants, un nouveau cycle plus ambitieux encore doit s’ouvrir

● Le ministère du travail, de la santé et des solidarités a publié, le 2 mai 2024, son sixième bilan annuel de la feuille de route de la santé mentale ([270]). Selon ce texte, « dans la continuité des années précédentes, l’année 2023 a confirmé l’importance du chemin parcouru. Des avancées sont à saluer à tous les niveaux de la feuille de route, dans chacun des trois axes, tout comme la mobilisation collective et le fort investissement de tous les acteurs et à tous les niveaux. » Ainsi, la mise en œuvre est considérée particulièrement positive pour les mesures de promotion et de prévention, « malgré le contexte difficile d’une offre qui doit répondre à la pression croissante des besoins, le maillage territorial des parcours de soins se poursuit quant à lui ».

La mise en œuvre de la feuille de route s’est traduite par de nombreuses avancées :

– le dispositif Mon soutien psy avait offert, au 31 août 2024, à plus de 381 000 patients une prise en charge psychothérapeutique, soit 2 millions de séances pour un montant remboursé de 42 millions d’euros. Selon la Cnam, les bénéficiaires sont majoritairement des femmes, à 70 % ; et près de la moitié a moins de 35 ans (alors que cette catégorie ne représente que 38 % de la population française). Seuls 11 % des patients sont titulaires de la complémentaire santé solidaire, soit une proportion proche du taux de bénéficiaires de cette aide dans la population générale, ce qui démontre que le dispositif ne cible pas préférentiellement les patients les plus précaires. Les patients suivaient en moyenne cinq séances en 2023, soit près de 1,2 million de séances annuelles. Depuis l’évolution du dispositif en juin 2024, plus de 500 psychologues le rejoindraient chaque mois. Ils sont désormais plus de 3 550 à avoir signé une convention et le Gouvernement poursuit un objectif de 350 000 patients suivis chaque année dans ce cadre. Une étude conjointe de la Drees et de la Cnam portant sur le parcours patient est en cours afin d’évaluer l’impact du dispositif sur l’évolution de la consommation de médicaments et sur la santé mentale des patients à long terme ;

 dixsept centres du 3114 sont actuellement actifs. Ils ont répondu l’an dernier à près de 268 000 appels. Ils reçoivent un financement de 24 millions d’euros par an ;

 le dispositif de prévention du suicide VigilanS, financé à hauteur de 11 millions d’euros, est déployé dans l’ensemble des régions françaises y compris outre‑mer, à l’exception de Mayotte. Son évaluation en 2023 par Santé publique France montre un risque de réitération suicidaire réduit de près de 40 % pour les patients suivis ([271]). Un euro investi dans ce dispositif permettrait d’économiser deux euros pour le système de santé ([272]) ;

– 60 000 « secouristes en santé mentale » ont été formés en 2023, soit près de 200 000 personnes formées depuis 2019 ([273]) ;

– les centres médico-psychologiques (CMP) ont été renforcés, avec 400 professionnels supplémentaires ;

– 125 maisons des adolescents (MDA) ont été créées, accueillant 100 000 jeunes gens par an ;

– 700 groupes d’entraide (GEM) ([274]) ont été soutenus afin de permettre aux personnes suivies de recréer du lien, de s’investir dans un collectif à la mesure de leurs besoins et de leurs souhaits, ou encore de retrouver une dynamique professionnelle ;

– 104 projets territoriaux de santé mentale (PTSM) ([275]) sont actifs, couvrant l’ensemble du territoire national, bien que tous n’aient pas encore signé de contrat territorial de santé mentale (CTSM). Les CTSM ([276]) – dont 83 ont été signés en avril 2024 ([277]) – déclinent concrètement les engagements pris par les acteurs. On comptait 260 conseils locaux de santé mentale (CLSM) ([278]) à la fin de l’année 2023 ([279]).

● Les données transmises à la mission d’information par la DGOS montrent que ces politiques publiques ont été accompagnées d’un soutien budgétaire, l’objectif de dépenses de l’assurance maladie correspondant aux activités de psychiatrie ayant été rehaussé de près de 32 % entre 2016 et 2024, atteignant désormais plus de 12,8 milliards d’euros. Le bilan de la feuille de route dressé en 2024 indique quant à lui qu’elle a mobilisé près de 1 400 millions d’euros sur la période 20182021.

Si les travaux de la mission d’information amènent à relativiser l’ampleur de cet effort financier, la DGOS indique que cette augmentation concourt aux revalorisations salariales ainsi qu’au développement de l’activité et de l’offre de soins. Plus spécifiquement, un appel à projets relatif au Fonds d’innovation organisationnelle en psychiatrie (Fiop) a été lancé en 2019 afin de répondre aux enjeux organisationnels, attribuant 226 millions d’euros sur l’ensemble de la période à des projets territoriaux construits par des collectifs de soins. En complément, il existe depuis 2019 un appel à projets annuel spécifique à la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent pour le renforcement de l’offre dans les territoires les moins dotés ([280]). Devant son succès renouvelé et l’ampleur des besoins identifiés après quatre années de pilotage national du dispositif, une enveloppe de 25 millions d’euros a été déléguée en 2023 aux ARS. Ces dernières peuvent ainsi accompagner directement les projets pertinents. En 2024, un nouvel appel à projets régional doit avoir lieu afin de consolider les actions engagées pour un budget global rehaussé à 35 millions d’euros, suite aux Assises de la pédiatrie et de la santé des enfants de mai 2024. La DGOS précise que les appels régionaux doivent répondre à plusieurs priorités, notamment des actions en direction des publics vulnérables que sont les enfants ou les publics très éloignés du soins (création d’équipes mobiles par exemple).

● Si les rapporteures portent un regard globalement positif sur le travail accompli à travers la feuille de route, dont les trois axes définis à l’issue d’un processus consultatif répondent à de nombreux enjeux, elles constatent toutefois avec regret que celle-ci demeure très largement méconnue du grand public comme des professionnels de santé.

Bien plus, elles observent que l’action publique menée jusqu’à présent n’a, de toute évidence, permis de répondre ni aux attentes, qui demeurent fortes, ni aux besoins d’un secteur en crise. À cet égard, le délégué ministériel Frank Bellivier, dans sa préface au sixième bilan de la feuille de route, souligne lui-même que « persistent des sujets de préoccupation majeurs, d’inadéquation persistante entre les besoins qui restent très élevés et l’offre, en particulier en pédopsychiatrie. Ces redoutables difficultés structurelles et conjoncturelles, déjà signalées dans les rapports précédents, persistent et s’aggravent dans certains points du territoire », en notant que les mesures pour y faire face ne produiront leurs effets qu’à moyen et à long terme.

Dans ce contexte, les rapporteures souscrivent pleinement au constat dressé selon lequel « les défis adressés aux politiques publiques sont immenses » et « un nouveau cycle plus ambitieux encore doit s’ouvrir ». Dès lors, il apparaît indispensable de renforcer la communication sur la stratégie nationale en faveur de la santé mentale et de la psychiatrie ainsi que d’apporter une nouvelle impulsion politique à cette stratégie, alors que le lancement du Conseil national de la refondation (CNR) dédié à la santé mentale, prévu en juin 2024 et déjà reprogrammé à deux reprises, a été reporté sine die par la dissolution de l’Assemblée nationale.

● Plus globalement, les rapporteures partagent la conviction que la psychiatrie et son organisation se situent aujourd’hui à un moment charnière. Dans un contexte de tensions persistantes, il s’agit de trouver un équilibre entre les modèles de prise en charge fondés sur l’hospitalisation systématique et ceux qui reposent davantage sur les soins ambulatoires. De profonds choix politiques, que ce rapport n’a pas vocation à trancher, doivent encore être opérés par les décideurs publics à ce sujet, pour permettre de définir une stratégie claire à long terme, qui soit accompagnée des moyens correspondants.

2.   Alors que la santé mentale a été définie grande cause nationale par le Premier ministre, la psychiatrie publique doit en constituer une dimension essentielle

Les rapporteures saluent la volonté du Premier ministre, qui a souhaité que la santé mentale soit définie « grande cause nationale » en 2025, et qui a précisé que cette grande cause nationale ne se limitera pas à cette seule année.

● Elles jugent toutefois indispensable, au regard des enjeux et conformément aux préoccupations du secteur ([281]), que la psychiatrie soit bien intégrée dans le champ couvert, sans confusion possible entre ces deux notions.

● Par ailleurs, alors qu’une telle déclaration crée un effet d’annonce et des attentes très importantes, les rapporteures relèvent qu’elle a, en pratique, pour seule implication juridique d’ouvrir droit à la diffusion gratuite de messages par les sociétés publiques de radio et de télévision ([282]).

L’impulsion apportée en faveur de la santé mentale et de la psychiatrie ne doit en aucun cas se réduire à une simple campagne de communication ; c’est pourquoi les rapporteures souhaitent que la grande cause nationale déclarée se traduise par un déploiement de politiques de grande ampleur et des changements en profondeur. Elles demandent une mobilisation nationale et internationale en faveur de la psychiatrie à l’image de celle engagée il y a quelques années contre le cancer, comme le suggérait déjà l’Académie nationale de médecine en 2019 ([283]).

Aussi, les rapporteures appellent le Gouvernement « à tenir l’engagement d’en assurer le suivi au niveau interministériel le plus élevé et, d’autre part, à ne pas privilégier seulement les mesures de court terme » ([284]), comme le préconisait la Cour des comptes au sujet de la grande cause nationale déclarée en 2017 concernant l’égalité entre les femmes et les hommes, qui a souffert de moyens très insuffisants et qui n’a permis que des avancées limitées.

Il s’agit dès lors de garantir le déploiement de moyens substantiels en faveur de la santé mentale et de la psychiatrie et d’assurer une transparence sur leur mobilisation. Cet impératif semble d’autant plus pressant que les crédits présentés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ne semblaient retranscrire que de manière lacunaire cette ambition. En effet, aucune mesure nouvelle n’y figurait concernant les soins psychiatriques : l’accès direct aux psychologues proposé dans le dispositif Mon soutien psy n’est en réalité que la transcription législative d’une mesure déjà annoncée au printemps dernier, tandis que la trajectoire du sous-Ondam relatif aux établissements de santé ne prend pas en compte d’éventuelles dépenses nouvelles en faveur de la psychiatrie.

Le renforcement des moyens de la psychiatrie de secteur est d’autant plus nécessaire que les crédits supplémentaires apportés ces dernières années, s’élevant à 16 millions d’euros pour les CMP en 2022, la même somme en 2023 et seulement 4 millions d’euros en 2024, apparaissent insuffisants en dépit de l’enveloppe supplémentaire de 20 millions d’euros prévue à la suite des Assises de l’enfant ([285]).

● La coordination interministérielle annoncée par le Premier ministre, chaque ministre étant chargé d’établir une feuille de route, est dès lors bienvenue. Il importe cependant de veiller à ce que la gouvernance annoncée, qui passe par un comité interministériel animé par la ministre de la santé et de l’accès aux soins et la ministre déléguée chargée de la coordination gouvernementale, en s’appuyant sur la délégation ministérielle à la santé mentale animée par le professeur Frank Bellivier et sur un nouveau « groupe d’experts », soit lisible et efficace.

● Une telle démarche devra également inclure une dimension liée à la recherche, mais aussi un pilotage national cohérent supposant de disposer d’indicateurs mesurant le recours aux soins de santé mentale, suivant les parcours de soins ou se basant sur des projections épidémiologiques fiables, comme cela existe pour les épidémies saisonnières.

À cette fin et au regard du manque actuel de données nécessaires au pilotage national, les rapporteures préconisent de la part du Gouvernement, à l’aide de la Drees et de l’Atih notamment, la publication d’un rapport annuel documentant au mieux l’activité des urgences psychiatriques et le parcours de soin des patients de psychiatrie.

II.   Une offre de soins À restructurer et À soutenir pour mieux prÉvenir et prendre en charge les urgences psychiatriques

Au regard des défaillances persistantes dans la prise en charge des urgences psychiatriques, et dans la perspective de confirmer la santé mentale et la psychiatrie comme grande cause nationale, les mesures de la feuille de route santé mentale et psychiatrie doivent être renforcées, précisées et complétées. La mission d’information préconise, en conformité avec l’approche retenue par la Commission nationale de la psychiatrie (CNP) ([286]), d’améliorer la prise en charge de l’urgence psychiatrique tout au long de la filière, c’est-à-dire d’agir sur l’offre de soins et sa structuration pendant, mais aussi en amont et en aval de l’urgence. Pour se donner les moyens d’un tel objectif, il est également nécessaire d’assurer un meilleur partage de l’activité entre les secteurs public et privé, de consentir un effort spécifique en faveur de la pédopsychiatrie et de soutenir la démographie de la filière.

A.   Renforcer l’offre de soins de proximitÉ pour prÉvenir l’urgence psychiatrique

Il convient avant tout de faire de la prévention de l’urgence un axe majeur en garantissant une prise en charge précoce, graduée et homogène sur le territoire, qui prévienne les troubles psychiques et permette leur prise en charge dans de bonnes conditions, ainsi qu’un suivi sans lequel l’urgence ne saurait être contenue durablement. Cette perspective nécessite notamment d’améliorer l’accès aux centres médico-psychologiques (CMP), la gestion des soins non programmés et l’articulation avec les services d’urgences.

1.   Améliorer la réponse de premier niveau à la souffrance psychique

La prévention des urgences – qui doit être la première des priorités – appelle d’abord le renforcement et la restructuration de l’offre de soins psychiatriques dans les territoires afin de permettre une prise en charge précoce, adaptée et graduée. Elle suppose de garantir l’accès de tous à des soins de proximité selon une approche graduée déjà préconisée par de nombreux rapports ([287]). Cette démarche doit également, et tout particulièrement, concerner les territoires qui connaissent le plus de difficultés, y compris dans les espaces ruraux et ultramarins, à l’image de la Guyane et de Mayotte.

a.   Mieux outiller les médecins généralistes qui assurent dans les faits la réponse de premier niveau à la souffrance psychique

Il importe, en premier lieu, de mobiliser la médecine de ville – en compensant financièrement cette mobilisation – et d’assurer la coordination des professionnels de santé sur le territoire pour mieux orienter les patients et limiter ainsi l’errance médicale comme les ruptures de soins. Ainsi que le préconisait la Cour des comptes en 2021, il pourrait être prévu que l’accès aux soins en CMP pour les adultes passe par le filtre d’un service de « première ligne » et que le secteur, ou l’inter-secteur, contribue à la mission d’appui aux professionnels de « première ligne » ([288]).

Cela suppose une meilleure appréhension des enjeux psychiatriques par les médecins généralistes. Ils sont, comme le rappelle la HAS ([289]), « des acteurs majeurs de la prise en charge des troubles mentaux », participant à leur détection et à leur traitement, et accompagnant les patients dans une prise en charge globale. La plupart des acteurs rencontrés par la mission d’information s’accordent d’ailleurs sur l’importance croissante des troubles psychiques dans les motifs de consultation de médecine générale.

Dans ce contexte, la formation initiale et continue des médecins généralistes, en psychologie et psychiatrie adulte comme infanto-juvénile, et leur connaissance de l’offre de soins disponible, favorisée et accompagnée par les agences régionales de santé et prenant appui sur les communautés professionnelles territoriales de santé, ainsi que la disponibilité des acteurs spécialisés, apparaissent cruciales pour dépister les troubles et articuler le positionnement des acteurs. Les rapporteures plaident pour un renforcement de la formation à la psychiatrie des internes de médecine générale, sous la forme de stages obligatoires dans un service de psychiatrie, éventuellement complétés d’un stage au sein d’une filière psychiatrique d’un service d’urgence.

Se pose en outre la question d’outils d’aide à la prise en charge de la souffrance psychique par les médecins généralistes, tels que la téléassistance par des médecins psychiatres sous forme d’un contact téléphonique d’aide à la prescription, d’annuaires des services spécialisés vers lesquels le médecin peut orienter un patient ([290]). Les rapporteures alertent sur les conséquences de long terme délétères, voire irréversibles, de la sur-prescription de médicaments psychotropes en dehors des recommandations et d’un suivi adapté, en particulier chez les plus jeunes. Elles plaident pour un meilleur contrôle de la pertinence de ces prescriptions par les médecins généralistes.

Par ailleurs, les services d’accès aux soins (SAS) psychiatriques sont des dispositifs particulièrement bénéfiques qui gagneraient à être développés, surtout en l’absence de médecin traitant ([291]). Ils permettent en effet, en complément de la prise en charge des urgences traitées en priorité, d’orienter la population et de répondre à la demande de soins non programmés ou urgents, partout et à toute heure, grâce à une chaîne de soins lisible et coordonnée entre professionnels d’un même territoire. La généralisation d’un tel dispositif constitue, comme le soulignait en avril 2023 le ministre chargé de la santé et de la prévention, un enjeu fondamental pour la réorganisation de l’accès à une offre de soins non programmés adaptée aux besoins des Français ([292]). Aussi, les SAS devraient intégrer systématiquement une composante psychiatrique comprenant, par exemple, une infirmière psychiatrique en appui des médecins effecteurs.

b.   Renforcer les moyens humains et financiers des CMP de secteur, dont la mission première est d’assurer les soins psychiatriques ambulatoires et de coordonner les parcours de soins

● En réaffirmant les grands principes de l’organisation des soins en psychiatrie, les rapporteures appellent par ailleurs à soutenir massivement la prise en charge ambulatoire ainsi que les CMP, qui doivent en devenir les pivots, notamment en ce qui concerne les soins non programmés. Cet objectif suppose un accès rapide et facilité aux CMP pour tous afin de répondre aux besoins dans le territoire sectorisé. Cela exige des plages d’accueil élargies en journée, en semaine et pendant les vacances scolaires. Les rapporteures insistent également sur la nécessité pour l’ensemble des CMP de proposer des plages de consultation sans rendez-vous afin d’éviter l’engorgement des urgences pour des situations pouvant être traitées dans les CMP.

« Beaucoup de centres experts ont été développés avec des évaluations, des bilans mais pas assez le suivi une fois que le diagnostic est posé. Il faut des soins sans attendre : il n’est pas possible de dire aux parents et à l’enfant qu’ils doivent attendre deux ans pour être pris en charge [...]. C’est comme si on faisait des scanner des radios, des bilans, des IRM, des analyses et qu’on disait “il faut opérer, au revoir monsieur” et rien ne se passe. »

Audition du Pr Philippe Duverger, chef de service au CHU d’Angers.

● Le développement de postes médicaux à temps partagé entre les CMP, les établissements hospitaliers et la médecine de ville pourrait en outre permettre à la fois de consolider les effectifs dans les CMP et de renforcer la coordination des parcours de soins au niveau territorial.

Le renforcement des moyens humains alloués aux CMP dans une optique de meilleure gradation des soins suppose aussi de prendre davantage appui sur les psychologues, dont le rôle ne peut se substituer à celui des psychiatres mais qui, comme le rappelait déjà une mission sénatoriale en 2021, « sont des acteurs clés de la prise en charge de premier niveau en santé mentale » ([293]). Ainsi que le note la Cour des comptes, si la démographie des pédopsychiatres est défavorable à court terme et ne leur permettra pas d’assurer leur rôle de recours de spécialité, « en revanche, les psychologues, en nombre important et croissant, ont vocation à prendre progressivement une place dans le parcours de soins » ([294]). Dans cette perspective, la mission accueille favorablement l’élargissement du dispositif Mon soutien psy intervenu en juin 2024 et, comme le suggère la Fédération hospitalière de France (FHF) ([295]), appelle à étendre cette dynamique aux établissements pour fidéliser ces professionnels dans un contexte de difficultés de recrutement.

Il en va de même pour l’intervention des infirmiers en pratique avancée (IPA) depuis la création en 2019 d’une mention psychiatrie et santé mentale ([296]), dont le déploiement dans les CMP et les services d’urgences générales pourrait constituer un apport décisif. Malgré l’objectif assigné en ce sens par les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie (mesure n° 26), ces IPA restent trop rares et ne bénéficient pas d’une rémunération digne de leur niveau de formation. Dans une contribution adressée à la mission d’information, la DGOS indique que vingt universités ou regroupements d’universités proposaient cette mention en 2021 et que, en avril 2024, on recensait 411 diplômés avec la mention psychiatrie et santé mentale. Ils représentent près de 21 % des IPA formés, soit la deuxième mention la plus suivie. Par ailleurs, l’absence de financement de la formation IPA pour les infirmiers libéraux réserve dans les faits cette formation aux seuls infirmiers publics, dont les deux années de formation peuvent être financées par un établissement de santé. Les rapporteures préconisent un meilleur accompagnement des infirmiers libéraux souhaitant s’orienter vers une formation d’IPA mention psychiatrie et santé mentale en ville, qui aurait une utilité certaine pour améliorer la gradation des soins de ville dans un contexte de manque de médecins psychiatres et de difficulté organisationnelle caractérisant les parcours de soins psychiatriques.

Le nombre d’IPA en psychiatrie est d’ailleurs à mettre en rapport avec l’effectif d’infirmiers diplômés d’État (IDE), sans spécialisation, exerçant en psychiatrie dans l’ensemble des établissements sanitaires, qui s’élève à près de 55 000 professionnels ([297]). L’effectif d’IDE avec spécialisation en psychiatrie atteint quant à lui près de 600 personnes : il correspond aux titulaires de l’ancien diplôme d’infirmier de secteur psychiatrique, supprimé en 1992, ou ayant suivi une formation complémentaire en psychiatrie. Le rôle de ces IDE pourrait être étendu et mieux valorisé sur le territoire, par exemple à travers la création d’un module de formation continue spécifique et, pour les IDE libéraux, par une meilleure valorisation de leur activité de suivi de patient au domicile sur demande du CMP de secteur, concernant les patients à risque en cas de rupture de traitement.

c.   Une place pour la prise en charge de l’addiction

La difficulté à appréhender l’addiction et sa prise en charge dans le cadre de cette mission d’information illustre la difficulté à placer cette problématique dans le système de soins, alors même que le lien entre psychotraumatisme et addiction est bien connu et qu’il a été évoqué par de nombreux témoignages. Dans les services d’urgences, la consommation de toxiques est souvent pointée comme un motif d’entrée, entraînant un risque accru d’exposition aux violences pour les personnels ou un motif de contention des patients. Les addictions ont aussi été évoquées dans les services de psychiatrie, dont certains s’avèrent perméables au trafic lors des hospitalisations, comme c’est le cas par exemple à Marseille.

À l’heure où la consommation de drogues occupe une large place dans le débat public, la dimension de soins apparaît reléguée au second plan. Pourtant, la France est une grosse consommatrice de substances illicites. Parmi elles, selon une récente enquête de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) ([298]), le cannabis reste de loin la substance la plus consommée parmi les 18‑64 ans :

– un adulte sur deux (50,4 %) l’a déjà expérimenté ;

– depuis 1992, l’usage dans l’année a globalement doublé ;

– 3,4 % sont des consommateurs réguliers ;

– l’usage quotidien concerne 2,3 % des 18‑64 ans, avec un maximum de 3,5 % chez les 18‑24 ans, mais encore 2,9 % chez les 35‑44 ans, reflet du vieillissement des générations qui l’ont expérimenté dans leur jeunesse.

Alors que les centres de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) sont très isolés des services de psychiatrie, la séparation organisationnelle de la prise en charge de ces différentes problématiques entraîne en toute probabilité une perte de chances pour les patients. L’exemple du psychotrauma suivant l’exposition aux violences peut par exemple donner lieu à des addictions subséquentes, mais relève tout autant du soin psychiatrique. À l’inverse, l’addiction peut retarder la prise en charge du psychotrauma. Les financements de la prise en charge de ces problématiques apparaissent par ailleurs souvent séparés.

Quelques exceptions prometteuses émergent toutefois, à l’image de l’expérimentation « PsychoTraumAddicto » mise en place à Clermont-Ferrand par la Fédération Addiction, avec le Centre national de ressources et de résilience (CN2R) et le CHU. Ce projet, soutenu par le Fonds de lutte contre les addictions, mobilise sur trois sites dans différentes régions des équipes volontaires de Csapa et de centres régionaux psychotraumatisme (CRP) afin d’expérimenter des approches intégratives.

2.   Simplifier l’accès aux soins de secteur par une meilleure organisation territoriale

● Le soutien aux structures assurant la réponse de premier niveau à la souffrance psychique doit s’accompagner d’un effort significatif pour garantir l’accès à une offre de soins lisible et efficace. La prise en charge souffre souvent, en psychiatrie, de sa fragmentation et de sa complexité. Il appartient aux pouvoirs publics, aux échelons national et local à travers les ARS, de limiter la dispersion de moyens entre structures concurrentes et la complexité du parcours de soins.

Il s’agit en premier lieu de faire essaimer au niveau national les bonnes pratiques et de concentrer les moyens sur les services les plus pertinents.

« Le constat général qui s’impose est celui de la nécessité de promouvoir davantage un certain nombre d’organisations ou de dispositifs qui ont fait leurs preuves localement. Il semble important de passer d’une “urgence d’avis” historique à une véritable “urgence de filière”, reposant sur un travail de maillage et de structuration de l’amont et de l’aval. »

Commission nationale de la psychiatrie (CNP) ([299]).

Cette diffusion doit toutefois être opérée concomitamment avec un effort de simplification et d’amélioration des dispositifs afin de réduire le nombre de structures sans remettre en cause le principe de sectorisation, mais en permettant des dérogations limitées si nécessaire, ni priver les structures de leur capacité à développer des dispositifs innovants. Pour ce faire, les ARS sont appelées à agir en faveur d’une meilleure organisation des parcours de soins sur le territoire en s’appuyant sur une cartographie précise des réalités territoriales comme le suggère la FHF ([300]). Ainsi que le préconise la CNP, les principes de fonctionnement et de prise en charge par les CMP doivent être précisés au niveau national afin d’harmoniser les pratiques.

● Se présente en outre un enjeu de regroupement des moyens lorsque certains services ou structures présentent des doublons sur les territoires sans qu’aucun ne soit convenablement doté ni parfaitement accessible. Si, à cette fin, des regroupements de CMP pourraient être envisagés afin de mutualiser des moyens, un tel service public ne pourra être assuré qu’à travers des moyens supplémentaires pour en élargir les horaires d’ouverture, garantir des créneaux de consultations sans rendez-vous, étendre les plages d’accueil en soirée, en fin de semaine et pendant les vacances scolaires.

À cet égard, il apparaît crucial de garantir des financements suffisants et pérennes aux structures de soins, et pas seulement selon une mobilisation par projet réservée aux initiatives du type « article 51 » ([301]). Ces dernières gagneraient d’ailleurs à répondre davantage à une logique territoriale plutôt qu’à être définies par établissement, dans une logique de parcours patient.

● Enfin, il y a un enjeu à accompagner la montée en charge des PTSM et des outils de coordination territoriale, conformément au souhait du Premier ministre, qui a annoncé leur généralisation.

Les projets territoriaux de santé mentale (PTSM), un outil encore très perfectible

En dépit d’une couverture territoriale aujourd’hui complète, les PTSM ne remplissent pour l’essentiel pas les objectifs assignés en matière de réponse agile et concertée aux enjeux de structuration de l’offre de soins de santé mentale dans chaque territoire. Alors qu’ils avaient vocation à favoriser les réponses innovantes aux enjeux territoriaux de santé mentale par des initiatives graduées et concertées entre l’ensemble des acteurs, tout comme à accélérer la diffusion des bonnes pratiques, leur rôle dans l’amélioration de la réponse aux besoins de santé mentale reste très discret. Aussi, les rapporteures remarquent que l’apport des PTSM n’a été évoqué par aucun des interlocuteurs rencontrés lors des déplacements et visites de la mission.

Beaucoup de PTSM sont considérés aujourd’hui comme des « coquilles vides » parce qu’ils ne remplissent pas la fonction qui leur était initialement assignée : leur portée se limite à une existence purement formelle. Les rapporteures espèrent que la deuxième génération de PTSM permette de résoudre les problèmes de fonctionnement constatés et corroborés par le rapport thématique publié récemment par la délégation ministérielle à la santé mentale et la psychiatrie, pour doter ces structures de prérogatives réelles dans la structuration des parcours de soins, la gradation des soins sur le territoire et la réponse aux besoins de santé mentale par les acteurs publics comme privés.

La délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie esquisse, dans un récent rapport d’évaluation des PTSM ([302]), les ajustements nécessaires à l’essor d’une deuxième génération qu’elle appelle de ses vœux. Il s’agit notamment de renforcer la transversalité, en particulier concernant la structuration des parcours en santé mentale des enfants et adolescents, qui n’est pas toujours abordée, mais aussi la gouvernance d’ensemble par une mobilisation effective des services de l’État (éducation nationale, administration pénitentiaire, France Travail, bailleurs sociaux) et des collectivités territoriales.

Le rapport souligne également la nécessité d’améliorer les articulations stratégiques et fonctionnelles entre les PTSM et la multitude d’instances territoriales de concertation pour limiter les pertes d’efficience dans la gouvernance locale de la santé mentale. Le rôle central des coordonnateurs de PTSM est évoqué mais pas totalement clarifié. Enfin, l’articulation opérationnelle entre ces projets et la gouvernance des établissements de santé et groupements hospitaliers de territoires, qui concentrent souvent l’essentiel des ressources humaines dans l’offre de soins de santé mentale, n’est pas non plus abordée alors qu’il s’agit d’un point déterminant dans l’essor de ces structures.

3.   Se donner les moyens d’accompagner durablement les personnes les plus vulnérables

L’enjeu de l’accès à une offre de proximité, permettant une entrée précoce dans les soins et un suivi durable, se pose avec singularité en ce qui concerne les populations les plus vulnérables. À cet égard, conformément à l’action n° 38 de la feuille de route ainsi qu’aux orientations partagées par un certain nombre d’acteurs en réaction à l’annonce, par le Premier ministre, de la labellisation de la santé mentale comme grande cause nationale pour 2025, les rapporteures préconisent de « mettre l’accent sur les soins pour les adultes et les mineurs les plus fragiles et présentant les troubles les plus sévères afin d’éviter les ruptures » ([303]).

● Les rapporteures plaident pour une généralisation des équipes mobiles à destination des personnes précaires à la fois les plus vulnérables et les plus éloignées des soins, en concentrant le rôle de ces équipes sur la détection et la prise en charge de ces publics sur leur lieu de vie. Il s’agit d’inscrire ces personnes dans un parcours de soins et médico-social de droit commun et, à défaut, de permettre un suivi spécifiquement adapté à leur mode de vie, seul à même d’éviter les ruptures de parcours, à l’image des équipes mobiles de psychiatrie et précarité qui accompagnent les personnes sans abri grâce à des visites de rue ou des maraudes.

Dans cette perspective, la mission invite à formaliser une stratégie nationale pour les équipes mobiles, déclinée par les ARS, afin de concentrer ces équipes – qu’elles soient spécialisées sur la psychiatrie et la précarité, le sujet âgé ou la périnatalité –, en lien avec les structures d’accueil médico-social, sur les patients éloignés des soins mais ayant tendance à se rendre aux urgences.

Aussi, il faut reconnaître que les pathologies psychiques ont partie liée avec la situation sociale. Elles peuvent être un facteur d’isolement et d’exclusion. La précarité peut faire apparaître ou aggraver des souffrances et des pathologies psychiques. Dès lors, au-delà des liens avec le médico-social, se pose la question de la lutte contre la précarisation, l’exclusion et l’isolement qui sont des facteurs de risque de survenue de troubles psychiatriques et d’aggravation de troubles existants. De la même manière, il s’agit de développer une politique traitant les troubles addictifs et la prise de toxiques, souvent associés aux troubles psychiatriques causant le passage aux urgences.

● Les travaux de la mission d’information mettent en lumière la possibilité de repérer ces personnes et d’assurer leur prise en charge psychiatrique dans des conditions adaptées, à la condition de s’en donner les moyens.

La Haute Autorité de santé a, à cet égard, publié en janvier 2024 des recommandations de bonnes pratiques spécifiques à l’accompagnement des personnes en situation de grande précarité présentant des troubles psychiques ([304]). Elles s’adressent à la fois aux équipes intervenant auprès des personnes concernées et aux pouvoirs publics appelés à les soutenir en coordonnant les acteurs. Elles soulignent « l’importance d’aller à la rencontre de ces personnes sur leurs lieux de vie, de leur offrir un accompagnement global et d’intervenir le plus précocement possible ». En observant que les dispositifs actuels restent insuffisants, les travaux de la HAS montrent qu’une approche globale intégrant l’accès au logement ainsi qu’un accompagnement médical et social est la plus efficace. La HAS formule dès lors plusieurs recommandations, conditionnées à l’attribution de moyens à la hauteur des besoins ainsi qu’à un soutien et à une formation pour les professionnels :

– pour les services administratifs, faciliter les procédures (rappel de rendez‑vous, désignation de personnes référentes, etc.) ;

– pour les services sociaux, assurer un accueil inconditionnel en limitant les prérequis à l’accès aux prestations sociales (arrêt des consommations par exemple) ;

– les secteurs de psychiatrie sont invités à nouer des partenariats avec les structures et acteurs sociaux pour proposer par exemple des consultations psychiatriques avancées ou un accompagnement des crises ;

– les services d’urgences et hospitaliers peuvent être soutenus par des équipes spécialisées type équipes mobiles psychiatrie précarité (EMPP) et permanences d’accès aux soins de santé (Pass) ([305]). Un tel soutien s’inscrirait d’ailleurs en pleine cohérence avec l’action n° 38 de la feuille de route de 2018 ;

– les acteurs de soins primaires, en particulier ceux organisés en structures d’exercice coordonné, gagneraient à adapter leur pratique (plages horaires pour les consultations sans rendez-vous, consultations longues, médiateurs en santé et partenariats avec les acteurs sociaux, etc.).

Il s’agit par ailleurs d’évaluer et d’adapter les dispositifs existants, à l’image de Mon soutien psy, dont on n’a pu estimer l’impact sur les populations plus éloignées du système de soins et qui n’auraient pas les moyens d’un suivi psychologique non pris en charge par l’assurance maladie ([306]). Cette question centrale gagnerait à être traitée par une évaluation supplémentaire du dispositif sur les publics les plus vulnérables.

