N° 1447
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 mai 2025
RAPPORT D’INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation aux droits des enfants
en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)
sur la pauvreté infantile
PAR
Mme Caroline Parmentier et Mme Béatrice Piron
Députées
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(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.
La mission d’information sur la pauvreté infantile est composée de Mme Caroline Parmentier et Mme Béatrice Piron, rapporteures
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Pages
avant-propos de la rapporteure Caroline Parmentier
avant-propos de la rapporteure béatrice piron
premiÈre partie : modalitÉs de calcul et État des lieux de la pauvretÉ infantile en France
I. Les diffÉrentes mesures de la pauvretÉ infantile
A. le concept de pauvretÉ monÉtaire
B. le concept de pauvretÉ en conditions de vie
II. certains profils familiaux davantage affectÉs
A. Les dÉterminants Économiques
a. Les familles monoparentales
2. Les familles issues de l’immigration
C. Les dÉterminants gÉographiques
1. L’exemple des quartiers prioritaires de la politique de la ville
2. L’exemple des départements et régions d’Outre-mer
deuxiÈme partie : la rÉduction de la pauvretÉ des parents pour combattre la pauvretÉ infantile
I. lutter contre la pauvretÉ infantile en soutenant le budget des familles
A. le systÈme de redistribution, bien que perfectible, soutient efficacement le budget des familles
1. L’efficacité des mécanismes de redistribution
a. La redistribution demeure efficace pour lutter contre la pauvreté des familles
i. Les dispositifs de redistribution au profit des familles
ii. L’efficacité de ces dispositifs
b. Certaines modalités du système de redistribution doivent être modifiées
ii. Déclencher les allocations familiales dès le premier enfant pour les familles les plus pauvres
2. La lutte contre le non-recours aux droits
II. lutter contre la pauvretÉ infantile en encourageant l’activité professionnelle des parents
A. faciliter la reprise d’une activité professionnelle
B. accompagner les parents vers la reprise d’un emploi grÂce au service public de la petite enfance
1. La persistance de fortes inégalités d’accès aux établissements d’accueil des jeunes enfants
2. La nécessité d’approfondir les dispositifs mis en place pour remédier à ces inégalités
C. prioriser l’accÈs aux eaje pour lutter contre les inégalitÉs dÈs le plus jeune Âge
1. Un écart de développement observé
2. Une réduction des écarts grâce à la fréquentation des crèches
I. AmÉliorer les conditions matÉrielles de vie des enfants
A. garantir un toit À tous les enfants
1. Le droit d’avoir un logement
a. L’effondrement du parc social
b. Un nombre croissant d’expulsions locatives
c. Le mal-logement, une entrave à la satisfaction des besoins fondamentaux des enfants
a. Une embolie de l’hébergement d’urgence
b. Des lieux d’hébergement inadaptés aux besoins fondamentaux des enfants
1. La valorisation des dispositifs de soutien à la parentalité
2. La PMI au cœur des politiques de prévention
II. assurer l’effectivitÉ des droits des enfants
1. Condamner les refus d’inscription scolaire
2. Créer un observatoire de la non-scolarisation
B. Le droit d’Être en bonne santÉ
1. Les enfants en situation de pauvreté sont en moins bonne santé que les autres
i. Favoriser une alimentation de bonne qualité
ii. Soutenir les programmes favorisant l’alimentation de qualité
iii. Accorder la priorité à la restauration scolaire
b. Favoriser une meilleure santé physique et mentale
2. Des difficultés pour accéder à un professionnel de santé
C. Le droit d’accÉder aux loisirs et À la culture
III. soutenir davantage les initiatives locales ainsi qu’un plus grand investissement de l’État
A. le rÔle majeur des associations et collectifs
B. une plus grande mobilisation de l’État
1. L’implication des collectivités territoriales face à la saturation des dispositifs de l’État
2. L’action indispensable des collectifs citoyens face à l’inaction de l’État
liste des recommandations des rapporteures
Liste des personnes auditionnées
Annexe : liste des déplacements effectués
avant-propos de la rapporteure Caroline Parmentier
En premier lieu, je tiens à remercier ma collègue Béatrice Piron, avec laquelle j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler de manière harmonieuse durant ces six mois. Je souhaite également remercier notre excellente administratrice que je remercie pour son précieux travail, sa gentillesse, et son souci permanent de défendre notre travail parlementaire et de nous ouvrir des portes, dont peu se sont fermées – à l’exception, je tiens à le signaler, de celles de la mairie de Béthune, par pur sectarisme politique à mon égard. Je remercie également nos deux assistants parlementaires pour leurs conseils avisés et leur aide de chaque instant.
En second lieu, je souhaite souligner que, tout du long de cette mission parlementaire sur la pauvreté infantile – qui a donné lieu à de nombreuses auditions et déplacements de terrain – il y a eu un éléphant au milieu de la pièce dont nos interlocuteurs peinaient à parler clairement : le phénomène de l’immigration irrégulière et le poids qu’il fait peser sur ce dossier de la pauvreté, notamment infantile, en France. En effet, toutes les personnes qui bénéficient d’un hébergement d’urgence que nous avons rencontrées étaient des clandestins, arrivés en France sans papiers, pour beaucoup pour des raisons économiques et provenant de pays qui ne sont pas en guerre : Algérie, Bangladesh, Côte d’Ivoire, Afghanistan, Guinée. Les enfants de ces familles ne sont pas responsables de cette situation ; ils en sont eux aussi des victimes. Cependant, notre système est à bout de souffle et, par conséquent, il ne peut plus les accueillir dignement ; il ne peut donc plus ni les régulariser, ni les prendre en charge. Il en découle que toutes les associations que nous avons rencontrées, constituées de personnes extrêmement aidantes, méritantes et motivées, ont désormais, de facto, une première mission qui est de s’occuper des démarches administratives pour trouver des papiers à ces familles entrées clandestinement sur le territoire français et leur obtenir des aides sociales. Ce faisant, il y a, me semble-t-il, une évolution notable, voire un détournement (qui mérite d’être signalé) des missions de La Croix Rouge, de l’Armée du Salut, des Restos du Cœur, des Apprentis d’Auteuil, de l’Unicef France, du Secours populaire, des collectifs Alerte et Jamais Sans Toit, etc. Leur obtenir ces papiers prend évidemment des mois, parfois des années, et beaucoup n’en obtiendront même jamais. Leur trouver un emploi et un logement prend encore plus de temps. Pendant ce temps, ces immigrés en situation irrégulière occupent la plus grande partie de l’hébergement d’urgence, qui est désormais totalement engorgé. Le constat est le même partout : les dispositifs de l’État sont saturés et ne peuvent plus faire face à la demande.
Nous avons réalisé cette mission parlementaire avec beaucoup d’intérêt, nous sommes allés sur le terrain, nous avons visité plusieurs centres, à Lyon, dans les Yvelines, à Paris et en région parisienne. Nous avons auditionné, écouté, recueilli les témoignages, interrogé les associations et examiné les faits. Ce dont je témoigne, ici, n’est donc pas mon opinion : c’est le fruit d’un travail rigoureux, fondé sur des éléments vérifiés et des informations recoupées. Dans les centres d’hébergement d’urgence que nous avons visités, nous n’avons vu et rencontré que des personnes immigrées en situation irrégulière. Des mères isolées, des mères avec enfants, parfois des couples avec enfants, dont certains avaient eu d’autres enfants, entre-temps, au sein même des centres d’hébergement qui les accueillaient.
Je tiens à mettre en exergue, dans ce rapport, que lutter de façon efficace contre l’immigration irrégulière et réguler les flux migratoires en France constitue l’un des premiers moyens de lutter contre la pauvreté, et donc contre la pauvreté infantile. En effet, comme l’ont confirmé nos auditions, les structures d’accueil sont saturées, tout autant que le logement social et les services de l’État. Il en découle un gouffre de dépenses abyssal (prix des accueils, des nuitées et des repas des personnes prises en charge), et les moyens de l’État se retrouvent ainsi déversés dans un puit sans fond. Prétendre le contraire serait un grave déni aux conséquences dramatiques, car en raison de cette situation, le phénomène de la pauvreté infantile s’accentue en France. De la même manière, réclamer des dépenses supplémentaires sur les mêmes postes, avec un argent que l’État n’a plus, est totalement utopique. Dans le même temps, il n’y a plus de logement social ni d’aides suffisantes pour les immigrés en situation régulière ou pour les Français, qui (j’en ai le témoignage quotidien dans ma circonscription du Pas-de-Calais) n’ont pas accès au logement social. Ces familles, ces mères isolées avec enfants, vivent dans des taudis, avec de l’humidité, des rats, ou des insectes, alors même qu’elles travaillent et paient leur loyer. Je les rencontre tous les jours dans ma permanence.
avant-propos de la rapporteure béatrice piron
Garantir à chaque enfant des conditions de vie dignes devrait être une priorité absolue de toute société qui prétend préparer un avenir juste et cohérent. Un enfant qui grandit dans la précarité, sans logement stable, sans accès à des soins ou à une éducation de qualité, voit ses chances compromises dès le départ. Or, nous savons que ces premières années sont déterminantes pour le développement, la réussite scolaire, l’estime de soi et l’insertion future dans la société.
Dans le cadre de nos travaux, nous avons été confrontées à des situations particulièrement préoccupantes. Des familles, parfois avec de très jeunes enfants, se retrouvent à la rue. Ce constat est d’autant plus choquant lorsqu’il s’agit d’expulsions opérées par des bailleurs sociaux, censés garantir un accès au logement pour les plus fragiles. Ce type de pratique est inadmissible et doit interroger nos politiques publiques, nos choix budgétaires et, plus largement, nos valeurs collectives.
Par ailleurs, un autre constat majeur ressort : la solidarité familiale, qu’elle soit intergénérationnelle ou au sein du couple parental, tend à s’effriter. De nombreuses femmes, souvent jeunes, se retrouvent seules à assumer la charge d’un ou plusieurs enfants, sans réseau d’entraide, sans mode de garde, et donc sans accès à l’emploi. Cette précarisation des mères isolées, que nous avons largement documentée, constitue un facteur majeur de pauvreté infantile.
Dans ce contexte, il appartient à la collectivité — à travers l’État, les collectivités territoriales et l’ensemble des institutions — d’assumer ses responsabilités. Il ne s’agit pas seulement d’une question de justice sociale, mais d’un véritable investissement pour l’avenir. Permettre à chaque enfant de vivre dans un environnement stable, sécurisé, et propice à son développement, c’est construire les conditions d’une société plus cohésive, plus équitable, et plus forte.
Or, les chiffres de la pauvreté infantile en France, sont inquiétants. Selon les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), les enfants sont en effet davantage exposés à la pauvreté que les adultes puisque le taux de pauvreté est de 20,4 % pour les enfants, contre 14,4 % pour la population générale. ([1]) La pauvreté concernerait ainsi 2,7 millions d’enfants, dont 900 000 de moins de 5 ans. La pauvreté en conditions de vie ([2]) est également plus prononcée chez les enfants que dans la population générale avec un taux de pauvreté de 17,4 % chez les enfants contre 13 % dans la population générale. ([3]) Loin d’être en voie de résorption malgré les plans successifs de lutte contre la pauvreté, la tendance est à l’augmentation de la pauvreté infantile : en 20 ans, ce sont 500 000 enfants de plus qui sont entrés en pauvreté. ([4]) En effet, selon la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), le niveau de pauvreté infantile augmente constamment depuis les années 2000, alors que, dans le même temps, la pauvreté des personnes âgées a été fortement réduite, avec un taux de pauvreté trois fois inférieur à celui de la pauvreté infantile. ([5]) Ces chiffres ne peuvent qu’interroger sur les choix de politiques publiques et le coût, à long terme, de tolérer la pauvreté d’enfants, acteurs de la société de demain. Lors de son audition par les rapporteures, l’association Les Restos du Cœur a témoigné de l’extrême jeunesse de leur public qui, pour près de la moitié, a moins de 25 ans. 40 % des bénéficiaires sont des mineurs, dont beaucoup de très jeunes enfants, puisque 15 % des personnes accueillies ont moins de 5 ans, dont 128 000 bébés. ([6])
Ce phénomène est d’autant plus problématique que la pauvreté se maintient dans le temps. En effet, toutes les personnes auditionnées ont rappelé que selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), il faut, en France, six générations, soit 180 ans, en moyenne, pour qu’un descendant de famille très modeste (appartenant aux 10 % les plus pauvres) atteigne le revenu moyen de la population. C’est une génération de plus que la moyenne des États de l’OCDE. Ce repère doit toutefois être relativisé, car il repose sur des extrapolations statistiques et non sur des données empiriques couvrant réellement six générations. Cette estimation illustre donc surtout des difficultés persistantes, mais ne reflète pas une fatalité immuable ni la diversité des parcours individuels.
Au regard de ces éléments, dans ses observations finales concernant le rapport de la France valant sixième et septième rapports périodiques, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies avait pris note de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (2018-2022) tout en regrettant que la France « n’ait pas communiqué suffisamment d’informations au sujet de l’impact de cette stratégie sur la réduction de la pauvreté, en particulier chez les enfants ». ([7]) Le Comité s’était dit particulièrement préoccupé par le nombre croissant d’enfants et de familles vivant dans la pauvreté, en particulier les enfants de familles monoparentales, ceux vivant dans des bidonvilles ou des structures d’hébergement d’urgence durant de longues périodes, mais également par les écarts importants de niveau de vie des enfants entre l’Hexagone et les territoires ultramarins et appelait la France à éradiquer la pauvreté infantile sur l’ensemble de son territoire. ([8]) Dans une lettre ouverte adressée au Président de la République en avril 2023, la présidente de l’Unicef France, Adeline Hazan, appelait le chef de l’État à faire de la lutte contre la pauvreté des enfants une priorité du Pacte des solidarités, en relevant qu’ « il n’est pas tolérable, dans la septième puissance économique mondiale, de dénombrer plus d’un millier et demi d’enfants dormant à la rue ou dans des abris de fortune » ni de « s’habituer à ce chiffre : un enfant sur cinq vit en situation de pauvreté ». ([9]) Pourtant, à la veille de la rentrée scolaire 2024, jamais le nombre d’enfants à la rue n’avait jamais été aussi élevé, atteignant plus de 2 000 enfants (sans compter ceux qui vivent dans des caves, garages ou halls d’immeubles), ([10]) ce qui n’a pu qu’inquiéter les membres de la délégation aux droits des enfants de l’Assemblée nationale.
Toutefois, comme l’a de suite souligné Sylviane Giampino, présidente du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), lors de son audition « Les enfants pauvres n’existent pas ». En effet, les enfants pauvres n’existent pas puisqu’un enfant ne grandit dans la pauvreté qu’en raison de la pauvreté de la famille au sein de laquelle il évolue ; l’enfant lui-même ne dispose d’aucun levier pour s’extraire de la pauvreté. Aussi, le sujet de la pauvreté infantile ne saurait être traité dans un vase clos mais nécessite au contraire une analyse globale du contexte familial, social, économique, dans lequel se trouve l’enfant. Les rapporteures tiennent ainsi à souligner que le fait de se concentrer sur la pauvreté infantile ne doit pas avoir pour effet d’invisibiliser la situation de pauvreté des parents. Au contraire, si nous souhaitons sortir les enfants de la pauvreté, ce sont leurs parents, et donc la société dans sa globalité qu’il faut massivement extraire de la pauvreté.
Néanmoins, ce que ressent un enfant, vulnérable, en pleine construction, est évidemment bien différent de ce que ressent un adulte dans la même situation, et n’a pas les mêmes conséquences sur sa vie. C’est pourquoi la délégation aux droits des enfants a décidé de la création d’une mission d’information portant sur la pauvreté infantile, qui s’est concentrée sur le cas des familles pauvres. A contrario, les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) ainsi que les mineurs non accompagnés (MNA) n’ont pas été inclus à cette étude.
Le présent rapport est ainsi le fruit d’une vingtaine d’auditions de personnalités diverses, issues du monde de la recherche, du secteur associatif ou administratif, qui ont su éclairer utilement les réflexions des rapporteures sur ce sujet, et de déplacements de terrain à Paris, à Fresnes, à Lyon, ainsi que dans les Yvelines.
Les rapporteures regrettent cependant de ne pas avoir pu effectuer de déplacement à Béthune, en raison du refus d’un certain nombre de personnes de rencontrer l’une des rapporteures en raison de son orientation politique, ainsi que du refus du maire de Béthune lui-même de permettre l’accès à la Maison des 1 000 premiers jours. Les rapporteures déplorent de telles réactions, qui entravent les travaux de la délégation aux droits des enfants, laquelle œuvre pourtant dans une logique transpartisane, et uniquement au service de l’intérêt supérieur de l’enfant.
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En préalable, la rapporteure Caroline Parmentier souhaite proposer une recommandation, qu’elle estime centrale, sur le sujet de la pauvreté infantile. La rapporteure a en effet été marquée par la saturation des dispositifs d’hébergement d’urgence en raison de la surreprésentation, au sein de ces structures, d’immigrés en situation irrégulière, qui mettent la pression sur le système existant et complexifie la prise en charge idoine des enfants. Elle estime ainsi que le premier moyen de permettre à ces structures de mieux fonctionner est de renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière.
Recommandation n° 1 de Mme Parmentier : la rapporteure recommande de renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière afin de réduire la pression et la saturation des structures et des dispositifs d’accueil.
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premiÈre partie : modalitÉs de calcul et État des lieux de la pauvretÉ infantile en France
Bien qu’ « il n’existe pas d’enfants pauvres », et que leur situation dépend avant tout de celle de leurs parents, la pauvreté telle qu’elle est vécue par les enfants ne peut être appréhendée sous le seul prisme de la pauvreté monétaire de leur famille. En effet, les enfants, qui sont par essence des êtres en construction, ont des besoins spécifiques qui doivent être satisfaits. Ces besoins peuvent servir de point de départ au calcul de la pauvreté infantile en conditions de vie. Par ailleurs, bien qu’il soit impossible de généraliser les causes de la pauvreté, les rapporteures ont pu relever que certains profils sont davantage à risque d’être touchés par la pauvreté infantile.
I. Les diffÉrentes mesures de la pauvretÉ infantile
Classiquement, la pauvreté se définit sur la base d’un critère monétaire. Cependant, ce critère trouve rapidement ses limites pour décrire la réalité vécue par les enfants en situation de pauvreté, ce qui tend à favoriser des critères plus empiriques, basés sur leur vécu.
A. le concept de pauvretÉ monÉtaire
Le concept de pauvreté monétaire présente des lacunes qui le rend insuffisant pour décrire globalement le vécu des enfants en situation de pauvreté, mais il permet toutefois d’illustrer utilement l’augmentation de la pauvreté infantile en France.
● La pauvreté monétaire est un concept important pour décrire l’augmentation de la pauvreté infantile, car elle permet de dresser un premier état des lieux du nombre d’enfants touchés par la pauvreté en France. Classiquement, le taux de pauvreté est défini comme la proportion de la population vivant avec un revenu disponible inférieur au seuil de pauvreté, soit 1 102 euros par mois pour une personne vivant seule en 2019 (60 % du revenu de vie médian). Selon les chiffres de l’Insee, 14,6 % des Français vivent sous le seuil de pauvreté – cette proportion atteint même 35,3 % parmi les familles monoparentales. ([11]) Pour déterminer le nombre d’enfants en situation de pauvreté, l’Insee regarde donc principalement le revenu du foyer dans lequel vivent ces enfants. En vertu du calcul de la pauvreté mesurée en termes de pauvreté monétaire, en France, 20,6 % des enfants vivent au sein d’un ménage pauvre – contre 16,7 % il y a 20 ans. ([12])
Pauvreté des enfants selon l'âge en 2021
Âge |
Taux de pauvreté (en %) |
Personnes pauvres (en milliers) |
Moins de 3 ans |
19,7 |
366 |
De 3 à 5 ans |
22,2 |
485 |
De 6 à 10 ans |
19,6 |
755 |
De 11 à 14 ans |
20,9 |
672 |
De 15 à 17 ans |
21,0 |
481 |
Ensemble des enfants |
20,6 |
2 759 |
Adultes de 18 à 64 ans |
13,6 |
4 958 |
Adultes de 65 ans ou plus |
10,6 |
1 400 |
Ensemble de la population |
14,5 |
9 117 |
Source : Insee, revenus et patrimoine des français, 2024
Il est ainsi possible d’observer que le taux de pauvreté des enfants est supérieur au taux de pauvreté de la population générale. Pourtant, le taux de pauvreté des enfants serait en réalité sous-estimé, en raison d’un défaut de calcul. En effet, auditionnées par les rapporteures à l’Assemblée nationale, les chercheuses de l’Institut national d’études démographiques (Ined), Carole Bonnet, Anne Solaz, Marion Leturcq et Lidia Panico, ont détaillé les modalités de calcul utilisées. Ainsi, le calcul de la pauvreté monétaire s’opère à partir du niveau de vie, défini comme le revenu disponible des ménages. Il est divisé par une échelle d’équivalence et une mesure des unités de consommation, ce qui donne un revenu comparé à une ligne de pauvreté à 60 % du revenu médian des ménages. Dès lors qu’un ménage donné a un revenu inférieur à ce seuil, il est considéré que l’ensemble du ménage est pauvre. En conséquence, il y a donc trois éléments principaux qui rentrent actuellement dans le calcul de la pauvreté monétaire ([13]) :
– Les revenus disponibles ;
– Les unités de consommation ;
– La ligne de pauvreté.
Les chercheuses ont alerté les rapporteures sur le fait que le point souvent occulté des analyses est celui des unités de consommation, pourtant crucial. Généralement, en France, les administrations reprennent l’échelle de l’OCDE, modifiée, qui considère que :
– À un adulte, correspond une unité ;
– À toute personne âgée de plus de 14 ans, correspond 0,5 unité ;
– À tout enfant de moins de 14 ans, correspond 0,3 unité.
Seuil de pauvreté ([14]) selon la composition familiale
Source : Insee, revenu disponible mensuel correspondant au seuil de pauvreté selon la composition familiale, données annuelles 2022.
Or, les chercheuses affirment que cette échelle est en décalage, notamment avec la pauvreté quand elle est mesurée de manière subjective. Cette échelle conduit ainsi à une sous-estimation du nombre de familles pauvres, notamment s’agissant des familles monoparentales. Pour les chercheuses, une vraie question se pose à cet égard, d’autant plus que l’OCDE, elle-même, n’utilise plus cette échelle. ([15]) Les rapporteures estiment par conséquent qu’il serait utile de mener une réflexion sur la pertinence du maintien de cette échelle dans le calcul de la pauvreté.
● La pauvreté monétaire est un concept insuffisant et lacunaire pour décrire la réalité de la pauvreté telle qu’elle est vécue par les enfants. En effet, elle tend à gommer une de ses propriétés centrales, à savoir son aspect multidimensionnel. ([16]) La pauvreté est un cumul de difficultés : matérielles (se loger, se soigner, se nourrir, se laver), sociales (l’absence de pouvoir au sein de la société), culturelles (accès limité à certaines pratiques culturelles : musée, cinéma, opéra, théâtre, etc.) et relationnelles (liens distendus avec la famille, les amis, l’emploi, etc.). ([17]) La Défenseure des droits, Claire Hédon, a, lors de son audition, également insisté sur l’importance d’appréhender la pauvreté infantile dans cette logique multidimensionnelle, seule à même de décrire ce que vivent concrètement les enfants. Or, la pauvreté monétaire ne prend en compte qu’une seule dimension de la pauvreté. La majorité des personnalités auditionnées par les rapporteures ont relevé que la pauvreté infantile peine toujours à être appréhendée de cette manière parce qu’elle est très peu abordée comme un sujet d’étude à part entière.
La sociologue Vanessa Stettinger a ainsi regretté être parmi le peu de sociologues produisant des études empiriques sur ce sujet spécifique et que les pouvoirs publics ne consultent que rarement ce type de spécialistes. ([18])
B. le concept de pauvretÉ en conditions de vie
● Appréhender la pauvreté infantile par le concept de « privation » permet d’apprécier l’adéquation de leur situation matérielle à leurs besoins fondamentaux. Face au constat que les revenus du ménage ne reflètent pas toujours, à eux seuls, les conditions de vie de personnes présentes dans le foyer, a émergé dans la recherche anglo-saxonne le concept de « deprivation », traduit en français comme pauvreté en conditions de vie. ([19]) Il s’agit de mettre l’accent sur la privation des individus d’un certain nombre de biens qui leur sont essentiels. Selon Eurostat ([20]) , la pauvreté en conditions de vie est définie comme l’incapacité à couvrir au moins 5 dépenses parmi les 13 suivantes :
– Avoir eu des arriérés de paiement du loyer, d’un emprunt hypothécaire ou des factures d’eau/gaz/électricité dans les 12 derniers mois ;
– Pouvoir chauffer son logement ;
– Faire face à des dépenses imprévues ;
– Pouvoir consommer de la viande ou une autre source de protéines au moins tous les deux jours ;
– Pouvoir s’offrir une semaine de vacances hors du logement ;
– Posséder une voiture personnelle ;
– Capacité à remplacer des meubles abîmés ;
– Pouvoir acheter des vêtements neufs en remplaçant des vêtements abîmés ;
– Se réunir avec des amis ou de la famille autour d’un verre ou d’un repas au moins une fois par mois ;
– Posséder au moins deux paires de chaussures ;
– Dépenser une petite somme chaque semaine pour soi-même ;
– Avoir des activités de loisir régulières ;
– Avoir accès à Internet pour un usage privé.
Il n’y a toutefois pas d’équivalent Eurostat pour calculer la pauvreté en conditions de vie des enfants. Pourtant, appliqué aux enfants, ce concept permet de mettre l’accent sur l’impasse qui est faite sur leurs besoins spécifiques, rendant compte, au plus proche de leur réalité, de l’expérience de la pauvreté. En adoptant cette démarche, il s’agit d’appréhender la pauvreté en la définissant non plus en termes de comparaison d’un groupe de la population vis-à-vis d’un autre, mais comme un déficit d’accès à certains biens ou activités. ([21]) S’il peut y avoir un recoupement entre pauvreté monétaire et pauvreté en conditions de vie, celui-ci n’est pas systématique.
● Appréhender la pauvreté infantile par le concept de privation suppose le développement d’indicateurs empiriques, qui nécessitent des recherches fondées sur des cohortes d’individus. Les rapporteures ont auditionné des chercheuses de l’Ined, notamment Marion Leturcq et Lidia Panico, qui ont, par leurs travaux, réinterrogé la mesure de la pauvreté en conditions de vie des enfants en bas âge et ont mis en place de nouveaux indicateurs permettant d’adopter le point de vue de l’enfant. ([22]) Sont ainsi présentés ci-dessous certains des indicateurs qu’elles ont développés à cet égard.
