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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juin 2025.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 146 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE
sur l’impact et les évolutions possibles des dépenses fiscales en faveur du patrimoine
ET PRÉSENTÉ PAR
M. Philippe LOTTIAUX,
rapporteur spécial
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SOMMAIRE
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Pages
Recommandations du rapporteur spÉcial
I. Les dépenses fiscales rattachées au programme 175 sont utiles et légitimes
1. Aider les propriétaires privés à protéger le patrimoine culturel qu’ils détiennent
2. Soutenir l’activité et l’acquisition d’œuvres par les institutions culturelles
a. Le mécénat d’entreprise au titre de l’achat de trésors nationaux
b. Les exonérations de droit de mutation concourant à l’enrichissement des collections publiques
3. Accroître l’attractivité du marché de l’art en France
4. Limiter l’impact de la taxe d’archéologie préventive sur les activités économiques
a. L’exonération des DMTG portant sur les legs d’assurance-vie aux associations
b. Le « nouveau dispositif Malraux »
A. Certaines lacunes d’information pourraient être corrigées
1. L’information mise à disposition du public et des parlementaires se révèle parfois lacunaire
a. Les limites de l’information comprise dans les documents budgétaires sont parfois problématiques
b. Des lacunes apparaissent également dans l’information fiscale
a. L’optimisation du taux réduit de TVA applicable aux importations d’œuvres d’art
c. L’assouplissement de la notion fiscale d’« accessibilité au public ».
3. Des évolutions ponctuelles semblent cependant envisageables
a. Ajuster certaines dépenses fiscales existantes
b. Prévoir de nouveaux dispositifs
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Recommandations du rapporteur spÉcial – Recommandation n° 1 : rattacher l’exonération des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) portant sur les legs d’assurance-vie aux associations au programme 163 Jeunesse et vie associative – Recommandation n° 2 : évaluer plus précisément la part du mécénat d’entreprise et des dons des particuliers qui bénéficie au patrimoine culturel matériel, au sens du programme 175 Culture : patrimoines. – Recommandation n° 3 : actualiser les bulletins officiels des finances publiques concernant les monuments labellisés par la Fondation du Patrimoine et la condition d’ouverture au public des monuments exonérés des DMTG. – Recommandation n° 4 : rétablir l’agrément préalable pour le bénéfice de la déduction du revenu global des charges foncières et de l’imputation sur le revenu global des déficits fonciers, lorsque la société civile bénéficiaire affecte le monument historique à l’habitation. – Recommandation n° 5 : intégrer dans les charges déductibles du revenu global les dépenses en faveur de l’entretien des jardins labellisés par la Fondation du Patrimoine. – Recommandation n° 6 : prendre en compte, pour 25 jours, des modalités particulières d’ouverture au public pour les monuments historiques, telles que les visites sur réservation, les visites éducatives et culturelles, ainsi que certaines activités commerciales dans une limite de 10 jours par an. – Recommandation n° 7 : limiter la durée minimale de la convention d’exonération des DMTG pour les monuments historiques ouverts au public – aujourd’hui viagère –à 22 ans après sa signature. Étendre cette exonération aux terres attachées historiquement au monument en question, sous conditions. – Recommandation n° 8 : adapter les dépenses fiscales relatives au mécénat d’entreprise et aux dons des particuliers aux caractéristiques du petit patrimoine local. – Recommandation n° 9 : aligner à 30 % les taux de réduction d’impôt sur le revenu prévu par le « nouveau dispositif Malraux », et rehausser ce taux à 50 % pour certaines opérations strictement limitées. – Recommandation n° 10 : exonérer du droit de francisation et de navigation les navires inscrits au titre des monuments historiques. – Recommandation n° 11 : élargir le périmètre et accroître le taux de la réduction d’impôt sur le revenu au titre des travaux de conservation ou de restauration d’objets mobiliers classés et exposés au public – Recommandation n° 12 : exonérer d’impôt sur la fortune immobilière les monuments historiques, lorsqu’ils constituent l’outil de travail des entrepreneurs du patrimoine, afin de favoriser l’entrepreneuriat patrimonial.
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Aborder la question des dépenses fiscales en faveur du patrimoine nécessite plusieurs précisions liminaires.
Tout d’abord, concernant la notion même de « dépense fiscale ». Elle correspond normalement à des dispositions législatives ou réglementaires dérogatoires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui résulterait de l’application des règles fiscales de droit commun. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’une dépense mais d’une moindre recette.
Par ailleurs, selon la manière dont est compris le droit commun et la règle dérogatoire, une adaptation du barème ou de l’assiette de l’impôt peut être ou non considérée comme une dépense fiscale. Il en résulte que ce qui a pu à un moment être considéré comme une dépense fiscale peut ne plus l’être, et inversement. Par exemple, le taux réduit de TVA de 5,5 % applicable aux livraisons d’œuvres d’art n’était pas considéré comme une dépense fiscale, c’est-à-dire une dérogation à la norme fiscale de droit commun, jusqu’à la loi de finances pour 2020. Ce taux réduit ne faisait donc l’objet d’aucune estimation dans les documents budgétaires.
En outre, le terme de « dépense » est associé à un coût net pour l’État. Pourtant, en ce qui concerne le patrimoine culturel des Français, ces dépenses fiscales sont généralement génératrices de recettes. Les réductions d’impôt encouragent les propriétaires de monuments, les entreprises et les ménages à financer la conservation et l’enrichissement du patrimoine national. Les travaux engagés grâce au financement d’acteurs privés accroissent les recettes fiscales par la consommation de biens (TVA), l’emploi de main-d’œuvre (cotisations) et les revenus et bénéfices qu’ils génèrent, notamment touristiques.
L’absence de dépenses fiscales en faveur du patrimoine conduirait, pour l’essentiel, à une baisse des dépenses privées plus importante que l’économie réalisée. Les acteurs publics seraient alors obligés de compenser cette diminution du financement privé, sauf à laisser se détériorer le patrimoine, marqueur de notre histoire et de nos paysages. Cela affecterait l’attractivité touristique de nos territoires, alors que 49 % des visiteurs internationaux découvrent un site culturel lors de leur séjour ([1]), et que 33 % des Français indiquent que la découverte du patrimoine constitue une de leurs principales motivations de départ en vacances.([2])
De plus, 24 % des monuments historiques sont déjà dans un état « mauvais » ou « en péril » ([3]). Un consensus politique semble s’établir quant aux besoins majeurs en matière de rénovation et d’entretien du patrimoine protégé. Le patrimoine constitue en effet la « culture accessible dans notre quotidien ([4]) » et un moyen efficace de transmission de notre histoire commune, en particulier pour les jeunes et dans nos territoires ruraux.
Il convient donc, qui plus est dans le contexte budgétaire actuel, d’avoir ces éléments en mémoire au moment d’évaluer l’efficience des dépenses fiscales existantes. Le présent rapport a par ailleurs souhaité évaluer l’ensemble des dispositifs, et donc aller au-delà des seules dépenses relevant du programme 175 Culture : Patrimoines.
Alors que des interrogations se sont faites sur les « niches fiscales » à l’occasion de la préparation du prochain projet de loi de finances, le rapporteur spécial considère que, compte tenu de leur objet et de la finalité très particulière qu’elles poursuivent, les dépenses fiscales en faveur du patrimoine ont fait la preuve de leur pertinence et que le nombre réduit de bénéficiaires ou le montant réduit de certaines d’entre elles ne sauraient être un critère pertinent pour les disqualifier.
Outre de nécessaires améliorations de l’information relative à certaines dépenses ou du périmètre considéré, des évolutions ponctuelles peuvent y être apportées. Certes, la stabilité fiscale et normative est souhaitable afin d’inscrire les avantages fiscaux dans le temps long du patrimoine monumental. Par ailleurs, pour de nombreuses dépenses fiscales, un équilibre semble avoir été atteint. Pour autant, l’amélioration de certains dispositifs existants, sans accroissement significatif de leur coût, semble souhaitable. Ils pourraient également être utilement complétés par de nouvelles dépenses fiscales.
I. Les dépenses fiscales rattachées au programme 175 sont utiles et légitimes
A. Fruits de l’histoire, les quatorze dépenses fiscales progressivement rattachées au programme 175 répondent chacune à des besoins bien identifiés mais d’importance variable
1. Aider les propriétaires privés à protéger le patrimoine culturel qu’ils détiennent
a. Le « nouveau dispositif Malraux » de réduction d’impôt sur le revenu au titre des dépenses de restauration d’immeubles dans certaines zones géographiques spécifiques
La dépense fiscale actuellement codifiée à l’article 199 tervicies du code général des impôts (CGI), créée en 1962 ([5]) , régulièrement réformée, ouvre droit à une réduction d’impôt sur le revenu (IR) au titre des dépenses de restauration d’immeubles patrimoniaux en vue de leur location dans les douze mois suivant l'achèvement des travaux. La durée minimale de location est de neuf ans. Les dépenses prises en compte sont plafonnées à 400 000 euros pour une période de quatre exercices fiscaux consécutifs. Seuls les immeubles situés dans certaines zones géographiques spécifiques – les sites patrimoniaux remarquables (SPR) et les quartiers de la politique de la ville – sont éligibles à cette réduction d’IR. Le taux de la réduction varie selon le degré de protection des immeubles prévu dans ces zones (voir infra, page 22).
Près de 5 350 foyers fiscaux ont bénéficié de ce dispositif en 2023, pour un montant total de 40 millions d’euros de réduction d’impôt. Le montant demeure stable d’une année sur l’autre.
b. La déduction et l’imputation sur le revenu global des charges ou déficits fonciers supportés par les propriétaires de monuments historiques ou de bâtiments labellisés par la Fondation du patrimoine
Les deux dépenses fiscales prévues par les articles 156 et 156 bis du CGI visent à inciter les propriétaires privés à entretenir et ouvrir au public le patrimoine culturel immobilier qu’ils détiennent.
Créées en 1954 ([6]), elles représentent en 2025 respectivement 48 millions d’euros pour l’imputation et 27 millions d’euros pour la déduction. Le dispositif de déduction du revenu global a bénéficié en 2023 à un peu moins de 6 600 ménages. Pour ce qui est du dispositif d’imputation sur le revenu global, le nombre de ménages bénéficiaires n’est pas connu.
Les textes fiscaux prévoient plusieurs situations ouvrant droit à ces dispositifs.
Catégorie |
Déduction des revenus fonciers |
Imputation ou déduction du revenu global |
|
Monument historique (MH) ne procurant aucune recette
|
Non ouvert au public |
Non applicable : le MH ne procure pas de revenus fonciers |
Travaux subventionnés : déduction à 100 % Travaux non subventionnés et charges de gestion : déduction à 50 % L’éventuel déficit global ne peut pas être reporté sur les années suivantes |
Ouvert gratuitement au public |
Travaux subventionnés et non subventionnés, charges de gestion : déduction à 100 % L’éventuel déficit global ne peut pas être reporté sur les années suivantes |
||
MH procurant des recettes et non occupé par son propriétaire |
Non ouvert au public et donné intégralement en location |
Travaux subventionnés et non subventionnés, charges de gestion : déduction à 100 % |
L’éventuel déficit foncier est imputable sur le revenu global sans limite de montant L’éventuel déficit global imputable à ce déficit foncier peut être reporté sur les six années suivantes |
Ouvert au public (visite payante) |
Travaux subventionnés et non subventionnés, charges de gestion : déduction à 100 % Déduction des charges liées à la visite : soit à 100 % sur frais réels, soit à hauteur d’un forfait de 1 525 euros (sans jardin) ou 2 290 euros (jardin ouvert au public) |
Le bénéfice de cet avantage fiscal est strictement encadré par l’article 156 bis du CGI, qui impose une détention directe pendant au moins quinze années du bien immobilier concerné. En d’autres termes, le propriétaire ne peut pas détenir le bien à travers une société civile, et ne peut pas non plus le céder pendant cette période de quinze ans.