Se pose ensuite la question de la mobilisation des acteurs de proximité. Les bailleurs sociaux, parce qu’ils ont la possibilité d’être le premier maillon de détection de troubles psy, pourraient voir leurs missions évoluer pour mettre en place des dispositifs particuliers de repérage, et mobiliser quelques logements de transition ou thérapeutiques en retour d’hospitalisation pour les personnes démunies ou isolées. De la même manière, les communes sont des acteurs importants du maillage de prévention et de suivi, se trouvant en première ligne de la lutte contre l’isolement, la précarité et les troubles de voisinage ainsi que du maintien de l’ordre public. Elles sont aussi un acteur majeur de la solidarité à travers les centres communaux d’action sociale (CCAS) ou les structures qu’elles proposent aux personnes âgées, et peuvent activer des réseaux de voisins, de travailleurs sociaux ou associatifs importants. Pour ces raisons, les communes pourraient disposer de lignes budgétaires dédiées à ce maillage tandis que la politique de prévention pourrait trouver des leviers à travers des lieux tels que les résidences des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous).

Quant aux patients « difficiles », entendus comme ceux qui présentent une dangerosité psychiatrique mais aussi ceux que l’institution, par manque de moyens ou de formation des équipes, ne parvient plus à accompagner, la CNP a émis en juin 2024 dix préconisations ([307]). Elle recommande une prise en charge personnalisée, inscrite dans un cadre thérapeutique respectueux des droits, articulée autour d’un repérage précoce permettant une prise en charge coordonnée, de façon notamment à recevoir la phase de décompensation dans les services.

À Paris, le Centre Primo Levi propose une prise en charge adaptée aux personnes victimes de la torture et de la violence politique réfugiées en France

Dans son centre de soins de Paris, le Centre Primo Levi accueille chaque année, malgré des financements en baisse, plus de 400 personnes originaires de plus de 50 pays différents, soit près de 5 000 consultations, après une file d’attente de quatre à six mois environ. La prise en charge proposée est pluridisciplinaire (psychologique, médicale, sociale et juridique). Elle a lieu à l’aide d’un interprète si nécessaire. Elle dure en moyenne trois ans pour les adultes et dix-huit mois pour les mineurs, qui représentent un quart des patients.

Alors que près de 60 % des patients ont été confrontés à la torture et que les violences subies sont le plus souvent exprimées pour la première fois, la demande principale reste liée à la violence psychique. Aussi, si le nombre de patients apparaît marginal relativement au nombre de demandeurs d’asile ([308]), une telle prise en charge est singulière au regard de son caractère pluridisciplinaire et de sa durée. En respectant la temporalité des patients, elle leur fournit un accueil physique et un contenant psychique et elle démontre la possibilité d’une prise en charge satisfaisante de cas complexes.

Dans un rapport publié en juin 2024 ([309]), le centre fait toutefois état d’une « évolution préoccupante », depuis une dizaine d’années, de la santé mentale des personnes concernées, « aggravée par les violences qu’elles subissent sur le chemin de l’exil, désormais omniprésentes et inéluctables. Torturées, emprisonnées, violées, elles fuient leur pays et accumulent les traumatismes tout au long de leur parcours d’exil jusqu’en France. » En alertant sur ces enjeux, l’association recommande une meilleure prise en compte de la souffrance psychique à toutes les étapes de la demande d’asile, d’adapter le droit commun à cette souffrance, ou encore de placer les questions relatives à la santé, notamment mentale, des étrangers sous la compétence exclusive du ministère chargé de la santé.

● Par ailleurs, les rapporteures relèvent l’importance d’un suivi durable des personnes vulnérables, notamment dans le cas de transitions entre deux situations, afin d’éviter les ruptures de soins et de prévenir de nouvelles crises.

Dans cette perspective, les équipes mobiles sont également utiles pour accompagner, par exemple, les personnes en sortie de détention. Le CHU de Lille a réuni, avec le financement de l’ARS Hauts-de-France, une équipe mobile transitionnelle (Emot) pour assurer un lien entre prise en charge par les services de soins psychiatriques en milieu pénitentiaire et services de soins psychiatriques de droit commun. Pluridisciplinaire et combinant les approches médicale et médico-sociale ([310]), cette équipe intervient dès les derniers mois de détention. Elle assure un relai avec l’extérieur durant les six premiers mois suivant la libération. Une première évaluation de ce procédé montre qu’il est devenu un « maillon incontournable du dispositif de soins psychiatriques dédié aux personnes détenues » ([311]). Il présente d’ailleurs un fort taux de satisfaction des 108 personnes bénéficiaires entre janvier 2021 et juillet 2023, malgré des difficultés persistantes liées notamment à l’intégration d’une population spécifique dans un système de soins déjà saturé.

D’autres dispositifs spécifiques peuvent répondre à la problématique du suivi, qui concerne une diversité de populations, parmi lesquelles les étudiants ou les personnes en situation de précarité. À cet égard, les rapporteures relèvent que les personnes étrangères subissent un recours plus difficile aux soins en raison de la langue. Si des initiatives ont été menées par certaines structures avec un recours à des vacations de traduction, plusieurs soignants ont indiqué devoir « se débrouiller » avec les services gratuits de traduction en ligne, qui ne permettent qu’une évaluation sommaire des difficultés des patients. Il apparaît dès lors important d’informer les professionnels de la possibilité de faire appel à des interprètes pour les patients non francophones.

B.   Structurer un vÉritable parcours de prise en charge psychiatrique d’urgence limitant les passages aux urgences

1.   Réduire les venues non pertinentes aux urgences en renforçant l’offre de consultations en soins non programmés

Les passages aux urgences pour motif psychiatrique constituent la cause principale de la hausse de la fréquentation des urgences générales, tandis que la prise en charge des troubles psychiques aux urgences est unanimement décrite comme insatisfaisante. Dans ce contexte, les rapporteures plaident pour un renforcement de l’offre de consultations en soins non programmés de psychiatrie, notamment en développant les centres d’accueil et de crise (CAC) et les équipes mobiles, afin d’éviter des passages aux urgences non pertinents et peu souhaitables pour les patients.

À ce titre, elles tiennent à saluer le fonctionnement de certaines structures de soins non programmés visitées ou documentées au cours des travaux de la mission d’information, qui ont fait la preuve de leur efficacité à limiter les passages aux urgences non pertinents et qui apportent une solution plus adaptée et graduée à l’état de santé des consultants.

Le fonctionnement des Unités tourquennoises de psychiatrie (UTP) de l’établissement public de santé mentale (EPSM) Lille-Métropole en fournit un exemple convaincant. Dans cet espace visité par la mission d’information, un accueil sans rendez-vous est proposé dans un dispositif d’accueil et de crise (DAC) dont l’entrée se fait par un petit portail particulièrement discret. Il délivre un premier avis psychiatrique dans la journée à l’ensemble des consultants qui se présentent sans rendez-vous. La configuration de cet accueil discret participe de la moindre stigmatisation des soins psychiques tout comme sa facilité d’accès.

Il apparaît, en outre, important de créer des plages de consultations en soins non programmés dans tous les CMP, mais aussi dans tous les hôpitaux dotés d’une filière psychiatrique en encourageant la mise en place de dispositifs d’accueil de crise.

« Depuis que nous avons ouvert le dispositif d’accueil et de crise, la fréquentation des urgences a baissé. »

Visite des UTP de l’EPSM Lille-Métropole.

2.   Formaliser au niveau national un parcours de prise en charge de l’urgence psychiatrique lisible, gradué et commun à tous les territoires, qui s’appuie sur les structures existantes

Le manque de lisibilité du parcours de soins psychiatrique, qui tient beaucoup à l’hétérogénéité des organisations territoriales, est à l’origine de venues non pertinentes aux urgences. Les rapporteures plaident donc pour une organisation nationale des grands principes de la prise en charge de l’urgence psychiatrique, s’appuyant sur des structures communes à l’ensemble de territoires afin d’assurer une meilleure gradation des soins et une limitation des venues non pertinentes.

L’organisation des parcours de soins est aujourd’hui trop hétérogène et peu lisible. Elle ne ressort pas suffisamment clairement de la feuille de route santé mentale et psychiatrie. Or, la généralisation des SAS sur l’ensemble du territoire, ainsi que la structuration de filières psychiatriques au sein des services d’urgences, offrent des perspectives en la matière.

Les rapporteures plaident pour une formalisation au niveau national au sein de la feuille de route santé mentale et psychiatrie de l’organisation de la prise en charge des crises psychiatriques dans une logique de filière autour d’un triptyque articulant SAS, filière de consultation en soins non programmés et prise en charge dans des unités de crise permettant l’hospitalisation de courte durée et l’articulation avec l’équipe du secteur. Ce triptyque n’est pas exclusif des autres structures et services éventuellement présents localement (CAC, CAP, équipes mobiles...). Mais il est aujourd’hui nécessaire de clarifier le rôle de chacun et le niveau d’intervention de chaque équipe.

3.   L’amélioration des conditions d’accueil aux urgences requiert une plus grande disponibilité de lits d’hospitalisation en aval

Si des effets bénéfiques considérables peuvent être escomptés de la restructuration de l’offre de soins en amont, à commencer par une moindre fréquence des situations de crise et d’urgence, ces effets ne mettront pas fin à ces situations ni à la nécessité d’une prise en charge dans les services d’accueil d’urgences (SAU). Il s’agit dès lors de garantir les bonnes conditions de prise en charge dans ces services, ce qui appelle une réflexion cruciale sur le suivi et la gestion des lits d’hospitalisation en aval.

a.   Améliorer les conditions de prise en charge par les services d’urgences

● Face aux défaillances constatées aujourd’hui, l’amélioration substantielle des conditions d’accueil dans les services d’urgences suppose leur adaptation pour mieux accompagner les professionnels de la prise en charge des urgences en psychiatrie et améliorer le vécu des patients, en fournissant un cadre et en maintenant la relation humaine :

– la composition comme la formation des équipes assurant la prise en charge doit être consolidée de façon à garantir une bonne appréhension des troubles mentaux et psychiatriques. À cet égard, les rapporteures préconisent que les services d’urgences dotés d’une filière de prise en charge psychiatrique disposent nécessairement, de jour comme de nuit, de personnels compétents et formés à cette prise en charge. Cela suppose la présence d’au moins un médecin psychiatre et d’au moins un infirmier disposant d’une expérience en psychiatrie ou d’une formation à la prise en charge psychiatrique. Cela invite aussi à ne pas concentrer les jeunes professionnels dans les services d’urgences. Les rapporteures préconisent également d’expérimenter le financement de postes de psychologues et de médiateurs de santé pairs ([312]) dans les services d’urgences en appui des équipes soignantes. L’objectif serait d’évaluer combien une diversification des profils et une consolidation des compétences psychiatriques au sein des équipes de prise en charge des urgences améliore l’activité et permet de réduire les signalements de violence et le recours à la contention ;

– plus globalement, la formation aux soins psychiatriques doit être intégrée à la formation des urgentistes, et notamment dans le DES qui leur est dédié. La collaboration entre urgentistes et professionnels spécialisés en psychiatrie devrait par ailleurs être encouragée, dans le prolongement de la charte signée en 2015 ([313]) et des recommandations de bonne pratique publiées en 2021 par la Société française de médecine d’urgence (SFMU) ([314]). Cette recommandation s’inscrit dans la continuité des travaux de la CNP ([315]), qui préconise de renforcer l’attractivité des fonctions d’urgence pour les psychiatres et les équipes psychiatriques par la collégialité, la culture de service et la reconnaissance financière ;

– les rapporteures recommandent par ailleurs de garantir aux patients de psychiatrie nécessitant une prise en charge en urgence l’accès à des modalités et conditions de transport adaptées et accessibles, pour limiter le recours des familles aux forces de l’ordre face au refus des ambulances et taxis de transporter un patient vers les urgences psychiatriques ;

– un meilleur respect des droits des patients de psychiatrie se rendant aux urgences est une priorité, ce qui suppose une plus grande place du consentement aux soins ou, lorsque c’est impossible, une prise en compte des volontés exprimées par les patients. Alors que l’espérance de vie des individus suivis pour des troubles psychiques est réduite de treize à seize ans ([316]) et que cette moindre espérance de vie ne s’explique pas uniquement par la prévalence du suicide, mais par la mauvaise prise en charge d’autres pathologies somatiques associées, il convient de faire plus grand cas de la parole et des droits des malades ([317]). Un consensus se dégage aujourd’hui sur la relation forte entre les conditions d’accueil aux urgences des patients de psychiatrie, leur état d’agitation et le recours plus ou moins systématique à la contention. Il apparaît dès lors nécessaire de mieux prendre en compte les plans de crise conjoints des patients de psychiatrie lorsqu’ils se rendent aux urgence dans un contexte de crise. À ce sujet, la CNP propose la mise en place systématique d’un plan de crise conjoint pour les usagers de la psychiatrie ([318]). La généralisation d’un modèle de directives anticipées en psychiatrie, ou d’un « plan de prévention partagé (PPP) » selon la dénomination énoncée par la HAS dès 2016 ([319]), pourrait également être envisagée. Un tel document, rédigé par la personne lorsque son discernement n’est pas altéré, aiderait à mieux prévenir et traiter les moments de crise en définissant les conduites à tenir par ses proches et les professionnels de santé, et à limiter ainsi le recours aux mesures attentatoires à la liberté des patients. Les directives anticipées en psychiatrie permettent aux patients d’être pris en charge et éventuellement hospitalisés directement en cas de crise, sans passage par les urgences. Ces outils fluidifieraient les urgences, amélioreraient la qualité de la prise en charge et mériteraient d’être systématiquement enregistrés dans le dossier patient informatisé. La pair-aidance, qui peut fournir un appui à une autonomisation et à une meilleure prise en charge des patients, pourrait être développée dans cette perspective ;

– les conditions matérielles d’accueil aux urgences doivent être adaptées à une fréquentation croissante en urgence psychiatrique. Il s’agit notamment de limiter la surpopulation et de prévoir des lieux contenants, en créant par exemple des chambres d’isolement pour prévenir tout cas de contention non règlementaire. Cette question doit s’insérer dans une réflexion globale sur la saturation des services d’urgences, en lien avec les récents travaux de la Cour des comptes ([320]) ;

– la qualité des soins en psychiatrie, notamment aux urgences, doit être garantie par la mise à jour par la HAS de son référentiel de certification, ainsi que par la mise en œuvre des recommandations internationales et bonnes pratiques, lorsqu’elles existent, sous l’égide de la HAS ;

– une réponse en urgence doit pouvoir être proposée aux publics spécifiques, en particulier s’agissant de la prise en charge des jeunes suicidants.

● Aussi, la mission d’information appelle à renforcer les capacités d’accueil et de prise en charge de la crise psychique, particulièrement pour les patients mineurs qui représentent une part croissante des venues aux urgences pour motif psychiatrique et qui ne disposent pas d’une prise en charge adaptée dans la plupart des territoires. Ce renforcement doit passer, en particulier dans les centres hospitaliers universitaires qui concentrent la prise en charge des jeunes suicidants, par la création de lits dédiés aux jeunes gens en crise suicidaire âgés de 15 à 25 ans au sein des unités d’hospitalisation de courte durée (UHCD) attenantes aux urgences.

Les UHCD apparaissent en effet des lieux décisifs dans la bonne prise en charge des situations d’urgences psychiatriques. Elles permettent de répondre aux urgences et aux situations de crise à travers des soins intensifs dès l’émergence des troubles, en complémentarité avec les autres structures de soins et en alternative à une hospitalisation prolongée en psychiatrie rarement souhaitable pour les mineurs. Ces lits dédiés autoriseraient une surveillance intensive à l’issue de la crise suicidaire le temps d’organiser le parcours de sortie du patient, le retour au domicile dans de bonnes conditions et l’accompagnement des parents comme l’articulation éventuelle avec les autres intervenants et structures d’accueil du mineur (ASE, médecine scolaire, assistante sociale, université...).

b.   Garantir un quota de lits de service public et un suivi en aval des urgences

● Il s’agit par ailleurs d’interroger la pertinence des fermetures de lits d’hospitalisation en aval intervenues en psychiatrie, comme dans d’autres spécialités, au cours des dernières décennies, dans le secteur public en particulier. Comme la mission a pu le constater, ces fermetures peuvent conduire à une réduction excessive des capacités d’hospitalisation, entraînant un report sur les services d’urgences et une prise en charge dégradée. Cet effet est d’autant plus préoccupant que les fermetures de lits sont désormais plus souvent subies que choisies, en raison des difficultés de recrutement de médecins psychiatres ou d’infirmiers pour armer ces lits d’hospitalisation.

La mission ne peut toutefois faire abstraction des difficultés persistantes et graves rencontrées dans de nombreux établissements, notamment pour que les arrivées aux urgences soient prises en charge dignement lorsque l’état de santé nécessite une hospitalisation en psychiatrie. Sans remettre en cause la nécessité d’une prise en charge ambulatoire en psychiatrie, les rapporteures souhaitent la mise en place, au niveau national, d’un suivi territorial des fermetures de lits subies par les établissements publics en raison de contraintes de recrutement. Le ministère de la santé doit garantir dans chaque territoire un quota de lits de service public, y compris dans les établissements privés lucratifs, pour offrir des conditions décentes de prise en charge aux patients en urgence psychiatrique nécessitant une hospitalisation.

Aussi, les rapporteures demandent au Gouvernement de mettre un terme à la politique de fermeture de lits d’hospitalisation à temps complet dans le secteur public, et d’engager une politique volontariste de réouverture dans certains territoires.

● L’amélioration des conditions de prise en charge requiert par ailleurs une systématisation du suivi post-urgences des patients, indispensable à la continuité des soins. Seule une évaluation médicale de l’état de santé du patient dans la durée peut permettre de limiter les situations d’errance thérapeutique de patients sans suivi rigoureux, dont la fréquentation erratique des urgences interdit d’apprécier l’évolution de leur état de santé et de détecter des signaux d’alerte, comme ce fut le cas pour le patient décédé aux urgences du CHU de Toulouse.

Les rapporteures observent que les consultations post-urgences assurent un chaînage entre l’urgence et son suivi, sans se substituer au suivi de ville du patient. De telles consultations, dont le rendez-vous est pris avant le retour au domicile, gagneraient à être systématisées. Elles sont déjà proposées par plusieurs établissements, à l’image de l’hôpital Sainte-Anne à Paris ou des urgences de l’hôpital Édouard Herriot à Lyon. Les consultations post-urgences proposées par ce dernier sont d’ailleurs assurées, dans la mesure du possible, par le praticien ayant examiné le patient lors de sa venue aux urgences, afin de renforcer l’alliance thérapeutique et de limiter le risque de rupture de parcours.

« Nous avons mis en place une consultation posturgences ; le rendez-vous est donné au patient avant sa sortie des urgences pour une consultation réalisée dans les huit jours après sa venue. Dans la mesure du possible nous lui donnons rendez-vous avec le psychiatre qui l’a pris en charge aux urgences et à défaut nous lui indiquons avec quel psychiatre il aura rendezvous. Il y a 5 % d’observance si à l’issue du passage aux urgences lorsque le patient se voit communiquer un numéro de téléphone pour prendre rendez-vous avec un psychiatre ; ce taux est de 30 % à 50 % si un rendez-vous est programmé avec un médecin qu’il ne connaît pas ; il est de 50 % à 70 % si le rendez-vous est donné avec le psychiatre rencontré lors de la venue aux urgences. »

Visite des urgences de l’hôpital Édouard Herriot, Hospices civils de Lyon.

Comme le soulignent les travaux de la CNP ([321]), d’autres outils peuvent être mobilisés en aval de l’urgence, parmi lesquels le dispositif VigilanS, qui fait l’objet d’un large consensus, la mise en place d’hospitalisations programmées comme réponse de post-urgence, ou encore le développement de « circuits courts » au moyen d’un raccourcissement des délais de rendez-vous en aval ([322]), dans le public comme le privé, pour les patients sortant des urgences.

C.   L’amÉlioration de l’offre de soins nÉcessite une contribution plus Équitable du secteur privÉ

1.   La nécessité d’un partage plus équitable entre établissements

L’amélioration des conditions de prise en charge en urgence n’aura pas lieu sans une contribution plus équitable des différents établissements quel qu’en soit le statut juridique, à tous les temps de l’urgence. Cette contribution se fera notamment au moyen d’une évolution de l’offre privée, dont l’activité psychiatrique reste caractérisée par des atypies qui fragilisent l’offre globale et minent un secteur public qui subit une triple peine : obligation d’assurer le service public, moindre rémunération, conditions de travail dégradées.

Il s’agit d’une part d’obtenir des acteurs privés une participation plus équitable à la permanence des soins (PDS) – concomitante au renforcement des moyens du secteur public – afin de concrétiser la notion de « responsabilité collective » prévue par le législateur. La psychiatrie reste en effet hors champ des travaux en cours sur la PDS des établissements de santé (PDSES), marquée par un partage extrêmement inégal, notamment entre les secteurs privé et public. Le secteur public, qui assure 82 % des gardes toutes spécialités confondues, contre seulement 13 % dans le secteur privé à but lucratif et 5 % dans le privé à but non lucratif ([323]), opère en psychiatrie la quasi-totalité des – trop rares – lignes de gardes et astreintes recensées. Le secteur privé lucratif ne prend en charge ni ligne de garde ni astreinte en psychiatrie.

« Il serait plus utile que les cliniques assurent des gardes chez elles le week-end, plutôt que d’avoir certains de leurs personnels en soutien dans nos établissements publics. Il faudrait les autoriser à faire cela et leur accorder le financement correspondant. »

Pr Christophe Arbus, chef de pôle de psychiatrie au CHU de Toulouse.

Il s’agit, d’autre part, de parvenir à un rééquilibrage entre les secteurs public et privé dans la nature de l’activité d’hospitalisation en psychiatrie. En effet, les travaux de la mission d’information montrent que, si l’offre privée, particulièrement rentable et favorisée par la financiarisation du secteur ([324]), apparaît en plein essor et compense partiellement la fermeture de lits dans le secteur public, la nature de l’activité assurée diffère sensiblement de celle du secteur public. Ce dernier continue par exemple à accueillir aujourd’hui les cas les plus aigus et la plupart des situations de crise.

En somme, les rapporteures estiment que la prise en charge psychiatrique par les urgences pourrait être grandement facilitée et améliorée sans surcoût par la mise à disposition d’un quota de lits de service public destinés à l’accueil des patients requérant une hospitalisation à l’issue de leur passage aux urgences, notamment dans des établissements du secteur privé lucratif, ainsi que par un quota de plages de consultations en soins non programmés, destinés à garantir aux patients en urgence psychiatrique ne nécessitant pas d’hospitalisation une prise en charge dans les 24 heures, à l’issue d’une orientation par le service d’urgence ou le SAS. Ces deux mesures simples permettraient une meilleure complémentarité entre secteur public et secteur privé. Elles contribueraient au désengorgement des urgences sans créer de lits supplémentaires.

2.   Les dispositions de la récente loi « Valletoux » et la réforme des autorisations en psychiatrie peuvent permettre un rééquilibrage à court terme

Si de telles évolutions pourraient être atteintes à la faveur d’une consolidation du cadre juridique dans le sens d’une contrainte renforcée, les dispositions législatives et réglementaires en vigueur pourraient donner lieu à un premier rééquilibrage à court terme.

● Les évolutions récentes du cadre législatif applicable à la permanence des soins, dès lors qu’elles sont mises en œuvre en psychiatrie, peuvent permettre une participation accrue des établissements de santé. Sont notamment concernées les dispositions issues de la loi dite « Valletoux » du 27 décembre 2023 ([325]), qui prévoient que :

– les établissements de santé sont « responsables collectivement » ([326]) de la permanence des soins en établissement dans le cadre de la mise en œuvre du schéma régional de santé et de l’organisation territoriale de la permanence des soins ([327]). En cas de carence, le directeur général de l’ARS réunit les établissements et les professionnels de santé pour les inviter à répondre aux nécessités d’organisation collective. En cas de carences persistantes, il peut désigner les établissements de santé chargés d’assurer la PDS ([328]) ;

– l’autorisation sanitaire peut être assortie de conditions particulières imposées dans l’intérêt de la santé publique et de l’organisation de la permanence des soins et, le cas échéant, des besoins spécifiques de la défense identifiés par le schéma régional de santé ([329]).

À cet égard, la mission d’information s’oppose vivement à l’interprétation de la DGOS selon laquelle l’organisation de la PDSES concernerait le seul champ des activités de MCO et non pas la psychiatrie, position reposant sur une circulaire du 24 février 2011 ([330]). Le législateur n’a aucunement souhaité limiter la PDSES aux activités de MCO ni aux établissements publics et, si la psychiatrie est effectivement traitée par des autorisations propres à cette activité ([331]), ces autorisations devraient bien relever du champ couvert par la PDSES. L’article L. 6122-7 du code de la santé publique ne souffre ainsi, dans sa rédaction, d’aucune limitation quant au périmètre des autorisations pouvant être assorties de conditions particulières relatives à la PDSES.

Dès lors, la mission d’information appelle le Gouvernement à adapter les dispositions réglementaires pour redéfinir le périmètre de la PDSES et y intégrer notamment la psychiatrie, en cohérence avec l’intention du législateur, tandis que chaque ARS est invitée à intégrer la psychiatrie dans le schéma régional de santé ([332]). Il s’agira alors d’utiliser ces éléments pour garantir l’effectivité de la PDSES en psychiatrie et veiller à ce que les établissements ainsi que les professionnels de tous les secteurs, public comme privé, contribuent à la PDSES.

Cette préconisation s’inscrit dans la continuité de celles formulées en 2023 par la Cour des comptes, qui appelle à « rendre obligatoire la participation à la PDSES des praticiens exerçant en établissement de santé privés, comme dans les établissements publics de santé, et organiser la mutualisation territoriale des ressources en personnel soignant pour la nuit, la fin de semaine, le mois d’août, les jours fériés et les fêtes de fin d’année » ([333]). De même, l’Igas invitait à « clarifier la problématique de la place [...] de la psychiatrie en adaptant le cas échéant les dispositions réglementaires qui limitent le cadre de la PDSES aux activités MCO ». Comme l’indique le collège des directeurs généraux des ARS ([334]), qui partage l’analyse selon laquelle le droit en vigueur ne s’oppose pas à la soumission de la psychiatrie à la PDSES, celle-ci « permettrait de crédibiliser le respect de certaines exigences contenues dans les décrets de psychiatrie, notamment vis-à-vis des opérateurs de plus petite taille ».

La question du financement de la PDSES pourrait quant à elle se poser dans le cadre de la réforme du mode de financement de la psychiatrie afin de garantir des moyens financiers supplémentaires que le fonds d’intervention régional ne peut absorber à ce jour. Aussi, comme le souligne dans une contribution à la mission d’information la Fédération des cliniques privées psychiatriques de France (FHP-Psy), « le financement de la participation à la PDSES par des lignes de garde et d’astreintes serait une reconnaissance de la participation des établissements privés aux réseaux des urgences ». Le collège des directeurs généraux des ARS ajoute que cette PDSES se devrait par ailleurs « d’être correctement calibrée pour être proportionnée aux ressources humaines disponibles, et supposerait de ne pas créer de goulot d’étranglement au sein de services hospitaliers identifiés pour porter la PDSES qui ne disposeraient pas de structures d’aval ».

De la même manière, concernant la prise en charge en ville, les psychiatres libéraux doivent participer à la permanence des soins ambulatoires (PDSA), que ce soit à travers la participation au SAS ou par la dispensation de consultations en soins non programmés dans les CMP.

● Les dispositions réglementaires issues de la réforme des autorisations engagée en 2022 ([335]), entrée en vigueur le 1er juin 2023, peuvent constituer un levier complémentaire pour favoriser l’équité entre les secteurs public et privé, à la condition d’être employées en ce sens et d’être consolidées :

– d’une part, alors que la DGOS indique dans une contribution que « l’objectif [du conventionnement entre établissements sectorisés et non sectorisés] est que sur un même territoire, les établissements aient a minima connaissance de l’offre de soins proposée par chacun des partenaires, afin d’identifier les difficultés d’accès aux soins psychiatriques sur un territoire et les leviers mobilisables pour faciliter l’accès à ces soins », il s’agit d’utiliser cet outil non seulement pour favoriser la connaissance de l’offre de soins, mais aussi pour la répartir de façon plus équitable entre établissements ;

– d’autre part, si la DGOS estime que le nouveau régime des autorisations est de nature à permettre un partage plus équitable de l’activité entre les établissements, les rapporteures s’interrogent quant à la capacité d’une simple convention à atteindre un tel objectif. Elles appellent à la plus grande vigilance à ce sujet, observant que les textes qui encadrent ce nouveau régime ne mentionnent ni permanence des soins, ni « responsabilité collective », ni « conditions particulières imposées dans l’intérêt de la santé publique et de l’organisation de la permanence des soins », et qu’ils ne dotent pas le directeur général de l’ARS des mêmes prérogatives qu’en matière de PDSES, notamment s’agissant des cas de carence de l’offre de soins. Le collège des directeurs généraux d’ARS souligne d’ailleurs que les éléments de ce nouveau régime « ne créent pas d’obligation d’accueillir les patients vingt-quatre heures sur vingt-quatre tous les jours de l’année, et par conséquent ne constituent pas une activité pour laquelle la PDSES pourrait être qualifiée de réglementée ». Le collège alerte donc : « si la psychiatrie n’était pas retenue comme étant soumise à la PDSES, le risque ne serait pas nul que cela conduise à interpréter les dispositions du nouveau régime des autorisations comme moins contraignantes en matière d’accueil urgent et non programmé ».

En conséquence, la mission appelle le Gouvernement à consolider le nouveau régime des autorisations pour mettre en œuvre la PDSES en psychiatrie comme l’a prévu le législateur, en mentionnant explicitement cette PDSES et en permettant au directeur général de l’ARS d’imposer un cahier des charges aux établissements.

Dès lors, les autorisations pourront n’être délivrées qu’à la condition qu’un établissement psychiatrique – y compris privé – prenne part à la PDSES. Le directeur général de l’ARS pourra, dans l’intérêt de la santé publique et de l’organisation de la permanence des soins, prévoir l’obligation pour un établissement de proposer lui-même, et non pas seulement par convention avec un autre établissement, un accueil d’urgences psychiatriques, des consultations de soins non programmés ou de soins sans consentement, ou encore de disposer de lits post-urgences. De la même manière, pourront être inscrits dans les schémas de PDSES l’accueil non programmé en aval des services d’urgences ou en accès direct après régulation médicale, et la définition d’un nombre de lignes de permanence.

Un nouveau régime des autorisations
mettant en avant une logique d’organisation territoriale

Dans le nouveau régime des autorisations, les établissements sont désormais autorisés par mention, au nombre de quatre : psychiatrie de l’adulte, psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, psychiatrie périnatale et soins sans consentement ([336]). Pour chacune de ces mentions, une autorisation unique est délivrée à l’établissement, qui doit pouvoir proposer, sur site ou par convention avec un autre titulaire, trois formes de prise en charge : des séjours à temps complet, des séjours à temps partiel et des soins ambulatoires.

S’inscrivant dans une logique d’organisation territoriale, en cohérence avec le PTSM, ce nouveau régime prévoit une obligation de conventionnement entre établissements non sectorisés et établissements de secteur. Les titulaires de l’autorisation n’étant pas désignés pour assurer la mission de psychiatrie de secteur « contribuent à la mise en œuvre du parcours de soins des patients et exercent leur activité en partenariat avec les établissements assurant la mission de psychiatrie de secteur dans la zone d’intervention dans laquelle ils sont implantés » ([337]). Une convention de partenariat est signée entre ces établissements et transmise à l’ARS avant la mise en œuvre de l’autorisation.

Aussi, « le titulaire de l’autorisation participe au réseau de prise en charge des urgences prévu par les articles R. 612326 à R. 612332, dans les conditions déterminées par la convention constitutive du réseau » ([338]). Ledit article R. 6123‑26 dispose que le titulaire de l’autorisation « met en place ou participe à un réseau avec d’autres établissements de santé publics et privés. Ce réseau contribue à la prise en charge des urgences et de leurs suites et à la mise en œuvre des parcours de soins non programmés sur le territoire de santé, notamment pour assurer l’accès à des compétences, à des techniques et à des capacités d’hospitalisation dont ne dispose pas chacun des établissements membres, et coordonner leurs actions et leurs moyens. » ([339])

L’instruction du 2 décembre 2022 ajoute que le titulaire de l’autorisation « organise l’accès aux soins non programmés dans un délai adapté à l’état clinique du patient » ainsi que le « dispositif de prévention, d’accueil et de prise en charge de la crise » ([340]). La même instruction précise que, de cette façon, « chaque titulaire doit identifier, selon la typologie des patients – les nouveaux patients et les patients suivis – une organisation adaptée pour permettre un accès aux soins sans passer par les urgences dans un délai adapté au regard de l’état clinique du patient ».

D.   Un sursaut attendu pour la pÉdopsychiatrie et la santÉ mentale des jeunes

Si le secteur de la pédopsychiatrie est identifié depuis plusieurs années comme en grande difficulté, il semble que les recommandations ambitieuses en sa faveur n’aient pas toujours trouvé leur concrétisation dans les politiques publiques, la pédopsychiatrie étant restée largement à la marge des Assises de la santé mentale organisées en 2021, comme c’était déjà le cas concernant la feuille de route de 2018. Eu égard à la situation sinistrée qu’elles ont constaté, et alors que vingt‑neuf départements français ne sont pas pourvus de service dédié à la prise en charge psychiatrique des adolescents ([341]), les rapporteures soulignent la nécessité d’un véritable sursaut et d’importantes mesures de soutien spécifiques.

