N° 1594

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 juin 2025.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES,
dE L’Économie gÉnÉrale et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

en conclusion des travaux d’une mission d’information

relative aux dysfonctionnements dans la gestion des impôts locaux et leurs conséquences

 

et prÉsentÉ par
 

Mme Christine PIRÈS BEAUNE et M. David AMIEL,
Rapporteurs

––––

 

 


  SOMMAIRE

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Pages

Synthèse

Propositions des rapporteurs

Introduction

I. les dysfonctionnements dans la gestion des taxes fonciÈres : des erreurs d’attribution À l’origine de dÉgrÈvements contentieux

A. des erreurs d’attribution très élevées jusqu’en 2022 en raison des dÉlais de la publicitÉ fonciÈre

1. Les taxes foncières sont devenues le principal levier fiscal du bloc communal

a. En étant assises sur le patrimoine immobilier, les taxes foncières apportent des recettes importantes aux communes et à leurs intercommunalités

b. Des recettes solides qui peuvent être minorées par des dégrèvements importants

2. Les retards de mise à jour du fichier immobilier sont à l’origine des erreurs d’attribution

a. Les dégrèvements contentieux suite à des erreurs d’attribution sont en hausse depuis une dizaine d’années et coûtent chers à l’État

b. Les services en charge de la publicité foncière ont connu d’importants retards dans la tenue du fichier immobilier

B. Une rÉcente amÉlioration notable des dÉlais de publicitÉ fonciÈre qui doit être consolidÉe

1. La réduction du délai moyen de mise à jour du fichier immobilier au niveau national devrait favoriser une diminution des erreurs d’attribution

a. Les SPF ont été regroupés et bénéficient de services d’appui

b. La dématérialisation des relations avec les notaires contribue à accélérer la mise à jour du fichier immobilier

2. Les progrès obtenus doivent être consolidés et s’accompagner d’une révision des bases locatives cadastrales

a. Poursuivre les efforts quant à la réduction des délais de publicité foncière

b. Mener à bien la révision générale des valeurs locatives cadastrales

II. La dÉmatérialisation des obligations dÉclaratives : le lancement manquÉ de GÉrer mes biens immobiliers

A. GMBI : un objectif louable, une mise en place TrÈs difficile

1. Le projet GMBI est au cœur des évolutions de la fiscalité locale

a. Un projet destiné à répondre aux nouveaux enjeux de la fiscalité locale

b. Le calendrier de déploiement de GMBI

2. Une mise en place difficile qui a provoqué la confusion des propriétaires et la surcharge des services de la DGFiP

a. Le déploiement de GMBI a souffert d’une trop faible anticipation et d’un pilotage inadapté

b. Une campagne déclarative uniquement en ligne qui a perturbé les propriétaires et mené à de nombreuses erreurs dans les avis d’imposition

c. Des services fiscaux surchargés par les sollicitations au moment de la déclaration puis lors des émissions d’avis d’imposition

d. Le coût du projet GMBI continuellement renchéri

B. 1,4 milliard d’euros De dÉgrÈvements À la charge exclusive de l’État au titre de 2023 au bÉnÉfice des collectivitÉs locales

1. Des dégrèvements massifs mais non automatiques

a. Plus d’un milliard d’euros de dégrèvements de THRS au titre de 2023

b. Un doublement du nombre de dégrèvements en matière de taxes sur les logements vacants (TLV/THLV)

2. 1,4 milliard d’euros de dégrèvements à la charge de l’État au titre de 2023, versés aux collectivités territoriales

C. Une campagne dÉclarative 2024 qui s’est mieux dÉroulÉe malgrÉ des dÉgrÈvements encore trÈs ÉlevÉs

1. Un plan d’action pertinent qui se nourrit des expériences de terrain

a. Cinq axes d’amélioration identifiés par la DGFiP

b. Des états d’avancement différenciés

c. Un nouveau cadre légal apporté par la loi de finances pour 2025

2. Des résultats rassurants quant à la campagne 2024 malgré des dégrèvements encore très élevés

a. La campagne 2024 marque une amélioration notable du taux de déclaration d’occupation ainsi que des conditions de sa mise en œuvre

b. Des dégrèvements néanmoins toujours très importants

3. Les recommandations subsidiaires des rapporteurs

III. foncier innovant : un projet dont l’Évaluation est positive mais qui suscite des interrogations

A. un outil novateur

1. Le recours à l’intelligence artificielle pour détecter les constructions non assujetties

2. Des résultats satisfaisants mais qui demeurent modestes

B. une utilisation promise À une extension qui nécessitera du dialogue social

1. Le recours à l’intelligence artificielle doit compléter et faciliter le travail des agents publics

2. Une extension du projet à la mise à jour du cadastre qui crée des inquiétudes parmi les géomètres

IV. Le transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme À la DGFiP : un niveau faible de liquidation qui nÉcessite vigilance

A. Des taxes d’urbanisme dont la liquidATION est transfÉrÉe À la DGFiP et dÉsormais exigibles À la date d’achÈvement des travaux

1. La taxe d’aménagement

a. Champ d’application

b. Assiette

c. Taux

d. Liquidation et paiement

e. Rendement

2. La redevance d’archéologie préventive

a. Champ d’application

b. Assiette et taux

c. Liquidation et paiement

d. Rendement

B. Les difficiles conditions du transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme

1. Le transfert à la DGFiP doit permettre des gains d’efficacité liés aux synergies créées et à un processus dématérialisé

a. Les difficultés rencontrées par l’ancien procédé de liquidation

b. Un transfert censé apporter des gains d’efficacité

2. Une dématérialisation et un traitement automatisé qui présentent des insuffisances

a. Un nouveau système complexe de traitement automatisé des taxes d’urbanisme

b. De nombreuses défaillances dans le système automatisé de gestion

3. Un transfert d’emplois incomplet qui inquiète

a. Un transfert d’agents incomplet

b. Le risque d’une perte de savoir-faire

C. Un niveau de liquidation prÉocCupant QUI POURRAIT AVOIR UN EFFET SUR les ressources des collectivitÉs territoriales

1. La liquidation des taxes d’urbanisme par la DGFiP atteint un niveau préoccupant qui n’est pas dû uniquement à ses nouvelles modalités de gestion

2. Des conséquences financières potentiellement importantes mais non immédiatement perceptibles pour les collectivités territoriales

travaux de la commission

ANNEXE : Plan d’action GMBI volet « occupation »

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 

    


   Synthèse

Créée par la commission des Finances de l’Assemblée nationale à la demande du groupe Socialistes et apparentés, la mission d’information relative aux dysfonctionnements dans la gestion des impôts locaux et leurs conséquences s’est intéressée aux grandes évolutions en cours dans la gestion des impôts locaux et, en particulier, à l’action de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Elle s’est attachée à examiner quatre champs d’études relatifs aux dysfonctionnements observés dans l’action de la DGFiP :

– L’évolution des erreurs d’attribution de taxe foncière résultant des retards dans les travaux de publicité foncière menés par les services déconcentrés de la DGFiP (I) ;

– Le lancement difficile de la campagne déclarative sur « Gérer mes biens immobiliers » (GMBI) en 2023, ses effets sur les contribuables, les agents de la DGFiP et les collectivités territoriales ainsi que la réponse mise en œuvre à partir de la campagne 2024 (II) ;

– Les débuts du dispositif Foncier innovant, nouvel outil dont s’est dotée la DGFiP pour détecter les constructions imposables non déclarées (III) ;

– La mise en place du transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme vers les services fonciers de la DGFiP et ses conséquences potentielles pour les finances des collectivités territoriales bénéficiaires (IV).

  1.   Les dysfonctionnements dans la gestion des taxes fonciÈres : des erreurs d’attribution à l’origine de dégrèvements contentieux

– Depuis la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, les taxes foncières (TFPB et TFPNB) représentent près de 63 % des recettes de la fiscalité directe locale. En 2023, elles ont rapporté 41,07 milliards d’euros au bloc communal.

 Entre 2017 et 2024, les dégrèvements consécutifs à des erreurs d’attribution (envoi d’un avis d’imposition au mauvais foyer fiscal) ont représenté 480,93 millions d’euros en moyenne annuelle et concerné 394 391 dossiers en moyenne (soit environ 1,2 % des contribuables assujettis). Un pic de 628,45 millions d’euros a été atteint pendant la crise sanitaire. En 2024, le montant des dégrèvements suite aux erreurs d’attribution est redescendu à 229,85 millions d’euros (134 642 dossiers).

évolution des contentieux d’attribution

(à gauche en millions d’euros, à droite en nombre de dossiers)

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire adressé à la DGFiP.

– Les erreurs d’attribution trouvent leur origine dans les retards de mise à jour du fichier immobilier par les services en charge de la publicité foncière.

délai moyen de mise à jour du fichier immobilier par trimestre

(en nombre de jours)

Source : rapports spéciaux sur la mission Remboursements et dégrèvements (projets de loi de finances pour 2023, 2024 et 2025).

– Le ralentissement du fonctionnement des services en charge de la publicité foncière (SPF) a aggravé les retards pris du fait de la situation des effectifs. Entre 2017 et 2022, les SPF ont en effet perdu 8,7 % de leurs agents.

 En 2023, le délai moyen de mise à jour du fichier immobilier est revenu à son niveau de 2012, soit moins de 53 jours. En 2024, il est estimé à 25 jours. Des disparités importantes demeurent entre les départements. Si en Savoie, ce délai est de 3 jours, il atteint 50 jours dans la Meuse.

– Cette amélioration au niveau national résulte de la fin de la crise sanitaire ainsi que des mesures prises par la DGFiP mobilisant les agents et les notaires. Les SPF ont été regroupés à raison d’un seul département en règle générale afin de mutualiser le savoir-faire, d’harmoniser les pratiques et de constituer des services avec des effectifs renforcés (27,3 équivalents temps plein par SPF en 2023 contre 12,4 en 2019). Dans le cadre du nouveau réseau de proximité (NRP), 18 services d’appui à la publicité foncière (SAPF) ont également été constitués à compter du 1er janvier 2021. Ils ont vocation à traiter à distance une partie de l’activité des SPF. Si ces fusions ont été de nature à favoriser un pilotage plus homogène de la tenue du fichier immobilier sur l’ensemble du territoire, elles ont pu engendrer des perturbations dans un contexte de réduction des effectifs.

 Dans le même temps, les échanges avec les notaires ont été fluidifiés grâce à l’outil de transmission dématérialisée Télé@ctes, actuellement utilisé pour 94,7 % des actes. S’ajoute également le dispositif d’accès des notaires au fichier immobilier (ANF) qui permet aux études d’obtenir une réponse instantanée aux demandes de renseignement et permet d’alléger la charge des SPF.

– Au-delà de la problématique des erreurs d’attribution, la question de la révision des valeurs locatives est revenue à de nombreuses reprises au cours des travaux des rapporteurs. En effet, la place centrale qu’occupent désormais les taxes foncières dans le paysage de la fiscalité locale conduit nécessairement à s’interroger sur l’obsolescence de leur assiette pour les locaux d’habitation.

– Les rapporteurs sont conscients qu’une révision générale aboutirait probablement à des transferts importants entre contribuables et entre collectivités territoriales. Néanmoins, ils appellent à ne pas repousser une nouvelle fois cette réforme dans un souci à la fois d’assurer l’égalité des citoyens devant l’impôt et de garantir l’autonomie financière locale. Les rapporteurs soulignent l’importance d’avoir accès à des simulations et des études d’impact fiables.

  1.   la dÉmatérialisation des obligations déclaratives : le lancement difficile de gÉrer mes biens immobiliers

 Outil destiné à approfondir la dématérialisation de la gestion des finances locales dans un objectif d’efficacité, GMBI est un service en ligne qui s’inscrit dans le nouveau contexte de la fiscalité locale : dématérialisation des déclarations foncières, transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme à la DGFiP, projet de révision des valeurs locatives des locaux d’habitation et disparition de la taxe d’habitation sur les résidences principales. Il s’agit donc d’un outil qui doit à terme apporter plus d’efficacité, de précision et de rapidité dans le traitement des impôts fonciers.

– En lançant le service GMBI sans l’accompagner d’une pédagogie adaptée et sans prendre en compte la diversité des publics concernés, la DGFiP n’a toutefois pas réussi à organiser la campagne de déclaration d’occupation 2023 de manière compréhensible pour les propriétaires et sereine pour les agents des services des impôts des particuliers. En particulier, le lancement de GMBI a souffert de plusieurs défauts :

● L’absence d’anticipation, de portage politique et de pilotage adapté ;

● Une campagne de communication peu claire pour les usagers et peu efficace car essentiellement numérique ;

● Des défaillances techniques sur l’application GMBI ;

● Une déclaration trop complexe pour les grands comptes (personnes physiques et morales propriétaires de plus de 200 biens).

 Les difficultés rencontrées lors du lancement de la campagne GMBI en 2023 ont perturbé les propriétaires. La campagne numérique a ainsi mis de côté les usagers éloignés d’Internet ou en situation d’illectronisme. Malgré les reports successifs de date finale de déclaration, seuls 77 % des locaux ont fait l’objet d’une déclaration à l’issue de la campagne (47 % des locaux pour les grands comptes). Enfin, les dysfonctionnements dans la gestion se sont traduits par des erreurs manifestes dans l’émission des avis d’imposition. En 2023, le nombre de procédures contentieuses relatives à la THRS, à la THLV et à la TLV a augmenté de 97 % par rapport à 2022.

 Les agents de la DGFiP ont été surchargés par les sollicitations au moment de la campagne de déclaration puis lors des émissions d’avis d’imposition. En 2023, les services fonciers de la DGFiP ont reçu plus de 1,6 million de messages contre 330 000 en 2022. Les sollicitations téléphoniques ont crû de 38 % en un an. Les centres d’accueil physique ont été par ailleurs très encombrés pendant la campagne déclarative.

– En raison du nombre élevé d’avis erronés de THRS, de THLV et de TLV, la DGFiP a procédé à des dégrèvements massifs s’élevant à 1,4 milliard d’euros au titre de 2023. Le produit des rôles de THRS et de THLV au titre de l’année 2023 a été reversé en intégralité aux collectivités, l’État assumant seul la charge financière de ces dégrèvements.

– La DGFiP a lancé un plan d’action pluriannuel qui comporte un volet « occupation » en 41 points, visant notamment à préparer la campagne déclarative 2024. Les mesures les plus urgentes ont été lancées (formulaire « papier », accusé de réception, amélioration de l’ergonomie de l’outil…) mais une majorité d’actions n’a pas encore été réalisée.

 La campagne déclarative 2024, moins ambitieuse, s’est indéniablement mieux déroulée tant pour les contribuables que pour les agents de la DGFiP. Néanmoins, les montants de dégrèvement demeurent très élevés, à 1,3 milliard d’euros, portés par la dynamique de la THLV et de la TLV. Les dégrèvements ont nettement baissé en ce qui concerne la THRS.

Évolution des montants de THRS mis en recouvrement et dÉgrevÉs (*)

(en millions d’euros)

(*) Situation au 5 mai 2025. Les bulles indiquent la part des montants dégrevés dans le montant total mis en recouvrement.

Source : Données de la DGFiP.

  1.   foncier innovant : un projet dont l’évaluation est positive mais qui suscite des interrogations

 L’outil Foncier innovant fait appel à l’intelligence artificielle (IA) pour détecter d’éventuels éléments non déclarés au titre de l’imposition du foncier bâti.

 Le Foncier innovant permet d’assurer l’égalité de tous devant l’impôt et d’accroître les recettes du bloc communal. Environ 40 millions d’euros de recettes supplémentaires sont attendues en 2024.

– Le Foncier innovant a d’abord fait l’objet d’une expérimentation dans neuf départements à compter de l’automne 2021, dont l’objectif était la détection des piscines non imposées. Plus de 20 000 piscines non déclarées ont été détectées, ce qui a donné lieu au recouvrement de 10 millions d’euros. À partir de l’automne 2022, le Foncier innovant a été progressivement généralisé à l’ensemble du territoire métropolitain (Corse incluse). En juin 2023, plus de 120 000 propriétaires ont été contactés pour régulariser leur situation. Depuis la fin de l’année 2024, le Foncier innovant concerne également les départements d’outre-mer.

– Le projet a été élargi à l’ensemble des bâtis non déclarés ou incorrectement imposés, et pas seulement aux piscines, dans une trentaine de départements. D’ici 2026, l’ensemble du territoire métropolitain devrait être couvert par cette nouvelle fonctionnalité. Ce nouveau volet du projet aura ainsi pour objet d’améliorer la représentation du bâti au plan cadastral. Le Foncier innovant représente un coût global de 35,17 millions d’euros.

– Cette technologie novatrice doit compléter et faciliter le travail des agents des finances publiques et, plus particulièrement, des géomètres du cadastre. En effet, plus de 60 % des détections automatiques sont en réalité des faux positifs. Par ailleurs, le travail des agents ne se limite pas à une vérification visuelle des détections de l’algorithme dans la mesure où tout bassin artificiel n’est pas nécessairement imposable. Enfin, il faut noter que la représentation au plan sera issue d’une prise de vue aérienne et non d’un relevé au sol, ce qui constitue un changement non négligeable dans la perception du bâti.

 Il apparaît que l’apport du Foncier innovant réside essentiellement dans le gain de temps et de moyens. De manière générale, il est encore trop tôt pour dresser un bilan du Foncier innovant dans la mesure où la détection des piscines non déclarées ne constitue que la première phase du dispositif et que celle-ci vient seulement d’être mise en œuvre sur le territoire métropolitain.

 Enfin, le lancement du Foncier innovant a pu provoquer de l’inquiétude chez les agents des finances publiques et, plus particulièrement, parmi les géomètres du cadastre, au motif qu’il servirait à réduire les effectifs. Alors même que les effectifs des géomètres du cadastre connaissent déjà une érosion importante. Au 1er janvier 2015, ils représentaient 1 156 ETP. Au 1er janvier 2025, le corps ne comprenait plus que 816 ETP, soit une réduction de 29 % en dix ans. Ces inquiétudes doivent être écoutées dans le cadre du dialogue social.

  1.   Le transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme À la DGFiP : un niveau faible de liquidation qui nÉcessite vigilance

 La loi de finances pour 2021 a transféré la liquidation des taxes d’urbanisme (TU) du ministère de la transition écologique (MTE) vers les services fonciers de la DGFiP. Ce transfert est effectif pour le flux de TU depuis le 1er septembre 2022. Une partie du stock de TU a été transférée à la DGFiP le 1er janvier 2025. En outre, la date d’exigibilité des taxes liquidées par la DGFiP est décalée à l’achèvement des constructions, à l’image de ce qui existe pour les taxes foncières.

– Le transfert de la liquidation des TU à la DGFiP doit permettre des gains d’efficacité liés aux synergies créées et à un processus dématérialisé qui repose sur les déclarations des propriétaires. Toutefois, le nouveau système automatisé de gestion présente des dysfonctionnements liés aux difficultés de parvenir à des déclarations exactes ainsi qu’aux limites techniques des applications de gestion.

– Le transfert de la mission de liquidation est par ailleurs assorti d’un transfert de 290 ETP du MTE vers la DGFiP. Cet effectif est inférieur à celui antérieurement affecté à la mission de liquidation au MTE, ce qui est censé se justifier par les gains en efficacité attendus de la dématérialisation. Toutefois, seuls 107 emplois ont effectivement été pourvus par les agents du MTE.

– En conséquence, la liquidation des TU effectuée par la DGFiP atteint un faible niveau. Au 31 décembre 2024, seules 78 506 liquidations de TU ont été réalisées par la DGFiP sur l’ensemble du territoire français pour des montants s’élevant, pour 2024, à environ 38,8 millions d’euros. Le total des montants liquidés en 2024 (DDTM et DGFiP) s’inscrit donc en forte baisse par rapport à la moyenne des années 2019-2022 (– 31 %).

Nombre de titres de taxes d’urbanisme Émis

(unités)

Source : données RPI et Chorus au 31 décembre 2024.

(*) Les titres de TU émis par la DGFiP comprennent les 90 acomptes de grands projets (> 5 000 m²) en 2024.

Montants de taxes d’urbanisme liquidÉs

(en millions d’euros)

Source : données RPI et Chorus au 31 décembre 2024.

(*) Les montants de TU liquidés par la DGFiP comprennent les 38,8 millions d’euros d’acomptes de grands projets (> 5 000 m²) en 2024.

Les effets de ces retards sur les finances des collectivités, encore peu perceptibles, sont potentiellement importants. Ainsi, le produit de taxe d’aménagement a baissé de 25 % entre 2022 et 2023 pour les collectivités adhérentes à France urbaine. Départements de France estime que le manque à gagner pour les départements depuis 2022 se situe entre 200 et 300 millions d’euros. Il existe un risque que l’impôt non liquidé ne soit pas recouvré et que le délai d’exercice du droit de reprise de l’administration fiscale soit échu. Il s’agirait alors d’une perte sèche pour les collectivités territoriales.

 

 


   Propositions des rapporteurs

Gestion des taxes foncières

Proposition n° 1 : Créer une application similaire à l’Accès des notaires au fichier immobilier (ANF) destinée aux collectivités territoriales.

Proposition n° 2 : Établir un plan de soutien des services d’appui à la publicité foncière (SAPF) aux services de publicité foncière (SPF) les plus en difficulté, voire renforcer temporairement les effectifs des services de publicité foncière qui présentent les délais de mise à jour du fichier immobilier les plus importants.

Proposition n° 3 : Améliorer l’attractivité des emplois dans les services déconcentrés de la direction générale des finances publiques, plus particulièrement dans les services en charge de la publicité foncière.

Proposition n° 4 : Limiter les fusions de services en charge de la publicité foncière, consolider les nouveaux services d’appui à la publicité foncière et affecter dans ces services d’appui de préférence des agents qui bénéficient d’une expérience importante dans la tenue du fichier immobilier.

Proposition n° 5 : Poursuivre les efforts de dématérialisation des échanges entre l’administration fiscale et les notaires.

Proposition n° 6 : Mener à bien la révision générale des valeurs cadastrales des locaux d’habitation.

Proposition n° 7 : Mettre à disposition des collectivités territoriales les données relatives aux valeurs locatives cadastrales actualisées des locaux d’habitation.

Proposition n° 8 : Mettre en œuvre la première actualisation sexennale des valeurs cadastrales des locaux professionnels.

Dématérialisation des obligations déclaratives sur l’application Gérer mes biens immobiliers (GMBI)

Proposition n° 9 : Communiquer le nombre d’avis d’imposition erronés, pour la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et les taxes sur les logements vacants, résultant d’erreurs ou d’absence de déclaration d’occupation lors de la campagne 2023 et les montants associés.

Proposition n° 10 : Renforcer la formation des agents France services en matière d’aide aux démarches déclaratives relatives aux impôts locaux.

Proposition n° 11 : Améliorer le parcours déclaratif des propriétaires en explicitant clairement les objectifs poursuivis et en renforçant l’ergonomie de l’application GMBI.

Proposition n° 12 : Maintenir en toutes circonstances une déclaration papier pour les démarches déclaratives des propriétaires et proposer systématiquement aux citoyens le choix d’une correspondance papier avec les services fiscaux.

Proposition n° 13 : Renforcer l’harmonisation des définitions utilisées pour caractériser les biens immobiliers et améliorer la pédagogie des termes employés à cette fin dans l’espace GMBI à destination des propriétaires.

Proposition n° 14 : Permettre aux agents des services des impôts des particuliers d’avoir accès à l’interface usager de GMBI pour répondre efficacement à leurs demandes.

Proposition n° 15 : Mettre en place des formations adaptées aux agents des SIP sollicités afin qu’ils puissent répondre de manière adéquate aux questions des usagers concernant leurs biens immobiliers.

Projet Foncier innovant

Proposition n° 16 : Instaurer une obligation pour les professionnels de la piscine d’informer leurs clients de l’incidence fiscale des installations qu’ils proposent.

Proposition n° 17 : Remettre un rapport au Parlement sur le bilan du Foncier innovant à l’issue de la première campagne de recouvrement des impôts locaux.

Proposition n° 18 : Engager une réflexion sur les modalités d’harmonisation des calculs des surfaces des constructions dans les lois et les règlements.

Transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme à la DGFiP

Proposition n° 19 : Mettre en œuvre le transfert de la liquidation de la taxe pour la création de locaux à usage de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux de stockage du ministère de la transition écologique vers la direction générale des finances publiques.

Proposition n° 20 : Conserver dans les DRDFiP qui ne gèrent plus l’instruction des taxes d’urbanisme un agent référent permettant de faire le lien avec les services qui en ont la charge afin de prendre en compte la situation financière des collectivités concernées.

Proposition n° 21 : Traiter en priorité les dossiers de liquidation de taxes d’urbanisme encore en instance en fonction de leur montant absolu et de la part des recettes qu’elles représentent pour les collectivités bénéficiaires.

Proposition n° 22 : Informer les collectivités territoriales bénéficiaires des taxes d’urbanisme du niveau des montants effectivement liquidés par les DDTM et les services fonciers des DRDFiP et des éventuels retards constatés.

Proposition n° 23 : Compenser aux collectivités territoriales toute perte de recettes liée à l’expiration du délai d’exercice du droit de reprise de l’administration fiscale en matière de taxes d’urbanisme.

 


   Introduction

Sous la XVIe législature, le 6 février 2024, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire avait créé, à la demande du groupe Socialistes et apparentés, une mission d’information relative aux dysfonctionnements dans la gestion des impôts locaux et à leurs conséquences. Elle avait alors désigné comme rapporteurs Mme Christine Pirès Beaune et M. Robin Reda.

La dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République le 9 juin 2024 a mis fin à ses travaux. Les rapporteurs avaient néanmoins pu conduire leurs auditions et procéder à un déplacement. Ils s’apprêtaient à présenter leurs conclusions aux membres de la commission des finances le 26 juin 2024.

Lors de sa réunion du 24 juillet 2024, le bureau de la commission a décidé que les missions d’information lancées sous la précédente législature et dont les travaux étaient bien engagés pourraient donner lieu à la présentation d’un rapport d’information. Mme Pirès Beaune ayant été réélue députée, elle a de nouveau été désignée co-rapporteure tandis que M. David Amiel, sur proposition du groupe Ensemble pour la République (EPR), a été nommé co-rapporteur par la commission en remplacement de M. Reda le 22 janvier 2025.

Sous cette nouvelle législature, les rapporteurs ont choisi de se fonder sur les travaux réalisés avant la dissolution de l’Assemblée nationale tout en procédant à de nouvelles auditions afin de tenir compte de l’évolution des problématiques étudiées depuis près d’un an.

Les deux missions d’information successives se sont ainsi intéressées aux grandes évolutions en cours dans la gestion des impôts locaux et, en particulier, à l’action de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

L’aspect le plus visible de ces évolutions pour le grand public est la mise en place par la DGFiP du service en ligne Gérer mes biens immobiliers (GMBI) qui permet notamment aux particuliers de procéder, de manière dématérialisée, à leurs obligations déclaratives en matière de taxes foncières.

GMBI est cependant un outil d’une envergure bien plus large car il vise à terme à rendre la gestion des impôts locaux plus moderne et plus efficace. Il doit ainsi participer à la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation ainsi qu’au transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme à la DGFiP et doit être le support d’une gestion plus transparente de la fiscalité locale en direction des contribuables.

C’est toutefois le lancement très difficile de la campagne déclarative sur GMBI lors du premier semestre 2023 qui, du fait de l’incompréhension qu’il a suscitée chez les contribuables, a alerté les rapporteurs sur la nécessité d’analyser les causes des dysfonctionnements du logiciel et leurs conséquences pour les usagers, les agents de la DGFiP et les collectivités territoriales. En 2024, la plateforme était encore à l’origine d’un nombre élevé de dégrèvements à la charge exclusive de l’État.

En 2023, 1,4 milliard d’euros de dégrèvements ont ainsi été versés par l’État au bénéfice des collectivités territoriales – celles-ci se voyant garantir le produit des impôts locaux –, versement qui n’aurait pas eu lieu sans ces erreurs.

Au-delà de cet objet d’étude, les rapporteurs ont souhaité explorer d’autres champs de la fiscalité locale dans lesquels la DGFiP a pu rencontrer des difficultés au cours des dernières années. Les rapporteurs se sont ainsi intéressés au niveau élevé d’erreurs d’attribution de taxe foncière résultant des retards importants dans les travaux de publicité foncière menés par les services déconcentrés de la DGFiP jusqu’en 2023. Si ces erreurs semblent presque résorbées au moment de la présentation du présent rapport d’information, grâce à des gains d’efficience ou à la dématérialisation des relations avec les notaires, elles ont été symptomatiques des conséquences d’un alourdissement de la charge de travail des agents dans un contexte de réduction des effectifs.

Les rapporteurs ont également souhaité évaluer le dispositif Foncier innovant, nouvel outil dont s’est dotée la DGFiP pour détecter les constructions imposables non déclarées. Foncier innovant doit donc contribuer à fiabiliser les bases cadastrales. Il s’agit à ce titre d’un outil pertinent mais qui suscite des interrogations, en particulier quant à son incidence sur le travail et l’expertise des géomètres.

