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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 mai 2025.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 146 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE
sur les fractures territoriales et la péréquation
ET PRÉSENTÉ PAR
Mme Marina FERRARI et M. Emmanuel MANDON
rapporteurs spéciaux
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SOMMAIRE
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Pages
RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPECIAUX
A. Les effets de la péréquation en matière de réduction des inégalités se révèlent limités
B. Une analyse de l’efficience des dispositifs révèle des variations importantes
A. Le ciblage insuffisant de certains dispositifs rÉduit fortement leur efficience
2. La réforme des indicateurs de ressources demeure sujette à débat
3. Certains indicateurs de charges sont perfectibles
V. Recommandations des rapporteurs
A. Renforcer l’évaluation et l’information mise à disposition du public
1. Développer un indicateur fiable évaluant les charges de centralité
3. Supprimer la dotation nationale de péréquation, au bénéfice de la DSU et de la DSR
C. Mieux cibler les collectivités locales défavorisées
PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPECIAUX Recommandation n° 1 : améliorer la méthodologie existante, proposée par le gouvernement, d’évaluation de l’efficacité de la péréquation en matière de réduction des inégalités de richesse entre collectivités locales. Recommandation n° 2 : développer un indicateur fiable de répartition des dispositifs de péréquation évaluant les charges de centralité. Recommandation n° 3 : étudier l’intégration dans les dispositifs de péréquation communaux d’un indicateur de charges lié à l’exposition aux aléas climatiques et aux risques naturels. Recommandation n° 4 : supprimer la dotation nationale de péréquation, au bénéfice de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR). Recommandation n° 5 : limiter le rythme de progression de la fraction « péréquation » de la dotation de solidarité rurale. Recommandation n° 6 : généraliser le recours au revenu médian, en remplacement du revenu moyen, pour la répartition des dotations de péréquation.
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Les fractures territoriales font aujourd’hui partie des constats négatifs qui nourrissent dans la population française frustration et ressentiment. L’atténuation, sinon la suppression, des inégalités entre collectivités et territoires a constitué un objectif constant de politique publique. Les mécanismes de péréquation élaborés au fil du temps sont généralement considérés comme des outils adéquats pour tendre vers un tel objectif. Dans quelle mesure cet effort a-t-il été fructueux et quelles dispositions pourrait-on, le cas échéant, prendre pour en améliorer l’efficacité ? Le présent rapport propose une réponse à cette question.
À titre liminaire, il convient de reconnaître une difficulté liée à l’évolution des comportements des citoyens français. Les évaluations disponibles se rattachent souvent au schéma traditionnel qui associe sur un même territoire une série de biens et de services collectifs, le niveau d’équipement étant le critère d’évaluation le plus pertinent. Mais le rapport des citoyens au territoire et aux services a considérablement évolué. Leur mobilité géographique s’est accrue. Leur accès au service public repose de manière croissante sur de nouvelles technologies, qui laissent apparaître de nouvelles formes de fractures numériques. La notion de proximité géographique aux services publics, utilisée pour évaluer les fractures territoriales, est ainsi interrogée.
L’évaluation à laquelle les rapporteurs spéciaux se sont livrés dans le présent rapport se place dans la perspective de la résorption des inégalités territoriales en matière de qualité du service public et de capacité d’action des pouvoirs publics. La péréquation a été mise au service de cette résorption progressive, notamment par le soutien financier aux collectivités les plus démunies. Malheureusement, la superposition des mécanismes de péréquation a accumulé, par bricolages successifs, des imperfections difficiles à corriger en elles-mêmes.
Le fait que la péréquation s’applique au sein d’une enveloppe fermée a été présenté par nombre d’interlocuteurs des rapporteurs spéciaux comme un frein, voire un obstacle à une réflexion utile. Ces interlocuteurs soulignent qu’en l’absence d’augmentation de la somme sujette à péréquation, toute réforme se conclurait nécessairement par une diminution de ressources pour certaines catégories de collectivités, au risque de susciter de fortes oppositions.
Les rapporteurs spéciaux prennent acte de ces appréciations. Elles ne leur ont pas paru constituer des objections décisives à leur démarche qui consiste à proposer une évaluation objective des effets des mécanismes de péréquation sur la réduction des inégalités entre collectivités. La méthodologie retenue mesure ces inégalités entre collectivités à l’aune du potentiel financier par habitant, en recourant au coefficient de Gini ([1]). Certes l’évaluation ainsi réalisée présente des limites, liées soit à l’imperfection, soit même à l’absence d’informations. Elle n’en constitue pas moins un effort cohérent, fondé sur des données publiques, produites par des organismes reconnus, et aussi utilisées par les ministères pour évaluer l’efficacité de leur action (indicateur de performance budgétaire, rapport annuel sur le FPIC etc.).
À partir de ces résultats ainsi évalués, les rapporteurs spéciaux proposent quelques recommandations permettant de renforcer la lisibilité, l’acceptabilité ou l’efficience de certains dispositifs. Ils considèrent leur rapport comme la première étape d’une réflexion qu’ils espèrent poursuivre en tirant parti des réactions que celle-ci pourra susciter. Ils souhaitent ainsi faire mieux ressortir les aspects positifs de la démarche de péréquation pour le renforcement de la démocratie locale.
I. Les dispositifs de péréquation financière, verticale et horizontale, connaissent une croissance continue en nombre et montants
A. Malgré des défis persistants, un périmètre peu lisible et des objectifs imprécis, la diversité des dispositifs de péréquation financière s’est accrue depuis 2010
1. L’histoire du système de péréquation révèle la persistance de critiques relatives à sa complexité et à son acceptabilité
Dans la discussion générale du projet de loi instituant une dotation globale de fonctionnement (DGF), le député Augustin Chauvet remarquait déjà, le mardi 12 décembre 1978, que « sur le plan de l'équité et de la solidarité, l'adjonction du potentiel fiscal est entièrement justifiée en tant qu'il va assurer un complément de ressources aux collectivités les plus démunies. Il n'en reste pas moins que l'introduction de ce nouveau critère dans la répartition de la dotation va apporter un nouvel et sérieux élément de complication dans une affaire qui ne brillait déjà pas par sa simplicité ».
La crainte d’une complexité croissante des dispositifs de péréquation était ainsi déjà exprimée au cours des débats de l’Assemblée nationale sur la création de la DGF, qui visait pourtant une simplification des transferts financiers entre l’État et les collectivités territoriales.
En effet, chaque réforme de la fiscalité locale et des dispositifs de compensation financière est confrontée à deux défis : des inégalités préexistantes entre collectivités dues à leur diversité géographique et économique, ainsi qu’à des demandes de préservation de la répartition historique des ressources financières des collectivités. Le développement de la péréquation est alors le résultat d’une tension entre un objectif de réduction de ces inégalités et les demandes des collectivités de prévisibilité de leurs ressources. La genèse de la péréquation est révélatrice de cette tension.
Jusqu’en 1941, l’essentiel des ressources des collectivités locales reposait sur les quatre vieilles impositions traditionnelles. La loi du 6 novembre 1941 compensa la suppression des droits d’octroi des communes par la création d’une taxe locale sur les ventes au détail, assise sur le prix d’achat par le consommateur des biens et des prestations de services. Afin de pallier l’inégale répartition du produit de cette taxe, qui favorisait naturellement les communes où les dépenses des consommateurs étaient les plus élevées (centres commerciaux, zones balnéaires, etc.), le décret du 9 décembre 1948 portant réforme fiscale créa un fonds national de péréquation de cette taxe sur les transactions.
Quelque vingt ans plus tard, l’invention de la TVA, davantage neutre et efficace, conduisit à la suppression de la taxe sur les transactions par la loi du 6 janvier 1966. Cette loi compensa cette perte de ressources pour les communes en leur affectant 85 % du produit de la taxe sur les salaires. La suppression par la loi du 29 novembre 1968 de la taxe sur les salaires pour les entreprises assujetties à la TVA s’accompagna de la création d’un mécanisme de compensation, l’attribution d’un versement représentatif de la taxe sur les salaires (VRTS). Intégrées dans la DGF par la loi du 3 janvier 1979, les anciennes bases de ce VRTS représentent encore aujourd’hui une portion significative de la part forfaitaire de la DGF des communes.
