N° 1421

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIXSEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mai 2025

 

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
ET À LA DÉCENTRALISATION
 

 

 

SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LE MAINTIEN DES SERVICES ESSENTIELS DANS LES TERRITOIRES RURAUX

 

 

À LA SUITE DES RENCONTRES ORGANISÉES LE 13 FÉVRIER 2025 PAR LA DÉLÉGATION

 

 

 

 

PAR

M. Stéphane DELAUTRETTE

Député


 

 


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION

ACTE DES RENCONTRES

OUVERTURE PAR M. STÉPHANE DELAUTRETTE, PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET À LA DÉCENTRALISATION

ALLOCUTION DE M. CÉDRIC VIAL, VICE-PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION SÉNATORIALE AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET À LA DÉCENTRALISATION

TABLE RONDE N° 1 : Les espaces France services sont-ils le meilleur moyen de garantir un maillage territorial des services publics ?

M. Emmanuel roux, président de la chambre régionale des comptes de bourgognefranche-Comté

M. Yannick imbert, directeur des affaires territoriales et publiques du groupe La Poste

M. Marc Le floch, directeur général délégué de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF)

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité

M. Daniel Agacinski, délégué général à la médiation auprès de la défenseure des droits

INTERVENTIONS DES ÉLUS LOCAUX

INTERVENTIONS DES REPRÉSENTANTS DES AUTRES OPÉRATEURS FRANCE SERVICES

TABLE RONDE N° 2 : Quelles perspectives pour les politiques publiques de soutien au commerce de proximité et à l’artisanat en milieu rural ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire

M. Stanislas Bourron, directeur général de l’agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

M. Alain Di Crescenzo, président de CCI France

Mme Fabienne Munoz, vice-présidente de CMA France

M. Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P)

INTERVENTIONS DES ÉLUS LOCAUX

INTERVENTIONS DES REPRÉSENTANTS D’AUTRES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES

INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES

SYNTHÈSE DES TRAVAUX DES RENCONTRES : la nécessité d’une ambition plus forte dans le soutien aux services essentiels en milieu rural

I. Les efforts engagés par les pouvoirs publics en faveur de la qualité de vie dans les territoires ruraux

A. Un accès aux services essentiels rendus progressivement plus difficile dans le monde rural

1. La « qualité de vie » au cœur de l’attractivité des territoires ruraux

2. La perte progressive d’un accès facile aux services essentiels dans les zones rurales

B. Le repositionnement de la ruralité au cœur des politiques d’aménagement du territoire

1. L’émergence d’un Agenda rural à la suite de la « crise des gilets jaunes »

2. Le saut qualitatif opéré par le programme France Services en matière d’accès au service public

3. Le soutien apporté par l’ANCT aux initiatives locales de soutien aux activités artisanales et commerciales

II. État des lieux des politiques de soutien aux services essentiels : une ambition encore insuffisante

A. Le programme France Services à la croisée des chemins

1. Le succès incontestable du programme, notamment dans les territoires ruraux

2. Les freins, notamment financiers, au développement du réseau

3. Les critères de soutenabilité du dispositif sur le long terme

B. Les conditions de mise en œuvre d’une politique ambitieuse de soutien du commerce et de l’artisanat en milieu rural

1. L’effort de simplification opéré par le zonage France ruralités revitalisation (FRR)

2. L’urgence d’un dispositif national ambitieux de soutien financier au commerce et à l’artisanat dans les territoires ruraux

3. Le besoin d’un environnement local favorable aux entreprises commerciales et artisanales

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

LISTE DES INTERVENANTS

 


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   AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION

À la fois lieu de vie et symbole républicain, le service public occupe une place singulière dans l’imaginaire français. Comme le rappelait M. Didier‑Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État, lors de la « Rentrée du Conseil » du 7 septembre 2022, le service public « protège contre les risques, délivre des prestations indispensables au quotidien, affermit la cohésion sociale et promeut le sentiment d’appartenance à la collectivité ». Dans une vision traditionnelle, il serait donc opposé au secteur marchand, dont la vocation se limiterait à la recherche du profit dans un vaste marché concurrentiel.

Un projet de recherche ([1]), dont les résultats ont été publiés récemment, a battu en brèche cette dichotomie quelque peu artificielle. Ces travaux ont confirmé le sentiment, largement partagé, que les commerces de proximité sont bien plus que de simples points de vente : ils contribuent à l’embellissement des rues, jouent un rôle en matière de sécurité publique, tissent du lien social et renforcent la cohésion entre les habitants. C’est la raison pour laquelle la vacance commerciale suscite autant d’inquiétudes et est perçue comme le signe d’une dépréciation des lieux de vie et même de paupérisation.

Qu’ils soient publics ou marchands, ces services font partie d’un ensemble qui donne à un territoire tout son caractère et l’érige en véritable « bassin de vie ». C’est parce qu’ils répondent à des besoins à la fois individuels et collectifs qu’ils apparaissent comme « essentiels ».

Bien entendu, l’attachement aux services de proximité est encore plus développé dans les territoires ruraux, où la fermeture d’un bureau de poste ou d’une boulangerie peut rapidement conduire à l’isolement des habitants concernés, qui représentent le tiers de la population française. Dans l’esprit de nos concitoyens, l’image d’Épinal de la place de la mairie, où se côtoient le café et l’épicerie, définit le mieux ce qu’est la commune rurale. Sans ces services, c’est la qualité de vie attachée à la ruralité qui en est durement affectée.

Les enquêtes d’opinion confirment les attentes des territoires ruraux vis‑à‑vis des pouvoirs publics. Après la lutte contre la désertification médicale, le maintien des services publics et l’aide au commerce et à l’artisanat viennent respectivement en deuxième et en cinquième positions dans les préoccupations des habitants des zones rurales ([2]).

Pendant longtemps, en dépit des efforts menés tant bien que mal par les élus locaux, l’État est resté relativement inerte face à l’accumulation des fermetures des services de proximité et, dans certains cas, y a contribué par certains de ses choix politiques, notamment la révision générale des politiques publiques (RGPP) à la fin des années 2000 et le développement du « tout numérique » à la fin des années 2010. Le risque d’exclusion d’une part non négligeable de la population française a été jugé suffisamment élevé par le Défenseur des droits qui, dans un rapport publié en 2019, considérait que la dématérialisation des services publics pouvait aboutir à un « échec » pour « notre démocratie et pour l’État de droit » si rien n’était fait pour inverser la tendance ([3]).

Quoi qu’on pense du mouvement de contestation dit des « gilets jaunes » qui s’est manifesté dans tout le pays à la fin de l’année 2018, il aura eu le mérite de faire ressurgir les territoires ruraux dans le débat national et d’appeler les pouvoirs publics à mieux considérer les besoins fondamentaux de leurs habitants.

Près de six ans après « l’Agenda rural », les Rencontres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation avaient pour vocation de déterminer si l’État a, en définitive, tenu sa promesse d’accompagner les élus locaux dans l’aide au maintien ou au retour de ces formes de lien social dans les zones rurales.

Bien que des efforts restent encore à faire, un premier mouvement a été entrepris par les pouvoirs publics.

Ainsi, la mise en place des « espaces France Services » dès le mois de juillet 2019 a constitué une étape décisive dans le retour du service public en milieu rural. Bien qu’un premier pas ait été opéré en 2015 avec la transformation des maisons de service public en « maisons de services aux publics » (MSAP), le dispositif imaginé en 2019 se distingue par la volonté d’offrir à l’usager une garantie de qualité de service articulée autour de la présence physique d’agents d’accueil qualifiés et de l’engagement des opérateurs à fournir un « socle » de services en « back-office ».

Le réseau France Services, qui comptait 2 840 espaces d’accueil à la fin de l’année 2023, c’est-à-dire plus du double du nombre de MSAP en 2019 (environ 1 300), cible particulièrement les territoires ruraux de façon à faciliter l’accès des populations situées dans des zones excentrées.

Les premiers rapports d’évaluation du dispositif, notamment celui réalisé en 2024 par une formation inter-juridictions de la Cour des comptes ([4]), ont porté une appréciation globalement très positive, qui a été unanimement confirmée lors des Rencontres.

Pour autant, il ressort des échanges que le programme France Services, qui achève actuellement la première phase de son développement, pourrait connaître une « crise de croissance ». La formation inter-juridictions a, ainsi, identifié un point de fragilité avec le niveau relativement élevé du taux de rotation des effectifs, ce qui doit amener les gestionnaires des espaces France Services à mettre en œuvre une politique de fidélisation des agents d’accueil afin de maintenir la qualité de service.

Mais surtout, les intervenants des Rencontres ont tous indiqué qu’il ne suffisait pas d’assurer une présence physique fixe, aussi étendue soit-elle, mais qu’il convenait aussi « d’aller vers » les publics les plus éloignés, qui sont souvent les plus fragiles. À l’instar de la pittoresque pirogue de l’Est-Guyanais, les dispositifs itinérants doivent être systématisés. J’estime, par ailleurs, nécessaire de mettre les usagers en contact avec le dispositif en positionnant, même de manière temporaire, des guichets d’information dans les lieux de vie du quotidien, en particulier les bureaux de poste et les marchés.

Tout se tient : c’est en soutenant le commerce de proximité que l’on peut multiplier les occasions pour les services publics de se faire connaître de nos concitoyens des territoires ruraux.

Les quatrièmes Rencontres, dont le second volet portait précisément sur le soutien au commerce et à l’artisanat, ont permis de confirmer ce que les troisièmes Rencontres avaient déjà mis en lumière, à savoir que l’État a tenté de « réactiver » sa politique d’aménagement du territoire avec la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) en 2020 ([5]).

Issue du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) et de deux établissements publics ([6]), l’ANCT s’affiche comme l’interlocutrice des collectivités dans l’élaboration et la mise en œuvre de projets de redynamisation des territoires en souffrance. Les programmes de revitalisation, initialement portés vers les villes moyennes (Action Cœur de ville), ont été élargis aux zones rurales au travers des dispositifs Petites villes de demain et, surtout, de Villages d’avenir.

Par ailleurs, un effort non négligeable de rationalisation des « zonages » permettant de faciliter, par des exonérations fiscales, l’installation de commerces en milieu rural a été entrepris au travers du dispositif « France ruralités revitalisation » (FRR) en 2024.

Bien que le régime des zonages encore en vigueur demeure encore assez complexe, j’ai noté avec satisfaction que le Gouvernement avait maintenu dans le dispositif des anciennes « zones de revitalisation rurales » (ZRR) les quelque 2 200 communes non éligibles à FRR, ce qui porte à près de 20 000, contre moins de 18 000 auparavant, le nombre de communes susceptibles de donner aux petits commerces le « coup de pouce » fiscal dont elles ont besoin pour s’installer.

Sur ce point, les Rencontres ont permis de confirmer l’importance de la « transmission » dans la lutte contre la vacance commerciale. Un entrepreneur peut tout autant reprendre un commerce existant, même si celui-ci est dans une situation délicate, qu’en créer un nouveau ex nihilo. Or seul le zonage FRR « plus » promis pour cette année a vocation à s’appliquer aux reprises d’entreprises en difficulté. Il convient donc d’être vigilant et de veiller à ce que ce mécanisme ne soit pas remis en cause sous prétexte d’économies budgétaires.

Naturellement, ces « zonages » ne valent que si les bénéficiaires potentiels en connaissent l’existence et, par ailleurs, si les communes concernées se prononcent par délibération sur l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de cotisation foncière des entreprises (CFE) autorisée par le législateur. Le rôle des collectivités territoriales est, ici, essentiel : il leur appartient de « faire vivre » le dispositif en levant les freins qui pourraient dissuader un porteur de projet de venir s’installer dans une commune rurale.

Pour intéressants que soient ces multiples dispositifs, il ressort, toutefois, des Rencontres qu’ils ne sont pas – pour reprendre les termes employés par M. Alain Di Crescenzo, président de CCI France – « à l’échelle ». Les représentants des organisations professionnelles ont tous déploré l’extinction, depuis 2018, du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC). Il suffit de comparer le budget du FISAC en 2011 (environ 80 millions d’euros par an) et celui alloué au Fonds d’accompagnement à l’installation de commerces en milieu rural piloté par l’ANCT (16,5 millions d’euros sur les années 2023‑2024) pour se rendre compte du manque d’ambition du Gouvernement en matière de soutien direct aux acteurs de proximité.

Mais surtout, c’est le manque d’adaptabilité de ces programmes, conçus au niveau national, qui constitue un véritable frein au développement de ces politiques publiques. L’exemple donné par Mme Monique Rubin, présidente de la Fédération des marchés de France, lors des Rencontres, en l’occurrence l’exclusion des commerces de marché du Fonds précité de soutien au commerce en milieu rural, montre toute l’urgence qui s’attache à ce que ce soient les collectivités elles‑mêmes qui fixent les critères d’attribution les plus adaptés à leur territoire.

Le projet de loi de finances pour 2026 doit donc être l’occasion pour l’État de réactiver le FISAC, quitte à en réformer les modes de fonctionnement pour limiter les « effets d’aubaine ».

Plus généralement, j’estime que les élus locaux restent les mieux placés pour définir les actions permettant aux activités économiques des zones rurales de se développer ou, tout au moins, de se maintenir, l’État venant en appui lorsque cela s’avère nécessaire. Lors des Rencontres, les représentants des organisations professionnelles ont tous appelé à ce que les projets de redynamisation soient conçus et mis en œuvre par les pouvoirs publics en associant l’ensemble des acteurs concernés. Indéniablement, des progrès doivent encore être réalisés en la matière.

Enfin, les prochaines échéances budgétaires, qui s’annoncent difficiles, ne doivent pas être l’occasion pour le Gouvernement de revenir sur ses engagements concernant France Services.

Lors des Rencontres, la ministre déléguée en charge de la ruralité, Mme Françoise Gatel, a confirmé que la subvention de l’État au programme s’élèverait bien à 45 000 euros en 2025, contre 40 000 euros l’année précédente. Compte tenu du coût moyen de fonctionnement d’un espace France Services, estimé à au moins 100 000 euros par an, il est indispensable que la dotation soit portée à 50 000 euros en 2026, conformément à ce qui avait été annoncé par les précédents Gouvernements depuis 2023. Bien évidemment, le « bonus » de 10 000 euros alloué aux espaces France Services installés dans une zone FRR doit être également maintenu. Derrière ces chiffres, c’est bien la pérennité du dispositif France Services qui est en jeu.

* * *

La « qualité de vie » des territoires ruraux est peut-être ce qui définit le mieux la promesse d’égalité qui est au cœur de notre République. Depuis plusieurs années, les plus hautes autorités de l’État ont pris conscience des attentes exprimées par les habitants de ces territoires, qui ont vu les espaces de lien social se désagréger progressivement.

Alors que se profilent des turbulences sur le plan budgétaire, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale doit jouer son rôle de « vigie » afin que les élus des zones rurales continuent à se sentir accompagnés dans la recherche de solutions en vue de la redynamisation des commerces de proximité et de la réimplantation des services publics.

 

 


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   ACTE DES RENCONTRES

OUVERTURE PAR M. STÉPHANE DELAUTRETTE, PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET À LA DÉCENTRALISATION

Je suis heureux de vous accueillir ce matin à l’Assemblée nationale pour cette quatrième édition des Rencontres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, consacrée aux « services essentiels » dans les territoires ruraux. Avant de rentrer dans le cœur même du sujet, je souhaiterais rappeler la nature de l’exercice qui nous attend ce matin.

Mes prédécesseurs à la tête de la délégation, Thomas Cazenave et David Valence, avaient conçu les Rencontres comme un espace privilégié de dialogue entre, d’une part, des experts et, d’autre part, les associations d’élus locaux et les parlementaires, afin de faire émerger des réponses aux grandes questions qui intéressent les collectivités territoriales. Après trois premières éditions, consacrées respectivement à la transition écologique, au logement et à l’aménagement du territoire, les Rencontres se sont imposées comme un des « temps forts » de la délégation.

C’est la raison pour laquelle, dès mon élection en octobre dernier, j’ai souhaité perpétuer ce format pour évoquer un sujet qui me tient particulièrement à cœur : le quotidien de nos concitoyens qui vivent dans les territoires ruraux. Selon les données officielles, ils constituaient un tiers de la population française réparti sur 88 % des communes en 2017 ([7]).

À l’instar des trois précédentes éditions, celle qui s’ouvre ce matin est structurée autour de deux questions précises, la première consacrée aux espaces France Services et la seconde aux services marchands de proximité. Chacune de ces questions donnera lieu à la tenue d’une table ronde d’une heure trente environ. Lors de chaque table ronde, quatre intervenants, experts et institutionnels, seront appelés à partager leurs connaissances sur le sujet puis, dans un second temps, un dialogue se tiendra avec les élus locaux et les parlementaires dans le but de voir naître des propositions utiles et de pistes de réforme susceptibles de donner lieu à un débouché législatif.

Je remercie également M. Cédric Vial, sénateur de la Savoie et vice‑président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

C’est la deuxième fois que nos homologues du Sénat nous font l’honneur d’être à nos côtés, puisque c’était un autre vice-président, M. Fabien Genet, qui avait participé à la troisième édition des Rencontres en février 2024 sur le thème des politiques de redynamisation. Votre présence, M. Vial, illustre le haut niveau de coopération entre les deux Chambres du Parlement. Nos délégations respectives œuvrent conjointement au service d’une même cause, qui est celle des collectivités territoriales. En 2022, le Sénat a publié deux rapports consacrés respectivement au programme France Services et au commerce en milieu rural, le premier sous le timbre de la commission des finances et le second sous le double timbre de la commission des affaires économiques et de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. J’imagine que vous nous en direz plus sur le contenu de ces deux rapports tout à l’heure.

Enfin, je profite de l’occasion pour vous informer, d’ores et déjà, que Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, sera présente à nos côtés au cours de la première table ronde et que Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce et de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire, ouvrira avec moi la seconde table ronde.

S’agissant des associations d’élus, je remercie M. Michel Fournier, maire des Voivres (88) et président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), M. Éric Krezel, maire de Ceffonds (52), également pour l’AMRF, Mme Catherine Lhéritier, maire de Valloire-sur-Cisse (41) représentant l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité (AMF), M. Laurent Trogrlic, président du Bassin de Pompey (54) et secrétaire national d’Intercommunalités de France ainsi que M. Serge Méchin, président du Pays Loire Val d’Aubois (18) au titre de l’Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP).

Au titre des experts et institutionnels, nous avons le plaisir de recevoir M. Emmanuel Roux, président de la chambre régionale des comptes (CRC) de Bourgogne-Franche-Comté, M. Yannick Imbert, directeur des affaires territoriales et publiques du groupe La Poste, M. Marc Le Floch, directeur général délégué de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) ainsi que M. Daniel Agacinski, délégué général à la médiation auprès de la Défenseure des droits pour la première table ronde.

Pour la seconde table ronde, nous entendrons M. Stanislas Bourron, directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), M. Alain Di Crescenzo, président de CCI France, Mme Fabienne Munoz, vice‑présidente de CMA France et M. Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P).

Enfin, je salue la présence parmi nous de Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), ainsi que de plusieurs représentants de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) et de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), qui font partie des opérateurs du programme France Services aux côtés de La Poste et de la CNAF. Plusieurs fédérations représentatives du secteur du commerce de proximité nous ont également rejoints : M. Pierre Bosche, président de la Confédération des commerçants de France, M. Philippe Alauze, président de la Fédération des buralistes de Paris‑Île‑de‑France, et Mme Monique Rubin, présidente de la Fédération nationale des marchés de France.

Avant de présenter, dans les grandes lignes, le contenu des deux tables rondes, je souhaiterais rappeler rapidement le contexte dans lequel s’inscrivent nos discussions ce matin.

Loin d’être un ensemble territorial unifié, la « ruralité » regroupe une multitude de territoires qui, contrairement aux clichés que l’on retrouve parfois dans la presse, sont loin d’être tous défavorisés. Pour prendre le seul exemple de la Haute‑Vienne, la commune de Couzeix, située dans l’aire urbaine de Limoges, fait preuve d’un dynamisme démographique impressionnant, avec une population qui a doublé en quarante ans pour dépasser les 10 000 habitants en 2022. Mais les belles réussites de certains bassins de vie ne doivent pas pour autant dissimuler les difficultés, bien réelles, auxquelles sont confrontées d’autres espaces. Vous me pardonnerez d’utiliser, là encore, un exemple haut-viennois : selon une étude publiée par l’INSEE en 2020, la commune d’Eymoutiers se caractérisait par une durée moyenne d’accès aux services au public les plus courants de quatorze minutes, contre seulement six minutes à Limoges, située à seulement quelque 40 kilomètres ([8]).

Au fond, c’est bien la question de l’accès aux services de la vie quotidienne, et plus particulièrement aux services publics, qui traverse l’ensemble des territoires ruraux : selon une enquête réalisée en 2023, à peine un habitant sur deux, soit 46 %, des communes de moins de 2 000 habitants avait le sentiment de « bénéficier » de l’action et de la présence des pouvoirs publics et, pour ces populations, la présence des services publics et sociaux apparaissait comme la deuxième préoccupation la plus importante après la désertification médicale ([9]).

En somme, dans les territoires ruraux, les familles redoutent plus que jamais de ne plus pouvoir accéder à un bureau de poste, bénéficier des aides sociales auxquelles elles ont droit, aller faire leurs courses facilement et même trouver l’artisan qui aménagera ou réparera leur maison.

Il s’agit, ni plus ni moins, que de la crainte de ne pouvoir vivre normalement comme dans n’importe quel centre urbain et, en quelque sorte, d’être relégué de la promesse d’égalité portée par la République.

Les discussions de ce matin ont précisément pour objectif de faire un état des lieux des politiques publiques mises en œuvre, en tout ou partie au niveau des collectivités territoriales, pour tenter de répondre à cette demande exprimée par nos concitoyens des zones rurales. Aussi, certaines interrogations essentielles viennent à l’évidence à l’esprit : le niveau d’intervention, local ou national, est-il le bon ? Les moyens mis en œuvre, notamment sur le plan financier, sont-ils satisfaisants ? Les résultats sont-ils au rendez-vous dans tous les territoires concernés et, sinon, y aurait-il des « bonnes pratiques » à généraliser ?

Selon la teneur des réponses à ces questions, il appartiendra au Parlement d’en tirer les conséquences au travers de recommandations au Gouvernement ou d’initiatives législatives visant à modifier les modalités d’intervention des différents acteurs ou, tout simplement, à renforcer leurs capacités budgétaires.

Sans anticiper sur les échanges que nous allons avoir ensemble ce matin, je souhaiterais donner quelques précisions sur le contenu des deux tables rondes qui sont appelées à structurer nos débats.

La première table ronde doit être l’occasion pour nous de procéder à un premier bilan du « tout numérique » appliqué à de nombreux services publics depuis le milieu des années 2010. Sans doute la digitalisation à marche forcée des procédures a-t-elle eu pour effet pervers d’encourager à la fermeture de sites, notamment dans les territoires moins densément peuplés. Les facilités offertes par « France Connect », aussi évoluées soient-elles, ne pourront jamais atteindre ceux de nos concitoyens qui sont durablement éloignés des outils numériques et qui représentaient, en moyenne, 15 % de la population française en 2021 ([10]). Pour ces usagers, le maintien d’un maillage territorial d’une présence humaine est indispensable.

Le programme France Services, lancé en 2019 ([11]), apporte une première réponse à ce besoin. À la fin de l’année 2023, on recensait plus de 2 800 espaces d’accueil mutualisés et polyvalents sur le territoire national, auxquels participent 11 opérateurs emblématiques du service public, tels que La Poste, la CNAF ou France Travail. Il s’agit désormais de savoir si ce dispositif est, en tant que tel, satisfaisant et mériterait simplement d’être renforcé sur le plan des moyens financiers ou, au contraire, s’il apparaît, si vous me permettez la métaphore, comme un « cautère sur une jambe de bois ».

M. le vice-président Vial, le rapport publié en juillet 2022 par la commission des finances sur le programme France Services faisait état d’un « déploiement réussi » mais aussi d’un « maillage territorial » à parfaire ([12]). C’est précisément de l’étendue de ce maillage territorial dont il sera question lors de la première table ronde des Rencontres.