Les indicateurs et définitions par dimensions de la pauvreté en condition de vie des enfants issus de la cohorte Elfe
Conditions de vie |
Indicateurs |
Conditions de vie matérielles |
Possibilité de se permettre de nouveaux vêtements |
Se permettre deux paires de chaussures par adulte dans le ménage |
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Se permettre de la viande ou du poisson une fois tous les deux jours |
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Saute au moins un repas par jour |
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Capacité à payer ses factures à temps |
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Capacité à chauffer le logement |
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Capacité à remplacer les meubles usés ou cassés |
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Pouvoir se permettre une semaine de vacances |
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Capacité à inviter des amis ou de la famille chez soi |
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Capacité à offrir des cadeaux au moins une fois par an |
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Conditions de logement |
Surpeuplement du logement |
Difficulté à chauffer le logement |
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Logement humide |
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Moisissures dans le logement |
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Logement bruyant |
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Conditions de logement extrêmes |
Eau chaude disponible |
Salle de bains dans le logement |
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Toilettes dans le logement |
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Implication parentale |
Les parents chantent des chansons à l’enfant |
Les parents parlent à l’enfant |
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Les parents restent calmes lorsqu’ils parlent à l’enfant |
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Les parents ont parfois des contacts peau à peau avec l’enfant |
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Les parents ont des contacts corporels lorsqu’ils jouent avec l’enfant |
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Allaitement pendant moins d’un mois |
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Les parents jouent avec l’enfant |
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Les parents lisent des livres à l’enfant |
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Les parents dessinent avec l’enfant |
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Pauvreté monétaire |
50 % de la médiane de la distribution du revenu équivalent disponible |
Source : Barbara Castillo Rico, Marion Leturcq, Lidia Panico, La pauvreté à la naissance des enfants en France, revue des politiques sociales et familiales, 2019, pp. 131-132.
Il ne suffit évidemment pas que l’enfant soit privé de l’un de ces éléments pour qu’il soit considéré comme pauvre en conditions de vie. En effet, l’enfant est considéré comme se trouvant dans une situation de privation s’il est privé d’un certain nombre d’indicateurs et qu’il est privé à un certain degré de chaque indicateur (les chercheuses proposent 25 % de chaque indicateur). Selon les chercheuses, pour qu’un enfant se trouve dans une situation de privation générale, il faut qu’il soit privé au moins à 40 % de deux dimensions de la pauvreté en conditions de vie. ([23]) Il est par ailleurs possible, comme le fait l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes) de prendre la durée de privation des indicateurs comme un indice important, en opposant ainsi pauvreté « transitoire », ne survenant qu’une fois, à la pauvreté « récurrente ». ([24])
Cependant, les chercheuses de l’Ined auditionnées par les rapporteures ont regretté que la mesure de la pauvreté infantile en France soit lacunaire, faute d’un nombre suffisant d’indicateurs, alors que la petite enfance est un moment crucial pour comprendre les trajectoires individuelles et les inégalités. ([25]) En retenant la pauvreté en conditions de vie comme critère de calcul de la pauvreté infantile, le résultat obtenu n’est pas le même que celui de la pauvreté monétaire. Ainsi, sur la base de la cohorte Elfe (voir infra), en France, les chercheurs ont établi que, parmi les enfants considérés comme pauvres en conditions de vie, seulement 35 % d’entre eux sont considérés comme pauvres monétairement. ([26]) Pauvreté monétaire et pauvreté en conditions de vie permettent de saisir des phénomènes différents – même s’il existe souvent une corrélation entre pauvreté monétaire et pauvreté en conditions de vie. ([27]) Les rapporteures soulignent, ainsi, l’importance d’avoir une vision globale et empirique de la pauvreté infantile, seule en mesure de se mettre « à portée d’enfant », adoptant le point de vue de celui-ci et son ressenti. Les rapporteures préconisent ainsi de valoriser davantage les travaux qui se focalisent sur la pauvreté en conditions de vie des enfants.
Pour réaliser leurs travaux et élaborer des indicateurs, les chercheurs ont besoin de données quantitatives, et notamment de cohortes. La première cohorte généraliste en France est la cohorte Elfe, avec des enfants nés en France en 2011. Grâce à celle-ci, en France, les chercheurs ont la possibilité de suivre 18 000 enfants à partir de la naissance. Si les études portant sur cette cohorte ont permis d’améliorer l’état des savoirs, les chercheurs qui ont été auditionnés par les rapporteures, qu’il s’agisse de démographes ([28]) ou de sociologues ([29]) , ont tous regretté que cette cohorte soit désormais vieillissante et que, pour affiner leurs travaux, ils ont besoin que de nouvelles cohortes, plus jeunes, soient mises en place. À défaut, les chercheurs tentent de reconstituer des cohortes d’enfants à partir d’autres données, en regroupant notamment des données de recensement, d’état civil, des impôts, etc. Il en résulte cependant qu’il est très coûteux pour les chercheurs de monter de grandes enquêtes, puisque l’accès aux données est payant. Ils réalisent donc un faible nombre d’enquêtes et privilégient un suivi passif par l’intermédiaire de l’administration. ([30]) Les rapporteures soulignent que la constitution d’une nouvelle cohorte généraliste est importante pour affiner les indicateurs et les connaissances sur les enfants en situation de pauvreté.
Recommandation n° 2 : les rapporteures recommandent que les administrations publiques s’appuient davantage sur la pauvreté infantile calculée en conditions de vie pour élaborer des politiques publiques ciblées.
Recommandation n° 3 : les rapporteures recommandent la mise en place d’une nouvelle cohorte généraliste qui permettrait d’approfondir la recherche sur la pauvreté infantile.
II. certains profils familiaux davantage affectÉs
Il est possible de dresser des portraits-types de familles davantage à risque de vivre dans la pauvreté, quoique les rapporteures insistent sur le fait qu’il faille se garder de toute généralisation, qui ne pourrait être qu’inexacte.
A. Les dÉterminants Économiques
Le contexte économique de la famille explique en grande partie la pauvreté infantile, déterminée essentiellement par la position des parents sur le marché de l’emploi, mais également par des éléments conjoncturels qui persistent dans le temps (inflation, Covid-19).
1. Les enfants de parents rencontrant des difficultés sur le marché du travail sont plus à risques de grandir dans la pauvreté
La pauvreté, même en conditions de vie, dépend évidemment des revenus du foyer. Ainsi, un grand nombre d’enfants en situation de pauvreté le sont soit parce que un ou leurs deux parents n’occupent pas d’emploi, soit parce qu’ils sont des travailleurs précaires.
● L’inactivité des parents est déterminante dans la situation de pauvreté vécue par les enfants. Selon les chercheuses de l’Ined, Carole Bonnet, Anne Solaz, Marion Leturcq et Lidia Panico, c’est surtout l’inactivité du père qui est un facteur déterminant de la pauvreté infantile. ([31]) Pour l’Observatoire des inégalités, environ 70 % des enfants élevés par un ou deux parents au chômage ou inactifs vivent dans la pauvreté et près de la moitié des enfants considérés comme pauvres n’ont aucun parent en emploi, et plus du quart ont un parent qui exerce une activité professionnelle et un autre inactif ou en recherche d’emploi. À l’inverse, moins de 10 % des enfants vivant dans la pauvreté ont deux parents qui travaillent. ([32]) Pour illustrer cette réalité, il est possible de décomposer, à titre d’exemple, la situation professionnelle des parents hébergés dans un centre d’hébergement d’urgence (CHU) que les rapporteures ont visité le 4 avril 2025.
insertion professionnelle des parents au sein du CHU de Marly-le-Roi
Source : visite du CHU de Marly-le-Roi
Une grande majorité des parents accueillis au CHU de Marly-le-Roi (46 %), est donc sans activité, ce qui confirme une surreprésentation des familles dont les parents sont éloignés de l’emploi dans les structures d’hébergement d’urgence. Par ailleurs, il faut également noter que seulement 11 % des parents du CHU sont bénéficiaires du RSA malgré le grand nombre de personnes sans emploi. Cela s’explique par une surreprésentation, également, de familles en situation irrégulière dans ces structures. En conséquence, le manque total de revenus explique en grande partie la situation de pauvreté des familles concernées. La rapporteure Caroline Parmentier attire l’attention sur le fait que l’immigration illégale est l’un des premiers facteurs d’appauvrissement de la famille et de la surcharge des structures visitées.
● Les chercheuses de l’Ined, Carole Bonnet, Anne Solaz, Marion Leturcq et Lidia Panico, lors de leur audition, ont relevé que les enfants qui vivent au sein de ménages considérés comme pauvres vivent souvent dans des familles avec un faible niveau de diplôme. Il en résulte que leurs parents exercent souvent des professions très peu rémunératrices et souvent à temps partiel ou en horaires décalés. ([33]) Il ressort à nouveau du graphique supra que 40 % des parents accueillis au CHU de Marly-le-Roi, tous issus de l’immigration, sont en position d’activité professionnelle. Or, au cours de leurs échanges avec les professionnels de la structure et les familles elles-mêmes, les rapporteures ont pu constater que leur situation de pauvreté malgré le fait que ces personnes travaillent s’explique par un très faible niveau de diplôme ne leur permettant d’accéder qu’à des emplois précaires très peu rémunérateurs, à de l’intérim, à du travail dans le bâtiment, le soin à la personne, le ménage… Par ailleurs, dans le cas de familles monoparentales, le directeur de l’école Pier Giorgio Frassati, Maxime Michel, rencontré par les rapporteures lors de leur visite de cette école le 4 avril 2025, a expliqué qu’il s’agit souvent de femmes qui cumulent plusieurs emplois précaires, souvent de nuit ou en horaires atypiques, qui ne leur permettent pas de vivre décemment. Il a expliqué aux rapporteures que cette précarité a des conséquences très importantes sur les conditions de vie des enfants, prenant l’exemple d’un élève de 8 ans qui doit déjà faire preuve d’autonomie. Le directeur a ainsi constaté, au sein de son établissement, que certains élèves arrivaient le ventre vide à l’école ou ne s’étaient pas lavés. Il a également pris l’exemple d’une autre élève dont la mère, bien qu’ayant un emploi, n’avait pas les moyens d’acheter des chaussures à la bonne taille pour sa fille. ([34]) La sociologue Vanessa Stettinger, qui étudie sur le terrain des familles vivant dans la pauvreté dans le nord de la France, a mis en avant que, dans un grand nombre de ces familles, les parents ont un travail, mais ne parviennent pas pour autant à en vivre. Les rapporteures tiennent à souligner leur inquiétude quant à l’inadéquation croissante entre le coût de la vie et le niveau des salaires, qui met en difficulté un nombre croissant de familles, y compris parfois lorsque les deux parents exercent une activité professionnelle. Elles attirent l’attention sur le fait que le travail doit être davantage rémunérateur et valorisé, et que l’on doit pouvoir vivre décemment de son salaire.
2. La récente crise inflationniste a contribué à une aggravation de la situation des familles déjà fragilisées par la pandémie de Covid-19
Le contexte économique dans lequel évoluent les familles a également été dégradé par la récente crise inflationniste qui s’est ajoutée aux difficultés accumulées déjà pendant la période de la crise sanitaire.
● Une grande partie des personnes qui ont été auditionnées par les rapporteures considèrent que l’explosion actuelle de la pauvreté, et notamment de la pauvreté infantile, est une conséquence de long terme de la pandémie de Covid-19. En effet, comme l’ont mis en lumière les Départements de France, un certain nombre de familles qui étaient en difficulté parvenaient à demeurer en dehors de la pauvreté grâce aux actions associatives ou en multipliant les emplois informels. Or, le confinement a fait plonger les familles qui étaient « au bord du précipice » dans celui-ci, et la situation de ces familles ne s’est pas automatiquement améliorée en sortie de confinement, notamment en lien, selon Départements de France, avec une aggravation des troubles de la santé mentale de la population. ([35]) La rapporteure Caroline Parmentier attire l’attention sur le fait que l’autre facteur apparent d’accroissement de la précarité est l’explosion de l’arrivée des immigrés en situation irrégulière que l’on ne peut ni héberger ni accueillir dignement.
● Le contexte inflationniste récent a participé à la mise en difficulté croissante des familles qui étaient déjà fragiles. Durant son audition, l’association Les Restos du cœur a fait savoir aux rapporteures que jamais au cours de son histoire le nombre de bénéficiaires n’avait été aussi élevé que depuis le début de cette crise inflationniste. De manière générale, les difficultés pour faire face au choc inflationniste sont concentrées sur les familles avec de faibles revenus, les familles monoparentales, les familles nombreuses, et celles avec de jeunes enfants. Le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) s’est intéressé à cette question dans un rapport qui a mis en exergue que ce sont les familles avec enfants qui ont été les plus touchées par la précarité alimentaire et que l’exposition à l’inflation est proportionnelle au nombre d’enfants. Marc Vannesson, directeur des programmes, et Camille Joubert, directrice de la lutte contre les exclusions de la Croix Rouge ont regretté, durant leur audition, que le prix des couches et de la nourriture infantile ait davantage augmenté que celui de l’ensemble des autres produits. ([36]) Le HCFEA considère que les mesures exceptionnelles de 2021 et 2022 (à savoir, les versements exceptionnels aux ménages et les mesures tarifaires) n’ont pas suffi à maintenir le pouvoir d’achat des familles et notamment que les mesures les moins ciblées ont été à la fois les plus coûteuses et les moins utiles aux familles avec enfants. ([37])
Les caractéristiques intrinsèques de la famille peuvent également être déterminantes dans la pauvreté infantile, qu’il s’agisse de sa composition ou de son origine.
Il est possible de dresser certains portraits-types de familles davantage à risque que d’autres d’entrer en situation de pauvreté, notamment les familles monoparentales et les familles nombreuses.
a. Les familles monoparentales
● La séparation des parents constitue un moment à risque, notamment pour les enfants les plus jeunes. Environ 4 % des enfants vivant avec leurs deux parents « entrent » dans la pauvreté chaque année tandis que ceux dont les parents se séparent sont 21,5 % à y entrer l’année de la séparation parentale, soit cinq fois plus nombreux. ([38]) Le taux de pauvreté est, en conséquence, bien plus élevé parmi les enfants dont les parents viennent de se séparer (29 %) que pour les enfants vivant avec leurs deux parents (13 %). ([39]) Cette entrée dans la pauvreté n’est pas que monétaire, mais elle induit également des conditions dégradées de logement. Ainsi, les séparations ont pour conséquence un déménagement pour 6 enfants sur 10 dans les 3 ans qui suivent la séparation, dont 38 % l’année même de la rupture parentale. Or, ce déménagement entraîne rarement un maintien des conditions de logement : après la séparation, moins d’enfants vivent dans un logement dont au moins l’un des parents est propriétaire, mais davantage dans un logement social, notamment pour ceux qui vivent avec leur mère. ([40]) En effet, si, trois ans avant la séparation, 15 % des enfants résident en logement social quand ils vivent avec leurs deux parents, cette proportion fait plus que doubler après une séparation pour les enfants vivant chez leur mère.
● Ce risque produit des effets bien au-delà de la séparation. De manière générale, les enfants dont les parents se séparent connaissent une baisse de leur niveau de vie de l’ordre de 15 % l’année de la séparation, puis de 10 % l’année suivante (par rapport à l’année précédant la séparation). ([41]) Même si un phénomène de rattrapage se met en place par la suite, il demeure que, cinq ans après la séparation, le niveau de vie moyen des enfants reste toujours inférieur de plus de 5 % à celui observé avant la séparation, ce qui montre qu’il y a des effets durables à l’entrée dans la pauvreté des enfants au moment de la séparation des parents, ([42]) d’autant plus que, même si la remise en couple postérieure du parent qui dispose de la garde permet d’atténuer la diminution du niveau de vie des enfants, cette remise en couple ne concerne que 5 % des enfants l’année suivant la séparation, près de 20 % trois ans après, près de 30 % dix ans après. Six ans après la séparation, 70 % des enfants vivent ainsi encore avec le parent qui dispose de la garde, seul. ([43]) Cinq ou six ans après la rupture, le risque de pauvreté des enfants dont les parents se sont séparés est encore supérieur de l’ordre de 21 % à 23 % par rapport aux enfants dont les parents sont encore ensemble ; ce « sur-risque » de pauvreté subsiste sur le long terme. ([44])
● Les enfants dont la garde est confiée à leur mère célibataire sont davantage touchés par la pauvreté. En effet, les chercheurs montrent que les enfants qui résident fiscalement principalement chez leur mère subissent une baisse de l’ordre de 24 % de leur niveau de vie avant la séparation, l’année où celle-ci intervient, tandis que cette baisse est de moitié moindre quand les enfants résident fiscalement chez leur père. La part de logement social est également plus élevée lorsque l’enfant habite avec sa mère. Dès l’année de la séparation, 34 % des enfants qui vivent principalement avec leur mère sont en logement social, et cette proportion croît chaque année pour atteindre 43 % quatre années après la séparation. ([45])Au niveau national, 41 % des enfants issus de familles monoparentales sont pauvres (et 46 % des enfants vivant avec leur mère isolée). ([46])
Toutes les personnes auditionnées ont également relevé une prévalence des familles nombreuses parmi celles qui subissent la pauvreté. Ainsi, selon l’Insee, le niveau de vie des enfants diminue en fonction du nombre de jeunes ([47]) vivant dans le ménage. ([48]) Le niveau de vie diminue encore plus lorsqu’un quatrième jeune est présent dans le foyer, avec une baisse de 25 %. En conséquence, la proportion d’enfants pauvres augmente avec le nombre de jeunes présents dans le ménage : elle passe de 24,8 % pour trois jeunes à 35,4 % pour quatre jeunes et atteint même 65,6 % pour cinq jeunes ou plus. Plus de la moitié des enfants pauvres vivent ainsi avec au moins deux autres jeunes. ([49]) À savoir, souligne la rapporteure Caroline Parmentier, que ce phénomène intervient dans des familles déjà fragilisées financièrement. Une famille à revenus moyens ne tombe pas dans la grande pauvreté parce qu’elle a un ou deux enfants supplémentaires.
Niveau de vie et pauvreté des enfants selon le nombre de jeunes dans le ménage en 2021
Nombre de jeunes (enfants ou jeunes de moins de 25 ans) présents dans le ménage |
Niveau de vie annuel (en euros et par an) |
Taux de pauvreté (en %) |
Enfants pauvres (en milliers) |
|
Moyen |
Médian |
|||
1 |
25 920 |
23 010 |
14,0 |
368 |
2 |
26 290 |
22 850 |
14,7 |
887 |
3 |
21 950 |
18 740 |
24,8 |
774 |
4 |
18 760 |
15 350 |
35,4 |
391 |
5 ou plus |
13 760 |
12 330 |
65,6 |
339 |
Source : Insee, Les revenus et le patrimoine des ménages, édition 2024
Les rapporteures regrettent ce constat, en décalage avec la volonté exprimée par le gouvernement de relancer la natalité. La rapporteure Béatrice Piron recommande de mener une étude sur les montants des allocations familiales, en particulier pour les familles nombreuses, afin d’éviter que la naissance d’un enfant ne les fasse basculer sous le seuil de pauvreté.
Recommandation n° 4 : les rapporteures préconisent la mise en place d’une étude sur les montants des allocations familiales, notamment pour les familles nombreuses, afin d’éviter que la naissance d’un enfant ne les fasse basculer sous le seuil de pauvreté.
2. Les familles issues de l’immigration
La pauvreté infantile est également plus élevée au sein des familles qui sont issues de l’immigration. Selon l’Insee, le taux de pauvreté des immigrés s’élève à 30,6 %, soit 17,9 points de plus que celui des non-immigrés. Bien qu’ils représentent environ 10 % de la population française, les immigrés constituent ainsi 21 % des personnes pauvres. Les populations d’origine africaine sont particulièrement concernées, avec un taux de pauvreté de 35,9 % contre 22,7 % pour celles d’origine européenne. ([50]) Ainsi, la proportion de la population d’origine immigrée dans la population pauvre est importante : en 2019, les immigrés et leurs descendants de première génération représentaient environ 42,4 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté, alors qu’ils ne constituent que 21,4 % de la population totale, ce qui traduit une surreprésentation significative. ([51])
De manière purement factuelle, lors de leurs déplacements, que ce soit dans des centres d’hébergement d’urgence ou dans des lieux occupés par des collectifs pour mettre des familles à l’abri, les rapporteures ont pu constater une surreprésentation de familles étrangères, très majoritairement en situation irrégulière. En effet, cette situation ne leur permettant, par définition, pas de travailler, il s’ensuit que ces familles se trouvent sans revenus, et que les enfants présents dans le foyer subissent la pauvreté.
C. Les dÉterminants gÉographiques
Des déterminants géographiques peuvent également constituer des facteurs explicatifs de la pauvreté infantile, notamment pour les enfants qui grandissent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et ceux qui grandissent dans certains départements ou régions d’Outre-mer (DROM).
1. L’exemple des quartiers prioritaires de la politique de la ville
Les données soumises aux rapporteures démontrent que, quel que soit le type de privation subi, les enfants vivant dans un quartier de la politique de la ville se trouvent systématiquement dans une situation plus défavorisée que ceux vivant dans un autre type de quartier, par un « effet cumulatif ». ([52]) En effet, selon l’Unicef, la privation matérielle touche 20 % des enfants vivant dans les quartiers de la politique de la ville. ([53]) À l’inverse, Christophe Sanchez, directeur de l’innovation du think tank Break Poverty a partagé avec les rapporteures une étude canadienne qui a constaté que l’augmentation du nombre de familles aisées dans un quartier a une incidence positive sur le développement des compétences cognitives et comportementales des enfants de ce quartier. ([54]) En France, des chercheurs suggèrent qu’une partie non négligeable de l’échec scolaire s’explique par des effets de voisinage, l’échec et la pauvreté des familles des uns entraînant l’échec des autres. ([55]) Au-delà de l’influence entre pairs, d’autres facteurs liés au quartier interviennent sur le développement des enfants, tels que la mise à disposition par la collectivité d’équipements à destination des enfants (parcs, aires de jeux, piscines, etc.). ([56]) Or, les enfants grandissant dans les quartiers de la politique de la ville paraissent davantage sujets à tous les types de privation que ceux grandissant dans d’autres quartiers et sont également soumis, d’après l’Unicef, à davantage de rejet social et à un déficit de protection. ([57]) À titre d’illustration, à l’occasion d’un déplacement dans les Yvelines le 4 avril 2025, les rapporteures ont été informées par le Secours populaire que plus de 30 % des enfants vivent sous le seuil de pauvreté dans certaines zones comme Trappes, Chanteloup-les-Vignes et Mantes-la-Ville. ([58]) L’association souligne que ces enfants grandissent dans un isolement social très important qui empêche, de fait, toute action pour lutter contre la reproduction sociale et les inégalités.
2. L’exemple des départements et régions d’Outre-mer
La situation des enfants des territoires ultra-marins est également plus dégradée que les enfants grandissant en Hexagone. Selon les constats de l’Unicef, 6 enfants sur 10 grandissant en Guyane sont pauvres ; c’est également le cas de 8 enfants sur 10 à Mayotte. ([59]) La délégation aux droits des enfants, qui s’est rendue en Guyane du 28 novembre au 5 décembre 2024 ([60]) , a en effet pu constater une pauvreté importante des enfants sur ce territoire, notamment dans l’Ouest guyanais, à Saint-Laurent-du-Maroni, où une part très importante des enfants souffre de la faim, du manque d’eau potable, et de privations matérielles extrêmes (pas de vêtements ou de chaussures à leur taille, hébergement dans des bidonvilles, squats ou autres quartiers informels, insécurité…). Par ailleurs, comme les rapporteures l’ont déjà exposé supra, il y a une surreprésentation des familles monoparentales parmi les familles pauvres. Or, ces familles monoparentales sont nombreuses dans les territoires d’Outre-mer. Si, en moyenne nationale, en 2020, une famille sur quatre était une famille monoparentale, cette proportion est plus importante dans les territoires ultramarins, atteignant jusqu’à 40 % en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique. ([61])
*
* *
deuxiÈme partie : la rÉduction de la pauvretÉ des parents pour combattre la pauvretÉ infantile
Face au constat d’une pauvreté infantile croissante, les pouvoirs publics doivent réagir, d’autant plus que le coût de l’inaction est plus élevé pour la société que celui de l’action. En effet, lors de son audition à l’Assemblée nationale, Noam Leandri, le président du collectif Alerte, a présenté aux rapporteures une étude démontrant que l’investissement social contre la pauvreté est rentable pour les pouvoirs publics car 67 milliards de coûts indirects peuvent être évités avec 9 milliards d’euros d’investissement social par an en moyenne sur dix ans. Les coûts indirects de la pauvreté dans différents domaines (santé, éducation, justice…) sont évalués à 39 milliards d’euros et la pauvreté représente également une perte de recettes pour l’État (TVA, cotisations sociales et patronales liées au retour à l’emploi). D’un point de vue strictement budgétaire, la France n’a donc pas seulement les moyens d’éradiquer la pauvreté ; elle y a intérêt. Comme « les enfants pauvres n’existent pas », pour réduire la pauvreté infantile, la réponse la plus logique est de lutter contre la pauvreté de leurs parents. Cela suppose donc à la fois de soutenir le budget des familles par des mécanismes redistributifs, voire des aides directes, ainsi que de favoriser l’accompagnement des parents vers l’emploi. Or, pour cela, il est nécessaire de développer les modes d’accueil pour leurs jeunes enfants. Cela présente, selon les rapporteures, un double avantage : d'une part, l’accueil de ces jeunes enfants permet de réduire la pauvreté économique des parents ; d'autre part, il favorise également l'intégration sociale des enfants — notamment par l'apprentissage du français — pour une meilleure réussite scolaire future.
Lutter contre la pauvreté des familles en soutenant leur budget suppose de corriger certaines imperfections du système de redistribution ainsi que de favoriser des aides directes en faveur des ménages les plus fragiles.
A. le systÈme de redistribution, bien que perfectible, soutient efficacement le budget des familles
Le système actuel de redistribution sociale est globalement efficace pour résorber les inégalités. Cependant, le phénomène du non-recours aux droits enraye cette dynamique et nécessite une réponse ambitieuse des pouvoirs publics.
1. L’efficacité des mécanismes de redistribution
Globalement, la redistribution est efficace pour lutter contre la pauvreté des familles. Cependant, certaines modalités doivent être corrigées au service des familles précaires.
a. La redistribution demeure efficace pour lutter contre la pauvreté des familles
L’efficacité des différents dispositifs de redistribution actuellement existants est établie.
i. Les dispositifs de redistribution au profit des familles
Différents mécanismes de redistribution existent actuellement pour aider financièrement les familles, qu’il s’agisse de prestations en fonction des revenus, ou des prestations universelles, qui sont, selon les cas, majorées en fonction des revenus.
● Les prestations en fonction des revenus
– L’Allocation de soutien familial (ASF) est versée à la personne qui élève seule son enfant. Les montants, du 1er avril 2024 au 31 mars 2025, transmis par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) aux rapporteures, s’élèvent, pour un parent isolé, à 195,86 euros par enfant à charge ; pour le recueil ([62]) d’un enfant, à 261,06 euros par enfant à charge. Pour percevoir cette aide, il faut que le montant de la pension alimentaire, s’il y en a une, soit inférieur à 195,86 euros. Le versement s’arrête dès que le parent concerné reprend une vie de couple (concubinage, pacs, mariage…). ([63])
– Le revenu de solidarité active (RSA) assure aux personnes sans ressources un niveau minimum de ressources qui varie selon la composition du foyer. Le RSA est ouvert, sous certaines conditions, aux personnes d’au moins 25 ans et aux jeunes actifs de 18 à 24 ans s’ils sont parents isolés et justifient d’une certaine durée d’activité professionnelle. 33 % des bénéficiaires du RSA sont des familles monoparentales, dont 94 % de femmes.