Le cadre normatif actuel prévoit trois exceptions à ce principe de détention directe, lorsque la société civile, non soumise à l’impôt sur les sociétés :
La labellisation d’un bien par la Fondation du Patrimoine ouvre également droit à ces dispositifs ([7]), sous certaines conditions, qui s’ajoutent à celles précitées, et qui imposent que :
Ce sont ainsi 1681 labels qui ont été attribués par la Fondation du Patrimoine en 2023 à des propriétaires d’immeubles représentatifs du patrimoine de proximité. Cette dépense fiscale se justifie par le caractère généralement déficitaire de l’activité d’ouverture au public de monuments historiques détenus par des propriétaires privés. On notera d’ailleurs que, sur la centaine de monuments gérés par le Centre des Monuments Nationaux (CMN), qui bénéficie d’une expertise reconnue, seuls 4 étaient excédentaires en 2023. Les dispositifs de déduction et d’imputation des charges foncières permettent donc essentiellement de réduire les déficits et de réaliser les indispensables travaux, et non d’engendrer un excédent.
c. La réduction d’impôt sur le revenu au titre des travaux de conservation ou de restauration d’objets mobiliers classés et exposés au public
L’article 199 duovicies du CGI prévoit une réduction d’impôt sur le revenu à hauteur de 18 % des sommes versées en vue de l’entretien ou de la restauration d’objets mobiliers classés. Ces sommes sont retenues dans la limite annuelle de 20 000 euros par contribuable, soit une réduction annuelle maximale d’impôt de 3 600 euros. En d’autres termes, pour 1 000 euros de travaux de conservation ou de restauration, l’impôt sur le revenu dû est réduit de 180 euros. Créée en 2007 ([8]), cette dépense fiscale représente un coût annuel moyen d’un million d’euros, bénéficiant à 793 ménages en 2023.
La réduction d’impôt ne s’applique qu’aux objets mobiliers classés, ce qui exclut les objets mobiliers inscrits au titre des monuments historiques. Elle est conditionnée à une exposition au public de l’objet mobilier concerné, qui peut être satisfaite au sein d’un monument historique ouvert au public, d’une collection publique, ou d’une collection détenue par des personnes privées conventionnées occupant le domaine public maritime, fluvial, ferroviaire ou aéronautique.
d. L’exonération des droits de mutation à titre gratuit de la transmission des monuments historiques classés ou inscrits
L’exonération des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) des biens immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, ainsi que des biens meubles qui en constituent le complément historique ou artistique, est prévue par l’article 795 A du CGI. Elle est conditionnée à une convention viagère, c’est-à-dire à vie. Créée en 1988 ([9]), elle bénéficie chaque année à une demi-douzaine de propriétaires privés nouvellement conventionnés. Son coût annuel est estimé à un million d’euros. Ce nombre et ce montant apparaissent très restreints, sans doute parce que les propriétaires de monuments historiques organisent généralement à l’avance leur succession.
La convention avec le ministère de la culture et le ministère du budget prévoit la préservation de l’immeuble et des meubles associés, ainsi qu’une ouverture au public dans les mêmes conditions que pour les dispositifs précédemment mentionnés de déduction des revenus fonciers et d’imputation des déficits fonciers ([10]). Cet alignement, issu d’un récent décret ([11]), a réduit d’environ 30 % le nombre de jours d’ouverture au public exigé pour l’octroi de cette exonération des DMTG.
Le bénéficiaire de cette exonération des DMTG s’engage ainsi à ouvrir le monument concerné, jusqu’à son décès, et à ne pas le céder sauf à un repreneur qui adhérerait aux conditions de la convention signée. Enfreindre ces conditions conduit à une reprise des DMTG, sans application d’intérêts de retard.
2. Soutenir l’activité et l’acquisition d’œuvres par les institutions culturelles
a. Le mécénat d’entreprise au titre de l’achat de trésors nationaux
En vertu de l’article 238 bis‑0 A du CGI, les versements des entreprises en vue de soutenir l’achat par l’État de Trésors nationaux ouvrent le droit, à hauteur de 90 % du montant des versements, à une réduction d’impôt sur les sociétés (IS), plafonnée à 50 % du montant d’IS dû au titre de l’exercice d’imputation. Cette dépense fiscale bénéficie à quelques entreprises, peu nombreuses. Son coût estimé pour 2025 s’élève à 14 millions d’euros. Ce montant est toutefois très variable d’une année l’autre, car il dépend des fluctuations du marché de l’art et des biens mis en vente. Il s’est élevé à 45 millions d’euros en 2023, et est estimé à 1 million d’euros pour 2024.
Aux origines du mécénat en faveur des Trésors Nationaux :
l’affaire du « Jardin à Auvers » de Van Gogh
La création de ce dispositif original visait à pallier les défauts du système antérieur, où l’État, souhaitant refuser la demande de certificat d’exportation d’un bien culturel, ne pouvait s’y opposer que par une procédure de classement au titre des monuments historiques. En effet, l’affaire du tableau de Van Gogh « Le jardin à Auvers », dont l’exportation avait été refusée en juin 1982 et qui avait été classé d’office par un décret du 28 juillet 1989, avait suscité un recours de son propriétaire contre l’État. Ce propriétaire avait obtenu de la Cour de cassation l’indemnisation de son préjudice résultant de l'application de la servitude de classement d'office à hauteur de 147 millions de francs. L’État avait été ainsi condamné à débourser en indemnisation du classement au titre des monuments historiques des sommes aussi conséquentes que s’il avait acquis l’œuvre, sans même en devenir propriétaire. Cette situation, insatisfaisante, avait conduit alors à la création du dispositif des Trésors nationaux en 1987, qui a pris sa forme contemporaine avec la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France.
Ce dispositif a pour objectif principal de permettre l’acquisition par l’État de biens culturels pouvant être soumis à des restrictions d’importation au sein du marché unique : les Trésors nationaux ([12]). Il associe donc interdiction d’exportation et réduction d’impôt. Le cadre juridique actuel prévoit l’éligibilité à ce dispositif pour deux grandes catégories de biens culturels.
La première comprend les « Trésors nationaux », qui correspondent schématiquement aux biens culturels publics et aux biens classés au titre des monuments historiques de première importance ([13]). Ils sont découverts de manière négative, lors du refus de leur certificat d’exportation par arrêté ministériel après avis simple de la commission consultative des trésors nationaux (CCTN). En d’autres termes, un « Trésor national » est un bien culturel dont la demande d’exportation a été refusée. Il ne s’agit pas nécessairement d’œuvres originales françaises. À titre d’exemple, la Table de Teschen, réalisée par l’orfèvre allemand Johann Christian Neuber, a été reconnue comme « Trésor national » en 2010 en tant que « souvenir historique de portée européenne, témoignant de la reconnaissance accordée à un Français pour son rôle dans la sauvegarde de la paix ([14]) ».
La deuxième catégorie regroupe les « autres biens présentant un intérêt majeur pour le patrimoine national », qui sont directement reconnus comme tels par la CCTN, sans qu’une demande de certificat d’exportation ne soit nécessaire pour déclencher cette procédure. Par définition, ces biens peuvent ne pas être présents sur le territoire national. Cette procédure permet ainsi de rapatrier des grandes œuvres françaises disséminées à l’étranger, comme la Vue d’Avignon de Joseph Vernet, acquise en 2015 lors d’une vente aux enchères à Londres. Son usage a progressivement été étendu aux œuvres présentes sur le territoire français, pour lesquelles le propriétaire ne demande pas une autorisation d’exportation, mais dont l’acquisition est envisagée par l’État. Dans le cadre de cette procédure, la CCTN propose ainsi d’accorder un avantage fiscal dans le cadre de l’acquisition d’un bien en dehors de toute demande de certificat d’exportation. Afin de tempérer les esprits des membres de la CCTN, qui privilégient parfois la splendeur du patrimoine national en négligeant peut-être la question de son coût, un représentant de la DGFIP est présent pour assurer la soutenabilité financière des opérations.
Suites données au classement d’œuvres comme Trésors nationaux
Suites données |
D’avril 1993 à juin 2000 |
De juin 2000 à mai 2017 |
De mai 2017 à décembre 2023 |
Total depuis 1993 |
||||
Nombre |
En % |
Nombre |
En % |
Nombre |
En % |
Nombre |
En % |
|
Acquisition de l’œuvre |
54 |
63,5 % |
84,5 |
63,5 % |
19 |
59,4 % |
157,5 |
67,3 % |
dont acquisition avec mécénat |
3 |
3,5 % |
44 |
33 % |
11 |
34,3 % |
58 |
20 % |
Certificat d’exportation accordé |
21 |
24,7 % |
22,5 |
16,9 % |
11 |
34,3 % |
54,5 |
23,3 % |
Certificat d’exportation non redemandé |
10 |
11,7 % |
11 |
8,3 % |
1 |
3,2 % |
22 |
9,4 % |
Opérations en cours |
|
0,0 % |
15 |
11,3 % |
1* |
3,2 % |
--- |
--- |
Source : Commission des finances, d’après les réponses aux questionnaires. Ce tableau exclut les procédures débouchant sur un don de l’œuvre concernée à l’État. Il renseigne des chiffres incluant des fractions car des lots d’œuvre peuvent avoir reçu des réponses différentes.
Il peut ainsi être constaté une forte hausse du pourcentage d’acquisitions avec recours au mécénat, qui passe de 3,3 % à 31 % du total des œuvres acquises, à partir de la réforme de l’avantage fiscal en 2002, qui remplace le dispositif de déduction des bénéfices par une réduction de l’IS dû.
Par ailleurs, très peu d’œuvres sont classées comme Trésors Nationaux, puisqu’on dénombre près de 10 000 demandes annuelles de certificats d’exportation et seulement une dizaine de classements.
Les entreprises mécènes, au nombre d’une douzaine par an en moyenne, relèvent principalement des secteurs du luxe ainsi que des services bancaires et assurantiels. Sur le long terme, cette dépense fiscale présente un coût annuel moyen de dix millions d’euros avec de fortes fluctuations en fonction de l’émergence d’œuvres sur le marché de l’art. Son record a été atteint en 2016 avec un coût de 80 millions d’euros, en raison du mécénat de la Banque de France pour l’achat du Portrait d’Oopjen Copp de Rembrandt. Ce mécénat s’est traduit par une diminution d’autant du dividende versé à l’État par la Banque de France. L’État a donc, de facto, intégralement financé cet achat sans avoir recours à des crédits budgétaires. Critiquée par la Banque centrale européenne, la Banque de France s’est depuis abstenue de telles interventions patrimoniales.
