N° 725
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 décembre 2024.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 30 octobre 2024.
sur les terres rares et les ressources naturelles stratégiques
et présenté par
M. Jérôme BUISSON,
Député
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SOMMAIRE
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Pages
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR
a. Une évolution de l’offre en ressources stratégiques encore incertaine
b. La volatilité des prix des ressources naturelles stratégiques : un point d’attention
1. La Chine s’impose comme l’acteur incontournable de chaînes de valeur extrêmement concentrées
a. Les terres rares : une hyper-concentration de l’ensemble des étapes de la chaîne de valeur
b. Le cobalt : un marché contrôlé par une poignée d’acteurs puissants
c. Le lithium : un marché dominé par l’Amérique latine et cinq majors
a. Un double objectif ambitieux
b. Une présence et des investissements très visibles à l’étranger
a. Une pénurie organisée : l’enjeu de rapports de force entre puissances
c. La définition de listes de matériaux stratégiques et critiques par les États consommateurs
a. La présence de ressources stratégiques : une fausse aubaine ?
b. Le développement d’une industrie minière sans retombées locales positives : l’exemple du Burundi
c. Les ressources stratégiques au cœur des conflits
b. Des conditions d’exploitation parfois contestables
c. Les conséquences sanitaires de l’industrie minière : un sujet à surveiller
a. Le dilemme d’une économie à deux vitesses
b. Les germes d’un nationalisme industriel (2004-2014)
c. Le renforcement de la stratégie industrielle nationale (à partir de 2014)
2. La République démocratique du Congo : vers la diversification de ses partenariats
a. Une prise de distance avec la Chine au profit des États-Unis
b. L’ouverture à de nouveaux acteurs
i. Une ouverture réussie vers les monarchies du Golfe arabo-persique
ii. Un rapprochement avec l’Union européenne, qui connaît toutefois de sérieux accrocs
3. Le Chili : un modèle fondé sur des partenariats publics-privés
a. Le rôle renforcé de l’État chilien
b. Vers la constitution d’un cartel du lithium en Amérique latine ?
B. Les États consommateurs tentent d’assurer leur autonomie stratégique
1. Le Japon a développé une stratégie pionnière, qui porte déjà ses fruits
a. Une stratégie dont la mise en œuvre repose sur une politique publique proactive
b. La sécurisation des ressources minérales nécessaires à son économie
d. La constitution de stocks stratégiques
e. Des résultats déjà visibles, même si des dépendances persistent
2. Les métaux critiques sont élevés au statut de priorité nationale par les États-Unis
a. Un pays qui a su conserver sa tradition minière au cours du temps
b. La mise en œuvre d’une stratégie diversifiée et ambitieuse
c. Des objectifs inatteignables ?
1. Une prise de conscience très récente de la centralité du sujet des ressources stratégiques
a. Un élément déclencheur : la crise de la Covid-19 et la remise du rapport Varin en janvier 2022
a. L’« intelligence minérale »
c. Une action européenne et internationale
d. La recherche & développement et la formation
a. Une réticence des populations locales qui n’est en rien inéluctable
a. Une vision en grande part anachronique des métiers de l’industrie minière
b. Développer des filières de formation d’excellence autour des ressources stratégiques
a. Sensibiliser l’ensemble de la société aux enjeux des ressources stratégiques
B. Le retour d’un État stratège pour apporter un soutien renforcé aux projets miniers et industriels
a. Des démarches administratives trop longues et contraignantes
b. Approfondir et accélérer les réformes entamées
b. Un soutien financier encore insuffisant, en particulier à l’échelle européenne
b. Quels partenariats pour l’avenir ?
c. Anticiper un possible « choc » de l’offre de ressources stratégiques
2. Quel avenir pour notre modèle de consommation ?
b. Le recyclage : entre espoirs et mirages
ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR
ANNEXE 2 : LISTE DES ACRONYMES ET DES ABRÉVIATIONS UTILISÉS DANS LE RAPPORT
ANNEXE 3 : DÉCLARATION D’ANVERS DU 20 FÉVRIER 2024
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR
Priorité 1 : Renforcer l’acceptabilité des projets miniers et industriels associés aux ressources stratégiques
1. Rassurer les populations locales : mieux informer sur les règles existantes et s’assurer de leur application plus juste par l’ensemble des acteurs impliqués sur le marché des ressources stratégiques
Proposition n° 1 : Encourager le déploiement de règles de certification unifiées à l’échelle mondiale portant sur l’ensemble des chaînes de valeur des ressources stratégiques et doter leur application des moyens de contrôle humains et financiers nécessaires à leur effectivité en évitant une application unilatérale pénalisant les entreprises françaises et européennes.
Proposition n° 2 : Valoriser par tous les leviers communicationnels existants l’action de la France et de l’Union européenne en matière de respect des règles environnementales, sociales et de bonne gouvernance (législations, labels et mesures de traçabilité) par l’ensemble de leurs chaînes de valeur et d’approvisionnements en ressources stratégiques.
Proposition n° 3 : Porter, à l’échelle française, la proposition de mettre en œuvre des mesures miroirs au sein des accords de libre-échange conclus par l’Union européenne, sur le respect de règles environnementales, sociales et de bonne gouvernance applicables aux chaînes de valeur des ressources stratégiques de manière à réduire les distorsions de concurrence qui affectent la France.
Proposition n° 4 : Encourager les pays du G7 non membres de l’Union européenne à adopter des standards environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance similaires aux règles applicables aux entreprises européennes.
Proposition n° 5 : Promouvoir le développement de guides de bonne pratique et d’outils d’information juridiquement non contraignants pour mieux accompagner les acteurs privés dans le déploiement de leurs projets miniers et industriels dans le domaine des ressources stratégiques.
2. Valoriser les nouveaux emplois associés à l’industrie minière des ressources stratégiques
Proposition n° 6 : Faire connaître, en lien avec les professionnels du secteur, l’ensemble des métiers de la filière des ressources stratégiques dans les écoles et les universités. Insister, dans le cadre de la conception des présentations, sur l’évolution de ce secteur et les nouvelles compétences requises. Parallèlement, promouvoir les partenariats dans ce domaine entre les entreprises et les établissements d’enseignement locaux sous forme de stages et d’apprentissages.
Proposition n° 7 : Soutenir la constitution de filières françaises d’excellence dans les écoles et les universités autour des ressources stratégiques en intégrant non seulement la formation aux activités minières mais aussi aux professions des domaines connexes (géologie, métallurgie et chimie notamment).
Proposition n° 8 : Encourager les coopérations et le partage de savoirs entre États à travers la mise en place de programmes spécifiques d’échanges dédiés aux ressources stratégiques.
3. Favoriser l’implication des populations et renforcer les retombées locales des projets industriels et miniers sans alourdir les procédures
Proposition n° 9 : Mobiliser l’ensemble des institutions françaises pour faire connaître auprès du grand public les enjeux associés aux ressources stratégiques et à la sécurisation de leurs chaînes d’approvisionnement.
Proposition n° 10 : Mener en parallèle les différentes phases consultatives (débat public et enquête publique) préalables à la réalisation d’un projet minier ou industriel afin d’en réduire les coûts et les délais de réalisation sur le modèle de la facilitation des procédures administratives prévues par la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
Proposition n° 11 : Repenser le système de redevances communale et départementale des mines dues par les entreprises minières pour renforcer les retombées locales des projets miniers.
Priorité 2 : Soutenir et faciliter la réalisation de projets miniers et industriels pour mieux sécuriser la chaîne d’approvisionnement française en ressources stratégiques
1. Simplifier les démarches administratives
Proposition n° 12 : Regrouper l’ensemble des compétences de délivrance des autorisations et de classification des projets miniers et industriels en une seule entité administrative constituant un interlocuteur unique pour les entreprises.
Proposition n° 13 : Poursuivre l’effort de simplification des démarches administratives nécessaires à l’ouverture d’un nouveau projet minier et assurer la publication rapide des textes réglementaires nécessaires à leur application.
2. Réduire les coûts et mieux soutenir financièrement les projets envisagés
Proposition n° 14 : Mettre en place un mécanisme national de fixation des prix de l’électricité de manière à ce que les industries françaises puissent profiter de l’avantage comparatif tiré du parc nucléaire historique dont la France s’est dotée.
Proposition n° 15 : Poursuivre les pressions pour inscrire les activités minières et le raffinage au sein de la taxonomie européenne.
Proposition n° 16 : Mobiliser, à l’échelle européenne, la Banque européenne d’investissement pour soutenir des projets miniers extractifs en Europe ou abonder des fonds de soutien nationaux à ces mêmes projets.
Proposition n° 17 : Repenser les lignes directrices relatives aux projets importants d’intérêt européen commun pour permettre aux États membres de l’Union européenne de subventionner sur le long terme des projets de sécurisation de leurs chaînes d’approvisionnement en ressources stratégiques incluant les technologies déjà matures.
Proposition n° 18 : Créer un fonds souverain français notamment capable d’investir au sein de sociétés minières dans le cadre d’une stratégie industrielle nationale.
Proposition n° 19 : Favoriser l’investissement de l’épargne des Français dans les ressources naturelles et plus largement la réindustrialisation nationale par la création d’un produit d’épargne à rémunération attractive et garanti par l’État.
Priorité 3 : Renforcer les stratégies française et européenne de nationalisation des chaînes de valeur et de sécurisation des approvisionnements
1. Organiser la concurrence
Proposition n° 20 : Mieux défendre les intérêts et positions de la France au sein des institutions européennes dans le cadre des négociations intergouvernementales sans exclure le recours à un rapport de force lorsque cela est nécessaire.
Proposition n° 21 : Promouvoir, à l’échelle européenne, des alliances à géométrie variable sur les ressources stratégiques de manière à dépasser les oppositions entre États membres sur l’application de règles antidumping et le soutien à accorder à des projets industriels.
2. Renforcer nos partenariats
Proposition n° 22 : Explorer la possibilité de création au sein des pays producteurs de ressources stratégiques comme la République démocratique du Congo d’entreprises à capitaux mixtes dans le domaine minier, de l’énergie ou des transports pour permettre aux investissements français d’être plus attractifs par rapport à ceux de la Chine et des États-Unis. Ouvrir ces entreprises à d’autres pays partenaires afin de renforcer la portée politique et l’envergure des projets ainsi financés.
Proposition n° 23 : Conditionner une partie du soutien financier français par le biais de l’aide publique au développement dans le domaine minier à la vente d’une part minimale de la production nationale en ressources stratégiques de l’État concerné à la France.
Proposition n° 24 : S’assurer que l’ensemble des partenariats conclus par la France sur les ressources stratégiques préservent les intérêts nationaux, permettent d’assurer l’approvisionnement de nos industries tout en s’inscrivant dans une démarche de co‑développement.
Proposition n° 25 : Renforcer la présence d’experts sur les ressources stratégiques au sein des ambassades dans les pays cibles de notre diplomatie.
Proposition n° 26 : Clarifier les termes du partenariat économique que la France entend maintenir avec la Chine de manière à optimiser les investissements chinois sur notre territoire tout en renforçant nos exigences à son égard.
Proposition n° 27 : Mettre en place des barrières tarifaires plus robustes afin de mieux réduire les distorsions de concurrence existantes et de protéger le développement des filières naissantes des batteries et des véhicules électriques au sein de l’Union européenne.
Proposition n° 28 : Porter une attention particulière aux relations de la France et, plus largement, de l’Union européenne avec les pays membres du groupe des BRICS +, qui constituent désormais un véritable club des matières premières et stratégiques.
3. Anticiper de possibles tensions sur l’offre de ressources stratégiques
Proposition n° 29 : Établir une stratégie nationale de constitution de stocks et de création de capacités de raffinage de ressources naturelles stratégiques qui couvrirait les besoins, pour une période donnée, des industries civiles françaises considérées comme vitales.
4. Mieux intégrer les problématiques de recyclage et d’efficacité aux stratégies existantes
Proposition n° 30 : Poursuivre et intensifier l’effort de la France pour soutenir le recyclage, sur le territoire français, des déchets et résidus des ressources stratégiques.
La lutte contre le changement climatique s’accompagne d’une véritable révolution du système énergétique mondial. La décarbonation des économies repose aujourd’hui sur deux options cumulatives mais inégalement exploitées :
– l’électrification et l’amélioration de l’efficacité énergétique des technologies ;
– l’investissement massif dans les énergies bas-carbone.
Force est de constater que les nouvelles sources d’énergie sont fondées sur des ressources naturelles (minerais et métaux auxquels appartiennent les terres rares) déjà largement mobilisées par les technologies du numérique. Celles-ci sont, en effet, indispensables pour la fabrication de véhicules électrifiés (cobalt, cuivre, lithium, nickel, terres rares), l’éolien (aluminium, cuivre, nickel, terres rares), le solaire (aluminium, argent, cuivre, silicium) ou encore l’hydrogène (nickel, palladium, platine). Outre le recours à une quantité croissante de ces ressources, les nouvelles technologies, très dépendantes des innovations scientifiques, consomment un nombre toujours plus diversifié de ces minerais et métaux. En ce sens, ces ressources, au fondement de la double transition écologique et numérique, peuvent être qualifiées de stratégiques tant elles façonnent l’avenir de l’économie mondiale. Or, cette demande exponentielle n’est pas sans soulever de nombreux enjeux.
Si, historiquement, les transitions énergétiques – du charbon vers le pétrole, puis du pétrole vers le gaz – ont toujours disposé d’un signal économique motivant les entreprises à s’adapter, tel n’est pas le cas de la transition écologique. Le prix du carbone ne permet pas de convaincre les entreprises de l’urgence à agir dans des temps très brefs, pas plus que la grande volatilité des ressources naturelles stratégiques et que l’imprévisibilité des évolutions technologiques. Ces dernières peuvent même rendre obsolète le recours à telle ou telle ressource en quelques années seulement. Or, l’objectif de limitation de la température mondiale à 1,5 °C, conformément aux ambitions les plus hautes de l’Accord de Paris (2015), nécessiterait au moins un triplement des investissements actuels dans ce secteur, qui atteindraient 775 milliards de dollars en 2021 ([1]). La transition écologique sera donc éminemment politique, les États étant contraints d’accompagner financièrement les acteurs économiques dans leur adaptation.
La compétition économique mondiale se trouve également accélérée par l’influence de cette transition dans sa dimension technologique (brevets et innovation) et industrielle (production de technologies), ce dont témoigne de manière manifeste la concurrence commerciale à laquelle se livrent la Chine et les États‑Unis. Le marché des ressources stratégiques est ainsi traversé par des tensions toujours plus exacerbées, alors que l’ensemble des chaînes de valeur atteignent des niveaux de concentration déjà bien plus élevés que celui du pétrole.
En parallèle, la pression exercée sur les réserves disponibles, le temps incompressible nécessaire au développement de nouvelles exploitations, les impacts environnementaux (pollutions, stress hydrique) et les rivalités géopolitiques pourraient engendrer de fortes tensions sur l’offre de ces ressources et freiner la dynamique de la transition. Dans ce contexte, la dépendance de la demande mondiale à l’égard de la Chine, qui se distingue par un gigantesque marché intérieur et une rivalité croissante avec les pays occidentaux, n’est pas sans inquiéter.
Ainsi, l’importance prise par ces ressources dans toutes les économies s’accompagne d’une profonde remise en cause des équilibres de puissances dans le jeu géopolitique mondial : le monde pourrait se reconfigurer autour de rapports de forces de plus en plus saillants. Extrêmement concentrée autour de quelques États et entreprises, l’organisation des chaînes de valeur des ressources stratégiques, depuis leur extraction jusqu’à leur utilisation et leur recyclage, crée des effets de dépendances, dont la pandémie de la Covid-19 et la guerre en Ukraine ont rappelé les dangers.
Face à l’émergence de ces nouveaux rapports de force internationaux, une réflexion, portée aussi bien par les États producteurs de ressources stratégiques que par les États consommateurs, émerge avec une acuité nouvelle : plus de la moitié des quatre cent quatorze politiques recensées sur ce sujet par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) au niveau mondial entre 1970 et 2023 ont été initiées ces quatre dernières années. Les pays consommateurs fortement dépendants, à l’instar des États-Unis, du Japon et des États de l’Union européenne, définissent progressivement des stratégies permettant de mieux identifier leurs besoins, de diversifier leurs sources d’approvisionnement et d’internaliser une partie de la production, de la transformation et de l’exploitation de ces ressources par l’ouverture de nouvelles mines et de projets industriels associés. En ce sens, et de manière peut-être contre-intuitive, la transition écologique est aussi une révolution industrielle. Structurées autour de la maîtrise des marchés et de la recherche d’une autonomie stratégique, ces politiques se déploient à des rythmes variables, entrent parfois en concurrence et rencontrent des contraintes communes : comment convaincre les populations locales de la nécessité d’ouvrir de nouvelles mines sur leurs lieux de vie ? Comment pousser les entreprises à investir dans ces marchés incertains ? Avec quels pays nouer de nouveaux partenariats et selon quels critères ?
Parallèlement, les États producteurs pourraient bénéficier d’un nouveau pouvoir de marché. Certains développent déjà des initiatives pour se défaire de leurs propres dépendances vis‑à‑vis de la Chine, favoriser les investissements sur leur territoire tout en stimulant la création d’emplois et la production industrielle à forte valeur ajoutée. Là encore, les défis sont immenses et les résultats contrastés, d’autant que l’acceptabilité de l’industrie minière n’est pas un enjeu réservé aux seuls pays développés.
Ce sont précisément ces différentes problématiques que la mission d’information a souhaité explorer. Quelques remarques s’imposent sur le champ de ses travaux et la définition retenue des ressources naturelles stratégiques. Dans une acceptation large, ces ressources recouvriraient l’ensemble des stocks de matières présentes dans le milieu naturel, qui sont à la fois rares et économiquement utiles pour la production ou la consommation, soit à l’état brut, soit après un minimum de transformation ; elles incluraient, par exemple, l’eau et les ressources forestières. Toutefois, au regard de l’ampleur du sujet, la mission a fait le choix de se concentrer sur les seuls minerais et métaux stratégiques. Cette restriction volontaire a paru d’autant plus pertinente que le commerce du bois répond à d’autres défis, tandis que l’eau, ressource vitale plus que stratégique, n’est pas soumise aux mêmes logiques de marché.
Si l’intitulé de la mission laissait entendre qu’un sort particulier serait réservé aux terres rares, sans doute plus médiatiques que d’autres ressources stratégiques, le rapport n’a finalement pas souhaité circonscrire ses travaux à ce seul cas d’espèce, tant l’ensemble des ressources stratégiques sont traversées par des enjeux similaires.
S’agissant, enfin, de la délimitation géographique du sujet, le rapporteur a voulu couvrir l’ensemble des continents de manière à pouvoir envisager les problématiques associées aux ressources stratégiques dans toute leur complexité, mêlant les points de vue des États producteurs et consommateurs, plus ou moins développés. Cette volonté s’est retrouvée dans le choix des deux déplacements effectués par la mission en Suède et en République démocratique du Congo. Une attention particulière est toutefois portée aux stratégies française et européenne en cours de définition et de déploiement. Si le rapporteur soutient l’existence d’une telle stratégie aux échelles nationale et européenne, il appelle toutefois à en accélérer la mise en œuvre et à lui conférer des moyens à la hauteur des enjeux, en privilégiant la poursuite de trois objectifs.
D’abord, le renforcement de l’acceptabilité sociale des projets industriels, en particulier lorsqu’ils sont conçus dans des territoires sans culture ni passé miniers. L’amélioration de la transparence et de la communication autour de ces projets, la pleine prise en compte des inquiétudes environnementales des populations, la revalorisation des emplois miniers et industriels associés et l’amélioration des retombées locales sont autant de paramètres qui peuvent œuvrer en ce sens. Ensuite, la facilitation de la mise en œuvre des projets miniers et industriels, afin de leur permettre de voir le jour dans des délais raisonnables, par l’apport de moyens financiers adaptés et la levée des obstacles administratifs freinant leur réalisation. Enfin, l’approfondissement des stratégies existantes autour de la priorisation des usages des ressources stratégiques disponibles et de la redéfinition des relations entre États consommateurs et producteurs.
Il va sans dire que l’une des contraintes majeures au déploiement de cette politique tient au contexte budgétaire tendu auquel est confronté notre pays. La France doit toutefois être réaliste : si elle souhaite protéger sa souveraineté énergétique, réindustrialiser ses territoires et se conformer à ses objectifs nationaux et européens en matière de décarbonation, elle ne pourra faire l’impasse sur un investissement financier conséquent et immédiat. Par ailleurs, de nombreux freins à la réindustrialisation de notre économie peuvent être levés d’autant plus facilement qu’ils ne mettent en jeu aucune mesure d’ordre budgétaire. Il s’agit là d’une opportunité à saisir sans tarder et qui devrait, aux yeux du rapporteur, constituer une priorité nationale. À l’heure où l’« America first » redevient le slogan des États-Unis, il est grand temps que la France se dote, elle aussi, des moyens d’assurer son futur.
I. La croissance exponentielle de la demande en ressources stratégiques est source d’une recomposition géopolitique mondiale de grande ampleur
A. Les minerais et métaux stratégiques s’imposent comme les nouvelles ressources au cœur de la transition écologique et de la révolution numérique
1. L’évolution des technologies toujours plus sophistiquées fait des ressources naturelles stratégiques des éléments essentiels au développement de nombreux secteurs industriels
a. De nouvelles technologies qui recourent à des ressources stratégiques de plus en plus diversifiées
La transition écologique et la révolution numérique vont considérablement augmenter les besoins mondiaux en ressources minérales. La transition énergétique est, en effet, une « transition des métaux » ([2]). La fin de l’ère des moteurs thermiques et la promotion simultanée de l’électromobilité, la suppression progressive d’une génération électrique fondée sur le charbon et le gaz naturel et l’essor des énergies bas-carbone ([3]) : tels sont les moteurs du futur accroissement de la consommation de certaines ressources stratégiques nécessitant des degrés de pureté toujours plus élevés.
Le tableau de Mendeleïev ([4]) est désormais très sollicité par la diversification de l’usage d’éléments autrefois peu exploités par le monde industriel. En 1960, un ménage américain consommait une vingtaine d’éléments chimiques de base dans sa vie quotidienne. Aujourd’hui, un seul smartphone sollicite la moitié de la table des éléments. Une société telle qu’Intel, qui utilisait une quinzaine d’éléments de base dans ses produits en 1990, recourt désormais à une soixantaine ([5]) d’entre eux ; l’intégralité des éléments chimiques auxquels nous avons accès sur la planète sera probablement employée dans les décennies à venir.
Le tableau de Mendeleïev
Source : Commissariat à l’énergie atomique, 2016.
Les innovations technologiques développées pour accompagner la transition énergétique font appel à différents métaux et minerais raffinés ([6]) :
– pour les véhicules électrifiés, le cobalt, le cuivre, le lanthane et le lithium ([7]) ;
– pour les piles à combustible, le platine, le palladium et le rhodium ;
– pour les technologies de l’éolien, le cuivre, le néodyme, le dysprosium et le terbium ;
– pour l’aéronautique, le titane ;
– pour les technologies du solaire photovoltaïque, le silicium, le cuivre, le cadmium, l’indium et le gallium ;
– pour les batteries, le lithium, le cobalt et le nickel.
Si le cuivre et le nickel jouent un rôle de premier plan dans cette transition, la plupart des autres ressources sollicitées sont des métaux dits rares, à l’instar des terres rares (lanthane, néodyme, dysprosium, terbium notamment) nécessaires à la production des aimants permanents, des téléphones portables, des pots catalytiques, des batteries des véhicules hybrides, des grandes éoliennes, des luminophores pour les ampoules de basse consommation et des diodes électroluminescentes (LED). Les terres rares ont aussi de nombreuses applications dans le domaine de la santé ([8]) : c’est le cas, entre autres, de l’yttrium en médecine nucléaire, du gadolinium comme produit de contraste ou de différents alliages pour la chirurgie osseuse et la dentisterie. S’y ajoutent enfin quelques métaux précieux (platine, palladium et rhodium).
L’exemple des voitures à moteur électrique est particulièrement éclairant ([9]). Sans compter l’acier et l’aluminium, leurs batteries se composent d’environ :
– 63 kilogrammes de graphite ;
– 53 kilogrammes de cuivre ;
– 40 kilogrammes de nickel ;
– 25 kilogrammes de manganèse ;
– 13 kilogrammes de cobalt ;
– 9 kilogrammes de lithium ;
– de très faibles quantités de terres rares, zinc et autres métaux.
En comparaison, la production de voitures conventionnelles fait intervenir :
– 22 kilogrammes de cuivre ;
– 11 kilogrammes de manganèse ;
– du zinc et autres matières en très faible quantité.
Au total, 207 kilogrammes de métaux sont donc nécessaires par batterie électrique contre 34 kilogrammes par batterie conventionnelle, soit six fois plus.
b. Des ressources stratégiques dont la consommation devrait croître de manière exponentielle dans les décennies à venir
La consommation mondiale de ressources stratégiques devrait croître de façon importante dans un futur proche. Selon les projections de l’AIE, leur niveau de consommation au cours de l’année 2020 devrait être multiplié par deux, voire par six, d’ici à 2040 ([10]). L’humanité pourrait extraire, d’ici le milieu du XXIe siècle, autant de ressources métalliques qu’elle en a consommées depuis le début de l’âge de fer pour couvrir ses besoins.
Certains métaux et minerais seront plus particulièrement sollicités. C’est le cas du cuivre, le grand métal de la transition énergétique, dont la demande pourrait quadrupler à court terme. Il est, en effet, indispensable à la construction de véhicules électriques et pour raccorder les bornes de recharge au réseau électrique : les véhicules électriques ont ainsi besoin d’une quantité de cuivre quatre fois plus élevée qu’un véhicule thermique conventionnel. De même, la demande en lithium serait multipliée par quarante d’ici le milieu du siècle ; celle du graphite et du cobalt par vingt à vingt-cinq à fonctions constantes. Quant à la consommation de terres rares, elle serait multipliée par sept sur la même période.
Le lithium : une ressource emblématique des enjeux de la transition énergétique
Le lithium est un minerai emblématique des enjeux de la transition énergétique du fait de son rôle majeur dans la décarbonation des transports (mobilités individuelles et collectives) et de l’industrie (stockage stationnaire).
Sa production est d’abord associée, dans les années 1940-1980, aux recherches militaires puis aux secteurs du verre et de la céramique, de la chimie (par exemple, pour la fabrication de colorants) et de la santé, avant que les besoins de stockage énergétique ne s’imposent au cours des années 1990 et 2000.
En 2022, le lithium est utilisé dans une dizaine de secteurs mais sa consommation reste largement dominée, depuis 2016, par la production des batteries rechargeables, dont celle des batteries lithium-ion, qui représentent 74 % de la production mondiale en 2022.
Alors que la demande en lithium a crû à un rythme soutenu d’environ 20 % par an au cours des dernières années, les projections de l’AIE anticipent la poursuite de cette tendance du fait de l’essor des mobilités électriques plébiscitées dans le cadre de la transition écologique. En 2040, la demande de lithium représenterait, selon les scénarios, de douze à quarante-trois fois son niveau de 2020 et oscillerait entre 248 000 et 859 000 tonnes.
Source : « Géoéconomie du lithium », Vincent Bos et Marie Forget, politique étrangère 2023/4 (hiver), éditions de l’institut français des relations internationales, pages 81 à 97.
demande annuelle de batteries lithium-ion par secteur
Source : Le Grand Continent
L’évolution à la hausse de la demande n’est pas seulement imputable à la révolution énergétique et informatique mais est également liée à la montée en puissance des pays émergents, qui abritent une réserve de nouveaux consommateurs équivalente à plusieurs fois celle de la Chine d’ici à 2050.
Ces scénarios d’évolution demeurent toutefois incertains dans la mesure où ils dépendent en grande part des choix des industriels et de l’évolution des technologies. Ceux-ci peuvent être motivés par des décisions stratégiques et volontaires liées à la conjoncture économique et sociale ou à des facteurs techniques, en présence de nouvelles solutions alternatives et de méthodes concurrentes. Toutefois, ces évolutions, difficiles à anticiper tant elles sont liées aux orientations futures de la recherche & développement ([11]), n’enrayeront sans doute pas l’augmentation globale de la demande en ressources stratégiques : elles participeront tout au plus à la définition de nouveaux équilibres au bénéfice d’un minerai ou d’un métal plutôt qu’un autre, et ainsi à soulager la demande d’une ressource spécifique.
Ce phénomène est, par exemple, observable dans l’automobile, y compris au sein d’un même groupe comme Renault-Nissan. Alors que Nissan continue de produire des véhicules électriques à partir de terres rares, Renault a fait le choix de développer, à partir de 2008, un moteur électrique à rotor bobiné, qui ne requiert aucune terre rare. En 2023, le constructeur français est allé plus loin en créant un prototype de moteur électrique au sodium, qui pourrait permettre de se passer à terme de lithium.
Le groupe allemand Siemens a, quant à lui, développé des procédés de fabrication de grandes éoliennes, qui permettent de réduire considérablement la consommation de dysprosium, et ainsi les tensions autour de l’utilisation de ce composant déjà présent dans la fabrication des téléphones portables. Il a, en effet, découvert qu’il était possible de diminuer le recours à ce métal dans les petits aimants, en plaçant ces derniers dans des endroits particuliers, les joints de grain.
2. L’évolution de l’offre en ressources stratégiques sera dépendante de l’état de la demande et des fluctuations du prix de ces ressources
a. Une évolution de l’offre en ressources stratégiques encore incertaine
Les ressources stratégiques présentent certaines spécificités. Elles font ainsi souvent l’objet de petites productions : celles du rhénium et du gallium atteignent, en 2021, respectivement 60 et 430 tonnes, bien loin de celle du cuivre et ses 21 millions de tonnes ([12]). Ces métaux ne sont pas toujours extraits dans des mines spécialisées, mais ils sont majoritairement des sous-produits de l’industrie minière et métallurgique. Le gallium est ainsi associé à la bauxite (minerai d’aluminium), l’indium se trouve dans certaines mines de zinc, le molybdène dans celles du cuivre, et le rhénium est un sous-produit du molybdène. Leur mode de production influence leur prix, dans la mesure où les quantités produites sont étroitement liées à celles des métaux principaux dont ils sont extraits. Enfin, le raffinage, le recyclage et le traitement métallurgique de ces petits métaux sont compliqués techniquement et potentiellement nuisibles pour l’environnement.
Au regard de ces éléments, plusieurs conclusions s’imposent. Si l’état des réserves mondiales en ressources stratégiques devrait permettre de couvrir l’augmentation de la demande – il existe toutefois des doutes sur certaines ressources, à l’instar du cuivre –, le principal enjeu sera d’être capable de produire des ressources stratégiques au même rythme que celui de la transition énergétique, en particulier pour les métaux faisant l’objet de petites productions. En effet, le développement d’un projet d’extraction permettant d’exploiter une ressource prend du temps, parfois jusqu’à vingt ans. Les projets d’usines de transformation sont également à concevoir sur le temps long, cinq années au moins étant nécessaires pour leur permettre de voir le jour ([13]). Les quantités requises dans le futur demanderont des investissements colossaux dans l’industrie minérale à l’échelle mondiale : ils dépasseront sans doute les 1 000 milliards de dollars. La difficulté à mobiliser de tels investissements pourrait, là encore, freiner le rythme de croissance de l’offre mondiale.
b. La volatilité des prix des ressources naturelles stratégiques : un point d’attention
La lenteur de la mise en place de projets miniers assurant l’alignement de l’offre sur la demande devrait accroître un peu plus la volatilité déjà importante des prix de ces ressources.
En effet, les marchés mondiaux de matières premières ont toujours connu une très forte instabilité des prix et la plupart des métaux stratégiques n’échappent pas à cette règle. Or, l’évolution des cours est d’autant plus difficile à anticiper que, contrairement aux grands métaux industriels disposant de statistiques et de places de marché bien identifiées, les métaux dits rares font l’objet d’un commerce moins structuré. Ce dernier repose sur de petits marchés opacifiés par de nombreux intermédiaires ou sans place de marché, à quelques rares exceptions près, telles que la London Metal Exchange pour le cobalt et le molybdène. Enfin, les cours de certains métaux et minerais sont liés entre eux, à l’instar du cuivre et du cobalt, extraits des mêmes mines, ce qui renforce l’instabilité générale des prix. Cette opacité est encore accrue par l’inégale connaissance des marchés, l’essentiel des acteurs du négoce étant suisses, anglo-saxons et, dans une moindre mesure, chinois ([14]).
Si le déséquilibre anticipé entre l’offre et la demande rend l’hypothèse d’une augmentation tendancielle des cours probable, celle-ci s’accompagnera vraisemblablement de cycles d’amplitudes variables ([15]), voire d’une contraction des cours. Une telle évolution pourrait engendrer une récession économique durable, une modification des « technologies batteries » conduisant à remplacer un métal onéreux par un métal plus abordable ou encore une amélioration structurelle des conditions de production en raison d’une innovation de rupture dans le domaine des procédés métallurgiques. L’évolution du prix du lithium a, par exemple, déjà connu une telle fluctuation passant de 80 000 euros la tonne fin 2022 à moins de 13 000 euros en décembre 2023.
Cette volatilité des prix est intégrée par les acteurs du secteur minier. Certains producteurs, comme Imerys et Lithium de France, vendent à la fois sur les marchés, s’exposant à l’évolution imprévisible des prix, et directement auprès de certains de leurs clients, tels que les constructeurs automobiles de plus en plus enclins à contrôler leurs chaînes d’approvisionnement. Dans ce dernier cas, leurs contrats incluent des prix négociés et des protections. De son côté, le groupe Arverne, dont une partie du personnel est issue de l’industrie pétrolière, elle-même très dépendante de la fluctuation des prix, a développé une stratégie dans laquelle ses activités de géothermie (25 % de son activité totale) doivent être rentables et auto-suffisantes de manière à compenser les risques pesant sur sa filière lithium.
Plus fondamentalement, on ne peut exclure l’hypothèse que les pays producteurs ou dominant les chaînes de valeur adoptent des comportements stratégiques visant à faire baisser artificiellement et de manière temporaire les cours. Cette pratique a l’avantage de pouvoir éprouver les modèles d’affaires (business models) de concurrents dans l’espoir de les éliminer ([16]) : la disparition, en 2015, de Molycorp, producteur de terres rares aux États-Unis, n’est pas sans lien avec la politique agressive de baisse des prix menée par la Chine. En ce sens, si le risque de pénurie en ressources stratégiques ne paraît pas crédible, celui de la multiplication de crises autour de ces ressources est davantage probable.
Toutefois, il est également possible de faire remonter les prix de certaines matières en imposant des quotas d’exportation. C’est ce qu’envisage, par exemple, la République démocratique du Congo sur le marché du cobalt et sous le contrôle de son Autorité de régulation et de contrôle des marchés des substances minérales stratégiques (ARECOMS). L’offre mondiale de cobalt est supérieure de 8 % à la demande, ce qui exerce une pression à la baisse sur les prix de ce minerai, en chute de plus de 65 % en deux ans. La production congolaise a également fortement augmenté, passant de 104 000 tonnes en 2018 à 170 000 tonnes aujourd’hui, soit une hausse de 63 % en cinq ans. Celle-ci est principalement imputable à la mise en production de nouveaux grands projets miniers comme celui de Kisanfu (3,1 millions de tonnes de réserves estimées) exploité par le groupe chinois CMOC. La régulation des prix par l’imposition de quotas pourrait remédier en partie à cette situation.
B. L’extrême concentration des chaînes de valeur crée une dépendance de la demande mondiale à l’égard de quelques acteurs
L’ensemble des chaînes de valeur sont organisées autour de quelques acteurs. Cette concentration est aussi bien géographique (ressources et réserves) ([17]) que capitalistique, et se fait en grande part en faveur de la Chine. Trois exemples autour des terres rares, du cobalt et du lithium permettent de le vérifier. Cette situation n’est pas seulement influencée par le hasard de la géologie : elle doit aussi beaucoup à la poursuite d’une politique volontaire et agressive de contrôle des chaînes d’approvisionnement menée de longue date par Pékin.
1. La Chine s’impose comme l’acteur incontournable de chaînes de valeur extrêmement concentrées
a. Les terres rares : une hyper-concentration de l’ensemble des étapes de la chaîne de valeur
Les terres rares sont découvertes en Suède, au XVIIIe siècle, en terrain granitique. Dix-sept éléments sont couverts par cette appellation : le scandium, l’yttrium, le lanthane, le cérium, le praséodyme, le néodyme, le prométhium, le samarium, l’europium, le gadolinium, le terbium, le dysprosium, l’holmium, l’erbium, le thulium, l’ytterbium et le lutétium. Ils se classent en deux catégories, les terres rares dites « légères », les plus abondantes, et les terres dites « lourdes », plus recherchées ([18]).
Contrairement à ce que leur nom laisse supposer, les terres rares sont présentes en grande quantité dans l’écorce terrestre mais sont difficilement exploitables, soit que les gisements sont peu accessibles, soit que leur niveau de concentration est insuffisant. Leur exploitation repose, en effet, sur des procédés complexes de séparation et de traitement, qui requièrent des investissements importants (de l’ordre du milliard d’euros) rentables seulement à long terme.
Or, la chaîne de valeur des terres rares est très concentrée en Chine. Le pays produit actuellement 60 % des terres rares du monde, 90 % des éléments de terres rares transformés – ce qui signifie qu’il importe des terres rares d’autres pays et les transforme sur son territoire – et détient 36 % de leurs réserves ([19]). Cette position est ancienne : les efforts déployés par le gouvernement chinois pour ancrer son économie dans la mondialisation lui ont permis d’inonder le marché d’éléments de terres rares à bas prix et d’en devenir le premier producteur mondial dès les années 1990.
Les États-Unis se classent à la deuxième place en termes de production avec la reprise de la mine de Mountain Pass, en Californie, par MP Materials. La société Lynas, propriétaire de la mine australienne de Mount Weld, s’impose comme la principale entreprise occidentale de production et de raffinage de terres rares. D’autres productions plus modestes peuvent être mentionnées dans le reste du monde, en Birmanie, en Thaïlande, à Madagascar, en Russie et en Inde.
L’état des ressources semble suffisant pour couvrir la demande mondiale à venir d’autant qu’une dizaine d’usines métallurgiques de séparation de terres rares sont en cours de construction à travers le monde (Australie, Canada, États-Unis et divers pays européens) et qu’une industrie de recyclage des aimants des turbines éoliennes existe en Chine et au Japon. D’autres initiatives de ce type se multiplient au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France.
panorama du marchÉ des terres rares dans le monde en 2021
Source : « Géopolitique des matières premières », Questions internationales, La documentation française, février 2023.
b. Le cobalt : un marché contrôlé par une poignée d’acteurs puissants
Le cobalt joue un rôle important dans de nombreuses industries stratégiques comme la défense, l’aérospatial et la chimie, grâce à sa résistance à de fortes températures. Il est également utile à la fabrication des aimants des turbines des éoliennes et des batteries des véhicules électriques ou hybrides : 80 % du cobalt consommé aujourd’hui est utilisé pour la fabrication des batteries lithium-ion. La production de cobalt ne cesse d’augmenter depuis le milieu des années 1990 pour atteindre 170 000 tonnes en 2021. Il s’agit principalement d’un sous-produit des mines de cuivre et de nickel : seule la mine de Bou-Azzer, au Maroc, a fait du cobalt son principal produit. La criticité du cobalt pourrait toutefois diminuer dans les années à venir, le recours aux cathodes de type lithium-cobalt-manganèse étant appelé à décroître sous l’influence du développement d’autres technologies ; elles demeureront néanmoins utilisées pour la production des batteries de véhicules électriques haut de gamme.
La production minière du cobalt est très largement concentrée en République démocratique du Congo : le pays contrôle près de 70 % de la production contre 28 % en 2000. Selon les statistiques du ministère des mines congolais parues en janvier 2024, le pays a exporté 2,8 millions de tonnes métriques de cuivre et 139 800 tonnes de cobalt au cours de l’année 2023. Sa production se concentre dans le sud-est du pays, sous une forme industrielle, en particulier dans la région du Katanga. Toutefois, ces statistiques doivent faire l’objet d’une lecture plus fine. En effet, l’essentiel des exportations est le fait de quelques entreprises étrangères : Ivanhoe Mines résulte d’un partenariat sino-canadien, CMOC Group est chinois, la Sicomines est un consortium sino‑congolais, Eurasian Resources Group (ERG) est détenu à 40 % par le gouvernement kazakh et Glencore PLC est d’origine anglo‑suisse.
Cette structuration de la production minière a des origines historiques ([20]). En effet, d’après le droit romain applicable en République démocratique du Congo, le sous-sol du pays appartient à l’État. Ce principe a servi de fondement à l’activité des neuf entreprises publiques nationales, qui ont exploité les minerais du pays de l’indépendance jusqu’aux années 1980. Toutefois, ces entreprises se sont toutes effondrées ; elles ne sont donc plus que détentrices des titres miniers. L’extraction revient désormais à des entreprises étrangères dans les conditions définies par le code minier congolais. Celui-ci a connu, en 2002, des réformes favorables à l’implantation d’acteurs privés sous l’impulsion de la Banque mondiale, qui ont eu de sérieuses conséquences sur la restructuration des acteurs du marché minier congolais. Lors du renouveau minier du début du XXIe siècle, quarante sociétés minières étrangères extrayaient 33 000 tonnes de minerai ; on compte aujourd’hui quatre cent quatre-vingts entreprises, quasi exclusivement étrangères, qui se partagent une production dépassant le million de tonnes dans le cas du cuivre. Le président Kabila avait accordé des concessions d’exploitation à des entreprises minières canadiennes, australiennes et suédoises lors de la deuxième guerre du Congo (1998‑2002), achetées à bas prix du fait des conditions politiques et sécuritaires dégradées du pays. Ces dernières ont revendu leurs concessions au prix fort après les élections de 2006, une fois le pays stabilisé.
De grandes entreprises minières anglo-saxonnes ont depuis investi le marché, comme Glencore, détentrice des mines de cuivre dans le Haut-Katanga, ainsi que dans les zones aurifères du Nord et de l’Est du pays. Elles sont en concurrence avec d’importantes entreprises chinoises, qui articulent leur pénétration du marché autour de contrats liant l’exploitation minière et la construction d’infrastructures. Leur présence prend la forme de capitaux, de concessions et de la construction d’infrastructures, et concerne aussi bien le monde des exploitants que le secteur artisanal par le biais de négociants miniers, en particulier au Katanga. Les capitaux chinois dominent désormais le marché, et se sont structurés autour d’une union des capitaux miniers chinois. Ainsi, la gigantesque mine de cobalt et de cuivre de Tenke Fugurume, dans le sud-est du pays, a été cédée à des entreprises chinoises par ses propriétaires américains. Dans le Katanga, sur quarante sociétés étrangères présentes, plus d’une vingtaine seraient chinoises. Il existe enfin quelques entreprises kazakhes, telles qu’Eurasian Resources Group (ERG), et indiennes, dont l’activité est toutefois commerciale plus qu’extractive.
Si la production de cobalt est en grande partie contrôlée par des investisseurs étrangers, son raffinage est plus dépendant encore des opérateurs chinois ; les raffineries chinoises représentent 50 % du volume mondial actuel contre 3 % seulement en 2000. Les réserves en cobalt sont mieux partagées que la production, la part des réserves congolaises se portant à 46 % des réserves mondiales.
c. Le lithium : un marché dominé par l’Amérique latine et cinq majors
Le marché du lithium a crû à un rythme soutenu de 20 % par an ces dernières années. Cette dynamique devrait se poursuivre à l’avenir avec le développement des mobilités électriques dans le cadre de la transition écologique.
Or, ce marché s’organise autour de quelques acteurs seulement : si vingt‑cinq États se partagent cette ressource, la géographie de ses réserves et de sa production se concentre dans une poignée de pays. Les Amériques (environ 70 millions du Nord au Sud) et l’Australasie ([21]) (environ 15 millions de tonnes) abritent la majorité des ressources mondiales, loin devant l’Union européenne et l’Afrique (environ 5 millions de tonnes chacune). L’Amérique latine en détiendrait plus de la moitié (56 %). La Bolivie (21 millions de tonnes), l’Argentine (20 millions de tonnes) et le Chili (11 millions de tonnes) occupent le haut du classement avec 52 millions de tonnes au total, soit 54 % des ressources mondiales. Les gisements, sous forme de saumures, sont localisés dans une zone transfrontalière entre le nord-ouest de l’Argentine, le sud-ouest de la Bolivie et le nord du Chili, connus sous le nom désormais célèbre de « triangle du lithium » ([22]).
Le salar (ou lac salé) d’Atacama, dans le désert du même nom, au Nord du Chili : le deuxième plus grand gisement de lithium au monde
Source : « Géopolitique des matières premières », Questions internationales, La documentation française, février 2023.
Les réserves se trouvent pour plus de la moitié au Chili et en Argentine et à hauteur de 26 % en Australie. Quant à la production en 2021 (100 000 tonnes), elle est assurée à 55 % par l’Australie et à 26 % par le Chili. La concentration de la production est donc plus grande que celle des réserves ([23]). Enfin, la transformation industrielle du lithium est elle aussi très concentrée, notamment en Asie de l’Est où trois pays jouent un rôle central dans la production de dérivés de lithium et des batteries : le Japon, la Corée du Sud et la Chine.
La chaîne de valeur, de la production minière jusqu’à la production de composés chimiques (produits transformés à haute valeur ajoutée), est contrôlée par un nombre restreint de grandes multinationales, les cinq majors : on compte, parmi elles, trois producteurs historiques, la société chilienne Sociedad Quimica y Minera de Chile (SQM), les entreprises américaines Livent (ex-FMC Corp) et Albemarle Corp, complétés par deux entreprises chinoises plus récentes, Tianqi Lithium Co. et Jiangxi Gangeng Lithium Co.
2. La domination chinoise résulte d’une stratégie volontariste conçue sur le long terme et visant à contrôler le marché de toutes les matières premières nécessaires à la transition énergétique
Très tôt, la Chine a compris l’importance de contrôler les chaînes de valeur de nombreuses ressources stratégiques et a su développer une politique active dans le domaine. Cela n’est peut-être pas sans lien avec le profil de ses dirigeants, qui sont nombreux à disposer d’un parcours d’ingénieur : c’est le cas de Deng Xiaoping, passé par l’usine française du Creusot pour quelques semaines, de Jiang Zemin, diplômé en génie mécanique, et de son successeur, Hu Jintao, formé dans un département d’hydro‑électricité. Quant au président actuel Xi Jinping, il est diplômé en génie chimique ([24]).
a. Un double objectif ambitieux
Le contrôle exercé par la Chine sur les chaînes de valeur de nombreuses ressources stratégiques ne doit rien au hasard. Il trouve sa source dans une stratégie proactive déjà ancienne – débutée dès les années 1980 dans le cas des terres rares – cherchant à assurer l’indépendance industrielle du pays à travers la construction d’entreprises verticalement intégrées. Cette politique doit permettre de soutenir le développement économique du pays, garant de la paix sociale, de son indépendance et de son rayonnement international. Ce développement doit enfin permettre de construire un outil militaire fondé sur une industrie de pointe ([25]). Il passe par des investissements diversifiés pour contrôler les actifs miniers, les réserves en matières premières ainsi que les infrastructures de transports, de télécommunications et énergétiques.
Le gouvernement chinois ([26]) mène aussi, depuis le début des années 2000, une politique de sécurisation de son approvisionnement en matières premières grâce à la signature de contrats d’approvisionnement ou permettant aux grandes entreprises d’État chinoises d’investir massivement dans l’exploitation de mines à l’étranger. Cette stratégie, baptisée Going Global, l’a même amené à formuler des offres d’acquisition à l’égard d’actifs miniers appartenant à la société américaine Molycorp, propriétaire de la mine californienne de terres rares de Mountain Pass, en 2002, ainsi qu’à la société australienne Lynas, la plus grande entreprise d’exploitation de terres rares non chinoise au monde, en 2009. Ces offres se sont néanmoins soldées par des échecs.
Parallèlement, et dans le cadre de sa stratégie Made in China 2025, le gouvernement chinois cherche à développer et à contrôler une chaîne d’approvisionnement intégrée pour l’exploitation minière, les aimants et autres produits à forte valeur ajoutée, lui permettant désormais de représenter près de 90 % de la capacité mondiale de raffinage des terres rares. Le but est clair : la Chine cherche à se positionner et à monopoliser l’industrie dans les secteurs stratégiques des matières premières, au sein de toutes les étapes du processus industriel. Sa domination ne doit cependant pas faire oublier que la Chine est aussi le premier consommateur mondial de ressources stratégiques, dont les besoins ne peuvent être couverts par la seule production locale, et que son marché demeure donc en partie dépendant de l’étranger : le pays importe du cobalt, du nickel et du lithium de la République démocratique du Congo, d’Indonésie, des Philippines, des pays d’Amérique latine et de l’Australie. Dans ces conditions, il entend renforcer le positionnement de ses entreprises dans les États producteurs et sécuriser ses approvisionnements.
b. Une présence et des investissements très visibles à l’étranger
Pour parachever sa stratégie, la Chine a tenté de se rapprocher de nombreux pays africains, afin de gagner des contrats d’exploitation au sein de ces États en faveur de ses grandes entreprises nationales.
Dès 2008, elle a ainsi manifesté un fort intérêt stratégique pour l’exploitation des minerais de la République démocratique du Congo, grâce à la conclusion de l’accord dit de Sicomines, permettant au gouvernement chinois de financer directement la reconstruction d’infrastructures minières à grande échelle sur le territoire congolais, une première dans le pays. L’accord incluait notamment l’octroi d’un prêt accordé par la banque chinoise d’import-export, la China Exim Bank, à un consortium d’entreprises chinoises et congolaises, la sino‑congolaise des mines (Sicomines), estimé à 6,5 milliards de dollars. Toutefois, suite à la mise en lumière des risques opérationnels auxquels devaient faire face les entreprises chinoises en République démocratique du Congo et à de vifs débats au sein du Parlement congolais sur ce contrat, la China Exim Bank s’est retirée de la transaction en 2012. Aucun prêt chinois en lien avec des entreprises minières n’a été accordé à la République démocratique du Congo depuis l’échec de ce contrat.
La Chine a depuis lors choisi de renforcer sa présence dans le pays par le biais d’acquisition de sites vierges. À titre d’exemple, la China Molybdenum Co. Ltd (CMOC) a obtenu l’exploitation de sites de cuivre, en 2016, et du projet de cuivre Kamoa-Kakula, en 2015, grâce à un partenariat conclu par le groupe chinois Zijin Mining Group. Elle a également massivement investi dans le secteur minier du cobalt : quinze des dix-neuf mines de cobalt du pays sont aujourd’hui détenues par des entreprises chinoises, notamment CMOC. Cette dernière s’est lancée, en 2023, dans l’exploitation de la mine Kisanfu pour un projet estimé à 1,8 milliard de dollars, lui permettant de surpasser l’influence du leader Glencore.
Au Zimbabwe, pays d’Afrique disposant des plus larges ressources de lithium, la Chine a également renforcé ses investissements dans sept projets d’exploration et d’exploitation de ce métal. Ses entreprises ont, par ailleurs, obtenu l’acquisition de projets miniers, à l’instar de l’Arcadia Lithium, situé près d’Harare et exploité par Zhejiang Huayou Cobalt pour 422 millions de dollars en 2021.
Cette stratégie se déploie également dans le cadre des nouvelles routes de la soie et du plan national des ressources minérales datant de 2016. La Chine a investi dans des projets d’exploitation minière ou de contrôle de mines, principalement de lithium et de cobalt, contre la fourniture d’infrastructures. Elle a ainsi acquis près de la moitié des mines disponibles de lithium sur le marché depuis 2018, en signant un total de treize contrats d’exploitation, principalement au Chili, en Bolivie, au Zimbabwe, en République démocratique du Congo, en Indonésie et en Argentine pour un montant estimé à 12,3 milliards de dollars. En Bolivie, pays disposant des plus grandes ressources mondiales en lithium, elle a cherché à exploiter le manque d’activités industrielles d’exploitation des ressources en signant un contrat avec l’entreprise CATL BRUNP & CMOC et le gouvernement bolivien en janvier 2023. Celui-ci concerne la construction de deux usines de carbonate de lithium pour l’extraction directe de ce minerai.
La construction d’infrastructures de transports lui permet non seulement de faciliter son accès aux ressources, grâce à des contrats de type « ressources contre infrastructures », mais aussi de mieux relier son territoire aux pays africains pourvoyeurs de ressources. Ainsi, la réfection du port de Mombasa, au Kenya, a été suivie par la construction d’une ligne de chemin de fer intérieure confiée au groupe China Railway Construction Corp Ltd tandis que, plus au Sud, la China Railway Engineering (CREC) doit également construire les lignes Tazara (Tanzanie‑Zambie) et Trans‑Zambèze (Mozambique-Zambie-Zimbabwe) ([27]).
Enfin, la Chine a su faire progresser sa présence dans le secteur minier du nickel en Indonésie dans le cadre de sa route de la soie maritime. La société chinoise Tsingshan, premier investisseur du secteur du traitement des minerais en Indonésie depuis 2014, a ainsi créé avec le pays une entreprise commune, PT Sulawesi Mining Investment, lui permettant d’investir dans le parc industriel indonésien de Morowali (IMIP) pour le nickel. Elle s’est ainsi vue accorder des droits d’extraction sur 47 040 hectares de minerai de nickel latéritique. Il est également significatif que le plus important bailleur de fonds du projet de l’IMIP soit aujourd’hui la Banque chinoise de développement, qui a investi 1,22 milliard de dollars.
Au-delà de ces cas emblématiques où la présence et les investissements chinois sont bien visibles, la Chine dispose de parts actionnariales dans de grandes entreprises étrangères, renforçant ainsi son influence, par exemple sur l’entreprise australienne AVZ Minerals Limited.
c. Une politique de sécurisation des approvisionnements reposant sur la mobilisation de l’ensemble des leviers de la diplomatie chinoise
La politique de sécurisation des approvisionnements chinois repose sur la mobilisation de différents leviers politiques, économiques, diplomatiques et normatifs. Il existe ainsi une véritable cohérence entre les investissements chinois dans le secteur minier et dans celui des transports de manière à déplacer le centre de gravité du commerce de l’océan Atlantique vers l’océan Indien. Ces initiatives s’accompagnent du renforcement des capacités militaires chinoises en Afrique, aussi bien en termes d’infrastructures (à Djibouti) que par les ventes d’armes et l’envoi de troupes, le plus souvent dans le cadre des opérations de maintien de la paix. La Chine cherche enfin à contrôler les instances normatives autour des ressources stratégiques en menant une diplomatie active dans les comités de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) relatifs au lithium et aux terres rares ([28]).
exemple de comités iso intéressant les ressources stratégiques
Comité technique |
Secrétariat |
Normes publiées |
Projets de normes |
Membres participants |
Membres observateurs |
Chine |
11 |
5 |
17 (dont la France) |
20 |
|
Allemagne |
63 |
17 |
25 (dont la France) |
25 |
|
Chine |
13 |
0 |
20 (dont la France) |
13 |
Source : site internet de l’Organisation internationale de normalisation.
La diplomatie des normes au sein de l’ISO
L’ISO est une organisation non gouvernementale rassemblant cent soixante agences de normalisation nationales (parmi elles, l’Association française de normalisation – Afnor), dont le siège se trouve à Genève. Son conseil d’administration comprend vingt membres, lui‑même structuré autour d’un conseil de sécurité, qui compte six membres permanents (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni et Chine depuis 2010). Son administration est légère (cent cinquante personnes). Les États-Unis et l’Allemagne y sont les deux États les mieux représentés avec environ cent quarante présidences de comité chacun. La France et le Royaume-Uni viennent ensuite, avec environ quatre-vingts présidences. La Chine est, quant à elle, très active pour l’acquisition de nouvelles présidences.
L’organisation est structurée autour de comités de projets, dédiés à l’élaboration d’une norme et dissous sitôt la norme adoptée, et en comités techniques pérennes. Ces normes sont intégrées aux objectifs de développement durable (ODD) ; l’industrie est de très loin l’objectif le plus concerné par les normes ISO (14 847 au total). Un certain nombre d’entre elles touchent aux terres rares et aux métaux critiques, en particulier le lithium.
Les normes définies à l’ISO constituent un enjeu économico-juridique, puisque lorsqu’un litige survient entre deux entreprises, elles servent de point de référence technique.
Stratégie française
En novembre 2022, l’AFNOR a proposé la création d’un nouveau comité technique « métaux et minéraux de spécialité (ISO TC/345) » consacré aux métaux et minéraux critiques. Les travaux portent sur la traçabilité, le conditionnement et les méthodes d’analyse chimique. Sont exclus les composants, les produits et l’extraction, ainsi que l’empreinte environnementale et sociale. Avec le soutien des pays européens, de l’Australie, des États-Unis, du Japon, et malgré l’opposition de la Chine et de la Suisse, sa création a été validée en juillet 2023. Un industriel français, qu’il reste à désigner, en a obtenu la présidence. L’AFNOR se dit investie des enjeux liés aux métaux critiques, et appelle les acteurs privés tels qu’Eramet, Imerys, Orano, Safran ou Saft à se saisir du sujet, avec succès. Les premières normes devraient voir le jour en 2027.