– La prime d’activité (PA) a pour objet d’inciter les travailleurs (salariés ou non-salariés) aux ressources modestes à exercer ou à reprendre une activité professionnelle et à soutenir leur pouvoir d’achat. Il faut avoir plus de 18 ans pour prétendre à cette aide sociale. 21 % des bénéficiaires sont des familles monoparentales, dont 90 % sont des femmes.
● Les prestations universelles ou majorées selon les ressources (soutien aux familles avec enfants)
– Les allocations familiales (AF) sont versées dès le deuxième enfant et modulées selon les revenus du ménage, elles bénéficient à plus de 4,5 millions de familles. Pour les familles nombreuses les plus modestes, elles sont complétées par le complément familial (CF).
– La prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) inclut la prime à la naissance/adoption, l’allocation de base et le complément de libre-choix du mode de garde (CMG). Elle permet de réduire le coût de l’arrivée d’un enfant et d’aider à son éducation dès les premiers mois.
– L’allocation de rentrée scolaire (ARS) aide les familles modestes à faire face aux dépenses scolaires. Elle est versée à près de 3 millions de familles chaque année.
– Les compléments de libre-choix d’activité et de mode de garde (CMG) aident les familles à mieux articuler vie professionnelle et familiale.
● Les prestations pour favoriser l’accès au logement et réduire la pauvreté infantile. Un certain nombre de prestations permettent également de réduire le coût du logement pour les ménages modestes, notamment les aides personnalisées au logement (APL, ALF, ALS). Cependant, tandis que les difficultés pour se loger n’ont jamais été aussi importantes, le nombre de bénéficiaires n’a pas augmenté et a même légèrement reculé, entre le 1er mars 2023 et le 1er mars 2024. ([64])
ii. L’efficacité de ces dispositifs
Les prestations familiales jouent un rôle protecteur contre la pauvreté monétaire puisque, toutes configurations familiales confondues, elles abaissent en moyenne le taux de pauvreté des enfants de 7,2 points. ([65]) Leur effet est particulièrement fort au sein des couples ayant au moins trois enfants, pour lesquels le taux de pauvreté diminue de 13,2 points après prise en compte des prestations familiales dans le revenu disponible. Le taux de pauvreté des enfants diminue également d’une même ampleur au sein des familles monoparentales de deux enfants ou plus (-13,3 points). ([66]) Ajoutées aux prestations familiales, les autres prestations (aide au logement, prime d’activité, minima sociaux et aide exceptionnelle de solidarité) contribuent également à réduire le taux de pauvreté des enfants de 14,3 points. ([67]) Le taux de pauvreté des enfants baisse notamment sous l’effet des aides au logement (-6,6 points pour les familles monoparentales avec un enfant et -4,8 points pour celles avec deux enfants) et de la prime d’activité (respectivement, -7,6 et -5,2 points). Le revenu de solidarité active (RSA) a, quant à lui, un effet modéré sur le taux de pauvreté des enfants, car le montant minimal garanti par le RSA reste en-dessous du seuil de pauvreté. ([68]) Aussi, même si les chiffres ne sont pas actualisés, les dernières données disponibles confirment bien que les prestations sociales produisent des effets positifs sur la résorption de la pauvreté infantile. Les rapporteures soulignent cependant qu’il serait nécessaire d’évaluer plus régulièrement leur impact sur la base de données actualisée.
b. Certaines modalités du système de redistribution doivent être modifiées
Si, globalement, les mécanismes de redistribution sont efficaces pour atténuer la pauvreté infantile, il conviendrait cependant, pour en améliorer l’effectivité, de revaloriser certaines prestations au regard de l’inflation, de déclencher les allocations familiales dès le premier enfant pour les familles les plus modestes et de déconjugaliser l’ASF.
i. Revaloriser certaines prestations familiales et de solidarité au regard de la crise inflationniste
Lors de son audition à l’Assemblée nationale, Sylviane Giampino, vice-présidente du Haut conseil à la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), a présenté aux rapporteures les difficultés auxquelles font face les familles bénéficiaires des prestations sociales au regard de la crise inflationniste. Elle a ainsi précisé que les prestations familiales et de solidarité ont perdu 4 % de pouvoir d’achat entre 2021 et 2023. ([69]) Si des mesures exceptionnelles ont été prises, Sylviane Giampino regrette qu’elles n’aient pas été en mesure de compenser intégralement la perte de pouvoir d’achat des bénéficiaires. Aussi, dans le rapport du HCFEA sur le pouvoir d’achat des familles face au choc d’inflation ([70]) , il est notamment proposé de :
– Revaloriser davantage les prestations familiales et de solidarité de façon à stopper la perte de pouvoir d’achat de ces prestations ;
– Mettre en place un mécanisme de revalorisation supplémentaire automatique dès que l’inflation dépasse 2 % depuis la précédente revalorisation (sur le modèle de l’indexation du Smic).
Les rapporteures apportent leur soutien à ces recommandations, surtout en ce qui concerne la revalorisation des prestations familiales, qui doit être, une priorité.
Recommandation n° 5 : les rapporteures préconisent de compenser l’inflation subie par les bénéficiaires des prestations familiales et de solidarité afin de limiter leur perte de pouvoir d’achat.
Recommandation n° 6 : les rapporteures recommandent d’évaluer l’efficacité des prestations familiales à échéance régulière, tous les 2 ou 3 ans, afin de vérifier que l’objectif fixé est atteint ainsi que de disposer de données précises.
ii. Déclencher les allocations familiales dès le premier enfant pour les familles les plus pauvres
Actuellement, les allocations familiales ne se déclenchent qu’à partir du deuxième enfant. La Cnaf justifie cette situation par le fait que, historiquement, la politique familiale française s’est construite autour du modèle de la famille avec deux enfants, qui était considérée comme une norme. Aussi, le but est d’inciter le passage d’un à deux enfants, et encore davantage celui de deux à trois enfants, avec des dispositifs supplémentaires (comme le complément familial, qui permet une majoration de l’allocation). ([71]) Si la Cnaf souligne cependant qu’il existe déjà des droits aux prestations familiales s’ouvrant dès le premier enfant (prime à la naissance, CMG, allocation de base pour les enfants de 0 à 3 ans, allocation de rentrée scolaire), il ne paraît toutefois plus justifié que les allocations familiales ne se déclenchent qu’à partir du deuxième enfant. Cette situation ne paraît plus satisfaisante au regard de l’accroissement de la précarité des familles, et cela dès le premier enfant. La déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, lors de son audition, a estimé qu’il serait utile d’ouvrir le droit aux allocations familiales dès le premier enfant, mais pas dans une logique universelle. Selon elle, pour lutter efficacement contre la pauvreté infantile, il serait utile d’ouvrir les prestations familiales dès le premier enfant aux deux premiers quintiles de la population. Les rapporteures estiment cependant que, pour éviter le stress lié au coût de la naissance d’un enfant et favoriser la natalité, il serait plus pertinent d’ouvrir le droit aux prestations familiales dès le premier enfant pour toute la population.
Recommandation n° 7 : les rapporteures recommandent d’ouvrir le droit aux prestations familiales dès le premier enfant.
iii. Redéfinir les modalités de fonctionnement de la redistribution à destination des familles monoparentales
● Si la redistribution sociale est également efficace s’agissant des familles monoparentales, le système des prestations familiales tel qu’il a été construit ne paraît plus adapté, selon Anne Rubinstein, aux évolutions de la société et à la diversité des familles d’aujourd’hui. Ainsi, la déléguée interministérielle souligne que la plupart des allocations sociales demeurent conjugalisées. L’allocation parent isolé (API) a été créée en 1976 puis remplacée en 1984 par l’allocation de soutien familial (ASF) en cas de défaillance du parent non-gardien dans le versement de la pension alimentaire. Ainsi, si l’ASF a fortement augmenté au cours de la décennie actuelle (+134 % depuis 2013) face aux besoins des familles monoparentales, et en particulier au 1er novembre 2022 pour atteindre 195 euros par mois et par enfant en 2024, elle demeure conjugalisée et n’est pas adaptée à la situation réelle des familles, notamment dans le cadre de la remise en couple du parent gardien puisque celle-ci n’entraîne pas nécessairement l’augmentation des revenus du foyer, le beau-parent n’étant pas dans l’obligation de contribuer aux dépenses de l’enfant de son conjoint et n’ayant aucun statut dans la vie de l’enfant. En conséquence, les rapporteures soutiennent la déconjugalisation de l’ASF.
Recommandation n° 8 : les rapporteures soutiennent la déconjugalisation de l’ASF.
● Au-delà des transferts publics, l’effectivité des transferts privés doit être garantie. En sus des transferts publics, les transferts privés présentent en effet une importance majeure pour les mères célibataires, par l’intermédiaire de la pension alimentaire. Cependant, leur effectivité n’est pas toujours garantie, ce qui tend à appauvrir les conditions matérielles de vie des enfants. Pour remédier aux difficultés liées au non-paiement des pensions alimentaires, la Cnaf a mis en place un service d’intermédiation financière dans le cadre du service public des pensions alimentaires, géré par l’Agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires (Aripa). Avec ce dispositif, les Caisses d’allocations familiales (Caf) jouent un rôle d’intermédiaire entre les parents séparés en collectant la pension alimentaire, tous les mois, auprès du parent qui la paie, pour la reverser au parent bénéficiaire. Déjà automatique après un jugement, l’intermédiation financière restait accessible sur demande pour toutes les autres séparations. Depuis le 1er janvier 2023, la mise en place de l’intermédiation financière est systématique pour toutes les situations de séparation et de divorce. Lors de son audition à l’Assemblée nationale, le directeur général de la Cnaf, Benjamin Grivel, a indiqué que ce nouveau système mis en place permet déjà de réduire le non-paiement des pensions alimentaires. Pourtant, les chercheuses de l’Ined auditionnées par les rapporteures, Carole Bonnet, Anne Solaz, Marion Leturcq et Lidia Panico, ont avancé que la proportion de pensions alimentaires non payées au parent ayant la garde exclusive de l’enfant continue d’augmenter, malgré l’Aripa, et ont appelé de leurs vœux l’étude de la mise en place d’un système comparable à celui qui prévaut au Québec, où l’État prélève directement sur le compte bancaire du parent qui ne paie pas la somme correspondant à la pension alimentaire qu’il a été condamné à payer et vis-à-vis de laquelle il se trouve en défaut. ([72]) La mise en place systématique de cette intermédiation semble cependant encore trop récente pour pouvoir préjuger de son efficacité. Il conviendra d’en suivre les évolutions et d’évaluer l’impact de sa mise en place dans les prochaines années.
2. La lutte contre le non-recours aux droits
● Si le système redistributif est globalement efficace, il ne l’est qu’à l’égard de ceux qui en font la demande. Or, le non-recours aux droits est un phénomène d’ampleur, qui tend à fragiliser les familles et à amplifier la pauvreté infantile. Ainsi, selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), le taux de non-recours à certaines prestations dépasse en moyenne 30 %. Ce phénomène de non-recours, dont la résorption est stratégique pour l’éradication de la pauvreté infantile, s’explique par diverses raisons : non-connaissance des dispositifs, non-demande par découragement face aux procédures, manque d’orientation… ([73]) Lors de son audition à l’Assemblée nationale, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a également souligné le problème que cause la généralisation du numérique en termes de non-recours aux droits, en soulignant que près d’un tiers de la population française est éloignée du numérique alors qu’en parallèle, les démarches numériques se généralisent pour tous les services publics. La Défenseure des droits a insisté sur l’importance de permettre, pour chaque démarche administrative, de pouvoir le faire à un guichet : le numérique doit être une simple possibilité pour les démarches, et jamais une obligation. Les rapporteures soutiennent ces propos, constatant, y compris dans leurs circonscriptions, une difficulté croissante des administrés à effectuer leurs démarches administratives en raison de la généralisation de la numérisation des services. Elles considèrent également qu’il est impératif de laisser la possibilité aux administrés, pour chaque démarche, de pouvoir l’effectuer, s’ils le souhaitent, en présentiel, au guichet, avec un agent pour les orienter.
Recommandation n° 9 : les rapporteures préconisent de garantir, pour chaque démarche administrative, un libre-choix des administrés entre une démarche numérique ou en format papier.
● Les Maisons France Services constituent un dispositif salutaire mais insuffisant. La Défenseure des droits, Claire Hédon, a souligné en audition que, bien que les Maisons France Services produisent des effets positifs, les agents qui s’y trouvent ne sont pas des agents des Caf. Or, selon elle, il serait nécessaire que des agents des Caf y soient déployés pour traiter au mieux les demandes sur le terrain. ([74]) Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes sur le programme France Services (2020-2023), publié le 4 septembre 2024, a également mis l’accent sur le fait que, si les Maisons France Services fonctionnent assez bien en zone rurale, ce n’est pas le cas, par exemple, dans les quartiers prioritaires de la ville. Selon la Défenseure des droits, cela conduit à une immense colère sociale de la part de demandeurs sans réponse des administrations.
Recommandation n° 10 : les rapporteures recommandent de maintenir le budget France Service et le budget des conseillers numériques, afin de pérenniser l’accompagnement des administrés dans leurs démarches.
● Pour lutter contre le non-recours aux droits, les Caf, sous l’impulsion de la Cnaf, ont déployé diverses initiatives visant à simplifier l’accès aux droits et faciliter les démarches :
– La solidarité à la source doit permettre de faciliter l’accès au RSA et à la prime d’activité en permettant le pré-remplissage automatique des déclarations trimestrielles de ressources. Les employeurs transmettent ainsi directement les revenus aux Caf, ce qui simplifie les démarches pour les allocataires.
– Les Caf ont mis en place des « parcours attentionnés » pour les publics les plus vulnérables, basés sur une intervention coordonnée. Ce dispositif vise à répondre aux demandes d’accompagnement des équipes de centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), à informer les personnes et les familles en difficulté sur leurs droits et l’accès aux prestations et à simplifier les démarches pour le traitement des dossiers des allocataires.
– Depuis 2014, la Cnaf a lancé une initiative, le « rendez-vous des droits », visant à diminuer le non-recours aux prestations sociales, dans une approche de guichet unique. Les Caf offrent ainsi aux allocataires les plus vulnérables un entretien personnalisé qui permet de faire le point sur un large éventail de droits sociaux, qu’ils soient gérés ou non par les Caf. En 2024, 319 622 « rendez-vous des droits » ont permis la valorisation de 98 040 nouveaux droits, soit pour plus d’un tiers des allocataires rencontrés, ([75]) ce qui démontre bien l’efficacité de rencontrer des personnes physiques pour appuyer les démarches des allocataires.
Ces initiatives doivent être valorisées pour permettre un meilleur recours à leurs droits par les familles en situation de précarité, et les rapporteures insistent sur la nécessité, pour ce faire, d’évaluer le coût lié à la présence d’agents des Caf disponibles physiquement pour accueillir le public demandeur.
Recommandation n° 11 : les rapporteures préconisent de créer un guichet unique numérique, intelligible, répertoriant l’ensemble des dispositifs et services d’aides pour les familles.
B. le soutien au budget des familles nécessite également une baisse de la tva sur les produits destinés aux bébés
L’inflation récente a eu pour conséquence de rendre inaccessibles un certain nombre de biens pourtant nécessaires aux familles les plus pauvres, notamment les produits d’hygiène pour bébés, ainsi que certains produits alimentaires, tels que le lait. Lors de son audition à l’Assemblée nationale, l’association Apprentis d’Auteuil a relaté les difficultés que cette situation peut induire, en prenant l’exemple d’un nombre croissant de jeunes enfants grandissant dans des familles pauvres qui sont nourris avec de la farine mélangée à de l’eau, ce qui ne garantit pas les apports nutritionnels nécessaires à la construction du bébé et tend à favoriser l’obésité infantile. ([76]) Au regard des prix de denrées nécessaires pour le développement physique des enfants, les rapporteures estiment qu’il serait pertinent d’initier une réflexion sur la mise en place d’une aide directe aux familles pour acquérir ce type de biens. Au lieu de dons faits par des associations aux personnes en situation de pauvreté, Denis Metzer, le président du think tank Break Poverty, et Valérie Daher, sa directrice générale, estiment qu’il serait plus efficace de mettre en place un « chèque bébé » à destination des parents les plus démunis pour leur permettre d’acheter des produits alimentaires et d’hygiène pour les bébés. Cependant, les rapporteures sont davantage convaincues par une approche plus structurelle qui passerait par une baisse de la TVA sur les produits d’hygiène et d’alimentation pour bébés, ce qui aurait, selon elles, un impact plus direct et durable sur le budget des familles. Depuis le 1er janvier 2023, le taux de TVA réduit de 5 % s’applique aux produits pour bébés, y compris les couches et les produits alimentaires spécialement conçus pour les nourrissons et jeunes enfants. Les rapporteures estiment qu’une baisse plus prononcée, voire une suppression de la TVA sur ces produits, s’avère nécessaire.
Recommandation n° 12 de Mme Piron : la rapporteure recommande de baisser le taux de TVA sur les produits alimentaires et d’hygiène pour bébés.
Recommandation n° 13 de Mme Parmentier : la rapporteure recommande la suppression de la TVA sur les produits alimentaires et d’hygiène pour bébés.
II. lutter contre la pauvretÉ infantile en encourageant l’activité professionnelle des parents
Le premier levier de lutte contre la pauvreté infantile réside dans la facilitation de la reprise d’activité professionnelle des parents, notamment en développant les modes d’accueil pour les enfants des milieux défavorisés.
A. faciliter la reprise d’une activité professionnelle
Les rapporteures souhaitent, en préalable, insister sur la nécessité de mieux accompagner les parents vers l’emploi, qui est le premier moyen de lutter efficacement contre la pauvreté infantile. Les rapporteures soulignent en effet que les politiques de lutte contre la pauvreté ne doivent pas simplement consister à pallier la situation de précarité, mais à emmener les bénéficiaires des aides prévues par l’État vers un parcours de « droit commun ». Ainsi, le versement d’aides financières ou de prestations sociales et familiales aux familles fragilisées ne constitue pas une fin en soi. L’objectif du système d’aide à ces familles doit être, avant tout, de les accompagner vers un emploi qui leur permette de subvenir seuls à leurs besoins. Pour ce faire, les rapporteures estiment qu’il est nécessaire de renforcer les dispositifs existants pour accompagner ceux qui en sont éloignés vers la reprise d’un emploi. À cet égard, les rapporteures se félicitent de la logique prise par le Pacte des solidarités, avec une part importante des financements qui est consacrée aux actions favorisant le retour à l’emploi et consacrant une part conséquente à la mise en œuvre de la loi plein emploi. Elles remarquent aussi que l’orientation prise par la réforme du RSA est davantage incitatrice à la reprise d’activité. Cette incitation à reprendre un emploi doit cependant aller de pair avec un accompagnement social ambitieux. Les pistes d’amélioration du service public de l’insertion débordent cependant le cadre du présent rapport, et les rapporteures ne développeront pas ce point, bien qu’elles mettent l’accent sur la priorité à donner à l’emploi.
Par ailleurs, la rapporteure Béatrice Piron souligne qu’un autre frein majeur à la reprise d’une activité professionnelle réside dans la situation irrégulière d’un grand nombre de personnes en situation de pauvreté. Les rapporteures ont pu constater que de nombreux parents hébergés en centres d’hébergement d’urgence (CHU) sont en attente de documents administratifs ou dans l’attente du renouvellement de leur titre de séjour. Or, la lenteur des services préfectoraux entraîne des délais d’attente de plusieurs mois, voire de plusieurs années, avant l’obtention d’une autorisation de travail. Pendant cette période, ces personnes demeurent donc sans activité, à la charge de l’État. Lorsque ces personnes accèdent enfin à l’emploi, elles restent souvent en hébergement d’urgence faute d’accès rapide au logement social, ce qui prolonge encore leur présence en CHU. À cela s’ajoute un cercle vicieux : si leur titre de séjour expire avant le renouvellement, les personnes concernées perdent leur emploi et doivent recommencer tout le parcours, toujours à la charge de l’État. Cette situation souligne que l’engorgement des CHU n’est pas uniquement lié aux capacités d’hébergement, mais aussi à la lenteur administrative dans la délivrance et le renouvellement des titres de séjour et autorisations de travail.
Recommandation n° 14 de Mme Piron : la rapporteure recommande d’accélérer les procédures visant à obtenir une autorisation de travail et à doubler la durée des titres de séjour pour alléger le travail des préfectures, ainsi qu’économiser sur les dépenses de l’État au titre de l’hébergement d’urgence.
En tout état de cause, même avec un accompagnement social de qualité, les familles ne peuvent reprendre un emploi à défaut de solution d’accueil pour leurs jeunes enfants. Le service public de la petite enfance en France souffre de nombreuses limites, notamment un manque criant de places en crèche et une répartition inégale sur le territoire. Malgré les annonces ambitieuses du gouvernement visant à améliorer l’accueil des jeunes enfants, la réalité sur le terrain reste marquée par des délais d’attente importants et des difficultés de recrutement de personnel qualifié. Ainsi, l’écart persiste entre les promesses politiques et les solutions concrètes offertes aux familles. En conséquence, le service public de la petite enfance (SPPE) doit être mobilisé afin d’accroître les offres à destination des jeunes enfants issus des familles les plus précaires. Toutefois, l’accueil formel des jeunes enfants, loin de ne constituer qu’une modalité facilitatrice d’emploi, est également à encourager pour les enfants grandissant dans la pauvreté, car il leur est bénéfique.
B. accompagner les parents vers la reprise d’un emploi grÂce au service public de la petite enfance
Pour lutter contre la pauvreté infantile, il est nécessaire de mobiliser le service public de la petite enfance (SPPE) pour privilégier l’accès aux établissements d’accueil des jeunes enfants (EAJE) pour les enfants de milieux défavorisés. Malgré différents dispositifs mis en place par la Cnaf pour corriger cette situation, l’accès aux EAJE demeure particulièrement inégalitaire en France.
1. La persistance de fortes inégalités d’accès aux établissements d’accueil des jeunes enfants
La France est marquée par une situation paradoxale en matière de modes d’accueil des jeunes enfants, avec une offre importante mais une forte inégalité d’accès : 68 % des enfants des familles les 20 % plus riches ont accès à un mode de garde formel (collectif ou individuel) et seulement 9 % pour les plus pauvres (rapport de 1 à 7). ([77]) Selon les chiffres transmis par la Cnaf ([78]) , les enfants des familles allocataires les plus modestes – celles dont les ressources sont sous le seuil de bas revenu calculé par l’Insee – sont 23 % à être confiés à un mode d’accueil formel en 2022, contre 74 % de ceux dont les familles ont des revenus plus élevés. Ainsi, en décembre 2022, les enfants de moins de 3 ans des familles sous le seuil de bas revenu sont 89 000 à être accueillis dans un EAJE financé par la PSU, 3 900 à être accueillis dans une micro-crèche financée via le complément mode de garde versé aux parents (Paje) et 29 900 à être confiés à une assistante maternelle. Ils représentent 18 % des enfants accueillis en EAJE PSU, 5 % de ceux accueillis en micro-crèche Paje et 6 % de ceux confiés à une assistante maternelle, alors qu’ils représentent 28 % des enfants de moins de trois ans de familles allocataires en 2022. ([79])
Lors de leur déplacement dans le centre d’hébergement d’urgence (CHU) de Marly-le-Roi, le 4 avril 2025, les rapporteures ont pu échanger sur ces difficultés à la fois avec les professionnels et avec les familles concernées. Au sein de ce CHU, en effet 11 enfants avaient moins de trois ans. Parmi eux, seuls 2 parents sont parvenus à accéder à un EAJE, laissant 9 enfants sans solution de garde. Or, comme il s’agit majoritairement de femmes élevant seules leurs enfants, l’absence de solution d’accueil pour les jeunes enfants constitue un obstacle absolument majeur à leur reprise d’activité professionnelle.
2. La nécessité d’approfondir les dispositifs mis en place pour remédier à ces inégalités
● La mise en place du bonus « mixité sociale » a, selon la Cnaf, permis de réduire les coûts d’accès aux crèches pour les familles précaires en réduisant les restes à charge pour ces familles. Toutefois, les rapporteures notent que dans la contribution écrite que leur a adressée la Cnaf, ne figure aucun élément chiffré quant aux résultats effectivement obtenus en termes de fréquentation des EAJE, in concreto, pour les enfants issus de milieux défavorisés. Le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) a ainsi souligné qu’aucun bilan n’a été dressé jusqu’à présent et qu’aucune montée en charge du dispositif n’a été observée depuis sa mise en place, laissant penser que sa portée incitative n’a pas eu l’effet escompté. Dès lors, le think tank Break Poverty propose trois pistes de réflexion pour améliorer l’effectivité de ce bonus, à savoir en revoir le montant à la hausse pour le rendre plus incitatif, faire évoluer l’indicateur (la participation familiale moyenne) qui a tendance à favoriser les crèches qui n’accueillent que des personnes en situation de pauvreté et à défavoriser celles qui ont une forte mixité, et mieux informer les commissions d’attribution de l’objectif de ce bonus et de son mode de calcul afin de faire en sorte que l’accueil d’enfants en situation de pauvreté fasse partie des critères prioritaires retenus pour l’attribution des places. Les rapporteures estiment en effet que des réflexions pour améliorer l’effectivité de ce bonus seraient les bienvenues.
● Le bonus « territoire » est un complément qui s’ajoute aux aides au fonctionnement de base des crèches. Créé en 2020 pour les places d’accueil soutenues par des collectivités territoriales signataires avec la caisse des allocations familiales (Caf) d’une convention de partenariat, ce forfait prend en compte la capacité financière du territoire.
● Au niveau national, le développement depuis 2016 des crèches à vocation d’insertion professionnelle (AVIP) a pour objectif de lever les freins du retour à l’emploi des parents et de permettre la socialisation précoce d’enfants vivant dans des familles précaires. Les crèches AVIP doivent accueillir au minimum 20 % d’enfants de moins de trois ans dont les parents sont dans une démarche active de recherche d’emploi. Au 31 décembre 2021, on comptait 441 crèches AVIP sur 44 départements, 554 en 2022 et 630 en 2023. En revanche, la Cnaf ne dispose pas de données sur le nombre de places et le nombre de bénéficiaires, ce qui pose un problème d’évaluation du dispositif. ([80]) L’une des mesures nationales du Pacte des solidarités consiste à développer les solutions d’accueil du jeune enfant à vocation d’insertion professionnelle pour atteindre 1 250 crèches AVIP en 2027 en maillant l’ensemble des territoires d’ici la fin du Pacte des solidarités. Les rapporteures se réjouissent de cette dynamique ; cependant, elles regrettent que les objectifs fixés ne soient pas définis en termes de nombre d’enfants accueillis/de places créées, mais du nombre de crèches, qui ne dit rien du nombre d’enfants qui pourront effectivement être accueillis. Par ailleurs, la déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté a relevé que cette cible impose un travail sur les freins actuellement rencontrés pour promouvoir ce dispositif en zone rurale et doit mobiliser le partenariat avec les acteurs de l’insertion et France Travail. Il conviendra également, selon elle, d’affiner la cartographie prioritaire qui devra croiser des critères de zone blanche avec des besoins sociaux, mais également de renforcer le pilotage du déploiement et la visibilité des crèches AVIP.