La seconde table ronde sera consacrée aux services qui, bien que ne relevant pas de la catégorie des services publics, sont tout aussi essentiels en termes de qualité de vie. Il s’agit, bien évidemment, du commerce alimentaire de détail dans lequel une famille ira faire ses courses, du café-restaurant où l’on peut se retrouver entre amis, du plombier qui viendra réparer la canalisation de sa salle de bains ou du couvreur qui pourra vous aider à mieux isoler le toit de sa maison. Mais la liste n’est assurément pas exhaustive : est « essentiel » tout ce qui, en définitive, permet de répondre à un besoin fondamental de la vie quotidienne.

Face à l’augmentation continue du nombre de territoires sous-dotés en services de proximité, les pouvoirs publics ont réorienté les politiques de soutien aux activités commerciales et artisanales dans les zones rurales vers des dispositifs ciblés, articulés autour de projets locaux mis en œuvre sous l’égide de l’ANCT. « Petites Villes de demain » et « Villages d’avenir » sont les programmes les plus connus ([13]), mais l’ANCT devrait récapituler tout à l’heure l’ensemble des dispositifs accessibles aux élus locaux. Il s’agira donc d’évaluer les effets de ces nouveaux dispositifs et d’identifier les voies d’amélioration, en particulier celles intéressant les collectivités territoriales.

À cette occasion, je souhaiterais apporter une précision importante quant au périmètre de nos discussions : vous aurez probablement remarqué que je n’ai, à aucun moment de mon intervention, évoqué les services de santé, tant publics que privés. Bien qu’ils relèvent indéniablement de la catégorie des « services essentiels », leur installation et leur maintien dans les territoires ruraux s’inscrivent dans le cadre de dispositifs publics au champ bien plus large que celui des programmes de redynamisation des espace France Services. Comme il s’agit d’un objet de discussion à part entière, le bureau de la délégation a décidé, en octobre dernier, de traiter le sujet soit à l’occasion d’une cinquième édition des Rencontres soit dans le cadre de travaux d’information plus classiques.

Je n’irai pas plus loin dans mes réflexions et laisse dès à présent la parole à M. Cédric Vial, vice‑président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

ALLOCUTION DE M. CÉDRIC VIAL, VICE-PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION SÉNATORIALE AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET À LA DÉCENTRALISATION

Je vous remercie pour votre invitation et votre accueil. À titre liminaire, je voudrais excuser le président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, M. Bernard Delcros, qui préside ce matin une réunion consacrée à l’examen d’un rapport d’information relatif au pouvoir préfectoral de dérogation aux normes ([14]), ainsi que M. Fabien Genet, vice‑président de la délégation et secrétaire du Sénat, qui a dû se rendre de manière inopinée à une réunion du Bureau du Sénat.

La délégation sénatoriale est, naturellement, attachée à ce que les territoires ruraux bénéficient, comme les autres, d’un accès aux « services essentiels », c’est‑à‑dire à ceux qui incarnent la promesse républicaine d’égalité devant le service public. À cet égard, je rappellerais l’importance des missions de service public qui, pour reprendre les propos du général de Gaulle, nécessitent de « l’intelligence », du « dévouement » et « le sens du réel ». Pour le fondateur de nos actuelles institutions, l’administration « est le plus grand des arts ».

Le Sénat s’est félicité de la mise en place, en 2019, du programme France Services. Au 1er août 2024, on dénombrait ainsi 2 751 espaces d’accueil mutualisés regroupant onze opérateurs de service public. Le dispositif pourrait s’élargir utilement à d’autres opérateurs, tels que le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et la Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM). À titre personnel, j’ajouterais également la SNCF pour l’achat, l’échange et le remboursement de titres de transport ferroviaire.

Dans son rapport de 2022 précité ([15]), M. Delcros souligne la réussite des espaces France Services par rapport à l’ancien dispositif des « maisons de services au public » (MSAP) issu de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) ([16]). La plus-value de France Services réside dans la proximité et la dimension humaine de l’accompagnement apporté aux usagers. Pour autant, les espaces France Services ne peuvent en aucun cas constituer un « substitut » à l’offre existante de services publics, dont ils sont un « complément » ([17]).  

Le rapport sénatorial a également mis en évidence les faiblesses du maillage territorial retenu, à savoir un espace France Services par canton. L’extension du périmètre des cantons, découlant du redécoupage opéré en 2013 ([18]), accroît inévitablement l’éloignement des espaces d’accueil, qui devraient plutôt être déployés à chaque « bourg » jouant un rôle de « pôle de services » pour le bassin de vie environnant.

Les dispositifs itinérants, à l’image de la pirogue de l’Est Guyanais ou, plus simplement, du bus numérique « Van 71 » en Saône-et-Loire, qui dessert les communes les plus éloignées du département, incarnent la démarche consistant à « aller vers » l’usager, mise en œuvre dans le cadre du programme France Services, mais ne représentent encore que 6 % des espaces d’accueil.

Par ailleurs, le financement des espaces France Services doit également être renforcé, la subvention allouée par l’État (30 000 euros en 2022) s’avérant largement insuffisante pour couvrir l’intégralité des coûts de fonctionnement, estimés à au moins 100 000 euros par unité. Dans son rapport, M. Delcros préconisait donc de porter cette subvention à 50 000 euros ([19]). En 2023 ([20]), le Gouvernement a annoncé que l’effort de l’État serait porté à 45 000 euros en 2025, puis 50 000 euros à compter de 2026. La loi de finances pour 2025 comporte, sur proposition des sénateurs membres de la commission mixte paritaire, une enveloppe complémentaire destinée à garantir la hausse de la dotation ([21]).

À cette occasion, je tiens à souligner que, pour le Sénat, il est essentiel que cette subvention reste forfaitaire et ne soit pas modulée en fonction de la fréquentation afin de ne pas pénaliser les territoires les plus éloignés.

Parmi les autres recommandations figurant dans le rapport sénatorial, deux d’entre elles rejoignent les préoccupations exprimées par la Défenseure des droits et la Cour des comptes dans son rapport d’évaluation sur le programme France Services ([22]), à savoir le renforcement de la professionnalisation des agents et l’amélioration de l’interopérabilité entre l’espace d’accueil et les opérateurs du réseau. L’existence d’une « ligne directe » entre les agents de l’espace d’accueil et les services compétences de l’opérateur sollicité n’est pas toujours garantie ([23]).

J’en viens à présent au thème de la seconde table ronde des Rencontres, c’est-à-dire le soutien au commerce et à l’artisanat en milieu rural.

Pendant longtemps, la désertification des centres-villes et centres-bourgs a été négligée, voire niée, par les pouvoirs publics. Aujourd’hui, l’État a pris la mesure des enjeux liés à la revitalisation des territoires éloignés des grands centres urbains. L’ANCT s’est affirmée comme le point central des politiques de redynamisation des territoires à travers ses programmes emblématiques, tels qu’ « Action Cœur de Ville » (ACV), « Petites villes de demain » (PVD) et « Villages d’avenir ».

Dans un rapport publié en 2022 ([24]) sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, les sénateurs de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et de la délégation aux entreprises ont effectué un bilan en demi‑teinte du programme PVD et préconisé, notamment, la création d’un « fonds d’intervention pour le commerce » ainsi que l’extension aux locaux commerciaux du bénéfice du dispositif fiscal dit « Denormandie » ([25]).

À l’occasion des travaux menés dans le cadre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation en 2024 sur l’ingénierie des petites communes ([26]), les sénateurs Daniel Guéret et Jean-Jacques Lozach ont effectué une première évaluation du programme « Villages d’avenir ». À la date du 1er janvier 2024, 2 458 communes avaient été sélectionnées dans le cadre de la première vague de labellisation. Les premiers projets présentés portaient, dans leur grande majorité, sur le soutien à l’artisanat et au commerce de proximité, ce qui est très encourageant.

Plusieurs points de vigilance avaient, toutefois, été identifiés : le dispositif reste articulé autour du principe de l’appel à projets, ce qui peut pénaliser précisément les petites communes ne disposant pas des ressources suffisantes pour élaborer des projets conformes aux cahiers des charges. En outre, les sénateurs s’interrogent sur le devenir des quelque 1 600 communes non retenues. Enfin, ils ont noté que la durée de l’accompagnement des communes en ingénierie interne, prévue entre 12 et 18 mois, s’avérait souvent insuffisante au regard de la complexité de certains projets et qu’il conviendrait que les moyens financiers soient alloués sur une période plus longue, de préférence sur la durée d’un mandat ([27]).

S’agissant des « bonnes pratiques » que vous évoquiez tout à l’heure, M. le président, je souhaiterais évoquer l’initiative « 1 000 cafés », lancée en 2019 par le Groupe SOS, acteur de l’économie sociale et solidaire, afin de soutenir et de développer des cafés multiservices en milieu rural.

En cinq ans, l’association est intervenue dans 220 communes de moins de 3 500 habitants. Elle bénéficie, pour mener ses actions, de diverses sources de financement ainsi que de l’expertise de personnels mis à sa disposition par des entreprises partenaires dans le cadre du mécénat de compétences.

Enfin, je vous informe que la délégation vient de mettre en place une mission d’information sur l’ingénierie des collectivités territoriales en matière de développement économique. Cette mission sera l’occasion d’évaluer les moyens dont disposent les communes pour soutenir l’artisanat et le commerce de proximité.

Il ressort de ces multiples exemples que les préoccupations qui nous réunissent aujourd’hui sont également celles de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Les échanges de ce matin permettront de nourrir notre réflexion collective sur ces sujets.

 


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TABLE RONDE N° 1 : Les espaces France services sont-ils le meilleur moyen de garantir un maillage territorial des services publics ?

M. le président Stéphane Delautrette. Nous allons maintenant débuter nos échanges par la première table ronde consacrée aux espaces France Services. Je vais donner tout d’abord la parole à M. Emmanuel Roux, président de la chambre régionale des comptes de Bourgogne-Franche-Comté.

M. Roux, vous avez présidé la formation commune de la Cour des comptes et de quatre chambres régionales des comptes qui, en septembre 2024, a publié un rapport d’évaluation sur le programme France Services ([28]). Dans ce rapport, les juridictions financières tirent un premier bilan positif du déploiement du dispositif, estimant que celui-ci participe à la réduction des fractures territoriales. Pour autant, le rapport pointe un certain nombre de faiblesses, notamment la difficulté à atteindre les populations les plus éloignées des services publics ou souffrant d’illectronisme. Par ailleurs, il estime le coût moyen d’un espace France Services à plus de 100 000 euros, soit bien au-delà de la dotation forfaire, même si le montant de cette dotation a été porté à 45 000 euros en 2025.

Quel devrait être, selon vous, la mesure à prendre en priorité pour permettre aux espaces France Services de s’affirmer comme des acteurs incontournables du service public en milieu rural ?

M. Emmanuel roux, président de la chambre régionale des comptes de bourgogne‑franche-Comté

Comme vous l’avez indiqué, M. le président, le rapport est issu d’une enquête menée, sous l’égide de la première, quatrième et cinquième chambre de la Cour des comptes, par les chambres régionales des comptes de Bourgogne-Franche-Comté, de Centre-Val-de-Loire, d’Île-de-France et de la Réunion. Cette configuration correspondait aux souhaits du Premier président, Pierre Moscovici, de voir les chambres régionales des comptes s’impliquer plus directement dans l’évaluation des politiques publiques.

Les travaux de la formation commune ont porté principalement sur la satisfaction de l’usager, qui a été érigée en priorité lors du lancement du programme France Services en 2019 ([29]). Bien entendu, les juridictions financières ont également analysé les modalités de déploiement du dispositif entre 2020 et 2023.

Comme vous l’avez souligné, M. le président, le rapport se caractérise par sa tonalité positive, ce qui peut paraître surprenant de la part de la Cour des comptes. Notre formation a salué la dynamique de déploiement du réseau France Services : on recensait 2 840 espaces d’accueil en décembre 2023, dont seulement 1 200 étaient issus de MSAP. Le dispositif est, par ailleurs, monté rapidement en puissance, puisque le réseau a traité un peu moins de dix millions de demandes en 2023, contre un million en 2020.

La qualité de service est au rendez-vous, car l’usager peut bénéficier d’une large palette de services. La relation avec l’administration se caractérise, surtout, par son caractère humain et humanisant. C’est une dimension que le rapport a pu évaluer de manière objective au travers d’ateliers et de sondages. La formation inter‑juridictions a également bénéficié de l’appui de sociologues au travers d’un partenariat conclu avec l’Université de Bourgogne. Il est ressorti de ce travail d’évaluation que les usagers des espaces France Services se sentaient pleinement pris en charge.

Bien évidemment, la mission a mis en avant un certain nombre de faiblesses, que je préfère qualifier de « prérequis » pour la réussite du programme.

Tout d’abord, il convient de rappeler que les espaces France Services n’ont pas vocation, pour l’instant, à se substituer aux opérateurs, mais à jouer un rôle de « premier filtre ». Si, à l’avenir, le nombre d’espaces d’accueil et de services offerts devait poursuivre sa croissance, le dispositif viendrait immanquablement à empiéter sur les activités des opérateurs eux-mêmes. Au-delà de l’objectif, louable, de renforcement du maillage territorial, il serait opportun de mieux définir les orientations stratégiques du programme.

 La démarche consistant à « aller vers » l’usager constitue une voie essentielle d’amélioration du dispositif. La plupart des usagers qui fréquentent un espace France Services habitent la commune où cet espace est précisément situé. Le programme doit mieux se faire connaître des populations les plus éloignées. Cela suppose une meilleure connaissance des profils sociaux des usagers.

Vous avez, M. le président, évoqué les populations souffrant d’illectronisme. Sur ce point, les agents d’accueil s’efforcent de fournir à ces usagers une assistance sur site dans leurs démarches. Sur un total de quelque 4 000 conseillers numériques, plus de 700 exerçaient dans un espace France Services en 2024. Pour autant, cette assistance ne résout pas fondamentalement le problème de l’illectronisme : il serait préférable que les usagers surmontent leurs difficultés et parviennent à effectuer leurs démarches de manière autonome.

À cette occasion, je précise que la Cour des comptes traitera de nouveau de l’inclusion numérique dans son rapport annuel de 2026, qui sera consacré à la cohésion sociale et territoriale.

La coordination entre les différents acteurs, tant au niveau local que national, fait également partie des points d’amélioration du dispositif.

Dans son rapport, la formation inter-juridictions a, toutefois, identifié deux sujets d’inquiétudes susceptibles de remettre en cause la viabilité du dispositif sur le long terme.

Le premier de ces sujets porte sur les ressources humaines. Travailler dans un espace France Services, où l’on est censé traiter trois demandes d’usagers par heure, suppose la mobilisation de compétences à la fois techniques et humaines de haut niveau. Or, il est apparu que le métier de conseiller était encore trop peu valorisé. Si rien n’est fait, les espaces France Services risquent d’être rapidement confrontés à des taux de rotation d’effectifs préjudiciables à la qualité de service ([30]).

Vous avez, M. le président, cité le second sujet de préoccupation : il s’agit de la pérennité du financement même des espaces France Services. Dans son rapport précité ([31]), la formation inter-juridictions a estimé à au moins 100 000 euros le coût moyen annuel d’un espace d’accueil. Même si l’on prend en compte le relèvement de la subvention forfaitaire à 45 000 euros en 2025, puis 50 000 euros en 2026, le reste à charge pour l’opérateur reste important. On peut craindre, par ailleurs, qu’il ne continue de s’accroître en raison même de l’élargissement de l’offre de services et de la nécessité d’assurer des recrutements de qualité. Certains espaces d’accueil peuvent parfois être victimes de leur succès. On peut estimer aujourd’hui que 15 % des espaces France Services sont en état de saturation.

Enfin, la subvention forfaitaire ne devrait pas être le seul outil permettant d’évaluer l’effort financier des opérateurs en direction de France Services. À titre personnel, je citerais l’espace France Services de Besançon (25), situé dans le quartier de Planoise et doté d’une antenne de la Caisse d’allocations familiales (CAF). En décidant de réduire sa présence sur Besançon, la CAF reporte inévitablement la charge de travail correspondante sur l’espace France Services sans que ce report soit budgété.

* * *

Le président Stéphane Delautrette. Je vous remercie, M. Roux, pour ces précisions utiles sur les points d’amélioration du dispositif. Je donne maintenant la parole à M. Yannick Imbert, directeur des affaires territoriales et publiques de La Poste.

M. Imbert, le groupe La Poste, qui conserve environ 17 000 points de contact dans les territoires ruraux, est l’un des principaux opérateurs du réseau France Services. Le bureau de poste est, par ailleurs, un lieu emblématique du service public pour nos concitoyens. Si je ne me trompe pas, le coût de fonctionnement d’un espace France Services postal s’avère plus élevé que les autres espaces, ce qui renchérit d’autant le reste à charge pour l’opérateur que vous représentez. Comment La Poste envisage-t-elle d’accompagner le déploiement du réseau France Services dans les territoires ruraux et quel soutien le groupe attendil de l’État en la matière ?

M. Yannick imbert, directeur des affaires territoriales et publiques du groupe La Poste

Comme vous l’avez rappelé, M. le président, La Poste est un opérateur historique du programme France Services. À la fin de l’année 2018, les bureaux de poste hébergeaient environ 500 MSAP. La transformation de nombreuses MSAP en « espaces France Services » s’est accompagnée d’une montée en gamme à laquelle le groupe La Poste a, bien évidemment, contribué sous l’égide de l’ANCT.

À l’instar des autres opérateurs de services, qu’ils soient publics ou privés, La Poste subit une baisse importante de fréquentation de ses sites physiques : on recensait 195 millions de visites en 2022, contre 403 millions en 2016 (- 52 %). Il faut reconnaître que les opérateurs, qui n’ont eu de cesse de développer de nouvelles offres numériques, sont en partie responsables de cette diminution. Compte tenu, par ailleurs, des contraintes budgétaires croissantes qui pèsent sur les opérateurs publics, il est peu probable que ceux-ci puissent maintenir à moyen terme une présence physique sur l’ensemble du territoire national. La mutualisation des moyens est le seul moyen permettant de conserver un maillage territorial adapté aux besoins de nos concitoyens. À cet égard, on peut déplorer que l’appel à projets soit au cœur de la labellisation « France Services ». Pour chaque nouvel espace d’accueil, La Poste et les collectivités territoriales se retrouvent en concurrence, ce qui de facto ne favorise pas la mutualisation recherchée par le dispositif.

Le groupe La Poste estime qu’il appartient au préfet, à la fois délégué territorial de l’ANCT et responsable de l’élaboration, avec le département, du schéma départemental d’amélioration de l’accessibilité des services au public (SDASP) ([32]), de prendre les mesures permettant de favoriser cette mutualisation.

Au titre des « freins » au développement du réseau France Services, La Poste souligne la difficulté de garantir la présence permanente de deux agents dans l’espace d’accueil, conformément aux dispositions de la circulaire du Premier ministre précitée ([33]). Cette condition est parfois inadaptée à la fréquentation réelle de l’espace d’accueil.

Par ailleurs, il convient de rappeler qu’à la différence des autres opérateurs du dispositif, La Poste est une entreprise publique dont les activités relèvent à la fois du service public postal et du secteur commercial. Nous vendons de multiples produits : timbres, abonnements téléphoniques, produits assuranciels, etc. Ces activités de vente ne font pas partie du « Bouquet de services » France Services : un opérateur tel que La Poste ne peut donc les exercer dans les espaces d’accueil alors même qu’elles pourraient contribuer à maintenir, voire à renforcer, la fréquentation.

Nous partageons, bien évidemment, le constat effectué par la Cour des comptes sur l’insuffisance des moyens déployés par le dispositif en matière de lutte contre l’illectronisme. Aux côtés des 700 conseillers numériques des espaces France Services, La Poste pourrait mobiliser une partie de ses effectifs, qui n’ont de cesse d’accompagner les usagers dans leurs démarches en ligne ([34])

En outre, le groupe propose au Gouvernement d’ériger les bureaux de poste, voire les agences postales communales, en espaces d’information sur France Services. Bien entendu, il ne s’agit pas de créer un nouvel échelon qui complexifierait le dispositif, mais d’offrir aux usagers résidant dans une commune éloignée de la « centralité » une facilité d’accès à l’espace France Services ou, tout simplement, de mieux le faire connaître.

Enfin, du point de vue des moyens financiers, je souhaiterais souligner la différence de traitement entre les espaces France Services postaux et les autres. Compte tenu du statut juridique spécifique de La Poste, la dotation allouée par l’État, actuellement de 4 000 euros par an, ne peut être réévaluée. L’essentiel de l’effort budgétaire est fourni dans le cadre du fonds postal national de péréquation territoriale à hauteur de 26 000 euros ([35]). Dans la mesure où les ressources du fonds proviennent en grande partie d’allègements de la fiscalité locale à laquelle La Poste est assujettie ([36]), ce sont les collectivités territoriales qui financent indirectement les espaces France Services postaux.

Alors que l’État a décidé de porter progressivement à 50 000 euros le montant de la subvention des espaces France Services « classiques », il pourrait être opportun d’envisager une réforme des modalités de financement des espaces postaux.

* * *

Le président Stéphane Delautrette. Dans mes anciennes fonctions de vice-président du conseil départemental de Haute‑Vienne, j’ai été amené à présider à maintes reprises la commission départementale de présence postale territoriale : les problèmes de financement des espaces France Services postaux que vous évoquez, M. Imbert, ne me sont donc pas inconnus.

Je vous propose maintenant d’entendre M. Marc Le Floch, directeur général délégué de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF). M. Le Floch, le réseau des caisses d’allocations familiales (CAF) accompagne plus de 13,5 millions d’allocataires sur l’ensemble du territoire national, tant au titre de l’enfance que de l’aide au logement ou de la solidarité. Les CAF, interlocuteurs naturels des familles, incarnent parfaitement le volet social du programme France Services. Quelles sont les mesures mises en œuvre pour permettre aux publics en difficulté de faire valoir leurs droits et comment la CNAF agit-elle pour améliorer l’interopérabilité de ses services avec ceux des autres opérateurs des espaces France Services ?             

M. Marc Le floch, directeur général délégué de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF)

Comme La Poste, la CNAF fait partie des opérateurs « historiques » du dispositif France Services : elle fait partie des signataires de l’accord-cadre national du 12 juillet 2019 qui officialise le lancement du programme ([37]).

Avant d’évoquer la façon dont la CNAF met en œuvre son partenariat avec les autres opérateurs du réseau France Services, je souhaiterais signaler qu’à l’occasion du renouvellement de sa convention d’objectifs et de gestion (COG) pour la période 2023‑2027, la Caisse a modifié de manière significative certains des principes régissant l’accueil du public au sein des CAF. Autrefois, celles-ci avaient tendance à considérer que le téléphone était un « outil du passé » et à réduire les possibilités d’accueil du grand public au guichet au profit d’un contact sur prise de rendezvous.

À partir d’une analyse des pratiques des allocataires, il a été constaté que l’usage du numérique était généralisé pour les demandes de premier niveau : les usagers n’hésitent désormais plus à consulter leur espace personnel sur le site CAF Mon Compte pour s’informer sur une date de paiement ou le montant de leurs droits.

Pour autant, si les informations qu’ils trouvent sur le site ne leur conviennent pas, l’appel téléphonique apparaît comme le mode de contact privilégié. Puis, si la réponse n’est pas encore suffisante, les usagers veulent pouvoir « pousser la porte » d’un espace d’accueil pour bénéficier d’une prise en charge humaine. C’est la raison pour laquelle la CNAF est en train d’enrichir son dispositif de contact téléphonique et ouvre de nouveau des sites ouverts au public sans rendez-vous sur une plage horaire de 28 heures par semaine afin d’assurer un « accueil physique inconditionnel » ([38]). Les CAF proposent désormais, outre l’accès à un ordinateur en libre-service et à un guichet sur rendez-vous, un espace d’accueil sans rendez-vous où des agents peuvent répondre à un premier niveau de questions et aider les usagers à effectuer leurs démarches en ligne.

En outre, aux côtés de leurs 300 agences d’accueil, les CAF ont développé des partenariats avec d’autres opérateurs, publics comme privés, tels que les centres communaux d’action sociale (CCAS), les Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) ou les « Restos du Cœur », afin d’ouvrir des « points relais ». En contrepartie d’un service d’aide aux démarches de l’usager sur le site https://caf.fr, le partenaire bénéficie d’un accompagnement et d’une formation de la CAF, voire d’un financement pour l’acquisition et la maintenance des équipements informatiques dans certains cas.

Bien évidemment, France Services constitue aujourd’hui le principal dispositif partenarial auquel s’associe la CNAF. À l’image des autres opérateurs, les CAF assurent la formation et le soutien des préposés des espaces France Services. Près de 20 % d’entre elles ont également décidé d’offrir aux usagers une présence spécifique au travers d’une permanence issue directement du réseau.