1.   Mettre en œuvre les mesures issues des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant de 2024

● Un tel soutien peut utilement être concrétisé par diverses propositions récentes, à commencer par celles du rapport de Christèle Gras-Le Guen et Adrien Taquet sur la santé de l’enfant ([342]), publié après un vaste processus de concertation conduit à travers six groupes de travail, suite à l’annonce en 2022, par le ministre de la santé, de la tenue d’Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant.

Les auteurs appellent à faire de la santé mentale des enfants une grande cause nationale. Ils proposent vingt mesures phares dont la création d’un « bilan de santé mentale » à l’entrée au collège, la revalorisation du forfait « Mon soutien psy », et le renforcement des capacités en pédopsychiatrie (création de 600 postes en CMP-IJ, accroissement de l’offre d’hospitalisation et de post-urgence).

● Ces propositions ont trouvé une concrétisation à travers les Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant organisées en mai 2024, qui ont donné lieu à la publication par le Gouvernement d’une feuille de route « Pédiatrie et santé de l’enfant 20242030 » ([343]), dont le troisième axe vise à améliorer spécifiquement la prise en charge et la réponse en matière de santé mentale des enfants et adolescents, à travers deux grands objectifs :

– renforcer les maisons des adolescents pour en faire une ressource d’expertise sur tous les territoires (objectif n° 13). Il s’agit d’abonder les crédits afférents, de favoriser les formations au secourisme en santé mentale ou encore de soutenir les conventionnements avec le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse à toutes les échelles, y compris localement ;

– améliorer la réponse en pédopsychiatrie à travers le renforcement de l’offre en ambulatoire et en hospitalisation, notamment en post-urgence (objectif n° 14). Il s’agit notamment de promouvoir le rôle des différents professionnels concourant à la prise en charge aux côtés des pédopsychiatres (notamment infirmiers, psychologues, orthophonistes, éducateurs), de développer le dispositif Mon soutien psy, de poursuivre le redressement des CMP-IJ, de formaliser des filières de soins non programmés en pédopsychiatrie et de déployer les filières psychiatriques au sein des SAS, ou encore de procéder à une planification des ressources humaines nécessaires afin de mettre en adéquation l’offre de formation.

● Les rapporteures constatent toutefois un écart entre l’ambition exprimée par le rapport précité et les annonces faisant suite aux Assises de mai 2024, qui portent insuffisamment sur la santé mentale et la pédopsychiatrie. Compte tenu de l’instabilité gouvernementale et des périmètres mouvants des portefeuilles ministériels, la mission d’information perçoit un risque substantiel que les mesures concernant la pédopsychiatrie soient insuffisantes, voire qu’elles ne soient pas mises en œuvre.

Dans ce contexte, en cohérence avec les propositions du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) ([344]), la mission préconise d’augmenter les moyens dédiés à la pédopsychiatrie ainsi qu’aux approches psychothérapeutiques, éducatives et sociales destinées à l’enfant et à la famille. Elle appelle le Gouvernement à déployer une politique résolument ambitieuse en faveur de la pédopsychiatrie sur la base de la feuille de route définie en 2024, mais aussi en prenant appui sur les préconisations issues des rapports Gras-Le Guen – Taquet et de la Cour des comptes ([345]).

À cet égard, la mission se réjouit de l’annonce, par le Premier ministre, du doublement du nombre de maisons des adolescents d’ici trois ans.

2.   Développer une politique de prévention et de repérage précoce associant l’institution scolaire

Alors que le Premier ministre a également annoncé un travail avec l’éducation nationale pour mieux faire connaître les maisons des adolescents, les rapporteures soulignent l’importance de développer la prévention en associant l’institution scolaire qui, comme le rappelle le haut-commissariat au plan, constitue un terrain privilégié pour l’intervention précoce en matière de santé mentale ([346]). Il s’agit en effet de passer de l’exception de soins en milieu scolaire à une véritable politique de la santé mentale des enfants et à une culture de la bonne santé infanto-juvénile à l’école.

● Dans ce contexte, il est nécessaire d’accompagner les missions comme les moyens humains de la médecine scolaire par la création de postes d’infirmiers scolaires. En effet, la santé scolaire est aujourd’hui largement sous-dimensionnée et marginalement associée à la politique de santé mentale. D’un point de vue administratif, une telle ambition nécessite de réinterroger le rattachement de la santé scolaire au ministère de l’éducation nationale plutôt qu’au ministère de la santé, alors que ce dernier semble plus à même de répondre aux enjeux de prévention en santé et de coopération avec les acteurs sanitaires et médico-sociaux un but de transversalité de la prise en charge dès le plus jeune âge.

Plus globalement, cela appelle également des travaux sur le statut et l’attractivité de la médecine scolaire, portant notamment sur la rémunération des professionnels, l’autorisation et la capacité de prescription ou encore les évolutions de carrière ainsi que le développement de passerelles avec la médecine hospitalière ou de ville. Les rapporteures sont favorables à la création de postes d’infirmiers scolaires pour affermir l’offre de santé scolaire et l’adapter à la forte augmentation de la souffrance psychique des jeunes pour améliorer le repérage et l’accompagnement coordonné des élèves avec les structures de soins extra scolaires. Ils pourraient être dotés d’un pouvoir de prescription de séances de suivi psychologique ou d’adressage vers des professionnels de la santé de l’enfant.

● L’école peut, par ailleurs, favoriser le déploiement de campagnes étendues de sensibilisation sur la santé mentale, destinées à éduquer les citoyens sur la variété des troubles et des pathologies, comme le suggère le haut‑commissariat au plan, qui invite à cibler particulièrement les lieux dédiés à la famille et à l’enfance. Le haut-commissariat préconise par ailleurs une « véritable éducation à la santé mentale » en intégrant notamment des modules de sensibilisation dans les programmes scolaires et en soutenant le développement des compétences psychosociales dès le plus jeune âge. Enfin, il propose plusieurs mesures relatives aux visites médicales :

– faire en sorte « que les trois consultations médicales obligatoires des enfants à 3, 6 et 12 ans fassent une place plus importante à la santé mentale et qu’elles puissent avoir lieu en milieu scolaire ou en CMPP » ;

– intégrer le repérage des troubles psychiques aux objectifs des visites médicales et de dépistage obligatoires à 3 ans et à 6 ans, à l’instar de ce qui se pratique déjà lors de la visite en classe de sixième ;

– instituer une quatrième visite médicale et de dépistage à destination des élèves en classe de CE2, à mi-parcours de la scolarité élémentaire.

3.   Garantir une offre de soins pédopsychiatriques sur tout le territoire

● En adéquation avec les préconisations de la CNP ([347]), il est nécessaire de développer une offre de soins pédopsychiatriques qui inclue sur tout le territoire :

– une lisibilité accrue des différents niveaux de prise en charge afin de rationaliser les parcours, accompagnée par des investissements dans les structures de première et seconde ligne et en revalorisant les professionnels qui y exercent ;

– des possibilités d’évaluation en urgence ou en soins non programmés, ainsi qu’une offre de post-urgence alternative à l’hospitalisation. À cet égard, la CNP préconise des dispositifs de réponses rapides en pédopsychiatrie ainsi qu’une hausse du nombre de lits spécialisés en pédopsychiatrie destinés à une prise en charge d’urgence et de crise à temps plein, en articulant les unités d’hospitalisation avec les dispositifs d’amont, de prise en charge alternative et d’aval ;

– des interfaces entre les unités de pédiatrie et les équipes de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, pour une véritable pédopsychiatrie de liaison ;

– un soutien aux structures de troisième ligne : filières de soins spécifiques, complexes ou de recours.

● Il est par ailleurs essentiel d’agir sur la hausse préoccupante de la consommation de psychotropes. À cet égard, la CNP a proposé en juin 2024 « un plan ambitieux national de l’usage des médicaments psychotropes, impliquant prescripteurs et usagers, pour réfléchir à la place respective des psychotropes et des psychothérapies dans la prise en charge des troubles psychiatriques ».

La Caisse nationale de l’assurance maladie formule quant à elle plusieurs propositions en lien avec cette problématique ([348]). Il s’agit notamment de :

– mener un diagnostic approfondi et partagé sur l’usage croissant des psychotropes, ses causes et ses conséquences pour construire un plan ambitieux dans ce domaine ;

– renforcer l’accompagnement des médecins généralistes en diffusant des modules de formation dédiés aux troubles en santé mentale des jeunes patients ainsi qu’à la juste prescription de psychotropes ;

– favoriser la structuration territoriale de parcours en santé mentale permettant des prises en charge plus rapides grâce à une meilleure coordination des différents acteurs (médecins et psychologues libéraux, centres médico-psycho-pédagogiques, établissements de santé, etc.).

4.   Déployer des mesures ciblées sur les enfants protégés

Une politique nationale ambitieuse en faveur de la pédopsychiatrie ne pourra faire l’économie de mesures ciblées sur les enfants protégés, qui demeurent marqués par une forte prévalence des troubles psychiques en dépit d’un cadre législatif et réglementaire qui prévoit la prise en compte de leurs besoins.

● En effet, une « évaluation médicale et psychologique du mineur afin de détecter les besoins de soins », prise en charge par l’assurance maladie, est rendue obligatoire à l’entrée d’un mineur dans le dispositif de protection de l’enfance en application de la loi du 14 mars 2016 ([349]). La HAS, dans son étude précitée de 2021 ([350]), relevait toutefois que seulement 28 % des conseils départementaux auraient rendu un tel bilan systématique.

La loi « Taquet » du 7 février 2022 précise que ce bilan « formalise une coordination de parcours de soins, notamment pour les enfants en situation de handicap » ([351]). L’article 12 de la même loi ajoute que le rapport de situation individuelle adressé au juge des enfants comprend « notamment un bilan pédiatrique, psychique et social de l’enfant ». Selon l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) ([352]), « cette dernière obligation va nécessairement poser la question des moyens pour mettre en œuvre ces dispositions, au regard de la pénurie de pédopsychiatres ».

● Des expérimentations visant à apporter des réponses adaptées sont également possibles dans le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([353]). Deux expérimentations notables ont été mises en place sur cette base afin de développer une prise en charge précoce :

– « Santé protégée » pour un parcours de soins coordonné des enfants et des adolescents protégés dans quatre départements. Elle comprend, d’une part, la mise en œuvre d’un parcours de soins coordonnés pris en charge à 100 % par la sécurité sociale pour tous les mineurs concernés par une prestation administrative ou une mesure judiciaire de protection de l’enfance et, d’autre part, un forfait annuel par enfant ou adolescent protégé pour financer la structuration d’un suivi médical régulier par des médecins généralistes et pédiatres volontaires et formés, mais également l’accès à des soins psychiques précoces et un appui à la coordination du parcours de soins. L’évaluation de ce dispositif montre que, malgré des résultats contrastés, « tous les professionnels interrogés pendant l’évaluation, qu’il s’agisse des professionnels de santé ou des professionnels de l’ASE [...] partagent unanimement l’intérêt de la mise en place d’un dispositif structuré, coordonné face aux déficits constatés dans la prise en charge des mineurs protégés. La valeur ajoutée potentielle d’un tel dispositif, permettant d’inscrire les mineurs dans un parcours de soins, est partagée et saluée par tous. » ([354]) ;

– « Pégase » ([355]), qui a pour objet de structurer le suivi de santé des jeunes enfants bénéficiant d’une mesure de protection de l’enfance jusqu’à l’âge de 7 ans par des protocoles intégrant des bilans renforcés portant sur la santé physique, psychologique et le développement de l’enfant. Il nécessite la formation des professionnels et la création d’un dossier médical informatisé centralisé, standardisé à chaque âge, attaché à l’enfant. L’évaluation de ce dispositif montre un taux de réalisation des bilans prévus estimé à 73 %, variable selon les bilans et les établissements ([356]). Le nombre de consultations psychologiques est en moyenne de 6,4 par enfant avec un besoin, et le délai moyen entre l’inclusion et la première consultation est de 5,1 mois pour la prise en charge psychologique, tandis que la durée de suivi est de 4,4 mois en moyenne.

● En tenant compte des conclusions des évaluations de ces deux expérimentations, un parcours de soins coordonné devrait être généralisé à partir de 2025, en cohérence avec les recommandations de l’ONPE et de la Cnam.

Les travaux de cette dernière montrent que l’organisation, la gouvernance nationale et le portage politique et opérationnel de l’action en faveur d’enfants protégés, ainsi que des outils informatiques de coordination, restent à améliorer pour affermir l’engagement des professionnels de santé et de l’ASE ([357]). La Cnam appelle dès lors à mieux coordonner le parcours de soins des enfants pris en charge par l’ASE pour leur offrir un suivi médical effectif. L’ensemble de ces enfants ne bénéficie actuellement pas d’un suivi médical satisfaisant : la Cnam propose d’identifier, dans chaque département, une entité compétente sur le volet sanitaire en soutien de l’ASE sur la base d’un cahier des charges adapté au territoire ([358]). Faisant l’objet d’une gouvernance partagée entre les départements et les ARS, elle assurerait une fonction de coordination, d’animation et d’adressage vers les professionnels de santé du territoire. Elle pourrait ainsi être chargée d’effectuer des bilans de santé pour évaluer régulièrement les besoins de chaque enfant et les orienter vers des soins adaptés, allant d’une prise en charge en ville pour des besoins courants à une prise en charge de long cours ou en urgence au sein d’établissements spécialisés.

De plus, comme le rappelle l’ONPE ([359]), des mesures intégrant la santé mentale sont prévues dans le plan de lutte contre les violences faites aux enfants, dont la dernière édition porte sur les années 2023 à 2027 ([360]). Parmi ces mesures figure par exemple le déploiement des unités d’accueil pédiatrique enfance en danger (Uaped) pour atteindre une unité par tribunal judiciaire, à travers un engagement sécurisé de l’État. À ce jour, 145 Uaped sont déjà déployées, couvrant 98 départements, et 22 millions d’euros ont été financés en 2022 et 2023.

● Il s’agit de rendre effectives et d’intensifier ces mesures pour mieux répondre aux besoins de santé mentale et de soins psychiatriques des enfants protégés. À cet égard, les rapporteures, qui n’ont pu conduire des travaux approfondis sur cette thématique, regrettent l’interruption des travaux de la commission d’enquête relative aux manquements des politiques de protection de l’enfance, causée par la dissolution de l’Assemblée nationale, et se réjouissent de sa remise en place en octobre 2024 ([361]).

5.   Faire de la santé mentale périnatale un axe fort des politiques de santé publique

● Dans un contexte où le suicide est la première cause de décès des femmes enceintes ([362]), de récents travaux invitent les pouvoirs publics à mieux prendre en charge les enjeux de santé périnatale.

Alors que la Cour des comptes mettait en évidence, dans un rapport publié en mai 2024 ([363]), « les carences de l’offre de soins en psychiatrie périnatale », une mission sénatoriale d’information sur l’avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale, dont le rapport a été adopté en septembre 2024 ([364]), souligne que la période périnatale reste marquée par une « souffrance psychique massive ». Une mère sur cinq et un père sur dix seraient ainsi atteints de dépression périnatale.

Ce rapport souligne l’importance des enjeux de formation et de repérage. Il préconise une prise en charge graduée et de proximité. Il appelle « à apporter une réponse organisée et assumée à la fragilité actuelle de l’offre de soins périnatals, qui fait peser des risques sur la santé des mères et des nouveau-nés, et menace l’équité sociale et territoriale ».

● Face à ces constats, les rapporteures appellent, comme plusieurs acteurs du secteur ([365]), à faire de la santé mentale et de la psychiatrie périnatales un axe de la grande cause nationale définie pour 2025, en cohérence avec la mesure n° 10 de la feuille de route et des Assises de 2021, qui vise à mettre en œuvre la stratégie des 1 000 premiers jours et à déployer une offre de psychiatrie périnatale. Cette dernière fait d’ailleurs l’objet de l’une des quatre mentions intégrées dans le nouveau régime des autorisations en psychiatrie. De plus, la DGOS indique avoir lancé en 2019 un appel à projets national relatif à la psychiatrie périnatale, de l’enfant et de l’adolescent. Celui-ci, géré par les ARS depuis 2024, aurait permis de financer 76 projets pérennes pour un montant total d’environ 28 millions d’euros.

À ce sujet, le législateur a prévu d’expérimenter, pendant trois ans et dans la limite de six régions, la mise en place d’un parcours qui associe des professionnels médicaux, des puéricultrices et des psychologues hospitaliers et libéraux, dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire d’accompagnement des femmes confrontées à une dépression post‑partum ([366]). À la date de parution du présent rapport, le Gouvernement n’avait toutefois publié aucun décret d’application de cette mesure. La DGOS a indiqué aux rapporteures viser une publication en fin d’année 2024 pour un démarrage de l’expérimentation au 1er mars 2025. Un rapport d’évaluation sera transmis par le Gouvernement à l’Assemblée nationale au plus tard trois mois avant le terme de l’expérimentation, et se prononcera sur la pertinence d’une généralisation.

En complément, une visite de prévention pourrait être envisagée dès la période prénatale afin de mieux prévenir les difficultés éventuelles.

E.   La formation et l’attractivitÉ de la filiÈre sont dÉterminantes pour l’avenir de la psychiatrie

Toutes les mesures précitées ne pourront produire des effets que si elles s’accompagnent d’un soutien significatif à la démographie des professionnels de santé spécialisés en psychiatrie et de la reconnaissance de ces professionnels, qui doivent passer autant par un effort de formation accru que par des mesures d’attractivité en faveur de cette filière.

1.   Un effort de formation à amplifier pour le renouveau démographique de la filière

● Le Gouvernement rappelle que plusieurs mesures ont été prises au cours des dernières années afin de renforcer l’attractivité de la filière psychiatrique et pédopsychiatrique ([367]). Parmi elles :

– la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite loi « OTSS », a supprimé le numerus clausus mis en œuvre en 1971 pour le remplacer par un « numerus apertus » ([368]). Les capacités d’accueil des formations en deuxième et troisième années de premier cycle d’études médicales sont, depuis lors, non plus fixées par voie réglementaire mais déterminées annuellement par les universités, qui prennent en compte des objectifs pluriannuels d’admission eux-mêmes liés à la capacité de formation et des besoins de santé du territoire ([369]) ;

– la réforme de 2017 du troisième cycle des études médicales, voyant la création de l’option psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (PEA) et psychiatrie de la personne âgée (PPA), conférant à l’étudiant l’exercice d’une surspécialité sans permettre un exercice exclusif. Depuis 2019, environ 75 % des postes ouverts dans ces options sont pourvus ;

– l’allongement à cinq ans du diplôme d’études spécialisées (DES) de psychiatrie et l’ouverture d’une option précoce de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, actés lors des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie de 2021.

Ces efforts produisent toutefois des effets incertains voire insuffisants au regard des besoins et des enjeux démographiques en psychiatrie, et particulièrement en pédopsychiatrie. Aussi, l’évolution des effectifs de psychiatres formés demeure préoccupante et la mise en place du numerus apertus doit être assortie de garanties pour produire des effets en psychiatrie :

– cette réforme prendra du temps à donner ses fruits et, dans l’attente, les effectifs de psychiatres formés demeurent insuffisants. En 2023, 547 postes ont été proposés en psychiatrie aux épreuves classantes nationales (ECN) ([370]), dont 67 restés vacants, contre 529 postes proposés en 2019, soit une hausse de 3 % seulement. Comme le souligne le Collège national des universitaires de psychiatrie (Cnup) ([371]), 65 postes sont restés vacants sur 489 disponibles aux ECN en 2024, soit 13,3 %, ce qui représente une hausse des postes non pourvus par rapport à 2023 ([372]). Il convient d’ailleurs de relever que le nombre de places proposées a baissé de près de 10 % en 2024 en raison de la réforme des ECN, et qu’il devrait connaître une hausse dans des proportions similaires à compter de l’année 2025 ;

PROPORTION DE POSTES EN PSYCHIATRIE NON POURVUS
AUX ÉPREUVES CLASSANTES NATIONALES

Source : mission d’information, d’après données Cnup ([373]).

– la hausse du nombre de places escomptée sera, en toute probabilité, très insuffisante face aux besoins. Le numerus apertus s’est en effet traduit, pour le moment, par une progression de 13 % du nombre de places offertes en deuxième année de médecine depuis 2019‑2020 ([374]). Une telle hausse, si elle se venait à se répercuter dans les mêmes proportions sur les places disponibles en psychiatrie dans les années futures, devrait être mise en rapport avec celle des besoins : la Cour des comptes préconise par exemple de doubler le nombre d’étudiants formés à la psychiatrie infanto-juvénile ([375]). Cette hausse éventuelle devrait également être mise en lien avec les aspirations des nouvelles générations de médecins concernant le temps consacré à l’exercice de la médecine et leurs répercussions sur le niveau d’activité ainsi que sur la réponse aux besoins de santé de la population. Ce renouvellement générationnel, combiné à la démographie particulièrement défavorable des pédopsychiatres, laisse penser qu’il est aujourd’hui nécessaire de former plus d’un nouveau psychiatre pour remplacer un départ à la retraite et qu’il faut développer l’accompagnement des psychiatres en fin de carrière pour garantir la transmission de l’activité, en particulier s’agissant de chefs de services hospitaliers ;

– enfin, le numerus apertus n’apporte aucune garantie quant à une augmentation substantielle du nombre de places offertes en psychiatrie dans le futur. Il appartiendra en effet au pouvoir règlementaire de fixer le nombre de postes par spécialité, et ceux ouverts en psychiatrie pourront varier à la hausse comme à la baisse.

● Dès lors, l’effort de formation doit être renforcé significativement, qu’il s’agisse du nombre de psychiatres formés ou de la nature de leur formation. Sur ce dernier point, le haut-commissariat au plan préconise de former les psychiatres, « en plus de l’approche des neurosciences, à la dimension sociale des troubles psychiques, y compris par l’intervention de non médecins », ainsi que de les préparer « au rôle de coordination qui les attend » ([376]). De la même manière, il s’agit de réintégrer, dans le cursus de psychiatrie, des heures obligatoirement dédiées à la psychothérapie relationnelle, mais aussi d’augmenter et d’homogénéiser le temps alloué à l’addictologie dans les facultés de médecine.

La Cour des comptes appelle par ailleurs à des « mesures d’attractivité fortes en faveur de l’option précoce enfant et adolescent » ([377]), alors que la pédopsychiatres connaît une « crise démographique ». Elle préconise une politique d’attractivité renforcée de la pédopsychiatrie en valorisant davantage les parcours hospitalo-universitaires et en soutenant la recherche française dans la discipline. Elle relève toutefois que cela aura « nécessairement, par un effet de vases communicants, un impact négatif sur le nombre d’étudiants formés en psychiatrie de l’adulte, en particulier pour les cinq prochaines années puisque les effectifs du DES devraient être proches de ceux actuels », soulignant en creux l’importance d’augmenter sensiblement l’effectif global d’étudiants en psychiatrie.

La Cour préconise d’autre part, dans le cadre de la réforme du troisième cycle, de reconnaître la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent en tant que discipline au plan administratif, « afin de distinguer clairement, au sein des titulaires du DES, les diplômés en fonction de l’option précoce choisie, et de valoriser l’option psychiatrie infanto-juvénile ». Selon elle, cela devrait permettre de suivre les effectifs associés « afin d’éviter que la situation actuelle, confuse sur le recensement des professionnels qualifiés en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, ne perdure et complexifie encore le pilotage de ce champ ».

● Bien plus, l’effort de formation doit concerner l’ensemble des acteurs de la santé mentale et de la psychiatrie, et non les seuls médecins. Il convient de mettre l’accent sur tout ce qui favorise la bonne pratique des soins psychiatriques, et notamment des soins pratiques en urgence, que ce soit en formant les personnels spécialisés et en favorisant l’orientation vers ces personnels.

À cet égard, les travaux de la mission d’information mettent en lumière la nécessité d’augmenter le nombre d’infirmiers diplômés d’État (IDE) en formation initiale et de développer un module de formation complémentaire pour les IDE qui exercent en psychiatrie, associé à une valorisation complémentaire de leur exercice. Dans cette perspective et alors que, selon les travaux de la Drees, les étudiantes en formation d’infirmière sont trois fois plus nombreuses à abandonner en première année en 2021 (10 % d’entre elles, et 14 % au cours de la scolarité) qu’en 2011 (3 %) ([378]), la rapporteure Sandrine Rousseau propose d’expérimenter un accès dérogatoire aux instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) par des entretiens de sélection et non plus seulement par une inscription sur Parcoursup.

La CNP envisage pour sa part, en complément, la création de nouveaux métiers, tel que celui d’« accompagnateur en psychiatrie », ouvert à des aides‑soignants expérimentés après une formation, ou celui de « gestionnaire de parcours de soins », pour des infirmiers et assistants sociaux, ainsi que l’extension à la psychiatrie des interventions des infirmières « Asalée » ([379]), qui pourraient travailler auprès de généralistes avec la supervision d’un psychiatre ([380]). Aussi, des passerelles pourraient être créées, à travers des financements directs ou par exemple, une bonification du compte personnel de formation, afin d’encourager des reprises d’études et des reconversions vers les métiers du soin dans la filière psychiatrique.

Enfin, le haut-commissariat au plan suggère une sensibilisation à la prise en charge des troubles psychiques dans les formations aux métiers du social, ainsi que l’extension de la formation aux premiers secours en santé mentale (PSSM) aux non‑professionnels de la santé au contact du public (enseignants, personnel d’accueil, policiers, gendarmes, etc.) ([381]).

2.   Renforcer l’attractivité des métiers en combattant la stigmatisation de la filière et en améliorant les conditions de travail

Un dernier axe de revivification de la filière psychiatrique repose sur le développement de l’attractivité des métiers de la psychiatrie, qui constitue d’ailleurs le quatrième axe du plan présenté par la FHF ([382]).

● Il s’agit d’une part de communiquer sur la psychiatrie pour améliorer l’image de cette spécialité́ médicale et, plus globalement, de cette filière. Le Collège national des universitaires de psychiatrie (Cnup) observe en effet que la psychiatrie est une spécialité victime des idées reçues ([383]). Cherchant à comprendre le désamour qui l’affecte, qui la fait figurer parmi les dernières choisies par les étudiants en médecine, il a confié à l’institut CSA la production d’un baromètre sur l’image de la psychiatrie, dont les résultats montrent la prégnance de certaines idées reçues :

– la psychiatrie serait un univers anxiogène : 61 % des Français la jugeraient ainsi et, pour 46 % d’entre eux, elle serait synonyme d’enfermement ;

– elle serait un univers opaque : 41 % des répondants (et 50 % des lycéens) ne sauraient pas à qui s’adresser quand ils sont confrontés à un trouble mental ;

– elle serait une discipline moins prestigieuse, comme le considéreraient 62 % des étudiants en médecine. 37 % d’entre eux déclarent même avoir peur de cette spécialité, mais ce chiffre descend à 24 % parmi ceux qui ont effectué un stage dans un service psychiatrique. C’est pourquoi les rapporteures appellent à rendre obligatoires les stages en psychiatrie, comme le préconisent de nombreux acteurs. Le baromètre montre d’ailleurs que 83 % des Français pensent que tout professionnel de santé devrait recevoir une formation en psychiatrie durant ses études. De la même manière, il s’agit de favoriser fortement les stages d’internat dans les zones les moins dotées, en tendant vers une obligation ;

– la recherche serait moins intéressante en psychiatrie, penseraient 49 % des étudiants en médecine. Il s’agit d’un levier d’attractivité à développer et, à ce sujet, les rapporteures relèvent que le Premier ministre a annoncé le lancement, dans le cadre du programme France 2030, d’un appel à projets doté d’une enveloppe de 10 millions d’euros pour faire émerger des technologies de santé numériques innovantes. D’autres mesures pourraient être envisagées dans ce secteur, à l’image de la création d’un institut hospitalo-universitaire (IHU) en psychiatrie, en veillant à ce qu’il ne soit pas associé aux neurosciences, à la différence de l’IHU Institut du cerveau à Paris ;

– les métiers de la psychiatrie seraient difficiles et pesants psychologiquement : 65 % des étudiants en médecine jugent la spécialité trop chargée émotionnellement.

Le même baromètre montre toutefois que ces idées reçues peuvent être dissipées. Par exemple, 90 % des psychiatres en exercice ne regrettent pas leur choix professionnel. Face à ces constats, le Cnup s’est rapproché d’associations étudiantes pour lancer dès la rentrée universitaire 2024‑2025 une campagne nommée « Choisir psychiatrie », afin de « réenchanter » cette discipline. Les premières nuits de la psychiatrie auront lieu au début de l’année 2025 dans cinq villes universitaires ([384]).

Dans cette perspective, les rapporteures saluent la volonté du Premier ministre de créer un « choc de sensibilisation sur la santé mentale » et se réjouissent de l’annonce d’une campagne nationale de communication sur la santé mentale, visant à améliorer le repérage et la prévention, à partir du mois de janvier 2025 ([385]). Elles invitent le Gouvernement à intégrer la psychiatrie, ainsi que ses métiers, dans cette campagne, en veillant toutefois à éviter toute confusion entre ces termes. Elles appellent également le Gouvernement à porter une attention particulière aux cibles de cette campagne de communication et notamment aux publics les plus fragiles (établissements scolaires, maternités, prisons, Ehpad).

● Il convient par ailleurs, de toute évidence, d’agir sur les rémunérations dans la filière psychiatrique, qui ne correspondent ni à la valorisation nécessaire des métiers de la filière, ni aux conditions de travail actuellement dégradées dans beaucoup de services.

Les travaux de la mission d’information soulignent la nécessité de revaloriser les consultations en psychiatrie et particulièrement en pédopsychiatrie. Il s’agissait d’ailleurs de l’un des engagements des Assises de 2021, qui visait à « revaloriser les tarifs de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie en ville notamment pour favoriser une meilleure prise en charge des enfants atteints de trouble du neuro développement » ([386]).

« Aujourd’hui, la consultation en pédopsychiatrie libérale est au même tarif que celle d’un spécialiste, sauf que sa durée est d’une heure en ville. Dans ces conditions, nous manquons de pédopsychiatres en ville car ils ne peuvent pas vivre. »

Audition du Pr Philippe Duverger, chef de service au CHU d’Angers.

Un premier pas a été accompli à travers l’accord signé entre l’assurance maladie et les médecins libéraux le 4 juin 2024, qui prévoit une hausse des tarifs des consultations médicales à partir de décembre 2024. En application de la nouvelle convention médicale, la consultation coordonnée chez le psychiatre, neuropsychiatre ou neurologue, fixée à 51,70 euros, passera à 55 euros en décembre avant d’atteindre 57 euros en juillet 2025. La consultation de pédopsychiatrie sera quant à elle revalorisée de 40 %, à 75 euros, et par ailleurs étendue aux adolescents et aux jeunes jusqu’à 25 ans.

Les enjeux en matière de rémunération restent toutefois nombreux, que ce soit en matière de prise en charge de la consultation, pour les IDE et les IPA en psychiatrie, ou qu’il s’agisse des professionnels du secteur privé non lucratif, qui n’ont bénéficié que très récemment les revalorisations issues du Ségur de la santé de 2020 ([387]).

S’ajoute la question des primes. Les travaux de la mission d’information montrent que la prime de risque, créée en 2019 au bénéfice des personnels qui exercent dans les services d’urgences, reste modérée et ne bénéficie pas à tous les agents de ces services ([388]). De la même manière, certaines primes, créées pour renforcer l’attractivité d’une filière ou compenser ses conditions de travail dégradées, ne sont versées qu’aux nouveaux arrivants. Il en va ainsi des primes à l’embauche mises en place en psychiatrie et en pédopsychiatrie au CHU de Nantes, associées à la déclaration de ces filières comme en tension.

● Aussi, la communication et la revalorisation de l’activité ne pourront suffire à redynamiser la filière psychiatrie. Les nombreuses difficultés rencontrées par ce secteur doivent conduire les pouvoirs publics à porter une attention accrue à l’amélioration des conditions de travail, qui va toujours de pair avec l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.

La HAS avait elle-même publié des recommandations sur la souffrance des professionnels du monde de la santé dans le cadre de la crise sanitaire, et jugeait alors « essentiel d’interroger le fonctionnement des organisations, services et structures dans le but d’améliorer les conditions de travail et de prévenir ces situations pour l’avenir » ([389]).

Concernant les conditions de travail du psychiatre pendant la permanence des soins, une enquête d’octobre 2022 de l’Association des établissements participant au service public de santé mentale (AdESM) ([390]) montre qu’une meilleure rémunération semble un préalable, mais que d’autres mesures sont nécessaires en complément. Parmi les éléments les plus attendus figurent ainsi une meilleure rémunération (68 % des répondants), la présence d’un infirmier (41 %) et d’un gestionnaire de lit (bed manager) (30 %), le fait de doubler la garde (30 %) ou encore la mutualisation des gardes (16 %).

D’autres pistes sont évoquées, montrant les effets bénéfiques sur les conditions de travail espérés d’une réorganisation structurelle de la prise en charge et du parcours de soins. Il s’agit notamment de la réduction des flux entrants au moyen d’une régulation préalable (dans le cadre des SAS ou, au Samu, par des IDE spécialisés en psychiatrie), de l’obligation pour les acteurs libéraux du territoire d’assurer des consultations non programmées ou de participer à la permanence des soins, ou encore de l’adressage de patients vers les établissements privés.