C. prioriser l’accÈs aux eaje pour lutter contre les inégalitÉs dÈs le plus jeune Âge
Développer l’accueil en établissements d’accueil des jeunes enfants (EAJE) des enfants issus de milieux défavorisés est nécessaire, non pas seulement à l’aune de l’employabilité de leurs parents, mais aussi – et avant tout – car ces lieux d’accueil sont particulièrement efficaces pour réduire les écarts de développement cognitif entre les enfants.
1. Un écart de développement observé
Durant son audition par les rapporteures, Christophe Sanchez, directeur de l’innovation chez Break Poverty, a détaillé l’écart de développement cognitif qui se crée entre les enfants en situation de pauvreté et les autres durant les premières années de leurs vies. Ces écarts touchent des compétences qui sont cruciales pour la réussite scolaire des enfants : compétences langagières, pré-mathématiques, psycho-sociales et motrices. ([81]) Un enfant qui naît au sein d’une famille pauvre a ainsi davantage de risques que les autres de connaître des retards de développement cognitif précoces qui peuvent le conduire, plus tard, à l’échec scolaire. ([82])
Les écarts de développement cognitif entre les enfants en situation de pauvreté et les autres
Compétences développées par les enfants |
Période de vie au cours de laquelle ces compétences se développent |
Capacités précises induites par ces compétences |
Compétences langagières |
Première année de la vie de l’enfant |
– Capacités de traitement de la parole (détection et analyse du langage oral) ; – Vocabulaire ; – Conscience phonologique (détection et maniement des sons liés aux mots) ; – Capacités de décodage, de reconnaissance des lettres et de connaissance de l’alphabet. |
Compétences pré-mathématiques |
Deux premières années de la vie de l’enfant |
– Appréhension de l’espace et du temps ; – Connaissance des chiffres ; – Capacité à compter ; – Sens du nombre (correspondance chiffre-quantité) ; – Capacités de raisonnement et de résolution des problèmes. |
Compétences psycho-sociales |
Trois premières années de la vie de l’enfant |
– Capacité à atteindre ses objectifs (persévérance, motivation) ; – Capacités relationnelles, de gestion des émotions ; – Capacités d’ « auto-régulation » (apprendre à apprendre). |
Compétences motrices |
Trois premières années de la vie de l’enfant |
Capacité d’effectuer différents mouvements, en lien avec la dextérité, qui conduit ensuite à l’élaboration de tâches comme l’écriture et le dessin. |
Source : audition du think tank Break Poverty
S’agissant en particulier des retards de compétences langagières des enfants en situation de pauvreté, un article des chercheurs Betty Hart et Todd R. Risley, publié aux États-Unis en 2003, a fait le constat d’un écart de 30 millions de mots entendus entre un enfant issu d’une famille défavorisée et un enfant issu d’une famille aisée. ([83]) Ces résultats ont été confirmés, en France, par l’étude de la cohorte Elfe, dont il résulte que les enfants dont la mère détient un niveau de diplôme inférieur au brevet des collèges maîtrisent en moyenne 70 mots sur une liste de 100 mots, contre 80 pour les enfants dont la mère a un niveau supérieur au bac +2, soit un écart de 15 % dès l’âge de 2 ans. ([84]) Or, ces écarts de développement ont un impact tout du long de la vie, ce qui rend nécessaire d’agir le plus tôt possible pour les réduire.
2. Une réduction des écarts grâce à la fréquentation des crèches
● Pour réduire les écarts de développement cognitif entre les enfants en situation de pauvreté et les autres, il est nécessaire de cibler les premiers temps de la vie de l’enfant. James Heckman, prix Nobel d’économie, a développé une équation sur les premiers temps de la vie, en démontrant que le retour sur investissement est le plus élevé durant les premières années de vie de l’enfant, avec des coûts évités plus marqués. En investissant massivement dans cette période de la vie qu’est la petite enfance, la société s’évite ainsi des difficultés d’insertion, de chômage, de délinquance, etc. ([85]) Ainsi, la petite enfance est un moment stratégique en termes de politiques publiques de lutte contre la pauvreté infantile et de reproduction des inégalités sociales. Les crèches apparaissent alors comme un outil puissant, lorsque la qualité d’accueil est garantie, de lutte contre la pauvreté infantile et la reproduction des inégalités sociales.
● Un grand nombre de personnalités auditionnées dans le cadre de la présente mission d’information, notamment la Défenseure des droits, Claire Hédon, des spécialistes de la petite enfance, comme Nathalie Casso-Vicarini, des think tank, comme Break Poverty ou encore des associations comme Apprentis d’Auteuil, ont tous rappelé que le premier facteur de développement de ces inégalités dès le plus jeune âge tient à la faible fréquentation des modes de garde formels (essentiellement, crèches et assistantes maternelles) par les enfants les plus défavorisés. ([86]) Les études montrent en effet que la fréquentation des modes de garde formels permet de réduire les écarts de développement d’environ 30 % entre les enfants situés en bas et ceux situés en haut de l’échelle sociale. ([87]) Pour en tirer le maximum de bénéfices, la Défenseure des droits préconise un véritable changement de paradigme pour présenter les EAJE comme des lieux d’éveil pour les enfants, leur offrant la possibilité de jouer, d’avoir accès à la nature, de s’éloigner des écrans et, in fine, leur proposant des enjeux d’éducation et d’amélioration de la santé mentale dès le plus jeune âge. ([88])
● Les rapporteures précisent cependant qu’il ne suffit pas de favoriser l’accès de tous les enfants, et notamment défavorisés, aux EAJE, mais qu’il est nécessaire, en parallèle, que les pouvoirs publics portent un plan de formation des professionnels ambitieux. Précisément, la mise en place du service public de la petite enfance devrait aller de pair avec un socle commun des professionnels de la petite enfance. Les rapporteures saluent ces évolutions à venir et espèrent que la mise en place d’un socle commun de formation permettra effectivement d’améliorer la prise en charge des enfants défavorisés au sein des EAJE.
Recommandation n° 15 : les rapporteures recommandent de faire des inégalités dès la petite enfance la priorité des politiques publiques et de renforcer la lutte contre les inégalités d’accès aux EAJE dans le cadre du SPPE.
Les rapporteures soulignent cependant que le service public de la petite enfance n’est pas l’unique levier pour favoriser l’employabilité des parents. L’Union nationale des associations familiales (Unaf) a ainsi mis en avant, lors de son audition, qu’il est nécessaire, en parallèle, d’investir dans le périscolaire ainsi que de se saisir, collectivement, de la question des conditions de travail. ([89])
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troisiÈme partie : l’amÉlioration des conditions matÉrielles d’existence des enfants et l’effectivitÉ de leurs droits
En complément (et non à défaut) de remédier à la pauvreté des parents pour réduire la pauvreté infantile, il est nécessaire de lutter contre les conséquences les plus graves de cette pauvreté en veillant à améliorer les conditions matérielles de vie des enfants en situation de pauvreté et en garantissant l’effectivité de leurs droits.
I. AmÉliorer les conditions matÉrielles de vie des enfants
Au-delà de lutter contre la pauvreté monétaire des familles, il est possible d’avoir une action forte pour améliorer les conditions matérielles d’existence des enfants.
A. garantir un toit À tous les enfants
Les enfants ont le droit de bénéficier d’un logement. Dans le cas où ce droit ne peut être satisfait, ils ont également le droit d’être hébergés le temps d’accéder à un logement. Dans le contexte actuel d’augmentation de la précarité, ces droits peinent à être effectivement protégés, ce que les rapporteures estiment inadmissible. Il paraît effectivement inimaginable qu’en France, au sein de la 7e puissance mondiale, des enfants soient laissés à la rue sans prise en charge au sein des dispositifs d’hébergement d’urgence prévus par la loi.
1. Le droit d’avoir un logement
Disposer d’un logement est un droit pour tous, a fortiori pour les enfants. En effet, l’article 27-1 de la CIDE reconnaît le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social – ce qui suppose nécessairement l’existence d’un logement pour l’enfant. Dans le même temps, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a affirmé dans un arrêt de 1986 que le logement est un besoin primordial, ([90]) l’article 34 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne affirme que toute personne ne disposant pas de ressources suffisantes a droit à une aide au logement, et le Conseil constitutionnel a considéré en 1995 que la possibilité de disposer d’un logement décent était un objectif de valeur constitutionnelle. ([91]) Cependant, de facto, le droit d’avoir un logement est restreint par des difficultés d’accès et un nombre croissant d’expulsions locatives. Par ailleurs, même quand les enfants bénéficient effectivement d’un logement, cela ne signifie pas nécessairement qu’ils bénéficient d’un logement qui correspond à leurs besoins, le mal-logement étant une préoccupation croissante.
a. L’effondrement du parc social
L’accès au logement fait aujourd’hui l’objet d’une crise en France en raison d’une pénurie de logements et de l’embolie de tout un système. Aussi, les familles les plus précaires sont les plus touchées par les difficultés d’accès au logement. La raison en est, selon la Fondation Abbé Pierre, une chute brutale de l’accès au logement social. Actuellement, 2,7 millions de ménages sont en demande de logement social. ([92]) Or, entre 2017 et 2022, la baisse du taux de satisfaction annuelle des demandes HLM est générale, passant de 22 % à 17 % pour l’ensemble des demandes de logement social, et elle est particulièrement significative pour les ménages les plus modestes. Ainsi, ceux qui disposent de moins de 500 euros par mois voient leur taux de succès baisser de 22 % en 2017 à 12 % en 2022 et les chances d’accéder au logement social n’ont pas augmenté en cinq ans pour les personnes sans domicile, en dépit de la mise en place de la politique du « Logement d’abord » au cours de cette même période. ([93]) La Défenseure des droits, Claire Hédon, a ainsi déploré, lors de son audition, qu’actuellement, plus une famille est pauvre, moins elle a de chances de parvenir à accéder à un logement social. Or, cette situation est, selon elle « absurde », car il est plus coûteux à l’État, sur le long terme, de financer l’hébergement d’urgence des familles ne parvenant pas à accéder au logement qu’à financer de nouveaux logements sociaux. ([94]) Dans le même temps, l’inflation des loyers a rendu le parc privé inaccessible aux familles les plus modestes. Toutes les personnes que les rapporteures ont rencontrées dans le cadre de la présente mission d’information ont déploré une logique de court terme qui prévaut actuellement dans les politiques de logement, alors qu’il apparaît au contraire primordial de relancer la production de logements sociaux. L’Unicef propose, à cet égard, une programmation pluriannuelle qui dispose d’un axe spécifique concernant les enfants, qui contienne des objectifs ambitieux en termes de production de logements abordables, de logements sociaux, et de logements très sociaux. ([95])
La rapporteure Caroline Parmentier tient toutefois à préciser que la production de logements sociaux ne pourra répondre efficacement à la demande que si les flux d’immigration, notamment illégale, qui contribuent à la pression sur le parc social, sont maîtrisés.
Recommandation n° 16 : les rapporteures recommandent d’augmenter la production de logements sociaux, et notamment très sociaux.
Recommandation n° 17 : les rapporteures demandent une évaluation de l’état du logement social en France, en particulier en matière d’accès et de rotation des bénéficiaires.
b. Un nombre croissant d’expulsions locatives
● Les difficultés pour accéder au logement sont d’autant plus problématiques qu’en parallèle, les expulsions locatives touchant des familles se multiplient. Le Baromètre des enfants à la rue souligne ainsi qu’en 2023, plus de 21 500 ménages ont été expulsés avec le concours de la force publique, soit presque deux fois plus qu’en 2021 (12 000 ménages). Or, le nombre de familles effectivement expulsées de leur logement est en réalité plus élevé, puisque ces chiffres ne concernent que celles impliquant le concours de la force publique. De nombreuses personnes auditionnées durant les travaux de la présente mission d’information, notamment les collectifs citoyens, les associations, ou encore la Défenseure des droits, regrettent l’impact, qu’elles estiment négatif sur les familles, de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite. Cette dernière a eu pour conséquence, selon eux, l’expulsion locative croissante de familles avec enfants, ces derniers se retrouvant à la rue. Compte tenu des différentes alertes émises autour de l’application de cette loi pour les enfants en situation de pauvreté qui se trouvent privés de logement, les rapporteures estiment qu’il serait pertinent d’évaluer les effets que produit cette loi sur l’augmentation du nombre d’enfants sans domicile.
Recommandation n° 18 : les rapporteures préconisent la mise en œuvre d’une évaluation de l’effet, sur les enfants, de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023.
Par ailleurs, la multiplication des expulsions locatives a un impact sur la scolarisation des enfants expulsés. Aussi, le collectif École Pour Tous propose une solution temporaire et urgente autour de la notion de « trêve scolaire républicaine » qui consisterait en une suspension des expulsions habitatives durant l’année scolaire pour les enfants et leur famille, c’est-à-dire de suspendre à la fois les expulsions locatives, mais également les expulsions de bidonvilles, squats, hôtels sociaux, aires d’accueil de gens du voyage, etc. ([96]) Les rapporteures soutiennent cette préconisation, pour limiter autant que possible l’impact que de telles situations peuvent avoir sur la scolarité des enfants.
Recommandation n° 19 : les rapporteures recommandent de mettre en place une « trêve scolaire républicaine » pour suspendre les expulsions habitatives des enfants et de leur famille durant l’année scolaire.
● Face à l’augmentation des expulsions locatives, il apparaît nécessaire de renforcer les dispositifs de prévention pour limiter autant que possible ces évènements traumatiques pour les enfants.
– Il existe des dispositifs spécifiques à la prévention des expulsions locatives qui ont été mis en place par l’État : il s’agit des commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX), qui visent à piloter la stratégie de prévention des expulsions et à coordonner l’action des différents acteurs dans un département. Elles réunissent les acteurs afin de rendre des avis et recommandations à l’ensemble des partenaires œuvrant localement à la prévention des expulsions. Il est nécessaire de renforcer leur capacité d’action.
– Des initiatives de certains bailleurs sociaux peuvent également être intéressantes pour prévenir les expulsions locatives. C’est le cas de l’expérimentation menée par le bailleur social Erilia, à Marseille, qui intervient auprès des publics les plus fragiles avant qu’une situation ne se dégrade. Les équipes de proximité du bailleur proposent un accompagnement social aux ménages en difficulté qui se retrouvent en situation d’impayés de loyer. Ainsi, 1 200 familles en impayés de loyer ont été accompagnées par les équipes en 2021, et 99,12 % des créances ont pu être recouvrées, démontrant l’efficacité de ces dispositifs de prévention. Grâce à cette approche, le nombre d’expulsions a été réduit de près d’un tiers. Le bailleur joue également un rôle dans la lutte contre le non-recours en accompagnant les locataires dans le recouvrement de leurs droits. ([97]) Il convient également de soutenir ce type d’initiatives.
c. Le mal-logement, une entrave à la satisfaction des besoins fondamentaux des enfants
Selon la Fondation Abbé Pierre, la lutte contre l’habitat indigne est le parent pauvre de l’action publique. En effet, même lorsque les enfants disposent d’un logement, cela ne signifie pas nécessairement que celui-ci correspond à des exigences minimales de satisfaction de leurs besoins. Au contraire, d’après la Fondation, il y aurait, a minima, 600 000 logements indignes en France – bien que les estimations demeurent fragiles.
Le mal-logement en France selon la Fondation Abbé Pierre
Ainsi, toujours selon la Fondation Abbé Pierre, 26 % des ménages ont eu froid chez eux en 2023 (contre 14 % en 2020), il y a eu 767 000 interventions pour impayés d’électricité en 2022 (contre 553 000 en 2019), 93 000 ménages prioritaires DALO en attente de relogement en 2022 (contre 78 000 en 2021), 330 000 personnes sans domicile (contre 143 000 en 2012, 9 157 000 personnes sous le seuil de pauvreté en 2021 (contre 8 565 000 en 2020), 2,4 millions de ménages en attente de logement social en 2022 (contre 2 millions en 2017), et, dans le même temps, 93 000 logements sociaux financés en 2023 (contre 125 000 en 2016), 166 milliards d’euros de crédits immobiliers sur 12 mois en octobre 2023 (contre 271 milliards un an auparavant), 295 000 logements mis en chantier sur les 12 derniers mois en novembre 2023 (contre 371 000 en 2022), 378 000 logements autorisés sur les 12 derniers mois en novembre 2023 (contre 500 000 en 2022) et 900 000 transactions immobilières en 2023 (contre 1,13 million en 2022).
Par ailleurs, selon la Défenseure des droits, Claire Hédon, près de 300 000 enfants vivent dans un habitat surpeuplé. Selon elle, l’inscription dans la loi en 2002 ([98]) des critères permettant de caractériser un logement « décent » est une avancée majeure, mais en l’absence de contrôle systématique de l’état de chaque logement, ces critères n’exercent pas de contrainte sur le propriétaire du logement. Le contrôle de ce critère de la décence du logement repose ainsi avant tout sur l’action des locataires, souvent précaires.
Recommandation n° 20 : les rapporteures recommandent de renforcer le pilotage national de lutte contre l’habitat indigne.
Lorsque les enfants n’ont pas accès à un logement, un hébergement doit leur être proposé. Cependant, le système de l’hébergement d’urgence en France est à la fois asphyxié et parfois inadapté à l’accueil d’enfants.
a. Une embolie de l’hébergement d’urgence
● Durant son audition par les rapporteures, Jérôme d’Harcourt, délégué interministériel pour l'hébergement et l'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées (DIHAL), a soutenu que l’hébergement d’urgence ne présente pas la caractéristique d’être inconditionnel, soulignant que le terme « inconditionnel » n’apparaît pas dans la loi s’agissant de l’hébergement d’urgence. L’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles dispose que « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès à tout moment à un dispositif d’hébergement d’urgence ». Par conséquent, la DIHAL considère que pour avoir droit à un hébergement d’urgence, il est nécessaire de remplir une condition, à savoir de caractériser l’existence d’une forme de détresse médicale, psychique et sociale. Cette interprétation a grandement surpris les rapporteures. En effet, comment ne pas considérer que toute personne en errance n’est pas, par principe même, en situation de détresse médicale, psychique et sociale ? Surtout s’agissant d’enfants : comment est-il possible de considérer que tous les enfants à la rue ne répondent pas, par essence, à cette condition de détresse de nature à leur faire bénéficier d’un droit opposable à être hébergés ? Il résulte de ce positionnement que tous les enfants sans domicile ne sont pas considérés comme étant prioritaires pour accéder à des dispositifs d’hébergement d’urgence. Au cours de leurs auditions, les rapporteures ont ainsi pu constater que le public prioritaire est constitué, actuellement, des enfants de moins de trois mois seulement en Île-de-France. ([99]) Les rapporteures rappellent que tous les enfants doivent bénéficier, de manière inconditionnelle, de l’hébergement d’urgence. Encore une fois, la rapporteure Caroline Parmentier tient à souligner que la saturation de l’hébergement d’urgence ne permet plus de recevoir et de loger des familles en situation illégale en France. Comme l’ont démontrées toutes les auditions, le système explose.
L’existence de cette condition est justifiée par l’embolie des dispositifs d’hébergement d’urgence. En effet, lors de son audition, Vanessa Benoit, directrice générale du SAMU social de Paris, a informé les rapporteures qu’en Île-de-France, le SAMU social reçoit en moyenne 2 000 à 2 500 appels par jour avec, tous les soirs, entre 600 et 700 demandes non pourvues, y compris de familles avec enfants. Elle estime qu’il y a en moyenne 10 demandes pour une place. ([100]) Les rapporteures relèvent cependant que les carences de l’État à prévoir un dispositif suffisant ne peuvent valablement fournir de justification au fait de laisser des enfants à la rue.
L’inconditionnalité de l’hébergement d’urgence
Un arrêt dit « Fofana » du Conseil d’État du 10 février 2012 a consacré le droit d’accéder à un hébergement d’urgence en tant que liberté fondamentale. Une décision du tribunal administratif de Paris ([101]) a quant à elle considéré que le droit au maintien constitue également une liberté fondamentale. Cependant, la jurisprudence ne reconnaît, à l’égard de l’État, qu’une obligation de moyens, et non de résultat. Mais, si le juge administratif reconnaît généralement que les capacités d’hébergement sont saturées, cela ne permet pas, ipso jure, de justifier l’absence de proposition d’hébergement. ([102]) Si l’état de carence de l’État à proposer un hébergement est difficile à qualifier devant le juge, les ordonnances du tribunal administratif de Paris du 22 octobre et du 20 novembre 2018 ont ouvert aux requérants la possibilité d’introduire un référé mesures-utiles. ([103]) Par ailleurs, s’agissant plus spécifiquement des enfants, le Conseil d’État a rappelé que lorsque l’État décide de cesser d’aider des familles, il doit systématiquement s’assurer que « en l’absence de mise en place, par l’État, de mesures d’hébergement ou de toute autre solution, cette interruption ne placera pas de nouveau les enfants dans une situation susceptible de menacer leur santé, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation ». ([104]) Or, la remise à la rue d’enfants risque, par principe même, de menacer leur santé, leur sécurité, et l’ensemble de leurs droits. L’absence d’hébergement est également susceptible de violer d’autres libertés fondamentales, telles que la dignité de la personne humaine, l’interdiction de traitements inhumains et dégradants et l’intérêt supérieur de l’enfant. ([105])
● Corrélativement, le nombre d’enfants à la rue augmente de manière alarmante. Selon le baromètre des enfants à la rue de l’Unicef et de la Fédération des acteurs de la solidarité d’août 2024, 2 043 enfants, dont 467 de moins de trois ans, sont restés sans solution d’hébergement à la suite de leur demande au 115 quelques jours avant la rentrée scolaire. ([106]) Ce chiffre équivaut à une augmentation de +3 % par rapport à l’année précédente et de +120 % par rapport à 2020. L’Unicef précise que les personnes vivant au sein de familles représentent une part croissante de la population en demandes non pourvues au 115 car, parmi les 6 473 personnes en demandes non pourvues la nuit du 19 au 20 août 2024, 3 843 étaient des personnes en famille, soit 59 %. Le nombre de personnes en familles en demandes non pourvues a augmenté ces dernières années : + 3 % par rapport à août 2023 et + 23 % par rapport à août 2022. Ce baromètre permet avant tout de suivre une tendance, mais ces données sont loin d’être exhaustives, car il est impossible de connaître le nombre d’enfants qui ne recourent pas au 115. Précisément, durant la Nuit des Solidarités, l’Unicef a pu constater que plus de 60 % des personnes à la rue ne recourent même pas au 115, et ces chiffres ne décrivent pas, par ailleurs, l’ampleur du phénomène des mineurs non accompagnés ou des enfants vivant dans des bidonvilles ou dans des squats. ([107]) Même la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL) a reconnu, lors de son audition, qu’il lui est difficile – sinon impossible – d’avoir une estimation fiable du nombre d’enfants à la rue. La rapporteure Caroline Parmentier insiste sur le fait qu’aucun chiffre ne nous ait été donné et regrette l’absence de réponse de la DIHAL lorsqu’elle a posé la question de la surreprésentation des immigrés illégaux.
Recommandation n° 21 : les rapporteures préconisent de poser clairement dans la loi l’obligation de fournir, de manière inconditionnelle, un hébergement à tout enfant qui en serait dépourvu.
Recommandation n° 22 : la rapporteure recommande de mener une évaluation sur l’état de l’hébergement d’urgence en France, en particulier en matière d’accès, de rotation, ainsi que de répartition des bénéficiaires selon leur nationalité, avec une présentation détaillée des pourcentages par nationalité.
b. Des lieux d’hébergement inadaptés aux besoins fondamentaux des enfants
Par ailleurs, le fait qu’un enfant bénéficie d’un hébergement ne signifie pas, de ce seul fait, que ses besoins fondamentaux sont respectés, car les conditions de cet hébergement ne sont pas toujours adaptées aux enfants.
– D’une part, les conditions matérielles d’hébergement peuvent être en contradiction avec les besoins des enfants. Le second alinéa de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles prévoit des conditions d’accueil qui ne mentionnent nullement les conditions dans lesquelles doivent être accueillis des enfants. Aucune garantie minimale d’accueil n’existe donc, légalement, à leur égard. Or, il ressort des auditions menées par les rapporteures qu’un certain nombre de lieux d’hébergement ne sont pas adaptés aux besoins des enfants, notamment les hôtels. En effet, lorsque les familles avec enfants sont hébergées en hôtel, dans la majorité des cas, une seule chambre est mise à disposition pour toute la famille, ce qui pose des problèmes de surpeuplement. Par ailleurs, comme les hôtels ne sont pas équipés en cuisines communes qui permettraient aux familles de cuisiner, celles-ci doivent souvent s’en tenir à des plats industriels, et aggraver ainsi les conséquences de la pauvreté sur l’état de santé de la famille. Selon le SAMU social Paris, il en résulte que 9 familles sur 10 hébergées en hôtel souffrent de la faim. ([108]) Enfin, dans les hôtels, il n’y a pas d’espace de vie dans lequel les parents pourraient se rencontrer et les enfants jouer, ce qui tend à enfermer les familles sur elles-mêmes. Dans une étude du Défenseur des droits de février 2019 ([109]) , ont été publiés des entretiens de jeunes qui expliquent les conséquences, sur leur santé, leur vie familiale, leur échec scolaire, leur développement et leur capacité à surmonter des épreuves à long terme du fait d’avoir grandi en famille à l’hôtel. Le rapport décrit l’hôtel comme un « espace d’interdictions » pour les enfants. ([110]) Par ailleurs, l’accompagnement social, essentiel pour les familles fragilisées, est moins accessible dans les hôtels que dans d’autres types de structures d’hébergement d’urgence. Or, selon l’Unicef, 28 659 enfants étaient hébergés en hôtel la nuit du 19 au 20 août 2024.
Selon la DIHAL, des places traditionnellement réservées à des hommes isolés ferment progressivement pour créer de nouvelles places adaptées aux familles. Pour encourager cette dynamique positive, les rapporteures proposent de prévoir, dans la loi, que l’hébergement d’urgence doit fournir aux enfants les conditions matérielles propices à leur développement et à leurs besoins spécifiques.
Recommandation n° 23 : les rapporteures recommandent de préciser à l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles que l’hébergement d’urgence doit garantir des conditions d’accueil conformes aux droits des enfants ainsi que poser une priorité à l’hébergement d’enfants dans des centres adaptés, à l’exclusion des hôtels.
