N° 1639

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIXSEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 juin 2025.

 

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 30 octobre 2024

 

sur l’avenir de la francophonie

 

ET PRÉSENTÉ

 

par Mme Amélia LAKRAFI et M. Aurélien TACHÉ

Députés

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  SOMMAIRE

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Pages

Propositions de la mission d’information

Avant-propos de la rapporteure Amélia Lakrafi

Avant-propos du rapporteur Aurélien Taché

Introduction

I. La Francophonie : un projet en devenir

A. Les dynamiques de l’espace francophone

1. Les grandes composantes de la « galaxie francophone » mondiale

2. Le français est de plus en plus une langue d’Afrique

3. Des évolutions tributaires des progrès de la scolarisation en français et du développement économique

4. L’attrait international pour le français langue étrangère

B. Un acteur du multilatéralisme à parfaire

1. La francophonie institutionnelle : une affirmation progressive

a. Opérateur technique et organisation politique : une dualité fondatrice

b. Une organisation internationale attractive

2. Une coopération multilatérale francophone dense

a. La modernisation des programmes relevant directement de l’Organisation internationale de la francophonie

b. Les acteurs de la Charte déploient des stratégies conformes aux orientations de la francophonie

i. Les conférences ministérielles permanentes

ii. L’Agence universitaire de la francophonie

iii. L’université Senghor d’Alexandrie

iv. L’Association internationale des maires francophones

v. TV5 Monde

vi. L’Assemblée parlementaire de la francophonie

3. Doter la francophonie institutionnelle de nouvelles synergies et de nouveaux outils

a. Les actions conjointes des organisations de la francophonie ne sont pas à l’échelle des besoins de l’espace francophone

b. Poser les fondements d’une réorganisation de grande ampleur

i. La nécessaire « remise à plat » de la Charte de la francophonie

ii. Organiser les coopérations francophones autour de pôles d’action cohérents

iii. Déployer pleinement la diplomatie parlementaire francophone

C. Le Sommet de Villers-Cotterêts : un révélateur des forces et des faiblesses de la francophonie

1. Les acquis et les limites du volet politique du sommet

2. Les orientations de la Déclaration de Villers-Cotterêts

3. Les « livrables » du sommet

a. La consécration de la dimension francophone de la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts

b. L’appui aux circulations et à la création dans l’espace francophone

c. La réaffirmation des valeurs de la francophonie

II. La Francophonie de l’avenir : des démarches partenariales, des chantiers stratégiques

A. L’engagement francophone de la France doit être conforté

1. Conjurer les risques d’un désengagement préjudiciable

a. Rendre plus lisible la participation de la France dans la francophonie

b. Mettre en cohérence les stratégies européennes et francophones de la France

c. Placer la démarche francophone au cœur de notre aide publique au développement

d. Mettre en cohérence les leviers de coopération éducative

e. Conforter l’atout des mobilités étudiantes pour l’enseignement supérieur francophone

f. Imbriquer l’action culturelle de la France à la francophonie

i. Préserver l’autonomie du réseau des Alliances françaises, émanation des sociétés civiles francophones et francophiles

ii. Faire de l’enseignement du et en français un atout pour l’employabilité

iii. Donner de la visibilité à la priorité africaine de la politique culturelle française

2. Acter la copropriété de la langue par ceux qui ont le français en partage

a. Créer une « Académie francophone des langues »

b. Les réflexions entourant les trente ans de la loi Toubon doivent s’inscrire dans une perspective internationale

c. Valoriser la contribution des outre-mer et des territoires créolophones

d. Faire de TV5 Monde un relais majeur de la création francophone

B. Les francophones doivent faire de grandes choses ensemble

1. La francophonie doit participer à la prévention et au règlement des conflits

2. La dimension politique des coopérations francophones ne doit plus être éludée

3. Gérer ensemble les mobilités dans l’espace francophone

4. Investir les domaines d’avenir

a. Une francophonie ambitieuse peut coaliser les États et les peuples autour de grands projets et dans le multilatéralisme

b. Pour éviter l’effacement numérique de leur langue, les francophones doivent garantir la découvrabilité des contenus en français

c. L’avenir doit pouvoir continuer de s’inventer en français

EXAMEN EN COMMISSION

Annexe : liste des personnes auditionnées ou rencontrées par les rapporteurs

 


   Propositions de la mission d’information

RELANCER LE PROJET INSTITUTIONNEL FRANCOPHONE À LA SUITE DU SOMMET DE VILLERS-COTTERÊTS

Proposition n° 1 : Remettre à plat la Charte de la francophonie :

– en revoyant la répartition des compétences entre les acteurs de la Charte pour donner toute leur visibilité à des grands pôles correspondant aux principaux enjeux de l’espace francophone (l’éducation et la formation, l’enseignement supérieur, la francophonie économique, le numérique et les médias en langue française) ;

– en secondant le secrétaire général de la francophonie d’un conseiller spécial doté d’une autorité incontestable chargé de veiller au dialogue, à la coordination et à la synergie entre les différents acteurs de la francophonie institutionnelle pour maximiser leurs convergences.

Proposition n° 2 : Structurer un grand pôle de la francophonie en charge de l’éducation du et en français pour garantir la montée à l’échelle des programmes de formation des professeurs et pour déployer les enseignements fondés, dans les contextes multilingues, sur l’utilisation concomitante de la langue première de l’élève et de la langue française.

Proposition n° 3 : Réorganiser autour de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) les initiatives francophones dans les domaines de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont l’université Senghor d’Alexandrie, et présenter chaque année leur état d’avancement à l’occasion de la Semaine mondiale de la francophonie scientifique.

Proposition n° 4 : Organiser un grand pôle de la francophonie économique mettant en synergie les différents réseaux entrepreneuriaux francophones et rendant plus visibles les enjeux et opportunités économiques de l’espace francophone.

Proposition n° 5 : Faire de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) une véritable organisation parlementaire internationale et accroître l’efficacité de la section française en réduisant le nombre de ses membres admis d’office.

Proposition n° 6 : Concentrer le rôle du secrétariat général de la francophonie sur la dimension politique d’intermédiation entre les États et sur les grands enjeux de l’espace francophone. Présenter, à l’occasion des sommets de la francophonie, un rapport du secrétariat général consacré aux défis politiques et stratégiques de l’espace francophone, distinct du rapport portant sur les activités et les programmes des acteurs de la Charte de la francophonie.

Proposition n° 7 : Doter les organisations de la francophonie d’outils et de compétences leur permettant de lever directement des financements significatifs auprès des grands bailleurs internationaux notamment dans les domaines de l’éducation ou de la transition climat.

Proposition n° 8 : Inciter les entreprises, les organismes d’intérêt général et le grand public à participer au financement d’une fondation de la francophonie.

Proposition n° 9 : Donner toute leur place aux collectivités territoriales dans la francophonie institutionnelle et leur associer les sociétés civiles et les diasporas.

Proposition n° 10 : Rendre compte au Parlement de la mise en œuvre des engagements pris à Villers-Cotterêts et de la réalisation de leurs « livrables ».


PLACER LES ENJEUX FRANCOPHONES AU CŒUR DE L’ACTION EXTÉRIEURE DE LA FRANCE

Proposition n° 11 : Revenir sur les décisions préjudiciables de réduction des contributions de la France aux organismes de la francophonie et, à titre d’exemple, consacrer à la francophonie scientifique une part significative des 100 millions d’euros qui vont être consacrés à l’accueil d’universitaires américains.

Proposition n° 12 : Faire figurer la francophonie dans la dénomination du ministère chargé des affaires étrangères et sanctuariser ce portefeuille confié à un ministre délégué au champ de compétence élargi.

Proposition n° 13 : Rehausser le statut de la représentation de la France auprès des organes de la francophonie en créant une délégation permanente au rang d’ambassade avec des moyens adaptés.

Proposition n° 14 : Faire prendre conscience des enjeux de la francophonie auprès du public français, notamment en faisant mieux connaitre les atouts et les perspectives qu’elle offre aux jeunes générations et en valorisant les artistes de langue et d’expression françaises.

Proposition n° 15 : Faire des partenariats francophones un axe central de notre aide publique au développement.

Proposition n° 16 : Faire de la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts un centre d’excellence francophone dans les domaines de l’éducation et de la langue.

Proposition  17 : Pérenniser et diffuser FrancoTech pour promouvoir l’innovation technologique dans les pays francophones.

Proposition  18 : Mener une stratégie offensive, en lien avec les pays francophones de l’Union européenne, pour que le français, demeure, dans les faits, une langue de travail des institutions européennes, pour que les politiques européennes tiennent pleinement compte des enjeux du multilinguisme, et pour développer l’enseignement du français en Europe.

CONSTRUIRE DES POLITIQUES DE COOPÉRATION ÉDUCATIVE COHÉRENTES ET AMBITIEUSES

Proposition n° 19 : Éviter les contradictions entre les objectifs généraux de développement du réseau de l’enseignement français à l’étranger et les enjeux locaux de coopération éducative.

Proposition n° 20 : S’assurer que le ministère de l’éducation nationale valorise, dans les carrières d’enseignants, le passage par l’enseignement français à l’étranger et en faire un moyen pour attirer vers les métiers de l’enseignement.

Proposition n° 21 : Accroître le soutien de la France à la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF) en tenant compte de l’ensemble des ressources dont elle peut disposer.

Proposition n° 22 : Dans les postes diplomatiques prioritaires, permettre la gratuité des certifications de langue française pour les professeurs de et en français.

Proposition n° 23 : Faire de l’enseignement en français un atout pour l’employabilité en :

– appuyant les actions répondant aux besoins de l’enseignement du français professionnel et en finançant un programme de soutien des initiatives innovantes en la matière ;

– accroissant la dimension trilingue des cursus universitaires et professionnalisants des pays francophones, en incluant des modules en langue locale et en anglais.

IMBRIQUER L’ACTION CULTURELLE DE LA FRANCE À LA FRANCOPHONIE

Proposition n° 24 : Continuer à renforcer le réseau culturel extérieur de la France et préserver en son sein l’autonomie des Alliances françaises, qui émanent des sociétés civiles francophones et francophiles.

Proposition n° 25 : Accentuer la composante francophone de la politique culturelle française.

Proposition n° 26 : Systématiser les partenariats entre les réseaux culturels des États francophones et l’OIF, dans une logique de complémentarité entre le bilatéral et le multilatéral, pour dynamiser et relancer les Centres de lecture et d’animation culturelle (CLAC).

Proposition n° 27 : Améliorer l’accueil des étudiants étrangers en France en s’assurant du plein déploiement du label Bienvenue en France et en tenant les objectifs de simplification des démarches administratives et des procédures de visas et de titres de séjour.

Proposition n° 28 : Soutenir les projets de coopération universitaire intégrant plusieurs partenaires francophones.

Proposition n° 29 : Soutenir la mise en œuvre du « programme international de mobilité et d’employabilité francophone » (PIMEF) de l’Agence universitaire de la francophonie pour en faire la première étape d’un projet d’Erasmus francophone.

ACTER LA COPROPRIÉTÉ DE LA LANGUE PAR CEUX QUI ONT LE FRANÇAIS EN PARTAGE

Proposition n° 30 : Créer une « Académie francophone des langues ».

Proposition n° 31 : Engager, en s’inspirant de la législation québécoise, le chantier de la réforme et de la modernisation de la loi Toubon dans l’ensemble de ses dimensions : présence de la langue française dans l’espace public, au travail, dans les médias numériques ainsi que dans les services publics, dont l’enseignement supérieur…

Proposition n° 32 : Renforcer les missions et les moyens de la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), en plaçant ce service interministériel sous l’autorité du premier ministre.

Proposition n° 33 : Valoriser la contribution des outre-mer à la francophonie, par des partenariats avec l’OIF et en les habilitant à représenter la France au sein des organisations de coopération régionale de leurs zones géographiques.

Proposition n° 34 : (Proposition du rapporteur Aurélien Taché). Dans le cadre du futur accord concernant l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, prévoir l’appui de la France au rehaussement de son statut au sein de l’OIF, du rang de membre associé à celui de membre de plein droit.

Proposition n° 35 : Conforter l’évolution en cours de TV5 Monde afin de lui permettre d’être un relais important de la création francophone, en linéaire et sur sa plateforme TV5MondePlus, et en ouvrant sa gouvernance à des médias publics africains.

PESER ENSEMBLE SUR LES GRANDS DOMAINES D’AVENIR

Proposition n° 36 : Coaliser les États et les organisations francophones afin de :

 co-construire des grands projets dans les domaines stratégiques : les plateformes numériques avec le Québec, le spatial avec le Maroc et l’Égypte, l’IA avec le Sénégal, une grande bibliothèque de la francophonie à Kinshasa ;

– rendre audible, dans le multilatéralisme, « la voix des francophones » autour de grands combats communs.

Proposition n° 37 : Faciliter et simplifier l’accès des ressortissants de pays francophones à des visas de courts séjours vers la France et engager le chantier de la création d’un visa francophone partagé entre plusieurs pays francophones.

Proposition  38 : Agir ensemble pour réguler les grandes plateformes numériques afin de garantir la découvrabilité des contenus culturels francophones et la diversité des expressions culturelles.

Proposition n° 39 : Définir des modèles d’incitations, y compris financières ou de carrière, afin de permettre aux chercheurs de travailler dans des langues autres que l’anglais et d’être diffusés dans des revues scientifiques de haut niveau.

Proposition n° 40 : Instaurer, avec l’AUF, un « Classement de Paris » afin de valoriser les universités francophones.

 


   Avant-propos de la rapporteure Amélia Lakrafi

La francophonie, telle que je la défends, n’est pas un simple héritage; elle est une promesse et un horizon. Partout, des millions de femmes et d’hommes choisissent le français pour apprendre, innover, travailler et penser librement.

Ce rapport le rappelle: la francophonie n’est ni une ligne de budget ni un quota de locuteurs. C’est une politique d’influence et de cohésion, douce mais robuste. Nos lycées, alliances et réseaux culturels sont des sentinelles ; la France en récolte souvent les fruits, quand un ancien élève devient ministre ou négociateur de premier plan.

Dans un monde fracturé, la francophonie doit rester fidèle à ses principes: pas d’ingérence, pas de leçons, mais une main tendue à ceux qui veulent bâtir avec nous, dans le respect. Je rejette une francophonie timide ou honteuse. Elle doit être assumée, fière, tournée vers l’avenir et la jeunesse, loin des querelles mémorielles où certains voudraient l’enfermer.

Elle n’exclut aucune langue; elle vit du dialogue et du plurilinguisme, qu’elle voit comme un atout, jamais comme un obstacle.

Je le dis sans détour: nos moyens s’érodent. Chaque coupe fragilise un peu plus nos écoles, nos alliances, notre rayonnement.

Mais mon projet demeure: une francophonie qui assume son rôle politique sans renier ses valeurs. Puisse cette vision guider nos choix, pour que demain, la francophonie reste cet espace vivant d’affinités, d’opportunités et de liberté partagée.


   Avant-propos du rapporteur Aurélien Taché

La francophonie a-t-elle un avenir ? Et d’abord qu’est-ce que la francophonie ? Cette question peut sembler incongrue en 2025 et pourtant jamais elle n’a été autant d’actualité.

Ce terme un peu daté désigne tous les locuteurs de langue française à travers le monde ainsi que les institutions qu’ils ont érigées, à partir des années 1970, pour mettre en place une coopération propre à cet espace géolinguistique.

La francophonie a pu être confondue avec un outil d’influence de la France, qui l’a d’ailleurs souvent utilisée comme telle. Mais dans l’esprit de ses fondateurs et en particulier de Léopold Sédar Senghor, poète de la Négritude et emblématique premier président du Sénégal, elle était au contraire le moyen pour les anciennes colonies de faire prospérer le « butin de guerre » de la langue française, selon les mots du poète algérien Yacine Kateb.

Pourtant le « commonwealth à la française » dont rêvait Léopold Sédar Senghor n’est jamais totalement advenu et la francophonie reste aujourd’hui au milieu du gué.

D’abord sur le strict plan linguistique, les défis sont très nombreux pour que la langue française continue de progresser à travers le monde. Le premier d’entre eux tient au développement des systèmes éducatifs sur le continent africain, où se trouvent 70 % des locuteurs de français.  La priorité absolue est donc que les pays d’Afrique puissent renforcer la qualité de la formation des nouveaux élèves et de l’enseignement en français : la francophonie joue son avenir dans la façon dont elle pourra accompagner l’Afrique par des investissements massifs dans l’éducation et de la formation.

L’avenir de la francophonie exige aussi de repenser réellement les mobilités au sein de l’espace géolinguistique, en facilitant les mobilités Nord-Sud et Sud-Sud : il faut engager le chantier d’un « visa francophone » commun et supprimer au minimum, dès que possible, l’obligation de visas pour les courts séjours des décideurs politiques et économiques, tout comme des artistes et des chercheurs. 

Il faut aussi éviter à tout prix que la France ne se retrouve à l’écart des nouvelles dynamiques de l’espace francophone : il serait suicidaire qu’elle continue de se refermer sur elle-même, qu’elle demeure incapable de regarder son passé colonial en face ou que le début public y soit pollué par l’instrumentalisation des questions migratoires.

Une langue appartient à ceux qui la parlent et il est donc nécessaire aussi d’en finir avec toute forme d’impérialisme culturel.

Les espaces francophones doivent désormais être le support privilégié de la « créolisation » qu’Édouard Glissant appelait de ses vœux : en Afrique notamment mais également en Amérique du Nord et dans les espaces créolophones.

C’est pourquoi il est nécessaire d’acter pour de bon la copropriété de la langue française entre ses locuteurs, en créant, à côté de l’Académie française, une « Académie francophone de la langue commune », ainsi que nous le proposons dans le rapport. Cette structure serait reconnue par la Charte de la francophonie et disposerait d’un siège ailleurs qu’en France. Elle serait composée d’écrivains, poètes, linguistes, universitaires, ayant écrit en français dans les pays membres de la francophonie.

Sur le plan politique, les défis que la francophonie doit relever ne sont pas moins nombreux. Elle continue par exemple trop souvent d’être confondue avec la politique extérieure de la France et le « deux poids deux mesures » des institutions francophones selon que le régime est considéré comme favorable à Paris est délétère. Le Tchad n’a subi de sanctions ni de la France ni de l’Organisation internationale de francophonie, et celles contre la Guinée ont très rapidement été levées, alors que l’approche a été intransigeante avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qui ont maintenant tous trois quitté l’OIF…

Le silence de l’actuelle secrétaire générale, Louise Mushikiwabo, sur le conflit qui ravage l’Est de la République démocratique du Congo, le plus grand pays de l’espace francophone, mine aussi sa crédibilité pour agir en faveur de la paix, alors que ce devrait être l’un de ses premiers objectifs.

L’absence lors du dernier sommet de la francophonie en 2024 à Villers-Cotterêts, d’une déclaration ambitieuse sur le génocide en cours à Gaza, alors qu’en 2003, le monde francophone avait refusé la guerre en Irak d’une seule voix, renforce aussi l’idée d’une « francophonie à deux vitesses ».

Pourtant, l’avenir de la francophonie ne pourra qu’être anti-impérial et décolonial. C’est à cette condition, qu’elle pourra jouer un rôle pour contribuer à l’édification d’un ordre international plus juste, en fédérant ses membres autour de la paix et des biens communs universels. C’est à cette condition que les francophones pourront répondre ensemble aux défis posés par les trois nouvelles frontières de l’Humanité – la mer, l’espace et le numérique, en créant dans ces domaines stratégiques des universités francophones et des coopérations renforcées.

« Une langue commune au service de causes communes », voilà pour moi ce que devrait être la devise de la francophonie.

 


   Introduction

En 1883, le géographe Onésime Reclus prédisait : « L’humanité qui vient se souciera peu des beaux idiomes, des littératures superbes, des droits historiques ; elle n’aura d’attention que pour les langues très parlées, et par cela même très utiles » ([1]). Visionnaire, il ajoutait : « Nous espérons que l’idiome élégant dont nous avons hérité vivra longtemps, un peu grâce à nous, beaucoup grâce à l’Afrique et grâce au Canada ».

Ces mots du créateur du terme « francophonie » rappellent qu’elle n’est pas une nostalgie franco-française mais une ouverture vivante sur le monde, consciente des facteurs qui font croître ou décliner les grandes langues internationales.

Aujourd’hui, la francophonie rassemble sur les cinq continents près de 350 millions de locuteurs, majoritairement plurilingues. Cet espace, riche de dynamiques internes, est porteur d’avenir au Maroc, au Québec, au Sénégal ou en Côte d’Ivoire, mais reste marqué par des fractures, notamment en République démocratique du Congo ou au Sahel, où se joue une part décisive de son futur.

À l’horizon 2050, les francophones pourraient être de 500 à 700 millions, à condition qu’une éducation en français, respectueuse du plurilinguisme, progresse partout. Pour cela, le français doit être perçu par la jeunesse non comme un héritage du passé colonial, mais comme un atout pour l’accès aux études, à l’emploi, à la culture, à la science et aux mobilités internationales qui font de la francophonie un espace d’opportunités.

Depuis plus de cinquante ans, une francophonie politique s’efforce de fédérer les États et gouvernements partageant la langue française, notamment au sein de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF). Loin d’être une approche descendante de la France vers ses anciennes colonies, ce projet est porté, depuis ses origines, par des initiatives venues du Sud, à commencer par celles de Léopold Sédar Senghor.

Au fil du temps, cette francophonie institutionnelle s’est structurée en un écosystème dense, mêlant visions convergentes ou parfois concurrentes, et permettant des coopérations utiles. Cependant, ces actions ne sont pas suffisamment à l’échelle des défis de l’espace francophone.

Pour être à la hauteur, la francophonie doit dépasser ses cloisonnements et bâtir de nouvelles alliances, articulant actions bilatérales, plurilatérales et multilatérales autour de priorités claires : éducation, enseignement supérieur, recherche scientifique, économie, numérique et médias en langue française.

Mais même renforcées, ces coopérations resteront fragiles sans réponses politiques aux crises qui traversent l’espace francophone et aux causes profondes qui les alimentent.

La France, quant à elle, doit réaffirmer pleinement son engagement. Si la francophonie n’est pas la France, la France ne saurait manquer à la francophonie : nos partenaires francophones ont besoin de notre soutien, tout comme la France a besoin de cet espace dynamique, créatif et porteur de cohésion.

La mission d’information sur l’avenir de la francophonie, initiée fin 2023, avait pour objectif de dresser un état des lieux à l’occasion du XIXᵉ sommet de la francophonie à Villers-Cotterêts et Paris, les 4 et 5 octobre 2024. Malgré la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024, les rapporteurs ont, dès le début de la 17ᵉ législature, sollicité le nouveau président de la commission des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, pour présenter un premier bilan de leurs travaux à la veille du sommet ([2]). À leur demande, le bureau de la commission, présidé par Bruno Fuchs, a reconduit la mission d’information afin de dresser un bilan du sommet de Villers-Cotterêts et d’identifier les perspectives d’avenir de la francophonie.

Au total, plus de trente auditions et plus de deux-cent-cinquante entretiens menés à Paris, au Canada et au Québec, à Bruxelles, au Maroc, en République démocratique du Congo, au Congo-Brazzaville et au Sénégal ont nourri ce rapport.

Les rapporteurs constatent des écarts entre certaines annonces et leur concrétisation, alors même que la France réduit fortement ses engagements financiers, menaçant des projets pourtant stratégiques. Ils appellent solennellement le gouvernement à revenir sur ces coupes budgétaires qui envoient un signal négatif à nos partenaires, et rappellent l’importance de l’aide publique au développement et de la coopération culturelle pour le rayonnement de la langue française.

Ce rapport, qui présente une quarantaine de propositions, trace des perspectives de relance et appelle à une réorganisation profonde des institutions francophones, assortie de nouveaux outils.

Pour éviter tout nouveau désengagement à contretemps, la francophonie doit être placée au cœur de l’action extérieure de la France et devenir, pour nos concitoyens, un espace d’affinités, d’opportunités et de solidarités. La coopération éducative et l’action culturelle de la France doivent s’inscrire dans une démarche commune, affirmant la copropriété de la langue par tous ceux qui la partagent.

Enfin, les rapporteurs invitent l’ensemble des États et gouvernements francophones à peser dans le multilatéralisme, à agir de concert dans les grands domaines d’avenir, à refuser le laissez-faire linguistique qui ne profiterait qu’à la langue dominante, et à faire entendre la voix des francophones dans les domaines d’avenir de l’intelligence artificielle, de la découvrabilité des contenus numériques et de la science en français : là où langue, souveraineté et libertés se rejoignent.


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I.   La Francophonie : un projet en devenir

A.   Les dynamiques de l’espace francophone

1.   Les grandes composantes de la « galaxie francophone » mondiale

● Selon les travaux présentés par l’Observatoire de la langue française de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), on comptait, en 2022, 321 millions de francophones, entendus comme « toutes les personnes qui maîtrisent la langue française pour être à même de l’utiliser pour communiquer (parler et/ou comprendre), et ce, quel que soit le niveau ou la maîtrise d’autres compétences, comme l’écriture ou la lecture » ([3]).

Parmi plus de 7 000 langues dans le monde, ceci faisait de la langue française la cinquième la plus parlée à l’échelle mondiale, après l’anglais, le chinois, l’hindi et l’espagnol, mais également la troisième la plus utilisée dans les affaires et la septième la plus utilisée sur internet avec plus de 207 millions d’internautes francophones.

L’actualisation annuelle de ces données effectuée par l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone (ODSEF) de l’université Laval à Québec ([4]) atteste d’une dynamique importante puisque l’effectif révisé pour 2025 s’élèverait à 348 millions de locuteurs parmi lesquels il convient de distinguer :

– 275 millions de locuteurs qui habitent dans un groupe d’une quarantaine de pays où l’environnement et les contextes permettent à notre langue d’être présente au quotidien, que le français y possède ou non le statut de langue officielle : ces espaces où l’on peut « naître et vivre en français » accueillent 80 % des francophones et 95 % des nouveaux locuteurs de français au cours de la dernière décennie ;

– 73 millions de locuteurs du français vivent dans des pays où le français est beaucoup plus minoritaire mais où les effectifs peuvent néanmoins être relativement importants.

● La carte mondiale de la densité francophone, présentée ci-après, permet de distinguer en particulier :

– la France et les espaces au peuplement anciennement français (Belgique, Suisse romande, Québec) où la part des francophones dépasse 90 %. Elle atteint 96 % en France, outre-mer compris, qui demeure le pays pour lequel le nombre estimé de francophones est le plus élevé. La France continue donc de représenter une part déterminante de l’ensemble francophone, ce qui contraste par exemple avec l’Espagne ou le Portugal, minoritaires dans l’ensemble des hispanophones et des lusophones natifs ;

– le bassin du Congo (Gabon, Congo, République démocratique du Congo (RDC)) où la part des francophones s’échelonne entre 50 % et 66 % : en conséquence, avec 57 millions de francophones, soit 50,7 % de ses 112 millions d’habitants, la RDC est désormais le deuxième pays au monde comptant le plus grand nombre de francophones ;

– les pays francophones du golfe de Guinée, de l’océan Indien de même que le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, comptent entre 30 % et 50 % de francophones ;

– enfin, l’espace francophone est riche, à travers le monde, d’« archipels francophones et francophiles » où des cohortes de francophones peuvent être importantes : 3,5 millions en Égypte par exemple, soit à peine 3 % de la population de ce pays mais qui sont deux fois plus nombreux que les 1,7 million de francophones représentant 66 % de la population du Gabon. De même, le français est la sixième langue la plus parlée aux États-Unis, avec 2,2 millions de locuteurs, et la deuxième langue étrangère la plus étudiée dans le système éducatif public américain. En Amérique latine, des traditions francophiles anciennes maintiennent l’enseignement du français dans l’enseignement secondaire et supérieur. En Asie, les cohortes sont plus réduites mais des dynamiques importantes existent ponctuellement, comme au Vietnam et au Cambodge où les autorités nationales cherchent à associer l’enseignement de plusieurs langues internationales, dont le français, à celui de leurs propres langues nationales, pour conjurer les risques de « tout anglais », dans une démarche générale de valorisation du plurilinguisme.

Ces différentes composantes de l’espace francophone donnent au français sa dimension de langue internationale et contribuent à son attractivité : on continue d’apprendre le français dans de grands pays non francophones en raison de l’attrait économique et culturel de la France mais également des dynamiques de l’espace francophone dans son ensemble, les étudiants chinois ou indiens apprenant par exemple le français pour aller conquérir les marchés africains…

Le maintien d’un centre de gravité de 9 millions de Québécois viscéralement attachés à l’emploi de la langue française dans l’espace public, au travail et dans les médias, face à un « océan de 350 millions d’anglophones en Amérique du Nord » incite par exemple à l’apprentissage du français dans les États-Unis voisins mais également dans les pays d’origine des candidats à la migration vers le Canada. De même, les échanges entre pays d’Afrique de l’Ouest contribuent à faire du français une langue commune de la sous-région, et, de fait, un facteur d’unification panafricaine C’est d’ailleurs à ce titre que la langue française est largement enseignée comme langue étrangère dans des pays anglophones de la sous-région comme le Ghana et le Nigéria.

La densitÉ francophone dans le monde en 2022

Source : Organisation internationale de la francophonie. La langue française dans le monde. 2022.

2.   Le français est de plus en plus une langue d’Afrique

● Comme le montrent les graphiques suivants, l’Afrique représente plus de 50 % des francophones et même 60 % de ceux qui ont un rapport quotidien au français et non un usage occasionnel comme langue étrangère, et c’est d’Afrique que provient l’essentiel de la croissance des locuteurs de français.

RÉpartition des locuteurs quotidiens de français en 2022

Source : Organisation internationale de la francophonie – Observatoire de la langue française. La langue française dans le monde, édition 2022.

Croissance des locuteurs de langue française entre 2018 et 2022

Source : Organisation internationale de la francophonie – Observatoire de la langue française. La langue française dans le monde, édition 2022.

Dans la grande majorité des pays francophones, le français constitue moins une langue maternelle, où l’apprentissage de la parole se fait en français, qu’une langue seconde, notamment par la scolarisation : seul un tiers des francophones ont ainsi le français comme langue maternelle et les deux tiers l’acquièrent au cours de leur scolarisation.

Comme le souligne le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne en préface du rapport déjà mentionné de l’Observatoire de la langue française de l’OIF, « on naît de moins en moins francophone, mais on le devient de plus en plus ».

En Afrique, qui devient l’épicentre de la francophonie, les francophones sont majoritairement plurilingues et leur première langue n’est que rarement le français qui y coexiste le plus souvent avec d’autres langues nationales.

Le français est ainsi à la fois langue d’enseignement et condition sine qua non de l’accès à la formation, aux études dans la perspective de l’accès à un emploi dans l’économie formelle, notamment dans le tertiaire. L’attractivité de la langue française dépend donc, en tout premier lieu, de son rôle pour l’employabilité des jeunes.

Si dans le monde du travail ou dans les relations à l’administration, la langue française est très présente, dans la sphère familiale et dans la vie quotidienne, les langues africaines peuvent être davantage utilisées, comme le montre le tableau suivant.

Statut du français au domicile et en milieu professionnel dans des grandes villes africaines

Statut du français

Au travail

À la maison

Première langue

Côte d’Ivoire, Cameroun, Congo, Gabon, RDC

Côte d’Ivoire, Cameroun, Congo, Gabon

Deuxième langue

Maroc, Algérie, Tunisie, Mauritanie, République centrafricaine, Togo, Mali

Algérie, Mali, République centrafricaine, RDC, Togo

Troisième langue

Burkina Faso, Rwanda

Maroc, Tunisie, Rwanda

Source : Étude Kantar 2020-2021 pour l’OIF.

Les études de l’institut Kantar dans différentes villes d’Afrique montrent en outre que la part de locuteurs parlant un français « maîtrisé » varie entre 28 % et 68 % en fonction du mode d’acquisition de la langue, la maîtrise croissant en fonction de l’apprentissage dans le cadre scolaire et en fonction de la présence d’autres langues nationales et de la proportion de la population qui les partage.

Quatre profils types de villes francophones se distinguent en fonction du rôle social et des usages de la langue française :

– à Abidjan, Douala ou Libreville, le plurilinguisme est à l’avantage du français, non concurrencé par une autre langue commune ;

– à Kinshasa, le bilinguisme quotidien fait cohabiter une langue nationale, le lingala, et le français, langue à la fois officielle et d’usage très répandu ;

– à Dakar, Bamako, Ouagadougou, une langue nationale majoritaire est préférée au français qui reste néanmoins une langue d’usage dans l’administration ;

– dans les villes du Maghreb, l’arabe est quasi hégémonique mais le français est d’usage important comme langue seconde.

La forte proportion de Sénégalais parlant wolof rend ainsi moins utile le français au quotidien à Dakar, par opposition aux pays comme la Côte d’Ivoire ou le Bénin où la coexistence d’un très grand nombre de langues nationales dont aucune n’est majoritaire a permis au français de jouer un rôle central de langue de communication.

3.   Des évolutions tributaires des progrès de la scolarisation en français et du développement économique

● Si les dynamiques démographiques ont conduit à estimer qu’en 2050, l’Afrique pourrait rassembler près de 85 % des francophones, les évolutions réelles dépendront en premier lieu de la capacité des systèmes éducatifs à former les nouvelles générations et à les former en français.

La Côte d’Ivoire en fournit un bon exemple puisque, selon le dernier recensement ivoirien, plus de 72 % des jeunes de 15 à 17 ans savent lire et écrire en français, ayant grandi dans une période économiquement favorable et ayant bénéficié d’années d’investissements importants dans l’éducation, alors que seuls 43 % des Ivoiriens âgés de 30 à 34 ans ont les mêmes compétences, leurs âges de scolarisation ayant coïncidé avec la crise politico-militaire des années 2000.

En conséquence, dans les pays aux conditions politiques et économiques instables, la proportion de francophones n’évolue guère parce que les systèmes d’éducation sont fragilisés : en 2023 et 2024, une école sur quatre est restée fermée au Burkina Faso et, comme l’ont confirmé l’ensemble des interlocuteurs rencontrés lors du déplacement de la mission en RDC, les carences considérables du plus grand pays francophone d’Afrique en matière d’éducation, notamment de sa jeunesse, constituent aujourd’hui un obstacle de taille à son développement, accru par les fragilités immenses liées aux crises militaires et humanitaires à l’Est du pays.

● En 2024, le français est la langue de scolarisation pour 93 millions d’élèves dans le monde, c’est-à-dire la langue dans laquelle s’effectuent les apprentissages fondamentaux et celui des disciplines non linguistiques.

Les trois quarts de ces élèves sont en Afrique subsaharienne (71,3 millions d’élèves), 17 % en Europe, 3,5 % en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, 2,5 % dans les Amériques et moins d’1 % en Asie et en Océanie.

Or dans de nombreux pays francophones d’Afrique, la hausse de la scolarisation ne s’accompagne le plus souvent pas d’une hausse du niveau scolaire. Les systèmes éducatifs doivent en effet relever le double défi de la démographie des élèves et de la démographie des enseignants. Les dépenses publiques consacrées à l’enseignement sont parfois très insuffisantes, les méthodes éducatives dépassées et les systèmes scolaires n’offrent pas assez de perspectives ni aux élèves et à leurs familles, ni aux enseignants.

La question de la qualité de l’enseignement en français se pose donc, à mesure que le développement démographique et la progression des taux de scolarisation amènent des effectifs considérables de jeunes vers le système scolaire puis vers l’enseignement professionnel et supérieur.

Le Français, langue d’enseignement

Source : Organisation internationale de la francophonie. La langue française dans le monde. 2022.

Remarque : Dans la zone Asie-Océanie, la scolarisation en français concerne environ 70 000 élèves en Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna ainsi qu’en Vanuatu, soit 0,08 % de l’ensemble des élèves de la zone.

 Ces enjeux peuvent être schématisés par l’opposition entre deux scénarios d’évolution, proposés par Jacques Attali dans son rapport Francophonie et francophilie : moteurs de croissance durable, établi en 2014 pour le président de la République François Hollande, distinguant un scénario pessimiste de stagnation du nombre de francophones et un scénario optimiste dépassant 700 millions de locuteurs d’ici 2060 en fonction :

– de l’évolution des systèmes d’éducation ;

– du développement économique de l’espace francophone et de sa capacité à accroître le secteur de l’économie formelle dans lequel le recours au français est plus important ;

– enfin, des politiques de langue décidées par les pays concernés, ceux-ci pouvant favoriser ou défavoriser la place du français par rapport à leurs autres langues nationales.

ScÉnarios d’Évolutions du nombre de locuteurs francophones dans le monde

En millions de locuteurs

Source : Jacques Attali, Rapport au président de la République, août 2014, p. 65.

Si le scénario pessimiste présenté il y a dix ans par Jacques Attali semble d’ores et déjà démenti par la poursuite en cours de la croissance des effectifs de francophones, des signes de ralentissement sont néanmoins perceptibles qui pourraient fragiliser le scénario optimiste.

Il s’agit par exemple de la faible progression de la part des francophones dans les pays du Sahel ou encore de la stagnation des résultats fournis par le Programme d’analyse des systèmes éducatifs (PASEC) concernant quatorze pays membres ([5]) de la Conférence des ministres de l’éducation des États et gouvernements de la francophonie (CONFEMEN).

Ces études montrent qu’en début de cycle primaire, 55 % des élèves n’ont pas atteint un niveau suffisant en langue et qu’en fin de scolarité, 52 % des élèves sont en dessous du seuil de compétence suffisant en lecture. Or, dans des systèmes multilingues, l’échec de l’apprentissage en français dans le système scolaire éloigne ensuite de l’usage du français dans la vie professionnelle et quotidienne.

L’ODSEF propose donc désormais, à l’échéance de 2070, une hypothèse basse où le nombre de locuteurs francophones n’atteindrait pas 500 millions, et une hypothèse haute où ce nombre approcherait 750 millions.

Le choix stratégique opéré par le Maroc de réintroduire l’enseignement obligatoire du français dès le primaire

Depuis 2015, le Maroc a fait le choix de réintroduire l’enseignement obligatoire du français dans le primaire, où il avait été largement supprimé depuis trente ans.

Il s’agit d’un choix souverain du Maroc pour améliorer le niveau des élèves au collège où les matières scientifiques sont restées enseignées en français, même pendant les réformes d’arabisation de l’enseignement.

Améliorer le niveau de français dans l’enseignement public marocain présente des enjeux considérables de réforme des méthodes d’enseignement et de formation des professeurs.

Le Maroc a souhaité engager un partenariat avec la France, avec l’Agence française de développement (AFD) en étroite coordination avec l’ambassade de France et son service de coopération culturelle.

L’AFD finance un prêt de 130 millions d’euros au gouvernement marocain et fournit de la coopération technique pour environ cinq millions d’euros de subventions.

L’enjeu est de former 135 000 professeurs marocains de français et 40 000 professeurs marocains de disciplines scientifiques enseignées en français.

L’année de lancement du programme pilote, 630 écoles en ont bénéficié et 2 000 écoles par an depuis deux ans.

Le programme est mis en œuvre par les rectorats marocains, dont celui de Casablanca où les rapporteurs se sont rendus et ont pu s’entretenir avec les responsables de cette coopération exemplaire qui bénéficie de l’appui d’acteurs français de l’éducation comme l’établissement France Éducation International à Sèvres et le Réseau Canopé.

L’AFD et ses partenaires marocains suivent attentivement l’impact de ce programme grâce à l’évaluation non seulement du niveau des professeurs formés mais surtout des effets sur les résultats des élèves.

Les rapporteurs se félicitent de cet investissement de la France, au total, financièrement très raisonnable alors que son impact sera profond et durable. Ils soulignent que ce partenariat s’est engagé pendant la période de « glaciation » des relations bilatérales franco-marocaines, avant le réchauffement récent des relations politiques.

Ceci atteste de l’importance de la francophonie dans la stratégie de développement du Maroc, l’utilisation de la langue française facilitant l’accès à des emplois qualifiés en lien avec des entreprises européennes mais également pour la projection du Royaume vers l’Afrique francophone, où rayonne notamment son enseignement supérieur.


4.   L’attrait international pour le français langue étrangère

● On comptait, en 2024, 51 millions d’élèves apprenants de français langue étrangère (FLE), dans un cadre éducatif formel, ce qui en faisait la deuxième langue apprise dans le monde en tant que langue étrangère.

La région Afrique du Nord Moyen-Orient concentre 44 % des apprenants de FLE, suivie des pays non-francophones d’Afrique et de l’océan Indien (25 %), de l’Europe (19 %), des Amériques-Caraïbes (9 %) et de l’Asie-Océanie (3 %). Le poids du seul Maghreb est considérable puisque l’Algérie, le Maroc et la Tunisie totalisent plus de 17 millions d’apprenants de français langue étrangère.

Le nombre d’apprenants de FLE se maintient voire progresse partout dans le monde, sauf en Europe où il a baissé 10 % entre 2018 et 2022, en raison tant de la concurrence d’autres langues que du déclin démographique relatif de l’Europe.

En 2022, près de 885 000 apprenants dans le monde étaient inscrits aux cours de langue française des Alliances françaises et Instituts français : la présence de ces réseaux illustre les effets d’une politique culturelle extérieure française volontariste, ainsi que le rôle des initiatives conduites par les services de coopération et d’action culturelle des ambassades de France.

On comptait également 457 000 candidats aux certifications de langue française ([6]), en hausse de 17 % par rapport à 2021, ainsi que 187 000 candidats au test de compréhension du français, motivés à titre principal par un projet d’études à l’étranger, en France ou dans un autre pays francophone.

● La progression de l’anglais à travers le monde bénéficie du fait que, dans la grande majorité des cas, il est la seule langue vivante obligatoire alors que, lorsque le français est proposé en deuxième langue vivante étrangère (LV2), c’est souvent face à un choix de langues beaucoup plus large, dont le mandarin par exemple qui progresse en Afrique.

L’évolution du nombre d’apprenants de FLE relève ainsi en grande partie de la volonté des autorités nationales de rendre obligatoire l’enseignement d’une LV2 dans leurs systèmes éducatifs. Le français a ainsi été réintroduit en Inde, en Géorgie, à Cuba et a été introduit aux Émirats arabes unis, ou en Uruguay à la suite de démarches d’influence conjointes des ambassades de pays francophones. Il est devenu obligatoire en Égypte et à Chypre. En Estonie, dans le contexte du conflit russo-ukrainien où les autorités veulent réduire l’influence du russe, le français fait désormais partie des choix de deuxième langue étrangère.

Le français est ainsi la LV2 la plus souvent apprise en Afrique et en Europe, derrière l’anglais, et dans les Amériques derrière l’anglais ou l’espagnol. Le français est moins présent en Asie, dans le Pacifique et dans certains pays du Moyen-Orient, où des grandes langues asiatiques progressent, mais il reste une des principales langues apprises en cours d’études ou en début de carrière professionnelle, par exemple en Inde ou en Chine, ce qui y représente des cohortes d’apprenants considérables.

Dans un contexte où la mondialisation a généralisé l’usage de l’anglais, l’apprentissage de langues supplémentaires est un moyen pour se démarquer, ce que résumait très bien le slogan « Et en plus, je parle français… » utilisé par une campagne de communication efficace de l’Institut français de Paris diffusée dans les centres de langue du réseau culturel français à l’étranger.

● Il convient de relever que la démocratisation de l’intelligence artificielle (IA) et l’omniprésence des applications comportant une traduction automatique, loin de détourner de l’apprentissage des langues étrangères, y incitent en le facilitant, à l’exemple du succès considérable des applications d’enseignement.

Sur les près de 100 millions d’utilisateurs actifs de l’application Duolingo par exemple, le français est la troisième langue étudiée, après l’anglais et l’espagnol, et se place même en première position parmi les apprenants anglophones du Canada, du Ghana, du Nigéria et de l’Afrique de l’Est.

Deuxième langue la plus étudiée sur DuoliNgo en 2024

Carte présentant la deuxième langue la plus étudiée sur Duolingo dans chaque pays en 2024. Le monde entier est un patchwork de couleurs. Le bleu pour le français est prédominant, surtout en Amérique centrale, en Afrique du Nord, en Afrique centrale et en Australie. L'espagnol, en jaune, domine au Canada, au Brésil et dans certaines parties de l'ouest, de l’est et du sud de l’Afrique. Le reste du monde montre une grande diversité !

Source : Le rapport Duolingo sur les langues 2024.


B.   Un acteur du multilatéralisme à parfaire

1.   La francophonie institutionnelle : une affirmation progressive

a.   Opérateur technique et organisation politique : une dualité fondatrice

● La francophonie institutionnelle voit le jour avec la Convention de Niamey, au Niger, du 16 au 20 mars 1970 où les représentants de vingt-et-un États francophones ([7]) réunis à l’initiative du président sénégalais Léopold Sédar Senghor, du président tunisien Habib Bourguiba et du président nigérien Hamani Diori ([8]), ont décidé de créer le premier organisme intergouvernemental de la francophonie, l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT).

Issue d’un mouvement d’émancipation des anciennes colonies françaises, cette organisation n’est pas d’origine principalement française, même si elle a trouvé son siège à Paris. Elle a néanmoins fortement bénéficié de l’appui des partisans français de l’affranchissement du Québec œuvrant pour qu’il obtienne une participation de plein droit au sein des différentes organisations francophones contribuant à sa reconnaissance internationale.

Dans un ouvrage réalisé à partir des archives présidentielles de Charles de Gaulle à Jacques Chirac ([9]), l’historien Frédéric Turpin, auditionné par les rapporteurs, a montré que les impulsions initiales données à la francophonie institutionnelles ne sont pas venues d’abord de l’Élysée ou du Quai d’Orsay, mais de Léopold Sédar Senghor qui, au cours des années 1960, avait formulé à plusieurs reprises la proposition de transformer les accords bilatéraux liant la France à chacun des États africains anciennement colonisés en une coopération multilatérale « sur les plans économique, technique, financier et culturel » ([10]) structurée au sein d’une organisation propre. Associer la France à d’autres pays du Nord, dont la Belgique et le Canada visaient à la fois à amplifier la coopération envers les anciens pays colonisés et à desserrer les contraintes inhérentes au « tête-à-tête » franco-africain.

Si la France avait initialement pesé pour limiter la portée du traité interétatique fondant l’ACCT, en cantonnant l’organisation à des domaines techniques de portée limitée et sans en faire le fondement d’une organisation multilatérale politique, le ralliement de la France à une démarche réellement francophone s’est inscrit dans un contexte plus large :

– l’épuisement des logiques anciennes dites de la « France-Afrique » fondées sur des relations personnelles entre l’Élysée et des chefs d’États africains ;

– la promotion du multilatéralisme par la diplomatie française, orientation initiée lors du second mandat du président François Mitterrand et devenue centrale lors des mandats du président Jacques Chirac, notamment pour obtenir le soutien des États francophones dans les négociations internationales qui ont marqué l’accélération de la mondialisation.

Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), qui deviendra ensuite le premier secrétaire général de la francophonie, avait ainsi accepté le principe d’une contribution spécifique des pays francophones lors du sommet « Planète Terre », la conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement tenue à Rio en juin 1992. Cette démarche s’est consolidée lors des grandes conférences mondiales suivantes, sur les droits de l’homme à Vienne en juin 1993, sur les femmes à Pékin en septembre 1995 avec la mise en place de mécanismes de concertation propres au monde francophone, réunissant acteurs étatiques et organisations non gouvernementales.

De même, la négociation de « l’exception culturelle » dans le cadre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) en 1993 – 1994 ne pouvait relever d’une simple approche technique mais exigeait, pour que les intérêts des francophones soient pris en compte, une capacité à peser au plan politique dans les négociations multilatérales.

On peut également relever qu’à la faveur du IXe sommet de la francophonie à Beyrouth en 2002, les chefs d’État et de gouvernement ont marqué, selon les termes fermes de la déclaration finale, leur « hostilité » au projet américain de guerre en Irak. Bien que le thème de ce sommet était le « Dialogue des cultures », l’ordre du jour a en effet été aménagé pour permettre cette prise de position politique complémentaire de celles prises au sein du Conseil de sécurité.

D’importants développements institutionnels sont ainsi intervenus à compter de la décennie 1990 :

– en 1991, au Palais de Chaillot, les chefs d’État et de gouvernement – réunis en sommet biannuel depuis 1986 – créent la Conférence ministérielle de la francophonie (CMF) et le Conseil permanent de la francophonie (CPF) ;

– en 1995 à Cotonou, ils décident de créer la fonction de secrétaire général de la francophonie, clef de voûte du système institutionnel francophone ;

Les secrétaires généraux de la francophonie

Depuis le VIIe sommet de la francophonie à Hanoï en 1997, les fonctions de secrétaire général de la francophonie ont été exercées successivement par :

– Boutros Boutros-Ghali de 1997 à 2002, qui avait terminé, l’année précédente, son unique mandat comme secrétaire général des Nations unies, où il avait notamment tenu tête à l’administration américaine, ce qui a conféré un lustre important à la fonction ;

– Abdou Diouf, de 2003 à 2014, qui après avoir présidé le Sénégal pendant dix-neuf ans et permis une alternance dans de bonnes conditions après sa défaite aux élections présidentielles en 2000, qui a durablement marqué de son empreinte l’organisation de la francophonie ;

– Michaëlle Jean, de 2015 à fin 2018, journaliste canadienne d’origine haïtienne, ayant précédemment exercé les fonctions honorifiques de gouverneure générale du Canada, non reconduite après un unique mandat de secrétaire générale ;

– Louise Mushikiwabo, depuis le 1er janvier 2019, ministre rwandaise des affaires étrangères de 2009 à 2018, investie lors du sommet d’Erevan fin 2018 et reconduite lors du sommet de Djerba en 2022.

– en 1997, la Charte de Hanoï révise le traité de Niamey afin de permettre l’absorption de l’ACCT au sein d’une nouvelle « Agence intergouvernementale de la francophonie » ;

– enfin le 23 novembre 2005 à Antananarivo, la CMF parachève la réforme institutionnelle en adoptant une nouvelle Charte de la francophonie dotée d’une « Organisation internationale de la francophonie ».

● La Charte fixe comme objectifs à la francophonie :

– l’instauration et le développement de la démocratie ;

– la prévention, la gestion et le règlement des conflits, le soutien à l’État de droit et aux droits de l’homme ;

– l’intensification du dialogue des cultures et des civilisations ;

– le rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle ;

– le renforcement de la solidarité entre les membres par des actions de coopération multilatérale en vue de favoriser l’essor de leurs économies ;

– la promotion de l’éducation et de la formation.

Le périmètre d’intervention de la francophonie défini en 2005 était donc large et devait permettre à l’organisation de peser pleinement sur les enjeux internationaux, ce qui a été le cas sous le mandat d’Abdou Diouf par exemple :

– en œuvrant avec succès pour que les francophones pèsent collectivement dans le multilatéralisme au sein de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) lors de l’élaboration de la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ;

– en définissant des cadres d’intervention politique pour prévenir les situations de rupture de l’ordre démocratique ou de violence au sein de l’espace francophone, par la déclaration de Bamako ([11]) adoptée le 3 novembre 2000, et celle de Saint-Boniface adoptée le 14 mai 2006 ([12]).

Il convient de souligner que la déclaration de Bamako qui a doté la francophonie d’une doctrine en matière de respect de la démocratie et des droits de l’homme fait une large part à la diversité des contextes et sensibilités du monde francophone et comprend des mécanismes de prévention et de régulation des conflits dont, dans son chapitre 5, un mécanisme de suivi précoce et d’accompagnement incluant des sanctions pouvant aller jusqu’à la suspension des États concernés.

Il est indéniable qu’au cours du mandat du premier secrétaire général de la francophonie, Boutros Boutros-Ghali, puis de son successeur Abdou Diouf, la francophonie institutionnelle a su jouer un rôle dans la prévention des conflits et dans le maintien de la paix, dans des pays comme le Togo, la Guinée, les Comores, la Centrafrique, Haïti, la Mauritanie ou le Tchad…

Mais cette dimension s’est incontestablement affaiblie depuis dix ans, l’OIF n’ayant disposé que de budgets très limités pour les missions de consolidation de la démocratie ou de l’État de droit. L’OIF n’a mis en œuvre les mécanismes du chapitre 5 que dans les cas « de rupture de l’ordre démocratique », c’est-à-dire de coups d’État militaires, mais sans être en mesure d’agir de façon plus précoce face aux atteintes caractérisées aux droits de l’homme au sein de nombreux États et gouvernements membres, du Sud comme du Nord.

Le rapporteur Aurélien Taché considère que la légitimité du mécanisme de sanction de l’OIF a été minée par le fait que le degré de condamnation a pu sembler se calquer sur celui d’hostilité à la France (voir infra).

Il considère que la francophonie aurait gagné en crédibilité en tant qu’organisation internationale défendant les valeurs démocratiques, si elle avait pu réagir lorsque, en 2021, au Tchad, le président Idriss Deby a été remplacé par son fils en violation des dispositions constitutionnelles en vigueur dans ce pays ou si elle n’avait pas maintenu Djerba comme lieu de tenue du sommet de la francophonie de 2022, alors que la présidence de Kaïs Saied plongeait la Tunisie dans une dérive autoritaire alors déjà bien visible et désormais sans précédent.

Le rapporteur Aurélien Taché considère en outre que ces fragilités de la francophonie politique ont été portées à leur comble par les difficultés de la France au Sahel depuis 2014 et par les silences, depuis 2018, de la secrétaire générale de la francophonie sur le conflit au Nord-Kivu en RDC, qui implique le Rwanda voisin dont elle était précédemment la ministre des affaires étrangères.

Cette situation lui paraît avoir privé l’OIF de la possibilité de jouer le rôle qui aurait dû être le sien pour y définir les solutions d’un règlement du conflit : soit par une médiation directe, soit par une action indirecte dans le cadre de l’ONU, en y mobilisant l’ensemble de la communauté internationale.

La rapporteure Amélia Lakrafi invite à ne pas sous-estimer la détermination de l’OIF à prendre des initiatives de médiation visant à faciliter le dialogue entre les parties lorsque son action présente une plus-value, efforts qu’elle se doit au demeurant de conduire avec l’appui de la diplomatie parlementaire francophone (voir infra). Pour autant, les initiatives politiques francophones ne sauraient, à elles seules se substituer aux enceintes multilatérales chargées du règlement des différends entre États, au premier rang desquelles le Conseil de sécurité des Nations unies, dont elle rappelle qu’il est par exemple saisi de la crise qui meurtrit l’Est de la RDC.

Elle invite en outre à récuser tout mauvais procès en illégitimité ou en partialité de la secrétaire générale de la francophonie lui faisant grief de sa nationalité rwandaise. Elle considère au contraire que sa familiarité avec les acteurs et les enjeux de cette crise aux racines profondes et tragiques constitue un atout pour que l’OIF intervienne au bon niveau à l’appui d’un processus de résolution du conflit.

b.   Une organisation internationale attractive

Le « tournant politique de la francophonie » par l’ajout de missions politiques au cours des années 1990 s’est accompagné d’un fort accroissement du nombre de membres, selon trois catégories de statuts (membre de plein droit, associé ou observateur), totalisant une population de quelque 900 millions d’habitants répartis sur les cinq continents, dépassant largement la population mondiale des francophones.

Le tableau suivant, récapitule les adhésions et évolutions de statuts intervenues entre les vingt et un signataires du traité de Niamey jusqu’au quatre-vingt-treize États et gouvernements membres (EGM) à l’issue du sommet de Villers-Cotterêts d’octobre 2024, et met en regard le nombre et la part de francophones dans la population de chacun des EGM.