Enfin, les rapporteurs se sont attachés à faire un premier bilan du transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme du ministère de la transition écologique vers les services fonciers de la DGFiP. Ce transfert, qui doit permettre de concentrer la gestion des taxes d’urbanisme au sein des services de la DGFiP, connaît en effet des dysfonctionnements majeurs qui perturbent la prévisibilité et le montant des recettes des collectivités territoriales bénéficiaires.

Ces quatre champs d’études forment les quatre parties du présent rapport d’information qui vise à apporter, plus largement, une connaissance actualisée de la gestion par la DGFiP des impôts locaux.

La DGFiP se situe donc au cœur des travaux de la mission d’information. De fait, la DGFiP détermine l’assiette et procède à la liquidation et au recouvrement de la plupart des impôts locaux. Elle tient le plan cadastral et est en charge du contrôle fiscal et de la lutte contre la fraude. Il s’agit donc de l’interlocuteur privilégié des collectivités territoriales comme des contribuables en matière de fiscalité locale ; ainsi que le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur l’action de la DGFiP auprès du bloc communal ([1]), « la DGFiP est un acteur majeur du fonctionnement financier des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ».

Au cours de leurs travaux, les rapporteurs ont pu constater le sérieux et l’abnégation de ses agents qui, malgré l’ampleur des tâches qui leur sont confiées, ont mené à bien des projets de grande envergure. Ainsi, les rapporteurs souhaitent rappeler l’efficacité de cette administration qui a permis, entre autres réalisations récentes, de mettre en place sans encombre le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

Le prélèvement à la source

Le prélèvement à la source (PAS) est une méthode de recouvrement de l’impôt sur le revenu qui s’appuie sur un tiers collecteur (généralement l’employeur) chargé de transmettre le montant d’impôt à l’administration fiscale.

Le projet de PAS a été supervisé par la DGFiP dans un délai très contraint puisqu’il a été lancé en 2015 puis inscrit en 2016 en loi de finances pour 2017 pour être finalement mis en place en 2019. De nombreux choix techniques de l’administration fiscale ont permis une conduite de projet et un déploiement du PAS efficaces malgré le défi technique qu’un tel projet a représenté :

– Le PAS a été adossé à la déclaration sociale nominative (DSN), un dispositif préexistant et dématérialisé ;

– Le développement des systèmes d’information du PAS s’est appuyé sur des applications existantes de la DGFiP ;

– Des vagues de tests ont été réalisées pour favoriser l’appropriation de la réforme par les collecteurs et détecter les dysfonctionnements ;

– La DGFiP a fait preuve de pédagogie à destination des contribuables et des collecteurs. Ainsi, une campagne de communication a été diffusée dans les médias de grande écoute et une sensibilisation sur le PAS a été mise en œuvre lors des campagnes déclaratives. Par ailleurs, un dispositif de réponses personnalisées aux contribuables a été créé, en ouvrant notamment un numéro national d’assistance durant le déploiement du PAS.

Le PAS a finalement été mis en place le 1er janvier 2019 après un report d’un an pour réaliser des expérimentations supplémentaires pour un coût total de 215 millions d’euros. Son succès est dû également au sérieux des agents de la DGFiP et à leur attachement sans faille au service public.

 

 


I.   les dysfonctionnements dans la gestion des taxes fonciÈres : des erreurs d’attribution À l’origine de dÉgrÈvements contentieux

Dès 2017, la Cour des comptes s’inquiétait, dans son rapport sur la gestion de la fiscalité directe locale par la direction générale des finances publiques (DGFiP) ([2]), des retards importants dans les travaux de publicité foncière avec, pour conséquence, l’envoi d’avis d’imposition aux taxes foncières au mauvais propriétaire du bien.

Ces erreurs d’attribution ont occasionné en moyenne plus de 500 millions d’euros de dégrèvements par an entre 2017 et 2022, comme l’observait la rapporteure spéciale des crédits de la mission Remboursements et dégrèvements lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024 ([3]). La commission avait d’ailleurs adopté un amendement ([4]) par lequel elle proposait de faire de la réduction de ces avis erronés un nouvel objectif de performance assigné au programme 201 Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux. Cet amendement de la rapporteure spéciale a finalement été définitivement adopté en loi de finances pour 2025 ([5]).

Cette hausse des erreurs d’attribution de taxes foncières au cours des dernières années a conduit le groupe socialiste à inclure cette problématique dans le périmètre de la mission d’information dont il a demandé une première fois la constitution sous la XVIe législature ([6]).

Au cours de leurs travaux, les rapporteurs ont pu constater que la situation s’est progressivement améliorée grâce aux efforts des agents des services de publicité foncière et aux mesures prises par la DGFiP quant à l’organisation de ses services déconcentrés ou de ses relations avec les notaires.

A.   des erreurs d’attribution très élevées jusqu’en 2022 en raison des dÉlais de la publicitÉ fonciÈre

Quelques 500 millions d’euros de dégrèvements contentieux étaient prononcés en moyenne chaque année entre 2017 et 2022. En 2024, près de 230 millions d’euros de dégrèvements étaient encore accordés par l’administration fiscale à la suite d’un peu plus de 130 000 contentieux d’attribution de taxes foncières ([7]). Ce montant avait atteint un pic de 628,45 millions d’euros en 2020, au plus fort de la crise sanitaire. Il concernait alors 547 313 dossiers.

Ces erreurs d’attribution constituent un dysfonctionnement notable dans la gestion des taxes foncières, devenue la principale imposition directe locale depuis la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales.

Elles trouvent leur origine dans les retards de mise à jour du fichier immobilier par les services en charge de la publicité foncière.

1.   Les taxes foncières sont devenues le principal levier fiscal du bloc communal

Au regard du montant de recettes qu’elles apportent aux communes et aux intercommunalités, les taxes foncières occupent une place majeure dans la fiscalité locale. Elles sont devenues la principale contribution directe liant les particuliers aux collectivités territoriales.

a.   En étant assises sur le patrimoine immobilier, les taxes foncières apportent des recettes importantes aux communes et à leurs intercommunalités

La taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) constituent un pilier important de la fiscalité directe des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Elles sont les héritières des contributions directes mises en place lors de la Révolution française (dites « les quatre vieilles ») ([8]). Dans leur forme actuelle, elles sont issues de l’ordonnance n° 59‑108 du 7 janvier 1959 portant réforme des impositions perçues au profit des collectivités locales et de divers organismes ainsi que de la loi n° 73‑1229 du 31 décembre 1973 sur la modernisation des bases de la fiscalité directe locale.

Depuis 2021 ([9]), elles sont uniquement affectées aux communes et à leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre (dit « bloc communal »). En 2023, les taxes foncières ont rapporté 41,07 milliards d’euros aux collectivités dont 97 % pour les propriétés bâties ([10]). À elles seules, elles représentent 62,7 % des recettes de la fiscalité directe locale (65,55 milliards d’euros).

recettes de la fiscalité locale en 2023

(en millions d’euros)

Source : rapport de l’OFGL, juillet 2024.

Les ménages acquittent 55 % du produit de la TFPB contre 32 % pour les entreprises et 13 % pour les administrations publiques ([11]).

En application de l’article 1380 du code général des impôts (CGI), la TFPB est établie annuellement sur les propriétés bâties, principalement les constructions élevées au-dessus du sol mais pas seulement ([12]), situées en France. Aux termes de l’article 1388 du CGI, l’assiette de la taxe est établie d’après la valeur locative cadastrale de ces propriétés et sous déduction de la moitié de son montant en considération des frais de gestion, d’assurances, d’amortissement, d’entretien et de réparation. Le taux d’imposition s’élevait en moyenne à 39,42 % (36,9 % pour les seules communes) en 2023 ([13]).

Quant à la TFPNB, elle est établie annuellement sur les propriétés non bâties de toute nature sises en France (article 1393 du CGI). Elle concerne aussi les terrains occupés par les chemins de fer, les carrières, mines et tourbières, les étangs, les salines et marais salants ainsi que ceux occupés par les serres affectées à une exploitation agricole. Son assiette est également établie d’après la valeur locative cadastrale de ces terrains mais après une déduction de 20 % de son montant (contre 50 % pour la TFPB). Le taux d’imposition moyen des propriétés foncières non bâties était de 54,99 % en 2023 (42,76 % pour les seules communes).

Acquittées aussi bien par les particuliers que par les professionnels, la TFPB et la TFPNB font partie des taxes dites « ménages » – avec la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS), la taxe sur les logements vacants (TLV) et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) – par opposition aux impôts dits « économiques » (cotisation foncière des entreprises et cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). Plus de la moitié du montant des taxes foncières est acquittée par les ménages à proprement parler. Un tiers l’est par les entreprises. Quant aux administrations publiques, elles acquittent 13 % du produit de cet impôt local.

b.   Des recettes solides qui peuvent être minorées par des dégrèvements importants

La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales ([14]) a fait des taxes foncières « l’un des derniers leviers fiscaux des collectivités », comme le rappelle la Cour des comptes dans le rapport qu’elle y a consacré au titre de la période 2016-2021 ([15]). Les rapporteurs rappellent quant à eux que l’existence des taxes foncières permet de conserver un lien direct entre les communes et les intercommunalités, d’une part, et les contribuables qui y possèdent un bien, d’autre part.

À l’inverse, il n’existe plus de lien direct entre les locataires et leur commune de résidence de ce point de vue.

Ce « levier fiscal » est d’autant plus important qu’il demeure peu sensible à la conjoncture économique puisqu’il repose sur le patrimoine foncier et immobilier. De plus, son assiette a peu évolué depuis les années 1970 (cf. infra), sauf pour les locaux professionnels.

Si le produit des taxes foncières constitue une recette solide et dynamique pour le bloc communal, il est minoré par plusieurs dispositifs d’abattements, d’exonérations et de dégrèvements qui sont partiellement compensés par l’État.

 

ensemble des dispositifs d’exonération ou de réduction des taxes foncières ([16])

Taxe foncière sur les propriétés bâties

Exonérations permanentes

Propriétés de l’État, des collectivités territoriales et des grands ports maritimes ou fluvio-maritimes affectées à un service public ou d’utilité générale et non productives de revenus

Bâtiments ruraux affectés de manière permanente et exclusive à un usage agricole

Exonérations de deux ans

Constructions nouvelles, reconstructions et additions de construction à usage d’habitation

Autres exonérations, dégrèvements spéciaux et réductions d’impôt

Exonération des logements normalement destinés à la location inoccupés pendant au moins trois mois

Exonération des immeubles à usage commercial ou industriel utilisés par le contribuable non exploités au moins trois mois

Exonération des propriétaires de plus de 75 ans ou bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), de l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) ou de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), sous condition de ressources et de cohabitation

Dégrèvement d’office de 100 euros des propriétaires âgés de 65 à 74 ans inclus sous condition de ressources.

Dégrèvement pour la fraction excédant 50 % des revenus du propriétaire, sous condition de ressources (plafonnement).

Taxe foncière sur les propriétés non bâties

Exonérations permanentes

Routes nationales, chemins départementaux, voies communales, chemins des associations foncières d’aménagement foncier agricole et forestier, rivières

Propriétés de l’État, des collectivités territoriales et des grands ports maritimes ou fluvio-maritimes affectées à un service public ou d’utilité générale et non productives de revenus

Exonérations temporaires

Les terrains ensemencés, plantés ou replantés en bois pendant les trente premières années du semis, de la plantation ou de la replantation

Dégrèvements spéciaux

Disparition d’un immeuble non bâti par suite d’un événement extraordinaire

Dégrèvement proportionnel aux parcelles atteintes par des pertes de récoltes sur pied par suite de grêle, gelée, inondation, incendie ou autres événements extraordinaires

Source : commission des finances.

Comme le souligne la Cour des comptes, les documents annexés aux projets de loi de finances « ne permettent pas de distinguer précisément les compensations liées aux différents dispositifs ». En effet, il n’est pas possible d’isoler les informations qui relèvent des taxes foncières au sein du prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales.

Quant au programme 201 Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux de la mission Remboursements et dégrèvements, il regroupe des crédits destinés à être transférés aux collectivités territoriales au titre des restitutions accordées aux contribuables en rapport avec les taxes foncières. S’ils concernent principalement des restitutions consécutives à des recours gracieux ou contentieux, ils portent aussi sur différents dispositifs comme les dégrèvements suite à la perte de récoltes sur pieds ou encore les déductions des dépenses de certains propriétaires engagées pour l’accessibilité et l’adaptation des logements aux personnes handicapées. En 2024, ces dégrèvements se sont élevés à 2,11 milliards d’euros ([17]).

évolution des crédits de l’action 02 taxes foncières du programme 201 remboursements et dégrèvements d’impôts locaux

(en millions d’euros)

Note de lecture : en 2024, les dégrèvements s’élevaient à 2,11 milliards d’euros, soit une augmentation de 40 % par rapport à 2017.

Source : commission des finances à partir des rapports annuels de performances de la mission Remboursements et dégrèvements

2.   Les retards de mise à jour du fichier immobilier sont à l’origine des erreurs d’attribution

Au cours des dernières années, et particulièrement au moment de la crise sanitaire, la gestion des taxes foncières a été marquée par l’essor des dégrèvements contentieux suite à des erreurs d’attribution.

Ces avis d’imposition erronés trouvent leur origine dans les retards de mise à jour du fichier immobilier par les services de la DGFiP en charge de la publicité foncière.

a.   Les dégrèvements contentieux suite à des erreurs d’attribution sont en hausse depuis une dizaine d’années et coûtent chers à l’État

Les erreurs d’attribution interviennent lorsqu’un avis d’imposition aux taxes foncières est adressé à un contribuable qui n’est pas ou plus le propriétaire du bien imposable. Dans certains cas, les avis peuvent ne pas être envoyés du tout, ce qui est susceptible d’arriver pour les constructions neuves ou les mises en copropriété. Après un recours contentieux, elles sont résolues par l’administration fiscale en dégrevant le contribuable anormalement assujetti et en émettant un nouvel avis d’imposition pour le véritable propriétaire.

À terme, ces dysfonctionnements conduisent à un transfert imprévu de l’État au bénéfice des collectivités territoriales : les dégrèvements des impositions erronées sont compensés par les produits des rôles supplémentaires émis tandis que les collectivités territoriales se voient, quant à elles, garantir le versement du produit voté. En outre, les rapporteurs rappellent que les erreurs d’attribution demeurent néfastes car elles donnent une mauvaise image de l’administration fiscale, les contribuables indûment taxés devant former un recours et les notaires devant attendre plus longtemps avant de solder le compte de leurs clients. De plus, il occasionne un nombre substantiel d’opérations pour les services fiscaux et alourdit de fait la gestion des taxes foncières.

Entre 2017 et 2024, les dégrèvements consécutifs à des contentieux d’attribution ont ainsi représenté 480,93 millions d’euros en moyenne annuelle ([18]), soit environ 26,2 % de l’ensemble des restitutions de taxes foncières, tous motifs confondus ([19]). Ils ont concerné 394 391 dossiers en moyenne, soit l’équivalent d’environ 1,2 % des contribuables assujettis à ces impôts locaux ([20]).

destination des crédits de l’action 02 taxes foncières du programme 201 remboursements et dégrèvements d’impôts locaux en 2023

(en millions d’euros)

Contentieux et gracieux

1 509

TFPB / accessibilité pour personnes handicapées

196

TFPB / travaux d’économie d’énergie pour les HLM et les SEM

156

TFPB / personnes de condition modeste (65-75 ans)

85

TFPNB / pertes de récoltes ou de bétail

97

TFPNB / jeunes agriculteurs

8

TFPB / habitation principale en fonction du revenu

6

TFPB / travaux dans le cadre de la prévention des risques technologiques

<0,5

TFPNB / associations foncières pastorales

<0,5

Cotisation < à 12 €

11

Total action 02 Taxes foncières

2 069

Source : rapport spécial sur les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements de Mme Christine Pirès Beaune (projet de loi de finances pour 2025).

évolution des contentieux d’attribution

(à gauche en millions d’euros, à droite en nombre de dossiers)

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire adressé à la DGFiP

Au plus fort de l’épidémie de covid-19, les contentieux d’attribution ont entraîné le montant record de 628,45 millions d’euros de dégrèvements, prononcés dans 547 313 affaires.

Avant même le début de la crise sanitaire, ces restitutions étaient en forte hausse puisqu’en 2018 et en 2019, elles étaient respectivement supérieures de 39,6 % et de 27 % par rapport à l’année 2017.

Sous l’effet des mesures prises par la DGFiP (cf. infra), l’année 2023 semble amorcer une décrue des dégrèvements (444,67 millions d’euros et 355 517 dossiers), confirmée en 2024 (229,85 millions d’euros et 134 642 dossiers).

b.   Les services en charge de la publicité foncière ont connu d’importants retards dans la tenue du fichier immobilier

Au cours de leurs travaux, les rapporteurs ont souhaité étudier les causes de cette hausse importante des dégrèvements pour erreur d’attribution de taxes foncières au cours des dernières années.

Il apparaît que ces dysfonctionnements sont la conséquence directe de retards de la mise à jour du fichier immobilier par les services déconcentrés de la DGFiP en charge de la publicité foncière, retards nettement aggravés par la crise sanitaire.

En effet, la prise en compte des changements de propriétaires exige la publication préalable des actes qui l’attestent, comme le prévoit le décret n° 55‑22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière : « Il est tenu, pour chaque commune, par les services chargés de la publicité foncière, un fichier immobilier sur lequel, au fur et à mesure des dépôts, sont répertoriés, sous le nom de chaque propriétaire, et, par immeuble, des extraits des documents publiés […]. Le fichier immobilier présente, telle qu'elle résulte des documents publiés, la situation juridique actuelle des immeubles ».

délai moyen de mise à jour du fichier immobilier par trimestre

(en nombre de jours)

Source : rapports spéciaux sur la mission Remboursements et dégrèvements (projets de loi de finances pour 2023, 2024 et 2025).

Cette dégradation du délai moyen de mise à jour du fichier immobilier par les services de publicité foncière (SPF) avait débuté il y a une dizaine d’années. En effet, dans son rapport de janvier 2017 sur la gestion de la fiscalité directe locale par la DGFiP, la Cour des comptes observait déjà que le délai moyen de publication était passé de 52,8 jours en 2012 à 73,1 jours en 2015.

D’après la Cour des comptes, « plusieurs causes peuvent expliquer ces retards : la situation des effectifs, la faible disponibilité de l’encadrement (nombreux départs à la retraite de chefs de contrôle), l’insuffisante utilisation des outils de pilotage et de suivi de l’activité (d’où l’absence de visibilité sur l’ancienneté du stock accumulé), le manque d’enchaînement et de traçabilité des opérations de relance ». Le ralentissement des services pendant la crise sanitaire a par ailleurs nettement aggravé ce constat et augmenté le stock d’actes non publiés.

Les rapporteurs observent effectivement que le nombre d’agents affectés dans les SPF et, plus largement, dans l’ensemble des services de la DGFiP a significativement diminué au cours des dernières années.

En 2022, le programme 156 Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local de la mission Gestion des finances publiques rémunérait 29 252 équivalents temps plein travaillé (ETPT) affectés à la fiscalité des particuliers et à la fiscalité directe locale (action 03) ([21]), dont 3 732 fonctionnaires et 18 contractuels affectés aux SPF et aux services d’appui à la publicité foncière (SAPF) ([22]). Cinq ans plus tôt, 33 422 ETPT étaient rémunérés, dont 4 100 fonctionnaires et 7 contractuels dans les SPF.

Entre 2017 et 2022, les SPF ont ainsi vu leurs effectifs diminuer de 8,7 %. Toutefois, cette baisse est moindre que celle de l’ensemble des services en charge de la fiscalité des particuliers et de la fiscalité directe locale (– 12,5 %) ou de toute la DGFiP (– 12,1 %), administration centrale et services déconcentrés confondus.

Enfin, à l’instar de ce que rappelait la Cour des comptes en 2018 ([23]), les rapporteurs entendent souligner que « la DGFiP a également consenti d’importants efforts, ses effectifs ayant diminué de 17 % [entre 2008 et 2018], faisant de cette administration la principale contributrice aux économies réalisées par l’État ».

À ces réductions d’emplois s’ajoute un phénomène important de renouvellement des effectifs en raison du nombre de départs en retraite et du nombre significatif de postes non pourvus.

B.   Une rÉcente amÉlioration notable des dÉlais de publicitÉ fonciÈre qui doit être consolidÉe

À l’issue de leurs travaux, les rapporteurs observent que le temps nécessaire aux services de la DGFiP pour publier les actes s’est très nettement réduit, ce qui devrait conduire à une baisse des dégrèvements d’attribution, en volume comme en valeur.

Outre l’effet de la fin de la crise sanitaire, ce progrès semble avoir été permis par les efforts de la DGFiP et l’investissement de ses agents pour rendre plus efficients les SPF ainsi que par l’engagement d’une démarche de dématérialisation des relations avec les notaires, principalement en ce qui concerne la transmission des actes. Cette réduction des délais est aussi la conséquence d’une forme d’industrialisation des tâches des agents des SAPF notamment. Des organisations syndicales ont pu estimer que l’objectif quantitatif avait été privilégié par rapport à la qualité de la tenue du fichier immobilier.

Les rapporteurs formulent plusieurs recommandations visant à poursuivre ces efforts afin que les délais de publicité foncière demeurent à un niveau acceptable sur l’ensemble du territoire national. Concernant les taxes foncières de manière générale, ils appellent par ailleurs à mener à bien la révision générale des valeurs locatives cadastrales. Il s’agit d’ailleurs d’une demande largement partagée par la plupart des personnes auditionnées par les rapporteurs.

1.   La réduction du délai moyen de mise à jour du fichier immobilier au niveau national devrait favoriser une diminution des erreurs d’attribution

Les rapporteurs constatent avec satisfaction que la performance des SPF est revenue en 2023 à son niveau de 2012, soit 53 jours. En 2024, il est encore descendu à 25 jours. Toutefois, ils remarquent que d’importantes disparités demeurent au niveau local.

D’après les informations transmises par la DGFiP, le délai le plus élevé au 31 décembre 2024 était celui de la Meuse (50 jours) et le plus faible était relevé en Savoie (3 jours).

En dehors de l’effet de la fin de la pandémie de covid-19, il apparaît que cette amélioration résulte à la fois des mesures prises en interne et du partenariat renforcé avec le notariat.

a.   Les SPF ont été regroupés et bénéficient de services d’appui

● Afin de réduire les délais de mise à jour du fichier immobilier, la DGFiP a entrepris de fusionner les SPF de manière à ce qu’il n’y en ait qu’un seul par département, sauf exceptions. La plupart d’entre eux assurent aussi la mission de l’enregistrement des déclarations et des actes, d’où la dénomination de service de la publicité foncière et de l’enregistrement (SPFE) ([24]).

Ces regroupements ont été menés entre 2018 et 2022. Au 1er janvier 2025, il n’existait plus que 122 services en charge de la publicité foncière (100 SPFE et 22 SPF au sens strict), contre 354 en 2018. Certains SPF fusionnés conservent des sites distants (antennes) dans lesquels les agents situés loin du service de regroupement peuvent poursuivre leur travail à distance. Au total, plus d’une centaine de fusions ont ainsi été menées à partir de deux à six services par département.

carte des services en charge de la publicité foncière en 2025

Source : réponses au questionnaire adressé à la DGFiP.

Selon la DGFiP, le but de ce programme de regroupements était « d’harmoniser les pratiques en publicité foncière grâce à la mutualisation des savoirs et savoir-faire, mais aussi de constituer des services avec des effectifs renforcés, de nature à consolider la qualité du service » ([25]).

La concentration des SPF a logiquement conduit à augmenter la taille moyenne de ces services. Dans son rapport sur l’action de la DGFiP auprès du bloc communal ([26]), la Cour des comptes note que les effectifs moyens des SPF étaient constitués de 27,3 emplois en 2023 contre 12,4 en 2019.

Si les rapporteurs reconnaissent que les fusions ont été de nature à favoriser un pilotage plus homogène de la tenue du fichier immobilier sur l’ensemble du territoire, ils s’interrogent néanmoins sur les mesures d’accompagnement liés à ces regroupements dans un contexte de réduction des effectifs.

Les rapporteurs considèrent qu’il est, pour l’heure, difficile d’établir un lien entre le rythme des fusions de SPF et les retards de mise à jour du fichier immobilier.

● Dans le cadre du nouveau réseau de proximité (NRP), le réseau de la DGFiP s’est progressivement doté de 18 services d’appui à la publicité foncière (SAPF) à compter du 1er janvier 2021. Toutefois, il faut rappeler que le lancement du NRP n’était pas une réponse à la volonté d’éliminer les erreurs d’attribution. Ce sont les difficultés de gestion des services de plus en plus limités en ressources humaines qui ont conduit l’administration à les regrouper. L’objectif premier était ainsi de compenser les suppressions de postes au sein de la DGFiP tout en limitant les effets sur les délais de publication autant que faire se peut.

Le Nouveau Réseau de proximité (NRP)

En juin 2019, le ministère de l’économie et des finances a lancé une démarche de modernisation du réseau de la DGFiP qui s’inscrit dans le contexte plus large de réforme de l’organisation territoriale de l’État ([27]).

Dénommé « nouveau réseau de proximité » (NRP), ce projet s’est structuré autour de trois objectifs :

– mieux répondre aux besoins de proximité et d’accompagnement des particuliers ;

– développer le conseil aux élus locaux ;

– resserrer le réseau.

Le NRP a favorisé une augmentation du nombre de communes comptant une présence temporaire de la DGFiP grâce au déploiement des espaces France Services et à la tenue de permanences en mairie mais qui ne sont pas comparables aux implantations permanentes que représentaient les anciennes trésoreries. Parallèlement, le nombre de postes comptables est en diminution, notamment par le biais du regroupement des anciennes trésoreries locales dans des services de gestion comptable (SGC). Enfin, des conseillers aux décideurs locaux (CDL) ont été nommés pour apporter aux élus un soutien dans les domaines financier, fiscal, budgétaire et comptable. Les rapporteurs estiment qu’il serait d’ailleurs opportun de conduire une évaluation des CDL.

Les SAPF ont vocation à traiter à distance une partie de l’activité des SPF « avec pour objectif d’homogénéiser la qualité du service rendu, d’accompagner le dynamisme du marché immobilier et de réduire les délais de publication nationaux tout en renforçant l’expertise et le pilotage de la mission de publicité foncière » ([28]). À ce titre, ils exercent trois missions à distance :

– mise à jour du fichier immobilier ;

– soutien et expertise sur les formalités considérées comme complexes ;

– accompagnement et conseil sur la mise en œuvre de méthodes de travail.

Si les 18 SAPF sont disséminés à travers le territoire (cf. carte supra), ils n’ont pas de ressort géographique afin de leur permettre d’intervenir auprès des différents SPF en fonction des besoins.

b.   La dématérialisation des relations avec les notaires contribue à accélérer la mise à jour du fichier immobilier

L’amélioration du délai de mise à jour du fichier immobilier par les SPF passe également par un effort de fluidification des échanges entre les notaires et l’administration fiscale.

Dès 2014, la DGFiP a mis en place l’outil « Télé@ctes » qui permet la transmission dématérialisée des actes établis dans les études notariales aux SPF. En 2017, la Cour des comptes ([29]) relevait que cette application « contribu[ait] à améliorer la qualité des données du fichier immobilier en évitant les erreurs liées à la reprise manuelle des informations et donc en fiabilisant les données de la partie normalisée de l’acte qui sont reprises [dans les logiciels utilisés par les SPF] » ; en conséquence elle recommandait de la généraliser.

Le décret du 4 mai 2017 ([30]) a suivi cette préconisation en rendant obligatoire l’utilisation de Télé@ctes par l’ensemble des notaires. Un arrêté du 2 juin 2017 définit son champ d’application :

– les actes de vente, à l’exception des actes de vente donnant lieu au dépôt d’une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée ;

– les actes portant constitution d’une servitude ;

– les attestations immobilières après décès ;

– les actes rectificatifs et les attestations rectificatives, faisant suite à la notification d’une ou plusieurs causes de rejet ;

– les actes portant convention de rechargement d’une hypothèque conventionnelle ;

– les actes portant mainlevée d’une inscription et les actes par lesquels le notaire certifie que le créancier a, à la demande du débiteur, donné son accord à la radiation d’une ou plusieurs inscriptions.

Dans ses échanges avec les rapporteurs, la DGFiP a fait part de son intention d’élargir à moyen terme le champ des actes éligibles à la télétransmission afin de poursuivre la réduction d’envois en format papier.

Actuellement, seuls les actes de donation immobilière et de donation-partage échappent au périmètre de la publication dématérialisée par le biais de Télé@ctes.

Enfin, une convention nationale d’objectifs a été conclue entre l’État et le Conseil supérieur du notariat (CSN) pour la période 2021‑2024. Cette convention prévoit un contrôle mensuel de l’obligation posée par le décret précité. D’après la DGFiP, la transmission dématérialisée était respectée pour 94,7 % des actes concernés en novembre 2024. Pour le CSN, « cet outil est une révolution pour la pratique [car] il permet une transmission rapide des données par la quasi-disparition des dépôts qui deviennent assez marginaux » ([31]).