Recommandation n° 24 : les rapporteures préconisent de mettre en place un financement dédié pour encourager la transition des lieux d’hébergement dans des conditions matérielles davantage respectueuses des droits des enfants.
– D’autre part, les changements fréquents de lieux d’hébergement et les remises à la rue entrent en contradiction avec les besoins des enfants. Le secteur de l’hébergement d’urgence est très cloisonné par catégories, ce qui induit des changements fréquents de logement pour les personnes concernées dès qu’elles changent de catégorie. Certains enfants changent ainsi de logement plusieurs fois par an. Parfois, des fermetures d’hôtel entraînent également une remise à la rue d’enfants. Souvent, dans ce cas de figure, les familles souhaitent laisser leurs enfants dans l’école où ils étaient scolarisés dès le début de l’année, ce qui peut avoir des incidences sur le temps de trajet pour les enfants, parfois même en termes d’insécurité, et ces derniers réduisent d’autant le temps de repos et de devoirs des enfants, ce qui a des conséquences sur leur santé et leur réussite scolaire. Pourtant, l’article L. 345-2-3 du code de l’action sociale et des familles prévoit un principe de continuité et de stabilité de l’hébergement. En vertu de ces principes, une personne hébergée peut se voir orienter vers une autre structure mais ne doit pas être remise à la rue. Les rapporteures rappellent que ces principes doivent être formellement garantis pour les enfants hébergés.
Recommandation n° 25 : les rapporteures recommandent de rappeler clairement les principes légaux de continuité et de stabilité pour favoriser la stabilité résidentielle des familles accueillies dans les dispositifs d’hébergement d’urgence.
Un certain nombre de familles en situation de précarité connaissent une fragilisation de leurs liens familiaux. Pour autant, les rapporteures souhaitent insister sur le fait que toutes les familles considérées comme pauvres n’ont pas nécessairement de difficultés dans l’appréhension de la parentalité. Cependant, pour les familles dont le lien est détérioré en raison de la situation de pauvreté qu’elles vivent, les dispositifs de soutien à la parentalité peuvent jouer un rôle fondamental pour améliorer les conditions concrètes d’existence des enfants.
1. La valorisation des dispositifs de soutien à la parentalité
● Denis Metzer, Valérie Daher et Christophe Sanchez, du think tank Break Poverty, ont présenté aux rapporteures, lors de leur audition à l’Assemblée nationale, différentes études menées aux États-Unis ayant démontré l’efficacité du soutien à la parentalité pour réduire les conséquences, à long terme, de la pauvreté infantile. ([111]) La conséquence majeure qu’ils tirent de ces études est que les inégalités à la naissance ne sont pas irrémédiables et que la prévention peut constituer un outil efficace pour réduire la reproduction des inégalités. À ce titre, selon eux, il est primordial de soutenir les parents, notamment les plus précaires, pour résorber les inégalités.
● Un accompagnement social est mis en œuvre par la Cnaf, et, sur le territoire, par les Caf, avec plusieurs dispositifs, qui s’avèrent toutefois insuffisants :
– Les lieux d’accueil enfants-parents (LAEP) sont des espaces où les parents viennent passer du temps avec leur jeune enfant en présence de deux professionnels accueillants formés (éducateurs, psychologues, travailleurs sociaux ou puériculteurs). Ce dispositif vise à participer à l’éveil et à la socialisation progressive de l’enfant et à le faire sortir d’un potentiel isolement, ainsi qu’à apporter un appui aux parents dans l’exercice de leur parentalité, en respectant l’anonymat des familles. Cependant, l’offre est hétérogène sur le territoire, puisque 26 départements concentrent 60 % de ces structures. Par ailleurs, les activités y sont peu intenses : en moyenne, ces structures ne sont ouvertes que deux demi-journées par semaine. Enfin, elles touchent peu les familles les plus précaires. ([112])
– Les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (REAAP) sont des réseaux départementaux constitués de professionnels, d’acteurs locaux associatifs ou publics et de parents qui ont pour objectif d’aider les familles à assurer leur rôle parental. Les actions financées sont variées : groupes de parole permettant aux parents de partager leurs expériences, conférences thématiques animées par des professionnels, activités et ateliers partagés enfants/parents, etc. Néanmoins, si les REAAP financent des actions, à charge pour les associations et les collectivités de financer les structures. Les REAAP également bénéficient à très peu de familles, et rarement aux plus précaires. ([113])
– La médiation familiale (MF) cherche à restaurer la communication familiale par l’intermédiaire du médiateur familial et à préserver le lien familial lorsqu’un évènement l’a fragilisé (notamment en cas de séparation). Les médiations peuvent être spontanées, judiciaires, ou même pénales, mais font toujours appel à la participation volontaire des familles. La Caf détermine un barème national des participations familiales pour la médiation, qui varient selon le revenu entre 2 et 85 euros.
– Il existe également des relais petite enfance (RPE), lieux de proximité gratuits d’information pour les parents sur les offres d’accueil existantes. Il en existe 3 211, dont plus de 1 500 sont itinérants. ([114])
– Les contrats locaux d’accompagnement à la scolarité, financés à hauteur de 30 % par la branche famille, sont en outre censés impliquer les familles. Or, dans les faits, ils peinent à remplir leur mission : 88 % des parents concernés par les CCLAS associent le dispositif à de l’aide aux devoirs « classique ». L’accompagnement des parents pour suivre la scolarité de leur enfant est évoqué par seulement 5 % des parents interrogés. ([115])
● Le président du think tank Break Poverty, Denis Metzer, sa directrice générale, Valérie Daher, et son directeur de l’innovation, Christophe Sanchez, tout comme Nathalie Casso-Vicarini, ont, lors de leur audition à l’Assemblée nationale, dressé un constat très mitigé de ces dispositifs, leur ampleur étant, selon eux, très limitée. Les LAEP affichent par exemple un taux de couverture de 4 % des familles ayant un enfant de moins de 6 ans. Pour Break Poverty, ce faible taux de couverture et la difficulté de ces dispositifs à attirer les publics les plus fragiles sont la conséquence directe de la faiblesse des financements qui y sont consacrés : ils relèvent ainsi que seulement 74 millions d’euros soutiennent l’action des LAEP, REEAP et la médiation familiale, à mettre en regard avec les 15 milliards d’euros dédiés à la politique d’accueil du jeune enfant. Ainsi, l’enveloppe moyenne d’un financement Caf pour un LAEP est de 9 437 euros et celle pour une action REAAP de 2 680 euros. Il en résulte que la levée de fonds est indispensable pour ces structures, bien qu’elle soit souvent très chronophage, ce qui n’est pas de nature à leur assurer une sécurité financière. ([116])
Ces dispositifs peinent, par ailleurs, à atteindre les familles les plus précaires, qui n’y voient pas de réponse à leurs besoins à court terme. En effet, les familles pauvres sont essentiellement concentrées sur les questions les plus urgentes, à savoir l’accès aux droits, au logement, à l’emploi, à la garde d’enfants… ([117]) L’accompagnement à la parentalité, entendu au sens de la transmission de connaissances et de conseils sur les pratiques recommandées en matière de développement n’apparaît qu’en dernier lieu quand le sujet de la parentalité est abordé. ([118])
Leur pluralité peut également induire un manque de lisibilité. L’experte en petite enfance Nathalie Casso-Vicarini prône, ce faisant, la mise en place d’un guichet unique dans le parcours administratif des parents, comprenant une évaluation des besoins et un entretien prénatal précoce. Ce dernier a été rendu obligatoire à la suite des travaux de la commission des 1 000 premiers jours mais n’est réellement suivi que par 27 % des familles. Or, dans le même temps, cet entretien est d’une importance majeure pour déceler de manière précoce les facteurs de risque. Ainsi, selon Nathalie Casso-Vicarini, il est nécessaire de réfléchir à une manière de rendre effective l’obligation de réaliser l’entretien prénatal. ([119]) Pour l’Union nationale des associations familiales (Unaf), cet entretien prénatal précoce devrait être coordonné avec le parcours grossesse obligatoire afin de donner des informations plus précises et ciblées sur les lieux de soutien à la parentalité existants. ([120])
Enfin, la déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a souligné que la peur du placement des enfants est un phénomène répandu qui limite le recours aux droits et à l’accompagnement social et qu’un grand nombre de parents préfèrent cacher leurs difficultés par peur du risque de perdre la garde de leurs enfants. ([121]) Les rapporteures insistent sur la nécessité de changer de paradigme, pour redonner confiance aux parents dans l’aide que les dispositifs existants peuvent leur apporter. Il est nécessaire, pour ce faire, d’instaurer un dialogue entre les parents et les professionnels. L’accompagnement des familles est peu onéreux ; alors que, dans le même temps, leur défaillance s’avère très coûteuse pour la collectivité.
Lors de son audition, le défenseur des enfants, Éric Delemar, a salué le travail accompli par la Maison des 1 000 premiers jours de Béthune, qu’il a conseillé aux rapporteures de visiter ([122]) . Les rapporteures regrettent cependant que le maire de Béthune ait refusé leur demande de visite de cette structure.
Recommandation n° 26 : les rapporteures recommandent de faire du soutien à la parentalité un véritable pilier de la politique familiale et un axe de la lutte contre la pauvreté infantile.
Recommandation n° 27 : les rapporteures préconisent d’inciter, dans le cadre des schémas départementaux de soutien aux familles, tous les acteurs identifiés intervenant dans le champ de l’éducation à renforcer l’implication des parents.
2. La PMI au cœur des politiques de prévention
Toutes les personnalités auditionnées par les rapporteures ont rappelé le rôle fondamental joué par les services de protection maternelle et infantile (PMI) ainsi que les difficultés qu’ils traversent. En effet, avec 4 800 points de contact gratuits et des équipes pluridisciplinaires, la PMI est un acteur incontournable pour accompagner les familles les plus vulnérables.
L’audition de la PMI de Paris a mis en lumière la possibilité d’un dispositif d’ « aller vers » toutes les femmes ayant déclaré une grossesse à la Caf ou ayant accouché. Grâce à ces données, les services de la PMI peuvent établir un premier contact systématique avec l’ensemble des mères, permettant ainsi de repérer les situations de fragilité et de leur proposer un accompagnement adapté. ([123]) Cependant, la PMI de Paris est privilégiée, en comparaison des autres PMI du département français. En effet, pour la majorité des PMI, leur rôle préventif s’est érodé au fil de l’élargissement de leurs missions. Ainsi, les actions de prévention sont « embolisées » par d’autres actions (modes de garde, informations préoccupantes) et par le fait que le système est en tension avec moins 25 % de financement en 10 ans et moins 45 % de consultations entre 1995 et 2016. ([124]) Parmi ses recommandations pour réduire la pauvreté infantile, l’Unicef recommande de renforcer les leviers de prévention des inégalités sociales en valorisant notamment le rôle des PMI. Les rapporteures estiment ainsi qu’il est nécessaire de renouer un lien de confiance entre les PMI et les familles et de recentrer le rôle des PMI dans leur prévention, quitte à déléguer certaines de leurs missions, par exemple aux Caf. Par ailleurs, il est tout aussi nécessaire de renforcer le soutien financier apporté aux PMI de telle sorte que le type de suivi préventif que propose la PMI de Paris soit généralisé à l’ensemble des PMI du territoire. En effet, les PMI reçoivent déjà les informations relatives à toutes les naissances. Une meilleure coordination avec les mairies permettrait également de croiser les données pour renforcer le suivi social et faciliter l’accès à des modes de garde adaptés aux besoins des familles. Une étude sur les possibilités d’échange d’informations entre les PMI et les mairies permettrait de mieux anticiper les besoins en matière de crèches et d’établissements scolaires.
Recommandation n° 28 : les rapporteures préconisent de renforcer le rôle de prévention des PMI, en généralisant le premier contact systématique avec les mères qui est actuellement réalisé par la PMI de Paris à toutes les PMI du territoire, en les déchargeant d’un certain nombre d’autres missions.
Recommandation n° 29 : les rapporteures recommandent une évaluation des besoins du budget des PMI pour leur permettre d’accomplir les missions qui leur sont attribuées.
Recommandation n° 30 : les rapporteures recommandent de définir des priorités en matière de prévention des inégalités dès le plus jeune âge et de les décliner en plan d’action national et local impliquant les PMI.
II. assurer l’effectivitÉ des droits des enfants
Le fait de grandir dans la pauvreté constitue, en soi, une violation de tous les droits reconnus aux enfants. Par ailleurs, l’expérience de la pauvreté à un moment de la vie où les individus sont les plus vulnérables a des effets psychologiques importants qui laissent des traces et entretiennent la reproduction des inégalités à long terme. Pour lutter contre ce phénomène, il convient ainsi d’assurer, au maximum, l’effectivité des droits et des besoins fondamentaux de tous les enfants.
Le droit à l’éducation suppose à la fois que les enfants aient accès à l’école, mais également qu’ils aient accès, de manière égalitaire, à un enseignement de qualité. Or, cela n’est pas toujours le cas, encore aujourd’hui, pour les enfants les plus défavorisés.
1. Condamner les refus d’inscription scolaire
L’article 28 de la CIDE engage les États signataires à rendre l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous, à organiser des formes d’enseignement secondaire ouvertes et accessibles à tout enfant et à assurer l’accès à l’enseignement supérieur à tous. Par ailleurs, l’alinéa 13 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, faisant partie intégrante du bloc de constitutionnalité, garantit « l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture » et prévoit que « l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État ». Toutefois, en juin 2023, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a interpellé la France sur le phénomène de non-scolarisation, exhortant le gouvernement à prendre des mesures urgentes pour améliorer le taux de scolarisation. ([125]) Dans un avis du 21 octobre 2024, à son tour, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a dénoncé l’absence de politique globale dédiée, en France, pour garantir la scolarisation et la continuité scolaire pour tous les enfants. ([126]) Si l’article 16 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, complété par son décret d’application ([127]) , a modifié les documents requis pour l’inscription scolaire, certains maires continuent de refuser l’inscription aux enfants sans domicile en se basant à tort sur l’absence de justificatifs de domicile alors que désormais une simple attestation sur l’honneur du responsable légal de l’enfant est suffisante pour justifier du domicile au titre de l’inscription scolaire. ([128]) Certains types d’enfants sont davantage à risque de subir de tels refus d’inscription scolaire, notamment les enfants issus de communautés roms, de communautés itinérantes, ou vivant dans des squats, bidonvilles, ou d’autres habitats informels. La Défenseure des droits, durant son audition, a confirmé que cette pratique persiste sur certaines communes. ([129]) La rapporteure Béatrice Piron estime que des efforts sont donc encore nécessaires pour permettre l’inscription scolaire de tous les enfants, sans discriminations, et dans des délais rapides. En effet, selon les communes, même lorsque la demande est acceptée, plusieurs mois peuvent s’écouler avant que l’inscription ne devienne effective et que l’enfant ne soit effectivement affecté au sein d’un établissement scolaire.
La rapporteure Caroline Parmentier soulève toutefois que ces maires attestent, en toute bonne foi, qu’ils sont dépassés par le nombre des demandes et qu’ils n’ont pas la possibilité d’accueillir tous les demandeurs.
Recommandation n° 31 de Mme Piron : la rapporteure recommande de rappeler plus fermement le cadre juridique résultant de l’article 16 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 et de sanctionner les communes refusant une inscription scolaire ou imposant des délais trop longs pour rendre effective cette inscription.
Recommandation n° 32 : les rapporteures préconisent la mise en place d’une politique globale dédiée à l’effectivité de la scolarisation de tous les enfants.
Au-delà des refus d’inscription scolaire, les rapporteures rappellent que le droit à l’éducation suppose également une forme d’égalité ; or, dans les faits, les enfants issus des milieux les plus défavorisés sont ceux qui décrochent le plus du système scolaire. Nicolas Duvoux, président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, a ainsi détaillé, durant son audition, l’effet d’éviction, à partir de la fin du collège, et plus encore du lycée, qui concerne les catégories les plus pauvres, avec des mécanismes d’éviction et d’orientation subie. ([130]) Sur ce dernier point, les rapporteures, lors de leur visite du CHU de Marly-le-Roi, ont pu échanger avec une jeune fille de 17 ans victime d’une forme d’orientation subie : souhaitant devenir professeure d’anglais, elle a cependant été orientée vers un CAP assistant technique en milieux familial et collectif. ([131]) Les rapporteures rappellent qu’il convient de soutenir tous les enfants, de manière égale, dans leurs choix d’orientation et leur épanouissement intellectuel.
2. Créer un observatoire de la non-scolarisation
La France avait émis l’hypothèse, dans le cadre de son plan d’action pour la Garantie européenne pour l’enfance ([132]) , de créer un observatoire de la non-scolarisation à horizon 2030 pour se conformer aux exigences d’accès à l’éducation de tous les enfants. Malgré un engagement réaffirmé à l’occasion du comité interministériel de l’enfance de novembre 2023, les rapporteures regrettent que cet observatoire n’ait toujours pas été créé. Il en résulte un manque de données sur le phénomène de la non-scolarisation en France. Durant son audition, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a jugé, à raison, inadmissible qu’on ne connaisse pas avec précision le nombre d’enfants qui ne sont actuellement pas scolarisés en France, et notamment qu’on ne dispose d’aucune donnée sur le nombre d’enfants en situation de handicap, issus de l’aide sociale à l’enfance, des communautés roms, de communautés itinérantes, de mineurs en situation irrégulière ou des mineurs non accompagnés qui ne sont pas scolarisés. ([133]) Pourtant, la DIHAL estime qu’approximativement 70 % des enfants officiellement recensés vivant avec leurs familles dans des squats et des bidonvilles ne sont jamais allés à l’école, ont une scolarité discontinue ou sont en décrochage scolaire. ([134]) Dans certains territoires, cette réalité est particulièrement marquée. Ainsi, par exemple, l’Insee estime qu’en Guyane, 6 200 enfants âgés de 3 à 16 ans n’étaient pas scolarisés en 2020. ([135]) Cela représente, selon la Défenseure des droits, un réel enjeu pour mettre en place des politiques publiques. ([136]) Les rapporteures considèrent, en conséquence, qu’il est absolument crucial, pour lutter contre la déscolarisation des enfants les plus défavorisés, de mettre en place un observatoire de la non-scolarisation, qui aurait pour objectif d’établir un diagnostic précis de la scolarisation des enfants éloignés de l’école, d’effectuer une évaluation des freins à leur scolarisation et de proposer des solutions pour chaque type de vulnérabilité. La déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté estime qu’une première étape de sa mise en place pourrait consister en une expérimentation sur plusieurs territoires, pour des enfants hébergés en hôtel ou en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), les enfants vivant en squats, bidonvilles et ceux de familles itinérantes. ([137])
Recommandation n° 33 : les rapporteures préconisent la mise en place d’un observatoire de la non-scolarisation chargé de produire des chiffres sur l’ensemble du territoire français, d’analyser les causes de la non-scolarisation et d’émettre des recommandations pour y répondre.
Recommandation n° 34 : à court terme, a minima, les rapporteures préconisent la mise en place d’une expérimentation de ce type d’observatoire sur certains territoires défavorisés.
B. Le droit d’Être en bonne santÉ
Bien que le droit d’être en bonne santé existe théoriquement pour tous les enfants, les conditions concrètes de réalisation de ce droit diffèrent selon le statut socio-économique des enfants. Les rapporteures estiment qu’il est crucial de rectifier ces inégalités.
1. Les enfants en situation de pauvreté sont en moins bonne santé que les autres
Un point d’attention majeur s’agissant les enfants en situation de pauvreté concerne leur alimentation, bien que, de manière globale, la santé tant physique que mentale des enfants les plus pauvres est plus préoccupante que celle des autres enfants.
a. Le constat d’une alimentation de moins bonne qualité pour les enfants défavorisés doit appeler une réaction ambitieuse des pouvoirs publics
Face au constat que l’alimentation des enfants en situation de pauvreté est de moins bonne qualité que celle des autres enfants, les actions portées par la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté doivent être amplifiées et la question de la restauration scolaire doit être placée au cœur des politiques publiques de lutte contre la pauvreté infantile.
i. Favoriser une alimentation de bonne qualité
● Les familles pauvres ont globalement accès à une alimentation de moins bonne qualité que les autres. En effet, les aliments de moins bonne qualité nutritionnelle sont généralement les moins chers et, à l’inverse, ceux présentant le plus de bienfaits pour la santé se situent en haut de l’échelle des prix. Selon une étude de l’ONG Foodwatch, ([138]) réalisée sur plus de 400 produits alimentaires, les produits les moins chers sont notamment les plus sucrés. Même des légumes au prix le plus faible peuvent contenir davantage de sucre que pour les légumes les plus chers. Ainsi, il ressort de cette étude que les petits pois en conserve les moins chers contiennent par exemple 43 % de sucre en plus que les plus chers. ([139]) L’ONG révèle par ailleurs dans la même étude que les promotions, qui attirent évidemment davantage les familles précaires, sont majoritairement faites sur des produits trop gras, trop sucrés ou trop salés, au détriment d’aliments sains, beaucoup plus chers.
De la même manière, une étude de l’association nationale de défense des consommateurs et usagers « Consommation Logement Cadre de Vie » (CLCV) ([140]) démontre le décalage entre les recommandations nutritionnelles des catalogues des supermarchés et les offres promotionnelles de ces mêmes supermarchés : 37 % des promotions analysées portent ainsi sur des produits que les recommandations nutritionnelles des catalogues des supermarchés recommandent de limiter (charcuteries, confiseries, biscuits, boissons sucrées, etc.) et 41 % des promotions analysées ciblent des produits ayant un nutriscore D ou E, tandis que la part de produits dont la consommation est à augmenter était très faible (3 % de promotions sur les fruits frais, 5 % sur les légumes bruts, 1 % sur les légumineuses). La conséquence est inévitablement que les enfants en situation de pauvreté bénéficient d’une nutrition de moins bonne qualité que les autres. Or, le coût prohibitif des fruits et légumes peut causer des carences chez les enfants qui n’en consomment pas suffisamment. L’association Les Restos du Cœur, lors de son audition à l’Assemblée nationale, a souligné qu’il n’est pas anodin, à cet égard, que des cas de scorbut chez les enfants soient en hausse régulière, depuis 2015, en France. Ainsi, selon le quotidien Le Monde, en dix ans, 888 enfants ont été diagnostiqués, en France, d’une carence sévère en vitamine C. En effet, la vitamine C, essentiellement présente dans les fruits et les légumes, qui coûtent de plus en plus cher, n’est pas également accessible à tous. Les rapporteures soulignent que ces cas de scorbut demeurent heureusement très isolés, mais que leur augmentation est tout de même révélatrice d’une croissance de la précarité alimentaire en France. En effet, pour les chercheurs qui ont réalisé cette étude, cette accélération des cas de scorbut à partir de 2020 serait corrélée à la hausse de l’indice des prix à la consommation. Parmi les cas de scorbut, les chercheurs relèvent également une part plus importante de patients bénéficiant de la complémentaire santé solidaire, utilisée comme un indicateur d’un faible statut socio-économique. ([141])
● Par ailleurs, les pratiques alimentaires au sein des familles défavorisées peuvent s’éloigner des recommandations nutritionnelles. Lors de son audition, la sociologue Vanessa Stettinger a ainsi partagé son observation de terrain selon laquelle, contrairement aux familles les plus aisées, où il est d’usage de prendre trois repas par jour, à table, au sein des familles modestes, le repas est moins institutionnalisé, à la faveur de la pratique du « grignotage », susceptible d’induire à la fois des carences et de l’obésité. ([142])
ii. Soutenir les programmes favorisant l’alimentation de qualité
Des mesures intéressantes sont portées par la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté pour tenter de remédier à ces inégalités en matière d’alimentation. Dans le cadre du Pacte des solidarités, un effort conséquent a été fait pour que les structures d’aide alimentaire améliorent la qualité et la diversité des denrées distribuées. Cela passe par le programme Mieux manger pour tous, doté d’un volet national pour soutenir 13 têtes de réseaux et d’un volet local, qui soutient plus de 400 projets pour un montant total de 80 millions d’euros pour 2025. ([143]) En parallèle, le programme MALIN a accompagné plus de 140 000 enfants entre 0 et 3 ans et leurs familles sous contraintes budgétaires dans l’amélioration de leurs pratiques nutritionnelles. Il propose des conseils selon les recommandations scientifiques et des produits adaptés à prix réduits en forme des professionnels du secteur de la petite enfance dans la lutte contre la malnutrition infantile. ([144]) Le soutien de la DIPLP initié en 2022 a été pérennisé en 2024 afin de déployer ses actions dans 95 départements hexagonaux. Quatre départements en Bretagne et en Pays-de-Loire disposent d’une offre renforcée intégrant un diagnostic approfondi des besoins des familles et un accompagnement plus ciblé. Le déploiement de MALIN en Outre-mer s’est poursuivi en 2024 à la suite de la réception des études de faisabilité en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et à la Réunion. ([145])
Les rapporteures se réjouissent de ces dispositifs, qui sont utiles pour lutter contre les conséquences de la pauvreté sur la qualité de l’alimentation des enfants.
Recommandation n° 35 : les rapporteures recommandent d’amplifier le soutien aux programmes Mieux manger pour tous et MALIN.
iii. Accorder la priorité à la restauration scolaire
Face aux inégalités alimentaires, la restauration scolaire est un sujet crucial pour l’alimentation équilibrée des enfants et une condition nécessaire de l’apprentissage scolaire. Pour autant, tous les enfants n’ont pas accès de la même manière à la restauration scolaire en France, encore aujourd’hui.
● Un obstacle majeur à l’accès de tous les enfants à la restauration scolaire sur une base égalitaire réside dans l’absence de compétence obligatoire des communes à mettre en place une restauration scolaire dans le premier degré. Ainsi, aucune dépense au titre de la restauration scolaire ne figure parmi les dépenses obligatoires des communes ([146]) et le Conseil constitutionnel considère que si le code de l’éducation créé bien un « droit d’accès » au service de restauration scolaire dès lors que ce service existe ([147]) , il n’a toutefois pas pour effet de rendre ce service public obligatoire dans les écoles primaires. ([148])
● Au-delà de cette liberté d’exercer ou non cette compétence, dès lors qu’il existe effectivement une offre de restauration scolaire, des dispositifs ont été mis en place pour tenter de favoriser l’accès des enfants défavorisés à celle-ci.
– La « cantine à un euro » est entrée en vigueur en 2019 et consiste à accorder une aide financière aux communes rurales défavorisées de moins de 10 000 habitants qui mettent en place une tarification sociale de la cantine avec au moins trois tarifs, dont un inférieur ou égal à un euro. Cette aide est versée pour les repas facturés au prix plancher. Le montant de l’aide est de trois euros, auquel s’ajoute, depuis le 1er janvier 2024, un bonus Egalim d’un euro, soit quatre euros. ([149]) Le dispositif a été amélioré en 2021 avec une augmentation du montant versé par repas et un élargissement des communes ciblées et a connu ensuite une forte montée en charge. Durant l’année scolaire 2022-2023, environ 15 millions de repas à un euro ou moins ont ainsi été subventionnés, ce qui correspond à une dépense d’environ 45 millions d’euros, et près d’un tiers des élèves vivant en zone rurale étaient scolarisés dans une zone bénéficiant de ce dispositif. ([150])Pour poursuivre dans cette voie, il pourrait notamment être pertinent d’étendre le dispositif à davantage de communes, dans un objectif d’égalité de traitement et d’équité territoriale. Le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) propose par exemple que le dispositif inclue, dans un premier temps, l’ensemble des communes socialement défavorisées, puis toutes celles pratiquant une tarification unique dès lors que ce tarif est inférieur ou égal à un euro. ([151])
Recommandation n° 36 : les rapporteures recommandent d’étendre le dispositif de la « cantine à un euro » à davantage de communes.