 

États et gouvernements membres de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et part de francophones dans leurs populations

 

Année d’adhésion

Statut à l’adhésion

Évolution du statut

Estimation du nombre de francophones en 2025 (en milliers)

Estimation de la part de francophones dans la population

Belgique

1970

Membre

 

9 062

77 %

Bénin

1970

Membre

 

4 992

34 %

Burkina Faso

1970

Membre

Retrait en 2025

5 499

23 %

Burundi

1970

Membre

 

1 250

9 %

Canada

1970

Membre

 

11 338

27 %

Côte d’Ivoire

1970

Membre

 

11 913

36 %

France

1970

Membre

 

66 807

96 %

Gabon

1970

Membre

 

1 719

66 %

Haïti

1970

Membre

 

5 001

42 %

Luxembourg

1970

Membre

 

616

90 %

Madagascar

1970

Membre

 

8 705

26 %

Mali

1970

Membre

Retrait en 2025

5 028

20 %

Maurice

1970

Membre

 

921

73 %

Monaco

1970

Membre

 

37

97 %

Niger

1970

Membre

Retrait en 2025

3 754

13 %

Rwanda

1970

Membre

 

748

5 %

Sénégal

1970

Membre

 

5 250

28 %

Tchad

1970

Membre

 

2 693

13 %

Togo

1970

Membre

 

3 998

41 %

Tunisie

1970

Membre

 

6 558

53 %

Vietnam

1970

Membre

 

712

0,7 %

Canada - Québec

1971

Membre

 

8 292

92 %

Laos

1972

Associé

1991

Membre

215

3%

Centrafrique

1973

Membre

 

1 345

24 %

Liban

1973

Membre

 

2 222

38 %

Cameroun

1975

Associé

1991

Membre

12 267

41 %

Seychelles

1976

Membre

 

70

53 %

Canada

- Nouveau-Brunswick

1977

Membre

 

350

41 %

Comores

1977

Membre

 

333

37 %

République démocratique du Congo

1977

Membre

 

57 196

51 %

Djibouti

1977

Membre

 

592

50 %

Dominique

1979

Membre

 

6

9,6 %

Guinée-Bissau

1979

Membre

 

346

15 %

Vanuatu

1979

Membre

 

80

24 %

Belgique - Fédération Wallonie- Bruxelles

1980

Membre

 

4 652

98 %

Mauritanie

1980

Membre

 

689

13 %

Congo

1981

Membre

 

3 981

61 %

Guinée

1981

Membre

 

4 202

28 %

Maroc

1981

Membre

 

13 912

36 %

Sainte-Lucie

1981

Membre

 

3

1,6 %

Égypte

1983

Membre

 

3 573

3 %

Guinée équatoriale

1989

Membre

 

560

29 %

Bulgarie

1991

Observateur

1993

Membre

130

2 %

Cambodge

1991

Observateur

1993

Membre

290

2 %

Roumanie

1991

Observateur

1993

Membre

1 946

10 %

Cap-Vert

1996

Membre

 

57

11 %

Moldavie

1996

Membre

 

41

1 %

Suisse

1996

Membre

 

6 037

67 %

Pologne

1997

Observateur

 

951

2,5 %

Albanie

1999

Membre

 

29

1 %

Lituanie

1999

Observateur

 

61

2 %

République tchèque

1999

Observateur

 

250

2 %

Sao Tomé-et-Principe

1999

Membre

 

49

20 %

Slovénie

1999

Observateur

 

86

4 %

Slovaquie

2002

Observateur

 

98

2 %

Andorre

2004

Membre

 

58

70 %

Arménie

2004

Membre

 

5

0,2 %

Autriche

2004

Observateur

 

916

10 %

Croatie

2004

Observateur

 

70

2 %

Géorgie

2004

Observateur

 

16

0,4 %

Grèce

2004

Membre

 

605

6 %

Hongrie

2004

Observateur

 

148

1,5 %

Chypre

2006

Associé

2024

Membre

110

8 %

Ghana

2006

Associé

2024

Membre

645

2 %

Macédoine du Nord

2006

Membre

 

35

2 %

Mozambique

2006

Observateur

 

106

0,3 %

Serbie

2006

Associé

 

554

8 %

Ukraine

2006

Observateur

 

48

0,1 %

Lettonie

2008

Observateur

 

24

1 %

Thaïlande

2008

Observateur

 

591

1 %

Bosnie-Herzégovine

2010

Observateur

 

24

1 %

Émirats arabes unis

2010

Associé

 

297

3 %

Estonie

2010

Observateur

 

19

1 %

Monténégro

2010

Observateur

 

13

2 %

République dominicaine

2010

Observateur

 

165

1 %

Qatar

2012

Associé

 

133

4 %

Uruguay

2012

Observateur

 

5

0,1 %

Costa Rica

2014

Observateur

 

5

0,1 %

Kosovo

2014

Associé

 

24

1 %

Mexique

2014

Observateur

 

30

0,02 %

Argentine

2016

Observateur

 

nc

nc

Canada - Ontario

2016

Observateur

 

1 698

11 %

Corée du Sud

2016

Observateur

 

nc

nc

France

- Nouvelle-Calédonie

2016

Associé

 

292

99 %

Gambie

2018

Observateur

 

564

20 %

Irlande

2018

Observateur

 

893

17 %

Louisiane

2018

Observateur

 

64

1,4 %

Malte

2018

Observateur

 

71

13 %

Allemagne - Land de Sarre

2024

Observateur

 

423

43 %

Angola

2024

Observateur

 

nc

nc

Canada - Nouvelle-Ecosse

2024

Observateur

 

109

10 %

Chili

2024

Observateur

 

nc

nc

France

- Polynésie-Française

2024

Observateur

 

276

97%

Source : Commission des affaires étrangères d’après l’OIF et les données établies par l’ODSEF.

On constate que le « degré de francophonie » varie très fortement entre les membres de l’organisation, au point que certains y ont vu un risque de dilution du projet francophone, le linguiste Robert Chaudenson considérant ainsi que « la francophonie institutionnelle, en choisissant de devenir un mini-clone de l’ONU et un conglomérat informe de pays non alignés, sans grande volonté politique, a renoncé à mener une réelle politique de diffusion de la langue française en son sein ». ([13])

De fait, de nombreuses adhésions intervenues entre 1996 et 2016 ont concerné des États et gouvernements faiblement francophones, où, selon le chercheur Yannick Naré, prédominent « des motivations de réseautage et de construction de solidarités politique et diplomatique » ([14]), à l’exemple de nombreux pays d’Europe centrale et orientale pour lesquels une adhésion à l’OIF a d’abord été un levier diplomatique dans l’optique de rejoindre l’Union européenne.

Cependant, une approche internationaliste visant à peser dans le multilatéralisme justifie de chercher à être plus nombreux pour peser plus. En outre, le caractère intrinsèquement diversifié de la « galaxie francophone » (voir supra) justifie que la francophonie soit tout sauf une transposition de l’ancien « pré-carré » africain de la France.

Ainsi que l’indiquait, en 2020, la québécoise Catherine Cano, alors administratrice de l’OIF : « ce qui distingue l’OIF de beaucoup d’autres organisations multilatérales, c’est sa diversité. Certains de ses membres sont reconnus comme de grandes puissances du monde ; d’autres figurent parmi les pays les moins avancés de la planète. Ils évoluent dans pratiquement tous les regroupements économiques régionaux et, même s’ils sont unis par la langue française, ils appartiennent aussi à d’autres groupes linguistiques, géographiques, culturels. De cette diversité, de cette connaissance de différents terrains, de différents cercles d’influence, la francophonie tire sa capacité à éviter les clivages, son agilité dans l’action, sa capacité à contribuer à l’élaboration de compromis ou de consensus dans les enceintes internationales » ([15]).

Le québécois Jean-Marc Léger, un des fondateurs de la francophonie multilatérale ([16]) disait même de la francophonie qu’elle est une « auberge espagnole » : chacun y amène ce qu’il est et ce qu’il veut y voir.

Cette valorisation de la diversité fait que, contrairement à des approches binaires trop répandues, rien n’interdit l’adhésion simultanée à la francophonie et au Commonwealth, comme c’est le cas de longue date pour le Cameroun pays tout à la fois fortement francophone et comportant une importante minorité anglophone, ou, en sens inverse, pour le Ghana, l’ancienne « Gold Coast » de l’empire britannique, membre éminent du Commonwealth mais qui a fait le choix d’étendre l’enseignement du français pour mieux échanger avec ses voisins francophones du golfe de Guinée.

Enfin, on peut relever que le nombre d’États et gouvernements membres de plein de droit est en réalité relativement stable, passé de cinquante-trois à cinquante-quatre entre 2007 et 2022 en raison du rehaussement du statut de l’Arménie antérieurement observateur, puis à cinquante-six membres en 2024, avec le rehaussement des statuts de Chypre et du Ghana. Les vingt-cinq adhésions supplémentaires enregistrées depuis 2008 résultent d’un surcroît de cinq États membres associés : la Serbie, rehaussée du statut d’observateur à membre associé, le Kosovo, les Émirats arabes unis et le Qatar ainsi que de la Nouvelle-Calédonie en tant que territoire français et surtout de vingt États observateurs ([17]).

Francophonie et « Commonwealth of Nations » : portée et limites d’une comparaison

● Alors que la francophonie institutionnelle s’est constituée après l’indépendance de la plupart des anciennes possessions françaises, et à partir d’initiatives venues du Sud, le Commonwealth of Nations trouve son origine directe dans une réorganisation interne de l’empire britannique bien antérieure à l’accession à l’indépendance des pays colonisés.

Ayant officieusement vu le jour avec une Déclaration Balfour de 1926, il s’est formellement constitué par la Déclaration de Londres de 1949, incluant le Royaume-Uni et ses six dominions indépendants qui acceptaient tous la souveraineté du monarque britannique : l’Afrique du Sud, l’Australie, le Canada, l’État libre d’Irlande -ancêtre de l’Éire - la Nouvelle-Zélande et la Terre-Neuve.

● En novembre 2024, le commonwealth compte cinquante-six États membres, anciens territoires de l’Empire britannique pour l’immense majorité d’entre eux – seuls les quatre derniers à rejoindre l’organisation, le Mozambique, le Rwanda, le Gabon et le Togo n’ont aucun lien historique ou constitutionnel avec la couronne britannique.

Vingt et un sont des États d’Afrique. Le commonwealth comprend trente-trois des quarante-deux États relevant de la catégorie des « petits États » selon la Banque mondiale, ayant moins de 1,5 millions d’habitants, dont vingt-cinq petits États insulaires en développement, qui portent témoignage de l’ancienne domination britannique sur les mers.

Les membres du commonwealth comptent un total de 2,7 milliards d’habitants, contre 900 millions d’habitants pour l’ensemble des États et gouvernements membres de la francophonie. Le commonwealth comprend en particulier des géants démographiques comme l’Inde, le Pakistan, le Nigéria ou l’Afrique du Sud. 60 % de la population a moins de trente ans.

● Les chefs de gouvernement membres se réunissent tous les deux ans lors d’un  Commonwealth Heads of Government Meeting (CHOGM) pouvant déboucher sur des déclarations conjointes mais dont le principal intérêt pour les membres réside dans les entretiens informels qui se tiennent en marge ([18]).

Un secrétaire général du commonwealth est élu par les chefs de gouvernement pour un mandat de quatre ans, désormais renouvelable une seule fois. En octobre 2024, la ministre des affaires étrangère ghanéenne Shirley Ayorkor Botchwey a succédé à l’avocate dominico-britannique Patricia Scotland, élue en 2016 et réélue en 2020.

● Le commonwealth s’est doté en 2012 d’une charte rappelant ses déclarations successives sur les principes et valeurs communes. Depuis 2007, l’adhésion est soumise à quatre critères :

–  un lien historique avec un État membre de l’organisation, critère admettant des exceptions confirmées par les quatre dernières adhésions déjà mentionnées ;

– l’acceptation des « conventions et normes » du commonwealth, telles que l’usage de l’anglais dans les relations internes à l’organisation et l’admission du monarque britannique comme chef du commonwealth, au rôle symbolique ;

– l’acceptation et le respect des principes et valeurs communes rappelées dans la Charte de 2012 ;

- la démonstration d’un engagement en faveur de la démocratie, de l’État de droit, de la bonne gouvernance publique et de la protection des droits humains : l’organisation a pu suspendre un membre dans des situations de violation manifeste de ces principes, ce qui fut le cas pour les Fiji (en 1987, 2000, et 2006), le Nigéria (en 1995), le Pakistan (en 1999 et 2007), et le Zimbabwe (en 2002).

● Si les priorités affichées de l’organisation ont évolué au cours du temps, elles comprennent le dialogue politique, le soutien aux membres dont les économies sont les moins avancées et la promotion des échanges commerciaux. Depuis les années 1990 et 2000, l’organisation met particulièrement en avant la bonne gouvernance, la jeunesse et l’égalité de genre.

Entre les années 1960 et 1980, l’organisation a eu une orientation qualifiée de « tiers-mondiste » dans la foulée des adhésions nombreuses des anciennes possessions britanniques et en raison de la personnalité de son deuxième secrétaire général, le guyanien Shridath Ramphal, en poste de 1975 à 1990, engagé dans le combat contre les inégalités raciales au Guyana et qui a contribué à ce que le commonwealth soutienne fortement les mouvements anti-apartheid en Rhodésie et en Afrique du Sud.

● Le secrétariat général coordonne aujourd’hui les activités de l’organisation autour de cinq thématiques :

– la démocratie, la gouvernance et le droit, par le soutien aux processus électoraux, dont des missions d’observation électorale, l’accompagnement de réformes judiciaires, la promotion d’une bonne gouvernance publique, avec des actions consacrées à la lutte contre la corruption, ou encore la prévention de l’extrémisme violent ;

– l’environnement et le dérèglement climatique qui a donné lieu à l’élaboration d’un plan d’accompagnement des États membres dans la lutte contre les causes du changement climatique et à l’édiction de deux chartes ;

– les sociétés civiles et la jeunesse, avec le soutien à des organisations non gouvernementales dans les domaines de l’égalité des chances et de genre, de la santé et du sport et de l’éducation ;

– le commerce et l’économie, afin de favoriser les échanges commerciaux, ce volet comprenant un programme de garantie à des prêts accordés par les banques aux petites et moyennes entreprises ;

– enfin, l’aide au développement des petits États notamment par des actions de plaidoyer.

● Pour conduire ses projets de coopération, l’organisation a consacré, en 2023, 27 millions de livres sterling à ces programmes, ce qui est comparable, en ordre de grandeur, avec les montants que l’OIF est en mesure de consacrer chaque année directement à ses propres programmes (voir infra).

Si les moyens d’action directe sont limités, l’organisation accrédite cependant quatre-vingts organismes spécialisés susceptibles de mobiliser des actions de bien plus grande ampleur, à forte visibilité, notamment dans les domaines de l’aide au développement.

● Contrairement à l’OIF, le commonwealth n’affiche pas l’objectif de défendre la langue anglaise : de fait, si l’anglais s’impose aujourd’hui comme la langue mondiale dominante, ce n’est pas principalement en raison de l’influence de ses membres ou de leurs politiques linguistiques, mais depuis plus d’un siècle, du fait du poids politique, économique, technologique et culturel des États-Unis d’Amérique.


2.   Une coopération multilatérale francophone dense

● Outre l’OIF elle-même, la francophonie s’appuie sur des organisations et associations internationales, dont plusieurs ont été créées avant même la naissance de l’ACCT, qui jouent un rôle majeur pour structurer et relayer les initiatives des francophones et sont reconnues par la Charte de la francophonie de 2005.

Titre II : De l’organisation institutionnelle de la Charte de la francophonie

Article 2 : Institutions et opérateurs

Les institutions de la francophonie sont :

 

1. Les instances de la francophonie :

– la Conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage, ci-après appelée le « sommet » ;

– la Conférence ministérielle de la francophonie ;

– le Conseil permanent de la francophonie.

 

2. Le secrétaire général de la francophonie.

 

3. L’Organisation internationale de la francophonie (OIF).

 

4. L’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), qui est l’Assemblée consultative de la francophonie.

 

5. Les opérateurs directs et reconnus du sommet, qui concourent, dans les domaines de leurs compétences, aux objectifs de la francophonie tels que définis dans la présente Charte :

– l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) ;

– TV5 Monde, la télévision internationale francophone ;

– l’université Senghor d’Alexandrie ;

– l’Association internationale des maires et responsables des capitales et des métropoles partiellement ou entièrement francophones (AIMF).

 

6. Les Conférences ministérielles permanentes : la Conférence des ministres de l’éducation des pays ayant le français en partage (CONFEMEN) et la Conférence des ministres de la jeunesse et des sports des pays ayant le français en partage (CONFEJES).

● Lors du XVIIIe sommet des chefs d’État et de gouvernement membres de la francophonie, à Djerba en Tunisie en novembre 2022, la francophonie s’est fixée, à l’horizon 2030, pour ambition de devenir « un espace solidaire mieux gouverné, inclusif, numérique, innovant, durable et prospère au profit du mieux-être des populations, au premier rang desquelles les jeunes et les femmes ».

L’objectif de promotion de la langue française a été réaffirmé comme central, en particulier avec l’adoption de la « Déclaration sur la langue française dans la diversité de la francophonie » qui dispose que les États « soucieux de préserver la diversité linguistique de l’espace francophone si riche du partenariat entre les langues, encouragent en fonction des contextes, les approches bilingues ou plurilingues, ainsi que la maîtrise effective de plusieurs langues dans les parcours scolaires. Les États valorisent également l’évolution de la norme linguistique dans nos différents espaces géographiques de manière à ce qu’elle prenne en compte les apports nationaux ou régionaux ».

Lors de ce sommet un « cadre stratégique 2023-2030 de la francophonie » a en outre défini les principes et objectifs communs aux différentes organisations francophones reconnues par la Charte. Ce cadre stratégique fixe cinq ambitions et dix-huit objectifs stratégiques, qui se déclinent dans les documents programmatiques applicables à chacune des organisations relevant de la Charte.

Les ambitions et objectifs stratégiques définis par le cadre stratégique de la Francophonie 2023-2030

AMBITION 1 –

RENFORCER L’INFLUENCE DES FRANCOPHONES DANS LE MONDE

Objectifs stratégiques

Intensifier la diplomatie d’influence et renforcer la présence des francophones dans tous les secteurs prioritaires pour la francophonie

Faciliter les plaidoyers, la mobilisation et les expertises des francophones autour d’enjeux globaux

Soutenir la diversité à travers une diplomatie culturelle francophone

Multiplier les échanges entre les acteurs économiques par une diplomatie économique francophone

Promouvoir une diplomatie scientifique francophone

AMBITION 2 –

RENFORCER L’USAGE ET L’ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE FRANÇAISE DANS LE MONDE

Objectifs stratégiques

Encourager un apprentissage de qualité du français et en français dans notre espace et au-delà, dans le respect du plurilinguisme

Promouvoir la place et encourager l’usage de la langue française dans les échanges éducatifs, économiques, culturels, dans les sciences ainsi que dans l’espace numérique

Renforcer la position de la langue française sur la scène internationale, aux niveaux régional et national, dans le respect de la diversité linguistique de la francophonie

AMBITION 3 –

PROMOUVOIR LA DIVERSITÉ CULTURELLE ET LINGUISTIQUE DANS LE MONDE

Objectifs stratégiques

Renforcer la diversité et le dialogue des cultures en faveur d’un développement inclusif et durable

Promouvoir les industries culturelles et créatives francophones

Améliorer la découvrabilité des contenus numériques en langue française

AMBITION 4 –

FAIRE DE LA FRANCOPHONIE UN ESPACE DE PAIX ET DE STABILITÉ

Objectifs stratégiques

Contribuer à la consolidation de la paix et de la sécurité à travers la prévention et la gestion des conflits et l’accompagnement des transitions

Contribuer à la consolidation de la démocratie à travers l’accompagnement des institutions en charge des processus électoraux et de l’État de droit

Promouvoir et protéger les droits humains, y compris dans l’espace numérique, incluant les populations en situation de vulnérabilité, notamment les jeunes et les femmes

AMBITION 5 –

FAIRE DE LA FRANCOPHONIE UN LABORATOIRE DE COOPÉRATION

STRATÉGIQUE ET INNOVANT

Objectifs stratégiques

Mettre en œuvre des projets innovants et de proximité pour contribuer à un environnement sain et durable, en particulier pour contrer les changements climatiques

Promouvoir les approches et les outils en faveur du renforcement de l’éducation, de la formation et de la recherche

Renforcer la coopération et les échanges économiques en faveur d’une prospérité durable

Soutenir l’accélération de la transformation numérique au service des populations

Source : Cadre stratégique de la Francophonie 2023-2030, version au 26 octobre 2022. (lien)

a.   La modernisation des programmes relevant directement de l’Organisation internationale de la francophonie

● La secrétaire générale de la francophonie Louise Mushikiwabo a consacré une part importante de son mandat, depuis 2018, au pilotage direct et à la modernisation de l’OIF, secondée par une administratrice chargée d’exécuter et de gérer la coopération, fonctions exercées depuis avril 2023 par la québécoise Caroline St-Hilaire.

Les modes d’intervention principaux de l’OIF sont le plaidoyer et la concertation, le déploiement d’expertise, ainsi que la formation, le renforcement des capacités et le partage de connaissances et d’outils en français.

Lors des entretiens des rapporteurs au siège de l’OIF, les responsables de programmes leur ont présenté les méthodes de travail de l’organisation indiquant qu’elle s’efforce d’éviter les cloisonnements entre les projets. La gestion axée sur les résultats, qui préside à l’action multilatérale francophone, concorde ainsi avec la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement signée par l’OIF en 2005.

Alors qu’en 2018, l’OIF comptait une cinquantaine de projets éparpillés, un important travail d’évaluation a été engagé permettant un recadrage d’ensemble de 2019 à 2023. La programmation 2024-2027 adoptée lors de la 44e CMF de Yaoundé au Cameroun en novembre 2023 définit une coopération plus lisible, plus cohérente et à plus fort impact déclinée en trois axes stratégiques faisant de la langue française le ciment unificateur au service :

– des cultures et de l’éducation ;

– de la démocratie et de la gouvernance ;

– du développement durable.

Cette programmation déploie vingt-cinq projets, ciblant prioritairement les jeunes et les femmes, énumérés dans le tableau suivant, mobilisant au total 103 millions d’euros sur quatre années.


Programmation 2024-2027 de L’OIF

(en millions d’euros)

Programmes stratégiques et projets d’action

Budgets 2024-2027

Programme stratégique n° 1 - La langue française au service de la culture et de l’éducation

44,3

Projet d’action n° 1

La langue française, langue internationale

15,55

Projet d’action n° 2

La langue française, langue d’enseignement et d’apprentissage

5,2

Projet d’action n° 3

Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres (IFADEM)

3,4

Projet d’action n° 4

École et langues nationales (ELAN)

3,4

Projet d’action n° 5

Acquérir des savoirs, découvrir le monde

3,9

Projet d’action n° 6

Industries culturelles et découvrabilité

8,6

Projet d’action n° 7

Jeux de la francophonie

2,65

Projet d’action n° 8

Radio Jeunesse Sahel

1,6

Programme stratégique n° 2 - La langue française au service de la démocratie et de la gouvernance

22,8

Projet d’action n° 9

État civil

3,2

Projet d’action n° 10

Renforcement de l’État de droit, des droits de l’homme et de la justice

5,7

Projet d’action n° 11

Prévention et lutte contre les désordres de l’information

3,2

Projet d’action n° 12

Accompagnement des processus démocratiques

5,35

Projet d’action n° 13

Soutien à la paix et à la stabilité

5,35

Programme stratégique n° 3 - La langue française, vecteur de développement durable

35,9

Projet d’action n° 14

La francophonie avec Elles

4,4

Projet d’action n° 15

Innovations et plaidoyers francophones

4,2

Projet d’action n° 16

D-CLIC: formez-vous au numérique

6,8

Projet d’action n° 17

Promotion des échanges économiques et commerciaux francophones

6,2

Projet d’action n° 18

Accompagnement des transformations structurelles en matière d’environnement et de climat

4,75

Projet d’action n° 19

Soutien aux initiatives environnementales dans le bassin du Congo

4,775

Projet d’action n° 20

Promotion du tourisme durable

4,775

TOTAL

103

Source : Commission des affaires étrangères, d’après la programmation 2024-2027 de l’OIF.

Les nouveaux projets de cette programmation ont eu une phase d’expérimentation entre 2020 et 2023 avant d’être confirmés et consolidés, ce qui a notamment été le cas du fonds La francophonie avec Elles qui soutient l’autonomisation économique et sociale des femmes en situation de vulnérabilité.

Les programmes mis en œuvre sont conformes aux enjeux bien identifiés de soutien aux systèmes scolaires en Afrique. Ils favorisent :

– la mobilité des enseignants de et en français au sein de l’espace francophone avec un programme de mobilité d’enseignants entre les Seychelles, le Rwanda et le Ghana ;

– la formation à distance des maîtres (projet IFADEM) ;

– l’intégration des langues nationales africaines dans les programmes éducatifs afin de faciliter les premiers apprentissages des enfants dont le français n’est pas la langue maternelle et l’apprentissage concomitant en français, au travers de l’important programme ELAN mis en œuvre par l’Institut de la francophonie pour l’éducation et la formation (IFEF) depuis Dakar.

Il en va de même d’initiatives concernant les industries culturelles et créatives (ICC) et la présence des contenus culturels francophones sur la toile, les formations aux métiers du numérique, l’organisation de missions économiques ou encore le soutien à la présence française dans les relations internationales.

De manière générale, la nouvelle programmation a été conçue pour déplacer le centre de gravité de l’action de l’OIF vers le terrain et ouvrir une nouvelle étape de la décentralisation de ses actions et de ses moyens, ce qui correspondait effectivement à la demande des chefs d’État et de gouvernement formulée lors du sommet de Djerba.

Outre ses directions au siège, l’OIF relaie ainsi son action sur le terrain au travers de treize représentations extérieures dans les capitales régionales et diplomatiques ainsi que deux instituts spécialisés, tous deux visités par les rapporteurs dans le cadre de leur mission : l’IFEF à Dakar déjà mentionné ainsi que l’Institut de la francophonie pour le développement durable (IFDD) à Québec. S’y ajoutent trois centres régionaux pour l’enseignement du français (CREF) à Sofia en Bulgarie, Djibouti et Hô Chi Minh-Ville au Vietnam.

Alors qu’auparavant, les représentations extérieures avaient principalement des missions diplomatiques et quelques activités de coopération, elles sont désormais pleinement parties prenantes de la mise en œuvre de la programmation d’ensemble de l’OIF.

En deux ans, l’OIF a ainsi accru de 23 % ses effectifs sur le terrain, réduisant concomitamment de 10 % ses effectifs au siège, principalement par des mobilités volontaires de personnels précédemment au siège.

Évolution de la Répartition des effectifs de L’OIF de 2022 à 2024

 

2022

2024

Évolutions 2022-2024

Effectifs au siège

185

63 %

166

55 %

- 19

- 10 %

Effectifs hors siège

109

37 %

134

45 %

+ 25

+ 23 %

Total OIF

294

100 %

300

100 %

+ 6

+ 2 %

Source : Organisation internationale de la francophonie.

● En 2024, le budget ordinaire de l’OIF s’élevait à 64,6 millions d’euros. Les recettes sont constituées de contributions statutaires complétées de contributions volontaires abondant un Fonds multilatéral unique (FMU), commun aux différents opérateurs de la francophonie puis fléchées vers des projets.

Les progrès en matière de visibilité et d’impact des programmes mis en œuvre par l’OIF se traduisent également par le fait qu’en 2023, pour la première fois, l’organisation a obtenu des contributions volontaires de quatre pays africains, le Rwanda, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Togo, qui ont plus que compensé le choix du Canada de réduire de 2 millions d’euros ses contributions volontaires au FMU traditionnellement destinées à l’OIF pour les réorienter vers l’Agence universitaire de la francophonie et TV5 Monde ([19]).

Les rapporteurs saluent par ailleurs la modernisation du barème de contributions statutaires adoptée en 2023 à l’initiative de la secrétaire générale qui accroît la participation des membres associés et observateurs et a permis d’augmenter de 21 % le budget de la programmation 2024-2027.

Parts des principaux pays contributeurs au budget de l’OIF

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Total du budget de l’OIF

72

68,2

71,3

70,8

75,8

70,9

67,5

Contributions de la France

24,4

23,2

22,1

23,4

23,6

24,3

28,2

Part dans le budget de l’OIF

34 %

34 %

31 %

33 %

33 %

34 %

38 %

Contributions du Canada

16,1

20,1

16,4

16

16,4

16,1

16,7

Part dans le budget de l’OIF

22%

29%

23%

23%

22%

23%

25%

Contributions du Québec

3,5

3,8

3,4

2,9

3

3,7

3,3

Part dans le budget de l’OIF

5%

6%

5%

4%

4%

5%

5%

Contributions de la Belgique

4,9

4,4

4,2

4,3

4,8

4,3

4,3

Part dans le budget de l’OIF

7%

7%

6%

6%

6%

6%

6%

Autres principales contributions

23,2

16,7

25,2

24,3

28

22,5

14,9

Source : Réponses du ministère de l’Europe et des affaires étrangères au questionnaire des rapporteurs.

Enfin l’OIF peut mobiliser des recettes additionnelles, dites extrabudgétaires, qui varient désormais autour de 15 millions d’euros par an, provenant des partenaires multilatéraux ou bilatéraux ou encore plus récemment du secteur privé.

Ces fonds sont fléchés sur des projets de l’OIF et la qualité de ceux-ci a permis à la France d’accroître significativement, entre 2022 et 2023, ses contributions supplémentaires, comme le détaille le tableau suivant.


Contributions extra-budgétaires de la France aux programmes de l’Organisation internationale de la francophonie

Montants en millions d’euros

 

2022

2023

Programmes Langue française, éducation et culture

Mobilité des enseignants

1

0,7

Appui à TV5 Monde+

0,3

0,4

Soutien aux États généraux du livre en langue française

0,2

 

Formations en français dans le cadre des opérations de maintien de la paix

0,1

0,2

Renforcement des compétences dans le numérique

-

0,4

Renforcement des centres de lecture et d’animation culturelle (CLAC)

-

0,35

Formation des diplomates dans les organisations internationales et l’Union européenne

-

0,3

Observatoire de la langue française et la découvrabilité

-

0,25

Programmes en matière de gouvernance démocratique

État civil

0,5

0,47

Lutte contre la désinformation

0,4

0,5

Appui aux processus électoraux

-

0,2

Programme en faveur de la lutte contre la corruption

-

0,15

Soutien à la formation linguistique de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) en Haïti

-

0,85

Initiatives dans le cadre de la résolution « femmes, paix et sécurité »

-

0,2

Actions transversales en matière d’égalité femmes-hommes, de jeunesse, de société civile, et de sport

Fonds La francophonie avec Elles

-

1

Organisation des Jeux de la francophonie à Kinshasa

-

0,2

Appui à la structuration de la Conférence des organisations internationales non gouvernementales (COING) de la Francophonie

-

0,1

Programmes en matière d’économie et de développement durable

Soutien aux projets de l’IFDD

-

1

Soutien aux projets de l’Alliance des patronats francophones

-

0,3

TOTAL

2,5

7,5

Source : Réponses du ministère de l’Europe et des affaires étrangères au questionnaire des rapporteurs.

b.   Les acteurs de la Charte déploient des stratégies conformes aux orientations de la francophonie

i.   Les conférences ministérielles permanentes

Créée en février 1960, avant même les indépendances, la Conférence des ministres de l’éducation des États et gouvernements de la francophonie (CONFEMEN) est la plus ancienne institution de la francophonie. Elle se distingue par sa capacité à construire un dialogue politique de haut niveau en matière d’éducation et représente un élément central du dispositif francophone d’éducation en Afrique de l’Ouest.

Siégeant à Dakar, elle demeure indépendante de l’OIF en raison de la forte volonté politique des ministres de conserver une institution de la francophonie spécifiquement centrée sur l’éducation. Elle regroupe aujourd’hui quarante-trois États membres, par ailleurs tous membres de plein droit de l’OIF.

La CONFEMEN a trois missions principales : informer ses membres sur l’évolution des systèmes éducatifs et les réformes en cours ; nourrir la réflexion sur des thèmes d’intérêt commun, et animer la concertation entre ministres et experts en vue de formuler des recommandations pour appuyer les politiques en matière d’éducation. La France est le premier financeur, suivi par le Québec, le Nouveau-Brunswick et la fédération Wallonie Bruxelles.

L’organisation s’est dotée d’un plan stratégique 2022-2026 qui vise à élargir son périmètre d’intervention et renforcer le lien entre la production de données et leur utilisation afin d’appuyer la conception des politiques éducatives, à accroître sa visibilité et à consolider son modèle économique et organisationnel.

Le Programme d’analyse des systèmes éducatifs (PASEC) a été créé en 1991 comme instrument technique d’analyse des systèmes éducatifs. Ce programme d’évaluation des apprentissages des élèves au début et à la fin du primaire, dédié à l’espace francophone, fait désormais référence en matière d’évaluations internationales.

L’AFD soutient le PASEC depuis 2014 à travers une contribution directe à la CONFEMEN mais également en finançant les pays contributeurs et garantissant leur participation aux cycles d’évaluation. Le nouveau cycle d’évaluation du PASEC 2024 est soutenu par l’AFD à hauteur de 4 millions d’euros. Les autres bailleurs sont la coopération Suisse, et depuis 2021, la Fondation Bill & Melinda Gates. Le PASEC 2024 couvre une vingtaine de pays, contre quinze pour le PASEC 2019, et est étendu à l’évaluation de l’apprentissage au premier cycle du secondaire.

Lors du déplacement de la mission au siège de la CONFEMEN à Dakar, son secrétaire général a présenté à la rapporteure Amélia Lakrafi les importantes perspectives offertes par le nouveau Programme d’appui au changement et à la transformation de l’éducation (PACTE) mis en place pour appuyer le développement des politiques éducatives en complémentarité avec le PASEC afin de renforcer le lien entre la collecte et l’utilisation des données éducatives.


● Créée en 1969, la Conférence des ministres de la jeunesse et des sports de la francophonie (CONFEJES) formalisait une réunion annuelle des ministres de la jeunesse et des sports de l’ancienne « Communauté française » qui existait depuis 1960. Siégeant à Dakar, elle est, depuis 2005, une institution de la francophonie, et réunit bi-annuellement les ministres de la jeunesse et des sports de quarante-deux États et gouvernements membres, tous membres de plein droit de l’OIF.

La CONFEJES est chargée de dégager des orientations en matière de politiques publiques et de mettre en œuvre des programmes d’action en faveur des jeunes et des sportifs francophones des pays du Sud.

Outre un appui au renforcement de la gouvernance et des politiques « jeunesse et sports » et la formation des cadres ainsi que la définition de stratégies en matière d’égalité femmes-hommes, la CONFEJES déploie directement des programmes dans les domaines suivants :

– la promotion de l’emploi et de l’entreprenariat des jeunes (PPEJ) qui accompagne des jeunes de 16 à 35 ans à travers des formations, du financement et des facilitations d’accès au crédit, dans le but de soutenir la création d’entreprises. La PPEJ a financé plus de 2 300 projets depuis sa création en 1994 ;

– le renforcement des capacités des responsables des centres de jeunes, des associations et des conseils nationaux de jeunesse ;

– l’amélioration de l’accès à la pratique sportive pour des publics spécifiques (élèves, femmes, personnes handicapées) ;

– l’accès au sport de haut niveau via des bourses délivrées par un Fonds francophone de préparation olympique (FFPO), avec plus de 4 000 bénéficiaires depuis sa création.

Ces activités ont été particulièrement visibles dans les contextes, à l’été 2023, des Jeux de la francophonie à Kinshasa, en 2024, de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) et des Jeux olympiques et paralympiques de Paris et dans la perspective des Jeux olympiques de la jeunesse à Dakar en 2026.

Les financements proviennent essentiellement des contributions volontaires des pays du Nord (France, Canada-Québec, Wallonie-Bruxelles). Pour le ministère français en charge de la jeunesse, la CONFEJES est l’instrument principal de la coopération avec les pays francophones du Sud, en l’absence de coopération bilatérale.

Les rapporteurs soulignent que la CONFEJES a besoin d’être renforcée dans ses moyens, affaiblis par la baisse de ses subventions et un manque d’engagement de certains partenaires, avec de nombreux impayés.

Ils s’interrogent sur la création récente, au sein de l’OIF, d’une « unité sport, jeunesse et citoyenneté » qui paraît faire doublon avec les activités conduites par la CONFEJES de longue date, alors même que des structures privées comme la Fédération internationale de football (FIFA) interviennent désormais également sur le territoire africain pour le développement du sport.

Un réengagement français bienvenu à l’appui de la CONFEJES jusqu’en 2024

La contribution de la France, tous ministères confondus (jeunesse et sports, éducation nationale et ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE)), qui représente entre 20 et 25 % du budget de la CONFEJES était stable entre 2015 et 2021 autour de 560 000 et 590 000 euros mais elle est en hausse régulière depuis trois ans, grâce à des contributions exceptionnelles du MEAE d’environ 80 000 euros par an de 2022 à 2024.

Ce réengagement français passe en outre par la mise à disposition, depuis octobre 2022, d’un expert technique international, désormais conseiller Stratégie et OIF auprès de la secrétaire générale de la CONFEJES, M. Olivier Serot-Almeras, ancien ambassadeur de France au Cap-Vert et ancien consul général de France à Dakar.

ii.   L’Agence universitaire de la francophonie

● Fondée en 1961 à Montréal en tant qu’Association des universités entièrement ou partiellement de langue française (AUPELF) rassemblant initialement quarante adhésions, l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) est désormais le plus grand réseau mondial d’établissements d’enseignement supérieur, rassemblant plus de 1100 universités et centres de recherche scientifique issus de près de 120 pays : le champ d’activité dépasse donc très largement les pays identifiés comme francophones, mais s’étend à ceux qui veulent le devenir, ou qui, à partir d’une francophilie, souhaitent développer une francophonie scientifique, par intérêt culturel, géopolitique, d’ouverture.

L’institution accompagne les établissements d’enseignement supérieur et de recherche pour améliorer la qualité de la formation, la recherche et la gouvernance universitaire, favoriser l’insertion professionnelle et l’employabilité des diplômés, et promouvoir l’implication des universités dans le développement global des sociétés.

● Forte de dix directions régionales, quarante bureaux nationaux et plus de 200 espaces de services répartis dans soixante-cinq pays, elle met en place cinquante campus numériques francophones dans quarante pays, vingt-cinq laboratoires multimédias pédagogiques dans dix-sept pays et soixante-dix centres d’employabilité francophones dans quarante-sept pays, des formations universitaires et professionnalisantes ainsi que des programmes de recherche.

L’AUF dispose en outre de trois instituts spécialisés :

– l’École de management de la francophonie à Sofia en Bulgarie ;

– l’Institut de la formation à distance de la francophonie à Tunis ;

– et l’Académie internationale de la francophonie scientifique, inaugurée en 2023, dont les rapporteurs ont rencontré les équipes dirigeantes à Rabat au Maroc et dont l’action peut être déterminante pour promouvoir les publications scientifiques de haut niveau en français (voir infra).

L’AUF organise chaque année une Semaine mondiale de la francophonie scientifique, la dernière ayant eu lieu du 14 au 18 octobre à Toulouse, à la suite du sommet de la francophonie de Villers-Cotterêts.

● La stratégie 2021-2025 de l’AUF prévoit, autour du concept identitaire fédérateur de « francophonie scientifique » une approche « ouverte différenciée » avec des politiques d’accompagnement adaptées selon le degré de francophonie et le niveau de développement : si la stratégie est commune, les actions de mise en œuvre sont étroitement liées à des contextes qui varient fortement.

La France contribue à plus de la moitié du budget de l’agence, avec une subvention de près de 22 millions d’euros par an entre 2022 et 2024, portée par le MEAE. Les rapporteurs soulignent que cette contribution doit absolument être préservée.

iii.   L’université Senghor d’Alexandrie

L’université Senghor d’Alexandrie, « université internationale de langue française au service du développement africain » résulte d’une décision prise lors du IIIe sommet de la francophonie à Dakar en 1989. Création directe de la francophonie, elle a le statut d’une association internationale de droit belge et un accord de siège avec l’Égypte.

Elle développe des programmes de formation de troisième cycle, en français, pour des cadres spécialisés, principalement dans les domaines de la santé, de l’environnement, de la culture et du management, au service du développement de l’Afrique et d’Haïti. Les formations sont déployées à Alexandrie et, en partenariat avec les établissements nationaux, dans seize campus décentralisés à travers le monde, dont, en dernier lieu, quatre nouveaux campus au Gabon, au Tchad, en Tunisie et au Vietnam.

Les formations à Alexandrie correspondent à des thématiques d’intérêt commun : un nouveau campus y sera inauguré cette année à Bord El Arab, et pourra accueillir 500 étudiants par an. Les formations proposées sur les campus décentralisés répondent aux demandes spécifiques des acteurs et des publics locaux.

La contribution volontaire du MEAE a atteint 2,5 millions d’euros en 2024, soit plus de la moitié des contributions gouvernementales à l’université.


iv.   L’Association internationale des maires francophones

● L’Association internationale des maires francophones (AIMF), fondée en 1979, à l’initiative de Jacques Chirac alors maire de Paris, et de Jean Pelletier, maire de Québec a été reconnue comme opérateur direct de la francophonie pour la coopération décentralisée lors du sommet de Cotonou en décembre 1995. L’AIMF compte 325 villes membres, dans cinquante-quatre pays de la francophonie, regroupant 180 millions d’habitants.

L’AIMF se fixe en premier lieu une mission d’appui institutionnel pour « faire valoir le rôle des villes et des maires pour répondre aux grands défis mondiaux », à travers une communication qui valorise le pouvoir de transformation des autorités locales. Elle développe des programmes d’appui à la gouvernance locale, organise des sessions de formation ou des séminaires pour les élus locaux, conduit des actions de plaidoyer notamment pour renforcer la diplomatie des villes, promouvoir la démocratie et le développement durable, ainsi que la modernisation des services municipaux. Les pays bénéficiaires de ces activités sont africains à 90 %. L’AIMF a adopté un cadre stratégique 2023-2026 conforme au cadre stratégique commun de la francophonie.

● L’AIMF dispose de trois outils de financement :

– un fonds de coopération, créé à Tunis en juillet 1990, cofinance des programmes de développement urbain dans les villes membres. Ce fonds investit environ cinq millions d’euros chaque année ([20]) ;

 un programme de renforcement de la gouvernance locale pour la modernisation des services municipaux, le plaidoyer et le renforcement de la diplomatie des villes. À ce titre, l’AIMF mobilise 3 millions d’euros par an et bénéficie, en tant qu’opérateur direct de la coopération décentralisée pour la francophonie, de contributions du Cameroun, de la France et du Québec, mais également de contributions de la Banque mondiale (programmes de modernisation de la gestion financière) et de l’Union européenne, dans le cadre d’un partenariat stratégique conclu en 2015 et renouvelé en 2022 ;

– enfin un fonds d’urgence, créé en juillet 2001, alimenté par les produits financiers générés par les subventions, qui permet d’apporter un soutien aux villes victimes d’une catastrophe ou d’une crise grave.

Depuis une dizaine d’années, la contribution volontaire du MEAE à l’AIMF s’est élevée, en moyenne annuelle, à près de 1,6 million d’euros représentant environ 20 % du budget total de l’AIMF.

v.   TV5 Monde

● Créée en 1984 sous l’appellation TV5 en tant que groupe européen de chaînes publiques rassemblant trois chaînes françaises, une chaîne belge et une chaîne suisse, puis doublé d’une chaîne distincte TV5 Québec-Canada, TV5 s’est élargie à l’Afrique à la suite d’une décision du IVe sommet de la francophonie au Palais de Chaillot en 1991. Renommée TV5 Monde en 2006, le groupe est désormais financé par six États et régions francophones : la France, la Canada, la Suisse, le Québec, la fédération Wallonie- Bruxelles, rejoints, depuis 2021, par Monaco.

En tant qu’opérateur audiovisuel de l’OIF, TV5 Monde est présente dans les locaux de l’ONU à New York et est la seule chaîne francophone non chinoise diffusée en Chine.

Elle est la première chaîne mondiale en français avec plus de 60 millions de téléspectateurs en audience cumulée hebdomadaire et 40 millions de vues par mois en moyenne de ses contenus numériques. Avec ses huit chaînes généralistes régionalisées et ses deux chaînes thématiques, consacrées à la jeunesse et à l’art de vivre, elle est diffusée dans 198 pays dans le monde entier et distribuée auprès de plus de 437 millions de foyers.

La mise à disposition de onze langues de sous-titrage contribue à promouvoir la langue française et le plurilinguisme. Le dispositif numérique « Apprendre et enseigner le français avec TV5 Monde » offre des outils d’apprentissage du français langue étrangère.

La France contribue à 73 % des dotations publiques de TV5 Monde

Le modèle économique particulier de TV5 Monde conduit chaque pays bailleur de fonds à apporter à la chaine ses programmes nationaux libres de droits, et à en supporter seul la charge. En revanche, le financement des « frais communs » relatifs à la mise en onde, à la diffusion, la distribution, la communication, la production d’émissions à caractère multilatéral, comme l’information, et à la gestion de l’ensemble de ces dépenses est partagé entre les gouvernements bailleurs de fonds.

Par ailleurs, le siège de TV5 Monde étant situé à Paris, la France bénéficie d’un retour sur investissement important, en matière d’emplois, de cotisations sociales, d’impôts et de taxes. Dès lors, pour compenser cet avantage, l’État verse une contribution additionnelle, dont le montant a été fixé par la Conférence des ministres responsables de TV5 Monde et est indexé sur l’augmentation des contributions au budget de base des frais communs.

Au total la contribution de la France s’élève à 84 millions d’euros en 2025, représentant plus de 73 % des dotations publiques de TV5 Monde.

La plateforme TV5Mondeplus, en pleine expansion, favorise l’exposition et la « découvrabilité » gratuite de milliers d’heures de programmes francophones sur l’ensemble de la planète. Elle accueille notamment en exclusivité les documentaires, fictions ou films d’animation en langue française, produits dans les États du Sud et soutenus par le Fonds francophonie TV5Mondeplus de l’OIF.

vi.   L’Assemblée parlementaire de la francophonie

● L’Assemblée parlementaire de la francophonie a été créée à Paris en mai 1967, d’abord sous la dénomination d’Association internationale des parlementaires de langue française (AIPLF), à l’initiative du député français Xavier Deniau, pionnier du soutien de la France à la cause québécoise, et de Léopold Sédar Senghor, qui y voyait une première étape vers l’organisation intergouvernementale de coopération multilatérale qu’il appelait de ses vœux.

Reposant sur un statut associatif, mais de vocation internationale reconnue par la loi française ([21]) et ayant son siège à Paris dans des locaux mis à disposition par l’Assemblée nationale, l’APF fédère aujourd’hui 95 sections adhérentes ([22]), contre 23 à sa création. Elles sont issues de parlements nationaux mais également d’assemblées infranationales, dont les assemblées de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, ainsi que d’organisations interparlementaires.

La présidence de l’APF est traditionnellement exercée par le président d’une section non-française, par alternance désormais entre sections africaines et nord-américaines : le camerounais Hilarion Etong a ainsi succédé en 2024 au canadien Francis Drouin. La section française désigne le deuxième responsable parlementaire le plus important, qui a la haute main sur le fonctionnement administratif, le délégué général : en mars 2025, en succédant à Bruno Fuchs, la rapporteure Amélia Lakrafi a eu l’insigne honneur d’accéder à cette fonction.

Les travaux sont organisés dans quatre commissions ([23]), quatre régions (Afrique, Amérique, Asie-Pacifique, Europe) et deux réseaux : le réseau des femmes parlementaires et le réseau des jeunes parlementaires.

● L’APF réunit annuellement une session plénière rassemblant l’ensemble des sections : la dernière s’est tenue à Montréal en juillet 2024 et la prochaine se tiendra à Paris en juillet 2025.

En outre, deux fois l’an, l’APF réunit un bureau de trente membres, dont trois sont français ([24]). La dernière réunion du bureau de l’APF a eu lieu à Cân Tho au Viêt-Nam en janvier 2025 et a permis l’adoption de positions communes sur les enjeux de la lutte contre le réchauffement climatique et la promotion de l’agriculture durable, les échanges entre parlementaires francophones s’y inscrivant en particulier dans des logiques de coopération Sud-Sud.

En juillet 2024, à Montréal, la 10e édition du Parlement francophone des jeunes a permis la participation de quatre-vingts jeunes issus de quarante sections et de quatre jeunes sélectionnés par l’Agence universitaire de la francophonie.

Les contributions diversifiées des acteurs de la francophonie à l’APF

L’APF disposait, en 2024, d’un budget de 2,5 millions d’euros, provenant pour un tiers des cotisations des sections membres, complétés par une subvention du Quai d’Orsay (350 000 euros), ainsi que par des subventions de projets de coopération provenant de l’OIF (620 000 euros), du ministère des affaires étrangères canadien (85 000 euros) et des contributions volontaires du Parlement français (200 000 euros) ou du Parlement de la fédération Wallonie-Bruxelles (30 000 euros). Huit assemblées parlementaires mettent en outre des fonctionnaires à sa disposition, dont le secrétaire général administratif, qui est traditionnellement un fonctionnaire de l’Assemblée nationale.

● L’APF participe au renforcement des institutions démocratiques dans l’espace francophone. Lors de la 49e Session plénière de juillet 2023 à Tbilissi, l’APF a adopté les cinq orientations d’un cadre stratégique 2023-2030 :

– promouvoir l’usage de la langue française, en particulier dans les sections de pays où l’usage du français est minoritaire : l’APF finance des cours de langue au profit de parlements demandeurs mais sur ses fonds propres et de façon parcellaire. Elle souhaite développer ces prestations et construire une vraie stratégie en la matière en sollicitant des bailleurs internationaux ;

– renforcer les capacités juridiques et techniques des parlementaires et des administrations des assemblées, par des séminaires thématiques et des stages. L’APF y consacre un tiers de son budget et souhaite enrichir son offre de coopération en proposant des corpus législatifs afin d’apporter une aide à la législation sur des sujets clés. Un premier corpus législatif consacré aux politiques climatiques a été adopté en janvier 2024, en collaboration avec l’IFDD, notamment à partir de travaux de parlementaires français. Les autres corpus en cours ou envisagés concernent les lanceurs d’alerte, la budgétisation tenant compte du genre, la lutte contre les violences faites aux femmes, l’élimination des déchets plastiques, le régime des associations à but non lucratif et la lutte contre les médicaments falsifiés ;

– participer aux débats internationaux sur les grands enjeux politiques contemporains, notamment dans le cadre onusien, afin que le point de vue des parlementaires francophones puisse peser sur les questions de paix et de sécurité, du développement durable ou d’égalité entre les femmes et les hommes ;

– être active dans le domaine de la diplomatie parlementaire afin de contribuer à la prévention des situations de crise dans l’espace francophone et, le cas échéant, au rétablissement de la stabilité et de la paix. L’APF a ainsi joué un rôle actif dans les plaidoyers accompagnant le retour à l’ordre constitutionnel et démocratique du Gabon et de la Guinée ;

– enfin, adopter des résolutions sur l’ensemble des sujets intéressant la communauté francophone à destination des organes exécutifs de l’OIF, à l’exemple de l’avis présenté lors du sommet de Villers-Cotterêts invitant les chefs d’États et de gouvernement à « faciliter la mobilité citoyenne pour promouvoir la création, l’innovation et l’entrepreneuriat dans la francophonie » (voir infra).

3.   Doter la francophonie institutionnelle de nouvelles synergies et de nouveaux outils

a.   Les actions conjointes des organisations de la francophonie ne sont pas à l’échelle des besoins de l’espace francophone

● Si la francophonie institutionnelle est profuse, il importe que ses différents acteurs coopèrent dans les domaines où leurs compétences pourraient se chevaucher.

Outre le cadre stratégique de la francophonie 2023 – 2030, déjà mentionné, l’harmonisation des actions repose sur deux instruments :

– un Conseil de coopération, présidé par la secrétaire générale de la francophonie, qui réunit l’administratrice de l’OIF, les responsables des opérateurs ainsi que de l’APF et qui doit assurer, de manière permanente, la cohérence, la complémentarité et la synergie des programmes de coopération des opérateurs ;

– le Fonds multilatéral unique (FMU), consacré par la Charte de 2005 comme le « pot commun » recueillant l’ensemble des contributions volontaires aux acteurs de la Charte. La gestion du FMU relève de l’OIF mais la secrétaire générale de la francophonie ne dispose pas de la compétence d’en répartir directement les financements, les États et gouvernements contributeurs décidant de la ventilation de leurs contributions volontaires entre l’OIF et les acteurs de la Charte.

Ce cadre de coopération a permis de structurer plusieurs coopérations entre l’OIF et les acteurs de la Charte, résumées dans le tableau suivant.

principaux partenariats de l’OIF avec les acteurs de la Charte dans le cadre de la programmation 2024-2027

Projets conduits par l’OIF

Acteurs de la Charte

La langue française, langue internationale

Université Senghor d’Alexandrie, TV5 Monde

IFADEM avec le portail RELIEFH

AUF

ELAN

AUF

KIX

AUF, CONFEMEN

Industries culturelles et découvrabilité

TV5 Monde

Lutte contre la désinformation

APF

Renforcement de l’État de droit, des droits de l’homme et de la justice, gouvernance démocratique

APF

Appui à l’état civil

APF, AIMF

Soutien à la paix et à la stabilité

APF, université Senghor d’Alexandrie

Égalité femmes-hommes

APF, université Senghor d’Alexandrie

Société civile

Université Senghor d’Alexandrie

Jeux de la francophonie

CONFEJES, université Senghor d’Alexandrie

Mobilisation de la jeunesse

CONFEJES, université Senghor d’Alexandrie, AUF

Source : Réponses de l’OIF au questionnaire des rapporteurs.

Dans les domaines de l’appui à l’éducation dans l’espace francophone, la collaboration entre l’IFEF, organe de l’OIF, et les autres acteurs de la Charte a donné lieu :

– à des travaux de recherche-action de l’AUF concernant le programme ELAN mis en œuvre par l’IFEF concernant l’organisation des premiers apprentissages bi-plurilingues associant les langues nationales et le français. Ce programme est désormais étendu à douze pays, touchant 500 écoles bilingues et formant plus de 2 500 enseignants, dont 65 % de femmes, soit environ 24 000 élèves, dont 54 % de filles : les rapporteurs saluent la qualité de ce programme qui est au cœur des enjeux d’acquisition du français dans des contextes multilingues et appellent à en accroître considérablement la portée en y concentrant plus de moyens ;

– au copilotage entre l’IFEF et l’AUF de l’Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres qui met en œuvre des ingénieries de formation à distance, hybrides ou entièrement en ligne, ainsi que des portails de formation, touchant désormais plus de 40 000 personnels éducatifs dans seize pays ;

– au programme KIX ([25]), qui vise à créer un centre de partage d’expérience et d’innovation devant contribuer à la transformation des systèmes éducatifs, en fédérant des échanges nationaux et régionaux dans vingt-et-un pays d’Afrique, ce qui a permis, à ce stade, de collecter 106 innovations et 240 recherches francophones de plus de 2 000 participants.

Il semble cependant que ce dernier projet, hébergé par l’IFEF, la CONFEMEN en présidant le comité de pilotage où l’AUF est présente, a précisément été mis en place dans le but de montrer que les institutions de la francophonie peuvent travailler ensemble… Or ce résultat paraît loin d’être atteint, chacun des partenaires continuant de rechercher des financements en concurrence auprès des mêmes bailleurs et conservant des approches distinctes.