En plus de Télé@ctes, une autre application est venue fluidifier les échanges entre les notaires et l’administration fiscale. Il s’agit du dispositif d’Accès des notaires au fichier immobilier (ANF), progressivement mis en place entre octobre 2021 et juillet 2023. L’ANF permet aux études notariales d’obtenir une réponse instantanée et à tout moment aux demandes de renseignement concernant les données du fichier tenu par les SPF sans avoir besoin de contacter ces derniers. Le CSN fait le constat « qu’actuellement l’accès au fichier donne pleine et entière satisfaction de part et d’autre des deux acteurs du projet ».

Comme le reconnaît la Cour des comptes ([32]), l’ANF permet notamment « d’alléger la charge des services de publicité foncière au titre des demandes de renseignements, et donc de redéployer les effectifs affectés sur cette mission vers la publication des mutations immobilières, afin d’en accélérer le traitement ».

Les rapporteurs saluent ces efforts mais estiment qu’il est toutefois trop tôt pour mesurer pleinement l’effet de ces redéploiements permis par Télé@ctes et l’ANF au sein même des SPF.

À l’heure actuelle, l’ANF est un outil conçu pour les seules études notariales. Les rapporteurs s’interrogent sur l’opportunité de créer un outil similaire pour les collectivités territoriales afin qu’elles puissent avoir accès en permanence et de manière dématérialisée au fichier immobilier.

Proposition n° 1 : Créer une application similaire à l’Accès des notaires au fichier immobilier (ANF) pour les collectivités territoriales.

2.   Les progrès obtenus doivent être consolidés et s’accompagner d’une révision des bases locatives cadastrales

Les rapporteurs estiment que le maintien des délais de mise à jour du fichier immobilier doit demeurer à un niveau acceptable sur l’ensemble du territoire. Si l’amélioration observée au cours des derniers mois doit être saluée, elle doit impérativement être approfondie, notamment là où les délais demeurent les plus longs.

Les travaux qu’ils ont menés au sujet de ce dysfonctionnement affectant la gestion des taxes foncières ont rappelé à quel point la problématique de la révision des valeurs locatives cadastrales constitue un enjeu majeur pour les finances publiques. Cette réforme fondamentale doit permettre d’assurer l’égalité de tous devant l’impôt ainsi que la libre administration des collectivités territoriales.

a.   Poursuivre les efforts quant à la réduction des délais de publicité foncière

À l’issue de leurs travaux, les rapporteurs font le constat que les délais moyens de mise à jour du fichier immobilier par les services chargés de la publicité foncière sont en train de se réduire. Ils en tirent la conclusion que le montant et le nombre de dégrèvements consécutifs à des contentieux d’attribution devraient sensiblement diminuer.

Les rapporteurs observent néanmoins d’importantes disparités locales pour la publication des actes. Ces délais sont en effet compris entre quelques jours et une cinquantaine de jours. Les rapporteurs appellent en priorité à réduire ces écarts le plus rapidement possible, notamment par un plan de soutien des SAPF aux services en difficulté. Si nécessaire, un renfort temporaire d’agents contractuels ou des redéploiements au sein des services déconcentrés de la DGFiP pourrait être envisagé.

Proposition n° 2 – Établir un plan de soutien des SAPF aux SPF les plus en difficulté, voire renforcer temporairement les effectifs des services de publicité foncière qui présentent les délais de mise à jour du fichier immobilier les plus importants.

Pour l’ensemble des SPF, les rapporteurs considèrent qu’il est nécessaire de rendre plus attractifs les emplois afin d’éviter les vacances de postes et une rotation trop importante des effectifs, en partie responsables des retards dans la publication des actes. Ce renforcement de l’attractivité doit également aller de pair avec une pause dans la restructuration des services à travers le territoire afin de pouvoir dresser un bilan des effets des fusions de SPF sur les délais de mise à jour du fichier immobilier.

Toutefois, les rapporteurs rappellent que la question de l’attractivité ne se limite pas aux seuls postes dans les SPF mais aussi à l’ensemble du réseau territorial de la DGFiP, voire des administrations déconcentrées de l’État.

Par ailleurs, les SAPF créés pour appuyer les SPF en souffrance doivent être consolidés. Les rapporteurs recommandent plus particulièrement d’y affecter en priorité les agents les plus expérimentés. En effet, au cours de leurs auditions, plusieurs organisations syndicales ont laissé entendre que les effectifs de certains SAPF étaient constitués à partir de SPF préexistants au niveau local au moment de la restructuration de ces derniers. Dès lors, la formation et l’expérience des agents qui travaillent dans ces deux structures sont en réalité similaires.

Proposition n° 3 – Améliorer l’attractivité des emplois dans les services déconcentrés de la direction générale des finances publiques, plus particulièrement dans les services en charge de la publicité foncière.

Proposition n° 4 – Limiter les fusions de services en charge de la publicité foncière, consolider les nouveaux services d’appui à la publicité foncière et affecter dans ces services d’appui de préférence des agents qui bénéficient d’une expérience importante dans la tenue du fichier immobilier.

Concernant les relations de l’administration fiscale avec le notariat, les rapporteurs saluent les initiatives conjointes de la DGFiP et du CSN afin de fluidifier leurs échanges et appellent à les poursuivre, notamment en élargissant les actes et documents susceptibles d’être télétransmis et d’approfondir les échanges dématérialisés.

Proposition n° 5 – Poursuivre les efforts de dématérialisation des échanges entre l’administration fiscale et les notaires.

Au début de leurs travaux, les rapporteurs de la première mission d’information créée sous la XVIe législature considéraient que la réduction des erreurs d’attribution était un objectif qui devait faire l’objet d’un indicateur de performance présenté dans les documents budgétaires. C’était d’ailleurs la position adoptée par la commission lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024 (cf. supra).

Cet indicateur a fini par être ajouté par la loi de finances pour 2025 suite à l’adoption d’un amendement de la rapporteure spéciale de la mission Remboursements et dégrèvements en commission, amendement dont la rédaction a été retenue dans le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire (CMP) le 24 janvier 2025. La création de cet indicateur n’a donc plus lieu de faire l’objet d’une recommandation des rapporteurs.

b.   Mener à bien la révision générale des valeurs locatives cadastrales

Au-delà de la problématique des erreurs d’attribution, la question de la révision des valeurs locatives est revenue à de nombreuses reprises au cours des travaux des rapporteurs.

En effet, la place centrale qu’occupent désormais les taxes foncières dans le paysage de la fiscalité locale conduit nécessairement à s’interroger sur l’obsolescence de leur assiette pour les locaux d’habitation. La mise en place de la plateforme Gérer mes biens immobiliers (cf. II du présent rapport d’information) rappelle que la fiabilisation des données cadastrales n’aura de pertinence que si elle s’accompagne d’une révision générale des valeurs locatives. De même, la généralisation de l’outil de détection des fraudes Foncier innovant (cf. III du présent rapport d’information), censé repérer les constructions non assujetties (principalement les piscines), met également en évidence le retard considérable pris dans l’actualisation de ces bases.

La revendication d’une révision générale des valeurs locatives a d’ailleurs été défendue à plusieurs reprises lors des auditions, notamment par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalités (AMF), Intercommunalités de France, France Urbaine ainsi que les organisations syndicales.

La valeur locative cadastrale des locaux d’habitation n’a fait l’objet d’aucune révision générale depuis plus d’une cinquantaine d’années. L’établissement des valeurs des propriétés bâties est toujours réalisé à partir des données du marché locatif arrêtées à la date du 1er janvier 1970. Pour les propriétés non bâties, il s’agit du 1er janvier 1961.

La loi de finances pour 2020 ([33]) a posé les bases d’une future révision des modalités de calcul des valeurs cadastrales des locaux d’habitation mais le législateur a choisi de repousser son entrée en application, initialement prévue en 2026, de deux ans ([34]).

Les rapporteurs sont conscients qu’une révision générale aboutirait probablement à des transferts importants entre contribuables et entre collectivités territoriales. Néanmoins, ils appellent à ne pas repousser une nouvelle fois cette réforme dans un souci à la fois d’assurer l’égalité des citoyens devant l’impôt et de garantir l’autonomie financière locale. Les rapporteurs soulignent l’importance d’avoir accès à des simulations et des études d’impact fiables dans le cadre des commissions départementales des valeurs locatives (CDVL). En effet, nombre d’élus locaux estiment ne pas avoir de données sur les conséquences de cette grande réforme de la fiscalité locale, ce qui peut expliquer les réticences à la mener à bien dans un délai proche.

Proposition n° 6 – Mener à bien la révision générale des valeurs cadastrales des locaux d’habitation.

Comme le recommande la Cour des comptes ([35]), les rapporteurs souhaitent que soient apportés « aux décideurs locaux les outils d’analyse et de simulation permettant d’apprécier l’impact de cette réforme sur les produits attendus de taxe foncière ».

Proposition n° 7 – Mettre à disposition des collectivités territoriales les données relatives aux valeurs locatives cadastrales actualisées des locaux d’habitation.

Concernant les locaux professionnels, de nouveaux paramètres de calcul de l’assiette des taxes foncières ont été définis par le législateur en 2017 ([36]). Afin de ne pas répéter une situation progressive d’obsolescence des bases, il est prévu que les tarifs applicables soient mis à jour chaque année en fonction de l’évolution des loyers constatés à partir de 2019. Tous les six ans, les paramètres collectifs d’évaluation (sectorisation du département en marchés locatifs homogènes, grilles tarifaires par secteur d’évaluation et catégorie de locaux, coefficients de localisation) seront également actualisés en complément.

Cette première actualisation sexennale, qui devait intervenir en 2025, a été repoussée à l’année 2026 par le législateur ([37]). Dans sa réponse à une question écrite du sénateur Jérôme Darras ([38]), le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie explique que « les travaux relatifs à la première actualisation sexennale […] ont pu révéler des évolutions pouvant conduire à des hausses importantes de tarifs ». Un groupe de travail associant les représentants des associations d’élus, des parlementaires et des membres de l’administration a donc été constitué. Le ministre indique qu’il a pour but de « réfléchir aux améliorations à apporter à l’actualisation des valeurs locatives des locaux professionnels, s'agissant notamment d’éventuels amortisseurs à mettre en œuvre pour atténuer l’impact de la réforme, y compris pour les commerces de centre-ville ».

Cette révision sexennale des paramètres s’impose, puisque de sa mise en œuvre dépendra la révision générale des bases pour les locaux d’habitation « puisque la méthode d’évaluation envisagée est tout à fait similaire », comme le rappelle la DGFiP ([39]). Les rapporteurs appellent donc à conclure ces travaux et à ne pas repousser une nouvelle fois cette mise à jour.

Proposition n° 8 – Mettre en œuvre la première actualisation sexennale des valeurs cadastrales des locaux professionnels.


II.   La dÉmatérialisation des obligations dÉclaratives : le lancement manquÉ de GÉrer mes biens immobiliers

Gérer mes biens immobiliers (GMBI) est un service en ligne disponible sur le site impots.gouv.fr dans l’espace sécurisé de l’usager propriétaire, qu’il soit particulier ou professionnel.

Outil destiné à approfondir la dématérialisation de la gestion des finances locales dans un objectif d’efficacité, GMBI s’inscrit dans le nouveau contexte de la fiscalité locale : dématérialisation des déclarations foncières, transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme du ministère de la transition écologique à la DGFiP, projet de révision des valeurs locatives des locaux d’habitation et disparition de la taxe d’habitation sur les résidences principales.

Page « Biens immobiliers » de l’application GMBI

GMBI doit ainsi permettre à l’administration d’améliorer l’information fiscale, celle-ci s’étant dégradée à la suite de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (THRP). De fait, la suppression de la THRP a été conduite sans que ses effets collatéraux ne soient tous anticipés et pleinement pris en compte, à l’instar de la perte de connaissance de la situation d’occupation des locaux.

Si GMBI est donc nécessaire à la meilleure gestion de la fiscalité locale, son lancement en 2023 auprès des contribuables s’est opéré de manière trop précipitée et a manifestement manqué de pédagogie en direction des propriétaires soumis à de nouvelles obligations déclaratives.

Ces dysfonctionnements ont provoqué l’émission d’avis d’imposition erronés, alimentant la confusion des usagers et provoquant une surcharge de travail conséquente pour les agents de la DGFiP concernés.

Cette situation s’est traduite par des dégrèvements massifs à la charge de l’État et au bénéfice des collectivités locales qui se sont élevés à 1,4 milliard d’euros en 2023 puis à 1,3 milliard d’euros en 2024 ([40]), bien que tous les dégrèvements ne soient pas imputables aux dysfonctionnements liés à GMBI.

Tirant les leçons de la première campagne de lancement en 2023, la DGFiP a mis en œuvre un plan d’action visant notamment le volet occupation des locaux dans GMBI et concernant à la fois les agents de la DGFiP et les utilisateurs de l’outil.

Les rapporteurs ont donc souhaité identifier les causes et les conséquences de ce lancement raté – qui ne doit toutefois pas occulter la pertinence de l’outil GMBI – et dresser un bilan des efforts entrepris pour résoudre les difficultés rencontrées.

A.   GMBI : un objectif louable, une mise en place TrÈs difficile

La dématérialisation des obligations déclaratives des propriétaires et la participation de ces derniers à l’amélioration de la connaissance du foncier sont indispensables pour mener à bien les réformes en cours ou à venir de la fiscalité locale.

Toutefois, en précipitant le lancement du service GMBI sans l’accompagner d’une pédagogie adaptée et sans prendre en compte la diversité des publics concernés, la DGFiP n’a pas réussi à organiser la campagne de déclaration d’occupation 2023 de manière compréhensible pour les propriétaires et sereine pour les agents des services des impôts des particuliers.

1.   Le projet GMBI est au cœur des évolutions de la fiscalité locale

a.   Un projet destiné à répondre aux nouveaux enjeux de la fiscalité locale

Le projet GMBI a été lancé en 2018 avant d’être institué par la loi de finances pour 2020 ([41]) et déployé auprès des propriétaires à partir de 2021. Il a permis de répondre au nouveau contexte de gestion des impôts locaux marqué par quatre évolutions :

– la dématérialisation des obligations déclaratives foncières à compter de septembre 2022 ;

– le transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme à la DGFiP ([42]) à compter du 1er septembre 2022 ;

– la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation (RVLLH) prévue initialement à l’horizon 2026 et finalement reportée, une énième fois, à 2028 ;

– la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales à compter de 2023.

  1.   GMBI comme outil de la dématérialisation des déclarations foncières pour plus d’efficacité et de transparence

Afin de moderniser un processus déclaratif existant sous un format jusqu’alors totalement « papier », la DGFiP a entrepris la dématérialisation des déclarations foncières des propriétés bâties par le biais de l’application GMBI.

Cette réforme vise également à donner aux usagers une information personnalisée concernant leurs obligations grâce à un renouvellement du dispositif de surveillance et une mise à jour des propriétés bâties par les services de la DGFiP.

GMBI doit ainsi permettre aux près de 34 millions d’usagers concernés ([43]) de disposer d’une vision d’ensemble de leurs biens bâtis ainsi que des caractéristiques de ces derniers (surface, nature du local…).

Outre les gains attendus en matière d’efficacité et de fiabilité, la mise en place de GMBI est un exercice important de transparence et d’information de la part de la DGFiP envers les usagers propriétaires qui étaient auparavant peu informés des caractéristiques prises en compte pour l’évaluation foncière de leurs biens ([44]).

  1.   GMBI permet de recueillir les déclarations en matière de taxes d’urbanisme dans le cadre du transfert de leur liquidation

Le transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) à la DGFiP a été mis en place à compter du 1er septembre 2022.

Le transfert est assorti du décalage de la date d’exigibilité de la totalité des taxes d’urbanisme à l’achèvement des travaux ([45]). Cette modification aligne l’obligation déclarative en matière de taxes d’urbanisme avec l’obligation de déclaration foncière afin de faire coïncider le dépôt de la déclaration foncière et de la déclaration de taxes d’urbanisme.

Cette convergence a ainsi permis d’ouvrir à l’usager, via GMBI, un parcours unique et accompagné de déclaration des informations nécessaires à la fois pour l’évaluation foncière de son bien et pour l’émission de ses taxes d’urbanisme.

  1.   GMBI doit être le levier de l’engagement de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation (RVLLH)

La RVLLH nécessite de collecter avec précision les loyers pratiqués par les propriétaires bailleurs. Cette collecte doit être exhaustive afin d’initialiser le découpage du département en secteurs locatifs homogènes et la fixation de grilles tarifaires. Ces réalisations permettront par la suite de créer les simulations utiles à la phase de concertation qui doit précéder la déclinaison opérationnelle de la réforme.

GMBI a donc vocation à être l’outil de collecte de ces données, préalable indispensable à la mise en œuvre de la RVLLH.

Cette collecte devait initialement avoir lieu en 2023, concomitamment à la déclaration de la situation d’occupation destinée à asseoir la taxe d’habitation sur les locaux autres que ceux affectés à l’habitation principale (voir le iv. suivant) mais elle a finalement été reportée à 2025 ([46]) pour ne pas mettre en œuvre simultanément deux nouvelles obligations déclaratives ([47]).

  1.   GMBI permet enfin de moderniser le système d’information (SI) des taxes d’habitation restantes après la suppression de la THRP

La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (THRP) à compter de 2023 a rendu nécessaire la modernisation du mode de gestion et du système d’information (SI) de taxation des taxes d’habitation (TH) subsistantes : TH sur les résidences secondaires (THRS), TH sur les locaux vacants (THLV) et taxe sur les locaux vacants (TLV).

En effet, la mise à jour des bases fiscales de TH reposait historiquement sur le travail, largement manuel, des agents des services des impôts des particuliers (SIP), devenu coûteux au regard du rendement résiduel des taxes subsistantes et du nombre d’avis correspondants (passant de 29,5 millions d’avis à 4 millions d’avis après la suppression de la THRP). Le SI de taxation de la TH, par ailleurs ancien, n’était plus adapté et la DGFiP a décidé de sa modernisation à travers l’outil GMBI notamment.

Cette modernisation consiste donc à automatiser la mise à jour des locaux en s’appuyant sur les contributions des propriétaires. La mise à disposition transparente de l’information foncière et sa mise à jour par les usagers eux-mêmes en temps réel sont ainsi censées contribuer à l’amélioration de la qualité des bases de la DGFiP et à la fiabilisation de la taxation.

Dans cette perspective, une nouvelle obligation déclarative a été mise en place en loi de finances pour 2020 à l’égard de tous les usagers propriétaires (particuliers et personnes morales) afin qu’ils déclarent sur la plateforme GMBI à compter de 2023 et jusqu’au 30 juin de chaque année, pour chacun des locaux qu’ils possèdent, à quel titre ils l’occupent (habitation principale ou secondaire) et, quand ils ne l’occupent pas eux-mêmes, l’identité des occupants. Au plan national, 71,4 millions de locaux (d’habitation et professionnels) sont concernés par cette obligation déclarative, pour 24,8 millions de personnes morales ou physiques ([48]).

L’article 1770 terdecies du code général des impôts (CGI) prévoit une amende d’un montant de 150 euros par local en cas de manquement à cette obligation. Celle-ci n’a toutefois pas été appliquée lors des campagnes déclaratives de 2023 et de 2024 compte tenu des difficultés rencontrées par les contribuables.

b.   Le calendrier de déploiement de GMBI

Officiellement lancé en juin 2018, le projet GMBI a fait l’objet d’un contrat de transformation conclu en décembre 2018 entre, d’une part, la DGFiP et le secrétariat général des ministères économiques et financiers et, d’autre part, la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et la direction du budget.

Après une phase d’élaboration visant à préparer les modules et à assurer le pilotage et la budgétisation du projet, GMBI a connu une phase de déploiement en trois grandes étapes :

– le 2 août 2021, l’application GMBI a mis à disposition du propriétaire une vision d’ensemble des propriétés bâties sur lesquelles celui-ci détient un droit de propriété ainsi que les caractéristiques de chacun de ses locaux : adresse et descriptif du local (surface, nombre de pièces, éléments de confort), nature du local (habitation, usage professionnel), lots de copropriété… ;

– depuis le 17 novembre 2022, les propriétaires de locaux peuvent effectuer sur GMBI leur déclaration foncière et de taxes d’urbanisme ([49]), suivre leurs obligations déclaratives et répondre aux demandes de fiabilisation concernant des locaux existants. Ces déclarations nourrissent le contrôle et la mise à jour des propriétés bâties par les services fonciers de la DGFiP ;

– enfin, le 18 janvier 2023 a marqué l’ouverture du module de GMBI permettant aux propriétaires de procéder en ligne à la déclaration obligatoire de la situation d’occupation de leurs biens immobiliers en vue, le cas échéant, d’une taxation à la THRS, la THLV et la TLV. Cette obligation déclarative devait initialement être réalisée au plus tard le 30 juin 2023. Toutefois, face aux difficultés rencontrées lors du déploiement de GMBI (voir infra), la fin de l’obligation déclarative a été repoussée plusieurs fois jusqu’au 10 août 2023.

La durée de développement du projet GMBI devait initialement durer quatre ans et demi – 54 mois – à partir de septembre 2018, soit un achèvement en mars 2023. Au moment de la publication du présent rapport, certains éléments de GMBI n’étaient toutefois pas encore finalisés, en particulier le module de liquidation des taxes d’urbanisme pour les grands comptes ([50]).

Jusqu’à 32 ETP (formateurs, agents « métier » et agents de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre) ont été mobilisés pour le déploiement de GMBI. Le tableau ci-dessous détaille l’évolution des effectifs mobilisés sur le projet.

Nombre d’ETP affectÉs par la DGFiP au dÉploiement de GMBI

(unités)

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

ETP

3

10

11

20

32

27

Source : DGFiP.

2.   Une mise en place difficile qui a provoqué la confusion des propriétaires et la surcharge des services de la DGFiP

Les rapporteurs ont pu, au cours de leurs travaux, constater une certaine impréparation dans le déploiement de GMBI qui, faute d’anticipation au moyen d’une étude d’impact ou d’expérimentations poussées, a accumulé des difficultés qui ont accru la charge de travail des services de la DGFiP.

En particulier, les rapporteurs souhaitent souligner la difficile mise en œuvre de la campagne de déclaration de la situation d’occupation sur GMBI lancée au premier semestre 2023 auprès des propriétaires.

a.   Le déploiement de GMBI a souffert d’une trop faible anticipation et d’un pilotage inadapté

En dépit de certaines actions de communication menées en amont du lancement du projet auprès des propriétaires, l’administration a fait preuve d’un manque d’anticipation dans la phase de déploiement de GMBI. Ces lacunes pouvaient déjà être observées dès la phase préparatoire, marquée par l’absence d’étude d’impact et d’un pilotage politique clairement identifié. La campagne de communication « tout numérique » couplée à des problèmes techniques insuffisamment anticipés se sont ajoutés à ces premières défaillances et ont organisé les conditions d’une campagne déclarative 2023 très difficile.

  1.   L’absence d’étude d’impact complète, de phase de test et de suivi approfondi de la direction du numérique de l’État (Dinum)

Si le volet de GMBI relatif au transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme a fait l’objet d’un rapport préalable de l’IGEDD et de l’IGF ([51]), la DGFiP n’a pas été en mesure de fournir aux rapporteurs une étude d’impact relative aux autres volets du projet.

La Cour des comptes ([52]) déplore par ailleurs un rôle « limité » de la Dinum dans l’élaboration et la mise en œuvre du projet. La direction n’a été saisie qu’en juin 2020, soit postérieurement à la phase d’études et de conception préalable. Si la Dinum a néanmoins rendu un avis favorable assorti de cinq points d’attention, la Cour des comptes souligne que cet avis s’est appuyé sur « des informations incomplètes ou déjà partiellement obsolètes » et qu’aucun des points d’attention n’a été clos pendant la période de suivi de la Dinum, conclue en novembre 2023.

De manière générale, les organisations syndicales de la DGFiP ont souligné « une grande précipitation » en ce qui concerne le lancement de GMBI et en particulier la campagne de déclaration d’occupation ; la DGFiP elle-même reconnaît qu’elle a rencontré « plusieurs difficultés ou irritants » dans sa mise en œuvre.

Les rapporteurs déplorent l’absence d’étude d’impact préalable à la mise en œuvre du projet GMBI ainsi que la saisine approximative de la Dinum. En outre, ils regrettent qu’aucune phase de test de l’outil n’ait été organisée.

  1.   Le défaut d’un pilotage simple et identifié

Alors que la mise en œuvre du prélèvement à la source (PAS) est souvent citée comme référentiel pertinent pour mesurer les manquements du projet GMBI, tous deux étant supervisés par la DGFiP et d’envergure comparable, la différence de gouvernance entre les deux projets n’a pas manqué d’interpeller les rapporteurs.

Le PAS avait ainsi pu bénéficier de fortes impulsions politiques plusieurs fois renouvelées, d’une administration fiscale autonome s’appuyant sur une structure légère et d’une conduite de projet satisfaisante ([53]). Cette gouvernance intelligente et adaptée a ainsi permis d’apporter de la souplesse dans la mise en œuvre du PAS, de maîtriser le coût de la réforme et d’assurer le bon déroulement de son entrée en vigueur.

A contrario, le projet GMBI a souffert de l’absence de portage politique fort et s’est caractérisé par une gouvernance complexe et diffuse. Ainsi que l’a relevé la Cour des comptes, la maîtrise d’ouvrage (MOA) et la maîtrise d’œuvre (MOE) du projet ont été assurées par des équipes différentes des services du cadastre, des particuliers et de l’informatique au sein de la DGFiP. Le portage stratégique du projet a par ailleurs été uniquement confié au niveau des chefs de service alors que la direction générale exerçait directement ce portage pour le PAS. Le positionnement hiérarchique insuffisamment élevé du portage stratégique a fragilisé la coordination des différents bureaux et a retardé le déploiement de GMBI.

Cette gouvernance inadaptée s’est notamment traduite par un allongement de la durée de développement du projet, par une absence de maîtrise de son coût ([54]) et, in fine, par une campagne déclarative 2023 particulièrement difficile.

  1.   Une campagne de communication peu efficace car essentiellement numérique et peu claire pour les usagers

Plusieurs actions de communication auprès des propriétaires ont été menées en amont de la campagne déclarative 2023.

En 2021, au moment de l’ouverture du service en consultation, la DGFiP a entrepris un travail de référencement en ligne de mots-clés ainsi que l’achat d’espaces dans la presse généraliste et spécialisée. Une vidéo de présentation et des messages ont également été postés sur les réseaux sociaux. Un communiqué de presse, une bannière relative au service ainsi que des vidéos ont été publiés sur le site impots.gouv.fr. Au total, le budget consacré à la communication externe sur les années 2021 à 2023 s’est élevé à environ un million d’euros.

Les actions à destination des usagers se sont amplifiées lors de la campagne des avis 2022. Afin de promouvoir le service, un message spécifique a été affiché en première page des avis de taxe foncière, de THLV et de TLV. Par ailleurs, un encart GMBI complétant le message a été joint à tous les avis de taxe foncière papier (environ 22 millions d’avis) envoyés à l’automne 2022 pour les usagers n’ayant pas opté pour la dématérialisation ou rencontrant des difficultés avec Internet. Cet encart était également disponible en version dématérialisée. Toutefois, la communication durant cette période a été davantage axée sur la mise à disposition de nouveaux services plutôt que sur la nouvelle obligation déclarative.

Ces actions de communication ont permis de commencer à faire connaître GMBI. Ainsi, 15 millions de connexions au service GMBI ont été enregistrées entre l’ouverture du service et le début de la campagne des déclarations d’occupation début 2023. Elles ont donné lieu à 390 000 demandes d’informations transmises par la messagerie sécurisée aux services fonciers.

La campagne de déclaration de la situation d’occupation sur GMBI, censée avoir lieu au cours du premier semestre 2023, a mené à de nouvelles actions de communication de la part de la DGFiP.

Les actions de communication menées lors de la campagne de déclaration 2023

Le plan de communication s’est intensifié début 2023, avec les principales actions suivantes :

– Communiqué de presse le 23 janvier 2023.

– Interviews dans les médias et la presse.

– Diffusion d’un support « Vrai-Faux » pour déminer les principales fausses idées circulant sur GMBI.

– Actualisation du tutoriel GMBI sur Youtube.

– Envoi massif de courriels à destination des propriétaires personnes morales puis des particuliers pour leur rappeler leur obligation déclarative : 17 millions de courriels envoyés le 23 février 2023 pour les personnes morales et du 6 au 16 mars pour les personnes physiques.

– Lancement de la campagne digitale le 9 mars.

– Utilisation de la campagne de déclaration des revenus 2023 pour promouvoir GMBI auprès des particuliers : fenêtre « pop-in », intégration de messages en début de page des déclarations annexes d’impôt sur la fortune immobilière et de revenus fonciers, affichage d’un message dédié et d’un lien vers le service GMBI sur l’écran de fin du parcours déclaratif en ligne.