Le cycle de la péréquation se poursuit aujourd’hui encore : l’inégale répartition de la part forfaitaire de la DGF, fondée notamment sur l’ancien VRTS, a conduit au développement de multiples dispositifs de péréquation verticale, dont les indicateurs et paramètres suscitent des interrogations persistantes.
Graphique 1 : dates clefs de l’histoire de la pÉRÉquation en France
Source : commission des Finances.
2. L'accumulation historique de dispositifs distincts ne permet pas de distinguer clairement le périmètre et les objectifs de la péréquation
La péréquation ne dispose pas de définition légale ni de périmètre établi.
Dans la pratique, la péréquation financière se définit par la répartition de ressources entre collectivités locales, en vue d’assurer une meilleure adéquation entre leurs ressources et leurs charges. Peuvent être distinguées ainsi la péréquation verticale, qui vise à diminuer les inégalités entre collectivités par l’attribution par l’État de concours financiers, et la péréquation horizontale, qui tend à répartir de manière plus équitable des ressources financières au sein d’une catégorie de collectivités en prélevant une fraction des ressources des collectivités les plus favorisées pour les reverser à celles qui sont moins aisées.
Pour autant, ces définitions ne résultent pas d’une disposition de droit positif. L’alinéa 5 de l’article 72-2 de la Constitution se borne à indiquer que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales », sans préciser les indicateurs et cibles de cet objectif de réduction des inégalités. Tout au mieux, l’article 68 de la loi n °95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire dispose que « la réduction des écarts de ressources entre les collectivités territoriales, en fonction de leurs disparités de richesse et de charges, constitue un objectif fondamental de la politique d'aménagement du territoire », sans mentionner explicitement le concept de péréquation.
Le premier enjeu de l’évaluation de l’efficacité des dispositifs de péréquation en matière de résorption des fractures territoriales concerne la détermination du périmètre de la péréquation. Fixer ce périmètre n’est pas chose aisée :
● Certaines dotations, qui ne présentent pas d’objectif péréquateur explicite, participent néanmoins à réduire concrètement les écarts de ressources entre collectivités : c’est le cas, de manière indirecte, de la dotation forfaitaire de la DGF, dont un des critères de répartition repose sur la superficie de la collectivité ;
● D’autres concours financiers de l’État sont attribués selon des critères de facto redistributifs, comme la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation politique de la ville (DPV), la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) et les concours aux départements de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ;
● D’anciens dispositifs à portée initialement péréquatrice, comme les Fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), sont considérés aujourd’hui comme des « variables d’ajustement », et sont régulièrement réduits afin de financer des hausses de la péréquation verticale ([2]);
● Des dispositifs péréquateurs ne concernent qu’une partie des collectivités d’une même strate administrative, et leur mise en œuvre dépend d’une initiative des collectivités, ce qui complexifie leur évaluation, comme le fonds de solidarité interdépartemental d’investissement (FS2i) ou la dotation de solidarité intercommunautaire (DSC) au sein d’un même établissement public de coopération intercommunale (EPCI).
Dans ce contexte, les rapporteurs spéciaux ont repris le périmètre proposé par le gouvernement dans le rapport sur la situation des finances publiques locales, annexé au projet de loi de finances (cf. graphique 2 infra). Ce sont ainsi 14 dispositifs de péréquation qui sont retenus dans le périmètre de ce rapport d’évaluation. La justification de ce nombre élevé de dispositifs, en particulier relevant de la péréquation verticale, apparaît incertaine, alors même que leurs bénéficiaires, objectifs et modalités de calcul sont particulièrement proches.
Par ailleurs, les objectifs de la péréquation ne sont pas précisés. Certes, la finalité générale de la péréquation – favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales – résulte de la Constitution elle-même. De plus, certains dispositifs affichent des objectifs chiffrés, prévus pour la première fois par l’article 68 de la loi du 4 février 1995 précitée ([3]) et développés depuis 2021 dans les projets annuels de performance ([4]) (PAP).
Pour autant, ces cibles ne sont pas encore généralisées, et aucun objectif de réduction globale des inégalités n’est assigné à la péréquation prise dans son ensemble, contrairement à certains pays étrangers tels que l’Allemagne (cf. encadré 1 infra). Les rapporteurs spéciaux plaident à cet égard pour la définition d’un objectif indicatif de réduction des inégalités, mesurées par le coefficient de Gini, pour chaque dispositif de péréquation ou par strate de collectivités : ces objectifs indicatifs constitueraient autant d’indicateurs de performance des PAP annexés aux projets de loi de finances.
Graphique 2 : périmètre et montants en 2024 des dispositifs de péréquation évalués par les rapporteurs spéciaux
Type de péréquation |
Communes |
EPCI à fiscalité propre |
Départements |
Régions |
Verticale 9,67 milliards d’euros |
Dotation de solidarité rurale (DSR), créée en 1993 2,22 ([5]) milliards d’euros |
Dotation d'intercommunalité, créée en 1999 1,77 milliard d’euros
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Dotation de fonctionnement minimale, créée en 1996 (DFM) 0,96 milliard d’euros |
Aucune péréquation verticale : la DGF des régions a été remplacée en 2018 par l’affectation d’une fraction de TVA |
Dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), créée en 1991 2,8 milliards d’euros |
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Dotation nationale de péréquation (DNP), créée en 2004 0,79 milliard d’euros
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Dotation de péréquation urbaine (DPU), créée en 2005 0,59 milliard d’euros
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Dotation de péréquation d’outre-mer (DPOM), pendant « péréquation » de la DACOM créée en 1994 0,186 milliard d’euros
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Fonds TVA des départements (FTVAD), créé en 2020 0,25 milliard d’euros
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Horizontale 4,25 milliards d’euros |
Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), créé en 2012, 1 milliard d’euros |
Fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (FNPDMTO) créé en 2011 : 1 640 millions d’euros
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Fonds de solidarité régional, créé en 2022 en remplacement du fonds national de péréquation des régions 0,027 milliard d’euros, soit 0,1 % de la fraction attribuée aux régions, en compensation de la CVAE. Complété de 1,5 % de sa croissance annuelle (Cette fraction, ainsi que les montants issus de l’ancien fonds de péréquation régionale et les prélèvements au titre du FNGIR, ne sont pas considérés comme des dispositifs de péréquation horizontale selon la méthodologie de ce rapport) |
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Fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France (FSRIF), créé en 1991 0,35 milliard d’euros
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Fonds de solidarité des départements de la région d'Île-de-France (FSDRIF), créé en 2014 0,06 milliard d’euros |
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Fonds départementaux de péréquation des taxes additionnelles aux droits d'enregistrement, créé en 1979 (FDPDMTO) 1,171 milliard d’euros (estimé) |
Source : commission des Finances.
B. Les montants de la péréquation ont connu une forte hausse, jusqu’à représenter une part significative des transferts financiers de l’État et des ressources des collectivités
1. La péréquation verticale représente aujourd’hui près de la moitié de la DGF attribuée aux collectivités
Cette croissance s’explique par le double mouvement de réduction de la part forfaitaire de la DGF de 10,6 milliards d’euros entre 2014 et 2017 (– 25,6 %) et de croissance de la péréquation verticale sur la même période. Cette hausse se poursuit aujourd’hui à un moindre rythme, par écrêtement de la part forfaitaire de la DGF au bénéfice de ses parts péréquatrices (DSU et DSR).
Graphique 3 : croissance de la pÉRÉquation verticale en montants et pourcentage de la DGF attribuÉe au bloc communal
Graphique 4 : croissance de la pÉRÉquation verticale en montants et pourcentage de la DGF attribuÉe au bloc dÉpartemental
Source (graphiques 3 et 4) : Cour des comptes (2024), Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements, Fascicule 2.
Ce graphique peut être actualisé d’après le premier déblocage du fonds de sauvegarde des départements (FSD), nouveau dispositif de péréquation verticale, à hauteur de 102 millions d’euros en 2024.