Sans avoir vocation à passer en revue toutes les questions organisationnelles liées à l’accès aux soins, les rapporteures identifient plusieurs leviers importants pour améliorer les conditions de travail de la filière psychiatrique, parmi lesquels :

– des horaires de travail adaptés, dont l’organisation en huit, dix ou douze heures et, plus globalement, comme le suggère la FHF ([391]), « l’exploration de nouvelles organisations de travail, répondant mieux aux attentes des professionnels » ;

– des conditions de logement privilégiées pour les soignants ;

– l’encadrement de l’intérim, dont le développement en psychiatrie peut se traduire par des désorganisations de service et par une qualité dégradée de prise en charge ;

– le déploiement de formations permettant aux professionnels de mieux gérer et prévenir les situations de violence et d’agressivité, à l’image des formations Oméga ([392]) ;

– la simplification des certificats hospitalisations sous contrainte, dont le formalisme très lourd n’empêche pas l’explosion des cas mais nuit au temps passé auprès des patients, ou encore des dépôts de plainte par l’employeur pour le compte des professionnels agressés, qui pourraient être simplifiés ;

– les conventions tripartites santé-police-justice permettent à cet égard de développer des protocoles de prise en charge des situations complexes et d’entretenir des contacts réguliers pour résoudre localement les difficultés sources d’atteintes aux personnes et aux biens (incivilités, violences, actes de malveillance et prévention de la menace terroriste). Encouragées par l’ONVS et plus largement par le ministère de la santé, elles tendent à se développer et sont fréquemment mises en œuvre dans les métropoles à l’initiative des CHU. Comme ont pu le constater les rapporteures, elles ont été conclues à Lille et à Marseille avec succès, dans un processus marqué par le rôle moteur joué par un membre de l’équipe de direction favorisant la connaissance mutuelle des institutions partenaires ([393]). Ces conventions simplifient et systématisent le dépôt de plainte des professionnels victimes pendant le service, formulent efficacement les demandes d’intervention adressées par les services hospitaliers aux forces de l’ordre et améliorent les conditions de ces interventions, facilitant finalement le travail des équipes de soins.

Face à la multiplicité de ces enjeux, la mission d’information préconise la commande, par le Gouvernement, d’un audit sur les conditions de travail en psychiatrie.


   Liste des propositions

Recommandation n° 1 : Donner un nouveau souffle à la feuille de route santé mentale et psychiatrie permettant de répondre efficacement au triple enjeu de dégradation de la santé mentale des Français et de hausse des besoins de soins psychiatriques, à la saturation du système de soins psychiatrique et à l’embolisation des services d’urgences dans un cadre budgétaire contraint.

Renforcer l’offre de soins de premier niveau pour garantir une prise en charge précoce, graduée et homogène sur le territoire et pour prévenir les urgences psychiatriques

Recommandation n° 2 : Mieux outiller les médecins généralistes, qui sont souvent le premier recours pour les troubles psychiques, par des formations et par des outils d’aide à la prise en charge de la souffrance psychique.

Recommandation n° 3 : Renforcer les moyens humains et financiers des centres médico-psychologiques (CMP), afin qu’ils puissent assurer des soins ambulatoires de proximité et la coordination des parcours de soins.

Recommandation n° 4 : Développer une offre spécifique au traitement des troubles psychiques associés à l’addiction, renforçant le lien entre les structures d’addictologie et les structures de soins psychiatriques.

Recommandation n° 5 : Simplifier l’organisation territoriale des soins psychiatriques de secteur et les dispositifs de coordination existants, en concentrant et en pérennisant les moyens sur les structures garantissant un accès effectif aux soins pour la population.

Recommandation n° 6 : Se donner les moyens d’accompagner durablement les personnes les plus vulnérables, notamment en généralisant les équipes mobiles et en impliquant davantage les acteurs de proximité.

Structurer un parcours de prise en charge d’urgence qui soit clair et accessible

Recommandation n° 7 : Limiter les passages non pertinents aux urgences en augmentant l’offre de consultations non programmées (centres d’accueil et de crise, plages de consultations en soins non programmés, etc.).

Recommandation n° 8 : Formaliser au niveau national un parcours de prise en charge des urgences psychiatriques, commun à tous les territoires, clair et gradué impliquant la généralisation de la compétence psychiatrique à l’ensemble des services d’accès aux soins (SAS).

Recommandation n° 9 : Améliorer les conditions de prise en charge par les services d’urgences : conditions d’accueil et de transport adaptées et contenantes, présence de personnels expérimentés et formés à la psychiatrie, meilleure prise en compte de la volonté du patient pour limiter le recours à la contention dans les urgences, etc.

Recommandation n° 10 : Limiter la durée de séjour des patients en attente d’hospitalisation aux urgences en garantissant un accès suffisant à des lits d’hospitalisation psychiatrique en aval des urgences, y compris à travers la création de lits dédiés au sein des unités d’hospitalisation de courte durée (UHCD), en particulier pour les patients mineurs, pour lesquels il importe de renforcer les capacités d’accueil et de prise en charge de la crise suicidaire.

Recommandation n° 11 : Systématiser le suivi post-urgences des patients et suivre cet indicateur dans le cadre de la démarche qualité.

Mobiliser davantage le secteur privé pour mieux prendre en charge les patients et pour une équité accrue entre établissements et professionnels de santé

Recommandation n° 12 : Garantir un quota de lits de service public en psychiatrie dans les établissements privés afin de fluidifier la filière d’aval des urgences et d’éviter une concentration excessive des prises en charge dans le secteur public.

Recommandation n° 13 : Modifier les dispositions réglementaires relatives à la permanence des soins des établissements de santé (PDSES) et au nouveau régime des autorisations en psychiatrie, pour favoriser une participation plus équitable à la prise en charge des patients.

Soutenir particulièrement la pédopsychiatrie et la santé mentale des jeunes

Recommandation n° 14 : Mettre en œuvre les recommandations issues des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant de 2024.

Recommandation n° 15 : Renforcer sensiblement les moyens de la médecine scolaire et associer les établissements scolaires à une politique de prévention et de repérage précoce des troubles psychiques et réinterroger le rattachement de la médecine scolaire au ministère de l’éducation nationale.

Recommandation n° 16 : Garantir une offre de soins pédopsychiatriques homogène et adaptée aux besoins sur tout le territoire, comprenant des possibilités d’évaluation en urgence ou en soins non programmés, et mener un diagnostic approfondi et partagé sur l’usage croissant des psychotropes.

Recommandation n° 17 : Développer et pérenniser les mesures ciblées sur les enfants protégés.

Recommandation n° 18 : Faire de la santé mentale et de la psychiatrie périnatales un axe de la grande cause nationale.

Améliorer la formation et l’attractivité des métiers de la psychiatrie

Recommandation n° 19 : Adapter rapidement l’offre de formation à la pénurie de professionnels constatée sur le terrain : qu’il s’agisse des psychiatres comme des autres professionnels de la santé mentale, par une augmentation des effectifs en formation initiale et continue, un développement de passerelles, la hausse du nombre d’infirmiers en pratique avancée et création de nouvelles mentions etc. Pour la rapporteure Sandrine Rousseau, cet objectif impose, concernant les infirmiers, d’expérimenter un accès dérogatoire aux instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi).

Recommandation n° 20 : Déstigmatiser les métiers de la psychiatrie et renforcer leur attractivité au moyen d’une campagne de communication, de stages obligatoires et de la création d’un institut hospitalo-universitaire (IHU) en psychiatrie.

Recommandation n° 21 : Commanditer un audit sur les conditions de travail en psychiatrie et, dans le même temps, améliorer celles-ci par des rémunérations revalorisées, par une simplification administrative des hospitalisations sous contrainte ou encore par une meilleure appréhension des situations de violence et d’agressivité.

 


   Travaux de la commission

Lors de sa réunion du mercredi 11 décembre 2024, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de la mission d’information sur la prise en charge des urgences psychiatriques (Mmes Nicole Dubré-Chirat et Sandrine Rousseau, rapporteures) ([394]).

M. le président Frédéric Valletoux. Mes chers collègues, la situation politique générale nous a conduits à ajourner nos travaux parlementaires mais nous poursuivons nos travaux, notamment nos activités de contrôle et d’évaluation.

J’ai le plaisir d’accueillir à la tribune Sandrine Rousseau et Nicole Dubré-Chirat, rapporteures d’un travail de longue haleine sur la situation des urgences psychiatriques. Leur rapport, de grande qualité, contient de nombreux chiffres, données, constats et propositions sur ce sujet particulièrement sensible.

Mesdames les rapporteures, je vous cède la parole pour nous présenter vos conclusions, en vous remerciant pour le travail que vous avez mené ensemble et que nous sommes heureux de découvrir.

Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Je tiens tout d’abord à remercier Sandrine Rousseau pour le travail que nous avons mené conjointement depuis près d’un an, de manière très efficace et agréable, ce qui prouve la possibilité du travail transpartisan. La réalisation de ce rapport a été un temps à la fois plaisant et difficile car nous avons effectué beaucoup de déplacements. Il me semble important que nous puissions travailler entre parlementaires de deux partis politiques différents.

Je remercie également nos collaborateurs, qui ont été très présents et efficaces.

Enfin, j’adresse des remerciements particuliers à nos deux administrateurs pour leur compétence, leur performance et leur présence. Ils nous ont accompagnées avec beaucoup de diligence et d’intérêt dans la rédaction de ce rapport détaillé qui, je l’espère, marque le début du travail sur la santé mentale.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Je m’associe à tous ces remerciements et souligne à mon tour notre excellente entente avec Nicole Dubré‑Chirat et l’absence de divergences sur le rapport, ce qui mérite d’être souligné dans la période actuelle.

Un an après le début de nos travaux, nous sommes heureuses de pouvoir vous présenter les conclusions de la mission d’information sur la prise en charge des urgences psychiatriques, lancée sous la précédente législature.

Le terme de mission d’information n’a jamais si bien porté son nom. Ce travail avait été lancé en réponse à des alertes que nous sommes nombreux et nombreuses à avoir reçues sur nos circonscriptions de la part des acteurs du monde de la psychiatrie. Il suscite en conséquence une attente très forte.

Je rappelle par ailleurs que ce travail a bien failli ne pas voir le jour avec la dissolution de l’Assemblée nationale mais, à raison de deux jours par semaine dédiés aux auditions et visites de terrain, nous avons pu entendre au total plus de 360 acteurs et personnels – professionnels de santé, patients, aidants, responsables institutionnels, associatifs et syndicaux – venant de toute la France, y compris des outre-mer.

Cette mission nous a conduites à nous aventurer en dehors des sentiers battus, dans les services d’urgences hospitalières, dans les centres d’accueil et de prise en charge des urgences psychiatriques mais aussi en prison ou à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de Paris, en unités hospitalières spécialement aménagées ou en unités pour malades difficiles. Nous avons également pris part à une maraude dans les rues et les gares parisiennes, avec des équipes spécialisées en psychiatrie et précarité, qui a renforcé notre conviction quant à l’utilité des équipes mobiles pour aller au-devant des personnes les plus vulnérables et éloignées des soins.

Nous avons visité des centres hospitaliers (CH), des centres hospitaliers universitaires (CHU) ainsi que des établissements publics comme privés de santé mentale et avons accordé une attention toute particulière à la prise en charge des plus jeunes et des mineurs. Nous avons également visité un service de santé étudiante, sans nous désintéresser du grand âge, puisque nous avons consacré un cycle d’auditions à la psychiatrie du sujet âgé.

Notre mission, longue et intense, s’achève et, d’ici quelques jours, le passage à une nouvelle année marquera peut-être l’avènement, avec un nouveau gouvernement, de la grande cause nationale dédiée à la santé mentale.

Je crois que le rapport que nous vous présentons montre le sérieux du travail que nous avons accompli ensemble. Malgré nos divergences politiques et les péripéties récentes de la vie institutionnelle, ce que nous avons appris sur l’évolution de la santé mentale de la population depuis la crise sanitaire, et en particulier celle des plus jeunes, nous oblige collectivement à une prise de conscience et à une action résolue en faveur de la jeunesse et de l’avenir de notre société.

Chers collègues, ne soyez pas rebutés par le volume de ce rapport. Nous vous invitons à le parcourir dans sa totalité mais nous vous en avons préparé une synthèse qui, évidemment, vous en facilitera la lecture.

Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Notre rapport comporte trois parties.

Dans la première partie, nous analysons l’évolution de la santé mentale de la population française, en particulier depuis la crise sanitaire et chez les jeunes, et sa traduction dans les venues aux urgences et en centres de crise. Nous montrons que l’activité de psychiatrie d’urgence est en forte croissance, plus encore que celle des urgences générales pour d’autres motifs. Aussi, si la notion d’urgence ne fait pas consensus en psychiatrie, l’urgence devient malheureusement le point d’entrée dans le parcours de soins.

Dans la deuxième partie, nous revenons plus en détail sur les dysfonctionnements constatés dans la prise en charge par les services d’urgences, qui traduisent une crise profonde de la psychiatrie. Nous relevons de multiples problématiques dans la prise en charge et montrons que les établissements publics sont particulièrement touchés et subissent une triple peine : l’obligation d’assurer le service public, de moindres rémunérations et des conditions de travail dégradées.

Enfin, dans la troisième partie, nous constatons que les politiques actuellement mises en place ne sont pas suffisantes face à l’ampleur des besoins. Nous formulons, à travers cinq axes, des propositions précises et concrètes pour mieux prévenir et prendre en charge les urgences.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Dans la première partie du rapport, nous montrons d’abord que la notion d’urgences psychiatriques reste mal définie. Il n’existe pas de service dédié à leur prise en charge, pour la simple et bonne raison que la prise en charge de la crise psychique est censée relever des missions traditionnelles du secteur psychiatrique et qu’en cas d’urgence, de l’avis général des psychiatres, un examen somatique préalable du patient est nécessaire avant toute prise en charge en psychiatrie.

Nous objectivons ensuite la dégradation préoccupante des indicateurs de santé mentale depuis 2020, qui entraîne une croissance de l’activité d’urgence. Je me permets d’insister vraiment sur ce point, car les indicateurs montrent une situation extrêmement préoccupante. Nous observons une détérioration rapide de la santé mentale de la population française ces dernières années.

Cette détérioration concerne particulièrement les jeunes. En effet, chez les 18-24 ans, la prévalence des épisodes dépressifs a augmenté de 77 % entre 2017 et 2021, passant à 20,8 % de la population de cet âge.

Cette dégradation est particulièrement alarmante chez les jeunes femmes. Les hospitalisations liées aux gestes auto-infligés, c’est-à-dire aux tentatives de suicide et auto‑agressions chez les femmes âgées de 10 à 19 ans, ont progressé de 133 % entre 2020 et aujourd’hui, et de 570 % entre 2007 et aujourd’hui.

Dans le même temps, la consommation de médicaments psychotropes chez les jeunes a augmenté de façon inquiétante : 936 000 jeunes de 12 à 25 ans ont bénéficié du remboursement d’au moins un psychotrope en 2023, ce qui représente 19 % de plus qu’en 2019.

Cette souffrance psychique se traduit par une hausse de l’activité d’urgence depuis fin 2020. Le nombre de passages aux urgences pour motif psychiatrique a augmenté de 21 % entre 2019 et 2023, c’est-à-dire que la croissance des passages aux urgences pour motif psychiatrique est plus dynamique que l’activité d’urgence dans son ensemble. Pourtant, aucun des récents rapports sur les urgences hospitalières ne fait état de ce phénomène parce qu’il n’était pas connu avant nos travaux, notamment à cause de la difficulté à coder l’activité de psychiatrie aux urgences.

Cette activité repose largement sur les secteurs public et privé à but non lucratif, qui accueillent 80 % de ces épisodes de crise. Alors que le virage ambulatoire s’est traduit par la suppression de 7 000 places d’hospitalisation complètes en psychiatrie en quinze ans, seuls les hôpitaux publics et privés à but non lucratif ont vu leur capacité diminuer, avec une baisse de 10 400 places depuis 2008, quand 3 700 places étaient créées en parallèle dans le secteur privé lucratif. Le virage ambulatoire n’a pas compensé ces suppressions de lits par des places, puisque seules 2 000 places ambulatoires ont été créées sur la période. Le rythme des fermetures de lits s’est emballé de manière préoccupante après la crise sanitaire en raison du manque de personnel pour maintenir les lits ouverts.

Le secteur privé lucratif gère désormais près d’un quart des capacités, en forte augmentation depuis 2008. Cet essor est facile à comprendre. La psychiatrie est tout simplement la discipline la plus rentable du secteur privé lucratif, avec un taux de marge qui avoisine 9 %. Ce contraste avec la situation des hôpitaux publics, en véritables difficultés, est d’autant plus saisissant que ce sont ces derniers qui assurent la permanence des soins, la prise en charge des patients les plus lourds ainsi que les hospitalisations sous contrainte.

Alors que l’offre de soins psychiatriques est notoirement insuffisante et trop complexe en amont de la crise et que les solutions d’aval manquent cruellement, les services d’urgences se retrouvent saturés par une orientation par défaut et tardive des patients en crise psychique, qui peuvent attendre dans des conditions rudimentaires pendant des jours, voire des semaines, qu’une place en hospitalisation se libère. Nous avons entendu de nombreux témoignages de personnes en contention dans les services d’urgences. La prise en charge est alors souvent tardive dans un état de santé dégradé, faisant des urgences un point d’entrée incontournable dans le système de soins psychiatriques.

Notre première partie s’achève sur les soins psychiques en prison, où les troubles psychiatriques sont largement surreprésentés. Si les soins psychiatriques en milieu pénitentiaire sont régis par des dispositifs spécifiques, comme les unités hospitalières spécialement aménagées, créées depuis 2010, ces dispositifs sont largement sous‑dimensionnés. La psychiatrie reste mal appréhendée par l’institution judiciaire, ce qui accroît la proportion de malades en détention, du fait de biais de procédure notamment. Dans ce contexte, des lieux de privation de liberté deviennent un autre point d’entrée dans les soins psychiques et psychiatriques.

Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Dans cette deuxième partie, nous revenons sur les nombreux dysfonctionnements constatés dans la prise en charge des urgences qui matérialisent la crise profonde de la psychiatrie en France. Nous voyons que la prise en charge est conditionnée par les moyens disponibles davantage que par des standards de qualité clairement définis.

Il en résulte une corrélation qui semble admise par tous entre le manque de moyens humains et matériels et la prévalence du recours à la contention des patients. Nous avons pu constater dans nos déplacements que certains services n’utilisaient pas du tout la contention parce qu’ils avaient du personnel en nombre et formé. Le passage par les services d’urgences, s’il peut permettre de répondre à une situation immédiate, est associé à une expérience de violence, inhérente au secteur psychiatrique et aux urgences, qui affecte les conditions de travail des soignants et de traitement pour les patients.

Pire, en raison de la saturation de l’offre de soins de ville, la venue aux urgences ne permet pas toujours d’engager un parcours de soins. Pour de nombreux patients, la prise en charge par les urgences tend à se substituer à un suivi psychiatrique. Alors que le recours aux urgences pour motif psychiatrique augmente, la part des nouveaux patients pris en charge par le système de soins psychiatriques s’érode tendanciellement, de l’ordre de 8 % entre 2019 et 2023.

Les contraintes de l’ensemble du secteur convergent vers les secteurs d’urgences, qui ne sont pas toujours équipés pour gérer ces crises psychiques. Ainsi se banalise à tous les niveaux un fonctionnement en mode dégradé et, en l’absence de permanence des soins réellement organisée et d’une répartition équitable de la charge entre établissements, cela pèse exclusivement sur le secteur public. Toutes ces conditions sont propices à la survenue de drames, comme ce fut le cas au CHU de Toulouse en février 2024 dans une succession d’accidents regrettables et graves.

La crise actuelle invite également à reconsidérer l’évolution des moyens financiers et humains dévolus à la psychiatrie.

Concernant les moyens financiers, alors que la réforme du mode de financement historique de la psychiatrie suscite des appréhensions, il nous semble qu’elle va dans le sens d’un rééquilibrage salutaire entre public et privé, dont nous ne percevrons les effets qu’en 2026. Nous constatons également, loin des idées reçues, que la dépense moyenne de soins remboursée par malade, corrigée de l’inflation, a baissé de 6 % entre 2016 et 2022.

Concernant les moyens humains, nous voyons que la densité relativement élevée de psychiatres est mal répartie et ne permet pas de répondre aux besoins. La hausse des effectifs, s’élevant à 21 % entre 2010 et 2023, est un trompe-l’œil car elle est essentiellement liée au recours aux retraités actifs et, dans une moindre mesure, à des intermittents ainsi qu’à des médecins à diplôme étranger.

Dans la deuxième partie, nous revenons sur la pédopsychiatrie, totalement sinistrée et caractérisée par une offre de soins cruellement insuffisante, particulièrement dans le contexte d’explosion de la souffrance psychique des jeunes que nous connaissons depuis 2020. Le nombre de pédopsychiatres a chuté 34 % entre 2010 et 2022. La démographie de la profession est alarmante et le renouvellement générationnel n’est pas assuré. Pour vous en convaincre, je vous invite à regarder la pyramide des âges présentée en page 136 du rapport provisoire qui vous a été adressé.

Par ailleurs, 58 % des lits d’hospitalisation en pédopsychiatrie ont été fermés entre 1986 et 2013, tandis que certains départements sont toujours dépourvus de capacités d’accueil à temps complet. Les centres psychologiques infanto-juvéniles sont saturés. Il n’est pas rare que les délais de rendez-vous se comptent en mois, voire en année, jusqu’à dix‑huit ou vingt‑quatre mois.

La prévention est quant à elle défaillante, notamment en milieu scolaire, où la médecine est elle-même déficiente.

Dans ce contexte, la prise en charge des mineurs est souvent inadaptée, dans des conditions qui peuvent être traumatisantes lorsqu’ils doivent être hospitalisés dans des unités d’adultes. Elle est parfois même impossible, ce qui entraîne des pertes de chance évidentes. En 2023, 123 enfants de moins de 15 ans s’étant présentés aux urgences du CHU de Nantes pour des idées suicidaires ou une tentative de suicide n’ont pu être hospitalisés et ont dû retourner à leur domicile, alors même que le pédopsychiatre avait évalué l’intérêt d’une hospitalisation avec une indication formelle.

L’état des lieux est d’autant plus alarmant que les défaillances actuelles de la pédopsychiatrie hypothèquent la santé mentale d’une génération d’enfants. C’est toute la société qui en paiera le prix une fois cette génération arrivée à l’âge adulte. À Lille, nous avons eu l’occasion de voir que les enfants de 5 ou 6 ans n’étaient plus pris en charge pour privilégier les adolescents. Ainsi, dans dix ans, nous connaîtrons le retour de cette non‑prise en charge.

Dans la troisième partie de notre rapport, nous présentons nos vingt et une recommandations, organisées selon cinq axes, pour apporter un nouveau souffle aux politiques publiques en matière de santé mentale et psychiatrie.

Saluons d’abord les avancées permises par la feuille de route en santé mentale et psychiatrie portée par M. Franck Bellivier, délégué ministériel depuis 2018, qui produit des effets positifs. Nous pouvons par exemple penser au déploiement du dispositif VigilanS, au maintien du contact avec l’auteur d’une tentative de suicide, au numéro national de prévention du suicide, à la formation de 200 000 secouristes en santé mentale ou encore à l’amélioration du dispositif Mon soutien psy, qui avait bénéficié à 381 000 patients en août 2024.

L’action publique reste toutefois très méconnue et ne permet pas de répondre de manière satisfaisante à l’ampleur des enjeux. Nous proposons d’y remédier par nos axes prioritaires.

Dans les recommandations, le premier axe consiste à renforcer l’offre de soins de premier niveau pour éviter le passage aux urgences psychiatriques.

Cet axe suppose de mieux outiller les médecins généralistes, qui sont souvent le premier recours face aux troubles psychiques, par un stage obligatoire en psychiatrie pendant l’internat de médecine générale et par la mise à disposition d’un numéro territorial pour solliciter des conseils auprès de psychiatres afin d’améliorer considérablement les prescriptions de psychotropes aux jeunes.

Il est en outre indispensable de renforcer les moyens des centres médico-psychologiques (CMP), qui sont les pivots du secteur psychiatrique, et d’en élargir les horaires d’ouverture.

Nous appelons par ailleurs à simplifier l’organisation territoriale des soins psychiatriques pour la rendre plus lisible, moins complexe et plus accessible, et éviter les doublons en mutualisant les moyens des différents dispositifs.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Le deuxième axe de nos recommandations porte sur la structuration d’un parcours de prise en charge d’urgence clair et accessible. Nous préconisons d’établir un parcours de soins de l’urgence psychiatrique commun à tous les territoires, clair et gradué, impliquant à l’entrée de généraliser le volet psychiatrique dans l’ensemble des services d’accès aux soins (SAS) et, en sortie de parcours, de systématiser le suivi post-urgence des patients, tout en suivant cet indicateur dans le cadre de la démarche qualité. Pendant le parcours aux urgences, cet axe appelle à modifier les conditions d’accueil, et notamment à créer des lits dédiés au sein des unités d’hospitalisation de courte durée, afin de limiter l’attente des patients.

Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Le troisième axe invite à mobiliser davantage le secteur privé dans un système de soins aujourd’hui saturé. Cet axe nécessite une révision des obligations de permanence des soins des établissements de santé pour inclure la psychiatrie. Il s’agit par ailleurs de garantir un quota de lits de service public en psychiatrie dans chaque territoire, y compris dans les cliniques, pour fluidifier la filière d’aval des urgences et éviter la concentration excessive des prises en charge dans le secteur public.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Le quatrième axe vise à soutenir particulièrement la pédopsychiatrie et la santé mentale des jeunes. Nous appelons à une révolution de la santé mentale dans l’éducation nationale, à la mise en place des recommandations des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant de 2024, à la prévision des mesures ciblées pour les enfants protégés – particulièrement vulnérables – et la psychiatrie périnatale ainsi que la garantie d’une offre de soins pédopsychiatriques homogène et adaptée aux besoins sur tout le territoire. Nous appelons par ailleurs de nos vœux un diagnostic sur l’usage croissant des psychotropes et un renforcement des moyens de prévention grâce à la médecine scolaire.

Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Le dernier axe de nos préconisations vise à améliorer la formation et l’attractivité des métiers de la psychiatrie. L’offre de formation doit être rapidement et massivement renforcée par l’augmentation des effectifs de psychiatres et d’infirmiers en formation initiale, par le développement de passerelles ou encore par la hausse du nombre d’infirmiers en pratique avancée (IPA). La filière doit par ailleurs être rendue plus attractive à travers une campagne de communication et des stages obligatoires pour déstigmatiser les métiers de la psychiatrie. Enfin, il s’agira de commanditer un audit sur les conditions de travail en psychiatrie et, dans le même temps, d’améliorer ces dernières par de meilleures rémunérations.

Les attentes du secteur sont très fortes. Nous devons collectivement nous assurer que le prochain gouvernement œuvrera concrètement au sursaut de la psychiatrie à travers le maintien de la grande cause nationale et de la déclinaison des actions qui y seront associées. Mais ne nous y trompons pas, cette grande cause nationale ne sera une réussite que si elle passe par un portage au plus haut niveau, accompagné de moyens supplémentaires substantiels et d’une participation effective du secteur privé. La psychiatrie et son organisation se situent aujourd’hui à un moment décisif et des choix politiques capitaux sont nécessaires pour définir une stratégie de long terme.

Dans cette perspective, nous organiserons en janvier ou en février à l’Assemblée nationale un colloque réunissant les principaux acteurs du secteur. Plus largement, nous formons le vœu que nos travaux se poursuivent par la rédaction d’une proposition de loi transpartisane sur la santé mentale et la psychiatrie, en cohérence avec la grande cause nationale proclamée en 2025.

M. le président Frédéric Valletoux. Je vous remercie pour la densité de votre travail, que traduisent bien vos interventions.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Angélique Ranc (RN). Ce rapport sur la prise en charge des urgences psychiatriques nous rappelle à quel point l’état de la santé mentale en France est préoccupant. Il l’est bien sûr pour les millions de Français qui estiment que leur santé mentale est négligée par le système de santé. Il l’est également pour les 9 % de nos concitoyens qui ont envisagé le suicide ou l’automutilation au cours de l’année passée. Il l’est en particulier pour les plus jeunes, avec 1 500 000 enfants et adolescents souffrant de problèmes psychiques.

Toutefois, laissez-moi vous rappeler que cet état de fait n’est pas nouveau. Dès l’époque des restrictions sanitaires, le Rassemblement national alertait sur l’état de santé mentale des Français. En 2022, lors du grand oral « santé » de l’élection présidentielle, Marine Le Pen appelait déjà une loi sur la santé mentale et la psychiatrique pour une meilleure prise en charge des patients.

Pourtant, malgré les promesses, de nombreux professionnels du secteur ont l’impression que les efforts du Gouvernement ne sont pas à la hauteur. Il était donc plus que temps de désigner la santé mentale comme grande cause de l’année 2025.

Dans ce contexte, j’aimerais mettre l’accent sur le manque de personnel dans le milieu des urgences psychiatriques. En effet, nous observons dans la prise en charge des urgences psychiatriques un manque alarmant de psychiatres et d’infirmiers en santé mentale, qui influe sur la qualité de prise en charge des urgences. Cette carence est notamment due au manque d’attractivité de la psychiatrie, avec de mauvaises conditions de travail et de trop faibles rémunérations.

Dans ce contexte, avez-vous prévu des leviers d’action afin de rendre ce secteur plus attractif ? Le Rassemblement national peut d’ores et déjà vous proposer une piste de réflexion, à savoir l’exonération totale de l’impôt sur le revenu pour les praticiens libéraux opérant dans le domaine de la psychiatrie lorsqu’ils entrent dans le champ du cumul emploi-retraite. Cette exonération, dans la lignée de la proposition de loi présentée par notre groupe en septembre dernier, permettrait de motiver les psychiatres retraités toujours en exercice. Ces derniers représenteraient en effet 10 % des psychiatres recensés par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques en 2023. Cette mesure de bon sens serait un bon début afin de remédier au problème de manque de personnel.

Mme Annie Vidal (EPR). Au nom du groupe Ensemble pour la République, je tiens à remercier nos deux rapporteures d’avoir mené à terme leurs travaux malgré les perturbations provoquées par la dissolution en juin dernier. Je me réjouis de la présentation de ce rapport très dense de grande qualité.

Le Premier ministre Gabriel Attal et son successeur Michel Barnier ont tous deux souligné, lors de leur discours de politique générale, l’attention particulière qu’ils souhaitaient accorder à la santé mentale. Nous émettons aujourd’hui le vœu que le prochain Premier ministre réserve à ces questions une place au moins aussi importante dans sa feuille de route.

Les troubles psychiques prennent une place de plus en plus importante au sein des enjeux de santé publique, cette dynamique ayant été largement alimentée par la crise sanitaire liée à la pandémie de covid‑19 et les mesures prises afin de lutter contre cette dernière. Sur ce point, votre rapport fait écho au récent débat que nous avons eu dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Chantal Jourdan au sujet de la santé mentale des jeunes. Nous ne pouvons rester de marbre face au constat que le nombre des 18-24 ans concernés par la dépression a pratiquement doublé entre 2017 et 2021.

Les difficultés sont multiples et la réponse à leur apporter doit être très globale. Ainsi, si le renforcement de l’offre de soins psychiatriques apparaît indispensable afin de répondre à la demande actuelle, l’accent doit également être mis sur la prévention et le repérage précoce des troubles psychiques. Votre rapport faisant le parallèle entre les urgences générales et les urgences psychiatriques, ce raisonnement semble en tout point transposable des unes aux autres, ce qui rend particulièrement pertinentes vos recommandations tenant à l’amélioration de la structuration du parcours de prise en charge des patients, notamment au moyen du SAS.

Sans reprendre une par une l’ensemble de vos recommandations, nous réaffirmons ici notre volonté de soutenir toute mesure de nature à résoudre les problématiques constatées dans votre rapport, ainsi que nous l’avons toujours fait ces dernières années.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Je vous remercie pour ce travail fourni, de qualité et riche en données factuelles et chiffrées. J’attendais ce rapport avec impatience car je fais partie de ces milliers de soignants de la psychiatrie publique qui attendent des actions concrètes.

Définitivement, nous ne pouvons pas dire que nous ne savons pas. La psychiatrie, dans toutes ses transversalités, est en crise. Vous le démontrez très bien dans votre rapport.

Vous notez bien la difficulté de faire le distinguo entre santé mentale et psychiatrie, qui me semble être un enjeu essentiel et l’un des leviers importants dans nos réponses en matière de politiques publiques.

Nous ne pouvons rester insensibles aux chiffres sur la hausse des hospitalisations chez les jeunes filles, mais aussi, dans une moindre mesure, chez les jeunes garçons. Je me demandais si, lors de vos auditions et déplacements, vous avez pu percevoir un lien avec les violences sexuelles et sexistes et les chiffres alarmants de l’inceste. Nous constatons que pour les prises en charge liées à ces violences, le dispositif Mon parcours psy n’est pas suffisant.

Je vous rejoins totalement sur la nécessité de formation pour les médecins généralistes. Je formule sans succès cette proposition au moment de l’examen de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Nous y arriverons peut-être à un moment donné.

L’un des points qui me préoccupent le plus dans votre rapport et vos préconisations est la place du secteur privé. Vous démontrez bien qu’en même temps que la baisse capacitaire de la psychiatrie publique s’aggrave, les capacités augmentent dans le privé. Nous arrivons à un stade où cela donne l’impression que le secteur privé serait la seule solution. J’émets une alerte sur ce sujet.

Par ailleurs, avez-vous pu mesurer l’impact de la loi n° 2023-379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé ?

Enfin, je vous informe que dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle, avec Josiane Corneloup, nous axerons notre travail sur la justice et la prison.

M. Joël Aviragnet (SOC). Je tiens tout d’abord à saluer l’immense travail réalisé par nos collègues dans ce rapport, salutaire au vu de la dégradation dramatique de la santé mentale des Français.

La situation des urgences psychiatriques est alarmante, particulièrement depuis la pandémie de covid-19. Les services d’urgences sont devenus les principaux points d’entrée dans les soins psychiatriques, créant un phénomène constant de saturation. Ce phénomène est exacerbé par un manque de lits, une désorganisation des parcours de soins et une démographie médicale insuffisante, notamment en pédopsychiatrie, qui connaît une situation de quasi-effondrement.

Par ailleurs, les chiffres rapportés sur la santé mentale des jeunes, notamment des jeunes femmes, sont particulièrement préoccupants. L’augmentation dramatique des hospitalisations pour gestes auto-infligés, en hausse de 133 % depuis 2020, est le signe d’une crise qui dépasse le cadre strictement sanitaire.