Ces actions de communication, bien qu’utiles, ont présenté un biais majeur : la numérisation par défaut. Ainsi, en raison de son coût élevé, la DGFiP a décidé de ne pas procéder à l’envoi de courriers papier aux usagers sans adresse courriel. Cela s’est révélé être contre-productif car les usagers concernés, souvent des personnes âgées éloignées du numérique, ne se sont rendu compte de leur obligation déclarative que lors des opérations de relance ultérieures (qui étaient au format numérique et papier). Ces opérations de relance, assorties de la mention des sanctions applicables en l’absence de réponse, ont conduit à un afflux d’usagers inquiets auprès des services des DRDFiP, qui se sont retrouvés engorgés.

Les premières relances au format papier ne sont ainsi intervenues qu’entre le 12 et le 16 juin 2023, soit deux semaines avant l’échéance officielle de l’obligation déclarative, fixée au 30 juin 2023. En conséquence, la date limite de déclaration a été repoussée à plusieurs reprises pour s’établir finalement au 10 août 2023.

La campagne de communication n’a par ailleurs pas réussi à faire comprendre simplement aux propriétaires la nature de leur obligation déclarative, qui ne portait que sur la situation d’occupation des biens immobiliers. Beaucoup de propriétaires se sont en effet concentrés sur le descriptif des locaux auquel ils avaient désormais accès, ce qui a conduit à des réticences à réaliser la démarche déclarative et à beaucoup de sollicitations des services fonciers (voir infra).

En effet, les éléments retenus par les services fiscaux et par les particuliers pour caractériser leurs biens immobiliers diffèrent, ce qui a été source de nombreuses incompréhensions. En particulier, la notion de « surface » varie selon ce qui est considéré :

Source : DDFiP du Puy-de-Dôme.

  1.   Les défaillances techniques de GMBI

À son ouverture, le service GMBI a connu des indisponibilités et des bugs qui ont contribué à déstabiliser davantage les usagers.

Ainsi, l’affichage des locaux ne permettait pas toujours de visualiser les dépendances rattachées au local principal. L’absence d’un accusé de réception après validation a conduit de nombreux usagers à ressaisir une déclaration, inquiets de ne pas avoir reçu de confirmation. En outre, certaines informations dans les données d’occupation restituées aux propriétaires par la DGFiP étaient erronées du fait d’une fiabilisation insuffisante des bases en amont.

Ce parcours s’est également avéré complexe dès lors qu’une situation particulière devait être déclarée (SCI immobilières, résidences étudiantes, propriétaires de locaux professionnels soumis à la TH, nue-propriété, viager) et le vocabulaire technique utilisé par les services fiscaux n’était pas toujours approprié et compréhensible pour les usagers.

  1.   Une déclaration trop complexe pour les grands comptes

Au moment de la campagne déclarative, les personnes physiques et morales propriétaires de plus de 200 biens – s’élevant à environ 3 500 personnes – ont dû réaliser une déclaration spécifique en raison de la nature de leur patrimoine via un mode opératoire particulier par dépôt de fichier.

Cette modalité déclarative a également rencontré de nombreuses difficultés du fait d’une mise à disposition très tardive du dispositif technique de dépôt de fichier, de la complexité pour remplir le fichier ainsi que de règles de gestion restrictives qui conduisaient au rejet total du fichier dès qu’une ligne était en erreur.

Les difficultés rencontrées par ces propriétaires, appelés « grands comptes », ont même mené à la création d’une équipe d’accompagnement au sein de la DGFiP à la fin du mois de juillet.

b.   Une campagne déclarative uniquement en ligne qui a perturbé les propriétaires et mené à de nombreuses erreurs dans les avis d’imposition

L’insuffisante préparation de la DGFiP à la campagne de déclaration 2023 détaillée précédemment a contribué à la multiplication de déclarations erronées voire à l’absence de déclaration. Cela s’est finalement traduit par de nombreuses erreurs dans les avis d’imposition relatifs à la THRS, la THLV et la TLV.

  1.   Des propriétaires confrontés à une obligation déclarative uniquement en ligne

Selon la DGFiP, la nouvelle déclaration d’occupation des biens immobiliers devait se faire uniquement en ligne en 2023 pour éviter « le risque d’une déclaration effectuée massivement au format papier susceptible de se traduire par un afflux de formulaires papier à saisir manuellement dans les services de la DGFiP ».

Si cette considération est compréhensible compte tenu du nombre élevé de déclarations attendues (24,8 millions de propriétaires soumis à l’obligation déclarative), elle a néanmoins ignoré les usagers propriétaires éloignés d’Internet ou en situation d’illectronisme.

Afin d’accompagner les usagers propriétaires faisant face à ces difficultés, un numéro national était censé permettre de contacter l’administration fiscale ([55]). Les propriétaires pouvaient également se rendre directement dans le service des impôts des particuliers (SIP) compétent, si cela leur était possible, afin qu’il prenne en charge, le cas échéant, leur déclaration d’occupation.

Ces solutions se sont trouvées rapidement limitées en raison de l’afflux de demandes qui a engorgé les services fiscaux (voir infra). De fait, un nombre significatif de personnes a des difficultés à recourir à des services numériques en ligne. Selon le baromètre numérique Arcep/Credoc 2021 cité par le rapport 2022 sur la dématérialisation des services publics du Défenseur des droits ([56]), 1 personne sur 10 n’a pas d’accès à Internet et 35 % de la population rencontre, à un titre ou un autre, des difficultés pour utiliser les outils numériques.

En outre, les propriétaires occupants sont en moyenne plus âgés que les locateurs. Or, l’illectronisme touche plus particulièrement les populations âgées : 61,9 % des 75 ans ou plus et 24,2 % des 60-74 ans contre 5,9 % pour les 40-59 ans et 4,3 % pour les 25-39 ans selon l’Insee ([57]).

Si certaines DRDFiP ont pu recourir à des formulaires papiers de leur propre initiative pour aider les usagers, la DGFiP a bien donné consigne de ne pas en utiliser, renforçant les difficultés des agents à accompagner les personnes ayant du mal à manipuler Internet. Cette situation a en outre introduit une inégalité de traitement entre les contribuables que les rapporteurs estiment injustifiable.

Par ailleurs, en cas de défaut de déclaration d’occupation, les propriétaires encouraient en principe une amende de 150 euros par lot fiscal. Si la DGFiP a finalement décidé de ne pas collecter ces amendes au titre de la campagne 2023 compte tenu des difficultés déclaratives, cette menace a renforcé l’anxiété des contribuables et accru leur désarroi.

  1.   Des défaillances déclaratives élevées malgré des reports successifs

Les nombreuses difficultés rencontrées par les propriétaires dans leurs démarches déclaratives ont conduit la DGFiP à repousser la date finale de déclaration du 30 juin au 31 juillet 2023, seuls 50 % des propriétaires de moins de 200 locaux ayant réalisé leur déclaration au 23 juin 2023 ([58]). Face aux difficultés techniques rencontrées par l’application GMBI, un délai de 24 heures a ensuite été accordé aux propriétaires puis la DGFiP a de nouveau repoussé l’échéance de déclaration au 10 août 2023.

Ces reports successifs ont contribué à rendre la campagne de déclaration plus confuse encore pour les propriétaires et soulignent un manque de préparation préoccupant de la part de la DGFiP.

À l’issue de la première campagne déclarative 2023, qui a donc bénéficié de reports successifs, seuls 73 % des propriétaires avaient rempli leurs obligations déclaratives. Parmi eux, 64 % des grands comptes (propriétaires de plus de 200 biens) avaient déclaré leurs biens à l’issue de la campagne 2023.

Ainsi, parmi les 71,4 millions de locaux, 55,2 millions ont été déclarés entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2024, soit 77,3 % de l’ensemble. Une grande disparité est également constatée entre les grands comptes – dont seuls 47,2 % des locaux ont été déclarés – et les autres propriétaires – dont 83,5 % des locaux ont été déclarés.

  1.   Des erreurs manifestes dans l’émission des avis d’imposition

Traduction de la mise en œuvre difficile de GMBI et des déclarations d’occupation erronées ou défaillantes, de nombreux citoyens – pas nécessairement propriétaires – ont reçu des avis d’imposition erronés au titre de la THRS, de la THLV ou de la TLV.

La presse s’est ainsi fait l’écho de situations parfois ubuesques vécues par certains Français ([59]) : de jeunes enfants redevables de la THRS, des propriétaires redevables de la THRS sur une partie de leur résidence principale considérée comme une résidence secondaire (balcon, terrasse)… En tout, 16 500 avis de THRS ont été envoyés par erreur à des enfants mineurs.

Hormis cette donnée précise, la DGFiP n’a pas fourni aux rapporteurs le nombre exact d’avis d’imposition erronés liés aux erreurs ou aux absences de déclaration d’occupation lors de la campagne 2023 ainsi que les montants associés.

La hausse du nombre de procédures contentieuses relatives à la THRS, à la THLV et à la TLV permet toutefois d’appréhender l’ampleur de ces défaillances. Au titre de ces trois impositions, la DGFiP recensait ainsi 661 039 contentieux en 2022, contre 1 299 260 en 2023, soit une augmentation de 638 221 du nombre de procédures contentieuses, un quasi-doublement en un an (+ 97 %). Dans le même temps, le nombre d’avis d’imposition de THRS, de THLV et de TLV n’augmentait que de 8 %.

Le nombre de contentieux n’est toutefois qu’une approximation qui ne permet pas d’attribuer précisément les erreurs à des déclarations erronées ou à des défaillances de GMBI. Par définition, il ne reflète pas non plus les erreurs d’imposition qui n’ont pas donné lieu à une contestation de la part du contribuable.

Proposition n° 9 : Communiquer le nombre d’avis d’imposition erronés, pour la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et les taxes sur les logements vacants, résultant d’erreurs ou d’absence de déclaration d’occupation lors de la campagne 2023 et les montants associés.

c.   Des services fiscaux surchargés par les sollicitations au moment de la déclaration puis lors des émissions d’avis d’imposition

Les services fiscaux, qui peuvent être contactés par les citoyens au moyen de la messagerie sécurisée e-contact, par téléphone ou sur place dans les accueils physiques des DRDFiP, ont subi une hausse massive de leurs sollicitations durant toute la période de mise en œuvre de GMBI puis lors du recouvrement des impôts locaux.

À cet égard, les rapporteurs souhaitent souligner le professionnalisme et l’engagement des agents de la DGFiP et de ses services déconcentrés qui ont répondu consciencieusement aux très nombreuses demandes des propriétaires.

 Les sollicitations par la messagerie sécurisée e-contact

Cette messagerie, accessible sur le site impots.gouv.fr, a d’abord été utilisée par les propriétaires au printemps, lors de la campagne déclarative des occupants des logements, à deux titres :

– à propos de la déclaration des occupants elle-même (« comment remplir la déclaration ? », « quels sont les occupants à déclarer ? », « quelles données doivent être complétées ? »…). 992 516 messages e-contact ont été reçus en 2023 sur ce motif ;

– à propos du descriptif du bien immobilier. Même si le propriétaire n’était tenu que de déclarer les occupants de ses logements, un nombre important d’entre eux s’est interrogé sur les caractéristiques de leurs biens affichées dans leur espace « Biens immobiliers ». Le descriptif du bien (surface, nombre de pièces, éléments de confort) restitué au propriétaire dépend en effet de la qualité des données collectées auprès des propriétaires successifs. Toutes les informations concernant un bien que son propriétaire juge manquantes ou erronées peuvent faire l’objet d’une demande auprès de l’administration fiscale via la messagerie sécurisée accessible dans l’espace personnel sur le site impots.gouv.fr, en choisissant le thème « J’ai une question sur le descriptif de mon bien immobilier ». Entre l’ouverture de l’espace de consultation des descriptifs des biens en août 2021 et fin 2022, 439 106 messages ont été adressés aux services fonciers de la DGFiP. Sur la seule année 2023, 1,6 million de messages leur ont été adressés.

sollicitations adressÉes À la DGFiP via e-contact au sujet du service « biens immobiliers » (*)

(unités)

Années

2021

2022

2023

Évolution 2021-2023

Descriptif d’un bien immobilier

109 126

329 980

1 564 887

+ 1 334 %

Déclaration foncière et de taxe d’urbanisme

 

 

275 202

 

Déclaration d’occupation et de loyer d’un bien immobilier

 

 

992 516

 

Total des sollicitations via e-contact service « Biens immobiliers »

109 126

329 980

2 832 605

+ 2 496 %

(*) Rubrique : J’ai une question sur le service « Biens immobiliers »

Source : DGFiP.

Par la suite, au moment de l’émission des avis d’imposition de THRS, de TLV et de THLV à l’automne 2023, les redevables ont sollicité des explications sur leur imposition ou ont formulé des réclamations contentieuses.

Au titre de la THRS, de la TLV et de la THLV, 901 937 demandes d’information et réclamations ont ainsi été adressées, en 2023, via la messagerie econtact contre 652 248 en 2022, soit une hausse de 38 % en un an. Il s’agit d’une augmentation d’autant plus importante qu’en 2022 des contentieux et des sollicitations portaient également sur la THRP qui restait en partie due pour 20 % des foyers.

demandes d’information et rÉclamations adressÉes À la DGFiP via e‑contact au sujet des impôts locaux (*)

(unités)

 

2021

2022

2023

Évolution 2021-2023

Taxe d’habitation (et contribution à l’audiovisuel public)

694 566

550 559

675 088

- 3 %

Taxes foncières (TF)

339 057

359 474

636 279

+ 88 %

Taxes sur les locaux vacants (TLV)

53 284

60 300

143 077

+ 169 %

Taxe d’habitation sur les locaux vacants (THLV)

40 676

41 389

83 772

+ 106 %

Taxes d’aménagement et d’archéologie préventive (TAAP)

 

 

3 065

 

Total des sollicitations via e-contact « questions portant sur les impôts locaux »

1 127 583

1 011 722

1 538 216

+ 36 %

(*) Rubriques : Je signale une erreur sur le calcul de mon impôt / J’ai une question sur mes impôts locaux (taxes d’habitation, foncières, d’aménagement, sur les logements vacants…)

Source : DGFiP.

● Les sollicitations téléphoniques au numéro national

Le nombre d’appels décrochés par les centres de contact a nettement augmenté entre 2022 et 2023, passant de 2,7 millions à 3,7 millions (+ 38 %). En 2023, 830 000 appels auxquels un conseiller a répondu étaient en lien avec les démarches GMBI (42 % pour de l’accompagnement, 58 % pour une saisie de la déclaration).

Nombre d’appels dÉcrochÉs par un conseiller d’un centre de contact

(unités)

 

2021

2022

2023

Nombre d’appels

2 753 540

2 694 342

3 726 062

Source : DGFiP.

Face à cette surcharge de travail, les organisations syndicales ont confié aux rapporteurs que certains services avaient été contraints de prendre l’initiative de couper leur ligne téléphonique pour se concentrer sur les réponses aux sollicitations écrites.

 Les sollicitations dans le cadre de l’accueil physique

Si ces sollicitations sont impossibles à chiffrer, la DGFiP assurant ne pas dénombrer les accueils physiques de manière exhaustive, les rapporteurs ont pu recueillir les témoignages d’agents de la DGFiP faisant état de files d’attente conséquentes et de quelques signalements d’incidents physiques dans les centres d’accueil.

À cet égard, les rapporteurs souhaitent souligner que les espaces France services permettent également de répondre à certaines des questions fiscales des contribuables. Si les agents de France services ne peuvent assurer le même degré de technicité que les DRDFiP, il s’agit toutefois d’un moyen utile de désengorgement des accueils physiques des services fiscaux. Il convient ainsi de renforcer la formation des agents qui y travaillent.

Proposition n° 10 : Renforcer la formation des agents France services en matière d’aide aux démarches déclaratives relatives aux impôts locaux.

L’ensemble de ces données reflète la saturation des services fiscaux tout au long de l’année 2023, se traduisant par un surplus de travail particulièrement pénible pour les agents. En dépit du recrutement d’agents supplémentaires pour faire face à cette situation – renchérissant le coût du projet (voir infra) – toutes les demandes n’ont pas pu être traitées, les DRDFiP se trouvant contraintes d’en clore plus de 54 000 ([60]) sans les avoir résolues en mai 2024.

d.   Le coût du projet GMBI continuellement renchéri

Originellement fixé à 12,7 millions d’euros dans les documents budgétaires en septembre 2020, le coût total du projet a été réévalué par la DGFiP à 35,7 millions d’euros deux ans plus tard à l’issue du suivi de la Dinum. La Cour des comptes ([61]) a ainsi déploré un quasi triplement du coût dû au manque d’anticipation de la DGFiP, l’estimant à 37,2 millions d’euros ([62]). En particulier, le coût du module de liquidation des taxes d’urbanisme, intégré en cours de développement du projet, a été pris en compte tardivement. Certaines actions n’avaient en outre pas fait l’objet d’une estimation chiffrée et le périmètre des dépenses de personnel a été réajusté en cours d’exécution, menant la Cour des comptes à s’interroger sur la sincérité des documents fournis à la Dinum en amont du lancement de GMBI. En tout état de cause, le développement du projet n’étant pas encore terminé, il s’agira d’en tirer un bilan financier complet à terme.

Il convient également d’ajouter au coût total du projet les mesures d’urgence prises par l’administration pour pallier les difficultés rencontrées au cours de la campagne 2023.

Ces mesures ont pris la forme de recrutements exceptionnels :

– le recrutement de 127 contractuels pour aider les DRDFiP au titre de la campagne GMBI à l’automne 2023 sur une période d’un an et pour un coût estimé à 3,9 millions d’euros. Ces contractuels ont été recrutés fin 2023 sur la base des demandes des directions ;

– le recrutement d’auxiliaires (196,7 ETP) déployés en trois vagues au cours de l’année 2023 au sein des DRDFiP. À la différence des agents contractuels, ces auxiliaires avaient vocation à réaliser des missions courtes et ponctuelles. Leur coût total s’élève à 6,3 millions d’euros ;

– la mise en œuvre d’une « task force », composée de 21 agents, destinée à accompagner les multipropriétaires. Déployée ponctuellement pour moins d’un mois, son coût n’a pas pu être estimé.

Enfin, une prime de 500 euros bruts a été octroyée en décembre 2023 à 18 085 agents, soit 19 % de l’ensemble des agents de la DGFiP, afin de reconnaître leur engagement au cours de la campagne 2023. Le coût de cette prime s’élève en tout à 9 millions d’euros.

Au total, ces mesures d’urgence s’élèvent à environ 20 millions d’euros, portant à près de 57 millions d’euros le coût du projet GMBI, un montant plus de 4 fois supérieur à celui estimé initialement en septembre 2020.

L’absence de recours aux procédures papier n’explique certes pas l’ensemble des dysfonctionnements du projet mais a, comme exposé précédemment, eu des conséquences majeures pour les contribuables et les agents de la DGFiP menant à la mise en place de mesures d’urgence coûteuses.

B.   1,4 milliard d’euros De dÉgrÈvements À la charge exclusive de l’État au titre de 2023 au bÉnÉfice des collectivitÉs locales

En 2023, la DGFiP a procédé à des dégrèvements importants de THRS, de THLV et de TLV d’un montant total de 1,4 milliard d’euros. Ces dégrèvements sont intégralement à la charge de l’État, y compris pour la THRS et la THLV dont les produits sont perçus par les collectivités territoriales.

Une partie de ces dégrèvements traduisent les ressauts de THRS, de THLV et de TLV dus aux erreurs de gestion de ces impôts liées à la campagne déclarative d’occupation de 2023.

1.   Des dégrèvements massifs mais non automatiques

Les dégrèvements de fiscalité sont opérés à l’appui d’une réclamation contentieuse transmise par la personne qui conteste son imposition. Les dégrèvements ne sont donc pas, en principe, opérés automatiquement.

Seule la situation des enfants mineurs taxés à tort au titre de la THRS a donné lieu à un dégrèvement d’office sans réclamation préalable de leurs parents. 16 500 dégrèvements d’office ont ainsi été opérés pour une valeur totale de 15 millions d’euros.

En effet, la DGFiP distingue les anomalies liées au fonctionnement du traitement de la taxation qui donnent lieu à un dégrèvement d’office (taxation des enfants mineurs à tort) des autres types de dysfonctionnements liés à des erreurs déclaratives ou à des bases non fiabilisées. Ces derniers doivent faire l’objet d’une contestation du contribuable pour bénéficier du dégrèvement.

a.   Plus d’un milliard d’euros de dégrèvements de THRS au titre de 2023

Les motifs de dégrèvements de THRS sont de plusieurs natures : les anomalies liées au fonctionnement du traitement de la taxation, à l’instar de la taxation des enfants mineurs ; les absences de mise à jour du système d’information de la DGFiP suite à des changements d’affectation de locaux (local à usage d’habitation transformé en local professionnel par exemple) ; les erreurs et défaillances déclaratives.

Les erreurs et défaillances déclaratives peuvent prendre diverses formes :

– l’absence de déclaration d’un changement d’adresse à l’impôt sur le revenu par les contribuables. L’adresse déclarée sur la déclaration des revenus permet en effet de déterminer l’adresse du domicile principal. Lorsqu’un locataire ne déclare pas son changement d’adresse, l’administration considère que son nouveau logement est une résidence secondaire et le taxe à la THRS ;

– les erreurs déclaratives des bailleurs. Exemple : un propriétaire a déclaré une personne morale occupante d’un logement, en lieu et place de l’occupant réel à savoir la personne physique. La personne morale est alors taxée à tort ;

– les défaillances déclaratives des bailleurs : si le propriétaire n’effectue pas sa déclaration d’occupation, le locataire est considéré comme occupant toujours le logement alors même qu’il a déménagé et qu’il a déclaré à l’administration son changement d’adresse. L’administration considère alors qu’il occupe deux logements et taxe l’un des deux à la THRS.

Les situations de défaillances et erreurs déclaratives des bailleurs d’une part, et l’absence de mise à jour de l’adresse du domicile principal sur la déclaration des revenus par les locataires d’autre part, expliquent une grande majorité des cas de dégrèvements.

Le délai de réclamation contentieuse s’achève le 31 décembre de l’année qui suit celle de la mise en recouvrement de l’impôt.

En 2023, le nombre de dégrèvements de THRS s’est élevé à plus de 960 000, soit un doublement par rapport à 2022. Les montants de THRS dégrevés ont, eux, été presque multipliés par trois, passant de 377 millions d’euros en 2022 à 1,067 milliard d’euros en 2023 (+ 183 %). Le montant des dégrèvements de THRS représentait ainsi en 2023 plus d’un quart (26,8 %) du produit de cet impôt contre 12,7 % en 2022.

Cette augmentation considérable des montants dégrevés est directement liée aux dysfonctionnements rencontrés lors du déploiement de GMBI. En effet, la hausse des montants dégrevés est proportionnellement bien plus importante que celle du montant recouvré de THRS du fait de l’évolution des bases et des taux (+ 183 % contre + 34 %). L’augmentation différenciée des montants recouvrés et des montants dégrevés illustre ainsi l’importance des ressauts de THRS dus aux erreurs des avis d’imposition émis.

Évolution du Nombre d’avis et de dÉgrÈvements de THRS et montants mis en recouvrement et dÉgrevÉs entre 2022 et 2023 (*)

 

Nombre d’avis de THRS

Montants mis en recouvrement

(en millions d’euros)

Nombre de
de contentieux

Montants dégrevés

(en millions d’euros)

Part du nombre de dégrèvement dans les avis émis (en %)

Part des montants dégrevés dans les montants recouvrés (en %)

2022

3 836 524

2 967,8

482 631

376,6

12,6 %

12,7 %

2023

3 941 908

3 980,3

961 924

1 066,4

24,4 %

26,8 %

Évolution 2022-2023

+ 105 384

+ 1 012,5

+ 479 293

+ 689,8

-

-

+ 2,7 %

+ 34,1 %

+ 99,3 %

+ 183,1 %

-

-

(*) Situation au 5 mai 2025.

Source : DGFiP

b.   Un doublement du nombre de dégrèvements en matière de taxes sur les logements vacants (TLV/THLV)

  1.   Il existe deux sortes de taxes relatives aux logements vacants

● La taxe sur les logements vacants (TLV), instituée à l’article 232 du CGI, s’applique aux logements libres de toute occupation pendant au moins une année au 1er janvier de l’année d’imposition. Les logements vacants sont habitables ([63]) mais, contrairement aux résidences secondaires, ne sont pas meublés. Une occupation momentanée (inférieure à 91 jours consécutifs) ne remet pas en cause la vacance. La TLV n’est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable.

La TLV est affectée au budget général de l’État. L’assiette est la valeur locative du logement. Le débiteur est le propriétaire, l’usufruitier, le preneur à bail à construction ou à réhabilitation ou l’emphytéote. La loi de finances pour 2023 ([64]) a modifié les taux de TLV qui s’élèvent à 17 % la première année d’imposition et à 34 % à compter de la deuxième année ([65]). La TLV s’applique seulement dans les communes incluses dans un périmètre (ou zonage) défini par deux critères cumulatifs :

– l’appartenance à une zone d’urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants ;

– un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant. Ce déséquilibre s’apprécie en tenant compte, notamment, du niveau élevé des loyers, du niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou du nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social.

Ce périmètre correspond aux zones dites tendues pour l’accès au logement. L’urbanisation continue est appréciée sur la base des unités urbaines au sens de l’Insee. La loi de finances pour 2023 ([66]) a élargi ce zonage à d’autres communes, en particulier les communes touristiques « tendues », notamment sur les façades atlantiques et méditerranéennes, en Corse et dans les zones de montagne. Cet élargissement a été rendu effectif par le décret du 25 août 2023 ([67]) pour les impositions applicables à compter de 2024.

● La taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV), prévue par l’article 1407 bis du CGI, peut être instituée sur délibération du conseil municipal dans les communes où ne s’applique pas la TLV, c’est-à-dire celles « hors zonage ». Un même logement ne peut donc pas être imposé à la fois à la TLV et à la THLV. La vacance du logement est définie comme pour la TLV, à ceci près que la THLV ne s’applique qu’à compter de deux années de vacance (contre une pour la TLV).

À titre subsidiaire, un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) peut aussi instituer la THLV sur le territoire de celles de ses communes membres qui n’ont pas déjà institué la taxe et qui ne relèvent pas de la TLV. Le taux applicable est celui de la TH de la commune ou celui de l’EPCI à fiscalité propre. Elle est perçue par la commune ou l’EPCI qui l’a instituée.

  1.   Des dégrèvements en forte hausse pour l’année 2023

Plusieurs situations peuvent donner lieu à un dégrèvement de TLV ou de THLV :

 le local n’est pas à usage d’habitation ;

– le logement se trouve vacant indépendamment de la volonté de son propriétaire ;

– le logement est occupé plus de 90 jours de suite au cours d’une année ;

– le logement nécessite des travaux importants pour être habitable (le prix des travaux doit excéder 25 % de la valeur du bien) ;

– il s’agit d’une résidence secondaire meublée soumise à la taxe d’habitation ;

– le local a été déclaré à tort comme vacant.

Le délai de réclamation contentieuse s’achève le 31 décembre de l’année qui suit celle de la mise en recouvrement de l’impôt.

En 2023, le nombre de dégrèvements de THLV et de TLV s’est élevé respectivement à plus de 100 000 et près de 240 000, soit au total près de 340 000, en hausse de 90 % par rapport à 2022.

Les montants de THLV et de TLV dégrevés ont augmenté encore plus fortement, passant au total de 125 millions d’euros en 2022 à 332 millions d’euros en 2023 (+ 167 %). Ainsi, le montant des dégrèvements de THLV et de TLV, historiquement déjà élevés, représentaient en 2023 plus de la moitié (54,5 %) du produit de ces deux impôts contre 42,6 % en 2022.

Évolution du Nombre d’avis et de dÉgrÈvements de THLV et montants mis en recouvrement et dÉgrevÉs entre 2022 et 2023 (*)

 

Nombre d’avis de THLV

Montants mis en recouvrement

(en millions d’euros)

Nombre de
de contentieux

Montants dégrevés

(en millions d’euros)

Part du nombre de dégrèvement dans les avis émis (en %)

Part des montants dégrevés dans les montants recouvrés (en %)

2022

163 948

92,0

50 162

30,5

30,6 %

33,2 %

2023

260 513

152,0

100 232

62,4

38,5 %

41,1 %

Évolution 2022-2023

+ 96 565

+ 60,0

+ 50 070

+ 31,9

-

-

+ 58,9 %

+ 65,3 %

+ 99,8 %

+ 104,6 %

-

-

(*) Situation au 5 mai 2025.

Source : DGFiP

Évolution du Nombre d’avis et de dÉgrÈvements de TLV et montants mis en recouvrement et dÉgrevÉs entre 2022 et 2023 (*)

 

Nombre d’avis de TLV

Montants mis en recouvrement

(en millions d’euros)

Nombre de
de contentieux

Montants dégrevés

(en millions d’euros)

Part du nombre de dégrèvement dans les avis émis (en %)

Part des montants dégrevés dans les montants recouvrés (en %)

2022

252 509

200,5

128 246

94,1

50,8 %

46,9 %

2023

403 520

457,6

237 104

269,8

58,8 %

58,9 %

Évolution 2022-2023

+ 151 011

+ 257,1

+ 108 858

+ 175,7

-

-

+ 59,8 %

+ 128,3 %

+ 84,9 %

+ 186,8 %

-

-

(*) Situation au 5 mai 2025.