2. La péréquation horizontale représente une faible part des ressources des collectivités, aujourd’hui stabilisée après un épisode de forte croissance
Comme l’illustre le graphique suivant, la péréquation horizontale représente aujourd’hui une faible part des ressources réelles de fonctionnement (RRF) des collectivités, limitée à 4,5 % en 2024. Ce pourcentage limité s’explique par des défis d’acceptabilité de la péréquation horizontale, qui revient en effet à redistribuer les ressources des collectivités les plus aisées vers les moins aisées, suscitant des tensions entre collectivités prélevées et bénéficiaires.
Graphique 5 : évolution des montants des dispositifs
de péréquation horizontale
(en milliards d’euros)
Source : Cour des comptes (2024), Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements, Fascicule 2.
La forte hausse de la péréquation s’est réalisée en deux étapes. Une première étape, en réaction à la crise financière, a vu la forte hausse du FSRIF qui passe de 186 millions d’euros en 2009 à 350 millions d’euros en 2018, et du FPIC, qui passe de 150 millions d’euros en 2012 à 1 milliard d’euros en 2016. Une deuxième étape, concomitante à la forte hausse de la valeur des biens immobiliers, voit les montants des fonds de péréquation des DMTO doubler entre 2016 et 2020.
Globalement, les montants totaux de la péréquation horizontale se sont stabilisés depuis 2020. La suppression du fonds national de péréquation de la CVAE des départements (60 millions d’euros par an) et la réduction comptable des montants de la péréquation horizontale des régions de 200 millions d’euros ([6]), ont été approximativement compensées par la croissance des fonds de péréquation des DMTO.
Prise dans son ensemble, la péréquation, verticale et horizontale, représente une part croissante des recettes réelles de fonctionnement (RRF) des collectivités (5,4 %), en particulier pour les départements qui bénéficient de dispositifs de péréquation à hauteur de 4,8 % de leurs RRF, soit 0,8 point de plus qu’en 2016.
3. Une étude comparée des dispositifs de péréquation à l’international permet d’éclairer leurs modalités en France
La question de la péréquation n’est pas propre à la France, elle s’est également posée dans les autres pays développés réunis dans l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE) ([7]), auxquels les rapporteurs spéciaux se sont intéressés.
La majorité des États de l’OCDE mettent en œuvre des mécanismes de péréquation, essentiellement verticaux, probablement en raison d’une acceptabilité moindre de la péréquation horizontale (cf. graphique 7 infra). À titre d’exemple, le dispositif régional de péréquation horizontale créé en 2001 en Italie avait été réformé en 2009 face à des critiques des régions du nord du pays, contributrices au fonds, menant à un renforcement de la péréquation verticale.
Graphique 7 : types de pÉRÉquation et d’indicateurs employés dans l’OCDE
Interprétation : l’axe des ordonnées illustre la proportion, par pays, du type de péréquation (verticale ou horizontale) en pourcentage du montant total de la péréquation, le taux de 50 % étant atteint à l’intersection des deux axes. L’axe des abscisses représente, suivant la même logique, la proportion des indicateurs de charges et de ressources dans le montant total de la péréquation.
Source : OCDE (2021) Evaluating Fiscal Equalisation : Finding the Right Balance, p. 8
Le système allemand se distingue quant à lui par l’intervention dans un premier temps de la péréquation horizontale (Länderfinanzausgleich), puis verticale (Bundesergänzungszuweisungen), afin de réduire progressivement, dans une fourchette donnée, les inégalités de ressources entre Länder, permettant l’atteinte, a minima, d’un plancher de 97,5 % du potentiel financier moyen par habitant (cf. graphique 8 infra). Ce système permet de réduire le coût de la péréquation verticale pour l’administration centrale, et d’inciter les collectivités à accroître leurs ressources sachant que le taux plancher demeure inférieur au potentiel financier moyen par habitant.
Graphique 8 : effets de la pÉRÉquation en Allemagne
en matiÈre de rÉduction des inÉGALITÉs
Source : commission des Finances, d’après le ministère des finances allemand (2018), The Federal Financial Equalisation System in Germany.
L’impact de la péréquation sur la réduction des inégalités est extrêmement variable. La péréquation peut en effet conduire à une réduction de plus de 50 % des inégalités mesurées par le coefficient de Gini (Canada, Allemagne) ou au contraire à accroître de plus de 50 % ces inégalités de richesse (Japon, Pays-Bas). À montants égaux, les indicateurs et objectifs de la péréquation conduisent ainsi à des effets sensiblement différents sur les inégalités de richesse entre collectivités. Les rapporteurs spéciaux en déduisent que des marges de progrès demeurent probablement à exploiter en matière d’efficience de la péréquation en France.
Graphique 9 : inÉGALITÉs entre collectivitÉs
avant et Après pÉRÉquation dans l’OCDE
Interprétation : la méthodologie de cette évaluation de l’OCDE ne rejoint que partiellement celle des rapporteurs spéciaux pour le cas de la France. Pour la France, l’OCDE évalue uniquement la réduction des inégalités de recettes fiscales permise par les dispositifs de péréquation au bénéfice des communes, réparties en onze catégories selon leur population. Les écarts de richesse entre ces onze catégories sont ensuite représentés par le coefficient de Gini. Cette méthode conduit à ignorer des aspects fondamentaux de la péréquation : ressources autres que fiscales, collectivités autres que les communes, évaluation des inégalités à l’échelle de l’ensemble des communes plutôt que par le biais de onze groupes démographiques, etc.
Source : OCDE (2021) Evaluating Fiscal Equalisation : Finding the Right Balance, p. 14.
Le coefficient de Gini
Développé par le statisticien italien Corrado Gini, ce coefficient permet de mesurer l’inégalité de la répartition d’une variable dans une série de données. Son utilisation la plus courante concerne l’évaluation des inégalités de richesse (revenu, patrimoine etc.) entre habitants.
L’approche la plus simple pour déterminer le coefficient de Gini revient à représenter sur un graphique le pourcentage croissant des ressources cumulées (ordonnée) possédées par une part croissante de la population cumulée (abscisse).
L’aire comprise entre cette courbe dite « de Lorenz » et une ligne d’équirépartition (aire « A » ci-contre), relative à l’aire B, correspond alors au coefficient de Gini.
La valeur du coefficient de Gini est donc située entre 0, qui correspond à une situation de parfaite égalité, et 1, qui équivaut à une situation de parfaite inégalité.
Dans le cadre du présent rapport, un coefficient de Gini de 0 représenterait une situation où chaque collectivité locale possède exactement le même potentiel financier par habitant, et un coefficient de Gini de 1 une situation où une collectivité détiendrait l’intégralité du potentiel financier par habitant en France. À titre de référence, l’indice Gini du niveau de vie par ménage en France en 2022 s’élève à 0,294 selon les calculs de l’INSEE.
II. La pÉRÉquation A POUR OBJECTIF DE CONTRIBUER À la rÉsorption des fractures territoriales, en rÉduisant les inÉGALITÉs de richesse entre collectivitÉs locales
1. Les disparités de richesse entre collectivités locales semblent entretenir des inégalités d’accès aux services publics locaux, à l’origine des fractures territoriales
Les fractures territoriales constituent le premier enjeu politique pour les citoyens dans leur relation avec le service public à l’échelon territorial. Le sentiment d’injustice ou d’abandon ne peut qu’entretenir une défiance envers des pouvoirs publics suspectés d’inefficacité et d’incohérence.
Les rapporteurs spéciaux ont cherché à évaluer l’éventuelle corrélation entre disparités de richesse entre collectivités, mesurées par leur potentiel financier, et inégalités d’accès des résidents de ces collectivités aux services publics. Ils ont retenu trois indicateurs d’accessibilité aux services publics :
● La part de la population de chaque commune métropolitaine habitant à moins de dix minutes de marche d’un arrêt de transport en commun, indicateur produit par l’association UFC – Que choisir ;
● L’indicateur d'accessibilité potentielle localisée (APL) aux médecins généralistes, produit chaque année par le ministère chargé de la santé, qui permet d’évaluer les inégalités territoriales d’accès aux soins à l’échelle des communes de métropole et d’outre-mer ([8]);
● La part des écoles de deux classes ou moins dans le total des écoles primaires ou élémentaires présentes sur le territoire des départements métropolitains ([9]), indicateur de référence du ministère chargé de l’éducation pour évaluer les inégalités territoriales d’accès au service public de l’éducation ([10]).