Votre rapport appelle avec raison à une action publique ambitieuse articulée autour de plusieurs axes essentiels, notamment le renforcement de l’offre de soins de proximité, la structuration d’un parcours pour les urgences psychiatriques, la mobilisation du secteur privé et la revalorisation des métiers de la psychiatrie. Il me semble impératif que ces recommandations soient suivies d’effets concrets.

Mesdames les rapporteures, vous faites également valoir l’importance des CMP comme premier niveau de réponse. Cependant, l’accès y est souvent limité par des délais d’attente très longs, parfois près d’un an ou davantage. Quelles solutions d’urgence recommanderiez-vous pour rendre ces centres plus accessibles et, peut-être, plus connus de la population, notamment pour les publics les plus vulnérables, comme les jeunes en détresse ou les personnes précaires ? Cela aurait le mérite de désengorger les services d’urgences psychiatriques, leur permettant de n’assurer que leurs fonctions d’origine.

Mme Josiane Corneloup (DR). Au nom du groupe Droite Républicaine, je tiens à saluer le travail approfondi et rigoureux réalisé à l’occasion de ce rapport, qui met en lumière la détérioration rapide de la santé mentale en France, particulièrement chez les jeunes, avec une prévalence des épisodes dépressifs, en hausse de 77 % en quatre ans chez les 18-24 ans. Ce rapport souligne aussi les enjeux cruciaux auxquels sont confrontées nos urgences psychiatriques, avec une hausse de 21 % des passages aux urgences pour motif psychiatrique de 2019 à 2023.

Alors que tous les établissements ne disposent pas d’équipes pluridisciplinaires expérimentées et d’espaces adaptés, la prise en charge est marquée par de fortes inégalités territoriales. Pour de nombreux patients en attente de diagnostic ou qui n’ont pas accès à un parcours de soins adapté, la prise en charge par les urgences tend à se substituer à un suivi psychiatrique.

Les propositions qui émanent de ce rapport semblent être des leviers efficaces et opérationnels pour améliorer à la fois la prise en charge des patients et les conditions de travail des équipes soignantes.

Tout d’abord, je mentionnerai le soutien plus important en faveur de la pédopsychiatrie et de la santé mentale des jeunes. En plus de la hausse des épisodes dépressifs chez les 18-24 ans, les hospitalisations liées à un geste auto-infligé ont augmenté de 133 % chez les femmes depuis 2020.

Il est donc essentiel de mettre un accent fort sur la prévention, sur la sensibilisation au bien-être psychique et sur un repérage précoce de ces situations.

Il est également essentiel de renforcer l’offre de soins de premier niveau pour garantir une prise en charge précoce, graduée et homogène sur tout le territoire pour prévenir les urgences psychiatriques.

Vous évoquez en outre la nécessité de favoriser la coordination entre les différents acteurs pour une orientation plus aisée dans un parcours de soins. L’organisation de soins est en effet peu lisible et fragmentée. Il est essentiel de structurer un parcours de prise en charge d’urgence clair et accessible.

Il est donc temps d’agir et je crois que nous avons besoin de moyens humains et financiers mais également d’une vraie stratégie qui traite de l’amont et de l’aval.

Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Les chiffres sont sans appel. Les hospitalisations liées à des gestes auto-infligés chez les adolescentes ont explosé de 133 % depuis 2020 et de 570 % depuis 2007. C’est une génération qui sombre dans une souffrance silencieuse, renforcée par les pressions sociales, les violences sexistes et sexuelles et des injonctions qui s’abattent particulièrement sur les jeunes filles. Cette explosion de tentatives de suicide, des épisodes dépressifs et des troubles anxieux ne relève pas du fait divers mais d’une crise sociale, que nous devons regarder en face.

Face à cette crise, nous sommes confrontés à un paradoxe insoutenable. Alors que la demande explose, nos capacités d’accueil diminuent. Les professionnels épuisés travaillent dans des conditions indignes, pour eux comme pour les patients et les patientes. Les urgences hospitalières, déjà saturées, deviennent par défaut le point d’entrée dans les soins psychiatriques, au détriment d’une prise en charge adaptée, alors qu’en parallèle, le secteur privé lucratif prospère de manière hallucinante.

Chers collègues, pourquoi acceptons-nous qu’une logique de rentabilité prime sur l’accès équitable aux soins ? Ce sont aujourd’hui les enfants et les jeunes qui paient le prix fort de cette désorganisation. La pédopsychiatrie est en ruine, des territoires entiers sont dépourvus de capacités d’accueil, des enfants en détresse se retrouvent hospitalisés dans des unités pour adultes et d’autres sont renvoyés chez eux sans prise en charge. Cette incapacité à intervenir précocement est une faillite collective.

Pour améliorer la situation, vous appelez à renforcer massivement les moyens pour la psychiatrie publique, à donner la priorité à la détection et à la prise en charge des enfants victimes de violences, à rééquilibrer les responsabilités entre les secteurs public et privé, à soutenir particulièrement les jeunes filles et les femmes et à investir bien entendu dans la prévention, comme notre groupe le demande à chaque période budgétaire.

Faire de la santé mentale la grande cause nationale de 2025 est une opportunité, mais si cette ambition ne se traduit pas par des moyens à la hauteur et des mesures concrètes, ce sera une promesse trahie. Nous avons la responsabilité de ne plus détourner les yeux car il ne s’agit plus seulement de réparer, mais de prévenir.

Je crois que l’état de la psychiatrie nous invite à nous interroger. Quelle responsabilité pour notre société capitaliste qui broie les gens face à l’ampleur de la crise ? La réflexion plus large est ouverte et, en attendant, je vous remercie, mesdames les rapporteures, pour votre engagement sur cette question et la qualité de vos travaux, en espérant que ce rapport alarmant sera suivi d’effets.

M. Philippe Vigier (Dem). Je remercie nos deux rapporteures pour leur travail de grande qualité.

La deuxième recommandation suggère de mieux outiller des médecins généralistes. Comment faire le lien avec la permanence des soins ? Les maires sont confrontés à des difficultés concernant les hospitalisations d’office, pour lesquelles nous sommes totalement démunis.

La cinquième recommandation porte sur une simplification de l’organisation territoriale. Pouvez-vous expliciter votre souhait ? En effet, j’observe davantage une rétraction territoriale dans ma circonscription qu’une concentration territoriale des moyens.

La dix-neuvième recommandation est relative à l’adaptation de l’offre de formations. Or des difficultés existent concernant les décrets d’application liés aux IPA. Comment envisagez-vous les passerelles entre les IPA généralistes et spécialistes ?

Vous évoquez la commande d’un audit sur les conditions de travail en psychiatrie. Avez-vous réfléchi à une loi de santé pluriannuelle avec des items, afin que nous puissions réaliser une évaluation chaque année ? Cette dégradation date de tant d’années que la situation mérite un suivi assez serré, afin que nous soyons au rendez-vous sur ces items.

Enfin, la page 81 de votre rapport traite du lien entre la justice et la psychiatrie. Un centre de détention se trouve sur ma circonscription. J’observe des difficultés liées à la mobilisation des magistrats pour prononcer les décisions d’irresponsabilité pénale. Pouvez‑vous me confirmer le faible nombre de ces décisions, avec les conséquences aval que nous connaissons tous ?

M. Pierre Marle (HOR). Encore plus que vous féliciter, je vous remercie pour votre rapport d’une très grande qualité et particulièrement détaillé. Je vous remercie également pour l’opportunité que vous nous donnez de nous exprimer sur un sujet aussi essentiel que la santé mentale, et plus particulièrement la santé psychiatrique.

Vous soulignez avec justesse dans ce rapport que le flou qui entoure la notion d’urgences psychiatriques rend son approche particulièrement complexe. Je partage pleinement votre préoccupation quant à la nécessité d’améliorer l’accueil et le suivi des patients concernés, ce qui représente non seulement un progrès indispensable pour ces personnes et leurs familles mais aussi un levier crucial pour alléger la surcharge de notre système de santé.

Je suis également particulièrement sensible à votre volonté d’investir dans la formation des personnels de première ligne, comme les médecins généralistes. Cette approche me semble essentielle pour renforcer la capacité de détection précoce et de prise en charge initiale, notamment lorsque nous savons que les médecins généralistes sont en première ligne dans la prescription des psychotropes, plus particulièrement chez nos jeunes.

Je souhaiterais également des précisions concernant la santé mentale de nos jeunes, et plus spécialement des enfants placés au niveau des écoles primaires. Dans une première vie, j’ai été directeur d’école primaire. Or nous voyons que nous sommes particulièrement démunis sur ce sujet et qu’un pourcentage très important d’enfants est concerné.

Par ailleurs, vous évoquez dans vos recommandations la nécessité d’une simplification de l’organisation territoriale des soins psychiatriques et d’une meilleure coordination du parcours de soins. Auriez-vous des exemples sur nos territoires d’une telle coordination, par exemple entre la médecine scolaire, les médecins généralistes et les CMP ? Pensez-vous à la création d’une structure dédiée à cette coordination ?

Sachez que le groupe Horizons restera attentif à la suite de vos recommandations.

M. Stéphane Viry (LIOT). Je voudrais, au nom du groupe Libertés, Indépendants, Outre‑mer et Territoires, saluer les travaux, réflexions, données et recommandations portées au débat par les rapporteures. Nous savons que nous serons désormais saisis de cette question.

Vous décrivez des dysfonctionnements graves par rapport à la prise en charge. Il me semble qu’il s’agit d’un euphémisme car vous avez davantage évoqué une situation alarmante, exigeant d’aller au-delà du plan de 2018 qui cherchait à apporter des réponses à l’offre de santé mentale. Avez-vous le sentiment que la réponse des politiques publiques depuis 2018 a été évanescente ou qu’elle est globalement pertinente mais inefficace en termes de moyens ?

Ensuite, la quatrième recommandation, portant sur les addictions, suggère de rapprocher les structures d’addictologie et les structures de soins psychiatriques. Avez-vous connaissance d’expériences de terrain qui pourraient se dupliquer ? Je crois profondément qu’il existe un découplage inopérant, rendant nécessaire de rapprocher ces deux structures.

La quinzième recommandation propose par ailleurs de mobiliser la médecine scolaire pour permettre de réaliser, en amont, de la prévention, de la détection et du repérage des troubles psychiques chez certains enfants ou adolescents. Je présume que vous avez identifié des carences massives avec, peut-être, l’idée de sortir la médecine scolaire du champ de l’éducation nationale pour le raccrocher à un autre ministère. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce sujet ?

Enfin, j’ai relevé que vous étiez davantage d’avis de structurer des parcours de soins, ce qui fait actuellement défaut, et surtout de répondre en proximité avec des coordinations et un maillage territorial, qui manquent à ce jour.

M. Yannick Monnet (GDR). Je remercie les rapporteures, dont je salue le travail pour ce rapport très utile, qui pose les chiffres et des mots précis sur la crise que traversent les soignants en psychiatrie, mais également les patients.

S’il est évident que les moyens manquent, ce rapport rend également compte des mauvais choix politiques à l’origine de cette crise qui, malheureusement, se perpétuent. Par exemple, la fermeture de deux tiers des lits d’hôpitaux publics en psychiatrie depuis les années 1980 – réalisée à la suite du virage ambulatoire sans pour autant prévoir les conditions d’accueil alternatives pour les patients – a engendré, en 2023, des délais d’attente, pour la moitié des CMP, entre un à quatre mois pour les adultes et jusqu’à un an pour les enfants.

La prévention est un aspect important de la question, que ce rapport traite bien en rappelant que l’urgence est par nature le signe que quelque chose n’a pas été détecté à temps. Dans ce cadre, je souhaiterais entendre davantage les rapporteures sur leur quinzième proposition, visant à renforcer les moyens de la médecine scolaire et à réinterroger le rattachement de la médecine scolaire au ministère de l’éducation nationale.

Enfin, si la question des moyens est primordiale, la question des pratiques psychiatriques est tout aussi cruciale. Le collectif Printemps de la psychiatrie est à cet égard plein d’enseignements.

La financiarisation de la santé et la mise en place de la tarification à l’activité ont perverti une certaine pratique en mettant en cause le travail non comptable, non facturable, qui est celui du temps de la relation, de la parole et de l’échange avec le patient.

L’usage excessif de la contention et de l’isolement, la surprescription de médicaments ainsi que le manque de temps avec la famille du patient sont autant de signaux d’un dysfonctionnement et d’une régression majeure de la pratique du soin.

Cette dégradation de la pratique psychiatrique crée une défection chez les étudiants – 67 postes d’interne sont restés vacants en 2023 – et chez les soignants, qui délaissent l’hôpital public pour l’exercice libéral ou en clinique privée.

Il est donc nécessaire de redonner les moyens à la psychiatrie, à l’hôpital public et au CMP pour que les soignants puissent exercer de nouveau avec dignité et humanité. Ceci est bien d’abord un choix politique, celui d’inscrire la prise en charge psychiatrique dans une politique de santé publique plus large de prévention et d’intervention coordonnées.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. La question du secteur privé nous a traversées au moment de l’écriture du rapport. Toutefois, nous sommes confrontés à une telle situation qu’une solution immédiate est le partage de la charge entre le privé et le public. Pour autant, ce n’est pas une solution viable à moyen et long termes.

Nous proposons donc la revalorisation des métiers et un audit des conditions de travail. Lors de nos visites, nous avons constaté une grande souffrance personnelle chez les psychiatres et les soignants, qui perdent le sens de leur travail car, faute de moyens, ils recourent à la contention ou à l’administration de substances chimiques, ce qui ne leur permet pas de déployer leurs compétences, leur talent et l’éthique de leur métier. Des soignants, et particulièrement des infirmiers, nous ont dit concentrer leurs heures de travail en début de semaine afin d’avoir le plus de temps possible en dehors du service, tant la charge est lourde lorsqu’ils travaillent.

Concernant les urgences pour les femmes, il existe en effet un sujet. La question des violences sexistes et sexuelles ainsi que celle des psychotraumas ont été évoquées lors de nos auditions. Je tiens à souligner que l’éco‑anxiété a également été mentionnée, de même qu’une inquiétude générale concernant la place des jeunes dans notre société.

Comparativement aux données relatives aux jeunes femmes, les chiffres sont un peu moins impressionnants concernant les jeunes hommes mais ils sont tout de même très forts, avec une augmentation de 300 % des hospitalisations.

La toxicologie et les addictions constituent également un critère augmentant le risque d’admission aux urgences et font partie des propositions de notre rapport.

Un autre sujet est relatif aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et à la prise en charge des personnes âgées, qui sont mal appréhendés par les soins.

Trois champs, liés à la médecine scolaire, aux enfants placés auprès de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et aux mineurs isolés, sont en déshérence totale et constituent donc des sujets extrêmement importants. Il manque un médecin scolaire sur deux et les psychologues de l’éducation nationale ont été réorientés vers l’orientation professionnelle au détriment de la santé mentale des jeunes. Une révolution de l’approche de la santé mentale des enfants est nécessaire car nous ne sommes pas à la hauteur. Un pays qui ne prend pas soin de ses enfants et qui les met en danger à ce point est un pays qui va très mal.

Par ailleurs, il existe en effet un sujet concernant la justice et l’irresponsabilité pénale. Les psychiatres que nous avons rencontrés en milieu carcéral estiment qu’une partie des personnes emprisonnées relève en réalité de l’irresponsabilité pénale, ce qui est assez mal appréhendé dans une politique où, sans intelligence et subtilité, nous allons vers le « tout carcéral ». Une partie des personnes incarcérées relèvent davantage du soin que de l’incarcération.

Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Concernant le secteur privé, il faut tout de même distinguer le secteur privé non lucratif du privé lucratif. Ce dernier n’accueille pas la même population puisqu’il ne prend pas en charge les patients les plus lourds, se concentrant plutôt sur des cas comme les syndromes dépressifs nécessitant une hospitalisation « plus facile ».

Nous avons constaté une inégalité territoriale très importante dans la répartition des psychiatres et des dispositifs de soins. Nous avons pu repérer des secteurs où l’offre psychiatrique fonctionne plutôt bien. Notre idée n’était pas de révolutionner le système mais plutôt d’utiliser les dispositifs existants – nombreux et pas toujours lisibles – pour faire du repérage tout au long du parcours et orienter les personnes dans la bonne direction – psychologue, psychiatre ou hospitalisation. Les CMP sont nombreux, certains fonctionnent bien mais d’autres pourraient être regroupés avec les équipes mobiles ou avec des dispositifs existants pour élargir les possibilités d’accueil. Ces centres, dont les horaires sont restreints, pourraient également ouvrir le samedi matin ou durant les vacances scolaires, de manière à accueillir plus de patients, en amont mais aussi en aval. Nous manquons de coordination entre les différents secteurs pour ce chemin qui se fait un peu en silo. Ce point montre l’intérêt de développer des dispositifs qui existent déjà sans en créer de nouveaux.

Les médecins généralistes représentent également une voie d’entrée vers le soin des troubles psychiques ou psychiatriques. Alors que la santé mentale concerne 30 % de leur patientèle, nous remarquons de grandes difficultés dans la prise en charge par rapport à la formation et à la prescription. Nous avons vu des secteurs où les médecins généralistes peuvent disposer d’un contact téléphonique direct avec un psychiatre afin d’adapter leurs prescriptions.

Un rapport du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge au sujet des prescriptions de psychotropes chez les jeunes et de leurs effets secondaires sera publié en janvier.

Les infirmiers qui exercent dans le milieu de la psychiatrie demandent souvent à bénéficier d’un module complémentaire de formation car le tutorat avec les anciens infirmiers issus de la psychiatrie n’existe plus. De plus, les soignants souhaitent la présence d’IPA et de davantage de psychiatres. Enfin, des exercices différenciés entre les horaires en huit, dix ou douze heures sont demandés par les soignants afin d’accepter plus facilement la charge de travail, de même que l’harmonisation des primes, la hausse des salaires mais aussi des évolutions de carrière dans ces secteurs.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Yannick Neuder, rapporteur général. Je remercie les rapporteures qui, à travers ce rapport, donnent la feuille de route pragmatique de cette santé mentale comme grande cause nationale pour 2025. Le parcours semble maintenant tracé, avec un plan d’action et une stratégie. Je crois que nous serons tous derrière vous pour que vous puissiez continuer à faire vivre cet événement au-delà du rapport, dès les premiers mois de l’année 2025, notamment avec un colloque ou cette proposition de loi transpartisane, qui pourrait être une émanation de la commission.

De plus, nous aurons possiblement l’occasion de retravailler un PLFSS 2025. Comme pour ce qui avait été fait sur les soins palliatifs, nous pourrions justement y mettre les moyens car, au-delà de l’organisation et de la stratégie, ce sujet nécessitera des financements et plusieurs budgets. Une vision pluriannuelle est indispensable. En outre, pour certains sujets qui nous paraissent particulièrement importants, rien ne nous empêche, au sein de la commission, d’avoir cette vision transpartisane.

N’oublions pas les psychologues, dont nous avons favorisé l’accès direct lors du précédent PLFSS, ni de faire la distinction avec les IPA.

Nous devons également évoquer les réseaux sociaux, notamment TikTok. Plusieurs parents ont porté plainte car ils accusent l’application TikTok d’avoir montré à leurs filles des tutoriels de suicide. Cette explosion des chiffres chez les plus jeunes est importante.

Enfin, il ne faut surtout pas oublier le territoire. Reproduisons pour les soins psychiatriques ce que nous avons su faire pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, avec la création de numéros d’urgence réservés aux professionnels pour ces parcours complexes. Je crois que la création d’un tel dispositif aidera les acteurs de territoire et du quotidien.

M. Thibault Bazin (DR). Je remercie les rapporteures pour le travail de leur mission d’information sur la prise en charge des urgences psychiatriques, qui arrive au bon moment, à la veille de cette année 2025 dédiée à la santé mentale, comme l’a souhaité Michel Barnier.

Les détresses pouvant aller jusqu’au suicide nous questionnent et interpellent notre société. Aurions-nous pu l’éviter ? Un autre accompagnement aurait-il pu l’éviter ?

Les évolutions semblent avoir accru dans notre pays ces situations de mal-être. Nous devons y répondre et votre rapport nous permet de mieux appréhender ce défi.

Votre dix-neuvième recommandation invite à une augmentation des effectifs, en formation initiale notamment. Or des places d’interne en psychiatrie restent déjà vacantes. Dans quelle mesure votre vingtième recommandation, à savoir le renforcement de l’attractivité des métiers de la psychiatrie, pourrait-elle contribuer à y pourvoir ?

Par ailleurs, votre seizième recommandation appelle à garantir une offre de soins pédopsychiatriques homogène et adaptée aux besoins sur tout le territoire. L’objectif peut faire consensus mais la question cruciale est davantage de savoir comment le permettre concrètement. Les soins pédopsychiatriques supposent des hyperspécialisations, souvent concentrées dans les hypercentres des métropoles. Avez-vous appréhendé la question du parcours de soins pour ces plus jeunes, notamment pour ces plus jeunes filles, permettant cet accès visé ? Dans quelle mesure le maillage des CMP et des centres médico-psycho-pédagogiques pourrait-il évoluer ?

Ce qui m’intéresse est d’aller au-delà des recommandations, qui peuvent peut-être faire consensus. Comment y répondre demain ? Je ne suis pas sûr qu’il s’agit seulement de moyens financiers, mais également d’une question d’organisation et de parcours. Derrière la promesse républicaine de pouvoir éviter les plus malheureux des actes sur l’ensemble de notre territoire, il faut que nous puissions trouver des solutions pragmatiques et efficientes.

Mme Justine Gruet (DR). Je me joins tout d’abord aux remerciements adressés aux rapporteures pour la qualité de leur travail sur ce sujet essentiel.

Tout d’abord, une question importante est la structuration d’une vraie filière de prise en charge en santé mentale. Je tiens à saluer le travail de grande qualité des psychologues, des psychiatres et de tous les professionnels, qui s’engagent souvent par vocation dans ce secteur.

En amont, je tenais à saluer l’excellent travail de la maison des adolescents de Dôle, qui accueille sans rendez-vous et de façon très lisible les jeunes, en dehors d’institutions et d’établissements très marqués « psychiatrie ».

Nous devons nous appuyer de manière plus forte sur le lien de confiance qui peut exister avec les médecins généralistes en premier accès et en première ligne.

Ma circonscription compte une très belle unité d’urgences psychiatriques.

En aval également, les appartements passerelles, qui peuvent être portés par les centres hospitaliers spécialisés, sont à considérer.

Nous manquons de professionnels et il faut repenser toute la filière et la structuration de la prise en charge de la santé mentale.

Nous avons débattu, au sein de la commission des affaires culturelles, du rôle délétère des réseaux sociaux. Nos jeunes sont en pleine construction de leur personnalité et de leur maturité cérébrale. Or je pense que ces réseaux sociaux engendrent chez eux une difficulté d’appréhension des relations humaines.

Par ailleurs, le conventionnement du dispositif MonPsy&Moi ne tient pas suffisamment compte de la valeur ajoutée des psychologues et de leur manière de travailler. Ce dispositif est une usine à gaz qui exclut des professionnels de qualité et ne garantit pas un accès suffisant à ces dispositifs.

Nous aurons besoin de tous les professionnels de santé pour accompagner notre société mais nous avons aussi besoin que tous les Français reconstruisent une société qui prend soin des autres et accompagne chacun dans les difficultés qui peuvent être traversées. Inspirons-nous des territoires pour proposer des solutions pragmatiques.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je remercie les rapporteures pour ce travail. Nous partageons les constats sur l’inquiétante augmentation des troubles psychiques, les défaillances systémiques dans l’organisation des soins psychiatriques et l’inéquation entre l’offre et la demande.

Dans vos recommandations, vous préconisez de renforcer l’offre de soins de premier niveau pour une prise en charge précoce et homogène afin de prévenir les urgences psychiatriques.

Vous proposez également de mieux outiller les médecins généralistes et de renforcer les moyens des CMP. Dans le Rhône, certains professionnels de santé contractualisent effectivement avec les hôpitaux locaux psychiatriques via les communautés professionnelles territoriales de santé, afin de fluidifier le parcours entre la vie et l’hôpital. Pensez‑vous que cette coordination soit un outil ? En outre, comment le renforcer et le généraliser ?

Par ailleurs, vous soulignez la très forte augmentation des hospitalisations liées aux gestes auto-infligés chez les jeunes, dès le plus jeune âge. Ces chiffres sont préoccupants. Vous n’insistez pas suffisamment, dans votre rapport, sur la prévention et le dépistage précoce, alors qu’il s’agit des outils qui, seuls, permettront d’améliorer la santé psychique et physique de nos concitoyens et de réduire la pression sur nos structures d’urgence et de soins.

Si je soutiens votre proposition de renforcer sensiblement les moyens de la médecine scolaire et d’associer les établissements scolaires à une politique de prévention, je pense que tous les acteurs – écoles, collectivités, associations, entreprises, familles – doivent être mobilisés.

À ce titre, j’ai lancé avec le professeur Franck Chauvin, en Auvergne-Rhône-Alpes, une expérimentation pour améliorer les actions de promotion de la santé auprès des enfants, en produisant des environnements promoteurs de leur santé afin d’améliorer leur santé mentale, leur hygiène de vie et le respect de l’autre. Les résultats sont probants pour des coûts peu élevés. Il s’agit en Europe de la plus grande expérimentation scientifique, évaluée et duplicable, et notamment pour la santé mentale. Je plaide pour qu’elle soit généralisée sur l’ensemble des territoires métropolitains et ultramarins, un peu oubliés.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je remercie nos deux collègues pour ce rapport extrêmement intéressant et riche en données. Ce document servira à toutes et tous pour réaliser un très bon travail parlementaire.

Tout d’abord, il est évidemment extrêmement instructif de disposer de données liées au genre, qui n’est pas toujours traité. Avez-vous aussi des données sur les catégories socioprofessionnelles concernées par les différents types de pathologies, avec une lecture un peu territoriale ?

Ensuite, le rapport montre de manière extrêmement instructive à quel point le secteur de la psychiatrie, qui a été créé, est un marché capitaliste, avec son taux de profit. Le nombre de lits dans le public a été divisé par trois depuis les années 1980, tandis qu’une logique rigoureusement inverse était poursuivie dans le privé. Une politique de mise en place d’un marché privé lucratif et capitaliste des soins psychiatriques a donc été délibérément menée.

Dès lors, nous pouvons non seulement condamner moralement ce marché mais nous pouvons également constater qu’il est en crise. Je rappelle qu’aussi bien Clinea du groupe Emeis que Ramsay voient leur cours chuter en bourse, ce qui montre que leur modèle est économiquement inopérationnel et qu’ils sont mauvais, même en faisant du capitalisme. Dès lors, que pensez-vous de la question du transfert des propriétés ? Ne faudrait-il pas se poser la question d’élargir le secteur public, de racheter des cliniques privées et d’éventuellement les nationaliser ? Ces actions nous permettraient de n’être plus uniquement dans une perspective de régulation de l’action du privé mais de prise de contrôle, dans la mesure où les activités de ces cliniques fonctionnent mal et produisent des maltraitances.

M. Fabien Di Filippo (DR). Je remercie les rapporteures.

Je suis encore un peu sous le choc de cette proposition qui vient d’être formulée de nationaliser les cliniques. Vous avez effectué tout ce travail, mesdames, pour en arriver à une proposition de nationalisation des cliniques. J’espère que vous en êtes aussi chagrinées que moi.

Vous pointez à juste titre la baisse du nombre de pédopsychiatres et la démographie médicale. Nous devons être collectivement très vigilants à la baisse de la natalité et de la démographie dans notre pays ainsi qu’à une certaine vision de l’enfant et de la famille, qui serait parfois véhiculée dans nos sociétés. Je me tourne particulièrement vers Sandrine Rousseau.

J’axerais mon propos sur la prévention. Vous parlez de l’éco‑anxiété comme d’un fardeau très lourd à porter pour notre jeunesse. Il faudrait peut-être, dans les cours, remettre un maximum de rationalité sur ce sujet. Je vois des facteurs bien plus importants, à savoir la déstructuration des familles et, plus encore, l’augmentation de la consommation de stupéfiants chez les jeunes, de plus en plus tôt. Un jeune sur quatre a fumé du cannabis avant l’âge de 16 ans et 13 % des jeunes en fument tous les mois. Or nous connaissons tous les effets neurologiques et la dérive vers des addictions dures. Le corollaire de cette étude sur les urgences pédopsychiatriques est aussi un travail de prévention sur les drogues et cette non‑tolérance absolue qu’on doit avoir à l’égard de tous les stupéfiants, y compris ceux qui ne sont pas encore interdits comme le protoxyde d’azote, dont on commence à voir les ravages parmi la jeunesse.

L’autre sujet est la charge mentale représentée par les réseaux sociaux. À l’échelle d’une vie d’un adolescent, on a l’impression que ces réseaux sociaux constituent l’alpha et l’oméga d’une réputation, qui va les suivre toute leur vie. L’Australie a des politiques d’interdiction très agressives par rapport aux dérives sur les réseaux sociaux. Un jeune sur les réseaux sociaux est exposé à toutes sortes de dérives desquelles, heureusement, notre génération a été un peu préservée. Ne pensez-vous pas que ces éléments sont des axes majeurs de prévention, avant d’avoir des lubies un peu « écotopistes » ?

M. Serge Muller (RN). Je vous remercie, mesdames les rapporteures, pour la qualité de vos travaux. Votre rapport met en évidence des défaillances structurelles et organisationnelles majeures dans la prise en charge des urgences psychiatriques, notamment la saturation des services, le manque de lits disponibles et une pénurie alarmante de professionnels.

Ce que je trouve particulièrement préoccupant est l’impact direct des choix politiques récents, notamment lors de la pandémie de covid-19, sur l’aggravation de ces problèmes. Le rapport souligne l’effet négatif de la pandémie sur la santé mentale des Français mais il évoque peu la manière dont les politiques sanitaires mises en œuvre ont pu aggraver cette situation. Pensez-vous que certaines mesures, comme le confinement prolongé, la fermeture des écoles ou le manque de soutien psychologique immédiat, ont contribué à cette détérioration ? Si la réponse est positive, cela nous conduit à un autre constat inquiétant. Les professionnels de la psychiatrie, déjà en tension avant la crise, ont-ils été insuffisamment consultés ou même écartés lors des décisions stratégiques ?

Par ailleurs, alors que la pandémie a amplifié les besoins en psychiatrie, le rapport met en lumière un manque criant d’attractivité dans ce secteur. Les mauvaises conditions de travail, les rémunérations insuffisantes et la stigmatisation du métier dissuadent de nouveaux praticiens et paramédicaux de s’engager. Dans ce contexte, quelles recommandations concrètes peuvent être mises en œuvre rapidement pour valoriser ces métiers et garantir que les professionnels de la psychiatrie soient mieux intégrés au processus décisionnel ? Cela permettrait non seulement de répondre à l’urgence actuelle, mais aussi de prévenir une crise similaire à l’avenir.

M. Arnaud Simion (SOC). Je remercie sincèrement les rapporteures pour le travail d’ampleur qu’elles ont fourni.

L’Observatoire national de la protection d’enfance indique que plus de 20 % de nos enfants protégés sont notifiés. La question de la santé mentale est bien évidemment au cœur de ces handicaps. La loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a intégré des éléments sur le parcours sanitaire de jeunes confiés, mais on sait que les départements sont en difficulté financière. Ces questions ne relèvent pas de leurs compétences.

En outre, l’attente d’un rendez-vous dans un CMP peut aller jusqu’à un an. Vous avez indiqué que le travail continuait, ce dont je me réjouis. Sur la base de la dix-septième recommandation, avez-vous l’intention de vous rapprocher d’Isabelle Santiago, rapporteure de la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de l’ASE, pour évoquer justement ces sujets ? Vous rapprocher des commissaires de cette commission d’enquête aurait du sens.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je salue à mon tour le travail réalisé.

Il est vrai que les urgences sont en crise, de même que la psychiatrie. Les urgences psychiatriques sont donc confrontées à une sorte de double crise. Vous montrez de manière assez édifiante, par la porte d’entrée des urgences, la réalité de la faillite dans laquelle se trouve la psychiatrie publique, et pas seulement dans notre pays.

Je voudrais insister, concernant la sixième recommandation, relative aux personnes les plus vulnérables, sur la question de la gérontopsychiatrie et de l’accompagnement des personnes âgées confrontées à des décompensations psychiatriques parfois importantes. C’est un tabou invisibilisé mais la prévalence du suicide chez les personnes âgées est plus importante que la prévalence du suicide chez les jeunes. Plus de 3 000 personnes âgées mettent fin à leur jour chaque année. Se pose la question de la politique d’accueil dans les urgences. Or le rapport indique que ces services ne sont pas faits pour cela. Même si toutes les personnes âgées ne sont pas en Ehpad, je voudrais attirer collectivement notre attention sur la nécessité de systématiser la relation entre ces établissements et les secteurs de psychiatrie ainsi que le déploiement et les conventions entre ces établissements et les équipes mobiles de gérontopsychiatrie, qui existent depuis 2007 mais dont le niveau de déploiement demeure insuffisant. Enfin, nous ne devons pas oublier les personnes âgées à domicile, pour lesquelles le phénomène d’isolement est amplifié.

Mme Chantal Jourdan (SOC). À mon tour, je veux vraiment remercier les rapporteures pour leur travail et leurs propositions.

Vous posez le principe que les urgences psychiatriques seraient évitées si nous disposions de suffisamment de ressources en amont et si l’accès aux soins était mieux organisé, en appelant les nombreux secteurs – médico-social, éducation nationale ou encore ASE – à agir sur la question de la santé mentale de façon globale. Pour une meilleure coordination, pensez-vous qu’un délégué interministériel sur les questions de la santé mentale favoriserait une vision pluridisciplinaire et permettrait d’améliorer les parcours ?

Vous évoquez régulièrement des situations de violences assez terribles. Vous avez mentionné quelques fois l’intervention d’équipes de liaison mais ces dernières ne semblent pas développées partout. Pensez-vous que ces équipes de liaison pourraient faciliter l’accueil, prévenir les situations de violences et permettre de mieux organiser le suivi ?