Par ailleurs, le dispositif de la « cantine à un euro », s’il est inscrit dans le cadre du Pacte des solidarités 2023-2027, ne dispose pas de fondement législatif, de sorte que sa prolongation au-delà de 2027 n’est pas assurée. Or, il est cité dans le plan national d’action 2022-2030 pour la mise en œuvre de la Garantie européenne pour l’enfance ([152]) . Pour respecter les engagements de la France dans le cadre de l’Union européenne, ce dispositif doit ainsi être pérennisé au moins jusqu’en 2030. Les rapporteures soutiennent donc la nécessité d’inscrire ce dispositif dans la loi. Dans la mesure où ces dispositifs sont soutenus par l’État, il serait aussi intéressant d’étudier les seuils qui sont aujourd’hui à la main des communes, créant ce faisant une inégalité entre les enfants.
Recommandation n° 37 : les rapporteures préconisent de donner un fondement législatif au dispositif de la « cantine à un euro ».
Recommandation n° 38 : les rapporteures recommandent de mener une évaluation sur les conséquences des écarts de seuil dans les barèmes de restauration scolaire.
La limite majeure est évidemment qu’il n’existe aucune obligation, pour les communes, à mettre en place une tarification sociale. Deux grandes options de tarification sont possibles : tarif unique ou tarif modulé selon les ressources. En effet, les collectivités sont libres de fixer les tarifs de la participation des familles, la liberté de tarification étant en vigueur depuis le décret n° 2006-753 du 29 juin 2006 relatif aux prix de la restauration scolaire pour les élèves de l’enseignement public, qui a supprimé l’encadrement des tarifs par l’État et a transféré cette compétence aux collectivités territoriales de rattachement. Cette situation créée de très fortes disparités en fonction des territoires. ([153]) Aussi, la tarification sociale n’est pas une réalité sur tout le territoire français et un certain nombre d’enfants peuvent se trouver exclus, pour des raisons financières, des dispositifs de restauration scolaire, bien qu’il soit difficile d’en apprécier le nombre. D’après le HCFEA, le coût annuel moyen de la restauration scolaire pour une famille ayant un enfant scolarisé dans le 1er degré s’élève à environ 600 €. ([154]) Par ailleurs, les collectivités appliquant le principe de gratuité sont peu nombreuses : aucun département ni aucune région, et moins de 1 % des communes (dont la ville de Saint-Denis). ([155]) Cependant, les rapporteures notent qu’aucune étude détaillée sur le non-recours à la restauration scolaire n’est disponible. Ainsi, si la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté sait que 82 % des élèves du primaire fréquentent la cantine, 70 % des élèves scolarisés dans les collèges publics et 68 % de ceux scolarisés en lycée public, aucune donnée ne permet de déterminer l’étendue et les raisons du non-recours et d’examiner dans le détail si les enfants des familles défavorisées parviennent ou non à accéder à la restauration scolaire. ([156]) Les rapporteures estiment qu’il est nécessaire, pour affiner les politiques publiques, d’avoir des éléments plus précis sur cette question et de mener des réflexions pour étendre l’accessibilité de la restauration scolaire aux élèves les plus défavorisés.
Un point d’alerte, soulevé en audition à la fois par le HCFEA et la Défenseure des droits, concerne la pratique, par certaines communes, de tarifs « non-résidents », très élevés, à l’égard de certains enfants de milieux défavorisés, notamment s’agissant d’enfants hébergés avec leur famille à l’hôtel ou dans des centres d’hébergement d’urgence qui ne peuvent pas justifier d’être propriétaires ou locataires d’un logement sur la commune ou encore d’enfants issus de communautés roms ou itinérantes, ou vivant dans des squats, bidonvilles, et autres quartiers informels. La rapporteure Béatrice Piron souligne que de telles pratiques sont purement et simplement discriminatoires vis-à-vis des enfants concernés et qu’elles doivent absolument être prohibées.
Recommandation n° 39 : les rapporteures recommandent la mise en place d’une étude documentant le non-recours à la restauration scolaire.
Recommandation n° 40 : les rapporteures préconisent de mener une réflexion nationale sur la question de la tarification de la restauration scolaire.
– Le dispositif des petits déjeuners gratuits a été mis en place à la rentrée scolaire 2019 dans des territoires défavorisés (en éducation prioritaire et dans les zones rurales fragiles), grâce à une subvention de l’État aux collectivités territoriales. Ce dispositif permet de pallier l’absence de prise de nourriture le matin par les enfants les plus pauvres et ainsi leur garantir de meilleures conditions d’apprentissage et l’amélioration de leurs résultats scolaires. La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) verse alors une subvention à l’Éducation nationale, qui, ensuite, met en place ces petits déjeuners. ([157]) Cependant, le défaut de ce mécanisme est qu’il n’existe aucun contrôle dans sa mise en œuvre. Selon les chiffres de la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, 242 505 élèves ont bénéficié au moins une fois de petits déjeuners à l’école sur l’année scolaire 2023-2024, soit 4,4 % des élèves du premier degré de l’enseignement public, contre 212 000 élèves sur l’année précédente. 14 404 921 petits déjeuners ont été distribués sur 36 semaines dans 2 084 établissements scolaires et 483 communes partout en France. Au total, 21 % des élèves scolarisés en REP+ et 11,3 % des élèves scolarisés en REP bénéficient de ce dispositif. ([158]) Les rapporteures relèvent toutefois qu’il suffit qu’un élève ait bénéficié une seule fois d’un petit déjeuner gratuit au cours de sa scolarité pour qu’il soit considéré comme bénéficiaire du dispositif. Or, il paraît vain de raisonner en nombre d’enfants touchés par le dispositif, et il serait sans doute davantage pertinent d’examiner dans le détail la manière dont ce dispositif a permis d’améliorer la vie des enfants bénéficiaires, ce qui passe nécessairement par une régularité du dispositif. Précisément, les enfants bénéficiaires des petits déjeuners gratuits en Guadeloupe sont 72 % à n’en bénéficier qu’une fois par semaine et aucun à en bénéficier cinq fois par semaine. En Guyane, également, les enfants bénéficiaires sont 70 % à ne bénéficier de ce dispositif qu’une fois par semaine. Mayotte fait exception, en concentrant 100 % de distribution cinq fois par semaine, mais si l’on enlève ce territoire des statistiques, la fréquence de distribution des petits déjeuners gratuits paraît peu élevée au regard des besoins.
Nombre d’écoles et d’élèves bénéficiaires de la mesure petits déjeuners à l’école et fréquence de la distribution pendant l’année scolaire 2023-2024
|
Fréquence de distribution |
||||||||
|
Écoles impliquées |
Communes impliquées |
Élèves bénéficiaires |
Nombre moyen de semaines de distribution |
1 fois |
2 fois |
3 fois |
4 fois |
5 fois |
Guadeloupe |
153 |
19 |
18 217 |
15,26 |
72 % |
21 % |
0 % |
7 % |
0 % |
Guyane |
65 |
11 |
13 881 |
18,52 |
70 % |
15 % |
1 % |
4 % |
10 % |
Martinique |
68 |
14 |
8 371 |
23,45 |
0 % |
92 % |
2 % |
6 % |
0 % |
Mayotte |
65 |
11 |
26 190 |
33 |
0 % |
0 % |
0 % |
0 % |
100 % |
La Réunion |
62 |
5 |
9 169 |
34,87 |
53 % |
28 % |
0 % |
20 % |
0 % |
Total |
413 |
60 |
75 828 |
|
36 % |
21 % |
0,4 % |
5 % |
36 % |
Source : délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté
– Depuis 1993, il existe en outre un dispositif spécifique aux Outre-mer, la prestation d’aide à la restauration scolaire (Pars), qui consiste en une aide, versée par la Caf, aux communes, pour le 1er degré, et aux gestionnaires d’établissements pour le 2nd degré. ([159]) L’objectif de la Pars, selon la Cnaf, est de « permettre à chaque enfant scolarisé au moins un repas par jour et faire en sorte que ce repas soit équilibré ». ([160]) Le montant global de la dotation Pars est déterminé annuellement pour chacun des cinq départements d’outre-mer. Il a été fixé en 2024 à 110 719 028 euros, qui fait l’objet d’une répartition entre les différents départements concernés. Globalement, hormis une baisse notable en 2020, les montants sont en augmentation ces dernières années. ([161]Cependant, les montants Pars ne suffisent pas pour couvrir à eux seuls l’ensemble des frais générés par la mise en œuvre d’une offre de restauration scolaire, dont l’organisation et le financement relèvent des collectivités territoriales. Aussi, si ces collectivités n’organisent pas elles-mêmes un service et si les établissements scolaires ne proposent pas d’offre de restauration scolaire, la Pars ne peut pas être versée à la Caf. ([162]) Or, en Guyane, par exemple, c’est précisément parce qu’il n’y a pas d’offre de restauration scolaire que la délégation aux droits des enfants a pu constater lors de visites d’établissements scolaires une faim prégnante chez les élèves de l’Ouest guyanais. ([163]) Les infirmiers scolaires que les membres de la délégation ont rencontrés ont ainsi témoigné que les douleurs de ventre dues à la faim sont la première cause de consultation au sein des établissements. Les rapporteures tiennent à souligner qu’il est inacceptable que dans la 7e puissance économique mondiale, nous laissions des enfants souffrir de la faim à l’école. Il apparaît dès lors nécessaire de réfléchir à l’amélioration du dispositif de telle sorte que l’ensemble des enfants scolarisés sur le territoire français bénéficient effectivement au moins une fois par jour d’un repas complet.
Recommandation n° 41 de Mme Piron : la rapporteure préconise de rendre la compétence en matière de restauration scolaire obligatoire pour les communes.
Recommandation n° 42 de Mme Piron : à défaut, la rapporteure préconise la mise en place d’un système incitant les collectivités territoriales à s’investir dans cette question de la restauration scolaire ainsi qu’une compensation financière versée aux familles pour couvrir une partie des frais liés à l’absence de restauration scolaire.
b. Favoriser une meilleure santé physique et mentale
● L’écart de santé entre les enfants de milieux défavorisés et les autres se manifeste déjà avant la naissance. En effet, dès la grossesse, les mamans non diplômées ou ayant de faibles revenus ont environ deux fois plus de risques de donner naissance à un enfant de petit poids que les mamans titulaires d’un bac+2 h 9% pour les premières contre 4,5 % pour les secondes. ([164]) Or, il existe une corrélation entre le poids à la naissance et le risque d’être en mauvaise santé au cours de l’enfance mais également ensuite, à l’âge adulte. ([165]) Plusieurs facteurs permettent d’expliquer ce résultat : consommation de tabac et d’alcool pendant la grossesse, taux de stress subi par la mère… ([166]) Une fois nés, les enfants en situation de pauvreté sont ensuite surexposés à des facteurs de risque (carences alimentaires, pollution, stress, etc.) par rapport aux enfants de milieux plus aisés. Ces inégalités sociales de santé dès le plus jeune âge se répercutent tout au long de la vie puisque les enfants qui grandissent dans une famille en situation de pauvreté ont plus de risques de développer à l’âge adulte des pathologies telles que l’obésité, l’asthme, le diabète, ou encore des problèmes d’hypertension et des maladies cardiovasculaires. ([167]) Selon le think tank Break Poverty, il existe ainsi une prévalence des maladies respiratoires liées à la pollution chez les enfants issus de familles modestes. ([168]) En effet, selon une étude du ministère de la Santé publiée en janvier 2024, les enfants issus de familles modestes sont les plus exposés, les plus fragiles et les plus affectés par la pollution de l’air. ([169]) Les ménages les moins aisés vivent en effet plus souvent au sein des aires d’attraction des villes, dans les communes les plus polluées. Cette surexposition aux particules fines se traduit par un surcroît de maladies respiratoires chez les enfants vivant dans les familles les plus modestes : ils ont 1,6 fois plus de risques que les enfants issus des familles aisées d’être admis à l’hôpital en urgence pour cause d’asthme avant leur troisième anniversaire et deux fois plus de risques d’être hospitalisés en urgence à cause d’une bronchiolite avant leur deuxième anniversaire. ([170]) De plus, les délivrances de médicaments contre l’asthme sont bien moins fréquentes chez les modestes que dans les autres familles, traduisant de surcroît une inégalité dans l’accès aux soins. ([171]) Lors de son audition, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a confirmé qu’il ressort des études qu’elle mène que les enfants des milieux les plus défavorisés sont également ceux qui grandissent dans un environnement moins sain, c’est-à-dire davantage soumis aux pesticides, à proximité des axes autoroutiers et soumis à la pollution urbaine. ([172]) Or, cela constitue une perte de chances pour le futur de ces enfants. Ainsi, les habitants les plus pauvres risqueraient trois fois plus de mourir d’un épisode de pollution que les habitants les plus riches. ([173])
● La santé mentale des enfants grandissant dans la pauvreté est également altérée sur le long terme. Lors de leur déplacement au sein d’un accueil de jour femmes-enfants, géré par l’association Société Philanthropique, dans le 18e arrondissement de Paris, les rapporteures ont pu échanger avec la psychologue qui est amenée à suivre les enfants accueillis. Elle a partagé ses constats de troubles exacerbés de santé mentale pour ces enfants, qui, selon elle, « grandissent trop vite », en intériorisant les difficultés de leurs parents, et en raison de l’angoisse de l’instabilité qui constitue leur quotidien. ([174]) En effet, lors de son audition, l’Unicef a mis en avant le fait que, lorsqu’ils interrogent les enfants sur la pauvreté, ils constatent une maturité sur leur propre situation : ils sentent le rejet social, la honte, la disqualification par rapport à leurs camarades, à un âge où ils se comparent beaucoup les uns aux autres. Souvent, ils essaient également de préserver leurs parents, par exemple en refusant directement toute sortie scolaire sans en parler à leurs parents, dans une forme d’ « adultification ». ([175]) Ces enfants ressentent, selon l’Unicef, une insécurité, un manque de protection, une privation, mais aussi des questionnements sur leur avenir, pour lequel ils sont très inquiets ; cela représente, pour eux, une charge mentale supplémentaire. ([176]) S’agissant plus spécifiquement des conséquences de l’absence de domicile sur les enfants, l’Unicef révèle, dans son étude Grandir sans chez soi, que les troubles de santé mentale sont plus fréquents chez les enfants sans domicile hébergés (19,2 %) par rapport à la population générale (8 %). ([177]) De la même manière, une étude de la Cnaf de 2021 met en lumière les recherches convergeant pour reconnaître que les enfants vivant dans un contexte de pauvreté sont moins sécurisés et davantage « désorientés » par rapport à la population générale et qu’ils sont plus propices à développer des problèmes de comportements dits « intériorisés » comme l’anxiété, la dépression, le retrait social ou la dépendance affective, ou « extériorisés » comme l’irritabilité, l’agressivité, la résistance à l’adulte et sont par ailleurs davantage sujets à une faible estime de soi, des accès de colère ou une humeur changeante. ([178]) Or, l’exposition à un haut niveau de stress avant l’âge de 2 ans et des interactions parent-enfant de mauvaise qualité peuvent conduire à un moins bon développement de compétences psychosociales comme l’estime de soi, la gestion des émotions ou les capacités relationnelles, ces traits pouvant s’associer ensuite à de moins bonnes performances en littérature, en mathématiques, à des problèmes comportementaux externalisés (maîtrise de l’attention, impulsivité, coopération, conduite) et à des problèmes comportementaux internalisés (tristesse, anxiété, dépression). ([179])
2. Des difficultés pour accéder à un professionnel de santé
Le droit à la santé des enfants en situation de pauvreté est d’autant plus atteint qu’ils ont souvent également plus de difficultés à accéder à des professionnels de santé. Le Pacte des solidarités a ainsi inscrit plusieurs mesures de renforcement de l’accès aux soins de santé des enfants auprès des enfants les plus pauvres par l’intermédiaire de dispositifs spécifiques complémentaires du droit commun.
– Les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) sont des unités spécialisées dans la prise en charge et l’accompagnement des personnes en situation de précarité, leur garantissant un accès aux soins malgré l’absence de couverture sociale ou des difficultés financières. Elles assurent une prise en charge globale incluant un suivi médical, social et infirmier, et facilitent l’orientation des patients vers un parcours de santé adapté. Le Pacte des solidarités soutient la création de PASS spécialisées mères-enfants par le recrutement de sages-femmes et pédiatres dans certaines PASS généralistes adossées à des établissements de santé ayant une maternité. 5 millions d’euros ont été alloués en 2025 dans le PLFSS pour le renforcement du recrutement de ces personnels. ([180])
– Le Pacte des solidarités permet également le développement des lits haltes soins de santé (LHSS) pédiatriques (fixes ou mobiles) pour les femmes et les nourrissons ayant besoin d’un accueil médicalisé. Ces dispositifs répondent à l’augmentation du nombre de femmes en pré ou post-maternité sans solution d’hébergement : en raison de sa spécificité, ce public n’est pas pris en charge dans les structures d’hébergement classiques et l’accès à un logement de droit commun est compliqué. Elles font également face à un risque médical et psychosocial supplémentaire, ainsi que leurs enfants. Ainsi, 48 lits ont été expérimentés en 2023, 103 en 2024 et le dispositif se déploie actuellement en Occitanie et en région Provence-Alpes-Côte-D’azur. ([181]) La déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a particulièrement insisté, lors de son audition, sur le nombre de femmes concernées par cette situation ([182]) , ce que les rapporteures déplorent.
Si tous ces dispositifs offrent une prise en charge adaptée aux enfants les plus précaires, leur faible nombre sur le territoire français est insuffisant pour répondre à l’ensemble des besoins. De plus, le renforcement de l’accès à la santé des enfants ne peut s’arrêter au développement de dispositifs spécifiques à la grande pauvreté. Les rapporteures considèrent en effet qu’il est nécessaire de renforcer le droit commun pour améliorer la prise en charge sanitaire des enfants, en particulier les plus vulnérables, en luttant contre les freins financiers et le manque de disponibilité de l’offre de soins sur tout le territoire, notamment en pédiatrie et en pédopsychiatrie. ([183]) Cela pourrait notamment être le rôle des PMI, comme les rapporteures l’ont déjà exposé supra, s’agissant du rôle préventif des PMI.
Selon Départements de France, les difficultés d’accès à des soins de santé pour les enfants défavorisés sont également le résultat des carences de la médecine scolaire. Ainsi, en 2019, moins de 40 % des visites médicales obligatoires de la 6e année étaient réalisées, créant une inégalité d’accès à la prévention, au préjudice des enfants. ([184]) Ces inégalités sont dupliquées dans les milieux moins favorisés du fait d’un accompagnement et d’un accès aux soins plus difficiles, alors que la santé scolaire représente, pour certains élèves, la seule garantie d’un suivi médical. Par ailleurs, de récents rapports, notamment de la Cour des comptes et du Conseil Économique Social et Environnemental (CESE), alertent sur l’état de la médecine scolaire en France. Un médecin scolaire pour 12 000 élèves est loin d’être suffisant, d’autant que ses missions sont vastes, comme la détection des troubles de la vision, de l’audition et des risques de l’obésité qui touchent 3,5 % des enfants et, particulièrement, les populations les plus fragiles. ([185]) L’Union nationale des associations familiales (Unaf) recommande, ce faisant, de garantir la présence de professionnels de santé dans tout établissement scolaire, de mener une réflexion sur le renforcement de l’attractivité de ces métiers, et de faire participer les médecins scolaires aux réunions avec les équipes pédagogiques pour les intégrer pleinement au système scolaire. ([186])
C. Le droit d’accÉder aux loisirs et À la culture
L’article 140 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions dispose que « l’égal accès de tous, tout au long de la vie, à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs constitue un objectif national » et qu’il « permet de garantir l’exercice effectif de la citoyenneté ». La convention internationale des droits des enfants (CIDE), dont la France est signataire, prévoit, en son article 31, que les « États parties reconnaissent à l’enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge et de participer librement à la vie culturelle et artistique » et qu’ils doivent, en ce sens, favoriser « le droit de l’enfant de participer pleinement à la vie culturelle et artistique » en encourageant « l’organisation à son attention de moyens appropriés de loisirs et d’activités récréatives, artistiques et culturelles, dans des conditions d’égalité ». Or, les rapporteures constatent que l’accès à la culture et aux loisirs n’est toujours pas assuré dans des conditions d’égalité, et que les enfants en situation de pauvreté en sont davantage privés que les autres, ce qui favorise la reproduction des inégalités sociales. Toutes les personnes auditionnées dans le cadre des travaux de la présente mission d’information ont relevé l’importance de ce point.
Le Pacte des solidarités comprend ainsi plusieurs mesures de soutien aux loisirs des enfants les plus pauvres :
– Dans le cadre du renforcement de l’accueil de loisirs sans hébergement, les aides dédiées des Caf ont été renforcées afin de lutter contre les inégalités territoriales (avec des communes moins bien dotées en places) et surtout sociales à l’accès aux centres de loisirs en levant les freins financiers, principaux motifs de renonciation aux départs en vacances des familles les plus modestes. Des expérimentations favorisant l’accessibilité financière comme la tarification sociale des familles ont été mises en place en 2024. De plus, des aides à l’investissement de la Cnaf permettent de lutter contre les inégalités territoriales et sociales dans l’accès aux centres de loisirs, notamment dans les territoires défavorisés. ([187])
– Le Pass’Colo a été mis en place au printemps 2024. Il s’agit d’un dispositif permettant de rendre accessibles les départs en colonies de vacances des enfants issus des classes moyennes aux familles précaires, l’année civile de leurs 11 ans, moment charnière du passage de l’école primaire au collège. Une aide financière allant de 200 à 350 euros est alors attribuée aux familles ayant jusqu’à environ 4 000 euros de revenus par mois pour un foyer comptant deux enfants à charge. Au 19 février 2025, 16 912 enfants ont bénéficié du Pass colo. 61 % des enfants bénéficiaires sont partis pour la première fois en colonie de vacances, soit 10 504 enfants, et 79 % d’entre eux sont issus de familles précaires, avec un quotient familial entre 201 et 1 200 euros, répondant ainsi à l’objectif inscrit dans le dispositif, la levée du frein financier du départ. ([188])
– Il existe aussi des actions locales ou ponctuelles en faveur du droit aux loisirs, et l’État soutient les associations nationales ouvrant pour le droit aux vacances comme le Secours catholique ou Vacances ouvertes, majoritairement financées par la puissance publique. La délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté (DIPLP), en particulier, soutient au niveau national des actions de ce type. Ainsi, le programme « respirations », porté par la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) bénéficie d’un soutien de l’État au titre d’une convention pluriannuelle d’objectifs (2023-2025), avec un financement de 400 000 euros en 2024. Ce soutien a permis l’extension de ce programme en 2024. ([189])
La majorité de ces dispositifs étant récents et mis en place depuis 2024, la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté souligne qu’il n’est pas encore possible de connaître l’évolution du nombre d’enfants touchés par ces dispositifs et d’en fournir une première évaluation. ([190]) Les rapporteures saluent ces dispositifs, qu’il faut encourager, afin qu’ils touchent le plus d’enfants en besoin possible. Elles souhaitent que ces dispositifs soient évalués à échéance régulière afin de vérifier que l’objectif fixé est atteint.
III. soutenir davantage les initiatives locales ainsi qu’un plus grand investissement de l’État
Les associations et collectifs citoyens, par l’action d’envergure qu’ils portent, participent à l’amélioration des conditions de vie des enfants vivant dans la pauvreté. Cependant, les rapporteures rappellent que l’État doit prendre toutes ses responsabilités pour lutter contre ce fléau, et ne pas se défausser sur les collectivités territoriales ou sur les actions citoyennes.
A. le rÔle majeur des associations et collectifs
Au cours de leurs travaux, les rapporteures ont pu constater un engagement associatif et citoyen très fort en matière de lutte contre la pauvreté infantile. Elles ont ainsi rencontré des acteurs des Restos du Cœur, de La Croix Rouge, des Apprentis d’Auteuil, de l’Unicef France, du SAMU social de Paris, de l’Armée du Salut, de la Société Philantropique, de l’association Aurore, des collectifs Alerte et Jamais Sans Toit, du think tank Break Poverty et reçu les contributions écrites du Secours populaire et du collectif École pour Tous. Tous ces acteurs – et bien d’autres – sont ancrés dans le paysage de la lutte contre la pauvreté infantile et sont parfois devenus des acteurs incontournables. Or, dans le même temps, compte tenu de la forte pression sur les finances publiques, les budgets alloués aux associations sont en baisse. Afin de conserver cet important tissu associatif, le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) recommande de mieux soutenir les associations, notamment celles qui distribuent de l’aide alimentaire, qui sont particulièrement fragilisées. ([191]) Selon Sylviane Giampino, pour garantir les ressources des associations en période d’inflation, il serait utile, par exemple, d’indexer le montant des subventions publiques sur l’inflation. ([192])
Un grand nombre d’associations qui ont été entendues par les rapporteures ont également soulevé la problématique de la temporalité des budgets, qui sont alloués chaque année. Afin de donner davantage de prévisibilité, et donc de latitude aux actions des associations, il serait utile de davantage penser le système des subventions dans une logique pluriannuelle. Il est intéressant, à cet égard, de soulever l’initiative de certains départements de contractualiser avec des associations sur une base pluriannuelle (de 3 à 5 ans), sur la base d’objectifs copartagés et co-construits, permettant un maillage territorial et une offre associative à destination des publics fragilisés davantage sur la durée. ([193]) Les rapporteures estiment qu’il faut davantage inciter à l’instauration d’une logique pluriannuelle dans les subventions allouées aux associations intervenant en matière de lutte contre la pauvreté infantile, par l’intermédiaire de contrats.