Mesurer les inégalités d’accès aux transports publics : la méthodologie d’UFC – Que Choisir
L’association UFC – Que Choisir a cherché à évaluer les inégalités territoriales d’accès aux transports publics en mesurant, par commune de métropole, le temps de marche entre le lieu de résidence et les points d’arrêts de transports en commun.
Les données de localisation démographique de l’INSEE et de géolocalisation des points d’arrêts de transport issues de transport.data.gouv et de OpenStreetMap leur ont permis d’établir une cartographie de l’accessibilité aux transports, qu’ils ont cordialement accepté de partager avec les rapporteurs spéciaux.
L’étude complète est accessible au lien suivant et sur le site internet de l’association : https://www.quechoisir.org/
Graphique 10 : pourcentage d’Écoles de deux classes ou moins
par dÉpartement en 2023
Source : DEPP (2024), l'état de l'École 2024.
Pour chaque commune, les rapporteurs spéciaux ont établi un rapport entre le potentiel financier par habitant et les trois indicateurs retenus. Les résultats corroborent le sentiment largement partagé d’une corrélation entre richesse des collectivités et développement des services publics les plus importants pour la population : l’éducation, les transports et la santé.
Un potentiel financier communal par habitant élevé présente une corrélation négative de – 0,113 avec l’inaccessibilité aux transports publics, de – 0,53 avec l’inaccessibilité aux écoles primaires, et une corrélation positive de + 0,044 avec l’accessibilité aux soins. En d’autres termes, plus le potentiel financier par habitant d’une commune est élevé, moins nombreux, en proportion, sont ses habitants dont :
● La résidence est à plus de 10 minutes de marche des transports en commun ;
● l’école primaire où vont leurs enfants comprend moins de deux classes ;
● le médecin généraliste est disponible et proche de leur bassin de vie.
En particulier, plus le service public dont les inégalités territoriales sont évaluées relève du champ de compétence des collectivités, plus cette corrélation entre inégalités d’accès et faible potentiel financier par habitant est forte. L’accès à l’école primaire est ainsi de manière générale lié à un fort potentiel financier par habitant. L’accès aux soins ne l’est que dans une moindre mesure, étant donné l’action plus limitée des communes en la matière.
Il s’agit d’un lien de corrélation, qui ne permet pas d’établir de causalité. Certes il existe également un lien entre le potentiel financier et la densité démographique, mais cette corrélation est plus faible (– 0,33) que celle qu’on relève entre potentiel financier et enseignement primaire (– 0,55).
À ce stade, les rapporteurs spéciaux considèrent ainsi qu’il est probable qu’un renforcement de l’efficience de la péréquation permettrait de répartir de manière plus équitable les ressources entre collectivités, et de ce fait de résorber une partie des fractures territoriales que subissent les Français.
2. Les évaluations existantes des effets de la péréquation sur les inégalités entre collectivités apparaissent lacunaires
La méthodologie d’évaluation proposée par la documentation budgétaire n’apparaît pas pleinement satisfaisante. L’indicateur de performance 2.1, associé à l’objectif 1 de la mission Relations avec les collectivités territoriales, vise à évaluer à travers quatre cibles distinctes la contribution de la péréquation verticale à la réduction des écarts de richesse.
Graphique 11 : indicateur de performance de la pÉRÉquation
proposÉ par le Gouvernement
Source : PAP 2025.
Or, le périmètre retenu et les critères proposés pour l’évaluation de la réduction des inégalités appellent des critiques :
● Le périmètre d’évaluation ne porte ni sur les effets de la péréquation horizontale sur les inégalités entre communes, entre intercommunalités ou entre régions, ni sur les effets globaux de la péréquation verticale et horizontale en matière de réduction des inégalités entre communes et entre intercommunalités ;
● les critères d’évaluation apparaissent inadaptés et ne sont pas harmonisés entre strates administratives.
Interrogé, le ministère a indiqué maintenir sa préférence pour cette méthodologie, qui présenterait l’avantage d’être immédiatement compréhensible pour les parlementaires et les citoyens.
Constatant les limites des évaluations existantes, et s’inspirant de travaux précédents ([11]), les rapporteurs spéciaux ont choisi d’évaluer l’efficience de chaque dispositif de péréquation en matière de réduction des inégalités de potentiel financier par habitant des collectivités locales, exprimées par le coefficient de Gini.
Cette méthodologie présente l’avantage d’évaluer de la même manière l’ensemble des dispositifs, sur une durée longue. Les données utilisées sont celles rendues publiques par la direction générale des collectivités locales (DGCL) ([12]). Les six communes "mortes pour la France" pendant la première guerre mondiale ([13]) ne possédant aucun habitant, ont été exclues de la base de données employée, afin de ne pas fausser les résultats des calculs relatifs au potentiel financier par habitant.
Les rapporteurs spéciaux ont conscience de la principale limite de cette méthodologie, qui est de ne s’appuyer que sur un indicateur de ressource (le potentiel financier par habitant) dont la pertinence peut être interrogée à la suite de réduction récente de l’autonomie fiscale des collectivités, sans inclure dans l’analyse les charges spécifiques des collectivités. En effet, en l’absence d’indicateur de charges harmonisé pour les dispositifs de péréquation, il n’est possible d’établir une comparaison de l’efficience de ces dispositifs que sur la base de l’indicateur de ressources communément partagé : le potentiel financier par habitant ([14]). Il est permis de le regretter. Les rapporteurs spéciaux constatent qu’aucun organisme de recherche ou d’évaluation, public ou privé, n’a réussi à proposer une méthodologie dépassant cette aporie. Ils appellent de leurs vœux la poursuite de travaux relatifs à l’établissement d’un indicateur de charges commun aux mécanismes de péréquation, par strate de collectivités.
III. Les rÉsultats de l’Étude des rapporteurs mettent en lumiÈre des variations significatives de l’efficience des dispositifs de pÉRÉquation en matiÈre de rÉduction des inÉGALITÉs entre collectivitÉs
Les inégalités de richesse entre collectivités sont faibles, comparées aux inégalités entre collectivités dans l’ensemble de l’OCDE, ou même aux inégalités de richesse entre ménages en France.
Les mécanismes de péréquation parviennent à réduire ces inégalités, en particulier entre les communes. Toutefois, les rapporteurs spéciaux relèvent que la baisse relative de ces écarts de potentiel financier exprimés par le coefficient de Gini n’excède jamais 15 %, et n’atteint qu’avec peine 9 % pour les intercommunalités (cf. graphique 12 infra). En d’autres termes, les inégalités ne sont jamais réduites de plus de 15 % par l’application de ces mécanismes.
Trois motifs expliquent que les effets du Fonds de solidarité régional n’aient pas été évalués : il n’existe pas de mesure du potentiel financier des régions ni de données actualisées pour l’année 2024 pour les montants des RRF ; la réforme récente du FSR rend toute comparaison de longue durée peu pertinente ; enfin, les critères de répartition du FSR ne reposent que sur des indicateurs de charges et non de ressources. En conséquence, la strate régionale est absente des calculs réalisés par les rapporteurs spéciaux, dont les résultats sont exposés ci-dessous.
Graphique 12 : Évaluation de l’Évolution des effets de la pÉRÉquation
sur la rÉduction des inÉGALITÉs par strate en 2024
Gini |
Communes |
Intercommunalités |
Départements |
Avant péréquation |
0,1855 |
0,1471 |
0,0768 |
Après péréquation |
0,1601 |
0,1351 |
0,0643 |
Source : commission des finances
Les résultats synthétisés de l’étude des rapporteurs spéciaux sont exposés dans le tableau suivant.
Graphique 13 : Évaluation de l’efficience de chaque dispositif de pÉrÉquation en 2024, exprimÉe en rÉduction du coefficient de Gini
par euro dÉpensÉ
|
Montant réparti ([15]) en 2024 en euros |
Évolution Gini (points) |
Efficience |
Dotation de solidarité rurale (DSR) |
2,078 milliards |
– 0,0203 |
102 millions d’euros nécessaires à une baisse de 0,001 point de Gini |
DSR Bourg centre |
751 millions |
– 0,0003 |
1 979 |
DSR Cible |
465 millions |
– 0,0127 |
37 |
DSR Péréquation |
862 millions |
– 0,0087 |
100 |
Dotation de solidarité urbaine |
2,618 milliards |
+ 0,0016 (hausse des inégalités) |
1 594 : pour chaque 1,594 milliard d’euros dépensés, le coefficient de Gini croît de 0,001 point |
Dotation nationale de péréquation |
741 millions |
– 0,0077 |
95 |
Dotation de péréquation pour l’outre-mer |
186 millions |
– 0,0002 |
1018 |
Fonds de solidarité des communes de la région IDF ([16]) |
350 millions |
– 0,0055 |
64 |
Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales |
1 milliard |
– 0,0120 |
83 |
Dotation de fonctionnement minimale |
946 millions |
– 0,0044 |
213 |
Dotation de péréquation urbaine |
587 millions |
+ 0,0010 (hausse des inégalités) |
558 : pour chaque 558 millions d’euros dépensés, le coefficient de Gini croît de 0,001 point |
FNP – DMTO |
1,640 milliard |
– 0,0160 |
113 |
Fonds de solidarité des départements |
250 millions |
– 0,0013 |
190 |
Fonds de solidarité pour les départements de la région IDF |
60 millions |
+ 0,0213 (hausse des inégalités) |
2,8 : pour chaque 2,8 millions d’euros dépensés, le coefficient de Gini croît de 0,001 point |
Source : commission des finances
L’efficience de la dotation d’intercommunalité (DI) n’a pas été évaluée, en raison de l’absence de mesure du potentiel financier de la métropole du grand Paris (MGP) et des EPCI d’outre-mer, ainsi que de données relatives à la répartition des reversements de la dotation d’intercommunalité aux établissements publics territoriaux (EPT). À titre indicatif, en excluant la DI de la MGP (130 millions d’euros en 2024) et des EPCI d’outre-mer (30 millions d’euros), le versement de la DI conduit à une réduction de l’indice de Gini de 0,0063 point, qui atteint alors 0,13745 point, pour un coût de 254 millions d’euros par baisse de 0,001 point de Gini.
Les rapporteurs spéciaux tirent de cette étude plusieurs conclusions significatives. Tout d’abord, à montants égaux, l’efficience des dispositifs de péréquation est extrêmement variable : la part « bourg-centre » de la DSR (1 979 millions d’euros nécessaires pour chaque baisse de 0,001 point de Gini) serait 53 fois moins efficiente que la part « cible » (37 millions d’euros nécessaires) pour réduire les inégalités de potentiel financier par habitant entre collectivités.
Certains mécanismes accroissent même ces inégalités telles que la DSU et la DPU, ce qui s’explique en grande partie par l’utilisation de critères de charges et l’importance des charges de centralité dans de nombreuses collectivités au potentiel financier relativement élevé. Ils notent également que les dispositifs de péréquation horizontale sont généralement efficients, à l’exception du FSDRIF, fondé sur des critères de charges, qui accroît les inégalités de potentiel financier entre départements au profil de ressources proche, mais au niveau de charges différentes (Hauts-de-Seine et Seine-Saint-Denis d’une part, Seine-et-Marne et Yvelines d’autre part).
De manière générale, les rapporteurs spéciaux regrettent que les dispositifs les plus efficients soient rarement ceux dont les montants sont les plus élevés, ou ceux qui affichent la plus forte croissance depuis quelques années. Les augmentations de la DSR « cible », qui ne représentent dernièrement que 10 % de la croissance de la DSR, apparaissent ainsi particulièrement faibles en dépit d’une efficience supérieure. De même, la trajectoire baissière de la péréquation horizontale communale proposée par le gouvernement dans le PAP 2025, qui serait appelée à diminuer de 20 % en pourcentage des recettes réelles de fonctionnement (RRF) d’ici 2027, n’apparaît pas pertinente au regard de l’efficience supérieure de ces dispositifs pour la réduction des inégalités entre communes.
Graphique 14 : trajectoire des volumes financiers relatifs consacrés à la pÉRÉquation horizontale, par strate de collectivitÉs
Source : PAP 2025.
IV. Cette efficience variable des mÉcanismes de pÉRÉquation s’explique par un ciblage inÉgal, l’existence d’amÉnagements dÉrogatoires et les dÉfauts de certains indicateurs de rÉpartition
Les rapporteurs spéciaux déplorent que le pourcentage de bénéficiaires de certains dispositifs soit si élevé que le qualificatif de « péréquation » ne semble plus approprié.
Graphique 15 : pourcentage de collectivitÉs Éligibles et montant reçu
au titre de chaque dispositif de pÉRÉquation
|
Pourcentage de collectivités bénéficiaires ([17]) (par strate concernée) |
Montant reçu en moyenne en milliers d’euros |
Dotation de solidarité rurale |
97,8 % des communes |
20 |
DSR Bourg centre |
12 % des communes |
179 |
DSR Cible |
69,3 % des communes |
43 |
DSR Péréquation |
95 % des communes |
26 |
Dotation de solidarité urbaine |
2,5 % des communes |
3 044 |
Dotation nationale de péréquation |
35,8 % des communes |
34 |
Dotation de péréquation pour l’outre-mer |
60 % des communes d’outre-mer |
1 443 |
Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France |
15,6 % des communes d’Île-de-France |
1 727 |
Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales |
61 % des EPCI |
1 148 |
Dotation d’intercommunalité |
97,8 % des EPCI |
1 314
|
Dotation de fonctionnement minimale |
71 % des départements |
13 489 |
Dotation de péréquation urbaine |
32 % des départements |
18 530 |
FNP – DMTO |
61 % des départements |
17 336 |
Fonds de solidarité des départements |
63 % des départements |
1 587 |
Fonds de solidarité pour les départements de la région d'Île-de-France |
62,5 % des départements d’Île-de-France |
12 000 |
Source : commission des finances.
En particulier, la DNP et la part « péréquation » de la DSR présentent un caractère universel, de sorte que leur répartition conduit à allouer des sommes en moyenne dérisoires aux collectivités qui en bénéficient. Les rapporteurs spéciaux ont conscience que cette universalité permet de renforcer l’acceptabilité du système de péréquation, chacun pouvant se prévaloir de gains, même minimaux. Pour autant, ils soulignent l’incohérence d’un système de réduction des inégalités dont 97 % des entités concernées sont bénéficiaires. D’autant plus que le cumul de ces dotations universelles apparaît systématique : seules 0,67 % des communes bénéficiaires de la DNP ne reçoivent ni DSR, ni DSU. Ils préconisent en ce sens une suppression de la DNP ([18]), dont les montants pourraient être redistribués, à cadre normatif constant, entre la DSR et la DSU.
Ils recommandent également une réduction de la part de l’augmentation annuelle de la DSR attribuée à sa part « péréquation », qui atteint 60 % depuis quelques années en raison d’une disposition votée en chaque loi de finances ([19]) afin de permettre à chaque collectivité de s’estimer gagnante de la péréquation.
1. L’institution de mécanismes de garantie et de neutralisation limite l’efficience de la péréquation
Afin de renforcer la stabilité et la prévisibilité des ressources des collectivités locales, les dispositifs de péréquation ne reposent pas sur des bases intégralement contemporaines, c’est-à-dire que les modalités de répartition de ces dispositifs ne se fondent pas uniquement sur les ressources et charges des collectivités lors de l’année de répartition.
Tout d’abord, des mécanismes de garantie encadrent systématiquement le pourcentage de baisse des dotations de péréquation verticale, ainsi que les évolutions à la hausse sauf en outre-mer. Pour les seules communes, le montant de ces garanties atteint 362 millions d’euros en 2023, dont 308 millions d’euros en raison de la garantie de non-diminution de la DSU dont bénéficient les communes qui demeurent éligibles à cette dotation (quatrième alinéa de l’article L. 2 334-18-2 CGCT). Par ailleurs, le montant de DFM et DPU dont bénéficie chaque département est, lui aussi, au moins égal à celui perçu l'année précédente (article L. 3 334-4 CGCT) ce qui représente un gel de l’évolution de ces dotations à hauteur de respectivement 65 millions d’euros et 3 millions d’euros.
De telles garanties réduisent l’efficience de la péréquation, en maintenant par dérogation le bénéfice de ces dotations à des collectivités dont les ressources ou les charges peuvent les en exclure. Pour autant, les rapporteurs spéciaux affirment que la prévisibilité des ressources des collectivités est un objectif légitime, qui peut être amené à primer sur un ciblage optimisé des dispositifs de péréquation. Ils appellent néanmoins à suspendre à moyen terme tout renforcement de ces garanties.
En outre, certaines réformes entrent en vigueur par application de coefficients de neutralisation progressivement réduits, de sorte que leurs effets accordent une lisibilité bienvenue aux collectivités locales. Dans le cadre de la réforme des indicateurs financiers intervenue lors de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, une fraction de correction de l’effort fiscal a été introduite pour neutraliser intégralement en 2022 les effets de cette réforme. La loi de finances pour 2023 a poursuivi cette neutralisation intégrale pour l’année 2023, et prévu l’application d’une fraction de correction pondérée par un coefficient égal à 90 % en 2024. Cette trajectoire dérogatoire de mise en œuvre de la réforme de l’effort fiscal a été prolongée à nouveau par la loi de finances pour 2025.
Graphique 16 : dÉgressivitÉ du coefficient appliqué à la fraction de correction des effets de la réforme des indicateurs financiers
des communes et EPCI
Année |
Coefficient appliqué à la fraction de correction (trajectoire initiale LFI 2022) |
Coefficient appliqué à la fraction de correction (trajectoire dérogatoire LFI 2023) |
Coefficient appliqué à la fraction de correction (trajectoire proposée par le Sénat et retenue LFI 2025) |
2022 |
1 |
1 |
1 |
2023 |
0,9 |
1 |
1 |
2024 |
0,8 |
0,9 |
0,9 |
2025 |
0,6 |
0,6 |
0,8 |
2026 |
0,4 |
0,4 |
0,4 |
2027 |
0,2 |
0,2 |
0,2 |
2028 |
0 |
0 |
0 |
Source : commission des finances
Compte tenu de la demande unanime de prévisibilité formulée par l’ensemble des collectivités locales, les rapporteurs s’interrogent sur la pertinence de procéder par voie de dérogations annuelles.
2. Les abondements ponctuels de l’État aux dispositifs de péréquation, visant à répondre aux défis d’acceptabilité soulevés par ceux-ci, ne sont pas exempts de critiques
Les dernières lois de finances ont régulièrement prévu un abondement de l’État afin de financer des hausses de dispositifs de péréquation verticale, telles que la DSU et DSR à hauteur de 290 millions d’euros en 2025. En 2024, le fonds de sauvegarde des départements (FSD) avait également bénéficié d’un abondement ponctuel de l’État ([20]) qui revenait à doubler le montant des sommes affectées au FSD en 2022 et 2023 au titre de la dynamique annuelle de la fraction de TVA initialement attribuée au fonds. En d’autres termes, l’État a contribué à hauteur de 50 409 952 euros au financement du FSD, qui ne bénéficie originellement que de la dynamique de la fraction initiale de TVA (250 millions d’euros), soit 21 432 263 euros en 2022 et 28 977 689 euros en 2023, pour un total cumulé de 50 409 952 euros.
Ces abondements s’expliquent tantôt par la situation particulière des départements, tantôt par les défis d’acceptabilité et d’équité soulevés par le financement des dotations péréquatrices de la DGF par écrêtement de la dotation forfaitaire, qui n’affecte par définition plus aucune collectivité dont la DGF a déjà été réduite à zéro telle que la Ville de Paris et d’autres collectivités de l’ouest parisien.
Les rapporteurs spéciaux présentent toutefois deux critiques à l’égard de ces dispositifs. Premièrement, dans le contexte budgétaire actuel, tout abondement par l’État complexifie l’équation de la réduction du déficit public. Deuxièmement, l’abondement de l’État concerne majoritairement les dispositifs les moins efficients, tels que la fraction « péréquation » de la DSR. Les rapporteurs spéciaux estiment nécessaire de flécher tout abondement de l’État sur les mécanismes les plus efficients, et de les financer par écrêtement d’autres concours financiers de l’État aux collectivités.
1. La faible harmonisation des critères réduit leur lisibilité et complexifie l’évaluation des dispositifs
Les critères de répartition des dispositifs de péréquation, particulièrement nombreux, ne sont pas harmonisés entre dispositifs, ni entre strates de collectivités bénéficiaires. Cette situation s’explique par la sédimentation de dispositifs créés pour répondre à des situations particulières, sans tenir compte des mécanismes préexistants. Les rapporteurs spéciaux relèvent qu’elle nuit à l’intelligibilité du système de péréquation, et considèrent qu’il s’agit d’un des facteurs d’explication de l’efficience variable des dispositifs. Le tableau 17 ci-dessous illustre cette situation.
Graphique 17 : diversitÉ des indicateurs employÉs par les dispositifs de pÉrÉquation ÉvaluÉs
|
Communes |
EPCI |
Départements |
Régions |
|||||||||||||||
DSR « bourg centre » |
DSR « péréquation » |
DSR « cible » |
DSU |
DNP |
DPOM |
FSRIF (P) |
FSRIF (V) |
FPIC (P) |
FPIC (V) |
DI « péréquation » |
DPU |
DFM |
FN-PDMTO (V) (1) |
FN-PDMTO (V) (2) |
FSDRIF (P/V) |
FSR (V) |
|||
Ressources |
100 % |
40 % |
40 % |
30 % |
100 % |
10 % |
80 % |
50 % |
75 % |
40 % |
50 % |
50 % |
70 % |
40 % |
70 % |
50 % |
0 % |
||
Potentiel financier/hab |
|
|
|
30 % |
100 % (part principale) |
10 % |
80 % |
50 % |
75 %
|
20 % |
|
50 % |
40 % |
40 % |
40 % |
50 % |
|
||
Une partie du potentiel financier/hab |
|
|
|
|
100 % (part majoration) |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
||
Potentiel financier/hab et effort fiscal |
100 % |
30 % |
30 % |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
||
Potentiel financier/hab et CIF |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
50 % |
|
|
|
|
|
|
||
Potentiel financier superfici-taire |
|
10 % |
10 % |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
30 % |
|
|
|
|
||
Effort fiscal |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
20 % |
|
|
|
|
|
|
|
||
Recettes DMTO |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
30 % |
|
|
||
Charges |
0 % |
60 % |
60 % |
70 % |
0 % |
90 % |
20 % |
50 % |
25 % |
60 % |
50 % |
50 % |
30 % |
60 % |
30 % |
50 % |
100 % |
||
Densité de population |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
5 % |
||
Enfants de 3 à 16 ans (15 à 18 ans pour le FSR) |
|
30 % |
30 % |
|
|
22,5 % |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
40 % |
||
Revenu/hab |
|
|
|
25 % |
|
22,5 % |
20 % |
25 % |
25 %
|
60 % |
|
15 % |
|
60 % |
30 % |
25 % |
55 % |
||
Revenu /hab et CIF |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
50 % |
|
|
|
|
|
|
||
Bénéficiaires d’aides au logement |
|
|
|
30 % |
|
22,5 % |
|
|
|
|
|
25 % |
|
|
|
10 % |
|
||
Logements sociaux |
|
|
|
15 % |
|
|
|
25 % |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
||
Bénéficiaires du RSA |
|
|
|
|
|
22,5 % |
|
|
|
|
|
10 % |
|
|
|
15 % |
|
||
Longueur de la voirie |
|
30 % |
30 % |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
30 % |
|
|
|
|
||
Source : commission des finances
Notes de lecture : certains dispositifs de péréquation horizontale emploient des critères de répartition différents lors des étapes de prélèvement (P) et de versement (V), d’où une distinction opérée dans le tableau. Le FNPDMTO est constitué de trois enveloppes distinctes : pour des raisons de lisibilité, seules les deux premières fractions sont intégrées dans le graphique ci-dessus. Les modalités de répartition du FDPDMTO reposent sur un barème établi par les conseils départementaux (article 1595 bis CGI), rendant impossible une évaluation harmonisée des critères dans le tableau ci-dessus. Le coefficient d’intégration fiscale (CIF) évalue le degré d’intégration des EPCI.
Pour mémoire, le potentiel financier des communes est obtenu à partir de leur potentiel fiscal (voir infra), majoré du montant de dotation forfaitaire perçu, et minoré d’un ensemble de prélèvements sur fiscalité complexes et aux montants très limités, visés à la seconde phrase du III de l’article L. 2334-7 et à l’article L. 2334‑7-3 du CGCT.
Le potentiel fiscal est un indicateur permettant d’évaluer la richesse théorique d’une collectivité si elle appliquait à ses bases d’imposition les taux moyens pratiqués au niveau national (article L. 2334-4 du CGCT). Suivant la même logique, l’effort fiscal représente le rapport entre les produits perçus par une collectivité au titre des impositions sur lesquelles elle dispose d’un pouvoir de taux, et les produits qu’elle aurait perçus si elle appliquait les taux moyens pratiqués au niveau national.
2. La réforme des indicateurs de ressources demeure sujette à débat
Les rapporteurs spéciaux relèvent que le calcul du potentiel fiscal ne prend pas en compte certaines recettes, d’importance variable. En particulier, la taxe de séjour, qui représente pourtant 800 millions d’euros de recettes relativement libres d’usage, en est exclue. D’autres recettes transférées aux collectivités au titre de la compensation de transferts de compétence ne sont pas intégrées au potentiel fiscal, alors même que les dotations de compensation intégrées à la DGF le sont. C’est le cas des fractions de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) et de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) qui atteignent ensemble 10,4 milliards d’euros en 2022.
Ils demeurent néanmoins défavorables à l’intégration de ces ressources au sein du potentiel fiscal. Considérer que les recettes dont l’objet d’affection est particulièrement large, comme la taxe de séjour, sont équivalentes à des recettes non affectées, n’est pas pertinent. Le potentiel financier a pour objectif de mesurer les ressources libres d’emploi. Une autre mesure de l’ensemble des ressources des collectivités, libres d’emploi ou non, existe déjà : les ressources réelles de fonctionnement (RRF).
Enfin, en l’absence d’actualisation des bases cadastrales, le potentiel financier ne peut refléter fidèlement la richesse foncière d’une collectivité. Les rapporteurs spéciaux appellent alors à respecter le calendrier, déjà assoupli, d’entrée en vigueur de la réforme, et à instituer un mécanisme d’actualisation automatique afin de prévenir la résurgence de ce problème dans les décennies à venir.
3. Certains indicateurs de charges sont perfectibles
Comme l’illustre le graphique 17 ci-dessus, des critères de revenu sont fréquemment employés par les dispositifs de péréquation. Il s’agit généralement du revenu imposable, notamment pour la DSU, la DPU et le FSR, qui n’intègre pas les revenus exonérés d’impôt, ni les déductions d’impôt ou le prélèvement forfaitaire libératoire utilisé pour les revenus du capital. En revanche, le revenu fiscal de référence (RFR), utilisé pour d’autres dispositifs de péréquation, tient bien compte de l’ensemble de ces éléments. Les rapporteurs spéciaux ont noté que le développement du recours au RFR, utilisé pour d’autres dispositifs de péréquation, semblait faire débat, notamment en raison d’une plus forte instabilité de cette base de ressources.
La méthode de comparaison de ces revenus des ménages soulève des enjeux d’équité. La référence au revenu moyen, et non au revenu médian, a pour effet de tenir moins compte des disparités extrêmes de revenus, en particulier dans les métropoles. Il ressort des auditions des rapporteurs spéciaux que l’obstacle du secret statistique, qui complexifierait l’utilisation du revenu médian pour les petites collectivités, pourrait être levé par une disposition législative ([21]).
V. Recommandations des rapporteurs
Les modalités d’évaluation par le projet annuel de performance de la contribution de la péréquation à la réduction des inégalités entre collectivités locales apparaissent inadaptées.
Les rapporteurs spéciaux préconisent que l’indicateur de performance 2.1 associé à l’objectif 1 de la mission Relations avec les collectivités territoriales soit modifié afin de tendre vers une évaluation de l’effet global, par dispositif ainsi que par strate administrative, de la péréquation sur la réduction des inégalités de potentiel financier mesurée par le coefficient de Gini. Les cibles associées à cet indicateur de performance seraient modifiées en conséquence. Cela aurait pour résultat de reproduire chaque année la présente étude des rapporteurs spéciaux. Bien que cette méthodologie ne permette pas de corriger les défauts de l’indicateur du potentiel financier, elle aurait l’avantage, par rapport à celle du gouvernement, de permettre une comparaison de l’efficience de chaque dispositif, et d’évaluer l’efficience de la péréquation prise dans son ensemble.
L’absence de mesure fiable des charges de centralité risque de fausser la répartition de certaines dotations telle que la fraction « bourg centre » de la DSR. Cette absence s’explique par la difficulté de s’accorder sur les équipements et services publics à prendre en compte, ainsi que par un défaut de base de données de qualité. Les rapporteurs spéciaux appellent alors à reprendre les échanges, entre collectivités locales et avec l’administration centrale, relatifs à l’objectivation des charges à l’aide d’indicateurs institutionnels (comme les chefs-lieux des cantons en vigueur depuis 2014, et non avant 2014) ou physiques (présence d’établissements d’enseignement, d’équipements sportifs ou culturels etc.).
Le degré d’exposition de la population d’une commune aux aléas climatiques et aux risques naturels est particulièrement inégal, et constitue une charge dont ne tient compte aujourd’hui aucun dispositif de péréquation. Le principe de l’intégration d’un tel indicateur pourrait susciter l’accord des collectivités. Ses modalités sont toutefois plus complexes. Les rapporteurs spéciaux appellent à approfondir les réflexions relatives à l’utilisation dans le système de péréquation de l’indicateur d'exposition des populations aux aléas climatiques, développé par le service de l’observation et des statistiques du ministère de la transition écologique. Toutefois, cet indicateur évalue uniquement la relation entre le nombre d'aléas auxquels une commune est exposée et sa densité de population, sans tenir compte, pour chaque risque pris individuellement, du pourcentage de la population qui est concernée. Les rapporteurs spéciaux continueront ainsi à animer des travaux en ce sens : actualisation des données sous-jacentes et étude de la pertinence du recours à cet indicateur au sein de la solidarité financière entre communes.
Alors même que sa répartition se fonde essentiellement sur le potentiel financier par habitant, la DNP présente une efficience relativement limitée, nécessitant 95 millions d’euros pour toute réduction de 0,001 point de Gini des inégalités entre collectivités. Son cumul systématique avec la DSU ou la DSR plaiderait pour sa suppression. Le montant de la DNP serait ainsi transféré à parts égales entre la DSU et la DSR. Cette piste de réforme pourrait néanmoins affecter quelques collectivités territoriales spécifiques. Les rapporteurs spéciaux proposent de l’étudier, de simuler son impact, et d’envisager un dispositif de sortie tenant compte des quelques situations où une collectivité perdrait au change de manière significative.