Mme Christine Le Nabour (EPR). Je remercie les rapporteures pour leurs travaux et ce rapport, qui se veut une contribution à la mise en œuvre d’une politique ambitieuse adaptée aux besoins psychiatriques et de santé mentale.

L’organisation des parcours de prise en charge en psychiatrie dépend aussi des politiques de prévention, du repérage des situations de souffrance psychique et de l’organisation des suivis psychologiques. Il faut donc améliorer la réponse de premier niveau de la souffrance psychique et la mobilisation collective.

Vous évoquez les établissements scolaires. Je peux témoigner, en tant que présidente d’une mission locale portant un point accueil et écoute jeunes (PAEJ), que nous sommes de plus en plus sollicités par les établissements scolaires, publics comme privés, qui lancent de véritables appels à l’aide. Aujourd’hui, nous n’avons que deux équivalents temps plein de psychologues et les délais de rendez-vous s’allongent. Il s’agit donc vraiment d’une urgence.

Par ailleurs, vous n’évoquez pas les bureaux d’aide psychologique des universités, ni l’association Nightline, qui fait un très bon travail depuis la crise sanitaire, ni les maisons des adolescents et les PAEJ, censés travailler ensemble. Je voulais savoir si vous les avez consultés et, si c’est le cas, si des recommandations ont été formulées, en particulier sur le maillage territorial et la coordination des acteurs sur les territoires. Je pense en effet que la solution la plus importante est ce maillage territorial et cette coordination des acteurs.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Je vous remercie pour la pertinence de vos questions.

En entrant par les urgences, nous avons pu observer l’amont et l’aval et, ainsi, appréhender l’ensemble du secteur.

Je crois en effet à la nécessité d’une loi transpartisane. Nous l’avions évoquée lors des débats sur le PLFSS. Nous avions relevé le fait qu’il n’y avait pas de point d’accroche en PLFSS et que nos amendements avaient été jugés cavaliers.

Notre rapport aborde abondamment la revalorisation et le développement des IPA en psychiatrie. Quant aux psychologues, nous n’avons pas évoqué le dispositif Mon parcours psy mais nous avons recueilli des avis très divergents sur le sujet.

Les réseaux sociaux posent effectivement des problèmes essentiels, notamment en termes de harcèlement en ligne, de risque de visionnage de tutoriels incitant au suicide mais aussi de diktats corporels pour les jeunes femmes. Il faudra, à un moment, s’interroger sur la place des réseaux sociaux dans nos démocraties et se demander à quel point ils déstabilisent complètement nos sociétés. Ce sujet dépasse le cadre de notre mission d’information mais je me permets de le soulever.

Les maisons des adolescents ne sont pas présentes sur tout le territoire mais elles constituent un point d’entrée très intéressant, notamment pour la souffrance des jeunes. Je suis donc favorable au fait de le développer dans la loi transpartisane.

Les appartements passerelles sont un dispositif tampon crucial entre l’hospitalisation et le retour à domicile. Ainsi, leur disparition progressive constitue un sujet de préoccupation.

Nous manquons cruellement d’une culture de la prévention précoce. Dans le secteur de l’enfance, l’éducation nationale, la situation des mineurs isolés et celle des enfants placés montrent à quel point nous manquons de cette culture de la prévention effectuée très précocement dans l’apparition du mal-être psychique. Notons qu’il n’y a pas non plus de campagnes de dépistage.

Les services universitaires de santé mentale sont extrêmement sous-dimensionnés. Les universités ont été aidées pendant et après la crise liée à la pandémie de covid‑19 mais je pense qu’il existe un manque de prise de conscience de ce sujet par les directions d’universités.

La périnatalité reste l’un des points aveugles du système de soins actuel, malgré quelques prises en charge existantes. Cette période constitue pourtant un moment de vulnérabilité importante.

Je ne partagerai pas l’idée selon laquelle l’affaiblissement du modèle « un papa, une maman » nous conduira dans le mur mais, en revanche, je pense qu’il est nécessaire d’accompagner les mutations sociales. Sur les réseaux sociaux, la façon dont ce conflit de société est instrumentalisé est un autre sujet.

Par ailleurs, nous devons impérativement prendre contact avec la commission d’enquête sur les dysfonctionnements de l’ASE. La mission d’information a révélé un effondrement de l’ASE, avec des personnels non formés amenant des enfants en crise aux urgences et des situations extrêmement graves.

La gérontopsychiatrie représente également un très grand point aveugle. Les personnes âgées sont les plus éloignées des soins en raison de leur isolement, de leurs difficultés à se rendre dans les CMP et de la très mauvaise détection des troubles psychiatriques chez cette population. Au-delà de la question des soins palliatifs, la question de la gérontopsychiatrie doit vraiment être développée dans une loi sur la fin de vie, dont je suis partisane, afin qu’il n’y ait pas de confusion dans ce grand âge.

Enfin, plutôt qu’un délégué interministériel, l’ampleur du problème nécessite la création d’un secrétariat d’État à la santé psychique.

Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Je souligne que l’actuel délégué ministériel a accompli un travail important, avec la rédaction d’une feuille de route, mais que son action est peu connue et mise en avant.

Concernant les places vacantes en pédopsychiatrie, nous observons un très léger frémissement dans les inscriptions pendant la formation. Il n’y aura évidemment pas de pédopsychiatres partout. L’intérêt est de pouvoir établir des contacts. Dans mon département, la présence de pédopsychiatres est centralisée dans la ville principale et le conseil a lieu par téléphone ou par l’accueil des jeunes. Lorsqu’un dépistage, un repérage et une orientation ont été réalisés, la prise en charge est mieux ciblée. Il manque cruellement des unités de courte durée pour les 13-18 ans, qui sont actuellement hospitalisés en pédiatrie ou dans des services pour adultes. Ces unités seraient nécessaires pour faire le point et mettre en place un suivi après l’hospitalisation.

Concernant la perspective de nationalisations, mon expérience dans le secteur hospitalier m’a montré l’importance des partenariats avec des services privés. L’objectif n’est pas de tout concentrer au même endroit mais d’établir des conventions avec des services privés, pour qu’ils accueillent davantage de patients dans des conditions différentes, ainsi qu’avec les représentants des médecins et spécialistes libéraux, qui constituent aussi des partenaires dans le circuit en amont ou en aval.

Nous évoquons dans le rapport le temps partagé des médecins sur différents sites, en intrahospitalier ou public-privé. Je suis aussi une fervente défenseure du partage des astreintes, qui reposent sur les psychiatres publics qui n’en peuvent plus et que cela dégoûte du métier alors que des soignants pourraient participer davantage à l’accueil des patients, notamment dans la période d’urgence.

Par ailleurs, certains services sont exempts de violences grâce à un personnel suffisant, formé et suivant des protocoles adaptés. À l’inverse, d’autres services connaissent de la violence et de la contention massive, durable et inacceptable car le personnel y est en sous-effectif et insuffisamment formé. Il est possible de prévenir ces situations, de même que la violence entre les patients et envers les soignants – qui paient un lourd tribut et encaissent car toutes les violences ne sont pas déclarées –, mais ce sujet nécessite une prise de conscience.

Des services et des dispositifs ont été déployés grâce à l’énergie et à la perspicacité de personnalités fortes du secteur de la psychiatrie. Ces prises en charge tiennent grâce au dynamisme de deux ou trois personnes qui entraînent leurs équipes. Toutefois, nous savons qu’en cas de départ de ces personnes, la transmission ne sera pas facile et nous risquerons de perdre tout ce bénéfice. Nous devons donc être vigilants à l’installation, la durabilité et la transmission de ces équipes, composées de personnels valeureux et compétents, dont il faut maintenir les dispositifs.

Des améliorations sont à réaliser concernant l’aide apportée aux familles confrontées à des troubles psychiatriques lourds. Des groupes de paroles et des temps de répit doivent être proposés pour que la situation de ces familles soit supportable à long terme.

Enfin, je tiens à remercier tous les soignants, qui nous ont accueillis avec beaucoup de plaisir, ont exprimé de grandes attentes et espèrent des actions rapides pour éviter de nouvelles difficultés, des accidents graves, des départs de soignants par manque d’attractivité du secteur ou des pertes de chance pour les patients. Je remercie tous ceux qui œuvrent au quotidien.

M. le président Frédéric Valletoux. Je vous remercie pour la qualité de ce travail, unanimement saluée par les orateurs. Je remercie également les administrateurs pour ce travail de fond qui sera un point de départ pour des réflexions futures. Il y a un réel enthousiasme collectif pour s’emparer de vos propositions, les travailler et engendrer une poursuite de ces travaux.

En application de l’article 145, alinéa 7, du Règlement, la commission autorise la publication du rapport de la mission d’information.

M. le président Frédéric Valletoux. La publication de ce rapport est importante car ces travaux crédibilisent notre activité et démontrent que nous faisons œuvre utile – et transpartisane – en faveur de la réflexion collective.

 


   ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURES

(Par ordre chronologique)

  Inspection générale des affaires sociales (Igas)  Dr Julien Emmanuelli, inspecteur général des affaires sociales, M. Alain Lopez, inspecteur général honoraire des affaires sociales, et Mme Gaëlle Turan-Pelletier, inspectrice des affaires sociales

  Table ronde

– Mme Magali Coldefy, docteure en géographie, chercheuse associée à l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes)

– Mme Lise Demailly, sociologue, professeure des universités à l’université de Lille

– M. Alain Ehrenberg, sociologue, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

– Mme Coralie Gandré, docteure en santé publique, maîtresse de recherche à l’Irdes

  Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) – M. Benoît Ourliac, sous-directeur de l’observation de la santé et de l’assurance maladie, et M. Jean-Baptiste Hazo, chargé d’étude sur la santé mentale

     Santé publique France – M. Michel Vernay, directeur des maladies non transmissibles et traumatismes, M. François Beck, directeur de la prévention et de la promotion de la santé, et Mme Alima Marie-Malikité, directrice de cabinet

     Haute Autorité de santé (HAS)  Mme Anne Chevrier, cheffe du service certification des établissements de santé

  Table ronde

– Union nationale des familles et amis de malades et ou handicapés psychiques (Unafam) – Mme Marie-Jeanne Richard, présidente

– Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (Fnapsy) – Mme Claude Finkelstein, présidente

  Table ronde

– Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH)  Dr Marie-José Cortés, présidente, et Dr Jean-Pierre Salvarelli, vice-président

– Syndicat national des psychologues (SNP) – M. Florent Simon, secrétaire général, et Mme Nadia Souakir, membre du bureau national

– Association des psychiatres infanto-juvéniles du secteur sanitaire et médico-social (API)  Dr Jérôme Pradère, vice-président, et Dr Claudine Desobry, vice-présidente

– Comité d’études des formations infirmières et des pratiques en psychiatrie (Cefipsy) – Mme Annick Perrin Niquet, présidente

– Association française des unités pour malades difficiles (AFUMD) – Dr Olivier Tellier, président

  Table ronde

– Fédération hospitalière de France (FHF)*  Mme Zaynab Riet, déléguée générale, M. Aurélien Sourdille, responsable adjoint du pôle offres, et Dr Sylvie Péron, présidente de la commission médicale d’établissement au centre hospitalier (CH) Henri Laborit (Poitiers)

– Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés et solidaires (Fehap)* – M. Arnaud Joan-Grange, directeur de l’offre de soins et des parcours de santé

– Association des établissements participant au service public de santé mentale (AdESM)  MPiero Chierici, directeur de la politique générale au CH Le Vinatier (Bron), et M. François-Jérôme Aubert, directeur du CH Esquirol (Limoges)

– Fédération de l’hospitalisation privée (FHP)*  Mme Christine Schibler, déléguée générale, Mme Béatrice Noëllec, directrice des relations institutionnelles et MMarc Laidet, président de la FHP-Psy

– Conférence nationale des présidents de commission médicale d’établissement (CME) des centres hospitaliers spécialisés (CHS) en psychiatrie – Dr François Appavoupoullé, membre du bureau, président de la CME de l’établissement public de santé mentale de La Réunion (Saint-Paul)

 Conseil économique, social et environnemental (Cese)  Mme Anne Gautier et M. Alain Dru, rapporteurs de l’avis « Améliorer le parcours de soin en psychiatrie », adopté le 24 mars 2021

 Agence régionale de santé (ARS) Île-de-France – Mme Amélie Verdier, directrice générale et présidente du collège des directeurs généraux d’ARS

  Table ronde

 Association francophone pour l’étude et la recherche sur les urgences psychiatriques (Aferup)  Pr Emmanuel Poulet, président, Dr David Travers et Dr Chantal Bergey, membres du conseil d’administration

 Collège national des universitaires de psychiatrie (Cnup), Pr Vincent Laprévote, membre du conseil d’administration

  Table ronde

 Conseil national de l’Ordre des médecins*  Dr Anne-Marie Trarieux, psychiatre, présidente de la section éthique et déontologie

 Conseil national de l’Ordre des infirmiers  M. Patrick Chamboredon, président, et M. Fréderic Vezinhet, président du conseil régional de l’ordre des Hauts-de-France

 Conseil national de l’Ordre des sages-femmes*  Mme Marianne BenoitTruong Cahn, secrétaire générale, et M. David Meyer, chef de cabinet

  Table ronde

 Dr Sarah Smadja, psychiatre, cheffe de service à l’hôpital Sainte-Anne, co-autrice d’En finir avec les idées fausses sur la psychiatrie et la santé mentale (L’Atelier, 2022)

 Dr Mathieu Bellahsen, psychiatre, auteur d’Abolir la contention (Libertalia, 2023)

 Dr Fayçal Mouaffak, psychiatre, auteur de Journal d’un psychiatre de combat en Seine-Saint-Denis (Fayard, 2024)

  Table ronde

 Samu social  Dr Marion Descamps, responsable des lits d’accueil médicalisé du Samu social de Paris, et Dr Valérie Thomas, directrice médicale

 Association Utopia 56* – M. Angelo Fiore, chargé de plaidoyer Mineurs non accompagnés, et Mme Charlotte Kwantes, coordinatrice nationale

 Comité pour la santé des exilés (Comede)  Mme Maila Marseglia, psychiatre, coordinatrice nationale du pôle Santé mentale

 Médecins du monde* – Dr Françoise Labes, psychiatre, cadre bénévole du programme « Veille sanitaire migrants & permanence psy »

  Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam)  M. Dominique Martin, médecin-conseil national, Mme Marie Gourain, responsable du département de l’hospitalisation et Mme Véronika Levendof, en charge des relations avec le Parlement

  Pr Philippe Duverger, chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au centre hospitalier universitaire (CHU) d’Angers

  Centre hospitalier Sainte-Marie de Rodez  Mme Magali Brougnounesque, directrice, Mme Anne Maron-Simonet, directrice adjointe en charge des opérations sanitaires, et Dr Gérard Rohmer, médecin chef de l’UADO-Centre de crise

  CGT du groupement hospitalier de territoire (GHT) de psychiatrie du Nord  Mme Paule Bensaid, infirmière animatrice du collectif régional de psychiatrie CGT

  Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap)  M. Stéphane Pardoux, directeur général, et M. Valentin Simon, directeur du pôle Performance des prises en charge et parcours sanitaires

  Contrôleure générale des lieux de privation de liberté  Mme Dominique Simonnot, contrôleure générale, et M. André Ferragne, secrétaire général

  Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih) – M. Housseyni Holla, directeur général, Mme Véronique Sauvadet, cheffe du service financement et analyses économiques, Dr Joëlle Dubois, cheffe du service Classification, information médicale et modèle de financement, et Dr Fabien Joubert, service Classification, information médicale et modèle de financement

  Collectif Printemps de la psychiatrie  M. Serge Klopp, cadre infirmier en psychiatrie Adulte, et Dr Sandrine Deloche, médecin pédopsychiatre praticien hospitalier

  Table ronde

 Confédération générale du travail (CGT) – Mme Jocelyne Gout, pilote de la commission nationale de psychiatrie, et Mme Sylvie Bardies, secrétaire fédérale

 Fédération Force ouvrière (FO)  M. Emmanuel Tinnes, secrétaire fédéral des personnels des services publics et de santé

 Confédération française démocratique du travail (CFDT) – Mme Évelyne Rescanière, secrétaire générale

 SUD Santé sociaux  Mme Yasmina Annouche - Portal, secrétaire fédérale, M. Etienne Charenton, infirmier, et M. Ramon Vila, secrétaire général

 Unsa Santé sociaux public et privé – M. Sylvain Michel, conseiller technique en charge du secteur psychiatrique

  Table ronde

 Intersyndicale nationale des internes (Isni) – M. Guillaume Bailly, président

 Fédération nationale des étudiant·e·s en sciences infirmières (Fnesi) – Mme Pauline Bourdin, présidente, et Mme Marie Richetin, vice‑présidente en charge des perspectives professionnelles

 Association des jeunes psychiatres et des jeunes addictologues (AJPJA)  Dr Maeva Musso, présidente, et Dr Boris Nicolle, vice-président

 Association française fédérative des étudiants en psychiatrie (Affep)  M. Nicolas Doudeau, président, et M. Tristan Quinet, vice-président Europe

 Fédération nationale des étudiants en psychologie (Fenepsy)  M. Émerick Choix-Triponney, trésorier, en charge de la Fédération européenne des associations étudiantes de psychologie (Efpsa), M. Adrien Deambrogio, stagiaire au sein du pôle représentation, et Mme Zoé Gruppo, chargée de mission

 Association des jeunes médecins urgentistes (Ajmu) – Dr Clarisse Le Guiff, présidente

 Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar) – Mme Florie Sullerot, présidente

  Table ronde

 Agence régionale de santé La Réunion  M. Gérard Cotellon, directeur général

 Établissement public de santé mentale de La Réunion (EPSM-R)  : Mme Nathalie Robin-Sanchez, directrice, Mme Aurélie Rama, directrice de la stratégie et de l’accompagnement des filières de soins, et Dr François Appavoupoulle, président de la commission médicale d’établissement

 Juges des libertés – Mme Catherine Leuly-Joncart, vice-présidente du tribunal de Saint-Denis, juge des libertés et de la détention, et Mme Clara Ribeiro, juge des libertés et de la détention

 Préfecture de région – Mme Parvine Lacombe, directrice de cabinet du préfet de La Réunion

  Table ronde

 Samu-Urgences de France (SUdF)  Pr Louis Soulat, chef du Samu d’Ille-et-Vilaine et des urgences du CHU de Rennes, et Pr Frédéric Adnet, chef du Samu de Paris

 Association des médecins urgentistes de France (Amuf)  Dr Patrick Pelloux, président, et Dr Romain Sicot, psychiatre urgences de Lariboisière

 M. Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, et M. Patrick Risselin, secrétaire général

  Table ronde

 Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil)*  M. John Pinte, président

 Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI)  Mme Anne Larinier, trésorière, et M. François Martineau, conseiller national

 Association nationale française des infirmier.e.s en pratique avancée (Anfipa)  Mme Perrine Boursin, présidente, Mme Mirela Vlasie, secrétaire, et M. Romain Perot, infirmier en pratique avancée

 Union nationale des infirmier.es en pratique avancée (Unipa)  M. Emmanuel Hardy, président, M. Jordan Jolys vice-président Réseaux territoriaux, et M. Jean François Cauquil vice-président Mode d’exercice

 Fédération nationale des infirmiers (FNI)* – M. Daniel Guillerm, président, et Mme Pascale Lejeune, secrétaire générale

  Table ronde

 Syndicat des psychiatres d’exercice public (Spep) – Dr Michel Triantafyllou, président, et Dr Gabrielle Allio, secrétaire générale

 Syndicat des psychiatres français (SPF)  Dr Maurice Bensoussan, président, et Pr Laurent Schmitt, vice-président

 Union syndicale de la psychiatrie (USP)  Dr CharlesOlivier Pons, président, Dr Delphine Glachant-Huet, vice-présidente, et Dr Pierre Paresys, chef de service

 Syndicat national des psychiatres privés (SNPP)  Dr Élie Winter, président, Dr Béatrice Guinaudeau, trésorière, et Dr Thierry Toussaint, secrétaire général

 Fédération française de psychiatrie (FFP) – Dr Jean-Jacques Bonamour du Tartre, président, et Dr Michel Jurus, vice-président

 Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et des disciplines Associées (SFPEADA)  Pr Olivier Bonnot, membre du conseil d’administration

  Pr Michel Lejoyeux, président de la Commission nationale de la psychiatrie

  Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse  Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco)  M. Marc Pelletier, sous-directeur de l’action éducative, et Mme Brigitte Moltrecht, conseillère technique Santé

  Table ronde

 Equipe mobile psychiatrie précarité (EMPP) MobiPsy 75  Dr Maeva Musso, psychiatre et pédopsychiatre, responsable de l’équipe, et Mme Gaëlle Joigneault

 Centre hospitalier de Plaisir (Yvelines)  Dr Laure Zeltner, psychiatre responsable du dispositif « ERIC », Mme Élodie Pautret, cadre de santé, et Dr Céline Schwager, psychiatre

  Table ronde

 Centre hospitalier La Valette (EPSM de la Creuse)  Mme Nathalie Breton, présidente, Mme Line Adam, directrice des soins, et Dr Éric Duprat responsable de la filière de la personne âgée

 Équipe mobile gérontopsychiatrie de FortdeFrance (Martinique) – M. Stéphane Berniac, directeur général du CH Maurice Despinoy

       Unité mobile rattachée à l’unité parents bébé (UPB) du CH de Montfavet (Vaucluse)  M. Lucas Foulon, directeur adjoint en charge des parcours Enfance et adolescence, personnes âgées et addictologie, et Mme Catherine Saugues, responsable de l’unité parents bébé

  Direction générale de l’offre de soins (DGOS) – Anne Hegoburu, sous‑directrice de la prise en charge hospitalière et des parcours ville-hôpital, et Mme Laora Tilman, cheffe du bureau de la prise en charge en santé mentale et des publics vulnérables

  Mme Peggy Kançal

  Équipe médicale des urgences du CHU de Toulouse – Pr Sandrine Charpentier, cheffe de pôle adjointe, pôle Médecine d’urgences, Mme Marianne Pradère, directrice référente du pôle Médecine d’urgences et du pôle Psychiatrie, Mme Laëtitia Jehanno, directrice générale adjointe, Pr Christophe Arbus, chef du pôle Psychiatrie, et Pr Juliette Salles, cheffe du service Psychiatrie d’urgence, de crise et de liaison

  M. Adrien Taquet et Mme Christèle Gras-Le Guen, coprésidents du comité d’orientation des assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant

   M. Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, et M. Patrick Risselin, secrétaire général

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


   Annexe N° 2 :
dÉplacements effectuÉs par la mission

 

(Par ordre chronologique)

● 31 janvier 2024 : déplacement dans le XIIIe arrondissement de Paris

     Service de santé étudiante (SSE) du centre Pierre-Mendès-France de l’université Paris 1 Panthéon‑Sorbonne (site de Tolbiac)

     Centre hospitalier (CH) Henri Ey (XIIIe arrondissement de Paris)

● 1er février 2024 : déplacement à Issy-les-Moulineaux et dans le XIIIe arrondissement de Paris

     Hôpital Corentin-Celton (Issy-les-Moulineaux)

     Policlinique René Angelergues de l’Association de santé mentale du XIIIe arrondissement de Paris (ASM 13)

● 14 et 15 février 2024 : déplacement dans le Nord (Lille, Seclin, Tourcoing et Roubaix)

     Centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille : Psyhub (3114 ; SAS Psy ; VigilanS ; Cump ; Prisme) ; centre d’accueil et de crise (CAC) ; unité médico-judiciaire (UMJ) 

     Unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) de Seclin

     Services des établissements publics de santé mentale (EPSM) du GHT de psychiatrie Nord-Pas-de-Calais :

– Unités tourquennoises de psychiatrie (UTP) du CH de Tourcoing

– Urgences générales du CH de Roubaix

– Centre d’accueil psychiatrique intersectoriel (CAPI) de l’hôpital Lucien Bonnafé (Roubaix)

● 7 mars 2024 : déplacement dans les VIIIe, Xe et XIVe arrondissements de Paris

     Services de l’hôpital Sainte-Anne (Paris XIVe)

– visites de rue avec le service santé mentale et exclusion sociale (SMES) et l’équipe mobile psychiatrie précarité (EMPP) Nord-Est

– Centre psychiatrique d’orientation et d’accueil (CPOA)

– CAC Ginette Amado

     Infirmerie psychiatrique de la préfecture de police (I3P)

● 13 et 14 mars 2024 : déplacement dans le Maine-et-Loire (Angers, Le Pin-en-Mauges) et en Loire-Atlantique (Nantes)

     CHU d’Angers

     Pôle Roger Misès du centre de santé mentale angevin (CESAME)

     Institut psychothérapique du Pin-en-Mauges

     CHU de Nantes (urgences générales et service de psychiatrie 3)

● 20 et 21 mars 2024 : déplacement à Marseille

     CH Édouard Toulouse : centre d’accueil permanent (CAP) 72 ; échanges avec le syndicat Sud Santé 

     Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) :

– Urgences de l’hôpital Nord

– Hôpital de la Timone : urgences ; centre d’accueil permanent (CAP) 48

– Service de psychiatrie de l’hôpital de la Conception

 

     Table ronde thématique santé, police, justice en présence de représentants de la direction de l’AP-HM, de l’agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d’Azur, de la préfecture de police et du parquet de Marseille

 

     Table ronde thématique sur la pédopsychiatrie en présence de représentants des équipes médicales de la pédopsychiatrie de liaison et de structures partenaire de l’aide sociale à l’enfance (ASE)

● 28 mars 2024 : déplacement dans les XIVe et XIe arrondissements de Paris

     Centre pénitentiaire de Paris-La Santé (Paris XIVe) : échanges avec les équipes de la direction et du service médico-psychologique régional (SMPR) ; visite ; table ronde avec des détenus suivis par le SMPR

     Centre Primo Levi (Paris XIe)

● 11 avril 2024 : déplacement à Villejuif

     Unité pour malades difficiles (UMD) Henri Colin du groupe hospitalier Paul Guiraud

● 29 avril 2024 : déplacement dans la Sarthe

     EPSM de la Sarthe à Allones

     Urgences adultes du CH du Mans

● 2 mai 2024 : déplacement dans le Rhône (Lyon, Bron)

 

     Hôpital Édouard Herriot (Hospices civils de Lyon) : urgences générales ; Samu-SAS

     Centre hospitalier Le Vinatier (Bron) : urgences psychiatriques Rhône Métropole (UPRM) ; unité d’hospitalisation brève pour enfants et adolescents (UHBA)

 

 


   ANNEXE N°3 :
MESURES DE LA FEUILLE DE ROUTE SANTÉ MENTALE ET PSYCHIATRIE

AXE 1 : PROMOUVOIR LE BIEN ÊTRE MENTAL, PRÉVENIR ET REPÉRER PRÉCOCEMENT LA SOUFFRANCE PSYCHIQUE ET PRÉVENIR LE SUICIDE (PILOTE : DGS).

 

Actions : Promouvoir le bien être mental

Action 1 : Renforcer les compétences psychosociales (mesure 11 des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie)

Action 2 : Développer des actions de prévention de la souffrance psychique au travail (pour partie, mesure 3 des Assises)

Action 3 : Informer le grand public sur la santé mentale et lutter contre la stigmatisation (Mesure 1 des Assises)

Actions : Prévenir la souffrance psychique et le suicide

Action 4 : Former les étudiants au secourisme en santé mentale

Action 5 : Expérimentation « Ecout’émoi » : organisation de repérage et prise en charge de la souffrance psychique chez les jeunes de 11 à 21 ans (Mesure 18 des Assises)

Action 6 : Mettre à disposition des agences régionales de santé un ensemble de cinq actions intégrées de prévention du suicide

Action 7 : Renforcer la prévention des impacts croisés entre conduites addictives et santé mentale

Action 7 bis : Promouvoir le sommeil comme un déterminant essentiel de santé mentale

Action 8 : Promouvoir la santé mentale des personnes âgées.

Actions : Pour une approche interministérielle de la santé mentale

Action 9 : Promouvoir une approche interministérielle et faire de la santé mentale une priorité permanente du Comité interministériel de la santé (CIS) (Mesure 4 des Assises)

 

AXE 2 : GARANTIR DES PARCOURS DE SOINS COORDONNÉS ET SOUTENUS PAR UNE OFFRE EN PSYCHIATRIE ACCESSIBLE, DIVERSIFIÉE ET DE QUALITÉ : LES ACTIONS ENGAGÉES DANS LE DOMAINE DE L’ORGANISATION DES SOINS EN PSYCHIATRIE (PILOTE : DGOS)

 

Actions : Repérer et agir plus précocement pour la santé psychique des enfants et des jeunes

Action 10 : Mettre en œuvre la stratégie des 1 000 premiers jours et déployer une offre de psychiatrie périnatale (Mesure 10 des Assises)

Action 11 : Faire émerger un acteur en charge de la coordination de la santé des 3-11 ans : les maisons de l’enfant et de la famille (Mesure 13 des Assises)

Action 11 bis : Assurer un parcours de soins coordonnés aux enfants protégés (Nouveau)

Action 12 : Renforcer les maisons des adolescents (MDA) (Mesure 14 des Assises)

Action 13 : Développer l’accueil familial thérapeutique (AFT) (Mesure 15 des Assises)

Action 14 : Renforcer les CMP-EA pour enfants et adolescents (Mesure 16 des Assises)

Actions : Renforcer les coopérations entre acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux et développer l’offre de soins en ville

Action 15 : Suivi du déploiement des projets territoriaux de santé mentale.

Action 16 : Dispositif MonSoutienPsy

Action 17 : Développer l’offre ambulatoire en psychiatrie et « l’aller vers »

Action 17 bis : Augmenter le nombre d’équipes mobiles psychiatriques intervenant auprès des personnes âgées en EHPAD et autres ESMS (Mesure 7 des Assises)

Action 17 ter : Doter les SSIAD/SPASAD d’un financement complémentaire pour un temps de psychologue (Mesure 8 des Assises)

Action 17 quater : Améliorer le repérage et la prise en charge précoce par le renforcement des CMP adultes (Mesure 19 des Assises)

Action 18 : Mobiliser la télémédecine

Action 19 : Mieux prendre en charge la santé somatique des personnes vivant avec des troubles psychiques

Action 19 bis : améliorer l’accès aux soins somatiques pour les patients souffrant de troubles psychiatriques (Mesure 21 des Assises)

Action 20 : Mettre en place des parcours de soins coordonnés pour les personnes souffrant d’une pathologie mentale grave

Action 21 : Élaborer des propositions pour la pédopsychiatrie de ville (Mesure 23 des Assises)

Action 22 : Organiser au niveau régional une fonction de ressource et d’appui aux professionnels de proximité, pour améliorer les compétences des professionnels sur l’ensemble des territoires, et faciliter la continuité des parcours

Action 23 : Poursuivre l’amélioration des connaissances et des pratiques professionnelles, ainsi que le développement de l’interconnaissance entre les acteurs des différents champs concernés

Actions : Développer une offre de soins en psychiatrie et santé mentale diversifiée et de qualité

Action 24 : Le déploiement des soins de réhabilitation psychosociale

Action 25 : La désignation de dix dispositifs de prise en charge globale du psycho traumatisme, portés à 15 en 2020 et le développement d’une formation spécifique

Action 25 bis : Renforcer les moyens dédiés à la prise en charge du psycho-traumatisme (Mesure 17 des Assises)

Action 26 : Améliorer la prise en charge des personnes placées sous-main de justice

Action 27 : La réduction des pratiques des soins sans consentement et de contention

Action 28 : Apporter une réponse plus adaptée aux besoins de soins urgents et non programmés - Le volet psychiatrie du SAS (mesure 20 des Assises)

Action 29 : Adapter l’offre de soins pour mieux répondre aux besoins par un dispositif de « lits à la demande » (Mesure 22 des Assises)

Actions : Agir pour des professionnels de santé mentale mieux formés et en plus grand nombre

Action 30 : Accroître le nombre de professionnels formés et favoriser l’évolution des professions sanitaires pour une meilleure complémentarité et continuité des parcours de soins (Mesures 24, 25 et 26 des Assises)

Actions : Développer la recherche et l’innovation en santé mentale et psychiatrie

Action 31 : Mieux identifier les projets de recherche en psychiatrie et pédopsychiatrie

Action 31 bis : Lancer un programme de recherche dans le domaine de la santé mentale et de la psychiatrie (Mesure 27 des Assises)

Action 31 ter : Créer un institut de stimulation cérébrale à Paris (Mesure 28 des Assises)

Action 31 quater : Créer le centre E-Care de prise en charge et de recherche sur le cerveau en développement de l’enfant (Mesure 29 des Assises)

Action 32 : Développer l’usage du numérique en santé mentale (mesure 30 des Assises)

Actions : Mieux adapter les financements aux besoins

Action 33 : Adapter les ressources et faire évoluer le modèle de financement de la psychiatrie

 

AXE 3 : AMÉLIORER LES CONDITIONS DE VIE ET D’INCLUSION SOCIALE ET LA CITOYENNETÉ DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP PSYCHIQUE (PILOTE : DGCS)

 

Actions : Développer l’autodétermination des personnes

Action 34 : Améliorer les dispositifs, actions et interventions de soutien par les pairs (Mesure 6 des Assises)

Action 34 bis : Favoriser l’émergence d’intervenants-pairs professionnels (Mesure 5 des Assises)

Action 34 ter : Mise en place de l’élargissement de l’accès à la prestation de compensation du handicap (PCH) pour les personnes en situation de handicap psychique, mental, cognitif ou avec TND

Action 35 : Accompagner les aidants

Actions : Développer l’insertion dans la Cité

Action 36 : Améliorer l’accompagnement des personnes en situation de handicap psychique vers et dans l’emploi

Action 36 bis : Faire évoluer le modèle des ESAT pour fluidifier les parcours professionnels des travailleurs handicapés et s’adapter à la part croissante des personnes en situation de handicap psychique accueillies

Action 37 : Améliorer l’accès et le maintien des personnes dans un logement autonome ou accompagné

Actions : Aller à la rencontre des publics les plus vulnérables

Action 38 : Mieux prendre en charge les personnes en situation de précarité


([1]) Santé publique France, Prévalence des épisodes dépressifs en France chez les 18-85 ans : résultats du baromètre santé 2021, 11 novembre 2022.