Du point de vue de la CNAF, trois conditions doivent être remplies pour que le programme France Services puisse remplir pleinement ses objectifs. Tout d’abord, les services proposés dans les espaces France Services et ceux accessibles directement chez les opérateurs de service public doivent être complémentaires. Une formation d’un an est nécessaire pour former un agent d’une CAF : il n’est, dès lors, pas possible d’offrir le même niveau de prestation dans un espace France Services. Ensuite, la complexité de l’environnement législatif et réglementaire qui régit les allocations versées par les CAF rend d’autant plus indispensable la fourniture par celles-ci d’un accompagnement performant aux agents d’accueil France Services. Enfin, la fluidité des relations entre les espaces France Services et les opérateurs est un critère essentiel de réussite bien qu’il faille reconnaître que, sur ce dernier point, certaines CAF aient encore des progrès à faire.

Bien évidemment, l’animation territoriale du réseau France Services est essentielle dans la mesure où le dispositif réunit une pluralité d’acteurs. Il s’agit d’éviter que les implantations s’effectuent de manière non cordonnée : installer un espace France Services en face d’une CAF n’aurait aucun sens.

Pour conclure, je souhaiterais insister sur la place désormais centrale qu’occupe France Services dans les relations que les CAF entretiennent avec leurs allocataires. Au fur et à mesure de la montée en puissance du programme et de l’élargissement du bouquet de services, les pouvoirs publics devront néanmoins veiller à garantir la soutenabilité à long terme de l’ensemble du dispositif. Au‑delà des seules dotations budgétaires évoquées tout à l’heure par M. Roux, les opérateurs devront toujours être en mesure de fournir aux espaces France Services un même niveau d’accompagnement quelle que soit l’étendue du réseau. Pour l’instant, les CAF disposent de personnels suffisamment formés pour traiter en deuxième ligne les demandes des allocataires qui passent d’abord par France Services. En serait-il de même si le nombre d’espaces France Services venait à doubler ?

À plus long terme, un pas supplémentaire pourrait être franchi dans l’amélioration de la qualité de service par la mise en place d’une démarche encore plus proactive dans le dispositif France Services : compte tenu des données disponibles sur la vie des allocataires, le service idéal consisterait à être en mesure de contacter l’usager avant même que celui-ci ne ressente le besoin d’appeler ou de se déplacer.

* * *

Le président Stéphane Delautrette. Je vous remercie pour votre intervention. Avant de donner la parole à M. Daniel Agacinski, délégué général à la médiation auprès de la Défenseure des droits, je voudrais remercier plus particulièrement Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, qui a pu nous rejoindre en dépit d’un emploi du temps très chargé ce matin.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité

Merci, M. le président. Bien que je sois, effectivement, attendue tout à l’heure dans la Nièvre à l’invitation du département pour participer à la « caravane des ruralités » ([39]), je ne pouvais manquer aux Rencontres de ce matin, organisée par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale en présence de la délégation sénatoriale et des représentants de la ruralité qui sont mes interlocuteurs réguliers au ministère et que je salue à cette occasion.

Le succès du dispositif France Services, qui ressort des premiers échanges, est remarquable dans un pays comme le nôtre, plus habitué aux regrets et aux complaintes qu’à l’optimisme. Le programme a été lancé en 2019, soit moins d’un an après le début du mouvement dit des « gilets jaunes », qui illustrait la détresse d’une partie de nos concitoyens, notamment ceux qui résident dans les territoires ruraux.

La fermeture de sites emblématiques du service public tels que des bureaux de poste ou des trésoreries a, sans aucun doute, alimenté un sentiment d’abandon et confirmé de nombreux Français dans l’idée qu’ils étaient exclus d’une certaine modernité.

Avec France Services, les pouvoirs publics ont su réinventer un modèle où l’efficacité se conjugue avec la proximité.

Certes, les nouvelles technologies peuvent effectuer de manière plus précise et rapide des tâches autrefois exécutées par un agent mais, au bout du compte, l’usager a besoin d’être accompagné et, sur ce point, la présence humaine est irremplaçable. J’oserais, si vous me le permettez, faire référence au personnage de Josette, dite « Zézette », dans le film « Le Père Noël est une ordure » ([40]). Une scène, devenue célèbre, la montre en train de se débattre dans le remplissage d’un formulaire de sécurité sociale et de se plaindre du nombre de cases, inadapté à son nom et à sa situation personnelle. Aujourd’hui, le formulaire n’est plus en format papier, mais de nombreux usagers se heurtent toujours aux mêmes difficultés !

En outre, il existe de multiples situations particulières que les dispositifs automatisés ne peuvent pas prendre en compte. Au cours d’une visite effectuée récemment dans un espace France Services du département de l’Oise, j’ai pu m’entretenir à un usager sur le point de prendre sa retraite qui avait eu une carrière tellement peu linéaire qu’il n’avait pu la renseigner intégralement dans sa demande de retraite informatisée. C’est précisément avec l’appui d’un agent France Services qu’il a pu trouver la réponse qu’il cherchait et, ainsi, être rassuré sur le montant de sa pension.

Comme vous l’avez souligné tout à l’heure, M. Roux, la force du réseau France Services réside précisément dans le professionnalisme de ses équipes, qui s’illustrent tous les jours dans l’accompagnement des usagers et savent mettre leurs compétences au service de personnes parfois stressées ou agacées. Ces agents ont, eux‑mêmes, besoin de l’appui des opérateurs : il y a ici une mécanique vertueuse à ce que des services spécialisés ne fonctionnent plus « en silo » et s’inscrivent dans une dynamique partenariale.

L’État poursuivra le déploiement du réseau dans le souci d’accroître son maillage territorial. Une centaine d’espaces France Services ouvriront en 2025 et le seuil des 3 000 espaces devrait être atteint l’année prochaine. S’agissant des aspects budgétaires, comme vous l’avez rappelé, M. Vial, l’État portera effectivement à 45 000 euros le montant de sa subvention en 2025.

La montée en puissance du dispositif devrait permettre de réconcilier l’usager avec ce qu’il appelle « l’administration » et qui comporte de multiples facettes, parfois difficiles à appréhender. Comme vous le signaliez à l’instant, M. Le Floch, France Services intervient en complémentarité d’une offre de services existante, et non pour la remplacer. C’est la raison pour laquelle je dis souvent que France Services est « le premier kilomètre de l’action publique » et non le dernier.

Je voudrais également souligner la souplesse du dispositif, qui permet au « bouquet de services » de s’adapter aux besoins des territoires concernés. Ainsi, dans les Hautes-Alpes, j’ai constaté la présence dans un espace France Services d’une antenne de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) et de la chambre des métiers et de l’artisanat (CMA). Dans le cadre de la démarche consistant à « aller vers » l’usager, l’État a déployé 143 bus France Services qui vont à la rencontre de ceux de nos concitoyens qui sont les plus isolés. Certains le font de manière « foraine » en se rendant dans des villages les jours de marché.

Sur les quelque 2 800 sites en activité, environ 1 300 sont implantés dans des zones « France ruralités revitalisation » (FRR) ([41]), ce qui témoigne de l’attention portée par le Gouvernement aux territoires ruraux les plus vulnérables. Prenons l’exemple de la Creuse, deuxième département le moins peuplé de France où les trois quarts des habitants vivent dans des communes de moins de 500 habitants : on y recense aujourd’hui 22 espaces France Services et un bus itinérant sillonne régulièrement les communes les plus éloignées.

Revenons sur les résultats globaux obtenus par le dispositif, qui sont impressionnants : depuis 2020, les espaces France Services ont effectué 31 millions d’actes et, aujourd’hui, un million d’actes sont effectués tous les mois. Quatre demandes sur cinq sont résolues dès la première visite et le réseau affiche un taux de satisfaction des usagers de 96 %. Je ne connais pas de service, même dans le secteur privé, qui soit en mesure de parvenir à un tel niveau de satisfaction !

En dépit des contraintes pesant sur les finances publiques, l’État poursuivra le développement du programme France Services. À titre personnel, j’ai la conviction que la ville elle-même ne peut vivre sans une ruralité forte et vivante. Ce sont les territoires ruraux qui permettent aux citadins d’accéder à de l’eau potable, à une alimentation suffisante et à des énergies renouvelables. Au cours de mon déplacement dans la Nièvre tout à l’heure, j’évoquerai l’importance qui s’attache au soutien de l’activité économique en milieu rural. La place de l’industrie dans les territoires ruraux est loin d’être négligeable, puisqu’elle représente 30 % de l’activité industrielle nationale.

Pour que la ruralité soit attractive, il faut qu’elle puisse offrir à tous une même qualité de services qu’en ville. C’est la raison d’être du dispositif France Services, qui réalise en quelque sorte la « promesse française » annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale du 14 janvier dernier.

Le Gouvernement continuera d’accorder à ce programme toute l’attention qu’il mérite. Mes services se rapprocheront de l’ANCT, en charge de l’évaluation du dispositif, afin de s’assurer que les performances des espaces France Services soient maintenues à un niveau élevé indépendamment de la montée en puissance du réseau.

* * *

Le président Stéphane Delautrette. Je vous remercie, Madame la ministre, pour vos propos, en particulier ceux qui confirment l’engagement de l’État à soutenir un dispositif qui a commencé à faire ses preuves. Les deux délégations parlementaires aux collectivités territoriales et à la décentralisation participent à ce travail d’évaluation et de mise en valeur du programme auquel vous venez de faire allusion. Désormais, il importe de « franchir un nouveau cap » en apportant à nos concitoyens un accompagnement plus proactif dans leurs relations avec les services publics. En ce sens, j’ai été personnellement sensible aux alertes exprimées par les opérateurs concernant la capacité du réseau à se développer dans de bonnes conditions et, dès lors, à disposer des ressources humaines adéquates.

Au titre, précisément, de cette démarche d’évaluation, je vous propose maintenant d’entendre M. Daniel Agacinski, délégué général à la médiation auprès de la Défenseure des droits.

La défense des droits des usagers des services publics fait partie des missions assignées à la Défenseure des droits. Dans son rapport d’activité 2021, publié en 2022, celle-ci tire un bilan « contrasté » des espaces France Services, estimant que, si ces structures répondent aux besoins d’une population fragilisée par la numérisation massive des démarches administratives et par la fermeture de nombreux guichets publics, elles se résument parfois à un simple service d’accompagnement sans pouvoir se substituer pleinement aux opérateurs eux‑mêmes. Du point de vue de l’usager, les espaces France Services peuvent-ils apporter un service de qualité aux populations soufrant le plus d’illectronisme et, si oui, à quelles conditions ?

M. Daniel Agacinski, délégué général à la médiation auprès de la défenseure des droits

Comme vous l’avez souligné, M. le président, la défense des droits et libertés dans le cadre des relations avec les services publics fait partie des missions assignées au Défenseur des droits ([42]). Il s’agit même, d’un point de vue quantitatif, de la mission la plus importante ([43]).

Le dispositif France Services n’est pas tout à fait étranger à notre institution dans la mesure où il découle des travaux du précédent Défenseur des droits, M. Jacques Toubon. Dans un rapport de 2019 consacré à la dématérialisation des services publics, celui-ci préconisait l’instauration d’un « service public de proximité » réunissant un représentant de chaque organisme social, des impôts, de Pôle emploi, un travailleur social ainsi qu’un médiateur numérique pour « réaliser un accompagnement généraliste et de qualité de la population, en particulier la plus fragile » ([44]).

Lorsque la Cour des comptes a réalisé l’évaluation du programme France Services évoquée tout à l’heure, il a été décidé de constituer un « comité d’accompagnement », auquel j’ai personnellement participé. Néanmoins, à la différence des juridictions financières, les services de la Défenseure des droits ne sont pas en mesure d’effectuer une évaluation globale du dispositif dans la mesure où ils ne sont saisis qu’au moment d’une réclamation, c’est-à-dire lorsque quelque chose ne se passe pas bien. En définitive, nous sommes plus un « sismographe » qu’un « baromètre ».

Pour autant, nos travaux peuvent ponctuellement porter sur certains des aspects de la qualité du service public et, ainsi, aborder de manière indirecte la question des espaces France Services. Dans une étude publiée en 2023 sur l’accueil téléphonique de quatre services publics, à savoir les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), les CAF, Pôle emploi et les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), nous avons constaté qu’il y avait encore des progrès à faire dans ce domaine et que, malheureusement, le canal téléphonique ne pouvait pas encore constituer une alternative au numérique : 40 % des appels passés n’ont pas abouti sur l’ensemble des quatre plateformes testées et la durée moyenne d’attente pour obtenir un interlocuteur était supérieure à 9 minutes ([45]).

En outre, je voudrais rappeler que, bien que la Défenseure des droits ne soit pas un « opérateur » du programme France Services, elle n’en demeure pas moins un acteur périphérique. Sur les quelque 620 délégués bénévoles qui sont déployés sur le territoire national, environ 140 sont installés au sein d’un espace France Services comme, par exemple, à Saint-Yrieix-la-Perche en Haute-Vienne, à Saint-Genix-les‑Villages en Savoie et même sur la pirogue de l’Est Guyanais évoquée tout à l’heure.

Si, d’un point de vue général, nous nous félicitons de l’existence de ce dispositif, celui-ci appelle toutefois quelques réserves de principe de notre part.

Tout d’abord, il convient de rappeler que le réseau, tel qu’il a été mis en place, diffère légèrement de celui préconisé par le Défenseur des droits en 2019. Alors que celui-ci recommandait la présence d’agents issus des opérateurs euxmêmes, les espaces France Services ne comportent que des « délégués » disposant des mêmes interfaces que les usagers et dénués de la « profondeur de champ » qui doit parfois marquer la relation de service public. Dans son rapport précité ([46]), la formation inter-juridictions de la Cour des comptes regrette que les opérateurs ne proposent une permanence hebdomadaire que dans 5 % des structures. Nous partageons ce constat et appelons au renforcement de la présence physique des opérateurs.

Par ailleurs, compte tenu du niveau mesuré de l’engagement financier de l’État, le déploiement du dispositif revient à faire porter sur les collectivités territoriales, qui tiennent les deux tiers des structures, une charge significative liée à des activités relevant de services publics nationaux. L’hétérogénéité du déploiement du réseau France Services est également un des « talons d’Achille » du dispositif. À la différence des territoires ruraux, relativement bien dotés, les zones urbaines, et notamment les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), comportent un nombre limité d’espaces d’accueil, qui affichent parfois d’importants niveaux de saturation.

Enfin, la « fluidité » des relations entre les espaces d’accueil et les opérateurs partenaires est loin d’être homogène d’un point à l’autre du territoire national, alors même qu’il s’agit d’une condition essentielle du succès du programme.

Pour autant, ces quelques critiques ne peuvent faire oublier le rôle joué par le dispositif France Services dans l’apaisement des relations entre les services publics et leurs usagers.

Quand on regarde plus précisément les réclamations portées devant la Défenseure des droits en 2023, on constate que l’essentiel de la hausse (+12 % par rapport à 2022) porte sur la délivrance ou le renouvellement des titres de séjour ainsi que sur les aides à la rénovation énergétique (Ma Prime Rénov’), c’est-à‑dire sur des politiques publiques non couvertes, à l’époque, par un espace France Services ([47]). Il pourrait donc être opportun de faire de ces espaces d’accueil de véritables « maisons des démarches de service public » où tout usager, qu’il soit rural ou urbain, Français ou étranger, pourra bénéficier d’un accompagnement de premier niveau répondant à ses besoins.

Pour résumer, nous appelons :

– l’État à limiter, autant que possible, le reste à charge pesant sur les collectivités afin de réduire les inégalités territoriales ;

– les opérateurs à assurer aux usagers une continuité dans la prise en charge de leurs demandes par une coopération plus fluide entre les agents d’accueil (« front office ») et les services spécialisés (« back-office »).

D’un point de vue plus général, la Défenseure des droits alerte sur le risque que font peser sur la qualité de la relation de service public la coupure entre, d’une part, des opérateurs qui seraient devenus des « services algorithmiques » et, d’autre part, des espaces d’accueil France Services susceptibles d’être considérés, à plus ou moins long terme, comme de la simple « sous-traitance ».

* * *

Le président Stéphane Delautrette. Je vous remercie, M. Agacinski, pour cet éclairage un peu différent de ce que l’on entend traditionnellement sur le programme France Services. Nous allons maintenant ouvrir maintenant un temps d’échanges avec les représentants d’associations d’élus locaux en commençant par Mme Catherine Lhéritier, maire de Valloire‑sur‑Cisse (41), qui représente l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité (AMF).

INTERVENTIONS DES ÉLUS LOCAUX

Mme Catherine Lhéritier, maire de Valloire-sur-Cisse. Je voudrai rappeler le contexte dans lequel se conduit notre réflexion commune. Nous constatons un regain d’attractivité de la ruralité avec l’arrivée d’une population urbaine, ce qui implique pour les collectivités d’être en capacité de répondre aux besoins exprimés par ces nouveaux habitants. Cela a été dit : la ruralité englobe le tiers de la population sur 80 % du territoire.

Je n’insisterai pas sur l’intérêt de la démarche France Services, qui a été démontré par l’ensemble des intervenants, ni sur certaines imperfections qui ont été relevées. La pérennité de ce dispositif repose sur trois piliers : le financement, l’implication des acteurs et la structuration du réseau.

S’agissant du financement, le reste à charge pour les collectivités est loin d’être négligeable. Le renfort en moyens humains apparaît nécessaire là où la sollicitation est forte. Les dispositifs itinérants représentent également un coût pour la commune d’accueil. Aussi, l’enveloppe élargie qui a été annoncée par la ministre est-elle bienvenue. Cette extension est essentielle pour la poursuite de ce service aux populations.

Les espaces France Services ne doivent pas accompagner la disparition des services dans les territoires ruraux, mais au contraire, œuvrer à leur préservation et à leur renforcement au bénéfice des populations. Dans ma communauté de communes du Perche, par exemple, les habitants sollicitent les espaces France Services pour être accompagnés dans la constitution de leurs dossiers d’assurance retraite. L’implication des acteurs, notamment des partenaires nationaux, est ainsi primordiale.

Concernant la structuration du réseau, il me paraît utile de renforcer la coordination avec d’autres acteurs au-delà des partenaires nationaux, afin de compléter l’offre de services. À Veuzain-sur-Loire, commune nouvelle de mon département de Loir-et-Cher, l’espace France Services accueille l’ensemble des services sociaux départementaux, au plus près des usagers. Par ailleurs, nous n’avons pas encore parlé des mairies, mais il faut rappeler que ce sont les premiers lieux où se rendent les habitants. Il pourrait être pertinent de renforcer la complémentarité et la cohérence entre les espaces France Services et les mairies, peut-être sous la forme de conventionnements, pour les communes qui le souhaitent. La convention pourrait prévoir le partage d’informations, de sorte que les mairies puissent prendre en charge les habitants pour un premier accueil, permettant ainsi, d’une part, de réduire le risque de congestion que connaissent certains espaces France Services, d’autre part, de permettre aux communes de trouver leur place dans ce réseau. Nous recommandons également de consolider le fonctionnement en réseau des espaces France Services. L’AMF est prête à travailler dans cette perspective avec l’ANCT. Cette structuration du réseau pourrait être facilitée par la mutualisation et la mise en commun de moyens – les secrétaires généraux de mairie pourraient, par exemple, être impliqués dans ce réseau dès lorsqu’ils ont accès à l’information – et par la montée en compétences des agents du réseau.

M. Michel Fournier, maire des Voivres et président de l’AMRF. Je suis souscrit pleinement aux propos de Mme Lhéritier : la commune est « la porte d’entrée » qui permet à nos concitoyens d’accéder aux services de proximité. Il y a encore du chemin à parcourir pour que la mairie, en milieu rural, puisse être le premier interlocuteur pour orienter vers les espaces France Services.

J’en viens maintenant à quelques constats et quelques interrogations.

En premier lieu, et parce que l’exclusion numérique existe encore, il ne peut y avoir de service sans conseiller numérique. J’ignore si leur financement sera maintenu. Il y avait eu des engagements sous les précédents gouvernements.

S’agissant des territoires « France ruralités Revitalisation » (FRR), je m’interroge sur le maintien de la bonification qui existait en 2024 dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) ([48]).

Mon troisième point concerne l’engagement des départements. Le conseil départemental des Vosges a annoncé qu’il ne soutiendrait plus la démarche France Services, ce qui paraît d’autant plus surprenant que les départements ont un rôle social et que l’objectif de France Services est avant tout social. Je vois quotidiennement les conseillères de l’espace France Services qui partage le même bâtiment que celui de ma communauté de communes : elles jouent également le rôle d’assistantes sociales. L’humain est très important. Il faut le conforter en valorisant les postes de conseiller France Services. Leur qualification est aujourd’hui remarquable.

Enfin, les partenaires de France Services doivent réussir à désigner des interlocuteurs bien identifiés. Parfois, en effet, l’usager ne parvient pas à entrer en contact avec un interlocuteur qualifié. Il faut que la présence d’un tel interlocuteur figure dans le cahier des charges signé avec le partenaire.

Pour conclure, je tiens à souligner l’urgence de professionnaliser les intervenants, mais aussi – et j’en appelle à l’attention des députés – de faire évoluer le statut de l’élu local, car les deux vont de pair.

Le président Stéphane Delautrette. Je vous remercie, Monsieur le président. La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a présenté hier un rapport sur le statut de l’élu local et je rencontrerai cet après-midi M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, pour partager avec lui les conclusions de ce rapport et l’inviter à porter rapidement ce sujet à l’ordre du jour de notre assemblée

M. Laurent Trogrlic, président de la communauté de communes du Bassin de Pompey. Intercommunalités de France aborde la question des services aux populations selon la logique des bassins de vie, c’est-à-dire des « territoires vécus ». Les intercommunalités ont la capacité de pouvoir fédérer les administrations locales. C’est le cas, par exemple, dans ma communauté de communes, où nous avons mis en place des permanences dans plusieurs lieux du territoire pour apporter de la présence là où il y avait un besoin de proximité.

Pour cela, il est nécessaire d’avoir suffisamment d’agents formés. L’attractivité de ces postes est un enjeu important. La constitution d’un réseau sur lequel ils puissent s’appuyer l’est tout autant. Les conseillers numériques sont des acteurs essentiels au sein de ce dispositif. Comme cela a été évoqué, la recherche de partenariats complémentaires est pertinente pour compléter l’offre de services.

Il nous faut également anticiper l’arrivée de l’intelligence artificielle. Elle pourrait nous permettre d’affiner le portage, la gestion et la mise en réseau des services de proximité. Intercommunalités de France souhaite s’impliquer dans cette démarche.

INTERVENTIONS DES REPRÉSENTANTS DES AUTRES OPÉRATEURS FRANCE SERVICES

M. Stanislas Bourron, directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). France Services est portée depuis sa création par l’ANCT. C’est un beau projet qui donne de bons résultats mais qui, comme tout projet, mérite d’être amélioré. L’enjeu principal est la qualité de service.

La question de la surfréquentation commence à se poser. C’est, en un sens, une « bonne nouvelle » car elle témoigne du succès de France Services, mais elle amène à réfléchir aux conditions d’un maillage qui, aujourd’hui, est très satisfaisant en terme de couverture – 99 % de la population habite à moins de vingt minutes d’un espace France Services – mais pourrait être mieux adapté aux zones fortement urbanisées et notamment, aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), dans lesquelles se trouvent 500 espaces France Services. En milieu rural, certains espaces connaissent également une très forte fréquentation. La problématique de la surfréquentation figure ainsi sur notre feuille de route pour 2025.

La qualité de service – et cela a été souligné par la Cour des comptes – repose aussi sur la formation des agents qui sont, pour leur grande majorité, des agents des collectivités mais aussi des agents des partenaires, comme La Poste. Il faut souligner que 80 % d’entre eux ont un statut stable, ce qui n’était pas le cas au moment de la création de France Services. Cela permet d’inscrire dans la durée l’accueil du public.

S’agissant de la bonification évoquée par le président Michel Fournier, le montant de 45 000 euros de participation de l’État rappelée par Madame la ministre, ainsi que la bonification pour les communes zonées en FRR, ont été maintenus dans la loi de finances pour 2025 par un amendement du Sénat.