Il existe également des modèles d’associations qui parviennent à porter une action en créant une dynamique de mécénat localement. Ce modèle est intéressant car, moins dépendant des subventions publiques, il permet davantage de visibilité sur le temps long. Cependant, la limite de ce type de modèle tient à la complexité des démarches administratives liées aux dons et aux mécénats. Le think tank Break Poverty agit ainsi selon une méthode que les rapporteures ont trouvée novatrice et porteuse de solutions d’avenir, à travers leur mécanisme de dotation d’action territoriale (DAT). La DAT a été créée, en 2018, pour répondre à un double constat : d’une part, les associations ne disposent pas d’assez de ressources pour changer d’échelle et accompagner les jeunes ; d’autre part, les entreprises ne s’engagent pas suffisamment auprès des jeunes (seulement 2 % des entreprises font du mécénat social en France). ([194]) En réponse, Break Poverty a construit une démarche pour créer et animer durablement des alliances territoriales afin de venir en aide à la jeunesse défavorisée, en agissant collectivement sur les racines de la pauvreté. La DAT permet en effet de stimuler l’engagement des acteurs privés locaux, en coopération avec les collectivités territoriales et les associations, pour déployer, par l’intermédiaire du mécénat social local, des actions sur trois axes que sont le soutien à la parentalité et à la petite enfance, la prévention du décrochage scolaire, et l’insertion professionnelle des jeunes. ([195])
Les premiers résultats de la DAT
La DAT a été testée entre 2018 et 2021 sur trois territoires : Romans sur Isère, Nantes et Béthune. À Romans sur Isère, 630 000 euros ont été collectés auprès des entreprises, auxquels il faut ajouter 400 000 euros de la mairie et du conseil régional, pour 6 projets soutenus et 1 460 bénéficiaires. À Béthune, 370 000 euros ont été collectés auprès des entreprises, pour 5 projets soutenus et 555 bénéficiaires. À Nantes, 730 000 euros ont été collectés auprès des entreprises, pour 11 projets soutenus et 10 500 bénéficiaires.
Selon Break Poverty, ces trois expérimentations permettent de démontrer que l’efficacité d’un dispositif « clé en main » pour les entreprises, basé sur des objectifs clairs, une méthodologie, des possibilités d’engagement simplifiées pour les collaborateurs et le portage politique au niveau local pour engager les acteurs économiques permet de bâtir un sentiment d’appartenance sur le territoire. D’après le think tank, ce dispositif a un investissement social rentable, puisque l’effet de levier est de 4,8, c’est-à-dire que pour un euro versé à l’animation du dispositif DAT, 4,80 euros sont collectés auprès des entreprises et reversés à des associations locales venant en aide à des jeunes défavorisés.
Au total, la DAT permet la mobilisation de 15 entreprises en moyenne par territoire et de collecter, en moyenne, 145 800 euros par an par territoire. Selon Break Poverty, la DAT est ainsi un outil permettant la « démocratisation du mécénat social » : 46 % des entreprises ont fait du mécénat social pour la première fois via ce dispositif et 77 % des sommes recueilles au titre du mécénat par les DAT proviennent de petites structures (TPE, PME et ETI), contre 53 % du montant du mécénat social à l’échelle nationale.
La DAT permet ainsi le soutien à 2 500 jeunes en moyenne par territoire et, grâce à ce dispositif, 79 % des jeunes soutenus sont en évolution positive à la suite de leur accompagnement par les associations. Ainsi, par exemple, le think tank constate que les parents modifient leurs pratiques parentales pour mieux accompagner le développement de leurs enfants, dont les risques de décrochage scolaire ont été réduits, cela a également permis à des jeunes de reprendre une formation, etc.
Après ces trois expérimentations réussies, la DAT est en cours de déploiement sur une quarantaine de territoires. À ce jour, ce sont près de 32 700 bénéficiaires qui ont été accompagnés par l’intermédiaire de la mobilisation de plus de 100 projets associatifs soutenus, 230 entreprises mécènes et 4 millions d’euros collectés. Ce déploiement est en phase avec l’objectif d’accompagner 100 000 jeunes défavorisés d’ici fin 2026.
Le déploiement de la DAT a été inscrit dans la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, puis au sein du Pacte des solidarités. ([196])
Les rapporteures estiment que ce travail de la DAT de Break Poverty est particulièrement intéressant pour créer des dynamiques territoriales de lutte contre la pauvreté infantile. En effet, la mobilisation des entreprises peut jouer un rôle clé pour renforcer les moyens d’action des acteurs associatifs. Les rapporteures regrettent cependant que Break Poverty ait décliné leur demande de visite de la DAT de Béthune, qui leur aurait pourtant permis de constater concrètement les résultats obtenus.
Cependant, Denis Metzer, président de Break Poverty, et Valérie Daher, sa directrice générale, ont mis en avant qu’il existe, actuellement, des freins d’ordre administratif au plein déploiement de ce type de dispositif, en raison de formulaires qui compliquent les dons et le mécénat. Selon eux, les formulaires à remplir sont trop nombreux et les démarches complexes. Il serait en effet pertinent de réfléchir à des modalités permettant de faciliter le mécénat.
Recommandation n° 43 : les rapporteures recommandent de simplifier les procédures liées aux dons à des associations œuvrant en matière de lutte contre la pauvreté et d’aide aux plus démunis.
La rapporteure Caroline Parmentier souligne cependant que ces associations et collectifs se sont transformés en associations d’aide aux familles sans papiers, qui représentent la majorité de leurs demandes.
B. une plus grande mobilisation de l’État
L’État ne doit pas se défausser sur les collectivités territoriales, dont ce n’est pas les compétences, ou sur des associations et collectifs citoyens ; il doit pleinement assumer ses responsabilités pour lutter contre la pauvreté des enfants.
1. L’implication des collectivités territoriales face à la saturation des dispositifs de l’État
Lors de leur audition, les Départements de France ont fait savoir aux rapporteures qu’en matière de lutte contre la pauvreté infantile, les départements agissent au quotidien, à travers leurs politiques de solidarité, d’accompagnement social, d’insertion et de protection de l’enfance mais que, cependant, ils souffrent des manques des politiques de l’État que sont le logement, la santé et la scolarité, qu’ils doivent en conséquence compenser. Par exemple, s’agissant de l’hébergement d’urgence, les départements, dans leur dispositif de protection de l’enfance, hébergent les femmes à la rue avec enfant de moins de trois ans depuis la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Toutefois, ils sont contraints de poursuivre cet hébergement pour les femmes avec enfant de plus de trois ans en raison de la saturation des dispositifs de l’État. ([197]) Des décisions judiciaires ont ainsi été rendues pour enjoindre l’État à rembourser les sommes engagées par les collectivités concernées. Une décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 13 février 2025 a ainsi condamné l’État à rembourser les dépenses engagées par la communauté d’agglomération du Pays basque au titre de l’hébergement d’urgence des personnes sans abri. ([198]) Le Conseil d’État avait déjà statué en ce sens en confirmant que la carence avérée et prolongée de l’État à prendre en charge des familles relevant de l’hébergement d’urgence était de nature à engager la responsabilité de l’État pour carence fautive, le département du Puy-de-Dôme ayant dû assumer l’hébergement en urgence de 102 familles à la rue à la place de l’État. L’État a ainsi été condamné à verser au département du Puy-de-Dôme la somme de 1 272 464 euros. ([199]) Les Départements de France ont par ailleurs signalé aux rapporteures que d’autres actions ont été engagées, notamment par des grandes villes, depuis 2023. ([200])
En déplacement à Lyon, les rapporteures ont ainsi pu faire le constat que la ville tolère des occupations théoriquement illicites de bâtiments afin de mettre des familles à l’abri, en raison des carences de l’État à prendre celles-ci en charge. Or, cela pose un certain nombre de problèmes en termes de responsabilité juridique, car si un incident survenait au sein de ces lieux occupés avec l’autorisation de la ville, celle-ci pourrait être jugée responsable, alors que son but était seulement de mettre des personnes à l’abri. Les rapporteures tiennent à soulever que ces hébergements « de fortune » ne sont pas dignes de ce qui est attendu de l’État : dans un site qu’elles ont visité, elles ont ainsi constaté un nombre gravement insuffisant de sanitaires, avec une seule toilette pour 80 personnes. Elles relèvent que les problématiques que peuvent susciter ces sites en termes de responsabilité juridique de la ville impliquent le financement d’un gardien, présent 24/24 heures, à un coût bien supérieur que celui de l’installation d’une douche, pourtant indispensable. L’État devrait reprendre ses responsabilités et garantir la mise en place de telles solutions.
Par ailleurs, dans le même temps, les Départements de France regrettent que les demandes portées par l’État soient souvent rigides et doivent répondre à des cahiers des charges très stricts qui sont en décalage avec les montants octroyés, au regard des dépenses engagées par les départements. Les départements souhaitent ainsi que les « reportings » soient allégés, car très chronophages en suivi, et sur la forme, trop souvent descendants. ([201])
Cette situation est d’autant plus difficile à gérer pour les départements que, d’ici la fin de l’année 2025, les deux tiers des départements présenteront un taux d’épargne brut inférieur à 7 % et seront considérés comme en grande difficulté par la Cour des comptes. En effet, sur la période 2022-2024, 3 milliards d’euros de dépenses supplémentaires ont été imposées par l’État, alors qu’en parallèle les départements ont perdu pour 8,4 milliards d’euros de recettes. Pour 2025, les départements doivent encore faire face à un milliard d’euros de dépenses supplémentaires, dont la revalorisation légale du RSA au 1er avril 2025 (+1,7 % annoncé, soit environ 127 millions en 2025). ([202])
Par ailleurs, les rapporteures ont pu visiter plusieurs types de structures, allant des Centres d’hébergement d’urgence (CHU) classiques à des centres spécifiques pour mères avec enfants, ainsi que d'autres formes d’hébergement temporaire pour personnes sans logement. Il apparaît que, selon les départements et les services associés, les coûts pour l’État peuvent varier considérablement, dans un rapport allant jusqu’à 1 pour 10. Bien sûr, ces écarts ne reflètent pas uniquement une différence de qualité des prestations, mais ils révèlent que les personnes appelant le 115 peuvent se voir orientées vers des structures très différentes, en fonction de leur localisation géographique et du moment de leur appel. En pratique, ce sont souvent les préfectures qui contractualisent avec les associations, mais à des conditions très variables selon les territoires. Cette disparité remet en cause le principe d’égalité devant le service public. À titre d’exemple, l’État peut dépenser 18 euros par jour pour un hébergement sans repas, 30 euros avec repas, et jusqu’à 110 euros par jour pour une place en centre maternel, soit plus de 6 000 euros par mois pour une mère et son enfant. ([203]) Ce coût inclut parfois l’accès à une crèche, qui n’est cependant pas systématiquement utilisée, notamment par des mères sans emploi.
2. L’action indispensable des collectifs citoyens face à l’inaction de l’État
Si les actions portées par des associations et collectifs citoyens sont importantes et utiles aux personnes les plus fragiles, il convient cependant de refuser que de simples citoyens ne se substituent, sans contrepartie, aux missions attribuées à l’État. Les rapporteures ont, à cet égard, été particulièrement marquées par le travail effectué par le collectif Jamais Sans Toit. Ce dernier a été créé en 2014 par des enseignants qui remarquaient, dans l’agglomération lyonnaise, la souffrance de certains de leurs élèves, qui vivaient à la rue. Certains enseignants ont alors commencé à mettre les enfants concernés à l’abri, le soir, dans les établissements scolaires, en n’occupant ceux-ci que la nuit pour ne pas entraver leur fonctionnement normal. À ce jour, l’action du collectif a permis la mise à l’abri de plus de 950 enfants scolarisés. Bien que ce ne soit pas une solution mobilisable en dehors des cas d’extrême urgence, elle est actuellement mise en œuvre dans 24 établissements scolaires de la ville, qui hébergent des familles pendant les nuits de semaine, la municipalité tolérant cette pratique, à la condition qu’un enseignant ou qu’un parent d’élève passe la nuit, sur place, avec les familles concernées. ([204]) Par ailleurs, les bénévoles du collectif se mobilisent pour financer, à leurs propres frais, et sans aucune subvention, des nuits d’hôtel durant les week-ends et les vacances, afin de garantir une continuité de l’hébergement. Sur cette situation précise, la rapporteure Caroline Parmentier dénonce l’inaction de l’État qui fait peser le poids de l’immigration illégale sur ces collectifs citoyens.
Les rapporteures soulignent qu’il ne faut pas que l’État se repose sur cette solution pour ne pas ouvrir de places d’hébergement. Or, c’est précisément ce qu’il semble se passer aujourd’hui. Ainsi, lors de leur audition, à Lyon Raphaël Vuilliez et Juliette Murtin, du collectif Jamais Sans Toit, ont souligné que, désormais, lorsque des familles à la rue appellent le 115, ce dernier les oriente vers des écoles occupées illégalement. Les rapporteures estiment que cette situation est inacceptable et rappellent que des collectifs citoyens bénévoles ne peuvent pas pallier l’inaction de l’État. Le collectif Jamais Sans Toit a ainsi dépensé 85 000 euros, depuis septembre, par pure générosité citoyenne, pour pallier les manquements des pouvoirs publics, alors qu’ils ne bénéficient d’aucune subvention ou aide publique. ([205]) Les rapporteures déplorent cette situation, qui ne peut perdurer.
L’hébergement en école : une solution de dernier recours à encadrer
La pratique de l’occupation des écoles pour héberger des familles sans abri qui ne parviennent pas à accéder aux dispositifs d’hébergement d’urgence prévus par l’État, bien qu’imparfaite, demeure sans doute préférable à l’absence totale de solution. Les écoles maternelles disposent souvent de dortoirs, de salles de motricité et de quelques sanitaires. Lorsqu’il est possible d’isoler ces espaces du reste de l’établissement, par exemple avec une porte donnant directement sur la cour, ces lieux pourraient être envisagés comme solution de dernier recours, en cas de saturation des dispositifs classiques d’hébergement.
Un usage encadré, limité à une seule famille par école, pourrait être envisagé dans les secteurs où la demande est forte. Un recensement préalable des établissements les mieux adaptés à cet usage permettrait d’anticiper les besoins.
Les rapporteures soulignent toutefois que l’obligation de présence d’un bénévole aux côtés des familles ne semble pas nécessaire. Une charte précisant les règles d’usage des locaux et les horaires de libération des lieux leur paraît plus pertinente et respectueuse des familles.
Enfin, s’agissant de la couverture assurantielle, il semble légitime que l’État prenne en charge cette responsabilité, l’hébergement d’urgence relevant de sa compétence.
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En définitive, les rapporteures estiment que les politiques publiques doivent être plus ambitieuses pour lutter contre le phénomène de la pauvreté infantile. La rapporteure Caroline Parmentier estime plus particulièrement que ces politiques publiques ne sont pas adaptées au phénomène actuel de la pauvreté infantile sur lequel pèse le non-contrôle de l’état des flux migratoires irréguliers, que l’on retrouve à tous les niveaux de structures.
Il est essentiel, à cet égard, que toutes les stratégies nationales à destination des enfants se coordonnent. En effet, les politiques en faveur de l’enfance ne peuvent être prises sous des angles distincts : pauvreté, inclusion, protection, prévention… La pauvreté constitue par essence la négation de l’ensemble des droits des enfants, lesquels sont tous entremêlés : nous devons donc attendre, de la part de l’État, une seule politique enfance et jeunesse sur le fondement de laquelle différentes actions pourront être mises en place. Il est très grave, à cet égard, compte tenu de l’urgence, que le présent gouvernement ne dispose pas d’un ministre en charge de l’enfance pour prendre en main ces questions.
liste des recommandations des rapporteures
Recommandation n° 1 de Mme Parmentier : la rapporteure recommande de renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière afin de réduire la pression et la saturation des structures et des dispositifs d’accueil.
Recommandation n° 2 : les rapporteures recommandent que les administrations publiques s’appuient davantage sur la pauvreté infantile calculée en conditions de vie pour élaborer des politiques publiques ciblées.
Recommandation n° 3 : les rapporteures recommandent la mise en place d’une nouvelle cohorte généraliste qui permettrait d’approfondir la recherche sur la pauvreté infantile.
Recommandation n° 4 : les rapporteures préconisent la mise en place d’une étude sur les montants des allocations familiales, notamment pour les familles nombreuses, afin d’éviter que la naissance d’un enfant ne les fasse basculer sous le seuil de pauvreté.
Recommandation n° 5 : les rapporteures préconisent de compenser l’inflation subie par les bénéficiaires des prestations familiales et de solidarité afin de limiter leur perte de pouvoir d’achat.
Recommandation n° 6 : les rapporteures recommandent d’évaluer l’efficacité des prestations familiales à échéance régulière, tous les 2 ou 3 ans, afin de vérifier que l’objectif fixé est atteint ainsi que de disposer de données précises.
Recommandation n° 7 : les rapporteures recommandent d’ouvrir le droit aux prestations familiales dès le premier enfant.
Recommandation n° 8 : les rapporteures soutiennent la déconjugalisation de l’ASF.
Recommandation n° 9 : les rapporteures préconisent de garantir, pour chaque démarche administrative, un libre-choix des administrés entre une démarche numérique ou en format papier.
Recommandation n° 10 : les rapporteures recommandent de maintenir le budget France Service et le budget des conseillers numériques, afin de pérenniser l’accompagnement des administrés dans leurs démarches.
Recommandation n° 11 : les rapporteures préconisent de créer un guichet unique numérique, intelligible, répertoriant l’ensemble des dispositifs et services d’aides pour les familles.
Recommandation n° 12 de Mme Piron : la rapporteure recommande de baisser le taux de TVA sur les produits alimentaires et d’hygiène pour bébés.
Recommandation n° 13 de Mme Parmentier : la rapporteure recommande la suppression de la TVA sur les produits alimentaires et d’hygiène pour bébés.
Recommandation n° 14 de Mme Piron : la rapporteure recommande d’accélérer les procédures visant à obtenir une autorisation de travail et à doubler la durée des titres de séjour pour alléger le travail des préfectures, ainsi qu’économiser sur les dépenses de l’État au titre de l’hébergement d’urgence.
Recommandation n° 15 : les rapporteures recommandent de faire des inégalités dès la petite enfance la priorité des politiques publiques et de renforcer la lutte contre les inégalités d’accès aux EAJE dans le cadre du SPPE.
Recommandation n° 16 : les rapporteures recommandent d’augmenter la production de logements sociaux, et notamment très sociaux.
Recommandation n° 17 : les rapporteures demandent une évaluation de l’état du logement social en France, en particulier en matière d’accès et de rotation des bénéficiaires.
Recommandation n° 18 : les rapporteures préconisent la mise en œuvre d’une évaluation de l’effet, sur les enfants, de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023.
Recommandation n° 19 : les rapporteures recommandent de mettre en place une « trêve scolaire républicaine » pour suspendre les expulsions habitatives des enfants et de leur famille durant l’année scolaire.
Recommandation n° 20 : les rapporteures recommandent de renforcer le pilotage national de lutte contre l’habitat indigne.
Recommandation n° 21 : les rapporteures préconisent de poser clairement dans la loi l’obligation de fournir, de manière inconditionnelle, un hébergement à tout enfant qui en serait dépourvu.
Recommandation n° 22 : la rapporteure recommande de mener une évaluation sur l’état de l’hébergement d’urgence en France, en particulier en matière d’accès, de rotation, ainsi que de répartition des bénéficiaires selon leur nationalité, avec une présentation détaillée des pourcentages par nationalité.
Recommandation n° 23 : les rapporteures recommandent de préciser à l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles que l’hébergement d’urgence doit garantir des conditions d’accueil conformes aux droits des enfants ainsi que poser une priorité à l’hébergement d’enfants dans des centres adaptés, à l’exclusion des hôtels.
Recommandation n° 24 : les rapporteures préconisent de mettre en place un financement dédié pour encourager la transition des lieux d’hébergement dans des conditions matérielles davantage respectueuses des droits des enfants.
Recommandation n° 25 : les rapporteures recommandent de rappeler clairement les principes légaux de continuité et de stabilité pour favoriser la stabilité résidentielle des familles accueillies dans les dispositifs d’hébergement d’urgence.
Recommandation n° 26 : les rapporteures recommandent de faire du soutien à la parentalité un véritable pilier de la politique familiale et un axe de la lutte contre la pauvreté infantile.
Recommandation n° 27 : les rapporteures préconisent d’inciter, dans le cadre des schémas départementaux de soutien aux familles, tous les acteurs identifiés intervenant dans le champ de l’éducation à renforcer l’implication des parents.
Recommandation n° 28 : les rapporteures préconisent de renforcer le rôle de prévention des PMI, en généralisant le premier contact systématique avec les mères qui est actuellement réalisé par la PMI de Paris à toutes les PMI du territoire, en les déchargeant d’un certain nombre d’autres missions.
Recommandation n° 29 : les rapporteures recommandent une évaluation des besoins du budget des PMI pour leur permettre d’accomplir les missions qui leur sont attribuées.
Recommandation n° 30 : les rapporteures recommandent de définir des priorités en matière de prévention des inégalités dès le plus jeune âge et de les décliner en plan d’action national et local impliquant les PMI.
Recommandation n° 31 de Mme Piron : la rapporteure recommande de rappeler plus fermement le cadre juridique résultant de l’article 16 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 et de sanctionner les communes refusant une inscription scolaire ou imposant des délais trop longs pour rendre effective cette inscription.
Recommandation n° 32 : les rapporteures préconisent la mise en place d’une politique globale dédiée à l’effectivité de la scolarisation de tous les enfants.
Recommandation n° 33 : les rapporteures préconisent la mise en place d’un observatoire de la non-scolarisation chargé de produire des chiffres sur l’ensemble du territoire français, d’analyser les causes de la non-scolarisation et d’émettre des recommandations pour y répondre.
Recommandation n° 34 : à court terme, a minima, les rapporteures préconisent la mise en place d’une expérimentation de ce type d’observatoire sur certains territoires défavorisés.
Recommandation n° 35 : les rapporteures recommandent d’amplifier le soutien aux programmes Mieux manger pour tous et MALIN.
Recommandation n° 36 : les rapporteures recommandent d’étendre le dispositif de la « cantine à un euro » à davantage de communes.
Recommandation n° 37 : les rapporteures préconisent de donner un fondement législatif au dispositif de la « cantine à un euro ».
Recommandation n° 38 : les rapporteures recommandent de mener une évaluation sur les conséquences des écarts de seuil dans les barèmes de restauration scolaire.
Recommandation n° 39 : les rapporteures recommandent la mise en place d’une étude documentant le non-recours à la restauration scolaire.
Recommandation n° 40 : les rapporteures préconisent de mener une réflexion nationale sur la question de la tarification de la restauration scolaire.
Recommandation n° 41 de Mme Piron : la rapporteure préconise de rendre la compétence en matière de restauration scolaire obligatoire pour les communes.
Recommandation n° 42 de Mme Piron : à défaut, la rapporteure préconise la mise en place d’un système incitant les collectivités territoriales à s’investir dans cette question de la restauration scolaire ainsi qu’une compensation financière versée aux familles pour couvrir une partie des frais liés à l’absence de restauration scolaire.
Recommandation n° 43 : les rapporteures recommandent de simplifier les procédures liées aux dons à des associations œuvrant en matière de lutte contre la pauvreté et d’aide aux plus démunis.
Lors de sa réunion du mercredi 21 mai 2025, la Délégation aux droits des enfants a examiné le présent rapport et en a autorisé la publication.
La vidéo de cette réunion est consultable à l’adresse suivante :
Liste des personnes auditionnées
● Jeudi 14 novembre 2024
Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) :
– Mme Sylviane Giampino, vice-présidente ;
– Mme Frédérique Chave, secrétaire générale adjointe.
● Jeudi 21 novembre 2024
Unicef France :
– M. Corentin Bailleul, responsable de pôle plaidoyer et programmes France ;
– Mme Julie Lignon, chargée de plaidoyer et de programme « Lutte contre la pauvreté » ;
– Mme Mina Stahl, chargée des relations avec les pouvoirs publics.
● Jeudi 12 décembre 2024
– Mme Nathalie Casso-Vicarini, fondatrice et déléguée générale de l’association Ensemble pour la petite enfance, co-présidente du groupe de travail « Éradiquer la pauvreté des enfants », membre de la commission des 1 000 premiers jours.
Association La Croix Rouge France :
– Mme Camille Joubert, directrice de la filière de lutte contre les exclusions ;
– M. Marc Vannesson, directeur du développement des programmes.
● Jeudi 19 décembre 2024
Think tank Break Poverty :
– Mme Valérie Daher, directrice générale ;
– M. Denis Metzer, président ;
– M. Christophe Sanchez, directeur de l’innovation.
SAMU social de Paris :
– Mme Vanessa Benoît, directrice générale.
● Jeudi 16 janvier 2025
Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) :
– M. Jean-Benoît Dujol, directeur général.
Institut national d’études démographiques (Ined) :
– Mme Carole Bonnet, directrice de recherche ;
– Mme Marion Leturcq, chargée de recherche ;
– Mme Lidia Panico, chargée de recherche ;
– Mme Anne Solaz, directrice de recherche.
● Jeudi 23 janvier 2025
Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) :
– Mme Klara Le Corre, chargée des relations institutionnelles ;
– M. Benjamin Grivel, directeur général ;
– M. Frédéric Vabre, directeur de cabinet.
Association Apprentis d’Auteuil :
– Mme Alyette de Béru, cheffe de projet plaidoyer et relations institutionnelles ;
– Mme Aude Le Mentec, directrice de l’EAJE Auteuil Petite Enfance « Balthazar » de Strasbourg ;
– Mme Lucie Robieux, directrice du plaidoyer.
● Jeudi 13 février 2025
Union nationale des associations familiales (Unaf) :
– Mme Mylène Armando, secrétaire générale adjointe ;
– Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires ;
– M. Jean-Philippe Vallat, directeur des politiques et actions familiales et des études.
● Jeudi 20 février 2025
– Mme Vanessa Stettinger, maître de conférence en sociologie à l’Université de Lille.
Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) :
– M. Jérôme d’Harcourt, délégué interministériel ;
– M. Manuel Hennin, adjoint au délégué interministériel.
● Jeudi 6 mars
Défenseur des droits :
– Mme Claire Hédon, Défenseure des droits ;
– M. Éric Delemar, Défenseur des enfants.
Association Les Restos du Cœur :
– M. Louis Cantuel, responsable du pôle institutionnel et stratégique ;
– Mme Roselyne Masson, bénévole.
● Jeudi 13 mars 2025
Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté (DIPLP) :
– Mme Anne Rubinstein, déléguée interministérielle ;
– Mme Juliette Parnot, conseillère parlementaire.
Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE) :
– M. Nicolas Duvoux, président.
● Jeudi 20 mars 2025
Ville de Paris :
– Mme Delphine Gourlet, médecin de PMI à la Ville de Paris ;
– Mme Véronique Prisse, cheffe de service PMI à la Ville de Paris.
Collectif Alerte :
– M. Noam Leandri, président ;
– Mme Charlotte Penot, coordinatrice.
● Jeudi 3 avril 2025
Départements de France :
– Mme Laurette Le Discot, conseillère enfance et famille ;
– Mme Marie-Louise Kuntz, vice-présidente du département de la Moselle ;
– M. Brice Lacourieux, conseiller parlementaire ;
– M. Laurent Zakrzewski, directeur adjoint en charge des solidarités au département de la Moselle.
Contributions écrites :
– Secours populaire des Yvelines ;
– Caisse d’allocations familiales des Yvelines ;
– Collectif École Pour Tous.
Annexe : liste des déplacements effectués
● Vendredi 21 mars 2025 : déplacement à Lyon
Visite de sites informels d’hébergement de familles, en compagnie de Mme Sophia Popoff, adjointe en charge de l’hébergement d’urgence :
● Visite de l’ancien EPHAD de la Villette d’Or, où la ville de Lyon met à l’abri des familles à la rue.