([2]) Organisation mondiale de la santé, Rapport mondial sur la santé mentale, vue d’ensemble, p. 3.

([3]) Fédération hospitalière de France, Résultats de l’enquête FHF Psychiatrie, septembre 2023.

([4]) Santé publique France, Les consommations de médicaments psychotropes en France, juin 2019.

([5]) Unité de recherche clinique en économie de la santé (URC-Eco) de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris et fondation FondaMental, 2023.

([6]) Cnam, « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, propositions de l’Assurance Maladie pour 2025 », rapport au ministère chargé de la Sécurité sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et des produits de l’Assurance Maladie au titre de 2025, juillet 2024, p. 20.

([7]) Fédération hospitalière de France, Résultats de l’enquête FHF Psychiatrie, septembre 2023.

([8]) Fédération hospitalière de France, Répondre à l’urgence et bâtir l’avenir de la psychiatrie, avril 2024.

([9]) Santé publique France, Prévalence des épisodes dépressifs en France chez les 18-85 ans : résultats du baromètre santé 2021, publié le 11 novembre 2022.

([10]) Calcul réalisé par la mission d’information sur la base de l’étude Drees, Hospitalisations pour geste auto-infligé : une progression inédite chez les adolescentes et les jeunes femmes en 2021 et 2022, Études et résultats, mai 2024, n° 1300.

([11]) Cnam, Propositions de l’Assurance Maladie pour 2025, rapport au ministère chargé de la sécurité sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et des produits de l’Assurance Maladie au titre de 2025, juillet 2024.

([12]) Source : contribution de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation pour la mission d’information.

([13]) Calcul réalisé par la mission d’information sur la base des travaux de la Drees.

([14]) Drees, Les établissements de santé en 2022, juillet 2024.

([15]) La santé mentale en population carcérale sortante : une étude nationale, Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France (F2RSM Psy), décembre 2022.

([16]) Direction générale de l’offre de soins, Observatoire national des violences en milieu de santé, rapport 2022.

([17]) Source : contribution de l’Atih pour la mission d’information.

([18]) Article L. 1111‑4 du code de la santé publique.

([19]) Ordre national des médecins, Service études et recherches statistiques, données au 1er janvier 2023, contribution versée dans le cadre des travaux de la mission d’information.

([20]) Cour des comptes, « La pédopsychiatrie. Un accès et une offre de soins à réorganiser », communication à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, mars 2023.

([21])  Association PSSM France, En route vers 2030, dossier de presse, p. 9.

([22]) Circulaire n° 39-92 DH PE/DGS 3 C du 30 juillet 1992 relative à la prise en charge des urgences psychiatriques.

([23]) Définition proposée par le professeur Adolphe Steg dans le rapport du Conseil économique et social, « L’urgence à l’hôpital », publié le 14 avril 1989.

([24]) Décret n° 2023‑1376 du 29 décembre 2023 relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l’activité autorisée de médecine d’urgence.

([25]) Le 15 pour le Samu, le 17 pour police secours, le 18 pour les pompiers ou encore le 3114, numéro national de prévention suicide.

([26]) Les urgences générales peuvent relever d’un centre hospitalier (CH), d’un centre hospitalier universitaire (CHU) ou d’un établissement public de santé mentale (EPSM).

([27]) Circulaire du 15 mars 1960 relative au programme d’organisation et d’équipement des départements en matière de lutte contre les maladies mentales.

([28]) On entend par hôpital tous les établissements publics et privés chargés d’une mission de service public : hôpitaux publics généraux, centres hospitaliers universitaires et régionaux, établissements de santé privés d’intérêt collectif ou privés à but non lucratif.

([29]) Drees, « L’offre de soins de psychiatrie dans les établissements de santé », Les établissements de santé en 2022, édition 2024, fiche 14, juillet 2024, p. 99. La prise en charge par le secteur en psychiatrie infanto-juvénile est complétée d’une offre médico-sociale, comprenant les instituts thérapeutiques et pédagogiques (Itep), les instituts médico-éducatifs (IME) ainsi que les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad), qui sont dédiés à l’accueil des enfants présentant des troubles psychiques ou comportementaux.

([30]) Drees, Organisation de l’offre de soins en psychiatrie et santé mentale, Actes du séminaire recherche, Série études et recherche n° 129, avril 2014, p. 57.

([31]) Commission nationale de la psychiatrie, Groupe thématique « Accès aux soins, parcours de soins et territoires, soins non programmés, urgences, suicidologie », document de synthèse, juin 2021.

([32]) Source : Data ameli, professions, mise à jour en 2022.

([33]) Source : Données Drees 2023, pour la mission d’information.

([34]) Source : Drees 2023, France entière, répertoire ADELI – données au 1er janvier de l’année.

([35]) Les données transmises par la Fédération des cliniques privées psychiatriques de France (FHP-Psy) indiquent que le privé représente 209 établissements psychiatriques, 1 100 psychiatres et 14 000 salariés.

([36]) Alain Ehrenberg, Le Culte de la performance, 1991.

([37]) Alain Ehrenberg, La Fatigue d’être soi, 1998.

([38]) Source : Association des établissements du service public de santé mentale et Conférence nationale des présidents de commission médicale d’établissements de centres hospitaliers spécialisés, « Enquête sur l’activité psychiatrique et sur l’organisation de la permanence des soins », octobre 2022. L’enquête a collecté les réponses de trente‑sept hôpitaux psychiatriques publics représentant dix régions.

([39]) Ibid.

([40]) Santé publique France, Prévalence des épisodes dépressifs en France chez les 18-85 ans : résultats du baromètre santé 2021, publié le 11 novembre 2022.

([41]) Macalli et al., Frequency of Depressive Symptoms and Suicidal Ideation Among University Students Before and After the COVID-19 Pandemic, medRxiv, 14 mars 2024.

([42]) Les psychotropes, terme qui regroupe les traitements médicamenteux des troubles psychiques, peuvent être scindés en diverses catégories : antidépresseurs qui traitent la dépression, anxiolytiques qui agissent sur l’anxiété, hypnotiques qui facilitent le sommeil, psychostimulants qui stimulent le système nerveux central, et antipsychotiques (neuroleptiques) qui traitent des états psychotiques.

([43]) HCFEA, Quand les enfants vont mal : comment les aider ?, 7 mars 2023.

([44]) Cnam, Propositions de l’Assurance Maladie pour 2025, rapport au ministère chargé de la Sécurité sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et des produits de l’Assurance Maladie au titre de 2025, juillet 2024.

([45]) Santé publique France, Prévalence des pensées suicidaires et tentatives de suicide chez les 18-85 ans en France : résultats du baromètre santé 2021, publié le 5 septembre 2023.

([46]) Cela permet notamment d’identifier par le code « CIM-10 » les consultations aux urgences relatives à un motif psychiatrique, qu’il s’agisse d’une pathologie ou d’un symptôme.

([47]) Décret n° 2023‑1376 du 29 décembre 2023 relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l’activité autorisée de médecine d’urgence, codifié à l’article D. 6124‑26‑6 du code de la santé publique.

([48]) Le taux de recours correspond au nombre annuel de journées d’hospitalisation afférent aux patients de la classe d’âge observée rapporté à la population de cette classe d’âge. C’est un indicateur de consommation de soins exprimé en nombre de journées pour 1 000 habitants.

([49]) Source : contribution de la Drees pour la mission d’information.

([50]) Calcul réalisé par la mission d’information sur la base de l’étude Drees, Hospitalisations pour geste auto-infligé : une progression inédite chez les adolescentes et les jeunes femmes en 2021 et 2022, Études et résultats, mai 2024, n° 1300.

([51]) Saut d’une hauteur, pendaison, objets tranchants et produits chimiques, par opposition aux intoxications médicamenteuses.

([52]) Drees, L’état de santé de la population en France, n° 122, septembre 2022.

([53]) Prévalence des pensées suicidaires et tentatives de suicide chez les 18-85 ans en France : résultats du baromètre santé 2021, op. cit.

([54]) Atih, Analyse de l’activité hospitalière 2022, « Psychiatrie », 2022.

([55]) Source : contribution de l’Atih pour la mission d’information.

([56]) Selon l’Atih, les patients âgés de 40 à 59 ans ont occasionné en 2019 : 4 079 969 passages aux urgences dont 3,2 % pour motif psychiatrique ; en 2022 : 4 065 441 passages aux urgences dont 3,4 % pour motif psychiatrique et en 2023 4 119 815 passages aux urgences dont 3,6 % pour motif psychiatrique.

([57]) Atih, Analyse de l’activité hospitalière en psychiatrie, octobre 2024.

([58]) Source : contribution de l’Atih pour la mission d’information.

([59]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale 2024, Chapitre VIII, La réduction du nombre de lits à l’hôpital, entre stratégie et contraintes, mai 2024.

([60]) La Cour relève à cet égard que près de 21 % des lits étaient fermés en 2022 à l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP‑HP), dont 70 % pour manque de personnel.

([61]) Drees, « En 2023, la baisse du nombre de lits et la hausse du nombre de places se poursuivent dans les établissements de santé », Études & Résultats, n° 1315, octobre 2024.

([62]) Dans ce contexte, la Cour des comptes recense, en 2022, 374 290 lits hospitaliers, dont 46 % en médecine et chirurgie, 27 % en soins médicaux et de réadaptation, 14 % en psychiatrie, 8 % en soins de longue durée et 4 % en gynécologie-obstétrique.

([63]) Drees, Les établissements de santé en 2022, op. cit.

([64]) Id.

([65]) Drees, « L’offre de soins hospitaliers en psychiatrie : évolutions de 2008 à 2019 et disparités territoriales », Les Dossiers de la Drees n° 112, septembre 2023, p. 8.

([66]) Réponses de la Drees à la mission d’information.

([67]) Drees, Les établissements de santé en 2022, op. cit.

([68]) Drees, « En 2023, la baisse du nombre de lits et la hausse du nombre de places se poursuivent dans les établissements de santé », Études & Résultats, n° 1315, octobre 2024, p. 3.

([69]) La statistique annuelle des établissements (SAE) qui mesure les capacités hospitalières a fait l’objet d’une refonte en 2013, ce qui ne permet pas de comparer strictement les données entre les publications de la Drees de 2008 et 2019. La Drees a retracé les évolutions capacitaires sous forme de tableau pour les travaux de la mission d’information, ce qui explique la présentation de deux colonnes correspondant à l’année 2019, mais recommande de ne retenir que la variation entre 2008 et 2022 qui a été retraitée des biais méthodologiques liés à la réforme de la SAE en 2013.

([70]) « L’offre de soins hospitaliers en psychiatrie : évolutions de 2008 à 2019 et disparités territoriales », op. cit., p. 8.

([71]) Comprenant les lits d’hospitalisation à temps plein, les places d’accueil familial thérapeutique, les lits en centre de postcure, les places en appartement thérapeutique, les places d’hospitalisation à domicile et les places d’accueil en centre de crise.

([72]) « L’offre de soins hospitaliers en psychiatrie : évolutions de 2008 à 2019 et disparités territoriales », op. cit., p. 8.

([73]) Ibid.

([74]) Selon la Drees, le capacitaire d’hospitalisation complète du secteur privé lucratif s’élevait à 11 811 lits sur un capacitaire total de 65 596 en 2008 ; en 2022, celui-ci s’élevait à 15 475 lits, à rapporter au capacitaire total s’élevant à 58 568 lits.

([75]) Les Bouches-du-Rhône, le Var, les Pyrénées-Orientales, le Loir-et-Cher, le Gard, l’Hérault, la Loire, la Haute-Garonne et la Haute-Corse.

([76]) Magali Coldefy, Coralie Gandré, Atlas de la santé mentale en France, Irdes, mai 2020.

([77]) Contribution de l’Atih en réponse au questionnaire adressé par les rapporteures.

([78]) Atih, Analyse de l’activité hospitalière en psychiatrie, octobre 2024.

([79]) En 2023, 52 % des journées de présence à temps complet concernent des hommes. En revanche, la patientèle pris en charge à temps complet est majoritairement féminine (52 % des patients). Depuis la crise sanitaire, la baisse annuelle moyenne du nombre de patients hospitalisés à temps complet est moins prononcée chez les femmes.

([80]) « L’offre de soins hospitaliers en psychiatrie : évolutions de 2008 à 2019 et disparités territoriales », op. cit., p. 9.

([81]) Ibid.

([82]) Drees, Les établissements de santé en 2022, op. cit.

([83]) Les accords du Ségur de la santé ont été signés le 13 juillet 2020 par le Premier ministre, le ministre des solidarités et de la santé ainsi que par une majorité d’organisations syndicales représentant d’une part les professions non médicales et d’autre part les personnels médicaux de l’hôpital public. Ces deux accords consacrent respectivement : 7,6 milliards d’euros par an à la revalorisation de l’ensemble des métiers non médicaux dans les établissements de santé et médico-sociaux des secteurs publics ou privés, et prévoyant également le recrutement de 15 000 personnels ; et 450 millions d’euros par an à l’attractivité de l’hôpital public pour les praticiens hospitaliers. Après concertation des syndicats et représentants des étudiants médicaux, étudiants paramédicaux et des internes, le Gouvernement s’est également engagé à consacrer 200 millions d’euros par an à la revalorisation des indemnités de stage et émolument d’internats ainsi qu’à la revalorisation des gardes pour les internes.

([84]) La valeur du point d’indice des fonctionnaires a été augmentée de 3,5 % à compter du 1er juillet 2022, par le décret n° 2022-994 du 7 juillet 2022 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l’État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d’hospitalisation.

([85]) Ibid.

([86]) Source : contribution de l’Atih aux travaux de la mission d’information.

([87]) Le diagnostic principal d’un séjour hospitalier est le problème de santé qui a motivé l’admission du patient dans l’unité médicale ; il est déterminé à la sortie du patient, par référence à un code correspondant à l’identification de ce diagnostic au sein de la classification internationale des maladies.

([88]) Contribution de l’Atih aux travaux de la mission d’information.

([89]) Article L. 3222‑1 du code de la santé publique.

([90]) Bernard Durand, « Revue kaléidoscopique du secteur psychiatrique », Pratiques en santé mentale, 2022, pp. 19-28.

([91]) Circulaire du 14 mars 1990, relative aux orientations de la politique de santé mentale, JORF n° 79 du 3 avril 1990.

([92]) Dans l’édition 2023 de son guide pratique pour les professionnels sur la prévention, les soins et l’accompagnement des personnes étrangères vulnérables, élaboré en partenariat avec Santé publique France, le Comede souligne que les « troubles psychiques constituent la pathologie grave la plus fréquente chez les exilé·e·s, particulièrement les demandeurs d’asile et les réfugié·e·s ».

([93]) Santé publique France, Prévalence des épisodes dépressifs en France chez les 18-85 ans : résultats du Baromètre santé 2021, novembre 2022.

([94]) HAS, Accompagner les personnes en situation de grande précarité présentant des troubles psychique, 18 janvier 2024.

([95]) Observatoire du Samusocial de Paris et Inserm, Samenta, rapport sur la santé mentale et les addictions chez les personnes sans logement personnel d’Île-de-France, 2010.

([96]) Hossain et al., Prevalence of mental disorders among people who are homeless: An umbrella review, Int J Soc Psychiatry, 2020.

([97]) À Paris, le centre psychiatrique d’orientation et d’accueil (CPOA) de l’hôpital Sainte-Anne a également pour mission de leur attribuer un secteur.

([98]) Association non médicalisée spécialisée pour les jeunes adultes vivant avec un trouble psychique et fondée sur la pair-aidance.

([99]) Bateau-hôpital psychiatrique de jour.

([100]) Insee, Flash Martinique n° 189, 25 septembre 2023.

([101]) Le contrat ou plan de retour à l’équilibre financier est un accompagnement contractuel entre l’agence régionale de santé et un établissement de santé en situation financière déséquilibrée. Il implique pour l’établissement signataire le respect d’obligations contractuelles en vue d’un retour à l’équilibre financier afin de garantir la pérennité de leur offre de soins.

([102]) Drees, Un tiers des personnes âgées vivant en établissement sont dans un état psychologique dégradé, Études & Résultats, n° 1141, janvier 2020.

([103]) Santé publique France, Les morts maternelles en France : mieux comprendre pour mieux prévenir. 7e rapport de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM), 2016‑2018, 3 avril 2024.

([104]) Santé publique France, « Prévalence de la dépression, de l’anxiété et des idées suicidaires à deux mois postpartum : données de l’Enquête nationale périnatale 2021 en France hexagonale », 18 septembre 2023.

([105]) Cnam : données 2023, pour la mission d’information.

([106]) Cour des comptes, « L’organisation territoriale des soins de premiers recours », rapport public thématique, mai 2024.

([107]) Drees, Les établissements de santé en 2022, op. cit.

([108]) Cour des comptes, « L’organisation des soins psychiatriques : les effets du plan "psychiatrie et santé mentale" », décembre 2011.

([109]) Igas, Organisation et fonctionnement du dispositif de soins psychiatriques, 60 ans après la circulaire du 15 mars 1960, novembre 2017.

([110]) Enquête FHF menée entre les mois d’avril et mai 2023 auprès de 110 établissements autorisés en psychiatrie : centres hospitaliers, centres hospitaliers spécialisés et centres hospitaliers universitaires, représentant ensemble 48 % des établissements autorisés en psychiatrie.

([111]) Unafam, Baromètre 2023, octobre 2023.

([112]) Commission nationale de la psychiatrie, groupe thématique « Accès aux soins, parcours de soins et territoires, soins non programmés, urgences, suicidologie », document de synthèse, juin 2021.

([113]) Alban Bregent, Santé mentale et collaboration en soins primaires : enquête quantitative auprès des médecins généralistes de la communauté professionnelle de territoire de santé (CPTS) de Cornouaille dans le cadre de la mise en place d’un dispositif de soins partagés, Thèse de médecine, décembre 2020.

([114]) Caisse nationale de l’assurance maladie, Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses : les propositions de l’Assurance Maladie pour 2025, p. 160.

([115]) Enquête FHF, op. cit.

([116]) Éric Pouillat, rapport pour avis n° 1778 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de l’Assemblée nationale, sur le projet de loi de finances pour 2024.

([117]) La santé mentale en population carcérale sortante : une étude nationale, Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France (F2RSM Psy), décembre 2022.

([118]) La moitié des personnes interrogées est concernée par un trouble lié à une substance ; un tiers des hommes et la moitié des femmes sont concernés par des troubles thymiques (incluant la dépression) ; un tiers des hommes et la moitié des femmes sont concernés par des troubles anxieux ; 10 % des hommes et un sixième des femmes sont concernés par un syndrome psychotique ; un quart des hommes et la moitié des femmes sont sujets aux insomnies.

([119]) D’après les résultats de cette enquête : 31,9 % sont concernés par un trouble anxieux ; 30,4 % par un trouble thymique ; 49 % par un trouble lié à une substance ; un syndrome psychotique est identifié chez 10,8 % d’entre eux ; un risque suicidaire est identifié chez 27,8 % des hommes et chez 59,5 % des femmes (9,6 % des hommes interrogés indiquent avoir fait une tentative de suicide et 5,5 % ont été hospitalisés suite à une telle tentative).

([120]) Enquête de prévalence sur les troubles psychiatriques en milieu carcéral, étude pour le ministère de la santé et le ministère de la justice, décembre 2004.

([121]) La santé mentale des personnes entrant en détention dans le Nord et le Pas-de-Calais, Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France (F2RSM Psy), novembre 2017.

([122]) Étude réalisée auprès de 653 personnes majeures entrées en détention dans huit des neuf maisons d’arrêt des départements du Nord et du Pas-de-Calais, entre mars 2014 et mars 2017.

([123]) D’après cette enquête : 25,9 % des détenus souffrent d’une anxiété généralisée ; les épisodes dépressifs touchent 27,3 % d’entre eux ; la dépendance alcoolique ou aux drogues concerne en moyenne 24,5 % des détenus ; 7 % sont considérés comme atteints d’un syndrome d’allure psychotique ; 15 % présentent un risque suicidaire moyen ou élevé à l’entrée en détention.

([124]) L’expression « personnes placées sous main de justice » désigne les personnes faisant l’objet d’une mesure restrictive ou privative de liberté par décision de justice.

([125]) Article L. 3214-1 du code de la santé publique.

([126]) Loi n° 2002‑1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justic., article 48.

([127]) L’arrêté du 20 juillet 2010 prévoit la création d’UHSA au CH Le Vinatier à Bron (Rhône), ouverte en mai 2010 ; au CH Gérard Marchant à Toulouse (Haute-Garonne), ouverte en janvier 2012 ; au Centre psycho-thérapeutique de Nancy-Laxou (Meurthe-et-Moselle), ouverte en mars 2012 ; au GH Paul Guiraud à Villejuif (Val-de-Marne), ouverte au premier semestre 2013 ; à l’EPSM du Loiret Georges Daumézon à Fleury-les-Aubrais (Loiret), ouverte en septembre 2013 ; au CH Guillaume Régnier à Rennes (Ille-et-Vilaine), ouverte en septembre 2013 ; au CHRU de Lille à Seclin (Nord), ouverte en 2013 ; au CH Édouard Toulouse à Marseille (Bouches-du-Rhône), ouverte en février 2018 ; et au CH de Cadillac (Gironde), ouverte en juillet 2016.

([128]) Igas-IGJ, Évaluation des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour les personnes détenues.

([129]) Drees, Les établissements de santé en 2022, op. cit., p. 101.

([130])  Article L. 3214-1 du code de la santé publique.

([131]) Ministère de la justice, rapport de la mission sur l’irresponsabilité pénale présidée par MM. Philippe Houillon et Dominique Raimbourg, députés, n° 017-21, février 2021.

([132]) Ibid.

([133]) Communication de Mme Naïma Moutchou et M. Antoine Savignat, mission « flash » sur l’application de l’article L. 122-1 du code pénal, commission des lois de l’Assemblée nationale, 30 juin 2021.

([134]) Ibid.

([135]) Ibid.

([136]) Ibid.

([137]) Rapport d’information n° 432 (2020-2021) de MM. Jean Sol et Jean-Yves Roux, Expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale : mieux organiser pour mieux juger, fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 10 mars 2021.

([138]) Betty Brahmy, « Psychiatrie et prison », Études, vol. 402, n° 6, 2005, pp. 751-760.

([139]) Ibid.

([140]Ibid.

([141]) MarieChristine Hardy-Baylé, « Pour une démarche de qualité en psychiatrie appliquée aux pratiques professionnelles... et aux référentiels de prise en charge », L’Information psychiatrique, vol. 82, n° 1, 2006, pp. 2937.

([142]) Pour une présentation des dix‑sept critères impératifs : Haute Autorité de santé, Certification des établissements de santé pour la qualité des soins, 2024.

([143]) La « fiche anomalie » est la formalisation par les experts visiteurs d’un constat de manquement à l’un des critères impératifs de certification de la qualité des soins.

([144]) Les résultats de l’expérimentation e-satis psy n’ont fait l’objet d’aucune communication à la date de publication du présent rapport.

([145]) Direction générale de l’offre de soins, Observatoire national des violences en milieu de santé, rapport 2022 – données 2020 et 2021 –, p. 20.

([146]) Ibid., p. 16.

([147]) Ibid., p. 57.

([148]) Les signalements de violence sont classés en quatre catégorie par niveau de gravité, de 1 à 4. Les atteintes de niveau 3 recouvrent à titre principal les violences volontaires, et plus rarement les menaces avec arme et l’agression sexuelle. Les atteintes de niveau 4, les plus sévères, recouvrent les violences avec arme, le viol, la séquestration, les crimes et la prise d’otage.

([149]) DGOS, ONVS, op. cit., p. 24.

([150]) Ibid., p. 23.

([151]) Ibid., p. 69.

([152]) CGLPL, rapport thématique « Soins sans consentement et droits fondamentaux », 17 juin 2020.

([153]) Un événement indésirable grave associé aux soins (EIGS) est un événement inattendu au regard de l’état de santé et de la pathologie de la personne et dont les conséquences sont le décès, la mise en jeu du pronostic vital, la survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent, y compris une anomalie ou une malformation congénitale (article R. 1413-67 du code de la santé publique, introduit par le décret n° 2016-1606 du 25 novembre 2016 relatif à la déclaration des événements indésirables graves associés à des soins et aux structures régionales d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients).

([154]) Pr Christophe Arbus, chef du pôle psychiatrique au CHU de Toulouse, cité par Monique Castro dans « Agression sexuelle, suicide... Aux urgences psychiatriques de Toulouse, une situation "inacceptable" », Ouest France, 16 mars 2024.

([155]) Igas, La permanence des soins en établissements de santé face à ses enjeux, une nouvelle ambition collective et territoriale à porter-Répartition, soutenabilité et reconnaissance, juin 2023, 128 p.

([156]) Selon la définition donnée par l’Igas, la PDSES se distingue à la fois de la permanence des soins ambulatoires (PDSA), de l’organisation des services d’urgences (SU) et de la continuité des soins, en permettant des soins spécialisés en aval des SU ou en accès direct en lien avec la régulation médicale.

([157]) Igas, op. cit., p. 43.

([158]) Ibid, p. 49.

([159]) Annexe au rapport Igas précité, tableaux pp. 30 et 31.

([160]) AdESM et Conférence nationale des présidents de commission médicale d’établissement de centre hospitaliers spécialisés, Enquête sur l’activité psychiatrique au sein des urgences et sur l’organisation de la permanence des soins, octobre 2022, p. 20. Enquête conduite entre le 31 mai et le 2 juin 2022, auprès de trente‑sept établissements autorisés en psychiatrie, dans dix régions françaises.

([161]) Ibid, p. 22.

([162]) Il s’agit d’élaborer un tableau d’astreinte composée de praticiens mobilisables en cas d’absentéisme, mais qui ne répond pas aux critères stricts de mise en œuvre d’une véritable ligne d’astreinte avec repos de sécurité.

([163]) Rapport sur la prise en charge pré-hospitalière des urgences, Geneviève Barrier, 1994.

([164]) Loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, article 104.

([165]) Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, Elle prévoit également que la PDS n’est plus exercée par la médecine de ville, « sous réserve des missions dévolues aux établissements de santé », mais « en collaboration » avec lesdits établissements, illustrant la volonté de renforcer le rôle de la médecine de ville dans la répartition de l’effort.

([166]) Article R.733 du code de la santé publique.

([167]) Article R. 6111-41 du code de la santé publique.

([168]) Circulaire n° DGOS/R5/2011/74 du 24 février 2011 relative au guide méthodologique d’élaboration du schéma régional d’organisation des soins (SROS-PRS), p. 19.

([169]) Par ailleurs, il est communément admis de distinguer entre la PDSES réglementée et la PDSES non réglementée. La PDSES réglementée recouvre les activités de soins pour lesquelles l’accueil du flux des nouveaux patients la nuit et les week‑ends constitue une obligation pour détenir une autorisation d’activité de soins.

([170]) Unafam, Baromètre 2023, octobre 2023.

([171]) Source : contribution de l’Atih pour la mission d’information.

([172]) Les séjours de psychiatrie ayant pour mode d’entrée une mutation ont baissé de 7,5 % entre 2017 et 2019, puis de 2,9 % entre 2019 et 2022, et de 7,3 % entre 2021 et 2022. Ceux ayant pour mode d’entrée un transfert ont stagné entre 2017 et 2019, puis baissé de 3,9 % entre 2019 et 2022, et de 3,4 % entre 2021 et 2022. Source : Atih, Analyse de l’activité hospitalière 2022 – Psychiatrie, p. 8.

([173]) Source : contribution de l’Atih pour la mission d’information.

([174]) Selon l’Atih, entre 2019 et 2022, le nombre de journées de présence en hospitalisation complète et en hospitalisation partielle en psychiatrie concernant des patients âgés de 40 à 59 ans a diminué en moyenne de 5,1 % par an. Ces mêmes patients ont occasionné 4 079 969 passages aux urgences en 2019 dont 3,2 % pour motif psychiatrique, 4 065 441 en 2022 dont 3.4 % pour motif psychiatrique, et 4 119 815 en 2023 dont 3,6 % pour motif psychiatrique.

([175]) Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

([176]) Article L. 1111‑4 du code de la santé publique.

([177]) Article 1er de la loi n° 2011‑803 du 5 juillet 2011.

([178]) Instruction n° DGOS/R4/2022/85 du 29 mars 2022 relative au cadre juridique des mesures d’isolement et de contention en psychiatrie et à la politique de réduction du recours aux pratiques d’isolement et de contention.

([179]) 2° du II de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique.

([180]) Article L. 3213‑1 du code de la santé publique.

([181]) Article L. 3213-2 du code de la santé publique.

([182]) Article L. 3213‑7 du code de la santé publique.

([183]) Article L. 3214‑1 du code de la santé publique.

([184]) Depuis la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

([185]) Magali Coldefy (Irdes), Coralie Gandré (Irdes, Hôpital universitaire Robert-Debré), avec la collaboration de Stéphanie Rallo (ARS Paca), « Les soins sans consentement et les pratiques privatives de liberté en psychiatrie : un objectif de réduction qui reste à atteindre », Questions d’économie de la santé, n° 269, juin 2022, p. 2.

([186]) Article 72 de la loi n° 2016‑41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, créant l’article L. 3222‑5‑1 du code de la santé publique.

([187]) Conseil constitutionnel, décision n° 2020‑844 QPC du 19 juin 2020, M. Éric G.

([188]) Article 84 de la loi n° 2020‑1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021. Ces dispositions ont été complétées par le décret n° 2021‑537 du 30 avril 2021.

([189]) Conseil constitutionnel, décision n° 2021‑912/913/914 QPC du 4 juin 2021, M. Pablo A. et autres.

([190]) Article 17 de la loi n° 2022‑46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique.

([191]) Conseil constitutionnel, décision n° 2021‑832 DC du 16 décembre 2021, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

([192]) Article 17 de la loi n° 2022‑46 du 22 janvier 2022.

([193]) La surveillance de la mesure doit être tracée dans le dossier médical, sous forme numérique, avec mention du nom du psychiatre ayant décidé la mesure, de sa durée, du nom des professionnels l’ayant surveillée ainsi que de la date et de l’heure de début de la mesure.

([194]) Recommandation retranscrite dans l’instruction n° DGOS/R4/2022/85 du 29 mars 2022 relative au cadre juridique des mesures d’isolement et de contention en psychiatrie et à la politique de réduction du recours aux pratiques d’isolement et de contention.

([195]) « Les soins sans consentement et les pratiques privatives de liberté en psychiatrie : un objectif de réduction qui reste à atteindre », op. cit., p. 2.

([196]) Il s’agit notamment des mesures prévues par la loi du 5 juillet 2011 modifiant les modalités de soins sans consentement, par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, énonçant une volonté d’encadrement et de réduction des pratiques d’isolement, et, plus récemment, par la réforme de l’isolement et de la contention prévue par la loi du 22 janvier 2022.

([197]) L. S. Rains, T. Zenina, M. C. Dias, R. Jones, S. Jeffreys, S. Branthonnen-Foster, B. Lloyd-Evans, S. Johnson, Variations in Patterns of Involuntary Hospitalisation and in Legal Frameworks: An International Comparative Study. The Lancet Psychiatry, 6, pp. 403417.

([198]) « Les soins sans consentement et les pratiques privatives de liberté en psychiatrie : un objectif de réduction qui reste à atteindre », op. cit., p. 7.

([199]) L’étude de l’Irdes ne prend pas en compte les mesures d’isolement et de contention prescrites dans le cadre d’une prise en charge par les urgences hospitalières, puisqu’il n’y a pas de recueil obligatoire dans ce contexte. Contactées par la mission, les auteures ont indiqué que le recours aux mesures d’isolement et de contention dans les services d’urgences feraient l’objet d’une étude spécifique prochainement.

([200]) Décision n° 2021-822 DC du 30 juillet 2021, Loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement.

([201]) Cnam, « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, propositions de l’Assurance Maladie pour 2025 », rapport au ministère chargé de la Sécurité sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et des produits de l’Assurance Maladie au titre de 2025, juillet 2024, p. 20.

([202]) Comme le rappelle l’annexe 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, le sous‑objectif de dépenses des établissements de santé de l’Ondam contient plusieurs compartiments. Premièrement, une partie correspond au financement à l’activité des établissements : il s’agit de l’objectif de dépenses en médecine chirurgie obstétrique (ODMCO), de l’objectif quantifié national (OQN) des établissements de psychiatrie et de soins de suite et réadaptation (ODSSR), dont la régulation prix-volume est pilotée à l’échelle nationale. Il s’agit dans ce premier cas d’une enveloppe ouverte. Deuxièmement, une partie est composée d’enveloppes fermées, composée des missions d’intérêt général et d’aides à la contractualisation (Migac), des dotations annuelles de financement (DAF), du financement des unités de soins longue durée (USLD), allouées aux établissements sur la base de modèles de répartition nationaux.

([203]) Selon la Drees, « entre 2013 et 2017, les taux d’occupation sont restés globalement stables dans toutes les disciplines. Étudié selon le statut juridique des établissements, le taux d’occupation des lits en SSR et en psychiatrie est nettement plus élevé dans les établissements privés à but lucratif que dans le secteur public ou privé à but non lucratif. » (Drees, Les établissements de santé, édition 2019, p. 28).

([204]) Drees, L’activité des établissements de santé en 2008 en hospitalisation complète et partielle, Études et résultats, n° 716, février 2010, p. 5.

([205]) Drees, Les dépenses de santé en 2022, édition 2023, graphique p. 47.

([206]) Ce cas de figure peut se présenter en raison des difficultés de recrutement de personnel médical notamment.