Concernant l’usage de l’intelligence artificielle, France Services a lancé, depuis un an, une expérimentation en déployant un outil dénommé « Albert » qui assiste les conseillers dans la résolution de questions complexes auxquelles ils peuvent être confrontés. Nous envisagerons, dans les semaines à venir, la possibilité d’étendre son utilisation dans d’autres espaces France Services.

Enfin, je voudrais souligner que le nombre partenaires augmente régulièrement ; depuis le 1er janvier 2025, un douzième opérateur a rejoint la démarche France Services : il s’agit de l’URSSAF. En rejoignant « l’équipe » des partenaires, l’URSSAF pourra répondre aux attentes des usagers, en particulier des autoentrepreneurs, mais aussi des particuliers employeurs, souvent plus nombreux parmi les personnes plus âgées, qui peuvent rencontrer des difficultés pour bien comprendre les dispositifs tels que le chèque emploi service universel (CESU).

Le bouquet de services s’étoffe, ce qui met à l’épreuve notre capacité à gérer les flux et à accompagner la montée en compétences des équipes. Pour autant, France Services continue de se déployer, tant en matière d’offre de services que d’implantation territoriale, avec les financements appropriés.

Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). Je souhaite partager avec vous deux idées.

La première est que chaque service public a ses propres modes d’action que nos échanges ne mettent pas suffisamment en relief. Certains s’inscrivent dans une logique de récurrence – c’est le cas, par exemple, de la CAF qui verse des allocations chaque mois, de façon régulière – d’autres, comme celui que nous animons à l’ANAH, avec France Rénov’, relèvent davantage de l’exception, l’usager n’y ayant recours, en principe, qu’une ou deux fois. C’est le cas de la rénovation du logement. La demande de l’usager à l’égard de ces deux types de service public n’est pas la même.

Je voudrai ensuite revenir sur le partenariat, évoqué par M. Agacinski, entre l’ANAH et l’ANCT au titre des espaces France Services. Nous constatons une diminution du nombre de recours relatifs aux aides versées par notre agence, ainsi qu’une plus grande fluidité des échanges entre les espaces France Services et les espaces-conseils France Rénov’, en particulier dans les territoires ruraux. Ces partenariats locaux restent encore modestes en nombre mais ils montent en puissance, ce qui est positif pour la prise en compte en milieu rural des enjeux des transitions démographique et écologique.

Le président Stéphane Delautrette. Pour prolonger et illustrer votre propos, j’ai participé à la création, en Haute-Vienne, du premier espace France Services à l’échelle intercommunale, et nous avons une permanence France Rénov’ qui fonctionne très bien. Je vous remercie car il était important de rappeler les particularités de l’accompagnement par France Rénov’.

M. Julien Ripert, directeur de la relation client et du marketing à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Les espaces France Services et les caisses primaires d’assurance-maladie (CPAM) ont noué des partenariats étroits pour faciliter l’accueil des usagers. France Services est un programme jeune qui n’est pas encore dans sa phase de maturité mais qui propose d’ores et déjà une offre importante avec douze opérateurs. Avant d’envisager son extension, elle doit être davantage harmonisée sur le territoire.

M. Pierre Bosche, président de la Confédération des commerçants de France. La confédération représente 23 fédérations de commerçants indépendants et environ 700 000 commerces, dont beaucoup sont implantés en ruralité.

L’un des succès de France Services est d’avoir fait « tombé les barrières » entre administrations. Le développement de ces centres d’accueil pourrait passer par leur ouverture à des commerçants qui seraient prêts à s’engager dans cette démarche et pour lesquels il s’agirait d’un complément d’activité. N’est-il pas maintenant opportun de faire « tomber les barrières » entre administrations et commerces ?

Le président Stéphane Delautrette. Vos propos, Monsieur le président, pourraient faire la transition avec la table ronde suivante, et nous reviendrons vers vous le moment venu afin d’approfondir les conditions propices à l’installation des artisans dans les territoires et à la consolidation de leur modèle économique.

M. Stéphane Antigny, directeur délégué aux opérations à la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA). La MSA est le guichet unique de la sécurité sociale du monde agricole. Le code rural nous confie un rôle d’accompagnement des agriculteurs et des acteurs des territoires ruraux. Aussi sommes-nous attachés à la proximité, en particulier avec les publics en ruralité les plus fragiles

Je tiens à témoigner de notre satisfaction à l’égard des espaces France Services qui constituent une réponse essentielle aux besoins des territoires ruraux. Le cahier des charges est exigeant et cela est gage de la qualité des services offerts. La MSA s’est engagée dès le début en qualité de partenaire, engagé dans 84 espaces France Services et animateur dans onze départements. Notre objectif est d’assurer une complémentarité entre les espaces France Services où nous sommes présents et nos propres accueils, notamment pour les demandes de niveau 2, c’est‑à‑dire celles où nous avons besoin d’accéder au dossier de l’usager.

En tant que porteur et animateur, nous sommes prêts à nous engager sur des expérimentations si cela est utile. À cet égard, Stanislas Bourron citait tout à l’heure l’expérimentation par l’ANCT de l’usage de l’intelligence artificielle.

Je conclurai en soulignant combien les espaces France Services sont des points d’appui en milieu rural, dans les bourgs et les petites communes, notamment pour l’animation territoriale et les actions d’accompagnement.

* * *

Le président Stéphane Delautrette. Nous reconnaissons unanimement le rôle essentiel de la démarche France Services dans les territoires ruraux ainsi que les progrès réalisés depuis la mise en place des MSAP. Les cahiers des charges ont été affinés et le nombre de partenaires a considérablement augmenté. Des propositions ont été formulées ce matin qui contribueront à pérenniser le dispositif et à le faire évoluer. Ces propositions pourraient tout à fait faire l’objet d’expérimentations afin de les évaluer, en prenant en compte les contraintes de ressources humaines et financières, à l’aune de l’objectif qui est de permettre à tous, partout sur le territoire national, d’accéder aux services essentiels. Je remercie chacune et chacun pour vos précieuses contributions. Les délégations aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale et du Sénat continueront à travailler sur ce sujet pour porter auprès du Gouvernement, comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, des recommandations concrètes d’amélioration.

 


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TABLE RONDE N° 2 : Quelles perspectives pour les politiques publiques de soutien au commerce de proximité et à l’artisanat en milieu rural ?

Le président Stéphane Delautrette. Je vous propose d’ouvrir la seconde table ronde des Rencontres, consacrée aux services essentiels marchands dans nos communes rurales. À cette occasion, j’accueille très chaleureusement Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises (PME) et de l’économie sociale et solidaire, à qui je donne la parole.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire

Je commencerai par remercier la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, à laquelle j’ai appartenu, pour l’organisation de ce moment d’échange. J’ai pu mesurer l’intérêt des travaux conduits par cette délégation, récemment créée, qui ont souvent permis d’éclairer le Parlement.

Vous avez parlé des services publics essentiels, des services de proximité. Le commerce et l’artisanat sont également des services essentiels de proximité en milieu rural, et les commerçants et artisans participent à la vitalité de ces territoires en participant à leur animation. Ces chefs d’entreprise peuvent être des travailleurs indépendants, mais beaucoup créent des emplois salariés. À cet égard, je veux souligner l’impact très fort de l’économie sociale et solidaire sur nos territoires. En installant leur activité en milieu rural, ils participent également à la préservation et à la rénovation du patrimoine bâti. Enfin, ils sont vecteurs de lien social dans ces petites communes qu’ils contribuent à animer.

La transmission et la reprise de leur activité représentent des défis croissants auxquels sont confrontés les commerçants et les artisans, dont un grand nombre arrivera à l’âge de la retraite dans la décennie à venir. Cette problématique figure sur ma feuille de route.

Je veux rappeler quelques chiffres. Aujourd’hui, 62 % des communes ne disposent d’aucun commerce alors que cette proportion n’était que de 25 % en 1980. Les habitants et les élus concernés sont préoccupés par la dévitalisation et la perte d’attractivité de leur commune. Le plus souvent, la perte des commerces entraîne la perte de population.

Ma volonté est de soutenir les commerçants et les artisans, en menant avec les maires, les élus locaux et les parlementaires une politique de « recommercialisation » et de « réartisanalisation » du territoire, à l’instar de la politique de réindustrialisation que nous avons initiée.

Concrètement, cela consiste à intensifier les dispositifs nationaux qui ont été mis en place récemment, tel que le fonds de soutien au commerce rural ([49]) qui a connu, depuis 2023, un véritable succès avec plus de 500 commerces multi-services sédentaires ou itinérants financés en zones rurales, pour mille dossiers déposés. Ce dispositif, qui a fait ses preuves, a été reconduit avec un financement inscrit en loi de finances pour 2025.

Il nous faut également agir sur la vacance des commerces. La présence de locaux vides dans une commune impacte négativement l’attractivité des commerces environnants. Le traitement de ces vacances est bien pris en compte dans les bourgs de centralité qui ont mis en place des « managers de commerce » ([50]), mais cela est moins le cas en zone rurale.

Le commerce itinérant doit faire l’objet d’une attention particulière. Il y a aujourd’hui 140 000 commerçants non sédentaires qui portent un modèle économique adapté à certains territoires. En effet, tous les types de commerces ne sont pas viables dans les très petites communes. En revanche, le commerce itinérant peut être une réponse pertinente, avec des commerçants qui viennent à des horaires et des jours précis chaque semaine, s’associent parfois à d’autres commerçants afin de former un « petit marché » qui répond bien aux attentes des habitants, et privilégient les circuits courts et les produits locaux. Tout ceci constitue une démarche vertueuse.

Enfin, je souhaite finaliser un plan d’action autour du programme « Petites villes de demain », car je considère qu’il faut s’appuyer prioritairement sur les dispositifs qui existent. J’aurai bientôt l’occasion d’annoncer de nouveaux partenariats dans le cadre de ce programme. Nous travaillons aussi sur les enjeux liés aux commerces de la restauration et aux métiers de bouche, et là encore, j’annoncerai prochainement de nouvelles mesures.

Pour terminer, il nous faut également mieux mobiliser les fonds européens au profit des territoires ruraux, car le taux de non-recours à ces fonds n’est pas satisfaisant.

Pour faire face à ces défis, établir une dynamique forte entre les élus locaux, d’une part, les soutiens nationaux et européens, d’autre part, et, lorsqu’elles sont présentes localement, les associations de commerçants et d’artisans, est nécessaire.

Plus généralement, et au-delà du commerce et de l’artisanat, l’État doit œuvrer pour simplifier la vie économique, en particulier réduire les tâches administratives redondantes. Nos marges de progrès dans ce domaine sont considérables. Je conduis actuellement des travaux en ce sens à partir du plan d’action qui a été présenté par le Gouvernement précédent au printemps dernier. L’Assemblée nationale examinera bientôt le projet de loi de simplification de la vie économique ([51]) qui a déjà été débattu au Sénat au printemps 2024. Il prévoit des mesures destinées aux commerçants, visant à leur faciliter le quotidien et à renforcer leur trésorerie. Par exemple, en matière de baux commerciaux, les loyers pourront être payés mensuellement et non plus trimestriellement ; les autorisations d’exploitation commerciale seront assouplies.

Ce texte porte également des dispositions sur les débits de boissons, lesquels proposent souvent à la vente des offres connexes tels que des produits d’épicerie. Rappelons que le nombre de débits de boissons a été divisé par six depuis 1960. Aujourd’hui, on constate qu’il existe une demande dans les communes qui n’en ont plus. Des mesures dérogatoires ont été mises en place en 2019, pour une période de trois ans, pour autoriser l’installation de débits de boissons de licence IV dans les communes de moins de 3 500 habitants ([52]). Le projet de loi reconduit ces mesures qui ont pris fin en 2022. Par ailleurs, Guillaume Kasbarian, qui s’était beaucoup impliqué lorsqu’il était ministre sur le sujet de la simplification, a déposé le 4 février une proposition de loi qui vise à simplifier l’installation de débits de boissons dans les petites communes rurales ([53]).

Je terminerai en évoquant l’intelligence artificielle et la transition écologique. Nos commerçants et nos artisans doivent se saisir de ce sujet dont chacun a pu prendre la mesure de l’impact qu’il aura sur la vie économique. Il sera essentiel de les accompagner dans l’appropriation de cet outil afin d’en tirer pleinement profit pour le développement de leurs activités. L’intelligence artificielle pourrait leur permettre de se recentrer sur leur cœur de métier et de gagner du temps. Il est important de prendre ce virage numérique. La direction générale des entreprises (DGE) soutient cette démarche à travers l’initiative « France Num » ([54]), destinée à accompagner la transformation numérique des TPE et PME. Je réunirai prochainement le Conseil national du commerce (CNC), instance créée en avril 2023, pour qu’il se saisisse de ce sujet et fasse des propositions en direction des commerçants et artisans en zone rurale pour faire de l’intelligence artificielle un levier de croissance.

L’adaptation aux nouvelles normes de décarbonation constitue un défi pour le commerce et l’artisanat. Je solliciterai également les propositions du CNC sur ce sujet.

En matière de commerce et d’artisanat, nous avons des savoir-faire et des excellences qu’il nous faut perpétuer. Aussi, je veux ici insister non seulement sur la création d’entreprises de commerce ou d’artisanat mais aussi sur leur transmission et leur reprise. Vous pouvez compter sur mon engagement mais – je le répète – nous ne réussirons qu’en travaillant ensemble.

* * *

Le président Stéphane Delautrette. Je vous remercie, Madame la ministre, pour l’exposition détaillée de votre feuille de route et la formulation de nombreuses pistes. Vous avez évoqué l’intelligence artificielle. Il est tout à fait pertinent de souligner que les acteurs doivent s’engager activement dans son appropriation et bénéficier d’un accompagnement adapté à cet effet. Vous avez également évoqué le changement climatique. Les services de proximité contribuent, d’une certaine façon, à la décarbonation de l’économie, en réduisant la nécessité des déplacements. Rapprocher les services et les citoyens dans les territoires constitue déjà une façon constructive d’aborder la question de la transition écologique. Vous avez rappelé les programmes nationaux sur lesquels vous ferez des propositions d’évolution. Pour l’heure, et afin de poser le débat, je vous propose d’interroger ces programmes tels qu’ils sont actuellement, et pour cela, je donne la parole à M. Stanislas Bourron, directeur général de l’ANCT.

M. Stanislas Bourron, directeur général de l’agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

Le développement du commerce et de l’artisanat s’inscrit dans la problématique plus large de l’accès aux services. Les chiffres qui ont été donnés par Madame la ministre sont éloquents et traduisent le ressenti et la désespérance des personnes qui ne disposent plus d’un accès aux services de proximité. Depuis plusieurs années, des orientations fortes ont été prises en faveur de la ruralité qui intègrent pleinement la dimension du commerce. Cette dynamique s’est amorcée avec l’Agenda rural, puis s’est renforcée en 2023 avec le plan France Ruralités, qui a permis le déploiement de nouveaux outils. Je concentrerai mon propos sur les grands axes d’actions engagés depuis plusieurs années ainsi que sur les initiatives mises en œuvre depuis 2024 dans le cadre de France Ruralités.

« Petites Villes de demain » (PVD) est un programme porté par l’ANCT depuis 2020, qui œuvre sur les centralités petites et moyennes, situées très majoritairement en zone rurale au sens de la classification de l’INSEE. Elles ont ce rôle important de maintenir un réseau de services – dont ceux offerts dans les espaces France Services – pour les communes plus petites qui les entourent. Notre réflexion a porté dès 2020 sur le commerce.

Aussi disposons-nous d’ores et déjà d’un bilan. 13 % des actions du programme portent sur la redynamisation du commerce. Cela peut sembler peu en apparence mais cette part est substantielle en réalité. Les projets sont concrets : création et aménagement de locaux, lutte contre la vacance commerciale pour éviter les phénomènes de « volets fermés » et de rues désertées, création d’enseignes, de vitrines et de chartes publicitaires.

Nous avons également mis en place le dispositif « manager de commerce » – rappelé par Madame la ministre – qui a été initié dans le cadre du Plan de relance et constitue un outil innovant. 280 postes ont été créés à ce titre pour le programme PVD (soit un quart du nombre total de postes de « managers de commerce »). Les communes concernées ont fait part de leur satisfaction à l’égard de cette démarche et la moitié d’entre elles ont souhaité la poursuivre. Elles y ont vu l’opportunité de bénéficier d’une interface au quotidien avec les commerçants.

Nous mettons également en œuvre, dans le cadre de PVD, des restructurations commerciales pour lesquelles nous bénéficions de l’historique de l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) ([55]), opérateur qui était spécialisé dans la restructuration des commerces dans les QPV. Nous avons redéployé ce savoir-faire vers d’autres territoires avec les programmes « Action Cœur de Ville » et « Petites villes de demain », ce qui a permis d’accompagner des restructurations en finançant les déficits d’opération. À titre d’exemple, il peut s’agir de l’aménagement d’une petite galerie commerçante, d’un ensemble de petits commerces vacants inadaptés aux normes ou de la création d’un accès entre un commerce en rez-de-chaussée et l’accès aux étages supérieurs. Dans le cadre du fonds de restructuration des locaux d’activité ([56]), nous avons ainsi accompagné 95 projets structurants dans des communes rurales pour plus de 13 millions d’euros de subventions. Les crédits du fonds ont été reconduits ce qui nous permettra de poursuivre ces financements cette année.

Rappelons que « Petites Villes de demain » s’appuie sur les opérations de revitalisation de territoire (ORT) ([57]) qui conduisent à réaliser une planification du commerce mais aussi du logement. Si l’on veut reconquérir les centres-bourgs et les centres-villes pour leur redonner vie avec les services publics et les commerces, il faut éviter le risque d’un éparpillement de l’activité commerciale et artisanale. L’ORT est un outil de régulation à la main des élus locaux permettant de faciliter les implantations de commerces en centre-ville et de mieux contrôler celles en périphérie pour limiter l’étalement urbain et commercial.

À ce jour, 78 % des communes labellisées PVD ont signé une convention ORT. Ce conventionnement permet également la mise en place d’exonérations fiscales ([58]).

Avec le plan France Ruralités en 2023, nous avons franchi une nouvelle étape, issue d’un travail étroit avec les associations d’élus locaux et, plus particulièrement, avec l’AMRF, en créant un dispositif destiné aux communes de moins de 3 500 habitants, qui ne sont pas nécessairement des centralités mais qui rencontrent des difficultés à faire émerger leurs projets. Ainsi est né le dispositif « Villages d’avenir », programme d’ingénierie qui a concerné à ce jour 2 498 communes. Cet accompagnement a vocation à se poursuivre sur une durée de 12 à 18 mois mais peut être plus long si nécessaire. Environ 400 projets ont été achevés, ce qui va permettre de faire rentrer de nouvelles communes dans le dispositif, selon les disponibilités des chefs de projets. Dans « Villages d’avenir », la dimension commerce est également présente. Il s’agit le plus souvent du maintien des derniers commerces ou d’activités artisanales. Pour cela, nous réalisons les études nécessaires avec nos partenaires, la Banque des Territoires et les chambres consulaires, afin de consolider l’existant.

Enfin, créé en 2023, le fonds de soutien au commerce rural – Madame la ministre l’a évoqué – est un outil qui a un effet de levier considérable. L’ANCT en est le gestionnaire pour le compte du ministère en charge du commerce. Il a permis de soutenir 604 projets sur un total de 990 dossiers déposés, dans 455 communes. Cela signifie que 604 commerces ont pu être développés ou réinstallés dans des communes qui, en général, n’en avaient plus. Le développement de ces projets s’avère souvent complexe, nécessitant une conception rigoureuse et bien aboutie. Les associations d’élus nous alertent en nous disant : « ne soutenez-pas les canards boiteux ! ». Nous savons que ces projets nécessitent une réflexion préalable et un accompagnement. Ce fonds permet non seulement de financer les travaux – ce que l’État fait déjà avec la DETR par exemple – mais également d’assurer l’accompagnement des projets, en lien avec les chambres consulaires. À date, 14 millions d’euros sur les 16 millions d’euros du programme ont été engagés. Il nous reste donc encore des moyens et Madame la ministre nous a fait part de son souhait de poursuivre le programme. Nous constatons de belles dynamiques dans plusieurs départements avec pas moins d’une vingtaine de projets dans certains d’entre eux. Nous sommes pleinement mobilisés, avec les services départementaux de l’État et les collectivités concernées, pour faire aboutir ces projets.

Je terminerai en insistant sur l’importance de l’accompagnement pour la réussite des projets de transmission et de reprise de commerces. Les acteurs du monde économique sont des acteurs privilégiés mais l’on trouve également des acteurs du monde associatif qui ont leur place, en relais ou en proximité.

Je citerai, par exemple, les associations, parfois issues de l’économie sociale et solidaire, telles que « Bouge ton coq », « Bistrot de Pays », « Mon Ptit Camion » qui sont capables d’apporter un soutien à un porteur de projet dans le développement d’un commerce en milieu rural. Nous soutenons, au titre du ministère chargé de la ruralité, ces structures pour accompagner un certain nombre de projets dans le monde rural.

Tels sont, de manière synthétique, les leviers qui sont à notre disposition. Certes, ils ne règlent pas toutes les difficultés. Comme l’a souligné Madame la ministre, la transmission et la reprise des commerces sont des sujets majeurs. Néanmoins, l’action collective, portée par les différents programmes et fonds, démontre notre capacité à concrétiser des projets dans des délais relativement courts, ces dispositifs ayant, rappelons-le, moins de trois ans d’existence. Le retour sur investissement est donc relativement rapide et les montants mobilisés, sans être considérables, ont un effet de levier significatif.

* * *

Le président Stéphane Delautrette. Je vous remercie. Je vous propose de recueillir le témoignage de CCI France. Les chambres de commerce et d’industrie accompagnent au plus près les entreprises dans les territoires. Au regard de votre expertise, Monsieur le président, l’effort des pouvoirs publics en matière d’aides à l’installation de commerces de proximité en milieu rural vous paraît-il suffisant ? Serait-il opportun de réactiver des dispositifs de soutien financier plus direct tels que le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) ? Évoquer la nécessité de retisser le lien avec les territoires et d’adapter les dispositifs de redynamisation aux réalités locales pourrait constituer un fil conducteur pertinent pour nos échanges.

M. Alain Di Crescenzo, président de CCI France

Je vais, bien sûr, témoigner au nom de CCI France mais ce témoignage sera aussi le mien, car je suis petit-fils de commerçant, en ruralité, dans les Pyrénées.

Il me semble que le poids économique du commerce n’a pas été suffisamment mis en lumière. Le commerce est une grande force économique et sociale, et une grande force d’attractivité et de lien social. Notez que le chiffre d’affaires du commerce en France est supérieur à celui de l’industrie : environ 2 000 milliards d’euros. Le commerce représente 3,4 millions d’emplois. S’agissant de l’attractivité, ce sont 300 000 points de vente qui font le lien social et la proximité. Pour résumer en une phrase, « le commerce, c’est la vie. » C’est la vie de notre économie, c’est la vie de notre pays.

Une fois posée la volumétrie, il me revient d’analyser la réalité que traverse le commerce. Je ne sais pas si cela a été suffisamment dit, mais en 2024, 75 % des commerçants nous ont signalé une stabilité ou une baisse de leur activité par rapport à 2023. S’agissant des prévisions pour 2025, un tiers de nos commerçants estiment que cette année sera moins bonne que 2024 et seulement 13 % envisagent une amélioration par rapport à 2024.

Le commerce est aujourd’hui en difficulté. Les raisons en sont multiples. Certaines sont communes à l’ensemble des TPE et PME de notre pays. Tout d’abord, la France est le pays où les entreprises sont les plus endettées d’Europe. Deuxième point : les marges ne cessent de diminuer. La forte inflation n’a pas permis de les remonter car l’augmentation des coûts a été supérieure à celle des prix de vente. En outre, la croissance faible ne favorise pas l’activité. En plus de tout cela, le commerce a subi depuis 2018 les crises économiques et sociales : la crise des « gilets jaune », celle la Covid-19, les grèves, l’inflation et la baisse du pouvoir d’achat. En outre, le commerce vit une disruption totale avec le développement du commerce électronique et les changements d’habitudes qu’il induit chez les clients. Aujourd’hui, les plus gros clients de La Poste pour les colis sont les sociétés Shein et Temu. Il y a vingt ans, ces sociétés de vente en ligne n’existaient pas. Il en résulte des difficultés accrues pour le commerce qui freinent les embauches et les investissements. 45 % de nos adhérents commerçants nous ont déclaré devoir réduire leur rémunération pour permettre à leur commerce de survivre.