L’attitude chinoise
Selon Xi Jinping, « l’harmonisation des normes au plan international est indispensable au développement du commerce international et à la prospérité de tous ». Cet objectif est décliné systématiquement dans la stratégie de normalisation nationale par des initiatives diverses, et une coordination presque parfaite entre l’État chinois et ses entreprises. La Chine mène, depuis qu’elle a intégré l’organisation en 2004, une politique très active, qui l’a, par exemple, conduite à obtenir la création, en 2015, d’un comité des terres rares suivie de celle d’un comité lithium datant de 2020.
C. La nouvelle géopolitique des ressources stratégiques bouleverse les grands équilibres mondiaux et suscite des inquiétudes pour l’avenir
1. Les nouveaux rapports de force associés aux ressources stratégiques créent des risques tangibles de rupture d’approvisionnements
L’importance toujours croissante des ressources stratégiques et leur monopolisation par quelques acteurs étatiques et privés créent des effets de dépendance qui ne sont pas sans risques. En effet, cette organisation du marché favorise les situations de rupture d’approvisionnement de certains matériaux stratégiques qui deviennent alors critiques, ruptures qui peuvent être organisées pour des raisons politiques ou engendrées par des causes géologiques.
a. Une pénurie organisée : l’enjeu de rapports de force entre puissances
Il existe certaines craintes à l’égard de la Chine et de son contrôle sur de nombreuses chaînes d’approvisionnement, notamment celle des terres rares. Les récentes annonces du gouvernement chinois relatives aux restrictions de l’exportation des terres rares font écho à l’imposition de quotas d’exportation sur ces mêmes éléments en 2010. Ceux-ci ont abouti à une diminution des exportations de 37 % par rapport à leur niveau de 2009, puis de 15 % supplémentaires en 2011. S’y sont ajoutées la mise en place de quotas pour l’extraction et la transformation des terres rares et l’instauration d’une taxe à l’exportation sur les produits finis, ainsi que l’augmentation de la taxe sur les exportations de minerais, d’oxydes et de composés de terres rares. Ces mesures combinées ont entraîné une baisse significative du ratio des terres rares exportées, qui a causé une nette augmentation du prix de la tonne métrique de ces éléments, passant de 9,46 dollars en 2009 à 66,95 dollars en 2011. Cette politique a déclenché de vives réactions de la part des principaux importateurs de terres rares. En plus du dépôt d’une plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les États-Unis, l’Union européenne et le Japon ont organisé une série d’ateliers trilatéraux sur leurs stratégies d’approvisionnements, afin d’en diversifier les sources.
Pékin n’hésite donc pas à jouer de son contrôle des chaînes de valeur à des fins politiques. En effet, la restriction des exportations observée en 2010 trouve sa source dans un différend entre la Chine et le Japon autour des îles japonaises Senkaku-Diaoyu revendiquées par la Chine. Il s’agirait donc pour le gouvernement chinois d’exercer une pression économique sur le Japon pour obtenir des concessions politiques. Cette analyse est toutefois discutée, certains travaux universitaires tendant à expliquer le blocage des expéditions de terres rares par l’initiative individuelle d’officiers militaires et d’administrations locales soutenus par des employés des grands ports chinois, qui auraient agi en représailles contre le Japon sans l’accord du gouvernement central ([29]).
Les récentes restrictions aux exportations des ressources stratégiques par la Chine
La Chine s’est récemment lancée dans une nouvelle politique de restrictions des exportations de différentes ressources stratégiques.
Le ministère du commerce chinois a ainsi introduit l’obligation pour les entreprises nationales d’obtenir des licences d’exportation pour le gallium brut, huit produits à base de gallium, le germanium brut et six produits à base de germanium, à compter du 1er août 2023, en les définissant comme biens à double usage. Ces régulations pourraient entraîner l’exclusion de certaines entreprises internationales du marché.
Ces annonces ont été faites au lendemain de la décision conjointe des gouvernements américain et néerlandais, en juin 2023, de mettre en place des restrictions supplémentaires sur la vente d’équipements de fabrication de puces électroniques vers la Chine. Ces régulations font suite à la pression exercée par l’administration du président américain Joe Biden exhortant ses alliés à restreindre l’exportation des technologies liées à la fabrication de semi-conducteurs ; celles-ci ont incité le gouvernement néerlandais à imposer l’obtention d’une licence pour la vente vers la Chine des équipements les plus sophistiqués de l’entreprise ASML. Plus particulièrement, ont été restreintes les exportations d’équipements pour semi‑conducteurs à ultraviolet profond et de machines de lithographie à ultraviolet extrême.
Le ministère du commerce chinois a également annoncé, le 20 octobre 2023, la mise en place d’une série de restrictions à l’exportation de certains produits en graphite, élément essentiel dans la fabrication de batteries des véhicules électriques. Ainsi, depuis le 1er décembre 2023, les entreprises chinoises sont obligées d’obtenir des licences pour l’expédition des matériaux en graphite, entraînant la diminution de ses exportations et l’augmentation de son prix à l’achat hors de Chine.
Par cette mesure, Pékin tente de faire pression sur les fabricants de voitures électriques européens, suite à l’annonce, dès septembre 2023, de la possibilité d’imposer des droits de douane sur des véhicules fabriqués en Chine en raison des subventions indues dont ils bénéficieraient. De manière similaire, cette mesure vient en représailles de la décision du gouvernement américain de prohiber l’exportation vers la Chine de puces recourant aux technologies de l’intelligence artificielle.
En parallèle, la Chine a restreint de manière significative ses exportations de technologies utilisées pour la production et la transformation des terres rares : le 21 décembre 2023, le gouvernement chinois a ainsi annoncé l’interdiction de l’exportation des technologies de fabrication d’aimants en terres rares, de production de métaux et de matériaux d’alliage à base de terres rares. Ceux-ci ont été inscrits sur la « liste des technologies interdites et restreintes à l’exportation » au nom de la protection de la sécurité nationale. Ces interdictions viennent s’ajouter à celle pesant sur les technologies d’extraction et de séparation des terres rares, et semblent répondre aux mesures prises par les États‑Unis et le Japon pour réduire leur dépendance à l’égard des fournisseurs chinois.
De nombreux experts suggèrent que ces mesures pourraient entraver le développement de la capacité de séparation des terres rares lourdes en dehors de la Chine et ainsi renforcer le monopole chinois sur le raffinage et la transformation de ces terres rares.
Source : audition de Joseph Dellatte.
D’autres exemples se sont présentés plus récemment. En mai 2019, par exemple, alors que la guerre commerciale lancée par le président américain Donald Trump contre la Chine bat son plein, le président chinois Xi Jinping visite régulièrement le site de production d’aimants permanents de JL MAG Rare-Earth, dans la province de Jiangxi. Le message est alors clair : la Chine dispose de leviers économiques importants et se tient prête à les actionner si besoin ([30]).
La Suède a, elle aussi, expérimenté certaines difficultés dans ses relations avec Pékin ([31]). Siège de la société Northvolt, leader européen du secteur des batteries, elle a subi des perturbations importantes de ses livraisons de graphite chinois, lesquelles ont même été totalement interrompues entre 2021 et 2022. La Chine n’a certes pas interdit les exportations vers la Suède mais elle a arrêté toute délivrance de licences d’exportation à destination du pays.
La réussite des pressions exercées par Pékin via le blocage de ses exportations en ressources stratégiques doit toutefois être relativisée. Dans le cas de son différend territorial avec le Japon, et si l’on admet la thèse selon laquelle les restrictions étaient imposées par le gouvernement central, Tokyo a conservé le contrôle administratif complet des îles Senkaku-Diaoyu et des eaux qui les entourent, le Japon refusant fermement de céder à cette stratégie d’intimidation. Il faut également garder à l’esprit que, de par son intégration aux chaînes de valeur, la Chine et ses industries sont encore tributaires des composants réexpédiés par des utilisateurs de ressources stratégiques d’autres pays, comme le Japon, si bien que toute perturbation des approvisionnements nuit in fine à son économie. Elle n’a d’ailleurs plus usé de cette arme lors de ses conflits ultérieurs avec le Japon.
Enfin, ces restrictions chinoises ne doivent pas seulement être lues à l’aune d’objectifs géopolitiques ou de contrôle des prix ; elles sont aussi motivées par des raisons domestiques, telles que la réorganisation industrielle de l’économie chinoise, la conservation des ressources naturelles du pays et la protection de son environnement ([32]), ainsi qu’une tentative de réguler l’exploitation minière illégale.
b. Le risque d’une pénurie causée par l’incapacité de l’offre à suivre l’évolution de la demande mondiale
Des facteurs externes, indépendants des stratégies volontaristes des États, pèsent également sur le marché des ressources stratégiques. Ainsi, depuis le milieu de l’année 2020, les exportations chinoises de matériaux issus de la métallurgie des poudres ont diminué, en raison de pressions à court terme liées au ralentissement de la production pendant la pandémie de la Covid-19. Malgré une reprise économique timide en 2022, les exportations ont connu une nouvelle baisse au cours de cette même année en raison de l’augmentation des cas de la Covid-19, qui a entraîné la perturbation des opérations logistiques. Cette fluctuation du volume des exportations chinoises est encore visible en 2023.
c. La définition de listes de matériaux stratégiques et critiques par les États consommateurs
Face aux risques inhérents que fait peser cette dépendance aux ressources stratégiques et critiques, les principaux États consommateurs de ressources stratégiques et critiques ont dressé des listes de tels matériaux.
C’est le cas au sein de l’Union européenne, dont la première liste élaborée en 2011 comprenait initialement quatorze éléments. Celle-ci a ensuite été actualisée tous les trois ans. Sa dernière version figure en annexe du règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 mars 2023 établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques (dit Critical Raw Materials Act, CRM Act).
Les listes des matières premières critiques (stratégiques en gras) du Critical Raw Materials Act
Antimoine |
Arsenic |
Bauxite/alumine/aluminium |
Baryte |
Béryllium |
Bismuth |
Bore (grade métal) |
Cobalt |
Charbon à coke |
Cuivre |
Feldspath |
Fluorine |
Gallium |
Germanium |
Hafnium |
Hélium |
Lithium (grade batterie) |
Magnésium métal |
Manganèse (grade batterie) |
Graphite (grade batterie) |
Nickel (grade batterie) |
Niobium |
Phosphate naturel |
Phosphore |
Platinoïdes |
Scandium |
Silicium métal |
Strontium |
Tantale |
Terres rares légères |
Terres rares lourdes |
Terres rares pour les aimants (Nd, Pr, Tb, Dy, Gd, Sm et Ce) |
Titane métal |
Tungstène |
Vanadium |
Source : bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
Aux États-Unis, une liste similaire a été établie pour la première fois en 2018. Comprenant initialement trente-cinq éléments, elle en compte cinquante depuis 2022. Celle du Japon présente trente-deux matériaux. Si des différences existent entre les listes des principales zones de consommation mondiale, en fonction des spécificités des économies de chacune de ces régions, elles se recoupent néanmoins largement.
MATÉriaux critiques aux États-Unis, au Japon et dans l’union européenne
Source : « Transition bas-carbone : vers une nouvelle géopolitique des matières premières », Emmanuel Hache, L’économie politique 2023/1 (n° 97).
La France, en revanche, ne dispose pas d’une telle liste. Il s’agit là d’un choix volontaire. Partant du principe que les notions de minerais et de métaux critiques sont très évolutives, la stratégie française consiste à ne pas élaborer de liste fermée, qui restreindrait le spectre d’attention de notre pays. En revanche, notre pays a collaboré activement à la dernière version de la liste européenne en demandant l’ajout de l’aluminium, de l’alumine et du graphite synthétique.
2. Les ressources stratégiques peuvent être un facteur de déstabilisation à la fois politique et économique
a. La présence de ressources stratégiques : une fausse aubaine ?
Si la présence de ressources naturelles stratégiques dans les sols et les sous‑sols de nombreux États peut être interprétée comme un potentiel économique favorable, cette systématicité est loin d’être évidente. Au contraire, certaines études insistent sur l’existence d’un lien négatif, connu sous le nom de « malédiction des ressources naturelles » ([33]), entre la présence de ces ressources et le niveau de développement d’un pays. En effet, une telle présence détournerait les économies de leur diversification, encouragerait les politiques court-termistes au détriment de toute anticipation ou investissement, et favoriserait la mauvaise gouvernance en alimentant les trafics, la corruption et le développement d’économies prédatrices, voire de régimes kleptocratiques.
Outre les conséquences économiques, sociales et humaines qui en découlent, ce système contribue à aliéner les populations locales écartées des fruits de la richesse tirée de ces ressources et parfois les premières victimes des violences qui en résultent.
Rappelons que ce lien négatif n’est pas propre aux pays en développement ainsi qu’en témoigne l’exemple de la « maladie hollandaise ». En 1959, les Pays‑Bas découvrent des réserves d’environ 2 820 milliards de mètres cubes de gaz naturel dans la province de Groningue. L’État encourage l’exploitation de la ressource et des contrats de vente sont signés. Les exportations néerlandaises augmentent considérablement, et le florin, la devise nationale, s’apprécie fortement. Cette appréciation nuit à la compétitivité des exportations non gazières du pays, et le secteur industriel se portant mal, celui du gaz tend à focaliser l’activité nationale, aggravant davantage le phénomène. La balance commerciale des autres secteurs devient alors défavorable si bien que l’industrie néerlandaise se retrouve en grande difficulté dans les années 1970 et que le niveau du chômage triple. Or, ce phénomène a des conséquences de long terme sur la structuration de l’économie : lorsque les activités d’extraction gazière ralentissent, le secteur secondaire, affaibli et souffrant d’une monnaie trop forte, ne peut s’y substituer.
b. Le développement d’une industrie minière sans retombées locales positives : l’exemple du Burundi
L’exemple du Burundi, étudié par l’historien Thierry Vircoulon ([34]), constitue un cas d’espèce. La fin de la guerre civile et la mise en place d’un nouveau régime en 2005 ont ouvert le pays à la prospection minière. S’il existait jusqu’alors un début d’exploitation minière, principalement centré autour de l’or, du coltan, de la wolframite et de la cassitérite, celui-ci reposait d’abord sur un artisanat minier informel, archaïque sur le plan technique et gangréné par des pratiques frauduleuses. Avec la pacification du pays et l’avènement d’un nouveau régime ([35]), un secteur minier industriel commence à voir le jour. Il s’intéresse aux importantes ressources du pays en nickel, vanadium, or, phosphates, carbonates, terres rares, platinoïdes et autres minerais identifiés, au début des années 1980, par le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et le service géologique fédéral allemand (BGR). Ainsi, avant le déclenchement de la nouvelle crise politico‑sécuritaire qui touche le pays en 2015, plusieurs sociétés internationales commencent à y investir. C’est, par exemple, le cas de Samancor, une société de droit sud-africain, qui obtient un permis de recherche pour le nickel sur le site de Musongati en 2007.
L’arrivée de ces nouveaux investisseurs a permis de valoriser les minerais présents dans le sous-sol burundais et s’est accompagnée d’une modernisation du code minier du pays en 2013 (la précédente version datant de 1976). Le nouveau code minier permet l’octroi de permis d’exploitation de longue durée (vingt‑cinq ans), la formation d’une joint-venture entre l’État et une société minière, une participation obligatoire de l’État au capital de la société à hauteur d’au moins 10 %, a minima 30 % des voix au conseil d’administration de la joint‑venture, et des positions prépondérantes en son sein (le poste de vice-président notamment). Par conséquent, bien que la participation de l’État burundais au capital soit modeste, ce dernier détient un véritable droit de regard et de contrôle sur les entreprises présentes sur son territoire. Les revenus fiscaux tirés du secteur minier ont considérablement crû, passant de 1,5 à 4 milliards de francs burundais et les exportations de minerais de 134 à 377 tonnes entre 2014 et 2017. Le développement de ce secteur industriel devrait permettre, à terme, une diversification de l’économie du pays encore centrée sur les exportations de thé, de café et d’or.
La naissance d’un secteur minier industriel est censée contribuer au développement du Burundi à travers les politiques de fiscalité, de responsabilité sociale des entreprises et de contenu local (emploi local, formation du personnel burundais, financement d’infrastructures collectives locales, redevances pour les communes concernées, taxes diverses au profit du Trésor public). Dans les faits, toutefois, ce début d’industrialisation s’effectue dans des conditions difficiles.
Les problèmes d’opacité, de corruption et de fraude constatés dans le secteur artisanal n’épargnent pas le secteur industriel naissant. Alors que des scandales ont déjà eu lieu concernant l’attribution de droits miniers, l’origine et l’identité de certains investisseurs demeurent inconnues. À titre d’exemple, Rainbow Mining Burundi, qui exploite le gisement des terres rares de Gakara, est une joint-venture entre le gouvernement et Rainbow International Ltd, une société enregistrée aux Îles Vierges britanniques, lesquelles sont inscrites sur la liste grise européenne des paradis fiscaux ; Rainbow International Ltd est elle‑même la propriété d’une autre société, Rainbow Rare Earths, enregistrée à Guernesey, également sur la liste grise européenne jusqu’en 2019. L’enchâssement de sociétés « boîtes aux lettres » et le recours à des paradis fiscaux permettent de favoriser l’évasion fiscale et de cacher les vrais propriétaires des entreprises concernées.
Malgré la publication des conventions minières sur le site internet de la présidence, le gouvernement fait aussi preuve d’un manque de transparence, par exemple en refusant la publication de statistiques minières détaillées, qui devaient être produites par le ministère de l’énergie et des mines. Ce même gouvernement est accusé par de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) de détourner les revenus miniers au profit de quelques-uns. Enfin, le manque de coordination entre les administrations financières et techniques du pays n’arrange rien à la situation.
Ces faiblesses expliquent en bonne part la méfiance des populations locales face au développement de l’industrie minière. Les critiques émanent principalement des communautés de mineurs artisanaux, qui se plaignent d’être évincés et de perdre leur gagne-pain, et des paysans, qui regrettent la modestie des indemnisations pour la perte de leurs champs à la suite des expropriations dont ils font l’objet. Il est vrai que les retombées locales se font parfois attendre.
Le ressentiment des populations locales s’accentue du fait de la politique gouvernementale, qui encourage le développement du secteur industriel au détriment de l’artisanat minier accusé de favoriser la fraude fiscale, bien que celui‑ci soit officiellement reconnu par le code minier. Ainsi, en février 2019, lorsqu’un conflit a opposé African Mining Ltd, qui venait d’obtenir son permis d’exploitation en 2018, à des orpailleurs à Butihinda, dans la province de Muyinga, plusieurs ministres et le procureur général se sont rendus sur place pour menacer les orpailleurs. Sous couvert de lutte contre la fraude, le gouvernement du pays mènerait ainsi une politique d’appropriation de l’artisanat minier et favoriserait les industriels avec des arrière-pensées de captation de rente au plus haut niveau de l’État.
c. Les ressources stratégiques au cœur des conflits
L’existence de ressources minières peut être source d’au moins trois types de conflictualités, sans même compter les risques d’effondrement de régimes dont la légitimité est fondée sur les richesses tirées d’une économie de rente. La chute du régime de Mobutu, en 1997, fut, par exemple, préparée par la forte baisse des cours du cuivre dans l’ancien Zaïre belge. Ces ressources nourrissent les appétits d’acteurs privés, qui pourraient chercher à déstabiliser un gouvernement pour s’emparer de richesses. Par ailleurs, elles entretiennent parfois les velléités d’autonomie voire d’indépendance de certaines régions riches en métaux et minerais. En République démocratique du Congo, par exemple, les deux régions minières du Katanga et du Kasaï ont tenté de faire sécession dès l’indépendance du pays en 1960.
Surtout, les ressources minières amplifient et entretiennent la présence des conflits préexistants. Là encore, le cas de la République démocratique du Congo est éclairant. Rappelons, à ce propos, les mots du docteur Robert Mukwege, lors de la réception de son prix Nobel de la paix, le 11 décembre 2018 : « Je m’appelle Denis Mukwege. Je viens d’un des pays les plus riches de la planète. Pourtant, les habitants de mon pays sont parmi les plus pauvres du monde. La réalité troublante est que l’abondance de nos ressources naturelles – or, coltan, cobalt et autres minéraux stratégiques – est la cause première de la guerre, de la violence extrême et de la pauvreté abjecte. Nous aimons les belles voitures, les bijoux et les gadgets. J’ai moi-même un smartphone. Ces articles contiennent des minéraux que l’on trouve dans notre pays. Souvent exploités dans des conditions inhumaines par de jeunes enfants, victimes d’intimidations et de violences sexuelles. Lorsque vous conduisez votre voiture électrique, lorsque vous utilisez votre smartphone ou admirez vos bijoux, prenez une minute pour réfléchir au coût humain de la fabrication de ces objets. »
Comme le soulignent Marc-André Lagrange et Thierry Vircoulon ([36]), dans le cadre de l’économie de rente minière congolaise, les trois provinces de l’Est sont caractérisées par un système de prédation par la violence. Si celle-ci n’est pas nouvelle – on peut penser à la violence coloniale liée à la collecte du caoutchouc et de l’ivoire –, elle s’est implantée de manière privilégiée à l’est du pays en raison de la géographie et de l’histoire propre à cette zone : facilité du pillage des ressources situées en surface dans les Kivus, absence de sécurisation des mines par des intérêts industriels étrangers, comme cela se pratique dans le Katanga, ou violence propre à la région des Grands Lacs, au Burundi et au Kenya.
Ainsi, le monopole de la prédation dont bénéficiait d’abord le gouvernement central du Rwanda s’est effondré avec le mobutisme à la fin du XXe siècle et les ressources extractives ont été accaparées par les armées occupantes ([37]), les seigneurs de guerre congolais et des communautés locales, ce que soulignait déjà en 2002 un rapport des Nations unies ([38]). Le régime congolais lui‑même est l’objet de critiques quant à sa participation à cette exploitation violente grâce à ses services de sécurité, qui ont repris progressivement le contrôle de certaines zones et, avec elles, celui des flux commerciaux ([39]).
Cette économie de guérilla a généré sa propre élite au sein de laquelle le pouvoir se fonde principalement sur la distribution de bénéfices, ainsi que sur l’octroi d’un accès à de nouvelles opportunités économiques. Souvent appelés localement les « millionnaires du chaos » ou « les pompiers pyromanes », les membres de cette élite tirent les ficelles des conflits locaux au risque de les amplifier et de les perdre. Surtout, cette économie de guérilla s’autoalimente : elle crée un cercle vicieux où les destructions et les rackets des groupes armés contribuent à la paupérisation de la population et à la brutalisation des communautés, créant un groupe de jeunes ruraux pauvres piégés dans des logiques de survie tandis que les groupes armés parviennent à s’autofinancer grâce à la taxation de tous types de produits et à leur faible coût de fonctionnement.
En Colombie aussi, l’« or bleu » du coltan, extrait illégalement dans l’est du pays et en particulier dans le Guainía, participe au financement des guérillas encore en activité par le prélèvement d’une dîme de 10 % sur son exploitation, et à l’achat d’armements. Selon les chiffres officiels, entre 2022 et 2023, 251 tonnes auraient été produites, dont un cinquième saisi, pour une valeur de près de 24,5 milliards de pesos, soit 5,7 millions d’euros. Le profit estimé des groupes mafieux s’élèverait donc à 2,4 milliards de pesos sur la période ([40]).
3. Les industries minières sont confrontées au double défi de leur acceptabilité sociale et environnementale
La demande exponentielle future en ressources stratégiques pose la question de l’acceptabilité sociale et environnementale de leur extraction et de leur exploitation, condition de la soutenabilité des industries minières. Ces dernières soulèvent plusieurs enjeux, dont certains sont encore peu explorés, à l’instar des conséquences sanitaires générées par leurs activités.
a. Les impacts environnementaux liés à l’extraction et à l’exploitation des ressources stratégiques : une source d’inquiétude
Si les dégâts environnementaux engendrés par l’exploitation du charbon ou des hydrocarbures sont bien connus, ceux causés par l’industrie minière des ressources stratégiques sont encore peu documentés mais non moins existants. Comme le souligne Guillaume Pitron, « plutôt que d’assumer le leadership des métaux rares, l’Occident a préféré transférer leur production – et la pollution associée – vers des pays pauvres prêts à sacrifier leur environnement pour s’enrichir. » ([41])
L’empreinte environnementale des activités minière n’est pas uniforme. Elle est fonction de nombreux facteurs comme le type de mine (mine à ciel ouvert ou mine souterraine), les caractéristiques économiques des exploitants (entreprises multinationales, nationales ou artisanales), la taille de la mine et sa localisation géographique (pays développés ou en voie de développement). S’y ajoutent la variété des minerais extraits, la politique des entreprises en matière environnementale, l’existence de réglementations environnementales poussées dans les pays producteurs, ainsi que la capacité des autorités judiciaires à interférer en cas de conflits entre les parties prenantes ([42]).
Les impacts environnementaux ne se limitent pas aux seules phases d’extraction des minerais : l’artificialisation des sols, qui prépare souvent la mise en place des infrastructures et des installations nécessaires à l’extraction, puis le démantèlement et la remise en état des sites ne sont pas sans conséquence sur l’environnement. Les énergies fossiles servent aussi souvent à fournir de l’énergie aux ouvrages miniers et aux engins d’évacuation.
Au Chili ([43]), par exemple, l’exploitation du cuivre et du lithium façonne les paysages. Les entreprises se sont tournées vers la technique de l’extraction à ciel ouvert, qui permet une récupération plus aisée de la roche lors de son dynamitage. Elle permet également l’usage d’engins volumineux pour un rendement renforcé. Les paysages andins sont ainsi marqués par ce gigantisme minier, incarné par des exploitations de taille croissante ouvrant de larges béances dans les montagnes. Plus fondamentalement encore, l’intensification de l’exploitation du lithium, censée assurer une rentabilité des projets de plus en plus élevée, accroît les volumes d’eau utilisés pour le traitement du minerai, les risques de contamination des eaux de surface et ceux associés au stockage des résidus.
L’un des enjeux est celui du partage de la ressource hydrique, car les différents processus de traitement du minerai requièrent une grande quantité d’eau. Il faut entre 40 et 200 mètres cubes d’eau pour extraire une tonne de cuivre et la plus grande mine de cuivre au monde, Escondida, située dans le désert chilien d’Atacama, est autorisée à pomper 1 400 litres d’eau du sous-sol par seconde. Ainsi, la consommation en eau nécessaire à la production minière est devenue un enjeu particulièrement stratégique au Chili, notamment dans les régions désertiques et semi-désertiques du Nord et du centre du pays où se situent la plupart des grandes mines de cuivre et les exploitations de lithium.
Un deuxième enjeu, tant pour les entreprises que pour les populations habitant à proximité des infrastructures minières, tient au stockage des résidus miniers. Dans le cas du cuivre, il est effectué dans des bassins de décantation remplis d’eau au sein desquels sont enfouis les déchets de roche dont le métal a été extrait. Souvent chargés en sulfures métalliques, qui s’infiltrent dans l’eau ou les sols, ces déchets constituent un risque environnemental majeur, en particulier en contexte sismique, si les digues viennent à lâcher. C’est ce qui s’est passé au Brésil, à Fundão, en 2015, et à Brumadinho, en 2019, provoquant de gigantesques coulées de boues toxiques et la mort de centaines de personnes. En 2014, au Canada, une rupture du barrage de résidus dans la mine d’or et de cuivre du mont Poley, en Colombie‑Britannique, a également causé l’inondation du lac Poley et une modification importante des écosystèmes en raison des nombreux débris acheminés.
Ces risques environnementaux sont intensifiés par le fait que l’essentiel des réserves minérales vitales est situé dans les pays du Sud, qui n’ont pas toujours la capacité réglementaire ou la volonté politique d’adopter et de renforcer leurs réglementations environnementales. Ainsi, la privatisation des infrastructures hydrauliques en Mongolie a limité les capacités de l’État à contrôler les impacts environnementaux de l’exploitation minière. De même, le cycle d’expansion et de récession de la rente minière peut avoir un impact sur la capacité des économies riches en minerais à mettre en œuvre des réglementations. La crise financière asiatique de 1997 a entraîné une détérioration de l’application de la législation environnementale et des pertes considérables de forêts et de biodiversité en Indonésie ([44]).
Ces impacts environnementaux nourrissent la multiplication des mouvements de contestation exigeant une meilleure justice environnementale. Le Chili a ainsi vu se développer un activisme mettant en exergue l’existence de « zones de sacrifice environnemental » cumulant plusieurs infrastructures ou projets fortement polluants sur de petites portions d’espace. La commune de Til Til, dans la région métropolitaine de Santiago, se situe, par exemple, à proximité de deux bassins de décantation des résidus de grandes exploitations minières, constitués de plusieurs millions de mètres cubes de déchets toxiques et situés à une dizaine de kilomètres des habitations, dans une zone fortement sismique. La dénonciation des préjudices environnementaux s’inscrit plus largement dans le cadre d’un discours sur les inégalités écologiques aux échelles nationale et mondiale selon lequel une transition énergétique juste ne peut avoir lieu sans l’inclusion des dimensions de justice environnementale qui lui sont liées.
Il n’est toutefois pas besoin de se rendre à l’autre bout du monde pour observer de telles réticences. En France, la présence de ressources en lithium à Tréguennec, dans le Finistère, situées dans une zone classée Natura 2000 ([45]) et Ramsar ([46]), a suscité un mouvement de résistance locale. Rappelons que non loin de là, la commune de Plogoff avait été choisie à la fin des années 1970 par l’entreprise Électricité de France (EDF) pour construire une centrale nucléaire, laquelle n’a jamais vu le jour en raison des oppositions locales ([47]). De même, au cours de son audition par le Parlement européen, le 2 décembre 2021, le docteur Steven H. Emerman ([48]) a insisté sur le fait que certaines des législations latino‑américaines et chinoises étaient plus contraignantes que celles appliquées en Espagne et au Portugal. Le projet de mine de cuivre de Touro, en Galice espagnole, situé à vingt kilomètres à l’est de Saint-Jacques-de-Compostelle, comprend, par exemple, un barrage de stériles miniers d’une hauteur de quatre-vingt-un mètres localisé à moins de deux cents mètres du village d’Arinteiro. Une telle configuration serait impossible au Brésil où des zones de protection pouvant s’étendre jusqu’à vingt-cinq kilomètres séparent ces ouvrages des zones habitées. En Chine, aucun barrage de ce type ne peut être construit dans un périmètre d’un kilomètre autour de telles zones.
Enfin, l’augmentation de la demande mondiale en ressources stratégiques conduit certains pays à envisager l’exploitation de ces ressources, y compris dans des zones reculées ou des espaces aux écosystèmes fragiles sur lesquels les conséquences environnementales pourraient être importantes. Les marges, qu’elles soient sous-marines ou spatiales, trouvent ainsi une nouvelle centralité stratégique.
L’espace : nouvel eldorado des ressources stratégiques ?
La recherche toujours plus poussée de nouvelles ressources stratégiques fait de l’espace une alternative aux gisements terrestres. En effet, les avancées technologiques récentes dans la prospection satellitaire ont permis d’identifier la présence massive de minerais et de métaux rares sur les astéroïdes, en particulier le platine, l’iridium, l’osmium ou encore le palladium.
Les coûts associés à l’exploitation de telles ressources sont toutefois astronomiques. Selon une étude du Massachusetts Institute of Technology (MIT), le coût de prospection, de capture et de remorquage d’un astéroïde s’élèverait à 2,6 milliards de dollars sans intégrer ceux associés à l’extraction et au raffinage des ressources identifiées. Les températures extrêmes, les radiations et la poussière astrale contribueraient à l’usure rapide des engins et des robots. Face à cette difficulté, ainsi qu’aux temps de trajet importants à prévoir, la National Aeronautics and Space Administration (NASA) développe un programme d’extraction, d’utilisation et de recyclage des ressources in situ.
L’exploration spatiale a donné lieu à l’élaboration d’un cadre juridique, qui relève des Nations unies. En 1958, fut ainsi créé le bureau des affaires spatiales des Nations unies, et, en 1967, un traité international de l’espace fut adopté. Ce dernier affirme que les zones situées au-delà de la couche d’ozone constituent un bien commun de l’humanité. Il est complété, en 1979, par un accord sur la Lune que très peu d’États ont ratifié.
Pourtant, certains États ont déjà posé les jalons d’une appropriation de l’espace. En 2015, le Congrès américain a rompu ainsi le statu quo de 1967 en adoptant le US Commercial Space Launch Competitiveness Act. Ce dernier pose de manière subtile que, sans porter atteinte au principe de non‑propriété des corps célestes, tout Américain ou entreprise américaine ayant découvert un matériau dans un astéroïde ou sur la Lune dispose de sa pleine possession et jouissance. Quant au Luxembourg, il a lancé en 2016 la première initiative européenne pour promouvoir un cadre légal favorable à l’exploitation minière des astéroïdes, l’Asteroid Mining Plan, adossé à un budget de 200 millions d’euros servant à soutenir toute compagnie minière spatiale installant son siège social sur son territoire.
Dès lors, les corps spatiaux ont commencé à se voir attribuer un prix : en 2021, les médias se sont intéressés à un astéroïde en forme de pomme de terre, 16 Psyché, concentrant du fer, du nickel et de l’or pour une valeur estimée à 10 000 millions de trillions de dollars, soit plus que l’économie mondiale. Les profits potentiels à tirer des corps célestes ont stimulé l’émergence d’acteurs privés, qui se positionnent aujourd’hui sur l’exploration voire, à terme, sur l’exploitation spatiale avec un succès inégal : c’est le cas de Planetary Resources, iSpace (Japon), Offworld (États-Unis) ou encore Asteroid Mining Company (Royaume-Uni).
La France a rappelé sa position, dans l’enceinte onusienne, en 2014. Elle consiste en une défense (i) de la liberté d’accès à l’espace pour son utilisation pacifique, (ii) de la préservation de la sécurité et de l’intégrité des satellites en orbite, et (iii) d’une prise en compte du droit de légitime défense des États. La France a également rejoint l’initiative américaine des accords d’Artemis, par laquelle vingt-quatre États signataires réaffirment la pertinence du traité onusien de 1967. Dans le même temps, toutefois, le comité des utilisations pacifiques de l’espace extra‑atmosphérique a décidé la constitution, en 2022, d’un groupe de travail de cinq ans, dont la mission est précisément d’évaluer l’opportunité de faire évoluer le traité international de l’espace de 1967.
C’est le cas de la Norvège qui a autorisé, le 9 janvier 2024, l’exploration et l’exploitation des minéraux sous-marins, devenant ainsi l’un des rares pays au monde, avec la Chine, à autoriser ces activités. Un accord avait été trouvé sur ce texte en décembre 2023 entre la coalition gouvernementale minoritaire (parti travailliste et parti du centre) et les deux grandes formations de la droite norvégienne (parti conservateur et parti du progrès). Les conservateurs et les progressistes, soutenus par l’organisation patronale NHO, ont vu dans ce texte un cadre souhaitable pour le monde des affaires.
ZONES D’EXPLOITATON minière sous-marine PROPOSées par la norvÈge
Source : Norwegian Petroleum Directorate and Norwegian government, BBC, 9 janvier 2024.
Cette nouvelle législation autorise ainsi une exploitation rentable, durable et raisonnable de certaines ressources (cuivre, lithium, nickel, manganèse, cobalt et zinc, notamment) dans des zones qui feront l’objet de concessions dès l’année 2024. Toutefois, les licences accordées ne porteront, dans un premier temps du moins, que sur la cartographie des ressources et la recherche, traduisant l’attachement de l’exécutif norvégien au principe de précaution.
Cette décision a néanmoins fait l’objet de nombreuses critiques émanant, en premier lieu, du reste de la classe politique norvégienne (socialistes de gauche, rouges, verts, libéraux et chrétiens-populaires), qui redoute que la faune et la flore sous-marines ne pâtissent de décisions prises à la hâte et sans véritables connaissances scientifiques pour 99 % de la zone concernée. La plupart de ces partis continuent de demander que la Norvège lance l’initiative d’un accord international empêchant les États riverains de l’Arctique d’ouvrir leurs fonds sous-marins à l’exploitation et que l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) interdise cette pratique si le risque environnemental est avéré.
Aux États-Unis, le Pentagone a, quant à lui, autorisé en mai 2024 le financement d’une étude de faisabilité sur l’exploitation minière des métaux et minerais présents dans ses eaux à hauteur de 2 millions de dollars ([49]).
b. Des conditions d’exploitation parfois contestables
L’exploitation minière des ressources stratégiques n’est pas sans conséquences sur les conditions de vie des populations locales, que celles-ci dépendent ou non directement des activités minières.
Les conditions de travail des mineurs posent question dans de nombreux pays et sont tout à fait inacceptables quand il s’agit du travail d’enfants parfois âgés de six ans au plus. En République démocratique du Congo, un rapport du fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) de 2014 chiffre à 40 000 le nombre d’enfants travaillant dans les mines du sud du pays, principalement pour l’extraction du cobalt. Ce chiffre est toutefois à considérer avec précaution, les activités illégales étant par nature difficiles à documenter avec précision. Il faut également préciser que la problématique du travail des enfants ne concerne pas l’ensemble du secteur minier : les grands groupes industriels offrent des conditions de travail décentes à leur personnel et n’emploient aucun enfant, contrairement à l’artisanat minier, qui se développe dans l’anarchie la plus totale.
Amnesty International a, par exemple, enquêté sur le travail des enfants dans les mines de la province de Lualaba, et sa capitale, Kolwezi, qui concentrent les trois-quarts de la demande mondiale de cobalt ([50]). Les mines industrielles y sont fortement mécanisées et ne fournissent que quelques milliers d’emplois à une population locale pauvre, qui tente de profiter de la manne minière en s’introduisant tous les jours illégalement sur les terrils industriels pour glaner un peu de minerais. Parmi eux, de nombreux enfants, qui travaillent dans des conditions dénuées de toute sécurité, parfois victimes des éboulements survenant sur les pentes du terril mais aussi, selon l’organisation, de la violence des services de sécurité des mines dans leur mission de protection des sites contre les incursions illégales. En septembre 2024, le département américain du travail a d’ailleurs inscrit le cobalt congolais sur la liste du Trafficking Victims Protection Reauthorization Act (TVPRA), qui regroupe les biens potentiellement produits par le travail forcé ou le travail des enfants.
Parallèlement, le partage de l’usage des sols peut s’avérer problématique, surtout lorsque l’on considère les populations locales et paysannes : celles-ci développent un fort attachement à leurs terres pour des raisons à la fois culturelles et économiques. Elles font d’ailleurs l’objet d’une attention particulière des Nations unies à travers la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP) et la déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP). Une étude de Nature Sustainability ([51]) de décembre 2022 montre ainsi que sur un échantillon de 5 097 projets miniers examinés, 54 % sont situés sur ou à proximité de terres où vivent des peuples autochtones ; parmi ces projets, 29 % concernent des territoires administrés ou faisant l’objet d’une forme de contrôle ou d’influence de ces populations dans des objectifs de conservation. Cette même analyse spatiale révèle que 33 % de ces projets sont situés sur ou à proximité de terres exploitées par des paysans.
rÉpartition des minerais de la transition ÉnérgÉtique sur des terres paysannes et appartenant À des peuples autochtones
Source : « Energy transition minerals and their intersection with land-connected peoples », John R. Owen, Deanna Kemp, Alex M. Lechner, Jill Harris, Ruilian Zhang et Éléonore Lèbre, Nature Sustainability, décembre 2022.
Le cas de la Suède et des conflits existants avec la population Samie, seul peuple autochtone d’Europe, est révélateur de ces tensions. Le secteur minier représente, dans ce pays, un chiffre d’affaires d’environ 6 milliards d’euros, hors activités de fonderie, et près de 5 milliards d’euros pour les exportations de minerais en 2022. Le secteur minier représente ainsi 3 % du produit intérieur brut (PIB), près de 120 000 emplois (20 000 emplois directs et 100 000 indirects) et 20 % des exportations en valeur du pays. Les principaux acteurs du marché suédois sont le métallurgiste public LKAB et l’entreprise privée Boliden, auxquels s’ajoutent des entreprises minières internationales à l’influence moindre, à l’instar de Mandalay Resources, Kaunis Iron ou Tasman Metals. Avec la Finlande et la Norvège, dont le bouclier fennoscandien est riche en minerais, la zone nordique constitue le pilier de l’industrie minière européenne : elle est ainsi le premier producteur du continent en fer, plomb, silicium, cobalt, aluminium, nickel et germanium. La région, qui abrite des gisements de minerais stratégiques d’importance mondiale, prévoit de développer son industrie extractive de manière exponentielle dans les prochaines années pour répondre aux besoins mondiaux. La Suède, qui a conservé une culture minière importante, abrite aujourd’hui treize mines sur son territoire ; elle a également annoncé, en janvier 2023, la découverte de ce qui était le plus grand gisement européen de terres rares (1,7 million de tonnes, soit cent fois la consommation européenne annuelle), avant la mise au jour du gisement norvégien de Telemark (8,8 millions de tonnes), le 6 juin 2024. Baptisé Per Geijer, du nom d’un célèbre géologue suédois, ce gisement, situé au nord de la ville lapone de Kiruna, sera exploité par l’entreprise nationale LKAB, probablement à partir de 2029.
Or, cet espace est aussi la terre ancestrale des Samis, peuple nomade ([52]) vivant en partie de l’élevage de rennes ([53]) et comptant environ quatre-vingt mille personnes, dont vingt à trente mille en Suède, réparties sur le territoire dit du Sampi ([54]). La Suède a reconnu un statut spécifique, celui de peuple « autochtone » dès 1977, protégé par sa Constitution depuis 2011. Les Samis disposent à ce titre d’un Parlement depuis 1993, principalement chargé de la préservation et de la promotion de leur identité culturelle ; il n’est toutefois investi d’aucun pouvoir législatif propre ni de la faculté de lever l’impôt. Deux districts d’éleveurs de rennes, Gabna, et ses six mille cinq cents rennes appartenant à onze familles, et Laevas, qui regroupe huit mille rennes et dix-sept familles d’éleveurs, sont affectés par les activités minières de Kiruna. Aussi, les Samis s’inquiètent-ils de voir les projets miniers prospérer sur leurs terres ancestrales au risque de détruire une partie de leur environnement et de gêner la transhumance des rennes, déjà impactée par le développement des activités humaines et touristiques dans la région. Au-delà de cette activité, les Samis considèrent que l’ensemble du territoire du nord de la Suède est dans une situation de « colonisation démocratisée » dans laquelle leurs droits ancestraux sur l’usage de la terre ne sont toujours pas pleinement respectés ([55]).
projets industriels du sampi
Source : Geological Survey of Finland, Ore Deposit Database, mars 2019 ; Cécile Marin, « Extraction minière en territoire saame » in Le Monde diplomatie, décembre 2016.
Ces inquiétudes se retrouvent pour des raisons similaires en Finlande et en Norvège, cette dernière ayant signé la convention sur le respect des droits des peuples autochtones. En Finlande, la loi sur les mines a d’ailleurs été révisée en 2022-2023 pour mieux prendre en compte les préoccupations des populations locales : une taxation sur les activités minières a été introduite et un fonds pour les dommages à l’environnement a été créé. Leurs préoccupations sont d’autant plus fortes, en Suède, qu’en dépit de l’existence de procédures de consultation des Samis et de leur opposition aux projets miniers, ces derniers aboutissent. Si leur cause est connue, elle trouve relativement peu de relais dans la sphère politique du fait de leur faible visibilité à Stockholm.
Les impacts environnementaux des projets d’exploitation des ressources stratégiques sont susceptibles d’engendrer une érosion des moyens de subsistance et une perte de revenus pour les populations locales. Les projets d’exploitation des terres rares dans la péninsule d’Ampasindava, à Madagascar, se trouvent fortement ralentis par la mobilisation des populations locales contre ce projet pour sauvegarder leurs moyens d’existence, ainsi que leur patrimoine écologique et culturel. En effet, la plupart des personnes affectées par ce projet de terres rares vivent de l’agriculture rendue possible par la présence d’un microclimat favorable à la production de cultures d’exportation à haute valeur ajoutée (cacao, vanille, poivre et café). Les populations locales craignent que la déforestation, la pollution des sols et des cours d’eau, ainsi que le niveau de consommation hydraulique ne rendent impossible le maintien d’une agriculture de subsistance et de rente. Cette perte de revenus pourrait avoir des effets intergénérationnels induits, comme l’incapacité des familles à envoyer leurs enfants à l’école. La perspective de voir l’environnement marin affecté par ces pollutions inquiète également les pêcheurs et le secteur touristique qui fait vivre la grande majorité de la population de Nosy Be, Sakatia et des îles attenantes ([56]).
c. Les conséquences sanitaires de l’industrie minière : un sujet à surveiller
Les perspectives d’évolution de la demande en ressources stratégiques commandent de s’interroger sur les effets médicaux et sanitaires de leur exploitation pour les travailleurs et les populations locales.
Les travaux de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur les enjeux stratégiques des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques, rendus publics le 19 mai 2016, faisaient état de plusieurs témoignages concordants quant au manque de données toxicologiques permettant de renseigner les potentiels effets cancérogènes, toxiques pour la reproduction, ainsi que les effets neurotoxiques et immunotoxiques de l’exploitation des terres rares. Le toxicologue Roland Masse, membre de l’Académie des technologies et de l’Académie de médecine, soulignait à cette occasion : « Les résultats dont on dispose sont reconnus très incomplets. Il n’existe à ce jour qu’une seule synthèse relative aux terres rares, réalisée en 1996 par Hirano et Suzuki. Une autre synthèse, effectuée par l’ANSES en 2010 sur les effets neurotoxiques, reconnaît l’existence de lacunes importantes. Une analyse, menée par l’Environmental protection agency en 2012 sur l’ensemble des terres rares, conclut de la même manière à un manque cruel de données. Pour certains éléments comme le dysprosium, l’erbium ou l’europium, les données sont mêmes jugées tellement lacunaires qu’elles ne permettent pas de produire une synthèse. » ([57]).
La France dispose de certaines compétences sur le sujet au BRGM, à l’institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), à l’institut national de recherche et de sécurité (INRS) pour le volet santé au travail ou encore à l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Diverses équipes académiques (universités, institut du globe de Paris) ont des compétences et des activités de recherches en matière de toxicologie et d’écotoxicologie. Toutefois, la priorité a été davantage donnée à l’étude des polluants organiques, issus de l’industrie chimique, plutôt qu’aux métaux, même si ces derniers font l’objet d’un intérêt renouvelé. Le développement du programme « écotoxicologie des terres rares en milieu aquatique » (Ecotrée) par le laboratoire interdisciplinaire des environnements continentaux de l’université de Lorraine en témoigne.
Les points de vigilance sont bien identifiés, parfois plus souvent dus au processus d’exploitation et aux substances accessoires associées à certains métaux qu’aux propriétés des métaux eux-mêmes : ils couvent la gestion de la radioactivité du thorium, et en particulier de ses déchets, au même titre que celle de l’uranium, l’empoussièrement des carrières pour les exploitations de lithium, ou le rejet par certaines exploitations d’arsenic. Dans le cas de plusieurs métaux, tels que le cuivre, le zinc et le tungstène, leur association à des sulfures présente un risque d’oxydation au contact de l’air et de pollution des cours d’eau par drainage acide minier (DMA). Il est donc nécessaire d’être particulièrement attentif à la gestion des résidus sulfurés remis au fond des mines ou, de préférence, traités par la voie de systèmes biologiques. Le BRGM a d’ailleurs mis au point, en Ouganda, des procédés d’encadrement de l’oxydation des résidus sulfurés grâce à des micro‑organismes (biolixiviation) ([58]) également utiles dans le cadre de l’extraction du cuivre, du cobalt, de l’or ou encore du nickel. Enfin, il convient de bien encadrer le temps de « l’après‑mine », une fois l’exploitation minière achevée, en accordant une attention particulière au traitement du site et des résidus miniers subsistants.
II. Face aux perspectives d’évolutions de la demande mondiale en ressources stratégiques et à ses enjeux, les États producteurs et consommateurs tentent de se repositionner sur leurs chaînes de valeur
A. Les États producteurs sont à la recherche d’une montée en gamme de leurs chaînes de valeur et d’un meilleur profit tiré de leurs ressources
Un grand nombre de pays producteurs cherchent aujourd’hui à mieux profiter de la présence de ressources stratégiques sur leur territoire. Pour eux, l’enjeu est au moins triple : éviter que le secteur primaire ne domine de nouveau leur économie, investir davantage dans l’aval de la chaîne de valeur (métallurgie et production de biens manufacturés) et contourner les aléas des évolutions technologiques, qui risquent de causer la perte de leurs actifs miniers.
1. L’Indonésie a fait le choix de nationaliser une partie de ses chaînes de valeur au risque de déstabiliser ses concurrents
L’Indonésie est le premier producteur mondial d’étain, utilisé dans de nombreuses technologies et électroniques modernes, qu’il s’agisse de panneaux solaires, de batteries électriques, de téléphones mobiles et d’écrans digitaux, et son troisième exportateur mondial. Elle abrite aussi d’importantes réserves de cuivre et d’or : les exportations de minerais et de charbon ont peu à peu remplacé celles de gaz et de pétrole ([59]). Toutefois, la présence de minerais et d’activités extractives à faible valeur ajoutée ne suffit plus à l’État indonésien, qui souhaite mobiliser davantage ses ressources en vue de développer son économie. Cette nouvelle forme de nationalisme industriel a, pour l’heure, abouti à des résultats mitigés.
a. Le dilemme d’une économie à deux vitesses
Sous l’administration du président Susilo Bambang Yudhoyono (2004‑2014), l’Indonésie a fait face à la difficile mise en œuvre des réformes de décentralisation de son industrie, initiées en 1998, ainsi qu’au boom des matières premières (2005-2011) ; ce dernier a entraîné une hausse des prix significative sans réels bénéfices économiques pour le pays. Alors que l’Indonésie a connu une forte croissance de son PIB et une augmentation de ses exportations de matières premières de 120 % entre 2003 et 2008, elle n’est pas parvenue à réduire la pauvreté de sa population.
De fait, l’Indonésie est de plus en plus confrontée au dilemme d’une économie à deux vitesses composée, d’une part, d’entreprises étrangères bénéficiant d’une industrie à forte valeur ajoutée et, d’autre part, d’une main-d’œuvre bon marché. Les décideurs politiques, soutenus par les acteurs clés de l’industrie, entendent alors mettre en œuvre une politique de « nationalisme industriel » ; ils font ainsi valoir l’intérêt d’imposer un contrôle étatique sur les ressources naturelles du pays, afin de soutenir ses intérêts économiques. Ils cherchent notamment à restructurer les investissements étrangers dans le secteur minier en faveur de l’aval de la chaîne de valeur, tout en stimulant la création d’emplois et la production industrielle à forte valeur ajoutée pour mieux lutter contre la pauvreté.
b. Les germes d’un nationalisme industriel (2004-2014)
La nationalisation de la politique industrielle du pays s’est mise progressivement en place à partir de 2009 à travers la loi indonésienne sur l’exploitation minière et du charbon, qui a introduit un cadre réglementant les activités extractives. Cette législation a instauré un système de licences, coordonné par le ministère de l’énergie et des ressources minérales, et précisé que les matières premières minières sont sous le contrôle du gouvernement central ou régional, tel que mentionné dans la Constitution indonésienne de 1945. La loi disposait également que les entreprises devaient favoriser l’emploi de services miniers nationaux plutôt qu’étrangers, facilitant ainsi l’acquisition d’exploitations minières par les élites économiques indonésiennes.
Cette législation visait également à développer le traitement local du nickel, à travers l’allocation d’aides financières pour les entreprises investissant dans la construction locale d’installations de fusion. Elle s’est accompagnée de l’interdiction d’exporter du nickel non traité de faible qualité. L’objectif était clair : promouvoir la montée en gamme de la production minérale indonésienne au-delà des activités d’extraction en incitant les investissements dans la fabrication de métaux. Cette loi a été complétée l’année suivante par un règlement gouvernemental rendant obligatoire le traitement et la purification des minerais extraits, afin d’accroître leur valeur ajoutée lors de leur exportation.
Cependant, le succès de cette politique a été limité par ses conséquences environnementales. Les entreprises minières et artisanales de toutes tailles ont contourné, en effet, la législation de manière à imposer des prix plus compétitifs que ceux prônés par le gouvernement au risque de sous-évaluer l’impact environnemental des projets d’exploitation et le rejet, dans ce cadre, de produits toxiques.
c. Le renforcement de la stratégie industrielle nationale (à partir de 2014)
Au regard de ces difficultés, le gouvernement indonésien a fait le choix de renforcer sa stratégie industrielle nationale à travers la mise en place d’un véritable nationalisme financier. En 2013, le pays crée l’Indonesia Commodity and Derivatives Exchange (ICDX), une bourse dont l’objectif est de fixer le cours de l’étain indépendamment de la London Metal Exchange de Londres. Cette politique a d’ailleurs inspiré d’autres acteurs asiatiques : en 2015, la Shangai Futures Exchange a ainsi inclus l’étain parmi les métaux pouvant être négociés sur son marché à terme, tout comme la Malaisie en 2016 ([60]).
Toutefois, faute d’investissements suffisants, le pays a été contraint d’assouplir sa stratégie en autorisant de nouveau l’exportation de plusieurs minerais à partir de 2017. Malgré ce premier échec, l’Indonésie a reconduit, en 2020, sa politique nationaliste en interdisant les exportations de nickel pour contraindre les acheteurs à installer des raffineries directement dans l’archipel. Cette nouvelle tentative s’est révélée payante : entre 2020 et 2023, une douzaine de contrats commerciaux, représentant une valeur de 15 milliards de dollars, ont été conclus entre l’Indonésie et des groupes étrangers. Ils concernent le raffinage de la ressource, son exportation à destination de la Chine, une fois transformée sur place, ainsi que la construction d’usines de batteries sur le territoire indonésien, grâce au nickel produit localement. Le groupe français Eramet a, par exemple, signé un tel accord sur le volet raffinage. De même, les sociétés sud-coréennes LG Energy Solution et Hyundai Motor ont annoncé, en septembre 2021, la construction de la première usine de cellules de batteries pour véhicules électriques du pays. De façon similaire, l’entreprise coréenne LG Energy Solution a conclu, en avril 2022, un accord de 9 milliards de dollars avec la société minière indonésienne PT Anteka Tamban (Antam) et l’Indonesia Battery Corporation (IBC) : cet accord vise à la conception d’une chaîne d’approvisionnement comprenant toutes les étapes depuis l’exploitation d’une mine jusqu’à la fabrication de batteries pour véhicules électriques.
Cependant, cette politique menée par les différentes administrations indonésiennes est restée flexible, assujettie aux fluctuations de l’économie. Ainsi, les gouvernements ont eu tendance à assouplir les conditions d’investissements des sociétés minières étrangères lors des périodes de ralentissement économique et à les renforcer en temps de prospérité. Or, ces fluctuations ont fortement accru l’incertitude pesant sur l’environnement d’investissement indonésien tout en entravant la croissance économique du pays sur le long terme du fait de la montée des risques de rupture des chaînes d’approvisionnement.
De même, le développement d’une industrie nationale de batteries pour véhicules électriques demeure difficile au regard du manque de régulation du secteur et de l’absence de feuille de route claire pour son déploiement. Si l’agence nationale de standardisation indonésienne délivre un certificat pour les batteries électriques construites dans le pays depuis décembre 2023, ses standards demeurent incertains s’agissant des batteries interchangeables. De ce fait, la capacité de l’Indonésie à honorer ses objectifs reste soumise aux investissements étrangers qu’elle pourra attirer pour développer le traitement et la transformation en aval des matières premières, permettant de contrebalancer les pertes de revenus et d’emplois à court terme ([61]).
Parallèlement, cette politique génère de nombreuses tensions. L’Indonésie se trouve, en effet, confrontée aux répercussions négatives des activités minières sur son sol, qu’il s’agisse des critiques relatives au manque de sécurité de ses mines et de ses fonderies, de l’expropriation de certains de ses habitants et des atteintes portées à l’environnement. Ces dernières trouvent leur origine dans les quantités considérables d’énergie utilisées pour alimenter les fonderies, qui reposent essentiellement sur la consommation de charbon. La décarbonation de l’économie indonésienne devient ainsi un enjeu central, et ce d’autant plus que les conséquences du changement climatique se font déjà durement sentir dans l’archipel, qui connaît des événements météorologiques extrêmes et l’affaissement de sa capitale, Jakarta, à mesure que le niveau de la mer augmente ([62]).
Cette politique agressive de contrôle des chaînes d’approvisionnement a également des conséquences sur les autres producteurs mondiaux de nickel en tant qu’elle alimente la forte volatilité des prix de cette ressource. À la London Metal Exchange, les cours du nickel ont d’abord augmenté de près de 40 % en 2021 et 2022, avant de perdre 17 % de leur valeur en 2023. Surtout, les prix se sont dégradés tout au long de l’année 2023, passant de 28 000 dollars la tonne en janvier 2023 à 16 100 dollars en janvier 2024, soit une diminution de 43 %. Depuis février 2024, les cours sont repartis légèrement à la hausse à environ 18 000 dollars la tonne, en raison des sanctions imposées par les États-Unis et le Royaume-Uni sur les métaux en provenance de Russie, qui représentent 5,5 % de la production mondiale, mais demeurent à des niveaux bas.
Malgré 5,6 % des réserves mondiales et une production qui a augmenté au cours des dernières années, la Nouvelle-Calédonie subit fortement cette baisse tendancielle des prix du nickel causée par l’augmentation de l’offre indonésienne, à laquelle s’ajoute le prix très élevé de l’électricité autour de 185 euros le mégawattheure, soit trois fois plus qu’en Indonésie ([63]). En outre, la majorité des groupes présents sur son territoire sont lourdement endettés et n’ont pas assez investi au cours des dernières années. Ainsi, le groupe français Eramet et sa filiale Société Le Nickel (SNL) ont enregistré une diminution de leur production et de leurs ventes alors même qu’ils sont les premiers pourvoyeurs d’emplois locaux. Les autres usines de l’archipel connaissent des difficultés encore plus importantes : celle de Koniambo Nickel SAS (KNS) a longtemps été en sommeil à la suite du départ de l’entreprise Glencore, malgré un soutien important de l’État français, avant de fermer ses portes, le 31 août 2024, faute de repreneur ([64]) ; l’usine de Prony est également lourdement endettée ([65]). La baisse des cours a des conséquences sociales et économiques majeures dans un archipel fortement dépendant du nickel : il représente entre 20 % et 25 % des emplois privés, contribue largement à l’économie locale (environ 20 % du PIB) et assure 90 % des exportations de l’archipel ([66]).
2. La République démocratique du Congo : vers la diversification de ses partenariats
La République démocratique du Congo tente, elle aussi, de réduire sa dépendance aux investisseurs privés. La réforme de son code minier, intervenue en 2018, s’inscrit dans ce cadre ([67]). Cette dernière introduit une augmentation des redevances versées au gouvernement central grâce au relèvement des taux sur les minerais, qui passent de 2,5 % à 3,5 % et jusqu’à 10 % sur les minerais stratégiques comme le cobalt. Elle crée également un impôt de 50 % sur les superprofits, lorsque les cours des matières premières connaissent un accroissement supérieur à 25 % par rapport aux prévisions projetées dans l’étude de faisabilité. Elle impose une augmentation des participations de l’État congolais dans les sociétés d’exploitation, passant de 5 % à 10 %, ainsi que l’obligation pour chaque projet de contenir des mesures de développement local.
Parallèlement, le premier mandat du président Félix Tshisekedi est marqué par une inflexion notable de sa politique partenariale amplement tournée vers la Chine sous la présidence de Joseph Kabila : désormais, la République démocratique du Congo prend ses distances avec les investisseurs chinois pour mieux se rapprocher d’autres partenaires, tels que les États‑Unis et les pays du Golfe arabo‑persique.
a. Une prise de distance avec la Chine au profit des États-Unis
Félix Tshisekedi s’est employé, depuis son arrivée au pouvoir en 2019, à définir un nouvel équilibre entre la Chine et son pays. La renégociation récente de l’accord emblématique de Sicomines s’inscrit dans cette perspective ([68]).
Le 15 février 2023, un rapport de l’inspection générale des finances congolaise a pointé de nombreuses irrégularités dans la gestion de la société publique minière Générale des carrières et des mines (Gécamines) ayant provoqué la perte, selon ses estimations, de centaines de millions de dollars. Parmi les reproches adressés à la Gécamines figure le déséquilibre du contrat conclu entre la société et un consortium d’entreprises chinoises pour créer, en 2008, la coentreprise Sicomines. Le rapport dénonce, en particulier, le retard pris par la partie chinoise dans la construction des infrastructures qu’elle s’était engagée à fournir en échange de l’exploitation minière de gisements de cobalt et de cuivre : le pays n’aurait bénéficié, depuis quinze ans, que de 822 millions de dollars d’investissements dans ses infrastructures. Le document souligne également la surfacturation de certains projets, pouvant atteindre plus de 400 millions de dollars sur les 822 millions décaissés jusqu’alors, chiffres contestés par la Chine.
Après plusieurs mois de négociations, un mémorandum d’entente sous forme d’avenant a été conclu entre le gouvernement congolais et le groupement d’entreprises chinoises, lequel a été rendu public en janvier 2024. Ce nouvel avenant dispose que l’État congolais doit bénéficier d’un investissement de 7 milliards de dollars de la part de la Chine quand le contrat initial prévoyait 9 milliards de dollars. Cette somme, qui doit permettre la construction d’un vaste réseau routier de sept mille kilomètres, sera versée à raison de 324 millions de dollars par an sur une période de quinze ans, l’année 2024 bénéficiant d’un investissement exceptionnel de 624 millions de dollars. Elle n’est toutefois pas à la hauteur des premières exigences congolaises, qui souhaitaient obtenir 20 milliards de dollars et la modification des parts de la Gécamines au sein de Sicomines ; celle‑ci demeure détenue très majoritairement par les Chinois. La République démocratique du Congo a néanmoins obtenu une augmentation de sa participation à la gestion du barrage hydroélectrique de Busanga, dans la province de Lualaba, qui passe de 25 % à 40 %. Elle bénéficiera également du versement par la Sicomines de royalties à hauteur de 1,2 % de son chiffre d’affaires annuel et sera chargée de la commercialisation de 32 % de la production annuelle de l’entreprise. Enfin, depuis mars 2022, un décret du premier ministre a remplacé le bureau de coordination et de suivi du programme sino‑congolais, alors dirigé par Moïse Ekanga – un proche de Joseph Kabila en charge notamment des projets d’infrastructures dans le cadre de ce contrat –, par l’agence de pilotage, de coordination et de suivi des conventions de collaboration entre la République démocratique du Congo et ses partenaires privés (APCSC). Cette dernière sera appelée à gérer les prochains projets financés par la Sicomines.
Cet exemple n’est pas le seul à révéler les tensions existantes entre le pays et la Chine. Ainsi, en juillet 2022, un conflit de plus d’un an a opposé la Gécamines à la société chinoise CMOC, propriétaire à 80 % de Tenke Fungurume, la deuxième mine de cobalt au monde. L’entreprise chinoise était accusée d’avoir volontairement sous-estimé ses réserves, afin de réduire la redevance qu’elle devait doit payer au gouvernement congolais. En représailles, ce dernier a interdit les exportations des minerais de cobalt et de cuivre extraits par CMOC : ils sont restés stockés dans des milliers de sacs entreposés à l’air libre sur de vastes terrains vagues, plusieurs mois durant. CMOC a accepté finalement de verser 2 milliards de dollars à la Gécamines pour solder ce différend, en juillet 2023.
Dans le même temps, le président Félix Tshisekedi cherche à se rapprocher des États-Unis dont les relations avec son prédécesseur, Joseph Kabila, se sont dégradées à mesure que l’influence de la Chine grandissait dans le pays ([69]). Après quelques hésitations, les Américains ont reconnu l’élection du président Tshisekedi, en 2019, et s’emploient depuis lors à renouer des relations économiques avec le pays. L’ambassade américaine de Kinshasa joue un rôle majeur dans ce contexte. Les États-Unis ont activement soutenu l’évaluation des contrats passés sous la présidence de Joseph Kabila entre la République démocratique du Congo et la Chine : Amos Hochstein, le conseiller du président américain Joe Biden pour la sécurité énergétique, suit également avec attention la révision des contrats miniers entre les investisseurs chinois et la partie congolaise. Après une tournée dans la région des Grands Lacs du secrétaire d’État Anthony Blinken, en août 2022, les États-Unis ont signé, en décembre 2022, un protocole d’accord avec la Zambie et la République démocratique du Congo pour établir un partenariat dans la production de minerais stratégiques. Ils investissent, aux côtés de l’Union européenne et de la Banque africaine de développement, dans la construction d’un corridor de transport reliant les réserves de cuivre et de cobalt du Sud de la République démocratique du Congo et du nord de la Zambie au port de Lobito, en Angola.
Dans le même temps, les États-Unis s’affirment comme un allié politique de Kinshasa dans la crise diplomatique qui l’oppose au Rwanda. Ils sont ainsi parmi les premiers à mentionner le soutien rwandais aux rebelles du M23 et adoptent une attitude ferme à l’égard de Kigali. En février 2024, ils condamnent avec force l’escalade de la violence imputée au M23 dans l’Est de la République démocratique du Congo et appellent à une cessation immédiate des hostilités, ainsi qu’à l’arrêt du soutien rwandais à la rébellion.
b. L’ouverture à de nouveaux acteurs
i. Une ouverture réussie vers les monarchies du Golfe arabo-persique
Parallèlement au rééquilibrage de ses relations avec la Chine, la République démocratique du Congo tente de diversifier ses partenariats. L’Inde, le Japon ([70]) et le Kazakhstan sont très présents dans le pays. Dans le même temps, celui-ci se tourne davantage vers les pays du Moyen-Orient, Qatar et Émirats arabes unis en tête ([71]) : le président congolais a ainsi effectué une tournée moyen-orientale en 2021 au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Turquie et en Égypte. Il s’agit là d’une nouveauté : sous la présidence de Joseph Kabila, la coopération entre la République démocratique du Congo et les pays du Moyen-Orient se limitait à un projet d’infrastructures, le port en eaux profondes de Banana, dans la province du Kongo‑Central.
Ce virage moyen-oriental de la politique étrangère congolaise s’est traduit par la conclusion d’accords de coopération multisectoriels, néanmoins centrés sur la construction d’infrastructures de transport et les ressources minières. Le 10 décembre 2022 a ainsi vu la signature d’un premier accord officiel ([72]) de partenariat entre l’État congolais et la société Primera Group, proche du pouvoir émirati, pour l’exploitation artisanale et l’exportation de l’or et des « 3T » (étain, tangsène et tantale). Cet accord prévoit la création de deux sociétés congolaises (Primera Gold et Primera Metals) avec une participation majoritaire de Primera, à hauteur de 55 %, dans les deux sociétés. Quelques mois plus tard, en juillet 2023, les deux pays ont signé un accord de partenariat entre la société aurifère du Kivu et du Maniema (SAKIMA) et la société émiratie Primera Mining pour un montant de 1,9 milliard de dollars. Cet accord prévoit la création de quatre mines industrielles grâce à l’attribution de permis revenant à la SAKIMA et la création de la société 3T Mining Corp détenue à 70 % par Primera Mining, 20 % par SAKIMA et 10 % par le gouvernement congolais. Ce contrat comprend également la création de raffineries, de centrales électriques, de deux mille deux cents kilomètres de route et la réhabilitation de deux aéroports dans les zones où se trouvent les actifs de 3T Mining Corp.
Les projets émiratis et qataris en république démocratique du congo
Source : Les motivations du virage moyen-oriental, Aurélie Boissière, octobre 2023.
La conclusion de ces nouveaux partenariats est facilitée par une série de facteurs. Dans le cas des Émirats arabes unis, la recherche de diversification de leur économie doit permettre de préparer, depuis les années 1990, l’ère post-pétrole. Ils s’efforcent, dans cette perspective, de devenir un hub de négoce international, notamment dans le domaine des pierres et des métaux précieux, s’appuyant sur la zone franche Dubai Multi Commodities Centre (DMCC) créée en 2002 pour le trading de ces ressources. Située sur l’axe commercial Afrique‑Asie, Dubaï est également devenue une étape obligée pour les commerçants puis pour l’élite congolaise, qu’il s’agisse de stars de la musique, de joueurs de football ou d’hommes et de femmes politiques. Dans le même temps, les facilités d’obtention de visa avec le pays favorisent les échanges commerciaux et les relations intergouvernementales.
Les relations économiques, y compris dans le domaine de l’industrie minière, s’inscrivent ainsi dans une perspective plus large de coopération. Dans le cas du Qatar, ses investissements économiques se doublent d’une tentative de participation à la médiation dans le conflit congolo-rwandais, la diplomatie de la médiation étant devenue un point fort de sa politique étrangère : songeons à son action au Moyen-Orient ou sur d’autres théâtres de conflits, tels que le Soudan et le Tchad. Une première rencontre a ainsi eu lieu entre des officiels congolais et rwandais pendant la coupe du monde de football organisée au Qatar à la fin de l’année 2022. Une nouvelle rencontre, cette fois entre les dirigeants des deux pays, devait avoir lieu à Doha, le 13 janvier 2023, sans que celle-ci puisse finalement se concrétiser.
ii. Un rapprochement avec l’Union européenne, qui connaît toutefois de sérieux accrocs
L’élection du président Félix Tshisekedi a permis de normaliser en partie les relations entre l’Union européenne et la République démocratique du Congo, après les vives tensions engendrées par la mise sous sanctions de plusieurs responsables congolais à partir de 2016 : le dialogue a ainsi repris entre les deux parties, ce qui s’est notamment traduit par la réouverture d’un centre européen de délivrance des visas à Kinshasa et le retour dans le pays d’un délégué de l’Union européenne. Des sanctions demeurent toutefois : en plus des neuf personnalités encore sous sanctions, huit nouvelles ont été désignées en décembre 2022 (des membres de groupes armés, tels que le M23, un membre des forces armées de la République démocratique du Congo – FARDC –, un homme politique congolais et un homme d’affaires belge), puis neuf autres en juillet 2023, dont un capitaine de l’armée rwandaise. Ces sanctions s’inscrivent dans le cadre de nouveaux critères permettant de cibler tous ceux qui nourrissent le conflit dans l’est du pays, les discours de haine et profitent des trafics.
Le dialogue politique entre l’Union européenne et l’État congolais, organisé au titre de l’article 8 de l’Accord de Cotonou, s’est tenu en octobre 2020, puis de nouveau en septembre 2021 ; le prochain dialogue devait se tenir fin 2022 mais a été plusieurs fois reporté. Enfin, une nouvelle stratégie de l’Union européenne pour la région des Grands Lacs a été adoptée lors de la réunion du Conseil de l’Union en format affaires étrangères, le 20 février 2023. Les commissaires européens de l’époque, Jutta Urpilainen et Thierry Breton, respectivement en charge des partenariats internationaux et du marché intérieur, ont accompagné le président français, Emmanuel Macron, lors de sa visite d’État en République démocratique du Congo en mars 2023.
Ce rapprochement connaît également des développements dans le domaine des matières stratégiques : le 26 octobre 2023, l’Union européenne, représentée par sa commissaire Jutta Urpilainen, a signé un protocole d’accord pour un partenariat sur les chaînes de valeur des matières premières critiques et stratégiques avec la ministre des mines de la République démocratique du Congo, Antoinette N’samba Kalambayi. La stratégie Global Gateway ([73]) doit jouer un rôle central dans le soutien aux actions menées dans le cadre de ce partenariat, qui établit une coopération étroite dans cinq domaines ([74]) :
– l’intégration de chaînes de valeur durables pour les matières premières ;
– la mobilisation de fonds pour le développement des infrastructures ;
– la coopération pour parvenir à une production durable et responsable ;
– la coopération dans le domaine de la recherche et de l’innovation ;
– le renforcement des capacités pour faire respecter les règles pertinentes pour assurer l’application de cet accord.
Une feuille de route prévoyant des actions conjointes et concrètes à mettre en œuvre d’ici à 2030 doit également être élaborée.
Toutefois, ce partenariat pourrait être affaibli par la reprise des tensions entre le gouvernement congolais et l’Union européenne après que cette dernière a conclu un protocole d’accord de coopération sur les matières premières avec le Rwanda, le 19 février 2024. Celui-ci porte notamment sur l’étain, le tantale, le tungstène et le nobium dont regorgeraient les sous-sols de la République démocratique du Congo, et non ceux du Rwanda, selon les autorités congolaises. Ces dernières ont ainsi fermement dénoncé ce qu’elles considèrent être une stratégie organisée de pillage de leurs ressources et voient dans l’attitude de l’Union européenne une provocation inacceptable, position qui a été rappelée à presque chaque entretien mené par le rapporteur lors de sa visite à Kinshasa. La République démocratique du Congo accuse également certaines sociétés occidentales, comme Apple, d’acheter en toute connaissance de cause ces « minerais de sang » détournés par le Rwanda, soulignant au passage le manque d’effectivité du programme dit « Itsci ». Lancé en 2009 par l’Association internationale de l’étain (ITA), il ambitionne pourtant d’assurer la traçabilité des colis de minerais, soumis à une procédure d’étiquetage par les services de l’État, pour identifier leur provenance et garantir que leur extraction ne contribue pas au travail des enfants ou à des groupes armés ([75]).
iii. Une nouvelle impulsion dans les relations entre la République démocratique du Congo et la France dont profite le domaine des ressources stratégiques
La relation bilatérale entre la France et la République démocratique du Congo repose sur une longue histoire de proximités politique, culturelle et linguistique sans passif colonial. La France est mobilisée depuis de nombreuses années pour garantir le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo et permettre un règlement de la crise dans la région des Grands Lacs. En témoigne, la réunion organisée à l’initiative du président de la République, Emmanuel Macron, le 21 septembre 2022, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, avec les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame pour rétablir la confiance entre les deux voisins. La France a la responsabilité de proposer les résolutions et déclarations relatives à la situation congolaise dans le pays au Conseil de sécurité des Nations unies. Elle a notamment favorisé le renouvellement pour un an du mandat de la mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), le 20 décembre 2022, et a contribué à la levée de l’obligation de notification des importations d’armement et d’assistance militaire jusqu’alors imposée au pays. La relation bilatérale se nourrit par ailleurs d’un lien privilégié fondé sur le partage de la langue française. Une cinquantaine de filiales de grands groupes français, tels que Vinci, Suez, Veolia et Lafarge, sont présents dans le pays.
Cette coopération a été relancée en 2019, d’abord avec la visite du ministre de l’Europe et des affaires étrangères français en République démocratique du Congo au mois de mai, puis par celle du président Félix Tshisekedi à Paris, en novembre. Cette dernière visite était centrée sur trois domaines prioritaires : la santé, l’éducation et la sécurité. Ce déplacement a également illustré une mobilisation commune sur deux enjeux globaux : la protection de l’environnement et la Francophonie. À cette fin, des moyens accrus sont consacrés à la coopération bilatérale, avec une enveloppe de 500 millions d’euros octroyée par l’Agence française de développement (AFD) entre 2022 et 2025.
La visite du président de la République, Emmanuel Macron, à Kinshasa, du 3 au 5 mars 2023, a permis d’ouvrir de nouveaux horizons dans cette coopération, malgré les tensions manifestées avec le président Félix Tshisekedi en conférence de presse ([76]). Elle a été l’occasion de diverses annonces :
– dans le domaine de la santé, par la création d’une plateforme de recherche internationale en santé mondiale (PRISME) sur la base d’un partenariat entre des instituts des deux pays et la prochaine adhésion de la République démocratique du Congo à l’initiative internationale PREZODE ayant pour objectif de prévenir l’émergence de maladies zoonotiques ;
– dans le domaine de la culture, avec plusieurs annonces ne concernant pas seulement la République démocratique du Congo, comme la création prochaine d’un fonds de soutien innovant aux industries culturelles et créatives, d’un montant de 20 millions d’euros, et qui se traduiront par une aide renforcée à ce secteur et à la création de « tiers-lieux » dans le pays ;
– dans le domaine humanitaire, grâce à la mise en place, avec l’aide de l’Union européenne, d’un pont aérien à destination de Goma ;
– dans le domaine diplomatique, par le soutien au plan de paix pour l’Est de la République démocratique du Congo élaboré avec le président angolais João Lourenço.
Cette visite a également permis la signature d’un mémorandum d’entente sur les métaux critiques ([77]) :
– il permet de former des futurs cadres géologues congolais à l’école des mines de Paris (deux masters et un doctorat), qui renforceront à terme la gouvernance congolaise du secteur ;
– il assure l’accompagnement, via le BRGM, du service géologique national congolais pour la refonte de sa base de données géologiques, le suivi des campagnes de prélèvements géologiques et la formation des futurs administrateurs de cette base, par exemple sur les techniques d’archivage ([78]) ;
– les échanges sont réguliers entre le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, la délégation interministérielle aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques et les acteurs congolais, ce qui a permis de sensibiliser l’ensemble des acteurs privés et publics du secteur aux projets et outils français ;
– dans cette logique d’accompagnement de la refonte de la gouvernance du secteur minier congolais, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères français déploie deux experts techniques internationaux au sein de l’initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE), d’une part, et auprès du recteur de la nouvelle école des mines de Kolwezi, d’autre part.
Une partie de ces actions a déjà été lancée et financée, notamment par le fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain (FSPI-R) à hauteur de 92 400 euros ; le BRGM demande, quant à lui, à être soutenu pour un montant d’un million d’euros.
Il faut noter que la France est le seul pays à s’être investi dans la mise en œuvre d’une telle stratégie fondée sur un dialogue constructif avec les autorités congolaises là où la politique américaine consiste davantage à renégocier les parts de ses entreprises.
3. Le Chili : un modèle fondé sur des partenariats publics-privés
a. Le rôle renforcé de l’État chilien
Le Chili est le deuxième producteur mondial et le premier producteur latino‑américain de lithium au monde : son exploitation s’opère dans le nord du pays, notamment au sein du désert d’Atacama et du salar ([79]) du même nom. Il se positionne principalement sur le début de la chaîne de valeur, c’est-à-dire les phases d’extraction, de raffinage et de primo‑transformation.
Dès les années 1970, l’État chilien a reconnu l’importance de son industrie du lithium auquel il est octroyé un intérêt nucléaire, en 1975, puis un intérêt stratégique, en 1979 : il se voit ainsi exclu, dans ce pays pourtant libéral, du régime général des concessions et est encadré par des conditions d’accès restrictives. Ce mode de gouvernance explique que seules deux entreprises, la chilienne SQM, fondée en 1986 et au sein de laquelle la Chine a pris une participation de 23,77 % au capital en 2018, et l’états-unienne Albemarle, fondée en 1980, exploitent aujourd’hui la ressource. De nombreux projets voient toutefois le jour, encouragés par les perspectives de développement de la voiture électrique, en particulier en Europe.
Or, le gouvernement chilien souhaite développer un nouveau modèle de gouvernance du lithium, annonce formulée en avril 2023 par le président, Gabriel Boric, honorant ainsi une promesse de campagne. L’objectif est de créer une société nationale du lithium au Chili via la conclusion d’un partenariat public‑privé avec les deux compagnies opérant sur son territoire ; les richesses générées doivent permettre de financer les grands programmes sociaux et environnementaux que le pays souhaite réaliser, sans attendre la fin des concessions minières des acteurs privés (entre 2030 et 2043). Cette stratégie s’organise autour de cinq piliers : l’État participera à l’intégralité du cycle productif, sera plus présent dans les activités d’exploration, d’exploitation et de plus forte valeur via des partenariats publics-privés ; il participera à la promotion de nouvelles technologies d’extraction pour en minimiser l’impact sur les écosystèmes des salars ; il entend protéger 30 % de ces écosystèmes d’ici à 2030 avec l’appui des communautés environnantes ; enfin, il doit œuvrer à la promotion de l’extraction et du développement de produits à plus forte valeur ajoutée. Après sept mois de négociations, les sociétés chiliennes Codelco et SQM ont signé, en décembre 2023, un accord essentiel pour l’industrie du lithium. La compagnie minière publique et le groupe privé vont s’unir à partir de janvier 2025 et jusqu’en 2060 pour exploiter l’ensemble du lithium enfoui dans le désert d'Atacama à travers la création d’une société commune.
Parallèlement, le pays met en place une stratégie d’industrialisation avancée, qui doit aboutir au développement d’un parc industriel vert mondial dans la région d’Antofagasta. Deux projets portés par des entreprises chinoises ont, pour l’heure, été validés. D’une part, BYD Chile Spa, filiale de BYD, a remporté un appel d’offres en 2022 pour une usine de cathodes destinées à des batteries de type lithium-fer-phosphate sans nickel ni cobalt, l’État assurant l’accès via SQM à une certaine quantité de lithium à prix préférentiel jusqu’en 2030. D’autre part, Yongquing Technology, qui a remporté un appel d’offres en 2023 pour une usine de production de cathodes et de batteries de type lithium-fer-phosphate, cette usine étant à la fois alimentée par du lithium octroyé à prix concurrentiel jusqu’en 2030 par SQM et provenant du projet porté par Eramet et Tsingshan en Argentine.
b. Vers la constitution d’un cartel du lithium en Amérique latine ?
La tentative de plusieurs gouvernements sud-américains de mieux contrôler l’exploitation des mines, voire de fabriquer sur place des batteries en créant des chaînes de production à l’échelle régionale, a pu conduire à l’idée de concevoir un cartel du lithium, sur le modèle de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), pour protéger les pays producteurs. Cette dernière a notamment été évoquée en 2022 à Buenos Aires, en Argentine, lors du sommet mondial du lithium.
Cette initiative se heurte toutefois à plusieurs impasses. D’abord, la difficulté de constituer un cartel sans inclure l’Australie, premier producteur mondial. Ensuite, les fortes inégalités entre le Chili, deuxième producteur mondial, l’Argentine, au quatrième rang mondial, et la Bolivie, forte d’importantes ressources qui restent, pour l’heure, peu exploitées. Par ailleurs, chacun de ces États poursuit des politiques de production et de gestion des investissements directs étrangers différents : l’Argentine a ainsi mis en place un cadre très attractif et souhaite le développement de compagnies privées ; le Chili veut développer les partenariats public-privé ; quant à la Bolivie, elle entend se positionner en tant que producteur de batteries et de véhicules électriques sans parvenir à obtenir les transferts de technologies souhaités des industriels étrangers. Surtout, l’industrie du lithium repose, en Amérique latine, sur cinq grandes compagnies présentes partout dans le monde, à l’instar d’Albermale, très active au Chili mais qui possède également des mines en Australie et aux États-Unis. Dans ces conditions, une entente au niveau de ces entreprises paraîtrait plus pertinente qu’à l’échelle des États. Enfin, il conviendrait d’observer avec attention la réaction chinoise à de tels projets, la Chine disposant d’une position dominante pour le raffinage des métaux issus de cette région et étant de loin le premier investisseur dans nombre de pays producteurs.
B. Les États consommateurs tentent d’assurer leur autonomie stratégique
La majorité des États consommateurs ont décidé de réduire leurs dépendances aux quelques centres d’approvisionnement en ressources stratégiques existants, en particulier chinois. Leurs nouvelles stratégies s’articulent autour de deux axes : d’une part, la nationalisation d’une partie des chaînes de valeur et, d’autre part, la recherche de nouveaux partenaires dans une logique de diversification de leurs approvisionnements, une complète autarcie étant exclue. Leur objectif est ainsi d’atteindre une forme d’autonomie stratégique dont témoignent les exemples japonais, américain et européen.
1. Le Japon a développé une stratégie pionnière, qui porte déjà ses fruits
a. Une stratégie dont la mise en œuvre repose sur une politique publique proactive
Le Japon est un pays très dépendant de l’extérieur en termes de ressources stratégiques. Il importe, en effet, près du quart de la production mondiale de terres rares, ce qui en fait le second plus grand consommateur au monde juste après la Chine. Les terres rares, tout comme les autres matières premières stratégiques et critiques, sont essentielles à la compétitivité du pays pour la production d’appareils électroniques ou électroménagers ayant une forte valeur ajoutée, de moteurs de voitures hybrides ou de lasers, domaines dans lesquels le Japon excelle ([80]). Cependant, le pays ne dispose pas de gisements terrestres sur son territoire et est donc totalement tributaire de ses importations, qui proviennent en majorité de Chine. Ce système de dépendance a montré ses limites lors de la crise diplomatique qui l’a opposé à la Chine en 2010.
Conscient de cette dépendance, le pays a développé très tôt une politique publique volontariste et ambitieuse pour renforcer son autonomie. Dès 2007, en effet, le ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie (METI) et le ministère de l’éducation, de la culture, des sports, des sciences et de la technologie (MEXT) définissent une stratégie de sécurisation des ressources, appelée Genso Senryaku (littéralement, « stratégie des éléments »), initialement organisée autour d’une liste de trente ressources et de quatre objectifs : l’acquisition d’intérêts miniers à l’étranger grâce à des fonds du METI et à l’aide du ministère des affaires étrangères ; le recyclage des métaux critiques à partir de processus industriels et de produits en fin de vie ; le développement de matériaux de substitution utilisant moins ou pas de terres rares et la constitution de stocks stratégiques par les secteurs public et privé.
b. La sécurisation des ressources minérales nécessaires à son économie
Dans le cadre de cette stratégie, le Japon a cherché à diversifier la provenance de ses ressources pour atténuer sa dépendance à la Chine ; de même, les entreprises japonaises tentent de réduire la part de leurs approvisionnements auprès de fournisseurs chinois. La Japan Oil, Gas and Metals National Corporation (JOGMEC) est le support de cette politique. Issue de la fusion, en 2004, de la Japan National Oil Corporation et de la Metal Mining Agency of Japan, elle est en charge de rechercher ces nouvelles sources d’approvisionnement.
Concrètement, le Japon a investi dans les pays abritant des gisements de terres rares et a établi de nouveaux partenariats avec le Kazakhstan, l’Inde, la Namibie ou encore le Vietnam où il a participé à la construction d’un centre de recherche à Hanoï, afin d’améliorer les techniques d’extraction et de raffinage des matériaux critiques. Il a renforcé sa coopération internationale dans le domaine des chaînes d’approvisionnement en matières premières critiques au cours des années 2022 et 2023. Cette initiative s’est d’abord traduite par la conclusion, en marge du sommet entre l’Union européenne et le Japon de juillet 2023, d’un arrangement administratif entre la Commission européenne et la JOGMEC ; ce dernier vise à renforcer la coopération sur les chaînes d’approvisionnement en matières premières critiques. Le Japon s’est également rapproché des États-Unis. En juin 2022, il a fait partie des États fondateurs du partenariat pour la sécurité des minéraux (MSP), placé sous le leadership des États-Unis, aux côtés de l’Australie, du Canada, de la Finlande, de la France, de l’Allemagne, de la Corée du Sud, de la Suède ou encore de la Commission européenne. Il s’agit, pour cette alliance, de favoriser le renforcement des chaînes d’approvisionnement en métaux critiques tout en aidant les pays concernés à tirer des bénéfices économiques de l’exploitation de ces ressources. Moins d’un an plus tard, en mars 2023, les États-Unis et le Japon ont conclu un accord sur les matériaux des batteries des véhicules électriques interdisant à chacune des deux parties d’introduire des restrictions bilatérales à l’exportation de ressources telles que le lithium, le nickel et le cobalt. En vertu de cet accord, les véhicules électriques fabriqués par les sociétés japonaises pourront également bénéficier des avantages fiscaux prévus par l’Inflation Reduction Act (IRA) ([81]).
Parallèlement, le Japon s’est lancé dans la prospection sous-marine. Le conseil pour la science, la technologie et l’innovation (CSTI), placé sous l’autorité directe du premier ministre, a créé, dès 2014, onze programmes interministériels de promotion de l’innovation stratégique (2014-2019) ; l’un d’eux concerne les « technologies d’exploitation des ressources minérales marines de prochaine génération » ou Zipangu. Doté d’un budget de 6 milliards de yens par an (plus de 37 millions d’euros), son but est de faire du Japon le leader mondial des technologies de prospection sous-marines des métaux rares, des encroûtements de ferromanganèse riches en cobalt et d’autres minerais des dépôts hydrothermaux présents dans plusieurs sites au large des côtes d’Okinawa. La deuxième édition de ce programme, initiée en mars 2019, se concentre désormais sur les terres rares présentes à 6 000 mètres de profondeur au large de l’île Minamitori-shima, et poursuit deux objectifs principaux : le développement d’un système opérant plusieurs véhicules autonomes sous-marins, ainsi que l’usage de technologies d’extraction des métaux rares.
c. Un effort important en faveur de la recherche & développement autour des technologies de recyclage des métaux critiques
Le volet recherche & développement de cette stratégie dépend principalement de deux agences de financement, la Japan Science and Technology Agency (JST) et la New Energy and Industrial Technology Development Organization (NEDO).
La JST finance les projets de recherche fondamentale ou appliquée des laboratoires et instituts indépendants ou académiques, incluant des projets de recherche en collaboration avec d’autres pays, par exemple sur le développement de nouveaux matériaux substituables aux métaux critiques. Trois projets de collaboration entre des universités japonaise, finlandaise, anglaise et néerlandaise, menés sur trois ans bénéficient ainsi d’un budget de 200 millions de yens (environ, 1,25 million d’euros) chacun.
La NEDO, quant à elle, soutient des projets industriels. Elle a ainsi financé, durant l’année 2010 faisant suite à la crise des quotas chinois, un projet de 400 millions de dollars pour promouvoir les facilités industrielles visant à réduire l’utilisation des ressources stratégiques et à promouvoir des matériaux de substitution. Elle a également lancé un projet sur dix ans (2012‑2021) de développement de matériaux magnétiques pour des moteurs à haute efficacité dont les résultats sont apparus dès 2016. En juillet 2016, Daido Steel et Honda Motor Co. Ltd ont mis, par exemple, au point un aimant de néodyme ne contenant aucune terre rare lourde, lequel est utilisé à partir de cette même année pour la construction de voitures hybrides ([82]).
d. La constitution de stocks stratégiques
Le Japon entretient des stocks stratégiques depuis 1963. Ils sont administrés depuis 1983 par la JOGMEC sous l’autorité du METI et concernent désormais les trente‑quatre éléments identifiés comme stratégiques par le pays. Pour ce faire, la JOGMEC souscrit des emprunts dont les intérêts sont majoritairement financés par l’État et par le revenu de ses investissements dans la prospective et l’exploitation de matières premières.
Ce système, initialement partagé avec des entreprises privées, est devenu totalement public en 2020. Il impose un seuil de stockage par matière oscillant entre trente et cent quatre-vingts jours de consommation selon les ressources concernées. Initialement constitués dans un but purement économique de gestion de la pénurie, ces stocks se dotent désormais d’une dimension militaire sous l’influence de la guerre en Ukraine ([83]).
Liste des 34 matériaux critiques recensés par le gouvernement japonais
au titre de l’année 2022
Antimoine |
Nickel |
Baryum |
Niobium |
Béryllium |
Métaux du groupe du platine |
Bismuth |
Terres rares |
Bore |
Rhénium |
Carbone |
Rindium |
Césium |
Rubidium |
Chrome |
Sélénium |
Cobalt |
Silicium |
Fluor |
Strontium |
Gallium |
Tantale |
Germanium |
Tellure |
Hafnium |
Thallium |
Lithium |
Titane |
Magnésium |
Tungstène |
Manganèse |
Vanadium |
Source : International Resource Strategy – National stockpiling system, Agence internationale de l’énergie, septembre 2022.
e. Des résultats déjà visibles, même si des dépendances persistent
Cette politique a commencé à porter ses fruits. Le Japon est parvenu à diversifier ses partenariats, assurant sa moindre dépendance à l’égard des terres rares importées de Chine, lesquelles ont reculé de 91,3 % en 2008 à 58 % en 2018, tandis qu’un tiers des importations japonaises en terres rares repose désormais sur la société australienne Lynas. Les projets d’exploration maritime portés par la JOGMEC progressent et le pays dispose d’avantages comparatifs en matière technologique, notamment s’agissant des nanotechnologies, ce qui lui permet de contrôler en partie la substitution de certains métaux critiques, tels que le vanadium et le manganèse, par des matériaux plus abondants.
Toutefois, cette stratégie demeure encore perfectible, en particulier s’agissant des relations entre le Japon et l’Afrique, riche en terres rares et matières premières critiques, encore peu développées, de même que les investissements japonais sur le continent africain. Le pays peine, en particulier, à inciter les acteurs privés nippons à investir en Afrique. Cette dernière souffre de l’image d’un continent géographiquement et culturellement lointain, perçu comme risqué voire dangereux. Les Européens et les Chinois sont également très présents dans plusieurs de ses États, réduisant ainsi les opportunités économiques pour le Japon. L’environnement des affaires y demeure problématique en raison de difficultés d’application des normes légales et réglementaires, de l’instabilité politique et sociale et du manque de formation des ressources humaines locales. Enfin, le Japon pâtit de la délicate transposition de son modèle de développement économique fondé sur une coopération étroite entre les autorités publiques et le secteur privé sur le continent africain : s’il s’est avéré efficace pour couvrir le marché asiatique, il paraît, en revanche, moins adapté à l’Afrique ([84]).
2. Les métaux critiques sont élevés au statut de priorité nationale par les États-Unis
a. Un pays qui a su conserver sa tradition minière au cours du temps
L’histoire des États-Unis est étroitement liée à celle de son industrie minière : son développement s’est organisé autour de l’extraction et de l’exploitation des riches ressources de ses sous-sols, depuis la ruée vers l’or californien du milieu du XIXe siècle jusqu’à l’exploitation de l’argent du Nevada et du pétrole de Pennsylvanie, découvert en 1859 ([85]).
Or, cette tradition minière n’a pas disparu, loin s’en faut : les États-Unis demeurent aux premières places pour l’extraction du cuivre, du zinc, de l’or, du molybdène et du palladium. Si ces activités ne représentent qu’1 % du PIB américain, elles nourrissent des secteurs qui contribuent à plus de 15 % de ce même PIB. Elles contribuent à façonner les paysages et sont créatrices d’emplois : près de trois cents sites industriels sont ainsi dénombrés dans le pays en 2020. Surtout, elles ne concernent pas seulement l’extraction mais couvrent aussi les activités métallurgiques de transformation du pays.
La résilience de ces activités minières trouve plusieurs origines, à commencer par le cadre juridique mis en place au cours du XVIIIe siècle. Si, en France, seul l’État peut décider d’exploiter des ressources minières, les États-Unis lient la propriété du sol à celui du sous-sol, ce qui incite les acteurs à tirer directement bénéfice de ce dernier. Le cadre fiscal et économique est également très attractif dans certains États, tels que l’Alaska, l’Arizona, le Nevada ou encore l’Idaho. Par ailleurs, le pays dispose d’entreprises leaders sur le marché, ce qui encourage le dynamisme entrepreneurial, que l’on pense à Albermale dans le secteur du lithium ou à Freeport‑McMoran, deuxième producteur mondial de cuivre. Enfin, le contexte de la guerre froide a favorisé le maintien d’un appareil industriel fondé sur la métallurgie pour sécuriser la fourniture de minerais et métaux critiques au secteur de la défense. En parallèle, les différentes administrations ont constitué des stocks stratégiques sur certains métaux et essayent de préserver des capacités de production sur le territoire américain.
Toutefois, une première inflexion de cette politique est intervenue à la fin des années 1990, sous la présidence de Bill Clinton et à l’aune de la chute de l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS). La sécurisation des approvisionnements en métaux est alors remplacée par un objectif plus global de croissance de l’économie nationale sur de nouveaux secteurs, à l’instar des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Dans ce contexte, les États-Unis ont commencé à se départir d’une partie de leurs stocks stratégiques, tendance qui s’est poursuivie sous la présidence républicaine de George W. Bush. Ce phénomène a été amplifié en 2001 avec l’adhésion de la Chine à l’OMC, qui a favorisé la délocalisation des industries métallurgiques occidentales en Asie.
b. La mise en œuvre d’une stratégie diversifiée et ambitieuse
La crise des terres rares de 2010-2011 a encouragé la relance, aux États‑Unis, de nouveaux moyens d’action sous l’égide du département de l’énergie (DOE), sans que le sujet ne devienne une priorité présidentielle. Des travaux ont alors vu le jour à cette période : ils soutiennent l’importance de la sécurisation des chaînes de production des métaux et envisagent diverses options de politique industrielle. Des collaborations internationales autour de programmes de recherche et de développement sont envisagées avec l’Australie, le Canada, le Japon et l’Union européenne.
La véritable rupture intervient avec l’arrivée au pouvoir, en 2016, du président Donald Trump. À sa demande ([86]), il est établi une première liste de trente‑cinq matériaux stratégiques pour l’économie nationale, laquelle est étendue, en février 2022, à cinquante matériaux dits critiques. Un décret présidentiel du 30 septembre 2020 ([87]), particulièrement offensif à l’égard de la Chine, a même déclaré l’état d’urgence sur cette question. La liste des métaux critiques des États‑Unis est ainsi plus étendue que celle de l’Union européenne, puisqu’elle inclut depuis plusieurs années déjà le nickel et pourrait comprendre prochainement le cuivre : pour les Américains, tout métal sur lequel la Chine détient un pouvoir de marché, qu’il s’agisse de sa production ou de son raffinage, est de facto critique. L’étendue de cette liste n’est pas sans importance : le fait de ne pas considérer un métal donné comme critique, alors qu’il est reconnu comme tel par d’autres nations, peut nuire à l’efficacité de la diplomatie minérale relative à cette ressource et ainsi freiner la conclusion future de contrats avec des producteurs majeurs ([88]).
La présidence de Joe Biden a approfondi cette dynamique, d’autant plus que le président a réintégré l’Accord de Paris et annoncé sa volonté d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, remettant les métaux et minerais stratégiques utilisés dans les technologies bas-carbone au centre de sa stratégie nationale. La compétition renforcée avec la Chine occupe de nouveau le devant de la scène.
La guerre d’invasion menée par la Russie contre l’Ukraine a encore accéléré cette tendance : le président Joe Biden a fait adopter un ensemble de lois pour favoriser la production, sur le sol américain, de différents métaux critiques et réfléchit à la reconstitution de stocks stratégiques gérés par le ministère de la défense. Cette nouvelle stratégie repose, à l’instar des instruments mobilisés par le président Donald Trump, sur l’augmentation de la production nationale de minerais et de métaux, la hausse de l’utilisation de métaux recyclés dans l’industrie et le développement technologique de l’ensemble de la chaîne de valeur des produits miniers. Un groupe de travail sur la réforme du code minier a également été constitué : ses réflexions portent sur l’affirmation d’une production minière soutenable, la sécurisation des besoins de l’économie américaine et l’introduction de taxes applicables aux producteurs de minerais critiques.
D’autres mécanismes de protection de la production américaine de métaux critiques sont aussi envisagés. En août 2024, par exemple, un agent de l’Office of Manufacturing and Energy Supply Chains a évoqué la volonté de l’administration Biden de mettre en place des « prix planchers » pour la production américaine de métaux critiques sur lesquels la Chine dispose d’un pouvoir de marché. Ce mécanisme réduirait le « risque prix » pesant sur les investissements dans les projets miniers aux États-Unis ([89]).
Les stocks stratégiques des États-Unis : un cas d’école
Les États-Unis disposent formellement de stocks stratégiques depuis 1939 et l’adoption du Strategic and Critical Material Stockpiling Act, lequel donne naissance aux stocks de défense nationale (National Defense Stockpile ou NDS). Le rôle de ces stocks est de répondre aux besoins de la seule défense nationale et de la protection des civils en temps de crise. Le président des États-Unis est responsable de son actualisation et de la libération des stocks, avec le soutien du gestionnaire du stock de défense nationale auquel il délègue ses fonctions. La gestion des opérations courantes est attribuée à l’Agence logistique de la défense (Defense Logistics Agency ou DLA). Le Congrès assure un contrôle continu et doit être avisé de tout changement opéré par le président, la DLA ou le gestionnaire du stock.
En principe, l’approvisionnement de la NDS ne doit reposer que sur des sources nationales, même si des entorses à cette règle sont possibles en cas de besoin. Le président et le gestionnaire du stock doivent toutefois prendre les mesures nécessaires pour développer des alternatives nationales. Le financement de la NDS repose intégralement sur le National Defense Stockpile Transaction Fund, un fonds propre directement issu du trésor étasunien auquel s’ajoutent les ventes ponctuelles de métaux entreposés. En 2023, le total des ressources budgétaires du fonds pour le renouvellement et le maintien opérationnel des stocks s’élevait à 590 millions de dollars.
En 2021, les volumes de la NDS étaient à leur plus bas niveau depuis 1941. Selon la commission de la stratégie de défense nationale, cette situation serait assimilable à un état d’insolvabilité stratégique qui, en cas de conflit, pourrait forcer les États-Unis à recourir prématurément à des armements nucléaires : une situation qui résulte d’une minoration du rôle stratégique de la NDS à partir des années 1950, d’un manque d’investissements et d’une délocalisation accélérée des chaînes de transformation depuis le début des années 2000.
En février 2021, l’Executive Order 14017 signé par le président Joe Biden réengage le pays dans une stratégie proactive de constitution de ses stocks stratégiques. Cette reprise en main par l’exécutif comprend un plan d’un milliard de dollars dédié à la reconstitution des volumes et à l’actualisation du fonctionnement de la NDS.
Source : « Les stocks stratégiques de métaux critiques », Emmanuel Hache et Frédéric Jeannin, observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques, octobre 2023.
Contrairement à la politique plus isolationniste de son prédécesseur, le président Joe Biden a relancé les collaborations internationales par la multiplication d’accords bilatéraux et d’alliances plus globales fondées sur le multilatéralisme. En particulier, les relations entre les grands pays miniers que sont le Canada et l’Australie ont été renforcées. Dans le cas du Canada, sa proximité géographique et industrielle avec le pays comme les complémentarités sectorielles entre les deux États œuvrent à ce rapprochement : il s’agit du deuxième fournisseur de minerais et de métaux des États-Unis après la Chine. S’agissant de l’Australie, le pays, de par son positionnement dans l’Indo-Pacifique, constitue un enjeu central pour les États‑Unis, en particulier depuis la politique du pivot asiatique impulsée par le président Barack Obama. Dans ce cadre, il n’est guère étonnant que les deux États entretiennent des relations étroites, et ce d’autant plus que Washington cherche à inciter les entreprises australiennes à investir dans le secteur de l’industrie. L’avantage est double : il renforce l’indépendance du territoire national pour les métaux critiques et détourne une partie de la production australienne des visées de Pékin.
Enfin, Washington développe des alliances globales en Asie aux dépens de la Chine. Les États-Unis ont ainsi lancé un cadre économique indo-pacifique pour la prospérité en collaboration avec l’Australie, le Brunei Darussalam, la Malaisie, la Nouvelle‑Zélande, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam. Cet accord régional ne concerne pas seulement les métaux et minerais critiques mais couvre également d’autres sujets économiques sensibles : il s’agit d’une sorte de contre-projet aux routes de la soie chinoises. De même, en juin 2022, le pays a conclu un partenariat pour la sécurisation des métaux avec l’Australie, le Canada, la Finlande, la France, l’Allemagne, le Japon, la Corée du Sud, la Suède, le Royaume-Uni et l’Union européenne. Ce dernier doit permettre de renforcer le partage d’informations sur les pays partenaires, les investissements dans les chaînes d’approvisionnement sécurisées en minéraux critiques et le développement de technologies de recyclage.
Initiatives internationales des états-unis sur les métaux
Initiatives |
Pays concernés |
Types d’accords |
Initiative de cartographie des minéraux critiques (2019) |
Australie, Canada, États-Unis |
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Energy Resource Governance Initiative (2019) |
Australie, Botswana, Canada, États-Unis, Pérou |
Améliorer les pratiques de développement minier |
Partenariat pour la sécurité des ressources minérales (2022) |
Allemagne, Australie, Canada, Corée, États-Unis, Finlande, France, Japon, Royaume-Uni, Suède et Union européenne
|
Valoriser la production, le traitement et le recyclage des ressources naturelles |
Cadre économique indopacifique pour la prospérité (2022) |
Australie, Brunei Darussalam, Corée du Sud, États-Unis, Inde, Indonésie, Japon, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam |
Décarbonation des infrastructures, fiscalité et lutte contre la corruption, numérique, résilience des chaînes d’approvisionnement |
Source : Emmanuel Hache et Benjamin Louvet, ouvrage déjà cité.
Récemment encore, le 11 juillet 2024, la commission sur le renseignement du Sénat américain a adopté une proposition de loi visant à conférer davantage de moyens diplomatiques et financiers à cette stratégie. Celle-ci inclut notamment la création d’un fonds d’investissement dans le secteur des ressources stratégiques et le renforcement de l’aide diplomatique aux investissements privés réalisés dans ce secteur à l’étranger. Elle réclame également une évaluation des taxes imposées aux importations de ces ressources, en particulier lorsqu’elles proviennent de Chine, ainsi qu’un effort global du gouvernement fédéral pour mieux former la main-d’œuvre américaine appelée à travailler dans ce domaine ([90]).
c. Des objectifs inatteignables ?
Avec l’objectif de réduire les dépendances américaines dans le domaine des métaux, l’IRA, mise en place en 2022, adopte une approche nationaliste des ressources minières. Elle impose, en effet, le respect d’une cible basée sur la valeur de marché en minerais critiques du contenu d’un produit pour bénéficier des crédits d’impôts prévus par le programme.
Concrètement, pour l’octroi de crédits d’impôt, l’IRA impose que, d’ici à 2027, un véhicule électrique dispose d’une batterie dont 80 % de la valeur marchande en minerais critiques provient des États-Unis ou de pays avec lesquels ceux-ci disposent d’un accord de libre-échange. Toutefois, les États-Unis étant encore très dépendants des importations en provenance de pays ne disposant pas de ce type d’accords (à 77 % pour le cobalt et à 46 % pour le nickel et le lithium), les objectifs de l’IRA semblent peu susceptibles d’être atteints. Ceux-ci pourraient même perturber, selon certaines études, l’approvisionnement en minerais critiques des fabricants américains de batteries et de véhicules électriques ([91]).
3. L’Union européenne s’est lancée tardivement dans le développement d’une stratégie en matière de ressources critiques
Comme dans le domaine des énergies fossiles ([92]), l’Union européenne est relativement « mal née » ([93]) pour couvrir ses besoins en énergies bas-carbone sans se rendre fortement dépendante de l’extérieur. Elle demeure, en effet, peu dotée en ressources minières stratégiques indispensables aux transitions numérique et écologique. Cette configuration rend d’autant plus centrale l’importance de définir au niveau européen une stratégie cohérente sur ce sujet.
a. Des initiatives disparates qui se développent indépendamment d’une véritable planification industrielle
Alors que le Japon et les États-Unis se sont dotés de stratégies ambitieuses à partir des années 2007-2008, l’Union européenne s’est attelée à cette époque à identifier les vulnérabilités qui affectent ses approvisionnements en matières premières minérales. Elle lance ainsi, en 2008, une initiative pour les matières premières critiques composée de trois piliers : la production soutenable de matières premières minérales, la maîtrise de ses routes d’approvisionnement et le développement du recyclage pensé comme un moyen d’accroître l’efficience de ses ressources. Il s’en suit la publication d’une liste des matières premières dites critiques (2011, 2014 et 2017) identifiées à partir d’une étude et d’un calcul de criticité ([94]). Toutefois, aucune stratégie industrielle n’est alors évoquée et les instruments créés n’étaient ni incitatifs ni contraignants.
Du moins chaque actualisation des listes des matières premières critiques s’accompagne-t-elle d’initiatives industrielles à partir de 2017. Cette même année, la Commission européenne a lancé, au mois d’octobre, une alliance européenne pour les batteries dont le but est de rattraper une partie du retard accumulé sur les différents segments de la chaîne de valeur des batteries, notamment en matière de recyclage. Toutefois, cette alliance ne s’intéresse pas directement à la production de matières premières ni à leurs approvisionnements.
Ainsi, l’Union européenne n’a pas su planifier, de manière anticipée, une véritable politique industrielle ni définir, sur le temps long, une stratégie cohérente en matière d’approvisionnement.
b. Une mobilisation tardive sous la double influence de la crise de la Covid‑19 et de la guerre en Ukraine
Il a fallu attendre la crise de la Covid-19 et le déclenchement de la guerre en Ukraine pour que l’Union européenne développe une approche de « derisking », selon les mots de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Ainsi, à partir de 2019, l’Union européenne voit dans la Chine un « compétiteur économique » ainsi qu’un « rival systémique ». La dépendance de Bruxelles à l’égard de Pékin en termes de ressources stratégiques inquiète : l’Union européenne s’avère dépendante à plus de 50 % de la Chine dans le domaine de l’extraction et du cycle de transformation pour dix-huit des trente‑quatre minerais identifiés comme critiques en 2023. Pour onze minerais, cette dépendance dépasse même 65 % ([95]). Sans doute aussi la guerre d’invasion menée par la Russie contre l’Ukraine a-t-elle accéléré la prise de conscience d’une Europe excessivement dépendante de ses importations, le conflit ayant réduit l’offre de certaines matières critiques, telles que le titane, nécessaires à l’industrie aéronautique. Cette prise de conscience est désormais réitérée dans tous les documents stratégiques de l’Union européenne ([96]).
Comme aux États-Unis, la réponse de l’Union s’inscrit dans le cadre du développement d’une politique industrielle plus large dont l’objectif consiste à catalyser la double transition numérique et énergétique tout en renforçant la résilience européenne face aux chocs externes. Plusieurs initiatives sont alors poursuivies sur l’hydrogène, le solaire et les matières premières selon le principe d’un croisement de compétences industrielles et scientifiques existantes ou émergentes.
Dans le même temps, la pandémie a accéléré la création d’initiatives plus robustes, à l’instar du règlement européen sur les semi-conducteurs (Chips Act), entré en vigueur le 21 septembre 2023 ([97]), du règlement pour une industrie « zéro émission nette » (NZIA) et de la législation européenne sur les matières premières critiques, proposés par la Commission européenne au printemps 2023 dans le cadre du plan industriel du pacte vert ([98]).
Le règlement (UE) 2024/1252 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques, plus connu sous son nom anglais Critical Raw Materials Act (CRM Act), représente une avancée significative des efforts déployés par l’Union pour renforcer sa résilience économique. Il laisse entrevoir l’avènement d’une réelle stratégie européenne en termes de matières premières critiques. Cette dernière fait suite à la déclaration de Versailles de 2022 ayant consacré l’importance de ces ressources pour garantir l’autonomie stratégique et la souveraineté européennes. Le règlement, adopté en un temps record – huit mois – et entré en vigueur le 23 mai 2024, fixe une série d’objectifs à l’horizon 2030 : l’extraction, la transformation et le recyclage opérés dans l’Union européenne doivent couvrir respectivement 10 %, 40 % et 15 % de sa consommation annuelle ; par ailleurs, pas plus de 65 % de la consommation annuelle de chaque matière première stratégique dans l’Union ne doit provenir, à n’importe quel stade de transformation pertinent, d’un seul pays tiers.
La France a œuvré activement au renforcement de ces objectifs, en particulier ceux relatifs au recyclage. À sa demande, la Commission devra ainsi proposer, dans les mois à venir, des objectifs déclinés par matière première, ainsi que, d’ici cinq ans, des objectifs à l’horizon 2040 et 2050. Sur le recyclage, la France a également fortement défendu des mesures permettant de limiter les exports de déchets européens, repris par le texte final. Il s’agit, d’une part, de soumettre les matériaux qui sont sortis du statut de déchet au niveau européen ou national aux mêmes règles de transfert transfrontalier que les autres déchets, dès lors qu'ils sont exportés vers des pays tiers ; d’autre part, d’introduire la possibilité de moduler l’éco-contribution, appliquée à la vente de tous les produits électriques et électroniques en ligne ou en magasin, en fonction du pourcentage de matière première recyclée en accord avec les standards de l’Union européenne. En revanche, le règlement ne contient pas de dispositions visant à interdire les exportations de déchets. Quant au recyclage des aimants permanents, et donc des terres rares qu’ils contiennent, la portée des dispositions dépendra des actes délégués qui seront pris par la Commission.
Notons également que le règlement ne couvre que marginalement la constitution de stocks stratégiques, qui demeure en grande part un impensé de la politique européenne. Le CRM Act prévoit ainsi que chaque État membre tienne la Commission européenne informée de l’état des stocks en ressources stratégiques détenus par toute autorité publique, entreprise ou opérateur économique public chargés de la détention de tels stocks. Sur la base des informations reçues, la Commission communiquera au comité européen des matières premières critiques une proposition de niveau de référence sûr pour chaque matière première stratégique, à partir de laquelle elle établira une comparaison avec le niveau global des stocks de l’Union. Après consultation du comité, la Commission pourra adresser des avis aux États membres sur l’augmentation de leurs stocks ou la modification de leurs règles de libération et d’attribution de ceux-ci. Les États membres restent toutefois seuls décisionnaires de l’opportunité de suivre ces recommandations. Si des modalités de protection de la confidentialité des informations sensibles sont prévues, un État membre pourra toujours refuser la communication d’informations agrégées concernant ses stocks au nom de la sécurité nationale (article 44).
L’article 23, soutenu par la France et l’Allemagne, prévoit également que les grandes entreprises utilisant des ressources stratégiques sur leur territoire présentent, tous les deux ans, le résultat d’un audit de leur chaîne de valeur incluant la cartographie de leurs approvisionnements, l’identification de leurs vulnérabilités et, le cas échéant, les mesures permettant l’atténuation de ces risques. Cette stratégie est enfin complétée par des mesures de simplification visant notamment la réduction des délais d’obtention des autorisations pour le déploiement des énergies renouvelables.
Le financement du CRM Act n’est adossé à aucun fonds spécifique mais dépendra de financements existants, tels que le fonds de souveraineté européen, devenu la plateforme des technologies stratégiques pour l’Europe (STEP), outil de fléchage d’investissements doté d’une enveloppe de 10 milliards d’euros. L’Union européenne se dote également progressivement de certains instruments visant à encourager la mise en œuvre de cette législation. Le 31 juillet 2024, elle a ainsi lancé avec la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) un mécanisme conjoint qui permettra de mobiliser jusqu’à 100 millions d’euros pour des investissements dans les matières premières critiques. La contribution de l’Union s'élève à 25 millions d’euros, provenant du programme Horizon Europe, montant également mobilisé par la BERD. Enfin, le mécanisme conjoint se donne pour objectif de lever 50 millions d’euros supplémentaires ([99]).
c. Le développement de partenariats internationaux pour pallier l’impossibilité d’une autosuffisance stratégique
Tout comme les États-Unis, l’Union européenne a pleinement conscience de la gageure de croire qu’une autosuffisance serait possible dans le domaine des matières premières critiques. Aussi, la stratégie européenne s’appuie-t-elle également sur le développement de partenariats internationaux.
Sous l’égide de la stratégie Global Gateway, adossée à un budget de 300 milliards d’euros d’ici à 2027, l’Union a déjà conclu des partenariats dans le domaine des métaux critiques avec de nombreux États, à l’instar de l’Argentine, de l’Afrique du Sud, du Canada, du Chili, du Groenland, du Kazakhstan, de la Namibie, de la République démocratique du Congo, du Rwanda, de la Serbie, de l’Ukraine et de l’Australie. Ces accords visent non seulement l’accès à la ressource mais cherchent aussi à promouvoir le développement des industries extractives et de transformation en respectant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance stricts.
Le partenariat stratégique entre l’Union européenne et le Kazakhstan sur l’hydrogène vert et les matières premières
La conférence de Charm el-Cheik sur les changements climatiques (COP27, novembre 2022) a permis à l’Union européenne de conclure plusieurs partenariats relatifs aux énergies et à la transition écologique. Des accords ont ainsi été signés avec la Namibie, l’Égypte, le Maroc ou encore le Kazakhstan. Ces accords interviennent dans le cadre de la stratégie Global Gateway, définie en décembre 2021 par la Commission européenne et par le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, avec l’objectif de développer « des liens intelligents, propres et sûrs dans les domaines du numérique, de l’énergie et des transports ». Les partenariats conclus répondent également aux objectifs du plan REPowerEU, conçu en 2022, lequel vise à réduire la dépendance de l’Union à l’égard des combustibles fossiles russes et à accélérer la transition écologique. Ce plan comporte une stratégie énergétique extérieure cherchant à mettre en place des « corridors hydrogène » (sic) et à soutenir les États membres du partenariat oriental.
Or, l’Asie centrale est une zone riche en hydrocarbures dans laquelle l’Union européenne renforce sa présence et ses investissements depuis 2015. Le Kazakhstan constitue un État charnière de la région, fort de ses gisements pétroliers et gaziers. Par ailleurs, le pays abrite tous les minerais et éléments du tableau de Mendeleïev, produit 40 % de l’uranium mondial, 13 % de la chromite, et possède de nombreuses mines de manganèse. Il suscite donc le vif intérêt de l’Union européenne, qui représente 60 % des investissements directs étrangers dans le pays, avant même la signature du partenariat stratégique de 2022.
Ce partenariat cherche à établir une meilleure intégration économique et industrielle au niveau des matières premières, des batteries et de l’hydrogène renouvelable par le biais de l’identification de projets communs, l’alignement des normes environnementales et sociales, ainsi que la modernisation des processus d’extraction et de raffinage. Une feuille de route pour 2023-2024 a été élaborée par les deux parties.
Un point de vigilance demeure toutefois en raison de la géographie du pays, enclavé entre la Russie et la Chine et, à ce titre, au cœur des rivalités entre ces deux puissances. Du fait de son accès réduit à la seule mer Caspienne, les exportations de matières premières peuvent s’avérer coûteuses et complexes, comme l’illustre l’exemple du pétrole. En effet, 80 % du pétrole que le Kazakhstan exporte passe par la Russie pour rejoindre le port de Novorossiïsk, sur la mer Noire, par le Caspian Pipeline Consortium, dont Moscou est actionnaire à hauteur de 31 %. Or, Moscou n’hésite pas à instrumentaliser cette dépendance : la Russie a suspendu à quatre reprises les livraisons du pétrole kazakh au cours de l’année 2022, sans doute en réaction à la prise de distance du Kazakhstan vis‑à‑vis de la politique russe à la suite de l’invasion de l’Ukraine.
C. La France déploie progressivement une politique sur les ressources stratégiques largement inspirée de celle de ses partenaires et concurrents économiques
1. Une prise de conscience très récente de la centralité du sujet des ressources stratégiques
a. Un élément déclencheur : la crise de la Covid-19 et la remise du rapport Varin en janvier 2022
Comme pour l’Union européenne, la crise de la Covid-19 a joué un rôle catalyseur pour la définition d’une véritable stratégie française sur les ressources stratégiques. En septembre 2021, le gouvernement a confié une mission sur la sécurisation de l’approvisionnement de l’industrie en matières premières minérales à Philippe Varin, polytechnicien à la tête du groupe automobile PSA Peugeot‑Citroën (2009-2013), président du conseil d’administration du groupe minier Orano (ex-Areva, 2015-2020), puis gestionnaire de réseau d’eau et de déchets Suez (2020‑2022). Remis en janvier 2022, ce rapport, qui a été classé pour des raisons de confidentialité, est clair : il établit l’extrême dépendance de l’Union européenne (70 %) et de la France (100 %) pour l’approvisionnement de leurs ressources stratégiques.
Sur la base de ce rapport, le gouvernement français a décidé de la création d’une délégation interministérielle aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques (DIAMMS). Ses missions sont définies par l’article 2 du décret n° 2022‑1550 du 10 décembre 2022 relatif à la délégation interministérielle aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques :
« 1° Assurer le suivi de la mise en œuvre de la politique d’approvisionnement en minerais et métaux stratégiques ;
« 2° Contribuer à renforcer la cohérence entre les politiques publiques relatives à la défense nationale, l’industrie, l’énergie, la protection de l’environnement, la transition écologique, le commerce international et aux affaires étrangères et la politique d’approvisionnement en minerais et métaux stratégiques ;
« 3° Animer et coordonner les travaux d’identification des vulnérabilités liées à l’approvisionnement en minerais et métaux stratégiques, notamment en assurant le pilotage d’un observatoire français des minerais et métaux stratégiques ;
« 4° Veiller à la mise en œuvre des actions de sécurisation des approvisionnements en minerais et métaux stratégiques conduites par les ministres chargés de la politique des matières premières et des mines, de l’industrie, de la transition écologique et de l’énergie, notamment par le recours aux fonds mentionnés à l’article 8 de la loi du 9 mars 2010 [loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010], ainsi que par les utilisateurs et par les producteurs de minerais et métaux stratégiques ;
« 5° Contribuer à l’élaboration de la stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire, du plan de programmation des ressources prévus à l’article 69 de la loi du 17 août 2015 [la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte] et de la politique nationale des ressources et des usages du sous-sol mentionnée à l’article L. 113-1 du code minier ;
« 6° Participer, en lien avec les autres administrations compétentes, aux négociations internationales et aux actions d’influence au niveau européen portant sur des questions relatives aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques. »
Les interlocuteurs de la DIAMMS sont très variés. Il s’agit :
– de l’observatoire français pour les ressources minérales (OFREMI), désormais pleinement opérationnel après une montée en charge au premier semestre 2023. Officiellement lancé le 29 novembre 2022, cet observatoire est pensé comme un lieu d’échanges entre experts, industriels et administrations. Il vise à mettre à disposition une veille stratégique, économique et technique mutualisée portant sur les chaînes mondiales d’approvisionnement et les besoins actuels et futurs des filières industrielles, et à produire des analyses sur les risques et les vulnérabilités existantes. Il est financé par France 2030 à hauteur de 6 millions d’euros pour les deux premières années de son activité ;
– des établissements publics de recherche, tels que le BRGM, le commissariat à l’énergie atomique (CEA), l’institut français des énergies nouvelles (IFPEN) et l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), ainsi que les établissements d’enseignements supérieurs (écoles des mines, université de Lorraine, par exemple) ;
– d’autres établissements publics, tels que BpiFrance ou l’AFD ;
– des fédérations d’industries situées à l’amont (alliance des minerais, minéraux et métaux – A3M, Aluminium France) ou à l’aval des chaînes de valeur (France Industrie, la plateforme automobile – PFA, le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales – GIFAS, le groupement des industries de construction et activités navales – GICAN, France hydrogène, entre autres) ;
– des industriels français de l’ensemble des chaînes de valeur de l’amont à l’aval (opérateurs miniers, industriels de la transformation ou du recyclage de métaux et minerais, consommateurs de métaux et minerais) ;
– des industriels étrangers porteurs de projets (extraction, transformation, recyclage) à l’international susceptibles d’approvisionner des industriels français, ou pour des projets d’investissement en France ;
– de la Commission européenne, notamment la direction générale du marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des petites et moyennes entreprises (DG Grow) ;
– des ministères des mines (ou équivalent à la DIAMMS) des pays partenaires ;
– des organisations multilatérales, telles que l’AIE, le Mineral Security Partnership et l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Le décret n° 2022-1550 du 10 décembre 2022 prévoit, à son article 1er, que la DIAMMS est « dirigée par le délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques » qui « peut être assisté d’un adjoint et d’un nombre limité de collaborateurs ». En effet, il a été fait le choix de conserver une structure légère, capable de fonctionner en mode projet – sans créer de doublon – avec les différentes administrations (une vingtaine d’agents dans les différents ministères concernés) et l’OFREMI, qui compte une quinzaine d’équivalents temps plein.
Son support logistique est assuré par le ministère en charge de l’économie tandis que ses moyens d’action sont intégrés au programme France 2030 ([100]), au budget des différents ministères concernés et à divers dispositifs transversaux (crédits d’impôts et financement internationaux).
b. L’inventaire des ressources stratégiques du sous-sol français : une première étape indispensable en cours de réalisation
La connaissance des ressources du sous-sol est nécessaire pour inciter des opérateurs miniers à faire de l’exploration – puis, le cas échéant, de l’exploitation – des ressources françaises, afin de renforcer la souveraineté de notre pays à travers le développement d’une production domestique. Or, la France dispose d’un inventaire minier ancien, réalisé entre les années 1970 et 1990, et incomplet : il ne couvre que 20 % du territoire, se limite à l’étude de vingt-deux éléments pour cinquante-cinq considérés aujourd’hui comme d’intérêt, et se restreint à l’étude de la proche surface ([101]). Il repose enfin sur des techniques d’identification et d’analyse dépassées.
Les premiers travaux de relance de l’inventaire minier ont été réalisés par le BRGM à compter de 2022 sur une zone spécifique du Massif central. Plus récemment, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé en septembre 2023, lors du conseil de planification écologique, la réalisation d’un nouvel inventaire des ressources minérales réalisé par le BRGM à partir du début de l’année 2024. Celui-ci sera mené sur plusieurs années avant d’aboutir à une cartographie précise des ressources du territoire français : les premiers résultats sont attendus d’ici cinq ans environ.
Le potentiel d’un territoire varie en fonction du contexte et de l’histoire géologiques ([102]). En France métropolitaine, les principaux gisements métalliques se répartissent dans les massifs anciens du socle d’âge paléozoïque ([103]) de la chaîne Varisque (Massif armoricain, Massif central, Vosges, Massif des Maures, Ardennes et Corse) et au sein des chaînes de montagnes récentes datant du cénozoïque ([104]) (Alpes et Pyrénées). De grandes structures tectoniques sont souvent associées à ces gisements : des cassures de la croûte terrestre ont pu faciliter la circulation de fluides minéralisateurs au cours des temps géologiques, qui favorisent également la présence de gisements de minéraux industriels de premier plan comme l’andalousite à Glomel (Côtes d’Armor), le talc à Trimouns (Ariège) ou encore le kaolin de Ploemeur (Morbihan) et d’Échassières (Allier).
Le bouclier guyanais possède un fort potentiel en raison de sa parenté et de sa continuité avec le bouclier ouest-africain. Outre son potentiel aurifère, le sous‑sol guyanais renferme aussi des minéralisations à tantale-niobium et éléments associés, du minerai de bauxite, ainsi que du kaolin. La Nouvelle-Calédonie dispose également d’un sous-sol riche en nickel dont elle abrite environ 6 % de la production et des réserves mondiales.
En l’état actuel des connaissances, le sous-sol français métropolitain et ultra-marin montre un potentiel avéré pour plusieurs substances minières et de carrières. Les substances minières au plus fort potentiel sont :
– le tungstène ;
– l’or ;
– l’antimoine ;
– la fluorine ;
– le plomb-zinc-germanium ;
– le niobium-tantale-étain ;
– le molybdène ;
– la barytine ;
– le lithium pour lequel plusieurs permis exclusifs de recherche ont été délivrés ces dernières années et plusieurs projets envisageant son exploitation d’ici la fin de la décennie (projet d’extraction de lithium en roche dure par Imerys dans l’Allier, projets d’extraction de lithium géothermal en Alsace par Électricité de Strasbourg, Eramet, Lithium de France et Vulcan Energy) ;
– le nickel (et le cobalt qui lui est associé) en Nouvelle-Calédonie.
Source : BRGM
Source : BRGM
Ces ressources alimentent déjà, pour certaines d’entre elles, une activité extractive associée, dans l’immense majorité des cas, à des substances de carrières (granulats, minéraux industriels, roches ornementales et de construction). La France compte ainsi quelques mines :
– de sel (Landes, Lorraine et couloir rhodanien) ;
– de calcaires bitumineux (Ain) ;
– de bauxite (Hérault) ;
– d’or (Guyane) ;
– de nickel (Nouvelle-Calédonie).
En outre, la carrière d’Échassières (Allier) produit un concentré à tantale‑niobium-étain.
Source : BRGM.
Le projet Emili dans l’Allier : enjeux et débats
Le projet « Emili » (exploitation de mica lithinifère) d’extraction du lithium sur le site de kaolins de Beauvoir, dans l’Allier, mené par la société Imerys, doit permettre la production de lithium pour sept cent mille batteries de véhicules par an pour contribuer à la transition énergétique, soit la moitié de la production automobile française.
Caractéristiques du projet :
Le projet comprend quatre composantes :
1) le site d’extraction du minerai. Le choix est fait de privilégier une mine souterraine moins visible sous la carrière de kaolins de Beauvoir, situé dans le massif de la Bosse (le site étant déjà exploité en surface) ;
2) l’usine de concentration. Elle doit assurer la séparation des minéraux contenus dans le granite, la roche minéralisée du lithium. Cette usine, également située sur le site de Beauvoir, assurerait une capacité annuelle de traitement de 2 millions de tonnes de minerais ;
3) la plateforme de chargement ferroviaire. Elle serait située à La Fontchambert, près de Saint-Bonnet-de-Rochefort. Le concentré du minéral (le mica) serait apporté par canalisations et filtré, avant d’être chargé, dans des trains ;
4) une usine de conversion, dans l’agglomération de Montluçon, accessible par voie ferroviaire et ayant une capacité annuelle de traitement d’environ 330 000 tonnes de mica lithinifère permettant de produire 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an.
Les premières études disponibles prévoient un scénario de construction et d’exploitation de la mine sur au moins vingt-cinq ans, incluant deux années et demie de montée en charge progressive, vingt années de production à plein régime, suivi de trois années de décroissance de l’activité, jusqu’à l’arrêt de celle-ci. Selon Imerys, le projet permettrait la création de mille emplois, dont cinq à six cents emplois directs, principalement dans l’usine.
Le financement du projet
Le projet représente un coût d’un milliard d’euros (à titre de comparaison, le chiffre d’affaires de la société Imerys est de 4,3 milliards d’euros) pour la construction des usines incluant les raccordements électriques avec des investissements progressifs sur toute la durée d’exploitation de la mine.
Un investissement de 154 millions d’euros est également prévu pour la mise en œuvre de projets pilotes (usines de moindre envergure pour vérifier l’adéquation des procédés industriels projetés aux minerais) des usines de concentration et de conversion.
Le projet a d’ores et déjà bénéficié de soutiens publics :
- dans le cadre du plan France Relance, un million d’euros ;
- dans le cadre de France 2030, 22 millions d’euros consacrés à la recherche & développement.
Les enjeux environnementaux
Des études ont été engagées, afin de préciser les enjeux environnementaux et les effets potentiels du projet, à savoir :
- la gestion des stériles miniers et des résidus de conversion, ainsi que les modalités de transport de tous les produits ;
- la consommation en eau, nécessaire pour les procédés envisagés, et les rejets d’affluents liquides ;
- l’insertion paysagère, les nuisances et autres thématiques relatives au cadre de vie ;
- l’environnement naturel (faune, flore, habitats naturels notamment) ;
- le bilan carbone du projet ;
- les risques industriels associés ;
- les effets socio-économiques du projet.
Des inquiétudes existent localement quant à la présence d’arsenic dans les sols du futur site de la mine due à l’exploitation d’une mine au même endroit, deux siècles plus tôt, et à la pollution des eaux.
L’entreprise Imerys propose, de son côté, que l’eau utilisée pour l’ensemble du projet Emili soit recyclée à hauteur de 90 % (approche « zéro décharge liquide ») grâce à une série d’étapes, telles que l’osmose inverse, l’évaporation, la cristallisation et d’autres techniques avancées pour séparer les solides dissous, les sels et autres contaminants de l’eau purifiée.
Plus généralement, les oppositions au projet se cristallisent autour :
- d’un manque de transparence de l’information permettant aux parties prenantes de s’approprier le sujet sans avoir à « débusquer » les éléments techniques les plus problématiques ;
- des incertitudes sur la gestion de l’eau et des résidus miniers dès le début du débat public ;
- de l’absence de mise en débat des usages du lithium produit avec tous les acteurs impliqués aux niveaux local, national et européen, au risque de les responsabiliser quant à l’usage futur de ce métal.
Calendrier
Une phase de débat public de quatre mois (de mars à juillet 2024) a été organisée autour de nombreuses réunions publiques, auxquelles se sont ajoutés des « débats mobiles » sur les marchés, dans des cinémas et, plus généralement, dans plusieurs lieux publics fréquentés, de manière à aller à la rencontre des populations. Conformément aux règles qui régissent cet exercice, ce débat est suivi par la rédaction d’un compte rendu dans un délai de deux mois. Le maître d’ouvrage, Imerys, dispose ensuite de trois mois pour répondre aux questions soulevées.
Le Gouvernement a qualifié, par le biais du décret n° 2024-740 du 5 juillet 2024, ce projet d’intérêt national majeur, ce qui lui permet de bénéficier de mesures d’accélération ou de dérogations administratives, afin de faciliter son développement, sans présumer toutefois de l’issue des éventuelles demandes d’autorisations finales.
Source : Imerys.
La France compte également quelques sites industriels de transformation de ces métaux.
ENTREPRISES LOCALES impliquÉEs dans la production primaire et secondaire de mÉtaux et substances stratÉgiques ([105])
À ces sites, s’ajoutent plusieurs projets déjà annoncés (séparation de terres rares et recyclage d’aimants permanents par Carester, raffinerie de lithium par Viridian, fabrication de précurseurs et de matériaux actifs de cathode par Orano et son partenaire chinois XTC, fabrication d’anodes de graphite artificiel par Tokai Cobex France) ou à l’étude.
S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, outre l’exploitation des différents massifs miniers, dont une partie de la production est exportée sous forme de minerais principalement vers l’Asie, par des sociétés familiales françaises néo‑calédoniennes, le territoire dispose de trois usines de transformation de nickel exploitées par la SLN, localisée à Nouméa dont l’actionnaire majoritaire est Eramet), Koniambo Nickel SAS (KNS, située en province Nord, détenue à 51 % par un actionnaire public et à 49 % par Glencore), et l’usine pyrométallurgique Prony Resources Nouvelle-Calédonie (PRNC, située vers la pointe sud, dont l’actionnaire de référence est public et que Trafigura possède à hauteur de 19 % de son capital). Toutefois, ces usines font face à de grandes difficultés financières, dans un contexte de coûts de l’énergie et de la main-d’œuvre élevés, de baisse de la teneur en nickel du minerai traité, de facteurs conjoncturels liés au climat social et aux conditions météorologiques, et de problèmes techniques multiples. Des discussions sont en cours, entre l’État, le territoire et les provinces concernées, ainsi que les opérateurs industriels, afin de trouver des solutions pour cette filière et de réorienter ses productions vers les approvisionnements de l’Europe ([106]).
2. La stratégie française de sécurisation des approvisionnements en minerais et métaux stratégiques repose sur quatre piliers
a. L’« intelligence minérale »
L’« intelligence minérale » désigne le développement d’une expertise quant à la connaissance des filières relatives aux différents métaux et à leurs usages au sein de l’industrie, à l’évaluation de la criticité de ces métaux, aux besoins existants en ressources à moyen et long termes, à l’analyse des effets de chocs d’approvisionnement et à la question des stocks stratégiques.
En France, elle repose principalement sur l’OFREMI, qui dispose d’un budget de 9,5 millions d’euros environ sur trente mois (janvier 2023-juin 2025), dont 6 millions d’euros proviennent de l’État versés via France 2030, le reste du financement étant issu des établissements membres de l’office et des industriels. L’intelligence minérale ne se limite pas aux seuls métaux de la transition énergétique mais couvre également l’ensemble des métaux stratégiques et critiques comme le titane ou les « petits métaux » (gallium et germanium, par exemple). Elle nécessite également une mobilisation des industriels des différentes chaînes de valeur, notamment en termes de partage de connaissances.
Concrètement, plusieurs projets sont en cours. On pense plus précisément :
– au renforcement de la connaissance des différentes chaînes de valeur ;
– au développement de la veille (prix, marché, évolution de l’offre et de la demande, évolutions technologiques notamment) ;
– à la réalisation d’études spécifiques par filière ou par matière première pour identifier des actions opérationnelles à mettre en œuvre (études sur la filière titane, sur les besoins en métaux de la filière batteries, sur le cuivre, sur les impacts environnementaux de l’extraction et de la transformation de lithium, par exemple) ;
– à l’élaboration de fiches de criticité pour chaque minerai ou métal stratégique ;
– à la mise en place de « stress-tests » et d’une méthodologie pour les réaliser.
Dans ce même cadre, il est mené une réflexion sur l’opportunité pour la France de reconstituer des stocks stratégiques. Rappelons que contrairement au cas du pétrole, dont les stocks sont internationalisés sous l’égide de l’AIE, la constitution de tels stocks pour les ressources stratégiques dépend aujourd’hui du bon vouloir de chaque État.
Suite au premier choc pétrolier, la France s’est dotée, en 1975, de stocks stratégiques de matières premières qui furent portés, à partir de 1980, par la Caisse française des matières premières (CFMP). Celle-ci était alors chargée de la constitution et de la gestion d’un stock national de matières premières minérales, dont elle était alors propriétaire. Ces stocks avaient pour objectif de couvrir la consommation nationale équivalente à douze mois de matières premières critiques. La CFMP fut dissoute en 1997 en raison de son coût pour les finances de l’État et de son inadaptation aux besoins des industriels. Les stocks physiques de métaux et de minerais furent alors liquidés progressivement jusqu’à la dissolution complète de la caisse.
Désormais donc, chaque industriel est responsable de la constitution de stocks adaptés à son activité commerciale. Stellantis, par exemple, constitue des stocks de palladium, de rhodium et de platine utilisés pour la dépollution des voitures thermiques : les cours de ces trois éléments, dont une grande partie de la production se situe en Russie, sont très variables. Aussi le groupe Stellantis profite‑t‑il de la baisse des cours pour acheter en quantité ces éléments de manière à assurer la continuité de sa consommation lorsque leurs prix augmentent. Cette stratégie peut être reproduite sur d’autres ressources.
Toutefois, pour les besoins spécifiques du secteur de la défense, l’article 49 de la loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense a introduit la possibilité pour l’autorité administrative de demander, par arrêté, à chaque entreprise liée au ministère en charge de la défense la « constitution d’un stock minimal de matières, de composants, de rechange ou de produits semi-finis stratégiques dont elle est tenue d’assurer le réapprovisionnement continu au fur et à mesure de leur utilisation pour les besoins de ses activités ». Le décret n° 2024‑278 du 28 mars 2024 relatif à la sécurité des approvisionnements des forces armées et des formations rattachées précise qu’avant la signature de tout arrêté, le ministre de la défense informe l’entreprise concernée du volume du stock envisagé, en lui indiquant le délai, qui ne peut être inférieur à deux semaines, imparti pour faire valoir ses éventuelles observations. En somme, la France a choisi un modèle associant, de manière complémentaire, les secteurs public et privé. Une réserve de l’industrie de défense doit enfin être constituée pour mobiliser, le cas échéant, les agents des industries concernées.
Il conviendra de décider des modalités précises de mise en œuvre de cette politique. Quelle que soit la décision retenue par le Gouvernement, il sera nécessaire de s’y tenir, le temps incompressible à la constitution de stocks étant évalué à environ vingt-quatre mois. Le modèle singapourien pourrait être intéressant à explorer : il repose sur la constitution de produits finaux minimaux (par exemple, un stock d’obus de trois semaines) et concentre ensuite ses efforts sur le stockage de matières pouvant servir à la fabrication de différents armements. La nature de ces armements est décidée au dernier moment pour éviter de se lier les mains en s’engageant trop avant dans le stockage de matériels finalement peu adaptés aux besoins.
Pour les autres usages, des réflexions sont en cours sous l’égide de la DIAMMS. Outre la mise en place d’un stock étatique, la création d’une obligation légale pour les industriels (dans certains secteurs d’activité et pour certains métaux à déterminer) est envisagée. Ce système serait comparable à celui susmentionné pour les industries de défense et au dispositif existant depuis de nombreuses années pour le pétrole et les carburants. Plusieurs questions sont, plus précisément, en cours d’instruction : le type et les quantités de métaux à stocker, la forme sous laquelle ce stockage doit être réalisé, le positionnement dans la chaîne de valeur des industriels qui seraient soumis à cette obligation de stockage ou encore les types de soutiens financiers à mettre en place pour ne pas grever la compétitivité des entreprises concernées.
b. Le soutien aux projets industriels et à la conclusion de contrats d’approvisionnement à long terme
Le deuxième volet de cette stratégie repose sur le soutien aux projets industriels dans les filières des minerais et métaux stratégiques (extraction, transformation, recyclage) et la conclusion de contrats d’approvisionnement à long terme (offtakes), afin de renforcer la sécurité des approvisionnements français. Il s’agit, dans ce cadre, d’une part, de créer de nouvelles capacités d’extraction, de transformation et de recyclage de métaux sur le territoire français, avec l’objectif de (re)constituer des chaînes de valeur complètes de l’extraction jusqu’au produit fini en passant par le recyclage ; d’autre part, de sécuriser les approvisionnements de notre pays par la signature de contrats d’approvisionnement à long terme entre des porteurs de projets (à l’étranger et, le cas échéant, en France) et des industriels français consommateurs de ces métaux. Ces contrats sont de la responsabilité des industriels concernés, mais peuvent faire l’objet d’un soutien financier. Plus généralement, le soutien à de nouveaux projets d’extraction ou de transformation des minerais et métaux à l’international avec des pays partenaires doit contribuer à la diversification des sources d’approvisionnement.
Les industriels français cherchent, en effet, à sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement à l’image de Stellantis, durement frappé par la crise des semi‑conducteurs en 2020 ([107]). Cette dernière a du moins permis au groupe de prendre conscience de sa vulnérabilité et de s’intéresser à ses approvisionnements jusqu’alors directement gérés par ses fournisseurs de premier rang. Il a décidé d’abord d’établir une cartographie précise de ses besoins en semi‑conducteurs (entre mille et trois mille par véhicule) et identifié ainsi les risques auxquels il est potentiellement soumis. Il a évalué ensuite les capacités de production de ses fournisseurs, puis imposé une liste fermée de producteurs et de types de semi‑conducteurs à ses fournisseurs de premier rang. Stellantis va même jusqu’à acheter certains des semi‑conducteurs indispensables à la construction de ses véhicules. Enfin, fort du constat que la conclusion de contrats assurant la fourniture d’un volume donné de semi‑conducteurs ne suffit pas, Stellantis investit dans des mines, à l’instar du constructeur chinois BYD, ce qui le distingue de groupes tels que Renault et Volkswagen. Cette stratégie lui permet d’être moins soumis à l’évolution des cours mondiaux des matières premières et, le cas échéant, de compenser une hausse des coûts de production de certains métaux utilisés pour la construction des semi‑conducteurs et de véhicules par des gains obtenus sur l’exploitation de mines.
L’ouverture de gigafactories en France : une volonté de développer l’aval des chaînes de valeur
Les gigafactories : un modèle de production en plein essor
Forgé en 2013 par Elon Musk, président-directeur général du constructeur automobile américain de voitures électriques Tesla, le terme de gigafactory désigne une usine de fabrication de très grande taille et hautement automatisée capable de produire des quantités très importantes de produits. Le développement de gigafactories, dont le premier modèle mis en œuvre par Tesla a vu le jour dans le Nevada en 2017, est en pleine expansion dans un contexte d’augmentation globale de la demande en véhicules électriques.
Ces usines sont très présentes en Chine, qui en compte aujourd’hui 141 et entend porter ce nombre à 291 à l’horizon 2030. Soucieux de concurrencer la Chine, qui contrôle 77 % de la production mondiale de batteries pour voitures électriques, les États-Unis et le Canada subventionnent massivement la construction de ces gigafactories : ils devraient compter 38 gigafactories en 2030, contre 17 actuellement. Les subventions publiques à la vente de véhicules électriques y sont, en effet, conditionnées à la production locale des batteries. L’Europe, qui compte actuellement une quinzaine d’usines, souhaite également se doter d’au moins une quarantaine de gigafactories d’ici à 2030. Au sein de l’Union européenne, l’Allemagne, l’Espagne, la Hongrie et la Suède sont les pays les plus avancés en la matière.
L’installation de gigafactories en France
La France souhaite, elle aussi, accueillir sur son territoire de telles usines. Une première usine, celle d’Automotive Cells Company, une coentreprise de Stellantis, TotalEnergies et Mercedes-Benz, a été inaugurée en mai 2023 sur les communes de Billy-Berclau et de Douvrin, dans le Pas-de-Calais. À terme, elle produira entre 250 000 et 300 000 batteries par an ; la première ligne devra monter en puissance progressivement pour produire 60 000 batteries fin 2024. Trois autres projets devraient aussi voir le jour.
Récapitulatif des principales caractéristiques des gigafactories des batteries automobiles installées en France ou dont l’installation a été décidée :
Pour soutenir ces deux axes, la France a mis en place de nombreux outils financiers :
– l’appel à projet « métaux critiques » de France 2030 géré par Bpifrance, doté d’une enveloppe de 400 millions d’euros environ (subventions et avances remboursables) pour soutenir des projets d’extraction, de transformation et de recyclage de métaux en France ;
– le crédit d’impôt « investissement industries vertes » (C3IV), créé par l’article 35 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, qui permet de soutenir financièrement les projets des chaînes de valeur « batteries », « éoliennes », « panneaux solaires » et « pompes à chaleur » en France, et donc également les projets d’extraction, de transformation et de valorisation des matières premières critiques, telles que le lithium, nécessaires à ces équipements. Le taux d’aide pour ces projets pourra aller de 45 % des dépenses d’investissement pour une petite entreprise à 25 % de ces dépenses pour une grande entreprise en zone d’aide à finalité régionale, dans la limite de 200 millions d’euros. Ces taux sont portés à respectivement 40 % et 20 % dans la limite de 150 millions d’euros hors zone d’aide à finalité régionale. La France est actuellement le seul pays européen à avoir mis en place un tel crédit d’impôt sur la base de la section 2.8 du cadre temporaire de crise et de transition (Temporary Crisis and Transition Framework, TCTF), lequel a été validé par la Commission européenne en janvier 2024 et sera en vigueur jusqu’en 2025 ;
– la création par la société Infravia d’un fonds d’investissement dédié aux minerais et métaux critiques, avec l’objectif d’une levée de fonds d’au moins 2 milliards d’euros, dont 500 millions d’euros de l’État mobilisés à travers France 2030, d’ici la fin 2024. Le fonds a vocation à prendre des participations minoritaires dans des projets d’extraction, de transformation ou de recyclage de minerais ou métaux, en France et à l’étranger. Avec l’effet de levier, le portefeuille de projets dans lequel le fonds investira représentera un montant total d’investissements de 10 à 15 milliards d’euros. Les investissements du fonds seront liés à une sécurisation des approvisionnements, à travers des engagements offtake ([108]), pour le bénéfice de l’industrie française et européenne. Les projets soutenus devront également respecter les meilleurs standards environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ;
– la garantie des projets stratégiques (GPS) opérée par Bpifrance, qui permet également de soutenir des projets relatifs aux métaux et minerais stratégiques. Cet outil assure la garantie des prêts contractés en contrepartie de contrats d’approvisionnement avec des industriels français (pour les projets à l’étranger) ou avec un potentiel d’export (pour les projets en France).
La DIAMMS s’attache, par ailleurs, de concert avec les services de l’État compétents, à soutenir les industriels dans la recherche de sites pour leurs projets industriels et à accélérer les procédures d’octroi des permis nécessaires à la réalisation de ces mêmes projets.
c. Une action européenne et internationale
L’action européenne et internationale française s’articule autour d’au moins trois volets.
Elle passe d’abord par une participation aux discussions européennes sur l’élaboration du CRM Act, qu’elle a contribué à infléchir. La France poursuit désormais ce dialogue avec la Commission européenne, en particulier autour de la création du comité des matières premières critiques, qui doit assurer la mise en œuvre du CRM Act : sa première réunion s’est tenue le 23 mai 2024. La France et l’Allemagne y ont d’ailleurs été mises à l’honneur : l’OFREMI et son équivalent allemand ont présenté leur méthodologie en matière de stress‑tests, méthodologie qui sera utilisée pour contribuer aux exigences du CRM Act pour la sécurisation des approvisionnements européens.
La France développe également des partenariats stratégiques bilatéraux dans le cadre de sa « diplomatie des métaux ». En 2023, par exemple, notre pays a conclu six partenariats bilatéraux sur les métaux critiques avec le Canada, la province du Québec, l’Australie, la République démocratique du Congo, le Kazakhstan et la Mongolie. Ce mouvement s’est poursuivi, en 2024, avec le Brésil, le Japon, la Norvège, la Tanzanie, la Côte d’Ivoire ou encore la Serbie.
Ces partenariats comprennent :
– un soutien diplomatique et financier à des projets conjoints d’extraction ou de transformation dans une logique de renforcement mutuel des chaînes de valeur. La France souhaite ainsi sécuriser ses approvisionnements tandis que les pays producteurs partenaires aspirent à développer davantage d’activités à forte valeur ajoutée localement et à mieux partager les risques associés à la volatilité des matières premières ;
– la coopération technique, qui se focalise notamment sur le développement de projets relatifs à la connaissance des sous-sols, la recherche & développement (par exemple, sur des méthodes d’extraction du lithium innovantes et moins consommatrices en eau, notamment au Chili et en Argentine), ainsi que sur la coopération académique et la formation. La France soutient, y compris financièrement, des travaux d’inventaire et de capitalisation de la connaissance des ressources ou sur la gestion de l’eau que le BRGM réalise dans des pays tels que le Kazakhstan, la République démocratique du Congo, la Zambie et la Mongolie. La France développe également la coopération universitaire, notamment avec les écoles des mines, qu’elle accompagne par le soutien à des chaires de mécénat, ainsi que par le financement de bourses ;
– des projets communs au service de standards ESG élevés dans le domaine minier, qui peuvent passer par un appui à des initiatives locales en lien avec l’ITIE ([109]), que la France soutient, ou par des projets de renforcement de la gouvernance du secteur minier, par exemple en Zambie et au Zimbabwe.
Concernant le recyclage, la France appuie essentiellement des projets réalisés à proximité des lieux de consommation dans un objectif d’économie circulaire et ne cherche donc pas à développer, à travers ces accords, de dynamique de recyclage transfrontalier. En effet, suivant le pays vers lequel sont exportés les déchets, le recyclage transfrontalier peut induire des incertitudes accrues, voire des défaillances dans leur traitement.
Notons que ces accords ne comportent pas de clauses contraignantes mais qu’ils sont généralement assortis de feuilles de routes portant des actions et des projets conjoints, qui permettent de faire avancer nos priorités et celles de nos filières. Il peut toutefois exister certaines clauses contraignantes sur les métaux critiques dans des accords de libre-échange européens, afin, par exemple, de fluidifier les échanges et de limiter les barrières tarifaires ou non tarifaires.
La France participe, enfin, à différentes instances multilatérales traitant de la problématique des minerais et métaux stratégiques pour promouvoir les positions françaises : c’est, par exemple, le cas au sein de l’AIE, de l’ITIE, de l’ISO ou encore du G7 ([110]) et du G20 ([111]).
Pour les projets à l’international, la DIAMMS a également travaillé conjointement avec l’AFD et sa filiale Proparco en vue d’élaborer une stratégie d’aide au développement dans les filières des minerais et métaux stratégiques, qui contribuent à la transition énergétique. Cette stratégie devrait permettre à l’AFD comme à Proparco d’apporter leur soutien à des projets dans ces filières, qu’il s’agisse de coopération institutionnelle ou technique, de développement de projets industriels ou d’infrastructures énergétiques et logistiques connexes à ces mêmes projets dans les pays éligibles à l’intervention du groupe AFD.
d. La recherche & développement et la formation
La formation tout comme la recherche & développement s’appuient sur un ensemble de compétences de haut niveau mondial : le réseau des écoles d’ingénieurs et des universités spécialisées dans les formations dans le domaine de la géologie et l’ingénierie minière ; le réseau des établissements publics de recherche et universités, et les centres de recherche des entreprises. Outre les budgets de base des organismes concernés, l’innovation et la recherche bénéficient des dispositifs transversaux (crédits d’impôt recherche) et des crédits du programme France 2030 (appel à projet « métaux critiques » et financement des instituts de recherche technologiques).
L’appel à projet « métaux critiques » de France 2030
Le plan France 2030 prévoit un milliard d’euros d’investissements pour déployer des projets de production et de recyclage de matériaux critiques sur le territoire national et assurer ainsi la résilience des chaînes d’approvisionnement de l’industrie française en métaux critiques. Dans ce cadre, le gouvernement a lancé un premier appel à projets le 10 janvier 2022 pour faire émerger des projets de production, de raffinage ou de recyclage de ces matériaux critiques.
Cinq premiers projets industriels ont été sélectionnés en octobre 2022 pour un soutien de 100 millions d’euros. Ces projets concernent la production de lithium et le recyclage de métaux critiques contenus dans les batteries lithium-ion (nickel, cobalt, lithium) et permettront de sécuriser une chaîne d’approvisionnement bas-carbone et à basse empreinte environnementale pour les trois premières gigafactories de batteries prévues sur le territoire français.
Les projets sélectionnés sont répartis sur le territoire et sur l’ensemble de la chaîne de valeur des métaux critiques.
Imerys – Extraction de lithium
Le projet « Emili » porté par Imerys vise à constituer la première exploitation minière de lithium en France sur le site de production de kaolin actuellement exploité à Echassières (Allier). Ce projet devrait permettre d’alimenter l’équivalent de 700 000 véhicules par an en lithium et de réduire significativement la dépendance de l’industrie française à des sources extra‑européennes de lithium, avec une plus faible empreinte carbone que celles‑ci.
Viridian – Raffinage de lithium
Le projet « CoRaLi » de Viridian à Lauterbourg (Bas-Rhin) sera la première raffinerie française de lithium. Grâce au mix énergétique français, elle devrait produire le lithium de qualité batterie avec le contenu carbone le plus faible au monde. Viridian vise une production initiale de 25 000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an dès 2025, et, à terme, à répondre entièrement à la demande nécessaire pour assurer la production de 2 millions de véhicules électriques par an.
Sanou Koura – Extraction des métaux critiques contenus dans les déchets électroniques
Issu d’une décennie de recherche en partenariat avec les grands laboratoires publics, le projet de Sanou Koura à Donchéry (Ardennes) se donne pour ambition de créer la première usine capable de valoriser tous les métaux contenus dans les déchets électroniques. L’usine, qui réhabilitera un site existant, devrait être à énergie positive et à empreinte carbone réduite grâce à la capture de dioxyde de carbone.
WEEECycling – Extraction des métaux critiques contenus dans les déchets électroniques
Le projet d’augmentation de capacité du site de WEEECycling à Tourville-les-Ifs (Seine‑Maritime) se donne pour objectif de multiplier par dix sa production de métaux critiques à partir de déchets électroniques tout en atteignant une quasi autosuffisance énergétique. Au total, ce sont actuellement une quinzaine de projets qui bénéficient d’aides ; un nombre équivalent est en cours d’instruction.
Source : « France 2030, le Gouvernement dévoile les 5 premiers lauréats de l’appel à projets ‘‘Métaux Critiques’’ », communiqué de presse du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 24 octobre 2022.
III. Si la France et l’Union européenne se sont dotées de stratégies en théorie robustes, il est urgent d’en soutenir une mise en œuvre rapide et ambitieuse
A. La renationalisation d’une partie des chaînes de valeur est conditionnée à une meilleure acceptabilité des projets industriels
Il est urgent que les pays membres de l’Union européenne renforcent leurs chaînes de valeur sur les matériaux critiques dans un souci de souveraineté économique, de décarbonation de leurs économies et de cohésion territoriale. Cela implique le développement de l’extraction de ces matériaux sur leurs territoires et ceux de pays alliés, ainsi que la mise en place d’un écosystème industriel capable de transformer ces matériaux en produits finis. Pour y parvenir, il est indispensable de convaincre les populations locales du bien-fondé de ces projets.
1. Le respect exigeant de normes sociales et environnementales doit être pensé comme un outil de distinction face à la concurrence d’autres acteurs économiques
a. Une réticence des populations locales qui n’est en rien inéluctable
À l’exception d’une minorité de personnes radicalement opposées à tout projet minier et industriel quel qu’il soit, le rejet par les populations locales est souvent motivé par des craintes quant à leurs conséquences environnementales et aux nuisances associées. En effet, la plupart des ressources minérales présentes en France, et plus largement en Europe, se trouvent soit dans des zones densément peuplées où leur exploitation est susceptible d’affecter les populations, soit dans des territoires peu urbanisés faisant souvent l’objet de mesures de protection de la nature. Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que leur acceptabilité pose fréquemment question.
En Serbie, par exemple, le projet du groupe anglo-australien Rio Tinto, qui ambitionnait d’extraire assez de lithium dans la vallée de Jadar pour construire un million de voitures électriques par an, a dû être abandonné temporairement en janvier 2022 sous la pression des populations locales. Celles-ci se soulevaient depuis la fin de l’année 2021, occupant et bloquant des axes routiers majeurs, y compris l’une des autoroutes traversant Belgrade. Il est vrai que Rio Tinto ne bénéficie guère d’une image favorable depuis 2021, date à laquelle le groupe a détruit à la dynamite un site archéologique vieux de quarante-six mille ans en Australie. Celui-ci abritait la grotte Juukan Gorge, formation sacrée aux yeux des peuples Puutu Kunti Kurrama et Pinikuraen ([112]). Le scandale qui s’en est suivi a conduit à la démission de plusieurs de ses dirigeants. Les manifestations contre le projet ont repris en août 2024, réunissant des dizaines de milliers de personnes à Belgrade.
À Covas do Barroso, dans le nord du Portugal, le projet de la société britannique Savannah Resources ambitionnant de créer d’ici à 2026 la plus grande mine de lithium à ciel ouvert d’Europe suscite aussi la méfiance des populations locales. Ces dernières craignent des pollutions et une forte pression sur la ressource hydrique dans une région régulièrement marquée par des épisodes de sécheresse.
Ces oppositions n’ont toutefois rien d’inéluctable. Les régions de tradition et de culture minières sont ainsi plus enclines à voir s’installer des projets miniers que des territoires dépourvus de toute histoire industrielle. À Échassières, dans l’Allier, où pourrait se concrétiser le projet « Emili », l’ouverture d’une mine représente l’espoir de voir de nouvelles familles s’installer, qui feront vivre les commerces et inscriront leurs enfants à l’école. C’est davantage cette envie de perpétuer la vie villageoise qu’une foi dans la transition énergétique et dans l’électrification de la mobilité qui semble aujourd’hui attirer les populations locales majoritairement favorables au projet ([113]).
De même, de mauvaises expériences peuvent s’avérer dissuasives pour la poursuite de nouveaux projets. C’est le cas en Alsace, qui a été touchée par la survenue de plusieurs séismes de magnitude supérieure à 2 sur l’échelle de Richter, ressentis par la population à proximité de la centrale géothermique de Vendenheim entre 2019 et 2020. Ces derniers ont été classés comme séismes induits du fait des techniques de géothermie utilisées. À la suite de cet épisode, la préfecture du Bas‑Rhin a décidé l’arrêt définitif des travaux de forage et a proposé la création d’un comité d’experts. Ses travaux ont révélé la responsabilité de la société Fonroche Géothermie dans la mauvaise conception des puits forés, ainsi qu’une insuffisante connaissance du sous-sol. Cet évènement explique l’inquiétude de ces mêmes populations devant la perspective de nouveaux projets de géothermie dans la région, pourtant portés par d’autres entreprises. Plus largement, en France, la mauvaise gestion de l’après-mine pendant plusieurs décennies du XXe siècle ont engendré des pollutions durables de certains territoires dont le secteur dit de la Croix‑de‑Pallières, qui s’étend sur les communes de Saint-Félix-de-Pallières, Thoiras et Tornac dans les Cévennes, est tristement emblématique. Troisième plus grand site minier de plomb et de zinc du pays ayant fermé ses portes en 1971, ses déchets polluent désormais toute la région environnante dont les sols et les cours d’eau sont gorgés de métaux lourds, tels que l’arsenic, le plomb, le zinc et le cadmium ([114]). Un rapport de Geoderis ([115]), groupement d’intérêt public constitué par le ministère en charge de la transition écologique, le BRGM et l’Ineris, rappelle ainsi que la France compte vingt-huit secteurs miniers et cinquante-huit titres miniers pouvant être qualifiés de « sites de déchets miniers désaffectés ayant des incidences graves sur l’environnement ou risquant, à court ou à moyen terme, de constituer une menace sérieuse pour la santé humaine ou l’environnement ».
En République démocratique du Congo comme dans de nombreux pays, certaines entreprises extractives perpétuent des pratiques illégales pour s’assurer de leur accès privilégié aux ressources. C’est le cas de la société anglo-suisse Glencore, qui a plaidé coupable dans différentes affaires de corruption et de manipulation de marchés, la conduisant à payer une somme de 1,5 milliard d’euros en 2022 pour solder ses litiges avec les États-Unis, le Royaume-Uni et le Brésil ([116]). Suite aux accusations dont Glencore a fait l’objet par Kinshasa pour des faits de corruption survenus entre 2007 et 2018, le groupe s’est également engagé à payer 180 millions de dollars au pays ([117]). Ce type d’affaires ne peut qu’aliéner les populations locales aux projets miniers portés par des entreprises peu scrupuleuses.
Enfin, les réticences ou l’adhésion des populations locales à l’égard d’un projet minier sont rarement univoques. Si les Samis de Suède sont opposés au projet de Per Geijer, qui empiète sur leurs terres et remet en cause leurs modes de vie, le reste de la société suédoise est plus nuancé. Selon une étude menée par l’entreprise Novus en 2022, 70 % de la population considéreraient que l’industrie est compatible avec le respect de l’environnement, 62 % soutiendraient le développement de l’industrie minière, et 50 % accepteraient d’avoir une mine en activité dans son voisinage. Derrière ces chiffres très favorables à l’industrie minière se cachent d’importantes disparités spatiales quant au niveau d’attractivité des projets considérés. Globalement, le nord du pays moins peuplé et de tradition minière ancienne (dix des treize mines suédoises en exploitation se trouvent dans cette partie du pays) soutient très largement l’installation d’industries minières quand le Sud, densément peuplé et sans histoire minière marquée, est beaucoup plus réticent à ces activités, selon la logique du « not in my backyard » ([118]). Le projet d’extraction de terres rares à Norra Kärr, pourtant classé comme site minier d’intérêt national en 1994 et l’un des premiers gisements mondiaux, a été gelé à la suite de l’opposition de la population locale et à la décision, en 2016, de la Haute Cour environnementale de ne pas accorder le permis sollicité en raison d’analyses d’impacts insuffisantes dans cette zone Natura 2000. Des différences au niveau local existent également en fonction des spécificités des projets miniers envisagés : si la population de Kiruna est globalement favorable aux projets miniers de LKAB, près de deux mille personnes travaillant dans la mine exploitée par le groupe suédois et ses sous-traitants, la commune de Kallak, pourtant elle aussi située dans le comté de Norrbotten, s’est vivement opposée – avec le soutien de l’activiste écologique Greta Thunberg – au projet minier d’une société britannique en raison de ses faibles retombées locales.
b. Miser sur des règles sociales et environnementales ambitieuses pour convaincre et se distinguer à l’international
L’attention portée par les populations locales aux conditions sociales et environnementales de production et de transformation des ressources stratégiques est légitime et nécessite d’être pleinement prise en compte par les pouvoirs publics et les acteurs de l’industrie minière. Cette attention doit valoir aussi bien à l’étranger que sur le territoire national : il s’agit là d’une des clés de leur acceptabilité, conformément au concept de social license to operate ([119]).
Certains de ces projets sont volontaires, comme l’initiative pour garantir une exploitation minière responsable (Initiative for Responsible Mining Assurance, IRMA) ([120]). Dans le cas de l’IRMA, il est d’abord procédé à une auto‑évaluation des entreprises suivie, ce qui est encore trop rare, d’un audit réalisé par des cabinets indépendants et formés par l’IRMA. Un recours est possible, une fois le rapport d’audit rendu public ([121]). L’existence de ces initiatives constitue une première étape qui peut se révéler utile à condition que ces dernières ne se réduisent pas à de simples étiquettes communicationnelles reposant sur l’auto‑contrôle des entreprises. Elles ne peuvent toutefois suffire. Il est donc indispensable d’élaborer des cadres de certification robustes aux échelles nationale, régionale voire mondiale. Certaines législations existent déjà. Les États-Unis, par exemple, ont adopté, en 2010, la loi dite Dodd-Franck (Dodd-Franck Act) : sa section 1502 doit permettre d’identifier les mines dont la production ne bénéficierait ni aux groupes armés ni à l’armée congolaise – la loi étant principalement motivée par la situation en République démocratique du Congo – et d’organiser une chaîne de valeur plus respectueuse de la légalité administrative et des règles de transparence. Elle impose ainsi une obligation de déclaration de l’origine des minerais à toutes les sociétés cotées à la bourse de Wall Street, qui est contrôlée par l’autorité des marchés financiers américaine, la Securities and Exchanges Commission (SEC).
Cette législation, tout comme le guide de l’OCDE sur le « devoir de diligence » à l’égard de la chaîne d’approvisionnement demandant aux opérateurs économiques de contrôler et de gérer leurs achats de manière à garantir que ceux-ci ne contribuent pas aux conflits, ont inspiré la législation européenne. Le règlement (UE) n° 2017/821 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 fixant des obligations liées au devoir de diligence à l’égard de la chaîne d’approvisionnement pour les importateurs de l’Union européenne qui importent de l’étain, du tantale et du tungstène, leurs minerais et de l’or provenant de zones de conflit ou à haut risque crée ainsi un devoir de diligence obligatoire pour les importateurs des minerais, métaux bruts et certains ouvrages constitués de ces ressources. Ceux-ci doivent vérifier la traçabilité des matières premières en amont des opérations de métallurgie. Par ailleurs, tous les agents économiques situés en aval de la chaîne d’approvisionnement peuvent, s’ils le souhaitent, appliquer le devoir de vigilance et demander à la Commission européenne de certifier leurs procédures de contrôle. De plus, l’Union européenne a adopté un règlement relatif à l’interdiction des produits issus du travail forcé sur le marché de l’Union et modifiant la directive (UE) 2019/1937, qui permet de lutter contre l’exploitation humaine et les distorsions de concurrence pouvant en résulter.
Néanmoins ces législations souffrent encore d’un manque de contrôle, comme cela a pu être observé en République démocratique du Congo, et de dispositions perfectibles dès lors que pour certaines, à l’instar de la loi américaine dite Dodd-Franck, seules les sources d’approvisionnement et non l’ensemble des chaînes de valeur font l’objet de certifications. Or, les certifications existantes et les contrats passés par les entreprises occidentales avec de grands groupes miniers respectueux des règles de diligence, telles que le constructeur américain Tesla avec le groupe Glencore, n’empêchent nullement que ce cobalt soit mélangé à celui issu de l’artisanat minier. Celui-ci représente 20 % de l’ensemble du cobalt produit en République démocratique du Congo et pose de sérieux problèmes de trafics et de conditions de travail. Sur le terrain, en effet, la frontière entre le cobalt extrait de manière artisanale et celui produit de manière industrielle est au mieux très floue. Dans la région des terres rouges de Kolwezi comme dans le Katanga, les sites miniers à grande échelle côtoient des sites informels, artisanaux ou semi-industriels détenus par des Indiens, Chinois, Libanais et, bien sûr, Congolais. Le mélange peut se faire sur place ou au sein des raffineries chinoises qui ne séparent pas les deux cobalts. Trop souvent, donc, les législations et les certifications mises en place donnent l’illusion d’une protection trop peu présente.
Proposition n° 1 : Encourager le déploiement de règles de certification unifiées à l’échelle mondiale portant sur l’ensemble des chaînes de valeur des ressources stratégiques et doter leur application des moyens de contrôle humains et financiers nécessaires à leur effectivité en évitant une application unilatérale pénalisant les entreprises françaises et européennes.
La promotion de ces standards harmonisés peut se faire à travers différentes instances multilatérales, à l’instar du groupe sur les minerais critiques de la transition énergétique mis en place par les Nations unies, le 26 avril 2024 ([122]). Sa première réunion s’est tenue le 12 juillet 2024 : regroupant trente-neuf membres représentant les gouvernements américain, chinois, britannique, l’Union européenne, ainsi que la société civile, la jeunesse, les peuples autochtones et des industriels, il vise notamment à définir un ensemble de règles communes et harmonisées pour protéger et promouvoir des standards environnementaux et sociaux applicables à l’ensemble des États.
De même, il ne fait guère de doute que les objectifs poursuivis par la France ne sont pas les mêmes que celles de ses concurrents économiques, tels que la Chine. S’il est important de faire preuve de souplesse et d’un certain pragmatisme dans leur application, il est aussi nécessaire de les assumer et de construire autour d’elles un véritable récit. L’objectif est d’en faire non pas une contrainte supplémentaire mais un argument de valorisation et de distinction des acteurs occidentaux, et notamment européens, dans un environnement international extrêmement concurrentiel. Ces normes peuvent ainsi prouver que l’Union européenne et la France sont des partenaires fiables, qui s’intéressent aux problématiques sociales et environnementales, ainsi qu’au bien‑être des populations locales. Comme le souligne la présidente-directrice générale d’Eramet, Christel Bories : « Nous avons des pratiques responsables, nous faisons attention à l’environnement et aux communautés locales. [L]es pays producteurs ne vous laisseront pas éternellement opérer chez eux si vous n’apportez pas d’autres choses que de l’argent et des emplois » ([123]).
Or, les initiatives européennes et françaises en la matière sont sans doute encore insuffisamment valorisées, alors même qu’elles contribuent à la transparence des chaînes d’approvisionnement indispensable pour rassurer les consommateurs.
Proposition n° 2 : Valoriser par tous les leviers communicationnels existants l’action de la France et de l’Union européenne en matière de respect des règles environnementales, sociales et de bonne gouvernance (législations, labels et mesures de traçabilité) par l’ensemble de leurs chaînes de valeur et d’approvisionnements en ressources stratégiques.
Toutefois, il est aussi indispensable d’aller au-delà pour mieux protéger notre industrie et rassurer les consommateurs grâce à une application plus uniforme et plus juste de la réglementation sociale, environnementale et de bonne gouvernance. Deux options sont envisageables dans cette perspective. L’introduction de clauses miroirs au sein des accords de commerce conclus bilatéralement par l’Union européenne assurerait la négociation de normes conditionnant l’octroi d’un quota ou l’abaissement des droits de douane pour un produit donné : la mesure de réciprocité ne s’applique alors que pour les biens concernés par l’accord établi avec le pays ou le groupe de pays concernés. Le rapporteur est toutefois bien conscient de la difficulté à convaincre l’ensemble de nos partenaires européens et extra-européens du bien-fondé de ces mesures : les autorités suédoises ont, par exemple, clairement exprimé leur désaccord avec cette proposition qu’elles jugent contraire aux règles de libre-échange. En l’absence de telles clauses, l’Union européenne pourrait du moins appliquer des mesures miroirs, c’est‑à-dire des dispositions intégrées dans sa législation et conditionnant l’accès à son marché : ces mesures unilatérales à portée extraterritoriale s’appliqueraient alors à tous les biens qui entreraient sur le marché unique européen. D’ailleurs, elles sont déjà utilisées, puisque l’Union européenne impose, avec le règlement préfigurateur dit batterie ([124]), une obligation de déterminer l’empreinte carbone associée à la production des batteries tout le long de leur chaîne de valeur. Celles dont la production de dioxyde de carbone excède le seuil fixé par l’Union ne peuvent être commercialisées sur le marché européen, ce qui permet de privilégier des standards de production similaires à ceux qu’applique l’Union européenne. Par ailleurs, à partir d’août 2025, les acteurs faisant entrer des batteries dans le marché de l’Union seront soumis à des obligations spécifiques de devoir de vigilance.