Le rapporteur spécial considère que ce dispositif présente de multiples avantages pour l’État et le patrimoine. Il permet aux musées d’acquérir, quel que soit leur budget et en cours d’exercice budgétaire, des œuvres importantes pour le patrimoine français au moment de leur émergence sur le marché de l’art, en finançant cette acquisition par l’impôt et non leurs ressources propres. Il fait contribuer à hauteur de 10 % du coût de l’acquisition des entreprises mécènes. En contrepartie, il accorde aux entreprises mécènes des gains réputationnels et médiatiques.
b. Les exonérations de droit de mutation concourant à l’enrichissement des collections publiques
Une première exonération des droits de mutation à titre gratuit (dons, successions) ou onéreux (ventes), prévue par l’article 1131 du CGI, porte sur les œuvres d’art dont le nouveau propriétaire fait don à l’État. Elle permet à tout nouveau donataire, héritier, ou acquéreur d’un bien d’en transférer la propriété à l’État et de ne pas être imposé, de ce fait, sur la « mutation » (transaction, don ou succession) qui l’avait conduit à en être propriétaire. À titre d’exemple, une personne privée recevant en héritage un tableau de grande valeur peut le donner à l’État, et en contrepartie être exonérée de l’impôt dû sur les successions qui aurait pu représenter des sommes importantes. Cette exonération n’a pas été activée depuis 2017, et n’a jamais représenté un coût supérieur à million d’euros sur une année
Une seconde exonération des DMTG, prévue par l’article 990 I du CGI, porte sur les legs d’assurance-vie aux associations. Le droit commun prévoit un prélèvement à la source des compagnies d’assurance-vie à hauteur de 20 % des sommes destinées aux bénéficiaires des titulaires du contrat en cas de décès, après application d’une franchise de 152 500 euros. À titre dérogatoire, certains bénéficiaires sont exonérés de ce prélèvement, notamment certains établissements publics comme les musées, ainsi que les fondations et associations reconnues d’utilité publique éligibles ([15]). Cette exonération permet ainsi de favoriser les legs d’assurance vie aux associations, quel que soit leur domaine d’intervention. Créée en 2005 ([16]), cette dépense fiscale a un coût annuel de l’ordre de 105 millions d’euros.
c. Les exonérations de TVA et de taxe forfaitaire concourant à l’enrichissement des collections publiques
Une première exonération de TVA, prévue par le 8° du II de l’article 291 du CGI, concerne les objets d’art, de collection et d’antiquité, importés par les établissements agréés par le ministre chargé des affaires culturelles, comme les musées nationaux ou régionaux. Remontant à 1978, elle réduirait de 2 millions d’euros les recettes de TVA en 2025. Cette exonération a pour but de permettre aux établissements publics d’importer, sans être imposés, des œuvres d’art dans le but d’enrichir leurs collections. Elle a par exemple facilité l’importation du Christ crucifié de Giovanni Pisano, acquis de gré à gré en 2023 à l’aide d’une souscription après avoir été reconnue « d’intérêt patrimonial majeur ». ([17])
Dans la même logique, l’exonération de la taxe forfaitaire sur les bijoux, objets d’art, de collection et d’antiquité en cas de vente aux personnes publiques prévue par l’article 150 VJ du CGI apparaît comme un dispositif utile. Créée en 1976, cette exonération représenterait 5 millions d’euros de moindres recettes de taxe forfaitaire en 2025. Il est en effet logique que les ventes d’œuvres d’art, imposées normalement à un taux de 6 % du prix de cession ou de la valeur en douane, soient exonérées de taxe forfaitaire afin de favoriser l’acquisition d’œuvres par les personnes publiques.
3. Accroître l’attractivité du marché de l’art en France
a. Le taux réduit de TVA de 5,5 % applicable aux livraisons d’œuvres d’art ou d’objets de collection ou d’antiquité
Le taux réduit uniforme de TVA à 5,5 % prévu par l’article 278 -0 bis du CGI, entré en vigueur le 1er janvier 2025, a pour objectif de soutenir la compétitivité du marché de l’art en France afin de consolider son premier rang européen depuis le Brexit.
Ce taux résulte de la transposition en droit interne ([18]) des dispositions de la directive du 5 avril 2022 relative aux taux de TVA, qui d’une part autorise l’application d’un taux réduit aux œuvres d’art, et d’autre part interdit le cumul du régime de la marge et d’un taux réduit en amont. En effet, jusqu’alors, les assujettis revendeurs, qui importent des œuvres d’art pour les revendre (galeristes, antiquaires, maisons de ventes etc.), pouvaient choisir entre plusieurs régimes fiscaux. Ils pouvaient opter soit pour le taux normal de TVA de 20 %, soit pour un des deux régimes dérogatoires de marge qui appliquent ce taux normal de TVA à la différence entre le prix de vente et le prix d’achat (marge réelle) ou à 30 % du prix de vente (marge forfaitaire, réservée aux cas d’impossibilité de détermination du prix d’achat originel). Ce régime de la marge forfaitaire, très utilisé, équivalait approximativement à une imposition à hauteur de 5,5 % de la valeur du bien (30 % du taux réduit de TVA de 20 %).
En parallèle, un taux réduit de TVA de 10 % était applicable aux livraisons d’œuvres d’art effectuées à titre occasionnel par les personnes qui les ont utilisées pour les besoins de leurs exploitations et chez qui elles ont ouvert droit à déduction de la TVA.
En conclusion de groupes de travaux interministériels, le Gouvernement a donc proposé une réduction uniforme du taux de TVA applicable à toutes les importations d’œuvres d’art, occasionnelles ou non, à 5,5 %, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2025.
Si le coût global de l’application de ce taux réduit de TVA est estimé à 77 millions d’euros en 2025, la perte de recette supplémentaire résultant de la substitution de ce taux réduit uniforme aux dispositifs antérieurs ne serait que de l’ordre de 14 millions d’euros. Cela s’explique notamment par un effet volume sur les transactions.
b. L’exonération de taxe forfaitaire pour les cessions et exportations d’œuvres d’art réalisées par des non-résidents
L’exonération de la taxe forfaitaire sur les métaux précieux (au taux de 11 %) ou les bijoux, objets d’art, de collection et d’antiquité (au taux de 6 %) concerne les cessions et exportations en dehors de l’Union européenne réalisées par des personnes physiques n’ayant pas établi leur résidence fiscale en France est prévue par l’article 150 VJ du CGI. Instituée en 2005 ([19]), elle représenterait en 2025 une perte de recettes de l’ordre de 5 millions d’euros. Elle est conditionnée au fait d’être en capacité, en cas de demande de l’administration, de justifier d’une importation antérieure, d’une introduction antérieure ou d’une acquisition en France. La logique fiscale de cette exonération ne brille pas par sa simplicité.
Tout d’abord, cette taxe forfaitaire est considérée comme un dispositif dérogatoire de l’imposition au titre de l’impôt sur le revenu des plus-values de cession de biens mobiliers ([20]). En effet, le régime de l’imposition des plus-values au titre de l’IR prévoit un avantage significatif : l’application d’un abattement de 5 % par année de détention au-delà de la deuxième, conduisant à une exonération après 22 ans de détention du bien meuble concerné ([21]). Or, cet avantage est difficile à attribuer aux œuvres d’art, souvent héritées et dont le prix d’achat initial est difficilement estimable, dont les propriétaires ne peuvent pas toujours apporter la preuve de la date et de la valeur initiale d’acquisition et ne peuvent donc pas bénéficier de ces abattements graduels. Le régime d’imposition des cessions des œuvres d’art au titre d’une taxe forfaitaire, à un taux compris entre 6 % et 11 %, permet ainsi de contourner cet obstacle, et d’apporter un avantage équivalent aux propriétaires d’œuvres d’art.
Or, le régime d’imposition au titre de l’impôt sur le revenu des plus-values de cession de biens meubles ne peut pas concerner, par définition, les personnes n’étant pas domiciliées fiscalement en France et déclarant leurs revenus dans un autre État. Ces non-résidents en sont donc exonérés. Cela justifie, en miroir, leur exonération de la taxe forfaitaire équivalente.
En outre, dans les cas où le régime d’imposition au titre de l’IR serait davantage favorable, par exemple pour un ménage à faible revenu cédant un tableau de famille, un résident fiscal français, censé être assujetti à la taxe forfaitaire, peut opter pour le régime de l’IR. Cette faculté ne serait néanmoins pas ouverte pour les non-résidents dans la même situation, entraînant une inégalité fiscale en l’absence d’exonération de taxe forfaitaire.
4. Limiter l’impact de la taxe d’archéologie préventive sur les activités économiques
Une dépense fiscale rattachée au programme 175 fait figure d’exception : l’exonération de taxe d’archéologie préventive prévue par l’article 235 ter ZG du CG. Elle ne vise pas à soutenir le patrimoine, mais à mieux articuler sa protection et les activités économiques du pays.
En principe, toute opération d'aménagement, de construction ou de modification d’un bâtiment affectant le sous-sol est soumise à la taxe d’archéologie préventive. Cette taxe a pour objectif de financer les activités de diagnostics et de fouilles archéologiques. Elle est le résultat du produit de la surface taxable exprimée en mètres carrés, de la valeur forfaitaire du bien (entre 914 et 1 036 euros le mètre carré en 2024) et d’un taux d’imposition de 0,71 % en 2024.
De multiples exonérations sont toutefois prévues, afin d’éviter d’affecter excessivement l’activité économique, la prévention des risques naturels et les petites opérations d’aménagements. Ces exonérations constituent autant de dérogations entraînant des moindres recettes pour l’État.
B. Les dépenses fiscales rattachées au programme 175 ne correspondent toutefois pas exactement au champ des dispositifs d’allègements fiscaux en faveur du patrimoine
1. Certaines dépenses fiscales, pourtant rattachées au programme budgétaire, ne concernent que partiellement le patrimoine culturel matériel
a. L’exonération des DMTG portant sur les legs d’assurance-vie aux associations
Cette exonération permet de favoriser les legs d’assurance vie aux associations, quel que soit leur domaine d’intervention. Or ce dispositif ne bénéficie que de manière réduite au secteur du patrimoine. Le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales de 2011 ([22]) estimait ainsi qu’il « bénéficie surtout (à 98 % ou plus) à des organismes d’intérêt général et non à vocation patrimoniale ou muséale conformément à la volonté du législateur ».
En outre, l’amendement sénatorial à l’origine du dispositif, en 2005, évoquait les fondations ou associations reconnues d’utilité publique « et plus particulièrement les associations cultuelles », sans mentionner explicitement les associations à mission patrimoniale ([23]). L’argument soulevé lors des auditions du rapporteur, qui consiste à justifier le rattachement d’une dépense fiscale à un programme budgétaire selon l’intention originelle du législateur, n’apparaît donc pas pertinent en l’espèce.
Or, ce dispositif représente 105 millions d’euros en 2024, contre 20 millions d’euros en 2011. Il atteint 36 % du montant total des dépenses fiscales rattachées au programme 175. Son exécution budgétaire a en outre systématiquement excédé d’au moins 10 % les prévisions établies en loi de finances sur les dix dernières années, sauf en 2019. Le rattachement de cette dépense fiscale au programme Patrimoines apparaît ainsi peu pertinent et ne permet pas d’appréhender avec justesse les dépenses effectivement patrimoniales. Il serait utile de le rattacher au programme 163 Jeunesse et vie associative, qui porte déjà l’ensemble des dépenses fiscales bénéficiant aux organismes d’intérêt général et non à vocation patrimoniale. Cela permettrait un suivi et une évaluation consolidés de cette exonération, dans un périmètre budgétaire plus adapté.
b. Le « nouveau dispositif Malraux »
Cette réduction d’IR au titre des dépenses de restauration d’immeubles patrimoniaux présente l’originalité de s’appliquer dans des zones géographiques spécifiques, qui comprennent notamment des monuments historiques, sans s’y limiter. Ainsi, tout bien immobilier, même sans intérêt patrimonial, y est éligible, à condition d’être situé dans une des deux zonages suivants :
Le taux de réduction d’IR dépend du degré de protection de ces zones, qui varie entre SPR dotés d’un « plan de sauvegarde et de mise en valeur » (PSMV – taux de 30 %) ou d’un « plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine » (PVAP – taux de 22 %). En effet, les PSMV contiennent, à la différence des PVAP, des prescriptions relatives aux intérieurs des immeubles et non seulement à leurs extérieurs. Quant aux quartiers anciens dégradés et conventionnés NPNRU, le taux s’élève à 30 % en toutes circonstances.