Une fois dit cela, je veux que vous reteniez un mot : « Urgence ». Tous les dispositifs existants sont très bien, mais ils ne sont pas à la maille de l’urgence et sont insuffisamment focalisés sur le commerce. Ces dispositifs sont partout, mais je souhaiterais que l’on reconverge sur les besoins du commerce et de l’artisanat.

Nos commerçants nous disent : « Nous avons trois besoins. Le premier est d’être en capacité de développer notre chiffre d’affaires et d’améliorer notre rentabilité. Le deuxième est de pouvoir préparer la transmission de notre commerce et de pouvoir recruter. » Il y a la problématique du pouvoir d’achat mais cela ne relève pas d’eux. Enfin, ils demandent à être aidés dans leur lutte contre la vacance commerciale et dans l’animation des territoires. S’agissant de la lutte contre la vacance commerciale, nous leur disons de renforcer le dialogue avec les élus locaux qui sont les premiers contacts des commerçants. Il est essentiel de dynamiser davantage les centres-villes, d'améliorer l'aménagement des espaces commerciaux et de garantir des loyers abordables.

Le plan d’action de CCI France pour le commerce porte sur les foncières de commerce, en lien avec la Banque des Territoires. Nous investissons dans les foncières de commerce. Pour lutter efficacement contre la vacance commerciale, il est essentiel de proposer des loyers raisonnables et adaptés aux commerçants, tout en les soutenant. À cet égard, les foncières de commerce constituent un levier particulièrement intéressant.

S’agissant de l’animation, nous avons lancé les « trophées du commerce » avec des prix qui seront remis en juin prochain et récompenseront 500 lauréats qui viennent de vos territoires. Sur la vacance commerciale, nous menons un plan – Madame la ministre l’a cité – en collaboration avec la direction générale des entreprises (DGE) qui repose sur des études précises des causes de la vacance, sur la labellisation et sur la diversification des commerces. Nous avons déjà travaillé sur les problématiques rencontrées par les buralistes et cette année, nous allons travailler sur celles des stations-service indépendantes. Elles sont environ 3 000 et nous allons les aider à se diversifier car la livraison de carburant ne suffit pas pour faire vivre les familles concernées.

Nous allons lancer des entretiens individuels – 360 sont programmés – avec des commerçants pour évaluer leurs difficultés – vous avez certainement vu l’augmentation des défaillances – et nous participons aussi au centre des entreprises en difficulté ([59]).

Nous travaillons sur la décarbonation des entreprises et sur les économies d’énergie. En partenariat avec le groupe La Poste, nous travaillons également sur la logistique du dernier kilomètre. S’agissant de la simplification, nous avons porté, à la demande du Premier ministre et en lien avec la DGE, une expérimentation des « tests PME » ([60]), et nous allons poursuivre nos efforts pour simplifier les dispositifs et les rendre plus efficaces.

Nous anticipons pour 2025 un plan d’accompagnement d’environ 3 000 transmissions d’entreprises commerciales. Je tiens à vous alerter sur le fait que chaque année, sur une estimation de 50 000 transmissions d’entreprises, « 20 000 passent sous les radars ». Si nous ne nous emparons pas de ce sujet, nous allons perdre des compétences, avec de plus en plus de « no man’s land » et des villages qui se meurent.

Nous avons un plan de digitalisation qui comporte un volet intelligence artificiel (IA). Nous allons lancer une campagne de sensibilisation auprès de 20 000 entreprises et nous voulons 750 « totems », c’est-à-dire 750 entreprises qui auront opéré leur transformation digitale et qui accepteront de témoigner. Ce plan de digitalisation porte sur l’automatisation de certains processus. Par exemple, pour un restaurant, la gestion des achats et des stocks en fonction de la prévision de repas servis. Cela permet d’améliorer la marge mais aussi de réduire le gaspillage.

Nous avons un programme de formation des « managers de commerce » avec une académie cofinancée par la Banque des Territoires. Nous avons un plan en collaboration avec les collectivités qui visent à développer des observatoires du commerce, car pour décider, il faut des données, à partir desquelles nous réaliserons les études nécessaires.

Je voudrais terminer sur les programmes de revitalisation qui ont été mis en place. Oui, Monsieur le président, le FISAC est un excellent dispositif. Lorsque j’étais président de la chambre de commerce de la Haute-Garonne, le déploiement du FISAC en milieu rural faisait partie de mon activité. C’est un dispositif simple et efficace, à portée des territoires, au plus proche des commerçants et des artisans, et j’avoue que je n’ai pas compris sa suppression.

J’en viens aux dispositifs existants avec une première remarque : ils ne concernent que quelques milliers de commerces alors qu’il y a 300 000 points de vente. C’est dire l’écart d’échelle. Malgré tous nos efforts, nous ne sommes pas à l’échelle des enjeux. D’ailleurs, Madame la ministre a donné les chiffres : « 1980, 25 % de communes sans commerce, 2025, 62 % ». Ma seconde remarque apparaîtra peut-être comme du marketing, mais si je suis commerçant, j’ai envie que l’on me cite. Dans tous les dispositifs qui ont été énumérés, le commerce n'apparaît que comme une composante secondaire. Je pense qu’il faut un dispositif unique pour le commerce et l’artisanat globalisant toutes les aides, de façon à simplifier et à apporter de la lisibilité… et à donner de l’espoir. Dans cette perspective, vous trouverez les chambres de commerce et d’industrie à vos côtés. Le travail est si important que nous devons tous nous mettre autour de la table pour trouver des solutions. Je conclurai en réitérant mon cri d’alerte : « il y a urgence ».

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Le président Stéphane Delautrette. Je vous remercie et me tourne maintenant vers Mme Fabienne Munoz, vice-présidente de CMA France.

Mme Fabienne Munoz, vice-présidente de CMA France

Je souhaiterais débuter mon propos en me présentant brièvement. Je suis artisane, fondatrice et propriétaire d’un salon de coiffure dans l’Ardèche depuis 1987. Dans les années 2010, j’ai été présidente de la chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) d’Ardèche avant d’être élue vice-présidente de CMA France en 2021 à l’occasion de la régionalisation du réseau consulaire mise en œuvre par la loi PACTE ([61]). C’est en cette qualité que j’interviens aujourd’hui aux Rencontres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, CMA France jouant le rôle de coordinateur pour l’ensemble des chambres régionales.

L’artisanat dans les territoires représente un volume de plus de 500 000 entreprises dont 24 % sont implantées dans des communes rurales de moins de 2 000 habitants. Dans les départements ruraux, l’artisanat représente en moyenne plus de 40 % des entreprises du secteur marchand.

Au sein des territoires ruraux, les entreprises artisanales se répartissent, pour une très large part, en quatre secteurs d’activité : 23 % dans le secteur de l’alimentation, 26 % dans le secteur du bâtiment, 27 % dans la production et 20 % dans les services. Les principaux secteurs d’activités marchands sont donc investis par les artisans, avec une présence liée le plus souvent à la sous-traitance industrielle. Nombreux sont les artisans qui travaillent pour les secteurs de l’automobile ou de l’aéronautique et sont le plus souvent situés en milieu rural.

Le rôle structurant de l’artisanat dans les territoires ruraux va bien au‑delà de sa fonction économique. Il englobe la formation pratique des jeunes à des métiers, la valorisation des productions et des savoir-faire locaux, mais aussi, et surtout, la préservation du lien social.

Le réseau des CMA est présent sur l’ensemble du territoire national avec plus de 300 points de contact et 147 centres de formation d’apprentis (CFA) qui forment aux métiers de l’artisanat. Au sein des territoires ruraux, les chambres consulaires fournissent un accompagnement de proximité aux entreprises artisanales depuis leur création jusqu’à leur transmission. Par ailleurs, CMA France assure la défense et la promotion de l’artisanat en tant que filière à part entière auprès des institutions nationales et internationales. Enfin, les chambres consulaires jouent un rôle d’auxiliaire de l’État dans la mise en œuvre au niveau local des politiques publiques de soutien à l’artisanat. Plus particulièrement, elles accompagnent les entreprises artisanales dans les transitions numériques et écologiques à travers des diagnostics et des solutions sur mesure.

Dans le contrat d'objectifs et de performance ([62]) signé entre CMA France et l’État figure aussi une mission d’appui aux collectivités territoriales. À ce titre, les chambres consulaires accompagnent les collectivités et leurs groupements dans leurs projets d’installation ou de maintien des activités artisanales sur leur territoire, notamment dans le cadre des programmes nationaux de redynamisation.

La principale difficulté rencontrée par les maires ruraux qui veulent développer des activités artisanales sur leur territoire réside dans le manque d’information. Le rôle de la chambre des métiers et de l’artisanat consiste donc à prendre en compte le projet de l’élu local et à l’aiguiller au milieu des possibilités qui s’offrent à lui. Cet accompagnement se déroule principalement en trois phases.

Premièrement, il s’agit d’évaluer la viabilité du projet de la collectivité. Dans un deuxième temps se met en place une phase d’étude des profils des candidats afin de trouver le chef d’entreprise qui correspond au mieux au projet. À cet effet, la chambre des métiers et de l’artisanat est en mesure d’établir des grilles de notation utiles à la sélection des artisans. La troisième, et dernière, phase de l’accompagnement consiste à suivre l’artisan tout au long de son activité, en particulier au moment de la transmission de l’entreprise.

L’exemple de Saint-Julien-en-Saint-Alban en Ardèche, où le maire a mis en place, un « village des artisans » ([63]) illustre le succès de cette coopération entre les CMA et les collectivités. Il démontre surtout l’importance de la coopération entre les différents acteurs concernés – pouvoirs publics, opérateurs et artisans – dans le développement de l’artisanat et de commerces de proximité en zones rurales.

Malgré notre action auprès des artisans et des collectivités territoriales, nous avons aujourd’hui le sentiment de ne pas être assez écoutés. Pour satisfaisante qu’elle soit, la collaboration de CMA France avec l’ANCT pourrait être plus ambitieuse. Par ailleurs, nous souhaiterions mettre de manière plus systématique notre expertise et notre ingénierie au service des préfets, comme nous avons déjà su le faire lors des dernières grandes crises qui ont frappé notre pays, telles que la crise sanitaire ou les inondations.

Au titre des perspectives, CMA France tient à formuler quatre propositions.

Tout d’abord, comme CCI France, nous regrettons la disparition du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) en 2019 et préconisons la restauration d’un mécanisme similaire de soutien au commerce et à l’artisanat. Ensuite, il conviendrait d’impliquer davantage les CMA dans le suivi opérationnel des projets en faveur de l’artisanat portés dans les territoires. Il s’agirait, notamment, de mettre en place une ingénierie pluridisciplinaire incluant les chambres de métiers et de l’artisanat pour tout projet de revitalisation comportant un volet artisanal.

Par ailleurs, CMA France a salué la mise en place en 2023 du dispositif « France ruralités revitalisation » (FRR), issu des zones de revitalisation rurale (ZRR) ([64]). Ce zonage, qui permet d’accéder à des exonérations fiscales, joue un rôle essentiel, car il permet la préservation d’entreprises. Il doit être maintenu.

Enfin, il nous paraît essentiel de soutenir l’apprentissage en milieu rural par le renforcement des CFA. La formation des jeunes en milieu rural est un élément essentiel permettant de répondre aux besoins de recrutement des entreprises artisanales installées dans ces zones, mais aussi d’assurer la relève et donc la pérennité de ces entreprises. À ce titre, nous jugeons impératif que soit revu à la hausse le niveau de prise en charge du contrat d'apprentissage (NPEC) ([65]). Sans une revalorisation du NPEC qui interviendrait dès la rentrée 2025, certaines sections des CFA formant à des métiers essentiels comme la boulangerie ou la boucherie pourraient être amenées à fermer.

CMA France compte vivement sur la représentation nationale pour l’aider à porter ces propositions auprès du Gouvernement.

* * *

Le président Stéphane Delautrette. Vous avez évoqué dans votre propos, Mme Munoz, la formation des jeunes en milieu rural, sujet auquel je suis personnellement très sensible. Par ailleurs, je suis ravi que vous partagiez mon avis sur le FISAC. Ce dispositif, qui a fait la preuve de son utilité, serait tout à fait pertinent dans la perspective du renforcement de l’action des pouvoirs publics en faveur de l’artisanat dans les territoires ruraux.

Je passe maintenant la parole à M. Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P). L’U2P est une organisation interprofessionnelle qui représente de nombreux secteurs d’activité intéressant nos concitoyens dans les territoires ruraux. Les services ainsi couverts, qu’il s’agisse de l’alimentation en détail, du bâtiment, de la fabrication, de la réparation et même des professions libérales, peuvent être légitimement qualifiés de « services essentiels ». Selon vous, quelles mesures les pouvoirs publics devraient-ils prendre en priorité afin de garantir l’accès à une offre de services de proximité dans tous les territoires ruraux ?

M. Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P)

Comme vous venez de l’indiquer, Monsieur le président, l’U2P est une organisation professionnelle représentative qui couvre un certain nombre de secteurs d’activité tels que le commerce de proximité, l’artisanat ou encore les professions libérales, que celles-ci relèvent du domaine technique, du droit ou de la santé. Je tiens à rappeler ici que ces trois domaines d’activité sont investis par plus de 3,3 millions d’entreprises, dont plus la moitié se situe en zones rurales ou dans des villes de moins de 150 000 habitants.

Du point de vue de l’U2P, la meilleure expression de l’attractivité et de la prospérité d’un territoire s’apprécie à travers la vitalité des activités de proximité. De cette vitalité découlent la création d’emplois ainsi que le maintien ou le renforcement des liens sociaux nécessaires à la vie du territoire. Le boulanger qui rencontre quotidiennement un client, parfois une personne âgée, se trouve être bien souvent le premier à donner l’alerte dès qu’il constate une absence inhabituelle de son client.

Nous avons identifié six facteurs propices au développement des activités de proximité sur un territoire.

Le premier de ces facteurs renvoie aux règles d’urbanisme applicables. Les activités commerciales se développent d’autant plus facilement que le territoire concerné a été pensé pour favoriser ce développement.

Le deuxième facteur réside, bien évidemment, dans le coût du loyer, qui peut parfois contraindre des professionnels, qui ne sont pas propriétaires de leurs locaux, à fermer.

Le troisième élément tient à l’offre de santé sur le territoire concerné. J’ai bien pris note, M. le président, de votre volonté de ne pas traiter ce sujet ce matin. Pour autant, les sujets sont intrinsèquement liés : lorsque le médecin d’un village s’en va, le pharmacien est, à son tour, susceptible de tomber le rideau. Par un enchaînement défavorable, on assiste alors à la fermeture de la boucherie, de la boulangerie et, en définitive, au délitement de toutes les activités de proximité sur le territoire.

La fiscalité locale est également un facteur essentiel de développement. Je voudrais à cette occasion exprimer notre inquiétude concernant le versement mobilité régional instauré par la loi de finances pour 2025 ([66]). Toute hausse de la fiscalité locale aura un impact négatif sur les capacités des entreprises.

Par ailleurs, l’évolution démographique du territoire et le pouvoir d’achat de la population jouent un rôle dans la dynamique économique du bassin de vie concerné.

Enfin, je voudrais rappeler que les petits commerces font actuellement face à de nouvelles menaces avec nos territoires se retrouvent dans une concurrence parfois déloyale avec des entreprises situées à l’autre bout de la planète et dont les produits échappent à toute fiscalité ou taxation douanière.

L’U2P salue, en outre, la mise en place du dispositif « France ruralités revitalisation » (FRR) ([67]) évoqué tout à l’heure par Mme Munoz, qui permet à des entrepreneurs de bénéficier de multiples exonérations fiscales en cas de création et même de reprise d’entreprises. Il conviendrait de mieux faire connaître ce dispositif auprès des personnes concernées.

Toutefois, nous sommes quelque peu prudents sur ce zonage, qui délimite des territoires bénéficiant d’une adaptation de la fiscalité et d’autres qui en sont exclus. Il ne serait pas souhaitable de mettre en insécurité juridique des entreprises installées dans ces zones sur lesquelles s’applique le dispositif, mais dont l’activité dépasserait le cadre de la délimitation fixée. Par ailleurs se pose la question de la juste concurrence entre des entreprises pratiquant les mêmes activités, mais dont certains seraient bénéficiaires d’un allègement fiscal du fait de leur implantation géographique, et d’autres supporteraient l’entièreté de leurs charges fiscales.

Nous souhaitons que ces situations particulières soient regardées avec attention par les pouvoirs publics.

Je voudrais revenir sur la question de la transmission des entreprises de proximité, évoquée par Mme Munoz dans son intervention. Il s’agit d’un sujet majeur dans la ruralité : alors que de plus en plus de chefs d’entreprises prennent leur retraite, il y a des difficultés à rendre attractive la reprise d’entreprise par les jeunes. L’U2P plaide en faveur de la création d’un fonds de soutien par des aides remboursables à la reprise d’entreprise en zone rurale qui viendrait compléter les dispositifs existants.

Enfin, je souhaiterais terminer mon propos en évoquant le nécessaire dialogue entre les représentants des organisations professionnelles, les artisans, les commerçants, les professions libérales et les élus au sein des territoires. Une telle concertation devrait se tenir en amont des initiatives locales, et non plus seulement a posteriori.

* * *

Le président Stéphane Delautrette. Je vous remercie. Nous allons maintenant ouvrir maintenant un temps d’échanges avec les représentants d’associations d’élus locaux en commençant par M. Michel Fournier, maire des Voivres et président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF).

INTERVENTIONS DES ÉLUS LOCAUX

M. Michel Fournier, maire des Voivres et président de l’AMRF. Je souscris à tout ce qui vient d’être dit : « le commerce, c’est la vie ». Encore faut-il pouvoir vivre ! Sur ce point, on pourrait peut-être imaginer une forme de « bourse d’installation » analogue aux bourses allouées aux étudiants. Les établissements publics fonciers pourraient également être mobilisés pour, par exemple, faciliter la reprise de locaux commerciaux dont une partie est occupée par l’ancien propriétaire du commerce.

Bien évidemment, les élus locaux ont leur part de responsabilité dans la création des zones commerciales périphériques, qui ont fait beaucoup de mal aux commerces de proximité. J’étais, autrefois, fleuriste : or, je constatais souvent que les grandes surfaces pratiquaient des prix coûtants lors des évènements familiaux qui constituaient le cœur de mon activité. Il s’agissait là d’une concurrence déloyale. De la même façon, la commune a son rôle à jouer dans l’accompagnement des petits commerces et des artisans. La commune des Voivres, dont je suis le maire, a ainsi acquis le restaurant central : cette position me permet d’ajuster, en fonction des circonstances, le loyer payé par les différents gérants. Par ailleurs, nous avons mis un local à la disposition d’un collectif d’artisans d’art. Ceux‑ci bénéficient ainsi d’une mise en valeur de leur activité.

Mme Catherine Lhéritier, maire de Valloire-sur-Cisse. L’AMF se félicite des nombreux dispositifs mis en œuvre en appui de l’activité commerciale et artisanale dans les territoires ruraux. Nous nous félicitons de la mise en place du zonage « France ruralités revitalisation » (FRR) ainsi que du maintien des exonérations dans les communes anciennement classées en « zones de revitalisation rurale » (ZRR) ([68]).

D’un point de vue plus général, l’AMF souhaite que les élus locaux soient mieux associés à la détermination des programmes d’action publique ainsi que dans l’attribution de financements au niveau local. Il serait également opportun que les programmes nationaux de redynamisation portés par l’ANCT soient conçus de manière moins centralisée et en coordination avec les collectivités concernées, notamment au niveau de l’ingénierie. Je prendrais ici l’exemple du programme Petites villes de demain : le fait de contraindre les communes à mutualiser le chef de projet qui assurera la déclination de l’action peut poser ponctuellement des difficultés de recrutement.

Comme le préconise Éric Woerth dans son rapport de l’an dernier ([69]), nous préconisons la généralisation des agences techniques départementales au sein des départements. Aujourd’hui présentes dans soixante-dix départements, elles pourraient l’être dans davantage de territoires.

En outre, nous souhaitons que l’aide aux communes soit explicitement confortée comme compétence départementale. Il en est de même de la politique d’organisation et de soutien du tourisme, qui est actuellement une compétence partagée avec les communes et les EPCI.

Naturellement, l’AMF, à l’instar de CCI France et de CMA France, réclame le rétablissement d’un dispositif équivalent à celui du FISAC, mis en extinction en 2019.

Enfin, nous estimons que la mise en œuvre du « zéro artificialisation nette » (ZAN) devrait, à l’avenir, mieux prendre en compte les besoins du commerce et de l’artisanat. En effet, ces activités réclament de l’espace, qui doit être créé ou réhabilité.

M. Laurent Trogrlic, président de la communauté de communes du Bassin de Pompey. Les intercommunalités sont pleinement impliquées dans les questions de développement économique : 91 % des EPCI disposent d’un service spécialisé sur ce sujet. Comme l’a rappelé tout à l’heure le président Fournier, les changements des modes de consommation au niveau local ont un impact sur l’économie de proximité. D’autres facteurs, tels que le vieillissement de la population ou le télétravail, contribuent à l’accélération de ces mutations.

Les EPCI souhaitent renforcer leur coopération avec les chambres consulaires afin de mieux faire face aux évolutions des habitudes de consommation. Ils disposent, par ailleurs, de nombreux outils pour soutenir les services de proximité : le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), le droit de préemption commerciale ainsi que le conventionnement avec les régions, qui ont su parfois se substituer en partie aux financements apportés par le FISAC.

Qu’il s’agisse de l’aménagement, des mobilités ou encore de l’urbanisme au sein de nos territoires, les intercommunalités sont disposées à prendre une part active dans les différentes concertations ainsi que dans les projets de réforme législative visant à soutenir les services de proximité en milieu rural.

M. Éric Krezel, maire de Céffonds. Pour développer un commerce de proximité, il faut, tout d’abord, disposer d’un local adapté, puis il faut trouver le bon artisan ou le bon chef d’entreprise. Enfin, il faut tenir compte de l’environnement économique du territoire.

S’il n’est pas compliqué pour une commune de trouver un local, la sélection du chef d’entreprise ou de l’artisan adéquat est une tâche plus complexe. Actuellement, dans ma commune qui compte environ 650 habitants, la mairie a reçu trois demandes d’installation, respectivement d’une nutritionniste, d’une agence de loisirs et d’une société de diagnostics thermiques. Malgré les informations dont nous disposons sur les demandeurs, elles ne paraissent pas suffisantes pour permettre de faire un choix objectif. Les communes ont besoin d’être accompagnées, notamment par CMA France. Il faut, par ailleurs, que l’activité puisse être équilibrée d’un point de vue économique. Si, par exemple, une commune développe un commerce bio, il est essentiel que le pouvoir d’achat de la population soit adapté à cette nouvelle offre.

Par ailleurs, je voudrais attirer votre attention sur une tradition administrative qui consiste à corréler les projets stratégiques de développement à la taille des territoires. Lorsqu’il s’agit d’installer une boulangerie, on pense immédiatement aux villages. En revanche, s’il s’agit d’un grand projet d’innovation, les regards se tournent vers les collectivités urbaines. Or, il m’est arrivé d’être approché par un géant de l’agroalimentaire alors que je suis le maire d’une petite commune. Le regard sur la ruralité doit indéniablement changer.

INTERVENTIONS DES REPRÉSENTANTS D’AUTRES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES

Mme Monique Rubin, présidente de la Fédération nationale des marchés de France. Les quelque 140 000 entreprises qui opèrent sur les marchés de France contribuent fortement au dynamisme de l’économie locale. Elles constituent, par ailleurs, des « quasi-services publics » d’approvisionnement pour les populations. Les marchés ont besoin d’évoluer et d’être modernisés, mais aussi de conserver leur place en cœur de ville afin de continuer à être des moteurs du lien social.

Le soutien apporté par les pouvoirs publics est indispensable. À cet égard, nous nous félicitons de l’intervention de l’ANCT au travers de ses programmes de redynamisation, en particulier Petites villes de demain. Il est, toutefois, regrettable qu’une organisation comme la nôtre ne soit pas plus associée à la mise en œuvre des projets. Certains projets d’aménagement négligent les places de marché, qui se retrouvent soit déplacées, soit modifiées avec des infrastructures non adaptées. Il est important que les professionnels que nous sommes soient plus souvent consultés.