Source : DGFiP

S’il n’est pas possible à la DGFiP de distinguer précisément l’évolution des dégrèvements causée par les avis d’impositions erronés, l’augmentation supérieure des montants dégrevés (+ 167 %) à celle des montants mis en recouvrement (+ 108 %) illustre bien les effets des dysfonctionnements résultant de la mise en place de GMBI.

2.   1,4 milliard d’euros de dégrèvements à la charge de l’État au titre de 2023, versés aux collectivités territoriales

Le produit des rôles de THRS et de THLV au titre de l’année 2023 ([68]) a été reversé en intégralité aux communes et aux EPCI le 20 décembre 2023 et, ainsi que la DGFiP l’a confirmé aux rapporteurs, les collectivités territoriales n’ont pas connu de variation ultérieure du produit reçu au titre de 2023.

Les dégrèvements sont en effet pris en charge par l’État, à l’exclusion de ceux qui sont imputés aux collectivités en application de la loi : erreur dans l’appréciation de la vacance de logements imposés à la THLV, dégrèvements relatifs à la majoration de la THRS ([69]) et dégrèvements prononcés au titre de la taxe finançant la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI).

Toutefois, si le produit pour l’année 2023 de THRS et de THLV est sanctuarisé, la correction des bases qui s’est opéré pour les impositions en 2024 a pu faire craindre un risque de perturbation des prévisions budgétaires des collectivités.

La DGFiP a ainsi indiqué que le calcul des bases prévisionnelles d’imposition de la THRS pour l’année 2024 a été aménagé « pour tenir compte de l’évolution atypique des bases d’imposition 2023 ». Les bases prévisionnelles notifiées en mars 2024 aux collectivités ont donc tenu compte des dégrèvements de THRS de l’année 2023 opérés jusqu’au début de l’année 2024.

L’État a ainsi pris à sa charge 1,4 milliard d’euros de dégrèvement de THRS, de THLV et de TLV au titre de l’année 2023, soit 179 % de plus qu’en 2022.

Évolution du Nombre de dÉgrÈvements et du montant dÉgrevÉ de THRS, de THLV et de TLV entre 2022 et 2023 (*)

 

Nombre de
de contentieux

Montants dégrevés

(en millions d’euros)

2022

661 039

501,2

2023

1 299 260

1 398,6

Évolution 2022-2023

+ 638 221

+ 897,4

+ 96,5 %

+ 179,0 %

(*) Situation au 5 mai 2025.

Source : DGFiP

La DGFiP n’a pas été en mesure de communiquer le montant du surcoût engendré par les seuls dysfonctionnements liés à GMBI (anomalies, absence de mise à jour du système d’information, erreurs et défaillances déclaratives).

Outre le coût particulièrement élevé de la campagne 2023, ce chiffre révèle en creux l’importance des dégrèvements de THRS, de THLV et de TLV et souligne l’urgence de fiabiliser les données foncières. S’il s’agit précisément du rôle de GMBI, son appropriation par les propriétaires doit être encore renforcée et accompagnée. À cet égard, des témoignages d’utilisateurs recueillis en ligne ([70]) déplorent unanimement un service « inefficace et complexe » sans possibilité d’être aidé par un agent.

Proposition n° 11 : Améliorer le parcours déclaratif des propriétaires en explicitant clairement les objectifs poursuivis et en renforçant l’ergonomie de l’application GMBI.

C.   Une campagne dÉclarative 2024 qui s’est mieux dÉroulÉe malgrÉ des dÉgrÈvements encore trÈs ÉlevÉs

Tirant les leçons de la mise en place imparfaite du dispositif GMBI et en particulier des difficultés de déclaration d’occupation, la DGFiP a lancé un plan d’action pluriannuel qui comporte un volet « occupation » en 41 points visant à préparer la campagne déclarative de 2024 ([71]).

Celle-ci a été d’une ampleur moindre que celle de 2023 car elle ne visait que les propriétaires devant signaler des changements de situation à l'administration fiscale. Elle s’est déroulée d’une manière plus sereine, tant pour les contribuables que pour les agents de la DGFiP.

Les montants des dégrèvements de THRS, de THLV et de TLV demeurent néanmoins à des niveaux élevés en 2024, malgré une baisse notable par rapport à 2023, ce qui conduit les rapporteurs à formuler des recommandations complémentaires au plan d’action auquel ils souscrivent par ailleurs.

1.   Un plan d’action pertinent qui se nourrit des expériences de terrain

a.   Cinq axes d’amélioration identifiés par la DGFiP

Le volet « occupation » du plan d’action de la DGFiP se compose de cinq « chantiers » déclinés en plusieurs thèmes comportant des actions (voir annexe). Ils recouvrent plusieurs axes d’amélioration identifiés après la campagne 2023 :

 « Préparer la campagne déclarative » qui comporte des actions visant à fiabiliser le périmètre des biens des propriétaires ainsi que des actions de communication et de relance ciblées ;

 « Aménager les parcours déclaratifs » qui vise à faciliter les déclarations des petits propriétaires (formulaire « papier », accusé de réception, amélioration de l’ergonomie de GMBI…) et des grands comptes ;

 « Aménager l’environnement applicatif » qui tend à renforcer le pilotage des différents modules de GMBI afin notamment de limiter les erreurs de taxation, de fiabiliser les restitutions statistiques et d’améliorer la gestion des dossiers pour les agents ;

 « Formation, assistance et accompagnement » qui comprend différentes actions d’assistance aux usagers et de renforcement de la formation aux agents ;

 « Suivi juridique, axes de contrôles et échanges de données » qui inclut des actions de modification du cadre législatif applicable, des actions visant à améliorer l’échange de données avec les tiers (collectivités locales notamment) ainsi que des actions de vérification et de contrôle des impositions.

b.   Des états d’avancement différenciés

  1.   Un tiers des actions réalisées

15 des 41 actions du plan ont été achevées à 100 %, ce qui a permis d’améliorer nettement la campagne déclarative 2024 (voir infra).

Les actions les plus urgentes ont ainsi été mises en œuvre rapidement en vue de la campagne 2024, à l’instar de la mise à disposition d’un formulaire « papier » (effectif depuis mars 2024) et de l’instauration d’un accusé de réception et d’une déclaration au format PDF dès la fin 2023. Le parcours déclaratif a été amélioré, en y clarifiant les notions de résidence secondaire et de local vacant (avril 2024), distinction mal comprise à l’origine de nombreuses erreurs de déclaration.

Le parcours déclaratif des grands comptes a été particulièrement ciblé du fait d’un taux de déclaration bien plus faible que pour l’ensemble des déclarations lors de la campagne 2023. Un outil d’aide à l’assistance nommé Vivaldi a été développé et diffusé à partir d’avril 2024 à destination des agents. Le fichier grands comptes a été simplifié pour faciliter son intégration.

Le parcours des petits propriétaires a été également amélioré en établissant un lien entre la déclaration d’occupation et la déclaration d’impôt sur le revenu. À partir de 2024, les contribuables propriétaires sont, après validation de leur déclaration de revenus en ligne, automatiquement redirigés vers l’outil de déclaration d’occupation via une fenêtre « pop-in », l’affichage d’un message dédié aux propriétaires et d’un lien vers GMBI.

Par ailleurs, plusieurs actions de communication ont été menées en ciblant différents publics :

– l’ensemble des propriétaires de moins de 200 locaux ont fait l’objet d’actions de relance au cours de la campagne 2024 (2,8 millions de courriels et 875 000 courriers de relance) et d’une campagne de communication générale (campagne de communication grand public notamment en radio, explications sur le site impots.gouv.fr, mise en ligne d’un tutoriel sur la déclaration d’occupation) ;

– les grands comptes ont également fait l’objet d’envois ciblés de courriels. Des webinaires d’accompagnement ont été organisés par l’administration centrale, l’accompagnement rapproché des grands propriétaires étant réalisé par le réseau des correspondants spécifiquement mis en place dans les directions locales de la DGFiP. Un courrier a également été adressé aux 300 plus grands propriétaires ;

– des publics spécifiques ont par ailleurs fait l’objet d’envois de courriels et de courriers ciblés : bailleurs, non-résidents et nouveaux propriétaires.

  1.   La moitié des actions sont en cours d’achèvement, quatre ne sont pas encore lancées

22 des 41 actions du plan sont dans un état d’achèvement compris entre 50 % et 75 %, 4 ne sont pas encore lancées.

Parmi les chantiers encore en cours, les rapporteurs souhaitent insister sur l’importance de certaines actions essentielles pour le bon déroulé des campagnes déclaratives.

En particulier, il est nécessaire de permettre la visualisation de l’espace GMBI d’un usager par l’agent qui traite sa demande. Cette impossibilité a profondément complexifié le rôle des agents lors de la campagne déclarative 2023, incapables de comprendre la situation des contribuables venus demander leur assistance.

De même, le processus de mise à jour des modules de formation n’est pas encore abouti alors que les agents déplorent une complexité importante dans la gestion de certains cas (SCI immobilières, résidences étudiantes, établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, baux à construction, crédit‑bail…).

Les rapporteurs déplorent par ailleurs que les actions relatives aux échanges de données avec les tiers ne soient pas encore lancées. L’échange des données de taxation avec les collectivités locales est à ce titre est un élément essentiel dans la fiabilisation de la liquidation des taxes d’habitation.

c.   Un nouveau cadre légal apporté par la loi de finances pour 2025

La loi de finances pour 2025 comporte deux évolutions importantes destinées à clarifier le champ de l’obligation déclarative à partir de la campagne 2025 et à simplifier l’assiette de la THRS.

  1.   Le renforcement des obligations déclaratives des propriétaires et la mise en œuvre d’une nouvelle obligation déclarative pour les locataires

L’article 115 de la loi de finances pour 2025 ([72]) renforce l’obligation déclarative des propriétaires, l’étendant aux informations relatives aux « caractéristiques [des] locaux, au mode d’occupation et au type de location, aux dates de début et de fin d’occupation, à l’identité du ou des occupants desdits locaux et, le cas échéant, [aux] éléments d’identification du gestionnaire de location. »

Cette extension doit permettre de renforcer l’information fiscale et ainsi améliorer le recouvrement de la THRS.

Surtout, cet article introduit une nouvelle déclaration de location d’une résidence secondaire dans la déclaration de revenus en ligne des locataires (qui n’ont pas accès à GMBI, le service étant réservé aux seuls propriétaires). Cette nouvelle déclaration permet aux redevables locataires d’une résidence secondaire de déclarer explicitement qu’ils prennent en location une résidence secondaire, en déclarant l’adresse de cette dernière.

Cette déclaration doit permettre à la DGFiP d’obtenir des déclarations convergentes de la part des bailleurs et des locataires afin de les recouper. Le recoupement des deux déclarations permet en effet de déterminer si le locataire, déclaré par son bailleur, occupe le logement à titre de résidence principale ou à titre de résidence secondaire.

Suite à l’adoption de cette mesure dans le cadre de la loi de finances pour 2025, le parcours déclaratif a été adapté. L’écran suivant apparaît dès la page d’accueil de la déclaration des revenus :

Source : DGFiP.

En cas de modification des rubriques de la déclaration des revenus, la réponse à la question relative à la location d’une résidence secondaire est obligatoire.

  1.   La simplification de l’assiette de la THRS

L’article 110 de la loi de finances pour 2025 recentre la THRS sur les seules résidences secondaires. Cette évolution permet notamment de ne plus assujettir à la taxe les structures d’hébergement d’urgence pour les personnes en difficulté, les locaux à usage privatif des établissements d’enseignement privé, les maisons d’assistants maternels ou encore les foyers d’accueil médicalisés.

Le maintien de la THRS sur ce genre de locaux s’explique par la suppression de la TH sur les résidences principales qui n’a pas modifié le droit applicable aux autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale, demeurant donc imposables.

Cette situation, fort peu comprise et mal acceptée par les contribuables, engendrait par ailleurs des difficultés opérationnelles. Ainsi, la distinction entre des locaux non imposables, comme les salles de classes des établissements d’enseignement privé, et ceux qui le sont, comme les salles de professeurs, a conduit à des complexités de gestion et à de nombreuses réclamations.

Cette solution de rationalisation et de simplification, dont le coût est estimé à 85 millions d’euros par an pour l’État ([73]), doit contribuer à simplifier le recouvrement de la THRS et à diminuer les contestations et dégrèvements prononcés.

2.   Des résultats rassurants quant à la campagne 2024 malgré des dégrèvements encore très élevés

Depuis 2024, la déclaration n’est effectuée par le propriétaire qu’en cas de changement de la situation d’occupation et non plus de manière systématique comme lors de la campagne 2023. Dès lors, le nombre d’erreurs ou de défaillances déclaratives a diminué ainsi que la masse de dossiers à traiter par les agents de la DGFiP, engendrant une baisse du nombre de dégrèvements prononcés au titre de la THRS, de la THLV et de la TLV.

Malgré ce mouvement structurel, qui s’est traduit par une campagne 2024 plus apaisée, le montant des dégrèvements prononcés au titre des trois impôts précités demeure supérieur à celui de 2022, s’établissant à 1,3 milliard d’euros.

a.   La campagne 2024 marque une amélioration notable du taux de déclaration d’occupation ainsi que des conditions de sa mise en œuvre

Conformément aux dispositions de l’article 1418 du code général des impôts, la date limite de dépôt des déclarations a été fixée au 30 juin 2024. Contrairement à la précédente campagne, aucun report de cette date limite n’a été mis en place.

En pratique, néanmoins, le service en ligne demeure ouvert tout au long de l’année pour permettre aux usagers de déclarer, à chaque changement, les nouvelles situations d’occupation. Toutes les déclarations d’occupation tardives déposées jusqu’au 17 septembre 2024 ont donc été prises en compte pour le traitement de taxation avec les données les plus actualisées dont a disposé la DGFiP.

Au cours de la campagne 2024, 13,4 millions de locaux ont fait l’objet d’une déclaration d’occupation de la part de leur propriétaire, soit un taux de déclaration global de 18,7 %. Pour rappel, sur 71,4 millions de locaux, 55,2 millions avaient été déclarés entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2024, soit 77,3 % de l’ensemble ([74]).

Au total, entre le 1er janvier 2023 et le 17 septembre 2024, 86,5 % des locaux ont été déclarés au moins une fois. Le taux de défaillance déclarative, qui s’élevait en 2023 à près de 23 %, a donc été réduit de 10 points pour s’établir à environ 13 %.

 

Évolution du taux de dÉclaration d’occupation des locaux À l’issue de la campagne 2023 puis À l’issue de la campagne 2024

Source : Données de la DGFiP.

En termes bruts, au 17 septembre 2024, près de 61,8 millions de locaux sur 71,4 millions ont fait l’objet d’au moins une déclaration d’occupation depuis le 1er janvier 2023. Ce chiffre s’élevait à seulement 55,2 millions de locaux au 1er janvier 2024.

L’amélioration du taux global de déclaration repose majoritairement sur les grands propriétaires (plus de 200 locaux). Alors qu’ils n’avaient déclaré la situation d’occupation que de 5,7 millions de locaux en 2023 (sur plus de 12 millions), 8,2 millions de locaux ont fait l’objet d’une déclaration de leur part en 2024. Les petits propriétaires ont, quant à eux, déclaré une situation d’occupation pour 5,1 millions de locaux en 2024.

Si le taux de défaillance déclarative s’est ainsi nettement réduit, il demeure significatif, 12 % des locaux des petits propriétaires et près de 22 % des locaux des grands propriétaires n’ayant pas effectué de déclaration d’occupation. La persistance de déclarations défaillantes souligne l’importance de mener à bien les actions de communication et d’assistance aux usagers figurant dans le plan d’action précédemment évoqué.

La campagne 2024 a également permis un retour à un volume plus acceptable des sollicitations dont ont fait l’objet les agents de la DGFiP. De l’avis des organisations syndicales comme de la DGFiP elle-même, les sollicitations des usagers concernant GMBI et la campagne des avis de TH ont connu en 2024 une baisse significative par rapport à 2023, estimée à - 63 % par la DGFiP tous canaux confondus (guichet, appels téléphoniques et e-contacts via la messagerie sécurisée).

Cette baisse s’explique d’abord par le passage d’une campagne 2023 d’amorçage dirigée vers l’ensemble des propriétaires à une campagne plus ciblée en 2024, où seuls les changements de situation devaient être signalés à l'administration fiscale, tarissant mécaniquement le volume des questions.

Il est toutefois permis de voir dans l’amélioration de la qualité de la campagne 2024 les effets des premières mesures mises en œuvre dans le cadre du plan d’action.

b.   Des dégrèvements néanmoins toujours très importants

Signe d’une taxation de meilleure qualité, le nombre d’avis de THRS émis a nettement diminué en 2024 par rapport à 2023 (- 13 %). À l’inverse, le nombre d’avis de THLV et de TLV a fortement augmenté (respectivement + 32 % et + 108 %) du fait principalement de la hausse du nombre de communes ayant instauré la THLV en 2024 et de l’élargissement du périmètre des communes concernées par la TLV, dont le nombre a plus que triplé entre 2023 et 2024 ([75]).

 Évolution du Nombre d’avis de THRS, de TLV et de THLV entre 2022 et 2024 (*)

(unités)

 

2022

2023

Évolution 2022/2023

2024

Évolution 2023/2024

THRS

3 836 524

3 941 908

+ 2,7 %

3 439 616

- 12,7 %

TLV

252 509

403 520

+ 59,8 %

838 547

+ 107,8 %

THLV

163 948

260 513

+ 58,9 %

343 653

+ 31,9 %

(*) Situation au 5 mai 2025.

Source : DGFiP.

De ce fait, les montants mis en recouvrement entre 2023 et 2024 opèrent une trajectoire opposée entre la THRS, d’une part, et les taxations relatives aux logements vacants d’autre part. La baisse des montants recouvrés de THRS (- 2 %) est cependant limitée par trois facteurs contribuant à augmenter son rendement : la revalorisation des bases locatives (+ 3,9 %), l’augmentation des taux votés par les collectivités et l’augmentation du nombre de communes appliquant la majoration de THRS (1 461 en 2024 contre 308 en 2023) ([76]).

Évolution des montants de THRS, de TLV et de THLV mis en recouvrement entre 2022 et 2024 (*)

(en millions d’euros)

 

2022

2023

Évolution 2022/2023

2024

Évolution 2023/2024

THRS

2 967,8

3 980,3

+ 34,1 %

3 916,7

- 1,6 %

TLV

200,5

457,6

+ 128,3 %

943,0

+ 106,1 %

THLV

92,0

152,0

+ 65,3 %

194,2

+ 27,8 %

(*) Situation au 5 mai 2025.

Source : DGFiP.

Surtout, le nombre de dégrèvements de THRS et les montants dégrevés s’inscrivent en forte diminution en 2024. S’élevant à près de 1,1 milliard d’euros en 2023, les montants dégrevés de THRS s’établissent, au titre de 2024, à 635 millions d’euros, soit une baisse de 40 %. La part des montants dégrevés dans le total recouvré (indiquée dans les bulles du diagramme ci-dessous) diminue également, passant de 26,8 % à 16,2 %.

Évolution des montants de THRS mis en recouvrement et dÉgrevÉs entre 2022 et 2024 (*)

(en millions d’euros)

(*) Situation au 5 mai 2025.

Source : Données de la DGFiP.

Les dégrèvements au titre de l’année 2024 ne sont toutefois pas encore tous prononcés, le délai de réclamation contentieuse s’achevant le 31 décembre de l’année qui suit celle de la mise en recouvrement de l’impôt. Les données relatives à 2024 sont donc partielles, reflétant la situation au 5 mai 2025.

La comparaison des montants dégrevés de THRS au titre de 2023 au 4 mai 2024 et ceux au titre de 2024 au 4 mai 2025 fait toutefois apparaître une baisse de 23 % (passant de 827 à 635 millions d’euros), confirmant la tendance à la baisse des dégrèvements au titre de la THRS 2024. De même, le nombre de contentieux diminue de 37 % entre ces deux périodes.

La THLV et la TLV connaissent en revanche une hausse du nombre de dégrèvements et des montants dégrevés au titre de 2024 qui ne s’explique pas seulement par l’augmentation de leur rendement. Le nombre de contentieux au titre de la THLV a augmenté de 163 % entre 2023 et 2024 et de 232 % en ce qui concerne la TLV. De même, les montants dégrevés ont augmenté respectivement de 65 % et de 132 %.

Les taux de dégrèvement de la THLV et de la TLV sont donc plus élevés en 2024 qu’en 2023 (voir tableaux ci-après).

Outre la hausse de leur rendement, la DGFiP explique cette augmentation par le fait que le nombre d’erreurs ou de défaillances déclaratives demeure élevé pour ces deux taxes, dont le fonctionnement n’est pas encore bien compris par les contribuables ni bien traité par les systèmes d’information.

Par ailleurs, la TLV et la THLV ne sont pas dues lorsque la vacance du logement est imputable à une cause étrangère à la volonté du contribuable, faisant obstacle à son occupation ou à sa location. Il en résulte que sont notamment exclus du champ d'application les logements mis en location ou en vente au prix du marché et ne trouvant pas preneur ou acquéreur ([77]). Lorsque la taxe est établie à tort, il appartient alors au redevable d'en solliciter le dégrèvement. Il s’agit de la principale cause des dégrèvements.

Évolution des montants dÉgrevÉs de THRS, de TLV et de THLV et des taux de dÉgrÈvement entre 2022 et 2024 (*)

(en millions d’euros / %)

 

Montants dégrevés

Taux de dégrèvement

 

2022

2023

2024

2022

2023

2024

THRS

376,6

1 066,4

635,1

12,7 %

26,8 %

16,2 %

TLV

94,1

269,8

625,4

46,9 %

58,9 %

66,3 %

THLV

30,5

62,4

103,0

33,2 %

41,1 %

53,0 %

Total

501,2

1 398,6

1 363,4

15,4 %

30,5 %

27,0 %

(*) Situation au 5 mai 2025.

Source : DGFiP.

Au total, au 5 mai 2025, les montants dégrevés des trois taxes au titre de 2024 demeurent élevés, à 1,3 milliard d’euros, le taux de dégrèvement diminuant peu, à 27 %. Il faut toutefois différencier les trajectoires distinctes de la THRS, qui connaît une nette amélioration dans son recouvrement, et des taxes relatives aux logements vacants, dont les dégrèvements s’affichent en forte hausse.

Face à l’impossibilité pour la DGFiP de communiquer aux rapporteurs les seuls montants dégrevés dus aux dysfonctionnements engendrés par le projet GMBI, ces chiffres doivent être considérés avec précaution.

3.   Les recommandations subsidiaires des rapporteurs

Afin de poursuivre l’effort engagé par la DGFiP et en sus des actions énumérées dans son plan d’action auxquelles souscrivent les rapporteurs, ces derniers souhaitent, sur la base de leurs constats, y adjoindre plusieurs recommandations.

Les rapporteurs veulent rappeler l’importance du maintien, en toutes circonstances, d’une déclaration papier pour les démarches déclaratives des propriétaires et, au-delà, pour toute démarche administrative des citoyens. Ainsi, la mise en place d’un formulaire papier pour les propriétaires n’ayant pas d’accès à Internet, prévue par le plan d’action pour la campagne déclarative de l’année 2024, doit être maintenue et permettra de lutter efficacement contre les défaillances de déclaration.

Proposition n° 12 : Maintenir en toutes circonstances une déclaration papier pour les démarches déclaratives des propriétaires et proposer systématiquement aux citoyens le choix d’une correspondance papier avec les services fiscaux.

Les propriétaires ont été par ailleurs particulièrement décontenancés par la qualification de leurs biens immobiliers, peinant à comprendre les différences existant entre le vocabulaire utilisé par l’administration fiscale et celui employé par les agences immobilières. Ces incompréhensions ont participé à l’engorgement des SIP.

Cet engorgement s’est trouvé renforcé par l’absence de compétence des agents des SIP en matière de cadastre. Or, beaucoup de sollicitations des propriétaires pendant la campagne de déclaration d’occupation 2023 concernaient non pas l’occupation mais l’identification des biens. Les agents se sont ainsi trouvés d’autant plus débordés qu’ils ne bénéficiaient pas de l’accès usager sur l’outil GMBI. Les rapporteurs souhaitent donc un renforcement de la pédagogie de la plateforme GMBI ainsi que de la formation et des pouvoirs des agents des SIP pour éviter les engorgements observés en 2023.

Proposition n° 13 : Renforcer l’harmonisation des définitions utilisées pour caractériser les biens immobiliers et améliorer la pédagogie des termes employés à cette fin dans l’espace GMBI à destination des propriétaires.

Proposition n° 14 : Permettre aux agents des services d’impôts des particuliers d’avoir accès à l’interface usager de GMBI pour répondre efficacement à leurs demandes.

Proposition n° 15 : Mettre en place des formations adaptées aux agents des SIP sollicités afin qu’ils puissent répondre de manière adéquate aux questions des usagers concernant leurs biens immobiliers.


III.   foncier innovant : un projet dont l’Évaluation est positive mais qui suscite des interrogations

La fiabilisation des bases cadastrales recherchée par la mise en place du service Gérer mes biens immobiliers (GMBI) passe également par la détection des constructions imposables non déclarées. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste a demandé que soit incluse l’évaluation du Foncier innovant dans le périmètre de la mission d’information dont il a demandé la création sous la XVIe législature.

Foncier innovant est le nom donné à un nouvel outil dont s’est dotée la direction générale des finances publiques (DGFiP) pour détecter les constructions imposables non déclarées.

À l’issue d’une expérimentation dans une dizaine de départements qui a permis aux services fiscaux de recouvrer des taxes non acquittées au titre de piscines non déclarées, le projet a été étendu à l’ensemble du territoire métropolitain, Corse incluse, et devrait prochainement l’être à l’outre-mer.

Le Foncier innovant est en train d’entrer dans une deuxième phase afin d’être utilisé pour relever l’ensemble des modifications à apporter au plan cadastral – ce qui suscite des interrogations et pointe les limites de l’intelligence artificielle.

A.   un outil novateur

Le Foncier innovant est un projet qui permet de faciliter le contrôle de potentielles constructions non déclarées par les agents des finances publiques. À ce titre, il constitue une avancée intéressante permettant une économie de temps et de moyens mais ses résultats ne peuvent demeurer que modestes au regard des enjeux de la lutte contre la fraude fiscale.

1.   Le recours à l’intelligence artificielle pour détecter les constructions non assujetties

● L’outil Foncier innovant fait appel à l’intelligence artificielle (IA) pour exploiter les données fournies par des prises de vues aériennes et ainsi détecter d’éventuels éléments non déclarés au titre de l’imposition du foncier bâti.

Concrètement, des algorithmes extraient les contours des constructions des photographies prises par la flotte aérienne de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN). En effet, cet établissement public est chargé de « réaliser et renouveler périodiquement la couverture en imagerie aérienne ou satellitaire de l’ensemble du territoire national » ([78]). À ce titre, l’IGN photographie, par avion, la totalité du pays à une résolution de 25 centimètres tous les trois ans ([79]).

Une fois ces données extraites, un traitement informatique effectue une comparaison entre les informations fournies par l’IA à partir des prises de vues de l’IGN et des déclarations des propriétaires, le but étant de recenser les anomalies entre les données dont l’administration fiscale a connaissance et ce que le Foncier innovant est susceptible de lui révéler.

Chaque discordance fait l’objet d’une vérification manuelle par un agent des finances publiques au niveau départemental. En effet, il existe un nombre important de « faux positifs », l’IA étant susceptible de considérer un élément vu du ciel comme une construction imposable alors qu’elle ne l’est pas (une bâche agricole ou des panneaux solaires pris pour une piscine ou un toit par exemple) ou bien d’attribuer à tort la propriété d’un bâtiment à un voisin (notamment lorsqu’une piscine est plus proche de la maison du voisin que de celle de son propriétaire).

En cas de non-déclaration avérée, le propriétaire est invité à régulariser sa situation, notamment par le biais de la plateforme GMBI, conduisant à la taxation de la construction détectée.

● Pour la DGFiP, « ce projet constitue un axe de fiabilisation massive des bases foncières, dont le caractère industriel permet de l’appliquer de façon homogène sur l’ensemble du territoire, et de manière régulière et pérenne » ([80]).

Pour les organisations syndicales, le Foncier innovant pourrait induire une qualité moindre des travaux topographiques. Ils soulignent l’imprécision des reports au plan cadastral par l’IA et s’inquiètent de la transformation du rôle à venir des géomètres dont le travail pourrait désormais essentiellement consister à effectuer des vérifications sur ordinateur et aurait un impact négatif sur l’expertise qu’ils seraient susceptibles de fournir lors des commissions communales des impôts directs (CCID).

Pour les rapporteurs, le Foncier innovant permet aussi d’assurer l’égalité de tous devant l’impôt et d’accroître les recettes du bloc communal au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.

2.   Des résultats satisfaisants mais qui demeurent modestes

● Le Foncier innovant a d’abord fait l’objet d’une expérimentation à compter de l’automne 2021, dont l’objectif était la détection des piscines non imposées – l’un des principaux cas de figure de construction non déclarée ([81]). Cette expérimentation s’est déroulée dans neuf départements : Alpes-Maritimes, Ardèche, Bouches-du-Rhône, Maine-et-Loire, Morbihan, Rhône, Haute-Savoie, Var et Vendée. Ces territoires concentrent environ 20 % des piscines imposées en métropole.