Rencontre avec l’association LAHSO :
– M. Damien Delahaye, directeur général ;
– M. Cédric Grignard, responsable de pôle accueil et hébergement collectif ;
– M. Saïdou Ouedraogo, coordinateur du site de la Villette d’Or.
Fresque murale au sein de l’ancien EPHAD de la Villette d’Or
● Visite du site Gilibert, ancienne école maternelle dont l’occupation par le collectif Jamais Sans Toit est tolérée par la ville.
Cuisine de l’ancienne école Gilibert, occupée pour mettre à l’abri des familles. Il s’agit de la seule cuisine dont disposent les personnes accueillies, à savoir 80 personnes.
Rencontre avec le collectif Jamais Sans Toit :
– Mme Juliette Murtin, porte-parole ;
– M. Raphaël Vulliez, cofondateur.
● Lundi 31 mars 2025
Le matin :
Déplacement à Fresnes pour visiter un centre d’hébergement d’urgence, « Le Relais de la Tour », géré par La Croix Rouge :
– Rencontre avec Mme Françoise Bousquet, directrice territoriale filière lutte contre les exclusions en Île-de-France et les équipes du centre.
– Visite des locaux et échanges avec des mères de famille hébergées avec leurs enfants.
L’après-midi :
– Visite d’un centre d’hébergement d’urgence géré par l’Armée du Salut à Porte des Lilas, dans le 19e arrondissement de Paris ;
– Rencontre au siège de l’Armée du Salut, dans le 20e arrondissement de Paris, de M. Claude Magdelonnette, directeur du programme inclusion.
● Vendredi 4 avril 2025 : déplacement dans les Yvelines
Rencontre à la mairie de la Celle-Saint-Cloud :
– M. Olivier Delaporte, maire de la Celle-Saint-Cloud, vice-président de Versailles Grand Parc, conseiller régional ;
– Mme Sylvie d’Estève, premier maire-adjoint de la Celle-Saint-Cloud, déléguée au social, aux ressources humaines, à la petite enfance, au logement, et conseillère départementale ;
– Mme Aurélie Toutain, directrice pôle éducation de la Celle-Saint-Cloud ;
– Mme Aurélie Schaaf, directrice allocataires et partenaires Caf des Yvelines ;
Visite du relais petite enfance de la Celle-Saint-Cloud.
Visite de l’annexe de Saint-Cyr-l’École de l’école de raccrochage scolaire Pier Giorgio Frassati, avec l’association Apprentis d’Auteuil :
– M. Maxime Michel, directeur de l’établissement.
– Mme Alyette de Béru, cheffe de projet plaidoyer et relations institutionnelles chez Apprentis d’Auteuil.
Logo de l’école Pier Giorgio Frassati
Visite d’un centre d’hébergement d’urgence géré par l’association Aurore à Marly-le-Roi :
– M. Tarek Dib, directeur d’activités 78/92 ;
– Rencontres et échanges avec les professionnels du centre ainsi qu’avec des parents et des enfants volontaires pour dialoguer avec les rapporteures.
([1]) Données Insee à 60 % du revenu médian dans la publication « Les revenus et le patrimoine des ménages », édition 2024, parue le 17 octobre 2024.
([2]) La pauvreté en conditions de vie, ou privation matérielle et sociale, au sens d’Eurostat désigne, depuis 2017, une situation de difficulté économique durable définie comme l’incapacité à couvrir (plutôt que le choix de ne pas couvrir) au moins 5 dépenses parmi une liste de 13.
([3]) Audition de l’Unicef du jeudi 21 novembre 2024.
([4]) Audition de l’Unicef, ibid.
([5]) Audition de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) du jeudi 16 janvier 2025.
([6]) Audition de l’association Les Restos du Cœur du jeudi 6 mars 2025.
([7]) Organisation des Nations Unies (ONU), Comité des droits de l’enfant, Observations finales concernant le rapport de la France valant sixième et septième rapports périodiques, CRC/C/FRA/CO/6-7, 4 décembre 2023.
([8]) Organisation des Nations Unies (ONU), Comité des droits de l’enfant, Observations finales concernant le rapport de la France valant sixième et septième rapports périodiques, ibid.
([9]) Adeline Hazan, Lettre ouverte au Président de la République pour faire de la lutte contre la pauvreté des enfants une priorité forte du Pacte des solidarités, lettre adressée au Président de la République, Emmanuel Macron, 14 avril 2023.
([10]) Audition de l’Unicef, op. cit.
([11]) Yann Guidevay, Jorick Guillaneuf (Insee), « En 2019, le niveau de vie médian augmente nettement et le taux de pauvreté diminue », Insee première, n° 1875, paru le 5 octobre 2021.
([12]) Audition de chercheurs de l’institut d’études démographiques (Ined) du jeudi 16 janvier 2025.
([13]) Audition de chercheurs de l’Ined, ibid.
([14]) À 60 % du revenu médian.
([15]) Audition de chercheurs de l’Ined, ibid.
([16]) Audition de Break Poverty du jeudi 19 décembre 2024.
([17]) Audition de Break Poverty, ibid.
([18]) Audition Vanessa Stetinger du jeudi 20 février 2025.
([19]) Audition de chercheurs de l’Ined, op. cit.
([20]) Insee, indicateurs de richesse nationale, parution le 6 janvier 2025.
([21]) Audition de chercheurs de l’Ined, op. cit.
([22]) Barbara Castillo Rico, Marion Leturcq, Lidia Panico, La pauvreté des enfants à la naissance en France. Résultats de l’enquête Elfe, Revue des politiques sociales et familiales, 2020.
([23]) Yuliya Kazakova, Marion Leturcq, Lidia Panico, Multidimensionel Child Deprivation : Constructing Longitudinal Indicators for the Early Childhood Period, Child Indicators Research, 2024.
([24]) Caisse nationale d’allocations familiales, Quel accueil pour le jeune enfant en situation de pauvreté ? Un état des savoirs, sous la direction de Chantal Zaouche Gaudron, La Documentation française, 2021.
([25]) Barbara Castillo Rico, Marion Leturcq, Lidia Panico, La pauvreté à la naissance des enfants en France, op. cit.
([26]) Barbara Castillo Rico, Marion Leturcq, Lidia Panico, La pauvreté à la naissance des enfants en France, ibid.
Plus précisément, elles ont démontré qu’à l’âge de deux mois, 4,8 % des enfants considérés comme pauvres monétairement ne sont pas considérés comme pauvres en conditions de vie. Inversement, environ 8,2 % des enfants sont à la fois considérés comme pauvres en conditions de vie matérielles mais pas pauvres monétairement. En ce qui concerne le logement, 6,2 % des enfants à l’âge de deux mois (et 6,9 % des enfants à l’âge d’un an) qui sont pauvres sur le plan monétaire ne sont pas considérés comme pauvres en conditions de logement, tandis que 9,6 % des enfants de deux mois sont considérés comme pauvres en conditions de logement, mais ne sont pas considérés comme pauvres d’un point de vue financier (8,7 % pour les enfants à l’âge d’un an). L’intersection entre pauvreté monétaire et pauvreté dans les conditions de vie dans la dimension parentale est encore plus faible : 21,5 % des enfants de deux mois (17,2 % chez les enfants d’un an) sont considérés comme pauvres pour la dimension parentale mais ne sont pas considérés comme pauvres monétairement.
([27]) Barbara Castillo Rico, Marion Leturcq, Lidia Panico, La pauvreté à la naissance des enfants en France, ibid.
([28]) Audition de chercheurs de l’Ined, op. cit.
([29]) Audition de Vanessa Stettinger, op. cit.
([30]) Audition de chercheurs de l’Ined, op. cit.
([31]) Audition de chercheurs de l’Ined, op. cit.
([32]) Observatoire des inégalités, « Pourquoi certaines enfants vivent-ils dans la pauvreté ? », 4 octobre 2019.
([33]) Audition de chercheurs de l’Ined, op. cit.
([34]) Visite de l’antenne de Saint-Cyr-l’École de l’école Pier Giorgio Frassati.
([35]) Audition de Départements de France du jeudi 3 avril 2025.
([36]) Audition de la Croix Rouge France du jeudi 12 décembre 2024
([37]) HCFEA, Le pouvoir d’achat des familles face au choc d’inflation, 19 décembre 2023.
([38]) Carole Bonnet et Anne Solaz, « Séparation des parents : un risque accru de pauvreté pour les enfants ? » Population & Sociétés, n° 610, avril 2023.
([39]) Carole Bonnet et Anne Solaz, « Séparation des parents : un risque accru de pauvreté pour les enfants ? », ibid.
([40]) Marine de Montaignac, Carole Bonnet, Anne Solaz, « Séparation des parents : quel impact sur le niveau de vie des enfants ? » France Stratégie, note d’analyse, janvier 2024, n° 132.
([41]) Carole Bonnet et Anne Solaz, « Séparation des parents : un risque accru de pauvreté pour les enfants ? », op. cit.
([42]) Carole Bonnet et Anne Solaz, « Séparation des parents : un risque accru de pauvreté pour les enfants ? », ibid
([43]) Marine de Montaignac, Carole Bonnet, Anne Solaz, « Séparation des parents : quel impact sur le niveau de vie des enfants ? », op. cit.
([44]) Marine de Montaignac, Carole Bonnet, Anne Solaz, « Séparation des parents : quel impact sur le niveau de vie des enfants ? », ibid.
([45]) Marine de Montaignac, Carole Bonnet, Anne Solaz, « Séparation des parents : quel impact sur le niveau de vie des enfants ? », ibid.
([46]) Audition de Unicef, op. cit.
([47]) Enfants ou jeunes adultes de moins de 25 ans.
([48]) Insee, Les revenus et le patrimoine des ménages, édition 2024, paru le 17 octobre 2024.
([49]) Insee, Les revenus et le patrimoine des ménages, ibid.
([50]) Insee, Immigrés et descendants d’immigrés, édition 2023, paru le 30 mars 2023.
([51]) Samuel-Frédéric Servière, « Précarité, pauvreté et immigration : un surcoût à plus de 10 milliards d’euros par an », fondation Ifrap, publié le 14 janvier 2025.
([52]) Unicef, Consultation nationale des 6-18 ans 2024. Enfants et adolescents en souffrance. Privations, déficit de protection et rejet social, rapport, 19 novembre 2024.
([53]) Unicef, Consultation nationale des 6-18 ans 2024, ibid.
([54]) Dafna E. Kohen, Clyde Hertzman, Jeanne Brooks-Gunn, « Les influences du quartier sur la maturité scolaire de l’enfant », Applied Research Branch, Strategy Policy, Human Resources Development Canada, 1998.
([55]) Dominique Goux et Éric Maurin, « Composition sociale du voisinage et échec scolaire : une évaluation sur données françaises », Revue économique, n° 56, pp. 349-361, 2005.
([56]) Christophe Sanchez, Les inégalités dès le plus jeune âge. Comprendre et agir, Break Poverty Foundation, juin 2024.
([57]) Audition de l’Unicef, op. cit.
([58]) Contribution écrite du Secours populaire
([59]) Audition de l’Unicef, op. cit.
([60]) Déplacement en Guyane de la délégation aux droits des enfants (Mme Perrine Goulet, présidente ; Mme Sophie Mette, vice-présidente).
([61]) Audition de l’Unicef, op. cit.
([62]) Lorsque l’enfant est orphelin, non reconnu ou adopté, l’ASF peut être accordée et être attribuée à un couple qui a recueilli un enfant privé d’un ou de ses deux parents.
([63]) Audition de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) du jeudi 23 janvier 2025.
([64]) Audition de la Cnaf, ibid.
([65]) Site internet de la Sécurité sociale, rapports d’évaluation des politiques de Sécurité sociale, objectif n° 2 : aider davantage les familles vulnérables, 2.3.2. Impact des prestations sur le taux de la pauvreté monétaire des enfants.
([66]) Site internet de la Sécurité sociale, ibid.
([67]) Site internet de la Sécurité sociale, ibid.
([68]) Site internet de la Sécurité sociale, ibid.
([69]) Audition de Sylviane Giampino du 14 novembre 2024.
([70]) HCFEA, Le pouvoir d’achat des familles face au choc d’inflation, op. cit.
([71]) Audition de la Cnaf, op. cit.
([72]) Audition de chercheurs de l’Ined, op. cit.
([73]) Audition de la Cnaf, op. cit.
([74]) Audition de la Défenseure des droits du jeudi 6 mars 2025.
([75]) Audition de la Cnaf, op. cit.
([76]) Audition d’Apprentis d’Auteuil du jeudi 23 janvier 2025.
([77]) Audition de la Cnaf, op. cit.
([78]) Audition de la Cnaf, ibid.
([79]) Audition de la Cnaf, ibid.
([80]) Audition d’Anne Rubinstein du jeudi 13 mars 2025.
([81]) Audition de Break Poverty du jeudi 19 décembre 2024.
([82]) Christophe Sanchez, Les inégalités dès le plus jeune âge, op. cit.
([83]) Betty Hart et Todd R. Risley, Meaningful Differences in the Everyday Experience of Young American Children, Baltimore (USA), Brookes, 1995.
([84]) Sébastien Grobon, Lidia Panico, Anne Solaz, « Inégalités socioéconomiques dans le développement langagier et moteur des enfants à 2 ans », 2018.
([85]) James Heckman, « The case for Investing in Disadvantaged Young Children », 2008.
([86]) Christophe Sanchez, Les inégalités dès le plus jeune âge, op. cit.
([87]) Christophe Sanchez, Les inégalités dès le plus jeune âge, ibid.
([88]) Audition de la Défenseure des droits, op. cit.
([89]) Audition de l’Union nationale des associations familiales (Unaf) du jeudi 13 février 2025.
([90]) CEDH 21 févr. 1986, James c/ Royaume Uni., requête. n° 8793/79.
([91]) Décision n° 94-359 DC du 19 janvier 1995
([92]) Audition de l’Unicef, op. cit.
([93]) Fondation Abbé Pierre, L’état du mal-logement en France en 2024.
([94]) Audition de la Défenseure des droits, op. cit.
([95]) Audition de l’Unicef, op. cit.
([96]) Contribution écrite du collectif École Pour Tous.
([97]) Audition d’Anne Rubinstein, op. cit.
([98]) Décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l’application de l’article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
([99]) Audition de La Croix Rouge, op.cit.
([100]) Audition du SAMU social de Paris du jeudi 19 décembre 2024.
([101]) Tribunal administratif de Paris, 11 janvier 2013, n°1300311/9 (63) .
([102]) Tribunal administratif de Lyon, 4 avril 2013, n°1302614 (N° 3) ; TA Bordeaux, 25 novembre 2014, n°1404766 (N° 8) ; Tribunal administratif de Bordeaux, 5 février 2015, n°1500466 (N° 9) ; Tribunal administratif de Nantes, 27 mars 2015, n°1502577 (N° 13) ; Tribunal administratif de Nantes, 24 septembre 2015, n°1507859 (N° 18) et Tribunal administratif de Lille, 20 octobre 2016, n°I607682, 1607684 (N° 30).
([103]) Tribunal administratif de Paris, 20 novembre 2018, n°1819251/9 (62).
([104]) Conseil d’État, 1re – 6e SSR, 30 mars 2016, n° 382437, publié au recueil Lebon.
([105]) Tribunal administratif de Mayotte, 17 décembre 2018, n°1801909 (71).
([106]) Unicef, Baromètre des enfants à la rue, édition 2024.
([107]) Audition de l’Unicef, op. cit.
([108]) Audition du SAMU social de Paris, op. cit.
([109]) Défenseur des droits, SAMU social de Paris, Adolescents sans-logement. Grandir en famille dans une chambre d’hôtel, février 2019.
([110]) Défenseur des droits, SAMU social de Paris, Adolescents sans-logement., ibid.
([111]) L’impact important du soutien à la parentalité a été démontré, dès les années 1960, par le projet « Perry Preschool Project », qui s’est déroulé entre 1962 et 1967, dans le Michigan, aux États-Unis. Cette étude a suivi 5 cohortes de 123 enfants au total, âgés de 3 à 5 ans, ayant eu de faibles résultats aux tests de QI à 3 ans et vivant dans des familles en situation de grande pauvreté. Durant deux années, des sessions quotidiennes de 2 h 30 le matin visant à impliquer les enfants dans la résolution de problèmes, la prise de décisions, à leur apprendre à programmer et réaliser leurs activités et des visites hebdomadaires au sein de la famille pour favoriser les interactions enfants-parents. Pour mesurer les résultats de ce programme, les chercheurs ont appliqué un protocole d’essais randomisés contrôlés avec un groupe test composé de 58 enfants et un groupe témoin composé de 65 enfants. Les enfants ont ensuite été suivis pendant 40 ans. Les impacts les plus importants ont été constatés sur les compétences non-cognitives (motivation, autodiscipline). Les enfants ayant bénéficié du programme ont, par la suite, en moyenne, eu de meilleurs résultats académiques, fait des études plus longues, obtenu de meilleurs salaires et ont été moins au chômage et ont moins souvent rencontré des problèmes de délinquance que les enfants au même profil n’ayant pas bénéficié du même accompagnement. Une autre étude, dite « Carolina Abecederian », a suivi pendant près de 30 ans des enfants dont les parents ont été accompagnés entre 1972 et 1977 à la naissance de leur enfant. Cette étude a permis de mettre en avant le fait que le soutien à la parentalité avait induit des résultats positifs sur les parcours de vie des enfants : meilleurs résultats scolaires, réalisation d’études plus longues et accès à des emplois qualifiés.
([112]) Christophe Sanchez, Les inégalités dès le plus jeune âge, op. cit.
([113]) Christophe Sanchez, Les inégalités dès le plus jeune âge, ibid.
([114]) Christophe Sanchez, Les inégalités dès le plus jeune âge, ibid.
([115]) Vers Le Haut, Soutenir les familles. Le meilleur investissement social. Idées et actions pour mieux accompagner les parents dans leurs responsabilités éducatives, 2020.
([116]) Christophe Sanchez, Les inégalités dès le plus jeune âge, op. cit.
([117]) Christophe Sanchez, Les inégalités dès le plus jeune âge, ibid.
([118]) Christophe Sanchez, Les inégalités dès le plus jeune âge, ibid.
([119]) Audition de Nathalie Casso-Vicarini du jeudi 12 décembre 2024.
([120]) Audition de l’Unaf, op. cit.
([121]) Audition d’Anne Rubinstein, op. cit.
([122]) Audition de la Défenseure des droits, op. cit.
([123]) Audition de la PMI de Paris du jeudi 20 mars 2025.
([124]) Christophe Sanchez, Les inégalités dès le plus jeune âge, op. cit.
([125]) Audition de l’Unicef, op. cit.
([126]) Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), Droit à la scolarisation, avis, octobre 2024.
([127]) Le premier article du décret n° 2020-811 du 29 juin 2020 précisant les pièces pouvant être demandées à l’appui d’une demande d’inscription sur la liste prévue à l’article L. 131-6 du code de l’éducation insère, dans le code de l’éducation, un article D. 131-3-1 disposant que ne peuvent être exigées à l’appui de la demande d’inscription scolaire que les pièces suivantes : document justifiant de l’identité de l’enfant ; document justifiant de l’identité des personnes responsables de l’enfant ; document justifiant de leur domicile. Il précise par ailleurs que « Lorsque les personnes responsables de l’enfant ne sont pas en mesure de produire l’un de ces documents, il peut être attesté sur l’honneur des noms, prénoms, date et lieu de naissance de l’enfant et de l’identité des personnes qui en sont responsables. Il peut être justifié du domicile par tous moyens, y compris une attestation sur l’honneur. Le maire peut faire procéder à la vérification de la domiciliation sur le territoire de la commune. Cette vérification ne peut faire obstacle à l’inscription de l’enfant sur la liste scolaire ».
([128]) Contribution écrite du collectif École Pour Tous
([129]) Audition de la Défenseure des droits, op. cit.
([130]) Audition du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) du jeudi 13 mars 2025.
([131]) Déplacement des rapporteures dans les Yvelines du 4 avril 2025.
([132]) Plan d’action 2022-2030 pour la mise en œuvre de la Recommandation (UE) 2021/1004 du Conseil du 14 juin 2021 établissant une Garantie européenne pour l’enfance, Secrétariat général des affaires européennes, services du Premier ministre.
([133]) Audition de la Défenseure des droits, op. cit.
([134]) Audition d’Anne Rubinstein, op. cit.
([135]) Maurice Bilionere, Gwenaelle Taupe, Insee, « En Guyane, 6 200 enfants âgés de 3 à 16 ans ne sont pas scolarisés en 2020 », Insee analyses Guyane, n° 68, paru le 1er février 2024.
([136]) Audition de la Défenseure des droits, op. cit.
([137]) Audition d’Anne Rubinstein, op. cit.
([138]) Foodwatch, « Supermarchés : les aliments les moins chers sont aussi les plus sucrés », 15 janvier 2025.
([139]) De la même manière, les biscottes les moins chères ont 24 % de sucre en plus que les plus chères, ce taux étant de 30 % pour les cordons bleus, 17 % pour le pain de mie, 25 % pour le pesto, 117 % pour les pizzas…
([140]) Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV), enquête alimentation « Grande distribution et promotions : trop de malbouffe à l’honneur ! », dossier de presse, septembre 2024.
([141]) Le Monde, « Les cas de scorbut chez les enfants en hausse régulière depuis 2015 », édition papier du dimanche 5 – lundi 6 janvier 2025, p. 12.
([142]) Audition de Vanessa Stettinger du jeudi 20 février 2025.
([143]) Audition d’Anne Rubinstein, op. cit.
([144]) Audition d’Anne Rubinstein, ibid.
([145]) Audition d’Anne Rubinstein, ibid.
([146]) Article L. 2321-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT).
([147]) Article L. 131-13 : « L'inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille. ».
([148]) Conseil constitutionnel, « Loi relative à l’égalité et la citoyenneté », n° 2016-745 DC, 26 janvier 2017.
([149]) Audition de la Cnaf, op. cit.
([150]) Audition d’Anne Rubinstein, op. cit.
([151]) Audition de Sylviane Giampino, op. cit.
([152])Plan d’action 2022-2030 pour la mise en œuvre de la Recommandation (UE) 2021/1004 du Conseil du 14 juin 2021 établissant une Garantie européenne pour l’enfance, op. cit.
([153]) Audition de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) du jeudi 16 janvier 2025.
([154]) HCFEA, La restauration scolaire : un enjeu majeur de politique publique, 12 novembre 2024.
([155]) Audition d’Anne Rubinstein, op. cit.
([156]) Audition d’Anne Rubinstein, ibid.
([157]) Audition de la DGCS, op. cit.
([158]) Audition d’Anne Rubinstein, op. cit.
([159]) En 2024, le montant de l’aide par repas est de 2,15 euros dans le 1er et le 2nd degré (3,31 euros dans le 1er degré à Mayotte).
([160]) Audition de la Cnaf, op. cit.
([161]) Audition de la Cnaf, ibid.
([162]) Audition de la Cnaf, ibid.
([163]) Déplacement en Guyane de la délégation aux droits des enfants (Mme Perrine Goulet, présidente ; Mme Sophie Mette, vice-présidente).
([164]) Lidia Panico, Maxime Tô, Olivier Thévenon, « La fréquence des naissances de petits poids : quelle influence a le niveau d’instruction des mères ? », Population et Sociétés, n° 523, 2015.
([165]) Lidia Panico, Maxime Tô, Olivier Thévenon, « La fréquence des naissances de petits poids : quelle influence a le niveau d’instruction des mères ? », ibid.
([166]) Lidia Panico, Maxime Tô, Olivier Thévenon, « La fréquence des naissances de petits poids : quelle influence a le niveau d’instruction des mères ? », ibid.
([167]) Christophe Sanchez, Les inégalités dès le plus jeune âge, op. cit.
([168]) Audition de Break Poverty, op. cit.
([169]) DREES, Études et Résultats, « Plus exposés à la pollution de l’air, les jeunes enfants des ménages modestes, plus fragiles, sont les plus affectés », janvier 2024, n° 1292.
([170]) DREES, Études et Résultats, « Plus exposés à la pollution de l’air, les jeunes enfants des ménages modestes, plus fragiles, sont les plus affectés », ibid.
([171]) DREES, Études et Résultats, « Plus exposés à la pollution de l’air, les jeunes enfants des ménages modestes, plus fragiles, sont les plus affectés », ibid.
([172]) Audition de la Défenseure des droits, op. cit.
([173]) Unicef, De l’injustice sociale dans l’air. Pauvreté des enfants et pollution de l’air, octobre 2021.
([174]) Visite d’un accueil de jour mère-enfant de la Société Philanthropique, dans le 18e arrondissement de Paris.
([175]) Audition de l’Unicef, op. cit.
([176]) Audition de l’Unicef, ibid.
([177]) Unicef, Grandir sans chez soi. Quand l’absence de domicile met en péril la santé mentale des enfants, octobre 2022.
([178]) Cnaf, Quel accueil pour le jeune enfant en situation de pauvreté ? Un état des savoirs, sous la direction de Chantal Zaouche Gaudron, La Documentation française, 2021.
([179]) Christophe Sanchez, Les inégalités dès le plus jeune âge, op. cit.
([180]) Audition d’Anne Rubinstein, op. cit.
([181]) Audition d’Anne Rubinstein, ibid.
([182]) Audition d’Anne Rubinstein, ibid.
([183]) Audition d’Anne Rubinstein, ibid.
([184]) Audition des Départements de France du jeudi 3 avril 2025.
([185]) Audition de l’Unaf, op. cit.
([186]) Audition de l’Unaf, ibid.
([187]) Audition d’Anne Rubinstein, op. cit.
([188]) Audition d’Anne Rubinstein, ibid.
([189]) Audition d’Anne Rubinstein, ibid.
([190]) Audition d’Anne Rubinstein, ibid.
([191]) HCFEA, Le pouvoir d’achat des familles face au choc d’inflation, op. cit.
([192]) Audition de Sylviane Giampino, op. cit.
([193]) Audition des Départements de France, op. cit.
([194]) Audition de Break Poverty, op. cit.
([195]) Audition de Break Poverty, ibid.
([196]) Audition de Break Poverty, ibid.
([197]) Audition des Départements de France, op. cit.
([198]) Cour administrative d’appel de Bordeaux, 13 février 2025, n° 22BX03111.
([199]) Conseil d'État,1re- 4e chambres réunies, 22 décembre 2022, 458724
([200]) Audition des Départements de France, op. cit.
([201]) Audition des Départements de France, ibid.
([202]) Pertes de recettes dues à la baisse des DMTO : 5,5 Md€ ; pertes de recettes dues à la non-indexation des dotations sur l’inflation : 1,5 Md€ ; perte de recette due au transfert du Foncier Bâti (2020-2024) : 1,4 Md€ – Audition des Départements de France, ibid.
([203]) Visites de structures (voir annexe de la liste des déplacements).
([204]) Audition du collectif Jamais Sans Toit du lundi 21 avril 2025.
([205]) Audition du collectif Jamais Sans Toit, ibid.