Il est illusoire de croire que des pays comme la Chine se détourneraient du marché européen en raison de telles mesures : l’Union européenne est un vaste marché de près de quatre cent cinquante millions de consommateurs au pouvoir d’achat important au regard de la demande mondiale. Il ne fait guère de doute que les États producteurs et exportateurs de ressources stratégiques souhaiteront conserver leurs liens commerciaux avec l’Union. De même, l’Union européenne et la France doivent encourager les pays du G7 non européens à adopter des standards ESG similaires aux leurs pour éviter de pénaliser leurs entreprises.
Toutefois, le rapporteur souligne qu’en cas de blocage pour l’établissement de ces mesures miroirs au niveau européen, il serait nécessaire d’agir au niveau national pour protéger notre marché des produits qui ne respectent pas les mêmes normes.
Proposition n° 3 : Porter, à l’échelle française, la proposition de mettre en œuvre des mesures miroirs au sein des accords de libre-échange conclus par l’Union européenne, sur le respect de règles environnementales, sociales et de bonne gouvernance applicables aux chaînes de valeur des ressources stratégiques de manière à réduire les distorsions de concurrence qui affectent la France.
Proposition n° 4 : Encourager les pays du G7 non membres de l’Union européenne à adopter des standards environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance similaires aux règles applicables aux entreprises européennes.
À l’échelle nationale aussi, l’existence de règles environnementales nombreuses et solides devrait être mieux mise en valeur pour rassurer les populations locales. La prise en compte des risques fait, par exemple, l’objet d’une législation abondante. Les réglementations mises en œuvre dépendent, au niveau national, de la direction générale de la prévention des risques (DGPR), qui élabore, coordonne et met en œuvre les politiques publiques liées à la présence de mines et à la sécurité des mines et carrières en exploitation. Elle compte, pour ce faire, cent quatre-vingts agents. Son action est relayée, localement, par les trois mille agents des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). L’Ineris et le BRGM leur apportent leur soutien technique.
Définies par le code minier, ces réglementations concernent tant la conception d’un projet minier que son exploitation et la gestion de l’après-mine. Le code minier donne à une entreprise la possibilité de pratiquer des travaux d’exploration ou d’exploiter une mine. Pour cela, elle doit disposer, d’une part, d’un titre minier, délivré par le ministre chargé des mines, qui permet principalement la reconnaissance des droits immobiliers de son détenteur sans possibilité toutefois de réaliser des travaux et, d’autre part, d’une autorisation (ou déclaration selon la gravité des dangers ou des inconvénients qu’ils peuvent représenter) d’ouverture de travaux miniers, délivrée par le préfet. C’est au cours de cette dernière procédure qu’est vérifiée de manière approfondie la prise en compte de la sensibilité de l’environnement au regard des travaux projetés et que sont définies les prescriptions adaptées à la protection des intérêts définis à l’article L. 161-1 du code minier, en particulier la protection de l’environnement. Pour les sites soumis à autorisation, le dossier doit comporter, suivant la nature des impacts anticipés, une étude d’impact faisant l’objet d’une évaluation environnementale ou une étude d’incidence du projet sur l’environnement.
Lors de la phase d’exploitation, la réglementation a pour objet de prévenir et de faire cesser les éventuels dommages et nuisances imputables aux activités d’exploitation. Les agents de la DREAL peuvent visiter à tout moment les sites miniers faisant l’objet de travaux d’exploitation et les installations attenantes, et exiger la communication de documents de toute nature, ainsi que la remise de tout échantillon et matériel nécessaires à l’accomplissement de leur mission. L’encadrement des travaux miniers, la surveillance administrative, ainsi que la police des mines et des stockages souterrains sont ainsi exercés par les préfets, assistés par les agents de la DREAL et de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL), sous l’autorité du ministre en charge de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
L’arrêt des travaux miniers fait l’objet d’une déclaration et d’une instruction par la police des mines. Cette procédure concerne tous les travaux miniers, à l’exclusion de ceux relatifs aux gîtes géothermiques d’importance minime et aux travaux d’exploitation des stockages souterrains relevant de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Dans ce dossier soumis à l’administration, l’exploitant doit faire connaître les mesures qu’il compte mettre en œuvre pour préserver les intérêts protégés du code minier et pour faire cesser, de façon générale, les désordres et les nuisances de toute nature engendrés par ses activités minières. Le préfet arrête les mesures à exécuter ainsi que leurs délais de mise en œuvre. Une fois que les travaux prescrits par le préfet ont été réalisés, et conformément à l’article L. 163-9 du code minier, le préfet donne acte par arrêté à l’explorateur ou à l’exploitant, ce qui met fin à la police des mines.
Depuis 1995, comme le prévoit l’article L. 155-3 du code minier, « l’explorateur ou l’exploitant ou, à défaut, le titulaire du titre minier est responsable des dommages causés par son activité » sans limite de durée ou de périmètre. Il peut toutefois s’exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve d’une cause étrangère au dommage infligé. Cet article s’applique ainsi aussi bien au cours de l’exploitation qu’à l’issue de celle-ci, y compris une fois l’arrêt des travaux acté et, le cas échéant, le titre minier renoncé ou échu. La loi n° 99-245 du 30 mars 1999 relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l’exploitation minière et à la prévention des risques miniers après la fin de l’exploitation a complété cet article L. 155-3 en y ajoutant la garantie de l’État pour la réparation d’éventuels dommages, en cas de disparition ou de défaillance du responsable. Ainsi, le dispositif mis en place permet d’indemniser les victimes de dommages miniers ou d’effectuer des travaux de réparation, en l’absence d’exploitant solvable, qui demeure responsable au premier chef s’il existe.
Cette responsabilité de l’État en vue de la réparation intégrale du dommage minier est plus étendue que ce qui existe ailleurs, par exemple en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, où l’intervention de l’ADEME au nom de l’État couvre le seul scénario de la mise en sécurité d’anciennes installations classées, dans le cas où le responsable serait défaillant. Le code minier ne donne aucune définition du dommage qui s’entend, dans l’esprit des lois de 1995 et 1999 adoptées après des affaissements massifs dans le bassin ferrifère lorrain, comme un dommage matériel direct imputé aux biens et aux personnes, c’est-à-dire les dommages en lien avec les « risques importants » de l’article L. 174-1 du code minier, à savoir les affaissements de terrain et les accumulations de gaz dangereux. L’ordonnance n° 2022-535 du 13 avril 2022 relative au dispositif d'indemnisation et de réparation des dommages miniers a étendu cette vision restrictive aux dommages sanitaires et environnementaux ayant pour cause déterminante l’activité d’exploration ou d’exploitation minière.
La réforme du code minier initiée par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a permis d’apporter plusieurs adaptations législatives visant à améliorer et à renforcer la prise en compte des intérêts environnementaux dans le domaine de l’exploitation minière. Ainsi, les risques sanitaires ont été ajoutés à la liste des intérêts protégés par le code minier, comme cela est le cas dans le code de l’environnement. Par ailleurs, les préfets ont désormais la faculté, en cas de défaillance de l’exploitant, d’aller rechercher la responsabilité de la maison-mère, s’il s’avère que cette dernière a commis des fautes caractérisées de gestion de sa filiale. La loi étend pour une durée de trente ans, comme en matière d’installations classées, les conditions d’exercice de la police résiduelle des mines une fois l’arrêt des travaux miniers confirmé, afin de rechercher la responsabilité des exploitants en cas d’apparition de dangers et risques graves, nouveaux, omis ou sous-estimés dans le dossier d’arrêt de travaux miniers. Enfin, cette législation introduit dans le code minier la constitution de garanties financières pour les nouvelles exploitations minières, concourant ainsi à renforcer l’effectivité du principe de responsabilité de l’exploitant. La portée des garanties financières concerne les mesures prises dans le cadre de l’arrêt des travaux après la fermeture d’un site, sa surveillance à long terme et les interventions à prévoir en cas d’accident.
Les ordonnances n°s 2022-534 et 2022-535 du 13 avril 2022 relatives respectivement à l’autorisation environnementale des travaux miniers et au dispositif d’indemnisation et de réparation des dommages miniers ont complété ce cadre législatif. Elles ont d’abord permis l’amélioration de la prise en compte des enjeux environnementaux liés aux activités minières en intégrant les autorisations de travaux miniers dans le régime de l’autorisation environnementale, le renforcement du dispositif des sanctions administratives applicables en cas de non‑respect des règles énoncées (pour les travaux miniers, la police des mines peut faire usage des sanctions prévues par le code de l’environnement en plus des moyens offerts par le code minier), ainsi que la rénovation des procédures de participation du public et des collectivités territoriales. Elles précisent et renforcent, par ailleurs, le dispositif d’indemnisations et de réparations des dommages miniers déjà mentionnés.
La prévention des risques et des atteintes à l’environnement est ainsi largement prise en compte et constitue autant de garanties pour l’avenir. L’objectif n’est donc pas de créer de nouvelles règles, qui viendraient alourdir les procédures existantes, mais plutôt de faire connaître ce corpus législatif apte à rassurer l’opinion publique.
L’industrie minière elle-même évolue. Les entreprises minières sont de plus en plus sensibles, ne serait-ce que par pragmatisme, aux enjeux sociaux et environnementaux ; les procédés modernes d’extraction et les nouvelles technologies permettent de réduire certaines pollutions. Des progrès importants ont, par exemple, été réalisés en matière de recyclage de l’eau. Au sein de la mine suédoise à ciel ouvert d’Aitik, située en bordure de Gällivare à une centaine de kilomètres au Nord du cercle polaire et d’où proviennent 10 % de la production européenne de cuivre (soit environ 750 000 tonnes par an), la société Boliden parvient à réduire son empreinte carbone grâce à l’électrification d’une grande partie de ses procédés d’extraction : celle-ci est utilisée depuis le concasseur où les roches sont broyées jusqu’au concentrateur assurant l’extraction du minerai de cuivre. L’entreprise souhaite aussi installer des caténaires sur une portion de la route empruntée par ses camions et machines en attendant l’arrivée sur le marché de véhicules équipés de batteries. Dans le même temps, elle a inauguré un « parc durable » de 300 hectares, à côté de la mine d’Aitik, pour compenser la perte de biodiversité occasionnée par l’extraction du cuivre ([125]).
Certains pays sont allés plus loin encore pour développer les concepts de mines dites vertes ou responsables, à l’image de la Suède et de la Finlande. Ces deux pays ont ainsi pu relancer leur production minière sans transiger sur le respect de règles environnementales exigeantes, même s’il faut d’emblée reconnaître une évidence : aucune activité humaine, a fortiori industrielle, n’est totalement propre, c’est-à-dire à impact nul pour l’environnement. En ce sens, une mine verte ou responsable doit s’entendre comme une mine respectant des règles sociales et environnementales strictes, encadrée par une législation permettant de mesurer, prévenir et remédier, le cas échéant, aux éventuelles conséquences négatives générées par les activités minières. Dans ces deux pays, l’acceptabilité minière est renforcée par le choix d’exploiter des mines en profondeur, au-delà de mille mètres sous terre, rendant ces activités moins visibles par les populations locales ([126]).
En Suède, le concept de mine verte repose sur l’action de l’inspection des mines, du conseil administratif du comté et du tribunal foncier et environnemental. L’inspection des mines est un organe décisionnel indépendant relevant de l’institut géologique de Suède (SGU). Dirigée par l’inspecteur en chef des mines, elle examine les demandes de permis d’exploration et d’exploitation minières, ainsi que la conformité des opérations minières à la loi sur les minéraux. L’inspection des mines fournit également des informations sur la législation et sur les activités de prospection et de traitement en cours aux entreprises, aux parties intéressées, aux autorités, aux médias et au public. Le conseil administratif du comté – il en existe vingt-et-un – exerce, quant à lui, une fonction de supervision des opérations minières et participe à leurs examens et à l’octroi des permis d’exploration. Le tribunal de l’environnement délivre, enfin, un permis environnemental pour les opérations minières en vertu du code de l’environnement. Dernière étape avant le début des opérations, le tribunal impose les mesures à prendre en termes de conditions d’exploitation (bruit, limitation des émissions, barrages, etc.).
Les entreprises extractives investissent également le champ social. Le groupe Glencore, présent en République démocratique du Congo, tente ainsi de lutter contre la mauvaise image du secteur minier dans le pays en finançant de nombreux projets sociaux, qu’il s’agisse de la construction d’écoles, de la mise en place de colonies de vacances destinées aux jeunes enfants pendant les mois de juillet et d’août, de programmes d’accompagnement médical, en particulier pour lutter contre la malaria, ou de soutien au travail des femmes.
Enfin, il est nécessaire de tirer toutes les conséquences de mauvaises expériences, afin d’éviter que celles-ci ne se reproduisent et n’obèrent pour longtemps toute autre initiative minière, même responsable. Suite aux séismes survenus en Alsace du fait de la mauvaise utilisation de techniques géothermiques, l’Ineris a ainsi publié, le 25 mai 2023, un guide de bonnes pratiques pour la maîtrise de la sismicité induite par les opérations de géothermie profonde ([127]). La promotion de ces guides de bonnes pratiques ou d’outils non contraignants s’avère pertinente pour accompagner les acteurs industriels sans imposer de nouvelles normes pour l’avenir.
Proposition n° 5 : Promouvoir le développement de guides de bonne pratique et d’outils d’information juridiquement non contraignants pour mieux accompagner les acteurs privés dans le déploiement de leurs projets miniers et industriels dans le domaine des ressources stratégiques.
2. Les filières industrielle et minière du XXIe siècle souffrent encore d’un déficit d’attractivité qu’il est urgent de combler
a. Une vision en grande part anachronique des métiers de l’industrie minière
Si la génération de pollutions et les atteintes à l’environnement inquiètent les populations locales, ce sont les conditions de travail peu attrayantes qui sont mises en avant par les jeunes générations pour se détourner de l’industrie minière.
raisons justifiant la mauvaise image de l’industrie chez les jeunes
Source : Les lycéens et l’industrie, Arts et Métiers, 2023.
Il existe, en effet, un fort décalage entre la perception des conditions de travail dans cette industrie et leur évolution. L’héritage du fordisme est encore très présent : il associe l’industrie au travail à la chaîne et à des tâches ingrates et répétitives. De même, il est lié, dans l’imaginaire collectif, à une barrière de classes très marquée entre les emplois ouvriers pénibles et peu valorisés et les « bons emplois », qui profiteraient uniquement aux cadres. Les jeunes générations sont aussi très sensibles au sens conféré à leur activité professionnelle, ainsi qu’aux enjeux environnementaux associés : l’image d’une industrie polluante joue ainsi en défaveur de cette dernière. Enfin, le modèle d’organisation des entreprises industrielles souffre d’un déficit d’attractivité aux yeux des employés. Leur structuration verticale et l’image d’un monde masculin, qui a longtemps prévalu dans le milieu industriel, imprègnent aujourd’hui encore les perceptions, quand les employés aspirent désormais davantage à des méthodes de management horizontales, plus flexibles et collaboratives ([128]). Cette situation explique qu’une grande part des jeunes gens formés aux métiers de l’industrie (du certificat d’aptitude professionnelle à des formations BAC + 3) se détournent de ce secteur au moment d’entrer dans la vie professionnelle pour un manque à gagner qui atteindrait jusqu’à 5 à 6 milliards d’euros par an pour notre pays ([129]).
Pourtant, cette vision est, à bien des égards, dépassée. Les conditions de travail de l’industrie minière sont désormais très éloignées des descriptions de Germinal. De nombreux métiers sont mécanisés voire digitalisés et permettent d’obtenir des niveaux de salaire valorisants. La féminisation de ces métiers est également en cours. Par ailleurs, la filière des matières premières ne repose pas seulement sur les métiers de la mine mais embrasse également les professions de la métallurgie et de la science des matériaux faisant appel à des compétences très variées. Aussi est-il essentiel que la communauté industrielle dans son ensemble (apprentis, ouvriers, contremaîtres, syndicalistes, cadres et dirigeants d’entreprise) se mobilise pour faire connaître la réalité de son secteur d’activité. Le partage d’expériences, par exemple au sein des formations existantes ou lors de rencontres avec les populations locales d’un territoire choisi pour accueillir une mine, est un vecteur de connaissances précieux. La mobilisation de certaines structures existantes telles que la fondation Forindustrie, métavers visant à sensibiliser les jeunes aux métiers de l'industrie, pourrait s’avérer pertinente dans ce cadre.
Proposition n° 6 : Faire connaître, en lien avec les professionnels du secteur, l’ensemble des métiers de la filière des ressources stratégiques dans les écoles et les universités. Insister, dans le cadre de la conception des présentations, sur l’évolution de ce secteur et les nouvelles compétences requises. Parallèlement, promouvoir les partenariats dans ce domaine entre les entreprises et les établissements d’enseignement locaux sous forme de stages et d’apprentissages.
b. Développer des filières de formation d’excellence autour des ressources stratégiques
Les offres de formations sur l’ensemble de la chaîne de valeur des industries extractives sont encore peu développées en France, les débouchés étant essentiellement situés dans des pays étrangers depuis au moins une quarantaine d’années. Par ailleurs, l’importance des ressources stratégiques s’est révélée il y a peu de temps, remettant sur le devant de la scène des thématiques jusqu’alors peu investies, du moins depuis la désindustrialisation de la France ([130]). Quelques écoles et universités sont reconnues, telles que les mines de Nancy, d’Alès, d’Orléans ou de Paris sur l’exploitation minière, la conception d’études d’impact et le traitement des minerais. Néanmoins, il conviendrait de moderniser ces filières et de s’assurer qu’elles correspondent aux standards internationaux. Surtout, il est nécessaire de développer les filières d’ingénieurs mais aussi d’opérateurs, de techniciens, de techniciens supérieurs et de cadres de production et de recherche tournés vers des sujets porteurs que sont le recyclage et les énergies bas-carbone. Il est ainsi capital que la France revalorise son offre de formations et lui apporte un véritable soutien financier, digne de ces enjeux. Cette orientation doit être prise rapidement, plusieurs années étant nécessaires pour créer des filières éducatives de qualité ; ces dernières pourraient être constituées de concert avec l’aide d’entreprises du secteur. En Suède, le groupe minier LKAB et l’université technologique de Luleå coopèrent, par exemple, pour mettre en place un nouveau programme de formation lié aux besoins et aux défis de la transition écologique, qui nécessitera des aptitudes et des compétences connexes. Le risque serait de ne pas disposer de la main-d’œuvre qualifiée adaptée au développement d’une industrie extractive nationale et de voir notre pays pénalisé par rapport à ses compétiteurs.
Notons toutefois que cet enjeu est largement partagé au sein des pays développés, y compris par ceux disposant d’une tradition minière et industrielle plus prégnante que celle de la France, à l’image de la Suède, qui peine encore à recruter sur le seul marché de l’emploi national les ressources en main-d’œuvre suffisantes.
Dans ce cadre, comme pour la recherche & développement, il est nécessaire de mieux faire dialoguer les différentes disciplines structurant ou gravitant autour de l’industrie minière à savoir la géologie, la minéralogie, la métallurgie et la chimie. Un premier effort a été réalisé par la création d’une filière « mines et métallurgie » dotée d’un comité stratégique de filière au sein du conseil national de l’industrie. De même, la mise en place de l’OFREMI est un progrès certain et permet de mieux mettre en relation l’offre et la demande, ainsi que leurs perspectives d’évolution. Ce n’est toutefois là qu’un début.
Proposition n° 7 : Soutenir la constitution de filières françaises d’excellence dans les écoles et les universités autour des ressources stratégiques en intégrant non seulement la formation aux activités minières mais aussi aux professions des domaines connexes (géologie, métallurgie et chimie notamment).
L’Union européenne pourrait également promouvoir les coopérations et le partage de savoirs entre États membres à travers la mise en place de programmes spécifiques, qui s’inscrirait dans le cadre du pacte de l’Union européenne pour les compétences. Certaines structures déjà en place, comme l’institut européen d’innovation et de technologie EIT InnoEnergy, pourraient être mieux coordonnées avec les efforts menés à l’échelle nationale. Cet institut propose, en effet, deux types de formations autour des questions énergétiques, par le biais de la formation professionnelle ou de huit programmes académiques de niveau master organisés dans quatorze universités, deux écoles de commerce et dix‑huit pays différents. De même, l’EIT Raw Materials, inauguré le 29 septembre 2020 par Thierry Breton, alors commissaire européen au marché intérieur, et Maroš Šefčovič, vice-président de la Commission européenne, en charge des relations interinstitutionnelles et prospectives, a également lancé des offres de formation similaires. Il a aussi développé la Wider Society Learning, une initiative de sensibilisation de jeunes âgés de seize à dix-huit ans aux enjeux des matières premières, afin d’attirer des professionnels pour l’avenir. Le programme Horizon, consacré à la recherche et à l’innovation, peut également être mieux exploité dans ce cadre : la participation à ce programme du Canada ([131]), pays qui dispose d’un savoir-faire indéniable dans le secteur minier, pourrait être utilisée spécifiquement pour renforcer les coopérations dans le domaine des ressources naturelles. Une partie des fonds européens consacrés à la recherche et à l’innovation pourrait être dédiée aux matières premières nécessaires à la fabrication de technologies stratégiques au-delà de la transition énergétique et numérique, notamment pour le développement du recyclage des métaux et copeaux ou des chutes de production.
Proposition n° 8 : Encourager les coopérations et le partage de savoirs entre États à travers la mise en place de programmes spécifiques d’échanges dédiés aux ressources stratégiques.
Enfin, les échanges bilatéraux entre États et les partenariats universitaires pourraient permettre la transmission de savoirs et de compétences utiles. Alors que la France participe à la formation du personnel suédois dans la filière de l’uranium, elle pourrait bénéficier, en retour, du soutien de la Suède sur les matières critiques, domaine dans lequel cette dernière dispose d’une expérience plus poussée que celle de notre pays.
3. L’acceptabilité des projets industriels peut être renforcée par une meilleure implication des populations et un renforcement de leurs retombées locales
a. Sensibiliser l’ensemble de la société aux enjeux des ressources stratégiques
La récente prise de conscience du caractère stratégique de nombreux métaux et minerais n’a pas encore permis d’infuser dans l’ensemble de la société. Or, il est indispensable, pour espérer convaincre les populations locales du bien-fondé de la relance industrielle de la France, qu’elles soient sensibilisées à ses objectifs et aux alternatives en présence. C’est ce que fait apparaître la synthèse du débat public organisé, en France, sur le projet « Emili » porté par Imerys : il est recommandé au Gouvernement d’ouvrir un débat sur sa stratégie d’approvisionnement en métaux et minerais critiques, sur les activités minières et sur les trajectoires en matière de mobilités pour contrer le scepticisme existant quant aux notions de souveraineté et d’indépendance énergétiques ([132]).
La Finlande est le premier pays européen à s’être doté d’une stratégie sur les ressources stratégiques en 2010. Celle-ci propose qu’une amélioration de l’acceptabilité et de l’image de l’industrie minière soit recherchée à travers la mise en œuvre de coopérations et de modèles d’activités co-construits entre les populations locales, les entreprises et les autorités publiques ([133]). La Finlande a, par exemple, mené une forme de « Grenelle des métaux critiques ». Elle a, en effet, lancé un vaste débat public, placé sous l’autorité du gouvernement, autour de son activité minière, et ce, dès 2012. Incluant les sociétés minières, les propriétaires terriens, les éleveurs de rennes, les acteurs du secteur touristique, les associations de protection de la nature et tous ceux qui pourraient être concernés par l’activité minière, les débats ont porté sur l’environnement, les coopérations à mettre en place, le rôle des universités et des centres de recherche. L’objectif est clair : assurer un dialogue constructif pour renforcer l’acceptabilité des projets miniers. Il s’est conclu par la création d’un guide précisant la manière de concilier les activités minières et les zones d’élevage des rennes.
Ses travaux ont également inspiré la rédaction d’un plan d’action « Faire de la Finlande un leader dans les industries minières extractives responsables et durables ». Ce dernier résulte d’un travail interministériel soutenu par le fonds d’innovation finlandais SITRA, qui a également débouché sur la formation d’un réseau « pour la responsabilité », chargé de promouvoir des pratiques responsables au sein des mines inspirées de comparaisons internationales et, plus particulièrement, des standards canadiens. Il en est ressorti une charte fondée sur dix principes, depuis la prise en compte des droits des populations lapones et la préservation de leur héritage culturel jusqu’à la définition de pratiques écologiques, sociales et économiques durables et responsables, sans que ses moyens ne soient contraignants ([134]).
De manière générale, tout débat de grande ampleur sur ce sujet est à rechercher. Le Parlement – et à travers lui cette mission d’information – peut utilement contribuer à ce travail.
Proposition n° 9 : Mobiliser l’ensemble des institutions françaises pour faire connaître auprès du grand public les enjeux associés aux ressources stratégiques et à la sécurisation de leurs chaînes d’approvisionnement.
b. En amont des projets industriels, encourager et encadrer la tenue de débats ouverts aux populations locales sans paralyser la concrétisation des projets
Conformément à l’article L. 121-1 du code de l’environnement, un débat public, supervisé par la commission nationale du débat public, est organisé, en France, dans le cas où un projet minier de grande ampleur, présentant de forts enjeux socio‑économiques et des impacts significatifs sur l’environnement et l’aménagement du territoire, est envisagé. Il doit permettre de discuter de l’opportunité, des objectifs et des caractéristiques principales du projet comme de ses impacts sur l’environnement et l’aménagement du territoire.
Un tel débat a été organisé autour du projet de lithium Emili proposé par l’entreprise Imerys dans l’Allier. Une première phase dite de lancement du débat a rencontré un certain succès, avec des salles combles, les trois réunions locales à Échassières, Saint-Bonnet-de-Rochefort et Montluçon affichant même complet quelques jours à l’avance, et de nombreux internautes suivant les échanges en ligne et en direct. Des contributions ont également pu être déposées sur une plateforme numérique spécifiquement dédiée à cet effet.
Une seconde phase de débat a permis d’aborder plus en profondeur les grands enjeux liés au projet de la mine, avec quatre temps consacrés à la transition écologique et à la souveraineté, aux différents procédés d’extraction, aux impacts environnementaux et aux retombées économiques potentielles. De nombreux intervenants externes, proposant un point de vue d’expert complémentaire à celui du maître d’ouvrage, ont été invités pour la tenue de diverses tables-rondes. La présence de représentants de l’État est la bienvenue dans ce cadre : ces derniers permettent de répondre à des interrogations qui dépassent le champ d’intervention du maître d’ouvrage, par exemple lorsque les discussions se déportent sur l’opportunité de construire des voitures de type SUV.
Bien que la tenue de débats puisse favoriser l’acceptabilité des projets industriels et in fine leur inclusion dans le tissu socio-économique local, elle ne doit pas aboutir à une complexification excessive des procédures autorisant la réalisation de tels projets. Ces débats ne sont d’ailleurs pas sans conséquences économiques et temporelles : celui organisé autour du projet Emili s’est ainsi tenu du 11 mars au 31 juillet 2024, soit pendant quatre mois et demi, pour un coût estimé à 1,6 million d’euros. Si la France peut être fière de ses normes sociales et environnementales parmi les plus exigeantes au monde dans le domaine minier, il convient de s’assurer qu’elles n’entravent pas son essor économique, lequel souffre d’un déficit d’activité et non de règles.
Les contraintes temporelles et logistiques à la réalisation des projets miniers apparaissent déjà nombreuses aux yeux du rapporteur. La priorité est donc, pour lui, de simplifier certaines procédures préalables en autorisant, par exemple, la poursuite, en parallèle, du débat public et de l’enquête publique précédant la décision d’ouverture d’un nouveau site minier. Cette initiative devrait permettre aux industriels de réduire de quelques mois précieux la réalisation de leurs projets.
Proposition n° 10 : Mener en parallèle les différentes phases consultatives (débat public et enquête publique) préalables à la réalisation d’un projet minier ou industriel afin d’en réduire les coûts et les délais de réalisation sur le modèle de la facilitation des procédures administratives prévues par la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
Ce mode d’organisation doit permettre, par son format et la diversité des thématiques abordées, de lever les malentendus et que chacun puisse s’exprimer sur un sujet sensible. Son issue n’est certes pas contraignante, la commission n’ayant pas pour objet de se prononcer sur le fond du projet, mais l’exercice qu’elle supervise assure du moins l’information du public et la transparence de la prise de décision. Ses conclusions font d’ailleurs apparaître le besoin d’implication des populations concernées, aussi bien en termes de concertation préalable et d’intéressement aux bénéfices du projet que de transparence des informations transmises.
L’étude des concertations réalisées en Suède avec les Samis témoigne de la nécessité que ce processus soit mené très en amont des projets dans une véritable logique de négociation et non de simple transaction ou de compensation auprès des populations locales. Les Samis ne s’opposent d’ailleurs pas à tous les projets de développement économique mais réclament une vraie mise en œuvre du « libre consentement, préalable et éclairé » (« free, prior and informed consent », convention de l’Organisation internationale du travail) et un meilleur partage des ressources, comme cela peut s’observer au Canada ([135]). En revanche, le rapporteur n’est pas favorable à la mise en place d’un veto suspensif tel qu’il existe, par exemple, au niveau des municipalités en Suède, lesquelles peuvent s’opposer à tout moment à la réalisation d’un projet d’exploitation de l’uranium, même si celui-ci a obtenu tous les permis nécessaires à sa réalisation. Cette situation génère, en effet, une trop grande insécurité quant à la concrétisation d’un projet minier, au risque de créer un effet d’éviction auprès des investisseurs, et confère un droit de blocage potentiel à une minorité de personnes ou de collectivités au détriment de l’intérêt général. La Suède a d’ailleurs veillé, lors des négociations du CRM Act, à ce que la proposition initiale du Parlement européen consistant à exiger l’accord préalable des populations samies pour la réalisation de projets miniers liés aux matériaux critiques retenus par l’Union européenne soit finalement écartée.
c. En aval, mieux valoriser les retombées locales des projets miniers et industriels pour les collectivités territoriales concernées
En France, les entreprises minières sont soumises aux redevances communales et départementales des mines. Les articles 1519 et 1587 du code général des impôts (CGI) prévoient ainsi le versement aux communes et aux départements d’une redevance « sur chaque tonne nette du produit concédé, extrait par les concessionnaires de mines, les amodiataires et sous-amodiataires des concessions minières, par les titulaires du permis d’exploitation de mines et par les explorateurs de mines, de pétrole et de gaz combustibles ». La redevance départementale est plus précisément versée au département sur le territoire duquel se trouve la concession. Si la concession s’étend sur plusieurs départements, elle est répartie entre eux au prorata du tonnage extrait, au cours de l’année écoulée, sous chacun de leur territoire respectif (article 1588 du CGI). Les tarifs de la redevance communale et départementale, fixés à compter du 1er janvier 2024, varient selon les substances visées. Les articles 1519 et 1587 du CGI précisent qu’ils s’établissent, par exemple, à :
– respectivement 466,20 euros et 94,30 euros par centaine de tonnes de manganèse contenu dans les minerais de manganèse pour les communes et les départements ;
– respectivement 310,10 euros et 62,50 euros par tonne de molybdène contenu dans les minerais de molybdène pour les communes et les départements ;
– respectivement 62,50 euros et 12,80 euros par tonne d’oxyde de lithium (Li2O) contenu dans les minerais de lithium pour les communes et les départements.
Outre les retombées économiques en termes d’emplois garantis par la poursuite d’un projet minier, le paiement d’une redevance minière aux collectivités territoriales accueillant de telles activités permet d’en valoriser les résultats. Une éventuelle hausse de cette redevance pourrait être de nature à renforcer l’acceptabilité des projets miniers par les communes et départements concernés.
Ce débat se retrouve dans de nombreux États. En Bosnie-Herzégovine, l’opposition d’une partie de la population et des autorités au projet minier de Vareš, à une cinquantaine de kilomètres de Sarajevo, qui devait être exploité par l’entreprise britannique Adriatic Metals, s’explique notamment par la faiblesse des retombées locales attendues, le niveau trop bas des redevances associées privant la municipalité et le canton de ressources supplémentaires. La Cour constitutionnelle a finalement invalidé l’exploitation minière, jugeant qu’il appartenait à l’État et non aux entités locales d’octroyer des concessions ([136]). Quant à la Suède, elle réfléchit également à permettre à ses municipalités de jouir d’une partie plus élevée des revenus générés par l’exploitation minière, à l’instar de la taxation existante en Finlande ([137]), souvent citée en exemple : à ce jour, les compagnies minières suédoises doivent s’acquitter d’une redevance équivalente à 2 ‰ de la valeur de l’exploitation minière dont 1,5 ‰ est reversé au propriétaire du terrain et 0,5 ‰ revient à l’État. Les entreprises minières sont également redevables de l’impôt sur le revenu – aujourd’hui de 20,6 % –, dont une partie revient aux collectivités locales, sans que l’activité minière ne soit soumise à une taxation particulière dans ce cadre, ainsi que d’une taxe sur les dividendes de 20 % jusqu’à une limite au-delà de laquelle ce seuil augmente. Des compensations financières sont également dues aux propriétaires de terres impactées par l’exploitation minière, à l’instar des Samis. Les Suédois restent toutefois attachés à ce que le niveau global des taxes imposées aux compagnies minières demeure stable de manière à maintenir leur compétitivité et à continuer d’attirer des capitaux étrangers.
Proposition n° 11 : Repenser le système de redevances communale et départementale des mines dues par les entreprises minières pour renforcer les retombées locales des projets miniers.
Le soutien à la nationalisation des chaînes de valeur et à leur ancrage local pourrait être facilité par l’inclusion de critères permettant de prendre en compte une dimension locale plus affirmée. La mise en place, à partir de 2027, d’un « passeport batterie » au niveau européen pour assurer la traçabilité des batteries de voitures électriques sur l’ensemble de leur cycle de vie pourrait permettre de mieux valoriser les règles européennes et, indirectement, la production européenne sans contrevenir aux principes constitutifs du commerce international.
B. Le retour d’un État stratège pour apporter un soutien renforcé aux projets miniers et industriels
1. La facilitation des projets industriels doit passer par la simplification des démarches administratives et le raccourcissement des délais nécessaires à leur réalisation
a. Des démarches administratives trop longues et contraignantes
La multiplication et la longueur des démarches administratives nécessaires à la conduite d’un projet minier constituent autant de freins entravant leur réalisation rapide sans qu’elles constituent – il est vrai – la seule raison de cette lenteur ; le financement d’un projet industriel quel qu’il soit est une entreprise de longue haleine. En France, il faut au moins cinq ans pour acquérir tous les titres nécessaires au lancement effectif d’un projet minier ; l’exploitation d’une ressource ne commencera, quant à elle, que quinze à vingt ans plus tard.
Cette temporalité n’est pas l’apanage de la France. En Suède aussi, un industriel doit compter souvent entre vingt et vingt-cinq ans avant de pouvoir commencer à exploiter une ressource. Une telle exploitation nécessite l’obtention d’un permis d’exploration puis d’un permis de concession et d’une autorisation environnementale : les deux dernières étapes peuvent être menées en parallèle depuis 2016, même s’il est difficile pour une entreprise de financer l’obtention d’un permis environnemental sans garantie sur l’acquisition d’un permis de concession. Une certaine insécurité pèse également sur ces projets, puisque chaque décision de délivrance d’un permis peut faire l’objet d’une contestation devant l’un des cinq tribunaux de l’environnement du pays. Le gouvernement suédois envisage, à cet égard, une simplification des procédures d’obtention des permis miniers en allégeant le code de l’environnement dont le niveau de contrainte est jugé trop élevé ; la surtransposition des directives européennes sur l’eau est souvent mise en cause. En juin 2023, a donc été créée une commission nationale chargée d’étudier la possibilité de simplifier et de raccourcir l’évaluation de l’autorisation environnementale prévue par le code de l’environnement, afin de la rendre plus souple, plus efficace et plus rapide.
La France a lancé un travail de simplification de ses démarches pour l’obtention de permis. Les dossiers de demande de titres d’exploitation et de demandes d’autorisation de travaux miniers peuvent faire l’objet d’un dépôt simultané. La procédure est coordonnée et une enquête publique unique est alors diligentée par le préfet. La signature de l’arrêté d’autorisation de travaux miniers est, dans ce cas d’espèce, conditionnée à l’octroi préalable du titre minier : cette simplification permet de réduire de moitié le temps imputable à cette phase, qui passe de dix-douze mois à six mois en moyenne.
La loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, qui introduit un nouvel article L. 121‑8‑2 dans le code de l’environnement, prévoit également la possibilité d’organiser un débat public ou une concertation préalable globale lorsque plusieurs projets d’aménagement susceptibles de relever de l’obligation de saisine de la commission nationale du débat public (CNDP) sont envisagés dans les huit ans à venir sur un même territoire délimité et homogène. Les projets faisant l’objet de ce débat ou de cette concertation globale sont dispensés de débat public ou de concertation préalable spécifique.
Ce processus de simplification doit également être entrepris à l’échelle européenne rapidement. En février 2024 déjà, les principaux industriels, associations industrielles et syndicats du secteur manufacturier ont publié la « Déclaration d’Anvers » ([138]), manifeste de l’industrie demandant la création d’un European Industrial Deal pour compléter le Green Deal de l’Union, une loi « omnibus » pour « éliminer l’incohérence réglementaire, les objectifs contradictoires […] et les rapports excessifs » ou encore le renforcement des moyens du secrétariat général et du comité d’examen de la réglementation ([139]), qui pourrait faire de la recherche d’une meilleure compétitivité européenne l’un de ses critères d’évaluation. Ces objectifs devront guider l’action de la nouvelle Commission au plus vite.
Si l’on considère les différents ministères et services préfectoraux compétents, il existe une grande variété d’acteurs auxquels les industriels doivent s’adresser, qu’il s’agisse de classifier leurs projets (projet d’envergure nationale ou européenne et projet d’intérêt national majeur) ou d’obtenir diverses autorisations. Or, cette profusion d’acteurs est source de complexité, parfois de confusion, et ralentit la réalisation de leurs projets. Le regroupement des compétences liées à la classification des projets et des différentes autorisations en un « guichet unique » auquel pourraient s’adresser les entreprises serait, en ce sens, souhaitable.
Proposition n° 12 : Regrouper l’ensemble des compétences de délivrance des autorisations et de classification des projets miniers et industriels en une seule entité administrative constituant un interlocuteur unique pour les entreprises.
b. Approfondir et accélérer les réformes entamées
Si ces réformes sont incontestablement les bienvenues, les acteurs industriels estiment que les démarches sont encore trop longues pour permettre une montée en puissance significative de l’offre minière française dans les années à venir. Parmi les points d’attention mentionnés figurent le besoin de stabilité juridique, les projets miniers ne pouvant se concevoir que sur un temps long, qui demande un minimum de visibilité pour ne pas décourager les acteurs du secteur, ainsi que la relative lenteur de la publication des textes d’application devant permettre, par exemple, la réforme du code minier. S’y ajoute enfin une certaine difficulté à acquérir le foncier nécessaire au développement des projets miniers et industriels attenants du fait de la législation existante pour limiter l’artificialisation des sols. Dans ce dernier cas, l’accélération du recyclage foncier des sites économiques des friches peut constituer une piste à explorer tant ces friches constituent un vivier important de terrains pouvant être remis sur le marché moyennant des opérations – parfois coûteuses, il est vrai – de dépollution et de réaménagement. De même, une possible dissociation entre le foncier et le bâti peut être imaginée pour répondre au besoin de coordonner les projets industriels privés avec les volontés publiques locales ([140]).
Proposition n° 13 : Poursuivre l’effort de simplification des démarches administratives nécessaires à l’ouverture d’un nouveau projet minier et assurer la publication rapide des textes réglementaires nécessaires à leur application.
Le rapporteur soutient un approfondissement des démarches de simplification. Une première étape devait être engagée avec le projet de loi de simplification de la vie économique, déposé sous la XVIe législature, mais dont l’avenir est désormais incertain. Ce dernier devait introduire quatre modifications législatives en ce sens.
En premier lieu, il visait à permettre une accélération des procédures pour la délivrance des permis exclusifs de recherche de mines ([141]). En France, en effet, le délai total moyen de la procédure d’octroi ou de prolongation de permis exclusifs de recherche de mines sur la période 2002-2022 est de trois ans pour un délai théorique qui devrait être compris entre douze et dix-huit mois. Or, la réglementation européenne sur les matières premières critiques impose désormais une durée de procédure d’octroi des autorisations nécessaires pour les projets stratégiques de l’Union dans le secteur de l’extraction ne dépassant pas vingt-quatre mois. Ce délai doit être respecté pour délivrer le titre minier (gestion des droits immobiliers) et l’autorisation environnementale nécessaires aux projets ; s’il était mis en œuvre, il serait déjà plus élevé que celui pratiqué par certains partenaires commerciaux de la France. Cette nouvelle contrainte imposée par Bruxelles à nos moyens de production n’aura pour seule finalité de pénaliser nos entreprises au profit de la concurrence extra-européenne. Au Québec, par exemple, le claim – c’est-à-dire l’équivalent du permis exclusif de recherche – s’obtient presque instantanément, par simple désignation sur carte, et demeure valide une première fois pour trois ans avant de pouvoir être renouvelé à plusieurs reprises ([142]).
Le gouvernement français entendait également simplifier la formalité de demande de consentement des détenteurs de titres miniers présents sur le périmètre concerné en cas d’absence d’avis favorable ; il pourrait trancher le désaccord sans consulter le conseil général de l’économie. Enfin, pour rétablir une proportionnalité dans les procédures d’attribution des titres miniers et de géothermie, il était proposé de supprimer les avis environnementaux, économiques et sociaux pour les permis exclusifs de recherche. En effet, après examen de préconfiguration, il apparaît que les enjeux environnementaux, économiques et sociaux associés à ces permis ne nécessitent pas, sauf exception, d’analyse spécifique de la part des corps d’inspection.
Le projet de loi devait également autoriser la prolongation d’un projet exclusif de recherche en cas de circonstances exceptionnelles, qui auraient bloqué les recherches minières en raison d’aléas liés à cette recherche, par une procédure rapide consistant en une décision du ministre sur simple demande, l’absence de réponse valant accord au bout de six mois. Cette possibilité existe déjà pour les permis de recherche d’hydrocarbures ; il s’agirait donc d’étendre ces modalités à toutes les autres substances de mines.
Enfin, en Guyane, le gouvernement souhaitait faciliter les démarches des artisans mineurs sans remettre en cause les exigences environnementales. L’exploration et l’exploitation aurifère y sont réalisées très majoritairement sous le régime des autorisations de recherches minières et des autorisations d’exploitation de mines bien adapté à des petites exploitations alluvionnaires à ciel ouvert et par procédé gravimétrique, régime soumis à évaluation environnementale. Les autorisations d’exploration et d’exploitation sont accordées par arrêté préfectoral fixant des prescriptions spécifiques aux circonstances locales et aux activités projetées, afin d’assurer la prévention des pollutions, des risques et des nuisances, ainsi que la réhabilitation du site après travaux. Parallèlement, l’office national des forêts (ONF), gestionnaire du domaine privé de l’État en Guyane, demande préalablement à tous travaux de recherche ou d’exploitation que l’entreprise minière signe avec lui une convention d’occupation temporaire du domaine forestier pour activité minière (Cotam) ; celle-ci fixe les conditions d’occupation et d’utilisation des terrains forestiers, les taux des redevances versées à l’ONF, ainsi que les conditions d’octroi du quitus en fin de travaux. Cette convention impose à l’entreprise des obligations en contrepartie de l’autorisation donnée par l’ONF d’occuper la zone considérée et d’y accéder. Il devait être proposé d’intégrer dans l’autorisation préfectorale d’exploration et d’exploitation minière, après consultation de l’ONF par le service instructeur, les conditions d’occupation temporaire du domaine privé et public de l’État, qui font actuellement l’objet d’un conventionnement spécifique entre l’ONF et l’exploitant. Les opérateurs n’auraient ainsi qu’un seul dossier de demande, qu’une seule autorisation et, à la fin de l’occupation du domaine public ou privé de l’État, qu’un seul quitus, le tout instruit par un interlocuteur unique.
Le rapporteur appelle de ses vœux la reprise rapide de cet élan réformateur en faveur de la simplification des démarches administratives existantes.
2. Une réduction des coûts et un soutien financier renforcé, tant à l’échelle nationale qu’européenne, sont nécessaires à la poursuite de projets miniers et industriels extrêmement coûteux
a. Un désavantage comparatif lié au coût de l’énergie particulièrement préjudiciable au sein de l’Union européenne
Depuis une décennie, les deux principaux concurrents économiques des États membres de l’Union européenne, les États-Unis et la Chine, ont bâti des stratégies énergétiques bien différentes de celle de l’Union. La Chine, pour satisfaire une demande en très forte hausse, a investi massivement dans toutes les énergies (charbon, nucléaire et énergies renouvelables) et a noué un partenariat énergétique avec la Russie voisine, symbolisé par la construction du gazoduc baptisé Force de Sibérie, mis en service en décembre 2019. Les États-Unis ont, quant à eux, atteint l’indépendance énergétique et sont même devenus une superpuissance énergétique avec la révolution du gaz et du pétrole de schiste : auparavant importateurs nets, ils sont désormais premiers producteurs mondiaux de pétrole et de gaz dont ils sont devenus exportateurs nets. Dans le même temps, les États membres de l’Union européenne se sont fixés des objectifs ambitieux en termes de production d’électricité d’origine renouvelable pour lesquels ils investissent grandement. Ces différences de politiques énergétiques ont causé une divergence structurelle des prix de l’énergie entre l’Union européenne, d’une part, et les États‑Unis et la Chine, d’autre part, en défaveur des Européens.
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 et l’application de sanctions économiques par les puissances occidentales, et plus particulièrement par l’Union européenne, à l’encontre de Moscou, les prix de l’énergie ont encore fortement augmenté au sein de l’Europe. En effet, le début de l’agression russe contre l’Ukraine et l’arrêt des livraisons de gaz ont engendré une forte augmentation des prix du fait de règles européennes de fixation du prix de l’électricité qui, en prenant en compte la dernière centrale électrique nécessaire pour répondre à la demande, correspond souvent à celui du gaz plus élevé. Cet effet est amplifié par la substitution du gaz naturel liquéfié (GNL) américain au gaz russe. Or, le GNL est bien plus coûteux en raison des procédés de liquéfaction et de regazéification utilisés ainsi que des coûts de transport associés. Cette situation pose un problème structurel de compétitivité de l’industrie européenne par rapport aux industries américaine et chinoise qui obère les objectifs de réindustrialisation français et de relocalisation de productions stratégiques au niveau européen.
Pourtant, la France dispose d’une électricité à faible coût de production du fait de son parc électronucléaire existant. Il serait indispensable, tant pour la relocalisation d’activités d’extraction et de raffinage de minerais que pour la réindustrialisation du pays en général, que notre industrie dispose d’une énergie abondante, bon marché et décarbonée. Le rapporteur appelle donc à la fixation du prix de l’électricité à un niveau national, ce qui permettrait aux industries françaises de profiter de l’avantage comparatif que représente le parc nucléaire français déjà amorti.
Proposition n° 14 : Mettre en place un mécanisme national de fixation des prix de l’électricité de manière à ce que les industries françaises puissent profiter de l’avantage comparatif tiré du parc nucléaire historique dont la France s’est dotée.
b. Un soutien financier encore insuffisant, en particulier à l’échelle européenne
Une profonde réflexion sur les moyens financiers consacrés aux projets miniers et extractifs doit être engagée tant les investissements nécessaires sont colossaux. Or, en l’état, ces moyens semblent encore insuffisants. À l’échelle européenne, le CRM Act n’est adossé à aucun fonds spécifique alors que la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, avait d’abord envisagé cette possibilité. Sa mise en œuvre dépend donc d’autres fonds, qui n’ont pas été conçus dans le cadre de la stratégie européenne sur les matériaux critiques mais pourront être mobilisés à cet effet, comme le fonds pour l’innovation. Ce choix est discutable quand les États-Unis peuvent mobiliser des sommes considérables grâce à l’IRA et fera sans doute l’objet de négociations dans la perspective du nouveau cadre financier pluriannuel de l’Union (2028-2034).
La France fait mieux puisqu’elle mobilise un fonds d’investissements dédié depuis mai 2023. Ce dernier ne peut toutefois pas compenser à lui seul l’absence d’investissements massifs de la part de l’Union européenne pour un enjeu qui dépasse largement les frontières nationales.
Plus largement, c’est aussi l’investissement dans la recherche et l’innovation qui doit être repensé à grande échelle pour trouver des ressources et des procédés alternatifs. Les États-Unis ont ainsi récemment agrégé différents laboratoires de recherche fédéraux afin d’utiliser l’intelligence artificielle pour développer un nouveau matériau susceptible de réduire de 70 % le contenu en lithium des batteries. De même, des chercheurs du laboratoire national d’Argonne (Illinois), affilié au ministère américain de l’énergie (DOE), ont récemment fait une découverte significative dans le domaine de la technologie des batteries lithium-ion. Leur nouvelle conception de cathode, l’électrode indispensable au fonctionnement des batteries, intègre un système à double gradient, qui promet d’améliorer leur performance tout en réduisant drastiquement leur consommation de cobalt ([143]). Sur ce sujet, les industriels rencontrés ont toutefois attiré l’attention du rapporteur sur le fait que la conception d’usine repose sur des projets plus avancés que des prototypes issus des premières phases de la recherche & développement ; il est donc important de ne pas négliger cette étape.
c. L’urgence de mieux soutenir les objectifs d’internationalisation d’une partie des chaînes de valeur des ressources stratégiques
À l’échelle de l’Union européenne, il serait nécessaire de procéder à l’intégration des activités minières et de raffinage à la liste des activités considérées comme essentielles à la transition écologique ou qui lui sont nécessaires au sein de la taxonomie européenne. Certains métaux de transformation, tels que l’aluminium, y figurent, en effet, mais ils sont mentionnés avec une limite maximum d’émissions pour leur production. D’autres, comme le fer, en sont absents alors que la sidérurgie est prise en compte. Plus généralement, les activités extractives en sont exclues en tant qu’elles engendrent des pollutions et sont susceptibles de porter atteinte à la biodiversité. Or ce choix n’est pas sans effet : couplé à la mise en œuvre du règlement (UE) 2019/2088 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR), qui impose aux sociétés financières d’expliquer comment leurs produits prennent en compte des objectifs de durabilité, il conduit à ce qu’un nombre croissant d’établissements n’investisse plus que dans des activités garantissant la dimension durable de leurs placements. S’il est certain que l’extraction et la transformation de métaux critiques génèrent des déchets et utilisent des produits chimiques, elles sont aussi indispensables à la transition énergétique et reposent sur de lourds investissements financiers. Il est ainsi nécessaire de faire des choix cohérents et d’inscrire le secteur extractif au sein de la taxonomie européenne : l’objectif est d’encourager le développement de ce secteur fortement encadré sur le plan environnemental. La France soutient activement cette modification du champ de la taxonomie, qui relève de négociations entre experts indépendants et non des États membres. Le gouvernement français pousse néanmoins autant que possible ce sujet avec ses homologues autrichien, suédois, finlandais et tchèque. Un premier groupe de travail commence ses travaux sur le sujet et la Commission européenne s’est engagée à produire un livrable sur le raffinage du cobalt, du lithium et du nickel.
Une meilleure mobilisation de la Banque européenne d’investissement (BEI), encore très prudente sur le sujet, pourrait aussi être recherchée dans ce cadre, qu’il s’agisse de mobiliser des fonds européens ou d’abonder des fonds nationaux, tels que le fonds d’investissement français d’Infravia.
Proposition n° 15 : Poursuivre les pressions pour inscrire les activités minières et le raffinage au sein de la taxonomie européenne.
Proposition n° 16 : Mobiliser, à l’échelle européenne, la Banque européenne d’investissement pour soutenir des projets miniers extractifs en Europe ou abonder des fonds de soutien nationaux à ces mêmes projets.
L’Union européenne doit également adapter sa législation à la pratique de ses concurrents en termes de financement pour ne pas souffrir d’une distorsion de concurrence préjudiciable. Quand la Chine et l’Indonésie imposent des taxes à l’exportation des matières premières brutes pour favoriser les activités de raffinage sur leur territoire, que le Canada consent des taux de subventions très élevés pour attirer des projets industriels ([144]) et que les États-Unis imposent des droits de douane pouvant aller jusqu’à 187 % (cas du manganèse) sur les produits précurseurs de cathodes pour favoriser leur transformation dans le pays, ce sont autant d’obstacles au développement d’une industrie française ou européenne. L’OMC, elle-même paralysée depuis plusieurs années, n’est jamais parvenue à enrayer la multiplication de ces mesures protectionnistes ([145]).
La politique volontariste du Canada a déjà porté ses fruits : Stellantis a annoncé la construction de la première gigafactory sur le territoire canadien dès 2022, bientôt suivi de Volkswagen et de Northvolt en 2023, puis de Honda en 2024, pour ne citer que les exemples les plus médiatiques. Il est vrai que le pays ne manque pas d’atouts : outre un financement public conséquent, il peut compter sur son accès facilité à une énergie verte bon marché (hydroélectricité), à des matériaux stratégiques (lithium, nickel, cobalt et graphite), à une main-d’œuvre qualifiée et sur son ouverture vers le marché nord-américain.
Notons toutefois que les initiatives du Canada déployées pour attirer des investissements étrangers nécessaires au soutien des projets miniers nationaux et au développement de sa filière batterie ([146]) sont contrebalancées par ses tentatives de contrôler les investissements étrangers dans le secteur des mines. Alors que le gouvernement canadien a considérablement renforcé le contrôle des investissements chinois dans ce secteur, il a annoncé, au début du mois de juillet 2024, une généralisation des limites imposées aux investissements étrangers dans les projets miniers nationaux, hors « circonstances exceptionnelles » ([147]). Manifestement suscitée par le rachat controversé d’une partie des activités du groupe canadien Teck Ressources par l’entreprise anglo-suisse Glencore, le 11 juillet 2024, cette annonce renforce le visage protectionniste du Canada dans le secteur des ressources stratégiques. Elle intervient à un moment où le pays poursuit l’ambition, théorisée dans sa stratégie publiée en 2022 et actualisée en mars 2024, de s’imposer comme l’un des premiers fournisseurs mondiaux de minéraux critiques capable d’offrir à ses partenaires une alternative durable à la puissance chinoise. Cette inflexion ne manque pas de susciter des critiques de la part des acteurs miniers du pays. La Chine a, en effet, investi environ 21 millions de dollars canadiens dans le secteur minier du Canada entre 1993 et 2023, ses financements profitant principalement à de jeunes entreprises de petite ou moyenne tailles spécialisées dans l’exploration et le développement de nouveaux projets miniers. Le secteur minier accuse ainsi le gouvernement canadien de priver ces entreprises des liquidités chinoises sans véritablement compenser cette perte.
Pour pallier ces difficultés, il est urgent que l’Union européenne repense les lignes directrices relatives aux projets importants d’intérêt européen commun de manière à permettre aux États de subventionner des projets de sécurisation de leurs chaînes d’approvisionnement en ressources stratégiques, sans que cela ne soit contraire aux règles européennes sur les aides d’État. Pour l’heure, seul le TCTF permet de soutenir des projets d’équipement mais son application est prévue jusqu’en 2025 seulement et le dispositif n’a a priori pas vocation à être pérennisé.
Proposition n° 17 : Repenser les lignes directrices relatives aux projets importants d’intérêt européen commun pour permettre aux États membres de l’Union européenne de subventionner sur le long terme des projets de sécurisation de leurs chaînes d’approvisionnement en ressources stratégiques incluant les technologies déjà matures.
Un deuxième obstacle tient au fait que les projets miniers nécessitent des investissements capitalistiques importants. Couplés à des délais de construction très longs, ils sont exposés à la volatilité des taux d’intérêt. Leur remontée risque, en effet, de renchérir considérablement le coût de tels projets et d’avoir un effet d’éviction sur les potentiels investissements. Il est donc nécessaire que l’État ait les moyens d’intervenir en soutien des entreprises du secteur minier dans le cadre d’une stratégie industrielle nationale.
Proposition n° 18 : Créer un fonds souverain français notamment capable d’investir au sein de sociétés minières dans le cadre d’une stratégie industrielle nationale.
Au niveau national, la mobilisation de l’épargne des Français, même en infime quantité, permettrait également de dégager des fonds supplémentaires. Olivier Lluansi, ancien délégué aux Territoires d’industrie, propose, par exemple, la création de fonds régionaux, sous l’impulsion politique des conseils régionaux et avec des équipes professionnelles de gestion de fonds déjà présentes dans toutes les capitales régionales. L’objectif serait de créer une épargne territoriale permettant aux citoyens de développer leur territoire ou leur région. Certaines régions, comme la Bretagne, disposent déjà de dispositifs semblables mais ils sont encore trop petits et confidentiels.