À l’issue de cette première phase du projet, plus de 20 000 piscines non déclarées ont été détectées, ce qui a donné lieu au recouvrement de 10 millions d’euros au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d’habitation.

À l’automne 2022, le Foncier innovant a été généralisé à l’ensemble du territoire métropolitain. À l’issue de cette première campagne, plus de 120 000 propriétaires ont été contactés pour régulariser leur situation en raison de piscines non déclarées en juin 2023.

En application de l’article 1508 du CGI et de l’article L. 175 du livre des procédures fiscales, un rôle particulier est alors émis « pour un montant qui peut atteindre jusqu’à quatre fois la cotisation de taxe foncière de 2023 ([82]) en fonction de la date d’achèvement du bassin artificiel » comme l’ont précisé aux rapporteurs les services de la DDFiP du Puy-de-Dôme lors de leur déplacement. Par ailleurs, le défaut de production dans les délais de la déclaration est susceptible d’entraîner une amende de 150 euros, conformément à l’article 1729 C du CGI.

Dans ces conditions, environ 40 millions d’euros de recettes fiscales supplémentaires sont attendus au titre de l’année 2024 à l’issue de cette campagne de contrôle.

Le rapport de la Cour des comptes consacré à la détection de la fraude fiscale des particuliers (novembre 2023) dénonçait l’absence de déploiement du Foncier innovant en Corse et en outre-mer, considérant que cette généralisation incomplète « affaiblit la portée du programme et constitue une inégalité de traitement des contribuables selon leur département de résidence à laquelle il doit être rapidement mis fin ».

Il ressort des échanges des rapporteurs que le Foncier innovant a, en fait, été bien étendu à la Corse dès l’année 2023. D’après la presse régionale, plus de 3 000 piscines non imposées auraient été détectées, conduisant à la mise en recouvrement de 600 000 euros ([83]).

Concernant les départements et régions d’outre-mer (DROM), le recours au Foncier innovant a été différé, d’une part, en raison de la nécessité d’attendre la disponibilité des dernières photographies aériennes de l’IGN et, d’autre part, de la prise en compte des difficultés techniques propres à ces territoires. En effet, la DGFiP évoquait « la spécificité de certains bâtis, notamment comme les toits bleus, induisant des cas particuliers que l’algorithme a dû apprendre à ne pas identifier comme des piscines » ([84]). D’après elle, ces problèmes ont été résolus et ont permis l’utilisation du Foncier innovant à partir de la fin de l’année 2024.

● Enfin, le projet est en cours d’élargissement à l’ensemble des bâtis non déclarés ou incorrectement imposés et pas seulement aux bassins artificiels destinés à la baignade ou à la natation. Ce nouveau volet du projet aura ainsi pour objet d’améliorer la représentation du bâti au plan cadastral.

D’après la DGFiP, un tiers des départements a fait l’objet de nouveaux travaux dans le cadre de ce projet depuis 2024 :

– détection de bâtiments imposables (hors piscines) ;

– exploitation des prises de vues aériennes afin d’assurer la mise à jour du plan cadastral « de façon plus réactive avec une représentation en "vue du ciel" » ;

– repérage de nouvelles piscines imposables non déclarées, absentes lors de la première campagne.

En mai 2025, les travaux de détection étaient achevés et les demandes de déclaration en cours d’envoi aux propriétaires concernés pour ces départements. Ces mêmes travaux sont en cours de lancement pour un deuxième tiers de départements. La dernière série sera couverte en 2026.

En tant que projet, le Foncier innovant représente un coût global de 35,17 millions d’euros, dont 31,11 millions d’euros ont d’ores et déjà été exécutés entre 2020 et 2024 inclus ([85]). Il est financé majoritairement par les crédits du programme 156 Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local de la mission Gestion des finances publiques et, dans une moindre mesure, par ceux du programme 349 Transformation publique de la mission Transformation et fonction publiques à hauteur de 12 millions d’euros sur les 28,34 millions d’euros déjà exécutés.

Dans un rapport de la délégation à la prospective du Sénat ([86]), les sénateurs Didier Rambaud et Sylvie Vermeillet observent que « le projet est d’ores et déjà rentabilisé, les sommes mises en recouvrement couvrant déjà près de deux fois l’investissement initial ».

B.   une utilisation promise À une extension qui nécessitera du dialogue social

Si le Foncier innovant est un outil efficace pour faciliter le travail des agents des finances publiques dans le contrôle des constructions non déclarées, son extension à d’autres fonctions suscite l’interrogation des rapporteurs.

En effet, la mise à jour du cadastre grâce aux techniques éprouvées dans la détection des piscines pourrait remettre en cause le rôle des géomètres-cadastreurs des finances publiques et transformer de manière durable la perception du bâti par l’administration fiscale.

1.   Le recours à l’intelligence artificielle doit compléter et faciliter le travail des agents publics

● Les rapporteurs considèrent que le recours à l’IA pour assurer l’équité fiscale et fiabiliser les bases cadastrales est une avancée importante pour l’administration fiscale. Néanmoins, ils rappellent que cette technologie novatrice ne saurait complètement remplacer le travail des agents des finances publiques et, plus particulièrement, des géomètres du cadastre.

Comme expliqué précédemment, une intervention humaine demeure en effet indispensable pour déceler une construction imposable non déclarée. Toute surface rectangulaire bleue ou verte vue du ciel ne s’avère pas nécessairement être une piscine privée. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la DGFiP avait préféré retarder le recours au Foncier innovant en outre-mer (cf. supra).

Plus de 60 % des détections automatiques sont en réalité des faux positifs d’après la DGFiP. Cette proportion importante, résultant de la configuration de l’algorithme, est un choix assumé :

« Un réglage de l’algorithme conduisant à moins de faux positifs signifiait laisser passer des biens non imposés que l’algorithme ne détectait plus, ce qui nuisait clairement à l’objectif d’équité fiscale. Aussi il a été fait le choix d’un équilibre, laissant entrevoir une proportion de faux positifs (mais qui sont naturellement rejetés par l’agent des finances publiques qui procède au contrôle systématique préalable à toute action) sans pour autant provoquer une perte de matière qui resterait en dehors de toute forme de détection. » ([87])

Au regard de la propension importante de l’algorithme à relever des éléments susceptibles de correspondre à des constructions non déclarées, il apparaît que l’apport du Foncier innovant réside essentiellement dans le gain de temps et de moyens par rapport à ce qu’il aurait été nécessaire de faire pour repérer du bâti imposable mais non assujetti. La DDFiP du Puy-de-Dôme précise par exemple que « les équipes des impôts fonciers, bien que réticentes initialement, ont indiqué que cet outil leur procurait un réel gain de temps leur permettant d’être plus efficients en se consacrant à des tâches à plus grande valeur ajoutée ». C’est également l’analyse de France Urbaine qui considère que « l’appréciation de ce dispositif ne doit pas se faire “dans l’absolu” mais au regard de ce que la mise en œuvre de moyens budgétaires identiques aurait permis par la voie traditionnelle de contrôles “physiques” ». Les rapporteurs sont également de cet avis.

● Au-delà de la question de la finesse de la détection du Foncier innovant, il ressort des auditions menées par les rapporteurs que la campagne de contrôle des piscines non déclarées se heurte à des enjeux de définition. Comme indiqué précédemment, le CGI, en son annexe III, se borne à considérer les « piscines privées » comme des « éléments de pur agrément » (au même titre que les terrains de jeu) appartenant à la catégorie des « dépendances bâties et éléments bâtis formant dépendances » qui entrent, à ce titre, dans la détermination de la valeur locative cadastrale. Le caractère bâti d’un tel bassin artificiel est avéré dès lors qu’il est fixé au sol et qu’il n’est pas possible de le déplacer sans le démolir d’après les informations publiées par l’administration fiscale ([88]). Ainsi, la nature des matériaux ayant servi à la construction n’est pas déterminante en elle-même, ni le fait que le bassin soit rempli d’eau.

Les rapporteurs notent que ces subtilités impliquent que le travail des agents ne se limite pas à une vérification visuelle des détections de l’algorithme. En effet, des échanges contradictoires avec le propriétaire s’avèrent souvent nécessaires pour définir le caractère imposable ou non d’une piscine.

● Par ailleurs, les rapporteurs considèrent que la bonne foi d’un certain nombre de contribuables ne doit pas être négligée, dans la mesure où ils peuvent être mal informés au moment de la construction, voire victimes de pratiques commerciales trompeuses par lesquelles un constructeur assure que la piscine ne sera pas imposable.

Proposition n° 16 – Instaurer une obligation pour les professionnels de la piscine d’informer leurs clients de l’incidence fiscale des installations qu’ils proposent.

● De manière générale, les rapporteurs considèrent qu’il est encore trop tôt pour dresser un bilan du Foncier innovant dans la mesure où la détection des piscines non déclarées ne constitue que la première phase du dispositif et que celle‑ci n’a que récemment été mise en œuvre sur le territoire métropolitain.

Comme indiqué supra, les autres objectifs du projet, notamment la détection de l’ensemble des bâtiments non déclarés et la mise à jour du cadastre n’ont commencé à être poursuivis en 2024 que pour une première série d’une trentaine de départements ; un autre tiers des départements est concerné par cette deuxième phase du dispositif en 2025 tandis que la dernière série sera couverte en 2026.

Proposition n° 17 – Remettre un rapport au Parlement sur le bilan du Foncier innovant à l’issue de la première campagne de recouvrement des impôts locaux.

2.   Une extension du projet à la mise à jour du cadastre qui crée des inquiétudes parmi les géomètres

Il ressort des travaux des rapporteurs que le lancement du Foncier innovant a pu provoquer de l’inquiétude chez les agents des finances publiques et, plus particulièrement, parmi les géomètres du cadastre.

Les géomètres du cadastre

Les géomètres-cadastreurs des finances publiques constituent un corps de fonctionnaires de catégorie B affectés à la DGFiP.

En application de leur statut particulier ([89]), ils participent aux différents travaux liés à la tenue du cadastre et à la gestion de l’assiette des impôts directs locaux, de la taxe d’aménagement et de la taxe d’archéologie préventive.

Les géomètres-cadastreurs assurent notamment :

– les travaux de confection, de mise à jour et de gestion des bases informatiques du plan cadastral ;

– les travaux résultant d’opérations d’aménagements fonciers agricoles et forestiers ;

– la réalisation de documents d’arpentage ([90]) pour l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics ;

– la vérification des documents d’arpentage transmis aux services de la DGFiP par les personnes agréées.

Ce projet du Foncier innovant est en effet critiqué par certain au motif qu’il servirait à réduire les effectifs, principalement dans sa deuxième phase, en cours de développement, visant à faciliter la représentation du bâti sur le plan cadastral de manière générale.

La chercheuse Pauline Gourlet ([91]) considère ainsi qu’il s’agit « d’un projet qui s’inscrit dans les politiques de modernisation de l’action publique et de dématérialisation des services publics et qui est poussé par des intérêts, notamment économiques, qui promeuvent l’innovation technologique comme solution a priori ».

Avant même la mise en place du Foncier innovant, les effectifs des géomètres du cadastre ont connu une érosion importante. Au 1er janvier 2015, ils représentaient 1 156 équivalents temps plein (ETP) ([92]). Dix ans plus tard, le corps ne comprenait plus que 816 ETP, soit une réduction de 29,4 %.

évolution des effectifs des géomètres-cadastreurs depuis le 1er janvier 2015

(en ETP au 1er janvier)

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire adressé à la DGFiP.

La première phase du projet du Foncier innovant, essentiellement consacrée à la détection des piscines non déclarées, a pu avoir un impact sur le métier des géomètres du cadastre dans la mesure où ils se sont vus confier de nouvelles tâches de vérification dans un contexte d’effectifs en tension.

Quant à la seconde phase du projet, elle risque d’avoir un effet direct sur leurs fonctions. En effet, le Foncier innovant servira à mettre à jour le cadastre en ayant recours à l’IA sur le même mode que pour la détection du bâti non assujetti. La représentation au plan sera donc issue d’une prise de vue aérienne et non d’un relevé au sol, ce qui constitue un changement non négligeable dans la perception du bâti.

La DGFiP considère, quant à elle, que « le rôle des géomètres a été réaffirmé dans le cadre de cet exercice, et les niveaux de recrutement qui ont été récemment relevés attestent de la déclinaison opérationnelle de cette démarche ». D’après elle, « ces éléments sont de nature à lever les craintes - historiques – quant à l’avenir des géomètres au sein de la DGFiP ».

Les rapporteurs considèrent que ces inquiétudes sur l’évolution du métier doivent être écoutées, dans le cadre du dialogue social, même s’ils saluent le progrès technique que représente le Foncier innovant. Ils réitèrent à ce titre leur recommandation de dresser devant le Parlement un bilan exhaustif du projet.

Le recours à l’IA pour accélérer et perfectionner la mise à jour des plans cadastraux rappelle également que les définitions juridiques des surfaces employées en fonction des usages nécessitent d’être harmonisées. Cette problématique a déjà été évoquée au sujet de GMBI.

Proposition n° 18 – Engager une réflexion sur les modalités d’harmonisation des calculs des surfaces des constructions dans les lois et les règlements.

Les rapporteurs précisent qu’il s’agit là d’une mesure de simplification essentielle.

 


IV.   Le transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme À la DGFiP : un niveau faible de liquidation qui nÉcessite vigilance

L’article 155 de la loi de finances pour 2021 ([93]) a rendu possible le transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme des services des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), services déconcentrés du ministère de la transition écologique (MTE) ([94]), vers les services fonciers de la DGFiP. Cet article a par ailleurs modifié la date d’exigibilité des taxes d’urbanisme pour la fixer à la date d’achèvement de la construction, à l’instar de la date d’exigibilité des taxes foncières.

L’article 155 de la loi de finances pour 2021, qui comprend une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance, prévoit que les dispositions qu’il comporte doivent s’appliquer à compter d’une date intervenant au plus tard le 1er janvier 2023 et selon des modalités fixées par décret.

Ainsi, le cadre juridique du transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme et de la modification de leur date d’exigibilité a été institué par l’ordonnance du 14 juin 2022 ([95]) et complété par la publication de plusieurs textes réglementaires ([96]) fixant les modalités de ce transfert. Ces dispositions trouvent à s’appliquer depuis le 1er septembre 2022.

Afin de mener à bien cette nouvelle mission, la DGFiP bénéficie du transfert d’agents des DDTM vers ses services fonciers et dispose d’un nouveau système automatisé de gestion qui s’appuie sur plusieurs applications, dont GMBI, dans un objectif d’efficacité et de rationalisation de l’action publique.

Toutefois, les rapporteurs ont pu constater le très faible niveau du montant des liquidations de taxes d’urbanisme effectuées jusqu’à présent par la DGFiP. Ces faibles montants, dus notamment à des dysfonctionnements dans le système de gestion, menacent les collectivités territoriales bénéficiaires des produits des taxes d’urbanisme. Il est toutefois trop tôt pour savoir si ce risque est réel. Il ne se matérialise pas encore pleinement du fait du différé de perception des taxes d’urbanisme après réforme et d’un transfert de liquidation très récent.

Les rapporteurs souhaitent donc alerter tant la DGFiP que les élus locaux sur la nécessité d’être vigilants quant à ces dysfonctionnements.

A.   Des taxes d’urbanisme dont la liquidATION est transfÉrÉe À la DGFiP et dÉsormais exigibles À la date d’achÈvement des travaux

La DGFiP assurait déjà, antérieurement au transfert de leur liquidation, le recouvrement des taxes d’urbanisme, qui se composent principalement de la taxe d’aménagement et de la redevance d’archéologie préventive (RAP) ([97]).

Le transfert de leur liquidation a été mis en place de manière progressive, la DGFiP n’assurant initialement que la charge du flux des taxes d’urbanisme correspondant aux autorisations d’urbanisme dont la demande a été déposée après le 1er septembre 2022.

Depuis le 1er janvier 2025, relèvent de la compétence de la DGFiP les dossiers dont la demande d’autorisation a été déposée avant le 1er septembre 2022 mais qui ont, postérieurement à cette date, fait l’objet de permis modificatifs ou de transferts de permis et qui n’auraient pas encore été traités par les DDTM.

Les DDTM traitent et continueront à traiter, jusqu’à apurement total, tous les autres dossiers d’autorisations d’urbanisme dont la demande a été déposée avant le 1er septembre 2022.

En outre, la date d’exigibilité des taxes liquidées par la DGFiP est décalée à l’achèvement des constructions, à l’image de ce qui existe pour les taxes foncières.

1.   La taxe d’aménagement

a.   Champ d’application

En vertu des articles 1635 quater A et suivants du code général des impôts (CGI), la taxe d’aménagement est due sur les opérations d’aménagement et les opérations de construction, de reconstruction et d’agrandissement de bâtiments, installations ou aménagements de toute nature nécessitant une autorisation d’urbanisme.

L’article 111 de la loi de finances pour 2025 ([98]) a par ailleurs élargi le champ d’application de cette taxe en prévoyant qu’y soient assujetties les opérations de transformation de locaux non destinés à l’habitation en locaux à usage d’habitation, même sans nouvelle création de surface de plancher.

Cette taxe est composée de plusieurs parts ([99]).

● Une part communale ou intercommunale, instituée :

de plein droit, sauf renonciation expresse des collectivités bénéficiaires, dans les communes dotées d’un plan local d’urbanisme (PLU) ou d’un plan d’occupation des sols, dans les communautés urbaines, les métropoles – à l’exception de celle du Grand Paris – et la métropole de Lyon ;

par délibération du conseil municipal – ou de l’organe délibérant de l’EPCI compétent en matière de PLU – dans les autres communes.

● Une part départementale, instituée par délibération du conseil départemental.

Si toutes les parts de la taxe d’aménagement sont affectées au financement des actions et opérations d’urbanisme visant à atteindre des objectifs urbanistiques en accord avec le respect des objectifs du développement durable (ODD) ([100]), la part départementale de cette taxe est plus particulièrement affectée à deux postes de dépense ([101]) :

– la politique de protection des espaces naturels sensibles ;

– les dépenses des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement.

● Une part régionale (pour la seule région Île-de-France), instituée par délibération du conseil régional.

Cette part est instituée en vue de financer des équipements collectifs, principalement des infrastructures de transport, rendus nécessaires par l'urbanisation.

Les délibérations portant institution, renonciation ou suppression des différentes parts de la taxe doivent être prises avant le 1er juillet pour entrer en vigueur le 1er janvier de l’année suivante. Elles sont transmises aux services fiscaux dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elles ont été adoptées ([102]). Elles sont valables pour une durée minimale de trois ans à compter de leur entrée en vigueur. Passé ce délai, elles demeurent applicables jusqu’à l’adoption d’une délibération contraire.

Le fait générateur de la taxe est, selon le cas, la date de délivrance de l’autorisation de construire ou d’aménager, celle de la naissance d’une autorisation tacite de construire ou d’aménager, celle de la décision de non-opposition à une déclaration préalable ou, en cas de constructions ou d’aménagements sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l’autorisation de construire ou d’aménager, celle du procès-verbal constatant l’achèvement ou, à défaut d’un tel procès-verbal, la date d’achèvement des constructions ou des aménagements en cause ([103]).

Les cas d’exonération de la taxe d’aménagement

Certaines constructions sont exonérées de plein droit de toutes les parts de taxe d’aménagement. C’est notamment le cas :

– des constructions et aménagements destinés à un service public ou d’utilité publique ;

– dans les exploitations et coopératives agricoles, des surfaces de plancher des serres de production, des locaux destinés à abriter les récoltes, à héberger les animaux, à ranger et entretenir le matériel agricole, des locaux de transformation et de conditionnement des produits provenant de l’exploitation et, dans les centres équestres de loisirs, des surfaces de bâtiments affectées aux activités équestres ;

– sous certaines conditions, des aménagements prescrits par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, un plan de prévention des risques technologiques ou un plan de prévention des risques miniers ;

– des constructions dont la surface est inférieure ou égale à 5 m².

D’autres constructions sont exonérées de plein droit de la seule part communale, ou intercommunale, en particulier :

– les constructions et aménagements réalisés dans les périmètres des opérations d’intérêt national (OIN) et dans les zones d’aménagement concerté (ZAC) lorsque le coût de certains équipements a été mis à la charge des constructeurs ou des aménageurs ;

– les constructions et aménagements édifiés dans les périmètres délimités par une convention de projet urbain partenarial (PUP).

En outre, certaines exonérations sont facultatives et décidées par les collectivités territoriales affectataires. C’est ainsi que sont exonérées, en tout ou partie, par délibération, des parts communale (ou intercommunale), départementale ou régionale :

– les locaux à usage d’habitation principale qui ne bénéficient pas de l’abattement de 50 % normalement prévu et qui sont financés à l’aide du prêt à taux zéro (PTZ), dans la limite de 50 % de leur surface ;

– certains locaux à usage industriel ou artisanal ;

– les commerces de détail d’une surface de vente inférieure à 400 m² ;

– les immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l’inventaire des monuments historiques ;

– les maisons de santé pluriprofessionnelles ;

– les opérations de transformation de locaux non destinés à l’habitation en locaux d’habitation (faculté d’exonération introduite par la loi de finances pour 2025, parallèlement à l’assujettissement de ces opérations à la taxe d’aménagement).

L’ensemble des exonérations de plein droit ou facultatives est précisé à l’article 1635 quater E du code général des impôts.

b.   Assiette

L’assiette de la taxe d’aménagement est constituée par le produit de la surface de la construction ou de la surface transformée et de la valeur par mètre carré de cette surface, déterminée forfaitairement ([104]). Cette valeur s’élève à 914 euros, portée à 1 036 euros dans les communes de la région Île‑de‑France ([105]). Ces valeurs sont révisées au 1er janvier de chaque année en fonction du dernier indice du coût de la construction publié par l’Insee.

La surface à retenir s’entend de la somme des surfaces de plancher de chaque niveau clos et couvert, calculées à partir du nu intérieur des façades du bâtiment dans des conditions définies par décret.

Dans certains cas, un abattement de 50 % est appliqué sur ces valeurs ([106]). C’est le cas notamment de la construction des 100 premiers mètres carrés de locaux à usage de résidence principale, des constructions de locaux à usage industriel ou artisanal, d’entrepôts et de hangars à usage commercial non ouverts au public et de parcs de stationnement couverts à usage commercial.

En outre, certaines installations font l’objet d’une évaluation forfaitaire spécifique ([107]). C’est le cas, par exemple, des tentes et caravanes, qui sont taxées à raison de 3 000 euros par emplacement, des piscines, qui sont taxées à raison de 258 euros par mètre carré, ou des éoliennes d’une hauteur supérieure à 12 mètres, taxées à raison de 3 000 euros par éolienne.

c.   Taux

Le taux de la part communale (ou intercommunale) est de 1 %, à défaut d’une délibération expresse de la collectivité bénéficiaire pour fixer un taux plus élevé ([108]). Il peut être majoré jusqu’à 5 % sur délibération de l’organe compétent, selon les aménagements à réaliser, par secteurs de territoire définis et présentés par référence aux documents cadastraux.

Sur délibération motivée, ce taux peut être porté jusqu’à 20 % dans certains secteurs si la réalisation de travaux substantiels de voirie ou de réseaux ou la création d’équipements publics généraux est rendue nécessaire par l’importance des constructions nouvelles édifiées dans ces secteurs. Les travaux et équipements concernés sont notamment les travaux d’aménagement des espaces publics permettant d’améliorer la qualité du cadre de vie, de lutter contre les îlots de chaleur urbains, de renforcer la biodiversité ou de développer l'usage des transports collectifs ([109]).

Le taux de la part départementale est fixé par délibération du conseil départemental. Il ne peut excéder 2,5 %.

Le taux de la part de la région Île-de-France est fixé par délibération du conseil régional et ne peut excéder 1 % ([110]).

d.   Liquidation et paiement

  1.   Une liquidation transférée à la DGFiP

Jusqu’au 1er septembre 2022, les services de l’État chargés de l’urbanisme dans le département étaient seuls compétents pour établir et liquider la taxe d’aménagement. Il s’agissait plus précisément des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) et, pour l’Île-de-France, de la direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement (DRIEA), services déconcentrés du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTE).

L’ordonnance du 14 juin 2022 prise sur le fondement de l’article 155 de la loi de finances pour 2021 a transféré à la DGFiP la liquidation de la taxe d’aménagement. Ainsi, l’article L. 255 A du livre des procédures fiscales dispose que « les parts communale, départementale et régionale de la taxe d’aménagement […] sont assises, liquidées et recouvrées en vertu d’un titre de perception individuel ou collectif émis par le responsable des services fiscaux dans le département ».

Ce transfert est toutefois progressif, la DGFiP n’assurant dans un premier temps que la liquidation des taxes d’aménagement correspondant aux demandes d’autorisation d’urbanisme initiale déposées à compter du 1er septembre 2022 et aux autorisations d’urbanisme s'y rattachant ([111]).

Les DDTM demeurent quant à elles compétentes pour traiter, jusqu’à apurement total, les dossiers d’autorisations d’urbanisme dont la demande a été déposée avant le 1er septembre 2022. Leur compétence porte sur la liquidation et l’émission des titres pour ces dossiers, mais également le traitement des éventuels contentieux et des réclamations ayant trait à ces dossiers.

À compter du 1er janvier 2025, une partie du stock des taxes d’aménagement relevant des DDTM a été transférée à la DGFiP. Ce transfert concerne l’émission des titres de perception faisant suite à des permis modificatifs et transferts de permis déposés après le 1er septembre 2022 se rapportant à une demande d’autorisation d’urbanisme initiale déposée avant cette date ([112]).

La taxe est liquidée par application des valeurs forfaitaires et des taux en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation de construire ou d’aménager ou du permis modificatif, de naissance d’une autorisation tacite de construire ou d’aménager, de la décision de non-opposition à une déclaration préalable, ou du procès-verbal constatant une infraction, selon le cas.

  1.   Un décalage de l’exigibilité de la taxe d’aménagement

Faisant suite à la loi de finances pour 2021, l’ordonnance du 14 juin 2022 prévoit que la taxe d’aménagement dont la liquidation incombe à la DGFiP est désormais exigible à l’achèvement de la construction ([113]) et non plus à compter de la date de délivrance de l’autorisation d’urbanisme (voir encadré ci-dessous).

Modalités d’acquittement de la taxe d’aménagement antérieurement à la loi de finances pour 2021

Dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2021, l’article L. 331-27 du code de l’urbanisme prévoyait que la taxe d’aménagement était exigible à la date d’émission du titre de perception. Elle était acquittée :

– lorsque son montant était supérieur à 1 500 euros, en deux fractions égales, la première 12 mois après la date de délivrance de l’autorisation de construire ou d’aménager, la date de décision de non-opposition ou la date à laquelle l’autorisation est réputée avoir été accordée, la seconde 24 mois après cette même date ;

– lorsque son montant n’excédait pas 1 500 euros, en totalité 12 mois après la délivrance de l’autorisation expresse ou tacite ou de la décision de non-opposition.

En cas de modification apportée au permis de construire ou d’aménager ou à l’autorisation tacite de construire ou d’aménager, le complément de taxe dû en échéance unique faisait l’objet d’un titre de perception émis dans le délai de 12 mois à compter de la date de délivrance du permis modificatif ou de l’autorisation réputée accordée.

Depuis le 1er septembre 2022, la taxe d’aménagement est exigible dans les 90 jours suivant la réalisation définitive des opérations ([114]) ou, le cas échéant, suivant la date du procès-verbal constatant l’achèvement des opérations.

Ce changement permet d’aligner l’obligation déclarative en matière de taxe d’aménagement sur l’obligation de déclaration foncière, afin de faire coïncider le dépôt de la déclaration foncière et celui de la déclaration de taxe d’aménagement.

Il s’agit donc de supprimer une partie des lourdeurs de gestion de cette taxe, en rapprochant la date de déclaration de la date de paiement, et en harmonisant le schéma de perception de cette taxe avec celui des taxes foncières.

La DGFiP assure le recouvrement de cette taxe – une compétence qu’elle assumait déjà antérieurement à la réforme introduite par la loi de finances pour 2021 – et en reverse le produit aux collectivités territoriales bénéficiaires sur une base hebdomadaire, après déduction d’un prélèvement de 3 % au titre des frais d’assiette et de recouvrement exposés par l’État ([115]).

Le recouvrement de la taxe fait l’objet de l’émission de deux titres de perception correspondant à deux fractions égales à la moitié de la somme totale à acquitter, ou de l’émission d’un titre unique lorsque le montant n’excède pas 1 500 euros ([116]).

Le titre unique ou le premier titre est émis à compter de 90 jours après la date d’achèvement de la construction. Le second titre est émis six mois après la date d’émission du premier titre.

L’article 1679 nonies du CGI prévoit toutefois le paiement d’acomptes pour les surfaces de construction supérieures ou égales à 5 000 m² :

– un premier acompte égal à 50 % du montant de la taxe doit être versé le 9ème mois suivant la délivrance de l’autorisation d’urbanisme ;

– un second acompte égal à 35 % du montant de la taxe doit être versé le 18ème mois suivant la délivrance de l’autorisation d’urbanisme.