Il ressort de l’analyse comparée de l’efficience des dispositifs de péréquation que certains mécanismes ne devraient pas être privilégiés par rapport à d’autres comme c’est le cas actuellement. Il en va ainsi de la fraction « péréquation » de la DSR qui atteint depuis quelques années 60 % de l’augmentation annuelle de la DSR. Les rapporteurs spéciaux recommandent d’en limiter la progression.
Ils appellent également à renforcer les critères redistributifs des concours financiers de l’État en faveur de l’investissement des collectivités territoriales. Certains concours relevant de la mission Relations avec les collectivités territoriales, telle la DETR, pourraient être mieux ciblés sur les collectivités dont les ressources et les charges justifient le bénéfice prioritaire d’une dotation de l’État en faveur de leur investissement. Conscients qu’un projet de réforme de fusion de la DPV et de la DSIL dans une « dotation d’investissement urbaine » est actuellement en cours de réflexion, et qu’un rapport de la Cour des comptes sera rédigé d’ici 2026 sur l’efficacité des dotations de l’État soutenant l’investissement des collectivités, les rapporteurs spéciaux souhaitent participer à ces réflexions. Ils recommandent ainsi un ciblage accru vers les collectivités qui en ont le plus besoin.
Lors de sa réunion de 15 heures, le mercredi 28 mai 2025, la commission, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Emmanuel Mandon et Mme Marina Ferrari, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales, sur son rapport d’information sur les fractures territoriales et la péréquation, présenté en application de l’article 146, aliéna 3, du règlement de l’Assemblée nationale. La commission a autorisé la publication du rapport d’information. La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale. Le compte rendu sera prochainement consultable |
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PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
– Direction générale des collectivités locales (DGCL)
M. Yoan Blais, adjoint au sous-directeur des finances locales et de l’action économique
M. Julien Rougé, chef du bureau des concours financiers de l’État
– Cour des comptes
M. Jean-Pierre Viola, président de section de la 4ème chambre
– Cabinet Michel Klopfer
M. Michel Klopfer, président fondateur du cabinet
– Observatoire des Finances et de la Gestion publique Locales (OFGL)
M. Thomas Rougier, secrétaire général
– Association des maires de France (AMF) *
M. Antoine Homé, trésorier général de l’Association des Maires de France
Mme Charlotte de Fontaines, responsable des relations avec le Parlement de l’AMF
Mme Claire Gekas, conseillère finances locales
M. Alexandre Huot, conseiller finances intercommunales
– France Urbaine
M. Franck Claeys, délégué adjoint
Mme Louise Cornillère, conseillère finances
Mme Sarah BOU SADER, conseillère parlementaire
– Départements de France *
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président délégué de Départements de France, président de la commission finances et fiscalité, président du Département du Calvados
Mme Carine Riou, conseillère finances
M. Brice Lacourieux, conseiller relations avec le Parlement
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
([1]) Le coefficient de Gini permet de mesurer l’inégalité de la répartition d’une variable dans une série de données. Son utilisation la plus courante concerne l’évaluation des inégalités de richesse (revenu, patrimoine etc.) entre habitants (voir page 21 pour une explication détaillée).
([2]) Les variables d’ajustement sont issues de la loi de finances initiale pour 2008, qui prévoyait un « contrat de stabilité » limitant à l’inflation la progression de l’ensemble des concours de l’État. L’évolution des dotations dont les taux de croissance sont supérieurs à l’inflation est ainsi compensée par la baisse correspondante de certaines dotations, dites « variables d’ajustement ». Aujourd’hui, ces variables d’ajustement persistent, et portent essentiellement sur la compensation d’anciens allègements de taxe professionnelle supprimée en 2010 ou sur des compensations liées à cette réforme ayant donné naissance à la contribution économique territoriale (CET). En 2025, leur montant s’élève à 3,750 milliards d’euros.
([3]) L’article 68 de la loi précitée indique que « les ressources ainsi calculées, rapportées, par an, au nombre des habitants de l’espace régional considéré, sont corrigées afin de tenir compte des charges des collectivités concernées et de leurs groupements. Elles ne peuvent être inférieures à 80 p. 100 ni excéder 120 p. 100 de la moyenne nationale par habitant des ressources des collectivités territoriales et de leurs groupements ». Force est de constater que cet objectif n’est pas au frontispice de la politique de péréquation régionale depuis 1995.
([4]) Quatre indicateurs de performance sont prévus par les PAP : un relatif à la part de communes dont le potentiel par habitant cesse d’être inférieur à 75 % de la moyenne de la strate après intervention de la péréquation verticale, et trois relatifs au nombre de départements dont le potentiel financier par habitant cesse d’être inférieur à 90 % de la moyenne nationale après intervention de la péréquation verticale et horizontale.
([5]) Ces montants sont issus des supports de communication du ministère, qui semblent toutefois contradictoires avec les données brutes disponibles au lien suivant : http://www.dotations-dgcl.interieur.gouv.fr/consultation/accueil.php.
([6]) Le mécanisme prédécesseur du fonds de solidarité régional, nommé Fonds national de péréquation des ressources des régions (FPRR), a été supprimé en 2022. Les montants pour 2020 et 2021 de ce fonds ont été intégrés à la fraction de TVA affectée aux régions en compensation de la réforme de la CVAE.
([7]) Sources : OCDE (2021) Evaluating Fiscal Equalisation : Finding the Right Balance; OCDE (2017), Multi-level Governance Reforms Overview of OECD Country Experiences; Commonwealth Grants Commission (2022), Some international themes in fiscal equalisation : an Australian perspective.
([8]) Source : data.drees.solidarites-sante.gouv.fr, série de données relative à l’accessibilité potentielle localisée en 2024.
([9]) Pour des raisons d’incomplétude des données, certaines communes ne possédant pas sur leur territoire d’école, cet indicateur a été comparé par les rapporteurs spéciaux au potentiel financier agrégé de l’ensemble des communes d’un département. Les écoles primaires et maternelles relèvent en effet de la compétence des communes : il est donc pertinent de comparer la présence d’écoles au potentiel financier des communes et non des départements.
([10]) Source : data.education.gouv.fr, série de données relative au nombre d’effectifs par école en 2023 ; Rapport (DEPP) 2024, l’état de l’école en 2024.
([11]) IGF/IGA (2013) Enjeux et réformes de la péréquation financière des collectivités territoriales ; Jaaidane, T. et Larribeau, S. (2024). Le Rôle Politique de la Dotation Globale de Fonctionnement. Revue d'économie politique, 134 (1), 11-47 ; M. Breuillé et al. (2022), Mesure de la performance péréquatrice des dotations.
([12]) http://www.dotations-dgcl.interieur.gouv.fr/consultation/accueil.php.
([13]) En application de la loi du 18 octobre 1919, les six communes suivantes maintiennent leur existence administrative et gèrent leur budget même en l’absence de population permanente : Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Cumières-le-Mort-Homme, Fleury-devant-Douaumont, Haumont-près-Samogneux et Louvemont-Côte-du-Poivre.
([14]) Le nombre d’habitant se réfère à la population DGF et non à la population INSEE.
([15]) Les montants répartis retenus sont ceux issu des données brutes pour 2024 disponibles au lien suivant : http://www.dotations-dgcl.interieur.gouv.fr/consultation/accueil.php.
([16]) Le périmètre retenu pour le FSRIF et le FSDRIF a été limité à la région Île-de-France, et non aux communes et départements de l’ensemble du territoire.
([17]) Dans le cas particulier des dispositifs de péréquation horizontale où une même collectivité peut être à la fois bénéficiaire et contributrice, le pourcentage retenu est celui des collectivités bénéficiaires nettes.
([18]) Il s’agissait également d’une recommandation du rapport de C.Pires Beaune et J.Germain de 2015, ainsi qu’une mesure rejetée du projet de loi de finances pour 2016, prévue à son article 58.
([19]) Article L. 2334-20 du CGCT : « En 2025, la part de cette variation allouée à la deuxième fraction de la dotation prévue à l'article L. 2334-22 ne peut être inférieure à 60 % du total ».
([20]) Articles 252 et 131 de la loi de finances pour 2024.
([21]) Le rapport précité de C.Pires Beaune et J.Germain proposait également cette piste d’évolution.