Ce dispositif se traduit donc par un soutien direct à la politique du logement et à la politique de la ville. Son rattachement au programme 175 résulte de l’intention originelle du législateur, qui l’avait limité aux SPR, avant son extension aux quartiers anciens dégradés en 2009 ([27]), puis aux QPV conventionnés NPNRU en 2016 ([28]). Malgré cette évolution de l’objet de la dépense fiscale, qui excède aujourd’hui la politique publique patrimoniale, il ne semble pas pertinent de la rattacher au programme 147 Politique de la ville, l’aspect patrimonial demeurant prépondérant. Il convient toutefois d’avoir cet élément en mémoire dans l’appréhension du coût global des dispositifs patrimoniaux.
2. D’autres dépenses fiscales, rattachées à différents programmes budgétaires, soutiennent directement le patrimoine culturel
Alors même que le patrimoine français bénéficie significativement du mécénat d’entreprise, ce mécénat patrimonial n’est pas évalué de manière isolée. La dépense fiscale relative à la réduction d’impôt sur les sociétés (IS) au titre du mécénat d’entreprise ([29]) n’est pas rattachée au programme 175, mais au programme 163 Jeunesse et vie associative. Elle ne fait donc pas l’objet d’une évaluation spécifique, ce qui est regrettable. De manière globale, elle est estimée à 1,73 milliard d’euros en 2025, et a bénéficié à 132 364 entreprises en 2023.
Le dispositif porte sur une réduction d’IS à hauteur de 60 % du montant du don jusqu’à 2 millions d’euros par an, puis à hauteur de 40 % au-delà de ce seuil. Un plafond de 0,5 % du chiffre d’affaires, ou au choix de 20 000 euros, est appliqué aux versements éligibles. Ces dons peuvent conduire à l’attribution de contreparties au bénéfice des mécènes, jusqu’à 25 % de la valeur du don. Le patrimoine français peut bénéficier de ce dispositif à travers cinq catégories de structures récipiendaires éligibles :
Le Baromètre du mécénat d’entreprise 2024 réalisé par l’association Admical évalue à ce titre le pourcentage du mécénat d’entreprise bénéficiant au secteur de la culture à 17 % en 2023, contre 39 % en 2007. Cette baisse relative du mécénat culturel au sein de l’ensemble des dépenses de mécénat des entreprises s’explique par la croissance plus faible des sommes qui y sont consacrées que de celles consacrées au mécénat social ou au mécénat sportif, et notamment par la possibilité nouvelle de comptabiliser au titre du mécénat social les dons alimentaires. Le mécénat culturel représente 646 ([31]) millions d’euros de versements ouvrant droit à une réduction d’IS. Près de 8 % du mécénat culturel serait dédié au patrimoine monumental, regroupant dans l’enquête les « monuments, l’architecture, l’archéologie et l’urbanisme », soit 51,7 millions d’euros. La dépense fiscale, c’est-à-dire les moindres recettes et le coût implicite de ce dispositif pour l’État, représenterait un peu moins de 60 % de ce montant, soit 30 millions d’euros. Ce périmètre exclut toutefois les dons aux musées, ou le soutien financier à des événements culturels au sein de monuments historiques.
Le ministère de la culture propose une autre estimation, sur un périmètre différent. Il évalue les ressources de mécénat de ses opérateurs relevant du programme 175, hors Notre-Dame de Paris, à 69 millions d’euros en 2023. Ce périmètre, limité par définition, ne correspond pas à l’ensemble des acteurs du patrimoine. Sur ce périmètre, la dépense fiscale peut donc être estimée à un montant légèrement inférieur ([32]) à 60 % de 69 millions d’euros soit 40 millions d’euros.
b. Les dons consentis par les particuliers, notamment dans le cadre de la collecte nationale pour le patrimoine religieux
Comme le mécénat, la dépense fiscale relative aux dons consentis par les particuliers ([33]) n’est pas rattachée au programme 175, car elle concerne l’ensemble des associations d’intérêt général, quel que soit leur objet. Cette dépense fiscale est très importante du fait de l’ampleur de ce qu’elle recouvre : elle a un coût estimé à 1,99 milliard d’euros en 2025, et a bénéficié à 5 536 992 ménages en 2023.
Le dispositif prévoit une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % du montant du don, dans la limite de 20 % du revenu imposable. Ces dons peuvent conduire à l’attribution de contreparties au bénéfice des particuliers, jusqu’à un double plafond de 25 % de la valeur du don et de 73 euros par an. Le patrimoine français peut bénéficier de ce dispositif à travers les mêmes catégories de structures récipiendaires que le mécénat d’entreprise (voir supra). Au même titre que le mécénat, mais cette fois pour les particuliers, ces dons permettent en quelque sorte de « flécher » la destination d’une partie de son impôt, ce qui en ces temps de tension en matière de consentement à l’impôt, est aussi un aspect positif.
Le baromètre de la solidarité 2025, réalisé par Ipsos pour le compte de l’association Apprentis d’Auteuil, évalue à 10 % le pourcentage de donateurs réalisant des dons en faveur de « la culture ou du patrimoine ». Cette statistique n’évalue néanmoins pas le pourcentage des dons, en valeur, accordé au seul patrimoine. Le ministère de la culture ne produit pas d’information similaire. Il apparaît difficile, dans ces conditions, d’évaluer précisément ce que représente cette dépense fiscale faveur du seul secteur du patrimoine.
Par ailleurs, la collecte nationale « Sauvons le patrimoine religieux de nos villages ([34]) » n’est pas isolée au sein de la dépense fiscale relative aux dons des particuliers, ni, a fortiori, rattachée au programme 175. Elle porte à 75 % le taux de réduction d’impôt de droit commun pour les dons consentis par les particuliers entre le 15 septembre 2023 et le 31 décembre 2025. Ce taux dérogatoire est soumis à deux conditions : que le don bénéficie à la Fondation du patrimoine et qu’il soit affecté à la conservation ou à la restauration du patrimoine immobilier religieux appartenant à des personnes publiques et situé dans les communes de France métropolitaine de moins de 10 000 habitants. Les dons éligibles sont soumis à un plafond annuel de 1 000 euros, pour une réduction d’impôt sur le revenu maximal de 750 euros par an.
Le produit de cette collecte est inférieur aux attentes, avec 12,6 millions d’euros en 2024 pour 38 167 dons. Cela peut être dû en grande partie au fait que les Français souhaitent avant tout soutenir un monument précis, et sont moins enclins à soutenir une collecte indifférenciée. Le montant attendu s’élevait à 200 millions d’euros sur quatre ans et devait servir à soutenir près de 1 000 lieux de notre patrimoine religieux. Afin d’accroître la visibilité de cette collecte, l’article 9 de la loi de finances pour 2025 a élargi le périmètre des organismes et travaux éligibles aux « fondations reconnues d’utilité publique dont les statuts prévoient qu’elles remplissent une mission de conservation et de restauration du patrimoine religieux » et aux « études pour la conservation et la restauration » du patrimoine religieux, pour les versements effectués à compter du 15 février 2025. Cette mesure aura pour effet principal d’élargir l’animation de la collecte à la Fondation pour la sauvegarde de l’art français, la Fondation de France et la Fondation Notre-Dame. L’impact financier pourra être précisément évalué à l’aide des informations obtenues dans le cadre de la déclaration d’impôt sur le revenu. Au vu de l’expiration du dispositif le 31 décembre 2025, le rapporteur spécial ne formule pas de recommandation spécifique. Il demeurera toutefois vigilant quant à l’efficacité de cette mesure.
II. Des évolutions ponctuelles peuvent être apportées aux modalités d’information des parlementaires et à certaines dépenses fiscales en faveur du patrimoine
1. L’information mise à disposition du public et des parlementaires se révèle parfois lacunaire
a. Les limites de l’information comprise dans les documents budgétaires sont parfois problématiques
La majorité des dispositifs présente une information incomplète. De manière générale, le nombre de bénéficiaires n’est connu que pour seulement quatre dispositifs sur les quatorze rattachés au programme 175. En outre, comme indiqué précédemment, le périmètre des dépenses fiscales en faveur du patrimoine et celui du programme 175 ne se rejoignent pas exactement, ce qui complexifie l’évaluation, par programme, de ces dispositifs.
De manière plus ponctuelle, l’information de certaines dépenses fiscales se révèle particulièrement limitée.
Concernant la réduction d’impôt sur le revenu au titre des travaux de conservation ou de restauration d’objets mobiliers classés et exposés au public, aucun dispositif de suivi centralisé du respect de la condition d’exposition au public n’est actuellement mis en œuvre. L’établissement des conventions, ainsi que le suivi du respect de la condition d’exposition au public, relève en effet des services déconcentrés chargés des monuments historiques (DRAC/CRMH), qui ne font pas remonter ces informations au ministère de la culture. Ce manque de suivi centralisé rend le dispositif difficile à évaluer.
L’exonération des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) des monuments historiques classés ou inscrits soulève également des difficultés de chiffrage, pour les mêmes raisons. En effet, l’instruction des dossiers et la signature des conventions ont été déconcentrées, et sont assurées par les DRAC et les directions départementales ou régionales des finances publiques (DDFIP/DRFIP). En moyenne, il peut être estimé qu’une vingtaine de dossiers sont déposés chaque année, qu’un tiers recueille un avis favorable, et que le montant des droits exonérés s’élève à un million d’euros au total soit environ 200 000 euros par monument conventionné. Une centaine de conventions actives sont recensées. Interrogés à ce sujet, les services ministériels indiquent qu’un bilan de mise en œuvre du processus de déconcentration sera réalisé en 2026, permettant d’affiner ces estimations.
Quant à l’exonération de TVA qui bénéficie aux objets d’art de collection et d’antiquité, importés par les établissements agréés par le ministre chargé des affaires culturelles, la liste des établissements agréés n’est pas rendue publique et n’a pas pu être communiquée au rapporteur spécial, alors même qu’un agrément du ministère de la culture est nécessaire. Seules les attestations délivrées par le Service des musées de France pour l’année 2024 lui ont été transmises. Ce périmètre ne recouvre pas l’ensemble des établissements agréés. Il a été toutefois précisé que l’objet des statuts des organismes éligibles doit prévoir « une activité de constitution de collections présentées au public justifiant ainsi l’importation d’œuvres exonérées de TVA ». En outre, cette dépense fiscale a présenté une forte hausse en 2020 (+ 3 millions d’euros) et 2021 (+ 3 millions d’euros), avant de retrouver le niveau de sa moyenne de longue durée en 2022 (– 7 millions d’euros). En l’absence de données relatives aux établissements et œuvres d’art concernées, l’évaluation de ce dispositif est incertaine.
Concernant l’exonération de taxe forfaitaire pour les bijoux, objets d’art, de collection et d’antiquité vendus aux personnes publiques, l’estimation du montant de cette dépense fiscale apparaît imprécise. Elle n’apparaît dans les documents budgétaires qu’en 2018, et est depuis évaluée à 5 millions d’euros. Les données transmises au rapporteur spécial lui ont permis d’estimer à 4,5 millions d’euros ([35]) le montant de taxe forfaitaire ainsi exonérée pour les seuls musées nationaux relevant du ministère de la culture et les musées de France territoriaux. Or, le périmètre d’éligibilité à cette dépense fiscale, qui recouvre l’ensemble des personnes publiques, est nettement plus large.