S’agissant du fonds d’accompagnement à l’installation de commerces en milieu rural, évoqué tout à l’heure par Mme Louwagie et M. Bourron, le périmètre d’éligibilité nous paraît trop restreint : seuls les commerçants qui font des tournées en camionnette dans des communes de moins de 2 000 habitants peuvent prétendre à des aides. Beaucoup de professionnels qui interviennent sur les marchés ne rentrent pas dans ces critères.

En conclusion, je souhaiterais insister sur la nécessité d’un dialogue étroit entre nos organisations professionnelles et les élus locaux. Une collaboration permettrait, par exemple, d’aider les communes à faire face aux manques de placiers ([70]) lorsque les marchés ont lieu le week-end.

M. Pierre Bosche, président de la Confédération des commerçants de France. « Le commerce, c’est la vie ». Nous avons parfois tendance à oublier cette formule citée tout à l’heure par M. Di Crescenzo. Quand on évoque la désertification des campagnes, on pense d’abord aux déserts médicaux ou à la disparition des services publics et moins à la disparition des commerces. Pour autant, il faut reconnaître que nous nous rendons plus souvent dans un commerce que dans une administration ou chez un médecin

Notre confédération estime que les communes sont les mieux placées pour mener les politiques de redynamisation des territoires ruraux. Dans les actions mises en œuvre, il pourrait être plus judicieux d’anticiper la fermeture des commerces locaux en soutenant l’activité des commerçants lorsque ceux‑ci rencontrent des difficultés plutôt que d’attendre l’arrêt de l’activité. Une fois que la vacance commerciale atteint un certain niveau, les coûts nécessaires à la réinstallation deviennent prohibitifs.

Agir en amont, cela consisterait, par exemple, à racheter des baux commerciaux, des fonds de commerce ou des murs de boutiques. Or les moyens de ces financements sont, la plupart du temps, hors de portée de beaucoup de communes. Il faudrait rediriger certains dispositifs de financement vers les communes afin de leur donner les moyens d’investir dans le commerce local.

Nous nous félicitons de la place accordée aux commerces dans les discussions de ce matin. La « recommercialisation » nous paraît essentielle dans la mesure où le coût de la création ou du maintien d’un commerce est de loin inférieur à celui que l’on consacrerait à un emploi industriel.

INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES

M. Daniel Grenon, député de l’Yonne. Avant d’être élu député en 2022, j’ai été artisan, puis commerçant. Je connais donc parfaitement le milieu de l’artisanat où j’ai débuté en tant qu’apprenti à quatorze ans. Les réponses aux problèmes soulevés ce matin sont de nature législative. Dès lors, je m’engage à travailler avec la ministre déléguée et l’ensemble des corporations du secteur afin de renforcer le soutien des activités artisanales et commerciales dans les territoires ruraux.

Mme Catherine Hervieu, députée de Côte-d'Or. En tant que conseillère départementale, et ancienne conseillère municipale, j’ai été très sensible aux interventions qui se sont attachées à mettre en valeur le rôle des élus locaux dans la revitalisation des services de proximité dans nos territoires.

En matière d’implantation de commerces, les élus interviennent, notamment, au travers des commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) ([71]). Dans ma circonscription, elles ont autorisé des opérations d’aménagement qui ont contribué à accélérer la vacance commerciale dans les centres‑villes et les centres-bourgs. Le fonctionnement de ces commissions mériterait, à mon sens, d’être revu.

Par ailleurs, il faut reconnaître que la fiscalité locale, qui pèse parfois lourdement sur les petits commerçants et les artisans, peut s’avérer pénalisante et peu redistributive. Il serait souhaitable que les élus aient une meilleure connaissance des effets de ces impôts sur l’activité de ces entreprises de proximité. Sans avoir des solutions à portée de main, je crois néanmoins qu’il y a là un sujet de réflexion.

M. Emmanuel Mandon, député de la Loire. Bien que nous ne soyons pas, Mme Catherine Hervieu et moi, du même bord politique, je partage largement son point de vue sur les effets, parfois négatifs, des choix politiques opérés au cours des dernières années en matière de fiscalité locale et d’aménagement commercial. J’espère que les travaux de la délégation permettront d’aboutir à des propositions permettant de corriger ces dysfonctionnements.

* * *

Le président Stéphane Delautrette. Les Rencontres ont, une nouvelle fois, démontré l’intérêt d’une discussion apaisée, et parfois transpartisane, au sein de notre délégation. Ses membres, dont la plupart ont une expérience d’élu local, savent de quoi ils parlent.

Je remercie l’ensemble des intervenants pour la qualité des discussions et le contenu des observations formulées. Celles-ci feront l’objet d’une synthèse qui sera inscrite dans le rapport qui sera présenté devant la délégation.

 


  1  

   SYNTHÈSE DES TRAVAUX DES RENCONTRES : la nécessité d’une ambition plus forte dans le soutien aux services essentiels en milieu rural

La ruralité, autrefois perçue « en creux » des zones urbaines, a été repositionnée au centre des politiques publiques de redynamisation. Les espaces France Services et le programme « France ruralités revitalisation » témoignent des efforts, encore insuffisants, engagés dans l’aide à l’installation ou au maintien des services essentiels à la vie dans ces territoires.

I.   Les efforts engagés par les pouvoirs publics en faveur de la qualité de vie dans les territoires ruraux

Face à la dégradation des activités qui faisaient partie de la « qualité de vie » attachée traditionnellement aux zones rurales, les pouvoirs publics ont conçu des dispositifs innovants visant à maintenir l’accès des populations concernées aux services de la vie quotidienne, publics comme marchands.

A.   Un accès aux services essentiels rendus progressivement plus difficile dans le monde rural

1.   La « qualité de vie » au cœur de l’attractivité des territoires ruraux

Loin de l’image, désormais surannée, d’un monde en déshérence, la France rurale apparaît, au contraire, comme un espace de vie redevenu désirable. Sans aller jusqu’à parler « d’exode urbain » ([72]), on peut constater que la population des territoires ruraux cesse de décroître à partir des années 1970. Elle augmente même de 5 millions d’habitants entre 1968 et 2014, la croissance ayant même tendance à s’accélérer dans les années 2000 avec une progression moyenne de 1 % par an ([73]). L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) recensait environ 22 millions d’habitants dans les zones rurales en 2021, soit près d’un tiers de la population du territoire national ([74]).

On ne peut pas pour autant conclure que les habitants des territoires ruraux seraient composés de retraités ou de simples résidents travaillant en ville. En 2019, 8,7 millions d’actifs en emploi, sur un total de 25,7 millions au niveau national, résidaient dans une commune rurale.

Pour près des deux tiers, l’emploi occupé se situait en zone rurale ([75]). Les secteurs d’activité sont tout aussi variés qu’en milieu urbain. Ainsi, en 2024, plus de 255 000 entreprises ont été créées en zone rurale, dont 22,5 % dans le domaine de l’industrie et de la construction, 14,5 % dans le commerce et la réparation d’automobiles et de motocycles et 11,5 % dans les services administratifs et de soutien ([76]).

Ce « retour » de la ruralité s’est logiquement traduit par une meilleure reconnaissance institutionnelle : autrefois définis comme l’antithèse du monde urbain, les territoires ruraux bénéficient, depuis 2020, d’une définition positive fondée sur des critères de densité de population.

L’émergence progressive d’une véritable définition du rural

Lors du recensement de 1954, l’INSEE avait procédé à une première délimitation des villes et des agglomérations. L’unité urbaine était alors définie comme une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu et comptant au moins 2 000 habitants. Le « rural » n’était alors que le territoire situé en dehors d’une unité urbaine.

En 1996, l’INSEE complète sa définition par un « zonage en aires urbaines » qui, à partir des données relatives à l’emploi et aux déplacements domicile ‑ travail, définit trois espaces à dominante urbaine (pôles urbains, couronnes périurbaines, communes multipolarisées) et un espace à dominante rurale ne se trouvant pas dans le domaine d’influence d’un pôle urbain.

Afin de « mieux rendre compte des réalités des territoires et de leurs transformations », l’INSEE adopte en 2020 une définition positive des territoires ruraux, qui désignent désormais l’ensemble des communes peu denses ou très peu denses d’après la grille communale de densité, soit 88 % des communes en 2017 ([77]).

Parmi les nombreuses raisons qui amènent des familles à s’installer dans un territoire rural, la « qualité de vie » est souvent invoquée par les personnes concernées. Cette notion assez vague recouvre plusieurs facettes : dans une enquête réalisée en 2001 par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), les personnes installées depuis moins de trente ans dans une petite commune ou une zone rurale citaient, après « l’environnement » (55 %), les « conditions de vie » et « l’éducation des enfants » (27 %) ([78]). Par rapport aux zones urbaines, les familles estimaient donc être en mesure de bénéficier d’un accès au moins équivalent, sinon supérieur, aux services essentiels à leur vie quotidienne, tant dans le secteur privé que dans le secteur public.

Au début des années 1990, le territoire français se caractérisait encore par un maillage important en sites de service public. En 1991, le ministère de l’éducation nationale recensait 38 342 écoles primaires publiques en France, départements et territoires d’outre-mer inclus ([79]) et le nombre de bureaux de poste, aux alentours de 17 000, était resté quasiment stable depuis les années 1970.

S’agissant de la vie courante, il était, par ailleurs, plus facile qu’en ville d’accéder à un commerce alimentaire de détail : en 2007, l’INSEE recensait 11,9 boulangeries et 5,9 magasins d’alimentation générale pour 10 000 habitants dans les « espaces à dominante rurale », contre respectivement 7,7 et 3,8 dans les « espaces à dominante urbaine » ([80]). Comme l’ont rappelé M. Alain Di Crescenzo, président de CCI France, et Mme Fabienne Munoz, vice-présidente de CMA France, lors des Rencontres, le rôle structurant de l’artisanat et du commerce va « bien audelà de [leur] fonction économique » : ils contribuent à la « préservation du lien social » et même, pour reprendre les termes mêmes de M. Di Crescenzo, à la « vie » tout court.

2.   La perte progressive d’un accès facile aux services essentiels dans les zones rurales

La réorganisation des services de l’État, initiée dans la foulée de l’adoption de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et renforcée à partir de 2008 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), a eu pour effet de réduire sensiblement le maillage territorial des services publics nationaux. Le nombre d’écoles primaires publiques, qui avait été ramené à 32 466 en 2010, s’élevait à 30 560 en 2023 (- 20,3 % par rapport à 1991) ([81]). La direction générale des finances publiques a fermé 223 trésoreries locales entre 2011 (2 681) et 2016 (2 458([82]). La Poste a, pour sa part, maintenu environ 17 000 points de contact dans le respect des obligations de service public fixées par le législateur ([83]) mais, dans cet ensemble, l’opérateur ne recensait plus en 2023 que 7 000 bureaux de plein exercice, le reste étant composé de « relais » (3 100) ou d’agences postales communales (6 900).

Par ailleurs, la numérisation des services publics, qui a débuté en 2001 avec le projet « Copernic » de mise en place d’un compte fiscal dématérialisé ([84]) et s’est accélérée dans le cadre du programme Action publique 2022 lancé en octobre 2017, a joué un rôle dans l’incitation des administrations à fermer leurs implantations physiques.

L’émergence progressive d’une administration numérique

Le projet « Copernic » marque en 2001 le début de l’administration électronique sous la forme d’un projet de « compte fiscal simplifié » donnant la possibilité de déclarer et payer ses impôts en ligne.

Après l’échec relatif du dispositif d’identité numérique (« Idénum ») lancé en 2009, puis abandonné en 2016, le Gouvernement crée un téléservice dénommé « FranceConnect » par un arrêté du 8 novembre 2018. Ce téléservice a pour finalité de proposer au public de s’authentifier auprès de partenaires, de fournisseurs de téléservices et de services en ligne, parmi lesquels figurent les principaux services publics nationaux, au moyen d’un système d’identification en ligne unique.

Page de connexion à FranceConnect

Le programme a atteint ses objectifs : à l’occasion d’une réunion du comité interministériel de la transformation publique en 2021 ([85]), le Premier ministre signale que, sur 250 démarches portant sur la fiscalité, les prestations et les aides sociales, les trois quarts peuvent désormais être effectuées en ligne.

Une recomposition des services marchands s’opère également dans les territoires ruraux à la même période. Dans une étude publiée en 2023 ([86]), le Conseil d’analyse économique (CAE) observait qu’à rebours de la tendance nationale à l’accroissement de petits commerces entre 2008 et 2019 ([87]), les zones rurales ont connu une diminution sensible du nombre de points de vente, en particulier sur la période 2013‑2019 (- 5,1 %). Si l’on exclut les bars et restaurants, la baisse est particulièrement marquée sur l’ensemble de la période (- 3,2 % entre 2008 et 2013, puis - 6,9 % entre 2013 et 2019).

Évolution du nombre de petits commerces (2008-2019)

 

2008-2013

2013-2019

Niveau national

Zones rurales

Niveau national

Zones rurales

Bars et restauration

+ 12 %

+ 7,9 %

+ 7,1 %

- 1,0 %

Autres petits commerces

+ 1,2 %

- 3,2 %

- 1,9 %

- 6,9 %

Ensemble

+ 4,1%

- 0,1 %

+ 0,7%

- 5,1 %

Source : CAE - Focus précité (page 3)

Le CAE voit dans ces différences d’évolution sectorielles l’impact du commerce électronique, dont la part de marché dans le commerce de détail dépassait les 14 % en 2021 ([88]) et qui concurrence directement les points de vente physiques proposant des biens similaires. Toutefois, cette dynamique semble affecter particulièrement les zones rurales, qui voient s’accélérer la décroissance de la densité commerciale sur leurs territoires ([89]). La diminution brutale (- 29 %) du nombre de débits de tabac entre 2000 (33 000) et 2023 (23 300), dont 40 % se situent dans des communes de moins de 3 500 habitants ([90]), illustre la spécificité du monde rural, confronté au délitement progressif du maillage de points de vente de proximité qui faisait autrefois sa force.

Lors des Rencontres, Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire, a rappelé que, selon l’INSEE, 62 % des communes ne comportaient aucun commerce en 2021, alors que ce taux ne s’élevait qu’à 25 % en 1980. Il en a résulté une dégradation significative des conditions d’accès des populations rurales aux services essentiels. En 2017, 29 % des habitants des communes situées hors de l’influence des zones urbaines souffraient d’une faible accessibilité au commerce de proximité, contre 2 % dans les pôles de taille moyenne et 0,4 % dans les grands pôles ([91]).

L’accès à un service public se trouve tout autant entravé par la numérisation des démarches et l’allongement des distances à parcourir pour parvenir à un point de contact physique. Comme l’indiquait le Défenseur des droits dans un rapport de 2019 évoqué lors des Rencontres par M. Daniel Agacinski, délégué général à la médiation, « lorsque la voie dématérialisée constitue la seule option possible afin de réaliser une démarche administrative et que des problèmes […] empêchent l’accès à la procédure en cause, il s’agit là d’une rupture de la continuité du service public, dont la valeur constitutionnelle est pourtant garantie » ([92]).

Là encore, les territoires ruraux sont les plus pénalisés, car c’est à leur niveau que les niveaux d’exclusions numériques sont les plus élevés : le taux d’illectronisme, proche de 13 % dans les aires urbaines de 700 000 habitants ou plus, monte en effet à 22 % dans les communes situées hors de l’attraction des pôles ([93]).

B.   Le repositionnement de la ruralité au cœur des politiques d’aménagement du territoire

À la suite du « grand débat national » du début de l’année 2019 qui a découlé du mouvement des « gilets jaunes », le Gouvernement a défini un « Agenda rural » dans lequel figurait l’instauration d’un dispositif innovant, dénommé « France Services », d’accès à un service public de qualité. Il a également confirmé la mise en place de programmes de redynamisation portés par la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

1.   L’émergence d’un Agenda rural à la suite de la « crise des gilets jaunes »

Lors des Rencontres, Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, a rappelé que le mouvement de contestation des « gilets jaunes », apparu à partir du 17 novembre 2018, avait joué un rôle dans le « retour de la question rurale » ([94]) dans l’agenda politique et l’adoption d’une série de mesures de soutien aux territoires ruraux. Certes, le Parlement européen avait adopté en octobre 2018 une résolution appelant la Commission et les États membres à mieux prendre en compte « les besoins spécifiques des zones rurales, montagneuses et isolées » ([95]). Mais c’est bien cette crise qui a été le « catalyseur » du mécontentement ressenti par les habitants des territoires ruraux, que les études d’opinion avaient pourtant mis en évidence depuis plusieurs années ([96]).

Dans la foulée du « grand débat national » organisé entre janvier et mars 2019, le Gouvernement lance le 29 mars de la même année une « mission » composée de parlementaires et d’élus locaux afin d’élaborer un « Agenda rural ». Le rapport de la mission, présenté en juillet 2019, comporte 200 propositions visant à « changer le regard sur la ruralité et ses habitants ».

Si, en matière de soutien au commerce, la mission se contente de préconiser l’élargissement des dispositifs d’exonération fiscale pour les entreprises créées ou reprises en zone rurale ([97]) ainsi que la facilitation de l’implantation des débits de boissons, elle conforte, dans le domaine des services publics, le programme « France Services » mis en place quelques jours plus tôt par le Premier ministre ([98]).

Ce dispositif ne fait que décliner l’annonce effectuée le 25 avril 2019 par le Président de la République dans sa conférence de presse de clôture du « grand débat national » ([99]).

La mission gouvernementale d’élaboration de « l’Agenda rural »

La mission était composée de MM. Daniel Labaronne, député d’Indre-et-Loire, et Patrice Joly, sénateur de la Nièvre, ainsi que de M. Pierre Jarlier, maire de Saint-Flour (15) et président délégué de l’Association des petites villes de France (APVF), de Mme Cécile Gallien, maire de Vorey (43) et vice-présidente de l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité (AMF), et de M. Dominique Dhumeaux, maire de Fercé‑sur-Sarthe (72) et vice-président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF).

Au terme d’une soixantaine d’auditions, au cours desquelles 180 personnes ont été entendues, la mission a formulé un éventail très large de propositions, depuis la mise en place d’une nouvelle définition de la « ruralité » ([100]) jusqu’à l’expérimentation de la « 5G » dans les zones rurales en passant par la consécration du rôle de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) dont le Parlement venait d’autoriser la création ([101]).  

Les dispositions relatives à France Services sont développées au niveau des recommandations n° 106 (déploiement), 107 (financement) et 108 (accueil de premier niveau).

2.   Le saut qualitatif opéré par le programme France Services en matière d’accès au service public

Le programme « France Services » est l’aboutissement d’un long processus de modernisation des services publics engagé depuis la fin des années 1990.

Comme l’a souligné lors des Rencontres M. Emmanuel Roux, président de la chambre régionale des comptes de Bourgogne-Franche-Comté, il prolonge le dispositif des « maisons de services au public » (MSAP) tout en faisant de la « satisfaction de l’usager » leur raison d’être. Le respect des nouvelles exigences de « qualité » de service est présenté comme une condition « stricte » à l’obtention du label « France Services » ([102]).

Des « maisons de service public » aux MSAP

Dans le cadre de sa « réforme de l’État », le Premier ministre Alain Juppé lance en 1996 une expérimentation consistant à regrouper plusieurs démarches administratives dans des « maisons de service public ». Comme il l’indique lui-même dans la presse ([103]), il s’agit de parvenir au « dépassement des cloisonnements administratifs ». Les « maisons » avaient vocation à être créées « en priorité dans les zones les plus menacées par la destruction du lien social : les banlieues et les régions rurales. »

Les Maisons de service public bénéficient d’une consécration législative par la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (DCRA) en son article 27. Elles sont mises en place par des « conventions » conclues entre les services publics partenaires et « approuvées » par le représentant de l’État dans le département.

La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) transforme, en son article 100, les maisons de service public en « maisons de services au public » (MSAP) tout en rattachant le dispositif au « schéma d’amélioration de l’accessibilité des services au public » prévu dans la loi n° 95‑115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire en son article 26. L’article 27 de la loi DCRA, dans sa version issue de la loi « NOTRe », précise que l’offre de services peut être organisée « de manière itinérante ».

Les MSAP délivrent une offre de services diversifiée, définie dans la convention liant la structure porteuse et ses partenaires : information de premier niveau, orientation vers les opérateurs de services, prises de rendez-vous pour des permanences ou à distance, accompagnement des usagers dans leurs démarches, accompagnement numérique, aide à la recherche d’emploi. En 2019, sept opérateurs nationaux participaient au dispositif : La Poste, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), la Mutualité sociale agricole (MSA), Pôle emploi et Gaz Réseau Distribution de France (GRDF).

À la différence des MSAP, qui se caractérisaient par une offre hétérogène, les maisons France Services ([104]) doivent garantir à l’usager l’assurance de bénéficier d’un « socle » de services homogène quel que soit le territoire concerné :

1° Chaque espace France Services devra offrir un « premier accueil » et un « accompagnement aux démarches en ligne » assuré par au moins deux agents polyvalents présents en permanence (dit « front office ») ;

2° Chaque opérateur devra désigner un référent local par espace France Services pour « assurer la résolution des cas les plus complexes ». Ce référent de deuxième niveau (dit « back-office ») doit être « facilement joignable », ce qui suppose la mise en place de permanences physiques au sein des espaces France Services ou, tout au moins, un circuit de contact direct ([105]).

En application d’un accord-cadre national conclu le 12 novembre 2019 entre l’État et neuf opérateurs ([106]), les espaces France Services ont l’obligation de proposer un « bouquet » minimal de services articulé autour de six thématiques : formation, emploi et retraite, prévention et santé, état civil et famille, justice, budget (impôt, difficultés financières, litige de consommation), logement, mobilité et courrier. À titre d’illustration, une personne qui prépare sa retraite pourra accéder à une information de premier niveau sur ses droits et les démarches à effectuer auprès d’un agent France Services qui pourra, le cas échéant, contacter la CNAV dans le cas d’une situation individuelle complexe. L’usager pourra également bénéficier d’un accompagnement dans la création de son espace personnel sur le site lassuranceretraite.fr afin de pouvoir disposer d’une simulation du montant de sa future pension. Un accès à des imprimantes et à des scanners lui sera proposé en cas de besoin.

Sur le plan du maillage territorial, le dispositif se veut plus ambitieux que celui des MSAP. Alors que l’on dénombrait, début 2019, environ 1 300 MSAP, le Gouvernement souhaite couvrir l’ensemble des cantons à la fin de l’année 2022, ce qui correspond à au moins 2 054 espaces France Services à labelliser en trois ans.

Comme l’a rappelé M. Daniel Agacinski lors des Rencontres, l’accompagnement « généraliste » et de « qualité » fourni par les espaces France Services ainsi que l’accent mis sur l’inclusion numérique ([107]) font du programme une réponse pertinente à la préconisation du Défenseur des droits, formulée dans son rapport de janvier 2019 précité, portant sur l’instauration d’un « service public de proximité » ([108]).

3.   Le soutien apporté par l’ANCT aux initiatives locales de soutien aux activités artisanales et commerciales

Bien que l’Agenda rural ait mis l’accent sur les mesures fiscales de soutien à l’installation ou au maintien d’entreprises artisanales ou commerciales, l’action du Gouvernement en la matière s’est inscrite dans le cadre du déploiement de l’ANCT dès sa mise en place le 1er janvier 2020. L’accompagnement des collectivités territoriales et de leurs groupements dans la mise en œuvre de projets de « revitalisation » commerciale et artisanale des « centres-villes » et des « centres‑bourgs » fait partie explicitement des missions assignées à l’Agence par le législateur ([109]).

L’ANCT, symbole de l’État « facilitateur », intervient par le biais de programmes nationaux correspondant aux grandes priorités en matière de cohésion des territoires et ciblant les territoires caractérisés par des contraintes géographiques, économiques ou démographiques, parmi lesquels les zones rurales figurent en bonne place.

Lors des Rencontres, M. Stanislas Bourron, directeur général de l’Agence, a ainsi évoqué les programmes « Petites villes de demain » (PVD) et « Villages d’avenir » qui, tout en s’inscrivant dans le droit fil du programme « Action Cœur de ville » (ACV), incluent en tout ou partie des communes rurales. Ces programmes obéissent aux mêmes principes : si la sélection des communes éligibles s’effectue de manière centralisée, les projets doivent être issus des élus locaux eux-mêmes et le financement doit être alloué de manière partenariale par des acteurs nationaux (ANCT, Banque des territoires, etc.) et locaux (régions, départements, etc.).