Le constructeur peut obtenir la décharge, la réduction ou la restitution de tout ou partie de la taxe en cas de démolition des constructions en vertu d’une décision de justice ou suite aux dégâts causés par une catastrophe naturelle ([117]).

e.   Rendement

En 2024, un montant total de 1,6 milliard d’euros a été liquidé pour cette taxe. Cette somme est répartie entre :

– le bloc communal à environ 61 % ;

– les départements à environ 36 % ;

– la région Île-de-France à environ 3 %.

2.   La redevance d’archéologie préventive

a.   Champ d’application

Créée par la loi du 17 janvier 2001 relative à l’archéologie préventive ([118]), la redevance d’archéologie préventive (RAP) est destinée à financer les diagnostics archéologiques.

La RAP est due par les personnes projetant de réaliser des travaux affectant le sous-sol et qui :

– sont soumis à une autorisation ou à une déclaration préalable en application du code de l’urbanisme ([119]). Il s’agit de la composante dite « logement » de la RAP, aussi appelée taxe d’archéologie préventive (TAP) ;

– donnent lieu à étude d’impact en application du code de l’environnement ou à certains affouillements soumis à déclaration administrative préalable ([120]). Il s’agit de la composante dite « culture » de la RAP.

Sont exonérés de redevance :

– la plupart des constructions et aménagements exonérés de taxe d’aménagement ([121]) ;

– les affouillements nécessaires à la réalisation de travaux agricoles ou forestiers ou pour la prévention des risques naturels ;

– les aménagements liés à la pose et à l’exploitation de câbles sous-marins de transport d’information ([122]).

En outre, la RAP n’est pas due pour les aménagements situés, en tout ou partie, en pleine mer lorsqu’ils ont fait l’objet d’une opération d’évaluation archéologique réalisée dans le cadre d’une convention conclue entre l’État et la personne projetant la réalisation des travaux ([123]).

Le fait générateur de cette redevance est :

– pour la composante « logement » de la RAP, le même que celui de la taxe d’aménagement, c’est-à-dire la délivrance de l’autorisation de construire ou d’aménager, la délivrance du permis modificatif, la naissance d’une autorisation tacite de construire ou d’aménager, la décision de non-opposition à une déclaration préalable ou, en cas de construction sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l’autorisation de construire ou d’aménager, le procès-verbal constatant les infractions ;

– pour la composante « culture » de la RAP, l’acte qui décide la réalisation du projet et en détermine l’emprise quand il s’agit de travaux et d’aménagements donnant lieu à une étude d’impact ou le dépôt de la déclaration administrative préalable pour les autres travaux d’affouillement ([124]).

b.   Assiette et taux

Pour les travaux correspondant à la composante « logement » de la RAP, la redevance est assise sur la valeur forfaitaire de l’ensemble immobilier déterminée dans les conditions fixées pour la taxe d’aménagement. Son taux est de 0,40 %.

En ce qui concerne la composante « culture » de la RAP :

– pour les travaux donnant lieu à étude d’impact, les affouillements autorisés en application du code de l’environnement et les demandes volontaires de diagnostic préalable, le montant de la redevance est revu chaque année en fonction de l’indice du coût de la construction. Il est, en 2025, de 0,71 euro par mètre carré de terrain ([125]) ;

– pour les aménagements réalisés dans le domaine public maritime en pleine mer, le tarif est fixé à 0,10 euro par mètre carré, sur l’assiette suivante :

● pour les installations de production et de transport d’énergie, la surface constituée d’une bande de 100 mètres de part et d’autre des câbles ou canalisations de transport d’énergie multipliée par la longueur des câbles ou canalisations ;

● pour les autres types de travaux, dont les travaux d’extraction de matériaux, la surface au sol des travaux nécessaires à la réalisation de l’exploitation autorisée.

c.   Liquidation et paiement

Les deux composantes de la RAP sont liquidées et recouvrées selon des modalités distinctes.

  1.   Le transfert de la liquidation de la composante « logement » à la DGFiP et l’alignement de son exigibilité

Comme la taxe d’aménagement, la composante « logement » de la RAP était liquidée par les DDTM. De fait, cette composante fonctionne comme une taxe additionnelle à la taxe d’aménagement, dont elle partage le fait générateur, le champ d’application et, pour l’essentiel, les règles d’assiette.

Aussi, la loi de finances pour 2021 et l’ordonnance du 14 juin 2022 ont‑elles transféré la liquidation de cette taxe à la DGFiP selon les mêmes modalités que pour la taxe d’aménagement.

En outre, l’article 235 ter ZG du CGI précise que l’exigibilité de la composante « logement » de la RAP intervient également à la date d’achèvement de la construction.

Le recouvrement de cette taxe est assuré par la DGFiP.

  1.   La composante « culture » de la RAP n’est pas liquidée par la DGFiP

Lorsqu’elle porte sur des projets situés dans le domaine terrestre et dans les eaux intérieures ne relevant pas du domaine public maritime, la composante dite « culture » de la redevance est liquidée par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ([126]).

Lorsqu’elle porte sur des projets situés dans le domaine public maritime ou dans la zone contiguë, la composante « culture » de la redevance est liquidée par les services de l’État chargés de l’archéologie sous-marine (DRASSM).

d.   Rendement

En 2024, la redevance d’archéologie préventive a rapporté 27,2 millions d’euros pour la part « culture » et 69,3 millions d’euros pour la part « logement », soit 96,5 millions d’euros au total ([127]).

B.   Les difficiles conditions du transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme

Le transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme à la DGFiP a été l’occasion pour cette dernière de mettre en place un nouveau système de gestion intégré et automatisé censé apporter une plus grande efficacité. Aussi les ETP affectés à cette tâche dans les services fonciers et issus des DDTM doivent-ils être à terme moins nombreux qu’au sein du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Si ce schéma de transfert répond à une logique pertinente à laquelle souscrivent les rapporteurs, sa mise en œuvre n’est pas aboutie : les outils de gestion ne sont pas encore pleinement opérationnels et la DGFiP peine à recruter les agents des DDTM précédemment en charge de la liquidation des taxes d’urbanisme.

1.   Le transfert à la DGFiP doit permettre des gains d’efficacité liés aux synergies créées et à un processus dématérialisé

a.   Les difficultés rencontrées par l’ancien procédé de liquidation

Le transfert de la liquidation de la taxe d’aménagement et de la composante « logement » de la RAP à la DGFiP a été entrepris pour répondre aux difficultés posées par l’organisation antérieure. L’évaluation préalable de la loi de finances pour 2021 en soulignait les principaux écueils.

● Tout d’abord, le faible degré d’automatisation et de dématérialisation du processus de liquidation entraînait d’importants retards dans la gestion des dossiers et mobilisait des effectifs croissants.

L’évaluation préalable rapporte que le système d’information utilisé par les DDTM, ADS 2007, présentait des défauts techniques provoquant des coûts supplémentaires. En outre, le processus de récupération des informations relatives aux redevables et aux paramètres de taxation était hétérogène selon les régions.

Selon la mission menée entre octobre 2019 et mars 2020 par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et l’Inspection générale des finances (IGF) ([128]), la récupération des paramètres locaux de taxation et la mise en qualité des dossiers mobilisaient environ 35 % des effectifs affectés à la liquidation de la taxe d’aménagement.

Ces difficultés ont également entraîné une hausse des effectifs consacrés à ces tâches au sein des DDTM ([129]). Ceux-ci ont crû de 11,5 % entre 2016 et 2020, passant de 564,3 équivalents temps plein à 629,1. Malgré ces hausses, les retards accumulés sont demeurés importants : en décembre 2019, plus de 67 500 dossiers étaient en instance au titre de l’année 2019, soit près de 15 % du flux annuel, et 97 779 dossiers étaient en instance de plus d’un an.

● En outre, les relations entre l’administration et le redevable se caractérisaient par une certaine lourdeur et une indéniable complexité.

De fait, l’omniprésence du circuit papier et la multiplicité des interlocuteurs – la liquidation et le recouvrement étant assurés par des services différents – contribuaient à complexifier les interactions entre le redevable et l’administration.

● Enfin, la singularité des modalités de perception de la taxe d’aménagement contribuait à alourdir le processus de liquidation.

Ainsi, le fait que cette taxe soit acquittée 12 à 24 mois après la date de l’autorisation de construire entraînait nécessairement des annulations et des réductions de titres de perception. Après l’écoulement de ces délais, les autorisations d’urbanisme pouvaient également faire l’objet d’un transfert total ou partiel, conduisant à modifier l’identité du redevable et le montant taxable. Les projets pouvaient également être simplement abandonnés ou modifiés. Au total, l’évaluation préalable attachée au projet de loi de finances pour 2021 indique que les annulations et réductions de titres portaient annuellement sur des montants compris entre 230 et 240 millions d’euros. 8 % des titres émis étaient annulés.

Les différences existant entre la date d’exigibilité des taxes d’urbanisme et celle d’exigibilité des taxes foncières présentaient par ailleurs un manque de cohérence dans le recouvrement de ces différents impôts.

b.   Un transfert censé apporter des gains d’efficacité

S’appuyant sur une harmonisation et une automatisation des processus, le transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme (TU) à la DGFiP a pour objectif une gestion plus efficace de la liquidation et du recouvrement de ces impôts.

En premier lieu, le transfert vise à offrir aux redevables un interlocuteur unique, à savoir la direction régionale ou départementale des finances publiques (DRDFiP).

Par ailleurs, ce transfert s’accompagne d’une dématérialisation accrue de la gestion des TU (voir infra), s’appuyant notamment sur GMBI, afin de simplifier les opérations relatives à la taxe d’aménagement pour les redevables comme pour l’administration.

Enfin, l’harmonisation de la date d’exigibilité des TU avec celle d’exigibilité des taxes foncières doit renforcer les synergies avec la gestion des impôts fonciers opérée par la DGFiP. Le rapport précité du CGEDD et de l’IGF avait évalué les gains d’efficience liés à la seule modification de la date d’exigibilité à un montant compris entre 2,5 et 2,8 millions d’euros, dans l’hypothèse d’un taux de recours à la dématérialisation de 80 %.

Ce décalage de la date d’exigibilité doit permettre à la DGFiP de s’appuyer sur une situation définitive du local, à l’achèvement des travaux, permettant de sécuriser les éléments à disposition pour assurer une liquidation fiable.

Le rapport du CGEDD et de l’IGF estimait par ailleurs que cette réforme n’entraînerait pas de dégradation importante des délais de perception des recettes par les collectivités territoriales, arguant du fait que le recouvrement de l’échéance unique ou de la première échéance de la taxe d’aménagement n’intervenait que rarement avant la date d’achèvement réelle des travaux.

La direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), qui encadre le travail de liquidation des TU opéré par les DDTM, a en outre fait part aux rapporteurs de la pertinence d’un transfert de cette activité à la DGFiP. Elle considère en effet que la liquidation d’impôts demeurait une « curiosité », très « éloignée des missions traditionnellement dévolues aux DDTM ».

À terme, il est en effet souhaitable que le MTE n’exerce plus d’activités de gestion fiscale, celles-ci devant être concentrées au sein de la DGFiP pour une meilleure efficacité. De ce point de vue, les rapporteurs soutiennent la demande de la DHUP de transférer à la DGFiP la liquidation de la taxe sur la création de locaux à usage de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux de stockage (TCBCS) qui continue d’être exercée par les agents du MTE en Île‑de‑France.

Ce transfert suit la même logique de rationalisation et d’efficacité que celle ayant conduit au transfert de la liquidation des TU à la DGFiP et a également été recommandé par le CGEDD et l’IGF dans leur rapport.

Proposition n° 19 : Mettre en œuvre le transfert de la liquidation de la taxe pour la création de locaux à usage de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux de stockage (TCBCS) du ministère de la transition écologique (MTE) vers la direction générale des finances publiques (DGFiP).

2.   Une dématérialisation et un traitement automatisé qui présentent des insuffisances

Une partie du gain d’efficacité attendu du transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme réside dans un meilleur traitement automatisé du processus.

À cette fin, le schéma de transfert retenu prévoit un système de liquidation articulé autour de plusieurs applications, dont GMBI et son module GesLoc ainsi que Surf ([130]), qui remplace l’ancien logiciel Lascot.

Si l’automatisation de la gestion des taxes d’urbanisme s’inscrit dans une démarche bienvenue de plus grande efficacité, le réseau actuel se caractérise davantage par sa complexité et par certains dysfonctionnements.

a.   Un nouveau système complexe de traitement automatisé des taxes d’urbanisme

Le transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme à la DGFiP a été l’occasion de transformer le système de gestion de ces taxes. Marquée par le souhait d’une plus grande automatisation et d’une efficacité accrue, la nouvelle organisation de gestion se caractérise toutefois par une certaine complexité due à la multiplicité des logiciels utilisés.

Il convient ici de rappeler brièvement leur utilité en s’appuyant sur les trois « acteurs » principaux de ce circuit : le propriétaire, la collectivité territoriale et la DGFiP qui assure désormais la liquidation et le recouvrement des taxes d’urbanisme ([131]).

  1.   Le propriétaire effectue ses obligations déclaratives

Le propriétaire peut, depuis le 17 novembre 2022, déclarer en ligne sur son espace GMBI les informations concernant ses propriétés foncières. Il bénéficie en principe d’une information personnalisée sur ses obligations et d’un pré-remplissage de son espace.

Ces informations personnalisées ont été alimentées notamment par la transmission des autorisations d’urbanisme à la DGFiP par le ministère de la transition écologique (MTE) précédemment en charge de la liquidation de ces taxes. Cette transmission est censée assurer un suivi fiable des propriétaires et prévenir ainsi la méconnaissance par les usagers de leur obligation déclarative foncière, dès lors que cette obligation déclarative est exceptionnelle dans la vie d’un propriétaire et qu’elle n’a pas la récurrence d’autres déclarations annuelles telle que celle relative à l’impôt sur le revenu.

GMBI est donc censé créer des synergies en ouvrant un parcours unique de déclaration des informations nécessaires pour l’évaluation foncière de son bien et pour l’émission des taxes d’urbanisme.

Dès que les services fonciers ont connaissance de l’autorisation d’urbanisme, le propriétaire est invité, par une demande d’information de la DGFiP, à indiquer dans GMBI la nature des travaux et la date prévisionnelle de leur achèvement.

Il doit ensuite, dans les 90 jours suivant l’achèvement effectif des travaux, déclarer concomitamment et dans un parcours déclaratif conjoint les éléments fonciers et ceux nécessaires à la taxation aux taxes d’urbanisme. Le propriétaire reçoit à cette fin une notification de rappel, à la date d’achèvement prévisionnel, l’invitant à déclarer son bien si celui-ci est achevé ou à indiquer une nouvelle date d’achèvement prévisionnel si les travaux ne sont pas terminés.

  1.   Les collectivités territoriales renseignent leurs délibérations et les autorisations d’urbanisme qui relèvent de leur territoire

Les agents des DDTM collectent eux-mêmes les délibérations liées aux taxes d’urbanisme prises par les collectivités territoriales. À l’occasion du transfert à la DGFiP, il a été décidé que ces informations soient désormais compilées directement dans le référentiel Delta ([132]) et renseignées par les collectivités territoriales elles-mêmes.

Ce nouvel outil ne prend en compte que les délibérations relatives aux taux, aux exonérations et aux abattements. Ainsi, les délibérations portant sur les reversements entre collectivités ne sont pas comptabilisées par Delta.

Ouverte depuis septembre 2022, l’application est un outil de stockage des délibérations des collectivités mais également un vecteur de notification à la DGFiP de ces délibérations.

Delta doit donc apporter une fiabilisation et un gain d’efficacité significatif car la collecte et la prise en compte par les services fiscaux des délibérations n’étaient jusqu’alors pas automatisées.

Les collectivités territoriales continuent par ailleurs d’utiliser l’application Sitadel ([133]) afin de recenser les autorisations d’urbanisme (AU) qu’elles délivrent et de mettre cette information à disposition des services fonciers qui assurent le suivi des AU et procèdent aux relances des propriétaires.

  1.   La DGFiP procède à la liquidation et au recouvrement des taxes d’urbanisme

Enfin, le transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme à la DGFiP a conduit à la mise en place d’une nouvelle application utilisée par les services fonciers, GesLoc ([134]), qui remplace le système d’information Lascot et une partie de l’outil Majic 3.

Outre son rôle dans le recouvrement des taxes foncières, GesLoc alimente l’application de gestion des taxes d’urbanisme appelée « Gestion TU » et fonctionne en lien avec un module consacré à la surveillance et à la relance des déclarations foncières, « Surf » ([135]).

Ainsi, lorsque le propriétaire dépose sa déclaration de taxes d’urbanisme, celle-ci est intégrée dans GesLoc puis reversée dans Gestion TU afin de procéder à la liquidation de la taxe ([136]). Pour ce faire, Gestion TU mobilise les éléments déclarés d’une part et les paramètres de calcul d’autre part. Ces paramètres peuvent être généraux (valeurs forfaitaires annuelles) ou spécifiques (taux, exonérations et abattements délibérés par les collectivités) et sont mis à disposition par le référentiel Delta alimenté par les collectivités territoriales. Gestion TU mobilise également les données issues des autorisations d’urbanisme consignées dans Sitadel et transférées mensuellement par le MTE.

Le système d’information Surf se substitue à Lascot afin de permettre aux DRDFiP d’informer des propriétaires quant à leurs obligations déclaratives et d’exercer la surveillance relative aux constructions neuves ainsi qu’aux changements de consistance et d’affectation des propriétés bâties, permettant ainsi de recueillir auprès du propriétaire les informations nécessaires à l’évaluation de ses biens.

C’est par l’intermédiaire de Surf que l’administration fiscale réalise le suivi des autorisations d’urbanisme et procède aux relances des propriétaires. Surf doit également permettre d’automatiser l’intégration des autorisations d’urbanisme. Il fait ainsi l’interface entre le flux Sitadel (traité par les collectivités locales) et le logiciel de gestion du cadastre de la DGFiP, Majic.

b.   De nombreuses défaillances dans le système automatisé de gestion

Si les rapporteurs souscrivent aux objectifs d’efficacité et d’automatisation de la gestion des taxes d’urbanisme portés par cette réforme, ils ont néanmoins pu constater au cours de leurs travaux que la mise en place de ces nouvelles applications a donné lieu à d’importants dysfonctionnements.

  1.   La subsistance d’erreurs humaines peu anticipées

Le nouveau schéma automatisé mis en place n’empêche pas la survenue d’erreurs humaines dans le renseignement des données. Ainsi, la mise en œuvre d’une déclaration de taxes d’urbanisme fait reposer la qualité des informations à taxer sur une correcte indication du propriétaire.

La DGFiP a fait état de plusieurs « erreurs déclaratives par les propriétaires » dans l’application GMBI parmi les premiers dossiers analysés, sans toutefois quantifier la proportion de ces erreurs.

De même, l’automatisation du processus de liquidation des taxes d’urbanisme par les services fonciers et la justesse du calcul conduisant à la liquidation dépendent de la qualité et de l’exhaustivité de la saisie des délibérations dans Delta par les collectivités territoriales. Ces dernières sont elles aussi soumises à une nouvelle obligation déclaratoire qui n’existait pas sous le précédent régime de liquidation.

Dans ces deux situations, la DGFiP doit mener un long travail de pédagogie pour renforcer la lisibilité des parcours déclaratifs en ligne. En particulier, des améliorations dans l’accompagnement des propriétaires ont été observées : meilleure indication des notions de surfaces attendues, schémas explicatifs ou encore possibilité pour l’usager de revenir à un écran « pivot » qui lui permet à tout moment de modifier la consistance des biens qu’il doit déclarer pour rectifier toute saisie erronée résultant d’une incompréhension initiale.

En outre, les usagers éloignés du numérique n’ont initialement pas pu déposer leur déclaration en format « papier ». Des imprimés s’appuyant sur la logique du parcours en ligne ont cependant été élaborés et diffusés par la suite.

L’amélioration progressive de ces outils une fois déployés soulève toutefois la question de la précocité de leur mise en place. Des phases d’expérimentation plus poussées auraient certainement permis d’analyser les difficultés constatées et d’y apporter des réponses.

  1.   Les nombreuses limites techniques des applications de gestion qui affectent l’efficacité de la liquidation

La plupart des usagers des nouvelles applications mises en place rencontrés par les rapporteurs ont fait état des limites techniques de ces outils.

● À cet égard, l’automatisation permise par certaines applications est encore circonscrite à des actions basiques, ce qui limite les gains d’efficacité qu’elles apportent. Ainsi, le module Gestion TU conçu pour automatiser la gestion et la liquidation des taxes d’urbanisme requiert l’intervention d’agents pour certains dossiers complexes ou nécessitant une expertise particulière.

 Certaines situations particulières ne peuvent par ailleurs pas être traitées par les outils existants. L’association France Urbaine soulignait par exemple au cours de son audition l’impossibilité de gérer directement les constructions en copropriété dans Surf.

● Surf est particulièrement mis en cause par les organisations syndicales de la DGFiP qui estiment que l’outil préexistant, Lascot, assurait un suivi efficace des opérations de construction et remplissait son rôle de relance, de contrôle et de liaison avec les géomètres. À l’inverse, Surf ne semble pas pouvoir permettre de faire des extractions et des recherches multicritères pourtant essentielles à la vérification des autorisations d’urbanisme.

Le caractère complètement automatisé des relances des propriétaires réalisées par Surf empêche un contrôle manuel des informations fournies par les propriétaires et laisse perdurer des erreurs qui passent inaperçues.

● De nombreuses d’anomalies émaillent par ailleurs les données transférées par le MTE une fois intégrées à GesLoc. La DGFiP estime ainsi qu’environ 10 % des autorisations d’urbanisme (soit près de 300 000) présentent des anomalies.

L’organisation syndicale Solidaires Finances publiques estime quant à elle que les données transférées de la base statistique Sitadel (comportant les informations relatives aux autorisations d’urbanisme renseignées par les collectivités) vers les applications de la DGFiP seraient perdues dans une proportion « significative », que l’organisation estime dans une fourchette de 30 % à 60 % selon les communes.

● Le module de GMBI dédié à la liquidation automatique des grands projets urbanistiques (supérieurs à 5 000 m²) n’a toujours pas été mis en place par la DGFiP qui estime qu’il devrait être opérationnel à compter de juillet 2025. Dans l’attente de ce développement informatique, les agents doivent traiter manuellement la liquidation des TU des « grands comptes », loin de l’objectif initial d’automatisation et d’efficacité accrue.

Enfin, de manière générale, des dysfonctionnements demeurent, nécessitant davantage d’interventions humaines qu’anticipé. Si ces « bugs » sont progressivement résolus, ils mettent en évidence l’impréparation des nouveaux logiciels utilisés et interrogent quant au choix de ne pas reprendre les outils employés précédemment par les DDTM qui se chargeaient de la liquidation des taxes d’urbanisme au sein du MTE.

L’ensemble de ces défaillances perturbent fortement le procédé de liquidation des taxes d’urbanisme et menacent à terme le recouvrement effectif de leur produit au bénéfice des collectivités territoriales (voir infra).

3.   Un transfert d’emplois incomplet qui inquiète

Le transfert de la mission de liquidation est assorti d’un transfert de 290 ETP du ministère de la transition écologique vers la DGFiP. Cet effectif est inférieur à celui antérieurement affecté à la mission de liquidation au MTE, ce qui est censé se justifier par les gains en efficacité attendus de la dématérialisation et de l’automatisation du processus de gestion et par les synergies créées grâce à l’harmonisation de la date d’exigibilité des taxes d’urbanisme avec celle des taxes foncières.

En outre, la DGFiP estime que le décalage de la date d’exigibilité doit entraîner une baisse du contentieux et des annulations de ressources, le calcul de la taxe s’appuyant sur des éléments définitifs relatifs à la construction et non plus sur les éléments prévisionnels de l’autorisation d’urbanisme.

S’il est encore trop tôt pour mesurer les gains d’efficacité liés à la mise en place de la nouvelle gestion des taxes d’urbanisme, tous les emplois devant être transférés depuis le MTE n’ont pas été pourvus par les agents du MTE, ce qui menace la qualité de la liquidation des taxes d’urbanisme.

a.   Un transfert d’agents incomplet

Le transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme a donné lieu à un transfert d’agents du MTE vers les services fonciers de la DGFiP, sur la base du volontariat, organisé en trois vagues :

– au 1er septembre 2022, 16 postes étaient ouverts et 16 chargés de mission à la préfiguration ont été accueillis (agents de catégorie B). Ces « préfigurateurs » provenaient du MTE pour préparer l’arrivée des deux vagues suivantes d’agents en participant notamment à l’élaboration de modules de formation. Ils sont également les référents pour l’ensemble des agents de la DGFiP concernant la réforme ;

– au 1er septembre 2023, 159 postes étaient ouverts et 76 agents du MTE ont rejoint les services de la DGFiP (soit 48 % des postes ouverts) ;

– au 1er septembre 2024, 115 postes sont ouverts et 26 agents du MTE ont été retenus pour rejoindre les services de la DGFiP (soit 23 % des postes ouverts).

Ainsi, sur les 290 postes ouverts, seuls 118 ont été pourvus par des agents du MTE (environ 41 %). Les emplois non pourvus doivent faire l’objet d’un recrutement d’agents de la DGFiP.

Par la suite, un agent préfigurateur et 10 agents de la seconde vague ont été réintégrés au MTE à leur demande, portant à seulement 107 le nombre de postes finalement pourvus par des agents du MTE (37 % des postes ouverts).

L’un des freins principaux au recrutement d’agents est la localisation géographique des postes. En effet, la répartition géographique des 290 ETP a été réalisée au prorata du nombre d’autorisations d’urbanisme enregistrées dans chaque département, la charge de traitement étant directement liée à cet élément.

Les organisations syndicales rencontrées par les rapporteurs évoquent également le manque d’attractivité des services fonciers de la DGFiP. Ainsi, elles citent des exemples d’agents du MTE demandant à regagner leur ministère d’origine au bout de quelques jours, déplorant le « manque de personnel, [le] rythme de travail, [le] management ».

La DHUP a indiqué aux rapporteurs que les agents demandant à être réintégrés au MTE ont également invoqué le changement de la nature de leurs missions une fois placés à la DGFiP et la perte de leurs positions d’encadrement comme motifs de réintégration.

b.   Le risque d’une perte de savoir-faire

La conséquence directe de ce déficit d’agents venus du MTE est le risque d’une moindre efficacité dans la liquidation des taxes d’urbanisme liée à une perte de savoir-faire.

En particulier, une partie des postes non pourvus devrait l’être par des contractuels qui ne sont pas formés à la liquidation des taxes d’urbanisme. Cette situation non anticipée remet donc en question le schéma de transfert d’emplois qui se fondait notamment sur la compétence déjà acquise par les agents transférés du MTE.

En outre, l’équipe des 16 agents préfigurateurs apparaît sous-dimensionnée face à l’importance du nombre d’agents de la DGFiP à former faute d’un recrutement complet auprès du MTE. Ces chargés de mission, répartis comme indiqué ci-dessous, ont chacun la charge de plusieurs départements.

Source : DGFiP.

La DGFiP a toutefois mis en place des groupes de travail avec les chargés de mission afin d’encadrer leur activité au moment de leur prise de poste. Surtout, elle a organisé un volet de formation à destination :

– des agents des DDTM qui rejoignent la DGFiP dans le cadre du transfert, avec une offre incluant l’appropriation du contexte DGFiP, le bloc inhérent à une arrivée au sein des services fonciers et la mise en œuvre des nouvelles procédures et nouveaux outils de gestion, notamment le logiciel Gestion TU ;

– des agents des services fonciers avec une formation généraliste sur les taxes d’urbanisme puis une formation liée à la mise en œuvre des nouvelles procédures et nouveaux outils de gestion, notamment le logiciel Gestion TU.

Par ailleurs, la spécialisation des DRDFiP a entraîné des regroupements territoriaux amenant certains services à traiter des actes concernant des communes qui ne relèvent pas de leur ressort géographique habituel. C'est le cas par exemple en Île‑de-France où la DDFiP de Seine-et-Marne instruit les taxes d'aménagement de l'ensemble de la région sans toutefois connaître les situations financières des communes extérieures au département.

Cette perte de proximité peut amener à des décisions déconnectées des problématiques rencontrées par les collectivités. À titre d’exemple, une DDFiP peut accorder un délai de versement à un porteur de projet pour un montant élevé de taxe d’aménagement alors même que la commune bénéficiaire est en réseau d'alerte, amenant à un décalage d'exercice comptable.

Les rapporteurs estiment donc que les DRDFiP doivent pouvoir maintenir un lien avec les territoires dont elles gèrent la fiscalité pour assurer une meilleure prise en compte de la situation financière des communes, en particulier en ce qui concerne le traitement des taxes d’urbanisme.

Proposition n° 20 : Conserver dans les DRDFiP qui ne gèrent plus l’instruction des taxes d’urbanisme un agent référent permettant de faire le lien avec les services qui en ont la charge afin de prendre en compte la situation financière des collectivités concernées.