L’estimation du montant de l’exonération de taxe forfaitaire pour les non-résidents est également approximative. Elle a atteint 5 millions d’euros en 2006, et n’a pas évolué depuis dans les documents budgétaires des 20 derniers exercices. Interrogée à ce sujet, l’administration fiscale indique que le chiffrage de cette dépense est reconduit conventionnellement en l’absence de nouvelles données disponibles. L’amélioration de ce chiffrage serait en cours, en lien avec les services douaniers, depuis 2024. Le rapporteur spécial note que ces travaux de fiabilisation sont donc sur la bonne voie, et sera attentif à une actualisation prochaine du montant de cette dépense fiscale.
b. Des lacunes apparaissent également dans l’information fiscale
Le défaut d’actualisation du bulletin officiel des finances publiques concernant la déduction et l’imputation sur le revenu global des charges ou déficits fonciers, pour sa partie relative aux labels de la Fondation du Patrimoine, apparaît problématique.
Tout d’abord, le décret d’application du 16 février 2023 ([36]) prévoit que la déduction des charges est « portée à 100 % lorsque les travaux sont subventionnés par la Fondation du patrimoine à hauteur de 20 % au moins de leur montant ». Cette rédaction impliquerait que la Fondation du patrimoine aurait l’obligation d’apporter, seule, des aides à hauteur de 20 % du montant des travaux. En conséquence, il s’agirait d’une modification du cadre préexistant qui prévoyait explicitement que le taux minimal de subvention de la Fondation du Patrimoine (1 % jusqu’en 2020, 2 % depuis) et le taux minimal de subvention des travaux (20 %) étaient distincts. Il ressort des auditions que certains organismes ont reçu une assurance de l’administration fiscale que cette rédaction n’impose pas un taux minimal de subvention de 20 %, mais bien de 2 %. Le ministère de la culture considère également que la Fondation du Patrimoine doit « apporter » sous forme de subventions 20 % du montant total des travaux, en collectant les subventions d’autres financeurs dans le cadre d’une convention de labellisation. D’autres organismes auditionnés ont en revanche exprimé leur incertitude vis-à-vis de la situation juridique actuelle, que le rapporteur spécial partage. Il conviendrait d’expliciter l’intention du législateur, par une actualisation du bulletin officiel des finances publiques ([37]) à court terme, et par une disposition législative à moyen terme.
Or, l’actualisation du Bofip ([38]), en application de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020, demeure en suspens. Ce retard de cinq ans est particulièrement problématique. Il semblerait qu’il puisse être imputé aux services de la DGFIP, maintes fois sollicités par le ministère de la culture et les associations concernées.
Par ailleurs, une autre publication du Bofip présente une interprétation ambivalente de l’exonération des DMTG des monuments historiques classés ou inscrits. Le Bofip ([39]) admet en effet que « l’exonération peut être accordée aux immeubles pour lesquels il n’est pas prévu de modalités d’accès au public, lorsque les parties protégées sont extérieures (façades, toitures) et sont intégralement visibles depuis une voie publique ». Le ministère de la culture indique que cette disposition semblerait s’éloigner de l’article 17 ter de l'annexe IV au CGI, qui imposerait, comme pour les autres dépenses fiscales qui y renvoient, l’ouverture des parties intérieures du monument. L’interprétation de l’administration fiscale est quant à elle issue de la réponse du ministre de l’économie à la question écrite n° 4532 de M. Patrick Hetzel. Des échanges interministériels seraient en cours au sujet de cette lecture de la loi.
c. En revanche, dans des cas bien précis, l’encadrement de l’information publique est intentionnel et apparaît justifié
Par exemple, concernant la dépense fiscale en faveur des Trésors nationaux, l’intégralité des comptes rendus et travaux préparatoires de la procédure de classement et d’acquisition n’est pas rendue publique a posteriori. Cela a pu être critiqué par certains tiers intéressés comme un manque de transparence. Il peut néanmoins être défendu qu’il s’agit de données privées et sensibles (patrimoine de personnes privées, prix d’achat de l’œuvre, montant de l’IS dû). En outre, si l’État dévoilait intégralement son processus de décision, le prix d’achat envisagé et les raisons pour lesquelles il tend à accepter des prix plus ou moins élevés, un avantage indéniable serait accordé aux personnes privées à l’origine de la vente, déjà bien conseillées. Enfin, sur la demande de tiers intéressés, de nombreux comptes rendus et travaux préparatoires ont déjà pu leur être transmis.
Quant à l’exonération des droits de mutation pour les œuvres d’art dont le nouveau propriétaire fait don à l’État, l’absence de renseignement est expliquée par un coût particulièrement faible, qui n’a excédé un million d’euros qu’à une seule reprise au XXIe siècle, en 2016. Ce coût n’a pas dépassé 500 000 euros pour l’ensemble des autres années où le dispositif a été activé (2007, 2013, 2014, 2 015 et 2 017). Cela justifie l’absence de renseignement du montant de cette dépense fiscale dans les documents budgétaires : par convention, tout montant inférieur à 500 000 euros n’est pas précisé.
2. Un renforcement de l’information peut être envisagé, sans complexifier excessivement la gestion des dépenses fiscales
Saisis au sujet de la possibilité du rattachement partiel au programme 175 de la dépense fiscale relative au mécénat sur sa partie patrimoniale, les ministères de l’économie et de la culture ont affirmé que sa « faisabilité ne serait pas assurée à ce stade ». Or, ce rattachement subsidiaire de la dépense fiscale relative au mécénat est déjà réalisé au bénéfice d’autres programmes, comme pour le programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire. Conscient néanmoins de la faible pertinence de ce rattachement, le rapporteur spécial l’écarte de ses recommandations.
Il préconise néanmoins d’améliorer l’information du public, et, partant, des parlementaires, en évaluant précisément la part du mécénat bénéficiant au secteur du patrimoine au sens du programme 175. Il serait souhaitable en ce sens s’insérer, au sein du Baromètre Admical, cofinancé par le ministère de la culture, une question permettant d’évaluer précisément la part du mécénat culturel dédiée au « patrimoine culturel matériel », regroupant les musées, les monuments historiques, les archives et l’archéologie. Cette nouvelle catégorie remplacerait la catégorie actuellement évaluée par le Baromètre qui recouvre les « monuments, architecture, archéologie et urbanisme ». Elle exclurait dès lors « l’architecture » et « l’urbanisme » qui ne relèverait pas du patrimoine inscrit, classé ou labellisé Fondation du Patrimoine.
Dans la même logique, il serait pertinent de produire une statistique similaire concernant la part des dons des particuliers, accordée au patrimoine culturel matériel. Une étude annuelle produite en partenariat avec les Apprentis d’Auteuil semblerait possible, à faible coût. Elle reviendrait à distinguer, au sein de la question actuelle relative au « pourcentage de donateurs réalisant des dons en faveur de la culture ou du patrimoine », la part revenant à la création de la part revenant au patrimoine.
Concernant l’actualisation du Bofip en ce qu’il a trait au label attribué par la Fondation du Patrimoine, le rapporteur spécial a déjà adressé une question écrite à ce sujet au ministre ([40]), et il continuera à attirer son attention sur le sujet.
Le rapporteur spécial fera de même pour l’interprétation problématique du respect de la condition d’ouverture pour l’exonération des DMTG en faveur des monuments historiques. Il appelle en revanche à la patience quant aux souhaits de renforcement du suivi et de l’évaluation du dispositif. Le bilan de mise en œuvre du processus de déconcentration, réalisé en 2026, permettra d’approfondir d’ici peu le travail de contrôle amorcé par le présent rapport.
En outre, il serait utile que les données relatives à l’exonération de TVA sur les objets d’art importés par les établissements agréés par le ministre de la culture soient recueillies de manière centralisée d’ici le rapport annuel de performances pour l’exercice 2025, c’est-à-dire au printemps 2026, afin de pouvoir, d’ici là, évaluer pleinement l’efficacité de cette dépense fiscale.
Plusieurs pistes de rationalisation des dépenses fiscales relatives au mécénat et aux dons consentis par les particuliers sont régulièrement évoquées dans le débat public : baisse des taux de réduction d’impôt, des plafonds de versements éligibles etc. Il ressort des auditions du rapporteur spécial qu’aucun acteur culturel concerné, n’est favorable à raboter ces dispositifs très appréciés des Français. Un équilibre semble avoir été atteint, et la stabilité fiscale devrait primer sur des volontés de rabotage à la marge. L’instabilité affecterait indûment l’activité des propriétaires ou des associations qui dépendent de ces ressources déjà peu prévisibles.
Concernant l’exonération des droits de mutation portant sur des œuvres d’art dont le nouveau propriétaire fait don à l’État, son faible recours pourrait à première vue justifier sa suppression, dans un objectif de simplification. Néanmoins, le rapporteur spécial tient à souligner l’intérêt de cette dépense fiscale, et considère que sa faible utilisation résulte des avantages que propose un autre dispositif : la dation en paiement ([41]). Prévue à l’article 1716 bis du CGI, la dation en paiement permet l’acquittement, par la remise d’œuvres d’art, de certains impôts comme les DMTG, l’impôt sur la fortune et le droit de partage. Elle représente un montant moyen de 15 millions d’euros par an. Il apparaît dès lors évident que lorsque le contribuable a le choix entre un don d’une œuvre à l’État ouvrant droit à une exonération d’impôt sur les successions – qui n’excède jamais 60 % de la valeur du bien –, et un paiement de l’impôt en confiant cette même œuvre à l’État à hauteur de 100 % de sa valeur, il privilégiera la dation en paiement. Pour autant, la procédure de la dation en paiement peut être plus complexe que l’exonération des droits de mutation, ce qui explique son intérêt résiduel pour les petites transmissions. Ces deux dispositifs se révèlent donc complémentaires, et la suppression de l’un au bénéfice de l’autre n’est pas pertinente.
Le passage à un taux réduit de TVA de 5,5 % applicable à toutes les importations d’œuvres d’art, occasionnelles ou non, peut surprendre au premier abord. Un taux de 10 %, aurait pu apparaître comme une piste d’économie judicieuse.
Néanmoins, les éléments d’études d’impact qui ont été communiqués au rapporteur spécial apportent un éclairage justifiant le passage à un taux réduit uniforme de 5,5 %. Il convient de rappeler en effet que, après la révision de la directive TVA, le gouvernement n’avait le choix qu’entre trois scénarios : passer au taux normal de 20 % pour maintenir les régimes dérogatoires de marge, passer à un taux de 10 %, ou aligner les taux réduits de TVA à 5,5 % :
Cela s’explique par un effet d’élargissement de l’assiette, c’est-à-dire de la base des contribuables. Un taux réduit harmonisé, simple à comprendre et compétitif, permet en effet d’attirer en France des acteurs du marché de l’art, et ainsi d’accroître les recettes fiscales. Il s’avère par ailleurs que ce taux réduit de 5,5 % correspond approximativement au niveau d’imposition précédant la réforme, qui équivalait à un taux de TVA compris entre 5,5 % et 6 %. Ce taux réduit apparaît donc justifié.