Le rapporteur souscrit à cette idée car, en période budgétaire tendue, les investissements étatiques ne peuvent être la seule solution. C’est pourquoi il est indispensable que les Français puissent investir leur épargne dans le secteur des ressources naturelles stratégiques comme dans la réindustrialisation de notre pays à travers la création de produits d’épargne garantis par l’État avec une rémunération attractive. Il préfère cependant la création d’un fonds national en lieu et place de plusieurs fonds régionaux pour lui conférer une force d’action supérieure permettant d’intervenir dans des projets de plus grande envergure. L’épargne ainsi mobilisée pourrait être investie dans des projets extractifs, de raffinage et de transformation en France ou, si une ressource n’est pas disponible sur le territoire national, à l’étranger.
Proposition n° 19 : Favoriser l’investissement de l’épargne des Français dans les ressources naturelles et plus largement la réindustrialisation nationale par la création d’un produit d’épargne à rémunération attractive et garanti par l’État.
C. La stratégie actuelle doit être renforcée dans un souci de cohérence et de priorisation des enjeux
1. La réponse aux défis géopolitiques des ressources stratégiques doit passer par une réorganisation profonde des relations entre États consommateurs et producteurs
Le secteur des ressources stratégiques fait peu à peu l’objet d’une attention croissante de la part de différentes organisations et instances onusiennes, à l’instar des programmes des Nations unies pour l’environnement (UNEP) et le développement (PNUD), de l’OCDE, de l’AIE ou encore de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA). Toutefois, le partage d’informations entre ces organisations est rarement optimal, y compris entre agences onusiennes qui travaillent trop souvent en silo. Ce manque d’intégration et de coordination se double d’un défaut de coopération avec les acteurs non étatiques intéressés par le secteur et d’un manque de ressources financières et humaines allouées spécifiquement à ce domaine au sein d’organisations dont le champ d’action est souvent très large. Moins de dix personnes travaillent, par exemple, sur ces sujets au sein de l’AIE dont le mandat porte originellement sur les questions énergétiques et non sur l’ensemble des chaînes de valeur des ressources stratégiques ([148]).
Dans ce contexte, une réflexion prend forme sur l’opportunité de fonder une ou plusieurs instances internationales dédiées à ce sujet. La création d’une agence internationale des minerais est, par exemple, évoquée. Celle-ci pourrait être adossée à l’AIE, elle-même rattachée à l’OCDE, ou à l’ONU, voire à un G20 élargi ; l’enjeu est de mieux coordonner la politique des pays alliés pour se mettre d’accord sur des règles environnementales et sociales communes ou encore lancer de nouvelles coopérations. L’AIE avance sur ce sujet. Le financement d’une telle organisation reste néanmoins un sujet sensible : il pourrait reposer sur une taxe relative au commerce international des métaux, l’augmentation attendue des échanges dans ce domaine devant garantir la pérennité de l’institution. Sa réalisation se heurte toutefois aux tensions géopolitiques mondiales, en particulier entre la Chine et les États-Unis.
Par ailleurs, il convient de ne pas négliger le risque que l’accès aux ressources stratégiques devienne une source de compétition, voire de conflit, pour l’accès aux ressources, en particulier entre pays consommateurs. Le lancement presque simultané de plusieurs initiatives assurant une possible coopération interétatique (partenariat sur la sécurité minérale sous l’égide des États-Unis, alliance pour des minéraux critiques durables à l’initiative du Canada, club des matières premières critiques créé par l’Union européenne) témoigne d’une volonté commune de contenir cette menace. L’Union européenne pourrait dépasser le cadre de sa diplomatie de la Global Gateway pour développer des stratégies conjointes avec d’autres pays acheteurs, par exemple dans le cadre d’un G7 élargi au Japon, à la Corée du Sud et à l’Australie (G7+).
Quant à l’Union européenne, une vision ambitieuse de son action consisterait à ce qu’elle organise la renationalisation d’une partie des chaînes de valeur de ses États membres pour réduire la compétition et jouer sur des effets de complémentarité. Toutefois, une spécialisation des pays européens sur les différents matériaux critiques identifiés, en fonction des ressources disponibles sur leur territoire, que ce soit pour leur extraction ou pour leur raffinage, paraît aujourd’hui un objectif inatteignable. Chaque État membre de l’Union privilégiant nécessairement ses intérêts nationaux, la France doit faire de même et sortir d’une position que le rapporteur juge trop passive sur nombre de sujets. Il invite donc le gouvernement à jouer à bon escient – seul ou au sein de coalitions – de rapports de force politiques et économiques dans les négociations intergouvernementales ou avec la Commission européenne de manière à mieux défendre les intérêts français, en particulier lorsqu’il s’agit de la sécurité de nos approvisionnements en ressources stratégiques intrinsèquement liés à notre sécurité, qui doit être l’une de nos priorités.
À défaut, et pour dépasser la diversité des visions et approches du marché commun et des règles de libre-échange, il serait possible de promouvoir des alliances à géométrie variable au sein de l’Union : celles-ci pourraient couvrir des mesures de sauvegarde et droits antidumping, des coopérations industrielles ou encore le financement des productions et des technologies essentielles à notre modèle écologique et social, ainsi qu’à nos projets collectifs ([149]). Dans cette même perspective, le rapport de Mario Draghi consacré à la compétitivité européenne ([150]) propose la mise en place d’une plateforme dédiée au CRM Act qui agrégerait la demande des États membres et permettrait, par exemple, de coordonner la négociation d’achats communs de matériaux critiques, sur le modèle utilisé par la Corée du Sud et le Japon.
Proposition n° 20 : Mieux défendre les intérêts et positions de la France au sein des institutions européennes dans le cadre des négociations intergouvernementales sans exclure le recours à un rapport de force lorsque cela est nécessaire.
Proposition n° 21 : Promouvoir, à l’échelle européenne, des alliances à géométrie variable sur les ressources stratégiques de manière à dépasser les oppositions entre États membres sur l’application de règles antidumping et le soutien à accorder à des projets industriels.
Les industriels eux-mêmes mènent ponctuellement des actions de coopération. En 2021, le groupe Daimler, propriétaire du constructeur allemand Mercedes‑Benz, est ainsi entré au capital d’Automative Cells Company (ACC), coentreprise de TotalEnergies et Stellantis, à hauteur de 33 % pour la fabrication de batteries. Cet accord devrait permettre des économies d’échelles et une sécurisation des approvisionnements pour les constructeurs automobiles. Toutefois, comme au niveau étatique, il est peu probable que ces coopérations puissent se généraliser en raison de la forte concurrence existante entre industriels ([151]).
b. Quels partenariats pour l’avenir ?
Les stratégies française et européenne consistent à trouver de nouveaux partenaires pour diversifier leurs chaînes d’approvisionnement. Le rapporteur soutient cette démarche, qui doit se poursuivre et s’accélérer dans les années à venir.
Lors de son déplacement en Suède, il a pu constater que le contexte était favorable à la dynamisation de la coopération franco-nordique à tous les niveaux de la chaîne de valeur. La présence de grands projets miniers et para‑miniers dans la zone nordique, la volonté d’intensification et d’accélération de ces projets, ainsi que la multiplication des signatures d’accords stratégiques dans ce domaine sont vecteurs de mobilisation. Les pays nordiques souhaitent, en effet, augmenter l’extraction des métaux rares sur leur territoire afin de réduire la dépendance européenne à l’égard des importations en provenance d’Asie. Aussi développent-ils de plus en plus de partenariats entre acteurs publics et privés.
La première stratégie minière de la Suède a été publiée en 2013 par le ministère des entreprises, de l’énergie et des communications (Sweden’s Minerals Strategy – For sustainable use of Sweden’s mineral resources that creates growth throughout the country). Depuis, aucun nouveau document gouvernemental n’est paru, sans doute du fait de la présence des Verts au sein de la coalition dite rose‑verte au pouvoir entre 2014 et 2021. Pour le gouvernement de droite en place depuis plus de deux ans, le déploiement d’une nouvelle stratégie minière serait une priorité nécessaire pour positionner le pays comme leader des technologies de la transition écologique. Si la définition de cette nouvelle stratégie est encore en cours, le pays a commencé à infléchir sa politique. En 2021, le gouvernement a chargé le SGU et l’agence suédoise pour la protection de l’environnement (SNV) de développer des opportunités d’extraction, ainsi que des projets de recyclage et de réutilisation des minéraux et des métaux ; un budget de près de 2,5 millions d’euros y a été consacré entre 2021 et 2022. La mission s’est concentrée en grande part sur les métaux et minerais figurant sur la liste des matières critiques de l’Union européenne considérées comme essentielles à l’économie verte. De même, le budget global du SGU pour 2024 connaît une augmentation de 24 % : il atteindra près de 37 millions d’euros en 2024 contre 30 millions d’euros en 2023. Le SGU organisera par ailleurs « une chasse nationale aux minéraux pour les particuliers » à la demande du gouvernement suédois, au cours de l’année 2025, avec, à la clé, des prix récompensant la découverte de nouveaux minerais.
Dans ce cadre, la Suède est ouverte aux collaborations internationales et un partenariat avec la France est souhaitable. Il paraît d’autant plus plausible que la Suède se tourne désormais davantage vers la France et l’Allemagne suite au Brexit, alors que le Royaume-Uni était traditionnellement son partenaire privilégié au sein de l’Union. Le pays souhaite également attirer les investissements directs étrangers pour ouvrir de nouvelles mines sur son territoire : il s’agit là d’une priorité nationale. En effet, le sous-sol suédois est aussi riche que celui du Canada mais les volumes d’investissements étrangers y sont inférieurs, notamment pour la phase d’exploration plus risquée. Seulement 3 % des investissements mondiaux dans l’exploration minière sont réalisés en Europe en dépit du grand potentiel minier du continent. La qualité des infrastructures (réseaux électrique, routier et ferroviaire) doit être renforcée pour promouvoir les projets miniers. La législation va également être simplifiée pour attirer les investissements étrangers.
Le partenariat stratégique franco-suédois d’innovation pour des sociétés durables, numériques et résilientes signé par le président de la République, Emmanuel Macron, et le premier ministre, Ulf Kristersson, le 30 janvier 2024, contient un volet dédié à la coopération sur les matières premières stratégiques et les mines. Celui-ci doit se déployer d’ici deux ans. Les projets industriels de LKAB (Reemap et Hybritt), Northvolt et H2 Green Steel font l’objet de collaborations avec les industries françaises automobile, ferroviaire et aéronautique. Suite à la rencontre entre le ministre français alors en charge de l’économie, Bruno Le Maire, et le président de LKAB, le 28 avril 2023, l’entreprise aurait également engagé des discussions avec des industriels français, notamment Renault et Stellantis via Euromines, pour coopérer sur la sécurisation de la chaîne d’approvisionnement européenne en terres rares. La participation française au capital de certaines entreprises suédoises, qui développent des projets autour de la chaîne de valeur des matières premières critiques, ou le renforcement des investissements suédois en France sont des sujets de réflexion pour l’avenir.
LKAB : la première entreprise minière de Suède
La société LKAB (Luossavaara-Kirunavaarra Aktiebolag) est fondée en 1890 dans le nord de la Suède. Elle est entièrement détenue, depuis 1976, par l’État suédois. L’entreprise s’internationalise dès 1902 grâce à la création d’une ligne de chemin de fer assurant le transport de produits miniers de la ville de Luleå vers Narvik, en Norvège. Forte de ses cinq mille deux cents employés et d’un chiffre d’affaires net de 43 milliards de couronnes suédoises en 2023 (environ 3,7 milliards d’euros), la société dispose de dix‑neuf sites miniers situés dans douze pays en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. Toutefois, l’essentiel de ses activités se concentre en Suède – son siège social se trouve à Luleå – et au Royaume‑Uni ; sa production minière est principalement localisée en Laponie.
L’activité de LKAB concerne aujourd’hui essentiellement l’exploitation, le traitement et le transport du minerai de fer : Kiruna et Malmberget sont les deux plus grandes mines souterraines du monde avec une extraction quotidienne équivalente à la construction de respectivement 6,5 et 4,5 Tours Eiffel. Les mines exploitées par l’entreprise ont une forte emprise sur leur environnement urbain. L’extension de la mine de Kiruna nécessite ainsi le déplacement d’une partie de la ville, qui concerne près de six mille personnes, à trois kilomètres plus à l’Est : ces travaux gigantesques, débutés en 2004, devraient s’achever en 2035. LKAB participe activement à ce déménagement en finançant le rachat de terrains et en proposant de nouveaux logements aux habitants déplacés.
Alors que la mine de Kiruna devait fermer en 2035, la découverte du nouveau gisement dit de Per Geijr, riche en terres rares, fer et phosphore, devrait permettre à la mine de fonctionner au moins jusqu’en 2060. Il devrait même s’agir d’un des plus grands gisements d’Europe.
L’entreprise est toutefois confrontée à plusieurs défis, qui pourraient entraver son développement futur. D’abord, le ralentissement économique mondial susceptible d’entraîner une baisse de la consommation mondiale d’acier et donc une réduction de la demande en minerai de fer. Ensuite, un manque de main-d’œuvre qualifiée et la faible attractivité des conditions de vie dans le nord de la Suède : 30 % des employés de LKAB vivent dans le sud du pays et multiplient les allers-retours dans le Nord pour assurer leur rotation au sein de l’usine pour une période de sept jours (flying in, flying out). Enfin, la faiblesse des infrastructures ferroviaires pèse sur ses activités : alors que 50 millions de tonnes de minerais et 25 millions de tonnes de produits finis transitent, chaque année, par la voie ferroviaire (LKAB représente 44 % de l’ensemble des flux ferroviaires de la Suède ([152])), celle-ci demeure mal entretenue faute d’investissements suffisants, causant le déraillement fréquent des trains qui l’utilisent. Un déraillement survenu en cours de l’hiver 2023 a ainsi abouti à la paralysie du transport ferroviaire pendant soixante‑seize jours : l’obligation de stocker près de trois mois de production, soit environ 700 millions d’euros de minerais, a engendré une perte de bénéfice de 150 millions d’euros pour l’entreprise.
En Finlande, de nombreux projets de coopération minière ont été conclus dans le domaine de la recherche et entre acteurs privés. Ainsi, des institutions telles que le BRGM, le CEA, le laboratoire génie industriel de CentraleSupélec et l’université de Lorraine collaborent, par exemple, avec le bureau géologique finlandais. Quant à l’entreprise métallurgique Terrafame, elle a signé plusieurs accords avec des industriels français. Elle a ainsi conclu un mémorandum d’entente avec le groupe Renault, en août 2021, suivi d’un accord pluriannuel de fourniture de sulfate de nickel bas-carbone entièrement traçable pour les véhicules électriques (environ 200 000 véhicules par an). L’entreprise a également signé un accord avec le groupe Stellantis, en janvier 2023, pour la fourniture de sulfate de nickel bas‑carbone destiné aux véhicules du groupe à l’horizon 2025-2030.
En dehors des frontières de l’Union européenne et dans son voisinage immédiat, la Norvège est un pays clé pour la production de matières premières critiques. En ce sens, il est judicieux de poursuivre le travail entamé avec ce pays par l’Union européenne. Les deux parties ont conclu, en avril 2023, une « Alliance verte », laquelle couvre notamment ce sujet. Un an plus tard, en avril 2024, elles ont signé un protocole d’accord sur un partenariat stratégique visant à faciliter les projets d’investissements communs, une coopération en matière de recherche et d’innovation, l’application de normes et de pratiques exigeantes sur les plans environnemental et social, et le développement de compétences dans les secteurs des matières premières et des batteries.
Parmi les autres pays avec lesquels la France et l’Union européenne peuvent coopérer dans leur entourage immédiat, on peut penser au Royaume-Uni, qui s’est doté d’une stratégie sur les minerais critiques pour les vingt-cinq prochaines années en 2022. Londres bénéficie incontestablement de la présence sur son territoire de la London Metal Exchange, ainsi que de son rôle actif au sein du partenariat pour la sécurité des minéraux ([153]).
D’autres partenariats sont en cours d’approfondissement. La visite d’État du président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, à Paris en avril 2024, a été l’occasion de poursuivre la mise en œuvre du partenariat franco‑congolais sur les métaux critiques. La France a ainsi rappelé sa volonté que le BRGM aide le pays à cartographier ses ressources minières et travaille de concert avec la Gécamines sur un projet de prospection des résidus miniers dont dispose l’entreprise. Elle a également réitéré son engagement à la création d’une plateforme et d’un mécanisme de traçabilité de tous les minerais pour lutter contre les trafics de ressources critiques, à l’instar du processus de Kimberley pour le commerce de diamants.
Les obstacles à surmonter demeurent toutefois importants dans le pays : manque d’infrastructures, accès limité à l’électricité sur l’ensemble de son territoire ([154]), environnement des affaires très défavorable (corruption généralisée et d’ampleur massive, pression fiscale pesant sur les entreprises, fermeture des comptes bancaires des expatriés dans leur pays d’origine), mauvaise image du pays dont l’ensemble de l’activité extractive est associé au travail des enfants et aux destructions environnementales, et conditions sécuritaires dégradées. Ce sont autant d’éléments qui contraignent les opportunités futures de développement. Renault a ainsi préféré signer un contrat d’approvisionnement en cobalt avec le groupe marocain Managem en 2022 – qui alimente déjà BMW – plutôt qu’avec la République démocratique du Congo, dont le respect des règles ESG ne lui semblait pas satisfaisant. Cet accord vient également compléter les investissements du groupe français au Maroc, où il est déjà bien implanté avec deux usines de voitures près de Tanger et de Casablanca. Enfin, la France dispose, pour l’heure, d’un faible nombre de sociétés extractives, et ce d’autant plus si l’on s’intéresse à celles présentes sur le marché du cuivre, ce qui obère ses capacités d’investissements dans le pays.
Pour autant, la France ne doit nullement se détourner du pays. Plusieurs types de coopérations sont, en effet, possibles. Tout d’abord, poursuivre les partenariats en termes de formation du personnel congolais (étudiants, géologues, ingénieurs et personnels miniers) de manière à renforcer l’expertise du pays dans un domaine majeur pour son économie, 40 % du budget national provenant des recettes minières générées sur son territoire. La France dispose d’un avantage comparatif que lui confère le partage de la langue française et peut bénéficier du fait que le transfert de compétences et de capacités n’est nullement investi par les Chinois et les Américains. Pour être efficace, cette politique doit toutefois être continue afin d’éviter de financer des formations ponctuelles ne jouissant d’aucun suivi sur le temps long.
Si aucune entreprise minière française n’a vocation, pour l’heure, à s’installer en République démocratique du Congo, dont le marché est déjà occupé par de grands groupes avec lesquels il est difficile de rivaliser, la France pourrait utilement investir deux secteurs. D’une part, celui de l’énergie, dont le développement est la condition même à l’expansion des activités extractives et industrielles du pays. La France possède, en effet, un savoir-faire reconnu et de grandes entreprises nationales : les opportunités sont légion dans un pays manquant cruellement d’électricité, alors même que ses réserves hydro-électriques semblent infinies. D’autre part, des activités en aval de la chaîne de valeur, conformément aux souhaits des autorités congolaises de nationaliser une partie de la transformation des ressources stratégiques. Dans cette perspective, le pays s’est doté, en décembre 2022, d’un conseil congolais de la batterie et a signé avec les États-Unis et la Zambie un mémorandum d’entente pour développer une chaîne de valeur intégrée pour la production de batteries de véhicules électriques sur son territoire. Une note du Parlement européen ([155]) souligne que l’initiative Global Gateway pourrait être mobilisée pour accompagner ce type de projet, qui requiert des investissements colossaux dans les transports, les énergies renouvelables et l’éducation. Si ce projet est encore insuffisamment abouti pour le soutenir, la France pourrait du moins trouver des opportunités à des étapes intermédiaires de transformation, par exemple pour la fabrication de câbles métalliques.
L’approfondissement du partenariat économique franco-congolais dans le domaine minier, de l’énergie ou encore des transports pourrait également prendre la forme d’entreprises à capitaux mixtes franco-congolais incluant éventuellement d’autres partenaires. Ces joint-ventures sont déjà utilisées par les Chinois présents en République démocratique du Congo. Elles ont l’avantage d’être plus attractives pour les partenaires congolais tout en permettant une implantation économique durable des acteurs français. Elles assurent également la possible inclusion d’autres pays partenaires aux projets menés, afin de leur conférer davantage de moyens et de portée politique, et ce, malgré le climat des affaires dégradé.
Proposition n° 22 : Explorer la possibilité de création au sein des pays producteurs de ressources stratégiques comme la République démocratique du Congo d’entreprises à capitaux mixtes dans le domaine minier, de l’énergie ou des transports pour permettre aux investissements français d’être plus attractifs par rapport à ceux de la Chine et des États-Unis. Ouvrir ces entreprises à d’autres pays partenaires afin de renforcer la portée politique et l’envergure des projets ainsi financés.
Par ailleurs, la France pourrait utilement accompagner la République démocratique du Congo dans l’amélioration de son cadre de gouvernance, en particulier s’agissant de la lutte contre la corruption, et le perfectionnement des normes environnementales et sociales par l’ensemble du secteur minier. Dans le premier cas, certaines initiatives locales existent, à l’instar de l’ITIE, qui travaille à promouvoir la transparence et la redevabilité dans la gestion des ressources naturelles du pays. Un soutien accru à ce type de programme pourrait s’avérer pertinent. Dans le second cas, notre pays peut se concentrer sur deux priorités. D’abord, le soutien à la construction de standards de certification pour l’ensemble des chaînes de valeur du pays, qui est l’un des mandats de l’ARECOMS, créée en 2019 et compétente pour une liste restrictive de substances minérales stratégiques définie par décret incluant le coltan, le germanium et le cobalt, mais dont l’action peine encore à se concrétiser. Elle pourrait œuvrer, dans ce même cadre, à élaborer des règles internationales permettant de lever les inquiétudes des parties congolaises accusant le Rwanda de piller les ressources du pays : le centre Carter ([156]) propose ainsi de déterminer, en fonction d’une évaluation des ressources du Rwanda, un seuil au‑delà duquel les exportations rwandaises ne semblent plus correspondre à l’état de ses ressources et de ses moyens extractifs. Une telle piste pourrait être explorée utilement. Enfin, la France gagnerait à soutenir la structuration du secteur minier artisanal du pays, principalement développé à l’Est, qui couvre non seulement le cobalt mais aussi, et surtout, les 3T. Une initiative en ce sens a été lancée à travers la création, en 2019, de l’entreprise générale du cobalt (EGC), qui aura le monopole et le contrôle du cobalt issu de l’exploitation artisanale en République démocratique du Congo ; l’entreprise n’est toutefois pas encore opérationnelle.
Quelles que soient les options retenues, le rapporteur considère qu’il est préférable de se concentrer sur un soutien d’envergure à un nombre restreint de projets aux objectifs et aux contours clairement définis en amont plutôt qu’à un « saupoudrage » de nos moyens sans impact décisif sur le terrain. La France peut s’appuyer, pour soutenir sa politique, sur son nouveau fonds d’investissement Infravia, qui pourrait être mobilisé à cet effet, mais aussi sur l’AFD dont le mandat intègre désormais le secteur minier et pourrait ainsi couvrir des projets liés à la construction d’infrastructures de transport ou énergétique, au renforcement du cadre de gouvernance et à l’accompagnement de la nationalisation des étapes de transformation des chaînes de valeur congolaises. L’aide au développement pourrait donc contribuer à la sécurisation des approvisionnements français en ressources stratégiques en conditionnant partiellement le soutien français à des projets miniers ou à la construction d’infrastructures de transport associés à la vente d’une partie de la production de ressources du pays concerné à la France.
Proposition n° 23 : Conditionner une partie du soutien financier français par le biais de l’aide publique au développement dans le domaine minier à la vente d’une part minimale de la production nationale en ressources stratégiques de l’État concerné à la France.
Du côté de l’Union européenne, les priorités pourraient être les mêmes, grâce à la mobilisation de la BEI et des moyens associés au CRM Act, dont la mise en œuvre repose sur le soutien à des projets stratégiques dans et hors de l’Union européenne. Il est urgent que certaines réalisations concrètes apparaissent dans ce cadre, la conclusion d’un mémorandum d’entente avec le pays n’ayant abouti à aucun projet pour l’heure, au grand dam des autorités congolaises. En termes de stratégie, il est nécessaire que l’Union européenne avance de manière groupée pour peser face à des groupes industriels et des intérêts étrangers disposant de moyens considérables. De même, l’Union doit éviter de se disperser et concentrer son action sur quelques projets phares et le soutien à des partenariats existants, portés par ses États membres. Outre l’accord du BRGM avec le service géologique national congolais et la Gécamines, d’autres initiatives peuvent être mentionnées. La société espagnole Xcalibur a été mobilisée dans le cadre d’un projet de cartographie géophysique et géologique de quelques blocs miniers sélectionnés en vue de l’exploration et de la certification des ressources minières congolaises. De même, un accord a été signé en mai 2024 entre la société belge Umicore et la compagnie congolaise STL, filiale de la Gécamines, pour recycler du germanium issu des rejets miniers du terril de Lubumbashi dont les premiers volumes produits devraient être livrés à la fin de l’année 2024 ([157]).
Plus largement et quel que soit le pays considéré, il sera nécessaire d’envisager une diplomatie des matières premières flexible et réactive, capable de s’adapter aux contextes locaux, fondée sur des partenariats durables et équitables assurant un meilleur partage de la valeur ajoutée pour éviter de reproduire des schémas de dépendance et de rejets déjà identifiés.
Proposition n° 24 : S’assurer que l’ensemble des partenariats conclus par la France sur les ressources stratégiques préservent les intérêts nationaux, permettent d’assurer l’approvisionnement de nos industries tout en s’inscrivant dans une démarche de co‑développement.
Enfin, aux niveaux français comme européen, il est urgent que notre diplomatie se dote des moyens humains nécessaires pour porter sa politique en nommant des experts au sein des ambassades et des délégations de l’Union européenne des pays ciblés comme prioritaires pour notre stratégie. Le rapporteur a, en effet, constaté avec surprise la faiblesse des moyens mobilisés en République démocratique du Congo. La délégation de l’Union européenne n’y compte que deux spécialistes travaillant spécifiquement sur les questions minières avec l’aide de quelques experts présents dans les ambassades des États membres, dont la France.
Proposition n° 25 : Renforcer la présence d’experts sur les ressources stratégiques au sein des ambassades dans les pays cibles de notre diplomatie.
La conclusion de ces partenariats n’obère cependant pas deux questions. D’une part, celle de la redéfinition de nos relations avec la Chine, qui demeurera, pour longtemps encore, la clé de voûte du marché des ressources stratégiques, des chaînes de valeur associées et de leur consommation. La diversification des partenariats ne pourra remplacer la poursuite d’un dialogue constructif et pragmatique avec Pékin sur ce sujet et, plus globalement, sur les grandes problématiques du XXIe siècle, depuis la lutte contre le réchauffement climatique jusqu’à la non-prolifération nucléaire en passant par la promotion d’un ordre économique mondial plus stable.
Pour y parvenir, il est nécessaire de ne pas s’enfermer dans une logique inutilement confrontationnelle, calquée sur celle de Washington, tout en se montrant lucide et extrêmement exigeant dans nos relations avec cette superpuissance comme avec l’ensemble de nos partenaires. C’est du reste la démarche déjà engagée par de nombreux États. Si les États-Unis et le Canada cherchent à rompre leurs échanges avec la Chine dans une logique de découplage, pour ne pas affaiblir leurs industries naissantes, soutenues par des subventions et des dispositifs fiscaux sans commune mesure avec ce qui existe au sein de l’Union européenne, cette dernière entend davantage « européaniser » les investissements chinois sur son territoire ([158]). Les instances de dialogue demeurent d’ailleurs actives à l’instar de la tenue, en février 2024, d’un Industrial Dialogue and Consultation Mechanism entre la Chine et l’Union européenne, auquel a assisté un groupe de travail sur le CRM Act. Au cours de cette réunion, le directeur général de la direction générale du marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des petites et moyennes entreprises (DG Grow) et le ministre chinois de l’industrie et des technologies de l’information ont convenu de la mise en place d’un système de signalement précoce (Early Warning System) des risques d’approvisionnement touchant certains matériaux critiques, ainsi que de la poursuite du partage d’informations sur les perturbations affectant leurs chaînes d’approvisionnement respectives ([159]). De même, des acteurs chinois investissent dans des gigafactories en Hongrie et en Allemagne et déploient désormais aussi des partenariats industriels avec Orano en France : dans ce dernier cas, Orano s’est associé à la société chinoise XTC New Energy Materials, le 30 septembre 2022, pour la construction, à partir de 2026, de trois usines de production et de recyclage de matériaux de cathodes de batteries dans les Hauts‑de‑France. L’objectif d’ici à 2030 est de couvrir environ 10 % des besoins du marché européen pour la production de précurseurs et de matériaux actifs de cathodes, ainsi qu’en recyclage des rebuts de production des usines de ces matériaux, des gigafactories et des batteries en fin de vie. Cette démarche a un sens au regard de l’intensité de la compétition internationale et de la maîtrise technologique dont la Chine dispose : elle permet à cette dernière de pénétrer le marché européen et à la France de bénéficier du savoir‑faire chinois. Elle doit toutefois être assortie d’une clarification de notre doctrine à l’égard de la Chine au sujet de nos échanges commerciaux pour s’assurer que ce type de partenariat serve véritablement les intérêts de notre pays.
Proposition n° 26 : Clarifier les termes du partenariat économique que la France entend maintenir avec la Chine de manière à optimiser les investissements chinois sur notre territoire tout en renforçant nos exigences à son égard.
Par ailleurs, il est essentiel d’instaurer, au niveau européen, des mesures de protection de notre industrie de véhicules électriques pour pallier la concurrence déloyale de la Chine, qui subventionne activement son marché (la Commission européenne estime que ces subventions représentent en moyenne 21 % du chiffre d’affaires des constructeurs). Il est positif que l’Union européenne ait enfin décidé, à partir du 31 octobre 2024 et pour cinq ans, d’imposer aux exportateurs de véhicules installés en Chine – qu’ils soient chinois, européens comme BMW, ou américains comme Tesla – un droit compensateur à hauteur des aides qu’ils ont reçues en Chine, et ce, en plus des droits de douane déjà en place de 10 %. Les taux des surtaxes ont été ajustés en fonction du niveau de soutien public obtenu par les industriels. Ainsi, Tesla a un taux de 7,8 %, BYD de 17 %, Geely de 18,8 % et SAIC, le constructeur de Shanghai qui commercialise la marque britannique MG en Europe, une surtaxe de 35,3 %. Le taux applicable aux autres constructeurs s’élève à 20,7 %. Pour rappel, l’Union européenne est loin d’être isolée dans cette démarche. En mai 2024, les États-Unis ont annoncé porter leurs droits de douane de 25 % à 100 % sur les véhicules électriques chinois, mesure entrée en vigueur le 27 septembre 2024. De même, la Turquie a annoncé, le 8 juin 2024, qu’elle les soumettrait à un prélèvement de 40 %. Quant à l’Inde, elle applique des taxes allant de 70 % à 100 % selon les modèles de véhicules ([160]). Il ne s’agit nullement de mener une politique inutilement agressive ; ces mesures sont d’ailleurs compatibles avec le cadre juridique posé par l’OMC, puisqu’elles visent à réparer une distorsion de concurrence. Il n’y a, en effet, aucun sens à s’imposer le respect des règles de la compétition loyale quand tous les autres acteurs s’en affranchissent aisément, au risque de pénaliser lourdement nos entreprises et notre économie. Le rapporteur pense ainsi que l’Union européenne pourrait imposer des mesures tarifaires équivalentes à celles mises en œuvre par les autres grandes puissances économiques identifiées. La différence de taux en défaveur de l’Europe paraît d’autant plus incohérente que les coûts de production sont comparativement élevés au sein de l’Union européenne, surtout dans les États membres les plus riches, et que les filières des batteries et des véhicules électriques ne sont qu’au début de leur développement. La mise en place d’une protection tarifaire pourrait accélérer et faciliter leur expansion.
Proposition n° 27 : Mettre en place des barrières tarifaires plus robustes afin de mieux réduire les distorsions de concurrence existantes et de protéger le développement des filières naissantes des batteries et des véhicules électriques au sein de l’Union européenne.
D’autre part, ce sont les relations avec l’ensemble des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) élargis (BRICS +) qu’il faudra repenser. En effet, l’entrée de l’Arabie saoudite, de l’Égypte, des Émirats arabes unis, de l’Éthiopie et de l’Iran dans ce format marque la constitution d’un véritable club des matières premières et stratégiques, sans même compter l’intégration possible d’États comme la République démocratique du Congo, le Chili ou l’Indonésie dans les années à venir ([161]). Ces pays poursuivent, en effet, des politiques semblables en termes de ressources stratégiques et tentent de renforcer leurs positions sur le marché international. L’Arabie saoudite prépare activement l’ère de l’après-pétrole en développant une industrie minière domestique, en stimulant les investissements directs à l’étranger sur son territoire, ou en lançant de nouveaux partenariats afin de devenir un pivot régional des échanges énergétiques et métalliques. Elle a ainsi annoncé sa prise de participation dans le groupe brésilien Vale via son entreprise minière Manara, de manière à sécuriser ses approvisionnements en lithium et en nickel. Tous les pays des BRICS+ ont, par ailleurs, mis en place des restrictions à l’exportation de métaux allant de taxes à l’exportation jusqu’à leur interdiction totale. Si ces politiques devaient être coordonnées, elles pourraient nuire à la sécurité énergétique de l’Europe et des États-Unis, en termes d’approvisionnement comme sur le plan technologique ([162]). Il s’agit donc là d’un point de vigilance pour l’avenir.
Proposition n° 28 : Porter une attention particulière aux relations de la France et, plus largement, de l’Union européenne avec les pays membres du groupe des BRICS +, qui constituent désormais un véritable club des matières premières et stratégiques.
Les BRICS, DES RéSERVOIRS à matières premières critiques
Source : Infographie Le Monde, 2023.
c. Anticiper un possible « choc » de l’offre de ressources stratégiques
La multiplication des mesures de rétorsions appliquées à l’exportation de ressources stratégiques, notamment pratiquées par la Chine, et demain peut-être par de nouveaux États producteurs, doit conduire la France à mieux se préparer à la survenue d’une possible crise de l’offre. Ce travail d’anticipation doit nécessairement inclure le renforcement du stockage de ressources stratégiques, en amont de la chaîne de valeur, ainsi que le développement sur notre territoire du raffinage de ces ressources pour éviter d’accumuler une matière brute inexploitable en cas de rupture des chaînes d’approvisionnement. Une telle rupture peut résulter de tensions géopolitiques et de mesures de rétorsions commerciales mais aussi d’une perturbation du transport international de marchandises en cas de blocage du canal de Suez ou d’actes de piraterie dans le golfe d’Aden, par exemple.
Le rapporteur prône donc un renforcement de la stratégie de constitution de stocks de ressources stratégiques, qui doivent aller au-delà des seuls besoins de l’industrie et de la défense pour couvrir ceux de l’ensemble de notre économie. Une telle initiative doit être rapide ; il n’est nullement besoin d’attendre la survenue d’une crise comparable au choc pétrolier de 1973 pour agir. L’ensemble des industriels, au-delà du seul secteur automobile dont la prise de conscience a été permise par les ruptures d’approvisionnement en semi-conducteurs intervenues lors de la crise de la Covid-19, doivent prendre en compte les risques associés à leur dépendance à quelques exportateurs étrangers de ressources stratégiques.
Proposition n° 29 : Établir une stratégie nationale de constitution de stocks et de création de capacités de raffinage de ressources naturelles stratégiques qui couvrirait les besoins, pour une période donnée, des industries civiles considérées comme vitales.
2. Quel avenir pour notre modèle de consommation ?
a. L’efficacité énergétique et le progrès technologique au service de l’optimisation de nos modes de consommation
Parmi les multiples freins identifiés à la réalisation de projets d’exploitation minière, la rapidité de l’évolution des technologies utilisées par les industriels joue un rôle central. En effet, les procédés de fabrication changent sans cesse et, avec eux, les ressources stratégiques mobilisées. Une technologie peut devenir rapidement obsolète, mettant un terme à la demande de certaines ressources. L’industrie minière est ainsi amenée à prendre un risque en pariant sur certaines technologies, risque d’autant plus grand que la réalisation d’un projet minier prend du temps : le temps de l’industrie minière n’est donc pas celui de l’innovation, elle‑même motivée par des considérations d’ordres économique, technique, de disponibilité des minerais et métaux ainsi que de durabilité.
À cet égard, la maîtrise des technologies du futur, s’agissant des batteries par exemple, est fondamentale tant elle façonne l’avenir de notre industrie. De ce point de vue, il est inquiétant de constater que la France et, plus largement, l’Union européenne ont pris du retard sur les États-Unis et à la Chine. Il est donc essentiel pour les pouvoirs publics et les industriels français et européens d’investir massivement dans la recherche et de favoriser toute forme de coopération en la matière autour des universités, instituts et centres de recherche, pouvoirs publics et industriels concernés.
Des alternatives à l’extrême dépendance à certains métaux commencent à voir le jour. L’Allemagne tente, par exemple, de développer l’hydrogène même s’il est très énergivore et nécessite la construction d’infrastructures lourdes à l’instar de pipelines. Par ailleurs, dans le secteur industriel, différentes solutions existent. L’allongement de la durée de vie des équipements peut être encouragé par une augmentation de la durée légale de garantie, une meilleure réparabilité et un réemploi facilité de ces derniers ; il peut être également promu par l’accélération et l’accroissement de l’ambition des réglementations européennes sur l’écoconception et l’étiquetage des appareils, la durabilité et la performance énergétique des produits. Le développement d’une véritable politique de recyclage peut aussi s’inscrire dans ce cadre.
b. Le recyclage : entre espoirs et mirages
Le recyclage des ressources stratégiques constitue un instrument utile pour améliorer la sécurisation des chaînes d’approvisionnement et promouvoir une forme d’autonomie stratégique. Les métaux critiques ont, en effet, l’avantage sur les énergies fossiles de pouvoir être recyclés sans perdre leurs qualités intrinsèques. S’il est acquis que le recyclage ne répondra pas à l’ensemble des besoins en métaux critiques, il pourrait tout de même représenter jusqu’à 20 % des futurs produits, là où, pour certains matériaux, le taux de réintroduction est actuellement très faible ([163]). Il s’agira toutefois nécessairement d’un outil de long terme.
Ses avantages sont multiples. Il assure une amélioration du bilan environnemental de pays disposant d’importantes ressources ([164]) et représente une opportunité pour des pays pauvres en ressources mais disposant de stocks conséquents de biens de consommation. Il permet de réduire les coûts associés à l’importation de ressources stratégiques à l’étranger à condition, du moins, que cette activité soit localisée à proximité des gisements de produits à recycler ou des entreprises de fabrication d’équipements. Intégré aux filières de production d’équipements dans une logique de circuit court, il assure la création d’emplois, l’accélération de la réindustrialisation de certains territoires ainsi que l’amélioration de l’acceptabilité des projets miniers.
Aussi le recyclage est-il peu à peu intégré aux stratégies nationales et européennes. Le CRM Act prévoit, par exemple, un objectif de couverture des besoins annuels de l’Union en métaux critiques par le seul recyclage à hauteur de 15 %. Diverses initiatives de recyclage sont aujourd’hui menées. En Suède, LKAB développe, en collaboration avec l’entreprise norvégienne Reetec, un projet de recyclage et de traitement des déchets miniers, intitulé ReeMAP, qui devrait voir le jour dès le début de l’année 2029 et qui représente un montant d’investissements d’un milliard d’euros. Selon le groupe, ce projet pourrait offrir un potentiel de production d’oxydes de terres rares couvrant 30 % de la demande actuelle européenne, cinq fois la demande suédoise en engrais minéraux et jusqu’à 100 % pour certaines terres rares spécifiques. Quant à l’usine Revolt, construite par le fabricant suédois de batteries Northvolt sur son site de Skelleftea, elle devrait permettre d’utiliser 50 % de matériaux recyclés dans sa production de cellules de batteries électriques d’ici à 2030.
Le plan France 2030 consacre, quant à lui, un milliard d’euros d’investissements pour déployer des projets de production et de recyclage des métaux critiques sur le territoire national et assurer ainsi la résilience des chaînes d’approvisionnement de l’industrie française. Ce plan intègre une stratégie d’accélération Recyclabilité, recyclage et réincorporation des matériaux structurée autour de quatre priorités : la recyclabilité des produits mis sur le marché, la collecte et le tri des produits en fin de vie, la production des matières premières de recyclage et la réincorporation des matières premières recyclées dans de nouveaux produits. Dans ce cadre, le gouvernement français a lancé un premier appel à contributions, le 10 janvier 2022, pour faire émerger des projets de production, de raffinage ou de recyclage de ces matériaux critiques. Plusieurs projets d’envergure voient le jour : outre l’alliance entre Orano et XTC déjà mentionnée, on peut évoquer l’initiative de l’entreprise lyonnaise Carester, qui entend créer un site de production d’aimants permanents à partir de terres rares et leur recyclage à Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques.
Toutefois, le développement du recyclage se heurte, pour l’heure, à divers obstacles. La constitution de véritables filières de collecte représente un coût important, qui peut être en partie optimisé par le rapprochement de la localisation des centres de collecte, de manière à réduire les coûts de transport. La principale difficulté tient néanmoins à l’incertitude qui entoure l’évolution du marché de certains biens comme celui des véhicules électriques. Si ces derniers représentent aujourd’hui environ 13 % des ventes de véhicules, les quantités de batteries électriques usagées sont encore très faibles et pourraient, de fait, ne pas être suffisantes pour inciter les industriels à investir dans les filières de recyclage ; le recyclage des batteries ne pourra, du reste, intervenir pleinement avant 2030, le temps que les premières générations de batteries électriques arrivent en fin de vie. Plus globalement, le tri et la collecte des biens sont encore relativement peu intégrés à nos modes de vie et gagneraient donc à être développés rapidement pour ancrer cette culture du recyclage dans les mœurs. Pour preuve des incertitudes pesant sur le marché du recyclage, le groupe Eramet a décidé de suspendre, le 24 octobre 2024, son projet d’usine de recyclage de batteries d’automobiles électriques qui devait être mis en service en 2027, à Dunkerque (Nord), à proximité des futures gigafactories de batteries pour voitures électriques Verkor et Prologium. Si le projet n’est pas abandonné, la présidente-directrice générale d’Eramet explique sa décision par les fortes incertitudes pesant à la fois sur l’approvisionnement en matières premières de l’usine et sur les débouchés des sels métalliques issus du recyclage ([165]).
Il existe également une contrainte technique au recyclage : la complexité des objets et la miniaturisation en compliquent la réalisation voire le rendent impossible du fait de la présence de minuscules quantités de métaux mélangés les uns aux autres et parfois enchâssés dans du verre ou du plastique. En ce sens, il est important que les industriels intègrent, dès la phase de conception d’un produit, son futur recyclage dans les meilleures conditions possibles et investissent dans la recherche & développement pour poursuivre les progrès technologiques.
Dans le cas spécifique de la France, un récent rapport de l’ADEME, publié en décembre 2023 ([166]), montre que les freins au recyclage des métaux résident dans l’absence de valorisation ou d’incorporation de certaines matières premières qui les composent. En effet, les technologies utilisées conduisent encore souvent à leur recyclage en boucle ouverte, c’est‑à‑dire sans réincorporation de ces matières dans des applications similaires à celles d’où elles proviennent, voire à leur exportation vers des pays tiers. La France est ainsi le principal exportateur net des matières premières métalliques, loin devant l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne et l’Italie : elle exporte 5 507 kilotonnes de matières premières de recyclage d’acier, 342 kilotonnes de ces matières issues d’aluminium et 280 kilotonnes de matières premières de recyclage de cuivre en 2021, ce qui représente respectivement 45 %, 47 % et 100 % des matières collectées en 2019. Cette tendance est renforcée par le fait que la demande est nettement inférieure aux matières disponibles en raison de la désindustrialisation de notre pays, des cahiers des charges de certains clients finaux et des procédés de production des métaux, qui conduisent à favoriser les matières premières vierges comme intrants principaux des métallurgistes.
Proposition n° 30 : Poursuivre et intensifier l’effort de la France pour soutenir le recyclage, sur le territoire français, des déchets et résidus des ressources stratégiques.
M. le président Bruno Fuchs. L’ordre du jour appelle ce matin l’examen du rapport d’information de notre collègue Jérôme Buisson sur les ressources naturelles stratégiques et les terres rares. Le rendu de ce rapport a été décalé une première fois en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale, puis une deuxième fois lors du vote de la censure. Je réitère nos remerciements à M. Buisson d’avoir accepté ces reports successifs. Nous sommes enfin réunis pour exprimer l’avis de la commission sur ce rapport d’information, débuté en binôme avec l’ancienne députée Stéphanie Kochert.
Je rappellerais d’abord que la présidente de la Commission européenne soulignait, il y a deux ans maintenant, devant le Parlement européen, que : « Le lithium et les terres rares seront bientôt plus importants encore que le pétrole et le gaz […]. Le seul problème est qu’actuellement un unique pays contrôle la quasi-totalité du marché ». Ces quelques mots résument finalement assez bien les défis et enjeux auxquels s’est intéressé le rapport qui va nous être présenté. De fait, le déploiement des énergies renouvelables et de l’électrification des transports dans le monde repose aujourd’hui sur un certain nombre de ressources naturelles clés. En ce sens, ces ressources revêtent une valeur stratégique tant elles façonnent l’avenir de l’économie mondiale.
L’importance de l’accès à ces ressources conduit à une profonde remise en cause des équilibres géopolitiques et énergétiques mondiaux. Extrêmement concentrée autour de quelques États et entreprises, l’organisation des chaînes de valeur de ces ressources, depuis leur extraction jusqu’à leur utilisation et leur recyclage, crée des effets de dépendance, dont la pandémie de coronavirus et la guerre en Ukraine ont rappelé les dangers. À titre d’illustration, la Chine produit actuellement 60 % des terres rares du monde et elle détient 36 % de leurs réserves ainsi que 90 % des éléments de terres rares transformés. Les exemples de ce type pourraient se multiplier, l’hyperconcentration des chaînes de valeur des ressources stratégiques étant la règle. Dans tous les cas, la Chine s’impose comme un acteur incontournable en la matière.
En France, à la suite de la publication du rapport de Philippe Varin en janvier 2022, une délégation interministérielle aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques a été créée. Son responsable a d’ailleurs été auditionné le 15 mars 2023 par cette commission. L’une de ses premières décisions a consisté à lancer un inventaire des ressources présentes dans le sous-sol français, placé sous la responsabilité du bureau de recherches géologiques et minières, dont les résultats devraient aboutir d’ici cinq ans environ.
Parallèlement, des mesures de soutien aux projets industriels et aux approvisionnements sur le long terme dans les filières de minerais et métaux stratégiques ont été prises, à travers notamment l’institution d’un crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte (C3IV).
Enfin, dans le cadre de la « diplomatie des métaux », notre pays a signé six partenariats bilatéraux sur les métaux critiques, avec le Canada, le Québec, l’Australie, la République démocratique du Congo, le Kazakhstan et la Mongolie.
En tout état de cause, nous ne sommes qu’au début d’une véritable révolution économique et industrielle, aux implications géopolitiques majeures.
Monsieur le rapporteur, dans le cadre de votre travail, vous avez procédé à de nombreuses auditions et vous vous êtes rendu en Suède et en République démocratique du Congo. Je vous cède la parole pour la présentation de ce rapport, qui ne manquera pas de susciter une grande attention de la part de l’ensemble des membres de la commission.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, j’aimerais tout d’abord avoir un mot pour notre ancienne collègue, Mme Stéphanie Kochert –que je remercie et salue – avec laquelle j’ai travaillé de concert pour la grande majorité des travaux qui ont mené à ce rapport.
Il me revient aujourd’hui de vous présenter les conclusions des travaux que j’ai menés depuis plusieurs mois sur les approvisionnements en ressources stratégiques et en métaux critiques utilisés dans le cadre de la double transition écologique et numérique, ce qui constitue peut-être le sujet central du XXIe siècle.
Ceux-ci sont, en effet, indispensables à la fabrication de véhicules électrifiés, au développement de l’énergie nucléaire, éolienne, solaire, de l’hydrogène ou encore de l’électronique et de l’aéronautique.
Cette question n’est pas nouvelle et s’inscrit dans le sillage d’une réflexion plus large sur les vulnérabilités de notre pays et de l’Union européenne, ainsi que leurs dépendances à l’égard de puissances étrangères aux stratégies commerciales plus ou moins coopératives.
Pour autant, son importance ne s’est révélée que récemment, à l’aune de diverses crises d’approvisionnement.
La crise liée à la pandémie de Covid‑19 a mis en lumière des difficultés liées au développement et à l’allongement des chaînes de valeur mondiales. Les confinements décidés à travers le monde ont parfois entravé l’offre des pays, en engendrant de nombreux problèmes d’approvisionnement d’intrants et en bloquant les étapes aval de fabrication des produits utilisant ces intrants.
Plus récemment, la guerre menée en Ukraine a confirmé la fragilité de l’Union européenne vis-à-vis de la Russie, qui représentait, il n’y a pas si longtemps encore, une part importante des approvisionnements énergétiques européens pour les trois énergies fossiles : pétrole, gaz naturel et charbon.
Cette prise de conscience entre en résonance avec l’évolution, depuis une dizaine d’années, de la doctrine de notre politique industrielle, en théorie du moins. L’appropriation politique de l’objectif d’autonomie stratégique – ou de souveraineté stratégique, selon le vocable utilisé – en est sans doute l’aboutissement le plus révélateur. Il reste à en évaluer la mise en œuvre concrète, qui laisse encore à désirer.
Or, les chaînes de valeur des ressources stratégiques n’échappent pas à ces vulnérabilités, alors même que leur accès devient un enjeu structurant de l’économie mondiale.
Les transitions énergétiques et numériques sont incontestablement « métallivores ». La consommation mondiale de ressources stratégiques devrait croître de manière exponentielle dans les années à venir. L’humanité pourrait extraire, d’ici le milieu du XXIe siècle, autant de ressources métalliques qu’elle en a consommées depuis le début de l’âge de fer pour couvrir ses besoins.
Certains minéraux et métaux seront plus particulièrement sollicités. C’est le cas du cuivre, le grand métal de la révolution énergétique dont la demande pourrait quadrupler à court terme, tant il est actuellement indispensable à la construction de véhicules électriques et pour raccorder les bornes de recharge au réseau électrique. De même, la consommation en lithium pourrait être multipliée par quarante d’ici le milieu du siècle, celle du graphite et du cobalt par vingt-cinq et celle des terres rares par sept.
Au regard de ces éléments, plusieurs conclusions s’imposent.
L’état des réserves mondiales en ressources stratégiques devrait permettre de couvrir globalement l’augmentation de la demande, mais le principal enjeu sera d’être capable de produire à un rythme suffisamment rapide pour suivre celui de la transition énergétique. En effet, le développement d’un projet d’extraction permettant d’exploiter une ressource – une fois celle-ci identifiée – prend du temps, parfois jusqu’à vingt ans. Les projets d’usines de transformation sont également à concevoir sur le temps long, tout comme la qualification des matériaux correspondants à une innovation technologique.
Les quantités requises dans le futur demanderont des investissements colossaux dans l’industrie minérale à l’échelle mondiale, qui dépasseront les 1 000 milliards de dollars. La difficulté à mobiliser de tels investissements pourrait, là encore, freiner le rythme de croissance de l’offre mondiale.
Toutefois, la principale inquiétude demeure liée à l’organisation des chaînes de valeur et d’approvisionnement des minerais et métaux stratégiques. Leur structuration présente, en effet, des degrés de concentration géographique et capitalistique largement supérieurs à celui du pétrole, au bénéfice de la Chine. Cette dernière produit ainsi actuellement 60 % des terres rares du monde, détient 36 % de leurs réserves et 90 % des éléments de terres rares transformés, ce qui signifie qu’elle importe des terres rares d’autres pays et les transforme sur son territoire. Cette position dominante est ancienne : les efforts déployés par Pékin pour intégrer l’économie chinoise à la mondialisation lui ont permis d’ « inonder » le marché d’éléments de terres rares à prix bas et de devenir ainsi son premier producteur mondial dès les années 1990.
Un tel scénario s’observe également dans le cas du cobalt, utilisé dans des domaines stratégiques. Or, 70 % de sa production provient aujourd’hui de la République démocratique du Congo et repose sur quelques entreprises seulement, toutes étrangères, dont d’importants groupes chinois. Le raffinage du cobalt est encore plus dépendant des opérateurs chinois puisqu’ils contrôlent 50 % du volume mondial de cobalt raffiné.
Les exemples de ce type pourraient se multiplier, l’hyperconcentration des chaînes de valeur étant la règle. Dans tous les cas, la Chine s’impose comme un acteur incontournable. Or, cette géographie n’est pas seulement influencée par des facteurs géologiques : elle doit aussi beaucoup à la poursuite d’une politique de long terme menée par Pékin et débutée dès les années 1980 sur le marché des terres rares. Il s’agit alors pour la Chine d’assurer son indépendance industrielle à travers la construction d’entreprises verticalement intégrées et contrôlant les chaînes de valeur sur lesquelles elles sont installées, de soutenir son développement économique et de construire un outil militaire fondé sur une industrie de pointe. Cette stratégie repose sur des investissements massifs opérés sur les actifs miniers, les réserves ainsi que les infrastructures énergétiques, de transports et de télécommunications. Elle est complétée, depuis le début des années 2000, par la poursuite d’une politique de sécurisation de ses approvisionnements en matières premières. C’est dans ce cadre que la Chine s’est rapprochée de plusieurs États africains producteurs de ressources.
Cette situation est problématique à plus d’un titre.
Elle permet à la Chine et à quelques entreprises de contrôler l’avenir de la production industrielle associée aux révolutions numérique et écologique et d’utiliser les ressources stratégiques comme un outil de rétorsion à l’égard de ses partenaires économiques. La restriction des exportations chinoises de terres rares observée en 2010 trouvait sa source dans un différend entre la Chine et le Japon autour des îles Senkaku, administrées par le Japon, mais revendiquées par la Chine. Le contrôle des exportations de graphite, instauré à la fin de l’année 2023, répondait à une même logique de représailles, à l’encontre cette fois des États-Unis, qui entendaient prohiber l’exportation vers la Chine de puces recourant aux technologies de l’intelligence artificielle. Le 16 novembre dernier, le ministère de l’économie chinois a annoncé souhaiter introduire de nouvelles restrictions d’exportations sur le tungstène, le magnésium et l’aluminium.
Dans ce contexte, les États producteurs et consommateurs de ressources stratégiques tentent de se repositionner sur les chaînes de valeur pour en rééquilibrer le fonctionnement et en tirer un meilleur profit.
Un grand nombre de pays producteurs cherchent aujourd’hui à mieux profiter de la présence de ressources stratégiques sur leur territoire. Pour eux, l’enjeu est au moins triple : éviter que le secteur primaire ne domine de nouveau leur économie, investir davantage dans l’aval de la chaîne de valeur monopolisé, pour l’heure, par la Chine, et contourner les aléas des évolutions technologiques, qui risquent de causer la perte de leurs actifs miniers.
On peut penser à l’Indonésie, premier producteur et deuxième exportateur mondial d’étain, qui met en place une forme de nationalisme industriel.
Cette politique doit d’autant plus nous intéresser qu’elle n’est pas sans lien avec la crise du nickel que connaît la Nouvelle‑Calédonie, fortement impactée par la baisse tendancielle des prix de cette ressource sous l’effet de l’augmentation de la production indonésienne et du différentiel du coût de l’électricité entre nos deux pays.
C’est aussi le cas en République démocratique du Congo, qui a modifié son code minier dans un sens plus favorable à ses intérêts, renégocie certains des contrats passés par des entreprises chinoises, et cherche à diversifier ses partenariats économiques pour contrebalancer la présence de capitaux chinois.
Face à l’émergence de ces nouveaux rapports de force internationaux, les pays consommateurs très dépendants définissent progressivement des stratégies qui ne sont pas centrées sur les seuls minerais et métaux, mais visent plus largement la résilience de leurs chaînes de valeur industrielle.
Ces stratégies doivent permettre de mieux identifier leurs besoins, de diversifier leurs sources d’approvisionnement et d’ouvrir de nouvelles mines sur leur territoire. En ce sens, la transition écologique est aussi une révolution industrielle.
Dans le cas de l’Union européenne, le Conseil et le Parlement ont adopté tout récemment un accord, le Critical Raw Materials Act, qui laisse entrevoir l’avènement d’une réelle stratégie européenne en termes de matières premières critiques.
Faisant suite à la déclaration de Versailles de 2022, ce règlement fixe une série d’objectifs à l’horizon 2030 : l’extraction, la transformation et le recyclage opérés dans l’Union européenne doivent couvrir respectivement 10 %, 40 % et 15 % de sa consommation annuelle. Par ailleurs, pas plus de 65 % de la consommation annuelle de chaque matière première stratégique dans l’Union ne doit provenir, à n’importe quel stade de transformation pertinent, d’un seul pays tiers.