1/ Lancé le 1er octobre 2020 et doté de 3 milliards d’euros jusqu’en 2026, ce programme, dénommé « Petites villes de demain » s’adresse aux communes de moins de 20 000 habitants qui exercent des « fonctions de centralité » sans faire partie d’un « grand pôle urbain » supérieur à 10 000 emplois et montrent des « signes de fragilité multiples » ([110]). Selon l’ANCT, 73 % des 1 645 communes éligibles au programme sont rurales.

2/ Officialisé en juin 2023 et doté de 2 milliards d’euros sur la période 2024‑2026, le programme « Villages d’avenir » rend éligibles les « groupes de 2 à 8 communes rurales » au sens de la grille de densité de l’Institut national de statistiques et des études économiques (INSEE) ainsi que les « petites centralités » qui ne seraient pas déjà couvertes par d’autres dispositifs d’appui de l’ANCT ([111]). Selon les éléments communiqués par l’ANCT, 2 498 communes, toutes rurales, sont éligibles au dispositif.

Lors des Rencontres, M. Bourron a précisé que, sur l’ensemble des projets financés sur le programme PVD, 13 % d’entre eux portaient sur le soutien aux commerces et à l’artisanat. À titre d’illustration, les commerces de deux communes du département des Ardennes, Signy-l’Abbaye et Attigny ([112]), vont bénéficier jusqu’en 2026 d’une aide à l’aménagement de points de vente, à la modernisation des vitrines et au développement de nouveaux services, tels que le véhicule de tournée ([113]).

L’ANCT rappelle également que les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre qui sont éligibles au programme PVD ont également la possibilité de rattacher leur projet à une « opération de revitalisation de territoire » (ORT), c’est-à-dire à un « projet de territoire » portant sur l’adaptation et la modernisation du « parc de logements et de locaux commerciaux et artisanaux » dans une perspective de mixité sociale, d’innovation et de développement durable » ([114]). L’ORT comporte des effets juridiques intéressants pour les collectivités désireuses de s’engager : éligibilité des propriétaires à la réduction d’impôt pour investissement locatif dans l’ancien (« Denormandie »), assimilation de l’ORT à une opération programmée d’amélioration de l’habitat et de rénovation urbaine (OPAH - RU), assouplissement des règles d’urbanisme et de construction, etc. Selon les éléments communiqués par M. Bourron lors des Rencontres, 78 % des communes ressortissant du dispositif PVD ont conclu une convention ORT avec l’État.

Au travers de ces programmes qui, comme le note la Cour des comptes dans un rapport d’évaluation de l’ANCT publié en 2024 ([115]), sont « bien identifiés dans les territoires et appréciés des collectivités qui en bénéficient », l’ANCT s’est progressivement affirmée comme le promoteur du « retour » ([116]) d’une politique d’aménagement du territoire tournée, en grande partie, en direction de la ruralité.

II.   État des lieux des politiques de soutien aux services essentiels : une ambition encore insuffisante

Les dispositifs mis en œuvre, qu’il s’agisse de France Services ou du zonage « France ruralités revitalisation », sont loin d’être négligeables. Pour autant, les politiques publiques menées à destination des services essentiels dans les territoires ruraux paraissent encore manquer d’une véritable ambition.

A.   Le programme France Services à la croisée des chemins

En dépit de son succès incontestable, le programme France Services pourrait voir son développement entravé par des freins financiers, qu’il convient de lever dans les plus brefs délais. Le maintien d’une qualité de service, notamment au niveau des opérateurs en « back-office », conditionne également la soutenabilité du dispositif sur le long terme.

1.   Le succès incontestable du programme, notamment dans les territoires ruraux

Plus de quatre ans après son lancement, le programme « France Services » connaît une dynamique indéniable, qui a même été saluée par la formation inter‑juridictions de la Cour des comptes qui a publié un rapport d’évaluation du dispositif en septembre 2024 ([117]). Comme l’a rappelé M. Emmanuel Roux, président de la chambre régionale des comptes de Bourgogne‑Franche‑Comté et ancien président de cette formation inter-juridictions, la France recensait 2 840 espaces d’accueil en décembre 2023, dont 1 200 seulement étaient issus de MSAP.

Conformément aux orientations figurant dans l’Agenda rural, le dispositif se caractérise par son ancrage dans les zones rurales, notamment celles qui sont les plus fragiles. Lors des Rencontres, Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, a ainsi souligné qu’environ 1 300 de ces espaces, soit près de la moitié, étaient localisés dans des zones « France ruralités revitalisation » (FRR), c’est‑à‑dire dans des territoires cumulant une faible densité de population et un revenu disponible par habitant peu élevé ([118]). D’un point de vue plus général, les territoires ruraux concentraient 63 % de l’ensemble du réseau France Services à la fin de l’année 2023 ([119]).

L’itinérance, qui était une des voies d’accès aux MSAP, a été conservée dans le dispositif France Services afin de permettre « d’aller vers » les usagers les plus éloignées des aires de centralité. Mme Gatel a indiqué qu’actuellement, le réseau avait déployé une flotte de 143 bus itinérants. Dans l’Est guyanais, comme l’a rappelé M. Cédric Vial, vice-président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, c’est même une pirogue qui accueille les usagers sur le fleuve Oyapock.

S’agissant du niveau de service offert à l’usager, la ministre a précisé que le réseau avait traité 31 millions de demandes depuis 2020. En 2024, les conseillers France Services ont traité chaque mois plus de 800 000 demandes, contre à peine 100 000 par mois en 2020.

La dynamique a été portée, notamment, par l’entrée dans le dispositif de deux nouveaux opérateurs au 1er janvier 2024, à savoir le ministère de la transition écologique au travers du « chèque énergie » ([120]) et l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) pour l’accès aux aides MaPrimeRénov’ et MaPrimeAdapt’ ([121]).

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, une telle montée en puissance ne s’est pas traduite par une dégradation de la relation de service. Dans son rapport d’évaluation précité, la formation inter‑juridictions aboutit à un taux de satisfaction globale de l’usager de 99 % sur la qualité de l’accueil et de 94 % sur la réponse qui a été apportée à sa demande ([122]). Pour M. Roux, le point fort des espaces France Services réside dans le « caractère humain et humanisant » de la relation avec l’usager. M. Agacinski signale même un « apaisement » des relations entre les services publics et leurs usagers, le nombre de réclamations portées devant la Défenseure des droits ayant tendance à se stabiliser en 2023 dès lors qu’étaient en cause des politiques publiques couvertes par le programme France Services.

2.   Les freins, notamment financiers, au développement du réseau

Le niveau de déploiement du réseau France Services sur le territoire national prouve que le Gouvernement a souhaité aller au-delà de l’objectif initial d’un espace par canton fixé par le Président de la République en 2020. Comme l’a rappelé M. Vial dans son propos liminaire, la commission des finances du Sénat avait, dans un rapport de 2022 ([123]), jugé cet objectif largement insuffisant en raison même de l’extension du périmètre des cantons découlant du redécoupage opéré par la loi n° 2013‑403 du 17 mai 2013. Les sénateurs préconisaient l’installation d’un espace d’accueil « dans chaque petite centralité », c’est‑à‑dire dans chaque bourg centre « jouant un rôle de pôle de services pour le bassin de vie environnant » ([124]).

Lors des Rencontres, Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, a indiqué que le Gouvernement envisageait de passer au-delà du seuil des 3 000 espaces France Services en 2026. Ce chiffre reste encore largement en-deçà des 7 010 « centralités » de premier niveau définies par l’ANCT en 2020, c’est‑à‑dire de communes se caractérisant par la présence simultanée d’une douzaine de services du quotidien (salon de coiffure, artisan du bâtiment, école élémentaire, boulangerie, infirmier, etc.) ([125]).

Inévitablement, comme l’a souligné M. Roux, l’accroissement continu du nombre d’espaces France Services pose, à plus ou moins long terme, la question de la « soutenabilité » financière de l’ensemble du dispositif. Dans son rapport, la formation inter-juridictions avait évalué à 100 000 euros le coût annuel moyen de fonctionnement d’un espace France Services non postal.

Compte tenu de la subvention forfaitaire allouée au niveau national, qui était encore de 35 000 euros par structure en 2023, les personnes morales qui « portent » l’espace France Services, c’est‑à‑dire en grande majorité les collectivités territoriales, subissent un reste à charge significatif, qui pourrait être amené à s’accroître au fur et à mesure de la montée en puissance du dispositif. Dans son intervention, M. Agacinski a appelé à une réduction sensible de ce reste à charge qui, du point de vue de la Défenseure des droits, est un facteur d’accroissement des inégalités territoriales dans l’accès au service public.

En 2023 ([126]), le Gouvernement a annoncé que l’effort de l’État conduirait à porter la subvention forfaitaire à 45 000 euros en 2025, puis 50 000 euros à compter de 2026. Lors des Rencontres, Mme Gatel a confirmé l’objectif du Gouvernement pour 2025. M. Yannick Imbert, directeur des affaires territoriales et publiques du groupe La Poste, a rappelé que ces annonces ne concernaient pas les espaces postaux, pour lesquels la subvention annuelle demeurait fixée à 30 000 euros.

Le soutien financier apporté aux espaces France Services

Les espaces France Services non postaux bénéficient d’une subvention forfaitaire annuelle issue :

-          du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT), lui‑même abondé par le budget de l’État (action 12 du programme 112 - Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire) ;

-          du Fonds national France Services (FNFS) financé par les opérateurs nationaux selon une clef de répartition fixée en 2019.

La subvention était de 20 000 euros au titre du FNADT et de 15 000 euros au titre du FNFS en 2023 (35 000 euros au total). Le FNSF a porté sa subvention à 20 000 euros en 2024. L’apport du FNADT devrait être de 25 000 euros en 2025 (45 000 euros au total).

Par ailleurs, la loi de finances pour 2024 a instauré une majoration de 10 000 euros de la subvention allouée par le FNADT aux espaces France Services situées dans une zone « France ruralités revitalisation » (cf. section I de la partie B infra).

Les espaces France Services postaux ne sont pas éligibles au FNADT. Ils bénéficient, en revanche, d’une dotation annuelle de 4 000 euros provenant du FNFS, ainsi que d’un abondement de 26 000 euros issu du Fonds postal national de péréquation territoriale créé par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 afin d’aider La Poste à maintenir son réseau de points de contact, conformément aux orientations fixées dans un contrat pluriannuel de présence postale. Les ressources du fonds proviennent, pour une large part, d’allègements de la fiscalité locale à laquelle La Poste est assujettie.

3.   Les critères de soutenabilité du dispositif sur le long terme

Au-delà des questions financières, le succès du déploiement du réseau France Services est étroitement conditionné au maintien d’un haut niveau de qualité de service.

Cela suppose la présence d’agents suffisamment qualifiés pour être en mesure de fournir le « bouquet de services » contenu dans l’accord‑cadre national du 12 novembre 2019 précité. Même si l’offre « socle » ne consiste souvent qu’à fournir des informations d’ordre général, il faut être capable de répondre à des questions portant sur des réglementations différentes et souvent très complexes, tels que la fiscalité, le droit aux prestations sociales ou la résolution d’un litige. Dans la mesure où cette offre a vocation à s’élargir au fur et à mesure du développement du dispositif France Services, M. Roux s’interroge sur la capacité du réseau à recruter et, surtout, à garder en poste des agents de qualité.

Sur ce point, la formation inter‑juridictions avait observé que les espaces France Services se caractérisaient par un taux de rotation des effectifs relativement élevé ([127]). Du point de vue de la Cour des comptes, il s’agit là d’un point de fragilité de l’ensemble du dispositif.

Plus fondamentalement, c’est l’accès aux services de second niveau, dit « back-office », qui doit permettre aux espaces France Services d’être le « premier kilomètre de l’action publique » pour reprendre les termes employés lors des Rencontres par Mme Gatel. Sur ce sujet, M. Agacinski regrette que, contrairement à ce que suggérait la circulaire du 1er juillet 2019 précitée, les opérateurs n’aient organisé une permanence physique hebdomadaire que dans 5 % des structures ([128]). Dans les autres cas, les espaces France Services sont censés disposer d’une adresse courriel spécifique ou d’une ligne téléphonique directe permettant de joindre chaque opérateur mais cela ne représentait à peine la moitié des sites en 2022 ([129]).

Par ailleurs, même quand une liaison téléphonique existe, il n’est pas certain qu’elle soit pleinement opérationnelle pour l’usager d’un espace France Services. L’étude de février 2023 mentionnée par M. Agacinski sur l’accueil téléphonique de quatre services publics, à savoir les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), les CAF, Pôle emploi et les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), a effectivement montré que 40 % des appels n’avaient pas abouti sur l’ensemble des plateformes testées.

Pour M. Marc Le Floch, directeur général délégué de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), l’existence même du dispositif France Services ne dispense pas les opérateurs d’engager en leur sein une réflexion sur l’amélioration de la qualité du service qu’ils rendent aux usagers, que ce soit par eux-mêmes ou en « back-office ». Il évoque, à cette occasion, les démarches engagées par la CNAF pour enrichir son dispositif de contact téléphonique et ouvrir de nouveau des sites ouverts au public sans rendez-vous sur une plage horaire de 28 heures par semaine afin d’assurer un « accueil physique inconditionnel ».

Actuellement, les opérateurs disposent des ressources nécessaires pour traiter les demandes des usagers qui transitent par les espaces France Services. Comme l’exprime explicitement M. Le Floch, il n’est pas certain que le dispositif reste soutenable si le nombre d’espaces France Services venait à doubler.

B.   Les conditions de mise en œuvre d’une politique ambitieuse de soutien du commerce et de l’artisanat en milieu rural

Si l’effort de simplification des « zonages » opéré par France ruralités revitalisation (FRR) a été salué par l’ensemble des intervenants, les programmes financiers pilotés par l’ANCT ne paraissent pas « à l’échelle » des enjeux. Les organisations professionnelles plaident, par ailleurs, pour la mise en place d’un environnement plus favorable aux entreprises qu’elles représentent.

1.   L’effort de simplification opéré par le zonage France ruralités revitalisation (FRR)

Dans son rapport de 2019, la mission gouvernementale d’élaboration de l’Agenda rural préconisait la mise en œuvre d’un « plan national en faveur des petits commerces de proximité » comprenant, notamment, un dispositif d’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les « commerces du quotidien » dans les communes de moins de 3 500 habitants en difficulté ([130]). La loi de finances pour 2020 a mis en œuvre cette recommandation en instaurant des « zones de revitalisation des commerces en milieu rural » (ZoRCoMIR) dans lesquelles les entreprises de moins de onze salariés pouvaient bénéficier, sous conditions, d’une exonération partielle ou totale de CFE et de TFPB ([131]). Plus de 14 000 communes étaient classées en ZoRCoMIR.

Très rapidement, ce « zonage » n’est pas paru pleinement satisfaisant dans la mesure où il s’ajoutait à une série de dispositifs existants en vigueur, notamment les « zones de revitalisation rurale » (ZRR) et les « bassins d’emploi à redynamiser » (BER), dont les critères particuliers de définition et d’accès aux exonérations ont fini par créer un environnement complexe pour les entreprises. Compte tenu des critiques régulièrement formulées par les corps de contrôle sur ce sujet ([132]), il a été procédé en 2024, au travers des zones « France ruralités revitalisation » (FRR), une réforme des mécanismes fiscaux de soutien à la création et à la reprise d’entreprises commerciales dans les zones rurales.

Plus de 17 700 communes sont concernées, étant précisé que les quelque 2 200 communes non éligibles à FRR ont été maintenues dans le dispositif des ZRR ([133]).

Le classement d’une commune en zone FRR permet désormais à toute entreprise de moins de onze salariés exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale, ou professionnelle non commerciale (incluant les activités libérales) créée ou reprise sur le territoire concerné entre le 1er juillet 2024 et le 31 décembre 2029 de bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu (IR) ou d’impôt sur les sociétés (IS) pendant huit ans, l’exonération étant totale pendant les cinq premières années. Cette entreprise pourra également, après délibération des communes et des EPCI concernés, bénéficier d’une exonération de TFPB et de CFE ([134]).

Une classification « FRR plus » est également prévue afin de soutenir, au sein des communes FRR, celles qui sont le plus en difficulté. Ce dispositif, qui doit être mis en place en 2025, élargit les possibilités d’exonération aux créations de petites et moyennes entreprises (PME) et aux reprises d’entreprises en difficulté ([135]).

BER, ZRR et ZoRCoMIR : trois zonages réformés par le dispositif FRR

Les zones de revitalisation rurale (ZRR) et les bassins d’emploi à redynamiser (BER) ont été créés par la loi n° 95‑115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, respectivement en ses articles 52 et 42.

Les exonérations fiscales accessibles en ZRR étaient, dans leurs modalités, très proches de celles applicables à FRR (exonération d’IR ou d’IS pendant 8 ans, avec une exonération totale pendant 5 ans puis dégressive les 3 années suivantes, possibilité de bénéficier d’exonérations de fiscalité locale, avantages conditionnés à la création ou à la reprise d’entreprises de moins de 11 salariés, etc.).

Les exonérations fiscales accessibles en BER sont de même nature, mais limitées à la création d’activités et d’une durée de 5 ans. Le dispositif des BER a été prolongé jusqu’en 2027 par la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 en son article 99.

Les ZoRCoMIR, pour leur part, ne permettaient d’accéder qu’à des exonérations de fiscalité locale et ne s’appliquaient pas aux entreprises non commerciales ou réalisant un chiffre d’affaires hors taxes supérieur à 2 millions d'euros. Elles ont été supprimées par l’article 73 de la loi de finances pour 2024.

Lors des Rencontres, Mme Fabienne Munoz, vice-présidente de CMA France et M. Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P) ont salué la mise en place du dispositif FRR et se sont félicités des possibilités offertes en matière de reprise d’activités, au-delà de la seule création d’entreprise. M. Picon, pour sa part, a appelé les pouvoirs publics à mieux faire connaître aux entreprises concernées les exonérations auxquelles elles ont droit. Il a également rappelé les limites inhérentes à tout mécanisme de zonage, en particulier les distorsions de concurrence entre les entreprises situées dans une commune éligible et celles situées à proximité.

2.   L’urgence d’un dispositif national ambitieux de soutien financier au commerce et à l’artisanat dans les territoires ruraux

Au‑delà des mécanismes d’incitation fiscale à la création ou à la reprise d’activités, M. Di Crescenzo et Mme Munoz ont rappelé « l’urgence » d’une mobilisation d’ampleur en faveur du commerce et de l’artisanat en milieu rural.

Sur ce point, Mme Louwagie a rappelé l’existence des programmes de l’ANCT visant à soutenir directement sur le plan financier des projets initiés au niveau local, y compris par des collectivités territoriales.

Lors de son intervention, M. Bourron a évoqué successivement :

1° Le fonds de restructuration des locaux d’activité, mis en place en mars 2021 dans le cadre du Plan de relance et actuellement financé sur les crédits du fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires (« fonds vert ») ([136]). Le dispositif permet de soutenir des projets de réaménagement commercial ou artisanal (rénovation, transfert, remembrement, changement d’usage, etc.) dans les communes relevant d’un programme national de redynamisation (ACV ou PVD). L’aide est plafonnée à 50 % du déficit de l’opération immobilière concernée ;

2° Le fonds d’accompagnement à l’installation de commerces en milieu rural, instauré en 2023. Doté de 16,5 millions d’euros sur la période 2023‑2024 ([137]) et également piloté par l’ANCT, il a vocation à financer des projets visant l’installation d’un commerce sédentaire multi-services ou d’un commerce itinérant. Les aides, qui sont plafonnées à 50 % des dépenses d’investissement ou du déficit d’opération, peuvent s’élever jusqu’à 80 000 euros pour les projets sédentaires et à 25 000 euros pour les autres.

Selon les éléments communiqués par M. Bourron, 95 projets de réaménagements ont pu être financés dans des communes labellisées « PVD » par le fonds de restructuration des locaux d’activité pour un montant total engagé de 13 millions d’euros. Plus de 600 projets, sur près de 1 000 dossiers déposés, ont pu être soutenus dans le cadre du second dispositif, pour un total de crédits engagés de 14 millions d’euros.

Pour utiles que soient ces dispositifs, M. Di Crescenzo a estimé qu’ils n’étaient pas « à l’échelle » des enjeux propres au maintien du commerce de proximité dans les zones rurales. Les résultats des politiques publiques ne devraient pas, selon lui, se compter en centaines, mais en milliers de projets. Mme Monique Rubin, présidente de la Fédération des marchés de France, souligne, pour sa part, le caractère trop restrictif des critères d’éligibilité au fonds d’accompagnement à l’installation de commerce en milieu rural, qui excluent de facto les commerces installés sur les marchés ([138]).

À cet égard, rejoint en cela par Mme Munoz et Mme Catherine Lhéritier, représentante de l’AMF, M. Di Crescenzo regrette que le Gouvernement ait décidé de supprimer en 2019 le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC). En dépit de ses défauts, régulièrement signalés par les corps de contrôle ([139]), ce dispositif de subvention d’État se caractérisait par un large périmètre d’action et bénéficiait de crédits importants, de l’ordre de 80 millions d’euros par an. Plusieurs centaines d’opérations étaient financées chaque année : en 2011, par exemple, 1 085 projets ont été soutenus par le FISAC, dont 840 dans les zones rurales ([140]).

Le FISAC des origines (1989) à sa disparition (2019)

Issu de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989, le FISAC, alors dénommé « Fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce » avait pour vocation de répondre aux menaces pesant sur l’existence des services artisanaux et commerciaux de proximité dans des zones rurales ou urbaines fragilisées par les évolutions économiques et sociales.

Son action se traduisait par le versement de subventions aux collectivités locales et aux entreprises, le plus souvent en milieu rural. L’aide aux entreprises était plafonnée à un taux allant de 30 % à 50 % selon le type de dépense subventionnée, celle-ci pouvant relever du fonctionnement, de l’investissement ou d’études. Les commerces sédentaires étaient éligibles au même titre que les commerces itinérants.

Alors qu’il bénéficiait à l’origine d’une logique de solidarité des grandes entreprises commerciales vers les petites, par le reversement d’une partie de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), le FISAC a fait l’objet de plusieurs réformes qui l’ont notamment conduit à voir ses crédits entièrement budgétisés à partir de 2003. Renommé « Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce » à cette époque, le FISAC disposait alors de crédits d’intervention d’environ 80 millions d’euros. Ces crédits avaient été ramenés à 18 millions d’euros en 2018 avant sa suppression par la loi de finances initiale pour 2019.

Un éventuel retour du FISAC, tel que préconisé par les sénateurs dans un rapport de 2022 ([141]), ne pourrait s’opérer qu’à condition de garantir le caractère opérationnel des projets artisanaux ou commerciaux éligibles aux subventions. Comme l’a souligné M. Bourron lors des Rencontres, il est essentiel de financer des projets qui « tiennent la route » et d’éviter de soutenir des « canards boiteux ».

3.   Le besoin d’un environnement local favorable aux entreprises commerciales et artisanales

La redynamisation des zones rurales suppose également l’existence d’un cadre réglementaire propice à l’installation ou au maintien d’une activité artisanale ou commerciale. Sur ce point, M. Pierre Bosche, président de la Confédération des commerçants de France, souligne l’impact des décisions prises par les communes et les EPCI en matière d’urbanisme sur la bonne santé financière des commerces de centre-ville. Selon les cas, les règles inscrites dans les plans locaux d’urbanisme peuvent faciliter ou, au contraire, dissuader l’acquisition ou la reprise de locaux commerciaux. À titre d’illustration, M. Di Crescenzo cite l’exemple des facilités de stationnement qui, si elles sont réduites, contribuent à la baisse de la fréquentation des commerces de proximité.

Par ailleurs, la mobilisation des pouvoirs publics en faveur des « services essentiels » doit s’effectuer en pleine coordination avec les représentants des entreprises concernées.

M. Di Crescenzo propose, ainsi, la création, en partenariat avec les collectivités territoriales, « d’observatoires » chargés d’identifier les commerces susceptibles d’être repris ou abandonnés. CCI France estime à 20 000 le nombre de transmissions d’entreprises commerciales non accompagnées chaque année faute d’avoir été signalées aux chambres consulaires. Mme Munoz, rejointe en cela par Mme Rubin souhaite que les acteurs économiques soient plus impliqués dans la définition et la mise en œuvre des projets financés par les programmes de l’ANCT.