La progression de la langue française dans le monde étant au moins autant conditionnée au renforcement des systèmes éducatifs des pays d’Afrique francophone qu’à l’évolution de leur démographie, les rapporteurs insistent sur le fait qu’il est crucial de donner à ces programmes les moyens de leurs ambitions.

Or, la réalisation de quelques projets communs entre les programmes de l’OIF et les autres acteurs de la Charte reste aujourd’hui circonscrite au cadre relativement étroit de la programmation des projets de l’OIF relevant du FMU, dont le total ne dépasse pas, aujourd’hui, 25 millions d’euros par an, ce qui n’est pas du tout à l’échelle des enjeux de développement de l’espace francophone sur lequel l’ensemble des acteurs de la francophonie sont appelés intervenir.

 

● Les rapporteurs considèrent que, plutôt qu’un attachement sourcilleux aux complémentarités entre chacun des programmes des opérateurs de la francophonie, le défi principal consiste à les doter des outils leur permettant de porter leurs interventions à la bonne échelle des défis de l’espace francophone. Cela nécessite en particulier d’être en mesure de mobiliser les financements des grands bailleurs internationaux au profit des actions conduites par les institutions francophones.

Les rapporteurs relèvent que l’OIF mobilise depuis plusieurs années des fonds additionnels auprès de l’Union européenne dans le cadre de la mise en œuvre du « fonds images CLAP ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique) », un programme de soutien aux projets de fiction cinéma, documentaires et séries, en partenariat avec plusieurs fonds africains ([26]).

L’OIF a bénéficié également des appuis financiers de l’Union européenne pour la mise en œuvre du projet « environnement et développement durable » qui soutient des expertises et innovations en Haïti, au Congo, au Cameroun et en RDC.

Le projet IFADEM, déjà mentionné, a mobilisé des financements de bailleurs internationaux, attestant de son impact dans le domaine de l’éducation ; son extension au niveau collégial dans l’union des Comores, a été soutenue par un financement de 809 000 euros provenant de fonds européens gérés par l’AFD et plus de 820 000 euros pour le déploiement d’IFADEM en Guinée sont issus d’un Fonds commun de l’éducation regroupant des financements provenant du Partenariat mondial pour l’éducation, de l’AFD et du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF).

Ces quelques exemples sont cependant de portée trop limitée et illustrent des situations où les institutions de la francophonie perçoivent des financements par le truchement de bailleurs secondaires, comme l’AFD, mais non pas directement des grands programmes internationaux, comme le Pacte mondial pour l’éducation (PME) ou la Banque mondiale, faute d’en satisfaire aujourd’hui les prérequis notamment en matière d’accréditation et de gestion de projets.

Proposition : Doter les organisations de la francophonie d’outils et de compétences leur permettant de lever directement des financements significatifs auprès des grands bailleurs internationaux notamment dans les domaines de l’éducation ou de la transition climat.

● En 2008 dans un rapport intitulé Pour une renaissance de la francophonie ([27]) Hervé Bourges relevait que « l’enjeu francophone est de nature à mobiliser un grand nombre d’entreprises, voire de particuliers, qui pourraient souhaiter contribuer aux mesures engagées, dès lors qu’elles seront plus visibles et mieux structurées sur les problèmes phares de notre époque ».

Il proposait, en conséquence, de créer une fondation de la francophonie chargée de collecter des fonds publics et dons privés, ce qui serait en effet particulièrement bienvenu, car les grandes entreprises hexagonales ont longtemps préféré s’appuyer sur la diplomatie économique française plutôt que de donner sa chance au multilatéralisme francophone.

Ces financements pourraient ensuite être utilisés pour abonder des programmes existants ou pour conduire des projets encourageant plus directement la francophonie économique, par exemple dans les domaines de la formation au français professionnel ou en contribuant à l’implantation et à la mise en réseau d’entreprises dans les pays francophones, et particulièrement en Afrique.

Des propositions en ce sens ont également été présentées aux rapporteurs par le québécois Clément Duhaime, qui fut l’administrateur de l’OIF sous les mandats d’Adbou Diouf.

Les rapporteurs relèvent que l’OIF a bénéficié d’un financement de 500 000 euros de l’entreprise TotalEnergies pour le fonds La francophonie avec Elles, ce qui atteste que des entreprises privées sont d’ores et déjà disposées à financer la francophonie au même titre que d’autres organismes d’intérêt général.

Faire d’une Fondation de la francophonie le truchement des futurs financements par des entreprises privées, en s’appuyant notamment sur la nouvelle Alliance du patronat francophone, permettrait d’en susciter un plus grand nombre, y compris provenant de particuliers et d’institutions à but non lucratif, tout en apportant des garanties de transparence dans le choix des projets financés.

Proposition : Inciter les entreprises, les organismes d’intérêt général et le grand public à participer au financement d’une fondation de la francophonie.

● Outre l’appui financier des entreprises et des sociétés civiles, la francophonie pourrait mieux capitaliser sur celui des acteurs territoriaux.

Si l’AIMF est bel et bien reconnue comme un acteur de la Charte de la francophonie, son secrétaire permanent a regretté devant les rapporteurs que les collectivités territoriales ne soient pas invitées à intervenir lors du sommet de la francophonie, la dimension politique de leur action extérieure n’étant pas prise en considération, et la coopération décentralisée perçue sous un angle exclusivement technique.

Les rapporteurs relèvent en outre que la francophonie institutionnelle ne fait pas aujourd’hui une place suffisante à l’Association internationale des régions francophones (AIRF), créée en 2002 à Lyon sous l’impulsion des régions de Tombouctou, Rabat-Zemmour-Zaër et Rhône-Alpes et qui regroupe des collectivités territoriales représentant le premier niveau d’administration inférieur à l’État et rassemble 180 collectivités territoriales et une dizaine d’associations nationales de régions dans vingt-quatre pays de la francophonie.

Pourtant, l’AIRF n’est pas reconnue comme un opérateur de la Charte et dispose seulement du statut d’organisation internationale non-gouvernementale auprès de l’OIF.

Le cadre stratégique 2023-2027 de l’AIRF prévoit les actions suivantes :

– la défense de la régionalisation en aidant les collectivités territoriales à assumer leurs missions afin d’intensifier leur rôle dans la gestion des problématiques locales ;

– la francophonie économique en créant un lien entre élus locaux et acteurs privés. Dans ce but, elle organise des rencontres économiques francophones associant entreprises, bureaux d’études, chambres consulaires, agences de développement économique, fondations, centres de formation et universités agissant dans les domaines d’action des compétences des régions ;

– l’accompagnement au montage de projet, le portage de projets communs et la recherche de financements internationaux pour concrétiser les stratégies de développement et les projets selon deux axes prioritaires : le développement de l’accès à la ressource en eau et aux énergies, et de la gestion des déchets et l’accès à l’emploi des jeunes par la formation et l’appui à la création d’activités économiques, créatrices de valeur.

Les rapporteurs recommandent donc qu’un représentant de l’AIMF, en tant qu’acteur de la Charte, puisse prendre la parole lors du sommet de la francophonie et que le statut de l’AIRF soit rehaussé, afin de reconnaître la dimension politique de la régionalisation, qui est un vecteur de promotion de la démocratie au sein de l’espace francophone.

Une gouvernance locale de qualité est en effet essentielle pour permettre un développement inclusif et l’accès du plus grand nombre aux services publics, notamment de l’éducation. Elle peut pallier le manque de confiance dans l’impartialité des États qui a contribué à fragiliser de nombreuses sociétés francophones, au point de les plonger parfois dans des conflits armés. Il est donc essentiel que la coopération décentralisée dans l’espace francophone ne se réduise jamais à un simple « club d’édiles » déconnectés des vrais enjeux.

L’action extérieure des acteurs territoriaux doit constituer, tout au contraire, un démultiplicateur des coopérations directes entre les sociétés civiles, promouvant un échange égalitaire de compétences, nourri d’expériences de terrain et irrigué par les libertés locales, contribuant ainsi à la confiance dans l’action publique.

Des perspectives fécondes en ce sens figurent dans le rapport Ouvrir nos territoires à la priorité africaine de la France établi, en juillet 2019, par le député Vincent Ledoux, alors parlementaire en mission pour le gouvernement ([28]). Invitant à « faire fructifier les liens multiformes qui unissent les sociétés civiles africaines et françaises, en particulier lorsqu’elles ont la langue française en partage », il recommandait notamment de multiplier les jumelages (de communes, d’établissements scolaires, de clubs de sport amateurs…), les programmes de volontariat international, les compagnonnages consulaires et de mieux mettre en réseaux les acteurs de coopération internationale en établissant une cartographie dynamique de l’engagement des territoires français sur le continent africain, accessible au grand public.

Si certaines recommandations novatrices de ce rapport ont été partiellement mises en œuvre, en incitant par exemple le ministère de l’Europe et des affaires étrangères à transformer l’ancienne délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales (DAECT) en une délégation pour les collectivités territoriales et la société civile (DCTCIV) aux compétences élargies, de nombreuses propositions tendant à tirer parti du rôle des diasporas sont restées lettre-mortes, alors que les associations et les citoyens issus des diasporas tissent au quotidien des relations de territoire à territoire au sein de l’espace francophone.

Tant au sein des États et gouvernements membres que dans les instances de la francophonie, il convient de s’appuyer sur les diasporas, qui font vivre la francophonie au quotidien et qui interagissent souvent avec les acteurs de la démocratie locale, notamment en matière de coopération décentralisée.

Les rapporteurs proposent donc d’institutionnaliser l’association des diasporas au sein d’un pôle de la francophonie consacré aux coopérations territoriales, par exemple au sein d’une « chambre francophone des diasporas et des territoires ».

Proposition : Donner toute leur place aux collectivités territoriales dans la francophonie institutionnelle et leur associer les sociétés civiles et les diasporas.

b.   Poser les fondements d’une réorganisation de grande ampleur

● Lors des différents échanges des rapporteurs avec des représentants des sociétés civiles francophones (associations de franco-ontariens à Ottawa, associations de jeunesses congolaises à Kinshasa ou Brazzaville, universitaires, écrivains ou artistes sénégalais à Dakar, Thiès ou Saint-Louis du Sénégal), le même questionnement est revenu de façon lancinante : Qu’est-ce que la francophonie nous apporte concrètement ? Quel est le contenu du projet francophone et en quoi est-il utile pour répondre à des besoins concrets : étudier, se former, travailler, se déplacer pour apprendre, entreprendre et créer ?

Si les rapporteurs ont alors pu mettre en avant tel ou tel projet de l’OIF ou des opérateurs de la Charte, leur portée et leur visibilité n’ont pas toujours paru à la hauteur des attentes.

Le recentrage de l’OIF conduit depuis le sommet d’Erevan de 2018 sur des défis tels que le numérique, les droits des femmes ou la protection de l’environnement a certes permis des avancées dans ces différents domaines, sans toutefois produire un contenu suffisant pour l’insertion professionnelle des jeunes ou des femmes.

La francophonie de coopération se doit donc de changer d’échelle. L’enjeu d’avenir, pour le secrétariat général de la francophonie, ne consiste pas à chercher à réaliser un « jardin à la française » où chaque projet des différentes institutions de la francophonie trouverait une place assignée, mais à donner à chacune de ces dernières les leviers politiques et les orientations stratégiques assurant à leurs actions une bien plus grande ampleur et la capacité de répondre aux grands défis de l’espace francophone.

Au lieu d’une démarche centrée sur les directions et des organes de l’OIF, qui tend à corseter les approches, il convient de soutenir l’émergence de grands pôles transcendant les séparations institutionnelles et administratives donnant une lisibilité aux actions concrètes.

i.   La nécessaire « remise à plat » de la Charte de la francophonie

Dans ce but, après avoir auditionné l’ensemble des acteurs, les rapporteurs s’accordent pour considérer qu’il faut procéder à une « remise à plat » des institutions francophones telles que définies par la Charte de la francophonie adoptée à Hanoï en 1997 et complétée à Antananarivo en 2005, mais qui n’a pas été modifiée depuis lors.

Le découpage institutionnel de la francophonie doit rendre beaucoup plus manifestes les objectifs du projet francophone, les responsabilités des différents acteurs et les modalités de recherche de convergence et de mise en cohérence.

Dans ce but, les rapporteurs préconisent de constituer des grands pôles permettant d’avoir une vision plus claire de ce qu’apporte la francophonie dans chaque domaine et de mieux organiser la coopération entre les acteurs et opérateurs compétents.

Il s’agira également de favoriser les convergences d’approches afin de donner toute sa cohérence à l’ensemble francophone. À titre d’exemple, un projet porté par des réseaux d’affaires et relevant de la francophonie économique ne devra pas se contenter de viser les différents acteurs économiques francophones. Il doit indubitablement comporter une dimension universitaire, en prenant en compte les enjeux d’employabilité des étudiants relevant de programmes de l’AUF.

Les rapporteurs recommandent donc en premier lieu de revoir la répartition des compétences entre les acteurs de la Charte pour donner toute leur visibilité à des grands pôles correspondant aux principaux enjeux de l’espace francophone : l’éducation et la formation, l’enseignement supérieur, la francophonie économique, le numérique et les médias en langue française…

Ils proposent en outre de créer, au sein du secrétariat général de la francophonie, un poste distinct de celui du secrétaire général mais disposant d’une véritable autorité, et qui serait spécifiquement chargé de veiller au dialogue, à la coordination et à la synergie entre les différents acteurs de la francophonie institutionnelle pour maximiser leurs convergences.

S’ils proposent, à ce stade, de faire relever cette fonction d’un « conseiller spécial » auprès du secrétaire général de la francophonie, ils estiment également possible que cette fonction puisse résulter d’une évolution de celles qu’exerce aujourd’hui l’administratrice de l’OIF, dès lors que son titulaire ne disposerait plus principalement de qualifications techniques mais d’une autorité reconnue par l’ensemble des acteurs de la Charte de la francophonie.

Le rapporteur Aurélien Taché souligne que cette transformation du rôle de l’administrateur de l’OIF serait cohérente avec une perspective de désaisissement progressif par l’OIF de la mise en œuvre directe de programmes appelés à être transférés à des acteurs de terrains.

Proposition : Remettre à plat la Charte de la francophonie :

– en revoyant la répartition des compétences entre les acteurs de la Charte pour donner toute leur visibilité à des grands pôles correspondant aux principaux enjeux de l’espace francophone (l’éducation et la formation, l’enseignement supérieur, la francophonie économique, le numérique et les médias en langue française) ;

– en secondant le secrétaire général de la francophonie d’un conseiller spécial, doté d’une autorité incontestable, chargé de veiller au dialogue, à la coordination et à la synergie entre les différents acteurs de la francophonie institutionnelle pour maximiser leurs convergences.

ii.   Organiser les coopérations francophones autour de pôles d’action cohérents

● Toute évolution des institutions de la francophonie devra, en tout premier lieu, permettre de rendre visible le fait que l’éducation et la formation du et en français doivent constituer le domaine privilégié de la coopération francophone.

Il s’agit au demeurant de l’un des domaines illustrant le mieux le besoin d’une refonte des institutions de la francophonie consistant à conforter les capacités d’action des opérateurs sur le terrain et à détacher progressivement l’OIF afin que celle-ci se concentre sur les dimensions stratégique et d’accompagnement politique.

Les rapporteurs appellent donc à constituer, à partir des compétences du terrain, un grand pôle de la francophonie en charge de l’éducation et de la formation qui ferait converger :

– une capacité d’être en lien étroit avec les politiques linguistiques publiques des États, à l’image du positionnement de la CONFEMEN à l’égard des ministères des États francophones d’Afrique ;

– l’expérience opérationnelle de l’IFEF pour conduire des actions promouvant l’apprentissage du français dans les petites classes dans des contextes multilingues, comme le programme ELAN, (voir supra) ;

– des programmes de formation universitaire, initiale ou continue, des enseignants de français, qui relèvent aujourd’hui en partie de l’AUF.

L’objectif serait clairement de favoriser les synergies et une montée à l’échelle de ces programmes.

Proposition : Structurer un grand pôle de la francophonie en charge de l’éducation du et en français pour mettre à l’échelle les programmes de formation des professeurs et pour déployer les enseignements fondés, dans les contextes multilingues, sur l’utilisation concomitante de la langue première de l’élève et de la langue française.

● L’enseignement supérieur francophone peut constituer également un pôle distinct, autour du concept structurant de francophonie scientifique en s’appuyant sur l’Agence universitaire de la francophonie, dont le rayonnement et l’action sont absolument remarquables.

Une action conjointe, sous l’égide de l’AUF, de l’ensemble des universités francophones ainsi que des ministères des États et gouvernements membres permettrait de répondre plus directement aux enjeux économiques du soutien de l’employabilité et l’entrepreneuriat francophones.

Chaque année, la Semaine mondiale de la francophonie scientifique fournirait ainsi un relais, entre deux sommets de la francophonie, pour impulser de nouvelles initiatives dans les domaines de l’enseignement supérieur.

Le pilotage de ce pôle par l’AUF pourrait englober les activités de l’université Senghor d’Alexandrie, ce qui paraît plus cohérent que la situation actuelle qui place ces deux intervenants sur un pied d’égalité en tant qu’acteurs de la Charte de la francophonie. La rapporteure Amélia Lakrafi propose en outre de modifier la dénomination de l’université Senghor qui deviendrait une « Académie Senghor », ce qui éviterait toute confusion avec le périmètre d’activités beaucoup plus large de l’AUF et serait plus conforme à ses missions de formation de cadres.

Proposition : Réorganiser autour de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) les initiatives francophones dans les domaines de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont l’université Senghor d’Alexandrie, et présenter chaque année leur état d’avancement à l’occasion de la Semaine mondiale de la francophonie scientifique.

● La promotion des échanges économiques, bien qu’identifiée comme un enjeu majeur par la Stratégie économique pour la francophonie (2020-2025), présentée dans l’encadré ci-après, ne bénéficie pas, aujourd’hui, à tort, du bon niveau de priorisation et de visibilité en tant que vecteur majeur des dynamiques francophones.

La Stratégie économique pour la francophonie (2020-2025)

Adoptée lors de la 37e session de la Conférence ministérielle de la francophonie les 24 et 25 novembre 2020, la Stratégie économique pour la francophonie (2020-2025) vise à promouvoir une « prospérité partagée, durable et inclusive » en faveur de la création d’emplois notamment pour les jeunes et les femmes.

Elle s’adresse à l’ensemble des parties prenantes francophones : États et gouvernements membres, OIF, opérateurs de la francophonie, secteur privé dont les réseaux économiques francophones, milieux universitaires et société civile…

La secrétaire générale a pris l’initiative de mettre en place, au sein de l’OIF, les missions économiques et commerciales de la francophonie qui consistent à promouvoir les pays francophones comme destinations attractives pour les investissements étrangers et à cet effet, à faire venir une délégation d’entreprises et acteurs économiques issus de l’ensemble de l’espace francophone et à leur permettre d’explorer des marchés.

Entre 2022 et 2024, l’OIF a organisé cinq missions économiques : en Asie du Sud-Est, au Vietnam et au Cambodge, en mars 2022, en Afrique centrale, au Gabon et au Rwanda, en juillet 2022 et au Moyen-Orient et au Liban, en octobre 2023 et une mission en Afrique du Nord, en Egypte et au Maroc, en février 2023.

Ces missions ont regroupé environ 300 entreprises et structures d’appui au développement international des entreprises provenant d’une quarantaine pays et près de 1 000 entreprises ou institutions locales représentées. Environ une centaine d’accords ont été conclus pendant et à l’issue des missions.

L’OIF a indiqué aux rapporteurs qu’il en résultait, pour l’ensemble des entreprises participantes, un « chiffre d’affaires de plusieurs millions d’euros », mais sans précisions supplémentaires.

La cinquième mission économique et commerciale s’est tenue à Montréal et Québec du 11 au 13 juin 2024. Elle a permis à soixante-seize entreprises et acteurs économiques issus de vingt-deux États et gouvernements de l’OIF de réaliser près de 900 rendez-vous d’affaires avec plus de 150 entreprises québécoises, canadiennes, néo-brunswickoises et ontariennes.

La sixième mission à Cotonou vient de se dérouler au Bénin, du 17 au 19 juin 2025 , avec plus de quatre-vingt-dix entreprises et acteurs économiques venant de vingt-neuf États et gouvernement membres. La mission a notamment permi la signature d’un accord d’un montant de 30 millions d’euros entre la société belge BEBJ et Les Fruits Tillou, principal producteur et exportateur d’ananas au Bénin, portant sur la création d’une unité de transformation de la biomasse végétale en bio charbon, dans la région d’Allada.

Or l’espace économique francophone représente 16 % du produit national brut mondial, 20 % du commerce mondial, 14 % des réserves mondiales de ressources minières et énergétiques et fait du français la troisième langue des affaires. Surtout, les travaux universitaires ont démontré, voici plus de dix ans ([29]), que commercer au sein d’un même espace linguistique apporte un impact supplémentaire très significatif aux échanges.

Il a ainsi été établi que, dans l’espace francophone, l’utilisation du français permet d’accroître les échanges bilatéraux de 22 % entre pays francophones. Un pays francophone dispose ainsi d’un avantage significatif pour commercer avec les autres pays ayant la langue française en partage.

Les rapporteurs soulignent que, à rebours de certains réflexes de néo-colonialisme, cette francophonie économique ne doit pas être perçue selon une approche exclusivement Nord-Sud, mais qu’elle repose en grande partie sur l’encouragement et la facilitation des échanges régionaux Sud-Sud.

Au sein de la francophonie institutionnelle, il est donc nécessaire d’identifier un pôle de référence sur les enjeux économiques qui soit en mesure de capitaliser sur les actions multiples et les propositions des différents réseaux économiques francophones tels que l’Alliance des patronats francophones, le Forum francophone des affaires, le Groupement du patronat francophone, la Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones ou encore le Cercle des clubs d’affaires francophones à l’international (CCAFI), issu d’une initiative directe de la rapporteure Amélia Lakrafi afin de constituer une plateforme fédérant les clubs d’affaires existants et des réseaux agiles d’entrepreneurs francophones de par le monde.

Proposition : Organiser un grand pôle de la francophonie économique mettant en synergie les différents réseaux entrepreneuriaux francophones et rendant plus visibles les enjeux et opportunités économiques de l’espace francophone.

● Enfin, parmi les futurs pôles structurant les activités de la francophonie, devront figurer le numérique et les médias en langue française, non seulement en s’appuyant sur TV5 Monde mais en favorisant les coopérations entre l’ensemble des opérateurs publics et privés de médias et des producteurs de contenus francophones.

Il s’agit ainsi d’adapter la Stratégie numérique (2022 - 2026) de la francophonie, présentée lors du sommet de Djerba en 2022, aux nouveaux enjeux liés au rôle prédominant des plateformes dans l’accès aux activités économiques et à la découvrabilité des savoirs et des contenus culturels en langue française.

Ceci nécessite de mettre beaucoup plus fortement en réseau les régulateurs nationaux et régionaux pour que les francophones puissent peser face aux plateformes dont le tropisme anglophone est manifeste. Sur ces sujets, les rapporteurs renvoient à leurs recommandations relatives aux enjeux de découvrabilité culturelle figurant à la fin de leur rapport (voir infra).


iii.   Déployer pleinement la diplomatie parlementaire francophone

● Cependant, la réorganisation de l’action de la francophonie par grands pôles thématiques ne doit absolument pas aboutir à reproduire, sur une nouvelle échelle, une déconnection entre les enjeux politiques de l’espace francophone et ses activités de coopération, comme cela a trop souvent été le cas depuis 2019, à mesure que la secrétaire générale se concentrait sur la rationalisation des programmes de l’OIF, au détriment d’une action politique d’envergure.

Pour se prémunir de ce risque, il convient que l’Assemblée parlementaire de la francophonie, aujourd’hui instance parlementaire consultative, devienne une véritable organisation parlementaire internationale, à l’image de l’Union interparlementaire (UIP).

La rapporteure Amélia Lakrafi souligne que, depuis qu’elle a accédé aux fonctions de déléguée générale, elle s’est efforcée de faire travailler l’APF sur les enjeux de politique internationale d’une façon plus étroitement coordonnée à l’OIF. Elle considère qu’il faudrait institutionnaliser ce rapprochement afin de le pérenniser et de faire de l’APF le véritable pendant politique du secrétariat général de la francophonie.  Elle rappelle en outre l’atout que constitue la production des corpus législatifs, déjà mentionnés, mis à la disposition de tous dans les domaines les plus divers (voir supra) mais dont l’enjeu est désormais que les parlements nationaux se les approprient effectivement dans leurs activités.

Les rapporteurs voient dans le renforcement de l’APF une garantie de renouveau de la dimension politique de la francophonie, domaine dans lequel celle-ci avait fortement marqué les esprits jusqu’au tournant de la décennie 2010, et qui est indissociable des autres volets des partenariats francophones, tant il paraît illusoire de penser favoriser les coopérations éducatives, économiques ou culturelles d’une façon purement technocratique et déconnectée des enjeux politiques. Les orientations stratégiques de la francophonie doivent donc bénéficier pleinement des activités de l’APF résultant de la mise en contact directe des parlementaires francophones et de leurs travaux conjoints.

Précédemment présidente déléguée de la section française de l’APF, la rapporteure Amélia Lakrafi invite en outre à accroître l’efficacité de la section française qui comprend plus de 150 membres ce qui est beaucoup trop important et nuit à un fonctionnement efficace. Cette situation résulte de l’admission d’office de l’ensemble des députés ou sénateurs qui président des groupes d’amitié avec des membres de plein droit de l’OIF. La rapporteure Amélia Lakrafi recommande donc de revoir les règles de composition de la section française de l’APF, afin d’en faire une véritable instance de travail et de diplomatie parlementaires.

Les activités de la section française gagneraient en outre à être mieux coordonnées avec celles des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des affaires étrangères, de la culture ou des affaires économiques, par des réunions communes ou la participation d’un représentant de la section à des réunions des bureaux de ces commissions, afin de déterminer des travaux communs.

Proposition : Faire de l’Assemblée parlementaire de la francophonie une véritable organisation parlementaire internationale et accroître l’efficacité de la section française en réduisant le nombre de ses membres admis d’office.

Les rapporteurs mettent également en avant l’initiative portée, au sein de l’APF, par la déléguée générale, Amélia Lakrafi, et la présidente déléguée de la section française, Dieynaba Diop, qui vise à mieux associer les sociétés civiles aux dynamiques de la diplomatie parlementaire francophone. Elles proposent la création d’un label « Francophonie citoyenne », accompagné d’un répertoire mondial des associations francophones, facilement consultable et ouvert à toutes les structures partageant les valeurs et les objectifs de la francophonie. Ce dispositif permettra d’identifier, de valoriser et de mettre en réseau des milliers d’associations dans le monde, tout en offrant aux citoyens engagés un cadre pour échanger et agir ensemble au service de la langue française et des idéaux francophones. 

En complément de cette initiative innovante de l’APF, la révision de la Charte de la francophonie fournirait aussi l’occasion de valoriser plus encore le rôle de la société civile, en donnant par exemple un vrai statut à la conférence des organisations internationales non gouvernementales de la francophonie (COING), qui comprend aujourd’hui 128 organismes accrédités. Ses contributions pourraient utilement alimenter les travaux de l’APF.

Adossé à une APF confortée, le future grand « pôle politique » de la francophonie pourrait ainsi contribuer à redonner toute leur force aux missions électorales de la francophonie qui furent beaucoup plus nombreuses dans la décennie 2000 que ces dernières années.

Ce pôle politique permettrait également à la francophonie de s’illustrer à nouveau par le partage d’expertises dans les domaines constitutionnels et juridiques, à l’exemple des nombreux réseaux institutionnels que la francophonie avait contribué à créer.

On peut citer l’exemple du « réseau des compétences électorales francophones » du Général malien Siaka Sangaré, ou celui des nombreuses associations francophones de cours constitutionnelles, de cours de cassation ou de commissions des droits de l’homme, ou encore la Conférence des ministres francophones de la justice, dont on doit déplorer qu’elle ne se soit pas réunie depuis 2008…


C.   Le Sommet de Villers-Cotterêts : un révélateur des forces et des faiblesses de la francophonie

Les Conférence des chefs d’États et de gouvernement des pays ayant le français en partage également dénommées « sommets de la francophonie » se tiennent tous les deux ans, et depuis le premier sommet de Versailles en 1986.

Ces sommets ont progressivement acquis un rôle important pour dresser le bilan des réalisations de la francophonie institutionnelle et conduire les États et gouvernements membres (EGM) à prendre de nouveaux engagements pour orienter leurs actions communes. Chaque sommet aboutit ainsi à une déclaration des États et gouvernements membres fixant la feuille de route de la francophonie pour les deux années suivantes.

À cet égard, plusieurs des résultats du XIXe sommet de la francophonie, qui s’est tenu en France pour la première fois depuis trente-trois ans, les 4 et 5 octobre 2024 à Villers-Cotterêts et à Paris, méritent d’être salués mais certains apparaissent nettement en retrait par rapport aux attentes que cet événement avait pu susciter ([30]) ce qui illustre bien, dans leurs différents aspects, les enjeux qui traversent l’espace francophone.

1.   Les acquis et les limites du volet politique du sommet

● Le sommet de Villers-Cotterêts a vu la participation de cinquante-deux membres de plein droit, sur les cinquante-six actuels, l’ensemble des cinq membres associés et trente-et-un des trente-deux membres observateurs. Vingt chefs d’État et souverains ([31]), quatorze chefs de gouvernement ([32]), ainsi que cinq vice-chefs d’État ou de gouvernement et vingt-cinq ministres, ont fait le déplacement au sommet de Villers-Cotterêts.

Le ministre des affaires étrangères de la république de Guinée était présent, suite à la levée totale des sanctions dont son pays faisait l’objet au sein des instances de la francophonie depuis 2021, alors que le Mali, le Burkina Faso et le Niger, suspendus des instances de la francophonie, n’étaient pas invités. Le rapporteur Aurélien Taché considère que ce « deux poids, deux mesures » soulève de graves interrogations et conforte une représentation, délétère pour le projet francophone, tendant à laisser penser qu’un régime qui s’affiche comme favorable au gouvernement français bénéficierait d’une forme d’impunité, contrairement aux régimes actuellement au pouvoir dans les États du Sahel, qui ont ouvertement rompu avec la France.

La Dominique et le Vanuatu, membres de plein droit absents à Djerba, étaient représentés au niveau des chefs de gouvernement en France. Parmi les observateurs, plusieurs États latino-américains ([33]) et européens ([34]), absents à Djerba, étaient représentés au niveau ministériel ou d’ambassadeur.

On doit cependant relever que, pour la première fois depuis la création de l’OIF, le Sénégal n’était pas représenté à un sommet par son chef d’État, le président Bassirou Diomaye Faye ayant annulé sa venue à la dernière minute, remplacé par la ministre de l’intégration africaine et des affaires étrangères.

De même, contrairement au sommet de Djerba, la Tunisie, le Togo, les Comores et le Burundi n’étaient pas représentés par un chef d’État mais par un chef de gouvernement ou par un ministre. Haïti, représenté à Djerba par son ministre des affaires étrangères, a annulé à la dernière minute sa venue du fait de la situation sécuritaire particulièrement dégradée dans le pays. Enfin, l’Algérie (non-membre), invitée spéciale au sommet, n’était pas présente, comme en 2022.

● Le diplomate français François Vandeville, en charge de l’organisation du XIXe sommet de la francophonie, a indiqué aux rapporteurs que les objectifs de la France étaient d’aboutir à un sommet utile et opérationnel, confortant la transformation de l’OIF conduite par Louise Mushikiwabo, depuis 2019.

L’attractivité de la francophonie institutionnelle en tant qu’espace de dialogue politique Nord-Sud singulier était un enjeu essentiel dans le contexte actuel de reflux du multilatéralisme et de fracturation des relations internationales.

On peut donc considérer comme de vrais succès l’adhésion de cinq nouveaux membres : l’Angola, le Chili, la Nouvelle Écosse, la Polynésie française et le Land de Sarre.

Par application de la réforme du règlement relatif à la procédure des adhésions adopté lors du sommet de Djerba en 2022, les nouvelles adhésions sont dans un premier temps sous le statut d’observateur, ouvrant la voie à un rehaussement de statut lors des sommets suivants. Tel a d’ailleurs été le cas, à Villers-Cotterêts, avec le rehaussement de statut du rang d’associé à celui de membre de plein droit de deux États : le Ghana et Chypre.

Parmi les nombreuses conséquences de la crise majeure que traverse la Nouvelle-Calédonie depuis un an, figure le fait que le sommet de Villers-Cotterêts n’a pas fourni l’occasion, envisagée initialement, de lui permettre de devenir membre de plein droit de la francophonie, au même titre que le Québec, ce que regrettent les rapporteurs (voir infra).

● Comme à chaque édition du sommet, les État et gouvernements membres ont adopté une résolution sur les situations de crise, de sortie de crise et de consolidation de la paix dans l’espace francophone.

Sur l’ensemble de ce texte, certains EGM ont exprimé un nombre de réserves, certes limité mais en affaiblissant considérablement la portée, concernant :

– la situation à Gaza : malgré la décision de la Cour internationale de justice du 26 janvier 2024 alertant sur le risque de génocide ([35]), l’Albanie, la Bulgarie, la Grèce, la Moldavie et la Roumanie ont exprimé des réserves sur le paragraphe treize condamnant les crimes de guerre commis dans le cadre du conflit. L’Albanie a également émis une réserve sur le paragraphe 15 appelant à mettre fin aux causes de la situation humanitaire pour la population civile des territoires palestiniens occupés. La Tunisie a émis une réserve au paragraphe 17 portant sur la solution à deux États. Lors du déplacement de la mission à Dakar, Yassine Fall, ministre de l’intégration africaine et des affaires étrangères, qui représentait le Sénégal lors du sommet de Villers-Cotterêts, l’a fortement regretté auprès du rapporteur Aurélien Taché, y voyant un exemple de ce qui pourrait conduire à douter de l’avenir d’une francophonie politique, alors même qu’elle réaffirmait son attachement à une francophonie politique qui serait en mesure de faire avancer de grandes causes, comme l’allègement de la dette des pays du Sud ou la lutte contre le réchauffement climatique ;

– la situation en RDC : le Rwanda a émis deux réserves sur les paragraphes 35 et 38, condamnant, notamment « tous les groupes armés opérant en RDC et tout soutien extérieur apporté à ces groupes, notamment, tout appui militaire extérieur » ainsi que « l’exploitation et l’exportation illégales des ressources naturelles vers les pays voisins et autres destinations », alors même que le Rwanda n’était pas nommément cité dans ces paragraphes.

Le rapporteur Aurélien Taché considère qu’il ne faut pas sous-estimer la portée du revers diplomatique alors même que le président Emmanuel Macron avait fait le choix de ne pas mentionner le conflit au Kivu dans son discours d’ouverture du sommet, à quoi le président congolais Felix Tshisekedi a voulu protester par un acte politique majeur, en quittant le sommet avant sa conclusion. Le rapporteur Aurélien Taché considère donc comme des plus regrettable que, sur une crise politique de premier ordre, opposant d’une part un des plus grands pays francophones du monde et d’autre part le pays d’où vient la secrétaire générale de la francophonie, les chefs d’États et de gouvernement francophones réunis à Villers-Cotterêts ne soient pas parvenus à poser les voies d’une sortie du conflit ;

– la situation au Liban : la Roumanie a émis une réserve sur le paragraphe 56 appelant à un cessez-le-feu immédiat et durable ; le Canada a émis une réserve sur le paragraphe 59 portant sur la situation des réfugiés palestiniens et des déplacés syriens, comme il l’avait fait pour la même résolution lors du sommet de Djerba.

Ces divergences de vues contrastent cruellement avec la convergence de vues entre francophones manifestée, comme déjà mentionné, en 2002, lors du sommet de Beyrouth, sur un sujet géopolitique majeur, devant la perspective d’une invasion américaine de l’Irak.

Les rapporteurs se félicitent en revanche de l’absence de réserve concernant l’Arménie, après d’âpres négociations avec l’Albanie, ce qui est une évolution positive par rapport à la résolution adoptée lors du sommet de Djerba.

Les rapporteurs saluent également le fait que, à l’initiative de la France, le sommet a adopté une « Déclaration de solidarité avec le Liban », reproduite dans l’encadré ci-après.

Déclaration de solidarité avec le Liban

Nous, Chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage, réunis les 4 et 5 octobre 2024 à Villers-Cotterêts à l’occasion du XIXe sommet de la francophonie, sommes extrêmement préoccupés par l’escalade de la violence au Liban et déplorons les pertes de vies innocentes au pays du Cèdre ces derniers jours.

Nous tenons à exprimer la solidarité indéfectible de la famille francophone avec le Liban dans cette nouvelle épreuve qu’il traverse. Le Liban, pilier de la francophonie dans cette région du monde, doit retrouver la paix et la sécurité au plus vite.

Nous appelons avec force à mettre fin aux atteintes à la souveraineté et à l’intégrité territoriale du Liban et appelons à un cessez-le-feu immédiat et durable.

Nous condamnons toute action indiscriminée contre les civils et appelons à la protection de la population civile.

Nous appelons au respect en toutes circonstances du droit international, et en particulier du droit international humanitaire, et invitons tous les acteurs concernés à oeuvrer en faveur de la désescalade, afin d’éviter un embrasement de la région.

Nous encourageons toutes les parties à privilégier une solution diplomatique au conflit ; exigeons le respect des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies et la mise en œuvre intégrale de la résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité des Nations unies.

Nous nous félicitons de l’initiative franco-américaine du 25 septembre 2024 et saluons l’annonce par la France d’organiser très prochainement une conférence de soutien au Liban.

L’élection d’un président au Liban est la première étape de la remise en marche des institutions politiques, et nous soutenons les efforts en ce sens.


2.   Les orientations de la Déclaration de Villers-Cotterêts 

● Comme à chaque édition, une déclaration thématique a présenté des engagements communs : la Déclaration de Villers-Cotterêts - Créer, innover et entreprendre en français.

Cette déclaration rappelle que la langue française est le socle de la francophonie, « dans le respect de la diversité linguistique et la promotion du multilinguisme » et présente deux orientations majeures :

 – la langue française « au service d’un continuum éducation-formation-employabilité » ce qui appelle notamment des échanges d’expertise et de bonnes pratiques entre les réseaux d’institutions de formation et le déploiement de programmes et dispositifs communs ; l’adaptation des formations universitaires, professionnelles et techniques francophones, y compris à travers des programmes d’alternance, d’apprentissage ou de mentorat en français ; ou encore l’importance de faciliter les échanges entre les jeunes francophones en formation, volontaires, universitaires, chercheurs et entrepreneurs, en particulier dans le cadre de projets de mobilités croisées au sein de l’espace francophone ;

– un « parcours en francophonie » qui « se construit au-delà de la seule maîtrise de la langue » mais exige « le respect des libertés fondamentales dans la création, l’innovation et l’entreprise », ce qui conduit à insister sur la liberté de création, dans toute la diversité de ses expressions artistiques, sur l’action en faveur du respect du droit d’auteur et des droits voisins ou encore sur les initiatives en faveur de l’entreprenariat francophone, en particulier dans les secteurs liés au changement climatique et au tourisme durable, ou sur le renforcement des relations entre les entreprises et les institutions universitaires et de formations professionnelles et techniques.

● À l’initiative de la France, la Déclaration de Villers-Cotterêts a été complétée par un « Appel de Villers-Cotterêts - Pour un espace numérique intègre et de confiance dans l’espace francophone ».

Cette déclaration prolonge une initiative des régulateurs francophones du Réseau francophone des régulateurs des médias (REFRAM) ([36]) qui ont signé à Abidjan en avril 2024 une déclaration sur le renforcement du dialogue avec les plateformes en ligne sur le continent africain et dans l’espace francophone, pour lequel elles avaient alors obtenu un accord de principe de Google et des plateformes, Meta, Tik Tok et X.

L’Appel de Villers-Cotterêts vise à porter ces engagements au niveau international et à élargir le champ du dialogue avec les plateformes numériques, qui sont invitées à collaborer autour de quatre grands axes :

– assurer une plus grande transparence et proximité pour les francophones, notamment pour garantir l’accès en langue française et dans le plus grand nombre possible de langues locales nationales, dans un langage clair et compréhensible, aux conditions générales d’utilisation de leurs services, ainsi que leurs politiques et moyens de modération des contenus, et assurer une protection des données personnelles selon des procédures transparentes, accessibles et compréhensibles par tous ;

– assumer davantage leurs responsabilités en matière de modération des contenus, en désignant des points de contact uniques régionaux et sous-régionaux avec des capacités suffisantes pour assurer une communication directe avec les autorités publiques de chaque État et gouvernement membre de la francophonie et en mettant en place des politiques et moyens de modération des contenus en ligne, dimensionnés à la hauteur des besoins, et aptes à prendre en compte la diversité des cultures et des langues nationales et régionales ;

– contribuer à mieux protéger les sociétés et les espaces informationnels francophones des risques liés à l’utilisation de leurs services, en distinguant les enjeux généraux de ceux qui concernent les périodes électorales et les périodes de crise ;

– contribuer à la diversité culturelle et linguistique et à la juste rémunération de la création, notamment en développant une intelligence artificielle favorisant la diversité culturelle et linguistique pour faire face au risque d’homogénéisation et d’appauvrissement de la culture et des contenus, en intégrant la diversité culturelle et linguistique lors de l’entraînement des modèles d’intelligence artificielle générative et en contribuant à la découvrabilité des contenus culturels et scientifiques francophones et en langues nationales et locales parlées au sein de l’espace francophone.

Tout en se félicitant des orientations de cet appel, les rapporteurs soulignent son aspect nécessairement déclaratif, qui donne l’impression d’en appeler à la « bonne volonté » des grands acteurs du numérique, principalement américains. Or ce qui pouvait paraître une approche féconde en 2024 paraît fortement en décalage, quelques mois plus tard, dans le nouveau contexte de durcissement des géants du numérique, ralliés à la posture unilatéraliste et transactionnelle de l’administration Trump qui les considère comme un outil de la puissance américaine.

3.   Les « livrables » du sommet

La « Déclaration de Villers-Cotterêts » s’est accompagnée de l’annonce de mesures opérationnelles qualifiées de « livrables », selon quatre thématiques en déclinant les orientations : la francophonie comme espace d’échange ; le français comme langue d’affaires et de création ; le français comme vecteur d’innovation pour la diversité dans l’espace numérique et le français comme force de transformation de la société.

a.   La consécration de la dimension francophone de la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts

● La Cité internationale de la langue française (CILF), projet présidentiel confié au Centre des monuments nationaux, opérateur du ministère de la culture, a ouvert le 30 octobre 2023 au sein de l’ancienne demeure royale, admirablement restaurée, où François Ier signa, en 1539, l’ordonnance générale sur les faits de justice imposant le français dans tous les actes à portée juridique de l’administration et de la justice du royaume.

Projet à la fois culturel, éducatif, scientifique et économique, contribuant à l’attractivité du territoire, la Cité propose un parcours de visite permanent permettant de mesurer la dimension internationale de la langue française, ses évolutions, ses interactions avec les autres langues ainsi que son rapport à l’État et comprend des séquences consacrées au projet francophone. La Cité a accueilli 70 000 visiteurs en un an, ce qui est un succès incontestable.

Ainsi que Paul Rondin, son directeur, l’a indiqué aux rapporteurs, la CILF va « offrir une maison au français, non pas pour le protéger, mais pour y réfléchir, l’entendre, le valoriser, être attentif à toutes ses transformations ».

La CILF, est un endroit de brassage pour la langue française et à partir de la langue française, un lieu de diversité linguistique. La programmation culturelle et linguistique fait partager la richesse et la diversité des créations du monde francophone et comprend des ateliers aménagés pour des résidences d’artistes, d’écrivains, de chercheurs et d’entrepreneurs.

Si la CILF est une initiative de la France, elle a, dès l’annonce du projet, suscité un vif intérêt de la part de nos partenaires francophones, avec notamment un soutien financier de deux millions de dollars canadiens de la part du Québec.

Les rapporteurs saluent cette réussite et appellent à faire converger dans les activités de cet établissement le plus grand nombre d’initiatives francophones d’excellence dans les domaines de l’éducation et de la langue. Il est indispensable que l’établissement atteigne la masse critique lui permettant de pérenniser son action et de conforter son attractivité.

Proposition : Faire de la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts un centre d’excellence francophone dans les domaines de l’éducation et de la langue.

Le dernier sommet de la francophonie a permis deux apports significatifs dans ce but, que les rapporteurs souhaitent saluer.

Le Collège international de Villers-Cotterêts

Annoncée lors du sommet, la création d’un « Collège international de Villers-Cotterêts » vise à ce que la CILF prenne toute sa place au sein de la coopération francophone, en en faisant, dès 2025, un laboratoire d’excellence dans les domaines de l’éducation. Il doit permettre d’améliorer la qualité de l’éducation francophone en faisant émerger, à l’échelle de la francophonie, une communauté de cadres éducatifs.

En étroite coordination avec l’opérateur français de la coopération éducative France Éducation international (FEI), basé à Sèvres, et avec l’appui d’opérateurs francophones comme l’IFEF et l’AUF, ce collège aura pour mission de former les enseignants du et en français ainsi que des cadres francophones de l’éducation.

Il portera également de nouvelles résidences de recherche-action à destination de chercheurs, d’experts et de doctorants en didactique et sera un centre de formation continue pour traducteurs et interprètes en français et vers le français.

Les contributions de la France au Collège international de Villers-Cotterêts

Le collège se composera de trois filières professionnelles, chacune coordonnée par un groupe de travail distinct impliquant des opérateurs français et des organisations francophones. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, présent dans chacun des groupes de travail, y contribuera à hauteur de 3,6 millions d’euros sur trois ans.

La filière « enseignants-chercheurs » accueillera chaque année en résidence des chercheurs en plurilinguisme. L’objectif est la création et la diffusion de leviers et d’outils pédagogiques mutualisables pour la promotion du français en contexte scolaire plurilingue. Des experts et des laboratoires universitaires accompagneront les recherches des résidents. FEI pilotera le groupe de travail qui inclura, outre la CILF, l’OIF et ses trois centres régionaux francophones. FEI disposera de 2,4 millions d’euros de dotation directe du MEAE.

La filière « cadres éducatifs », destinée à la formation continue, proposera des modules dispensés par des intervenants de haut niveau dans le domaine éducatif, couplés à des déplacements sur le terrain. Elle formera à l’analyse et au pilotage des systèmes éducatifs en langue française, les cadres éducatifs des pays de l’OIF, issus des directions et institutions nationales en charge de la formation des enseignants, Le groupe de travail sera piloté par l’AUF et impliquera FEI et l’OIF. Outre 300 000 euros du MEAE en appui du développement de cette filière, la France a annoncé lors du sommet le versement de 3 millions d’euros supplémentaires au programme APPRENDRE de l’AUF.

La filière « traducteurs et interprètes » est destinée aux traducteurs littéraires et interprètes en organisations internationales. Le groupe de travail sera piloté par l’OIF et impliquera la CILF auquel le MEAE a versé 390 000 euros dans ce but.

Enfin, l’AUF a reçu une dotation directe du MEAE de 509 000 euros pour le recrutement d’une équipe de coordination qui sera mise à disposition du collège.

Les centres de référence pour les technologies de la langue

En outre, la CILF va devenir un lieu de référence pour les technologies de la langue, au travers de programmes prenant en compte les progrès de l’intelligence artificielle (IA) qui associeront les acteurs de la francophonie, dont l’OIF, l’AUF, ainsi que l’écosystème européen de chercheurs, jeunes pousses, entreprises, artistes qui travaillent sur ces sujets.

Les rapporteurs soulignent que ce projet va également bénéficier de l’appui du Québec dans le cadre de la coopération France-Québec sur la découvrabilité multilingue des contenus scientifiques (voir infra).

Le sommet a fourni l’occasion d’annoncer officiellement l’installation à la CILF du Centre national de référence sur les technologies de la langue, LANGU:IA, lauréat en octobre de l’appel France 2030 « Pôles territoriaux des industries culturelles et créatives », qui vise à développer un écosystème d’innovation pour le français, la francophonie et les langues de France, porté par la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) du ministère de la culture ([37]).

Il s’agit d’une part, de favoriser la disponibilité en ligne des contenus culturels et scientifiques francophones, en fédérant un écosystème du traitement automatique des langues dans l’espace francophone, et d’autre part, d’alimenter en contenus francophones les modèles de langage géants dont se nourrit l’IA.

Ce centre de référence s’articule étroitement avec l’Alliance européenne pour les technologies de langues (ALT-EDIC), qui vise à permettre l’émergence et le partage, à échelle significative, de modèles de langue géants, ouverts et en accès libre, qui sont à la base de toute stratégie d’indépendance et de souveraineté. Il permettra également d’encourager le marché de ces technologies pour les langues européennes.

Ce projet est porté par un consortium d’États au sein de l’UE, sous l’impulsion de la Commission européenne (Direction générale Connect). Son pilotage est assuré par la France, sous la coordination conjointe du ministère de la culture, du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et de la coordination nationale pour l’intelligence artificielle.

b.   L’appui aux circulations et à la création dans l’espace francophone

Le Programme international de mobilité et d’employabilité Francophone (PIMEF)

Le sommet a permis de prendre un engagement concret en faveur des mobilités étudiantes au sein de l’espace francophone qui sont confrontées à de nombreux obstacles tenant aux financements, à la gouvernance et aux visas. Il s’agit du Programme international de mobilité et d’employabilité francophone (PIMEF), dédié à la jeunesse, conçu par l’Agence universitaire de la francophonie. L’AUF va mettre à profit son réseau des 1 100 universités et centres de recherche afin que de nombreux jeunes francophones puissent bénéficier de programmes de mobilité courts de trois à six mois, centrés sur la professionnalisation et l’employabilité.

Le recteur de l’AUF a décrit aux rapporteurs les modalités de cette « bourse d’échanges », pilotée par l’Agence, dans laquelle chaque établissement participant définira ses capacités d’accueil et obtiendra, en retour, les mêmes capacités d’envoi à l’international. Le déploiement par phases successives permettra d’expérimenter ces mobilités courtes tout d’abord auprès des étudiants en master et doctorat, puis parmi les enseignants-chercheurs et enfin les stages en entreprises, ces deux derniers types de mobilités, plus novatrices, nécessitant un travail de mise en œuvre très spécifique. Les mobilités porteront principalement sur des échanges Sud-Sud mais pourront aussi concerner des mobilités Nord-Sud, en particulier pour les stages en entreprises.

Ce programme a été présenté en détail aux acteurs de l’enseignement supérieur, lors de la quatrième semaine mondiale de la francophonie scientifique, organisée par l’AUF à Toulouse en octobre 2024, la France ayant annoncé y apporter un premier soutien de 1 million d’euros, sans nul doute insuffisant.

Les rapporteurs saluent cette initiative et appellent à la soutenir de façon beaucoup plus forte dès son lancement et à l’inscrire dans une politique ambitieuse de promotion de la mobilité étudiante au sein de l’espace francophone (voir infra). Ils relèvent, a contrario, que tout désengagement significatif de la France dans le financement de l’AUF reviendrait à « tuer dans l’œuf » cette initiative à laquelle les chefs d’Etats et de gouvernement membres de la francophonie se sont pourtant engagés.

● En outre, la France s’est engagée à rendre la circulation plus fluide des alumni de niveau Master 2, notamment d’établissements d’excellence, qui ont été diplômés en France, et provenant de tout l’espace francophone. Dans tous les consulats français de l’espace francophone, une procédure en ligne, mise en œuvre par l’opérateur Campus France, permettra de simplifier et de sécuriser les demandes de visa par l’authentification de la qualité d’alumni en amont du dépôt de la demande de visa. À ce titre, Campus France bénéficie d’une subvention de 60 000 euros du MEAE.

Le programme Volontaires unis pour la francophonie

Afin de faciliter les expériences à l’international, France Volontaires va créer un programme Volontaires unis pour la francophonie. Ce programme permettra à terme à 100 jeunes volontaires, ressortissants d’États membres de l’OIF, de participer à des missions de plusieurs mois dans un autre pays de l’espace francophone, auprès d’organisations de la société civile, de collectivités territoriales et d’organismes publics actifs en lien avec la coopération éducative, l’entreprenariat social et les valeurs de la francophonie.

Il s’agit donc d’aller au-delà des habituelles logiques Nord-Sud du volontariat international en systématisant le volontariat de réciprocité et en accroissant les volontariats Sud-Sud au sein de l’espace francophone.

Les rapporteurs saluent cette initiative mais doivent constater qu’elle est, pour le moment, conçue à une échelle trop réduite au regard des dynamiques démographiques de la jeunesse francophone.

● Les avancées dans le domaine des industries culturelles et créatives

L’AUF va être en charge de lancer la cartographie d’une centaine de formations aux métiers des industries culturelles et créatives, financée par le MEAE à hauteur de 200 000 euros. Cette cartographie destinée aux jeunes talents, aux institutions éducatives et aux décideurs politiques recensera les offres de formations certifiantes et diplômantes dans des secteurs comme l’audiovisuel, la musique, le spectacle vivant, les métiers d’art, ou encore le jeu vidéo.

Les rapporteurs soulignent également une avancée majeure pour la protection du droit d’auteur dans l’espace numérique francophone. Pour la première fois, les chefs d’État et de gouvernement de la francophonie se sont engagés à renforcer les mécanismes juridiques et administratifs permettant d’assurer la collecte et le versement des droits aux créateurs et auteurs avec une attention renforcée à l’espace numérique. C’est un maillon essentiel pour rémunérer les acteurs des ICC.

Pérenniser et diffuser FrancoTech

Concomitamment au sommet, la première édition de FrancoTech, le salon professionnel de l’innovation en français, a été organisée à la Station F à Paris avec l’appui de Business France et de l’Alliance des patronats francophones. Cet événement a promu l’innovation technologique dans les pays francophones en dynamisant la collaboration entre les acteurs économiques, technologiques et académiques. Plus de 2 400 professionnels ont participé, très au-delà de la cible annoncée de 1 500 personnes, nourrissant des rendez-vous d’affaires et des échanges sur les thèmes de l’IA, de la transition énergétique, du capital humain et du financement du développement et de l’innovation.

Plusieurs chefs d’État et de gouvernement se sont rendus à ce salon, dont, outre le président de la République, le premier ministre du Canada et le président de la république du Vietnam, ce qui atteste de la priorité désormais accordée à la francophonie économique. On a également pu relever la présence d’entrepreneurs d’Algérie ou de Mali, malgré les mauvaises relations de ces pays avec la France et la francophonie.

On peut donc considérer que l’événement a atteint ses objectifs de dynamiser les échanges économiques et les flux commerciaux francophones, tout en valorisant des modèles entrepreneuriaux innovateurs, modernes et inclusifs.

Il a été indiqué aux rapporteurs que Business France et le MEAE ont engagé une réflexion afin d’assurer la pérennité du salon FrancoTech, examinant plusieurs scénarios : un FrancoTech lié aux sommets de la francophonie ; un FrancoTech tournant dans les pays volontaires, le Bénin ayant manifesté son intérêt ; ou encore un « pavillon FrancoTech » commun pour tous les grands salons numériques.

Proposition : Pérenniser et diffuser FrancoTech pour promouvoir l’innovation technologique dans les pays francophones.