Parallèlement, l’Europe poursuit une politique partenariale avec de nombreux États, à l’instar de l’Argentine, de l’Afrique du Sud, du Canada, du Chili, du Groenland et du Kazakhstan. Ces accords visent non seulement l’accès à la ressource, mais cherchent aussi à promouvoir le développement des industries extractives et de transformation en respectant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance stricts.
Quant à la France, sa prise de conscience est aussi très récente. À la suite de la remise au gouvernement du rapport de M. Philippe Varin, en janvier 2022, notre pays a progressivement dessiné les contours d’une stratégie nationale sur les minerais et les métaux critiques. Il a ainsi créé des institutions spécifiques chargées d’en assurer le pilotage et la mise en œuvre, à l’instar de la délégation interministérielle aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques (DIAMMS). L’une de ses premières décisions a consisté à mener un inventaire des ressources présentes dans le sous-sol français placé sous la responsabilité du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), dont les résultats devraient aboutir d’ici cinq ans environ.
La France tente également de renforcer son soutien aux projets industriels dans les filières des minerais et métaux stratégiques et la conclusion de contrats d’approvisionnement à long terme (offtakes).
Elle a développé différents outils parmi lesquels le C3IV, qui permet de soutenir financièrement dans le pays les projets des chaînes de valeur relatives aux batteries, éoliennes, panneaux solaires et pompes à chaleur, ainsi qu’un fonds d’investissement dédié aux minerais et métaux critiques. Ce dernier poursuit l’objectif d’une levée d’au moins 2 milliards d’euros, dont 500 millions d’euros de crédits de l’État mobilisés à travers France 2030 d’ici à la fin de l’année 2024.
Enfin, une grande part de son action internationale consiste à conclure des partenariats stratégiques bilatéraux dans le cadre de sa « diplomatie des métaux ».
En 2023, notre pays a par exemple signé six partenariats bilatéraux sur les métaux critiques, avec le Canada, le Québec, l’Australie, la République démocratique du Congo, le Kazakhstan et la Mongolie.
Ces politiques n’en sont toutefois qu’à leurs débuts et sont loin de disposer de l’élan politique et des moyens financiers mobilisés par certains États, comme le Japon et les États‑Unis. Si leurs orientations vont dans le bon sens, il est désormais urgent qu’elles montent en puissance. Ceux qui n’investissent pas dès aujourd’hui ce sujet seront probablement incapables de rattraper leur retard d’ici quelques années.
Or, plusieurs défis restent encore à relever pour y parvenir.
D’abord, il est nécessaire de rassurer et de convaincre les populations de l’importance d’investir dans nos chaînes de valeur et des avantages qui en découleront. Trop souvent, des années de mauvaises pratiques, un manque de sensibilisation aux enjeux associés aux ressources stratégiques et des idées fausses quant à l’industrie minière du XXIe siècle jouent contre nos propres intérêts.
La France, et plus largement l’Europe, ne manquent pourtant pas d’atouts. Elles disposent de règles permettant d’encadrer les activités minières qui doivent se conformer à des normes environnementales, sociales et de gouvernance exigeantes. Renationaliser une partie de nos chaînes de valeur permet ainsi de ne pas exporter notre pollution dans des pays pour lesquels la protection de l’environnement et de la biodiversité n’est pas toujours une priorité, quelles qu’en soient les raisons.
Il est nécessaire de mieux faire connaître ce corpus législatif et la réalité de ce qu’est l’industrie minière du XXIe siècle dans les pays développés.
J’ai pu me rendre en Suède, grand pays minier européen, et visiter l’immense mine souterraine de la ville de Kiruna, en Laponie. Tout est fait pour réduire ses impacts sur l’environnement depuis l’exploitation de ses ressources en profondeur jusqu’à l’électrification des machines-outils utilisées. Les emplois proposés ne ressemblent en rien aux scènes de Germinal. Il s’agit plutôt de techniciens qualifiés et bien rémunérés, qui contrôlent à distance l’extraction mécanique des minerais.
Il est nécessaire que nous communiquions autour des métiers de l’industrie minière et des secteurs associés tout en investissant dans la constitution de filières de qualité permettant de couvrir les besoins de nos entreprises.
L’ensemble de ces mesures, associées à une meilleure valorisation des retombées locales des projets miniers et industriels, devrait permettre de lever bien des craintes. Le soutien public aux projets miniers est également décisif pour permettre leur réalisation dans des délais raisonnables, qu’il s’agisse de leur apporter une aide financière conséquente ou de lever certains obstacles administratifs.
Sur le plan financier, l’Union européenne doit faire plus et mieux à la fois pour mobiliser l’ensemble des instances aptes à soutenir des projets européens, à l’instar de la banque européenne d’investissement (BEI), et pour encourager les États membres à sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement en ressources stratégiques en leur permettant de subventionner tout projet concourant à cet objectif.
Toutefois, l’échelle naturelle d’une stratégie industrielle est nationale et, à ce titre, la France ne doit pas attendre les seuls financements d’organes européens. Elle doit déployer des financements ciblés pour redévelopper l’activité minière et métallurgique.
En période budgétaire contrainte, l’argent public ne peut être la seule source de financements, c’est pourquoi il est nécessaire de mobiliser une partie de l’épargne des Français au moyen d’un produit d’épargne à rendement intéressant et possiblement garanti par l’État.
Un point était au centre de la plupart des auditions : le prix de l’énergie rend aujourd’hui impossible toute démarche de réindustrialisation. Le domaine minier et la métallurgie sont très électro-intensifs. Tout développement de ces secteurs passera donc par une baisse des coûts de l’énergie et une augmentation significative de notre production électrique. C’est pourquoi il est indispensable que notre pays fasse usage de l’avantage comparatif que lui confère notre parc électronucléaire pour la réindustrialisation que nous souhaitons tous.
Il est également indispensable de simplifier les démarches administratives et les temps de consultations préalables à la réalisation d’un projet minier ou géothermique, qui peuvent parfois prendre jusqu’à deux ans en France.
Cet effort de simplification doit être mené aussi bien à l’échelle nationale qu’au niveau européen.
Il faut, par exemple, comme c’est déjà le cas dans les relations entre les citoyens et l’administration, et, comme il est envisagé de le faire pour les agriculteurs, adopter une stratégie de guichet unique centralisant les demandes d’autorisation et la classification des projets. Les procédures, par nature déjà complexes, sont encore alourdies par l’existence de multiples interlocuteurs qui peuvent même avoir des exigences ou donner des avis qui se contredisent.
L’ancien premier ministre Michel Barnier avait commencé à faire un pas vers la simplification des procédures en évoquant une exemption pour les projets industriels des restrictions du zéro artificialisation nette (ZAN) et des interventions de la commission nationale du débat public. Sur ce point, il faut aller vite et fort.
Pour autant, je suis bien conscient que l’autosuffisance, si elle est souhaitable, demeure un objectif aujourd’hui inatteignable.
Cela signifie que nous devons être particulièrement attentifs à diversifier nos chaînes d’approvisionnement. Certains pays membres ou proches de l’Union européenne, comme la Suède et la Norvège, disposent de ressources importantes et souhaitent nouer des alliances. Plus largement, ce sont nos relations avec le Brésil, la Russie, l’Indonésie, la Chine et l’Afrique du Sud (BRICS) que nous devons repenser selon une doctrine beaucoup plus claire et exigeante.
Deux points d’attention méritent toutefois d’être soulevés.
D’une part, on ne peut exclure une montée en puissance de la concurrence entre États consommateurs, y compris au sein de l’Union européenne. L’élection du président Donald Trump aux États-Unis et la possible imposition de nouvelles taxes douanières sur les importations françaises sont là pour le rappeler. Il est donc essentiel d’organiser autant que possible la compétition économique et de favoriser les alliances interétatiques en matière de coopération industrielle, de financements communs, voire d’achats groupés.
D’autre part, il est crucial de mieux protéger notre marché et nos industries naissantes. Il est inconcevable d’importer des ressources issues de pays s’affranchissant de toutes les règles environnementales, sociales et de gouvernance que l’Europe s’impose ou subventionnant abondamment leur production. Les surtaxes à l’importation de véhicules électriques chinois sont un début, mais il est dommage qu’elles interviennent si tardivement.
La naïveté ne peut être de mise dans ce domaine. Il est urgent de rétablir une forme d’équité dans nos échanges sans tomber dans les travers d’une guerre commerciale à outrance, mais il faut se rendre à l’évidence : les grandes puissances commerciales du monde ne respectent pas les règles de l’organisation mondiale du commerce (OMC). Il est impératif que nous arrêtions d’être l’idiot du village global.
Avec ce rapport, nous devons tirer la sonnette d’alarme : nous accusons maintenant un retard technologique par rapport à la Chine et aux États-Unis. Il faut que nous saisissions l’opportunité de redévelopper une filière minière et métallurgique nous permettant de remonter et de contrôler autant que possible les chaînes de valeur.
Mais, vous l’aurez compris, mes chers collègues, rien n’est inéluctable et nous avons les moyens de rétablir une forme d’équilibre dans l’organisation du marché mondial des ressources stratégiques.
Cela doit nous permettre de réindustrialiser nos territoires, de créer des emplois locaux valorisés et d’asseoir durablement notre souveraineté économique à l’heure où notre industrie est malmenée et où les plans sociaux se multiplient.
Évidemment, cela demande des investissements importants alors que l’état de nos finances publiques inquiète. Toutefois, je suis persuadé que « le jeu en vaut la chandelle ». Surtout, je voudrais rappeler avec force que nos objectifs environnementaux et climatiques commandent une telle réindustrialisation, même si ce constat est sans doute contre-intuitif.
Soyons clairs : je ne suis pas contre l’efficacité énergétique ni le développement d’une filière de recyclage robuste, mais il est illusoire de croire qu’il s’agit de solutions miracles pour l’avenir, étant donné qu’elles reposent sur de futures innovations technologiques. Elles sont bien plutôt complémentaires à l’exploitation des ressources stratégiques.
Pour conclure, je voudrais souligner que, le rapport Varin n’ayant pas été rendu public, le présent rapport, s’il était publié, serait le premier rapport public dédié à la question cruciale des ressources naturelles stratégiques.
Il me semble indispensable que la représentation nationale se saisisse de ce sujet fondamental pour la prospérité de notre pays dans le siècle à venir et que nous montrions qu’au-delà des échéances immédiates, la politique consiste aussi et surtout à avoir une vision d’avenir pour donner un cap à la Nation.
M. le président Bruno Fuchs. Je vous remercie d’avoir partagé avec nous les grands enjeux, déséquilibres et risques encourus par l’économie mondiale et par la France. Dans ce nouvel ordre mondial qui se dessine, il est d’autant plus important de trouver les bonnes réponses.
Je cède la parole aux orateurs de groupe pour leurs questions.
Mme Anne Bergantz (Dem). La question des terres rares constitue un enjeu géopolitique majeur, tant celles-ci sont devenues indispensables au développement industriel et technologique de notre pays. Les minerais et les métaux précieux font en effet l’objet d’une compétition accrue entre les États. Tous perçoivent l’impérieuse nécessité d’y accéder pour bénéficier des dernières innovations et, ainsi, garantir leur transition écologique et numérique.
Si de nombreux pays, tels que le Japon et les États-Unis, ont très vite compris et appris à gérer leur dépendance vis-à-vis des pays où se concentre l’essentiel de la production, il aura fallu attendre en France la pandémie de Covid-19 et la fermeture des frontières pour que nous prenions conscience du besoin de retrouver la maîtrise de nos approvisionnements.
Dans ce contexte, votre rapport présente des recommandations bienvenues qui doivent nous aider à renforcer notre autonomie stratégique, en accompagnant, par exemple, la relocalisation de projets industriels en France ou en soutenant la recherche et l’innovation. Vous proposez ainsi de réaliser un inventaire des ressources dont nous disposons sur le sol français, et en particulier dans l’Hexagone, où ont déjà pu être identifiés des stocks d’or, de fluorine, d’antimoine ou encore de zinc. L’ouverture de nouvelles mines, dans le respect de nos normes environnementales et sociales exigeantes, serait effectivement de nature à générer des retombées locales non négligeables, en termes d’emplois ou d’activité économique.
Comment convaincre les citoyens de l’importance de ces projets miniers pour notre souveraineté ? Comment répondre aux préoccupations légitimes que ces installations susciteront inévitablement en matière sanitaire, sociale ou environnementale ?
M. Jérôme Buisson, rapporteur. L’acceptabilité est effectivement un enjeu important. La France a été un pays minier, mais cette activité a été en déclin, puis a totalement disparu. La publication de ce rapport permettra de se saisir du sujet au niveau national. Nous avons un devoir d’information auprès du public pour poser les enjeux. Le public doit faire le lien entre la transition écologique, l’électrification demandée par une grande partie de la population, les politiques publiques, la relocalisation et le renouveau du secteur minier, dans le monde et en France. Il existe donc un important devoir de pédagogie, de consultation, d’explication et de retombées économiques, à un moment où des pans entiers de notre industrie vont se transformer, voire fermer.
M. Jean-François Portarrieu (HOR). Avec le développement des technologies liées à l’intelligence artificielle et à la transition énergétique, les questions de conflits d’usage vont forcément apparaître entre les différents acteurs stratégiques qui consomment les mêmes éléments. Cet essor généralisé, en France et partout dans le monde, entraînera probablement une hausse des prix des produits de consommation courante. Je voudrais savoir si vous avez étudié et évalué ce phénomène.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Nous n’avons pas évalué une possible augmentation des prix relative à ce phénomène. Le but du rapport était plutôt de donner des préconisations sur les mesures d’urgence à prendre pour que la France et l’Europe restent dans la compétition mondiale du renouveau minier et nous n’avons pas pris en compte l’inflation et l’augmentation des prix.
Toutefois, le rapport aborde tout de même ce sujet, car une augmentation des exigences sociales et environnementales – poussée par la France – entraînera forcément une augmentation des prix des minéraux. En outre, l’augmentation du prix de l’énergie décarbonée utilisée pour extraire les minéraux va aussi dans le sens d’une augmentation des prix. Il s’agira peut-être d’une conséquence naturelle et mondiale, car les standards d’extraction des minéraux monteront dans tous les pays, avec une harmonisation des critères, notamment au niveau du code minier.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Les terres rares ne sont pas des ressources renouvelables. Le développement du recyclage sera assurément nécessaire à l’avenir et la recherche doit être poussée en ce domaine, en particulier sur les petits appareils, où il est difficile d’extraire ces très petites quantités de métaux. Le plan France 2030 semblait y consacrer des fonds. Qu’en est-il dans cette période d’instabilité budgétaire ? Une stratégie européenne de recyclage pourrait mener, pour certains métaux, à l’autosuffisance. Pourtant, nos projets d’usine de recyclage semblent abandonnés, comme à Dunkerque.
L’un des enjeux est la collecte des déchets électroniques. Nous avons réussi à organiser la collecte des ampoules usagées, avec un taux de 77 % de recyclage en 2021. Nous pourrions le faire pour d’autres métaux. Par exemple, d’après l’école polytechnique de Zurich, il serait possible d’extraire de l’europium, nécessaire à la fabrication d’écrans, lors du recyclage des ampoules.
Par ailleurs, vous parlez de développer l’extraction des terres rares chez nos alliés. Qui sont-ils ? Et jusqu’à quand le seront-ils ? L’uranium du Niger nous semblait par exemple acquis il y a quelques mois ou années. Peut-on vraiment compter sur la République démocratique du Congo ou sur le Burundi ? L’Europe est en position de dépendance vis-à-vis de l’étranger.
Il y a évidemment des pistes dans votre rapport. Je trouve d’ailleurs intéressant et presque drôle que ce soit vous qui deveniez porte-parole d’une solution européenne. Il est en effet nécessaire d’agir à ce niveau pour une stratégie de stockage de métaux rares, et non plus avec une simple déclaration pays par pays. L’idée de stock stratégique est donc vraiment intéressante. Un manque de coordination nous coûte collectivement.
La production en France, comme en Europe, se doit de conserver les plus hauts standards environnementaux. Sous couvert de simplification, vous remettez une fois de plus le ZAN en cause et souhaitez alléger le code de l’environnement. Si je suis à peu près convaincue qu’il faudra revenir sur les modalités de mise en place du ZAN, je souligne qu’il est nécessaire de le faire dans un cadre global et responsable – et non au coup par coup, comme semblait le proposer le projet de loi relatif à la simplification de la vie économique du gouvernement Attal, qui s’attachait davantage à détricoter les normes environnementales qu’à simplifier.
Concernant l’exemple de la Guyane, que vous citez, le Sénat, dont la majorité ne peut pas être considérée comme étant composée d’écologistes intégristes, s’était élevé contre le détricotage des normes environnementales sur ce territoire. Nous devons vraiment veiller à une protection de notre environnement et de nos espaces.
Il est donc nécessaire de limiter notre dépendance par le stockage, de nous assurer de la diversité de nos approvisionnements, d’agir en faveur d’une stratégie de recyclage et d’exiger de nos partenaires une protection des espaces naturels similaire à la nôtre comme un préalable.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Le recyclage est effectivement un enjeu important, mais il pose pour le moment de nombreux problèmes.
Tout d’abord, concernant les batteries, nous n’avons pas atteint, dans certains cas, la masse critique nécessaire pour être rentables, d’où l’arrêt de certaines usines de recyclage. Les batteries ont encore une durée de vie d’environ dix ans. Elles seront éventuellement utilisées pour du stockage d’énergie dans un deuxième temps, même si elles ont perdu une part de leur capacité. Nous aurons donc un stock de batteries à utiliser pour le recyclage dans dix ans ou peut-être un peu plus.
Il faut évidemment que les ventes de voitures électriques poursuivent leur expansion et ne soient pas entravées par le choix des consommateurs ou par une baisse des subventions de l’État, pour des raisons budgétaires ou autres.
Il existe également un problème de collecte à mettre en place, car il ne s’agit pas simplement de construire une usine de recyclage, mais de construire toute une filière de recyclage avec la collecte. Certains éléments posent problème ou ne se recyclent pas. Par exemple, les pales d’éoliennes posent des difficultés de recyclage.
La miniaturisation est complexe. Les industriels indiquent qu’ils sont, pour l’instant, incapables de recycler les quelques microgrammes de terres rares qui se trouvent dans les téléphones portables ou dans les tablettes.
Les progrès industriels et technologiques mettent en danger la filière de recyclage, car leurs avancées font diminuer les quantités nécessaires de terres rares et de métaux. Ces progrès entrent en contradiction avec une industrie du recyclage qui a besoin, quant à elle, de plus en plus de produits à recycler.
Il faut évidemment aller vers des filières de recyclage, les aider – voire les subventionner – et agir au mieux pour qu’elles existent. En effet, une part du recyclage doit rester locale, ce qui fait partie des objectifs européens. Toutefois, cela sera très insuffisant au regard du phénomène de croissance des besoins de terres rares et de métaux critiques que nous connaissons. Le recyclage prendra sa part, mais nous ne parviendrons jamais à l’autosuffisance, sauf peut-être pour certaines terres rares très particulières, dont la quantité nécessaire n’est que de quelques kilos chaque année en France.
Par ailleurs, vous avez évoqué une contradiction de ma part sur la France et l’Europe. J’ai pourtant insisté dans mon rapport sur le fait que la stratégie devait être définie au niveau national, car nous ne savons pas qui seront nos alliés de demain, ce qui est aussi valable au niveau européen. Il faut donc certainement une stratégie de stockage au niveau national, comme au Japon et aux États-Unis. Toutefois, il ne faut se priver d’aucun levier, car nous sommes dans une urgence industrielle et technologique. Si nous ne prenons pas le train au bon moment, nous resterons sur le quai de la gare. Ainsi, tous les leviers européens qui peuvent exister sont également les bienvenus.
Enfin, il n’y a pas de détricotage des normes environnementales, mais il peut y avoir tout de même une simplification administrative, qui pourrait entrer en contradiction avec d’importants délais de recours. En effet, il va falloir décider si nous sommes dans une priorité nationale s’agissant des ressources stratégiques. Je note que la simplification administrative et environnementale vous a moins dérangée quand elle était relative à l’installation d’éoliennes. En outre, je rappelle que l’installation de mines concerne souvent les sites d’anciennes mines.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Je me félicite que notre commission ait diligenté la possibilité de rédiger ce rapport intéressant, qui nous documente sur des enjeux qui appellent une réflexion sur notre attitude politique. Demain, dirons-nous que nous sommes en concurrence avec des États ou que nous avons le devoir de coopérer avec eux ? Ce n’est pas la même chose.
Les Américains considèrent que tous leurs concurrents sont leurs ennemis potentiels. Nous pourrions avoir une attitude différente et adopter une logique de coopération, pour les terres rares, mais aussi pour le reste, car nous avons besoin d’écrire l’histoire autrement. Nous avons commencé à le faire sur les enjeux climatiques, en nous disant qu’il fallait parler, construire ou encore réfléchir à des normes. Votre rapport pourrait aussi contribuer à affirmer que nous devrions coopérer sur les questions de matières premières rares, situées dans des Etats qui méritent que nous nous intéressions à eux et que nous les aidions.
Vous utilisez à plusieurs reprises le mot « nationalisation », qui concerne pour vous uniquement le territoire national, tandis qu’il signifie pour moi qu’une production est portée par la Nation, mais pas forcément sur le territoire national. Nous devrions peut-être réfléchir à ces deux possibilités.
En effet, nous voyons bien que, quand le marché n’est pas intéressé par quelque chose parce que cela ne rapporte pas assez, il est nécessaire que la force publique prenne la main, car l’intérêt général est en jeu. Nous devons porter l’idée que la puissance publique a besoin de s’intéresser et d’investir.
Vous suggérez, parmi vos recommandations, des soutiens financiers, y compris des participations, qui me semblent en effet salutaires.
Je suis député d’une zone et d’une circonscription très industrielles. L’acceptabilité est essentielle. Toutefois, nous avons réduit les capacités d’acceptabilité des populations par la fiscalité, en supprimant la taxe professionnelle et le lien fiscal entre une industrie et son territoire. Toute cette chaîne est à réfléchir si nous souhaitons favoriser l’acceptabilité d’une industrie sur un territoire.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Nous rêverions tous d’un monde où la coopération prendrait le pas sur la concurrence, mais nous sommes dans un monde capitaliste. Même la Chine, pays communiste, s’est mise au capitalisme, prouvant qu’il s’agit de l’un des systèmes qui marchent le mieux.
Des enjeux viennent effectivement limiter la coopération entre pays.
Tout d’abord, sur ces terres rares et ces métaux critiques, il existe des enjeux militaires, ainsi que des enjeux industriels liés au leadership, autour desquels se joue une compétition acharnée.
Je pense que la coopération se fera de manière bilatérale, trilatérale ou parfois avec davantage de parties, en fonction des intérêts des pays, qui se regroupent souvent par secteurs géographiques. Ainsi, certains pays européens coopéreront entre eux, ce qui est déjà le cas, car nous avons des accords bilatéraux avec certains pays.
Concernant l’acceptabilité, il faut absolument qu’il y ait des retombées sur les territoires où se trouvent ces industries, ce qui est essentiel et demandé par les collectivités, mais aussi par la population. Dans certains pays, tels que le Congo ou la Suède, des redevances plus importantes permettent aux collectivités, à l’État et aux populations locales de s’y retrouver financièrement. De plus, cette industrie permettra la création d’emplois qualifiés, par laquelle passe également l’acceptabilité.
M. Vincent Trébuchet (UDR). La France industrielle se trouve dans une situation préoccupante, car elle est devenue vulnérable face à des acteurs comme la Chine, qui domine les chaînes d’approvisionnement des ressources naturelles stratégiques. Les constats dressés par le rapport que nous examinons sont sans appel. La Chine contrôle 60 % de la production mondiale de terres rares et 90 % de leur raffinage. À l’inverse, les industries européennes dépendent presque exclusivement d’importations, même pour des ressources essentielles, comme le lithium et le cobalt, indispensables aux batteries et aux technologies numériques.
Cette dépendance est exacerbée par l’affaiblissement de notre diplomatie économique, en particulier en Afrique et au Moyen-Orient. Comment ne pas s’alerter de la situation au Niger et de l’annonce de la suspension de la production d’uranium par la filiale d’Orano le 31 octobre ? Là où nous avions autrefois des partenariats stratégiques cruciaux, nous sommes désormais en recul.
Pour répondre à ces défis, le groupe Union des démocrates pour la République propose plusieurs axes.
Le premier axe est de rebâtir des alliances stratégiques. La France doit renouer des partenariats solides avec les pays producteurs et nos territoires ultramarins représentent des atouts sous-exploités qu’il est urgent de valoriser.
Le deuxième axe est de conditionner nos aides et investissements. L’aide publique au développement doit devenir un levier stratégique, conditionnée à des engagements clairs sur l’accès prioritaire aux ressources critiques pour la France.
Le troisième axe est de renforcer notre diplomatie économique. Dans les pays producteurs, chaque ambassade devrait intégrer des experts spécialisés en ressources stratégiques, capables de négocier directement des partenariats industriels et miniers. À ce titre, notre groupe avait proposé un amendement au projet de loi de finances (PLF) pour 2025 visant à augmenter les crédits alloués à notre diplomatie économique.
Enfin, le quatrième axe est de sécuriser nos approvisionnements en renforçant la confiance des entreprises. Face à la montée des tensions géopolitiques, les entreprises européennes hésitent à investir dans des zones à risque, notamment dans le secteur minier. Et bien que des institutions comme la BEI ou la banque européenne pour la reconstruction et le développement puissent offrir des assurances contre ces risques, leur déploiement reste insuffisant. Il est donc essentiel de renforcer ces mécanismes d’assurance pour sécuriser les investissements européens et soutenir la diversification stratégique des chaînes d’approvisionnement.
En outre, inspirons-nous des exemples étrangers, comme le Japon. Ce pays dépourvu de ressources naturelles significatives a su investir dans des mines à l’étranger et développer des technologies de recyclage et de raffinage, devenant un acteur incontournable des chaînes d’approvisionnement mondiales.
Il est impératif de hisser la diplomatie économique au rang de priorité nationale à la hauteur des défis stratégiques qui se dressent devant nous.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Le constat est effectivement alarmant. La prédominance de la Chine est presque sans partage dans ce domaine.
La situation au Niger a été anticipée par le groupe Orano. Les sources d’approvisionnement ont été diversifiées sur l’uranium, avec des partenariats hors de la zone d’influence de la sphère sino-russe. Nous avons donc maintenant des partenariats avec l’Australie et le Kazakhstan.
Je rappelle tout même que, contrairement aux terres rares et aux métaux critiques, la France dispose d’un stock d’uranium d’environ six ans.
Le sujet du renforcement de la confiance des entreprises est souvent revenu lors des entretiens. Il n’est pas certain que les investissements, de l’ordre du million d’euros, aboutissent, car, au moment de la mise en œuvre d’un investissement, la matière première peut très bien avoir changé, de même que le contexte politique. Les Chinois ont résolu ce problème parce que l’État compense les pertes. Or, en France, nous demandons aux entreprises de prendre ce risque, qui est important, voire trop important, à leurs yeux pour l’instant.
Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Je vous remercie de ce travail significatif qui met en lumière les enjeux que recouvrent l’approvisionnement et la maîtrise des chaînes de production des ressources stratégiques sur la nécessaire réindustrialisation de la France et de l’Europe.
L’Union européenne est relativement mal-née en ressources minières stratégiques, qui sont indispensables aux transitions numériques et écologiques qu’elle impose à ses États membres. Cette réalité n’est pas pour autant une fatalité. Le Japon est également mal doté, mais il a réussi à diversifier ses partenaires pour réduire sa dépendance à la Chine grâce à une politique volontariste.
En France et dans l’Union européenne, la prise de conscience fut tardive, sans toutefois que cela ne conduise à la mise en œuvre d’une véritable politique industrielle ou d’une stratégie cohérente en matière d’approvisionnement.
Outre ces problématiques d’approvisionnement, en l’état actuel du coût de l’énergie, les industries européennes et françaises vont droit dans le mur. Alors que la Chine a investi massivement pour diversifier ses sources d’énergie et que les États-Unis ont atteint l’indépendance énergétique, l’Union européenne, sous l’égide de l’Allemagne, s’est échinée à détruire l’avantage comparatif que nous avions grâce à notre énergie nucléaire. En cause, une promotion aveugle et idéologique de la production d’électricité d’origine renouvelable, ainsi qu’un mécanisme européen de fixation des prix qui a conduit à l’augmentation artificielle du prix de l’électricité.
L’Allemagne commence à prendre conscience de l’impasse dans laquelle elle s’est fourvoyée dans les années 2000 avec l’arrivée au pouvoir de la coalition rouge-vert, qui s’est aujourd’hui muée en humiliation nationale, avec 500 milliards d’euros pour installer des forêts d’éoliennes pour un bilan environnemental et économique désastreux. Elle a entraîné avec elle la France, incapable de défendre son industrie nucléaire au niveau européen.
Quelles sont, selon vous, les mesures à mettre en place rapidement pour améliorer la compétitivité de nos industries ?
M. Jérôme Buisson, rapporteur. L’industrie française pâtit effectivement des conséquences de choix politiques désastreux qui ont été opérés au cours des dernières décennies, à savoir le désinvestissement dans le domaine du nucléaire, tant au niveau de la recherche qu’au niveau de la construction de centrales au profit d’énergies renouvelables – dont la production est intermittente –, mais aussi l’adoption du mécanisme européen de fixation des prix de l’électricité, qui indexe le prix de l’électricité au coût de production de la dernière centrale productrice, souvent une centrale à gaz.
Ce système s’est mué en piège à l’issue de l’invasion russe de l’Ukraine et de l’embargo européen sur les produits énergétiques russes. Le prix du gaz et, conséquemment, de l’électricité est donc très élevé en Europe en comparaison de nos concurrents. D’ailleurs, les mines de nickel ferment en Nouvelle-Calédonie en partie à cause du coût de l’énergie, qui contraint le développement des industries, et tout particulièrement de celles qui sont énergo-intensives comme la métallurgie.
Je souhaite aussi souligner le fait que nous avons non seulement un problème de prix de l’électricité, mais aussi un problème de quantité de la production. Pour industrialiser, il faut produire plus d’électricité.
L’énergie sera donc en effet l’un des grands défis auxquels nous devrons faire face dans la bataille pour la réindustrialisation.
Mme Amélia Lakrafi (EPR). Je vous remercie pour ce rapport qui aborde un sujet stratégique et majeur, particulièrement sensible dans ma circonscription, incluant des pays comme la République démocratique du Congo, la Zambie ou encore le Rwanda. J’ai une pensée particulière pour Marielle de Sarnez, pour qui ce sujet était absolument crucial et qui y a beaucoup travaillé en tant qu’eurodéputée.
Alors que l’on prend enfin conscience de l’importance des terres rares et des ressources stratégiques, j’ai été frappée par le peu d’intérêt qu’y portaient encore très récemment nos pouvoirs publics. Ces minerais pourtant absolument indispensables à notre quotidien ont été longuement négligés et il aura fallu des crises, comme la pandémie de Covid-19 ou la guerre en Ukraine, pour révéler notre dépendance et – pire encore – notre retard stratégique. En 2020, j’ai été stupéfaite d’apprendre la suppression d’un poste de chef de service économique à Kinshasa, remplacé par un volontaire. Ce choix, révélateur d’une certaine négligence sur le sujet, a heureusement été réparé depuis.
Je souhaite également déconstruire certaines idées reçues souvent utilisées contre notre pays. Contrairement à ce qu’affirment certains influenceurs ou personnalités en Afrique, la France n’est pas un acteur majeur dans l’exploitation des ressources minières sur le continent. En République démocratique du Congo, par exemple, ce sont le Canada et la Chine qui dominent le secteur minier, avec notamment l’Australie et les États-Unis, alors que la France ne figure même pas dans le top 10. Les logiques de prédation, comme celles du groupe Wagner en République centrafricaine, sont des stratégies organisées et délibérées, bien éloignées des actions de la France. Ces faits montrent que notre image de puissance néocoloniale prédatrice, véhiculée parfois même dans cette assemblée, est totalement infondée.
Face à ce constat, je salue les initiatives mentionnées dans votre rapport, comme la création de la DIAMMS, le crédit d’impôt ou encore la relance du partenariat franco-congolais sur les métaux critiques.
Toutefois, face à l’avance considérable prise par des puissances comme la Chine ou les États-Unis, je m’interroge. Pouvons-nous réussir à avancer sur cette chaîne de valeur ? Les recommandations avancées dans votre rapport peuvent-elles nous aider à développer suffisamment vite ? À quelle échéance pouvons-nous espérer une autonomie partielle ou totale dans le domaine des métaux critiques, notamment en ce qui concerne leur rôle dans la transition énergétique ?
M. le président Bruno Fuchs. Vous indiquez, dans votre rapport, qu’il ne faut pas plus de 65 % à l’échelle européenne. Nous sommes très loin de l’autonomie avec ce chiffre extrêmement élevé.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Le constat est effectivement alarmant. Les enjeux sont énormes et il n’est pas certain que nous pourrons réussir, car des crises peuvent être devant nous. Nous prenons des mesures dans un environnement assez calme pour l’instant, mais nous pourrions très bien connaître une crise du type embargo total dans les semaines ou les mois à venir.
Il faut aller le plus vite possible. Beaucoup d’actions, qui vont dans le bon sens, se mettent en place, mais n’ont pas encore vraiment porté leurs fruits. Certains pays, notamment les États-Unis, arrivent à se mettre au travail plus rapidement. En République démocratique du Congo, il n’y a aucune mine française et très peu d’experts. Nous ne mettons donc pas encore assez de moyens sur cette urgence économique et industrielle.
En plus de la crise liée à la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine, la loi imposant la fin du thermique en 2035 nous a également mis face à des échéances assez incroyables. Nous avons fixé nous-mêmes cette échéance qui semble pour certains industriels très compliquée à atteindre et qui met en difficulté la filière. Des entreprises seront effectivement soumises à des amendes de plusieurs dizaines de millions d’euros si elles ne respectent pas le calendrier fixé par l’Union européenne, alors même qu’elles n’ont déjà pas les moyens suffisants pour investir dans la transformation du parc thermique en électrique.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Les terres rares portent bien leur nom, qui devrait être étendu à bien d’autres ressources. Leur détention, leur exploitation et leur vente constituent un enjeu géostratégique identifié qui fait pleinement partie de la recomposition en cours de l’ordre international. Ces différents éléments sont rares, comme le sont en définitive la plupart des matériaux de base qui fondent les processus de production actuels.
Si les terres rares portent bien leur nom, c’est qu’elles posent la question des limites au sein desquelles s’insère l’activité humaine. D’abord, il est décisif de penser la stratégie industrielle de la France et de l’Europe pour assurer une maîtrise de ces chaînes de valeur. Cela suppose d’assumer une planification écologique qui pose des actes concrets. L’Union européenne, par son attachement purement idéologique au libre-échange, s’est privée des moyens de sécuriser les approvisionnements et de construire des chaînes de production pertinentes, notamment pour la transition énergétique.
Une question d’importance est posée. Nous ne produisons presque pas de terres rares et les gisements européens sont faibles. La question des coopérations commerciales et industrielles à construire est ouverte, mais elle ne saurait ni se tenir dans le cadre d’une croyance aveugle dans le libre-échange ni au prétexte de la transition écologique. Je vous renvoie à ce propos à l’excellent ouvrage de Jean-Baptiste Fressoz, Sans transition : une nouvelle histoire de l’énergie, qui explique bien que l’idée même de transition énergétique est fausse. Nous ne sommes jamais passés, par exemple, du charbon au pétrole, car nous n’avons jamais autant consommé de ces deux combustibles.
Il est aujourd’hui nécessaire d’engager une bifurcation profonde de nos modes de production. Nous en aurions, selon les estimations actuelles, pour un peu plus de quatre siècles de production de terres rares au niveau mondial. Le surgissement du changement climatique, qui provoque des changements sur des dizaines de milliers d’années, nous oblige à penser : quatre siècles, et après ?
De quelque façon que nous prenions le problème de la production aujourd’hui, nous retrouvons la contradiction fondamentale de notre époque, entre, d’une part, les limites effectives et indéniables posées par la nature et, d’autre part, la logique d’accumulation et d’expansion productive du capitalisme. La réalité de l’écologie est là : le capitalisme n’est pas soutenable dans le temps. La question des terres rares, avec d’autres, nous le rappelle.
Il est nécessaire que la France s’affirme comme une puissance qui propose de sortir d’un modèle insoutenable qui a provoqué la sixième extinction des espèces de masse en cours et le changement climatique, dont nous commençons à peine à sentir les effets désastreux.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Les terres rares portent très mal leur nom, car elles existent en grande quantité sur terre, et sont notamment présentes en Europe et en France. Des gisements de terres rares faramineux viennent d’être découverts en Suède. En plus, l’avantage des métaux et de certaines terres rares est qu’ils se recyclent sans perdre leur qualité.
Ce qui pose problème est la concentration du raffinage de ces terres rares en Chine, car ce pays maîtrise in fine la distribution des terres rares dans le monde et s’en sert comme d’un outil pour arriver à ses fins politiques et industrielles.
Ensuite, les évolutions technologiques du capitalisme vont permettre de diminuer peu à peu ces besoins en quantité dans les appareils qui nous seront vendus.
Le problème actuel n’est donc pas la rareté des matériaux, mais surtout la concentration de la chaîne de valeur par certains pays, principalement la Chine, qui peuvent s’en servir comme d’un outil politique.
Enfin, nous vivons dans une société à tendance capitaliste – ce que l’on peut combattre, comme vous – et les gens ont besoin de produits. Vous ne voulez peut-être pas priver nos amis des pays en voie de développement du luxe de disposer de certains produits. Eux aussi en rêvent et finiront par en avoir.
Mme Pascale Got (SOC). La prédominance de certains pays sur la question des terres rares – notamment la Chine, à travers ses besoins, sa mainmise sur les ressources, l’ampleur de ses stockages stratégiques à travers le monde et sa politique portuaire – est très ancienne et crée en effet des tensions.
De plus, vous n’avez peut-être pas assez relevé l’existence d’une financiarisation croissante des marchés des matières premières, avec souvent de la spéculation qui amplifie le déséquilibre sur l’économie réelle et influe sur la formation des prix.
Quatre axes qui restent à travailler : la sécurisation de l’approvisionnement de la France et de l’Europe ; l’amélioration du fonctionnement des marchés physiques ; l’extension du périmètre de la régulation financière à toutes les opérations réalisées sur le marché des terres rares ; la création d’abus de marché sur les transactions des matières premières.
Pour sécuriser l’approvisionnement de l’Europe, la Commission européenne devrait, à mon sens, instaurer un système de réduction à l’exportation des terres rares, ainsi qu’une diplomatie des matières premières avec des accords de coopération, même si certains sont déjà réalisés. Elle pourrait également renforcer les missions du comité des métaux stratégiques auprès des industriels, pour les aider à prévenir des risques de rupture et sécuriser leur approvisionnement.
De plus, nous pourrions aussi mettre un terme aux exportations illégales des déchets contenant des terres rares et renforcer le contrôle de la communication des produits adossés à ces terres rares.
Nous avions rédigé avec Catherine Vautrin un rapport sur la spéculation des terres rares et, plus de dix ans après, beaucoup de préconisations, parmi nos trente-trois propositions, restent à réaliser, même si des avancées ont eu lieu en France et en Europe.
Quel est votre avis sur les quatre axes évoqués et les quelques mesures qui restent à prendre ?
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Il faut effectivement absolument travailler sur la sécurisation des chaînes de valeur et des approvisionnements. Je n’ai pas bien compris votre propos sur la réduction des exportations, car l’Europe n’exporte pas ou peu de terres rares.
Mme Pascale Got (SOC). Ma question ne porte pas tant sur les terres rares en tant que produits uniques, mais plutôt sur l’exportation des instruments qui contiennent des terres rares. Or, nous savons qu’il existe des exportations illicites, vers la Chine notamment, via des réseaux parallèles.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. La France exporte en effet beaucoup de déchets et de métaux. Nous n’avons pas les moyens de traiter tous ces déchets en France. De plus, les Chinois incluent parfois dans certains contrats, relatifs à la fabrication de batteries en Europe par exemple, un retour des éléments fabriqués en Chine. Il faut lutter contre ce type de clause. Dans la mesure où nous sommes dans une guerre commerciale, ils essaient de récupérer leurs déchets pour nous priver de ce potentiel de terres rares et de métaux critiques.
L’amélioration des marchés est en train de s’organiser, ce qui n’est pas simple. Des pays, comme l’Indonésie ou la Chine, créent leur propre marché financier pour avoir une maîtrise des cours des matières premières plus proche de leurs intérêts. Il s’agit d’une guerre des marchés entre les places financières européennes, américaines et maintenant asiatiques, voire de certains pays du Moyen-Orient. La France a peu de moyens de peser sur ce point.
Les quatre axes dont vous parlez sont en effet à travailler. Certains ne peuvent pas relever simplement d’une initiative française, mais nécessitent des initiatives internationales pour réguler les marchés mondiaux.
La DIAMMS essaie de conseiller les entreprises françaises, avec des experts, afin qu’elles puissent mieux s’implanter et se défendre dans ce marché très concurrentiel et stratégique.
Mme Véronique Besse (NI). Je vous remercie pour ce travail très éclairant. À l’heure du numérique et de la transition écologique, les métaux stratégiques, et tout particulièrement des terres rares, sont devenus essentiels au point d’être des leviers d’actions géopolitiques et de pouvoir redessiner les rapports de forces internationaux.
Bien entendu, nous partageons tous cette inquiétude face à notre dépendance à la production étrangère, et notamment chinoise. En tant que Français, puis en tant qu’Européens, il est de notre devoir de repenser notre stratégie pour assurer notre souveraineté. Nous avons un retard à rattraper d’urgence si nous voulons retrouver notre indépendance.
Vos propositions en faveur de l’émergence et du développement d’une filière européenne, voire française, sont donc légitimes.
Cette nouvelle stratégie doit prendre en compte l’acceptabilité sociale des projets miniers et industriels. En effet, le développement des projets industriels pourrait se faire sur des terres fertiles. À titre d’exemple, la carte du potentiel minier de la métropole dévoile une concentration de certaines substances dans l’Ouest de la France. Or, cette région est aussi connue pour être une terre d’élevage avec des agriculteurs qui peinent parfois à s’installer ou à s’agrandir. De plus, les projets miniers sont de grands consommateurs d’eau et risquent de devenir des concurrents des agriculteurs pour l’accès à l’eau, surtout en période estivale lorsque les besoins sont les plus importants. N’existe-t-il pas un risque de rivalité entre les projets agricoles et les projets industriels ?
Par ailleurs, je souhaite également vous alerter sur les réactions parfois épidermiques d’associations militantes, qui s’opposent par principe ou par idéologie à certains projets. Leur opposition se fait non seulement suivant les voies réglementaires, pour retarder des projets, mais aussi en s’en prenant directement aux outils et aux infrastructures. Au-delà des simplifications administratives, quelles sont les pistes réglementaires pour assurer la sûreté des biens et des personnes ?
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Je pense que le Mercosur fera plus de mal à l’agriculture que le renouveau des projets miniers en France. La plupart des projets miniers, comme dans l’Allier, se font sur des mines déjà existantes. Il peut effectivement y avoir de la prospection ailleurs. Dans votre circonscription, il peut exister un empiétement sur des terres agricoles, car les mines ne sont pas hors-sol. Ce point devra évidemment être encadré, limité et faire l’objet de lois spéciales pour limiter ces problématiques, comme pour les projets liés aux énergies renouvelables. Le caractère souterrain de la plupart des mines actuelles résout une partie du problème.
Dès qu’un projet se monte, il génère des opposants. Il en sera de même pour les mines, avec des impacts différents. Toutefois, une partie de la population locale sera informée par les procédures prévues. De plus, la question de l’après est régie par le droit positif et un industriel ne peut pas repartir en laissant un trou béant sans s’occuper de la pollution résiduelle qui pourrait subsister, ce qui peut rassurer la population.
Enfin, les opposants politiques, qui viennent parfois d’Allemagne ou d’ailleurs pour s’opposer à un projet en France, doivent être surveillés, encadrés par la loi et répondre de leurs actes s’ils commettent des actions répréhensibles.
M. le président Bruno Fuchs. Je cède maintenant la parole aux députés pour leurs questions.
M. Jorys Bovet (RN). Dans ma circonscription de l’Allier, à Échassières, un projet d’extraction de lithium a vu le jour. Ce projet doit permettre la production de lithium pour 700 000 batteries de véhicules par an, soit la moitié de la production automobile française, et contribuer ainsi à la transition énergétique. L’exploitation minière est un enjeu de souveraineté énergétique, mais également un sujet d’indépendance financière. Ce projet a bénéficié de soutien public dans le cadre du plan France Relance et de France 2030 pour la recherche et le développement. Néanmoins, ces financements n’atteignent pas le coût exorbitant d’un milliard d’euros représenté par le projet.
Pensez-vous que l’État apporte un soutien suffisant aux entreprises ? Dans quelle mesure les pouvoirs publics pourraient-ils faciliter la mise en place de ce type de projet ?
Aujourd’hui, la Chine est le premier producteur de batteries. Pourrions-nous récupérer une part de son marché économique, au moins au niveau européen ? Le leader chinois, BYD Auto, a investi dans l’acquisition de mines de lithium pour sécuriser son approvisionnement, une étape stratégique qui permet une indépendance de l’entreprise. Devrions-nous sensibiliser notre industrie automobile, un secteur qui souffre beaucoup ces dernières années, à en faire de même ?
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Il est en effet nécessaire que les pouvoirs publics se mobilisent pour l’industrie minière, en passant par une simplification radicale des démarches permettant une réduction des délais nécessaires pour la mise en place d’un projet ; une réduction du nombre d’interlocuteurs ; une intensification du soutien financier public pour être compétitif par rapport aux Américains via des crédits d’impôt ; un déblocage des investissements privés que peut représenter l’épargne, par exemple en proposant des produits attractifs et garantis.
Nous avons besoin d’un État stratège.
Concernant les parts de marché de la Chine dans le domaine des batteries, nous devons protéger notre marché et les industries naissantes avec des barrières douanières, renforcer notre compétitivité-coût, notamment sur l’énergie, et rattraper notre retard technologique important.
Enfin, il me semble que la prise de conscience s’opère dans le secteur automobile. Par exemple, Stellantis investit maintenant dans l’industrie minière. L’enjeu réside donc dans la généralisation de cette prise de conscience à toutes les industries concernées et la matérialisation en actions concrètes en travaillant sur la chaîne d’approvisionnement.
M. Pierre Pribetich (SOC). Vous avez évoqué la stratégie nationale avec, notamment, des partenariats stratégiques bilatéraux.
Je suis très étonné de ne pas trouver, parmi ces partenariats, le Japon. En effet, le Japon recherche, depuis 1966, des nodules polymétalliques, qui sont des galets de métaux situés dans les abysses, à plusieurs milliers de mètres sous l’eau, contenant des métaux aussi divers que l’europium, le terbium, l’yttrium, le dysprosium, mais aussi du cobalt et du manganèse.
En 2016, près de l’île de Minamitori-shima, 16 millions de tonnes ont été recensées, permettant au Japon d’être totalement indépendant vis-à-vis de l’approvisionnement chinois. Ces boues prélevées à moins 5 000 mètres sous la mer posent de très nombreux problèmes écologiques d’extraction.
Pourquoi ce volet sur les nodules polymétalliques, qui sont une source d’approvisionnement gigantesque, n’est-il pas évoqué dans votre rapport ?
M. le président Bruno Fuchs. Je rappelle que cette commission se demandera comment accompagner la diplomatie française et les acteurs français à l’exposition universelle d’Osaka en 2025.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Plusieurs pages du rapport sont consacrées au Japon et à ces nodules polymétalliques. Le Japon convoite ses ressources et a une avance technologique très importante concernant la possibilité de récupérer ces nodules polymétalliques dans les grands fonds. Ils n’en sont pas encore au stade de l’exploitation, mais de l’expérimentation d’inventions technologiques pour pouvoir aller à ces profondeurs et voir s’il serait intéressant de les récupérer. Le Japon s’engage donc effectivement dans cette direction.
La France n’a pour l’instant pas choisi cette possibilité, bien que nous ayons aussi certainement, avec notre espace maritime, de nombreux gisements possibles. D’une certaine façon, la France préserve ses stocks futurs, qu’elle ira éventuellement chercher s’il n’y a pas de contradictions avec les fonds marins et la biodiversité.
La France aurait peut-être tout intérêt à se rapprocher du Japon pour pouvoir maîtriser cette technologie et ne pas se retrouver dans dix ou vingt ans avec un retard technologique pour pouvoir exploiter ces ressources s’il existe un besoin et si cela est possible.
M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). Aujourd’hui, seul 1 % des terres rares est recyclé. L’Union européenne a récemment pris conscience de l’enjeu que pouvait représenter le recyclage et a fixé l’objectif d’augmenter de 15 % les capacités de recyclage des matériaux critiques, dont les terres rares, notamment pour développer une industrie de production d’aimants permanents.
Selon le site du gouvernement consacré à ce sujet, la France bénéficie d’un certain nombre d’atouts. Quatre entreprises françaises, notamment, ont développé des technologies innovantes qui permettent de mieux séparer les terres rares, tout en diminuant les coûts en eau et en énergie et en minimisant les impacts environnementaux. Le recyclage permettrait a priori à la France et à l’Europe d’être productrice de terres rares recyclées et donc de baisser un peu la dépendance vis-à-vis des grands pays producteurs.
Où en sommes-nous concrètement du recyclage des terres rares en France ? Par ailleurs, quel serait le rôle des outre-mer en la matière ?
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Les aimants permanents représentent un enjeu parce que la Chine détient au moins 90 % du marché. Les gros aimants permanents sont essentiels pour les éoliennes, tandis que les petits le sont pour les moteurs électriques.
La France s’est en effet lancée dans la possibilité de recycler les aimants permanents, ce qui constitue une initiative très intéressante pour retrouver un peu d’autonomie sur ce domaine. Plusieurs projets de start-up sont en cours et élaborent des systèmes de recyclage de certaines terres rares. Le seul problème est la dispersion de ces terres rares dans des quantités infimes, qui se perdent et qui ne sont pas recyclables. Je précise qu’il est ici question de quantités de quelques kilos, loin des proportions des métaux critiques.
M. Guillaume Bigot (RN). Votre travail de grande qualité met en lumière l’irrationalité des objectifs imposés en matière de transition vers le tout électrique en matière de véhicules.
Vous indiquez par exemple que la demande mondiale en lithium, indispensable pour les batteries électriques, sera multipliée par quarante d’ici 2050. Cette augmentation brutale de la production va donc générer des émissions de CO2 considérables, ce qui vient contredire formellement l’objectif initial de réduction de ces émissions. Existe-t-il une évaluation précise des émissions de CO2 générées par l’extraction et la transformation du lithium, par exemple, nécessaires à cette transition ?
Par ailleurs, comment justifier la poursuite d’objectifs européens aussi irréalistes et absurdes que l’interdiction des véhicules thermiques d’ici 2035 ? Ne s’agit-il pas là d’une entreprise de destruction programmée de notre industrie automobile qui met volontairement en péril notre souveraineté industrielle ?
Albert Einstein disait : « Deux choses sont infinies : l’Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue. » Avec l’interdiction de la voiture thermique en 2035, avons-nous acquis la certitude de l’insondable bêtise de Bruxelles ?
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Vous dénoncez à juste titre l’empreinte carbone importante de l’extraction et de la transformation de lithium. Selon l’entreprise Imerys, l’extraction d’une tonne de lithium en France émet 8 kilos de CO2 par tonne, contre 16 et 20 kilos de CO2 pour du lithium australien ou chinois. Pour la transformation, également énergo-intensive, cet écart sera encore plus grand, sans compter les émissions liées au transport des matières premières importées. La plus grande mesure écologique à prendre est donc bien entendu la relocalisation de ces activités industrielles en France.
Je vous rejoins sur la décision mortifère de l’interdiction des véhicules thermiques en 2035, qui ne sera efficace écologiquement que dans le cadre d’une politique puissante de réindustrialisation, mais fait en plus passer notre industrie automobile d’une technologie thermique que nous maîtrisons et que nous aurions pu améliorer à une technologie dans laquelle nous accusons un retard alarmant. En même temps, ce besoin de matières premières énorme, et donc du renouveau minier, est dû à l’application du programme écologique.
Mme Dominique Voynet (EcoS). En lisant votre rapport, j’avais le sentiment d’un travail sérieux, et même érudit. Puis les interventions des collègues de votre groupe – très polémiques et politiciennes – sont venues et c’était presque amusant de vous voir lire des réponses rédigées à l’avance sur le format ad hoc, qui permettent à votre parti de faire son miel d’un travail qui devrait être collectif. D’ailleurs, il n’y a jamais aucun débat ici, mais une succession de monologues qui servent essentiellement les préoccupations politiques des différents groupes.
Tout d’abord, nous devons nous poser de vraies questions. À quels besoins prioritaires entendons-nous répondre ? L’obsolescence frénétique de la plupart des objets de consommation courante est-elle raisonnable et supportable ? Il va falloir hiérarchiser nos priorités et répondre à des besoins de la communauté humaine plutôt qu’aux préoccupations consuméristes des adolescents consommateurs de TikTok.
Ensuite, nous avons octroyé des centaines de millions d’euros à des filières visant, en termes de recherche et de développement, à sécuriser, par exemple, le recours à l’énergie nucléaire. Pourquoi ne pourrions-nous pas le faire pour les terres rares ? Nous avons besoin de programmes européens, et peut-être même internationaux, nous permettant de gérer de façon responsable ces ressources. Il est absolument nécessaire de sortir de l’idéologie sur ce sujet.
Enfin, concernant la relocalisation des activités industrielles et minières, vous ne trouverez pas, dans mon parti, de personnes qui s’y opposent, car nous n’avons pas de satisfaction particulière à exporter la pollution, les nuisances, le travail des enfants et des prisonniers à l’autre bout du monde.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Le sujet est politique. Ainsi, ne vous étonnez pas que les réponses le soient également.
Vous évoquez la question de l’obsolescence programmée, qui est un sujet important, mais ce sont aussi les industriels qui y répondront sous la pression des consommateurs.
Toutefois, nous indiquons dans ce rapport que notre priorité est que la France reste un pays industriel, innovant, puissant et souverain dans cette compétition acharnée qu’on peut déplorer, mais qui existe.
La mise en commun de la recherche et du développement existe dans une certaine mesure, mais les brevets industriels sont protégés, secrets et nous ne sommes pas tout le temps dans la coopération. Même les relations entre les entreprises françaises et l’État, qui demandent de la transparence sur les stocks et les stratégies pour arriver à des chaînes de valeur, ne sont pas faciles, parce que les industriels veulent protéger leurs avantages compétitifs sur leur approvisionnement, leurs stocks et leurs secrets industriels. Nous sommes donc loin de cette vision idyllique que vous prônez. Nous pourrions la souhaiter, mais nous sommes confrontés à la réalité du monde et de la compétition entre les pays et entre les industries.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). J’ai trouvé l’énoncé très scientifique du rapporteur, qui a évoqué « une société à tendance capitaliste », assez amusant.
Concernant le recyclage, vous pariez sur un progrès technique dans le temps. Or, au regard de l’histoire économique de ces deux derniers siècles et du rapport entre nos sociétés et l’environnement, nous constatons qu’à chaque fois que les processus techniques de production s’améliorent dans le cadre de l’économie capitaliste, la demande augmente ensuite. Ce phénomène s’appelle l’effet rebond. Vous ne pouvez donc pas dire que nous allons réussir à rester dans les limites posées par la nature grâce au progrès technique, car il est scientifiquement établi que c’est faux.
Nous connaissons la gravité considérable du changement climatique. Je ne dis pas qu’au sein de mon groupe, nous détenons toutes les réponses, mais, au moins, nous avons le mérite de constater la contradiction entre, d’un côté, le changement climatique et, de l’autre, les modes de production actuels. Ce n’est pas un petit point de détail, mais la question centrale de l’époque, qui doit être posée démocratiquement.
Vous disiez que les industriels agiront sous la pression des consommateurs. Il s’agit de la vision de la démocratie néo-libérale de Friedrich Hayek. Nous pensons, quant à nous, que la démocratie doit être décidée par les citoyens, ce qui s’appelle la République sociale et est une grande tradition française.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Nous n’avons en effet pas la même vision de la société. Je pars du constat des sociétés dans lesquelles nous vivons. Pour l’instant, il est vrai que nos sociétés ne vont pas vers la décroissance ou un retour en arrière sur certaines technologies et que nous consommons de plus en plus. On peut le regretter et le combattre, comme vous le faites. Néanmoins, pour l’instant, on doit faire avec ces constats. Ce n’est pas vraiment l’objet de notre rapport. Chacun a ses priorités et met les métaux précieux ainsi que les terres et pierres rares où il veut, que ce soit dans des bijoux ou des iPhones.
M. le président Bruno Fuchs. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour ce travail, en espérant qu’une partie importante des propositions puissent être retenues et mises en œuvre. Je rappelle que nous ferons un effort, au sein de cette commission, pour vous aider à la mise en œuvre d’une partie – la plus importante possible – de vos propositions.