Les représentants des organisations professionnelles insistent tous sur l’importance qui s’attache au soutien de la transmission, qui apparaît comme une phase « critique » de la vie des petites entreprises commerciales ou artisanales. Parmi les dispositifs envisagés lors des Rencontres, M. Picon suggère la mise en place d’une aide remboursable destinée aux repreneurs, en particulier aux jeunes, d’un petit commerce en zone rurale. M. Michel Fournier, président de l’AMRF, évoque, quant à lui, une « bourse d’installation » similaire à ce qui existe pour les étudiants.

Enfin, face à la « disruption totale » que vit le commerce face aux plateformes électroniques, il apparaît essentiel de ne pas manquer « le virage numérique ». Citant la plateforme « France Num » pilotée par la direction générale des entreprises (DGE), Mme Louwagie et M. Di Crescenzo ont rappelé l’enjeu de la transformation digitale des TPE et PME du commerce et de l’artisanat, qui doit leur permettre de développer leurs activités en se concentrant sur leurs « cœurs de métier ». M. Bourron a évoqué l’expérimentation récente de l’usage de l’intelligence artificielle lancée par France Services par le déploiement de l’outil « Albert », développé par la direction interministérielle du numérique (DINUM), destiné à faciliter les missions quotidiennes des conseillers France Services.

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   EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du mardi 13 mai 2025 à 16 heures 30, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a examiné le présent rapport et en a autorisé la publication.

Le compte rendu de cette réunion peut être consulté en ligne, sur le site de l’Assemblée nationale :

 

https://assnat.fr/jrbGFu

 

 

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   LISTE DES INTERVENANTS

Sénat

– M. Cédric Vial, sénateur de la Savoie, vice‑président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ;

Ministère de l’aménagement du territoire et de la décentralisation

– Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité ;

Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

– Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire ;

Table ronde n° 1 :

– M. Emmanuel Roux, président de la chambre régionale des comptes de Bourgogne‑Franche‑Comté ;

– M. Yannick Imbert, directeur des affaires territoriales et publiques du groupe La Poste ;

– M. Marc Le Floch, directeur général délégué de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) ;

– M. Daniel Agacinski, délégué général à la médiation (Défenseure des droits) ;

Table ronde n° 2 :

– M. Stanislas Bourron, directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ;

– M. Alain Di Crescenzo, président de CCI France ;

– Mme Fabienne Munoz, vice-présidente de CMA France ;

– M. Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P) ;

Associations d’élus locaux :

Association des maires et présidents d’intercommunalité de France (AMF)

– Mme Catherine Lhéritier, maire de Valloire-sur-Cisse (41) et présidente de l’Association des maires de Loir-et-Cher ;

Association des maires ruraux de France (AMRF)

– M. Michel Fournier, maire de Les Voivres (88) et président de l’AMRF ;

– M. Éric Krezel, maire de Céffonds (52) et vice‑président de l’AMRF ;

Association nationale des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux et des pays (ANPP)

– M. Serge Méchin, président du Pays Loire Val d’Aubois (18) et vice‑président de l’ANPP ;

Intercommunalités de France

– M. Laurent Trogrlic, président du Bassin de Pompey (54) et secrétaire national d’Intercommunalités de France ;

Autres opérateurs France Services :

Agence nationale de l’habitat (ANAH)

– Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice générale ;

Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA)

– M. Stéphane Antigny, directeur délégué aux opérations ;

Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM)

– M. Jean-Marc Breton, directeur de missions ;

– M. Julien Ripert, directeur de la relation client et du marketing ;

Autres organisations professionnelles :

Confédération des commerçants de France

– M. Pierre Bosche, président ;

Fédération des buralistes Paris – Île-de-France

– M. Philippe Alauze, président ;

Fédération des marchés de France

– Mme Monique Rubin, présidente.

 


([1]) Étude EXCOM, initiée par Paris Commerces, Datactivist et Altavia Foundation, avec le soutien de la Métropole Rouen Normandie, de la Fondation Urbanis et d’Urbanis Aménagement, Les analystes ont recueilli le témoignage de 324 commerçants, répartis dans plusieurs villes, concernant leurs actions auprès des clients, des habitants, ou vis-à-vis de l'espace public. Les résultats de l’étude ont été publiés le 26 mars 2025.

([2]) Étude publiée en mai 2023 par l’IFOP pour Familles rurales - Territoires ruraux : perceptions et réalités de vie face aux défis des transitions (page 11).

([3]) « Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics » (2019) - page 4.

([4]) Rapport d’évaluation publié le 4 septembre 2024 - Programme France Services (2020-2023).

([5]) Rapport d’information n° 2341 du 13 mars 2024 établi par M. David Valence sous le timbre de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale.

([6]) L’établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) et l’Agence du numérique.

([7]) Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) - La France et ses territoires (édition 2021) - page 62.

([8]) INSEE Flash - Nouvelle-Aquitaine n° 53 (janvier 2020) - Les services aux publics : des temps d’accès plus longs aux confins des départements néo-aquitains.

([9]) Étude précitée de l’IFOP pour Familles rurales - Territoires ruraux (page 11).  

([10]) INSEE Première n° 1953 (juin 2023).

([11]) Circulaire du Premier ministre n° 6094-SG du 1er juillet 2019. « France Services » a été inscrite dans la loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (DCRA) en ses articles 27 et 27-2 par l’article 160 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS).

([12]) Rapport d’information n° 778 (2021-2022) du 13 juillet 2022 de M. Bernard Delcros sur le premier bilan du financement des maisons France Services (pages 5 et 6).

([13]) Lancés respectivement en octobre 2020 et en juin 2023, « Petites villes de demain » (PVD) et « Villages d’avenir » sont des programmes de soutien aux actions de redynamisation initiées par les collectivités territoriales éligibles. Ces dispositifs sont gérés par l’ANCT.

([14]) M. Rémy Pointereau et Mme Guylène Pantel, co-rapporteurs.

([15]) Rapport sénatorial n° 778 (2021-2022) du 13 juillet 2022 supra.

([16]) Art. 100. Les MSAP, héritières des « maisons de service public » de la loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 (DCRA), ont été labellisées « France Services » en 2019, puis ont été définitivement transformées en espaces « France Services » par l’article 160 de la loi 3DS (cf. supra).

([17]) Rapport sénatorial n° 778 (2021-2022) précité (page 37).

([18]) Redécoupage opéré en application de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013.

([19]) Recommandation n° 1 du rapport sénatorial n° 778 (2021-2022) précité.

([20]) Réunion du comité interministériel de la transformation publique du 9 mai 2023.

([21]) Programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » - Rapport n° 873 (Assemblée nationale) et n° 296 (Sénat) du 31 janvier 2025 de la commission mixte paritaire (page 116).

([22]) Rapport d’évaluation publié le 4 septembre 2024 - Programme France Services (2020-2023).

([23]) Rapport sénatorial n° 778 (2021-2022) précité - page 43.

([24]) Rapport sénatorial n° 910 (2021-2022) du 29 septembre 2022.

([25]) Inscrit au 5° du B du I de l’article 199 novovicies par la loi de finances pour 2019 (art. 226), le dispositif « Denormandie » est une aide accordée sous la forme d’une réduction d’impôt sur le revenu aux particuliers achetant un logement vide à rénover dans certaines zones, pour le mettre ensuite en location. Les travaux doivent représenter au moins 25 % du coût total de l'opération.

([26]) Rapport sénatorial n° 693 (2023-2024) du 14 juin 2024.

([27]) Rapport sénatorial n° 693 précité (page 14).

([28]) Rapport du 4 septembre 2024 précité.

(2) Dans sa circulaire n° 6094-SG du 1er juillet 2019 (précitée), le Premier ministre fixe à France Services une ambition « plus élevée » en termes de « qualité de service rendu à l’usager » que celle des Maisons de services au public (MSAP).

([30]) La formation inter-juridictions estimait à 15 % sur la période 2023-2026 le taux de rotation des conseillers France Services, contre 8,6 % en moyenne pour les personnels des collectivités locales et de leurs groupements (rapport du 4 septembre 2024 précité - page 86).

([31]) Rapport du 4 septembre 2024 précité (page 79).

([32]) Schéma prévu par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire en son article 26.

([33]) A de l’annexe 1 de la circulaire n° 6094-SG du 1er juillet 2019 (« un premier accueil et un accompagnement aux démarches en ligne assurés par au moins deux agents polyvalents présents en permanence »).

([34]) Selon La Poste, 646 000 personnes en situation de fragilité numérique ont été accompagnées en 2023.

([35]) Fonds créé par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom en son article 6. Le fonds est destiné à aider La Poste à maintenir son réseau de points de contact, conformément aux orientations fixées dans un contrat pluriannuel de présence postale. Le contrat actuellement en vigueur a été signé le 14 février 2023 pour la période 2023-2025.

([36]) II de l’art. 6 de la loi n° 90‑568 du 2 juillet 1990 précitée.

([37]) La CNAF était alors représentée par M. Vincent Mazauric, son directeur général.

([38]) Points 4.2 (téléphone) et 4.3 (accueil physique inconditionnel) du COG 2023‑2027.

([39]) Programme itinérant d'identification et de valorisation des initiatives locales lancé en 2023 par Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

([40]) Film de Jean-Marie Poiré (1982). Le personnage de « Zézette » était joué par Mme Marie-Anne Chazel.

([41]) Les zones « France ruralités revitalisation », issues de l’article 73 de la loi n° 2023‑1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 et définies à l’article 44 quindecies A du code général des impôts à partir de critères de densité de population et de revenu disponible par habitant, permettent aux entreprises qui s’y installent de bénéficier d’exonérations fiscales et sociales (cf. pages 77 et 78 infra).

([42]) 1° de l’article 4 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits.

([43]) Dans son rapport d’activité 2023, la Défenseure des droits fait état de 92 400 réclamations portant sur les relations des usagers avec les services publics sur un total de 99 977 réclamations reçues.

([44]) « Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics » (2019) - page 43.

([45]) « L’accueil téléphonique de 4 services publics » (février 2023) - étude réalisée en collaboration avec l’Institut national de la consommation (INC).  

([46]) Rapport du 4 septembre 2024 précité (page 68).

([47]) Un partenariat a été conclu entre l’ANAH et l’ANCT en 2023 afin de faciliter l’accès des usagers aux guichets France Rénov’ à partir de 2024.

([48]) À la suite de l’une des recommandations du rapport Delcros précité, la loi de finances pour 2024 a prévu une bonification du financement des espaces France Services situés en ZRR, égale à 10 000 euros (7,55 millions d’euros de crédits ont été inscrits dans le budget du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire - FNADT - à cet effet). Cette bonification a été reconduite en loi de finances pour 2025 au bénéfice de 1 305 espaces France Services situés en zones FRR.

([49]) Lancé en mars 2023 et placé sous la responsabilité de l’ANCT, le fonds d’accompagnement à l’installation de commerces en milieu rural vise à lutter contre le déclin de la commercialité en encourageant l’installation de commerces dans les communes qui en sont dépourvues. Doté de 16,5 millions d’euros sur la période 2023‑2024, le dispositif permet d’octroyer une aide qui peut atteindre 80 000 euros par projet pour l’acquisition des murs, la remise en état et l’aménagement de locaux commerciaux (cf. page 80 infra).

([50]) Cofinancé par la Banque des Territoires dans le cadre des programmes « Action Cœur de Ville » (ACV) et « Petites villes de demain » (PVD), ce dispositif permet de recruter un professionnel chargé de coordonner les acteurs locaux autour d’une stratégie de développement économique des petites centralités, notamment l’installation de commerces et de services de proximité.

([51]) Le texte, adopté par le Sénat le 24 avril 2024, serait examiné par l’Assemblée nationale en séance publique à partir du 8 avril 2025.

([52]) Le II de l’article 47 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a autorisé la création d’une licence IV dans les communes de moins de 3 500 habitants qui n’en dispose pas, pendant une durée de trois ans, soit jusqu’au 28 décembre 2022.

([53]) Proposition de loi n° 904 rectifiée visant à simplifier l’ouverture des débits de boissons en zone rurale, déposée par M. Guillaume Kasbarian et d’autres membres du groupe Ensemble pour la République, enregistrée le 4 février 2025.

([54]) La plateforme en ligne « France Num » (https://www.francenum.gouv.fr/) aide les PME à assurer leur transition numérique en offrant un accompagnement par des experts ainsi que des financements.

([55]) L’EPARECA est un opérateur créé par la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, qui a été intégré dans l’ANCT en 2019.

([56]) Voir infra p. 80.

([57]) L’ORT est un outil mis à disposition des collectivités territoriales par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite « loi Élan »), pour porter et mettre en œuvre un projet de territoire dans les domaines urbains, économique et social, afin de lutter prioritairement contre la dévitalisation des centres-villes.

([58]) Voir infra p. 72.

([59]) Centre d’information sur la prévention des difficultés des entreprises (CIP National).

([60]) Les « tests PME » ont pour objectif de vérifier qu’avant d’être adoptée, toute nouvelle norme n’entrave pas l’activité des entreprises, en particulier les PME. Le principe de ces tests est inscrit dans le projet de loi de simplification de la vie économique (F du II de l’article 27).

([61]) La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) pose en son article 42 le principe d'une régionalisation des chambres de métiers et de l'artisanat à compter du 1er janvier 2021.

([62]) Le contrat d'objectifs et de performance (COP) est un accord stratégique conclu entre l'État et CMA France qui définit les priorités et les actions à entreprendre pour soutenir et développer le secteur de l'artisanat sur une période donnée. L’actuel COP, signé le 22 mai 2023, couvre la période 2023‑2027.

([63]) La commune rurale de Saint-Julien-en-Saint-Alban (1 400 habitants) a lancé en 2016 le projet de zone économique « Cœur d’Ouvèze » à la suite à d’échanges réguliers avec les artisans et le réseau CMA d’Ardèche. Cette zone économique regroupe au sein d’un même espace des activités artisanales, des commerces, un pôle de santé et des logements. Son inauguration a eu lieu le 18 novembre 2023.

([64]) Cf. pages 78 et 79 infra.

([65]) Indicateur qui détermine le montant de l'aide financière dont bénéficie l'employeur qui embauche un apprenti. Les NPEC sont fixés par branche professionnelle à partir d’un référentiel établi par France Compétences.

([66]) Le versement mobilité est une contribution patronale destinée au financement des transports en commun, due par les entreprises de plus de 11 salariés situés dans des zones où cette contribution est instituée, c’est-à-dire essentiellement en Île-de-France ainsi que dans les communes et les EPCI de plus de 10 000 habitants organisant au moins un service de transport régulier. La loi de finances pour 2025 (art. 118) permet aux régions, autorités organisatrices de la mobilité, de mettre en place cette nouvelle contribution avec un taux maximal de 0,15 % des salaires.

([67]) Cf. pages 78 et 79 infra.

([68]) Extension mise en place au 1er juillet 2024 et consacrée, avec effets rétroactifs, par la loi de finances pour 2025 au IV de son article 99.

([69]) Décentralisation : le temps de la confiance - rapport de M. Éric Woerth au Président de la République (mai 2024) - page 39.

([70]) Les placiers sont des agents municipaux chargés d’attribuer et de gérer les emplacements des commerçants sur les marchés locaux. Ils perçoivent les droits de place, veillent à la bonne installation des étals et au respect des règles du marché. Leur rôle est essentiel pour assurer une organisation fluide et une bonne gestion logistique des marchés de plein air.

([71]) Régies par les articles L. 751‑1 et suivants du Code de commerce, les CDAC sont des instances chargées de se prononcer sur les autorisations d’exploitation commerciale. Elles examinent les projets de création ou d’extension de magasins de commerce de détail supérieurs à 1 000 mètres carrés de surface de vente.

([72]) Selon les termes employés par le géographe Jean-Paul Guérin en 1983 dans la Revue de géographie alpine (71-3, pages 267-277).

([73]) Pierre Pistre et Frédéric Pichard - Dynamiques démographiques et recompositions sociales - Les espaces ruraux en France (2018).

([74]) INSEE Focus n° 316 (28 décembre 2023).

([75]) INSEE Première n° 1948 (25 mai 2023)

([76]) INSEE - Les créations d’entreprises en 2024 (INSEE Références - 17 février 2025).

([77]) INSEE - La France et ses territoires (INSEE Références - 29 avril 2021).

([78]) CREDOC - Enquête conditions de vie et aspirations des Français - Les Français et l’espace rural - mars 2001 - page 18.

([79]) Note d’information n° 92.05 - les écoles du premier degré (année scolaire 1991-1992).

([80]) INSEE - Le commerce en France (édition 2009).

([81]) INSEE - séries chronologiques sur les établissements scolaires du premier degré - enseignement public - écoles élémentaires et spéciales - France.

([82]) Cour des comptes - La DGFIP, dix ans après la fusion (20 juin 2018) - page 66.

([83]) Loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom. L’article 6 de la loi mentionne explicitement un objectif chiffré de 17 000 points de contact.

([84]) Arrêté du 12 novembre 2001 portant création d'un service à compétence nationale dénommé « programme Copernic » chargé de la mise en place du système d'information relatif au compte fiscal simplifié.

([85]) Cinquième comité interministériel de la transformation publique : tirer les enseignements de la crise pour transformer durablement l’État (5 février 2021).

([86]) Petits commerces : un panorama en demi-teinte - CAE (Focus n° 95 - mai 2023).

([87]) Selon le CAE, le « petit commerce » comprend le commerce de détail (hors grandes surfaces), l’artisanat de bouche (boulangeries, charcuteries, etc.), les bars et des restaurants et les services aux ménages (coiffure, soins du corps, pressings, etc.).

([88]) Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD) - chiffres clefs 2022.

([89]) Focus du CAE précité (page 4).

([90]) Source : Confédération des buralistes.

([91]) INSEE - Les entreprises en France - édition 2020 (page 35).

([92]) Dématérialisation et inégalités d’accès au service public - janvier 2019 (page 29).

([93]) Davantage d’illectronisme dans les communes éloignées des villes et les petits pôles urbains - INSEE Analyses n° 85 - juin 2023.

([94]) Terme utilisé par Samuel Depraz, géographe à l’Université Jean Moulin – Lyon III dans Horizons urbains (hors-série - automne 2019).

([95])  Résolution n° 2018/1720 (RSP) du 3 octobre 2018.

([96]) Dans une enquête réalisée en 2018 par l’IFOP pour Familles rurales (Territoires ruraux : perceptions et réalités de vie), 56 % des ruraux se disaient « pessimistes » pour leur propre avenir, soit 7 points de plus que la moyenne nationale (49 %).

([97]) À cette époque, il existait plusieurs régimes d’exonération dans le cadre des zones de revitalisation rurale (ZRR) et les zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZORCOMIR) - cf. infra.

([98]) Circulaire n° 6094/SG du 1er juillet 2019.

([99]) « Je veux qu’on mette en place quelque chose qui ressemble un peu à ce [que les Canadiens] ont fait, cette maison qui s’appellerait « France Services » où, dans chaque canton en moyenne, on pourrait avoir un lieu où [serait] regroupé l’accueil pour le public de services de l’État […] ». (Discours du Président de la République du 25 avril 2019).

([100]) La mission propose ainsi de définir les territoires ruraux à partir de critères positifs, tels que la densité, et non en « négatif » des territoires urbains (recommandation n° 1), conduisant à la mise en place par l’INSEE en 2020 d’une nouvelle définition de la ruralité.

([101]) La loi n° 2019-753 promulguée le 22 juillet 2019, après une adoption en lecture définitive par l’Assemblée nationale le 21 juin 2019, crée l’ANCT par le regroupement du Commissariat à l’égalité des territoires (CGET) avec l’établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) et l’Agence du numérique.

([102]) Circulaire n° 6094-SG du 1er juillet 2019 précitée (page 1).

([103]) Entretien dans le journal Ouest France du 1er juillet 1996.

([104]) Devenues ensuite « espaces France Services » par la suppression du mot « maison » par la loi « 3DS » n° 2022-217 du 21 février 2022 en son article 160.

([105]) La circulaire évoque la solution de la « visioconférence ».

([106]) La Poste, France Travail, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAM), la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), la Mutualité sociale agricole (MSA), les ministères de l’intérieur et de la justice et la direction générale des finances publiques (DGFIP).

([107]) L’aide à l’utilisation des outils numériques fait partie des éléments essentiels de la « charte d’engagement » que doit conclure tout opérateur partenaire du programme.

([108]) Dématérialisation et inégalités d’accès au service public - janvier 2019 (page 43) : « L’instauration d’un service public de proximité réunissant un représentant de chaque organisme social, des impôts, de Pôle emploi, un travailleur social ainsi qu’un médiateur numérique pour réaliser un accompagnement généraliste et de qualité de la population, en particulier la plus fragile ».

([109]) Art. L. 1231‑2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT).

([110]) Instruction ministérielle n° 19016706 du 19 octobre 2019.

([111]) Instruction ministérielle n° IOML2320999J du 14 août 2023.

([112]) Environ 1 300 habitants pour la première commune et 1 100 habitants pour la seconde.

([113]) Projetothèque de l’ANCT.

([114]) Art. L.303‑2 du code de la construction et de l’habitation (CCH).

([115]) L’Agence nationale de la cohésion des territoires : un outil à consolider - février 2024 (page 51).

([116]) Termes utilisés par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale pour ses 3èmes Rencontres, organisées le 1er février 2024.

([117]) Rapport d’évaluation publié le 4 septembre 2024 - Programme France Services (2020-2023).

([118]) Art. 44 quindecies A du code général des impôts.

([119]) Rapport du 4 septembre précité (page 26).

([120]) Titre spécial de paiement permettant d’aider les foyers fiscaux défavorisés à acquitter tout ou partie du montant des dépenses d'énergie relatives à leur logement (art. L. 124-1 et suivants du code de l’énergie).

([121]) Aides financières portant respectivement sur la rénovation énergétique des logements et leur adaptation aux besoins des personnes âgées ou en situation de handicap.

([122]) Ibid (pages 38 et 39). Sondage réalisé sur site en partenariat avec l’université de Bourgogne.

([123]) Rapport d’information n° 778 (2021-2022) du 13 juillet 2022 de M. Bernard Delcros sur le premier bilan du financement des maisons France Services.

([124]) Ibid (page 6).

([125]) Centralités : comment les identifier et quels rôles dans les dynamiques locales et intercommunales ? - ANCT en collaboration avec le Centre d’économie et de sociologie appliquées à l'agriculture et aux espaces ruraux de Dijon (CESAER) et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) - juin 2020.

([126]) Réunion du comité interministériel de la transformation publique du 9 mai 2023.

([127]) Sur la période 2023-2026, le taux de rotation des conseillers France Services était estimé à 15 %, contre 8,6 % en moyenne pour les personnels des collectivités locales et de leurs groupements (rapport du 4 septembre 2024 précité - page 86).

([128]) Rapport du 4 septembre 2024 précité (page 68).

([129]) Ibid (page 68). Enquête réalisée par l’ANCT en octobre et novembre 2022.

([130]) Page 66 et recommandation n° 137 du rapport de juillet 2019 précité.

([131]) Art. 110 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([132]) Notamment la Cour des comptes dans un rapport sur la politique de l’État en faveur du commerce de proximité (septembre 2023).

([133]) Arrêté du 19 juin 2024 modifiant l'arrêté du 16 mars 2017 constatant le classement de communes en zone de revitalisation rurale. Le dispositif a été consacré avec effets rétroactifs par la loi de finances pour 2025 en son article 99 (IV).

([134]) Art. 44 quindecies A (B du I), 1383 K et 1466 G du code général des impôts issus de l’article 73 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

([135]) A du I et A du V de l’art. 44 quindecies A du CGI précité.

([136]) Le fonds a été doté de 60 millions d’euros sur la période 2021-2023. Compte tenu de son succès (58,2 millions d’euros ont été engagés), il a été reconduit sur la période 2023­‑2026 avec une première enveloppe de 25 millions d’euros. Les crédits sont portés par le programme 380 de la mission « Écologie, mobilités et développement durable ».

([137]) Cahier des charges disponible sur le site de l’ANCT.

([138]) Le cahier des charges supra de l’ANCT n’évoque, pour les commerces itinérants, que les entreprises qui effectuent des « tournées hebdomadaires » avec un passage de « 4 jours minimum » par semaine dans plusieurs communes rurales dépourvues de commerce.

([139]) La Cour des comptes, dans un référé du 20 octobre 2014, avait mis en avant les nombreux effets d’aubaine du FISAC.

([140]) Rapport d’activité 1992‑2011 du FISAC (ministère de l’artisanat, du commerce et du tourisme).

([141]) Rapport d'information n° 577 (2021-2022) de MM. Bruno Belin et Serge Babary, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques, déposé le 16 mars 2022.