Les dépenses liées au sommet de Villers-Cotterêts

Les dépenses liées à l’organisation du sommet s’élèvent à 11,46 millions d’euros, dont 10,8 millions d’euros portés par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères sur le programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde de la mission Action extérieure de l’État, ainsi qu’une contribution du ministère de la culture de 661 000 euros liée à l’utilisation du Grand Palais (redevance d’utilisation et participation aux coûts d’accélération du montage d’Art Basel Paris).

En outre, 18,9 millions d’euros ont été inscrits sur les enveloppes consacrées à la francophonie sur le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement de la mission Aide publique au développement, dont 8,1 millions d’euros consacrés au Festival de la francophonie et 10,7 millions d’euros aux livrables du sommet.

Le coût d’organisation du festival a finalement été ramené à 7,3 millions d’euros, et ces économies, ainsi que celles liées à l’organisation du salon FrancoTech sont venues abonder le financement des livrables du sommet pour les porter à 12,4 millions d’euros.

Les recettes de FrancoTech collectées par Business France ont atteint 1,085 million d’euros, dépassant de 15 000 euros les dépenses liées à cette opération.

c.   La réaffirmation des valeurs de la francophonie

Le Réseau francophone pour l’égalité et les droits des femmes

Annoncé conjointement par des ministres français et la ministre québécoise Martine Biron, le Réseau francophone pour l’égalité et les droits des femmes vise à offrir un espace de concertation et de coordination, rassemblant les instances consultatives en matière d’égalité entre les femmes et les hommes des pays francophones ayant un intérêt et un engagement communs pour la promotion des droits des femmes et des filles, tels que le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes pour la France et le Conseil du statut de la femme au Québec.

Ce réseau renforcera l’échange d’expériences et de compétences sur des sujets d’intérêt commun, dont la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes, la santé des femmes, l’égalité professionnelle et dans la fonction publique, la place des femmes dans les lieux décisionnels, le renforcement institutionnel pour l’intégration des enjeux de genre ou la budgétisation intégrant l’égalité. Il devra contribuer à faire des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, un sujet transversal au sein de l’espace francophone et des instances multilatérales, notamment sur les enjeux liés à l’environnement, la gouvernance et la construction de la paix.

Une gouvernance souple, composée d’une présidence ou d’un secrétariat général tournant, appuyé ponctuellement par un secrétariat technique a été mise en place, avec le soutien de la France à hauteur de 100 000 euros et l’hébergement de son secrétariat par le Québec. Ce réseau a vocation à se structurer progressivement, d’abord autour d’un nombre limité d’États puis devra rendre compte dans sa composition de la diversité géographique de l’espace francophone. Il pourra associer des représentants d’organisations de la société civile.

Le lancement de « l’Alliance féministe francophone »

Proposée par le ministre français de l’Europe et des affaires étrangères le 8 mars 2024, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, l’Alliance féministe francophone, a été lancée lors du sommet de la francophonie dans le but de soutenir la participation d’organisations féministes aux grands évènements et sommets internationaux.

La visibilité de leur action passe en effet par leur accès aux espaces de dialogue et de plaidoyer internationaux. Il s’agit donc de renforcer leurs capacités techniques, de représentation et de négociation dans le cadre des instances et des mécanismes multilatéraux ainsi que leur plaidoyer en faveur d’un financement plus important de l’écosystème féministe international, notamment auprès d’autres bailleurs internationaux. L’Alliance féministe francophone favorisera également les liens et discussions avec la philanthropie féministe française, à l’exemple de la Coalition pour une philanthropie féministe fondée en 2021.

Cette initiative sera portée par un consortium composé d’Equipop ([38]), du Fonds pour les femmes en Méditerranée et de la Fédération internationale pour les droits humains, le MEAE et l’AFD étant présents au comité de pilotage. Dès 2024, cette Alliance a bénéficié d’un soutien de 5 millions d’euros, versés par l’AFD, à travers son dispositif de soutien aux initiatives des organisations de la société civile.

La contribution à la lutte contre la désinformation

Au regard des enjeux majeurs de la lutte contre la désinformation, le réseau francophone Théophraste, qui regroupe une vingtaine de centres de formation en journalisme, mènera une recherche associant ses membres experts du Nord et du Sud, pour établir un document de référence sur les compétences de déconstruction critique des médias, mutualisable entre toutes les écoles et institutions de formation en journalisme. Grâce à des exercices pratiques, il permettra d’outiller les écoles de journalisme et de contribuer à la formation des adultes en éducation aux médias et à l’information à l’heure de l’intelligence artificielle générative.

Dans ce même but, un Réseau francophone de l’éducation aux médias et à l’information (REF’EMI) a été créé lors du sommet, afin d’accroître l’expertise en la matière. S’inscrivant dans une dynamique de coopération plus globale portée notamment par l’UNESCO, le REF’EMI se donne pour principaux objectifs opérationnels de mutualiser les bonnes pratiques dans les domaines de la formation, de la coproduction de ressources pédagogiques et de la valorisation des résultats de la recherche et de l’innovation en EMI. Il articulera son action avec celle de réseaux francophones intervenant dans les domaines de l’information et de la communication, dans une logique de complémentarité, tels que le REFRAM, le Réseau Théophraste ou encore les médias francophones publics.

● Enfin, il a été indiqué aux rapporteurs qu’une partie de l’enveloppe de 12,4 millions d’euros dégagée, sur l’exercice 2024, pour que la France finance des « livrables » du sommet pourra continuer d’être consacrée à la mise en œuvre de certains d’entre eux au cours de l’année 2025. Un comité de suivi est mis en place, sous l’autorité du ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux, afin de s’assurer de leur mise en œuvre à titre national et en partenariat avec l’OIF et les opérateurs de la Charte. La rapporteure Amélia Lakarafi suggère en outre qu’un groupe de travail au sein de la section française de l’APF suive les avancées résultant des différentes annonces faites lors du sommet.

Proposition : Rendre compte au Parlement de la mise en œuvre des engagements pris à Villers-Cotterêts et de la réalisation de leurs « livrables ».

 

Le Festival de la francophonie « Refaire le monde »

Directement porté par ministère de l’Europe et des affaires étrangères (l’Institut français de Paris n’ayant pas considéré être en mesure d’en être l’opérateur), Refaire le monde, le Festival de la francophonie a été créé à l’occasion de l’accueil en France du XIXe sommet de la francophonie.

Cette manifestation inédite a débuté le 20 mars 2024, Journée internationale de la francophonie et s’est achevée le 6 octobre de cette même année. Sous le commissariat de Valérie Senghor, le festival a célébré la francophonie comme une force de transformation du monde : une francophonie inclusive, vivante, attractive, inventive. À cette occasion, des publics variés – curieux, amateurs de culture, professionnels – ont pu découvrir, dans une constellation de lieux en France et à l’international, la vitalité de la création francophone sous ses facettes artistiques, culturelles, sociétales, entrepreneuriales, scientifiques. Ils ont pu rencontrer des personnalités venues partager leurs créations, leurs inventions et leurs visions du monde. Le Festival s’est déployé en France et à l’international à travers 150 projets dans cinquante pays en collaboration avec plus de 500 partenaires. De mars à octobre, près de 80 000 personnes ont participé aux projets labellisés, les Résonances nationales et internationales du festival.

Du 1er au 6 octobre, la Gaîté Lyrique a accueilli le Festival de la francophonie à Paris et a fédéré 10 300 visiteurs. Au global, plus de 450 artistes et intervenants représentant plus de 60 pays ont participé au festival, au travers de 140 propositions inédites et gratuites. On compte ainsi 180 000 spectateurs aux concerts de Fally Ipupa et Angélique Kidjo sur les réseaux sociaux de RFI.

Parallèlement au Festival de la francophonie, le Village de la francophonie, accueilli au CENTQUATRE-PARIS, a rassemblé 8 700 visiteurs et a mobilisé plus de 400 artistes et intervenants. Dans d’autres lieux partenaires à Paris, à Villers-Cotterêts et dans une quarantaine de territoires en France, les manifestations culturelles organisées dans le cadre du Festival de la francophonie ont attiré plus de 30 000 visiteurs dont 5 200 visiteurs à la Cité de la langue française et plus de 20 000 visiteurs à la Cité des sciences et de l’industrie dans le cadre de la Fête de la science aux couleurs de la francophonie proposée par Universcience.

Au total, plus de 130 000 personnes ont été touchées par le Festival de la francophonie entre mars et octobre 2024. Le festival a touché un public majoritairement jeune, avec 67 % de moins de 40 ans et 42 % de moins de 30 ans à la Gaîté Lyrique.


II.   La Francophonie de l’avenir : des démarches partenariales, des chantiers stratégiques

Après avoir dressé le bilan des dynamiques actuelles et des limites de la francophonie institutionnelle, la mission d’information propose des pistes concrètes pour renforcer l’action collective et relever les défis stratégiques des prochaines décennies.

  1.   L’engagement francophone de la France doit être conforté

Si, depuis la révision constitutionnelle de 2008, l’article 87 de la Constitution dispose que « la République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage » ([39]), l’investissement des pouvoirs publics français au sein de la francophonie demeure ambigu.

Au cours de leurs travaux, les rapporteurs ont rencontré de nombreux acteurs partageant des approches optimistes et généreuses des liens francophones, éminemment porteuses d’avenir, mais ils savent aussi qu’une partie des élites françaises considère les liens francophones avec condescendance ou suspicion.

Malgré l’investissement indéniable du président de la République pour valoriser la dimension internationale de la langue française, manifesté par le plan « Une ambition pour la langue française et le plurilinguisme » présenté à l’Institut de France le 20 mars 2018, ou encore le choix d’accueillir, pour la première fois depuis trois décennies, un sommet de la francophonie en France, il reste difficile d’identifier un message clair de la France sur les enjeux que présente l’espace francophone pour notre pays, et sur la façon dont nous pouvons contribuer à en relever les défis considérables.

Inversement, la France ne semble pas utiliser pleinement la carte multilatérale de la francophonie, par crainte, infondée, d’une perte « d’influence » au profit d’autres partenaires francophones, au point que la francophonie elle-même pâtit d’une identification abusive à la France.

Celle-ci est exploitée par les États qui sont en conflit avec Paris, à l’exemple des mesures du gouvernement algérien, depuis deux ans, pour supprimer le français comme langue d’enseignement, en le présentant exclusivement comme un legs colonial, ou des annonces de retrait de l’OIF, au mois de mars 2025, du Mali, du Niger et du Burkina Faso dirigés par des juntes protégées par des mercenaires russes et qui ont choisi de présenter la France comme un ennemi de leurs peuples.

La France doit donc adopter la bonne posture qui consiste à jouer pleinement son rôle au sein de l’espace francophone tout en récusant les approches surplombantes et en recherchant au contraire, dans toutes les dimensions qui entourent la langue française, le partage de responsabilités.

1.   Conjurer les risques d’un désengagement préjudiciable

Lorsque la mission d’information menait ses premiers travaux au début de l’année 2024, brutalement interrompus ensuite par la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024, les responsables du ministère de l’Europe et des affaires étrangères faisaient valoir aux rapporteurs un contexte plutôt favorable, la perspective du sommet de Villers-Cotterêts devant permettre d’engager de nouveaux partenariats internationaux dans les domaines de l’éducation, des mobilités étudiantes, de la culture ou de l’aide au développement.

Un an plus tard, nombre de ces perspectives se sont évanouies, sous l’effet des annulations budgétaires intervenues en cours d’année 2024 et de la très forte contraction des moyens que la France consacre, cette année, à son action extérieure, en particulier au titre de l’aide publique au développement où figurent la grande majorité des crédits consacrés à la francophonie ([40]).

Comme le montre le tableau suivant, en 2025, l’ensemble des contributions volontaires versées aux acteurs de la Charte de la francophonie par le MEAE ne dépasseront pas un total de 12,8 millions d’euros, contre 41,9 millions d’euros chacune des deux années précédentes, ce qui correspond à une baisse, en un an, de 29,1 millions d’euros soit – 69,5 %.

Contributions du ministère de l’Europe et des affaires étrangères aux organisations de la Francophonie

Montants en millions d’euros

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Montants programmés (après mise en réserve)

OIF- contribution obligatoire

15,4

15,6

15,6

15,6

15,6

15,6

Contributions volontaires (a+b)

30,3

33,1

39,3

41,9

41,9

12,8

a) Contributions volontaires OIF

8,2

9,7

12,6

14,6

14,4

2,8

b) Contributions aux opérateurs

23

22

26,64

27,26

27,50

9,96

Agence universitaire de la francophonie

18,81

19,53

21,33

21,83

21,89

6,13

Université Senghor d’Alexandrie

1,40

1,60

2,25

2,5

2,7

2,45

Association internationale des maires francophones

1,70

2

2,41

2,42

2,40

1,16

Assemblée parlementaire de la francophonie

0,16

020

0,25

0,35

0,35

0,15

Conférence des ministres de la jeunesse et des sports

 

0,08

0,10

0,16

0,16

0,07

Conférence des ministres de l’éducation de la francophonie

 

 

0,3

-

-

-

c) Sommet de Villers-Cotterêts

 

18,8

 

Total des contributions

45,7

48,7

54,9

57,5

82,9

34,8

Total des contributions hors sommet

45,7

48,7

54,9

57,5

64

34,8

Source : Réponses du ministère de l’Europe et des affaires étrangères au questionnaire des rapporteurs.

Les rapporteurs invitent à ne pas sous-estimer le très mauvais signal que constitue cet effondrement brutal des contributions de la France à des organismes dont elle était le premier financeur, comme l’AUF, l’université Senghor ou l’AIMF.

Ils soulignent que ces coupes budgétaires se cumulent, pour nos partenaires, avec les difficultés causées par un désengagement plus large dans les domaines de l’aide au développement et appellent à un sursaut afin que la France respecte et rehausse ses engagements.

Ils attirent en particulier l’attention sur la baisse de 15,7 millions d’euros de la contribution annuelle à l’AUF([41]), ce qui correspond à une chute de – 72 %, et paraît particulièrement contreproductif alors qu’il ne saurait y avoir d’espace francophone attractif sans coopérations des universités en langue française.

D’après les informations dont disposent les rapporteurs au moment où ils rendent publiques les conclusions de leur rapport, l’effet des coupes budgétaires en cours serait tel qu’il en irait de la viabilité même de l’AUF.

L’agence ne serait plus en mesure de maintenir la continuité d’activité des structures et antennes de terrain qu’elle a pour mission de déployer au sein ou en appui des universités membres. Or le réseau de l’AUF fait un travail remarquable, ses missions étant étroitement adaptées aux enjeux locaux, à l’exemple de l’antenne visitée par le rapporteur Aurélien Taché au sein de l’université Marien N’Gouabi de Brazaville, comprenant un centre d’employabilité francophone et des ressources numériques qui aident les étudiants congolais à relier leurs parcours d’études à des perspectives professionnelles.

En conséquence, la viabilité du PIMEF, projet phare du sommet de Villers-Cotterêts serait gravement compromise car, au-delà des contributions directement fléchées vers la mise en place du programme, ce dernier ne pourrait tout simplement pas être mis en œuvre si l’AUF était contrainte de fermer purement et simplement les antennes et bureaux devant participer à son déploiement.

Alors que lors de la conférence « Choose Europe for Science » le président de la République a annoncé que le gouvernement consacrerait 100 millions d’euros à l’accueil en France d’universitaires américains menacés par la présidence de Donald Trump, les rapporteurs proposent qu’une part significative de cette enveloppe, soit allouée, par le truchement de l’AUF, aux programmes francophones universitaires et scientifiques.

Proposition : Revenir sur les décisions préjudiciables de réduction des contributions de la France aux organismes de la francophonie et, à titre d’exemple, attribuer à la francophonie scientifique une part significative des 100 millions d’euros qui vont être consacrés à l’accueil d’universitaires américains.

 

a.   Rendre plus lisible la participation de la France dans la francophonie

● Il peut être avancé que les contributions de la France à la francophonie ont été d’autant plus vulnérables à des arbitrages budgétaires défavorables que l’engagement francophone, s’il fait parfois l’objet, de la part de la présidence de la République, d’une attention particulière, mais susceptible d’être « à éclipses », ne figure pas à un niveau suffisant dans la hiérarchie gouvernementale.

Les attributions en matière de francophonie ont été fréquemment modifiées, relevant parfois d’un ministre délégué, parfois d’un simple secrétaire d’État, parfois associées au domaine des partenariats internationaux mais parfois à celui des Français de l’étranger et du commerce extérieur.

Les rapporteurs considèrent qu’il faudrait, au minimum, confier ces attributions à un ministre de plein exercice, ou, à défaut, à un ministre délégué.

Son champ de compétence devrait être élargi pour permettre une approche d’ensemble couvrant à la fois la coopération culturelle, éducative et universitaire relevant du Quai d’Orsay, mais aussi l’ensemble de l’aide publique au développement, les compétences et les crédits liés aux Français établis hors de France, et certains enjeux de politique des langues qui relèvent des services des ministères de la culture, de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur ou de l’outre-mer.

Les rapporteurs relèvent également que le mot de « francophonie », forgé par Onésime Reclus, ne figure pas dans la dénomination du MEAE, contrairement à nombre de nos partenaires dont les ministères l’arborent de façon pérenne.

Proposition : Faire figurer la francophonie dans la dénomination du ministère chargé des affaires étrangères et sanctuariser ce portefeuille confié à un ministre délégué au champ de compétence élargi.

● Malgré le rôle éminent de la France au sein de la francophonie institutionnelle, notre pays ne dispose pas d’une représentation permanente de rang diplomatique à l’OIF, alors qu’elle en a une par exemple à l’UNESCO. Les fonctions de « correspondant national » auprès de l’OIF relèvent d’un poste, relativement modeste, de « délégué aux affaires francophones » au sein de la direction centrale du MEAE en charge des organisations internationales et des Nations unies, et dispose d’une équipe de six agents dédiés à la francophonie.

Le délégué aux affaires francophones exerce une mission d’instruction pour la délégation permanente à l’UNESCO ainsi que pour la francophonie institutionnelle, tout en y faisant fonction de représentant de la France au sein du Conseil permanent de la francophonie et des commissions sectorielles ([42]).

Outre les instances de l’OIF, il siège, en tant que correspondant national, dans celles de l’AUF, de l’université Senghor et, en tant qu’observateur, de l’AIMF, ainsi que, sans en être correspondant national, dans celles de la CONFEMEN et de la CONFEJES.

Compte tenu de l’importance qu’attache la France à la francophonie institutionnelle et de l’amplitude du portefeuille de notre correspondant national, le représentant permanent de la France doit avoir la disponibilité et l’autorité suffisantes et être soutenu par une équipe suffisamment étoffée.

Les rapporteurs proposent donc que soit créée une délégation permanente avec rang d’ambassadeur, comme c’est le cas pour le nombreux pays, qui l’ont parfois fusionnée avec leur délégation permanente à l’UNESCO.

Proposition : Rehausser le statut de la représentation de la France au sein des organes de la francophonie en créant une délégation permanente au rang d’ambassade, avec des moyens adaptés.

● Les rapporteurs ont cependant conscience que les deux précédentes propositions de réorganisation politico-administrative sont bien vaines si nos compatriotes n’ont pas conscience des enjeux et des atouts de l’espace francophone et de la francophonie institutionnelle.

De fait, la France pourrait difficilement trouver sa place dans les nouvelles dynamiques de l’espace francophone si elle s’abandonnait aux tendances actuelles consistant à se refermer sur elle-même ou à vivre au rythme d’un débat public pollué par des représentations faussées des enjeux migratoires ou l’incapacité à regarder le passé colonial en face.

Les rapporteurs rappellent que, à rebours de cette « fausse conscience », la France fait intégralement partie de l’espace francophone et que nos compatriotes ont mille et une raisons d’être, à bon droit, fiers de se considérer comme « des francophones comme les autres » partageant une histoire et des perspectives communes.

Les jeunes générations de Français doivent savoir à quel point l’espace francophone constitue pour eux un atout immense : il leur ouvre des perspectives et leur crée des opportunités sur les cinq continents, pour étudier, se former et travailler, mais aussi pour faire vivre une culture commune aux mille facettes ou encore pour participer à des actions de solidarité riches de sens qui construisent un monde meilleur.

À l’image du programme éditorial remarquable de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts (voir supra), il convient de faire mieux connaître, notamment aux plus jeunes générations, les aspects historiques, géographiques et culturels de la dimension internationale de la langue française.

Loin d’être un ferment de chauvinisme, il s’agit d’une garantie d’ouverture au monde et aux mille et une variétés du français et des cultures francophones sur les cinq continents.

Les rapporteurs saluent au demeurant la manière dont la Cité internationale de la langue française valorise la contribution des parlers populaires à l’enrichissement de la langue française.

Les promoteurs de la francophonie doivent en effet s’appuyer tout particulièrement sur la culture populaire, le rap et les musiques urbaines, pour que personne ne se sente exclu de l’avenir du français.

À cet égard, lors des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, Aya Nakamura a été une des meilleures ambassadrices universelles de la langue française, le succès de sa prestation apportant un démenti cinglant aux tristes polémiques ayant entouré l’annonce de sa participation. Elle est aujourd’hui encore l’artiste française la plus regardée dans les flux vidéo en ligne.

Proposition : Faire prendre conscience des enjeux de la francophonie auprès du public français, notamment en faisant mieux connaitre les atouts et les perspectives qu’elle offre aux jeunes générations et en valorisant les artistes de langue et d’expression françaises.

● Prendre conscience du fait que la France est inscrite de plain-pied dans l’espace francophone permet aussi de mettre en perspective la situation des langues régionales et minoritaires en France même, et atteste du fait que les enjeux du multilinguisme ont toute leur place sur le territoire national.

Les dimensions de la politique de la langue à l’international et celles de la politique de la langue en France sont en effet intimement liées, comme l’illustre la dénomination de la Délégation à la langue française et aux langues de France, au sein du ministère de la culture, en charge de la politique interministérielle de la langue.

Au côté du français, langue nationale, de nombreuses autres langues sont parlées dans l’Hexagone et les outre-mer : plus de soixante-quinze langues sont ainsi reconnues comme « langues de France » depuis 1999, figurant dans le rapport élaboré par le linguiste Bernard Cerquiglini en vue de la signature par la France de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui distingue :

 les langues régionales qui bénéficient de cette catégorisation si elles sont parlées sur le territoire national depuis au moins aussi longtemps que le français, ce qui est le cas du basque, du corse, de l’alsacien, du breton, et de l’ensemble des langues ultramarines ;

 les langues des diasporas et non territoriales dont l’arabe dialectal, le yiddish, l’arménien occidental, le romani...

Les locuteurs de ces langues régionales ou territoriales sont donc plurilingues, n’ayant pas toujours le français comme langue maternelle et parlant, de fait, une autre langue et le français, ce qui fait qu’une part importante de nos compatriotes vit les mêmes enjeux de reconnaissance de son plurilinguisme que la plus grande partie des francophones.

Cette situation est plus forte encore concernant le plurilinguisme dans les outre-mer (voir infra).

Les rapporteurs rappellent en outre que la reconnaissance de la diversité linguistique de la France a connu une étape importante avec la loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, dite loi Molac ([43]) qui a fait figurer le patrimoine linguistique, constitué de la langue française et des langues régionales, au sein du patrimoine culturel immatériel de la France, ce qui oblige l’État et les collectivités territoriales à concourir à leur enseignement, leur diffusion et leur promotion.

Enfin, il n’est pas de meilleure illustration des enjeux de la francophonie dans les domaines de l’apprentissage du français pour l’insertion professionnelle et l’intégration sociale que ceux qui concernent, en France même, l’apprentissage du français par les étrangers arrivant dans notre pays.

Le rapporteur Aurélien Taché avait examiné cette politique dès 2018 en tant que parlementaire en mission auprès du ministre de l’intérieur. Une partie des propositions qu’il avait formulées avaient été retenues, ce qui a permis par exemple d’augmenter à 400 heures minimum, avec la possibilité d’aller jusqu’à 600 heures, le volume de cours de langue du contrat d’intégration républicaine (CIR).

L’encadré suivant présente les principales autres propositions présentées en 2018 par le rapporteur Aurélien Taché.

Propositions relatives à l’apprentissage et la pratique de la langue française figurant dans le rapport Pour une politique ambitieuse d’intégration des étrangers arrivant en France présenté en février 2018 par Aurélien Taché, parlementaire en mission auprès du ministre de l’intérieur

– augmenter progressivement les crédits alloués au dispositif « Ouvrir l’école aux parents », destiné aux parents étrangers primo-arrivants en visant à terme une multiplication par cinq des places ;

– viser à terme l’atteinte du niveau A2 à l’issue des formations linguistiques du CIR ;

– démarrer le module d’apprentissage du français dès le dépôt de la demande d’asile pour les personnes ne provenant pas de pays d’origine sûre ;

– créer une offre linguistique adaptée pour les personnes analphabètes ;

– développer les offres linguistiques en ligne ;

– prendre en charge l’accès à la certification du niveau de langue à l’issue des formations du CIR ;

– harmoniser les certifications afin qu’elles soient opposables pour toute démarche administrative et puissent dispenser des formations linguistiques du CIR ;

– accorder moins de poids aux prix et davantage à la qualité des prestations dans les nouveaux marchés de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ;

– promouvoir l’accès des femmes aux formations dans les nouveaux marchés de l’OFII, notamment en prévoyant des possibilités d’accueil temporaire des jeunes enfants en halte-garderie ;

– poursuivre la généralisation des cartographies des offres de formation linguistique ;

– ouvrir les crédits de formation linguistique du programme 104 Intégration et accès à la nationalité française aux étrangers présents en France depuis plus de cinq ans, en recentrant les ateliers sociolinguistiques sur la pratique de la langue française.

b.   Mettre en cohérence les stratégies européennes et francophones de la France

● En octobre 2021, sollicité par les secrétaires d’État Clément Beaune et Jean-Baptiste Lemoyne en vue de la présidence française de l’Union européenne, Christian Lequesne a présidé un groupe de seize personnalités européennes indépendantes qui a remis le rapport Diversité linguistique et langue française en Europe.

 Le groupe de travail a dressé le constat de l’essor du monolinguisme anglophone dans le fonctionnement des institutions européennes, alors que le droit en vigueur, issu du règlement européen 1-1958, le tout premier adopté, prévoit que les institutions utilisent toutes les langues officielles des États membres : quatre langues en 1958, devenues vingt-quatre en 2023.

Ceci conduit normalement à ce que, lors des réunions officielles, les documents soient traduits et un service d’interprétariat proposé. Pour les réunions informelles et préparatoires de la Commission ou du Conseil des ministres (COREPER) et pour les relations de travail, ce principe a été, de longue date, modulé par le recours à trois langues de travail: l’allemand, le français et l’anglais.

Cependant, en 2021, 86 % des documents rédigés par la Commission européenne et 95 % des documents du Conseil des ministres ont le seul anglais comme langue source. Dès sa création en 2021 à Luxembourg, le nouveau parquet européen a décidé que l’anglais serait sa seule langue de travail.

Initiée en 1995 avec l’adhésion de la Suède, de la Finlande et de l’Autriche et renforcée à la suite des élargissements de 2004 et de 2007 aux pays d’Europe centrale et orientale, cette bascule anglophone s’est accélérée au cours de la décennie 2010, aucun portefeuille dédié au multilinguisme n’étant plus attribué en propre à un commissaire européen depuis 2009 et la Commission européenne n’ayant jamais adopté de plan en faveur du multilinguisme.

Le rapport relève une baisse régulière, depuis 2016, des budgets d’interprétation et de traduction au sein des institutions européennes, l’interprétation ayant tendance à disparaître de nombreux groupes de travail : les dépenses de traduction de la Commission européenne sont ainsi passées de 15 à 11 millions d’euros entre 2013 et 2021 et les dépenses d’interprétation de 22 à 16 millions d’euros.

● Néanmoins, le Parlement européen pratique plus largement le multilinguisme, même si l’usage de l’anglais s’accroît au sein des commissions.

En outre la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a, jusqu’à présent, conservé le français comme seule langue de délibéré et de rédaction des arrêts (avant leur traduction) ce qui conduit les juges et leurs assistants à utiliser le français. Cependant des juges originaires des pays scandinaves ou baltes souhaiteraient que l’anglais devienne également une langue du délibéré, ce qui pourrait fragiliser l’ultime point d’ancrage d’une langue autre que l’anglais au sein de l’UE.

● Considérant qu’il ne serait pas réaliste de chercher à tirer parti du Brexit pour évincer totalement l’usage de l’anglais, le groupe de travail a établi des recommandations visant à promouvoir le multilinguisme comme élément de la citoyenneté européenne sous deux axes : d’une part, des mesures visant à relancer le multilinguisme dans les institutions européennes et d’autre part, des mesures visant à améliorer l’environnement multilingue en Europe.

Le programme « Millefeuille »

Mis en œuvre par la représentation permanence de la France auprès de l’Union européene, le programme « Millefeuille » contribue au renforcement de la formation linguistique des hauts fonctionnaires européens et des diplomates des représentations permanentes auprès de l’Union européenne.

 Il comprend deux volets :

– des cours de français (20 h de cours individuels à partir du niveau B ou 30 h de cours collectifs pour les débutants) destinés aux personnalités d’influence des institutions européennes (Commissaires, membres de cabinets, encadrement supérieur) et des diplomates des représentations permanentes auprès de l’UE ;

– des séjours immersifs de cinq jours dans un centre « Millefeuille » en Provence pour les personnalités d’influence des institutions et des représentations permanentes (représentants permanents et leurs adjoints, conseillers Antici, Mertens et Nikolaïdis).

L’opérateur du programme est l’Alliance française Bruxelles-Europe.

Parmi les personnalités bénéficiaires ont figuré notamment le haut représentant Josep Borrell, les vice-présidents exécutifs, Margrethe Vestager et Valdis Dombrovskis, ainsi que les commissaires européennes, Ylva Johansson et Mairead Mc Guiness.

Initialement destiné aux personnalités d’influence des institutions et du haut encadrement des représentations permanentes, avec vingt à trente bénéficiaires par an pour un coût budgétaire, porté par le MEAE, de 30 000 à 50 000 euros par an, ce programme a été étendu en 2021 aux conseillers-négociateurs des représentants permanents dans la perspective de la présidence de la France du Conseil de l’UE, l’enveloppe budgétaire passant à 550 000 euros en 2021 pour 594 bénéficiaires. Cet effort a été poursuivi en 2022 et 2023, autour de 250 000 euros et 300 bénéficiaires par an.

Dans le cadre de la présidence belge de l’Union européenne au premier semestre 2024, les autorités belges ont rejoint le programme, le partenariat franco-belge retenant l’appellation de « Millefeuille-Spa ». Le budget global de 455 000 euros est partagé entre les deux pays pour former 500 bénéficiaires.

● Concernant le fonctionnement de l’UE, le groupe de travail propose :

– que la Commission produise chaque année un rapport sur le multilinguisme comme le fait l’ONU afin d’évaluer sa pratique du multilinguisme et que soit instauré un débat annuel sur le multilinguisme au sein du Parlement européen ;

– le recours systématique à l’interprétation dans les groupes de travail du Conseil et de la Commission et dans les commissions du Parlement européen ;

– d’accroître la part des documents sources en français et en allemand en fixant une limite juridique de 50 % des documents sources en une seule langue ;

– la traduction systématique des sites internet des directions générales de la Commission européenne, en investissant dans la traduction automatique ;

– de systématiser l’exigence de maîtriser trois langues aux concours d’entrée dans l’administration européenne (concours relevant de l’organisation inter-institutions EPSO) alors que suffit actuellement la maîtrise de deux langues (la langue maternelle et une langue étrangère, donc l’anglais) ;

– d’établir une obligation statutaire de prouver ses capacités linguistiques en cas de promotion à des postes d’encadrement au sein de l’UE ;

– d’inciter les directeurs généraux des institutions européennes à s’exprimer et écrire dans plusieurs langues de travail lors de l’exercice de leurs fonctions.

● Pour favoriser un environnement multilingue en Europe, le groupe de travail a notamment proposé :

– que les États membres investissent dans l’apprentissage des langues dès le plus jeune âge, à l’exemple de la Frankreich Strategie de la Sarre visant à un bilinguisme franco-allemand complet au sein du Land d’ici 2043, ou encore des écoles gaéliques en Irlande ;

– de promouvoir la recommandation du Conseil du 22 mai 2019 qui préconise l’apprentissage obligatoire de deux langues dans le secondaire, alors qu’un enseignement obligatoire de LV2 n’est aujourd’hui obligatoire que dans seize pays de l’UE ;

– de donner de la visibilité auprès de la société civile à la journée européenne des langues, qui a lieu chaque 26 septembre.

● Concernant les financements européens de la recherche et de l’innovation, la rapporteure Amélia Lakrafi relève que, s’il est juridiquement possible à tout chercheur de présenter un projet dans une langue autre que l’anglais, la traduction en anglais est cependant nécessaire car les délibérations des scientifiques menées par les agences européennes concernées sont exclusivement en anglais.

Il en résulte que l’ensemble des dossiers de candidature sont soumis en anglais, ce qui est en contradiction directe avec les objectifs affichés de défense du multilinguisme et de la diversité culturelle.

Proposition : Mener une stratégie offensive, en lien avec les pays francophones de l’Union européenne, pour que le français, demeure, dans les faits, une langue de travail des institutions européennes, pour que les politiques européennes tiennent pleinement compte des enjeux du multilinguisme, et pour développer l’enseignement du français en Europe.


c.   Placer la démarche francophone au cœur de notre aide publique au développement

● Au-delà des contributions versées directement par le MEAE à l’OIF et aux opérateurs de la francophonie, l’espace francophone occupe logiquement une part très importante dans l’activité de l’Agence française de développement.

Durant l’année 2023, l’AFD a ainsi engagé 5,1 milliards d’euros dans quarante-et-un des pays membres de l’OIF, à 66 % sous la forme de prêts (3,4 milliards d’euros) complétés par 22 % de dons (1,1 milliard d’euros de subventions) et 12 % de délégations et garanties (587 000 euros). L’espace francophone a ainsi représenté 40 % de l’ensemble des engagements de l’AFD et 60 % de ses engagements en Afrique.

Par ailleurs, au cours des trois dernières années, près de 700 millions d’euros ont été investis en moyenne chaque année dans six pays identifiés par l’AFD comme « francophiles » où la part des francophones dans leurs populations est faible car leurs gouvernements conduisent des démarches volontaristes pour accroître les liens de coopération avec des pays francophones dans les différents secteurs du développement : Vietnam, Laos, Mozambique, Géorgie, Cambodge, Costa Rica.

L’AFD a également fait valoir aux rapporteurs que l’Afrique francophone représente, dans son action, un enjeu de communication spécifique, avec trois évolutions importantes :

– une évolution du ciblage, qui priorise la jeunesse, les diasporas, les entrepreneurs, et plus largement les populations bénéficiaires des projets et valorise en particulier les secteurs innovants, à impact rapide, promus par « l’agenda transformationnel » de la diplomatie française en Afrique : ICC, sport, formation professionnelle, numérique, entrepreneuriat, sécurité alimentaire ;

– une évolution du narratif, en sortant d’une communication technique et en valorisant en priorité les résultats obtenus, donc les projets en cours et passés, ainsi que les bénéfices concrets pour les populations, plutôt que des promesses d’engagements financiers et les projets à venir ;

– une évolution de méthode désormais fondée sur des objectifs communs avec les services de communication du réseau diplomatique afin d’accroître la visibilité de « l’équipe France ».

Cependant, l’AFD n’a pas défini de stratégie autre que de communication concernant les enjeux propres à l’espace francophone, dans lequel elle applique les mêmes cadres d’intervention qu’ailleurs et sans y privilégier par exemple l’action conjointe avec d’autres acteurs francophones, tels que les agences de développement belges ou canadiennes ou des acteurs publics ou privés africains.

À titre d’exemple, la France s’est engagée à verser 333 millions d’euros au Pacte mondial pour l’éducation (PME) pour le cycle 2021-2025, mais sans que ces crédits ne soient fléchés pour l’enseignement francophone, alors que ce fonds multilatéral dédié à la transformation des systèmes éducatifs concerne quatre-vingt-dix pays dont une quarantaine de pays francophones.

Néanmoins la France met à disposition du secrétariat du PME basé à Washington une experte technique internationale (ETI) spécialisée dans la mise en œuvre des programmes dans les pays francophones d’Afrique, ce qui peut offrir des garanties de ciblage des financements.

De façon assez révélatrice, lorsque les rapporteurs ont demandé à des représentants de l’AFD s’il pouvait être utile que des opérateurs de la francophonie se dotent des moyens de mobiliser directement des financements de grands bailleurs internationaux tels que le PME, il leur a d’abord été objecté que les organisations francophones entreraient alors en concurrence avec l’AFD pour l’accès à ces mêmes financements…

Si l’espace francophone occupe, de fait, une place importante dans les activités de notre aide publique au développement, une démarche de coopération francophone ne parait donc pas y revêtir de dimension stratégique, sinon de manière indirecte, en raison de la priorité transversale accordée par l’AFD aux enjeux climatiques, dans la mesure où l’Afrique en détient une partie des clés.

Or, dans un contexte de rétraction des financements de l’aide publique au développement qui ne permet plus à la France de respecter les objectifs définis par la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, les rapporteurs considèrent qu’il est d’autant plus urgent de faire de l’espace francophone et des démarches partenariales entre francophones un axe central de notre aide publique au développement.

Proposition : Faire des partenariats francophones l’axe central de notre aide publique au développement.

Les rapporteurs soulignent qu’à cet égard, le sommet de Villers-Cotterêts a été une occasion manquée, puisqu’il n’a pas donné lieu à la moindre annonce dans les domaines de l’aide au développement.

Pourtant l’AFD avait missionné dans ce but Safia Ibrahim-Netter, directrice de l’agence de l’AFD en RDC, que les rapporteurs avaient pu auditionner et qui avait formulé des propositions d’initiatives innovantes en lien avec l’agenda du sommet et avec le futur plan d’orientation stratégique de l’AFD. Grâce à ce travail remarquable, l’AFD avait mis la France en mesure de proposer des livrables d’une part sur la thématique de la formation professionnelle et d’autre part, sur la thématique du soutien aux systèmes éducatifs.

Or aucun des livrables du dernier sommet n’ont résulté de ces propositions, dans la mesure où la France n’a pas recueilli, sur ces sujets, un nombre suffisant de soutiens de la part des autres EGM. Ceci atteste de la nécessité d’adopter une démarche partenariale de longue haleine dans un cadre francophone pour être en mesure d’y batir plus aisément des coalitions le moment venu.

Des enjeux francophones insuffisamment priorisés par la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales

L’article 1er de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui présente les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, n’identifie pas la promotion de la francophonie comme un objectif en soi, mais, assez curieusement, le fait figurer au terme de l’énumération de son 2° qui vise « la promotion des droits humains, en particulier des droits des enfants, le renforcement de l’État de droit et de la démocratie et la promotion de la francophonie », après un 1° relatif à « l’éradication de la pauvreté dans toutes ses dimensions (…) et l’action en matière d’éducation et de santé » et avant un 3° consacré à « la protection des biens publics mondiaux, en particulier la protection de la planète ».

Le rapport annexé à cette loi indique par ailleurs, au I, relatif aux objectifs et principes d’action, dans un point E relatif à la « cohérence des politiques pour le développement durable » que : « la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France protège et défend la diversité culturelle et linguistique, notamment l’usage de la langue française et du plurilinguisme au sein des enceintes multilatérales. Elle accorde une attention particulière à la francophonie et participe à la cohésion politique et économique de l’espace francophone. Face aux dynamiques démographiques et à l’évolution du paysage linguistique, notamment en Afrique, la France soutient les actions déployées par les institutions de la francophonie pour promouvoir la langue française et son apprentissage et pour améliorer l’accès à une éducation de qualité pour tous favorisant l’insertion civique, sociale et professionnelle. »

Les rapporteurs indiquent aussi qu’une attention particulière doit être apportée aux pays du Sahel. Le rapporteur Aurélien Taché considère que l’approche que les gouvernements français ont fait prévaloir dans cette région au cours de la décennie 2010, où prédominaient les enjeux militaires et de défense au détriment de ceux du développement, a échoué à empêcher l’émergence de juntes militaires ayant fait le choix de rompre sans ménagement avec la France. La rapporteure Amélia Lakrafi relève cependant que l’effort d’aide au développement de la France était conséquent, l’AFD disposant, au moment des prises de pouvoir par les juntes, d’un portefeuille cumulé, au Mali, Burkina Faso et Niger, de plus de 2 milliards d’euros de projets en cours. Elle souligne que la France ne saurait être tenue pour responsable des ingérences russes qui ont porté atteinte à des régimes fragiles.

Les rapporteurs s’accordent pour considérer que, quelles que soient les tribulations des relations diplomatiques entre la France et les États du Sahel, la vitalité du projet francophone exige que l’aide publique au développement continue de bénéficier aux peuples de la région, qui ne sont pas coupables des errements de leurs dirigeants. Et cette aide ne saurait être exclusivement restreinte à l’urgence dans le domaine humanitaire. À défaut d’une aide bilatérale de la France, il doit s’agir de contributions à des programmes multilatéraux notamment dans les secteurs de l’éducation et du développement économique, en apportant toutes les garanties qu’elle ne sera pas détournée par les régimes en place. Le plus sûr levier d’action positive à moyen et long terme consiste en effet à offrir des perspectives d’amélioration concrète pour les peuples.

d.   Mettre en cohérence les leviers de coopération éducative

● Au sein du réseau diplomatique français, chaque service de coopération et d’action culturelle (SCAC) doit établir, tous les quatre ans, un plan stratégique éducation et langue française, dressant, pour chaque pays, un état des lieux de l’usage du français et de sa place parmi les autres langues parlées et apprises localement.

Cette description fine constitue le socle d’un plan d’action, élaboré sous la responsabilité de l’ambassadeur, qui vise trois grands objectifs :

– le soutien aux systèmes éducatifs locaux ;

– le renforcement de l’enseignement bilingue francophone ;

– et le développement de l’enseignement français à l’étranger.

Ces différents objectifs mobilisent des outils distincts et ne présentent pas les mêmes enjeux, en fonction des pays, au regard des objectifs de promotion de la francophonie, comme l’illustrent les deux « cas limites » suivants :

– dans un pays non francophone et où la langue française n’est que peu ou pas enseignée, un plan stratégique éducation peut se borner au soutien d’une école française, c’est-à-dire un établissement disposant d’une homologation par l’éducation nationale et relevant du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) ou de la mission laïque française (MLF), et destiné à des enfants de familles françaises, ou de francophones de pays tiers, ou de ressortissants du pays hôte recherchant une éducation internationale ;

– l’enjeu est tout différent dans un pays francophone où le levier principal que la France doit mobiliser est celui de la coopération éducative avec les autorités nationales afin de contribuer, autant que nécessaire et dans la mesure où le partenaire le souhaite, à appuyer la formation des enseignants de ou en français des systèmes locaux, ou à fournir des contenus éducatifs adaptés.

En 2022 par exemple, plus de 56 000 enseignants ont été formés dans le monde par le réseau de coopération et d’action culturelle de la France. Avec l’appui de France Éducation international, certaines de ces formations ont pris la forme de BELC ([44]) régionaux, des sessions de formation approfondies destinées à plus de 200 professeurs de et en français.

Le cas échéant, la coopération française peut être complémentaire de celles qui relèvent des opérateurs de la francophonie déjà mentionnés, comme la CONFEMEN, l’IFEF ou l’AUF.

● À destination des systèmes scolaires locaux et des professeurs de ou en français, nos réseaux diplomatiques peuvent ainsi mobiliser différents outils :

 le LabelFrancEducation, décerné aux établissements d’enseignement bilingue en français à travers le monde, a atteint, en 2023, 651 établissements labellisés dans soixante-quatre pays. L’objectif fixé en 2018 par le président de la République de compter 500 filières labellisées en 2022 a donc été largement dépassé ;

– certains postes déploient des outils de pilotage adaptés aux situations locales. C’est le cas en particulier pour les « écoles d’Orient » historiquement francophones, à l’intention desquelles l’ambassade de France au Liban a établi, depuis 2011, un label « Certifications des établissements en langue française » qui aide les établissements à améliorer le niveau de leurs enseignements du et en français. Depuis deux ans, ce modèle est dupliqué avec succès par le consulat de France à Jérusalem et l’ambassade de France en Jordanie ;

– l’Institut français de Paris soutient la formation et la professionnalisation des professeurs de français partout dans le monde, en s’appuyant notamment sur la plateforme collaborative IFprofs, entièrement rénovée en 2024, qui compte aujourd’hui plus de 66 000 inscrits, et propose 510 ressources pédagogiques labellisées, un espace collaboratif pour faciliter les échanges d’idées ainsi que des formations en ligne ouvertes à tous (MOOC) ;

– les SCAC peuvent promouvoir la certification du niveau de langue française des enseignants et des élèves au moyen d’examens et de diplômes tels les DELF et DALF, proposés dans les centres de langue en coopération avec FEI. Tout en apportant des garanties de qualité uniforme partout dans le monde, ces outils peuvent être adaptés aux besoins en fonction des situations locales. Par exemple, l’Institut français de Casablanca a fortement réduit le prix des certifications de langue française pour les enseignants des disciplines non linguistiques enseignées en français, dans le but notamment de favoriser l’enseignement professionnel en français. Dans les postes diplomatiques prioritaires, les rapporteurs recommandent donc de réduire le prix, voire d’accorder la gratuité, de ces certifications ;

Proposition : Dans les postes diplomatiques prioritaires, permettre la gratuité des certifications de langue française pour les professeurs de et en français.

– le MEAE soutient la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF) et la subvention qu’il lui verse directement a doublé depuis 2017, la France contribuant en outre à l’organisation de la Journée internationale des professeurs de français qui se tient annuellement au mois de novembre depuis 2019 et rencontre un grand succès.

Cependant, les rapporteurs alertent sur le fait que la contribution du MEAE ne compense pas la forte diminution de la contribution, distincte, que la France versait à la FIPF par le truchement de l’OIF, la FIPF ne recevant par ailleurs plus aucune contribution du ministère de la culture ;

Proposition : Accroître le soutien de la France à la Fédération internationale des professeurs de français en tenant compte de l’ensemble des ressources dont elle peut disposer.

– les SCAC peuvent aussi mobiliser des programmes d’échanges de professeurs et d’assistants d’enseignement mis en œuvre par FEI. À la rentrée 2024, plus de 3 100 assistants de langue étrangère sont ainsi venus en France, et plus de 1 500 assistants de langue française sont partis enseigner le français à l’étranger.

Exemplaire et singulière à cet égard est la coopération pérenne avec la Louisiane par le biais du Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL), agence de l’État de Louisiane créée en 1968 afin de préserver le français louisianais qui permet à plus de 5 000 élèves d’apprendre le français grâce aux mobilités de 200 professeurs francophones, dont plus de 150 enseignants français, exerçant en majorité au sein de 34 écoles d’immersion ([45]).

● Dans certains cas, les objectifs de coopération éducative et de promotion de l’enseignement français peuvent entrer en conflit, comme cela a été le cas au Maroc, où les réseaux d’écoles françaises de l’AEFE et de la MLF, de statuts majoritairement privés, sont très importants et étaient en expansion, au point que le gouvernement marocain, soucieux d’améliorer prioritairement le niveau de son système public et d’éviter que les écoles privées ne captent les meilleurs enseignants, a prononcé un moratoire sur l’ouverture de nouveaux établissements.

Alors que le président de la République avait fixé, en 2018, l’objectif de porter, à 500 000, d’ici 2030, le nombre d’élèves du réseau de l’enseignement français à l’étranger et que l’on en compte, à la rentrée 2024, 399 000 dans 600 établissements, il importe donc de s’assurer que l’ouverture de nouveaux établissements est pleinement cohérente, dans les pays d’implantation, avec la disponibilité des enseignants qualifiés recrutés localement.

Proposition : Éviter les contradictions entre les objectifs généraux de développement du réseau de l’enseignement français à l’étranger et les enjeux locaux de coopération éducative.

Pour répondre à l’enjeu de la qualification des enseignants recrutés localement, l’AEFE s’est dotée, depuis 2023, de seize Instituts régionaux de formation (IRF), prévus par la loi ([46]), mais le développement du réseau nécessite également d’accroître le vivier des enseignants venus de France, alors même que les académies éprouvent, en France, des difficultés à recruter des enseignants.

Une politique francophone volontariste peut aider à lever cette contradiction en attirant des profils susceptibles d’être intéressés par une première expérience d’enseignement à l’étranger et qui n’envisageraient pas spontanément une carrière dans la fonction publique en France, à l’exemple des parcours EEFE – Enseigner en France et à l’étranger, proposés par certains Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé) qui offrent aux étudiants la possibilité de compléter leur formation de professeurs des écoles par une dimension d’ouverture à l’international et à l’interculturalité, notamment en préparant le certificat d’aptitude à l’enseignement français à l’étranger.

Cela nécessite, ensuite, que ministère de l’éducation nationale prépare les bonnes conditions du retour dans l’enseignement en France, en valorisant le mieux possible l’expérience acquise à l’étranger, le cas échéant en affectant prioritairement à des sections internationales les enseignants revenus de l’étranger.

Proposition : S’assurer que le ministère de l’éducation nationale valorise, dans les carrières d’enseignants, le passage par l’enseignement français à l’étranger et en faire un moyen pour attirer vers les métiers de l’enseignement.

● Une politique de coopération éducative ambitieuse et cohérente est donc au cœur des enjeux de l’espace francophone, comme l’ont abondamment relevé les auteurs des principaux rapports sur la francophonie, présentés aux pouvoirs publics en France ces dernières années.

Le tableau suivant en récapitule les principales propositions relatives à l’enseignement du français et en français.

Recommandations convergentes et rÉpÉtÉes relatives au soutien À l’enseignement du et en français figurant dans les précédents rapports sur la francophonie

Juin 2008

Rapport de M. Hervé Bourges à M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie, Pour une renaissance de la francophonie

- démultiplier l’action de soutien à l’apprentissage du français

Janvier 2014

Assemblée nationale, commission des affaires étrangères. Rapport d’information de M. Pouria Amirshahi, La francophonie : action culturelle, éducative et économique.

- renforcer l’aide à la scolarisation, la maintenir dans les systèmes éducatifs le plus longtemps possible dans les pays où le français est langue d’enseignement

- organiser le bilinguisme à l’école primaire dans les pays francophones plurilingues, enseigner les langues locales dans les établissements français à l’étranger

- traiter comme enjeu prioritaire la question de la formation des professeurs de français et de leur renouvellement


Août 2014

Rapport de M. Jacques Attali au président de la République François Hollande, Francophonie et francophilie : moteurs de croissance durable »

- apporter un appui aux systèmes éducatifs d’Afrique francophone, notamment par les fonds de l’AFD et « Éducation pour tous » de la Banque mondiale, dans le cadre de programmes accordant au français toute sa place

- former plus de professeurs de français pour enseigner le français dans les pays francophiles et francophones

Février 2017

Sénat, commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Rapport d’information de M. Louis Duvernois et Mme Claudine Lepage. Francophonie : un projet pour le 21e siècle.

- faire des sujets d’éducation une des priorités budgétaires de notre politique de coopération et créer un fonds d’investissement pour développer l’éducation en francophonie

- promouvoir la langue française et le multilinguisme

- rechercher des cohabitations productives entre langues locales et langue française, notamment dans les pays africains francophones

Janvier 2018

Avis du Conseil économique, social et environnemental présenté par Mme Marie-Béatrice Levaux. Le rôle de la France dans une francophonie dynamique.

- clarifier la mission de plaidoyer et de mobilisation de la francophonie multilatérale en la recentrant sur l’Objectif de développement durable n° 4 sur l’égalité dans l’accès à l’éducation

Octobre 2024

Sénat, commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Rapport d’information de Mme Catherine Belrhiti, M. Yan Chantrel et M. Pierre-Antoine Levi. Le français a encore son mot à dire. Propositions pour une francophonie multilatérale et coopérative

- faire de la revalorisation du métier d’enseignant de et en français la Grande Cause de la francophonie, afin de garantir un apprentissage du et en français de qualité, dans l’espace francophone et au-delà

e.   Conforter l’atout des mobilités étudiantes pour l’enseignement supérieur francophone

● La francophonie est un puissant vecteur des mobilités étudiantes : plus de la moitié des étudiants étrangers en France sont originaires d’un pays membre de la francophonie et, parmi les étudiants effectuant une mobilité vers la France, 49 % proviennent du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, ce qui en constitue le plus important contingent.

En 2022, après les 45 162 étudiants originaires du Maroc et les 32 147 étudiants originaires d’Algérie, les pays francophones d’Afrique sub-saharienne ont été les principaux pays d’origine des étudiants en France, avec 15 251 étudiants venant du Sénégal, 10 691 venant de Côte d’Ivoire, 9 767 venant du Cameroun, 5 656 venant du Gabon et 5 667 venant du Bénin.

Selon les données communiquées aux rapporteurs par Campus France, l’opérateur en charge des mobilités étudiantes et de l’attractivité universitaire, entre 2017 et 2022, le nombre d’étudiants accueillis en France issus de pays membres de la francophonie a cru de 25 % contre une hausse de seulement 11 % du nombre d’étudiants internationaux provenant d’autres pays.

On constate même une très forte augmentation de la mobilité étudiante issue des pays d’Afrique subsaharienne, de 62 % pour le Sénégal, 50 % pour la Côte d’Ivoire, 30 % pour le Cameroun, 56 % pour le Congo-Brazzaville, 35 % pour le Gabon et 73 % pour le Bénin.

La France reste le pays de destination privilégié par les étudiants du continent africain, largement devant leurs autres principales destinations (États-Unis, Afrique du Sud, Royaume-Uni et Canada). Les rapporteurs saluent cette dynamique qui n’est pas toujours perçue à sa juste mesure, y compris parmi nos partenaires francophones.

Cette dynamique se retrouve dans la hausse des premiers titres de séjour accordés à des étudiants : 108 340 en 2022 contre 80 339 en 2017. Depuis 2021, les étudiants représentent d’ailleurs la première catégorie de la primo-délivrance de titres de séjour, devant le regroupement familial.

● Cependant, cette situation ne saurait justifier aucune forme d’autosatisfaction et de délaissement car la simplification de la politique de visas pour les étudiants, qui faisait partie des six axes de la stratégie « Bienvenue en France » annoncée par le premier ministre en 2018, ne s’est pas pleinement concrétisée.

La nécessité de disposer d’un visa ou d’un titre de séjour expose l’étudiant étranger à un véritable « parcours du combattant » à plusieurs moments-clés de son parcours :

– le rendez-vous dans les espaces Campus France puis dans les services consulaires pour demander le visa, d’autant plus difficile à obtenir en raison de l’engorgement des mois précédant la rentrée universitaire, notamment dans les pays à fort flux ;

– l’obtention du rendez-vous en préfecture au terme de la première année d’études pour le titre de séjour étudiant à l’expiration du visa initial ;

– enfin, au terme des études, l’obtention d’un titre de séjour au moment de la recherche d’emploi, de stage, ou d’un séjour dans un centre de recherche.

Dès la première étape de ce parcours, l’écart peut être considérable, dans certains pays, entre le nombre des candidatures aux études en France et le nombre d’étudiants dont les dossiers sont acceptés au final. À titre d’exemple, selon les données de la campagne 2022-2023 des espaces Campus France de l’Institut français d’Algérie : 49 000 dossiers de candidature ont été initiés, 41 000 finalement complétés par les candidats puis validés, donnant lieu à 40 500 entretiens au sein des espaces Campus France visant à apprécier la réalité et la cohérence du projet d’études en France, donnant lieu à 30 600 avis pédagogiques favorables.

Seul un tiers des étudiants ayant obtenu un avis favorable ont cependant vu leur dossier accepté par une université en France (10 525) et, au final, seuls 9 200 candidats ont obtenu un visa.