Conformément à l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, à l’issue des échanges, la commission autorise la publication du rapport d’information qui lui a été présenté.
ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR
Le rapporteur adresse ses remerciements chaleureux à l’ensemble du personnel des ambassades de France en Suède et en République démocratique du Congo pour l’excellence de leur accueil au cours des déplacements effectués.
M. Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du centre énergie & climat de l’institut français des relations internationales ;
M. Benjamin Gallezot, délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques ;
M. Aurélien Gay, délégué interministériel adjoint aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques ;
M. Christophe Poinssot, directeur général délégué et directeur scientifique du bureau de recherches géologiques et minières ;
M. Stéphane Bourg, directeur général de l’observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles ;
M. Alexis Findykian, chargé de mission en affaires publiques auprès du délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques ;
M. Raphaël Danino-Perraud, officier commissionné à l’état‑major des armées, au titre du service de l’énergie opérationnelles et consultant indépendant au profit du ministère de la transition écologique ;
M. Thierry Vircoulon, chercheur et coordinateur de l’observatoire de l’Afrique centrale et australe au centre Afrique subsaharienne de l’institut français des relations internationales ;
M. Alain Antil, chercheur et directeur du centre Afrique subsaharienne de l’institut français des relations internationales ;
M. Joseph Dellatte, research fellow climat, énergie et environnement au sein du programme Asie de l’institut Montaigne ;
M. John Seaman, research fellow expert en géopolitique de l’énergie et des ressources naturelles en Asie à l’institut français des relations internationales ;
M. Yves Jégourel, professeur titulaire de chaire, « économie des matières premières et transitions durables » au Conservatoire national des arts et métiers ;
Mme Hélène Dantoine, directrice de la diplomatie économique du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ;
M. Nicolas Guillaume, conseiller métaux critiques et transition énergétique à la direction de la diplomatie économique du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ;
M. Nicolas Leconte, conseiller métaux critiques et transition énergétique à la direction de la diplomatie économique du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ;
M. Aurel Treizenem, rédacteur sur la République démocratique du Congo de la sous-direction d’Afrique centrale du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ;
M. Emmanuel Hache, journaliste, économiste français, professeur, chercheur spécialiste de la prospective énergétique et de l’économie des ressources naturelles ;
M. Joaquim Nunes de Almeida, directeur général du marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des petites et moyennes entreprises (DG Grow) à la Commission européenne ;
M. Salvatore Berger, policy officer à la Commission européenne ;
M. Éric Buisson, analyste sur les matériaux critiques à l’agence internationale de l’énergie ;
M. K.C. Michaels, conseiller juridique à l’agence internationale de l’énergie ;
M. Baptiste Perrissin Fabert, directeur général délégué à l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ;
M. Raphaël Guastavi, directeur adjoint de l’économie circulaire à l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ;
M. Bruno Jacquemin, délégué général de l’alliance des minerais, minéraux et métaux (A3M) ;
M. Alan Parte, vice-président des projets lithium d’Imerys ;
M. Vincent Dufief, vice-président affaires publiques d’Imerys ;
M. Guillaume Borrel, président-directeur général de Lithium de France ;
Mme Frédérique Barthélémy, directrice Impact & Engagement du groupe Arverne ;
Mme Yasmine Chaouchi, chargée de relations publiques auprès du groupe Arverne ;
Mme Marie Forget, chercheuse à l’université Savoie Mont Blanc ;
M. Vincent Bos, chercheur à I-Tésé, institut de recherche et d’études en économie de l’énergie du centre CEA Paris-Saclay ;
Mme Anne-Cécile Rigail, cheffe du service des risques technologiques à la direction générale de la prévention des risques du ministère de la transition écologique ;
M. Guillaume Bailly, chef de bureau du sol et du sous-sol à la direction générale de la prévention des risques du ministère de la transition écologique ;
M. Pierre-Alain Gautier, directeur des affaires publiques et des partenariats chez Eramet ;
M. Nicolas Paris, directeur des achats e-powertrain et batteries chez Renault ;
M. Olivier Wendling, responsable d’achats de matières premières pour véhicules électriques au sein de l’Alliance en Europe chez Renault‑Nissan‑Mitsubishi ;
M. Nicolas Tcheng, responsable des relations institutionnelles chez Renault ;
M. Ludovic Chaker, directeur adjoint « anticipation stratégique » auprès du délégué général pour l’armement au ministère des armées ;
M. Walter Arnaud, ingénieur général de l’armement, adjoint au chef du service des affaires industrielles et de l’intelligence économique de la direction générale de l’armement au ministère des armées ;
M. Maxime Picat, directeur des achats et de la Supply Chain chez Stellantis ;
M. Olivier Bourges, Global Corporate Office and Public Affairs Officer chez Stellantis ;
Mme Clara Ingen-Housz, responsable des affaires publiques Enlarged Europe chez Stellantis ;
M. Olivier Lluansi, ancien délégué aux territoires d’industrie ;
M. Cyril Piquemal, représentant permanent adjoint de la France auprès de l’Union européenne ;
M. Guillaume Dureau, président d’Orano Projects, membre du comité exécutif et directeur recherche & développement, innovation, nucléaire médical, batteries aimants du groupe Orano ;
M. Xavier Saint Martin Tillet, membre du comité exécutif et directeur de la Business Unit Mines du groupe Orano ;
M. Antoine-Marie Bethenod, chargé de missions affaires publiques du groupe Orano.
Déplacement en Suède à Stockholm et Kiruna
M. Étienne de Gonneville, ambassadeur de France en Suède ;
Mme Diane Doucerain, première conseillère de l’ambassade de France en Suède ;
M. Loïc Defaye, conseiller politique et chef du service presse et communication de l’ambassade de France en Suède ;
Mme Victoria Lecomte, attachée politique et de presse de l’ambassade de France en Suède ;
M. Olivier Cuny, chef du service économique régional pour les pays nordiques de l’ambassade de France en Suède ;
M. Julien Grosjean, chef du pôle sectoriel et conseiller régional énergie, environnement et matières premières de l’ambassade de France en Suède ;
Mme Pauline Reyl, attachée transition écologique et numérique de l’ambassade de France en Suède ;
Mme Maria Sunér, directrice générale de la fédération suédoise du secteur minier ;
Mme Katarina Nilsson, directrice recherche & développement de la fédération suédoise du secteur minier ;
M. Pierre Heeroma, ancien directeur général de l’exploration minière des entreprises minières LKAB, Boliden et Orano ;
M. Darren Wilson, directeur terres rares et produits miniers spéciaux de LKAB ;
M. Magnus Forsberg, directeur financier de LKAB Minerals ;
Mme Barbara Thierart-Perrin, présidente de Northvolt Systems ;
M. Thomas Lindblom, directeur du département de la politique commerciale internationale et du marché intérieur au ministère des affaires étrangères suédois ;
Mme Clara Olander Molin, directrice adjointe du département Europe et Amérique du Nord au ministère des affaires étrangères suédois ;
M. Tobias Persson, secrétaire général de la commission nationale sur l’économie circulaire, conseiller en charge des sujets miniers à l’agence suédoise de la croissance ;
M. Isak From, député de la commission industrie et commerce du Parlement suédois ;
M. Eric Palmquist, député de la commission industrie et commerce du Parlement suédois ;
M. Birger Lahti, député de la commission industrie et commerce du Parlement suédois ;
Mme Elin Söderberg, députée de la commission industrie et commerce du Parlement suédois ;
M. Kaj Lax, directeur du département des ressources minérales de l’institut suédois de géologie ;
Mme Susanne Gylesjö, conseillère en charge des matières premières au ministère des entreprises et du climat suédois ;
Mme Lotta Lewin-Pihlblad, conseillère en charge des matières premières au ministère des entreprises et du climat suédois ;
M. Daniel Lyngdorf Vinka, président du Parlement Sami de Suède ;
M. Paulus Kuoljok, membre du Parlement Sami de Suède ;
Mme Marie Enoksson, chargée de communication au Parlement Sami de Suède ;
M. Anders Karlsson, directeur des services de la commune de Kiruna, en Suède ;
M. Gregory Poelzer, chercheur en sciences politiques à l’université de Luleå ;
Déplacement en République démocratique du Congo à Kinshasa
M. Bruno Aubert, ambassadeur de France en République démocratique du Congo ;
M. Didier Larroque, premier conseiller à l’ambassade de France en République démocratique du Congo ;
M. Thierry Blin, chef du service économique à l’ambassade de France en République démocratique du Congo ;
M. Bertrand Boularan, conseiller mines à l’ambassade de France en République démocratique du Congo ;
M. Richard Mouthuy, conseiller de coopération et d’action culturelle à l’ambassade de France en République démocratique du Congo ;
Mme Hayat Larbi, attachée de gouvernance à l’ambassade de France en République démocratique du Congo ;
Mme Justine Martin, attachée de coopération scientifique et universitaire à l’ambassade de France en République démocratique du Congo ;
Mme Antoinette N’Samba Kalambayi, ancienne ministre des mines, et ses équipes ;
Mme Raissa Kikunda, secrétaire générale de l’entreprise générale du cobalt ;
Mme Carelle Mizumi Mapy, directrice générale adjointe de l’agence de régulation et de contrôle des minerais stratégiques ;
M. Guy Robert Lukama, président du conseil d’administration de la Gécamines ;
M. Stéphane Cormier, conseiller du président du conseil d’administration de la Gécamines ;
M. Raoul Wazenga, directeur général du service géologique national de la République démocratique du Congo ;
M. François Muamba Tshishimbi, coordinateur du conseil présidentiel de veille stratégique de la République démocratique du Congo ;
M. Gérard Tumba, directeur de cabinet du coordinateur du conseil présidentiel de veille stratégique de la République démocratique du Congo ;
M. Bosco Kapand Rohani, assistant au conseil présidentiel de veille stratégique de la République démocratique du Congo ;
M. Christian Luyela, expert au conseil présidentiel de veille stratégique de la République démocratique du Congo ;
M. Gino Buhendwa Ntale, président du conseil d’administration de l’entreprise générale du cobalt ;
Mme Marie-Chantal Kaninda, présidente de Glencore en République démocratique du Congo ;
M. Steve Fumu, chargé des affaires commerciales de Glencore en République démocratique du Congo ;
M. Joachim Nzuzi, directeur de cabinet et directeur des relations institutionnelles d’European Resources Group Africa (ERG) en République démocratique du Congo ;
M. Romain Battajon, conseiller général d’European Resources Group Africa (ERG) en République démocratique du Congo ;
M. Jean-Jacques Kayembe, coordinateur national de l’initiative pour la transparence dans les industries extractives en République démocratique du Congo ;
M. Ismaël Tutu, coordinateur transparence et plaidoyer au centre Carter ;
M. Romain Ravet, représentant pays senior en République démocratique du Congo du centre Carter ;
Mme Matilda Schedwin, adjointe au chef de la délégation de l’Union européenne en République démocratique du Congo ;
Mme Anne-Aël Pohu, cheffe de secteur gouvernance économique de la délégation de l’Union européenne en République démocratique du Congo ;
Mme Francesca Fabbri, attachée environnement et climat à la délégation de l’Union européenne en République démocratique du Congo ;
M. Jean Yves Parant, président des conseillers du commerce extérieur de la France en République démocratique du Congo ;
M. Laurent Puglionisi, représentant résident pour l’Afrique centrale du mouvement des entreprises de France ;
M. Bob Tumba Matamba, représentant pour la République démocratique du Congo du mouvement des entreprises de France ;
M. Henry Wazne, administrateur-directeur général de Sofibanque ;
M. Christophe Roudaut, directeur général du groupe Ascoma ;
M. Thierry de Jaham, directeur général d’Accor en République démocratique du Congo ;
M. John Kanyoni, entrepreneur minier, directeur de la chambre de commerce franco-congolaise, administrateur de la fédération des entreprises du Congo et membre de l’entreprise minière Trafigura ;
M. Michel-Emery Losembe Botumbe, administrateur de la fédération des entreprises du Congo ;
M. Denis Lecouturier, directeur général du conseil congolais de la batterie ;
M. Walter Kangombe Lukengu, secrétaire général du conseil congolais de la batterie ;
Mme Lilas Pezo, directrice Business Development and Communication au conseil congolais de la batterie ;
M. Antonio Capone, chef de coopération à la délégation de l’Union européenne en République démocratique du Congo ;
M. Gabriel Leost, représentant résident du Fonds monétaire international (FMI) en République démocratique du Congo ;
M. Kofi Nouve, directeur des opérations à la Banque mondiale ;
Mme Cassilde Brenière, directrice générale adjointe en charge des opérations chez Expertise France ;
Mme Aude Delescluse, directrice pays d’Expertise France en République démocratique du Congo ;
M. François Jacquier, directeur régional Afrique centrale à l’Agence française de développement ;
Mme Safia Ibrahim, directrice de l’Agence française de développement à Kinshasa en République démocratique du Congo ;
Mme Sophie Rech, directrice adjointe de l’Agence française de développement à Kinshasa en République démocratique du Congo ;
M. Jean-Marc Kadjo, responsable du pôle infrastructures et biodiversité de l’Agence française de développement à Kinshasa en République démocratique du Congo.
ANNEXE 2 : LISTE DES ACRONYMES ET DES ABRÉVIATIONS UTILISÉS DANS LE RAPPORT
ACC : Automative Cells Company (Société de cellules automatiques)
ADEME : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
AFD : Agence française de développement
Afnor : Association française de normalisation
AIE : Agence internationale de l’énergie
AIFM : Autorité internationale des fonds marins
ANTAM : Société minière indonésienne PT Anteka Tamban
APCSC : Asia Pacific Customer Service Consortium (Consortium Asie‑Pacifique pour le service à la clientèle)
ARECOMS : Autorité de régulation et de contrôle des marchés des substances minérales stratégiques
BEI : Banque européenne d’investissement
BERD : Banque européenne pour la reconstruction et le développement
BGR : Bundesanstalt für Geowissenschaften und Rohstoffe (Institut fédéral de géosciences et de ressources naturelles)
BRGM : Bureau de recherches géologiques et minières
BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud
BRICS + : BRICS élargis
CEA : Commissariat à l’énergie atomique
CFMP : Caisse française des matières premières
CGI : Code général des impôts
CMOC : China Molybdenum Company (Société chinoise de molybdène)
CNDP : Commission nationale du débat public
COTAM : Convention d’occupation temporaire du domaine forestier pour activité minière
CREC : China Railway Engineering Corporation (Société chinoise d’ingénierie ferroviaire)
CRM Act : Critical Raw Materials Act (Législation européenne sur les matières premières critiques)
CSTI : Conseil pour la science, la technologie et l’innovation
C3IV : Crédit d’impôt « investissement industries vertes »
DEAL : Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement
DGPR : Direction générale de la prévention des risques
DIAMMS : Délégation interministérielle aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques
DLA : Defense Logistics Agency (Agence logistique de la défense)
DMA : Drainage minier acide
DMCC : Dubai Multi Commodities Centre (Centre multi-produits de Dubaï)
DOE : United States Department of Energy (Département de l’énergie des États-Unis)
DREAL : Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement
ECOTREE : Programme « écotoxicologie des terres rares en milieu aquatique »
EDF : Électricité de France
EGC : Entreprise générale du cobalt
EIT : European Institute of Innovation and Technology (Institut européen d’innovation et de technologie)
ERG : Eurasian Resources Group (Groupe des ressources eurasiennes)
ESG : Standards environnementaux, sociaux et de gouvernance
FSPI-R : Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain
Gécamines : Société publique minière Générale des carrières et des mines
GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
GPS : Garantie des projets stratégiques
IBC : Indonesia Battery Corporation (Société indonésienne de batteries)
ICDX : Indonesia Commodity and Derivatives Exchange (Bourse indonésienne des matières premières et des produits dérivés)
ICPE : Installations classées pour la protection de l’environnement
IDE : Integrated drive electronics (Environnement de développement intégré)
IFPEN : Institut français du pétrole énergies nouvelles
IMIP : Indonesia Morowali Industrial Park (Parc industriel indonésien de Morowali)
INERIS : Institut national de l’environnement industriel et des risques
INRS : Institut national de recherche et de sécurité
IRA : Inflation Reduction Act (Loi américaine sur la réduction de l’inflation)
IRENA : International Renewable Energy Agency (Agence internationale pour les énergies renouvelables)
IRMA : Initiative for Responsible Mining Assurance (Initiative pour garantir une exploitation minière responsable)
ISO : International Organization for Standardization (Organisation internationale de normalisation)
ITA : International Tin Association (Association internationale de l’étain)
ITIE : Initiative pour la transparence des industries extractives
JOGMEC : Japan Oil, Gas and Metals National Corporation (Société nationale du pétrole, du gaz et des métaux du Japon)
JST : Japan Science and Technology Agency (Agence japonaise pour la science et la technologie)
KNS : Koniambo Nickel SAS
LGI : Laboratoire génie industriel
METI : Ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie
MEXT : Ministère de l’éducation, de la culture, des sports, des sciences et de la technologie
MIT : Massachusetts Institute of Technology (Institut de technologie du Massachusetts)
MONUSCO : Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo
MSP : Minerals Security Partnership (Partenariat pour la sécurité des minéraux)
NASA : National Aeronautics and Space Administration (Administration nationale de l’aéronautique et de l’espace)
NDS : National Defense Stockpile (stocks de défense nationale)
NEDO : New Energy and Industrial Technology Development Organization (Organisation pour le développement des énergies nouvelles et des technologies industrielles)
NTIC : Nouvelles technologies de l’information et de la communication
NZIA : The Net-Zero Industry Act (Règlement européen sur les semi-conducteurs)
OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques
ODD : Objectifs de développement durable
OFREMI : Observatoire français pour les ressources minérales
OMC : Organisation Mondiale du commerce
ONF : Office national des forêts
ONG : Organisation non gouvernementale
OPECST : Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques
Opep : Organisation des pays exportateurs de pétrole
PIB : Produit intérieur brut
PRNC : Usine pyrométallurgique Prony Resources Nouvelle-Calédonie
SAKIMA : Société aurifère du Kivu et du Maniema
SEC : Securities and Exchanges Commission (Commission des valeurs mobilières et des changes)
SFDR : Sustainable Finance Disclosure Regulation (Règlement sur la divulgation des informations relatives à la finance durable)
SGU : Sveriges geologiska undersökning (Institut géologique de Suède)
SICOMINES : Société minière en République Démocratique du Congo
SLN : Société Le Nickel
SNV : Sveriges Natur Vårdsverk (Agence suédoise pour la protection de l’environnement)
SQM : Sociedad Quimica y Minera de Chile (Société chimique et minière du Chili)
TCTF : Temporary Crisis and Transition Framework (Cadre temporaire de crise et de transition)
UNDRIP : United Nations Declaration on the Rights of Indigenous Peoples (Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones)
UNDROP : United Nations Declaration on the Rights of Peasants and Other People Working in Rural Areas (Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales)
UNEP : United Nations Environment Program (Programmes des Nations unies pour l’environnement)
Unicef : United Nations of International Children’s Emergency Fund (Fonds des Nations unies pour l’enfance)
URSS : Union des Républiques socialistes soviétiques
ZLD : Approche « zéro décharge liquide »
ANNEXE 3 : DÉCLARATION D’ANVERS DU 20 FÉVRIER 2024
The undersigned companies and organisations express their full support for a European Industrial Deal to complement the Green Deal and keep high quality jobs for European workers in Europe.
There is an urgent need for clarity, predictability, and confidence in Europe and its industrial policy. As very clearly stated by the Belgian PM Alexander De Croo : “We need our industry for their innovation capacity. To come up with tomorrow’s climate solutions. That is why Europe should not only be a continent of industrial innovation, but should remain a continent of industrial production ”.
To meet climate neutrality by 2050 and the recently communicated 2040 target, Europe’s electricity production will need to multiply, and industry investments will need to be a factor six higher than the previous decade. This enormous challenge comes just as both large companies and SMEs face the most severe economic downturn in a decade, demand is falling, production costs increase and investments move to other regions.
A US economy that benefits from the financial support from the Inflation Reduction Act (IRA) and its ease of accessibility, a Chinese overcapacity and increasing exports to Europe all increase the pressure for the European industry even more. Our companies face this challenge every day. Sites are being closed, production halted, people let go. Europe needs a business case, urgently.
An Open Strategic Autonomy for a competitive and resilient EU is crucial for the transition of Europe in an ever changing geopolitical landscape. It can however only be achieved if also basic and energy intensive industries remain and invest in Europe. Without a targeted industrial policy, Europe risks becoming dependent even on basic goods and chemicals. Europe cannot afford this to happen.
Our Declaration calls to Member State Governments, the next European Commission and Parliament to:
01 - Put the Industrial Deal at the core of the new European Strategic Agenda for 2024-2029
We call for a comprehensive action plan to elevate competitiveness as strategic priority and create the conditions for a stronger business case in Europe. The action plan needs to include actions to eliminate regulatory incoherence, conflicting objectives, unnecessary complexity in legislation and over reporting. We ask to develop an Omnibus proposal to take corrective measures on all relevant existing EU regulations as the first piece of legislation to be presented in the next EU institutional cycle.
02 - Include a strong public funding chapter with a Clean Tech Deployment Fund
for Energy Intensive Industries closely coordinated with a simplified State Aid framework, while respecting the Single Market rules. This should allow public de- risking of private investment into clean technologies through both CAPEX and OPEX support, with guarantees to ensure the retention and creation of quality jobs in Europe, and propose a competitive and sustainable tax level across Europe.
03 - Make Europe a globally competitive provider of energ
The costs of energy in Europe are simply too high to compete and are not only driven by commodity prices but also by regulatory charges.The next European Commission needs to prioritise new projects for abundant and affordable low carbon renewable and nuclear energy. We need a real EU Energy Strategy with concrete actions that enable cross- border electrical power, grid expansion for hydrogen and other renewable & low-carbon molecules, and partnerships with resource-rich countries.
04 - Focus on the infrastructure Europe needs.
Target the Recovery and Resilience Facility and Structural and Regional Funds to integrate and build a worldclass EU Energy, digital, CCUS and recycling infrastructures as soon as possible, make these Important Projects of Common European Interest. Debottleneck cross border transport and develop trans- European networks. Remove permitting obstacles for industrial transformation projects. This transformation will also require significant numbers of skilled workers that are currently in short supply. Targeted programmes will be necessary to make these available quickly.
05 - Increase the EU’s raw materials security through scaling up domestic mining, sustainable processing and recycling capacity for crucial raw materials, combined with new global partnerships. Scale up renewable carbon and circular carbon feedstocks, including the expansion and fast-permitting of advanced chemical recycling technologies. Develop a Circular Carbon Strategy that incentivises Carbon Capture and Use (CCU), biobased feedstocks, base metals, minerals and advanced materials necessary to reach the aims of the Green Deal. Free trade agreements or other types of agreements should secure vital supplies for industry, enable access to new markets and increase exports. The EU should look at all policy instruments against unfair competition to ensure a real level playing field for EU industries both on the domestic and international markets, including carbon leakage protection.
06 - Boost demand for net zero, low carbon and circular products.
Empower consumers (businesses and private) to choose net-zero and circular products, based on transparent product and environmental carbon footprints. Lead the way through public procurement and private buyer initiatives endorsed by the EU. Expand the scope of the Net Zero Industry Act and the Critical Raw Materials Act. Grow sales potentials by improved market access in international markets.
07 - Leverage, enforce, revive and improve the Single Market for the transition of integrated value chains, including measures to address increased fragmentation caused by national implementation of European legislation. Create a single market for waste and recycled materials and also a true European energy market. Improve enforcement of existing measures focusing on imports.
08 - Make the innovation framework smarter including fostering high-quality science, technological innovation, and collaborative policies that prioritise openness and pragmatic outcomes while embracing innovative approaches like regulatory sandboxes. Promote digitalization as a prerequisite for groundbreaking research and to enhance efficiency. Protect IP rights to bring a competitive advantage to Europe. Focus on the transfer from demonstration to innovation and first of a kind commercial technologies.
09 - A new spirit of law-making.
Let entrepreneurship thrive to find the best solutions to overcome challenges. Legislation should create incentives for businesses to invest in clean technologies. Avoid that the Green Deal policy targets are followed by prescriptive and detailed implementing regulations. Prevent over reporting, ensure coherence, stay tuned with industrial reality and integrate legislative proposals through a stronger Secretariat General and Regulatory Scrutiny Board which systematically applies a Competitiveness Check and a European Innovation Stress Test against which each new legislation and policy initiative should be evaluated. Use robust data and scientific evidence for effective policymaking. Assess the cumulative impact of legislation.
10 - Ensure the structure allows to achieve results.
Install a First Vice-President responsible for the delivery of the European Industrial Deal and for ensuring the seamless integration of legislation and alignment with the agenda of the next European Commission, overseeing the key DG’s for the Industrial Deal in one integrated approach.
We need to keep industry in Europe because the industry will deliver the climate solutions Europe needs.
In the 2023 State of the Union Address, President von der Leyen already said “As we enter the next phase of the European Green Deal, one thing will never change…..We will keep supporting European Industry throughout this transition.” This needs to be a European approach, instead of twenty-seven different national incentives, by keeping and strengthening the integrity of the internal market while keeping global competition better into account.
We need to keep industry in Europe because the industry will deliver the climate solutions Europe needs. Solutions that citizens and governments can use, but that can only be invented and implemented with speed and scale by the industry, and the support from governments. Only with a strong industrial fabric and strengthened social dialogue in Europe can we ensure that the green transition will be a Just Transition, as agreed in the Val Duchesse tripartite declaration. A competitive European industry, based on a European Industrial Deal, is the “conditio sine qua non” for the successful delivery of the EU Green Deal. It is also the only way to show to the rest of the world that the Green Deal works for all.
([1]) Investment Requirements of a Low-Carbon World: Energy Supply Investment Ratios, BloombergNEF, 6 octobre 2022.
([2]) « Entrons-nous dans la guerre des métaux stratégiques ? », intervention de Guillaume Pitron, les mardis du Grand continent, École normale supérieure, 13 décembre 2023.
([3]) « Ressources minérales critiques : enjeux environnementaux, industriels et géopolitiques », Yves Jégourel, questions internationales n° 117, février-mars 2023.
([4]) Conçue en 1869 par le chimiste russe Dimitri Ivanovitch Mendeleïev, la table périodique du même nom classe tous les éléments chimiques selon leur numéro atomique et leurs propriétés chimiques.
([5]) « Minerais critiques : une diversification problématique », John Seaman, Politique étrangère 2023/4 (hiver), éditions de l’institut français des relations internationales, pages 67 à 79.
([6]) « Métaux rares et métaux précieux : une multiplicité de productions, d’acteurs et de besoins », Bernadette Mérenne, questions internationales n° 117, février-mars 2023.
([7]) Si les voitures vendues en Europe utilisent presque toutes des batteries de type lihitum-ion, celles proposées sur le marché chinois reposent sur la technologie lithium-fer-phosphate, qui pourrait représenter à terme jusqu’à 30 % du marché mondial, en particulier pour de petits véhicules urbains et périurbains.
([8]) « Les enjeux stratégiques des terres rares et des matières stratégiques et critiques », rapport n° 3771 de l’office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, Patrick Hetzel et Delphine Bataille, 19 mai 2016.
([9]) Chiffres fournis dans le cadre du débat public sur l’ouverture par l’entreprise Imerys d’une mine de lithium dans l’Allier.
([10]) « The Role of Critical Minerals in Clean Energy Transitions », Agence internationale de l’énergie, 2021.
([11]) Ces évolutions s’inscrivent également dans un temps long. À titre d’exemple, les batteries au cobalt sont certes progressivement remplacées par des batteries à base de lithium, fer et phosphate, mais il a fallu plus de dix ans de recherches pour mettre au point ce nouveau procédé.
([12]) Bernadette Mérenne, article déjà mentionné.
([13]) Audition de Benjamin Gallezot, délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques, commission des affaires étrangères, Assemblée nationale, 15 mars 2023.
([14]) Certains travaux cherchent aujourd’hui à modéliser et à suivre la dynamique des prix de ces ressources, à l’instar de l’indice de prix portant sur une liste de vingt-neuf métaux critiques établie par Jean‑Baptiste Hasse et Capucine Nobletz. Leurs démarches et méthodologies sont décrites dans leur article « Critical Raw Materials Index – CRMI », 2024, HAL Id : hal-04759077.
([15]) Le prix des minerais est souvent cyclique, la baisse des prix entraînant une contraction de la production elle‑même facteur d’une hausse des prix. Les effets liés aux anticipations de rendement peuvent aussi avoir des conséquences sur l’évolution des prix : la baisse des prix des minerais, intervenue en 2023, a ainsi suscité des craintes de baisses d’investissements dans les capacités de production, qui ont pesé à leur tour sur le rythme de la transition énergétique et la rentabilité attendue de certains sites en activité. Cf « Les minerais dans la transition énergétique », Alban Aubert, Sary Zoghely et Xavier Le Guennec, Tréso-Éco n° 351, octobre 2024.
([16]) Yves Jégourel, article déjà cité.
([17]) Les ressources et les réserves désignent respectivement l’ensemble des gisements connus susceptibles de faire l’objet d’une exploitation au moment où les conditions techniques et économiques le permettent et la part des ressources pouvant être techniquement et économiquement exploitée. Cf. « Géoéconomie des chaînes de valeur. Les matières premières minérales de la filière batteries », Raphaël Danino-Perraud, étude de l’institut français des relations internationales, août 2021.
([18]) Les terres rares légères sont utilisées pour leurs propriétés magnétiques exceptionnelles et les terres rares lourdes servent à repousser le point de température où les aimants perdent leur magnétisme.
([19]) Bernadette Mérenne, article déjà mentionné.
([20]) Audition de Thierry Vircoulon et d’Alain Antil.
([21]) Terme désignant l’ensemble géographique formé par l’Australie, la Nouvelle-Zélande et, généralement, la Nouvelle-Guinée.
([22]) Vincent Bos et Marie Forget, article déjà mentionné.
([23]) Bernadette Mérenne, article déjà mentionné.
([24]) Cette analyse est proposée par Emmanuel Hache et Benjamin Louvet, dans leur ouvrage : Métaux, le nouvel or noir, demain la pénurie ?, éditions du Rocher, octobre 2023. À titre de comparaison, en France, il faut remonter à Valéry Giscard d’Estaing, président de la République de 1974 à 1981, pour trouver un président disposant d’une formation d’ingénieur.
([25]) Raphaël Danino-Perraud, étude déjà mentionnée.
([26]) Les développements qui suivent sont issus de l’audition de John Seaman et Joseph Dellatte.
([27]) Raphaël Danino-Perraud, étude déjà mentionnée.
([28]) Raphaël Danino-Perraud, étude déjà mentionnée.
([29]) Voir, par exemple, « La Chine et les terres rares. Son rôle critique dans la nouvelle économie », John Seaman, notes de l’institut français des relations internationales, janvier 2019.
([30]) John Seaman, article déjà mentionné.
([31]) Ibid.
([32]) « Rare earth elements in China : Policies and narratives of reinventing an industry », Jost Wübbeke, Ressources Policy, volume 38, issue 3, septembre 2013.
([33]) Le concept de resource curse a été développé par les travaux de Richard Auty Jeffrey Sachs et Andrew Warner. Voir, par exemple, Resource-Based Industrialization : Sowing The Oil In Eight Developing Countries (1990) et The Rent Curse : Natural Resources, Policy Choice and Economic Development (2018) de Richard Auty.
([34]) « Mutation du secteur minier au Burundi : du développement à la captation », Thierry Vircoulon, notes de l’institut français des relations internationales, avril 2019.
([35]) Le pays a été traversé par une guerre civile entre 1993 et 2006.
([36]) « République démocratique du Congo : à l’Est, rien de nouveau », Marc-André Lagrange et Thierry Vircoulon, institut français des relations internationales, décembre 2022.
([37]) Allied Democratic Forces venus d’Ouganda, Forces démocratiques de libération du Rwanda et plusieurs groupes armés venus du Burundi.
([38]) « Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo », Conseil de sécurité des Nations unies, 24 octobre 2002.
([39]) Marc-André Lagrange et Thierry Vircoulon, ibid.
([40]) « Le trafic de coltan, “l’or bleu” colombien, enrichit les guérillas », Courrier international, 2 mars 2024.
([41]) La guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique, Guillaume Pitron, les liens qui libèrent, septembre 2023.
([42]) Emmanuel Hache et Benjamin Louvet, ouvrage déjà cité.
([43]) Voir notamment sur ce point : « Enjeux miniers de la transition énergétique : l’exemple de la production du cuivre et du lithium au Chili », Raphaël Danino-Perraud, Solène Rey-Coquais et Audrey Sérandour, Hérodote, revue de géographie et de géopolitique, premier trimestre 2023.
([44]) « L’impact de la transition énergétique mondiale sur les pays riche en minerais », Man Lok Kwok, transition « verte » et métaux « critiques », points de vue du Sud, mai 2023.
([45]) Les zones Natura 2000 servent à protéger les habitats et les espèces représentatifs de la biodiversité européenne.
([46]) La convention Ramsar est un traité de protection de l’environnement signé en 1971 et relatif aux zones humides d’importance internationale ; il sert de cadre à l’utilisation des zones humides et de leurs ressources.
([47]) Emmanuel Hache et Benjamin Louvet, ouvrage déjà mentionné.
([48]) Audition du Dr Steven H. Emerman par le Parlement européen, le 2 décembre 2021.
([49]) « Congress to Fund U.S. Deep-Sea Mining Project », The Wall Street Journal, 23 mai 2024.
([50]) « République démocratique du Congo : les petits forçats du cobalt », Amnesty international, 15 février 2023 : https://www.amnesty.fr/actualites/republique-democratique-du-congo-enfants-cobalt-face-cachee-de-nos-batterie
([51]) « Energy transition minerals and their intersection with land-connected peoples », John R. Owen, Deanna Kemp, Alex M. Lechner, Jill Harris, Ruilian Zhang et Éléonore Lèbre, Nature Sustainability, décembre 2022.
([52]) C’est du moins la vision du gouvernement suédois, laquelle est contestée par les représentants du peuple Sami, qui considèrent qu’il s’agit là d’une appréciation réductrice de leur culture. Le nomadisme existe surtout dans les zones de montagne.
([53]) Seuls 10 % des Samis vivent aujourd’hui totalement ou partiellement de l’élevage de rennes.
([54]) Les Samis sont également présents en Finlande, en Norvège et en Russie.
([55]) Une commission « vérité et réconciliation » est actuellement en cours en Suède. Elle devra faire la lumière, d’ici à 2025, sur la politique d’assimilation agressive menée par le gouvernement suédois à l’égard des Samis envoyés dans des pensionnats pour se départir de leurs langues et de leur culture entre les années 1950 et les années 1970.
([56]) « Les nouvelles frontières, des ‘‘zones de sacrifice’’ à Madagascar », Zo Randriamaro, transition « verte » et métaux « critiques », points de vue du Sud, mai 2023.
([57]) « Les enjeux stratégiques des terres rares et des matières stratégiques et critiques », rapport déjà mentionné.
([58]) Pour plus de détails, voir : « La biolixiviation des minerais sulfurés », Dominique Morin, géosciences, 2010, 11, pp. 82 à 89.
([59]) « The prospects of Indonesia’s Nickel Boom Amidst a Systematic Challenge from Coal », institut français des relations internationales, Thibault Michel, mai 2024.
([60]) Guillaume Pitron, ouvrage déjà cité.
([61]) Audition de Joseph Dellatte.
([62]) Thibault Michel, article déjà cité.
([63]) Entretien de Christel Bories, présidente-directrice générale d’Eramet, Le Monde, 31 mai 2024.
([64]) « Nouvelle-Calédonie : la direction de l’usine de nickel KNS annonce le licenciement de ses 1 200 salariés », Le Monde, Agence France-Presse, 26 juillet 2024.
([65]) « Nouvelle-Calédonie et géopolitique des métaux critiques : vers une perturbation du marché du nickel ? », interview d’Emmanuel Hache, institut français des relations internationales, 21 mai 2024.
([66]) « Il faut sauver la filière calédonienne du nickel », tribune de Thibault Michel, Le Monde, 18 mai 2024.
([67]) « Le secteur minier en République démocratique du Congo », direction générale du Trésor, 6 juin 2020.
([68]) « ‘‘Contrat du siècle’’ en RDC : ce que la Chine a dû remettre au panier », Socrate Nsimba, Jeune Afrique, 31 janvier 2024.
([69]) « Entre la RDC et les États-Unis, un rapprochement contrarié », Romain Gras, Jeune Afrique, 18 janvier 2023.
([70]) Celui-ci a, par exemple, investi 150 millions d’euros dans l’exploration du germanium en République démocratique du Congo.
([71]) « Quand le Congo rencontre le Moyen-Orient : la nouvelle diplomatie d’affaires de Kinshasa », Jean Battory et Thierry Vircoulon, notes de l’institut français des relations internationales, février 2024.
([72]) Les Émirats arabes unis sont depuis longtemps, mais de manière officieuse, la destination de l’or artisanal congolais.
([73]) Lancée fin 2021 sous présidence française de l’Union européenne, la stratégie Global Gateway est une initiative de la Commission européenne contribuant au développement des pays partenaires émergents et en développement de l’Union européenne, notamment dans les domaines du numérique, de l’énergie et de l’environnement, en s’appuyant sur la mobilisation du secteur privé.
([74]) Communiqué de presse de la Commission européenne du 26 octobre 2023. Source : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_23_5303
([75]) « En RDC, l’échec patent de la traçabilité du coltan indispensable aux smartphones », Sonia Rolley, Le Monde, 29 août 2024.
([76]) Le président congolais a condamné, à cette occasion, les propos du ministre des affaires étrangères, Jean‑Yves Le Drian, qui avait qualifié son élection de 2019 de « compromis à l’africaine ». Le président français a, de son côté, rappelé les responsabilités des autorités congolaises qui ne sont pas parvenues à restaurer la souveraineté de leur pays depuis 1994.
([77]) Audition d’Hélène Dantoine, Nicolas Guillaume et Nicolas Leconte.
([78]) Cet échange d’informations et de capacités permet de distinguer positivement la France de la Belgique, ancienne puissance coloniale, qui refuse de restituer à la République démocratique du Congo la cartographie de ses sous-sols.
([79]) Dépression fermée submergée d’eau salée à la saison des pluies et couverte de cristaux de sel à la saison sèche.
([80]) « La stratégie des éléments au Japon : principaux acteurs et projets », Pierre Feuardant, ambassade de France au Japon.
([81]) L’Inflation Reduction Act of 2022 (IRA) est une loi américaine sur la réduction de l’inflation promulguée le 16 août 2022. L’IRA mobilise, sur dix ans, 369 milliards de dollars pour soutenir l’industrie verte américaine.
([82]) « Recherche et développement au Japon au service de l’autosuffisance en terres rares », Daphné Lecellier et Sophie de Bentzmann, ambassade de France au Japon, avril 2019.
([83]) « Les stocks stratégiques de métaux critiques », Emmanuel Hache et Frédéric Jeannin, observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques, octobre 2023.
([84]) « La diplomatie économique du Japon en Afrique. Un bilan de l’ère Abe, entre priorités stratégiques et réalités de terrain », Céline Pajon, notes de l’institut français des relations internationales, décembre 2020.
([85]) Cette analyse s’appuie, en grande part, sur l’étude d’Emmanuel Hache et de Benjamin Louvet, ouvrage déjà cité.
([86]) Executive Order 13817 of December 20, 2017, A Federal Strategy To Ensure Secure and Reliable Supplies of Critical Material.
([87]) Décret visant à lutter contre la menace que fait peser sur la chaîne d’approvisionnement nationale la dépendance à l’égard des minéraux essentiels provenant d’adversaires étrangers et à soutenir les industries minières et de transformation nationale.
([88]) Emmanuel Hache et Benjamin Louvet, ouvrage déjà mentionné.
([89]) Voir : « Biden administration weighs price support for US critical minerals amid Chinese pressure », James Bikales, Politico, 29 août 2024 et « Biden administration considering price support to backstop critical minerals projects », Mining.com, 30 août 2024 : https://www.mining.com/biden-administration-considering-price-support-to-backstop-critical-minerals-projects/
([90]) « Legislation would secure supply of critical minerals for U.S. technology, national defense », Rebecca Barnabi, Auguta Free Press, 12 juillet 2024.
([91]) « The United States’ Strategy for Securing Critical Minerals Supplies. Can It Meet the Needs of the IRA ? », Raphael Deberdt, institut français des relations internationales, 9 avril 2024.
([92]) Toutes les ressources énergétiques de l’Union européenne sont aujourd’hui en déclin, bien qu’elle ait pu compter un temps sur les gisements pétroliers de Roumanie et en mer du Nord, sur l’exploitation du charbon et sur le gaz venus du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de la Norvège.
([93]) Emmanuel Hache et Benjamin Louvet, ouvrage déjà cité.
([94]) « Face au défi des métaux critiques, une approche stratégique du recyclage s’impose », Raphaël Danino‑Perraud, édito énergie, institut français des relations internationales, 10 décembre 2018.
([95]) John Seaman, article déjà cité.
([96]) Le nouvel agenda stratégique 2024-2029 du Conseil européen, approuvé le 27 juin 2024 à Bruxelles, souligne : « We will strengthen our economic security, reduce harmful dependencies and diversify and secure strategic supply chains, including by enhancing our maritime security. We will build up our own capacity in sensitive sectors and key technologies of the future, such as defence, space, artificial intelligence, quantum technologies, semiconductors, 5G/6G, health, biotechnologies, net-zero ».
([97]) Dans le domaine des semi-conducteurs, le Chips Act se donne pour objectif de fabriquer sur le continent européen plus de 20 % de la production mondiale, grâce à soixante-sept projets identifiés, soit 100 milliards d’euros d’investissements, dont une grande partie d’origine privée. Il s’agit, pour l’Union européenne, de sortir de sa dépendance à l’égard de son principal fournisseur, Taïwan.
([98]) L’ancien commissaire Thierry Breton précise qu’il a préféré modifier la législation européenne par la voie de règlements plutôt que de directives, qui sont plus lentes à être mises en œuvre et rendent l’harmonisation et l’homogénéité du marché intérieur plus difficiles. Audition de Thierry Breton par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, 30 avril 2024.
([99]) Commission and EBRD launch joint facility mobilising up to €100 millions for critical raw materials investment, communiqué de presse, Bruxelles, le 31 juillet 2024.
([100]) Le plan France 2030, doté de 54 milliards d’euros déployés sur cinq ans, vise à développer la compétitivité industrielle et les technologies d’avenir, dont la moitié des financements sont destinés à des acteurs émergents, et la moitié aux actions de décarbonation. Il poursuit dix objectifs « pour mieux comprendre, mieux vivre et mieux produire, à l’horizon 2030 ».
([101]) La proche surface considérée est située à moins de 200 mètres de profondeur.
([102]) Audition de Benjamin Gallezot, Aurélien Gay, Stéphane Bourg et Christophe Poinssot.
([103]) Le paléozoïque couvre une période allant de - 542 à - 251 millions d’années.
([104]) Le cénozoïque est la dernière ère géologique, toujours en cours, qui a débuté il y a 65,5 millions d’années.
([105]) La sidérurgie et la filière aluminium ne sont pas mentionnées.
([106]) Pour plus de détails sur ce sujet, voir : « Avenir de la filière du nickel en Nouvelle-Calédonie », rapport de l’inspection générale des finances, juillet 2023.
([107]) Il semble toutefois que cette prise de conscience soit inégalement répartie selon les industries concernées, l’automobile semblant plus avancée que l’aéronautique, par exemple.
([108]) Accord en vertu duquel un client s’engage à acheter la production totale ou partielle d’une entreprise à un prix et à des conditions prédéterminés, ainsi que pour une durée convenue.
([109]) Fondée à Londres en juin 2003, l’initiative pour la transparence des industries extractives se donne pour mission de promouvoir la compréhension de la gestion des ressources naturelles, de renforcer la gouvernance et la redevabilité publiques et des entreprises, et de fournir les données nécessaires à l’élaboration des politiques et au dialogue multipartite dans le secteur extractif.
([110]) Le groupe des sept (G7) désigne le regroupement informel de sept économies avancées, à savoir l’Allemagne, le Canada, les États-Unis, la France, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni et l’Union européenne.
([111]) Le groupe des vingt (G20) comprend l’Argentine, l’Australie, le Brésil, le Canada, la Chine, la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Inde, l’Indonésie, le Japon, le Mexique, la République de Corée, la Russie, l’Arabie saoudite, l’Afrique du Sud, la Turquie, le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Union européenne.
([112]) « Dynamitage d’une grotte aborigène : au tour du président de Rio Tinto de démissionner », Le Temps, 10 juin 2023.
([113]) « Mine de lithium dans l’Allier : l’importance du passé minier dans l’accueil local du projet », The Conversation, 22 mai 2024.
([114]) « Dans les Cévennes, l’héritage empoisonné de l’après-mine », Stéphane Mandard, Le Monde, 11 mai 2024.
([115]) Rapport CGEDD n° 010969-01, CGE n° 2017/03/CGE/SG, Lionel Arcier et Jean-Luc Vo Van Qui, Alexis Delaunay et Bernard Ménoret, juin 2017.
([116]) « Une amende de 1,5 milliard pour Glencore pour corruption et manipulation des marchés », Les Échos, Étienne Goetz, 25 mai 2022.
([117]) « Corruption en RDC : Glencore s’engage à payer 180 millions de dollars », Jeune Afrique, 5 décembre 2022.
([118]) Littéralement « pas dans mon jardin ». Cette expression désigne l’attitude consistant à approuver un projet pourvu qu’il se fasse ailleurs ou à refuser un projet à proximité de son lieu de résidence.
([119]) Ce concept désigne la capacité à obtenir l’adhésion d’une communauté à la poursuite d’un projet et aux standards d’une entreprise donnée.
([120]) En France, le concept de mine responsable a été forgé dans le cadre de la stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable, en 2015, pour accompagner le projet de renouveau minier français lancé en 2012 par le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg. Un groupe de travail visant à définir les caractéristiques d’une telle mine est créé puis finalement dissous avant la fin de ses travaux suite aux critiques de ses principaux acteurs associatifs. Ces derniers craignent la rédaction d’un livre blanc sans dimension contraignante et l’absence de véritable prise en compte des dommages causés par la mauvaise gestion de l’après-mine en France. Voir : « Exploitation de lithium dans l’Allier : une mine responsable est-elle possible ? », Fanny Verrax, The Conversation, 4 juillet 2024.
([121]) « Un site minier ne peut être qualifié de “propre” ou de “durable” », entretien avec Pierre Petit-De Pascale, propos recueillis par Perrine Mouterde, Le Monde, 9 mai 2024.
([122]) UN-convened panel on global principles for critical energy transition minerals meets in Copenhagen, Organisation des Nations unies, 7 juillet 2024.
([123]) Entretien de Christel Bories, présidente-directrice générale d’Eramet, déjà mentionné.
([124]) Règlement (UE) 2023/1542 du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2023 relatif aux batteries et aux déchets de batteries, modifiant la directive 2008/98/CE et le règlement (UE) 2019/1020, et abrogeant la directive 2006/66/CE.
([125]) « En Suède, une mine de cuivre ‘‘modèle’’ mais pas parfaite », Anne-Françoise Hivert, Le Monde, 10 mai 2024.
([126]) Les activités souterraines de la mine de Kiruna ont débuté en 1962 après l’épuisement des ressources exploitées à ciel ouvert.
([127]) Guide de bonnes pratiques pour la maîtrise de la sismicité induite par les opérations de géothermie profonde, BRGM et Ineris : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/Guide-geothermie.pdf
([128]) « Les Français, l’industrie et son image : une nécessaire reconnexion », Astrid L. Ange, Leo Lengele et Olivier Lluans, Le Lab, 1er mars 2024.
([129]) Audition d’Olivier Lluansi.
([130]) La France est l’un des pays développés dont l’économie s’est la plus désindustrialisée depuis le premier choc pétrolier de 1973 avec le Royaume-Uni et les États-Unis. Selon les données de la Banque mondiale, l’industrie représente 9 % du PIB français en 2021, soit le niveau de la Grèce. Seuls Chypre, Malte et le Luxembourg sont moins industrialisés que notre pays au sein de l’Union européenne. Pour rappel, la moyenne européenne se situe à 15 % et l’industrie représente 19 % du PIB allemand.
([131]) L’Union européenne et le Canada ont signé, le 3 juillet 2024, un accord permettant aux chercheurs et organisations canadiennes de participer au programme de recherche et d’innovation de l’Union européenne, Horizon Europe.
([132]) Synthèse du compte rendu du débat public sur le projet de mine de lithium dans l’Allier.
([133]) La stratégie du ministère de l’emploi et de l’économie parle de « models of cooperation and activities […] built between local people, companies and the authorities to safeguard sustainable wellbeing and mining throughout the lifecycle ». Cité dans : « The origins, evolution and impacts of the mining-sceptical movement in Finland », Toni Eerola, The Extractive industries and Society, volume 19, septembre 2024.
([134]) « Les enjeux stratégiques des terres rares et des matières stratégiques et critiques », rapport déjà mentionné.
([135]) L’un des trois objectifs de la stratégie canadienne sur les ressources stratégiques publiée en 2022 consiste à utiliser le secteur des ressources naturelles comme un levier de réconciliation entre le gouvernement fédéral et les populations autochtones. Dans cette perspective, le gouvernement canadien a récemment mis en place un cadre national sur le partage des bénéfices, qui vise à renforcer la formation de ces populations dans le secteur des ressources naturelles, à faciliter leur accès au capital des entreprises minières, afin de leur permettre de mieux bénéficier des retombées financières des projets miniers exploités sur leurs terres et d’être davantage pris en compte dans la conception et le processus de prise de décision de ces mêmes projets.
([136]) La Cour constitutionnelle a invalidé, le 11 juillet 2024, la concession d’exploitation minière au motif qu’il revenait à l’État central, et non à la Fédération, d’octroyer des permis d’exploitation. Elle considère, en effet, que le domaine public (communément appelé « propriétés de l’État ») appartient à l’État central, et non aux entités (en l’espèce, la Fédération). Or, cette concession avait été octroyée par le canton de Zenica-Doboj.
([137]) En Finlande, 60 % du revenu généré par les taxes prélevées sur les exploitations minières reviennent aux municipalités contre 40 % pour l’État.
([138]) Voir annexe 3.
([139]) Le comité vérifie tous les projets d’analyse d’impact de la Commission, ainsi que les bilans de qualité et les évaluations importantes de la législation en vigueur, et émet des avis et des recommandations à leur sujet. Il conseille également le secrétariat général de la Commission sur la politique d’amélioration de la réglementation (Source : site de la Commission européenne).
([140]) « Réindustrialisation, préservation du foncier : comment mieux s’accorder entre entreprises et collectivités ? », Nicolas Gillio, The Conversation, 9 mai 2024.
([141]) Une quinzaine de permis exclusifs de recherche de mines sont délivrés chaque année auxquels s’ajoute une dizaine de permis sur la géothermie.
([142]) Le système du claim a toutefois fait l’objet d’une récente décision de la Cour suprême du Québec, le 18 octobre 2024, qui oblige désormais à la consultation des peuples autochtones revendiquant la propriété des terres concernées pour toutes les procédures d’octroi en cours et à venir. « Claims miniers : Québec obligé par la Cour supérieure de consulter les Autochtones », Delphine Jung, Radio-Canada, 22 octobre 2024.
([143]) « Un stockage à toute épreuve : une nouvelle batterie ultra-robuste pour les véhicules électriques », Élodie Falco, Géo Magazine, 4 novembre 2024.
([144]) L’élection de Donald Trump comme 47ème président des États-Unis pourrait aboutir à la suppression de l’IRA américain et, en miroir, à la fin des subventions apportées par le gouvernement fédéral canadien et ses provinces en soutien à la construction d’usines de batteries sur le territoire canadien. « Trump menace le financement canadien des usines de batteries », Thomas Gerbet, Radio-Canada, 7 novembre 2024.
([145]) Faute d’être parvenus à renouveler, à l’unanimité, les juges membres de l’organe d’appel de l’OMC, sorte de « cour suprême » appelée à trancher en dernier recours les éventuels conflits portés devant l’organisation, les États membres de l’OMC ont privé l’institution de toute capacité à faire respecter les règles du commerce international.
([146]) Le gouvernement canadien a annoncé, en décembre 2023, un objectif d’électrification totale de sa flotte de véhicules d’ici à 2035.
([147]) Le gouvernement canadien a, par ailleurs, décidé d’imposer aux véhicules électriques chinois des droits de douane de 100 % dans l’objectif de protéger le développement de sa filière de batteries électriques fragilisée par les révisions à la baisse des perspectives de consommation sur le marché européen et la diminution immédiate des ventes de véhicules électriques en Europe. Suite à une annulation de commande de BMW, le groupe suédois Northvolt a préféré reporter la construction de trois gigafactories dont celle prévue au Québec, très médiatisée.
([148]) « Addressing the Fragmentation of Multilateral Approaches on Transition Minerals », Solange Harpham, discussion briefs n° 1, Global Council for Responsible Transition Minerals.
([149]) « La France doit assumer une ambition industrielle nationale et une compétitivité intra-européenne », tribune d’Olivier Lluansi, en charge d’une mission gouvernementale sur l’avenir de nos politiques industrielles, Le Monde, 27 mai 2024.
([150]) The future of European competitiveness, Part A, A competitiveness strategy for Europe, Mario Draghi, septembre 2024.
([151]) « Automobile : Daimler s’associe à Stellantis et TotalEnergies dans la production de batteries », Challenges, 24 septembre 2021.
([152]) Les transports sont essentiels à LKAB, qui a investi dans le groupe Duroc Rail, un spécialiste de la maintenance des roues des locomotives et des wagons ferroviaires. En ce sens, les activités minières de LKAB contribuent au développement de l’ensemble des régions où elles se situent bien au-delà de ses seuls projets miniers. Pour plus de détails, voir : « The quest for a sustainable industry : mining, path dependency and post-carbon regime in the European Arctic », Florian Vidal, Mineral Economics, 10 juin 2024.
([153]) « Critical Raw Materials : What Chinese Dependencies, what European Strengths? », John Seaman, Florian Vidal et Raphaël Danino-Perraud in Reverse Dependency : Making Europe’s digital technological strengths indispensable to China, Digital Power China, Tim Rühling (ed.), mai 2024.
([154]) Seuls 10 % à 15 % de la population congolaise ont accès à l’électricité. Une entreprise minière comme ERG doit importer près de 60 % de son électricité, principalement depuis la Zambie voisine.
([155]) « Will the EU help build a cobalt refinery in the Democratic Republic of the Congo? », European Parliament, At a Glance, 3 juin 2024.
([156]) Le centre Carter est une organisation non gouvernementale à but non lucratif fondée en 1982 par l’ancien président des États-Unis, Jimmy Carter, et son épouse, Rosalynn Carter, en partenariat avec l’université américaine Emory, pour faire progresser la paix et la santé dans le monde.
([157]) Communiqué de presse de la Gécamines du 8 mai 2024 : https://www.gecamines.cd/wp-content/uploads/2024/05/Umicore-et-STL-signent-un-partenariat-pour-le-recyclage-du-germanium-issu-des-rejets-miniers-du-Terril-de-Lubumbashi-en-Republique-Democratique-du-Congo.pdf
([158]) « Comment gagner le pari industriel de la mobilité électrique en France et en Europe ? », Marc‑Antoine Eyl Mazzega, Diana-Paula Guerasim, Clémentine Vannier et Adam Contu, institut français des relations internationales, février 2023.
([159]) « Navigating the EU-China critical mineral conundrum », Victor de Deckler, 25 mai 2024 in EU–China relations at a crossroads, volume III, business unusual, Ivano di Carlo (ed.), 30 juin 2024.
([160]) « L’Europe confirme la surtaxe des voitures électriques chinoises », Philippe Jacqué,
([161]) « Géopolitique des métaux : quel échiquier stratégique ? », entretien avec Emmanuel Hache, institut français des relations internationales, 22 avril 2024.
([162]) « Les BRICS+ : alliance économique ou futur club de matières premières ? », Emmanuel Hache et Candice Roche, Polytechniques insights, 14 mai 2024.
([163]) Contrairement à certaines ressources, comme l’aluminium, le cuivre et le fer, qui bénéficient de taux de recyclage élevés, le taux de récupération des éléments de terres rares est inférieur à 1 %. Sur ce sujet et l’évolution des techniques de recyclage de ces éléments, voir : « Recovery of europium from E-waste using redox active tetrathiotungstate ligands », Marie A. Perrin, Paul Dutheil, Michael Wörle et Victor Mouge, nature communications, 3 juin 2024.
([164]) Le bilan énergétique du recyclage est inférieur à celui de l’extraction, de la concentration et de la transformation des minerais en métaux. Le recyclage demande également une quantité d’eau bien moindre. Son avantage est donc à la fois environnemental et économique.
([165]) « Faux pas pour la vallée de la batterie à Dunkerque : Eramet se met en retrait du grand projet de recyclage », Florence Traullé, Le Monde, 25 octobre 2024.
([166]) Étude du potentiel d’amélioration du recyclage des métaux en France, Pierrick Drapeau, Louis Ollion, Guillaume Bouyer, ADEME, décembre 2023.