([207]) Article 34 de la loi n° 2019‑1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 ; article 51 de la loi n° 2020‑1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 ; décret n° 2021‑1255 du 29 septembre 2021 relatif à la réforme du financement des activités de psychiatrie, entré en vigueur au 1er janvier 2022.

([208]) Source : contribution de la DGOS pour la mission d’information.

([209]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, 2021, p. 265.

([210]) Article R. 161-31-2 du code de la sécurité sociale, modifié par le décret n° 2002-1775 du 31 décembre 2022 modifiant certaines dispositions relatives au financement des établissements de santé.

([211]) Évolution de la dotation annuelle de financement fixée par l’objectif de dépenses d’assurance maladie mentionné à l’article L. 174‑1‑1 du code de la sécurité sociale (abrogé par la réforme du financement de la psychiatrie) pour les établissements publics et les établissements privés à but non lucratif.

([212]) Évolution de la dotation annuelle de financement fixée par l’objectif quantifié national mentionné à l’article L. 162‑22‑2 du code de la sécurité sociale, pour les établissements relevant du secteur privé lucratif.

([213]) Selon le régime juridique de l’établissement, celui-ci perçoit également des redevances de la part des praticiens y exerçant.

([214]) Article L. 162‑22‑18 du code de la sécurité sociale, modifié par l’article 34 de la loi n° 2019‑1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([215]) Les données 2022 sont les dernières données consolidées de dépenses remboursées disponibles, figurant dans la cartographie des pathologies et des dépenses de l’assurance maladie, accessibles sur la plateforme Data ameli.

([216]) Insee, Prix à la consommation – moyennes annuelles (IPC) année 2016, informations rapides n° 9, 12 janvier 2017.

([217]) Insee, Prix à la consommation – moyennes annuelles (IPC) année 2022, informations rapides n° 9, 13 janvier 2023.

([218]) Le Conseil national de l’Ordre des médecins utilise la notion d’activité régulière en référence à l’activité qualifiée de pleine par les médecins (hors activité intermittente, sans condition de cumul emploi-retraite). L’activité régulière ne présume pas de la quotité de temps de travail accomplie et n’est pas traduite en équivalent temps plein (ETP).

([219]) Les retraités actifs sont des médecins qui ont fait valoir leur droit de retraite mais qui continuent d’avoir une activité médicale.

([220]) Les intermittents, par opposition aux actifs réguliers, n’ont pas une activité qualifiée de pleine. Parmi eux sont notamment comptabilisés les remplaçants ou encore les retraités actifs ayant une activité intermittente.

([221]) Ordre national des médecins, Service études et recherches statistiques, données au 1er janvier 2023, contribution versée dans le cadre des travaux de la mission d’information.

([222]) Au 1er janvier 2023, les psychiatres en activité régulière ayant obtenu leur diplôme à l’étranger l’ont principalement obtenu en Algérie (36,7 %), en Roumanie (18,9 %) et en Tunisie (5,9 %), d’après la contribution du Conseil national de l’Ordre des médecins sur la démographie médicale en psychiatrie, p. 7.

([223]) Drees, « Quelle démographie récente et à venir pour les professions médicales et pharmaceutiques ? », Les dossiers de la Drees, n° 76, mars 2021, p. 15.

([224]) La file active est entendue comme le nombre de patients vus en consultation au moins une fois dans l’année par médecin.

([225])  Source : Data ameli, densité des professionnels de santé, 2022.

([226]) Conseil national de l’ordre des médecins, Démographie médicale en psychiatrie, 2023, pp. 8‑10.

([227]) Ibid, p. 10.

([228])  Source : Drees, Les établissements de santé en 2022, édition 2024, p. 107.

([229]) HAS, Coordination entre services de protection de l’enfance et services de pédopsychiatrie, note de cadrage, avril 2021.

([230]) Rapport d’information n° 494 (2016-2017) de M. Michel Amiel, fait au nom de la mission d’information sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France, 4 avril 2017.

([231]) Défenseur des droits, Santé mentale des enfants : le droit au bien-être, 2021.

([232]) HCFEA, Quand les enfants vont mal, comment les aider ?, adopté le 7 mars 2023.

([233]) Cour des comptes, « La pédopsychiatrie. Un accès et une offre de soins à réorganiser », communication à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, mars 2023.

([234]) Drees, L’offre de soins hospitaliers en psychiatrie : évolutions de 2008 à 2019 et disparités territoriales, Les dossiers de la Drees, n° 112, septembre 2023.

([235]) Cour des comptes, « La pédopsychiatrie. Un accès et une offre de soins à réorganiser », op. cit.

([236]) Selon une contribution adressée par la Drees à la mission d’information.

([237]) Drees, L’offre de soins hospitaliers en psychiatrie : évolutions de 2008 à 2019 et disparités territoriales, Les dossiers de la Drees, n° 112, septembre 2023, p. 14.

([238]) Les Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant ont été lancées le 7 décembre 2022 par M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention, dans le but d’améliorer la prise en charge de la santé des enfants par une large concertation de l’ensemble des parties prenantes. Le comité d’orientation des Assises a été confié au Pr Christèle Gras-Le Guen et à M. Adrien Taquet, ancien secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles. Les travaux menés par huit groupes de travail thématiques ont abouti à la rédaction d’un rapport finalisé en juin 2023 comportant 300 propositions, Ce rapport a été remis près d’un an plus tard, en avril 2024, à M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

([239]) La pédopsychiatrie ne constitue donc plus une spécialité médicale distincte de la psychiatrie. Elle correspond à une année supplémentaire au cours du diplôme de psychiatrie dans le cadre d’un diplôme d’études spécialisées complémentaire (DESC) ou d’une option, selon que l’on effectue son DES de psychiatrie avant ou après la réforme du troisième cycle des études de médecine de 2017. Seuls sont reconnus comme qualifiés ordinalement en pédopsychiatrie les praticiens formés à la surspécialisation (DESC ou option PEA). Pour autant, tous les professionnels formés par le DESC non qualifiant de PEA, depuis sa création en 1984, exercent.

([240]) Comme le rappelle la Cour des comptes, « la pédopsychiatrie n’est pas considérée, aujourd’hui, comme une discipline médicale à part entière et ce principalement en raison des différentes réformes du troisième cycle universitaire : jusqu’en 1991, il s’agissait d’une spécialité médicale ; elle a ensuite été transformée en surspécialité ouverte après le DES [diplômes d’études spécialisées]. Depuis la rentrée 2022, il s’agit d’une option précoce dans le cadre d’un DES renouvelé. »

([241]) Cour des comptes, « La pédopsychiatrie. Un accès et une offre de soins à réorganiser », communication à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, mars 2023, p. 29.

([242]) Ibid, p. 80.

([243]) Conseil national de l’Ordre des médecins, Approche territoriale des spécialités médicales et chirurgicales, situation au 1er janvier 2023, p. 271.

([244]) Circulaire du 16 mars 1972 relative au programme d’organisation et d’équipement des départements en matière de lutte contre les maladies et déficiences mentales des enfants et des adolescents. Un secteur infanto-juvénile représente une circonscription territoriale de soins d’environ 200 000 habitants et correspondant ainsi à trois secteurs adultes en moyenne.

([245]) Cour des comptes, « La pédopsychiatrie. Un accès et une offre de soins à réorganiser », communication à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, mars 2023.

([246]) La Cour des comptes dénombre 1 329 CMP-IJ pour 360 secteurs infanto-juvéniles.

([247]) La Cour relève d’ailleurs à cet égard que les dépenses dédiées à la prise en charge en psychiatrie infanto-juvénile dans les établissements de santé en 2019 sont estimées à 1,8 milliard d’euros et sont concentrées sur le secteur public.

([248]) À cet égard, l’activité en pédopsychiatrie présente la particularité de connaître des fluctuations liées aux vacances scolaires, avec des pics lors des semaines de rentrée.

([249]) Au 31 décembre 2022, les mineurs et majeurs de moins de 21 ans bénéficient de 381 000 mesures d’aide sociale à l’enfance (ASE) et 208 000 mineurs et jeunes majeurs sont accueillis à l’ASE (Drees, L’aide sociale à l’enfance, édition 2024, 23 juillet 2024).

([250]) HAS, Coordination entre services de protection de l’enfance et services de pédopsychiatrie, note de cadrage, avril 2021.

([251]) Cnam, « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, propositions de l’Assurance Maladie pour 2025 », rapport au ministère chargé de la Sécurité sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et des produits de l’Assurance Maladie au titre de 2025, juillet 2024.

([252]) Id.

([253]) ONPE, La santé des enfants protégés, seizième rapport au Gouvernement et au Parlement, juillet 2022.

([254]) Comede et Médecins Sans Frontières, La santé mentale des mineurs non accompagnés. Effets des ruptures, de la violence et de l’exclusion, octobre 2021.

([255]) Les MDA sont des lieux polyvalents d’accueil, de conseil et d’accompagnement, travaillant en réseau avec l’ensemble des acteurs s’occupant d’adolescents sur un territoire donné, où la santé est considérée à la fois dans sa dimension physique, psychique, relationnelle et sociale, éducative. S’adressant en priorité à des adolescents en proie à des difficultés, elles s’adressent également aux parents ainsi qu’aux professionnels au contact des adolescents.

([256]) Décret n° 2019‑380 du 29 avril 2019 portant création d’un délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie.

([257]) Ce comité rassemble les représentants des différents grands acteurs institutionnels, professionnels et associatifs du champ de la santé mentale. Il est réuni au moins une fois par an par le ministre chargé de la santé afin de suivre l’évolution de la mise en œuvre de la feuille de route.

([258]) HCSP, Évaluation du programme national d’actions contre le suicide 2011‑2014, mars 2016.

([259]) FHF, résultats de l’enquête psychiatrie, septembre 2023.

([260]) DGS, Stratégie nationale de prévention du suicide, février 2024.

([261]) Instruction n° DGS/SP4/2022/171 du 6 juillet 2022 actualisant l’instruction n° DGS/SP4/2019/190 du 10 septembre 2019 et relative à la stratégie nationale de prévention du suicide.

([262]) Ministère des solidarités et de la santé, Stratégie nationale de santé 2018‑2022.

([263]) Ministère de la justice, ministère des solidarités et de la santé, Feuille de route santé des personnes placées sous main de justice 2019‑2022

([264]) Circulaire n° ESRS2415963C du 13 juin 2024, Évolution du dispositif Santé Psy Étudiant, publiée au Bulletin officiel n° 26 du 27 juin 2024.

([265]) Loi n° 2021‑1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, article 79.

([266]) Décret n° 2022‑195 du 17 février 2022 relatif à la prise en charge des séances d’accompagnement réalisées par un psychologue.

([267]) Voir notamment les travaux des députés Éric Alauzet, Pierre Dharréville et Sébastien Peytavie à l’occasion du Printemps social de l’évaluation 2023 (rapport n° 1318 à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, 2 juin 2023).

([268]) Arrêté du 24 juin 2024 modifiant l’arrêté du 2 mars 2022 fixant la convention type entre l’Assurance maladie et les professionnels s’engageant dans le cadre du dispositif de prise en charge de séances d’accompagnement par un psychologue.

([269]) Arrêté du 24 juin 2024 modifiant l’arrêté du 8 mars 2022 relatif aux tarifs, codes de facturation et critères d’inclusion du dispositif de prise en charge de séances d’accompagnement psychologique.

([270]) Ministère du travail, de la santé et des solidarités, Santé mentale et psychiatrie, mise en œuvre de la feuille de route, état d’avancement au 1er mars 2024.

([271]) Santé publique France, Évaluation d’efficacité de VigilanS de 2015 à 2017, dispositif de prévention de la réitération suicidaire, septembre 2023.

([272]) En moyenne, 248 euros seraient ainsi économisés lorsqu’un patient est accompagné par VigilanS.

([273]) Association PSSM France, En route vers 2030, dossier de presse, p. 9.

([274]) Les GEM sont des associations formées par et pour des usagers en santé mentale, reposant sur le principe de pair-aidance.

([275]) Créé par l’article 69 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, modifiant l’article L. 3221‑2 du code de la santé publique, le PTSM a pour objet l’amélioration continue de l’accès des personnes concernées à des parcours de santé et de vie de qualité, sécurisés et sans rupture. Il est élaboré et mis en œuvre à l’initiative des professionnels et établissements travaillant dans le champ de la santé mentale à un niveau territorial suffisant – généralement départemental – pour permettre l’association de l’ensemble des acteurs et l’accès à des modalités et techniques de prise en charge diversifiées.

([276]) Établis sur la base d’un diagnostic territorial partagé, les CTSM sont des contrats pluriannuels signés entre l’ARS et les comités de pilotage des PTSM, visant à déployer des actions structurantes en santé mentale et psychiatrie.

([277]) Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie, Rapport du tour de France des projets territoriaux de santé mentale, octobre 2024.

([278]) Le CLSM est une plateforme de concertation en santé mentale rassemblant, à l’échelon communal ou intercommunal, des élus, des acteurs de la psychiatrie ou encore des représentants d’usagers. Il a pour but de définir et de mettre en œuvre des politiques locales et des actions pour améliorer la prévention et le parcours de soin et de vie des personnes souffrant de troubles psychiques.

([279]) Centre national de ressources et d’appui aux CLSM, État des lieux national sur le fonctionnement des CLSM, édition 2023.

([280]) Le soutien s’élèverait à 20 millions d’euros en 2019 puis en 2020, 30 millions d’euros en 2021 et 20 millions d’euros en 2022.

([281]) Lesquelles ont notamment été exprimées dans un communiqué « Santé mentale Grande cause nationale 2025 : Pour un soutien fort aux soins psychiatriques de proximité », cosigné par dix-neuf organisations, parmi lesquelles le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH), la Fnapsy, les conférences nationale des présidents de CME de CH, CHU et CHS, ou encore l’AdESM, publié le 25 septembre 2024.

([282]) Circulaire du 20 septembre 2010 relative aux concours des sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle aux campagnes d’intérêt général faisant appel à la générosité publique.

([283]) Académie nationale de médecine, Soigner les maladies mentales : pour un plan de mobilisation nationale, rapport de Jean-Pierre Olié au nom d’un groupe de travail rattaché à la commission V (Santé Mentale-Neurosciences-Addictions), juin 2019.

([284]) Id., p. 12.

([285]) Montants indiqués par la DGOS dans une contribution adressée à la mission d’information.

([286]) Lancée en 2020 et présidée par le professeur Michel Lejoyeux, auditionné par la mission, la CNP a remplacé le comité de pilotage de la psychiatrie (Copil) qui existait depuis 2017. Elle est composée de professionnels du soin psychiatrique de l’adulte, de l’enfant et de l’adolescent, en appui de la DGOS. Elle compte cinq pôles (psychiatrie générale ; psychiatrie, société, loi et prévention ; psychiatrie et autres disciplines médicales ; traitements, recherche et innovations ; pédopsychiatrie) et quatorze sous-commissions thématiques.

([287]) Voir, à titre d’exemple, le rapport d’information déposé par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, en conclusion des travaux de la mission relative à l’organisation de la santé mentale, présenté par M. Brahim Hammouche, président, et Mmes Caroline Fiat et Martine Wonner, rapporteures, le 18 septembre 2019.

([288]) Cour des comptes, « Les parcours dans l’organisation des soins de psychiatrie », rapport public thématique, février 2021, recommandation n° 5.

([289]) HAS, Coordination entre le médecin généraliste et les différents acteurs de soins dans la prise en charge des patients adultes souffrant de troubles mentaux – états des lieux, repères et outils pour une amélioration, 9 octobre 2018.

([290]) Mesure également préconisée par le haut-commissariat au plan.

([291]) Lancé dans le cadre du Pacte de refondation des urgences et réaffirmé lors du Ségur de la santé, le SAS, en l’absence du médecin traitant, apporte une réponse médicale aux besoins de soins non programmés de la population à travers un guichet téléphonique. Pour mettre en place une réponse coordonnée et recentrer les services d’urgences sur leur cœur de métier, le SAS propose un modèle de rémunération spécifique aux médecins qui s’engagent comme régulateurs ou comme effecteurs de soins dans le dispositif.

([292]) Ministère de la santé et de la prévention, Généralisation du Service d’accès aux soins (SAS), dossier de presse, 26 avril 2023, p. 2.

([293]) Rapport d’information n° 304 (2021-2022) de M. Jean Sol et Mme Victoire Jasmin fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur les effets de l’épidémie de covid‑19 sur la santé mentale, 15 décembre 2021.

([294]) Cour des comptes, « La pédopsychiatrie. Un accès et une offre de soins à réorganiser », communication à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, mars 2023.

([295]) FHF, Répondre à l’urgence et bâtir l’avenir de la psychiatrie, avril 2024, p. 39.

([296]) Décret n° 2019-836 du 12 août 2019 relatif au diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée mention psychiatrie et santé mentale.

([297]) Parmi eux, 80,8 % travaillent dans des établissements publics, 11,6 % dans des établissements privés à but non lucratif (PBNL) et 7,6 % dans des établissements privés à but lucratif (PBL). S’ajoutent près de 16 000 aides-soignants exerçant en psychiatrie dans l’ensemble des établissements sanitaires et plus de 3 700 personnels de rééducation.

([298]) OFDT, Les niveaux d’usage des drogues illicites en France en 2023, Tendances, n° 164, juin 2024.

([299]) CNP, Groupe thématique « Accès aux soins, parcours de soins et territoires, soins non programmés, urgences, suicidologie », document de synthèse juin 2021.

([300]) FHF, Répondre à l’urgence et bâtir l’avenir de la psychiatrie, avril 2024.

([301]) Prévu par l’article 51 de la loi n° 2017‑1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, ce dispositif permet la mise en œuvre d’expérimentations dérogatoires aux règles de financement ou d’organisation afin de courir, dans les secteurs sanitaire et médico-social, à l’amélioration de la prise en charge et du parcours des patients, de l’efficience du système de santé et de l’accès aux soins.

([302]) Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie, Rapport du tour de France des projets territoriaux de santé mentale, octobre 2024.

([303]) Santé Mentale Grande Cause nationale 2025 : ne pas oublier les soins psychiatriques !, communiqué publié sur le site santementale.fr, 25 septembre 2024.

([304]) HAS, Accompagner les personnes en situation de grande précarité présentant des troubles psychiques, communiqué de presse, 18 janvier 2024, recommandations établies sur saisine de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS).

([305]) Les Pass sont des unités de soins hospitalières ouvertes à toute personne malade en situation de précarité. Elles proposent une prise en charge médicale et sociale, ou une orientation, pour des personnes ayant besoin de soins mais ayant du mal à y accéder, du fait de l’absence de protection sociale, de leurs conditions de vie, ou de leurs difficultés financières.

([306]) L’évaluation montre toutefois que 11 % des patients inclus bénéficient de la complémentaire santé solidaire (CSS), 0,05 % de l’aide médicale de l’État (AME), et que près de 29 % des patients inclus résident dans les 40 communes les plus défavorisées.

([307]) Les patients difficiles seraient une minorité (2 %) mais resteraient responsables de la majorité (70 %) des situations de violence.

([308]) En 2023, près de 142 500 demandes de protection internationale ont été présentées à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), toutes procédures confondues, soit une augmentation de 8,6 % par rapport à 2022.

([309]) Centre Primo Levi, Santé mentale des personnes exilées : une souffrance invisible, juin 2024.

([310]) L’équipe est composée de psychiatres, d’infirmiers, d’un cadre de santé, d’une éducatrice spécialisée et de deux assistantes de service social.

([311]) Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France, L’équipe mobile transitionnelle (Emot) du CHU de Lille, bilan d’activité et retour d’expérience (2020-2023), janvier 2024.

([312]) Un médiateur de santé pair, ou pair aidant, est une personne en capacité d’utiliser son vécu personnel de la maladie et son parcours de rétablissement, au sein d’une équipe pluridisciplinaire de psychiatrie et de santé mentale, pour contribuer positivement et de manière professionnelle au projet de soin, de vie et d’autonomisation des personnes prises en charge ou accompagnées.

([313]) Charte « urgences et psychiatre », co-signée par le président de la Conférence nationale des présidents de CME de CHS et le président de Samu-Urgences de France, 11 juin 2015.

([314]) SFMU, Recommandations de bonne pratique clinique, Prise en charge du patient adulte à présentation psychiatrique dans les structures d’urgences, 31 mars 2021.

([315]) CNP, Groupe thématique « Accès aux soins, parcours de soins et territoires, soins non programmés, urgences, suicidologie », document de synthèse, juin 2021.

([316]) Irdes, « Personnes suivies pour des troubles psychiques sévères : une espérance de vie fortement réduite et une mortalité prématurée quadruplée », Questions d’économie de la santé, n° 237, septembre 2018.

([317]) À cet égard, les rapporteures doivent déplorer que la Défenseure des droits ne se soit pas sentie concernée par les travaux de la mission et n’ait pas jugé bon de se rendre disponible pour une audition.

([318]) CNP, pôle 2 « Psychiatrie, société, loi et prévention », commission « droit des malades, place du patient, de la famille et des accompagnants ».

([319]) HAS, Mieux prévenir et prendre en charge les moments de violence dans l’évolution clinique des patients adultes lors des hospitalisations en service de psychiatrie – Outil 3 – Plan de prévention partagé : une démarche travaillée avec le patient, septembre 2016.

([320]) Cour des comptes, « L’accueil et le traitement des urgences à l’hôpital », communication à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, novembre 2024.

([321]) CNP, Groupe thématique « Accès aux soins, parcours de soins et territoires, soins non programmés, urgences, suicidologie », document de synthèse juin 2021.

([322]) L’Unafam propose par exemple des rendez-vous « coupe-file » en CMP ou hôpitaux de jour, ou l’intervention d’équipes mobiles.

([323]) Enquête Solen ARS 2023, annexée au rapport de l’Igas sur la permanence des soins en établissements de santé face à ses enjeux, une nouvelle ambition collective et territoriale à porter, publié en juin 2023.

([324]) Rapport d’information n° 776 (2023-2024) de Mme Corinne Imbert, M. Bernard Jomier et M. Olivier Henno sur la financiarisation de l’offre de soins, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, 25 septembre 2024.

([325]) Loi n° 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels.

([326]) Un premier jalon en ce sens avait d’ailleurs été posé par l’article 7 de la loi dite « Rist 2 » du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, à travers l’introduction du principe de responsabilité collective des établissements et professionnels de santé quant à la permanence des soins. Sans édicter de contrainte juridique, ce principe visait une répartition plus juste de l’effort entre les structures de soins et les médecins d’un territoire. La loi prévoit en outre une extension de la permanence de soins aux chirurgiens-dentistes, sages-femmes et infirmiers diplômés d’État, tandis que l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a ouvert la possibilité aux chirurgiens de participer à la permanence des soins.

([327]) Article 17 de la loi du 27 décembre 2023, modifiant l’article L. 6111‑1‑3 du code de la santé publique.

([328]) Si aucun décret d’application de cette disposition n’a été pris à ce jour, la DGOS indique que la publication du décret est prévue d’ici la fin de l’année 2024 et précise que les ARS ont été concertées sur le projet de décret « dont les objectifs étaient une meilleure participation de tous les acteurs à la PDSES, des possibilités de mutualisation et d’alternance de lignes de garde, mais aussi une meilleure concertation des acteurs du territoire ».

([329]) Article 18 de la loi du 27 décembre 2023, modifiant l’article L. 6122‑7 du code de la santé publique.

([330]) Circulaire DGOS/R5 n° 2011‑74 du 24 février 2011 relative au guide méthodologique d’élaboration du schéma régional d’organisation des soins (SROS-PRS), p. 19.

([331]) Article R. 6122‑25 du code de la santé publique.

([332]) Ce faisant elle reconnaît que l’accueil des patients la nuit et les week‑ends constitue une mission de service public accompagnée d’un financement via le fonds d’intervention régional.

([333]) Cour des comptes, Les établissements de santé publics et privés, octobre 2023.

([334]) Contribution adressée à la mission d’information.

([335]) Décrets n° 2022‑1264 du 28 septembre 2022 relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l’activité de psychiatrie – ces dernières concernaient auparavant les seuls établissements de santé privés autorisés en psychiatrie – et n° 2022‑1263 du 28 septembre 2022 relatif aux conditions d’implantation de l’activité de psychiatrie.

([336]) Dans l’ancien régime des autorisations, les établissements étaient autorisés par forme de prise en charge (CMP, hôpital de jour, etc).

([337]) Article R. 6123‑176 du code de la santé publique.

([338]) Article R. 6123‑179 du code de la santé publique.

([339]) Comme le précise l’instruction n° DGOS/R4/2022/257 du 2 décembre 2022, la convention constitutive du réseau « précise notamment les disciplines et les activités de soins ou les états pathologiques spécifiques pour lesquels les établissements membres s’engagent à accueillir et à prendre en charge les patients qui leur sont adressés par le Samu ou par la structure des urgences. L’intégration de la prise en charge des urgences dans la convention de partenariat doit ainsi inciter les établissements autorisés en psychiatrie dans une même zone d’intervention à réfléchir ensemble aux modalités de prise en charge des patients en amont et en aval des urgences. En amont, des dispositifs de régulation de type SAS psychiatriques, plateformes de crise, consultations non programmées, etc. ; en aval, des dispositifs ou organisations permettant d’améliorer les prises en charge, tant en termes de disponibilité de lits d’hospitalisation (dispositifs opérationnels de recherche de lits, régulation des lits, bed management...) qu’en termes d’alternatives ou de sorties anticipées d’hospitalisation (développement des hôpitaux de jour, développement d’équipes mobiles de prise en charge intensive...) devront être étudiés et le cas échéant déployés. »

([340]) Article R. 6123‑178 du code de la santé publique.

([341]) Haut-commissariat au plan, La prise en charge des troubles psychiques et psychologiques : un enjeu majeur pour notre société, n° 17, juin 2024, p. 50.

([342]) Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, Ma santé, notre avenir, Investir dans la santé de l’enfant : une urgence nationale, publié en avril 2024.

([343]) Gouvernement, Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, dossier de presse, 24 mai 2024.

([344]) HCFEA, Quand les enfants vont mal : comment les aider ?, 7 mars 2023.

([345]) Dans son rapport sur la pédopsychiatrie de 2023, la Cour préconise notamment de renforcer les moyens des CMP-IJ dans les territoires sous-dotés, afin de garantir leur mission d’accueil et d’évaluation, et « d’actualiser la norme de taux d’équipement indicatif standard par territoire pertinent (couvrant l’offre publique et privée), qui devrait notamment inclure une équipe de liaison en pédiatrie ou lits de crise (lits-portes), des équipes mobiles et des lits d’hospitalisation 16 à 25 ans et ouvrir des capacités d’accueil en établissement médico-social en aval de l’hôpital ».

([346]) Haut-commissariat au plan, La prise en charge des troubles psychiques et psychologiques : un enjeu majeur pour notre société, n° 17, juin 2024, p. 48.

([347]) CNP, pôle n° 5 « Pédopsychiatrie ».

([348]) Cnam, « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, propositions de l’Assurance Maladie pour 2025 », rapport au ministère chargé de la Sécurité sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et des produits de l’assurance maladie au titre de 2025, juillet 2024.

([349]) Article 21 de la loi n° 2016‑297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, codifié à l’article L. 223‑1‑1 du code de l’action sociale et des familles.

([350]) HAS, Coordination entre services de protection de l’enfance et services de pédopsychiatrie, note de cadrage, avril 2021.

([351]) Loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants.

([352]) ONPE, La santé des enfants protégés, seizième rapport au Gouvernement et au Parlement, juillet 2022, p. 9.

([353]) Article 51 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([354]) Évaluation du projet Article 51 Santé protégée, analyses réalisées par Accenture (hors champ SNDS) et Cemka (étude SNDS) sous le pilotage de la cellule d’évaluation Article 51, rapport final d’évaluation publié en juin 2024.

([355]) Programme d’expérimentation d’un protocole de santé standardisé appliqué aux enfants ayant bénéficié avant l’âge de 5 ans d’une mesure de protection de l’enfance.

([356]) Évaluation du projet Article 51 Pégase, rapport final d’évaluation réalisé par Cemka sous le pilotage de la cellule d’évaluation Article 51, juillet 2024.

([357]) Cnam, Propositions de l’assurance maladie pour 2025, rapport au ministère chargé de la Sécurité sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et des produits de l’assurance maladie au titre de 2025, juillet 2024, p. 205.

([358]) Elle pourrait ainsi être un établissement de santé, un établissement ou service social ou médico-social, une structure de ville de type PMI, un centre de santé spécifique, etc.

([359]) ONPE, La santé des enfants protégés, seizième rapport au Gouvernement et au Parlement, juillet 2022.

([360]) Gouvernement, plan de lutte contre les violences faites aux enfants, 2023‑2027, dossier de presse, 20 novembre 2023.

([361]) Résolution, adoptée par l’Assemblée nationale, créant une commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance le 9 octobre 2024, T.A. n° 2.

([362]) Soit environ un décès maternel de cause psychiatrique toutes les trois semaines en France. Inserm et Santé publique France, « Les morts maternelles en France : mieux comprendre pour mieux prévenir. 7e rapport de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM), 2016-2018 », avril 2024.

([363]) Cour des comptes, « La politique de périnatalité, Des résultats sanitaires médiocres, une mobilisation à amplifier », rapport public thématique, mai 2024.

([364]) Rapport d’information n° 753 (2023-2024) au nom de la mission d’information sur l’avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale présidée par Mme Annick Jacquemet et rapportée par Mme Véronique Guillotin, 10 septembre 2024.

([365]) « Faisons de la santé mentale périnatale l’un des axes forts des politiques de santé publique », tribune publiée sur le site du quotidien Le Monde le 8 octobre 2024.

([366]) Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024, article 61.

([367]) Réponse du ministre de la santé et de la prévention, publiée le 27 avril 2023, à la question écrite n° 06250 de M. Pascal Allizard, sénateur, publiée le 13 avril 2023.

([368]) Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, article 1er.

([369]) Article L. 631‑1 du code de l’éducation.

([370]) Ces épreuves déterminent l’accès au troisième cycle d’études de médecine et aux spécialités associées.

([371]) Le Cnup, association loi 1901, a pour but de réunir l’ensemble des psychiatres hospitalo-universitaires (professeurs des universités, maîtres de conférences et praticiens hospitalo-universitaires) responsables de l’enseignement de la psychiatrie en France, ainsi que les psychiatres hospitaliers chargés de fonctions universitaires, d’enseignement ou de recherche.

([372]) « Choix des internes en médecine : + 13 % de postes vacants en psychiatrie en 2024 ! », article publié sur le site santementale.fr, 9 octobre 2024.

([373]) Cnup, L’état de la psychiatrie en France : mythes, réalités et enjeux, dossier de presse, 2024.

([374]) Le nombre de places en médecine est passé de 9 361 en 2019‑2020 (dernière année du numerus clausus) à 10 854 en 2022‑2023.

([375]) Cour des comptes, « La pédopsychiatrie. Un accès et une offre de soins à réorganiser », communication à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, mars 2023.

([376]) Haut-commissariat au plan, La prise en charge des troubles psychiques et psychologiques : un enjeu majeur pour notre société, n° 17, juin 2024, p. 49.

([377]) Cour des comptes, « La pédopsychiatrie. Un accès et une offre de soins à réorganiser », communication à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, mars 2023.

([378]) Drees, Les étudiantes en formation d’infirmière sont trois fois plus nombreuses à abandonner en première année en 2021 qu’en 2011, études et résultats, n° 1266, mai 2023.

([379]) Le dispositif d’infirmière Asalée, pour « action de santé libérale en équipe », a été créé en 2004 et permet, par un protocole de coopération, des délégations d’actes ou d’activités des médecins généralistes vers des infirmières déléguées à la santé publique (IDSP) au sein d’un cabinet médical.

([380]) Compilation des propositions des groupes thématiques transmise par la CNP à la mission d’information, 2023.

([381]) Haut-commissariat au plan, La prise en charge des troubles psychiques et psychologiques : un enjeu majeur pour notre société, n° 17, juin 2024, p. 50.

([382]) FHF, Répondre à l’urgence et bâtir l’avenir de la psychiatrie, avril 2024.

([383]) Cnup, L’état de la psychiatrie en France : mythes, réalités et enjeux, dossier de presse, 2024, p. 5.

([384]) Bordeaux, Grenoble, Lille, Strasbourg et Tours.

([385]) Annonces du Premier ministre lors de sa visite au centre hospitalier Laborit de Poitiers, le 10 octobre 2024.

([386]) Gouvernement, « Une ambition refondée pour la santé mentale et la psychiatrie en France », Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, dossier de presse, septembre 2021.

([387]) Accord du 4 juin 2024 relatif à l’extension du Ségur dans le secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif (Bass).

([388]) Le montant mensuel brut versé aux agents exerçant dans les structures des urgences est fixé à 118 euros.

([389]) HAS, Réponse rapide dans le cadre du covid‑19 - Souffrance des professionnels du monde de la santé : prévenir, repérer, orienter, Réponse rapide n° 6, mai 2020.

([390]) AdESM et Conférence nationale des présidents de commission médicale d’établissement de centre hospitaliers spécialisés, Enquête sur l’activité psychiatrique au sein des urgences et sur l’organisation de la permanence des soins, octobre 2022, p. 20. Enquête conduite entre le 31 mai et le 2 juin 2022, auprès de 37 établissements autorisés en psychiatrie, dans dix régions françaises.

([391]) FHF, Répondre à l’urgence et bâtir l’avenir de la psychiatrie, avril 2024, p. 37.

([392]) Créée par une association québécoise, cette formation vise le développement de compétences à offrir des soins et des services, en apprenant aux travailleurs concernés à gérer les situations d’agressivité et de violence.

([393]) La directrice de la sécurité de l’AP-HM est une commissaire de police en détachement et la directrice des affaires juridiques du CHU de Lille est une procureure en détachement. Elles ont toutes deux facilité les rapprochements entre partenaires autour de procédures partagées visant à prévenir et traiter conjointement les situations de violence.

([394]) https://assnat.fr/dzp4Sv