Ce sont donc 1 325 étudiants dont le dossier avait été accepté par une université française qui se sont vus opposer un refus de visa par les services consulaires. Cet ultime « taux de perte », qui varie entre 10 et 20 % selon les postes paraît particulièrement problématique car il témoigne d’un conflit direct entre les critères d’attribution des visas, principalement à la main du ministère de l’intérieur, et l’appréciation portée par des universités françaises sur les perspectives offertes par la candidature de l’étudiant et sur leur capacité à les accueillir.

Des écarts comparables se retrouvent dans certains grands postes consulaires comme le Maroc ou le Sénégal, exposant chaque année des milliers de candidats aux études en France à une forte déception, alors même qu’ils ont acquitté au préalable des droits d’inscription à la plateforme dématérialisée Études en France dont le total des recettes dépasse 20 millions d’euros.

On peut relever qu’une partie de ces recettes sont conservées par les services de coopération et d’action culturelle dont relèvent les espaces Campus France concernés, pour lesquels elles constituent des ressources propres utilisables non seulement pour le fonctionnement de ces espaces mais aussi pour leurs autres activités, notamment culturelles. Cette situation n’est pas optimale, et pose un problème d’acceptabilité dans certains postes, comme au Sénégal où les activités culturelles de l’Institut français sont entièrement autofinancées. Le rapporteur Aurélien Taché considère, à titre personnel, qu’il serait plus vertueux que les droits acquittés par les candidats malheureux aux études en France contribuent à financer les mobilités étudiantes en France, par exemple en abondant des programmes de bourses ou des dispositifs d’aide à l’accueil en France.

En tout état de cause, les rapporteurs appellent conjointement à améliorer l’accueil des étudiants étrangers en France, en s’assurant du plein déploiement du label Bienvenue en France, attribué par Campus France qui s’est doté, à cette fin, d’une cellule dédiée, qui fixe un standard de qualité en la matière et en tenant l’objectif de simplification des démarches administratives pour les étudiants internationaux, notamment les procédures de demande de visas et de titres de séjour.

Proposition : Améliorer l’accueil des étudiants étrangers en France en s’assurant du plein déploiement du label Bienvenue en France et en tenant les objectifs de simplification des démarches administratives et des procédures de visas et de titres de séjour.

● De manière plus générale, la France ne semble pas avoir défini de stratégie visant à utiliser pleinement les potentialités qu’offre l’espace francophone dans le domaine de l’enseignement supérieur afin de faire de ses universités des fers de lance de la francophonie.

On peut relever qu’avec plus de 400 000 étudiants en mobilité internationale diplômante, l’Afrique (francophone et non francophone) représente environ un étudiant mobile sur dix dans le monde, avec un taux de mobilité deux fois plus élevé que la moyenne mondiale ([47]). Les mobilités étudiantes supplémentaires que la France est susceptible de susciter en Asie ou en Europe ne sont donc pas appelées à se substituer aux mobilités provenant d’Afrique, et particulièrement d’Afrique sub-saharienne francophones, à rebours de certaines représentations qui opposent encore les échanges « traditionnels » avec l’Afrique aux mobilités « prioritaires » attendues d’autres espaces émergents comme l’Inde ou l’Asie Pacifique, à destination desquels les universités et écoles de commerce conçoivent au demeurant des cursus quasi exclusivement en anglais.

En outre, les coopérations universitaires ne se réduisent pas à des mobilités d’étudiants francophones vers la France mais passent par l’émergence et la consolidation de pôles d’excellence dans l’ensemble de la francophonie, à partir d’initiatives locales confortées de partenariats Nord-Sud mais également Sud-Sud.

Les rapporteurs ont par exemple visité l’école centrale de Casablanca, un partenariat franco-marocain d’excellence exemplaire et qui illustre le choix stratégique du Maroc entre l’Afrique et l’Europe puisqu’un tiers des étudiants est issu d’Afrique sub-saharienne francophone.

De même, lors du déplacement de la mission au Sénégal, le rapporteur Aurélien Taché a visité les classes préparatoires aux grandes écoles mises en place depuis 2022 à Thiès, issues d’un partenariat franco-sénégalais avec l’appui d’enseignants tunisiens. La création de ce pôle d’excellence, préparant aux concours aux grandes écoles d’ingénieurs, a résulté d’une analyse fine des besoins du système sénégalais ainsi que des attentes des élèves sénégalais et de leurs familles.

Le succès de ce projet, né du terrain et bénéficiant de coopérations concrètes entre enseignants francophones, contraste d’ailleurs avec l’échec du campus franco-sénégalais, initiative « venue d’en haut », prévue par un premier accord-intergouvernemental d’octobre 2017 et renouvelé en novembre 2019, renommé depuis lors université Rose Dieng France-Sénégal, mais qui paraît constituer aujourd’hui une coquille vide au point que, lors du déplacement des rapporteurs à Dakar, il n’a pas été possible de leur en présenter les activités.

Cette situation n’est pas d’ailleurs pas isolée : ainsi que l’a montré l’ancien député Christophe Euzet dans un rapport établi en avril 2024 pour le ministère de l’enseignement supérieur, de nombreux projets de campus « Franco-pays » décidés par des accords intergouvernementaux dans une démarche étroite d’« exportation » d’établissements d’enseignement supérieur français ont connu des parcours chaotiques, faute de réflexion préalable suffisante sur leur modèle économique et les besoins auxquels ils devaient répondre ([48]).

À rebours de ces démarches de « projection » internationale franco-centrées, les rapporteurs invitent à soutenir des coopérations universitaires multi-acteurs résolument partenariales, qui, de l’université du Québec à Montréal en passant par celles de Dakar, Casablanca, Paris ou Alexandrie, le cas échéant avec l’appui de l’AUF, contribuent au dynamisme d’un espace universitaires commun.

Proposition : Soutenir les projets de coopération universitaire intégrant plusieurs partenaires francophones.

● Dans ce contexte, les rapporteurs renouvellent leur appel à ce que la France soutienne pleinement le programme international mobilité employabilité francophone (PIMEF) annoncé lors du sommet de Villers-Cotterêts (voir supra). Ils soulignent qu’un tel soutien passe nécessairement par le maintien de niveaux de soutien significatifs de la France au fonctionnement du réseau de l’AUF, sans lequel ce programme ne pourrait tout simplement pas être déployé.

Il est d’autant plus indispensable de ne pas échouer à la mise en place du PIMEF que les rapporteurs plaident pour que ce programme soit appréhendé comme la préfiguration d’un véritable « Erasmus de la francophonie », projet auquel le rapporteur Aurélien Taché suggère d’attribuer, lorsqu’il sera effectif, la dénomination de « Léopold Sedar Senghor de la francophonie », du nom de l’un de ses plus illustres fondateurs.

Proposition : Soutenir la mise en œuvre du « programme international de mobilité et d’employabilité francophone » (PIMEF) de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) pour en faire la première étape d’un projet d’« Erasmus francophone ».

Les déséquilibres des mobilités étudiantes entre la France et le Québec

 Les balances migratoires des mobilités étudiantes entre la France et le Québec sont très déséquilibrées, de l’ordre de 1 à 20 : environ 1 000 Québécois partent en France chaque année contre 18 000 Français se rendant dans les universités francophones du Québec, auxquels s’ajoutent 4 000 Français dans les collèges d’enseignement général et professionnel, les « Cegeps », principalement anglophones.

Le gouvernement québécois mène une politique d’attractivité très proactive à l’égard des étudiants francophones ou ressortissants de pays qualifiés de « francotropes » considérés comme plus enclins que d’autres à apprendre le français, comme les pays d’Amérique latine. Ceci vise à garantir le maintien de la langue française dans la province et à nourrir l’économie locale en main d’œuvre qualifiée.

Les mobilités étudiantes provenant de France bénéficient en outre d’un accord franco-québécois qui permet aux étudiants français d’étudier au Québec au tarif canadien en équivalent licence et au tarif québécois en équivalent master, les étudiants québécois étudiant en France au tarif français.


f.   Imbriquer l’action culturelle de la France à la francophonie

● D’une manière générale, les rapporteurs insistent sur la nécessité de continuer à renforcer la diplomatie culturelle française, dont le développement, s’il ne saurait être confondu avec celui du projet francophone, lui est intimement lié : procédant d’une démarche de partage de la langue et de la création culturelle, l’action culturelle extérieure de la France constitue un des ciments de l’amitié entre les peuples de l’espace francophone.

Dans de nombreuses capitales francophones, les centres culturels relevant du réseau culturel du Quai d’Orsay sont parfois les seuls équipements culturels (la seule salle de spectacle, le seul cinéma, la seule galerie d’art…) ouverts au grand public, ou encore les seuls lieux de débats où l’on peut librement parler de sujets comme les droits des femmes ou des personnes LGBT+.

Et il s’agit souvent aussi des seuls lieux de contacts et d’échanges dans les pays avec lesquels les relations gouvernementales sont à l’arrêt, comme en Algérie ou en Russie.

i.   Préserver l’autonomie du réseau des Alliances françaises, émanation des sociétés civiles francophones et francophiles

● Le réseau des Alliances françaises a fêté en 2023 son 140e anniversaire : il résulte de la création, en 1883, d’un comité d’organisation « pour la propagation de la langue française dans les colonies et à l’étranger » comportant notamment les diplomates Paul Cambon et Jean-Jules Jusserand et des personnalités des lettres et de l’enseignement. Cette initiative était concomitante de la création du terme « francophonie » par le géographe Onésime Reclus, procédant, aux lendemains de la défaite de 1871 de la même recherche d’amitiés pour la France en s’appuyant sur l’attrait de la langue.

Les Alliances françaises ont longtemps constitué un réseau culturel informel des ambassades de France, tout en conservant leur autonomie, comme l’a montré, pendant la deuxième guerre mondiale, le ralliement précoce à la France libre des Alliances françaises en Amérique latine ou aux États-Unis, en opposition aux ambassades relevant du régime de Vichy.

Répartitions des apprenants dans les Alliances françaises en 2022

Source : Fondation des Alliances françaises, rapport d’activité 2022, p. 44.

Cependant, depuis l’après-guerre, les ambassades de France ont fortement développé leurs propres services culturels, avec désormais une centaine d’Instituts français relevant des ambassades et dirigés par le conseiller de coopération et d’action culturelle qui exercent directement des missions de cours de langue et de programmation culturelle.

C’est notamment le cas en Afrique francophone (sauf à Madagascar) où, à la suite des indépendances, le Quai d’Orsay s’est fortement investi dans la diplomatie culturelle, et où les Alliances sont relativement moins implantées. Inversement, en Amérique latine ou en Inde par exemple, des Alliances françaises historiquement bien implantées jouent, de fait, le rôle que des Instituts français exercent dans d’autres postes.

● Sur 832 Alliances françaises en activité, 386 sont conventionnées avec le MEAE afin de bénéficier de subventions attribuées par les postes diplomatiques et consulaires ou d’effectifs mis à disposition. Mais il importe de souligner que bon nombre de ces Alliances bénéficient également de ressources provenant d’autres acteurs locaux, publics ou privés, ainsi que d’acteurs francophones.

Le gouvernement du Québec a par exemple contracté avec des Alliances françaises au Brésil pour qu’elles donnent des cours de langue et déploient une programmation culturelle à l’intention de candidats brésiliens à l’émigration au Québec. Cette même logique a conduit à la création, en 2022, d’une nouvelle Alliance française à Montréal, sous l’égide d’un conseil d’administration bénévole composé d’entrepreneurs québécois et de Français expatriés, rencontrés lors du déplacement de la mission, et dont une partie des activités est financée par le ministère de l’immigration et de la francisation du Québec.

Acteurs majeurs d’une francophonie de terrain, les Alliances françaises ne sont pas seulement des écoles de langue mais proposent une offre éducative et culturelle d’ensemble. Il s’agit bien d’un modèle d’alliance, au sens d’une union résultant d’un engagement mutuel, par opposition aux approches verticales. Certains bénévoles et présidents d’alliances ne parlent d’ailleurs pas le français mais adhèrent à ce modèle horizontal, enraciné, indépendant, non confessionnel et à vocation universelle.

● Il faut donc rappeler les risques que présentent la tentation de prise de contrôle par l’État, au motif « d’améliorer le pilotage », par exemple en plaçant la programmation culturelle des Alliances sous le contrôle des postes diplomatiques ou de l’Institut français de Paris. Une telle approche centralisatrice irait directement à l’encontre du caractère propre des Alliances, que l’on pourrait qualifier tout autant de françaises que de francophones, en ce qu’elles sont très proches de la France mais ne lui appartiennent pas. Les rapporteurs appellent donc le ministère de l’Europe et des affaires étrangères à respecter la cartographie actuelle des Alliances et, lorsqu’il souhaite développer le réseau culturel français, de recourir à la création d’Alliances, en recherchant des partenaires sur place, plutôt que de doter systématiquement les postes diplomatiques de nouveaux Instituts. Les Alliances françaises existent grâce à des initiatives individuelles et illustrent de façon éminente le fait que la francophonie doit être partagée et ne saurait être imposée.

Proposition : Continuer à renforcer le réseau culturel extérieur de la France et préserver en son sein l’autonomie des Alliances françaises, qui émanent des sociétés civiles francophones et francophiles.

ii.   Faire de l’enseignement du et en français un atout pour l’employabilité

● En proposant, à l’étranger, des cours de français ou des activités culturelles en français, les Instituts français et les Alliances français ne se contentent pas de projeter une langue et une culture parées des oripeaux de l’élitisme. Ils s’efforcent de répondre aux besoins des populations, dans toute leur diversité.

Dans les espaces plurilingues de la francophonie, le français qui cohabite avec les langues nationales africaines ou avec l’anglais ne peut se présenter comme langue exclusive d’accès à la culture ou à l’universel. Il doit aussi être une langue utile : les familles et les communautés locales ne se sentent impliquées dans l’apprentissage du français que lorsqu’il permet de progresser, dans l’administration et dans les secteurs de l’économie formelle, c’est-à-dire, lorsque « langue nourrit l’homme » pour reprendre l’expression du linguiste congolais et professeur invité au Collège de France Salikoko Mufwene.

● Le développement d’une offre de cours de français répondant en particulier aux besoins de formation tout au long de la vie est, au demeurant, devenu une des lignes directrices des activités de nombreux postes diplomatiques. Dans ce but, la Chambre de commerce de Paris et l’Institut français de Paris ont élaboré le dispositif « Les clés du français pro » à destination des acteurs de la coopération éducative à l’étranger.

Les rapporteurs peuvent donner en exemple les succès rencontrés par l’antenne de Saint-Louis de l’Institut français du Sénégal qui a développé une offre de cours de français sur objectifs spécifiques, permettant la montée en compétences de salariés du secteur agro-alimentaire de la Compagnie sucrière du Sénégal, dont les coûts sont, à 80 %, pris en charge par l’organisme sénégalais de financement de la formation professionnelle.

De même, outre les candidats aux études à l’étranger dans un pays francophone, une part croissante du public qui fréquente les centres de langue ou les médiathèques des Instituts français et des Alliances dans l’espace francophone est composée d’adultes qui cherchent améliorer leur prise de parole en public en français et à progresser professionnellement.

La valorisation des atouts des formations de français à usage professionnel permet ainsi de dépasser l’image traditionnelle d’une langue académique ou élitiste vers une fonction favorable à l’employabilité, aux mobilités professionnelles et étudiantes. Loin d’être une projection de l’extérieur, l’action culturelle de la France dans l’espace francophone n’y est légitime, et n’y est financièrement soutenable, que lorsqu’elle répond à des attentes et aux besoins locaux.

Les rapporteurs invitent donc le ministère de l’Europe et des affaires étrangères à appuyer, au sein du réseau des Instituts français et des Alliances françaises, les initiatives répondant aux besoins d’enseignement du français professionnel. Ils suggèrent d’identifier, parmi les financements alloués au réseau culturel par l’administration centrale ou par l’Institut français de Paris, un programme de cofinancement des initiatives innovantes en la matière.

● Il faut également souligner que pour que le français soit pleinement perçu comme une langue qui offre des opportunités, il ne saurait être placé en opposition complète avec l’anglais, langue dont l’utilité au plan professionnel ne fait de doute pour personne, pas moins en France que dans l’ensemble de la francophonie…

Tout comme les Français, les Africains ont le droit d’apprendre l’anglais, et, comme le rapporteur Aurélien Taché a pu le constater lors de son déplacement à Kinshasa, nombre d’élèves francophones s’efforcent, lorsqu’ils ont accès à de telles ressources, de suivre à la fois des cours améliorant leurs niveaux en français et des cours d’anglais : ils cherchent ainsi à devenir entièrement bilingues français et anglais et à se donner les moyens de débuter leurs études dans des universités anglophones d’Afrique de l’Est, se plaçant ensuite en bien meilleure position pour être candidats à des mastères en France ou au Canada.

Dans la plus grande partie de l’espace francophone, l’employabilité exige au demeurant moins le biliguisme français-anglais qu’un trilinguisme comportant une des langues nationales autres que le français.

Il convient donc de s’assurer que les cursus scolaires et universitaires auxquels les services de coopération et d’action culturelle français apportent un soutien dispensent le plus possible des modules non seulement en français mais également dans une autre langue nationale et en anglais. C’est une garantie que ces programmes maximiseront l’employabilité des étudiants qui les suivent et demeureront attractifs.

Proposition : Faire de l’enseignement du et en français un atout pour l’employabilité en :

- appuyant les actions répondant aux besoins de l’enseignement du français professionnel et en finançant un programme de soutien des initiatives innovantes en la matière ;

- accroissant la dimension trilingue des cursus universitaires et professionnalisants des pays francophones, en incluant des modules en langue locale et en anglais.

La recommandation des rapporteurs rejoint au demeurant les nombreuses propositions en ce sens figurant dans les principaux rapports sur la francophonie, présentés aux pouvoirs publics en France ces dernières années, et récapitulées dans le tableau ci-après.

Recommandations convergentes et rÉpÉtÉes relatives À l’enseignement du français professionnel dans les prÉcÉdents rapports sur la francophonie

Juillet 2012

Assemblée parlementaire de la francophonie, commission éducation, communication et affaires culturelles. Mme Henriette Martinez. Francophonie culturelle, francophonie économique : antagonisme ou complémentarité ?

- favoriser les liens entre entreprises francophones, instituts français et alliances françaises afin de promouvoir des cours adaptés aux situations rencontrées dans le travail

- promouvoir et développer la certification des formations afin que les entreprises puissent contrôler et évaluer leur investissement en formation francophone et permettre aux salariés de devenir titulaires de diplômes reconnus internationalement

Août 2014

Rapport de M. Jacques Attali au président de la République François Hollande. Francophonie et francophilie : moteurs de croissance durable.

- développer l’offre d’apprentissage du français professionnel au sein des instituts français, des alliances françaises et des groupes français privés dans les pays émergents

Février 2017

Sénat, commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Rapport d’information de M. Louis Duvernois et Mme Claudine Lepage. Francophonie : un projet pour le 21e siècle.

- répondre à la demande croissante de certification en français professionnel

- sensibiliser les entreprises françaises mondialisées à l’usage de la langue française et y développer le plurilinguisme

Novembre 2019

Assemblée parlementaire de la francophonie.

Région Europe.

MM. Sorin Cimpeau, Hamza Fassi-Fihri et Bruno Fuchs. Promouvoir le français et le multilinguisme dans les institutions européennes.

- utiliser le levier de la formation linguistique pour doter le français langue d’intégration d’une dimension professionnelle

Juin 2024

Avis du Conseil économique, social et environnemental présenté par M. Jean-Lou Blachier. L’espace francophone : relever les défis économiques et numériques pour assurer son dynamisme.

- développer l’enseignement professionnel et lier apprentissage de la langue et mises en situation professionnelle

iii.   Donner de la visibilité à la priorité africaine de la politique culturelle française

● Dans un contexte de forte dégradation de l’image de la France en Afrique, notamment auprès des plus jeunes générations, et, symétriquement, de réflexes de repli et de peurs obsidionales en France, la politique culturelle française doit donner toute sa place à la dimension africaine des cultures françaises et francophones. De fait, « l’exception culturelle française » est déjà, par maints aspects, une exception culturelle francophone et franco-africaine.

Par exemple, le Fonds jeune création francophone du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) soutient les auteurs émergents et producteurs d’Afrique francophone, de l’océan Indien, et d’Haïti. S’y ajoutent le fonds Image de la francophonie de l’OIF ou encore le dispositif Aide aux cinémas du monde, cofinancé par le CNC et l’Institut français.

Le soutien aux artistes du monde francophone en France se fonde sur trois pôles nationaux de référence pour la création francophone : le festival Les francophonies, des écritures à la scène, à Limoges ; le Centre national des écritures du spectacle de La Chartreuse à Villeneuve-lès-Avignon ; et la Cité internationale des arts de Paris. Ils servent de plateformes de promotion de jeunes talents et de lieux d’émergence pour des artistes appelés à circuler et à diffuser leurs créations au sein de l’espace francophone.

Les rapporteurs appellent à accentuer la dimension francophone de la politique culturelle française, en accroissant la prise en compte des coproductions francophones, en facilitant les circulations d’artistes ou encore, en donnant plus de visibilité, parmi les productions qui ne sont pas en langue française, à celles des langues nationales des pays francophones… Il faut aussi lever les obstacles à la circulation des livres alors que les barrières liées aux coûts d’édition et aux cessions de droits accentuent les effets de centralité de l’édition parisienne au sein de l’espace francophone. L’exception culturelle francophone devra donc inclure une politique publique du livre garantissant la circulation des œuvres, leur visibilité dans l’ensemble de l’espace francophone et soutenant par exemple les coéditions.

En outre, de nombreux intervenants rencontrés au Maroc et au Sénégal ont insisté sur la nécessité de manifester une plus forte égalité de traitement des auteurs et éditeurs en langue française qui ne sont pas établis en France, aux plans matériels comme symboliques.

Á défaut, le risque est grand que le qualificatif de « francophone » ne soit perçu comme une façon de reléguer en position subalterne ceux qui n’émaneraient pas d’un centre « franco-français », sur le modèle de l’élitisme et du centralisme parisiens qui ont si longtemps marqué la vie culturelle de notre pays, en contradiction avec les valeurs d’universalisme et d’égalité proclamées par ailleurs.

Proposition : Accentuer la composante francophone de la politique culturelle française.

● Il reste que l’appétence, en France, pour les créations de l’espace francophone est indéniable, loin de l’image d’un pays refermé sur lui-même véhiculée par certains médias, comme l’atteste le succès de la Saison Africa2020.

Cette grande Saison culturelle organisée par l’Institut français de Paris a ainsi accueilli en France les créateurs des cinquante-quatre pays du continent africain, francophones ou non, et a invité le public à voir le monde d’un point de vue africain avec 1 500 événements culturels, scientifiques, éducatifs et entrepreneuriaux. Elle a rassemblé, dans 210 villes, 4 millions de spectateurs.

Il importe donc de relever pleinement le défi de la création de la Maison des mondes Africains – MansA ([49]), issu d’une préconisation de l’universitaire camerounais Achille Mbembé figurant dans son rapport au président de la République sur Les nouvelles relations Afrique-France([50]).

Ce centre pluridisciplinaire qui a vocation, selon sa directrice, la journaliste et réalisatrice franco-sénégalaise Liz Gomis, à devenir un « QG permanent » des cultures africaines en France, cherche encore un local permanent à Paris mais déploie avec succès ses premières activités dès cette année, dont une participation à la Saison France-Brésil explorant les liens de « l’ Atlantique Noir », une exposition sur le Paris Noir (1947‑1991) au Centre Pompidou ou encore une participation au forum Creation Africa de Lagos au Nigeria en fin d’année.

Les rapporteurs saluent également le fait que l’Institut français de Paris fasse figurer l’Afrique au premier rang de ses priorités géographiques, ce qui s’inscrit pleinement dans l’objectif, assigné à cet établissement, de renforcer le dialogue entre les cultures, les langues et les sociétés.

À ce titre, outre les nombreux dispositifs de coopération culturelle qu’il déploie ou soutient, l’Institut français a initié, entre 2022 et 2024, un cycle de forums régionaux de rencontres et de débats entre les acteurs des sociétés civiles africaines, françaises et européennes, baptisés Notre Futur — Dialogues Afrique-Europe, qui ont donné lieu à six éditions.

La dernière de ces éditions, à Cotonou en juin 2024, a justement permis aux jeunesses africaines de débattre des enjeux de la langue française sous tous leurs angles : historiques, mémoriels, politiques, éducatifs, économique et dans une perspective non pas étroitement franco-africaine mais d’abord panafricaine, attestant du fait qu’en Afrique, la langue française, est aujourd’hui d’abord une langue qui unit à d’autres africains.

● Enfin, la densité et la richesse des programmations culturelles dans certains pôles avancés de l’espace francophone, comme le Marché des arts du spectacle africain (MASA) d’Abidjan en Côte d’Ivoire, le festival les Récréâtrales à Ouagadougou au Burkina Faso, l’Africa Prod Fest au Cameroun ou la Biennale de Dakar au Sénégal, ne doivent pas masquer une réalité beaucoup plus difficile et marquée par de fortes inégalités.

Le partage de la langue et de la culture passe d’abord par l’accès au livre, dès le plus jeune âge, et les bibliothèques, médiathèques et centres de documentations manquent cruellement dans des régions entières.

Lors du déplacement de la mission en RDC, il a fréquemment été fait état du manque de bibliothèques scolaires et de la perte de dynamisme des Centres de lecture et d’animation culturelle (CLAC), qui, après avoir été déployés avec succès par l’OIF il y a plusieurs décennies, périclitent faute de bénéficier de financements de fonctionnement pérennes. L’Institut français de Kinshasa envisage ainsi de reprendre le centre de Kolwesi, en déshérence, pour le constituer en « tiers lieux » culturel, avec l’appui de partenaires francophones comme la coopération belge.

Il importe donc de multiplier les initiatives de ce type et de renforcer le réseau des CLAC et les rapporteurs soulignent, que, de manière générale, la coopération culturelle de la France doit s’efforcer d’améliorer l’articulation entre les projets soutenus par la coopération bilatérale et les initiatives multilatérales.

Proposition : Systématiser les partenariats entre les réseaux culturels des États francophones et l’OIF, dans une logique de complémentarité entre le bilatéral et le multilatéral, pour dynamiser et relancer les Centres de lecture et d’animation culturelle (CLAC).


2.   Acter la copropriété de la langue par ceux qui ont le français en partage

Si la France reste, en 2025, le pays où résident le plus grand nombre de francophones, cette place sur le « podium » lui est d’ores et déjà ravie par le bassin du Congo dans son ensemble, et, à n’en pas douter, d’ici quelques années, par la RDC prise isolément. En tout état de cause, la France, comme chaque pays de l’espace francophone, a désormais « le français en partage » pour reprendre la dénomination retenue par les sommets des chefs d’État et de gouvernement de la francophonie.

Les rapporteurs appellent à tirer les conséquences de cette copropriété de la langue française sur les projets engagés par les francophones afin de congédier définitivement les représentations de la langue française comme un legs colonial.

Il s’agit de permettre que le plus grand nombre de nos contemporains francophones, puissent enfin partager la déclaration d’Aimé Césaire, faite, en 2005, à Abdou Diouf : « J’ai longtemps été opposé à la francophonie, je considérais que c’était du néocolonialisme. Eh bien, j’ai changé d’avis ! Je trouve aujourd’hui que c’est une idée de modernité, qui va dans le sens de la diversité et du dialogue des cultures que je mets au-dessus de tout. Elle respecte nos cultures nationales ». ([51])

a.   Créer une « Académie francophone des langues »

● En Afrique, qui devient l’épicentre de la francophonie, les contextes locaux sont essentiellement plurilingues, ce qui contribue à accroître la variété des usages du français. Les néologismes et emprunts aux langues africaines résultent de l’usage de notre langue et contribuent à sa vitalité.

Des mots français peuvent y être détournés de leur sens premier ou créés de toutes pièces : le français africanisé est ainsi un français métissé dont le lexique, la grammaire et la syntaxe sont tirés tant du français que des langues africaines, et que Léopold Sédar Senghor qualifiait de « rendez-vous du donner et du recevoir » et de langue de la « civilisation de l’Universel ».

Selon les analyses établies par l’Observatoire de la langue française de l’OIF, il serait néanmoins exagéré d’affirmer que cela conduirait à ce qu’émergent des langues françaises différentes au sein de l’espace francophone. Si des hybridations importantes sont présentes principalement à l’oral, le français appris à l’école reste normé, et les rapporteurs peuvent témoigner de l’attachement qu’y portent les enseignants africains rencontrés lors des déplacements de la mission tant à Rabat, qu’à Kinshasa ou à Saint-Louis du Sénégal. En outre, la hausse de la scolarisation en Afrique signifie que de plus en plus d’Africains apprennent le français dans un contexte formel, ce qui contrebalance les effets des hybridations.

 

● Il n’en demeure pas moins nécessaire de décentrer le regard sur la langue française et rompre pour de bon avec son héritage colonial, afin de montrer la richesse et la diversité de ses formes dans les différents contextes et les différentes dimensions, notamment sociales, de l’accès à langue et de ses usages.

Aujourd’hui, ces enjeux sont abordés de façons fragmentées et peu lisibles, avec des initiatives louables comme le dictionnaire collaboratif des francophones (DDF) présenté dans l’encadré suivant. Il en va de même de la programmation, encore en devenir, de la Cité internationale de la langue française visant à valoriser la diversité des créations francophones, ainsi que de nombreux travaux universitaires sur la didactique des langues.

Ces initiatives ne modifient cependant pas la perception d’une langue française propriété de la France, au risque parfois de sa muséification dans une démarche patrimoniale ou conservatrice, même si les rapporteurs peuvent attester que tant Amin Maalouf, secrétaire perpétuel de l’Académie française que Paul Rondin, directeur de la CILF s’efforcent de conjurer ces travers.

Il paraît donc nécessaire de structurer un nouvel espace qui formaliserait une mise en relation pérenne de personnalités issues de tous les pays de la francophonie intervenant dans les domaines des lettres, de la poésie de la chanson, de l’éducation mais aussi de l’histoire et de la sociologie des langues.

Dictionnaire des francophones (DDF)

Le dictionnaire des francophones (lien) est un dictionnaire collaboratif numérique ouvert qui a pour objectif de rendre compte de la richesse du français parlé au sein de l’espace francophone. Il prend la forme d’un site internet et d’une application, disponible sur téléphones et tablettes. Il est gratuit et sans publicité. Il donne accès aux définitions des mots utilisés dans tout l’espace francophone.

Il est pensé comme un outil informatique permettant de consulter simultanément plusieurs dictionnaires et bases de mots de la langue française telle qu’elle est parlée aujourd’hui dans sa diversité géographique, culturelle et sociale. Cette base de données relationnelle est enrichie par un espace participatif ouvert au grand public qui permet l’ajout de définitions et de nouveaux mots.

Annoncé dans le discours du 20 mars 2018 du président de la République à l’Institut de France, un mandat a été confié à la DGLFLF et à un comité de pilotage interinstitutionnel qui a choisi comme opérateur l’Institut international pour la francophonie (2IF), composante de l’université Jean Moulin Lyon 3. Bernard Cerquiglini en a présidé le conseil scientifique. Le projet a été établi en partenariat avec l’OIF, l’AUF, l’infrastructure Huma-Num du CNRS, l’Institut français, la Fondation des Alliances françaises, TV5 Monde et France Médias Monde.


● Les rapporteurs proposent donc de créer une « Académie francophone » ou « Académie francophone de la langue » ou « Académie francophone des langues » qui ne remplacerait pas nécessairement l’Académie française ni les autres académies actuelles des pays francophones, comme l’Académie royale de Belgique ou diverses sociétés savantes, mais qui fournirait un nouvel espace de dialogue actant la fin d’une certaine forme de centralisation parisienne d’un autre âge.

La mise en place d’une telle académie francophone devrait résulter d’une démarche autonome, distincte de celles des États, actant le fait que la langue française appartient à tous les francophones et se développe dans des espaces multilingues, en relations et parfois en conflit avec d’autres langues nationales ou d’autres langues internationales.

Cette structure serait reconnue par la Charte de la francophonie et disposerait d’un siège ailleurs qu’en France. Elle serait composée d’écrivains, poètes, linguistes, universitaires, ayant écrit en français dans les pays membres de la francophonie, avec des réunions le cas échéant itinérantes dans des instances académiques ou universitaires des pays membres.

Compte tenu de la diversité des contextes que cette institution devra incarner, les rapporteurs invitent à la mise en place de formats innovants pour en assurer la pertinence et la légitimité. Les membres de cette académie pourraient donc être désignés la suite d’une procédure ad hoc, certains éventuellement délégués par des structures existantes, comme l’Académie française, d’autres désignés par des conférences universitaires des États membres, d’autres encore à la suite de consultations auprès des jeunesses des pays membres...

Il sera nécessaire d’assurer une visibilité et une résonance importantes à cette institution, par la publicité de ses travaux, des communications en formats adaptés aux usages de tous les publics, une forte dimension participative, le cas échéant par des partenariats avec des grands médias francophones.

Sans dicter a priori le contenu de ses travaux, les rapporteurs suggèrent d’envisager que l’Académie francophone se voie confier la mise en œuvre et le développement de programmes existants, comme le dictionnaire des francophones ou certaines bourses de recherche transférés par des structures issues des États membres et qui en gagneraient ainsi plus d’impact et de visibilité. La constitution d’un groupe international d’académiciens et d’académiciennes francophones donnerait forme à toute la diversité et la richesse de l’espace francophone et serait aussi un utile contrepoids par rapport aux approches provincialistes ou nationalistes.

Proposition : Créer une « Académie francophone des langues ».

 


b.   Les réflexions entourant les trente ans de la loi Toubon doivent s’inscrire dans une perspective internationale

● La loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite loi Toubon ([52]) pose, dès son article premier, le principe selon lequel le français est « la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics » et également « le lien privilégié des États constituant la communauté de la francophonie ». Les rapporteurs soulignent tout particulièrement ce lien établi alors par le législateur entre le « droit au français » qu’il s’agissait de garantir à nos concitoyens dans la vie quotidienne et le partage de cet enjeu avec l’ensemble des francophones.

Ainsi que Paul de Sinety, délégué général à la langue française et aux langues de France l’a fait valoir lors de son audition par les rapporteurs, la loi Toubon est une loi de cohésion sociale qui vise à mettre en œuvre le principe d’égalité, car elle permet à tous d’accéder, dans la même langue, aux services publics, aux produits de consommation, à l’éducation, aux loisirs ainsi qu’aux soins et services de santé. Et cette garantie d’égalité n’est nullement un obstacle à la promotion concomitante du plurilinguisme, notamment les langues de France.

● Depuis trente ans, cette loi constitue un socle juridique essentiel pour valoriser la langue française mais elle présente aujourd’hui de nombreuses limites :

– elle est insuffisamment contrôlée et son régime de sanctions pénales et administratives est peu appliqué, de sorte que des personnes publiques s’affranchissent de plus en plus des obligations qui pèsent sur elles en matière de marques ou de slogans publicitaires ;

– son champ d’application ne couvre pas un certain nombre d’activités privées rendant des services publics, ou liées à la politique culturelle, ni entièrement les collectivités territoriales et la fonction publique hospitalière ;

– le texte comporte de nombreuses lacunes rédactionnelles ainsi que des dispositions imprécises ou ambiguës, limitant sa portée ;

– la loi peine à s’appliquer dans les nouveaux espaces numériques qui, par essence, sont transnationaux et peu régulés et ne traite pas, par exemple, de la publicité en ligne, mais seulement des supports écrits, oraux ou audiovisuels.

La délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF)

La DGLFLF est chargée de conduire la politique de la langue du ministère de la culture. Elle a pour objectifs de garantir dans notre pays l’emploi de la langue française, comme élément de la cohésion sociale, dans une perspective d’ouverture aux autres langues et de renforcement des solidarités francophones. À ce titre, la DGLFLF a pour mission de :

– garantir un « droit au français », c’est-à-dire le droit de recevoir une information et s’exprimer dans sa langue ; à ce titre, elle veille à l’application de la loi Toubon et s’assure de l’exemplarité de l’État dans l’emploi de la langue de la République ;

– favoriser l’appropriation et la maîtrise de la langue française pour améliorer l’insertion dans la vie sociale, professionnelle et culturelle ;

– coordonner le réseau en charge de l’enrichissement terminologique de la langue française (dont la commission d’enrichissement de la langue française) qui vise à disposer de termes français pour désigner les réalités scientifiques et techniques contemporaines ;

– développer les données scientifiques permettant d’observer les pratiques linguistiques, la place et l’évolution des langues parlées en France ;

– renforcer le sentiment d’appartenance à la francophonie et nouer de nouvelles solidarités autour d’une langue partagée ;

– mettre en place une stratégie numérique pour la langue française et le plurilinguisme, prenant appui sur les avancées de l’intelligence artificielle.

La DGLFLF partage des expertises et des projets au sein du réseau francophone des « Organismes de politique et d’aménagement linguistiques » ou de la Fédération européenne des institutions linguistiques nationales.

● Les rapporteurs soulignent que si la loi du 22 juillet 2013 ([53]) relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite loi Fioraso, a apporté des assouplissements justifiés en matière d’enseignement supérieur, notamment pour permettre aux universités françaises d’accueillir des étudiants anglophones, il n’existe aucun contrôle de l’application des obligations définies par la loi qui dispose que « les étudiants étrangers bénéficiant de formations en langue étrangère suivent un enseignement de langue française lorsqu’ils ne justifient pas d’une connaissance suffisante de cette dernière » (article L. 121-3 du code de l’éducation). En outre, de nombreuses écoles privées, notamment de commerce, n’enseignent désormais plus qu’en anglais.

Les rapporteurs appellent donc à accorder une attention prioritaire au respect par les établissements de l’enseignement supérieur de leurs obligations en la matière et suggèrent que, dans le cadre d’une réforme d’ensemble de la loi Toubon, les autorités publiques puissent être habilitées à contraindre, au cas par cas, ces établissements à dispenser un quantum minimal de cours en langue française.

 

La loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, dite « Loi 96 »

Adoptée le 24 mai 2022 par l’Assemblée nationale du Québec, à l’initiative du gouvernement du parti Coalition Avenir Québec, la loi 96 élève la Charte de la langue française (la « loi 101 » en vigueur depuis 1977) au rang de loi fondamentale de la Province du Québec, et crée :

– un ministère de la Langue française ;

– ainsi qu’un commissaire à la langue française, nommé par l’Assemblée nationale du Québec, chargé d’évaluer la situation linguistique du territoire.

La loi étend les compétences de l’Office québécois de la langue française (OQLF) chargé de faire respecter les exigences linguistiques.

La loi donne à l’administration l’obligation d’utiliser le français « de façon exemplaire et exclusive », sous réserve de certaines exceptions.

La loi étend l’obligation des entreprises à utiliser le français dans les relations commerciales et de travail : information et service des clients en français ; communication en français avec les salariés du Québec, normes d’embauche (publication des offres d’emploi en français et limitation des cas où la connaissance d’une langue autre que le français est exigée comme condition d’emploi).

Le seuil à partir duquel les entreprises deviennent assujetties à l’obligation de se soumettre à un « programme de francisation » auprès de l’OQLF visant à généraliser l’usage du français dans leurs activités au Québec est abaissé de 50 à 25 employés.

Dès 2025, l’usage du français dans l’affichage public doit répondre à l’objectif de « nette prédominance » au lieu de la « prédominance » attendue jusqu’alors, avec plus d’obligations de traduction (emballages, étiquetages, signalisation publique).

Les résidents du Québec acquièrent le droit d’engager des poursuites devant les tribunaux en cas de violation des dispositions de la Charte, avec application d’injonctions, de dommages-intérêts et de dommages-intérêts punitifs…

La loi encadre le développement des établissements d’enseignement collégial les « Cegep », établissements d’enseignement supérieur de premier degré, souvent anglophones, et impose à leurs élèves de suivre des cours enseignés en français ou des cours complémentaires de français.

Au sein du ministère de l’immigration, de la francisation et de l’intégration, Francisation Québec est institué comme unique point d’accès gouvernemental pour les personnes souhaitant recevoir des services d’apprentissage du français.

Enfin, la loi assigne au Québec un rôle dans l’essor des communautés francophones et acadiennes du Canada et dans la promotion et la valorisation du français à l’étranger.

● Les rapporteurs invitent donc à engager sans tarder le chantier important de la refonte et de la modernisation de la loi Toubon et suggèrent de s’inspirer, dans ce but, du travail considérable mené par nos partenaires francophones, en particulier au Québec avec la récente loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, dite « Loi 96 », présentée dans l’encadré ci-dessus, qui garantit le droit à l’usage du français dans les activités professionnelles et dans le commerce et vise à en assurer la « nette prédominance » dans l’espace public.

Ils recommandent tout particulièrement de consolider le rôle de pilotage interministériel de la DGLFLF, dont les missions pourraient être renforcées en s’inspirant du modèle de l’OQLF et du commissaire à la langue française récemment institué par la loi 96.

Ils suggèrent ainsi de faire de la DGLFLF un service interministériel placé sous l’autorité du premier ministre afin de renforcer ses prérogatives.

Propositions :

 Engager, en s’inspirant de la législation québécoise, le chantier de la réforme et de la modernisation de la loi Toubon dans l’ensemble de ses dimensions : présence de la langue française dans l’espace public, au travail, dans les médias numériques ainsi que dans les services publics, dont l’enseignement supérieur…

 Renforcer les missions et les moyens de la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), en plaçant ce service interministériel sous l’autorité du premier ministre.

  1.   Valoriser la contribution des outre-mer et des territoires créolophones

● Dans leur diversité, les outre-mer sont comme un condensé de nombre des enjeux de l’espace francophone : une histoire marquée par la colonisation ou l’esclavage ; l’importance du plurilinguisme et notamment celui du créole français parlé par ailleurs par environ quinze millions de personnes dans le monde ([54]), ou encore des enjeux de coopération régionale. Les outre-mer incarnent ainsi la pluralité des visages de la France ainsi que la pluralité des langues de France, dont les deux tiers proviennent des territoires ultramarins.

● Auditionnée par les rapporteurs, Mme Huguette Bello, présidente de la région Réunion, a ainsi fait valoir avec force que La Réunion, dont « l’histoire est française, mais la géographie africaine » retrouve, dans les pays anciennement colonisés membres de la francophonie, un héritage commun et un peuplement partagé. La Réunion a ainsi fait du développement de la francophonie un des axes prioritaires de son action internationale, voyant dans la langue française son meilleur facteur d’insertion régionale et d’attractivité.

Depuis vingt-cinq ans, La Réunion apporte son soutien à un centre local de France Éducation international, situé au Tampon et qui est la seule antenne décentralisée de FEI, en charge de la coopération éducative en Afrique australe et dans l’océan Indien, en particulier avec Madagascar.

Par la mobilisation des fonds européens du programme Interreg VI 2021-2027, La Réunion contribue également directement aux coopérations francophones dans la zone, à travers par exemple la mobilité de volontaires de solidarité internationale en Afrique australe et dans l’océan Indien, ou des mobilités d’étudiants et de personnels entre l’université de La Réunion et vingt-et-un établissements des neuf pays de la zone.

Le projet de convention de partenariat entre La Réunion et l’OIF

La Réunion s’est rapprochée de la représentation pour l’océan indien de l’OIF, basée à Antananarivo, afin d’élaborer un accord de coopération dont les axes principaux sont :

– l’économie bleue, pour la formation des jeunes de la région aux métiers de la mer et le soutien à l’entrepreneuriat innovant des jeunes ;

– la langue française, pour des formations à l’attention des diplomates, cadres francophones en charge de relations internationales, enseignants et acteurs des médias des pays de l’océan Indien ;

– la promotion des échanges culturels et des séjours linguistiques entre les jeunes de la région à travers les centres de lecture et d’animation culturelle (CLAC) de l’OIF ;

– l’autonomisation économique des femmes, avec le soutien des femmes à responsabilités, ainsi que l’insertion et l’autonomisation des femmes par l’économie en lien avec le programme de l’OIF La francophonie avec Elles ;

– le tourisme durable avec la promotion des destinations de l’océan Indien et un projet d’appui aux femmes dans le domaine de l’agroécologie.

La signature de cette convention devrait intervenir prochainement, après avoir été initialement envisagée dans la perspective du sommet de Villers-Cotterêts puis pour le sommet de la Commission de l’océan Indien à Madagascar de mars 2025.

Les rapporteurs soutiennent la revendication, partagée par l’ensemble des élus réunionnais, que La Réunion soit autorisée à conduire, par délégation de l’État, la délégation française au sein de la commission de l’océan Indien (COI), une des rares organisations d’intégration régionale à avoir le français comme seule langue officielle ([55]).

Afin de maximiser la coopération régionale francophone au cœur de l’océan Indien, ils plaident concomitamment pour que la participation de la France à la COI soit reconnue au titre de Mayotte et non plus seulement de La Réunion, nonobstant le conflit qui oppose la France aux Comores à ce sujet.

● Les mêmes enjeux de coopération régionale se posent dans les Caraïbes, où les collectivités françaises d’outre-mer pourraient développer des liens de coopération plus forts avec leurs voisins.

À cet égard, l’adhésion en février 2025 de la Martinique en tant que membre associé au sein de la communauté des Caraïbes (CARICOM) – après treize ans de négociations – est particulièrement bienvenue. Elle pourrait être suivie par la Guyane puis par la Guadeloupe. Les rapporteurs relèvent que les travaux au sein de la CARICOM se font entièrement en anglais depuis la fin du financement par l’Union européenne du « Caribbean Translation Institute ». Parmi les membres de la CARICOM, seuls le Suriname, Haïti et Curaçao, et bientôt la Martinique, ne sont pas des anciennes colonies britanniques anglophones.

Proposition : Valoriser la contribution des outre-mer à la francophonie, par des partenariats avec l’OIF et en les habilitant à représenter la France au sein des organisations de coopération régionale de leurs zones géographiques.

● Les rapporteurs se félicitent que la Polynésie française ait pu rejoindre la francophonie à l’occasion du sommet de Villers-Cotterêts, comme membre observateur dans un premier temps (voir infra([56]).

Ils soulignent que, devenue membre associé de l’OIF en 2016, avec le soutien du gouvernement français, la Nouvelle-Calédonie contribue elle-aussi au développement de la francophonie dans le Pacifique, en soutenant par exemple chaque année depuis 2008 le Forum francophone du Pacifique (FFP) qui y rassemble les principaux acteurs de l’enseignement et de la culture françaises.

De même, tant l’Assemblée nationale de la Polynésie française que le Congrès de la Nouvelle-Calédonie comprennent des sections membres de l’APF, la présidence du réseau des jeunes parlementaires de l’APF ayant été exercée, en 2024, par Pascal Sawa, président kanak de la commission des relations extérieures du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, auditionné par les rapporteurs.

Parmi les nombreuses conséquences de la crise majeure que l’archipel traverse depuis un an, figure le fait que le sommet de Villers-Cotterêts n’a pas fourni l’occasion, envisagée initialement par la France, de lui permettre de devenir membre de plein droit, au même niveau que les provinces canadiennes du Québec, membre de plein exercice depuis 1971, ou du Nouveau-Brunswick, membre de plein exercice depuis 1977.

Le rapporteur Aurélien Taché souligne que le contexte actuel de fortes tensions résulte du sentiment que les accords de Matignon n’ont pas été respectés alors qu’ils devaient permettre de faire valoir le droit à l’auto-détermination : les négociations en cours menées par le gouvernement, pourraient dès lors aboutir à la constitution d’un État associé à la France (la Nouvelle-Calédonie – Kanaky) selon les mêmes modalités de décolonisation que celles qui avaient rassemblé, de façon transitoire, les anciennes colonies dans une Union française. Ceci posera indéniablement la question du rehaussement du rang du futur État au sein de la francophonie.

La rapporteure Amélia Lakrafi objecte cependant que la situation de la Nouvelle-Calédonie, dépourvue de personnalité juridique internationale propre, est difficilement comparable à celle des provinces fédérées au sein du Canada, qui ont au demeurant eu l’accord du gouvernement fédéral pour être membres de plein droit de l’OIF. La question du devenir institutionnel de l’archipel, qui suscite de fortes tensions, appartient d’abord à ses habitants. Il s’agit d’un enjeu de politique intérieure sans rapport avec le positionnement au sein de la francophonie ou le rang en tant que membre de l’OIF.

Le rapporteur Aurélien Taché considère néanmoins que, quel que soit l’avenir politique de l’archipel, il fera toujours partie intégrante de l’espace francophone : dès lors, il lui paraît que permettre, dès le prochain sommet de la francophonie, le rehaussement du statut de la Nouvelle-Calédonie au même niveau que celui de l’ensemble des anciennes colonies françaises devenues membres de l’OIF, attesterait du fait que la francophonie est un espace de coopération égalitaire, se confrontant aux enjeux d’un monde décolonial.

Proposition du rapporteur Aurélien Taché : Dans le cadre du futur accord concernant l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, prévoir l’appui de la France au rehaussement de son statut au sein de l’OIF, du rang de membre associé à celui de membre de plein droit.

  1.   Faire de TV5 Monde un relais majeur de la création francophone

● Alors qu’en 2008, dans le rapport Pour une renaissance de la francophonie, déjà mentionné, Hervé Bourges pouvait déplorer, à bon droit, que « TV5 Monde apparaît plus comme une chaîne de télévision française que francophone », l’essentiel de ses programmes étant alors réalisé par France Télévisions, les rapporteurs ne peuvent que saluer l’approfondissement continu des partenariats de TV5 Monde avec le continent africain, opéré depuis au moins une décennie, notamment à l’initiative d’Yves Bigot, président-directeur général de la chaîne jusqu’à l’été 2024.

La chaîne soutient les rédactions de chaînes francophones africaines en fournissant gratuitement des magazines d’information à treize chaînes publiques et privées. Elle produit des magazines spécifiquement destinés au continent africain, avec Les Maternelles d’Afrique sur la maternité et la petite enfance, Wari sur l’économie, Bonne santé sur la santé et Stars Parade sur la musique.

Elle investit dans la production africaine originale, pour trois millions d’euros par an, notamment par des coproductions, avec la Côte d’Ivoire pour Ici c’est Babi et Un homme à marier ou avec la France, le Sénégal et le Burkina Faso pour la deuxième saison de la série Wara. En coproduction avec Mediawan Africa et l’État du Bénin, TV5 Monde conduit le projet de la première série quotidienne d’Afrique francophone qui permettra d’y renforcer le tissu industriel de production. L’offre cinéma de TV5 Monde est nourrie par le pré-achat de films africains et par des partenariats avec l’association des trophées francophones du cinéma, les Francofolies de Kinshasa et le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou.

Depuis 2017, TV5 Monde est partenaire du fonds pour la jeune création francophone, afin d’acquérir 75 % des créations cinématographiques et audiovisuelles soutenues par le fonds en Afrique subsaharienne et à Haïti.

Enfin, le fonds francophonie TV5Mondeplus soutient les œuvres de cinéastes des États du Sud afin de les diffuser en exclusivité en ligne sur la plateforme TV5Mondeplus et de proposer ainsi des « inédits », à la façon des grandes plateformes américaines. Ce fonds a été créé en 2021 à l’initiative du gouvernement du Canada. Administré par l’OIF, il a été doté de 600 000 euros en 2021 puis de 800 000 euros en 2022. En 2023, le fonds a pu aider neuf films et cinq séries provenant de dix pays éligibles. Depuis 2023, la France en est devenue le premier soutien financier, avec 300 000 euros fléchés depuis sa contribution à l’OIF. En 2024, 670 000 euros ont été confirmés, dont 400 000 euros de la France, 200 000 euros du Canada et 70 000 euros de la Suisse.

● La nouvelle présidente générale de TV5 Monde, Kim Younes, dont la nomination, le 2 octobre 2024, a été concomitante au sommet de la francophonie de Villers-Cotterêts, a élaboré un nouveau plan stratégique 2025-2028 qui devra prochainement être approuvé par les gouvernements bailleurs et le conseil d’administration.

Ce projet devra en particulier permettre la mise en œuvre deux décisions prises lors du sommet de Villers-Cotterêts :

– le renforcement de la distribution de la chaîne jeunesse TiVi5 au Maghreb en y promouvant le téléchargement de l’application correspondante et en y accroissant, sur la durée, l’achat, le préachat et la coproduction de séries d’animation en provenance du Maghreb. À cette fin, la France pourrait apporter une contribution spécifique de 300 000 euros issue de ses contributions à l’OIF ;

– le renouvellement de la gouvernance de TV5 Monde, qui devra travailler au rapprochement avec d’autres États membres de l’OIF et notamment des pays d’Afrique francophone, où son audience est large.

Alors que le capital du groupe est aujourd’hui détenu exclusivement par des pays du Nord, un élargissement de sa gouvernance doit en effet permettre à TV5 Monde de mieux refléter la diversité de la francophonie.

Évoquée depuis plusieurs années, la perspective de représenter l’Afrique subsaharienne au sein du conseil d’administration a buté jusqu’à présent sur l’obstacle du seuil minimal d’adhésion d’un demi-neuvième, soit 4,2 millions d’euros par an.

Ceci a conduit la direction de TV5 Monde, missionnée en ce sens par les pays bailleurs, à explorer la piste d’une adhésion simultanée, collective et solidaire, de plusieurs États africains. Ces États se répartiraient ainsi le financement du demi-neuvième et partageraient une présence tournante dans les instances de gouvernance.

Outre la Côte d’Ivoire, activement associée au projet, le Bénin, le Cameroun, la République démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville, le Gabon et le Sénégal ont été sollicités dès 2024, des discussions avec le Maroc ayant en outre été engagées en 2025.

La nouvelle contribution africaine sera fléchée au sein du budget de TV5 Monde et dédiée à des productions et coopérations en Afrique. Il pourra en résulter de nouvelles synergies opérationnelles, notamment dans le domaine de la coproduction pour valoriser, dans la programmation de la chaîne, la diversité géographique des contenus francophones, reflet de la diversité de ses audiences.

Saluant les évolutions déjà en cours, les rapporteurs et se félicitent de ces perspectives et soulignent que ces nouveaux partenariats devront respecter les plus hauts standards en matière d’indépendance éditoriale, de déontologie journalistique et de pluralisme de l’information, conformément à la Charte de TV5 Monde.

Proposition : Conforter l’évolution en cours de TV5 Monde afin de lui permettre d’être un relais important de la création francophone, en linéaire et sur sa plateforme TV5MondePlus, et en ouvrant sa gouvernance à des médias publics africains.

B.   Les francophones doivent faire de grandes choses ensemble

Les rapporteurs considèrent qu’une francophonie rénovée doit faire vivre un multilatéralisme de projets, loin des sommets internationaux souvent sans lendemains, auxquels peut s’appliquer la formule : « litanie, liturgie, léthargie ».

Le partage de la langue française doit faciliter la mise en œuvre d’initiatives politiques communes signifiantes, dans un cadre souple, portées par des groupes de partenaires diversifiés qui n’ont pas à être d’accord sur tout, dès lors qu’ils partagent un même respect des grands principes de la Charte de la francophonie.

Dans une approche authentiquement multilatérale, la France doit pouvoir faire le pari d’une communauté francophone propice à des projets dont elle ne serait pas forcément à l’initiative, mais dont l’enjeu est qu’ils soient véritablement à l’échelle des défis de l’espace francophone.

Les rapporteurs souhaitent illustrer quelques dimensions prioritaires de ce « réflexe francophone » particulièrement porteur d’avenir.