La question du plafonnement de la dépense fiscale relative à la déduction du revenu global des charges ou déficits fonciers supportés par les propriétaires de monuments historiques s’est également posée. L’administration fiscale rappelle en effet qu’il s’agit d’une des quelques dépenses fiscales assises sur l’impôt sur le revenu n’étant pas plafonnées en montant ou en pourcentage du revenu. Elle peut donc bénéficier à des ménages aux revenus élevés. Pour autant, le rapporteur spécial souligne que cet avantage fiscal est déjà particulièrement encadré à l’article 156 bis du CGI, et que son plafonnement risquerait de conduire au report de travaux d’entretien urgents, ou de travaux de rénovation dans le cadre d’un projet d’ouverture au public de monuments. Or, ces travaux sont généralement concentrés sur des périodes restreintes, au début des projets patrimoniaux, justifiant l’intérêt de l’absence d’un plafond en montant.
La piste du rehaussement du taux de déduction à 100 % des charges foncières pour les bâtiments non-ouverts au public, bénéficiant aujourd’hui d’un taux de 50 %, à condition que le propriétaire s’engage à ouvrir le monument concerné dans les trois ans apparaissait également judicieuse a priori. Toutefois, l’interprétation par le juge de l’article 156 bis du CGI reconnaît déjà que « les charges foncières correspondant à des travaux réalisés antérieurement à l’ouverture de l’immeuble au public peuvent être déduites du revenu global du contribuable, dès lors que ces travaux sont, en tout ou en partie, liés à l’intention manifestée par le contribuable d’ouvrir l’immeuble à la visite et qu’il a fait toutes diligences pour procéder à cette ouverture » ([42]). Dans ces conditions, une extension du taux de déduction de 100 % ne paraît pas pertinente.
Le choix d’assouplir la notion fiscale d’« accessibilité au public » de l’intérieur de bâtiments labellisés par la Fondation du Patrimoine, apparaissait en principe pertinent. Cette notion fiscale, censé originellement être davantage souple que celle de « l’ouverture au public », a finalement été alignée sur cette dernière ([43]). Cet alignement conduit à des exigences élevées en matière d’ouverture au public du petit patrimoine rural. La Fondation du Patrimoine n’a ainsi labellisé que 34 immeubles non-visibles depuis la voie publique que les propriétaires se sont engagés à rendre accessibles au public, à la date du 31 décembre 2024.
Le rapporteur spécial demeure toutefois réservé sur cette question. Certes, l’alignement sur « l’ouverture au public » complexifie l’attribution de labels pour le petit patrimoine rural. Néanmoins, le critère de « visibilité depuis la voie publique » est très peu contraignant. L’immense majorité des propriétaires privés peuvent bénéficier du label grâce à ce critère de visibilité, dont la mise en œuvre est particulièrement souple. Par ailleurs, cette simplification du droit existant a été appréciée par les associations de propriétaires bénéficiaires du label de la Fondation du Patrimoine. La préservation de cet alignement de la notion d’« accessibilité au public » sur celle de « l’ouverture au public », qui a le mérite d’être claire et lisible, serait donc souhaitable.
Concernant l’exonération des DMTG pour les monuments historiques conventionnés, la piste d’une extension de ce dispositif aux bâtiments labellisés par la Fondation du Patrimoine semblait a priori judicieuse. Toutefois, elle conduirait à la création d’une dépense non-pilotage et au fort potentiel de croissance. Cela reviendrait également à ignorer les différences majeures en termes de protection et d’ouverture au public entre le dispositif des monuments historiques et celui des bâtiments labellisés.
Par ailleurs, il est possible de regretter la complexité du mécanisme de financement par le biais du loto du patrimoine de la mission « Patrimoine en péril ». Le loto du patrimoine est en effet soumis à divers prélèvements fiscaux et sociaux, au même titre que les autres jeux de grattage et de tirage. Actuellement, ces prélèvements sont compensés à hauteur d’environ 15 millions d’euros par an, à travers le dégel, en fin d’exercice budgétaire, d’une partie des crédits issus de la mise en réserve initiale du ministère de la culture. Ce système pourrait être simplifié par un remplacement du dégel par une exonération du loto du patrimoine de ces prélèvements, sans incompatibilité avec le droit de l’Union européenne. Cela permettrait de garantir l’affectation au patrimoine de la totalité des fonds du loto, la compensation ayant par exemple été menacée par l’annulation des crédits mis en réserve en 2024 ([44]). En outre, cela permettrait d’éviter que l’utilisation des montants compensés soit uniquement réservée, car mise en œuvre par les DRAC, au patrimoine classé et inscrit, alors que le loto du patrimoine vise aussi les biens patrimoniaux non classés ou inscrits.
Néanmoins, lors de son audition par la commission des finances de l’Assemblée nationale, Mme Rachida Dati, ministre de la culture ([45]), a indiqué que des oppositions interministérielles rendaient malaisée cette piste d’amélioration du dispositif. Dans sa réponse au questionnaire du rapporteur spécial, le ministère de la culture indique par ailleurs que « supprimer les taxes sur les seuls jeux en faveur du patrimoine pourrait être difficilement compréhensible pour les autres bénéficiaires de recettes de jeux commercialisés par La Française des jeux (Agence nationale du sport, jeux dédiés à la biodiversité dans le cadre de la « Mission Nature » etc.) ». Il apparaît possible en effet que l’exonération du loto du patrimoine conduise à créer un précédent qui amènerait à l’exonération de l’ensemble de ces jeux, ce qui n’apparaît guère réaliste dans le contexte budgétaire actuel. Cette piste de simplification ne peut donc être envisagée à court terme.
Il serait utile de rétablir l’agrément pour le bénéfice, dans certains cas, de la déduction du revenu global des charges foncières et de l’imputation sur le revenu global des déficits fonciers. En effet, le cadre normatif actuel prévoit trois exceptions au principe de détention directe, notamment lorsque la société civile bénéficiaire affecte le monument historique, au plus tard dans les deux ans qui suivent son acquisition, à l’habitation pour au moins 75 % de ses surfaces habitables. Or, cette exception était conditionnée, jusqu’au 1er janvier 2018 ([46]) à un agrément du ministre chargé du budget après avis du ministre chargé de la culture. Cet agrément a été supprimé par souci de simplification, bien qu’il ne concernât qu’une demi-douzaine de demandes chaque année. Cet agrément avait pour objectif de limiter les « ventes à la découpe » abusives, préjudiciables à la conservation des monuments historiques. Or, depuis lors, plusieurs cas de ce type ont marqué les esprits, comme l’affaire du château de Tancarville ou de celui de Ponchartrain. Certes, l’achat d’un monument historique en vue de sa transformation en logements peut permettre dans certains cas de sauver un patrimoine en péril. Cela est particulièrement vrai dans les cas précis où le logement collectif constitue la vocation historique de ce monument historique (casernes, monastères, cités industrielles etc.). Néanmoins, les affaires de dénaturation de monuments historiques conçus comme un tout cohérent, dont le mobilier est retiré et dont l’esprit initial du lieu est perdu, rappelle la pertinence de l’agrément ministériel préalable. Le rapporteur spécial y est favorable.
En outre, il apparaît cohérent d’intégrer dans les charges déductibles les dépenses en faveur de l’entretien des jardins, exclues à ce jour, alors que les dépenses en faveur de leur restauration sont incluses dans ce dispositif.
Le régime de l’ouverture au public pourrait également être amélioré. Sur les 45 648 monuments historiques présents sur le territoire, 46 % sont détenus par des propriétaires privés, mais seuls 1500 de ces monuments privés sont ouverts au public. Des marges de progrès peuvent encore être attendues.
Les propriétaires privés doivent en effet remplir un ensemble de conditions précises pour que le monument qu’ils détiennent soit considéré comme ouvert au public, et qu’ils bénéficient de ce fait des avantages fiscaux précités. Le tableau ci-après synthétise ces conditions.
Un rapport de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires culturelles (IGAC) de 2020 préconisait trois évolutions dans le sens d’une modernisation de la notion fiscale d’ouverture au public pour les propriétaires privés de monuments. Deux ont déjà été mises en œuvre : l’harmonisation à 40 ou 50 jours par an de l’obligation d’ouverture, et le décompte d’une journée de six heures en périodes fractionnables de trois heures.
La troisième piste d’évolution suscite des débats. Elle reviendrait à permettre de prendre en compte, pour 25 jours, des modalités particulières d’ouverture telles que les visites sur réservation, les visites éducatives et culturelles, ainsi que les activités commerciales dans une limite de 10 jours par an.
Régimes de l’ouverture au public des immeubles patrimoniaux
Dispositif |
Base juridique |
Nombre d’années d’ouverture exigée |
Période d’ouverture |
Nombre de jours exigés |
Inclusion des dimanches et des jours fériés |
Réduction optionnelle du nombre de jours d’ouverture |
Déduction des charges foncières ou imputation des déficits fonciers |
Article 156 bis, 41e à 41 J de l’annexe III, et 17 ter à 17 quinquies A de l’annexe IV au CGI |
1 an ([47]) pour l’IR (déclaration d’ouverture annuelle)
|
Option 1 : Du 1er avril au 30 septembre
Option 2 : Du 1er juillet au 30 septembre |
Option 1 : 50 jours par an
Option 2 : 40 jours par an |
Option 1 : 25 dimanches et jours fériés obligatoires sur la période
Option 2 : Dimanches et jours fériés non obligatoires |
1 jour par visite de groupes scolaires, dans la limite de 10 jours par an |
Mécénat patrimonial |
Article 238 bis du CGI et article L.143-2-1 du code du patrimoine |
10 ans à compter de la fin des travaux |
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Exonération des droits de mutation à titre gratuit |
Article 795 A, 41e à 41 J de l’annexe III, et 17 ter à 17 quinquies A de l’annexe IV au CGI |
Jusqu’au décès du propriétaire |
Source : commission des Finances.
Le rapporteur spécial est particulièrement favorable au principe de tenir compte de ces nouvelles formes de visite. Elles faciliteraient l’ouverture au public de davantage de monuments, et rapprocheraient les monuments des attentes du public, qui ne se limitent pas à des visites guidées traditionnelles, d’une salle d’exposition à l’autre.
À ce stade, le rapporteur spécial appelle à déterminer une méthode de décompte consensuelle des visites sur réservation, qui pourrait se fonder sur le nombre de visiteurs moyens par jour sur l’année. Il lui apparaît également souhaitable de tenir compte de la diversité potentielle des horaires – sur le littoral en été, les monuments seront davantage visités en fin de journée par exemple – et de certaines activités commerciales, – par exemple, les « escape games », très en vogue, sont une forme de découverte attirant particulièrement les jeunes - en excluant néanmoins les activités de location pure (séminaires, mariages…). Une liste nationale pourrait être dressée en accord avec les associations représentatives des propriétaires et des visiteurs. Un modèle de conventionnement individualisé entre les propriétaires, les DRAC et DDDFIP/DRIFP pourrait être envisagé, afin de tenir compte des spécificités des monuments concernés.
Le bilan de ce dispositif apparaît mitigé. En dépit d’une exonération louable des impôts sur les successions pour les plus beaux monuments patrimoniaux, peu de familles de propriétaires ont recours à ce dispositif. Il est fort probable que l’existence d’autres dispositifs d’allégement de l’impôt sur les successions (abattement général de 100 000 euros, abattement de 20 % pour la résidence principale, démembrement etc.), efficaces jusqu’à un montant élevé de transmission, détourne les familles des conventions d’exonération qui peuvent apparaître contraignantes.