C.   Un niveau de liquidation prÉocCupant QUI POURRAIT AVOIR UN EFFET SUR les ressources des collectivitÉs territoriales

L’ensemble des dysfonctionnements dans le système de gestion des taxes d’urbanisme ainsi que le transfert insuffisant d’agents du MTE menacent à court et à moyen terme la qualité de la liquidation des taxes d’urbanisme par la DGFiP. Celle-ci apparaît d’ores et déjà insuffisante, ce qui constitue une menace importante pour les collectivités territoriales bénéficiaires de ces taxes.

1.   La liquidation des taxes d’urbanisme par la DGFiP atteint un niveau préoccupant qui n’est pas dû uniquement à ses nouvelles modalités de gestion

Au 31 décembre 2024, la DGFiP avait réalisé sur l’ensemble du territoire français 1 584 liquidations de taxes d’urbanisme au titre de 2023 et 78 506 liquidations et acomptes aux grands comptes au titre de 2024 correspondant à des dossiers de liquidation dont elle avait la charge.

Les montants de TU correspondant à ces liquidations s’élèvent, pour 2023, à près de 400 000 euros et à 38,8 millions d’euros pour 2024 selon les remontées Chorus au 31 décembre 2024.

Dans le même temps, les liquidations effectuées par les DDTM ont fortement diminué à partir de 2024 ; le nombre de titres de TU émis par les DDTM a ainsi diminué de 65 % entre 2023 et 2024 et les montants associés se sont réduits de 35 %, à 1,6 milliard d’euros (contre 2,4 milliards d’euros en 2023).

Nombre de titres de taxes d’urbanisme Émis

(unités)

Source : données RPI et Chorus au 31 décembre 2024.

(*) Les titres de TU émis par la DGFiP comprennent les 90 acomptes de grands projets (> 5 000 m²) en 2024.

Montants de taxes d’urbanisme liquidÉs

(en millions d’euros)

Source : données RPI et Chorus au 31 décembre 2024.

(*) Les montants de TU liquidés par la DGFiP comprennent les 38,8 millions d’euros d’acomptes de grands projets (> 5 000 m²) en 2024.

Le cumul des montants liquidés de taxe d’aménagement et de la part logement de la redevance d’archéologie préventive liquidée par les DDTM et la DGFiP en 2024 s’établit donc à 1,6 milliard d’euros, soit une baisse de près de 31 % par rapport à la moyenne des montants liquidés par les DDTM sur la période 2019-2022.

En réponse à cette baisse conséquente, la DGFiP a rappelé aux rapporteurs que les nouvelles modalités de gestion des taxes d’urbanisme induisent un décalage dans leur liquidation par les services fonciers. Ainsi, la liquidation des TU par la DGFiP s’effectue de façon progressive, une autorisation d’urbanisme dont la demande est déposée à compter du 1er septembre 2022 devant d’abord être instruite et validée. Le propriétaire doit ensuite déposer sa déclaration dans les 90 jours suivant l’achèvement des travaux et non plus 12 mois après la délivrance de l’autorisation d’urbanisme.

Si ces éléments contribuent naturellement à de moindres liquidations – de même que le moindre dynamisme du marché immobilier et de la construction qui peut avoir une incidence sur le niveau du produit des taxes d’aménagement –, les rapporteurs ont pu constater l’absence totale de liquidation des taxes d’urbanisme par la DRDFiP dans certains départements lors des deux premières années de mise en œuvre du transfert, notamment dans le Maine‑et‑Loire.

Cette situation illustre de manière manifeste des dysfonctionnements graves dans la liquidation des taxes d’urbanisme, qui résultent en particulier des insuffisances du nouveau système de gestion automatisée de ces taxes exposées précédemment.

L’existence d’un stock de dossiers en instance, en particulier en ce qui concerne les grands comptes, appelle donc à une gestion intelligente des dossiers pour éviter des effets trop importants sur les recettes des collectivités. Aussi, les rapporteurs spéciaux estiment-ils qu’une priorisation pourrait être mise en place dans le traitement de ces dossiers. Cette priorisation doit se fonder non seulement sur le montant des taxes d’urbanisme lui-même mais également sur la part que celles-ci représentent dans les recettes des collectivités auxquelles elles sont destinées.

Proposition n° 21 : Traiter en priorité les dossiers de liquidation de taxes d’urbanisme encore en instance en fonction de leur montant absolu et de la part des recettes qu’elles représentent pour les collectivités bénéficiaires.

Par ailleurs, le système automatisé de relance peut conduire à des délais supplémentaires. En effet, lorsque le propriétaire n’a pas indiqué la date prévisionnelle d’achèvement à l’administration fiscale lors de la première demande qui lui est adressée, un paramétrage homogène de l’application de surveillance conduit à positionner une date d’achèvement « par défaut » qui peut apparaître éloignée pour certains projets immobiliers d’envergure limitée comme des piscines, des garages, ou des extensions diverses. La DGFiP a indiqué qu’un « processus de vérification des dossiers restant en attente de déclaration » avait été mis en œuvre afin de provoquer le dépôt des déclarations par les propriétaires lorsque les opérations de construction s’avèrent terminées. Les rapporteurs souhaitent à cet égard souligner l’importance d’un contrôle accru des déclarations d’achèvement pour améliorer le recouvrement des taxes d’urbanisme.

Malgré ces constats préoccupants, la DGFiP a assuré aux rapporteurs ne pas constater de retard dans la collecte des taxes d’urbanisme. Elle reconnaît néanmoins avoir différé certaines taxations « erronées » dues à des « erreurs déclaratives manifestes » sans préciser les montants concernés mais en assurant que ces dossiers seraient en cours de reprise.

Les rapporteurs déplorent le manque de clarté sur le niveau effectif de ces moindres liquidations, dont l’effet pourrait se faire ressentir sur les recettes fiscales des collectivités territoriales concernées.

Proposition n° 22 : Informer les collectivités territoriales bénéficiaires des taxes d’urbanisme du niveau des montants effectivement liquidés par les DDTM et les services fonciers des DRDFiP et des éventuels retards constatés.

2.   Des conséquences financières potentiellement importantes mais non immédiatement perceptibles pour les collectivités territoriales

Malgré un faible niveau de liquidation des taxes d’urbanisme de la part de la DGFiP, les collectivités territoriales ne ressentent pas encore complètement les conséquences financières de ces dysfonctionnements qui demeurent très difficiles à évaluer.

De fait, le MTE prend encore en charge une part importante de la liquidation des taxes d’urbanisme recouvrées au bénéfice des collectivités territoriales. En outre, l’instauration d’une date d’exigibilité des taxes d’urbanisme à l’achèvement des travaux ([137]) risque d’entraîner un retard dans la perception des recettes par les collectivités territoriales qui masquerait ainsi dans un premier temps les éventuelles conséquences des dysfonctionnements relatifs à la liquidation de ces taxes.

Le Gouvernement reconnaît d’ailleurs lui-même le risque de retard lié au décalage de la date d’exigibilité dans son rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 14 juin 2022 ([138]). Il y indique que « le décalage de la date d’exigibilité de la taxe à l’achèvement des travaux est susceptible d’induire un retard dans la perception des recettes par les collectivités locales ».

Pour tenter de neutraliser les effets de cette réforme sur les recettes des collectivités, l’ordonnance a instauré deux acomptes, respectivement de 50 % et de 35 % de la taxe effectivement due, pour les constructions supérieures à 5 000 mètres carrés. Cependant, les dysfonctionnements liés à la liquidation des TU des grands comptes semblent avoir affecté les montants liquidés : seuls 90 acomptes ont été effectués en 2024 par la DGFiP pour un montant de 12,6 millions d’euros. Au cours du premier quadrimestre 2025, 75 ont été effectués pour un montant correspondant de 11 millions d’euros.

Malgré ces acomptes, les représentants des élus locaux ont fait part aux rapporteurs de la survenue de signes avant-coureurs qui indiquent déjà un affaissement du rendement des taxes d’urbanisme, en particulier de la taxe d’aménagement.

France Urbaine a fait état de l’inquiétude de certains élus locaux quant au risque de décrochage des produits de taxe d’aménagement. L’association a indiqué que le produit de taxe d’aménagement a déjà baissé de 25 % entre 2022 et 2023 pour les collectivités adhérentes à France urbaine. Malgré le caractère fluctuant du produit de cette taxe d’une année sur l’autre étant donné sa nature même, France Urbaine a précisé que « nombre de collectivités ont vu leur produit divisé par deux sans ralentissement du rythme de constructions sur leur territoire ». De même, certaines collectivités ont constaté la non prise en compte des opérations de construction supérieures à 5 000 mètres carrés qui auraient dû générer le versement d’un acompte de taxe d’aménagement.

Départements de France estime, après enquête auprès de ses adhérents, que les départements auraient subi un manque à gagner de taxes d’urbanisme évalué entre 200 et 300 millions d’euros depuis le dernier trimestre 2022 ([139]).

Ces témoignages sont d’autant plus préoccupants qu’au-delà du report des recettes fiscales qui pénalise les collectivités territoriales, il existe un véritable risque selon la CGT Finances publiques que l’impôt non liquidé ne soit pas recouvré du tout et que le délai d’exercice du droit de reprise de l’administration fiscale soit échu ([140]). Il s’agirait alors d’une perte sèche pour les collectivités territoriales.

L’importance du sujet pour les finances des collectivités territoriales nécessite de la part de l’administration fiscale une transparence accrue afin de déterminer avec précision les montants liquidés et les prévisions de produits recouvrés.

Proposition n° 23 : Compenser aux collectivités territoriales toute perte de recettes liée à l’expiration du délai d’exercice du droit de reprise de l’administration fiscale en matière de taxes d’urbanisme.


   travaux de la commission

Lors de sa première réunion du mercredi 18 mai 2025, la commission a examiné les conclusions de la mission d’information relative aux dysfonctionnements dans la gestion des impôts locaux et leurs conséquences.

L’enregistrement audiovisuel de cette réunion est disponible sur le site internet de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

En application de l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, la commission autorise la publication du rapport d’information.

 

 

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   ANNEXE : Plan d’action GMBI volet « occupation »


 


LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Auditions

Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) :

– Mme Nathalie Brodin, responsable du service finances de l’AMF ;

– M. Aurélien Philippot, conseiller finances locales ;

– Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement.

 

Cercle national des propriétaires de France (CNPF) :

– M. Marc Maurer, président ;

– M. Gilbert Spery, vice-président ;

 

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) * :

M. Gérard Orsini, président de la commission fiscale ;

– Mme Jennifer Bastard, responsable fiscalité.

 

Cour des comptes (audition février 2024) :

– M. Lionel Vareille, conseiller maître ;

– Mme Mathilde Lignot-Leloup, conseillère maître ;

 

Cour des comptes (audition mai 2025) :

– M. Jérôme Brouillet, conseiller maître ;

– M. Christian Colin, conseiller maître ;

– M. Vincent Dedrie, conseiller référendaire.

 

Conseil supérieur du notariat (audition février 2024) * :

– Maître François Devos, directeur des affaires juridiques.

 

Conseil supérieur du notariat (audition mai 2025) * :

– Maître François Devos, directeur des affaires juridiques ;

– Mme Camille Stoclin-Mille, directrice des affaires publiques.

 

France Urbaine :

– M. Franck Claeys, délégué adjoint ;

– Mme Louise Cornillère, conseillère finances publiques locales.

 

Intercommunalités de France :

– M. Jacques Oberti, président du Sicoval ;

– Mme Claire Delpech, responsable du pôle finances.

 

Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique - Direction générale des finances publiques (DGFiP) (audition mars 2024) :

– Mme Amélie Verdier, directrice générale des finances publiques ;

– M. Olivier Touvenin, chef du service de la gestion fiscale ;

– M. Guillaume Robert, chef du service des gestions publiques locales, des activités bancaires et économiques ;

– M. Grégory Berthelot, sous-directeur des particuliers du service de la gestion fiscale ;

– M. François Rollo, chef du bureau GF-1B ;

– Mme Marina Fages, cheffe du bureau GF-3A.

 

Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique - Direction générale des finances publiques (DGFiP) (audition mai 2025) :

– M. Guillaume Robert, directeur général adjoint des finances publiques ;

– M. Olivier Touvenin, chef du service de la gestion fiscale.

 

Ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche - Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) :

– M. Vincent Montrieux, directeur adjoint ;

– M. Romain Talamoni, chef de bureau.

 

Mme Pauline Gourlet, chercheuse au médialab de Sciences Po, membre du projet « Shaping AI ».

 

Table-ronde (février 2024)

CGT Finances publiques :

– M. Fabien Dampenon, secrétaire national ;

– M. Thibaut Bavière.

 

Solidaires Finances publiques :

– Mme Anne Guyot-Welke, secrétaire générale ;

– M. Nicolas Calvel, secrétaire national ;

– M. Christophe Céron, secrétaire national ;

– M. Damien Robinet, secrétaire national.

 

FO-DGFIP :

– M. Olivier Brunelle, secrétaire général.

 

Table-ronde (mai 2025)

CGT Finances publiques :

– M. Thibaut Bavière ;

– Mme Claire Sarrail ;

– M. Laurent Perin ;

– M. Mickael Wicke.

 

Solidaires Finances publiques :

– Mme Sandra Demarcq, secrétaire générale ;

– M. Ludovic Ploton ;

– M. David Boilet.

 

Déplacement à la direction départementale des finances publiques du Puy-de-Dôme

DDFiP 63 :

– M. Patrick Sisco, directeur départemental des finances publiques du Puy‑de-Dôme ;

– Mme Anabelle Dufossé, responsable de la division de la gestion fiscale et des accueils ;

– M. David Auger, responsable de la division du secteur public local.

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

 


([1]) Cour des comptes, L’action de la direction générale des finances publiques auprès du bloc communal, communication à la commission des finances du Sénat, décembre 2023.

([2]) Cour des comptes, La gestion de la fiscalité directe locale par la DGFiP, communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, janvier 2017.

([3]) Rapport spécial sur la mission Remboursements et dégrèvements de Mme Christine Pires Beaune, annexé au rapport sur le projet de loi de finances pour 2024 de M. Jean‑René Cazeneuve, rapporteur général, octobre 2023.

([4]) Amendement n° II‑CF152 de Mme Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale, à l’article 38 (état G) du projet de loi de finances pour 2024.

([5]) Article 142 (état G) de la loi n° 2025‑127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

([6]) Cf. introduction.

([7]) Réponses au questionnaire adressé à la DGFiP.

([8]) Contribution foncière, contribution personnelle et mobilière, patente, contribution sur les portes et fenêtres.

([9]) Article 16 de la loi n° 2019‑1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020. Auparavant, elles bénéficiaient également aux départements.

([10]) Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), juillet 2024.

([11]) OFGL, Cap sur… n° 20, « La contribution fiscale des entreprises aux services publics locaux », mars 2023.

([12]) Le Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) distingue quatre catégories de biens imposables : les constructions proprement dites, les installations assimilables à des constructions, les bateaux utilisés en un point fixe et les terrains imposables à la TFPB.

([13]) Rapport de l’OFGL, op. cit.

([14]) La disparition progressive de cet impôt local a été initiée par la loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 (article 5). Pour les 80 % de foyers les plus modestes, la taxe d’habitation avait été allégé de 30 % en 2018, de 65 % en 2019 puis de 100 % en 2020. Pour le reste des contribuables, l’allègement de 30 % a eu lieu en 2021, celui de 65 % en 2022 et la suppression complète en 2023.

([15]) Cour des comptes, Les taxes foncières : exercices 2016-2021, observations définitives, février 2023.

([16]) À l’exception des exonérations pouvant être appliquées par une délibération prise par les communes et les EPCI à fiscalité propre.

([17]) Rapport annuel de performances (RAP) de la mission Remboursements et dégrèvements annexé au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024.

([18]) Réponses au questionnaire adressé à la DGFiP.

([19]) Inscrits à l’action 02 Taxes foncières du programme 201 Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (mission Remboursements et dégrèvements), ces restitutions se sont élevées en moyenne à 1,84 milliard d’euros par an de 2017 à 2024.

([20]) D’après la DGFiP, 33 millions de personnes physiques et morales propriétaires étaient imposables aux taxes foncières en 2023.

([21]) RAP de la mission Gestion des finances publiques annexé au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2022.

([22]) Réponses au questionnaire adressé à la DGFiP.

([23]) Cour des comptes, La DGFiP, dix ans après la fusion : une transformation à accélérer, rapport public thématique, juin 2018.

([24]) Arrêté du 21 juillet 2017 portant réorganisation de postes comptables des services déconcentrés de la direction générale des finances publiques.

([25]) Réponses au questionnaire adressé à la DGFiP.

([26]) Cour des comptes, L’Action de la direction générale des finances publiques auprès du bloc communal, communication à la commission des finances du Sénat, décembre 2023.

([27]) Circulaire du 12 juin 2019 relative à la mise en œuvre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État.

([28]) Réponses au questionnaire adressé à la DGFiP.

([29]) Cour des comptes, La Gestion de la fiscalité directe locale par la DGFiP, op. cit.

([30]) Décret n° 2017‑770 du 4 mai 2017 portant obligation pour les notaires d’effectuer par voie électronique leurs dépôts de documents auprès des services chargés de la publicité foncière.

([31]) Réponses au questionnaire adressé au CSN.

([32]) Cour des comptes, L’action de la Direction générale des finances publiques auprès du bloc communal, op. cit.

([33]) Article 146 de la loi n° 2019‑1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([34]) Article 106 de la loi n° 2022‑1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([35]) Cour des comptes, Les taxes foncières : exercices 2016-2021, op. cit.

([36]) Article 30 de la loi n° 2017‑1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

([37]) Article 103 de la loi n° 2022‑1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 modifié par l’article 152 de la loi n° 2023‑1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

([38]) Question écrite n° 09138 publiée dans le Journal officiel (JO) le 23 novembre 2023 (réponse publiée dans le JO le 22 février 2024).

([39]) Réponses au questionnaire adressé à la DGFiP.

([40]) Les dégrèvements au titre de 2024 s’appuient sur des données arrêtées au 5 mai 2025.

([41]) Article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 codifié à l’article 1418 du code général des impôts.

([42]) Cette question est traitée dans la partie IV du présent rapport.

([43]) Propriétaires de locaux ou titulaires d’un droit réel.

([44]) Avant l’offre de déclaration dématérialisée, une offre de consultation des éléments caractéristiques des biens bâtis avait même été proposée dès août 2021 aux propriétaires pour l’ensemble des informations identifiées dans la base documentaire cadastrale.

([45]) Et non plus 12 mois après la délivrance de l’autorisation d’urbanisme. Voir la partie IV pour plus de détails.

([46]) L’article 106 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 prévoit que la prise en compte des résultats de la RVLLH dans les rôles d’imposition est en conséquence reportée à 2028.

([47]) La question de la RVLLH est traitée dans la partie I du présent rapport.

([48]) Sur les 34 millions de propriétaires, 24,8 millions de personnes morales ou physiques sont soumis à l’obligation déclarative du fait des indivisions selon la Cour des comptes.

([49]) Depuis la réforme des taxes d’urbanisme mise en œuvre à compter du 1er septembre 2022, les déclarations foncières et de taxes d’urbanisme ont lieu à l’achèvement des constructions et des aménagements.

([50]) Se référer au IV du présent rapport.

([51]) Missionnées par une lettre du 9 octobre 2019, l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) et l’inspection générale des finances (IGF) ont rendu en mars 2020 leur rapport relatif aux conditions de mise en œuvre du transfert de la liquidation de la taxe d’aménagement à la DGFiP.

([52]) Op. cit.

([53]) Cour des comptes, La mise en œuvre du prélèvement à la source, 2021.

([54]) L’évolution du coût du projet GMBI est plus précisément abordée infra.

([55]) Numéro national : 0 809 401 401 (service gratuit + prix d'un appel), du lundi au vendredi de 8 h 30 à 19 h.

([56]) Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ?, Défenseur des droits, 2022.

([57]) Insee Première, n° 1953, juin 2023.

([58]) Communiqué de presse de la DGFiP en date du 23 juin 2023.

([59]) « Taxe d'habitation : les avis erronés pleuvent sur les contribuables », Les Échos, 22 novembre 2023.

([60]) Chiffre fourni par la Cour des comptes.

([61]) Cour des comptes, « Gérer mes biens immobiliers » Une campagne 2023 chaotique aux très lourdes conséquences financières pour l’État, Rapport public thématique, janvier 2025.

([62]) Coût estimé en mai 2024 par l’outil Mareva (« Méthode d’analyse et de remontée de la valeur ») qui permet d’analyser la valeur des projets SI de l’État.

([63]) C’est-à-dire qu’ils possèdent des éléments de confort minimum (installation électrique, eau courante, équipements sanitaires…).

([64]) Article 74 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([65]) Auparavant, les taux s’élevaient respectivement à 12,5 % la première année d’imposition et 25 % à partir de la deuxième année.

([66]) Article 73 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([67]) Décret n° 2023-822 du 25 août 2023. La liste des communes en application des nouveaux critères figure en annexe au décret.

([68]) La TLV est pour sa part affectée au budget général de l’État.

([69]) Article 1407 ter du CGI.

([70]) Sur le site gouvernemental « Services publics + » disponible à l’adresse suivante : https://www.plus.transformation.gouv.fr/consulter-experiences?combine=gmbi&reponse=All&organisme=All&organisme_label=&thematic=All&date=All

([71]) Le détail du plan figure en annexe 1 du rapport.

([72]) Article 115 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

([73]) La perte de recettes pour les collectivités est compensée par un prélèvement sur les recettes de l’État, évalué à 85 millions d’euros à l’article 122 de la loi de finances pour 2025.

([74]) Un local déclaré au cours de la campagne 2023 peut faire l’objet d’une nouvelle déclaration en 2024 en cas changement de la situation d’occupation.

([75]) 6 417 communes ont instauré la THLV en 2024 contre 5 447 en 2023 et 3 697 communes sont concernées par la TLV en 2024 contre 1 136 en 2023.

([76]) En application de l’article 1407 ter du code général des impôts, les communes situées en « zone tendue » peuvent majorer leur THRS d’un pourcentage compris entre 5 % et 60 %.

([77]) L’appréciation du caractère volontaire ou non de la vacance relève essentiellement de circonstances de fait, le contribuable devant prouver qu'il a effectué toutes les démarches nécessaires pour vendre ou louer son logement vacant ou que l'immeuble ne peut pas être occupé dans des conditions normales. Le caractère involontaire de la vacance ne peut être présumé par l'administration.

([78]) Décret n° 2011‑1371 du 27 octobre 2011 relatif à l’Institut national de l’information géographique et forestière.

([79]) Ces prises de vues sont publiques et consultables sur le site internet www.geoportail.gouv.fr.

([80]) Réponses au questionnaire adressé à la DGFiP.

([81]) L’article 324 L de l’annexe III du CGI précise que les piscines privées constituent des éléments de pur agrément appartenant à la catégorie des dépendances bâties.

([82]) En effet, l’article 1508 du CGI précise que « les cotisations afférentes à ces rehaussements sont calculées d’après les taux en vigueur pour l’année en cours. Sans pouvoir être plus que quadruplées, elles sont multipliées [par] le nombre d’années écoulées ».

([83]) Corse-Matin, « Piscines non déclarées en Corse, une première vague à 600 000 € », 20 juin 2023.

([84]) Réponses au questionnaire adressé à la DGFiP.

([85]) Rapport annuel de performances de la mission Gestion des finances publiques annexé au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024.

([86]) Sénat, rapport d’information de la délégation à la prospective « IA, impôts, prestations sociales et lutte contre la fraude », M. Didier Rambaud et Mme Sylvie Vermeillet, avril 2024.

([87]) Réponses au questionnaire adressé à la DGFiP.

([88]) www.impots.gouv.fr: « J’installe une piscine, y a-t-il une incidence sur mes impôts locaux ? »

([89]) Décret n° 2010‑983 du 26 août 2010 portant statut particulier du corps des géomètres-cadastreurs des finances publiques.

([90]) Un document d’arpentage permet de constater tout changement de limite de propriété par suite de division, de lotissement ou de partage.

([91]) Mme Pauline Gourlet est chercheuse en psychologie cognitive, en ergonomie et en sociologie. Elle est spécialisée dans la conception des systèmes d’information.

([92]) Réponses au questionnaire adressé à la DGFiP.

([93]) Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([94]) Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT) s’intitule depuis décembre 2024 « ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche ». Pour des raisons de compréhension, seuls le terme « ministère de la transition écologique » et son acronyme MTE seront utilisés dans ce rapport.

([95]) Ordonnance n° 2022-883 du 14 juin 2022 relative au transfert à la direction générale des finances publiques de la gestion de la taxe d'aménagement et de la part logement de la redevance d'archéologie préventive.

([96]) En particulier le décret n° 2022-1102 du 1er août 2022 fixant les modalités et la date du transfert de la gestion de la taxe d’aménagement et de la part logement de la redevance d’archéologie préventive aux services de la direction générale des finances publiques.

([97]) Il existe également, pour les locaux situés en Île-de-France, une taxe sur la création de locaux à usage de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux de stockage (TCBCS) considérée comme une taxe d’urbanisme mais non traitée dans cette section car n’étant pas liquidée par la DGFiP.

([98]) Article 111 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

([99]) Article 1635 quater A du CGI.

([100]) La liste des objectifs poursuivis par les collectivités en matière d’urbanisme est détaillée à l’article L.101-2 du code de l’urbanisme.

([101]) Article L. 331-3 du code de l’urbanisme.

([102]) Article 1639 A bis du CGI.

([103]) Article 1635 quater F du CGI.

([104]) Article 1635 quater H du CGI.

([105]) Décret n° 2024-496 du 30 mai 2024 portant incorporation au code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code.

([106]) Article 1635 quater I du CGI.

([107]) Article 1635 quater J du CGI.

([108]) Article 1635 quater L du CGI.

([109]) Article 1635 quater N du CGI.

([110]) Article 1635 quater M du CGI.

([111]) Ainsi qu’aux procès-verbaux établis après cette date constatant l’achèvement de constructions ou d’aménagements sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant d’une autorisation d’urbanisme initiale dont la demande a été déposée après le 1er septembre 2022 ou d’une autorisation d’urbanisme s’y rattachant. Ces dispositions sont prévues par le décret n° 2022-1102 du 1er août 2022 fixant les modalités et la date du transfert de la gestion de la taxe d'aménagement et de la part logement de la redevance d'archéologie préventive aux services de la direction générale des finances publiques.

([112]) Sont également transférés depuis le 1er janvier 2025 les dossiers pour lesquels l’émission des titres fait suite à des procès-verbaux constatant l'achèvement de constructions ou d'aménagements en infraction aux obligations résultant d'une autorisation d'urbanisme dont la demande a été déposée avant le 1er septembre 2022.

([113]) Article 1635 quater G du CGI.

([114]) La date de réalisation définitive des opérations s’entendant au sens du I de l’article 1406 du CGI.

([115]) Article 1647 du CGI.

([116]) Article 1679 octies du CGI.

([117]) Article 1635 quater S du CGI.

([118]) Loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l’archéologie préventive.

([119]) Article 235 ter ZG du CGI.

([120]) Article L. 524-2 du code du patrimoine.

([121]) Il s’agit des constructions et aménagements mentionnés aux 1° à 4° et 8° à 11° du I de l'article 1635 quater D du CGI.

([122]) Article L. 524-3 du code du patrimoine.

([123]) Article L. 524-6 du code du patrimoine.

([124]) Article L. 524-4 du code du patrimoine.

([125]) Article L. 524-7 du code du patrimoine et article 1er de l’arrêté du 20 décembre 2024 portant fixation du taux de la redevance d'archéologie préventive.

([126]) Article L. 524-8 du code du patrimoine.

([127]) Données provenant du « Développement des opérations constatées au budget général » annexé au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024.

([128]) Conditions de mise en œuvre du transfert de la liquidation de la taxe d’aménagement à la Direction générale des Finances publiques, IGF et CGEDD, mars 2020.

([129]) En Île-de-France, c’est la direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement (DRIEA) qui est en charge de la liquidation de la taxe d’aménagement et de la composante « logement » de la RAP.

([130]) « Surveillance Relance Foncière ».

([131]) Comme indiqué précédemment, les DDTM conservent la charge de liquider le « stock » des taxes d’urbanisme dont la demande d’autorisation d’urbanisme a été déposée avant le 1er septembre 2022 sans dépôt de permis modificatif ni de transfert de permis postérieur à cette date.

([132]) Délibérations des taxes annexes.

([133]) Système d’information et de traitement automatisé des données élémentaires sur les logements et les locaux.

([134]) Gestion des locaux.

([135]) « Surveillance Relance Foncière ».

([136]) Gestion TU permet également de traiter le contentieux et les impositions correctives liés aux taxes d’urbanisme.

([137]) Et non plus 12 mois après la délivrance de l’autorisation d’urbanisme puis éventuellement 24 mois après cette même date pour les montants de taxe de plus de 1 500 euros.

([138]) Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2022-883 du 14 juin 2022 relative au transfert à la direction générale des finances publiques de la gestion de la taxe d’aménagement et de la part logement de la redevance d’archéologie préventive.

([139]) Estimation figurant dans un courrier de Départements de France adressé au ministre de l’économie en date du 25 février 2025.

([140]) Ce délai est de quatre ans suivant la naissance du fait générateur de la taxe pour la taxe d’aménagement.