Les principales échéances de la francophonie en 2025

En 2025, la principale échéance de la francophonie sera la Conférence ministérielle de la francophonie (CMF) dont il est actuellement prévu qu’elle se tienne à Kigali à l’automne.

La France en transmettra la présidence, qu’elle occupe depuis la CMF de Yaoundé de novembre 2023, au Cambodge, pays organisateur du XXe sommet en 2026.

À cette occasion, devrait se tenir la deuxième édition de FrancoTech, qui sera portée par l’Alliance des patronats francophones avec l’accord de l’OIF.

L’inauguration du nouveau campus de l’université Senghor d’Alexandrie à Borg El Arab est attendue courant 2025. La date sera arrêtée par la secrétaire générale de la francophonie et le président égyptien Sissi.

S’ajoutent les rendez-vous annuels majeurs des différents acteurs de la Charte de la francophonie :

– en avril, la session ministérielle de la CONFEMEN au Cameroun ;

– en mai, la 40e réunion ministérielle de la CONFEJES au Maroc et le bureau de l’assemblée générale de l’AIMF ;

– en juin, la Rencontre des entrepreneurs francophones (REF) en République du Congo ;

– en juillet, la session de l’Assemblée parlementaire de la francophonie à Paris ;

– en novembre, au Sénégal, la Semaine mondiale de la francophonie scientifique et la réunion de l’assemblée générale de l’AUF, qui verra l’élection du nouveau président de l’agence.

1. La francophonie doit participer à la prévention et au règlement des conflits

Les rapporteurs s’accordent pour considérer qu’il ne faut sous-estimer ni le potentiel de la francophonie comme organisation internationale, ni la profondeur de la crise qu’elle traverse.

En Afrique, l’OIF n’a non seulement pas été en mesure jouer le rôle qu’elle pouvait ambitionner d’être un médiateur permettant le règlement de conflits à l’échelon régional, comme le sommet de Villers-Cotterêts l’a malheureusement illustré, mais l’institution est directement mise en cause, un narratif anti-OIF se mêlant parfois à un narratif anti-français.

Ceci concerne en particulier deux crises d’une gravité immense :

– dans le conflit à l’Est de la RDC, dont trois des protagonistes sont membres de l’OIF alors que la secrétaire générale de la francophonie est ancienne ministre des affaires étrangères du Rwanda. Dans ce contexte, renouvelant les remarques déjà formulées (voir supra), le rapporteur Aurélien Taché considère inenvisageable de maintenir le Rwanda comme hôte de la prochaine conférence ministérielle de la francophonie, censée se tenir à Kigali les 20 et 21 novembre 2025, sauf à ce qu’une solution politique durable au conflit ait été définie avant cette échéance.

La rapporteure Amélia Lakrafi considère au contraire que le rôle de médiation des francophones a tout à gagner à une présence au plus près des acteurs concernés par la crise, comme vient très récemment de l’illustrer la mission de bons offices qu’elle a menée conjointement avec Hilarion Etong, président de l’APF, du 25 au 27 mai 2025, à la fois à Kinshasa et à Kigali.

– au Sahel, où les juntes au pouvoir à Bamako, Ouagadougou et Niamey ont à la fois fait part de leur décision de se retirer de l’OIF ([57]) et fait perdre au français son statut de langue officielle reconnue par leurs constitutions.

L’institution joue sa crédibilité politique sur ces enjeux, alors que Louise Mushikiwabo avait fait figurer, en 2022, parmi les axes majeurs de son deuxième mandat, « une approche politique et diplomatique renouvelée qui tient compte des complexités politiques et sécuritaires actuelles basée sur un accompagnement plus personnalisé et sur l’innovation dans le règlement des crises ».

Les rapporteurs rappellent que, lors de sa 44e session tenue à Yaoundé en novembre 2023, la CMF avait encouragé la secrétaire générale à mettre l’accent sur la prévention et sur le dialogue avec les États et gouvernements en situation de rupture de la démocratie, soulignant sa « distanciation vis-à-vis d’une approche de réaction basée principalement sur les suspensions systématiques » intervenues à la suite des coups d’États intervenus au Mali, en Guinée, au Burkina Faso, au Niger et au Gabon entre 2021 et 2023.

Si l’appel de la CMF invitant la secrétaire générale à garder un contact permanent avec les autorités de fait des États membres en rupture avec l’ordre démocratique et constitutionnel n’a pas eu les effets attendus auprès des dirigeants de ce qui est devenu l’Alliance des États du Sahel, l’approche graduelle attentive à l’évolution du contexte sur le terrain a été couronnée de succès au Gabon, qui ne fait plus l’objet de sanctions au sein de la francophonie, le rapporteur Aurélien Taché considérant comme beaucoup plus discutable le fait d’avoir accordé le même traitement à la Guinée.

Les rapporteurs réitèrent donc leur recommandation (voir supra) tendant à doter la francophonie d’un nouveau pôle politique qui, le plus en amont possible des situations de crise, disposerait d’outils d’alerte précoce et proposerait des mesures d’accompagnement. Dans cette perspective, les rapporteurs soulignent le rôle positif que joue la diplomatie parlementaire francophone par le biais de missions de médiation de l’Assemblée parlementaire de la francophonie qui doit résolument être associée aux actions d’un secrétariat général de la francophonie lui-même recentré sur son rôle politique.


  1.   La dimension politique des coopérations francophones ne doit plus être éludée

● Outre ce rôle de médiation politique entre États, il revient au secrétariat général de la francophonie, au niveau le plus stratégique, de s’efforcer de proposer le règlement des causes profondes de la défiance grandissante des citoyens à l’égard des institutions et des gouvernants.

Lors du sommet de la francophonie de Djerba de 2022, proposition avait d’ailleurs été faite d’organiser un forum international sur la défiance citoyenne, malheureusement restée sans lendemain. Or la défiance est le terreau des crises conduisant aux ruptures de l’ordre démocratique, situation dont rien ne dit que l’Afrique sera la seule à les subir au sein de l’espace francophone.

La francophonie institutionnelle ne peut pas répondre à ces enjeux par une approche exclusivement technocratique qui considérerait que l’on peut faire de la coopération de manière politiquement neutre. Les enjeux politiques sont certes les « sujets qui fâchent » mais chercher à les éviter empêche de répondre aux attentes des sociétés civiles, tout particulièrement en Afrique.

Le rapporteur Aurélien Taché souligne en outre que le nécessaire retour à une ambition politique ne signifie pas qu’il suffirait de reconduire telle quelle la doctrine politique de la francophonie des décennies 1990 et 2000 dont il considère qu’elle a échoué depuis au moins dix ans… La seule invocation de la démocratie et des droits de l’homme ne suffit plus à répondre aux défis qui se posent aujourd’hui à la communauté internationale et tout particulièrement à l’espace francophone.

L’ambition politique de la francophonie lui semble devoir prioritairement porter sur les enjeux liés au maintien de la paix et au respect du droit international ainsi que sur des grandes causes, partagées par les francophones et porteuses d’un nouvel universalisme, comme la transformation écologique ou un rééquilibrage des rapports entre les pays du Nord et du Sud.

Les rapporteurs relèvent en outre que le rapport de la secrétaire générale de la francophonie présenté lors du sommet de Villers-Cotterêts porte essentiellement sur la gestion des programmes de l’OIF mais ne traite pas de ces grands enjeux.

Ils considèrent que plutôt que de consacrer une part considérable de ses activités à rendre compte des seuls projets conduits par l’OIF (voir supra), le secrétariat général de la francophonie devrait examiner les défis qui traversent l’espace francophone et proposer les initiatives qui y répondent.

Proposition : Concentrer le rôle du secrétariat général de la francophonie sur la dimension politique d’intermédiation entre les États et sur les grands enjeux de l’espace francophone. Présenter, à l’occasion des sommets de la francophonie, un rapport du secrétariat général consacré aux défis politiques et stratégiques de l’espace francophone, distinct du rapport sur les programmes de l’Organisation internationale de la francophonie.

Le secrétaire général de la francophonie pourra ainsi se faire le porte-parole de l’espace francophone pour faire entendre une voix originale rassemblant des pays du Nord et du Sud plaidant ensemble pour la paix et l’édification d’un ordre international plus juste.

● Toutes les garanties doivent donc être apportées pour que le titulaire des fonctions de secrétaire général de la francophonie incarne la volonté des francophones de vivre dans un espace démocratique.

Tout en étant responsable d’abord devant les États et gouvernements membres de l’organisation, il convient de s’assurer que le secrétaire général de la francophonie n’oublie pas qu’il se doit de répondre aux sociétés civiles francophones des grands enjeux qui les traversent. Les valeurs des droits de l’homme et de la démocratie, qui fondent la Charte de la francophonie depuis le sommet de Hanoï sont en effet une des conditions du développement économique et social, qui constitue le premier enjeu de l’espace francophone, et le facteur déterminant de diffusion de la langue française en son sein.

Les rapporteurs relèvent que l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou a proposé de faire émerger des candidatures de personnalités de la société civile, ce que les règles applicables (présentées dans l’encadré supra) n’interdisent pas, dès lors que chacune de ces candidatures est présentée par un État ou gouvernement membre de plein droit de l’OIF.

En tout état de cause, même issues de la société civile, il ne saurait s’agir que de personnalités d’envergure internationale et les rapporteurs soulignent la nécessité que la prochaine personne à exercer les fonctions de secrétaire général de la francophonie dispose d’un poids politique considérable et soit ainsi en mesure de renforcer celui de l’institution.

Les rapporteurs invitent en outre à donner un caractère plus public au dossier de candidature du candidat afin qu’il puisse largement partager, avec des représentants de la société civile francophone, sa vision stratégique des enjeux de la francophonie.

Les rapporteurs rappellent par ailleurs leur proposition qu’un conseiller spécial auprès du secrétaire général soit chargé des dossiers plus opérationnels de coopération et surtout du pilotage et de la coordination entre les acteurs de la Charte, dont l’OIF, et l’ensemble des intervenants de la francophonie (voir infra).

Les modalités de désignation du prochain secrétaire général de la francophonie

Le second mandat de Louise Mushikiwabo arrivera à échéance en 2026, après huit années à la tête de l’organisation. Conformément aux modalités du règlement unique des instances de la francophonie, un appel à candidature sera lancé lors de la CMF dont il est actuellement prévu qu’elle se tienne à Kigali, au Rwanda, à l’automne 2025, en vue de l’élection de son successeur lors du XXe sommet de la francophonie au Cambodge à l’automne 2026. À ce stade, Louise Mushikiwabo n’a pas annoncé sa candidature à un troisième mandat.

La République démocratique du Congo a manifesté son intérêt, cependant, conformément au principe de représentativité de la diversité des francophones, l’alternance géographique pourrait présider au choix du futur secrétaire général, ce qui pourrait faire obstacle à une nouvelle candidature d’Afrique centrale.

Toute candidature devra être adressée par un État ou gouvernement membre (EGM) au président de la République française, en sa qualité de président en exercice du sommet jusqu’à la prochaine édition en 2026. Le président de la République en prend acte et en informe l’OIF et ses EGM. La date limite de dépôt des candidatures est déterminée par la CMF et ne peut être fixée moins de six mois avant le sommet électif.

Les ressortissants des EGM de plein droit peuvent candidater, à raison d’une seule candidature par EGM. Tout candidat doit posséder les plus hautes qualités de compétence, de qualification, d’expérience et d’intégrité et avoir :

– exercé les fonctions de chef d’État ou de gouvernement ou d’autres fonctions officielles importantes dans l’État ou gouvernement dont il est ressortissant ;

– occupé une fonction de responsabilité à la tête d’une organisation internationale ou régionale.

Le candidat doit avoir fait la preuve de son engagement en faveur des valeurs et priorités énoncées dans la Charte de la francophonie.

Les candidats devront présenter aux EGM leur vision stratégique en faveur du rayonnement de la francophonie dans le monde, à l’écrit dans le dossier de candidature, et lors d’une CMF extraordinaire convoquée à l’initiative de sa présidence, au plus tard trois mois avant le XXe sommet. Le sommet élit le secrétaire général à huis clos, par consensus, ou à défaut par voie de vote, par l’obtention de la majorité simple des voix des membres présents et votant.


3.   Gérer ensemble les mobilités dans l’espace francophone

● Un des principaux chantiers qu’une francophonie politique digne de ce nom devra prendre à bras-le-corps dans les prochaines années est, indéniablement, celui des mobilités au sein de l’espace francophone.

Comment, en effet, susciter un sentiment d’appartenance à un espace commun par la langue si la circulation dans cet espace est entravée et perçue, à tort ou à raison, comme plus difficile que vers des pays qui n’ont pas la langue française en partage ?

Les rapporteurs rappellent que l’OIF a été pionnière en ce domaine, une cellule de réflexion stratégique de la francophonie créée en 2007 à l’initiative d’Abdou Diouf et dirigée par Dominique Wolton ayant présenté, en 2008, un rapport intitulé Francophonie et migrations internationales , invitant à une approche francophone de la gestion des flux migratoires.

Fondé sur le constat fort, toujours éminemment d’actualité, du fait que « la migration devient un enjeu politique majeur, une des contradictions les plus fortes de cette mondialisation à deux vitesses », ce rapport relevait déjà que l’espace francophone « recèle en son sein toutes les contradictions liées à cette réalité » et invitait à sortir de l’approche misérabiliste du migrant au profit de « la reconnaissance d’une figure universelle, que l’on ne pourra plus ignorer » reconnaissant que les migrants ont le droit de « conserver leur identité culturelle, notamment dans le cadre de la migration circulaire ».

Depuis lors, les auteurs de nombreux rapports portant sur la francophonie remis aux pouvoirs publics en France ont formulé des propositions convergentes, présentées dans le tableau ci-après, visant à faciliter les circulations internationales entre États francophones, soit sous la forme d’un nouveau droit pour l’ensemble de leurs ressortissants, soit en ciblant des publics spécifiques.

Recommandations convergentes et rÉpÉtÉes relatives aux mobilitÉs dans l’espace francophone dans les précédents rapports sur la francophonie

Juin 2008

Rapport de M. Hervé Bourges à M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie. Pour une renaissance de la francophonie.

- Créer un « visa francophone »

- Favoriser les échanges et la mobilité dans les lycées et les universités

Janvier 2014

Assemblée nationale, commission des affaires étrangères. Rapport d’information de M. Pouria Amirshahi. La francophonie : action culturelle, éducative et économique .

- Mise en place coordonnée d’un visa francophone pour faciliter la circulation des étudiants, des scientifiques, des chefs d’entreprises, des artistes, le cas échéant appuyé sur un passeport économique et culturel de la francophonie

 

Août 2014

Rapport de M. Jacques Attali au président de la République François Hollande. Francophonie et francophilie : moteurs de croissance durable.

- Rendre l’obtention d’un visa étudiant quasi-automatique pour les boursiers francophones ayant obtenu le droit de poursuivre leurs études en France

- Mettre sur pied un programme de mobilité étudiante francophone de type Erasmus

- Mettre en place un guichet pour les francophones dans les aéroports des pays francophones, à l’instar de ce qui se pratique actuellement pour l’espace Schengen

Février 2017

Sénat, commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Rapport d’information de M. Louis Duvernois et Mme Claudine Lepage. Francophonie : un projet pour le 21e siècle.

- Engager une réflexion sur la création d’un Erasmus francophone et d’un office francophone de la jeunesse, portés par l’OIF

Janvier 2018

Avis du Conseil économique, social et environnemental présenté par Mme Marie­Béatrice Levaux. Le rôle de la France dans une francophonie dynamique.

- Alerter sur la mise en cohérence de la politique des visas avec la politique d’encouragement des mobilités au sein de l’espace francophone

Juin 2024

Avis du Conseil économique, social et environnemental présenté par M. Jean-Lou Blachier. L’espace francophone : relever les défis économiques et numériques pour assurer son dynamisme.

- Simplifier la délivrance de visas de circulation dans l’espace francophone pour des publics définis

Octobre 2024

Sénat, commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Rapport d’information de Mme Catherine Belrhiti, M. Yan Chantrel et M. Pierre-Antoine Levi. Le français a encore son mot à dire. Propositions pour une francophonie multilatérale et coopérative .

- Créer un « Erasmus francophone », afin de susciter chez la population étudiante un sentiment d’appartenance à l’espace francophone.

- Faciliter l’obtention d’un visa francophone aux étudiants éligibles à ce programme de mobilité dans l’espace francophone.

- Mettre en place, au sein de l’espace francophone, un programme de mobilité en faveur des jeunes chercheurs

● Les rapporteurs attirent en particulier l’attention sur l’avis que l’APF a présenté lors du sommet de Villers-Cotterêts invitant à « faciliter la mobilité citoyenne pour promouvoir la création, l’innovation et l’entrepreneuriat dans la francophonie », prolongeant une déclaration inédite sur « la mobilité citoyenne dans l’espace francophone » ([58]) adoptée lors de sa session plénière à Tbilissi en juillet 2023, et dont des extraits figurent dans l’encadré ci-après.

Extraits de la déclaration de l’APF relative à la mobilité citoyenne

dans l’espace francophone

Dans l’avis adopté le 8 juillet 2023, l’APF :

– propose aux États et gouvernements de l’espace francophone d’étudier la mise en place d’un traitement particulier des demandes de visas émanant des ressortissants de pays francophones, incluant la création dans les aéroports de guichets dédiés à la délivrance des visas ;

– recommande aux différentes instances de la francophonie de réfléchir à la création d’un programme pour l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport s’adressant aux étudiants, apprentis, jeunes, enseignants, formateurs, entre autres, sur le modèle du programme européen Erasmus+ ;

– suggère la mise en place d’un programme de bourses de mobilité étudiante dans l’espace francophone visant à donner aux étudiants francophones la possibilité de poursuivre leurs études dans des établissements d’enseignement postsecondaire et supérieur de l’espace francophone, afin de renforcer leurs compétences et d’accroître leur employabilité ;

– invite les États et gouvernements de l’espace francophone à développer des stratégies encourageant la mobilité étudiante francophone dans le but d’éliminer les obstacles auxquels peuvent se heurter les étudiants lors de l’admission aux programmes d’études, de l’obtention des permis d’études et de l’intégration dans le pays ou la région d’accueil ;

– demande aux États et gouvernements de l’espace francophone de faciliter l’échange et la mobilité des apprenants et des formateurs, en particulier dans le domaine de la formation professionnelle en alternance ;

– appelle les États et gouvernements de l’espace francophone à bonifier les programmes d’échange jeunesse existant, par exemple de type vacances-travail ou accompagnement des jeunes professionnels, et d’en développer de nouveaux, dans le but de permettre aux jeunes d’acquérir des expériences de travail variées et de favoriser le dialogue entre les peuples francophones ;

– souhaite que l’OIF soutienne et développe un nouveau programme de volontariat dans l’espace francophone, construit sur la base de l’expérience passée et des programmes internationaux existants, afin de permettre aux jeunes de s’engager, pour une durée limitée, auprès d’organisations étatiques, paraétatiques ou de la société civile sur des enjeux de préoccupation commune pour la jeunesse.

 

● Les rapporteurs soulignent que la question des mobilités et du séjour dans l’espace francophone doit être appréhendée dans ses différentes dimensions :

– l’amélioration des facilités de circulation dans l’espace francophone (échanges Sud-Nord, Nord-Sud et Sud-Sud) afin de réduire les inégalités de droits entre francophones, les faibles contraintes à la circulation des détenteurs de passeports occidentaux s’opposant aux nombreux obstacles aux mobilités du Sud ;

– les politiques migratoires des pays francophones du Nord envers ceux du Sud qui nuisent à l’image de la francophonie et à la construction d’une vraie communauté de destins alors que, dans les faits, elles favorisent les francophones puisque la maîtrise de la langue est un des critères de ces politiques ;

– le défi de parvenir à gérer, ensemble, des migrations circulaires pour études, formation, projets professionnels et entrepreneuriaux, afin de répondre aux besoins des pays de départ et des pays de destinations.

Ils invitent les États et gouvernements membres de la francophonie à se concerter pour définir ensemble les meilleures modalités d’organisation de migrations circulaires répondant aux besoins des pays de départ et de destination tout en limitant les risques d’appropriation des compétences par les pays les plus riches.

● Les rapporteurs considèrent qu’une première démarche utile en ce sens devrait provenir de la France et porter sur l’obtention de visas.

La responsabilité de cette politique a été retirée depuis 2007 au ministère de l’Europe et des affaires étrangères et transférée au ministère de l’intérieur en partant du postulat selon lequel les restrictions à l’octroi des visas permettraient de réduire le « risque migratoire » résultant du détournement de leur objet. Les rapporteurs considèrent que cette approche a constitué une erreur stratégique majeure faute de distinguer suffisamment les enjeux de « l’aller-retour » des déterminants de la migration et de la demande de séjour, et, a fortiori, de l’asile.

Les rapporteurs invitent à renverser la perspective et à considérer que les facilitations de circulation réduisent le risque de détourner l’objet du visa, alors même qu’elles constituent, au sein de l’espace francophone, un intérêt fondamental pour réaliser dans de bonnes conditions des projets d’études, des parcours de formation et de recherche, ou des activités entrepreneuriales.

En juillet 2023, au cours de la session de Tbilissi de l’APF, la rapporteure Amélia Lakrafi avait présenté un amendement au projet de déclaration intégré dans la déclaration adoptée in fine proposant aux États et gouvernements de l’espace francophone d’étudier la mise en place d’un traitement particulier des demandes de visas émanant des ressortissants de pays francophones, incluant la création dans les aéroports de guichets dédiés à la délivrance des visas.

Les rapporteurs appellent donc la France à prendre directement des initiatives pour faciliter et simplifier l’accès des ressortissants de pays francophones à des visas de courts séjours et à engager, avec des partenaires francophones, des initiatives communes en ce sens.

Proposition : Faciliter et simplifier l’accès des ressortissants de pays francophones à des visas de courts séjours vers la France et engager le chantier de la création d’un visa francophone partagé entre plusieurs pays francophones.

4.   Investir les domaines d’avenir

● Dans le rapport de 2008, déjà mentionné, Pour une renaissance de la francophonie, Hervé Bourges relevait que « la francophonie multilatérale ne parvient pas pour le moment à identifier une approche pertinente pour ses actions de coopération, telle que la patte de l’OIF pourrait immédiatement y être reconnue ».

Alors que, près de deux décennies plus tard, un tel diagnostic peut être reconduit, il est plus que temps pour la francophonie de chercher à enfin devenir visible par de grands projets concrets et ambitieux, dans les domaines d’avenir.

La francophonie ne se fera pas par des grandes déclarations, mais, pour paraphraser Robert Schuman au sujet de l’Europe, « par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait ».

a.   Une francophonie ambitieuse peut coaliser les États et les peuples autour de grands projets et dans le multilatéralisme

● Plutôt que des initiatives de portée trop générale, aux effets diffus se réduisant comme peau de chagrin, les rapporteurs appellent à concentrer les efforts sur un petit nombre de grands projets, correspondant très directement à la fois aux ambitions de certains pays francophones et aux intérêts d’un plus grand nombre de pays et susceptibles de créer un effet d’entraînement.

Il peut s’agir, par exemple :

 avec le Québec, de mesures coordonnées entre États pour garantir la place de la langue française dans l’espace public (voir supra), dans les sciences ou pour favoriser la découvrabilité des contenus culturels en ligne (voir infra)…

 avec le Maroc et avec l’Égypte, où siège l’agence spatiale africaine, d’une francophonie spatiale ;

 avec le Sénégal, d’une francophonie de l’IA et d’une francophonie de la mer ;

– avec la RDC, d’une grande bibliothèque de la francophonie à Kinshasa ;

– avec une coalition de pays d’Afrique, continent au cœur des enjeux globaux de transition climatique, de grandes initiatives combinant adaptation au changement climatique et développement socio-économique durable.

● Les pays francophones devraient ainsi pouvoir porter ensemble les grands combats du multilatéralisme, tels que, devant les institutions financières internationales, celui pour l’effacement de la dette des pays du Sud, ou, au sein de l’ONU, celui pour une limitation du droit de veto au Conseil de sécurité en cas de crimes de masse, ou encore, dans l’ensemble des forum censés réguler la mondialisation, les combats en faveur de biens communs universels, tels que l’eau, ou un espace qui doit demeurer démilitarisé.

Exemplaire à cet égard serait le combat commun en faveur des forêts, en plaidant par exemple, aux côtés des principales organisations hispanophones et lusophones, pour la reconnaissance d’une personnalité juridique à l’Amazonie, dans la droite ligne des efforts engagés, en octobre 2023 à Brazzaville, lors du sommet des Trois Bassins de l’Amazonie, du Congo et de la région Bornéo-Mékong-Asie du Sud-Est, lors duquel l’OIF a su tenir son rang.

C’est au demeurant en portant ensemble une parole forte au sein du multilatéralisme que les francophones pourront le mieux y défendre la place de la langue française.

Le meilleur vecteur de la langue française dans le système onusien c’est que les francophones aient des choses à dire ensemble, car ils les diront dans leur langue. A contrario, toutes les initiatives louables pour garantir la traduction ou des formations au français dans le multilatéralisme paraissent plutôt vaines si tout l’« agenda » international provient de document sources établis quasi exclusivement en anglais, comme c’est souvent le cas dans l’Union européenne (voir supra).

Proposition : Coaliser les États et les organisations francophones afin de :

 co-construire des grands projets dans les domaines stratégiques : les plateformes numériques avec le Québec, le spatial avec le Maroc et l’Égypte, l’IA avec le Sénégal, une grande bibliothèque de la francophonie à Kinshasa

– rendre audible, dans le multilatéralisme, « la voix des francophones » autour de grands combats communs.

● Cette approche souple permet également d’envisager une action francophone fondée sur des cercles concentriques, dans le cadre de laquelle des pays volontaires accepteraient de partager plus étroitement certaines politiques en créant un « bloc francophone », mettant en place certaines institutions communes.

Le rapporteur Aurélien Taché insiste sur le fait que cette francophonie des peuples, résolument anti-impériale et décoloniale, pourrait être le moteur d’un nouvel internationalisme, respectueux des souverainetés mais prenant le français comme point d’appui, en tant que langue commune au service de causes communes.

En renouant avec une grande ambition politique, la francophonie, pourrait en outre jouer un rôle d’entraînement, au côté des autres organisations internationales fondées sur le partage d’une langue, pour accroître leur contribution commune à l’édification d’un meilleur ordre international. Les rapporteurs rappellent par exemple le processus lancé par Boutros Boutros-Ghali, et soutenu par le président Jacques Chirac, opérant un rapprochement sans précédent des grandes aires culturelles de la latinité (francophone, hispanophone et lusophone), notamment lors du colloque de mars 2001 sur les « Trois espaces linguistiques face aux défis de la mondialisation ».

Ce processus, auquel Boutros Boutros-Ghali avait associé à plusieurs reprises la Ligue arabe, a été résolument poursuivi sous les mandats d’Abdou Diouf et a abouti, sous le mandat de Michaëlle Jean, à l’adoption, en juillet 2017, de l’appel de Montréal pour un humanisme universel ([59]). Il n’a malheureusement pas été réactivé depuis lors.

b.   Pour éviter l’effacement numérique de leur langue, les francophones doivent garantir la découvrabilité des contenus en français

● Le caractère tout à la fois concrêt et éminemment politique de la démarche francophone que les rapporteurs appellent de leurs vœux peut être illustré par le défi majeur de la régulation des géants du Web, dont les biais en faveur de l’anglais sont manifestes.

Dans la continuité de l’« Appel de Villers-Cotterêts - Pour un espace numérique intègre et de confiance dans l’espace francophone » (voir supra), les États et gouvernements francophones doivent peser pour réguler les principaux acteurs des médias numériques.

Cela constitue indéniablement un enjeu majeur pour la francophonie, tant ce cercle restreint d’acteurs mondiaux est aujourd’hui en mesure de contrôler et concentrer l’offre culturelle, au moyen de la « plateformisation » de sa diffusion et de sa distribution, ce qui menace la découvrabilité des contenus francophones.

Né et développé au Québec, le concept de découvrabilité désigne la capacité d’un contenu, culturel, scientifique, juridique, économique, disponible en ligne à être facilement repérable ou trouvable parmi un vaste ensemble d’autres contenus, notamment par une personne qui ne le recherche pas directement. Ce concept permet de mesurer le rôle des algorithmes de recherche ou de recommandation des plateformes numériques qui interviennent dans la mise en avant de contenus.

Le grand public en France n’a pas toujours conscience de l’enjeu de la découvrabilité, dans la mesure où les algorithmes des plateformes y sont programmés par défaut pour sélectionner les contenus dans la langue majoritaire, donc le français, tout en y valorisant pourtant fortement les contenus en anglais.

L’enjeu de la découvrabilité est beaucoup plus aigu dans les espaces directement en contact avec de grands pays anglophones, comme le Québec ou des espaces multilingues comme l’Afrique du Nord, ce qui a rendu nos partenaires francophones conscients de manière précoce des risques que les moteurs de recherche ou les fournisseurs de contenus numériques font courir à la diversité des expressions culturelles. L’OIF a ainsi engagé un programme pionnier sur ce sujet, bien que de portée réduite.

La coopération entre le Québec et la France a été particulièrement féconde à cet égard, puisque, après plusieurs années de travaux communs, les deux partenaires viennent de lancer la Stratégie France-Québec 2025-2030 pour la diversité des contenus culturels dans l’environnement numérique, qui comprend trois axes :

– la mutualisation et le développement des connaissances et compétences, afin de poursuivre et renforcer des formations professionnelles pour les acteurs culturels dans les domaines des environnements numériques ;

– le développement d’outils favorisant la découvrabilité dont des initiatives pour signaler les contenus synthétiques, valoriser les créations et adopter des normes facilitant leur identification ;

– la mobilisation élargie de partenaires nationaux et internationaux, prévoyant d’intensifier la coopération dans ces domaines avec l’OIF et d’autres instances multilatérales.

Les rapporteurs saluent ces initiatives et appellent les francophones à peser ensemble dans le grand combat mondial de la régulation des plateformes, afin d’y faire valoir une des valeurs premières de la francophonie : la promotion du multilinguisme et de la diversité des expressions culturelles.

L’émulation entre régulateurs nationaux francophones et la coordination des États doit rendre possible un changement d’approche à l’égard des grands acteurs du numérique, notamment américains, afin qu’ils respectent la loi et la volonté des gouvernements, y compris par la voie de la contrainte juridique. À titre d’exemple, la Cour suprême du Brésil a pu suspendre le réseau social X (anciennement connu sous le nom de Twitter) qui refusait de se soumettre à la législation brésilienne et n’a prononcé la levée de l’interdiction qu’après le paiement de lourdes amendes et le blocage de comptes diffusant de fausses informations. Les francophones peuvent décider ensemble d’en faire tout autant.

Proposition : Réguler les grandes plateformes numériques pour apporter des garanties de découvrabilité des contenus culturels francophones et de diversité des expressions culturelles.

 

c.   L’avenir doit pouvoir continuer de s’inventer en français

● De même que la francophonie politique doit chercher à rassembler les États et les peuples autour de grands projets d’avenir, la francophonie scientifique doit rassembler, à travers le monde, universitaires, chercheurs et ingénieurs pour relever les défis considérables que pose la perspective de domination d’une seule langue, l’anglais, dans les domaines scientifiques, qui sont, par excellence, des domaines porteurs d’avenir.

Comme les responsables de l’Agence universitaire de la francophonie l’ont fait valoir aux rapporteurs, la question n’est pas seulement celle de l’utilisation directe de l’anglais ou d’une autre langue, dans la mesure où l’intelligence artificielle peut traduire de manière quasi instantanée un discours oral comme un discours écrit, et que ces outils vont se multiplier. L’enjeu principal est d’éviter que le monolinguisme anglophone dans le travail scientifique n’appauvrisse la pensée francophone ou ne conduise même à la faire disparaître.

Traduire un texte source anglais vers le français rend accessible en français une pensée anglophone, mais ne produit pas une pensée francophone. Il en résulte un risque majeur non seulement d’appauvrissement de la langue française mais surtout de perte d’une structure de pensée, une « épistémologie francophone ».

Comme l’ont fait valoir aux rapporteurs à la fois, à Montréal, le chercheur québécois spécialiste de la science en français Vincent Larivière, et, à Rabat, les responsables de l’Académie internationale de la francophonie scientifique, il est urgent de modifier les systèmes d’évaluation et d’avancement des enseignants-chercheurs, de classement des formations et de classement des établissements qui comportent aujourd’hui des biais systématiquement défavorables à l’usage de la langue française dans les activités universitaires internationales.

Ce problème touche l’ensemble des espaces géolinguistiques non anglophones, dont l’Amérique latine, où les rapporteurs soulignent que le Brésil accorde désormais des bonus financiers aux chercheurs publiant en portugais. Ils relèvent également que la Chine qui accordait à ses chercheurs des incitations financières pour publier en anglais s’oriente désormais vers la publication en chinois.

Il convient également de soutenir l’édition scientifique francophone en corrigeant les biais en faveur de l’anglais constatés dans l’industrie de l’indexation des revues, alors que la promotion des chercheurs dépend fortement du nombre de citations de leurs travaux dans les revues internationales.

Proposition : Définir des modèles d’incitations, y compris financières ou de carrière, permettant aux chercheurs de travailler dans des langues autres que l’anglais et d’être diffusés dans des revues scientifiques de haut niveau.

 

● Alors que certains, y compris parmi les plus importants décideurs de la recherche publique française, proclament qu’un tel combat serait perdu d’avance, l’histoire du Québec y apporte un démenti cinglant.

Alors que l’ensemble des disciplines scientifiques y étaient enseignées en anglais jusqu’au début du siècle dernier, au point que l’anglais y était présenté comme la seule langue de la science, la mobilisation des Canadiens français notamment au sein de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences, aujourd’hui dénommée ACFAS, dont la rapporteure Amélia Lakrafi a rencontré les responsables à Montréal, a permis de construire patiemment une réglementation et un écosystème garantissant la visibilité et l’excellence du travail scientifique en français.

La France pourra donc compter sur l’expérience et la détermination québécoises dans le cadre du partenariat franco-québécois sur la découvrabilité des contenus scientifiques francophones, signé le 14 mai 2024, qui entend :

– favoriser la découvrabilité des contenus scientifiques francophones sur internet à travers, entre autres, des métadonnées et des publications ;

– soutenir au bénéfice de la langue française la traduction des contenus scientifiques produits par la recherche, dans une optique de science ouverte, afin d’augmenter leur rayonnement et leur impact dans plusieurs langues ;

– renforcer l’engagement des institutions académiques et des entreprises privées autour de la recherche francophone et susciter des pratiques scientifiques favorables au français ;

– soutenir les conditions d’émergence d’un espace numérique scientifique francophone ;

– associer la société civile à ces efforts de valorisation de la langue française.

Les rapporteurs se félicitent de cette initiative bilatérale et proposent de l’élargir à un plus grand nombre de partenaires francophones.

● Constatant qu’aucun classement mondial d’universités ne provient des pays francophones, les rapporteurs proposent l’initiative « Le classement de Paris : les meilleures universités du monde francophone », qui pourrait être mis en œuvre par l’AUF, afin de rendre plus visible les compétences francophones sur la scène internationale, et d’accroître leur attractivité.

Ce classement se distinguerait des classements anglo-saxons traditionnels en mettant l’accent sur les spécificités culturelles et académiques de la francophonie, par exemple en y incluant des disciplines telles que la littérature, la philosophie ou l’histoire de l’art.

Ce classement tiendrait compte également de l’ancrage local des universités dans la réalité socioéconomique de l’espace francophone.

Ceci viserait à garantir que les établissements ne se contentent pas uniquement d’exceller sur le plan académique, mais qu’ils jouent également un rôle actif dans le développement de leurs sociétés.

Les critères proposés valoriseraient les universités qui allient rigueur scientifique, créativité et innovation tout en tenant compte de la diversité culturelle, du plurilinguisme, et de l’engagement sociétal.

Proposition : Instaurer avec l’Agence universitaire de la francophonie, un « Classement de Paris » afin de valoriser les universités francophones.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 25 juin 2025 à 9 heures, la commission a examiné le rapport d’information sur l’avenir de la francophonie.

M. le président Bruno Fuchs. Chers collègues, notre ordre du jour appelle ce matin l’examen du rapport d’information de Mme Amélia Lakrafi et M. Aurélien Taché sur l’avenir de la francophonie.

Ce travail très attendu aurait dû aboutir au moment du sommet de la francophonie de Villers-Cotterêts, ce qui n’a pas pu être le cas en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale. Il sera finalement débattu, ce qui n’est pas plus mal, à une quinzaine de jours de la cinquantième session plénière de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), qui se tiendra à Paris et dans un moment où la francophonie est au milieu du gué, alors qu’un accord a été signé aux États-Unis, après des négociations au Qatar, concernant le conflit entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC).

Ces faits interrogent sur la stratégie et sur l’influence de la francophonie. Nous pouvons nous demander si la France a une stratégie, alors que les dotations volontaires de la France au budget de l’APF vont passer de 350 000 à 150 000 euros et que celles à l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), bastion très fort des études universitaires et de la mobilité francophone dans le monde, vont baisser de 75 %. La stratégie française et sa projection dans la francophonie suscitent donc des interrogations. La France exerce-t-elle encore une influence ? Croit-elle encore en la francophonie ?

Pour ce rapport très attendu, vous avez mené de nombreuses auditions et tables rondes, au cours desquelles vous avez entendu près de 300 personnes. Vous vous êtes déplacés sur les continents nord-américain et africain, notamment au Maroc, en RDC et au Sénégal, ainsi qu’à Bruxelles. Notre commission étant réglementairement chargée de tout ce qui concerne la francophonie, il me semble particulièrement opportun qu’elle apporte sa vision et sa contribution à la réflexion légitime sur l’avenir de la francophonie au XXIe siècle.

Je souhaite la bienvenue à nos deux rapports et leur cède la parole.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Nous sommes très heureux de vous présenter ce travail, qui nous a captivés et qui avait été interrompu par la dissolution. Nous tenons à remercier le président Fuchs qui a soutenu la relance de notre mission dès octobre dernier, en ajoutant notamment un déplacement au Sénégal, en complément de ceux effectués durant la précédente législature. Cette démarche nous a permis de rencontrer environ 250 interlocuteurs en France et à l’étranger.

Notre déplacement au Sénégal s’inscrit d’ailleurs, à notre humble niveau, dans un mouvement d’ensemble de diplomatie parlementaire. J’ai le plaisir de présider le groupe d’amitié France-Sénégal pour renouer le lien entre nos deux pays, abîmé par les ambiguïtés de nos gouvernements pendant la dérive autoritaire de Macky Sall.

Le Sénégal incarne très bien les enjeux de la francophonie sur lesquels je souhaite insister. Le premier concerne une langue qui n’est pas la propriété exclusive de la France, mais que nous avons en partage et que nous pouvons faire progresser par un travail commun. Comme de nombreux pays de la francophonie, le Sénégal est à la fois fier de ses langues nationales, notamment le wolof, parlé quotidiennement par une majorité de la population, mais également très attaché à la langue française, qui appartient autant au pays de Senghor qu’à la France.

Comme les Sénégalais, la grande majorité des 350 millions de francophones dans le monde sont plurilingues. Ils ont grandi en apprenant le français et d’autres langues nationales, dans des espaces multilingues. L’avenir de la francophonie se joue donc essentiellement dans les systèmes éducatifs qui doivent faire une place au français aux côtés d’autres langues, tout en répondant aux défis de la démographie des élèves et des enseignants, forts sur le continent africain.

Cet enjeu concerne prioritairement l’Afrique, puisque 75 % des près de 100 millions d’élèves qui ont le français comme langue de scolarisation s’y trouvent. Cependant, dans certains pays, les dépenses publiques consacrées à l’enseignement demeurent très insuffisantes. Les méthodes éducatives sont dépassées et n’offrent de perspectives ni aux élèves, ni à leurs familles, ni aux enseignants. Ce constat est très net en RDC.

Le Sénégal, en revanche, se positionne en pointe sur ces enjeux et accueille des institutions spécialisées de la francophonie, comme la Conférence des ministres de l’éducation des États et gouvernements de la francophonie (CONFEMEN) et l’Institut de la francophonie pour l’éducation et la formation (IFEF). On peut citer notamment le programme école et langues nationales (ELAN) qui facilite les premiers apprentissages fondamentaux dans la langue maternelle avec un apprentissage concomitant en français.

À l’horizon 2050, le nombre de francophones pourrait être compris entre 500 et 700 millions, à condition qu’une éducation en français respectueuse du plurilinguisme progresse partout. Cette progression est observable au Maroc où, après trente ans d’arabisation des programmes scolaires, le pays a fait le choix souverain de réintroduire le français comme langue d’enseignement primaire, avec l’appui d’un excellent programme d’aide publique au développement (APD) accompagnant cette démarche. Toutefois, les quelques bons exemples ne peuvent masquer l’absence d’une véritable stratégie de notre APD concernant le monde francophone.

Le sommet de Villers-Cotterêts a échoué à identifier des mesures fortes de soutien à la modernisation des systèmes éducatifs, alors qu’un groupe de travail de l’Agence française de développement (AFD) avait été missionné en amont pour proposer des livrables sur le sujet, sans résultat tangible. Or, il est indispensable de canaliser vers l’enseignement francophone tant les coopérations éducatives bilatérales des États que les financements multilatéraux, comme ceux du Partenariat mondial pour l’éducation, trop souvent éparpillés, insuffisamment ciblés et loin d’être suffisants.

Notre action extérieure doit être claire sur ce sujet, car nous confondons trop souvent francophonie et écoles françaises avec drapeau français et programmes de notre éducation nationale. L’enjeu principal réside dans la coopération éducative permettant à nos partenaires de trouver leur intérêt à utiliser le français dans leur propre système et à rémunérer correctement leurs professeurs.

Le réseau des écoles françaises à l’étranger revêt une importance capitale, et nous proposons de valoriser le passage des jeunes enseignants à l’étranger afin d’attirer de nouveaux profils vers ces métiers en tension en France. Ces écoles doivent néanmoins évoluer vers des modèles de plus en plus hybrides, à l’image de l’école franco-sénégalaise de Dakar, qui nous offre un bel exemple.

Nous devons rompre avec ce qui pourrait encore faire percevoir le français comme un héritage du passé colonial ou comme une projection de l’ancienne métropole. C’est pourquoi nous proposons une mesure nullement symbolique : la création d’une Académie francophone de la langue commune qui actera définitivement la copropriété de la langue par tous les peuples ayant le français en partage. J’y vois là la pointe avancée d’une politique plus large favorisant les échanges avec les créateurs d’expressions françaises, mais facilitant également la traduction et la circulation des œuvres de langues arabes, amazighes et africaines, permettant ainsi une véritable exception culturelle francophone. Il nous faut valoriser réellement, sur un pied d’égalité, toutes les cultures de cet espace de solidarité qui doit devenir plus polycentrique.

Le groupe TV5 Monde, créé par les États francophones du Nord, constitue un atout formidable, mal connu en France, mais très visible en Afrique. Nous devons permettre aux médias publics africains d’entrer à son capital et dans son conseil d’administration. Le sommet de Villers-Cotterêts a formulé des annonces en ce sens, ce dont nous nous félicitons, mais il convient d’aboutir et d’apporter toutes les garanties de respect de l’indépendance éditoriale.

Cette approche par la langue commune doit également nous conduire – nous, Français – à nous considérer comme des francophones comme les autres. Les questions du plurilinguisme et des identités mêlées se manifestent partout dans l’Hexagone, notamment avec la reconnaissance des langues régionales minoritaires ou les besoins d’apprentissage du français pour les primo-arrivants. Nous retrouvons ces enjeux de façon éminente dans les outre-mer, qui constituent un condensé de nombre des enjeux de l’espace francophone : une histoire marquée par la colonisation et l’esclavage, le plurilinguisme – en particulier le créole français parlé par 15 millions de personnes dans le monde – ainsi que des enjeux de coopération. Huguette Bello, que nous avons auditionnée pour notre rapport, a fait un vibrant plaidoyer pour faire de La Réunion un moteur des coopérations régionales dans l’océan Indien.

C’est pourquoi je propose également, à titre personnel, que, dans le cadre du futur accord sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie – Kanaky, la France s’engage à soutenir le rehaussement de son statut de membre associé, qu’elle détient depuis 2016, à celui de membre de plein droit de la francophonie. En effet, quel que soit l’avenir politique de l’archipel, il importera de maintenir les liens avec l’espace francophone, tant culturels que diplomatiques. Je rappelle qu’un élu kanak du congrès de la Nouvelle-Calédonie présidait encore l’an passé le réseau des jeunes parlementaires de l’APF.

C’est précisément cette langue commune, cette francophonie partagée, qui nous permet d’aborder franchement les sujets dans le respect des identités. Ce fut le cas lors de la commémoration des massacres de Thiaroye, à laquelle j’ai eu l’honneur d’assister en tant que rapporteur de la mission. Ce moment de réconciliation a marqué un premier pas dans la reconnaissance par la France de ce pan de l’histoire et une transformation de la relation vers davantage d’égalité et de pérennité, en regardant en face les sujets qui fâchent.

Le deuxième grand défi pour l’avenir de la francophonie concerne son aspect politique. Nous montrons clairement dans notre rapport que cela constituait une grande ambition de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) dans les années 1990 et 2000, sous l’égide de Boutros Boutros-Ghali et d’Abdou Diouf, mais nous avons depuis constaté d’importants reculs. Le sommet de Villers‑Cotterêts a malheureusement illustré l’incapacité des francophones à peser ensemble. Certains membres ont émis des réserves au paragraphe de la déclaration finale concernant Gaza, alors qu’en 2002 à Beyrouth, les francophones condamnaient unanimement la guerre en Irak. Surtout, l’OIF ne parvient plus à jouer son rôle de médiateur dans les conflits entre francophones et l’institution traverse une crise particulièrement grave avec la perception d’un « deux poids deux mesures » selon qu’un régime peut être considéré comme plus ou moins favorable à Paris.

La crédibilité de l’OIF pour agir en faveur de la paix se trouve également minée par le silence sur le conflit qui ravage l’Est de la RDC, le plus grand pays de l’espace francophone, de l’actuelle secrétaire générale Louise Mushikiwabo, ancienne ministre des affaires étrangères du Rwanda. Je sais que la diplomatie parlementaire francophone s’active avec des missions de bons offices de l’APF, mais nous demeurons encore loin du but.

L’avenir de la francophonie se joue sur ces sujets et nous aurons besoin, comme prochain secrétaire général de la francophonie, d’une personnalité incontestable qui se concentrera sur les missions les plus politiques et qui disposera des moyens nécessaires.

La seule invocation de la démocratie et des droits de l’homme, selon la doctrine qui prévalait dans les années 1990, ne suffit plus. Nous avons eu trop tendance à nous transformer en demi-faucon demi-colombe des valeurs universelles, alors que les peuples du Sud n’en voyaient pas le résultat favorable.

Nous devons prendre des mesures fortes montrant l’utilité du projet francophone pour répondre aux besoins concrets des jeunes qui apprennent le français et souhaitent se former, travailler et se déplacer dans l’espace francophone, depuis le Bénin vers le Maroc, depuis le Cameroun vers le Québec ou la France, pour étudier, entreprendre et créer.

C’est pourquoi il faut absolument faciliter les mobilités francophones Nord-Sud et Sud-Sud et engager ensemble le chantier d’un visa francophone. Il s’agit d’un projet comparable à un Erasmus de la francophonie que nous pourrions nommer « Senghor de la francophonie », susceptible de servir de support aux coopérations francophones de demain, et non d’un énième plan « Bienvenue en France », dont le nom cache une tentative bien vaine d’attirer principalement des étudiants anglophones et le mirage de la supposée stratégie indopacifique.

Pour trouver leur place dans un monde anti-impérial et décolonial, les institutions de la francophonie doivent pouvoir faire entendre une voix originale qui rassemble des pays du Nord et du Sud afin de plaider ensemble pour la paix et un ordre international plus juste. C’est précisément ce qu’attendent nos partenaires, comme me l’ont confirmé tous les ministres et parlementaires sénégalais que j’ai rencontrés. La langue doit constituer le support d’une grande coopération internationale orientée vers les défis de demain et vers la production de biens en commun, l’effacement de la dette des pays du Sud ainsi que le combat commun en faveur des forêts.

Nous devons coaliser les francophones autour d’un nombre restreint de grands projets, parmi lesquels je citerai deux exemples. Avec le Québec, nous pouvons coordonner entre États des politiques contraignantes pour garantir la place de la langue française dans l’espace public et dans les sciences, et pour favoriser la découvrabilité des contenus numériques en français face à l’impérialisme des plateformes anglophones, comme Netflix et autres. Au Sénégal, nous pouvons avancer avec nos partenaires vers une francophonie de l’intelligence artificielle et de la mer.

La francophonie constitue bel et bien un objet politique et il nous revient de retrouver la volonté de ses fondateurs, dont Thomas Sankara disait à ses camarades qu’il fallait utiliser le français conformément à leur internationalisme militant, c’est‑à-dire comme outil de l’unité entre les peuples.

M. le président Bruno Fuchs. Je vous remercie pour ce rappel des fondamentaux concernant la francophonie politique et la réflexion nécessaire pour repenser sa doctrine afin de la rendre attractive, notamment auprès des jeunes populations. Je ne pense pas qu’on devienne mécaniquement francophone simplement parce qu’on évolue dans un espace francophone. Ces questions doivent être posées et nous attendons vos propositions, qui sont déjà nombreuses dans votre rapport.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Avec mon co-rapporteur, nous ne nous accordons pas sur tous les sujets, mais nous partageons l’essentiel, à savoir les pistes d’avenir et la vision d’une francophonie ambitieuse.

Je tiens à souligner un point crucial : sans une réforme profonde de nos institutions, nos ambitions resteront vaines. Cette réforme de l’OIF constitue un chantier délicat à mener sans brutalité, car ses équilibres sont fragiles.

Notre rapport montre que l’OIF résulte d’une longue construction : Niamey en 1970, Chaillot en 1991, Cotonou en 1995, puis Hanoï en 1997 et Antananarivo en 2005, avec la création du Conseil permanent de la francophonie et du poste de secrétaire général, l’adoption et la révision de la charte de la francophonie en intégrant la CONFEMEN et la Conférence des ministres de la jeunesse et des sports de la francophonie (CONFEJES), mais aussi l’AUF et l’APF…

Depuis le sommet de Djerba en Tunisie en 2022, un cadre stratégique 2023‑2030 doit guider l’ensemble des acteurs.

Pourtant, des chevauchements nuisent à l’efficacité de notre action. Par exemple, l’Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres (IFADEM), actuellement gérée par l’OIF, est très efficace, mais gagnerait à être portée par l’AUF et son réseau de plus de 1 100 universités, qui s’étend bien au‑delà de la seule francophonie institutionnelle. Je rappelle que l’AUF inclue des universités américaines, chinoises ou algériennes.

Certains programmes démontrent une réelle utilité avec un impact terrain considérable, comme La Francophonie avec Elles pour l’autonomisation des femmes. Cependant, avec moins d’un million d’euros par an, ce programme reste limité.

Au total, l’OIF consacre 25 millions d’euros annuels à la coopération, mobilisant ainsi d’importantes ressources internes.

Nous saluons la modernisation menée par la secrétaire générale Louise Mushikiwabo depuis 2019, mais estimons désormais nécessaire de clarifier les rôles. Chaque acteur doit intervenir à sa juste place et à la bonne échelle. Nous proposons de structurer de grands pôles :

– un pôle « Éducation en français », piloté par l’IFEF, capable de mobiliser des financements majeurs auprès des bailleurs internationaux,

– un pôle « Enseignement supérieur et recherche », piloté par l’AUF et intégrant l’Université Senghor, que nous aimerions rebaptiser « Académie Senghor »,

– et un pôle « Francophonie économique », qui coordonnerait réseaux et opportunités, car 16 % de la richesse mondiale et 20 % du commerce méritent mieux.

Ces pôles doivent collaborer.

Un projet économique doit également offrir des formations, favoriser l’emploi et connecter les jeunes au réseau francophone. Pour cela, le secrétaire général doit être épaulé par un conseiller puissant, garant de la cohérence et du dialogue. Les collectivités locales, la société civile et les diasporas doivent également y trouver leur place. À cet égard, je rends un hommage appuyé à Pierre Baillet, qui nous a quittés il y a quelques jours et qui était un artisan passionné de la francophonie des territoires et secrétaire permanent de l’Association internationale des maires francophones (AIMF).

La diplomatie parlementaire doit redevenir une force. Je m’y engage comme déléguée générale de l’APF pour en faire une véritable organisation parlementaire internationale, proche du modèle de l’Union interparlementaire (UIP). La section française doit être resserrée et mieux coordonnée avec nos commissions parlementaires. Pour cela, je suis convaincue que nous pouvons compter sur notre présidente déléguée, Dieynaba Diop.

Pour construire une francophonie forte, la France doit tenir son rang. Or, nous avons vu trop d’écarts entre les promesses et la réalité. Le sommet de Villers‑Cotterêts devait relancer des partenariats ambitieux. Huit mois plus tard, nous faisons face à des annulations budgétaires et des coupes sévères : l’AUF perd 72 % de sa dotation et le programme international de mobilité et d’employabilité francophone (PIMEF), annoncé lors du sommet, est menacé.

Nous appelons le gouvernement à corriger le tir. Diversifier les financements apparaît certes indispensable – entreprises, fonds d’actions, grand public – mais il n’est pas envisageable que la France se retire aussi brutalement. Ce désengagement briserait l’élan et enverrait un signal désastreux. Au contraire, engageons-nous, soyons fiers d’être un pilier de la francophonie et offrons à notre jeunesse toutes les opportunités qu’elle recèle. Renforçons notre représentation et affichons la francophonie au cœur de notre ministère de l’Europe et des affaires étrangères, en confiant ce portefeuille à un ministre dédié et stable, car deux ans et demi de rapports ont vu défiler trois ministres différents. Enfin, faisons évoluer notre regard : au Québec, au Congo ou ailleurs, on attend de la France qu’elle s’implique davantage. Ne gâchons pas cette chance unique et restons à la hauteur pour une francophonie forte, lisible et attractive.

M. le président Bruno Fuchs. Rapport après rapport, les grands enjeux sont analysés et les perspectives sont posées, mais, au-delà des discours, c’est bien la volonté politique et désormais budgétaire qui est en question.

Je cède maintenant la parole aux représentants des groupes parlementaires.

Mme Dieynaba Diop (SOC). Ce travail traduit une volonté sincère de faire avancer la francophonie comme un espace vivant, pluriel et porteur d’avenir, en proposant des mesures concrètes et une vision ambitieuse, pour laquelle je remercie les rapporteurs.

Ce rapport nous rappelle une évidence trop souvent oubliée : la francophonie n’est pas un héritage figé, mais une construction vivante, diverse et profondément ancrée dans les réalités du XXIe siècle. Elle ne se résume ni à la France, ni à une nostalgie du passé colonial, mais se trouve portée par des dynamiques multiples, souvent venues du Sud.

Votre travail met également en lumière les fractures qui traversent l’espace francophone et souligne une réalité inquiétante : les engagements financiers de la France reculent. Ce désengagement survient au moment où le besoin de solidarité, de coopération et d’investissement dans la jeunesse n’a jamais été aussi urgent. Certains projets stratégiques sont fragilisés et ce désengagement budgétaire envoie un signal inquiétant, à contretemps des discours officiels.

En ma qualité de présidente de la section France de l’APF, je m’inquiète d’autant plus que nous accueillons cette année la cinquantième session plénière de cette assemblée, alors même que des coupes drastiques sont opérées, allant à l’encontre de nos déclarations.