Il serait souhaitable de renforcer l’utilité de ce dispositif, aujourd’hui peu mobilisé. Une proposition de travail, en cours de concertation entre le ministère de la culture et les associations, conduirait à limiter la durée minimale de la convention – aujourd’hui viagère – à 22 ans à compter de sa signature. La dénonciation éventuelle de la convention donnerait lieu, à partir de 15 ans, à une réduction progressive des DMTG avec un abattement de 10 % par année écoulée. En d’autres termes, une famille propriétaire d’un monument historique, qui ne serait plus en capacité de l’ouvrir au public, pourrait rompre sa convention avec l’État, par exemple au bout de 20 ans d’ouverture, et obtenir ainsi une réduction de 50 % des DMTG dus.
Un tel allègement présenterait un coût limité, à l’aune du montant total actuel de cette exonération des DMTG. Il apporterait également de la souplesse aux familles propriétaires d’un monument historique. Certes, cet allègement soulève le risque d’être interprété comme une incitation à revendre au bout de 22 ans le monument historique conventionné. Néanmoins, en tenant compte de l’âge moyen lors du premier héritage en France qui se situerait entre 50 et 60 ans, la durée proposée de la convention de 22 ans, et l’espérance de vie moyenne de 82 ans, cet allégement permettrait pour l’essentiel davantage de souplesse dans la dénonciation de la convention. Le rapporteur spécial soutient donc cette piste d’évolution, qui faciliterait la transmission des monuments, et inciterait davantage de familles à s’engager dans des conventions avec l’État aux conditions assouplies.
Le rapporteur spécial appelle également à étendre cette exonération aux terres rattachées au monument en question, sous conditions. En effet, les grandes demeures et leurs terres, agricoles ou de chasse, constituent historiquement un tout cohérent, un ensemble économique et patrimonial qu’il importe de préserver. Or, le droit actuel ne facilite pas la transmission globale du bien immobilier et de ses dépendances, même s’il existe par ailleurs des dispositifs d’abattement substantiels sur la transmission tant des terres agricoles que des forêts. Cela conduit à des situations de démembrement, dommageables pour la préservation du patrimoine et pour son éventuel équilibre économique. Il serait donc utile d’intégrer au dispositif d’exonération des DMTG les terres rattachées à un monument, à la condition de prouver, par un document de propriété originel, l’association historique de ces terres au bien en question.
Les dons des particuliers et des entreprises représentent une ressource d’importance croissante pour l’ensemble des acteurs du patrimoine. Le ministère de la culture rapporte que le mécénat apporte 7 % des ressources de ses opérateurs, et que la croissance de ce recours à la générosité des entreprises ne peut que s’accélérer dans un contexte budgétaire contraint. Les associations de terrain sont encore davantage concernées par ce dispositif. Le président de l’association de sauvegarde du château de Pontevès à Flassans (dans le Var), M. Jean Morel souligne son importance pour assurer la viabilité financière de la rénovation du château. L’association Arcade indique que 88 % de ses recettes proviennent de la générosité privée et SOS Calvaires que « sans abattements fiscaux, notre association n’existerait pas », ce qui serait profondément regrettable au vu de leur travail remarquable malgré la faiblesse des subventions publiques.
Pour autant, certaines caractéristiques actuelles du dispositif fiscal limitent son efficacité dans le domaine patrimonial, en particulier pour le petit patrimoine local. Les petites églises, jardins et maisons de campagne sont peu visibles à l’échelle nationale. Les entreprises locales y sont toutefois particulièrement attachées. Le dispositif fiscal actuel peut être renforcé pour favoriser davantage les dons de faible montant, accordés par des PME locales, en portant à 30 000 euros le plafond de versements éligibles actuellement fixé à 20 000 euros. De manière complémentaire, un plafond majoré de 1 % du chiffre d’affaires (CA) jusqu’à 1 % du CA pourrait être retenu pour le mécénat d’entreprise en faveur des fondations reconnues d’utilité publique, soumises à des contrôles et modalités d’action davantage strictes que les autres structures récipiendaires éligibles.
Par ailleurs, le dispositif de mécénat spécifiquement patrimonial prévu au f de l’article 238 bis du CGI est circonscrit à la réalisation de travaux de conservation, de restauration ou d’accessibilité de monuments historiques. Les travaux liés à des prescriptions de diagnostics et de fouilles d’archéologie préventive ne sont pas éligibles, alors même qu’ils peuvent, dans certains cas minoritaires, présenter un coût important et retarder les travaux de restauration. La prise en charge intégrale du coût des travaux est en effet limitée à des cas spécifiques, notamment la construction d’un logement par une personne pour elle-même ([48]). Il serait pertinent de permettre aux mécènes, déjà engagés pour les travaux de restauration ou d’accessibilité d’un monument, de financer les travaux archéologiques préalables nécessaires.
De même, il pourrait être envisagé de reconnaître explicitement l’éligibilité aux dépenses fiscales relatives au mécénat d’entreprise et aux dons des particuliers aux travaux de rénovation énergétique des monuments historiques. Le droit actuel semble pouvoir reconnaître l’éligibilité de certains de ces travaux, lorsqu’ils sont réalisés par des organismes d'intérêt général, des fondations ou des associations reconnues d’utilité publique concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique. Une mention explicite apparaît nécessaire, dans un souci de clarté.
Dans la même logique, il serait utile de reconnaître l’éligibilité des sociétés publiques locales à la dépense fiscale relative au mécénat culturel (e du 1 de l’article 238 bis), et d’élargir ce mécénat culturel au secteur du patrimoine. Cette mesure avait déjà été proposée par une proposition de loi sénatoriale, adoptée en première lecture et transmise à l’Assemblée nationale ([49]). Le rapporteur spécial avait déjà proposé de l’intégrer, par amendement, au projet de loi des finances ([50]). Enfin, le dispositif de mécénat patrimonial bénéficiant à la Fondation du patrimoine ou à d’autres associations reconnues d’utilité publique dont l’objet est culturel, en vue de subventionner la réalisation de travaux de conservation, de restauration ou d’accessibilité de monuments historiques, pourrait être élargi. Outre ces travaux, il serait pertinent de rendre éligible au mécénat le « remembrement » d’un monument historique, c’est-à-dire le rachat des biens mobiliers attachés historiquement à ce monument historique. Ce dispositif cumulerait les restrictions propres au mécénat patrimonial (durée de détention de dix ans) et à l’article L. 622-1-2 du code du patrimoine (servitude de maintien dans les lieux, éligibilité accordée aux seuls meubles classés attachés au monument historique par des liens historiques ou artistiques remarquables). En d’autres termes, cela reviendrait à considérer que le remembrement d’un monument historique est similaire à sa « restauration », à condition qu’il s’agisse des meubles d’origine et qu’ils demeurent perpétuellement sur les lieux. Ce dispositif permettrait d’assurer la préservation d’ensembles patrimoniaux cohérents, regroupant meubles classés et immeuble classé. La visite du public en serait enrichie.
Par ailleurs, concernant les dons des particuliers, le double plafonnement du montant des contreparties est apparu excessivement limitatif pour le secteur du patrimoine. Avec 73 euros par an, il apparaît difficile pour un établissement public comme pour une petite fondation de fidéliser ses donateurs en leur offrant l’accès à des événements privilégiés (spectacle, dîner des mécènes, visites privées etc.). Afin de justifier ce faible niveau, il a été rapporté que ce plafond de 73 euros, indexé sur l’inflation, est aligné sur les dispositions applicables pour les cadeaux de faible valeur en matière de TVA ([51]). Relever ce plafond conduirait alors, selon certains, à dénaturer la notion de don consenti à titre gratuit. Il est également vrai que les contreparties ne sont pas la motivation principale d’un don consenti par un amoureux du patrimoine.
Conscient de l’ensemble des enjeux portés par la défiscalisation des dons, le rapporteur spécial ne préconise ni déplafonnement intégral du montant en valeur des contreparties (au-delà de 73 euros), ni un déplafonnement en pourcentage du don (au-delà de 20 %), ni une hausse de la limite en pourcentage du revenu imposable (au-delà de 20 %). Pour autant, il lui semblerait pertinent de rehausser le plafond en valeur absolue à 150 euros par an, ce qui ne représenterait pas de coût pour les finances publiques : ces contreparties relèvent de la politique de mécénat des organismes récipiendaires, qui a pour objectif de maximiser leurs ressources. Ils sont donc les mieux placés pour évaluer si une hausse des contreparties accordée sur leurs deniers conduira à une hausse des dons des particuliers.
Très faiblement utilisée, cette réduction d’impôt pourrait être renforcée afin de s’assurer que les objets mobiliers classés au titre des monuments historiques et détenus par des personnes privées soient effectivement entretenus et exposés au public.
Premièrement, son périmètre pourrait être légitimement élargi aux objets mobiliers inscrits, qui ne présentent souvent pas de différences majeures avec les objets classés, en termes d’entretien et de coût d’exposition au public.
Deuxièmement, le taux de la réduction d’impôt, actuellement de 18 %, pourrait être accru, et porté par exemple à 50 % des dépenses engagées au titre des travaux. Le plafond annuel du montant des travaux éligibles, maintenu à 20 000 euros, réduirait sensiblement l’impact budgétaire de cette nouvelle mesure. Le rapporteur spécial avait déjà proposé un amendement en ce sens ([52]).
Troisièmement, il conviendrait de renforcer le suivi de la condition d’exposition au public. Un bilan de la décentralisation de ce suivi pourrait être réalisé, avant d’envisager des mesures correctrices.
Deux pistes d’amélioration sont envisageables. La première consiste à harmoniser à la hausse les taux de réduction d’impôt sur le revenu, c’est-à-dire de porter à 30 % le taux de réduction d’IR pour les sites patrimoniaux remarques dotés d’un simple PVAP. Certes, le taux majoré de 30 %, réservé actuellement aux SPR dotés d’un PSMV, vise à inciter les collectivités à adopter un tel plan, davantage contraignant et protecteur du patrimoine. Toutefois, le taux de 22 % apparaît largement insuffisant pour compenser le coût relativement supérieur des travaux réalisés dans le bâti ancien. Un alignement, qui apparaît opportun, simplifiera le dispositif et lui accordera davantage de lisibilité.
La deuxième piste d’amélioration consiste à compléter le dispositif avec un nouveau taux de réduction d’IR de 50 % pour les travaux concernant les immeubles en SPR concernés par des mesures en matière de police de la salubrité et de la sécurité, sous réserve que les travaux ainsi menés permettent également d’améliorer la performance énergétique du bâtiment sans affecter sa valeur patrimoniale. Le ministère de la culture indique que cette mesure concernerait 15 projets chaque année qui seraient soumis pour avis aux architectes des bâtiments de France (ABF). Le rapporteur spécial soutient cette proposition, qui permet de conjuguer rénovation de l’ancien et lutte contre l’habitat indigne.
Les entrepreneurs du patrimoine, propriétaires de monuments historiques, voient aujourd’hui leur outil de travail assujetti à l’impôt sur la fortune immobilière ([53]). Malgré leur rôle de biens professionnels, ceux-ci n’ouvrent pas droit à l’exonération au titre des biens « affectés à l’activité principale industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ([54]) » du propriétaire.
Le rapporteur spécial recommande ainsi d’exonérer de l’IFI les monuments historiques affectés à la résidence principale, à condition que ceux-ci soient ouverts au public. Leur valorisation soulève en effet des difficultés certaines, et ne tient pas pleinement compte du coût relativement élevé de leur entretien. Leur imposition à l’IFI, après abattement de 30 % comme pour toute résidence principale, ne permet pas de prendre pleinement en compte leur importance patrimoniale. Le nombre de cas concerné serait relativement faible : sur 21 000 propriétaires privés de monuments historiques, on peut estimer que peu y élisent domicile à titre principal et sont simultanément imposés au titre de l’impôt sur la fortune immobilière.
Lorsqu’il ne s’agit pas de la résidence principale, l’ouverture de ces monuments au public justifierait leur intégration dans la liste des biens professionnels. Le rapporteur spécial plaide ainsi pour exonérer également d’impôt sur la fortune immobilière les monuments historiques privés non affectés à la résidence principale et ouverts au public. Cela contribuerait à la reconnaissance de l’entrepreneuriat de ces petits propriétaires privés, engagés pour la conservation du patrimoine national, suivant la maxime d’Eugène Viollet-le-Duc selon laquelle « le meilleur moyen de conserver un édifice, c’est de lui trouver un emploi ([55]) ».
Le droit de francisation et de navigation est une taxe annuelle sur les navires de plaisance à usage personnel. Elle repose sur la longueur de la coque (droit sur la coque) et la puissance administrative du moteur (droit sur le moteur) ([56]). Elle vise ainsi à tenir compte de l’utilisation de l’espace public maritime par des particuliers. Son produit est proche de 40 millions d’euros.
Le droit actuel prévoit quelques exonérations de cette taxe, notamment au bénéfice des bateaux classés au titre des monuments historiques ([57]). Cela permet de prendre en compte leur interdiction de quitter le territoire français. Or, seuls les bateaux classés, et non les bateaux inscrits, sont ainsi exonérés, sans différence en termes de sortie du territoire national ([58]). Il conviendrait dès lors d’harmoniser le droit existant, et d’exonérer les 50 navires inscrits de droit de francisation et de navigation. Il s’agit d’anciens navires, souvent petits, avec une faible puissance administrative de moteur, dont les caractéristiques sont rendues publiques ([59]). Les exonérer de cette taxe encouragerait leur utilisation sur le domaine maritime public, ce qui est un objectif louable.
Lors de sa réunion de 9 heures, le mercredi 11 juin 2025, la commission, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial de la mission Culture : Patrimoines, sur son rapport d’information sur l’impact et les évolutions possibles pour les dépenses fiscales en faveur du patrimoine, présenté en application de l’article 146, alinéa 3, du règlement de l’Assemblée nationale. La commission a autorisé la publication du rapport d’information. La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale. Le compte rendu sera prochainement consultable |
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Direction du budget (DB)
– Mme Carole Anselin, sous-directrice chargée des bureaux de la culture, de la jeunesse et du sport, de la justice et des médias, des finances et de l’Outre-mer ;
– M. Aurélien Warembourg, chef du bureau de la culture et des sports ;
– Mme Claire De Malliard, adjointe au chef du bureau de la culture, de la jeunesse et des sports, chargée du programme patrimoines.
Centre des monuments nationaux (CMN)
– M. Kevin Riffault, directeur général ;
– M. Tristan Frigo, responsable des relations institutionnelles et politiques.
Direction générale des patrimoines et de l’architecture (DGPA)
– M. Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l’architecture ;
– Mme Sonia Bayada, sous-directrice des affaires financières et générales à la Direction générale des patrimoines et de l’architecture au ministère de la culture ;
– Mme Isabelle Chave, sous-directrice des monuments historiques et des sites patrimoniaux à la direction générale des patrimoines et de l’architecture ;
– Mme Suzy Tendron, cheffe du département du budget et des finances.
Commission consultative des trésors nationaux
– M. Edmond Honorat, président.
Association « La Demeure historique »
– Mme Armelle Verjat, déléguée générale ;
– Mme Marie-Antoinette Guérard, juriste-fiscaliste.
La Fondation du Patrimoine
– M. Guillaume Poitrinal, président ;
– M. Alexandre Giuglaris, directeur général.
Association « Sites et monuments »
– M. Julien Lacaze, président.
Association « Les Vieilles maisons françaises »
– M. Erik Linquier, trésorier ;
– Mme Caroline Sagazan, directrice de la communication de développement.
Association « SOS Calvaires »
– M. Julien le Page, président ;
– M. Alexandre Caille, directeur général.
Direction générale des finances publiques (DGFIP)
– Mme Elise Valetoux, sous-directrice en charge de la fiscalité des personnes ;
– M. Sébastien Catz, chef de bureau en charge des chiffrages et des études statistiques ;
– Mme Gwenaëlle Poindessault, cheffe de section en charge du mécénat des entreprises.
Association « Arcade »
– M. Amaury Gomart, directeur général.
Le Fonds du bien commun
– M. Alexandre d’Andoque, directeur culture et patrimoine ;
– Mme Typhanie Degois, directrice des relations institutionnelles.
Association pour la Sauvegarde du Château des Pontevès (ASCP)
– M. Jean Morel, président.
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
([1]) Source : Cuignet L. 87 millions de touristes étrangers en France en 2017, Le 4 Pages de la DGE, n° 84, juin 2018.
([2]) Source : Baromètre des intentions de départ des Français pour l’été 2024, juin 2024, Opinionway pour Atout France.
([3]) Source : État sanitaire des immeubles inscrits et classés au titre des monuments historiques au titre des monuments historiques, Direction générale des Patrimoines, mars 2019.
([4]) Discours de Rachida Dati, ministre de la Culture, à la Major de Marseille, le 16 janvier 2025.
([5]) Loi n° 62 -903 du 4 août 1962 complétant la législation sur la protection du patrimoine historique et esthétique de la France.
([6]) Décret n° 54- 028 du 12 octobre 1954 portant incorporation dans le CGI de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code.
([7]) Article L.143-2 du CGI.
([8]) Article 23 de la loi n° 2007 -1 824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007.
([9]) Article 5 de la loi n° 88-12 du 5 janvier 1988 relative au patrimoine monumental.
([10]) Article 17 ter de l'annexe IV au CGI.
([11]) Décret n° 2023-103 du 16 février 2023 pris pour l'application du 1° ter du II de l'article 156 du code général des impôts et de l'article L. 143-2 du code du patrimoine et portant remplacement de la convention type prévue à l'article 795 A du code général des impôts.
([12]) Article 36 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
([13]) Article L. 111-1 du code du patrimoine.
([14]) Avis n° 2010-09 de la Commission consultative des trésors nationaux.
([15]) Article 795 CGI.
([16]) Article 60 de la loi n° 2005 -1 720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.
([17]) Procédure précitée de l’article 238 bis-0 A du CGI, concernant les « Trésors nationaux » et les « œuvres d’intérêt patrimonial majeur ».
([18]) Article 83 de la loi de finances initiale pour 2024.
([19]) Article 68 de la loi n° 2005 -1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.
([20]) Article 150 UA CGI.
([21]) Article 150 VC CGI.
([22]) https://www.economie.gouv.fr/files/rapport-comite-evaluation-depenses-fiscales-et-niches-sociales.pdf.
([23]) Projet de loi finances rectificative pour 2005, amendement N° 188 rect., déposé par M Mercier, portant article additionnel après l’article 30 sexies https://www.senat.fr/amendements/2005-2006/123/jeu_classe.html.
([24]) Article L. 631 -1 du code du patrimoine.
([25]) Article 25 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.
([26]) Article 25 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.
([27]) Article 25 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion lorsque la restauration a été déclarée d'utilité publique.
([28]) Article 79 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.
([29]) Article 238 bis du CGI.
([30]) L’article 795 du CGI prévoit une exonération de DMTG pour 14 catégories d’organismes, qui excluent toutefois les simples associations d’utilité publique non universitaires, non charitables et non culturelles. Les associations patrimoniales ne peuvent donc pas en bénéficier. Toutefois, les fonds de dotation sont expressément éligibles en vertu du 14° de l’article795 du CGI.
([31]) Soit 17 % de 3,8 milliards de versements éligibles.
([32]) Les versements reçus au titre du mécénat ouvrent droit à une réduction d’impôt, qui n’est pas systématiquement demandée. En outre, en raison des plafonds d’éligibilité des versements à la réduction d’impôt, certaines entreprises peuvent donner davantage à des associations que ce qu’elles peuvent déduire de leur impôt sur les sociétés. Le montant de la dépense fiscale est donc strictement inférieur à 60 % des versements effectués au titre du mécénat.
([33]) Article 200 du CGI.
([34]) Article 30 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
([35]) Cette estimation résulte de l’application d’un taux de 6 % aux 80 millions d’euros d’acquisitions réalisées par ces structures en 2023.
([36]) Décret n° 2023-103 du 16 février 2023 pris pour l'application du 1° ter du II de l'article 156 du code général des impôts et de l'article L. 143-2 du code du patrimoine et portant remplacement de la convention type prévue à l'article 795 A du code général des impôts.
([37]) BOI-RFPI-SPEC-30-10, publié le 19 décembre 2018.
([38]) BOI-RFPI-SPEC-30-10, publié le 19 décembre 2018.
([39]) BOI-ENR-DMTG-10-20-30-60.
([40]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/questions/QANR5L17QE3522.
([41]) Article 1716 bis du CGI.
([42]) Conseil d’État, 27 juin 2018, décision n° 403164.
([43]) L’immeuble est rendu « accessible au public » lorsqu’il satisfait les conditions déterminées par l’arrêté prévu par l’article 41 I de l’annexe III du CGI. Il s’agit des mêmes conditions que pour le dispositif de déduction du revenu global des monuments classés/inscrits, détaillé à l’article 17 ter de l’annexe 4 du CGI.
([44]) Le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 a annulé à hauteur de 99,54 millions d’euros des crédits du ministère de la culture (CP = AE). Ces annulations ont été couvertes pour partie par le dégel intégral de la mise en réserve initiale (67,5 millions d’euros en AE et 51,8 millions d’euros en CP). L’adoption de l’amendement N° II-2105 au PLF 2025 a permis de compenser ces annulations.
([45]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cion_fin/l17cion_fin2425111_compte-rendu.
([46]) L’article 12 de la loi n° 2017 -1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 a supprimé cette condition d’agrément.
([47]) Cette durée correspond à celle de la déclaration d’ouverture annuelle, qui ouvre droit à la réduction d’impôt. L’article 156 bis du CGI ne précise pas de durée d’engagement explicite d’ouverture, contrairement à l’article L. 143-2-1 du code du patrimoine qui mentionne explicitement, pour le dispositif lié au mécénat, une durée de conservation par son propriétaire et d’ouverture au public pendant au moins dix ans.
([48]) Circulaire du 24 décembre 2012 relative à la modification des conditions de prise en charge des fouilles archéologiques préventives par le Fonds national pour l’archéologie préventive (FNAP).
([49]) Proposition de loi visant à développer l'attractivité culturelle, touristique et économique des territoires via l'ouverture du mécénat culturel aux sociétés publiques locales, adoptée par le Sénat le 15 juin 2023.
([50]) Amendement n° I-1319 au projet de loi de finances pour 2024.
([51]) Arrêté du 12 octobre 2005 relatif à la limite à retenir pour la définition des cadeaux de faible valeur.
([52]) Amendement N° I-CF178 au projet de loi de finances pour 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/0273A/CION_FIN/CF178.pdf.
([53]) Article 964 du CGI.
([54]) Article 975 du CGI.
([55]) Eugène Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l’architecture française, 1854.
([56]) Article 223 du code des douanes.
([57]) Article 224 du code des douanes.
([58]) Article L 622-18 du code du patrimoine.
([59]) Elles sont disponibles au lien suivant : https://www.patrimoine-maritime-fluvial.org/wp-content/uploads/2022/02/BATEAU-INSCRITS-MONUMENTS-HISTORIQUES-FEV-2022.pdf.