La francophonie n’a de sens que si elle s’ancre dans une démarche de co-construction, de respect et de réciprocité. Le français ne peut pas constituer un outil d’influence s’il n’est pas d’abord un outil d’émancipation. Il représente un levier pour penser, créer et rêver ensemble, tout en promouvant des valeurs au service de la paix. Nous l’avons d’ailleurs constaté, avec Aurélien Taché, lors de notre déplacement à Thiaroye et je l’observe quotidiennement dans mes fonctions de présidente de la section française de l’APF.

Je souhaiterais vous interroger sur la question de l’enseignement du français à l’étranger. Plusieurs pays renforcent actuellement l’enseignement du français, notamment le Vietnam. Comment pouvons-nous garantir que cette éducation soit perçue comme un atout et non comme une survivance coloniale ?

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Le français doit avant tout être choisi de manière absolument libre, jamais imposé, et doit démontrer une utilité concrète. Cela signifie qu’il doit servir aux jeunes à ouvrir des opportunités d’emploi, d’échanges et de mobilité, comme c’est le cas au Vietnam, au Maroc et dans d’autres pays. Le français doit constituer un tremplin et non une barrière.

Concernant les valeurs, au-delà des indispensables principes de paix et de démocratie, je tiens à souligner l’importance du plurilinguisme. De nombreuses études démontrent qu’il est crucial et plus efficace d’accéder à la connaissance par sa langue maternelle. Nous devons donc promouvoir ce plurilinguisme, faciliter l’accès au savoir par la langue maternelle tout en développant le français comme langue internationale. Notre langue doit faciliter les connexions et constituer un facteur d’émancipation que nous devons promouvoir.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Il est essentiel de rappeler que nous comptons aujourd’hui 350 millions de locuteurs francophones à travers le monde, avec la perspective de doubler ce nombre d’ici trente ans. Toutefois, cette progression ne se concrétisera pas en comptant seulement sur les évolutions démographiques. Nous devons impérativement prendre conscience que l’investissement dans les systèmes éducatifs, notamment sur le continent africain où le nombre d’élèves augmente sans croissance proportionnelle des classes et des enseignants, constitue un enjeu majeur pour atteindre cet objectif.

Par ailleurs, pour que le français ne soit pas perçu comme une langue coloniale, il convient de favoriser son apprentissage conjointement avec les langues vernaculaires et nationales. C’est précisément le sens du programme ELAN, particulièrement intéressant. Cette approche, qui nécessite des moyens, peut être accompagnée par l’APD. Au Maroc, un prêt de l’AFD de 130 millions d’euros permet actuellement de soutenir la formation des professeurs de français et en français.

M. le président Bruno Fuchs. Un rapport d’Amin Maalouf insiste sur la question du plurilinguisme, notamment en France.

M. Michel Herbillon (DR). Je tiens à remercier nos deux rapporteurs pour leur travail, leur engagement au service de la francophonie et leurs propositions très concrètes. Je salue également l’engagement de longue date du président Fuchs sur la francophonie.

Toutefois, alors que ce rapport était très attendu, notre débat de ce matin se trouve heurté par les propos outranciers de M. Jean-Luc Mélenchon, relayés par vous-même, monsieur le rapporteur. Cette situation est regrettable, car le sujet de la francophonie est bien trop important pour faire l’objet d’une telle caricature.

Pour M. Mélenchon, pour La France Insoumise et pour vous-même, l’urgence pour la francophonie semble être de trouver un autre mot pour la qualifier, en substituant aux mots « langue française » ceux de « langue créole commune ».

Le français, langue officielle de vingt-neuf pays, est partagé dans le monde entier. Avec l’ensemble des locuteurs, nous la chérissons. Ce sont d’ailleurs des étrangers qui nous disent qu’il s’agit de la plus belle langue du monde, dont l’harmonieuse mélodie la rend singulière dans le concert des langues.

Pour Jean-Luc Mélenchon et ses acolytes, la langue est un objet politique. Il leur paraissait donc indispensable et urgent d’en faire une polémique et, disons‑le clairement, un peu de politique. Personne n’est dupe de cette volonté perpétuelle de déconstruction de nos fiertés nationales, attitude qui dessert tant la francophonie que la France elle-même.

Je tiens à vous remercier d’avoir abordé la question essentielle de la domination de l’anglais dans les institutions européennes et du recul progressif du français, langue fondatrice de l’Union européenne. Ce phénomène, que j’avais déjà analysé il y a de nombreuses années dans un rapport pour la commission des affaires européennes intitulé L’Europe en VO, est loin d’être symbolique. Il se traduit concrètement par des réunions conduites sans interprétation, des documents internes rédigés quasi exclusivement en anglais ou encore des programmes d’envergure portant systématiquement des noms anglais comme NextGenerationEU, ReArm, SAFE et bien d’autres.

Face à ce constat, je salue les propositions ambitieuses formulées dans votre rapport qui visent à inverser la tendance. Dans le cadre de vos travaux, vous avez rencontré des représentants de la Commission européenne à ce sujet. Pourriez-vous nous préciser leur position ? Ont-ils pleinement conscience de l’ampleur du déséquilibre linguistique actuel ou observe-t-on plutôt une acceptation silencieuse d’un système désormais entièrement tourné vers l’anglais, au détriment de toutes les autres langues officielles ?

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je considère que le fait que l’ensemble des locuteurs d’une langue soient répartis sur les cinq continents et que 80 % se trouvent aujourd’hui sur le continent africain doit nous amener à réfléchir sur la façon dont cette langue que nous avons en partage peut évoluer pour ne plus être perçue uniquement sous l’angle de son origine historique hexagonale – dont je suis très fier en tant qu’amoureux de la langue française –, mais comme une langue qui évolue dans des contextes nationaux très différents et s’hybride avec d’autres langues, comme l’arabe ou le wolof.

Dans de nombreux pays, la manière dont vous parlez le français et dont vous l’hybridez ou non avec les langues locales peut être perçue comme un facteur de relégation ou d’exclusion. Si vous ne vous exprimez pas exactement dans la langue de Molière, on vous fait comprendre que cette langue commune – et je revendique cette appellation – vous appartient un peu moins qu’aux autres. Je ne trouve pas cette situation souhaitable.

Par conséquent, ouvrir le débat sur la dénomination de cette langue me paraît très stimulant. Je n’y vois aucune polémique – il faut vraiment avoir l’esprit étroit pour en voir une. Il s’agit au contraire d’une invitation à réfléchir sur l’avenir de notre belle langue, qui concernera certainement 700 millions de personnes à l’avenir.

Je laisserai ma collègue aborder les aspects relatifs à l’anglais dans les institutions européennes, mais je partage ce qui a été dit.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Je partage la pensée de mon collègue Herbillon et considère qu’il pourrait s’agir d’une nouvelle forme de néocolonialisme que de vouloir unilatéralement modifier la dénomination de cette langue. Nous sommes 350 millions de locuteurs, elle ne nous appartient pas et il paraît étrange de proposer de l’appeler « langue créole ». Dans ce cas, pourquoi ne pas l’appeler « langue basque » ou « langue corse » ? Chacun peut avoir son opinion sur la question et nous pourrions engager une réflexion à ce sujet, mais je doute que le changement de nom constitue l’urgence absolue.

Concernant les niveaux de langue, je vous invite tous à visiter la Cité internationale de la langue française, lieu remarquable où l’on apprend notamment que la langue française compte 700 mots d’origine italienne, près de 800 mots provenant de l’arabe, et des mots d’origine wolof, sans oublier les emprunts à l’anglais et même au russe. Le français est une langue vivante et riche, dont nous pouvons être fiers.

Il convient également de rappeler qu’il n’existe pas uniquement un français soutenu. La Cité internationale de Villers-Cotterêts explique parfaitement l’existence de plusieurs registres, parmi lesquels figure le français soutenu. Nous ne devons pas rester figés dans l’idée que ne pas parler un français parfaitement correct impliquerait de devoir s’exprimer dans une autre langue.

M. Michel Herbillon (DR). Le langage soutenu est certes l’un des registres, mais il s’agit de la norme.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Les trois registres existent et méritent tous d’être respectés. Quand nous évoquions le cas de la chanteuse Aya Nakamura, tristement harcelée par de nombreuses personnes, il faut reconnaître que son français doit être respecté.

Beaucoup déplorent le déclin de l’utilisation du français dans nos organisations internationales, mais je crains que nous ne la déplorions encore davantage à l’avenir, car la représentation française s’en accommode, ce qui constitue un véritable problème. À Bruxelles, le budget le plus important est précisément celui de la traduction. Utilisez donc le français et vos traducteurs ! Il est absolument inacceptable de basculer vers l’anglais, d’autant plus que le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne. J’ai été attristée, lors de notre récent séjour de deux jours à Bruxelles, de constater que nos fonctionnaires s’accommodent parfaitement de l’usage de l’anglais sous prétexte que « cela va plus vite ». Je ne partage absolument pas cette vision.

M. Michel Herbillon (DR). Je tiens à préciser qu’il ne s’agit aucunement de caricaturer la situation. Je reconnais pleinement que la langue française provient des apports de l’italien, de l’arabe, de l’anglais, de l’allemand et de bien d’autres langues, ce qui constitue sa richesse. Cependant, diffuser comme message à l’ensemble des locuteurs francophones, notamment à nos amis québécois qui se battent pour la défense du français, que notre langue s’appellera désormais non plus « langue française », mais « langue créole commune » représente une erreur. Cette proposition ne vise selon moi qu’à attirer la lumière vers une polémique, démarche habituelle de la part des auteurs de ce type de phrases. Je déplore sincèrement cette approche qui ne sert ni la francophonie ni notre pays.

M. Frédéric Petit (Dem). Je vous remercie pour ce rapport particulièrement intéressant. Monsieur le président, je vous remercie également, car ce rapport présente la particularité d’être dual, composé de deux avis distincts. Cette approche intéressante montre que notre Parlement bénéficie d’une expression parlementaire plurielle lorsque des désaccords existent, ce qu’il importe de pouvoir exprimer.

Ce rapport, particulièrement dans l’analyse du rapporteur Taché, maintient une ambiguïté qui me gêne. L’utilisation du pronom « nous » manque de clarté : désignez-vous la francophonie ou désignez-vous les Français ? Cette imprécision me gêne, car, en voulant aller au bout des polémiques, on reconstruit un nouveau néocolonialisme. Décider que nous, Français, savons mieux comment nommer la langue et vouloir l’imposer aux autres perpétue une tradition dépassée. Nous ne sommes plus un empire et nous ne décidons plus unilatéralement. Nous devons dépasser cette posture, et, paradoxalement, ce sont parfois ceux qui appellent à en sortir qui n’en sortent pas.

Vous avez parlé de TV5 Monde, mais vous auriez également pu citer la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF), avec ses 80 000 adhérents malgré un financement très limité, ou encore le Bureau international de l’édition française (BIEF) qui contribue à 40 milliards de chiffre d’affaires, lié entièrement à la francophonie.

L’ambiguïté que nous maintenons nous dessert parfois. En tant que rapporteur de la diplomatie d’influence, j’observe que, lorsque nous accélérons certains processus, nous perdons parfois en profondeur. C’est précisément ce que nous devons expliquer. Les contradictions au sein même de notre administration compliquent le financement. À mon arrivée dans cette maison, parler de plurilinguisme au sein de l’Agence française de l’enseignement à l’étranger (AEFE) relevait presque de la haute trahison. On m’opposait systématiquement : « Nous sommes là pour enseigner le français, monsieur le député ». Lorsque nous sollicitons des financements auprès de Bercy en affirmant représenter une nouvelle démarche internationale, tout en maintenant de telles pratiques administratives, Bercy refuse. Le combat pour le financement impose que nous travaillions sur notre cohérence.

Enfin, plusieurs pays francophones sont en guerre, notamment dans votre circonscription, madame Lakrafi. Comment, en tant que francophone et particulièrement dans votre nouvelle mission depuis cette mandature, parvenez‑vous à créer des espaces de dialogue entre adversaires ? Comment s’articule cette fonction essentielle de médiation que la francophonie peut offrir, aspect crucial que nous oublions lorsque nous ne sortons pas de nos ambiguïtés ?

M. Aurélien Taché, rapporteur. Personne ne veut imposer la dénomination d’une langue à qui que ce soit. Une réflexion sur le fait que le français est devenu une « langue-monde » me semblerait pertinente. Dans notre rapport, nous suggérons d’ailleurs la création d’une Académie francophone de la langue commune. Cette « langue-monde » est désormais partagée par des centaines de millions de personnes de différents pays. L’objectif est donc d’engager un débat collectif sur son évolution et — pourquoi pas — sur l’évolution de sa dénomination, ce qui ne relève absolument pas d’une démarche néocoloniale.

Derrière le débat sur le nom se trouve surtout le débat sur la francophonie elle-même. Vous m’interrogez sur l’ambiguïté, cher collègue. Nous ne pouvons ignorer que ce terme reste lui-même ambigu et hérite d’un passé colonial. À titre de comparaison, lorsque les Anglais utilisent le terme « Commonwealth », la référence au passé colonial apparaît moins manifeste.

Pour ma part, lorsque j’emploie le pronom « nous », je désigne bien l’ensemble des francophones.

J’estime essentiel de nous interroger sur la manière dont cette langue partagée peut servir de fondement à une coopération renforcée, perçue comme égalitaire par tous les peuples et pays de l’espace francophone, plutôt que comme un simple outil d’influence au service des gouvernements français. Ce débat doit également être mené pour la francophonie institutionnelle si nous souhaitons qu’elle progresse.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Les organismes que vous avez mentionnés ont été largement cités et auditionnés dans le cadre de notre rapport.

Je suis outrée par le récent changement de nom du Bief, qui s’appelle désormais France Livre – The French Publishing Network. Je suis favorable à ce que toute phrase en anglais soit accompagnée de sa traduction française. Je trouve absolument aberrant de passer notre temps à défendre la francophonie tout en donnant des dénominations anglaises à nos institutions.

Quant aux pays en guerre dans ma circonscription, notamment la RDC et le Rwanda, l’Assemblée parlementaire de la francophonie constitue un espace d’échange. L’OIF représente les États, tandis que l’APF, représente les parlements. Cette configuration permet aux parlementaires de maintenir le dialogue même lorsque les chefs d’État ne communiquent plus entre eux.

Lors des six derniers mois, la région Afrique s’est réunie à deux reprises, à Cotonou au Bénin et à Brazzaville au Congo. Lors de ces commissions, nous avons réussi à faire dialoguer le président de l’Assemblée nationale de la RDC et la présidente de la Chambre des représentants du Rwanda. Ces échanges se sont déroulés dans un climat extrêmement cordial.

Je souligne que Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale congolaise, s’est levé pour les commémorations du génocide contre les Tutsis, ce qui constitue un acte fort.

Lors de la quarante-neuvième session plénière de l’PAF qui s’est tenue à Montréal en juillet dernier, à l’initiative du président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Adama Bictogo, une mission de bons offices a été proposée. Ainsi, au mois de mai dernier, je me suis rendue avec quatre députés africains à Kinshasa et à Kigali pour rencontrer et auditionner des dirigeants, des ministres, des ambassadeurs, des victimes, des associations et des chercheurs. Nous avons élaboré un rapport destiné au président Faure Gnassingbé, désigné comme médiateur par l’Union africaine.

L’une des recommandations formulées lors de notre déplacement en RDC et au Rwanda consiste à créer une commission permanente de parlementaires congolais et rwandais. Contrairement aux précédents accords de paix qui n’ont pas perduré, nous souhaitons instaurer une commission s’inscrivant dans la durée, au‑delà de la signature de la paix prévue le 27 juin à Washington. Cette commission permettrait d’identifier les signaux faibles et d’impliquer activement les parlementaires des Grands Lacs.

M. le président Bruno Fuchs. Cher collègue, votre question est centrale et la réponse tout aussi importante, car cette forme de diplomatie parlementaire n’a jamais été définie. Nous avons lancé dans cette commission une mission d’information sur ce que pourrait être la doctrine française en matière de diplomatie parlementaire. Aujourd’hui, nous progressons en avançant.

Dans mes fonctions précédentes, maintenant occupées par Amélia Lakrafi, j’ai mis un an à négocier une rencontre entre parlementaires rwandais et congolais. À Québec, l’année dernière, une résolution commune sur la situation a été signée par l’ensemble de l’APF, y compris les représentants congolais et rwandais. Cependant, tout cela repose actuellement sur la volonté d’individus et de parlementaires, sans nomenclature établie. L’idée que des parlementaires africains francophones participent au processus de respect des accords de paix et à la construction d’une nouvelle situation en RDC est indispensable et féconde. Cette démarche présente de réelles chances de succès, mais nécessite une meilleure structuration.

L’OIF doit aujourd’hui montrer une plus grande puissance politique du monde francophone. La situation dans l’Est du Congo perdure depuis trente ans sans que l’OIF s’en soit véritablement saisie. Nous verrions la diplomatie francophone agir beaucoup plus fortement si ces principes étaient restaurés, comme le propose ce rapport.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Je vous remercie pour ce rapport de qualité.

Je conserve en mémoire l’époque où le français était porteur de tant de valeurs et où, du fait du siècle des Lumières, il était parlé au-delà des colonies. Lors de mon premier voyage en Union soviétique, les Russes montraient avec fierté leur maîtrise du français et m’expliquaient leurs motivations pour l’apprendre. Ils avaient choisi cette langue pour lire la littérature française et maîtriser la langue du pays où la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen avait été imaginée. Ils souhaitaient partager toutes ces valeurs que représente notre langue.

Le français n’est pas uniquement une langue diplomatique, bien qu’elle soit l’une des premières langues officielles à l’ONU. Elle constitue également un vecteur de transmission culturelle. Nous disposions de centres culturels français dans de nombreux pays, mais, à une époque où le Quai d’Orsay privilégiait les économies budgétaires, nous avons accepté de nous séparer de ces centres, sans comprendre que ce patrimoine était particulièrement utile à la diffusion de nos idées et de nos valeurs.

De même, l’Institut français ne bénéficie pas nécessairement de moyens supplémentaires pour développer des actions culturelles dans de nombreux pays. Au contraire, on lui impose des restrictions budgétaires.

Je souhaiterais avoir une pensée pour l’Institut français de Gaza, qui constituait l’une de nos fiertés. J’y ai passé du temps, avec des personnes profondément motivées, notamment par ce que représente la France, qui portaient ces idées à Gaza. Il était étonnant de constater que cet institut attirait un grand nombre de jeunes motivés à l’idée d’apprendre la langue française. Je crains malheureusement que peu de ceux qui y travaillaient soient encore en vie aujourd’hui.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Tout d’abord, je note que 98 Instituts français et environ 830 Alliances françaises sont présents dans 135 ou 136 pays. Notre réseau culturel demeure donc très étendu et particulièrement actif.

J’ai néanmoins exprimé, tant dans le rapport que dans mon avant-propos, ma profonde inquiétude face aux réductions budgétaires et la nécessité d’une mobilisation collective pour inverser cette tendance.

J’estime que notre commission des affaires étrangères devrait renforcer sa collaboration avec d’autres commissions, notamment celle des affaires culturelles et de l’éducation, ainsi qu’avec les députés représentant les Français de l’étranger qui visitent régulièrement ces Alliances et ces Instituts. Nous pourrions ainsi essayer de peser collectivement et, à mesure que nous progressons sur ces changements institutionnels, d’explorer de nouvelles sources de financement, notamment auprès de la Banque mondiale, pour accompagner nos centres culturels.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Le rôle des Instituts français et des Alliances françaises revêt une grande importance dans la promotion de la langue française. Ils s’adressent non seulement à ceux qui apprennent le français à l’école, mais également à tous ceux qui choisissent d’étudier notre langue. Ce phénomène s’observe dans différents pays, que certains qualifient d’archipels francophiles et francophones. L’Égypte illustre cette réalité avec ses 3,5 millions de locuteurs francophones. Cette présence ne résulte pas d’un apprentissage systématique du français dans le système éducatif égyptien, mais d’une véritable volonté de nombreux Égyptiens d’apprendre cette langue.

Il est donc impératif de continuer à soutenir les efforts des Alliances françaises et des Instituts français en matière d’enseignement du français. À Saint‑Louis au Sénégal, nous avons vu des initiatives très intéressantes. Face à la baisse de fréquentation, l’Institut français a entrepris un travail important pour atteindre de nouveaux publics, dans un contexte où les grandes entreprises de la région sollicitent des formations pour leurs salariés. Cette démarche porte ses fruits, démontrant l’importance de soutenir ce réseau.

Les réductions budgétaires qui affectent toutes les institutions de la francophonie et la diplomatie culturelle feront beaucoup de mal aux projets francophones si nous n’intervenons pas.

M. le président Bruno Fuchs. Concernant les baisses budgétaires, j’ai personnellement rendez-vous avec le ministre des affaires étrangères demain matin pour aborder cette question. Ces réductions se révèlent brutales et mettent en grande difficulté l’ensemble des opérateurs ainsi que le projet francophone.

Mme Marine Hamelet (RN). Le sommet de la francophonie, organisé pour la première fois depuis trois décennies en France, à Villers-Cotterêts, devait constituer un moment ambitieux pour relancer la francophonie qui traverse – vous l’avez dit dans votre rapport – une crise profonde.

Alors qu’Emmanuel Macron avait initialement inscrit, dans ses vœux du nouvel an 2024, ce sommet parmi les grands événements du millésime français, au même rang que les Jeux olympiques et paralympiques ou la réouverture de Notre‑Dame de Paris, ce sommet n’a pas été mentionné lors de ses vœux du nouvel an 2025, ce qui représente, à notre sens, un aveu d’échec.

La grand-messe de la diplomatique francophone souhaitée par Emmanuel Macron n’a pas eu lieu. Plusieurs chefs d’État, pourtant habitués du sommet, l’ont, cette fois-ci, boudé.

Il devait constituer un lieu privilégié de médiation pour rechercher un règlement de conflits régionaux, notamment celui opposant le Rwanda à la RDC. C’est précisément l’inverse qui s’est produit : le président de la RDC a quitté le sommet avant sa conclusion, tandis que le Rwanda a émis des réserves sur la traditionnelle résolution des sorties de crise dans l’espace francophone.

Ce sommet n’a donc pas répondu aux attentes légitimes qu’il suscitait. Il traduit l’échec d’un paradigme qui a connu un changement depuis sept ans, depuis l’élection du président Emmanuel Macron. Ce nouveau paradigme s’avère fait de contradictions et d’erreurs stratégiques.

L’exemple le plus frappant est la nomination à la tête de l’OIF de l’ancienne ministre des affaires étrangères du Rwanda. Face aux critiques suscitées par cette nomination, soutenue par Emmanuel Macron, vous avez indiqué que sa familiarité avec les acteurs et sa connaissance des enjeux de la crise opposant le Rwanda à la RDC constituaient un atout pour permettre à l’OIF d’intervenir au bon niveau à l’appui d’un processus de résolution du conflit. Force est de constater que son silence a miné la crédibilité de l’institution pour agir en faveur de la paix.

Quel bilan tirez-vous du changement de paradigme initié par Emmanuel Macron depuis son élection ?

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. La secrétaire générale a été élue par les dirigeants. Son élection a bénéficié du soutien français, certes, mais également de l’appui de nombreux autres pays. Remettre en question une élection traduirait une position peu respectueuse des principes démocratiques. Ayant été élue, elle occupe donc légitimement la tête de cette organisation.

Quant à votre question sur le changement de paradigme depuis 2017, qui dépasse le cadre de ce rapport, je tiens à défendre cette évolution, sur laquelle mon collègue et moi-même ne partageons pas nécessairement la même vision. Tous les développements actuels, notamment la fin de nos interventions militaires et le démantèlement de nos bases, ont été décidés dès 2017. Ces orientations figurent intégralement dans le discours de Ouagadougou du président de la République : moins de présence militaire et davantage de coopération muséale, artistique, scientifique, académique et entrepreneuriale.

Je regrette que cette évolution ne soit pas forcément bien perçue, car nous n’avons probablement pas consacré suffisamment de moyens pour communiquer ni mobilisé les bons réseaux. Des ministres et présidents africains me confient régulièrement qu’ils ne disposent pas du numéro de téléphone du conseiller Afrique du président. Nous pouvons certainement faire mieux, car tout est perfectible.

Néanmoins, j’adhère pleinement à ce changement de paradigme et souhaite que nous poursuivions dans cette direction. Aujourd’hui, nous développons davantage de doubles diplômes entre établissements français et universités africaines permettant à des étudiants camerounais d’obtenir des diplômes reconnus dans nos deux pays, ce qui renforce leur employabilité et leur ouvre des perspectives professionnelles avec de meilleures rémunérations. Ces avancées me semblent bien plus importantes que les critiques faciles.

Je suis attristée par le « French bashing » pratiqué par les politiciens français. Cette forme de haine de soi paraît typiquement française. On entend constamment que « la France est mise dehors en Afrique », mais la réalité est bien différente : les liens ont été rompus avec trois pays sur cinquante-quatre, qui ont connu des putschs militaires. La Centrafrique joue un double jeu, mais ne nous a jamais mis dehors. Nous avons unilatéralement décidé de fermer notre base militaire dans ce pays, qui avait d’ailleurs sauvé la vie du président actuel, qui ne nous a jamais demandé de partir. En dehors de ces trois exceptions, nous entretenons d’excellentes relations avec les nations africaines. Certains pays, comme le Sénégal, peuvent tenir un discours à destination de leur opinion publique, mais leurs dirigeants expriment un autre discours auprès de nous. Il serait temps de cesser de dénigrer notre propre pays et de reconnaître nos partenariats fructueux avec plus de cinquante nations africaines, en évitant de parler de l’Afrique comme s’il s’agissait d’un unique pays.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je considère également que le sommet de Villers-Cotterêts a été assez largement un échec, alors que nos attentes étaient importantes. Dans son discours d’ouverture, le président de la République n’a pas évoqué le conflit au Congo, ce qui a conduit le président Félix Tshisekedi à quitter prématurément le sommet, ce qui est regrettable. Sur plusieurs autres grands conflits, il n’y a pas eu de position forte. Certaines initiatives méritent d’être saluées, notamment concernant le Liban ou l’Arménie, mais sur d’autres questions, le sommet a été décevant.

Je ne m’attarderai pas sur le soutien de la France au secrétariat général de la francophonie. Je préfère examiner les actes et le bilan depuis la nomination de Mme Mushikiwabo. Certaines réformes de l’OIF ont été intéressantes. En revanche, sur le plan de la politisation des institutions de la francophonie et du secrétariat général et du combat pour la paix dans l’espace francophone, notamment concernant la RDC, le compte n’y est absolument pas. Les prises de position de la secrétaire générale ont été très rares. L’APF s’investit effectivement, mais l’OIF aurait dû, dans cette zone, être à l’initiative d’une grande opération de maintien de la paix ou s’inscrire dans le cadre de l’ONU pour le faire, ce qui relève de son rôle. Cette défaillance constitue un manquement extrêmement important.

Quant au reste de ce qu’on a encore pu appeler la « politique africaine », nous ne serons pas d’accord, mais ce n’était pas l’objet principal de notre rapport. Si nous avions concentré une aide publique au développement beaucoup plus substantielle sur le monde francophone, plutôt que d’adopter une approche essentiellement militaire, qui a pu traîner, et si nous n’avions pas appliqué « deux poids deux mesures » dans le cadre des institutions francophones avec des pays jugés hostiles à Paris comme le Niger, le Burkina ou le Mali, contrairement à notre approche pour le Tchad ou la Guinée, nous ne serions peut-être pas dans la situation que nous connaissons. Nous devons prendre conscience de ces réalités si nous voulons continuer à défendre le projet francophone.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. On ne peut pas affirmer que le sommet de Villers-Cotterêts constitue un échec. Nous pouvons évidemment faire mieux, mais nous avons réuni quarante à cinquante chefs d’État et de gouvernement et une centaine de délégations, qui sont parvenues à s’accorder sur une résolution. Ce sommet n’était certes pas parfait, mais, avec la participation de tant que chefs d’États et de gouvernement, il serait inapproprié de le qualifier d’échec.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Je remercie les deux rapporteurs pour ce travail particulièrement riche et intéressant.

La francophonie et la langue française sont partagées par vingt-neuf États. Ce que nous affirmons avec conviction, avec Jean-Luc Mélenchon, qui travaille sur ces questions depuis longtemps – et Aurélien Taché a parfaitement traduit cette vision dans le rapport à travers des propositions concrètes – c’est que le français constitue une langue commune, résultat d’une créolisation linguistique. Il ne s’agit pas d’une langue morte, mais d’une langue vivante qui évolue quotidiennement et s’enrichit constamment. Le français, comme le disait Kateb Yacine qui se décrivait comme « colonisé décolonisé », représente « un butin de guerre » pour de nombreux peuples dans le monde, dont je suis. Affirmer aujourd’hui que le français est une langue commune créolisée constitue une fierté. Lorsque le sage montre la lune et que l’idiot regarde le doigt, que pouvons-nous y faire ?

J’ajoute que la copropriété de la langue française est désormais essentielle à affirmer. La proposition de créer une Académie internationale de la langue française constitue une idée qui mérite d’être mise en œuvre.

Il est regrettable de constater que la langue française, pourtant outil de souveraineté pour un État, ne parvient pas à résister face à la domination de l’anglais dans toutes les institutions. Nous devons nous battre pour défendre cette langue française que nous partageons avec vingt-huit autres États et plusieurs centaines de millions de personnes, pour qui elle représente la langue de communication, de travail et d’émancipation. Nous pouvons en être fiers et cette langue doit s’enrichir. Il est nécessaire de lutter contre les anglicismes et contre la tendance d’Emmanuel Macron à introduire l’anglais partout, démarche totalement inutile. Cherche-t-il à démontrer qu’il est à la mode parce qu’il parle couramment l’anglais ? Cela n’a aucune importance. Nous sommes extrêmement fiers de parler couramment français avec tous ceux qui le parlent également.

Le français n’est pas un outil de domination et nous devons nous affranchir de cette conception. C’est pourquoi nous affirmons notre volonté de construire ensemble la langue française du futur, celle des jeunes générations qui nous font face. Nous la co-construirons avec toutes ces personnes à travers le monde qui la transforment continuellement. Il s’agit d’un véritable projet politique : utiliser la langue française non comme instrument de domination, comme ce fut le cas par le passé, mais comme outil de partage et de solidarité. La langue française doit servir au rapprochement des peuples, et c’est ainsi que nous la défendons.

Je vous remercie pour les nombreuses propositions particulièrement pertinentes contenues dans ce rapport. Des alertes majeures doivent être lancées, notamment quand le gouvernement annonce une réduction de 75 % du budget de l’AUF, premier réseau d’enseignement supérieur au monde. Parallèlement, 100 millions d’euros seront alloués à des universitaires américains, sans que l’on sache précisément pourquoi ni comment, alors même que nos propres universitaires français manquent cruellement de financement. Le problème réside dans la vision d’Emmanuel Macron concernant la langue française.

Battons-nous pour une conception de la langue française telle qu’elle est réellement : une langue créolisée, partagée, commune.

M. le président Bruno Fuchs. Vous avez, peut-être sans le vouloir, mis en cause notre collègue Michel Herbillon. Dans cette enceinte, je tiens à ce que nos échanges demeurent respectueux. Je ne souhaite pas, que ce soit intentionnel ou non, que nos discussions puissent affecter individuellement l’un ou l’autre de nos membres.

M. Michel Herbillon (DR). Ma chère collègue, je respecte votre point de vue malgré mon désaccord, mais je ne trouve pas acceptable que vous me mettiez en cause parce que vous êtes, avec mon collègue Aurélien Taché, gênés par la polémique engagée.

Aurélien Taché évoque laborieusement un colloque, qui s’est pourtant tenu à l’Assemblée nationale, avec Jean-Luc Mélenchon, sur le sujet de la francophonie, ce dont vous avez le droit. Toutefois, vous ne pouvez pas prétendre ensuite que cela n’a aucun rapport avec notre débat d’aujourd’hui. Je suis surpris qu’Aurélien Taché, avec qui j’entretiens pourtant des relations cordiales malgré nos désaccords, m’ait qualifié d’esprit étroit, ce qui est parfaitement clair.

Quant à vous, ma chère collègue, vous citez l’expression « quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt ». Je ne suis pas suffisamment « idiot » pour ne pas comprendre que cette formule me visait directement, surtout lorsque vous me regardez en joignant le geste à la parole. Une telle attitude n’est pas normale. Dans la mesure où je suis le seul ici à avoir évoqué la polémique lancée par Jean‑Luc Mélenchon et ses soutiens, dont vous faites partie, cette expression me visait. Je vous demande donc formellement de retirer ces propos et de présenter vos excuses pour cette citation qui me visait personnellement. Bien que nous puissions avoir des opinions divergentes sur certains sujets, le respect mutuel doit prévaloir.

Je tiens à souligner que Jean-Luc Mélenchon, qui a siégé dans cette commission pendant cinq ans, comme moi, n’a jamais eu recours à des attaques personnelles envers ses collègues, contrairement à vous et à M. Taché.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Je ne vous présenterai pas d’excuses, car il s’agit d’une expression de la langue française, qui n’a rien d’insultant. Cette expression, sorte de proverbe, traduit simplement une idée par une image. Ce n’est nullement une insulte et ne mérite donc pas d’excuses.

Je défends et soutiens que Jean-Luc Mélenchon, tout comme Aurélien Taché, affirme que la langue française est un bien commun, résultat d’une créolisation que nous revendiquons. Nous pourrions tout à fait dire, au lieu de « langue française », « langue créole », tant elle est partagée avec 29 États et des centaines de millions de personnes. Qu’y a-t-il de criminel dans cette affirmation ?

Vous cherchez à susciter des polémiques franchouillardes. C’est un sketch que vous avez entamé ce matin. Allez donc vous amuser sur les réseaux sociaux, mais, ici, nous traitons de sujets sérieux.

M. Frédéric Petit (Dem). Je ne vais pas débattre pour déterminer si je suis idiot ou franchouillard.

L’ambiguïté persiste et nous empêchera de revendiquer clairement ce que nous souhaitons financer. Cette ambiguïté vient d’être réaffirmée ici même : on nous dit que le français est un outil de souveraineté et qu’il doit être partagé. Je rappelle que les coupes budgétaires évoquées concernent spécifiquement la partie française, et non tout le financement de l’AUF. Cette organisation est financée par cinquante-quatre pays. Je souhaite donc souligner cette ambiguïté persistante qui entrave notre travail.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Je tiens à préciser que l’AUF est financée à 80 % par la France. Elle est donc mise en péril par une baisse massive des crédits.

Hormis les membres de La France Insoumise, nous sommes tous des idiots. Je vous remercie, chère collègue.

Affirmer que le français est une langue créole constitue une confusion historique et linguistique. Le français est une langue romane héritée du latin, tout comme l’italien ou l’espagnol. Ce n’est pas une langue née d’un choc colonial, mais le fruit d’une évolution continue de plus de mille ans. Nous pouvons célébrer les métissages sans pour autant réécrire l’histoire.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Cher Michel Herbillon, j’ai dit que notre débat de ce matin était sans rapport avec le colloque, que nous avons organisé. Nous aurions d’ailleurs été ravis que vous veniez y exprimer votre position. Votre intervention a nourri nos échanges. Je ne suis nullement mal à l’aise avec l’expression employée par Jean-Luc Mélenchon. Je considère effectivement que la langue française est encore perçue comme un instrument de domination ou une langue coloniale. Des écrivains, au Sénégal et ailleurs, cessent d’écrire en français pour s’exprimer en wolof ou dans d’autres langues locales, précisément pour cette raison.

La proposition d’une Académie francophone de la langue commune vise justement à co-construire cette langue et pourrait constituer un espace de réflexion sur son avenir, sa dénomination et ses hybridations. Cette démarche permettrait de démontrer à ces écrivains qu’ils n’ont pas à rompre avec le français pour affirmer leur fierté nationale et culturelle, car cette langue leur appartient autant qu’à nous.

Concernant l’AUF, nous faisons face à une amputation budgétaire de 75 %, tandis que 100 millions d’euros sont alloués à des universitaires américains. Nous avons d’ailleurs proposé dans notre rapport qu’une part substantielle de ces 100 millions d’euros soit réaffectée au renforcement de l’AUF, ce qui constitue une priorité absolue. Nous disposons d’un réseau d’enseignement supérieur remarquable qu’il est impératif de soigner.

M. Michel Herbillon (DR). Je tiens simplement à souligner que vous n’étiez pas obligé de me qualifier d’esprit étroit. On peut parfaitement exprimer des désaccords sans recourir à des insultes ou injures envers ses collègues.

M. le président Bruno Fuchs. L’échange a eu lieu. Revenons au rapport, à ses propositions et aux redéfinitions nécessaires pour renforcer la puissance et l’influence de la francophonie.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Le rapport constitue une somme considérable d’informations et de réflexions. À vous entendre tous les deux, je mesure ce que le pas de deux a pu avoir de vivant et parfois même d’explosif au cours des deux années écoulées. Je vous remercie pour ce travail.

Le débat qui vient d’avoir lieu est intéressant, malgré sa véhémence. Si la langue française est une langue romane, nous devons admettre que nous en constatons l’évolution plus que nous ne l’organisons. Ce sont les usages et la façon dont la langue est perçue, imprégnée et enrichie par d’autres expériences, d’autres langues et d’autres modes de vie qui permettent cette créolisation que vous avez décrite.

Le concept de copropriété d’une langue véritablement partagée me paraît très intéressant, car il permettrait de rompre avec l’idée que les Français sont des donneurs de leçons arrogants, cherchant à imposer leurs valeurs et leur cadre de réflexion plutôt qu’à écouter leurs interlocuteurs.

Vous avez fortement insisté sur le fait que le français est devenu une langue d’Afrique, avec 70 % des locuteurs sur ce continent. Je constate néanmoins que le fossé se creuse entre les locuteurs du français dans de nombreux pays africains et les locuteurs d’autres langues. Ce fossé n’est pas uniquement linguistique, mais également social. Le français tend à devenir, dans certains pays, une langue des intellectuels, une langue de l’administration dans les domaines du droit, de la diplomatie, de la justice et de la recherche universitaire. Certains éléments de votre rapport cherchent à réduire ce fossé, ce qui constitue un enjeu crucial.

Cette problématique se manifeste également dans un département français comme Mayotte, où la langue maternelle de nombreux habitants n’est pas le français, mais le shimaoré, langue bantoue proche du swahili. Comment réduire ce fossé ? L’enjeu dépasse la simple réflexion théorique sur la francophonie pour devenir une question concrète touchant notre propre pays et un département français.

Il me semble que le français est de moins en moins une langue de la science. Je conduis actuellement une mission pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN), et force est de constater que le français n’y est plus une langue vernaculaire. La langue de travail y est désormais l’anglais.

Enfin, j’aurais aimé, bien que le rapport soit déjà très dense, qu’une attention particulière soit portée aux valeurs transmises avec la langue : l’égalité femmes-hommes, les droits des minorités et les droits des personnes handicapées. Ce sujet a-t-il suscité votre intérêt ? Avez-vous trouvé un écho auprès de vos interlocuteurs ?

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Pour commencer par votre dernière question, nous avons effectivement auditionné plus de t personnes à Paris et plus de 250 à l’étranger. Les sujets relatifs au genre, à l’accès au droit et à l’État de droit nous ont été fréquemment cités comme des points importants défendus par la francophonie. Cette caractéristique nous différencie peut-être du Commonwealth.

Concernant le français comme langue des élites et la situation de Mayotte, nous préconisons d’accroître et de restructurer la formation des formateurs en français et de français, ce qui représente deux approches distinctes. Cette formation devrait inclure l’enseignement du français langue étrangère pour accompagner efficacement les enfants et les adultes dont la langue maternelle diffère du français.

Je vous rejoins sur le plan des valeurs de la francophonie. Nous disposons d’ailleurs d’un réseau francophone pour l’égalité et le droit des femmes. Lors de nos échanges avec des non-francophones qui n’ont pas reçu le français en héritage, mais l’ont choisi, les premières valeurs qu’ils évoquent sont la liberté d’expression et la liberté de la presse, libertés qui ne sont pas garanties dans tant de pays. Nous devons nous battre pour le préserver.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je m’associe aux propos de ma collègue. Concernant l’apprentissage du français dans certains pays, notamment le Sénégal : l’apprentissage de notre langue coïncide souvent avec l’entrée à l’école. Vous l’avez souligné pour Mayotte, mais c’est encore plus flagrant au Sénégal, les enfants arrivent à l’école sans parler le français. Ils doivent donc apprendre simultanément la langue et les matières enseignées. Sans accompagnement spécifique, cette situation démobilise et accentue la rupture scolaire.

Je me souviens d’un exemple rapporté du Sénégal : autrefois, si un élève prononçait un mot en wolof en classe, le professeur le reprenait immédiatement, créant un sentiment d’insécurité linguistique, pour reprendre le terme des linguistes, avec des conséquences préjudiciables. Des initiatives remarquables comme le programme ELAN de l’OIF s’attaquent à cette problématique, et nous plaidons tous deux pour leur renforcement.

Vous avez également évoqué le français comme langue scientifique, aspect qui a considérablement retenu notre attention. Nous avons constaté une progression extraordinaire de l’anglais dans les publications scientifiques. Notre rapport formule plusieurs propositions pour remédier à cette situation, notamment un classement francophone des universités, une alternative au classement de Shanghai. Ce dernier favorise indubitablement les universités anglo-saxonnes, les valeurs anglo‑saxonnes, et j’irais jusqu’à dire la langue du capitalisme. Le classement francophone que nous proposons constituerait une avancée significative pour la francophonie scientifique à laquelle nous croyons fermement.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Nous avons effectivement consulté de très nombreux chercheurs, notamment au Canada. J’ai été stupéfaite et franchement contrariée de constater que même dans les universités françaises, les chercheurs sont valorisés lorsqu’ils publient en anglais. Cette idée de classement francophone a émergé de nos échanges avec Slim Khalbous, recteur de l’AUF, qui fédère plus de 1 100 universités dans 125 pays, bien au-delà de la francophonie institutionnelle. Notre démarche ne vise pas à concurrencer l’anglais, ce qui serait vain, mais à proposer une complémentarité. Nous avons donc imaginé un « classement de Paris » – l’idée ayant germé à Paris au lendemain de l’inauguration du sommet de Villers-Cotterêts – qui serait complémentaire à celui de Shanghai et aux autres classements existants. Ce classement se veut francophone et durable, car nous souhaitons y intégrer une dimension environnementale.

M. le président Bruno Fuchs. Je cède à présent la parole aux députés intervenant à titre individuel.

M. Michel Guiniot (RN). Je souhaite formuler quelques observations sur les points qui viennent d’être abordés. Concernant Villers-Cotterêts, nous n’avons jamais eu l’occasion, en tant que membres de la commission des affaires étrangères, d’être conviés à une quelconque visite ou réunion. Cette exclusion concerne même ceux qui résident dans la région, comme moi-même, domicilié à seulement 40 kilomètres du site précisément, étant Picard. Je considère cette situation profondément regrettable et y vois une véritable ségrégation à l’encontre de certains membres de notre commission.

En second lieu, j’ai entendu précédemment que la langue française serait une survivance coloniale. Faudrait-il alors comprendre que l’apprentissage de l’allemand constitue une survivance de l’Occupation, l’anglais une survivance de la guerre de Cent Ans, et l’espagnol peut-être une survivance des conquistadors ? Puisque nous évoquons Villers-Cotterêts, une citation attribuée à François Ier me revient à l’esprit, qui définit parfaitement ce qu’est la langue française à mes yeux : « On parle aux chevaux en allemand, on parle aux femmes en italien, on parle à Dieu en espagnol et on parle aux hommes en français. » Cette citation me semble exprimer l’essentiel.

Je souhaite également aborder ce que vous développez aux pages 128 et suivantes concernant les mobilités dans l’espace francophone. Vous soulignez très justement que la francophonie de l’avenir doit faire l’objet de chantiers stratégiques unissant les francophones pour les amener à accomplir de grandes réalisations communes. Une réponse conjointe aux défis migratoires qui sont posés à la France, comme aux pays francophones, est une nécessité croissante. L’espace de la francophonie, autant que la langue que nous partageons, doit être un vecteur de stabilisation des relations entre les pays, et non un prétexte à l’importation d’une population venant pour des motifs économiques.

Pour reprendre les termes du rapport, la migration doit être circulaire. Les individus qui migrent, notamment les étudiants venant se former en France, doivent illustrer que le partage d’une langue commune permet les échanges et que l’apprentissage dans un pays doit contribuer à l’enrichissement de l’autre, par le retour vers leur pays d’origine. Force est de constater que ce n’est actuellement pas le cas. Vous proposez de créer un visa francophone. Qu’en serait-il d’apporter une réponse commune aux défis migratoires, particulièrement face aux individus allophones ?

M. Aurélien Taché, rapporteur. Concernant le débat sur la langue française et la colonisation, je crois m’être déjà suffisamment exprimé et je doute que nous parvenions à un accord sur ce point.

En revanche, sur la question des mobilités, je tiens à souligner, à l’attention de votre groupe Rassemblement national, que cet aspect nous a été rappelé de façon insistante dans nos discussions sur la francophonie. Nous ne pouvons ignorer que la circulation au sein de l’espace francophone exerce une influence directe sur la motivation des populations à poursuivre l’apprentissage du français. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui l’étudient aujourd’hui, notamment au Maroc, dans l’optique de s’établir au Canada. À l’inverse, le Maroc offre des bourses aux étudiants d’Afrique subsaharienne pour favoriser la diffusion de la langue française.

Cette question des mobilités est fondamentale. De nombreux interlocuteurs nous ont signalé que les refus de visa et les obstacles à la mobilité constituaient des irritants majeurs, au point que certains s’interrogent sur la pertinence d’apprendre d’autres langues si la crispation sur les sujets de mobilité et de migration persiste en France. Le débat public français, que suivent attentivement nos amis francophones du continent africain, leur laisse malheureusement penser que la situation n’est pas près de s’améliorer.

M. Guillaume Bigot (RN). Chers collègues, votre rapport, par ailleurs de très bonne facture, me semble souffrir d’une lacune importante. La dimension économique de la francophonie y est quasiment inexistante. À titre d’exemple, le terme PIB n’apparaît pas dans votre travail, contrairement à celui de Gaza, situation tragique s’il en est, mais sans rapport direct avec la francophonie.

Cette absence de référence aux enjeux économiques me paraît d’autant plus regrettable que nous traversons une période où les échanges hors OCDE et entre les BRICS gagnent en puissance, alors que l’espace francophone se révèle particulièrement prometteur à cet égard. Il représente déjà 16 % du PIB mondial et 20 % des échanges de biens et services.

Je profite de cette intervention pour souligner que notre groupe soutient la création d’une agence francophone de promotion de l’industrialisation en Afrique, bien qu’il s’agisse d’un sujet connexe.

Ma question est la suivante : quand la francophonie sera-t-elle mobilisée, selon vous, pour répondre aux attentes économiques des Africains, mais aussi des Français, plutôt que de vouloir décoloniser la langue française ? Si j’étais taquin, je dirais que la créolisation relève de l’appropriation culturelle, ce terme étant lié à une histoire, une géographie et une culture spécifiques. Je pourrais également affirmer que cette volonté de décoloniser les langues reflète une colonisation mentale importée des campus américains, cette idéologie décoloniale entièrement américaine. J’ajouterais enfin que la langue française est effectivement romanisée, conséquence d’une expérience coloniale, puisque la Gaule a été colonisée par Rome. Mais là n’est pas l’essentiel. Ma question porte sur les mesures concrètes envisagées pour faire de la francophonie un véritable moteur de croissance.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. La francophonie économique ne fait nullement défaut dans notre rapport. Nous avons longuement examiné cette question et auditionné un nombre considérable d’entrepreneurs et d’organisations patronales francophones.

Nous proposons d’organiser un grand pôle de la francophonie économique en mettant en synergie les différents réseaux entrepreneuriaux. Ces nombreux réseaux rendent plus visibles les enjeux et les opportunités économiques de l’espace francophone qui représente, comme vous l’avez souligné, 16 % de la richesse mondiale, 20 % du commerce mondial et 14 % des réserves mondiales de ressources minières et énergétiques, faisant du français la troisième langue des affaires.

Notre objectif consiste à capitaliser sur les multiples propositions émanant des différents réseaux économiques. Nous avons notamment cité l’APF, non pas l’Assemblée parlementaire de la francophonie, mais l’Alliance des patronats francophones, le Forum francophone des affaires (FFA), le Groupement du patronat francophone (GPF), la Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones, ou encore le Cercle des clubs d’affaires francophones à l’international que j’ai fondé il y a deux ans.

Nous préconisons une meilleure organisation et une mise en cohérence de tous ces réseaux afin de démontrer le dynamisme économique de l’espace francophone et son attractivité. Je prendrai pour exemple les pays du Golfe, les pays de ma circonscription que je connais bien. Désormais, le français est enseigné comme langue vivante obligatoire dans les écoles publiques saoudiennes et émiriennes. Pourquoi ? Parce que ces deux pays, ainsi que le Qatar, souhaitent développer leur présence en Afrique, particulièrement en Afrique francophone. Ils s’intéressent à cette langue pour faciliter leurs relations avec l’Afrique francophone. L’ensemble de cette dynamique et cet écosystème de réseaux francophones des affaires nécessitent une coordination et mériteraient une promotion plus soutenue.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). M. le rapporteur, à l’occasion d’un colloque organisé mercredi dernier dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, à votre initiative, Jean-Luc Mélenchon a tenu des propos profondément choquants. Il a notamment appelé de ses vœux à trouver un autre mot que « langue française » pour qualifier notre langue, sous le regard acquiesçant du rapporteur.

Je rappelle que l’article 2 de notre Constitution dispose clairement que la langue de la République est le français. Jean-Luc Mélenchon termine son envolée lyrique anti-française et anti-France en faisant l’apologie explicite du grand remplacement. Avec de telles personnalités politiques en son sein, la République française n’a pas besoin d’ennemis extérieurs. Ils sont déjà nichés dans nos institutions démocratiques.

Madame la rapporteure, pouvez-vous enrichir la réponse que vous avez faite précédemment ? Comment vous positionnez-vous par rapport à cette vision de la francophonie, manifestement partagée par votre rapporteur ?

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je répondrai brièvement, car si les désaccords peuvent s’exprimer de la manière la plus franche, qualifier un collègue parlementaire d’ennemi de la République constitue une attitude que je ne trouve pas acceptable. Je ne développerai pas davantage ma réponse, considérant la façon dont vous m’avez qualifié.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Je me suis précédemment exprimée en précisant que qualifier le français de langue créole constitue une confusion historique et linguistique. J’ai souligné que le français est une langue romane héritée du latin, à l’instar de l’italien ou de l’espagnol. Je ne partage absolument pas l’affirmation selon laquelle elle serait née d’une langue véhiculaire composée d’anglais et de langues d’Extrême-Orient. Notre langue appartient, comme le portugais également, à une famille linguistique issue d’une évolution progressive sur plus de mille ans, et non d’une transformation brutale. Je ne peux donc scientifiquement qualifier le français de langue créole, même si je ne prétends pas être une experte. J’ai naturellement approfondi ces questions après avoir pris connaissance, comme vous, des comptes rendus du colloque organisé par mon collègue.

M. le président Bruno Fuchs. Recentrons nos discussions sur le rapport lui-même.

M. Jérôme Buisson (RN). Je vous remercie pour ce rapport dont les recommandations sur le développement de nos relations avec les pays francophones, tant sur les plans économique, politique, qu’éducatif et culturel, sont parfaitement louables.

Cependant, la présentation de ce document se trouve désormais entachée par la polémique lancée par Jean-Luc Mélenchon, que vous reprenez à votre compte. Cela est regrettable, car finalement, par la faute de ceux qui ont initié cette controverse, les médias ne retiendront probablement que cet aspect du rapport.

J’aimerais partager deux réflexions. Premièrement, les langues constituent effectivement des organismes vivants qui évoluent. Vous évoquez une créolisation de la langue française, selon votre terminologie, mais au-delà de leur évolution, les langues tendent également à se différencier les unes des autres. Sans un pays référent qui influence et structure également le français, langue qui nous appartient à tous, les variantes linguistiques s’éloignent progressivement entre elles. L’histoire nous montre que des populations finissent parfois par ne plus se comprendre d’un territoire à l’autre, alors qu’elles partageaient initialement le même idiome. Il n’est donc pas déraisonnable de considérer que le français doit déterminer lui-même ses limites, mission que remplit notamment l’Académie française.

Deuxièmement, certains héritages de la période coloniale représentent parfois un atout pour les pays concernés. La France elle-même a été colonisée durant de longues périodes et conserve des influences romaines ou arabes qui constituent aujourd’hui des richesses pour notre pays.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je ne souhaite pas engager un débat sur les prétendus bienfaits du colonialisme, ce qui nécessiterait considérablement plus de temps. J’affirme simplement que le français appartient effectivement à tous ceux qui le parlent, donc également aux Français.

Je tiens cependant à souligner un point important : parmi tous les pays qui s’investissent aujourd’hui pour la progression de cette langue à travers le monde, ce ne sont ni les pays d’Afrique, ni la France qui déploient les efforts les plus remarquables. Je considère que le Québec, malgré sa taille modeste, consacre des ressources considérables, proportionnellement à ses capacités budgétaires et démographiques, pour que la langue française continue de se développer mondialement. Nous pouvons ainsi décentrer le débat et constater que la « mère patrie linguistique » n’est pas nécessairement la plus engagée dans ce domaine.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Je ne partage pas entièrement l’analyse de mon collègue sur ce point. Mon séjour au Canada et au Québec m’a définitivement convaincue de ne plus laisser quiconque prétendre que nous serions les mauvais élèves de la francophonie.

La réalité est que de nombreux pays reconnaissent deux langues officielles dans leur constitution, tandis que nous n’en avons qu’une seule. Nous ne craignons donc pas sa disparition, contrairement aux Québécois qui répètent constamment, et à juste titre, qu’ils constituent une goutte de francophonie dans un océan d’anglophonie – expression que nous avons dû entendre une centaine de fois quotidiennement. Je comprends parfaitement leur combat qui revêt pour eux un caractère existentiel. Notre Constitution ne reconnaissant qu’une seule langue, nous n’éprouvons pas cette inquiétude de la perdre.

J’invite vivement l’ensemble de nos collègues, y compris Jean-Luc Mélenchon, à visiter la Cité internationale de la langue française. Cette institution abrite un musée, des expositions, des résidences d’artistes, des événements linguistiques, des formations et des actions pédagogiques. Elle constitue une vitrine remarquable qui m’a personnellement beaucoup appris, notamment sur les quelque 700 à 800 mots d’origine italienne, les 400 à 700 termes provenant de l’arabe, sans compter les nombreux emprunts au russe et les termes qui évoluent sémantiquement à travers le temps. Cette visite s’avère extrêmement instructive.

Communiquons davantage sur cette Cité internationale et rappelons que la France n’est aucunement un mauvais élève. Au contraire, notre pays demeure le principal contributeur financier des institutions francophones : l’AUF regroupe 1 100 universités dans 135 pays et bénéficie d’un financement français à hauteur de 80 % ; l’Assemblée parlementaire de la francophonie reçoit également sa plus importante contribution de la France, via le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, l’Assemblée nationale et le Sénat. Cette réalité s’applique à la majorité des institutions francophones que nous finançons majoritairement.

M. le président Bruno Fuchs. Permettez-moi de désamorcer une potentielle crise diplomatique avec nos amis canadiens : le Québec ne constitue pas encore un pays à part entière, même si mon collègue l’a qualifié ainsi un peu rapidement. Parmi les dix provinces canadiennes, le Québec jouit certes de la plus grande autonomie, mais ne possède pas le statut d’État indépendant. Évitons d’ajouter une nouvelle controverse avec nos amis canadiens, nous avons suffisamment de sujets polémiques ce matin.

M. Stéphane Rambaud (RN). Le rapport présenté met en lumière une réalité préoccupante : la francophonie n’est plus perçue comme un enjeu géostratégique de premier plan pour la France, ni comme le levier économique qu’elle pourrait pourtant représenter.

Cette situation n’a rien de surprenant. Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs ont sacrifié notre influence en validant des choix contraires aux intérêts nationaux, notamment le soutien apporté à la candidature d’une ministre rwandaise à la tête de l’OIF, alors même que le Rwanda a abandonné la langue française au profit de l’anglais.

La francophonie pourrait pourtant redevenir un puissant instrument de co-développement, particulièrement en Afrique de l’Ouest, si elle s’appuyait sur une vision politique ambitieuse, cohérente et assumée.

Ma question est donc la suivante : êtes-vous disposés à soutenir, comme le propose Marine Le Pen, la mise en œuvre d’une véritable union francophone fondée sur un partenariat équilibré, l’accès prioritaire aux universités françaises pour les étudiants des pays francophones sous condition de retour dans leurs pays d’origine, et enfin la création d’une agence francophone de l’industrialisation orientée vers les besoins des peuples plutôt que soumise aux logiques d’une technocratie mondialisée ?

M. Aurélien Taché, rapporteur. Concernant l’aspect politique de la francophonie, je partage au moins votre diagnostic. Notre rapport contient de nombreuses propositions sur ce sujet, notamment les réorganisations de pôle évoquées par Mme Lakrafi. Notre vision repose sur de grands pôles – francophonie d’éducation, francophonie scientifique, francophonie économique – permettant au secrétariat général de se recentrer sur les aspects plus politiques. Cette ambition nécessite toutefois des moyens accrus, pas uniquement français mais de l’OIF dans son ensemble, alors que les financements pour ces missions diminuent actuellement.

Quant au projet de l’union francophone que vous défendez, je ne peux me prononcer sur son contenu précis. Cependant, sur la question spécifique de la mobilité étudiante francophone, notre rapport propose effectivement la création d’un programme Senghor de la francophonie, équivalent d’un Erasmus francophone, qui favoriserait des mobilités étudiantes privilégiées. Ce programme constituerait un point d’appui majeur pour la coopération scientifique francophone que nous appelons de nos vœux.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Je partage votre constat : nous avons entendu des mots forts, importants et ambitieux de nos dirigeants à Villers‑Cotterêts, mais les actes, huit mois plus tard, avec des coupes budgétaires considérables, anéantissent totalement ces ambitions. Cette incohérence constitue une erreur fondamentale.

Sur l’organisation institutionnelle, sans connaître le détail de vos propositions de nouvelles structures, j’estime que nous pouvons répondre à vos ambitions en réorganisant l’existant de manière plus efficace.

Concernant les étudiants, nous déplorons — et je l’ai exprimé aux dirigeants canadiens — que la majorité des étudiants africains francophones formés dans nos lycées français à l’étranger choisissent désormais le Canada, pays en recherche de main-d’œuvre et d’intellectuels francophones, plutôt que la France. Nous investissons des centaines de milliers d’euros dans le réseau de l’Agence de l’enseignement français à l’étranger – réseau qui souffre également dans le nouveau budget – pour former des élèves qui partent finalement au Canada. J’ai d’ailleurs suggéré, avec courtoisie, aux Canadiens de nous laisser ces étudiants ou de participer au financement de l’Agence. Je regrette profondément cette perte d’attractivité française pour les étudiants étrangers, causée notamment par les difficultés de délivrance des visas qui ont terni notre image dans certains pays.

M. le président Bruno Fuchs. Je souhaite rappeler à l’ensemble de notre commission l’importance de maintenir des relations cordiales et respectueuses, même lorsque nous nous confrontons sur le fond comme c’est le cas actuellement. Préservons la qualité de nos échanges humains. Je n’adresse mon propos à personne en particulier, il s’agit d’une remarque générale à ce stade de notre réunion.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Je respecte profondément tous mes collègues et n’ai jamais manqué de respect envers eux depuis mon élection il y a trois ans. Avec M. Herbillon, nous avons des discussions animées, mais nous nous apprécions malgré tout.

L’intervention de Mme Voynet revêt une importance particulière par son attention aux échanges universitaires et scientifiques. Elle souligne à juste titre que nos chercheurs et universitaires publient désormais en anglais pour obtenir une reconnaissance dans les classements internationaux. Cette situation pose un problème fondamental, particulièrement au moment où le gouvernement consacre 100 millions d’euros pour attirer des universitaires américains. Cette allocation ne sert ni la francophonie ni ne constitue une utilisation judicieuse des ressources publiques françaises.

Nous devons mesurer l’importance stratégique des échanges scientifiques et universitaires. La création d’un visa francophone représente une proposition essentielle. Lors de mon récent déplacement en Chine, j’ai constaté l’importance des échanges universitaires et estudiantins pour développer une connaissance mutuelle approfondie.

Sur le plan économique, la question de la langue utilisée dans la rédaction des contrats internationaux mérite notre attention. Les entreprises françaises implantées en Chine, par exemple, se heurtent à des difficultés linguistiques majeures : entre le mandarin et le français existe un gouffre que l’anglais ne comble pas adéquatement dans la rédaction contractuelle. Nous devons promouvoir le français comme langue des contrats entre entreprises, car notre langue permet une précision et une subtilité incomparables. En Afrique, sur de vastes territoires transfrontaliers, le français s’impose naturellement comme langue de communication pour le commerce et diverses activités.

Notre langue reste vivante et utile, mais nous devons éviter toute vision purement utilitariste. Adoptons plutôt une approche centrée sur les échanges humains, en nous éloignant résolument de toute posture de domination, de colonisation ou de démonstration de puissance. Pour favoriser l’adoption, l’évolution et l’enrichissement du français dans le monde, nous devons promouvoir une relation horizontale d’égalité entre tous les locuteurs. La proposition d’une Académie mondiale de la francophonie internationale s’avère excellente et mérite une mise en œuvre rapide.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je partage entièrement vos propos, ma chère collègue. Les coopérations scientifiques francophones produisent déjà des résultats remarquables. Prenons l’exemple des premières classes préparatoires aux grandes écoles implantées à Thiès au Sénégal. Cette coopération tripartite entre la France, la Tunisie – très engagée dans ce projet – et le Sénégal permet à des élèves de passer leurs épreuves pour l’École polytechnique ou l’École des mines directement depuis ces classes préparatoires sénégalaises. Ces initiatives exceptionnelles demeurent malheureusement méconnues.

Nous devons effectivement investir massivement dans la francophonie scientifique. Notre rapport contient de nombreuses propositions en ce sens, identifiant des domaines stratégiques comme la mer ou l’espace, où nous pourrions développer de grandes universités francophones. Cela nécessite des moyens conséquents plutôt que de consacrer l’intégralité des ressources aux universitaires américains.

M. Guillaume Bigot (RN). Madame Chikirou, vous avez interpellé notre groupe sur ce sujet, mais je crois que vous avez mal compris nos propos. Il n’était absolument pas question de domination, mais plutôt de réintroduire une relation gagnant-gagnant, un principe de réciprocité dans lequel notre pays trouve également son intérêt. Notre objectif est de rompre avec ce discours permanent d’auto‑flagellation et cette tendance à fermer les yeux sur certaines réalités.

Sur la question juridique, je rejoins parfaitement vos arguments que je trouve particulièrement pertinents. Le droit français a été importé par la Chine, notamment le droit administratif et est un droit de tradition latine aux contours précis. En comparaison, le droit anglo-saxon donne véritablement l’impression d’un système immature, contraignant à développer constamment une jurisprudence onéreuse. Si les États-Unis, par leur puissance, voient leur système juridique imité, celui-ci demeure fondamentalement confus, alors que le droit français des affaires, comme notre droit administratif, offre un cadre structuré qui serait particulièrement utile dans ce contexte.

Je considère par ailleurs qu’il faut cesser cette auto-flagellation permanente, même si nous ne siégeons pas en commission des affaires éducatives ou des affaires étrangères. Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’Agence de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) méritent d’être défendus, car dans toutes les disciplines scientifiques, de l’économie à la médecine, nous constatons une dévalorisation systématique de nos institutions. Cette situation s’explique notamment par la domination des publications américaines, dont la pertinence a d’ailleurs été questionnée durant la crise de la covid. Les nations assumées comme la Chine ou l’Inde ne s’auto-dévalorisent pas constamment. Nous évoluons malheureusement dans un environnement européen excessivement critique envers lui-même, amplifié par une mondialisation à dominante américaine qui encourage cette auto-dépréciation. Il est impératif d’en sortir pour développer une francophonie fondée sur l’égalité.

M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Je souhaite partager une réflexion sur ce débat fondamental. Je m’interroge particulièrement sur l’idée de créer une académie internationale de la francophonie, qui me semble contradictoire avec le principe d’horizontalité que nous défendons. Une langue est un organisme vivant qu’il convient de laisser évoluer naturellement. Une académie a vocation à normaliser, or je considère qu’il n’existe pas un français unique, mais des français multiples qui constituent précisément la richesse de la francophonie. Le québécois, le français de Belgique, le français de Suisse possèdent leurs particularités qui enrichissent notre espace linguistique commun. Cette diversité représente une véritable force. L’harmonisation s’opère naturellement par la lecture des auteurs francophones de différentes origines. Je refuse cette approche normative qui pourrait s’apparenter à une nouvelle forme de colonialisme culturel. Laissons le français s’épanouir dans sa diversité mondiale et favorisons les échanges. La France doit simplement se montrer accueillante envers les francophones, car c’est le produit de notre histoire commune et notre principal atout si nous savons cultiver cette ouverture.

M. Frédéric Petit (Dem). Je souhaite ajouter une remarque concernant les projets existants, rejoignant ainsi les propos d’Amélia Lakrafi sur la nécessité de revitaliser et réorganiser l’existant plutôt que de créer de nouvelles institutions. Il existe déjà un remarquable dictionnaire francophone qui fonctionne parfaitement et qui recense l’ensemble des expressions francophones, incluant le créole et d’autres variantes. Je vous invite vivement à le consulter, c’est un outil absolument extraordinaire. Sans pouvoir préciser l’organisme qui le développe, je partage largement la vision que vient d’exprimer mon collègue Roumégas.

M. le président Bruno Fuchs. Je souhaite inviter nos deux rapporteurs à conclure, notamment sur leurs propositions, et peut-être à partager leur sentiment personnel sur nos échanges. Nous avons exploré les multiples dimensions de la francophonie, mais la question fondamentale demeure : qu’offre concrètement la francophonie au XXIe siècle à plusieurs millions de jeunes ? Quelle est l’identité contemporaine de la francophonie ? Notre impression est qu’elle vit encore largement de son héritage historique et linguistique.

Par ailleurs, avec l’essor des questions de gouvernance démocratique et de droits humains, une réflexion approfondie s’impose pour déterminer comment la francophonie peut demeurer attractive et utile au monde. Dans un environnement international profondément dérégulé, marqué par des violations récurrentes du droit international, l’espace francophone pourrait incarner un modèle de multilatéralisme, de respect du droit, de défense des libertés publiques et de promotion de la paix. C’est précisément cet espace que nous devons consolider et développer. Malheureusement, les réductions budgétaires et les constats de ce rapport démontrent que cette dimension essentielle n’est pas suffisamment valorisée, alors qu’elle est fondamentale pour le modèle de société que nous proposons à nos concitoyens.

Je vous laisse maintenant chacun un mot de conclusion.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je tiens à vous remercier pour ces échanges qui, malgré leur vivacité occasionnelle, se sont révélés passionnants. L’un de nos objectifs partagés avec Amélia consistait précisément à revitaliser ce sujet, à le réintégrer dans le débat politique contemporain. Je crois que, de ce point de vue, l’exercice est pleinement réussi. Je vous remercie également pour vos encouragements sur la qualité de notre rapport et me réjouis du travail accompli.

Nous comptons désormais sur notre président pour convaincre le ministre des affaires étrangères, dès demain matin, de défendre fermement les budgets alloués à la francophonie, car cette question sera déterminante pour l’avenir du projet francophone.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Je vous remercie sincèrement, chers collègues. Je craignais une participation limitée, la francophonie pouvant parfois sembler un concept abstrait suscitant moins d’intérêt parmi nos collègues français. Pour moi, la francophonie représente avant tout une famille. On peut en hériter naturellement ou la rejoindre par passion et curiosité. Comme dans toute famille, les désaccords et les réconciliations se succèdent, mais la solidarité s’exprime toujours face aux difficultés.

La mobilité constitue également une dimension essentielle : pouvoir étudier au lycée français de Dakar, effectuer un stage à Rabat, obtenir un premier emploi à Kinshasa ou participer à une résidence d’artistes à Paris. La francophonie incarne donc simultanément une famille, un espace de mobilité et une source d’espoir pour de nombreux jeunes, particulièrement en Afrique. Les projections indiquent qu’en 2030, plus de 70 % des francophones seront africains. Nous devons par conséquent faire preuve de dynamisme pour apporter espoir et connaissance à cette jeunesse.

M. le président Bruno Fuchs. Je remercie et félicite les rapporteurs pour la qualité de leur rapport.

Conformément à l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, à l’issue des échanges, la commission autorise la publication du rapport d’information qui lui a été présenté.

 

 


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   Annexe : liste des personnes auditionnées ou rencontrées par les rapporteurs

À Paris

● Accueil à l’Assemblée nationale de M. Jean-François Roberge, ministre de la langue française du Québec, accompagné de Mme Dominique Malak, sous-ministre adjointe, M. Denis Simard, directeur de cabinet, M. Thomas Verville, directeur des communications, M. Maxime Vezina, conseiller aux affaires politiques et à la coopération de la délégation générale du Québec à Paris, M. Maxime Lonlas, attaché aux affaires politiques de la délégation générale du Québec à Paris

● Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF)

— M. Paul De Sinety, délégué général ;

— M. Paul Petit, délégué général adjoint ;

— Mme Mélissa Fort, cheffe de mission pour l’emploi et la diffusion de la langue française.

● TV5 Monde

— M. Yves Bigot, directeur général ;

— M. Thomas Derobe, secrétaire général ;

— M. Ivan Kabacoff, présentateur de l’émission « Destination francophonie » et responsable des relations institutionnelles avec la francophonie.

● Ministère de l’Europe et des affaires étrangères

— M. Christophe Gigaudaut, délégué aux affaires francophones au sein de la direction des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l’homme et de la francophonie, Mme Florence Geoffroy, rédactrice à la délégation, M. François Pravongviengkham, rédacteur à la délégation ;

— M. Matthieu Peyraud, directeur de la diplomatie d’influence au sein de la direction générale de la mondialisation, Mme Clarisse Girardin, sous directrice pour la langue française et l’éducation, Mme Clémentine Gilard, rédactrice.

● Participation de la rapporteure Amélia Lakrafi à la deuxième édition des Rendez-vous francophones du Palais Bourbon de l’Association francophone d’amitié et de liaison (AFAL) :

— M. Jacques Godfrain, ancien ministre, président de l’AFAL ;

— M. Jacques Toubon, ancien ministre ;

— M. Jacques Legendre, membre honoraire du Parlement, ancien secrétaire général parlementaire de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) ;

— M. Emmanuel Maury, ancien secrétaire général administratif de l’APF ;

— M. Jacques Rancourt, linguiste ;

— Maître Jean-Claude Amboise, avocat ;

— M. Olivier Gohin, professeur émérite de droit public.

● Fondation des Alliances françaises

— M. Yves Bigot, président ;

— M. Marc Cerdan, secrétaire général.

M. Benjamin Boutin, maître de conférences associé à Institut international de la francophonie (2IF) de l’université de Lyon, fondateur de l’ONG Francophonie sans frontières, directeur de l’association nationale France-Canada

M. Christian Lequesne, professeur de sciences politiques à Sciences-po, ancien directeur du Centre de recherches internationales (CERI) CNRS – Sciences-po

● Fédération internationale des professeurs de français (FIPF)

— Mme Cynthia Eid, présidente ;

— M. Diego Fonseca Dos Santos, secrétaire général.

● Campus France

— M. Thierry Valentin, directeur général adjoint ;

— Mme Roxane Lundy, chargée de mission à la direction générale.

● Organisation internationale de la francophonie (OIF)

— SE Mme Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de la francophonie ;

— M. Hervé Barraquand, directeur du cabinet de la secrétaire générale ;

— Mme Caroline St-Hilaire, administratrice de l’OIF ;

— M. Alain Nogc Pham, chef du bureau de l’administratrice.

● Institut français

— Mme Eva Nguyen Binh, présidente, directrice générale.

● Agence universitaire de la francophonie (AUF)

— M. Slim Khalbous, recteur ;

 Mme Marielle Payaud, cheffe de cabinet.

M. Amin Maalouf, secrétaire perpétuel de l’Académie française

M. François Vandeville, secrétaire général du XIXe sommet de la francophonie au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, M. Anthony Chaumuzeau, secrétaire général adjoint, Mme Valérie Senghor, secrétaire générale adjointe culture et commissaire du festival du sommet de la francophonie

M. Pouria Amirshahi, directeur du Campus francophone en Seine-Saint-Denis, ancien député, rapporteur de la mission d’information de la commission des affaires étrangères sur « La francophonie : action culturelle, éducative et économique » (2014), Mme Bamby Camara, chargée de mission au Campus francophone en Seine-Saint-Denis

M. Frédéric Turpin, historien, titulaire de la Chaire Senghor de la francophonie de l’université Savoie Mont Blanc, auteur de La France et la francophonie politique. Un ralliement difficile

● Assemblée parlementaire de la francophonie (APF)

— M. Bruno Fuchs, délégué général ;

— M. Damien Cesselin, secrétaire général.

● Agence française de développement

— M. Philippe Orliange, directeur en charge des géographies ;

— Mme Safia Ibrahim-Netter, directrice de l’AFD en RDC, en charge d’une mission auprès de la direction générale sur l’aide publique au développement et la francophonie, en vue du XIXe sommet de la francophonie ;

Mme Laura Collin, chargée de mission.

● Table ronde sur la francophonie économique 

— M. Geoffroy Roux de Bézieux, président de l’Alliance des patronats francophones ;

— M. Stéphane Tiki, directeur du Développement et porte-parole du Groupement du patronat francophone (GPF) ;

— M. Jacques Krabal, ancien secrétaire général parlementaire de l’APF, chargé des relations avec les organisations francophones au sein du GPF.

● Organisation par le rapporteur Aurélien Taché, à l’Assemblée nationale, du colloque « Francophonie et Ponts diasporiques : diplomatie et voix locales »

— SE M. Mohamed Yahya Teiss, ambassadeur de Mauritanie en France ;

— M. Pouria Amirshahi, directeur du Campus francophone en Seine-Saint-Denis ;

— Mme Khadidja Mahecord Diouf, maire de la commune de Golf Sud au Sénégal ;

— Mme Sokona Niakhate, maire adjointe de Fontenay-sous-Bois, conseillère départementale du Val-de-Marne, ancienne présidente de la Coordination des élus français d’origine malienne ;

— M. Rudy Kasi Matsika, délégué général de l’Association des élus de France (AEF) ;

— Mme Marie Noëlle Wernert, association Petite mère, membre de l’organisation des femmes africaines de la Diaspora ;

— Mme Ysé Auque-Pallez, doctorante en science politique, laboratoire Les Afriques dans le Monde, université de Bordeaux - Sciences Po Bordeaux.

● Table-ronde sur la francophonie et les collectivités territoriales 

— Association internationale des maires francophones (AIMF), M. Pierre Baillet, secrétaire permanent ;

— Association internationale des Régions francophones (AIRF), M. Ivan Dedessus-Le-Moustier, directeur, M. Bruno Chiaverini, directeur des relations internationales de la région Auvergne-Rhône-Alpes, délégué général bénévole de l’AIRF ;

— Ministère de l’Europe et des affaires étrangères, délégation pour les collectivités territoriales et la société civile (DCTCIV) : M. Frédéric Cholé, délégué général, M. Denis Barbet, délégué général adjoint.

M. Paul Rondin, directeur de la Cité internationale de la langue française

● France Médias Monde

— Mme Marie-Christine Saragosse, présidente directrice générale ;

— Mme Cécile Mégie, directrice des stratégies et coopérations éditoriales transverses ;

— M. Thomas Legrand-Hedel, directeur de la communication, des relations institutionnelles et de la RSE.

Mme Niagalé Bagayoko, présidente de l’African Security Sector Network (ASSN), ancienne responsable du programme « Maintien et consolidation de la paix » de l’OIF (2010-2015)

M. Jacques Attali, auteur en 2014 du rapport au président de la République La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable

M. Pascal Sawa, président de la commission des relations extérieures du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, président du réseau des jeunes parlementaires de l’Assemblée parlementaire de la francophonie

Mme Huguette Bello, présidente de la région La Réunion, M. Idriss Omarjee, directeur de cabinet

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger, Mme Anna Martins, directrice adjointe de cabinet, M. Redouane Ouraou, conseiller parlementaire, Mme Béatrice Le Fraper du Hellen, directrice des Nations unies et des organisations internationales, M. Aurélien Del Fiol, adjoint du délégué des affaires francophones

M. Thierry Beaudet, président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et président de l’Union des conseils économiques et sociaux et institutions similaires francophone (UCESIF), Mme Stéphanie Véron, directrice des relations européennes et internationales du CESE, secrétaire générale de l’UCESIF

 

Déplacement au Canada et au Québec

À Ottawa

● Ambassade de France

— M. Frank Marchetti, ministre-conseiller, chargé d’affaires ;

— Mme Charlotte Montel, conseillère de coopération et d’action culturelle ;

— M. Ronan Parent, conseiller politique ;

— M. Jean-François Doulet, attaché de coopération scientifique et universitaire ;

— M. Frédéric Chambon, attaché de coopération audiovisuelle ;

— M. Vincent Bonnefille, proviseur du lycée Claudel, école française internationale d’Ottawa.

● Patrimoine canadien – Ministère canadien en charge de la culture

— Mme Isabelle Mondou, sous-ministre du Patrimoine canadien ;

— M. Daniel Dendooven, sous-ministre adjoint, politique stratégique, planification et affaires ministérielles ;

— M. Blair McMurren, directeur général, politiques stratégiques et affaires internationales ;

— Mme Sarah Boily, directrice générale, langues officielles ;

— M. Michel Sabbagh, directeur général audiovisuel ;

— M. Jocelyn Girard, directeur audiovisuel ;

— M. Ramzi Saad, directeur général, industries créatives et commerce ;

— Mme Manon Allie, cheffe de mission Équipe Canada, IXes Jeux de la francophonie.

● Immigration Réfugiés et Citoyenneté Canada

— M. Alain Desruisseaux, directeur général de l’immigration francophone ;

— M. Yves Saint-Germain, directeur de l’immigration francophone.

● Affaires mondiales Canada – Ministère canadien en charge des affaires étrangères

— M. Sébastien Carrière, directeur du protocole et sherpa du premier ministre pour la francophonie ;

— M. Louis-Philippe Sylvestre, directeur adjoint francophonie ;

— M. Jean-Philippe Tachdjian, directeur exécutif de l’éducation internationale (EduCanada) ;

— Mme Nathalie Dubé, directrice générale Investissements, innovation et éducation.

● Personnalités politiques

— M. Francis Drouin, député à la Chambre des communes, président de la section canadienne de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) et président de l’APF ;

— L’honorable Mona Fortier, C.P., députée à la Chambre des communes ;

— L’honorable René Cormier, sénateur ;

— Mme Madeleine Meilleur, ancienne ministre de l’Ontario ;

— Mme Lucille Collard, assemblée législative de l’Ontario (Ottawa-Vanier) ;

 Mme Kanouté Sira.

● Groupe des ambassadeurs francophones au Canada

— M. Olaf Kjelsen, ambassadeur de Suisse ;

— Mme Souriya Otmani, ambassadrice du Maroc ;

— M. Bafétigué Ouattara, ambassadeur de Côte d’Ivoire ;

— M. Arnaud Gaspart, ministre-conseiller de l’ambassade de Belgique.

● Associations de la société civile de défense de la francophonie minoritaire

— M. Alain Dupuis, directeur général de la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) ;

— Mme Aurélie Marie, responsable du développement de Réseau Ontario ;

— M. Marcel Morin, directeur de la Maison de la francophonie ;

— Mme Lynn Brouillette, PDG, Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) ;

— Mme Valérie Morand, directrice générale, Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF).

M. Yves-Gérard Mehou-Loko, secrétaire général de la commission canadienne pour l’UNESCO

À Québec

● Consulat général de France

— M. Eric Lamouroux, consul général de France ;

— M. Guillaume Courty, attaché politique et de coopération ;

● Ministère des relations internationales et de la francophonie (MRIF)

— Mme Hélène Drainville, sous-ministre en charge de l’Afrique, de la francophonie et des affaires multilatérales ;

— M. Patrice Bachand, directeur francophonie et solidarité internationale ;

— M. Bernard Denault, directeur Europe, Indo-Pacifique et affaires institutionnelles.

● M. Michel Robitaille, président du conseil d’administration du Centre de la francophonie des Amériques, ancien délégué général du Québec à Paris

● Mme Sophie d’Amours, rectrice de l’université Laval

● Mme Dominique Malack, sous-ministre adjointe au ministère de la langue française

● M. Richard Marcoux, directeur de l’observatoire démographique et statistique de l’espace francophone

● M. Martin Pâquet, professeur à l’université de Laval, titulaire de la Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d’expression française en Amérique du Nord

● M. Benoît Dubreuil, commissaire à la langue française, Mme Stéphanie Cashman-Pelletier, commissaire adjointe

● M. Clément Duhaine, ancien administrateur de l’organisation internationale de la francophonie, ancien délégué général du Québec à Paris, chargé d’une mission sur la place de la langue française dans l’environnement numérique, conseiller à l’observatoire de la francophonie économique

● Mme Cécile Martin-Phipps, directrice de l’Institut de la francophonie pour le développement durable (IFDD)


À Montréal

● Consulat général de France

— Mme Marie Lapierre, consule générale de France ;

— M. Frédéric Rebet, attaché culturel ;

— Mme Havanna Lagarde, chargée de mission Campus France.

● M. Jean-François Roberge, ministre de la langue française

● Ministère de l’immigration, de la francisation et de l’intégration

— Mme Sophie Rioux, directrice générale des politiques et programmes en francisation ;

— Mme Alexandra Saucan, conseillère experte contrôle qualité ;

— Mme Gaël Bichotte, conseillère en affaires internationales ;

● Établissements de l’enseignement français à l’étranger

— M. Bernard Luyckx, proviseur du collège international Marie de France ;

— M. Thomas Saène, proviseur du collège Stanislas.

● Alliance française de Montréal : M. Martin Brazeau, membre du conseil d’administration, trésorier, M. Christophe Brayet, directeur général

● Conseil du patronat du Québec : M. Karl Blackburn, président, Mme Arielle Mathieu, directrice affaires publiques et relations gouvernementales

M. Guilhem Caillard, directeur général du festival de films francophones Cinemania

Mme Sophie Montreuil, directrice générale de l’ACFAS, association de promotion de l’activité scientifique en français

M. Vincent Larivière, chercheur à l’université de Montréal, spécialiste de la science en français, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les transformations de la communication savante.

Université du Québec à Montréal (UQAM)

— M. Christian Agbobli, vice-recteur à la Recherche, à la création et à la diffusion ;

— M. Neko Linkogo, directeur du service des relations internationales.

 

Déplacement à Bruxelles

● Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne

— M. Philippe Léglise-Costa, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne ;

— Mme Natacha Ficarelli, conseillère Présence française dans les institutions européennes.

● M. Mamadou Bamba Hanne, ambassadeur, représentant de l’Organisation internationale de la francophonie auprès de l’Union européenne

● Commission européenne

Secrétariat général :

— M. Enrico Forti, directeur chargé des relations avec les autres institutions ;

— Mme Dorthe Christensen, cheffe d’unité chargée des affaires institutionnelles.

Direction générale de la traduction :

— Mme Valeria Darò, directrice générale adjointe.

Direction générale de l’éducation, de la jeunesse, du sport et de la culture :

— Mme Géraldine Libreau, unité multilinguisme.

Direction générale des réseaux de communication, du contenu et des technologies (CONNECT)

— M. Philippe Gelin, chef de secteur, unité multilinguisme.

 

Déplacement au Maroc

À Rabat

SE M. Christophe Lecourtier, ambassadeur de France

— Mme Quiterie Pincent, directrice de l’AFD au Maroc ;

— Mme Inna Pouant, conseillère de coopération et d’action culturelle adjointe ;

— Mme Lucile Bruand, attachée de coopération éducative ;

— M. Gérald Brun, attaché de coopération scientifique et universitaire ;

— M. Guillaume Marceny, directeur de Campus France ;

— Mme Noémie Attia, conseillère presse et politique intérieure ;

— M. Vincent Roué, chef de la mission de coopération de défense.

● Mme Nadia El Hnot, directrice de la coopération et de l’action culturelle au ministère des affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains de l’étranger

● M. Marwane Fachane, directeur de la Fondation Hiba

● M. Driss Khrouz, économiste, ancien directeur de la Bibliothèque nationale

● Agence universitaire de la francophonie - Académie internationale de la francophonie scientifique

M. Adel Jarboui, directeur ;

Mme Hélène Dejoux, secrétaire générale.

● Université Mohamed V, Rabat

— M. Ismaïl Kassou, vice-président ;

— M. Bouchaïb Bounabat, conseiller aux affaires internationales.


À Casablanca

● Institut français de Casablanca

— M. Gaëtan Pellan, directeur ;

— M. Yann Bouclet, attaché de coopération pour le français zone sud ;

— Mme Jalila El Baraka, responsable du centre de langue.

● Participation à la « Glissa culturelle » de l’Institut français

— Mme Danielle Pailler, experte internationale en développement culturel, ancienne directrice Maghreb de l’AUF ;

— Mme Angeline Dangelser, styliste, collectif Label Oued ;

— M. Dan Bengio, entrepreneur, fondateur du Bar à textiles.

Mme Kenza Sefrioui, directrice des éditions En toutes lettres

M. Jean-Charles Damblin, directeur de la Chambre française de commerce et d’Industrie du Maroc

● Consulat général de France

— Mme Nathalie Soirat, consule générale adjointe ;

— Mme Natacha Paulin, cheffe du service social ;

— M. Vincent Corbeau, chef du service des visas.

● Conseillers des Français de l’étranger

— M. Gilles Dagescy, président du Conseil consulaire ;

 M. Abdelghani Youmni;

 M. Mohamed Oulkhouir;

— M. El Mehdi Reddad.

M. Abdelmoumen Talib, directeur de l’Académie régionale de l’éducation et de la formation de Casablanca-Settat

● Groupe parlementaire de la Confédération des entreprises du Maroc

— M. Youssef Alaoui, président ;

— Mme Naila Tazi, présidente de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des Conseillers ;

— M. Mohamed Reda Lahmini, présidente de la commission des finances de la Chambre des Conseillers.

● École centrale de Casablanca

— M. Hervé Martinez, directeur de la recherche et de l’innovation ;

— Mme Emmanuelle Armandon, directrice du cabinet de la direction générale.

 


Déplacement en République démocratique du Congo

● Ambassade de France

— SE M. Bruno Aubert, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire en République démocratique du Congo ;

— M. Richard Mouthuy, conseiller de coopération et d’action culturelle, directeur de l’Institut français en RDC ;

— Mme Françoise Balais, directrice déléguée de l’Institut français, antenne de Kinshasa ;

— Mme Laurence Parry, attachée de coopération pour le français ;

— Mme Justine Martin, attachée de coopération scientifique et universitaire ;

— Mme Elissa Blin, attachée de coopération environnement et humanitaire.

● Participation au Conseil local de développement réuni par l’ambassadeur par application de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales

— Mme Sophie Rech, directrice adjointe de l’AFD en RDC ;

— M. Nicolas Berlanga-Martinez, ambassadeur de l’Union européenne auprès de la RDC ;

— M. Gilles Chaumentin, conseiller régional santé ;

— M. Emmanuel Vaslin, expert technique international (ETI) Éducation ;

— Mme Gaelle Ollivier Gouagna, ETI Santé ;

— M. Mathieu Insa, ETI Industries culturelles et créatives - Kobo Hub ;

— M. Louis-Odilon Alaguillaume, directeur général adjoint de la Sofibanque au Congo, président du Conseil de gestion du lycée français René Descartes à Kinshasa ;

— Mme Sophia Gerdes, coordinatrice terrain Action contre la faim ;

— M. Thierry Bakuatshilela Katufu, coordonnateur de l’Initiative Construire ensemble (ICE) ;

— Mme Géraldine Tobe, artiste.

● Responsables du gouvernement de la RDC

— Mme Bestine Kazadi, représentante spéciale du chef de l’État pour la francophonie ;

— M. Patrick Muyaya, ministre de la communication, porte-parole du gouvernement ;

— M. Crispin Mbadu Phanzu, vice-ministre au ministère des affaires étrangères et francophonie ;

— M. Ma-Umba Mabiala, délégué général à la francophonie.

 

 

● Personnalités politiques à Kinshasa

— Mme Geneviève Inagosi Kasongo, députée, ancienne ministre du genre, famille et enfants ;

— M. Didier Mumengi, sénateur ;

— M. Christophe Boulou Bobutu, député ;

— Mme Christelle Vuanga Mukongo, députée, présidente de la commission genre, famille et enfants ;

— M. Justin Kiela Ngoie, président du parti Vent d’avenir ;

— Maître Tshiyaya Kasongo, avocat, ancien membre du cabinet de la présidence du Sénat.

M. Rachid Agassim, ambassadeur du Maroc, président du groupe des ambassadeurs francophones en RDC

● Rencontre avec les associations de la société civile

— M. Gédéon Chomba, président de francophonie sans frontières ;

— M. Ben Ndjate et Mme Tracy Ntumba Busanga, membres de l’Initiative Construire ensemble (ICE) ;

— M. Joseph Sony, secrétaire général du Centre Europe de Kinshasa ;

— M. Christian Mugushio, président de Débatteurs sans frontières ;

— Mme Spéra Mpembele, président de Jeunesse francophone congolaise ;

— M. Christian Lombe, club des étudiants francophones.

● Professionnels de l’enseignement du français et en français

— M. Jean Pierre Tshimenu, association des didacticiens de français, Représentant FIPF en RDC ;

— M. Guillaume Korogo, directeur des programmes scolaires et matériel didactique du ministère de l’enseignement primaire, secondaire et technique (EPST) ;

— M. Chance Kuzitela, responsable du programme ELAN à la direction des programmes scolaires et matériel didactique du ministère de l’EPST ;

— M. Gratien Mundia, responsable de l’AUF en RDC ;

— M. Jean Bosco Puna, président du Réseau des enseignants de français (RENAPEF) ;

— M. Camille Sesep N’sial, enseignant chercheur à l’université de Kinshasa (UNIKIN) ;

— Mme Darole Masevosi, enseignante de physique à l’UNIKIN ;

— Mme Aurélie Pupupe, vice-présidente de l’Union de la presse francophone ;

— M. Ali Mukiapini, enseignant de français, école Sainte-Christine ;

— M. Jean Bryan Kasangana, enseignant ;

— M. Richard Ali A Mutu K, membre de l’Union des écrivains du Congo, responsable de la bibliothèque de la délégation générale Wallonie-Bruxelles en RDC ;

— M. Patrick Kitenge, association des jeunes écrivains du Congo ;

— M. Dan Kabongo Kandolo, enseignant à l’Institut français.

● Francophonie des affaires

— Mme Eliane Munkeni Kiekie, vice-présidente nationale de la Fédération des entreprises du Congo ;

— M. Bertrand Bisengimana, président de la Chambre de commerce et d’industrie franco-congolaise ;

— Mme Gloria Fataki, entrepreneuse.

 

Déplacement en République du Congo

● Ambassade de France 

— SE Mme Claire Bodonyi, ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire en République du Congo ;

— M. Louis Berthelot, premier conseiller ;

— M. Xavier Sauzade, conseiller Politique ;

— M. Lionel Vignacq, conseiller de coopération et d’action culturelle, directeur de l’Institut français du Congo Brazzaville ;

— M. Guillaume Prevost, conseiller économique ;

— Mme Marie Dubuffet, directrice-adjointe de l’AFD ;

— Col. Yannick Agazzini, attaché de défense et chef de la mission de coopération ;

— M. Philippe Ducornet, chef de section consulaire ;

— Mme Mervé Yollu, chargée de mission presse et communication ;

— M. Tristan Thomas, attaché humanitaire et chargé de mission société civile ;

● M. René Marini, conseiller consulaire

● Ministère des affaires étrangères, de la francophonie et des Congolais de l’étranger 

— Mme Mélaine Auestie Nstanjazy, secrétaire générale adjointe en charge des affaires multilatérales et de la francophonie ;

— M. Juscard Stevie Nganfina, directeur de la francophonie.

● M. Bernard Mbemba, conseiller diplomatique du Président de l’Assemblée nationale

● Rencontre avec des membres du groupement des ambassadeurs francophones à Brazzaville 

— SE M. Azeddine Riache, ambassadeur d’Algérie ;

— SE M. René Makongo, ambassadeur du Gabon ;

— SE M. Sidi Ould El Ghodhy, ambassadeur de Mauritanie ;

— SE M. Abou Lo, ambassadeur du Sénégal ;

— SE M. Justin Inzun Kakiak, ambassadeur de RDC ;

— SE M. Mbaidickoye Sommel Yabao, ambassadeur du Tchad ;

— M. Michel Djimbou Djomeni, chargé d’affaires a.i. ambassade du Cameroun ;

— M. Ahmmed Agargi, chargé d’affaires e.p. ambassade du Maroc ;

— M. Elie Idriss Kongbo, chargé d’affaires a.i. ambassade de Centrafrique.

● Rencontre de responsables d’ONG françaises et congolaises

— Mme Chloé Queudray, cheffe de projet Relieff Hub, Institut européen de coopération et de développement (IECD), Mme Cynthia Ndalla, association Congo Entreprises Développement, partenaire local de l’IECD ;

— Mme Marguerite Berra, chargée de mission de l’association Au service de la vie ;

— M. Stève Moukendi, directeur pays du GRET au Congo et Mme Fleuriane Panghoud Malonda, cheffe de projet.

● Rencontre de personnalités de la société civile membres du cercle de Montpellier

— M. Suspense Ifo, chercheur à l’Université Marien Ngouabi spécialisé dans le domaine des Tourbières ;

— M. Florian Koulimaya, président de l’association Les Jeunes Cadres ;

— Mme Vanessa Metou, fondatrice de l’ONG LONA ;

— M. Dexter Omono, fondateur de l’incubateur d’entreprises Kosala ;

— M. Prince Youlou, PDG de la start-up Niochi et président de l’association Fongwana.

Mme Berton Yolande Ofouémé, vice-présidente de l’université Marien Ngouabi

Professeur Edouard Ngamountsika, responsable du Bureau national AUF– Congo

Mme Fatoumata Barry Marega, représentante UNESCO au Congo

 

Déplacement au Sénégal

● Ambassade de France 

— SE Mme Christine Fages, ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire au Sénégal ;

— M. Florian Blazy, premier conseiller ;

— Mme Djanamé Daubelcour, conseillère « politique intérieure, presse et communication » ;

— Mme Sophie Goudiaby, cheffe de cabinet ;

— M. Laurent Viguié, conseiller de coopération et d’action culturelle, directeur de l’Institut français du Sénégal (IFS) ;

— M. Samuel Gourgon, conseiller adjoint de coopération ;

— M. Chandra Maisonnier, directeur du centre de langues de l’Institut français du Sénégal et attaché de coopération « Francophonie » ;

— Mme Carole Blaszczyk, attachée de coopération éducative.

Agence française de développement (AFD)

— M. Mihoub Mezouaghi, directeur de l’AFD au Sénégal ;

— Mme Perrine Giraud, directrice adjointe de l’AFD ;

— M. Antoine Belosselsky, responsable du pôle Développement humain et gouvernance.

● Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) : M. Stephane Darmas, directeur de l’OFII à Dakar

SE Mme Yassine Fall, ministre l’intégration africaine et des affaires étrangères (MIAAE)

— M. Maguèye Touré, directeur de la francophonie au MIAAE.

M. Alioune Sall, ministre de la communication, des télécommunications et du numérique

M. Mohamed Karim Halim, chef de mission adjoint de l’ambassade du Royaume du Maroc au Sénégal

● Conférence des ministres de la jeunesse et des sports de la francophonie (CONFEJES)

— Mme Louisette-Renée Thobi Etame Ndedi, secrétaire générale ;

— M. Olivier Serot-Almeras, conseiller enjeux stratégiques.

● Conférence des ministres de l’éducation des États et gouvernements de la francophonie (CONFEMEN)

— M. Abdel Rahamane Baba-Moussa, secrétaire général.

● Institut de la francophonie pour l’éducation et la formation (IFEF)

— Mme Mona Laroussi, directrice.

● Rencontre avec des volontaires de réciprocité sénégalais : M. Moussa Bah, représentant national de France Volontaires ; Mme Fatou Ndiaye Diop, chargée d’appui au développement des volontariats ; Mme Lisa Reboud, chargée de mission « société civile et volontariat » du service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France ;

● Visite des locaux de la rédaction Mandenkan / fulfulde de Radio France international (RFI) à Dakar et échanges avec l’équipe de rédaction

— M. Jean-Pierre Monzat, coordinateur de la rédaction ;

— Mme Léa-Lisa Westerhoff, envoyée spéciale permanente au Sénégal de RFI ;

— M. Clément Bonnerot, correspondant de TV5 Monde ;

— Mme Séraphine Angoula, attachée régionale audiovisuel du service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France.

● Rencontre d’acteurs culturels sénégalais 

— M. Pathé Dieye, auteur, slameur, contributeur du Think Tank Wathi ;

— M. Ousmane Faye, président de l’association des diffuseurs et festivals du Sénégal ;

— M. Djibril Thiam, directeur de « Le Régal Culturel » ;

— Mme Nogaye Diop, responsable « Savoirs et idées » de l’IFS.

● Visite de l’École franco-sénégalaise de Dial Diop

— Mme Cécile Chauvel, directrice.

● Rencontre des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF)

— M. Franck Monpaté, directeur général d’Eiffage Sénégal ;

— M. Bruno Paret, directeur général de Senemeca ;

— M. Thibaud de Lardemelle, responsable Sénégal de CMA-CGM ;

— M. Frédéric Bardenet, vice-président de la commission Afrique et océan Indien du CCEF ;

— M. Gérald Petit, directeur Business France Sénégal ;

— M. Marc Legouy, chef du service économique de l’ambassade de France ;

— M. Thomas Pauly, adjoint au Chef du service économique.

● Rencontre d’alumnis de l’enseignement supérieur français

— M. Ibrahima Sarr, président de l’association des alumni sénégalais du Centre d’études et de recherches sur le développement international (CERDI), directeur général de la société minière de la vallée du fleuve Sénégal (SOMIVA), ancien ministre du budget ;

— M. Habib Mbaye, président de l’Association des alumni HEC-Paris au Sénégal ;

— Mme Kamina Diallo, chargée de mission Afrique de l’Ouest de la direction des affaires internationales de Sciences-po ;

— M. Abdoulaye Gueye, président de l’association sénégalaise des anciens élèves et auditeurs de l’Ecole nationale d’administration et de l’Institut national du Service public de France (ASENA-ISNP) ;

— M. Mohamed Ndiaye, présidence de l’association des anciens de polytechnique « ambassade AX » à Dakar, co-directeur de la Delivery unit de l’Institut Pasteur à Dakar ;

— M. Moncef Meddeb, attaché de coopération scientifique et universitaire de l’ambassade de France.

● Visite des classes préparatoires aux grandes écoles de Thiès

— M. le professeur Magaye Diop, directeur.

 

 

● Institut français de Saint-Louis

— Mme Isabelle Boiro-Gruet, directrice déléguée de l’Institut français de Saint-Louis ;

— M. Victor Faye, responsable de la Villa Ndar ;

— Rencontre avec les équipes des pôles « Centre de langues », « Médiathèque/Débat d’idées » et « Communication ».

● Université Gaston-Berger de Saint-Louis

— Visite du département de français et rencontre avec son directeur, M. Abdoulaye Wilane, et les enseignants ;

— Visite de l’unité de formation et de recherche « Culture-Arts-Religions-Communication » et rencontre avec son directeur, M. Ibrahima Sarr, et les enseignants ;

— M. Abdoulaye Wade, inspecteur d’académie ;

— M. Saïd Ba, professeur de français et dramaturge.


([1])  « La francophonie selon Onésime Reclus (1883) », Revue internationale des francophonies 11 | 2023.(lien)   

([2])  Assemblée nationale. 17e législature. Session ordinaire 2024-205, commission des affaires étrangères, compte rendu n° 2. 2 octobre 2024. 18.p. (lien)

([3])  Organisation internationale de la francophonie. La langue française dans le monde 2022. p. 21.

([4])  ODSEF, Université Laval - Francoscope.(lien).

([5])  Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Madagascar, Niger, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad et Togo.

([6])  Diplôme d’études en langue française (DELF) et diplôme approfondi en langue française (DALF).

([7])  Il s’agissait de la Belgique, du Bénin, de la Haute-Volta (actuel Burkina Faso), du Burundi, du Canada, de la Côte d’Ivoire, de la France, du Gabon, d’Haïti, de Luxembourg, du Mali, de Madagascar, de Maurice, de Monaco, du Niger, du Rwanda, du Sénégal, du Tchad, du Togo, de la Tunisie et du Vietnam.

([8])  Le Cambodge n’était pas signataire de la convention de Niamey en 1970, mais les initiatives du Prince Norodom Sihanouk dans les années qui ont précédé la conférence ont conduit à le reconnaitre comme un des pères fondateurs de la francophonie institutionnelle au même titre de Senghor, Bourguiba et Diori.

([9])  Frédéric Turpin, La France et la francophonie politique. Un ralliement difficile (Édition Les Indes savantes), 2018.

([10])  Appel des chefs d’États de l’Union africaine et malgache (UAM) réunis à Bangui des 25 au 27 mars 1962, cité par Frédéric Turpin, France-Afrique-francophonie de Charles de Gaulle à Jacques Chirac : un triangle équilatéral ?, p. 95, in Revue Relations internationales, 2021/4 (N°188).

([11])  Déclarations de Bamako, adoptée le 3 novembre 2000 par les ministres et chefs de délégation des États et gouvernements des pays ayant le français en partage lors du « Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone » (lien).

([12])  Prévention des conflits et Sécurité humaine : déclaration de Saint-Boniface (lien).

([13])  Robert Chaudenson, La place de la langue française dans la francophonie, Hérodote, 2007/3 n° 126, p. 129-141, La Découverte.

([14])  Yannick Naré, « Les réseautages politico-diplomatiques de la francophonie au sein de l’Organisation des Nations unies (ONU) », Revue internationale des francophonies (lien).

([15])  Entretien à la Revue internationale des francophonies, n° 7-2020 juillet 2020 Cinquante ans de francophonie institutionnelle (lien).

([16])  Il fut, de 1970 à 1974, le premier secrétaire général de l’ACCT.

([17])  Il s’agit de l’Angola, de l’Argentine, de la Bosnie-Herzégovine, du Canada-Nouvelle Écosse, du Canada-Ontario, du Chili, de la Corée du Sud, du Costa-Rica, de la République dominicaine, de l’Estonie, de la Gambie, de la Géorgie, de l’Irlande, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Louisiane, de Malte, du Mexique, du Monténégro, de la Polynésie française (France), du Land de Sarre (Allemagne), de la Thaïlande et de l’Uruguay.

 

([18])  Martine Piquet. Le commonwealth : convictions et incertitudes. Outre-Terre, 2016/4 N°49, 2016, p. 330.

([19])  Cette décision du Canada a fait suite à la campagne de presse menée, au début de l’année 2023, par l’ancien administrateur de l’OIF, le canadien Geoffroy Montpetit, non reconduit dans ses fonctions, mettant en cause la gouvernance de l’OIF.

([20])  Il est abondé par les villes de Bordeaux, Genève, Lausanne, Liège, Luxembourg et Paris, les villes bénéficiaires et partenaires de coopérations décentralisées, la France, la fédération Wallonie-Bruxelles, le Canada, l’Union européenne, la Fondation Bill & Melinda Gates, les Agences de l’eau (Adour-Garonne ; Loire Bretagne ; Rhin-Meuse ; Seine Normandie), le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP).

([21])  Loi n° 89-436 du 30 juin 1989 relative à la reconnaissance de la vocation internationale de l'Association internationale des parlementaires de langue française et à ses privilèges et immunités.

([22])  58 sections membres, 18 sections associés, 19 observateurs.

([23])  Commission politique, commission des affaires parlementaires, commission de l’éducation, de la culture et de la communication, commission des affaires économiques, sociales et environnementales.

([24])  Il s’agit d’Amélia Lakrafi ainsi que de Dieynaba Diop, en qualité de présidente déléguée de la section française, et du sénateur André Reichardt, président de la commission politique de l’APF.

([25])  Knowledge innovation excellence.

([26])  Il s’agit depuis 2020 du Fonsic (Côte d’Ivoire), rejoint à compter de 2022 par la National Film Authority (Ghana), le Rwanda Development Board – Rwanda Film Office (Rwanda), DocA (Kenya) et les RFC (Madagascar).

([27])  Hervé Bourges, Pour une renaissance de la francophonie. Rapport remis à M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la Coopération et de la francophonie. Juin 2008. p. 30.

([28])  Vincent Ledoux, Ouvrir nos territoires à la priorité africaine de la France : du citoyen au chef de l’État. Rapport au premier ministre. Juillet 2019. 41 p.

([29])  Céline Carrère et Maria Masood. Le poids économique des principaux espaces linguistiques dans le monde Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi) et université de Genève, novembre 2014. 124 p.

([30])  Si, dans son discours aux Français à l’occasion des vœux du nouvel an 2024, le président de la République Emmanuel Macron avait fait figurer le sommet de Villers-Cotterêts parmi les grands événements du « millésime français » au même rang que les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ou que la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, on peut relever que le sommet n’a pas été mentionné dans son bilan de l’année 2024 lors des vœux du nouvel an 2025.

([31])  Bénin, Cambodge, Centrafrique, RDC, Côte d’Ivoire, France, Gabon, Ghana, Guinée Bissau, Kosovo, Laos, Madagascar, Mauritanie, Monaco, Roumanie, Rwanda, São-Tomé-et-Principe, Suisse, Tchad, Vietnam.

([32])  Andorre, Arménie, Belgique, Canada, Québec, Dominique, Luxembourg, Maroc, Monténégro, Polynésie française, Sarre, Tunisie, Vanuatu, Wallonie-Bruxelles.

([33])  Costa Rica, République dominicaine, Uruguay.

([34]) Bosnie-Herzégovine, Géorgie, Lituanie, Slovaquie.

([35])  Cour internationale de justice (CIJ), Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël). Demande en indication de mesures conservatoires (ordonnance du 26 janvier 2024).

([36])  Ce réseau comprend trente-deux membres d’Afrique, d’Amérique du Nord et d’Europe, dont, pour la France, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique française (Arcom) en charge du secrétariat permanent du Refram. Depuis janvier 2025, la présidence du Refram est exercée par M. Mamadou Oumar Ndiaye, président du Conseil national de régulation de l’audiovisuel du Sénégal.

([37])  Ce projet bénéficie également de l’appui de la communauté de communes Retz-en-Valois.

([38])  Il s’agit d’une organisation non gouvernementale dans les domaines des droits et la santé des femmes et filles.

([39])  Cette mention a été introduite par l’article 42 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.

([40])  Les contributions à la francophonie institutionnelle sont inscrites sur une enveloppe « Francophonie » dans le programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement de la mission Aide publique au développement.

([41])  Cette baisse est partiellement atténuée par une contribution exceptionnelle de 4,2 millions d’euros et par la contribution de 1 million d’euros au PIMEF, issues de l’enveloppe de 18,9 millions consacrée aux livrables du sommet de Villers-Cotterêts.

([42])  Le correspondant national co-préside la commission politique et siège à la commission économique et numérique, à la commission administrative et financière, à la commission de coopération et de programmation. Dans le cadre de l’organisation du sommet de Villers-Cotterêts, il a présidé le comité ad hoc de rédaction des textes du sommet et a siégé au comité des adhésions.

([43]) Loi n° 2021-641 du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion.

([44])  Bureau d’enseignement de la langue et de la civilisation française à l’étranger.

([45])  Le français est aussi enseigné comme langue seconde dans 102 écoles publiques en Louisiane et bénéficie à près de 16 000 élèves.

([46])  La création des IRF résulte de la loi n° 2022-272 du 28 février 2022 visant à faire évoluer la gouvernance de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et à créer les instituts régionaux de formation.

([47])  Note Campus France « La mobilité internationale des étudiants africains », novembre 2017.

([48])  Christophe Euzet, Les « Franco-X », élément pour une vraie ambition autour d’un outil en voie de réhabilitation. Rapport de la mission d’appui à la délégation aux affaires européennes et internationales. Avril 2024. 153 p.(lien)

([49])  Arrêté du 7 mai 2024 portant approbation de la convention constitutive du groupement d'intérêt public dénommé « Mission de préfiguration MansA-Maison des mondes Africains » (lien). La MansA dispose, en 2025 d’un budget de cinq millions d’euros et d’une équipe permanente d’une dizaine d’effectifs à temps plein.

([50]) Achille Mbembé, Les nouvelles relations Afrique-France : relever ensemble des défis de demain. Octobre 2021. 142 p. (lien)..

([51])  Cité par Hervé Bourges 2008, « Pour une renaissance de la francophonie », rapport au secrétaire d’État chargé de la Coopération et de la francophonie, p. 19.

([52])  Loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française.

([53])  Article 2 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.

([54])  Les locuteurs de créole sont dans leur territoire d’origine dans la Caraïbe (République d’Haïti, commonwealth de Dominique, Sainte-Lucie, collectivités et départements français : Guyane, Guadeloupe, Martinique, Saint-Barthélemy et Saint-Martin), dans l’océan Indien (Républiques de Maurice et des Seychelles, département français de La Réunion) et aux États-Unis (Louisiane), ainsi que dans des nouveaux territoires comme l’Australie, le Canada, la France hexagonale et des métropoles américaines.

([55])  La COI est une organisation intergouvernementale créée en 1982 à Port-Louis (île Maurice) et institutionnalisée en 1984 par l’accord de Victoria (Seychelles). Elle réunit cinq pays insulaires de l’océan Indien occidental : les Comores, la France (au titre de La Réunion mais pas de Mayotte, récusée par les Comores), Madagascar, Maurice et les Seychelles.

([56])  La Polynésie française avait sollicité, en février 2024, l’accord des autorités de la République conformément à l’article 42 de la loi n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

([57])  Notifiés en mars 2025, ces retraits prendront effet au terme d’un délai de six mois. Le retrait de l’OIF n’emporte pas retrait automatique de l’APF ni des autres acteurs de la Charte de la francophonie.

([58])  APF. 48e session,8 juillet 2023. Déclaration relative à la mobilité citoyenne dans l’espace francophone (lien).

([59])  Cet appel a été cosigné par Michaëlle Jean, secrétaire générale de la francophonie, Rebeca Grynspan, secrétaire générale ibéro-américaine (SEGIB), Patricia Scotland, secrétaire générale du Commonwealth et Maria do Carmo Silveira, secrétaire exécutive de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP).