N° 1647

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 juin 2025

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 6, du Règlement

PAR le comitÉ d’Évaluation et de contrÔle des politiques publiques

 

sur l’évaluation du programme Action cœur de ville

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Julien GOKEL et Mme Sandra MARSAUD

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

SYNTHÈSE

INTRODUCTION

I. UN PROGRAMME TRANSVERSAL ET PARTENARIAL

A. LE RETOUR DES VILLES MOYENNES À L’ORDRE DU JOUR DES POLITIQUES D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

1. Des villes moyennes en proie à des difficultés cumulatives

2. L’institutionnalisation du problème entre 2014 et 2017

3. Le rôle précurseur de la Caisse des dépôts et consignations : l’instauration d’une offre adaptée aux villes moyennes

4. Le lancement du programme Action cœur de ville par le Gouvernement en 2017-2018

B. UNE DÉMARCHE DE PROJET PRÉSENTÉE COMME ASCENDANTE, À LA FOIS DÉCONCENTRÉE ET DÉCENTRALISÉE

1. Le maire et son équipe au cœur du dispositif

a. Le chef de projet : « chef d’orchestre » ou « couteau suisse », pilote opérationnel du projet communal

b. Le manager de commerce, responsable du volet commercial du projet

c. L’implication obligatoire de l’intercommunalité

2. L’Agence nationale de la cohésion des territoires, pilote du programme à l’échelon national

3. Une gestion étatique déconcentrée

a. La région

b. Le département

c. De nouvelles missions à moyens humains déconcentrés constants

4. Une comitologie à trois niveaux

C. DES CONVENTIONS TRANSVERSALES ET PARTENARIALES

1. Des thématiques transversales

2. Une méthode de financement fondée sur des partenariats

D. UN PROGRAMME PRENANT APPUI SUR DES OUTILS LÉGISLATIFS ET FISCAUX

1. L’opération de revitalisation de territoire : un outil juridique de requalification des centres-villes

2. L’opération programmée d’amélioration de l’habitat et de renouvellement urbain : outil de massification de la rénovation du bâti ancien dégradé

3. Le Denormandie : un dispositif d’investissement locatif ad hoc

4. L’objectif de zéro artificialisation nette : moteur de la sobriété foncière

E. UNE APPROCHE INNOVANTE ET EXPÉRIMENTALE DES PROJETS URBAINS

1. Une approche expérimentale en « mode projet »

a. L’expérimentation des territoires pilotes de sobriété foncière

b. « Réinventons nos cœurs de ville »

c. Un accompagnement renforcé par le Cerema en faveur de la transition écologique

d. Mon centre-ville 2030

e. Le « design actif »

2. La mise en réseau des villes ACV et le partage de bonnes pratiques

a. L’animation nationale, régionale et départementale

b. Les rencontres nationales et régionales Action cœur de ville

c. Le Forum des solutions du PUCA et du GIP EPAU

F. DU CŒUR DE VILLE AUX QUARTIERS DE GARE ET AUX ENTRÉES DE VILLE : UN PÉRIMÈTRE D’AMÉNAGEMENT EN COURS D’EXTENSION

II. UN CIBLAGE LARGE DE VILLES BÉNÉFICIAIRES IMPLIQUANT UNE ADAPTABILITÉ DU PROGRAMME AUX ENJEUX LOCAUX

A. UNE SÉLECTION TRÈS LARGE DE VILLES-CENTRES DE TAILLE MOYENNE

1. Le choix d’une politique généraliste plutôt que prioritaire

a. La Caisse des dépôts et consignations et le ministère de la transition écologique, tenants d’une politique ciblée sur les villes les plus fragiles

b. Le ministère de la cohésion des territoires et Action Logement, tenants d’une politique généraliste

2. Des critères de choix opaques, peu hiérarchisés et sources de déséquilibres régionaux

3. Un choix ayant pour conséquence une moindre concentration des crédits sur les villes les plus en difficulté

B. UNE GRANDE HÉTÉROGÉNÉITÉ DE SITUATIONS MALGRÉ QUELQUES POINTS COMMUNS

1. Des communes dans une situation globalement plus défavorable que la moyenne nationale

a. 11 % de la population nationale

b. Une situation socio-économique plus défavorable qu’à l’échelle nationale

c. Une situation plus défavorable que les métropoles

2. Quelques caractéristiques communes aux villes ACV

a. Une évolution démographique défavorable

b. Des atouts de centralité comparables

3. Des différences néanmoins majeures sur de nombreux aspects…

a. Des différences assumées par les concepteurs du programme

b. Une diversité d’échelles démographiques

c. Le poids des systèmes territoriaux locaux et du profil fonctionnel propre à chaque ville moyenne

d. Des situations de déprise urbaine à géométrie variable

e. Différents niveaux de « centres d’équipements et de services »

f. La présence de grands ensembles et de quartiers anciens dégradés en rénovation urbaine

g. Étude de cas : l’hétérogénéité des situations des 25 villes ACV de la région Occitanie

4. … mais des solutions parfois uniformes

5. Une analyse contrefactuelle quasiment impossible à établir

C. UNE POSITION INTERMÉDIAIRE DES VILLES ACV DANS L’ARMATURE URBAINE FRANÇAISE À MIEUX APPRÉHENDER

1. Une position intermédiaire entre métropoles et petites villes

a. Les relations entre les villes moyennes et leur environnement régional

b. Les relations entre villes moyennes et bassins de vie

2. Une réflexion inaboutie sur les compétences des intercommunalités concernées par ACV

a. Un programme qui ne résout pas la question de l’exacerbation des concurrences entre ville-centre et villes périphériques

b. Une réflexion indispensable sur le statut des structures intercommunales auxquelles appartiennent les villes moyennes

III. LES APPORTS FINANCIERS DE L’ÉTAT ET DE SES PARTENAIRES EXERCENT UN EFFET ACCÉLÉRATEUR SUR DES PROJETS RESTANT ESSENTIELLEMENT FINANCÉS PAR LES COLLECTIVITÉS LOCALES

A. DES PROJETS MAJORITAIREMENT FINANCÉS PAR LES COLLECTIVITÉS

1. La Banque des Territoires : des études, des prêts et des investissements

a. Les subventions à l’ingénierie, levier essentiel de lancement des projets locaux

b. Des prêts et investissements aux règles de rentabilité assouplies

2. L’Anah : des aides de droit commun fléchées vers les communes ACV

3. Action Logement, un partenaire apportant une majorité de prêts mais une proportion non négligeable de subventions

a. Une contribution de 2,5 milliards d’euros

b. Une offre de financements en constante adaptation aux besoins des collectivités

4. Des dotations étatiques redéployées

5. Les communes et EPCI

B. UN BIAIS DE SÉLECTION INDUIT PAR LA DIMENSION « PARTENARIALE » DES FINANCEMENTS

IV. DES RÉSULTATS PROMETTEURS, SURTOUT EN MATIÈRE DE LOGEMENT, MAIS UN IMPACT DIFFICILE À ÉVALUER

A. UN CADRAGE DU PROGRAMME QUI SOULÈVE DES INTERROGATIONS

1. Un objectif relativement flou

2. Une logique d’attractivité peu adaptée aux villes moyennes en forte déprise urbaine

3. L’extension du programme aux entrées de ville : une évolution du sens de l’objectif de revitalisation

4. Une transversalité à géométrie variable

B. UN PROGRAMME QUI RECUEILLE LA SATISFACTION DES ÉLUS COMME DES HABITANTS

C. DES RÉALISATIONS NOTABLES EN MATIÈRE DE RÉHABILiTATION DE L’HABITAT ANCIEN MALGRÉ L’INSUCCÈS DU DISPOSITIF DENORMANDIE

1. Une accélération de la réhabilitation de l’habitat ancien dégradé en cœur de ville

a. L’accroissement du recours aux OPAH-RU

b. Une contribution majeure d’Action Logement

c. Un rôle accru des établissements publics fonciers

d. Des contraintes réglementaires majeures sur les opérations de réhabilitation de l’habitat privé ancien

2. Le Denormandie, un dispositif méconnu, complexe et peu attractif

a. Des obstacles structurels au déploiement du dispositif

b. Des difficultés conjoncturelles

3. Des résultats difficiles à interpréter

a. Un marché immobilier dynamique jusqu’en 2022-2023

b. Un taux de vacance des logements relativement stable entre 2020 et 2023

c. Des résultats difficiles à interpréter

D. L’AXE COMMERCIAL : DES RÉSULTATS MITIGÉS

1. Une multiplicité d’outils à disposition des collectivités territoriales

a. Un soutien indirect au commerce via des politiques d’habitat et d’aménagement

b. Les quatre mesures du plan de relance en faveur du commerce dans les communes ACV

c. Des dispositifs fiscaux peu utilisés

d. La réglementation des baux commerciaux, un levier insuffisamment utilisé par les pouvoirs publics

2. Des éléments de contexte incontournables

a. L’exigence écologique

b. L’impact majeur des confinements sur le développement du commerce électronique

c. Des résultats mitigés sur le commerce de proximité dans les villes ACV

E. UN IMPACT DES ACTIONS SUR L’ATTRACTIVITÉ QUI RESTE À ÉVALUER

1. Des actions qui restent fortement tributaires de la situation locale

a. La situation des communes et intercommunalités

b. Un manque de coordination entre les acteurs territoriaux de l’État dans certaines zones

2. Des outils d’évaluation perfectibles

a. Une démarche d’évaluation prévue dès le lancement du programme

b. L’absence d’outil de suivi consolidé des financements concernant le commerce

c. Un manque d’indicateurs d’impact

d. Une quasi-absence d’évaluation locale par les communes

e. Un effort notable d’évaluation de la Banque des Territoires

3. Une crise sanitaire inédite aux effets ambigus

4. Une analyse d’impact devant prendre en compte un faisceau d’indicateurs

F. UN PROGRAMME À MIEUX COORDONNER ET À COMPLÉTER

1. Un programme ACV à mieux articuler avec les autres politiques publiques territorialisées

2. Assurer une meilleure articulation entre les acteurs du commerce

a. Garantir un pilotage interministériel de la politique nationale en faveur du commerce de proximité

b. Mieux articuler les interventions de l’État et des collectivités

3. Intégrer un axe « formation » et « accompagnement social » dans l’acte III du programme

EXAMEN PAR LE COMITÉ

ANNEXE N° 1 : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

ANNEXE N° 2 : DÉPLACEMENTS

 

 


 

   PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

Proposition n° 1 : Proroger le programme au-delà de 2026 en menant une réflexion sur la place des villes moyennes dans leur environnement régional.

Proposition n° 2 : Inciter les intercommunalités comprenant une commune bénéficiaire du programme Action cœur de ville (ACV) à adopter un plan local d’urbanisme intercommunal.

Proposition n° 3 : Garantir la visibilité pluriannuelle des engagements financiers de l’État dans les projets ACV des communes et intercommunalités.

Proposition n° 4 : Flécher les dotations étatiques vers les villes en forte déprise démographique, économique et immobilière.

Proposition n° 5 : Réduire le nombre d’appels à projets et à manifestation d’intérêt.

Proposition n° 6 : Mieux articuler les axes « commerce » et « mobilité » afin de renforcer l’attractivité des centres-villes en facilitant l’accès aux commerces, notamment via le stationnement, les transports en commun, les mobilités douces ainsi que les liaisons avec les couronnes urbaines et périurbaines.

Proposition n° 7 : Simplifier la procédure de déclaration d’utilité publique.

Proposition n° 8 : Réformer le dispositif Denormandie en le simplifiant, en assouplissant ses conditions d’éligibilité et en l’étendant aux locaux commerciaux dans les immeubles mixtes.

Proposition n° 9 : Assouplir les délais d’engagement de la procédure de suspension d’autorisation d’exploitation commerciale.

Proposition n° 10 : Pérenniser le financement des managers de commerce.

Proposition n° 11 : Réformer la taxe sur les friches commerciales en réduisant à six mois le délai à compter duquel elle s’applique et en augmentant son taux ; permettre aux communes et aux EPCI de la restreindre à certains types de locaux ou à certaines parties de leur territoire.

Proposition n° 12 : Expérimenter un mécanisme de régulation des loyers des baux commerciaux à l’échelle communale.

Proposition n° 13 : Assurer la pérennité des postes de chef de projet.

Proposition n° 14 : Assurer une meilleure coordination des services déconcentrés départementaux et régionaux impliqués dans le programme.

Proposition n° 15 : Inciter les communes à évaluer les actions menées dans leurs projets ACV.

Proposition n° 16 : Améliorer les outils de suivi du programme ainsi que la pertinence des indicateurs d’impact nationaux et renforcer la coordination des producteurs de données.

Proposition n° 17 : Mieux articuler Action cœur de ville avec les autres programmes d’aménagement du territoire.

Proposition n° 18 : Assurer un pilotage interministériel du soutien au commerce de proximité dans les villes ACV et inscrire tous les outils financiers de ce soutien dans une stratégie globale et coordonnée.

Proposition n° 19 : Assurer une coordination entre les actions des communes ACV et celles des régions, chefs de file en matière économique.

Proposition n° 20 : Prévoir la participation des associations représentant les régions et les départements au sein des comités de pilotage locaux, régionaux et nationaux du programme.

Proposition n° 21 : Assurer une meilleure représentation des acteurs du commerce au sein des comités de pilotage locaux et régionaux.

Proposition n° 22 : Inciter les communes ou intercommunalités ACV à définir une stratégie de revitalisation commerciale, éventuellement assortie de la création d’un comité local et d’un observatoire local du commerce.

Proposition n° 23 : Compléter le programme par un axe en matière d’accès aux soins, de formation (écoles de formation et antennes universitaires) et d’accompagnement social.

 

 


   SYNTHÈSE

 

 


 


—  1  —

 

   INTRODUCTION

 

Le 5 décembre 2024, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a inscrit à son programme de travail, à l’initiative du groupe Ensemble pour la République, une évaluation du programme Action cœur de ville et a désigné comme rapporteurs M. Julien Gokel (Socialistes et apparentés) et Mme Sandra Marsaud (Ensemble pour la République).

Jadis perçues comme échelons essentiels d’une armature urbaine équilibrée, les villes moyennes ont peu à peu été reléguées, à la fin des Trente glorieuses et avec la désindustrialisation, à l’arrière-plan des politiques d’aménagement du territoire au profit des métropoles, mises en avant comme territoires compétitifs à l’échelle mondiale. À partir de 2010 et surtout entre 2014 et 2017, sous l’impulsion des élus locaux et à la faveur de la médiatisation de discours sur l’abandon des territoires non métropolitains, la question des villes moyennes revient peu à peu à l’ordre du jour de la politique d’aménagement du territoire.

Lancé en 2018, Action cœur de ville (ACV) est un programme transversal visant à la revitalisation des villes moyennes exerçant des fonctions de centralité sur leur territoire. À la fois décentralisé dans son application et déconcentré dans sa gestion, ACV agit sur cinq volets : l’habitat, le commerce, la mobilité, l’aménagement de l’espace public et la valorisation du patrimoine et, enfin, l’accès aux services et le cadre de vie.

La première question évaluative soulevée par les rapporteurs en début de mission était de déterminer dans quelle mesure la liste des communes ciblées comme bénéficiaires du programme Action cœur de ville était pertinente. La deuxième question évaluative visait à déterminer dans quelle mesure les moyens alloués par l’État et ses partenaires financiers avaient permis d’apporter une plusvalue aux politiques menées localement pour revitaliser les centres-villes et quel avait été l’impact de la dimension partenariale du financement du programme sur les capacités financières des communes. Enfin, le troisième ensemble de questions évaluatives tendait à analyser les actions engagées pour répondre à l’objectif de revitalisation au fondement du programme et dans quelle mesure cet objectif avait été atteint.

Pour répondre à ces questions, les rapporteurs se sont appuyés sur une revue de littérature, des auditions, des contributions écrites, une enquête par questionnaire auprès d’un panel de chefs de projet et des déplacements dans quatre villes bénéficiaires du programme.

 

Au terme de leurs travaux, les rapporteurs relèvent que si le programme Action cœur de ville a été un véritable accélérateur des projets communaux de revitalisation des villes moyennes (I), le large ciblage des communes bénéficiaires implique une adaptabilité du programme aux enjeux locaux (II). Les apports financiers de l’État et de ses partenaires exercent un effet d’entraînement sur des projets restant essentiellement financés par les collectivités locales (III). Enfin, les résultats enregistrés sont notables – surtout en matière de logement, moins en matière de commerce – mais leur impact est difficile à évaluer (IV).


 

I.   UN PROGRAMME TRANSVERSAL ET PARTENARIAL

Consécutif au retour des villes moyennes à l’ordre du jour de la politique d’aménagement du territoire (A), le programme Action cœur de ville (ACV) est fondé sur une approche thématique transversale et une méthode de financement partenariale (B). Se présentant comme à la fois décentralisée et déconcentrée, cette politique publique place le maire et son équipe municipale au cœur de la définition du projet de revitalisation du territoire (C). Afin d’atteindre l’objectif de revitalisation des cœurs de villes moyennes, le programme s’appuie sur plusieurs outils législatifs et fiscaux, au premier rang desquels l’opération de revitalisation de territoire (ORT) et le dispositif fiscal d’investissement locatif Denormandie (D). Enfin, ACV se veut fondé sur une approche innovante et expérimentale des projets urbains (E).

A.   LE RETOUR DES VILLES MOYENNES À L’ORDRE DU JOUR DES POLITIQUES D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Longtemps perçues comme des « niveaux essentiels d’une armature urbaine équilibrée favorisant l’accès à l’emploi, aux services publics et administratifs et aux équipements » ([1]), les villes moyennes ont progressivement été reléguées, à la fin des Trente glorieuses, à l’arrière-plan des politiques d’aménagement du territoire au profit des métropoles, mises en avant comme territoires compétitifs à l’échelle mondiale.

À partir de 2010 et surtout entre 2014 et 2017, sous l’impulsion des élus locaux et à la faveur de la médiatisation de discours sur l’abandon des territoires non métropolitains, la « fracture territoriale » et la « France périphérique », la question des villes moyennes revient peu à peu à l’ordre du jour de la politique d’aménagement du territoire.

1.   Des villes moyennes en proie à des difficultés cumulatives

Comme le rappelle la géographe Julie Chouraqui ([2]) – auditionnée par la mission d’évaluation –, les années 2010 ont été marquées par des tensions entre les élus locaux et les gouvernements successifs, conduisant les premiers à relayer dans les médias des difficultés de plusieurs ordres :

– la réduction des transferts financiers de l’État vers les collectivités locales et les transformations de la fiscalité locale ;

– l’érosion de l’offre de santé des villes moyennes ;

– la fermeture de services publics consécutive à la révision générale des politiques publiques (RGPP) et la dégradation des services ferroviaires ;

– l’exclusion de certaines villes-centres de la gouvernance des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) auxquels elles appartiennent, par collusion de villes rurales ;

– le poids des charges de centralité supportées par les villes-centres ;

– les difficultés commerciales des centres-villes, appréhendées comme « symptôme ou révélateur de leur abandon politique ».

Ces difficultés commerciales :

– prennent la forme d’un recul du commerce indépendant au profit des grandes enseignes et d’un accroissement de la vacance commerciale dans les centres‑villes ;

– s’expliquent par la faible régulation des implantations commerciales périphériques, consécutive au vote de la loi de modernisation de l’économie en 2008 et du rehaussement du seuil de surface, de 300 à 1 000 mètres carrés, au‑delà duquel une autorisation d’implantation commerciale est requise ;

– sont source d’étalement urbain et d’une dégradation du paysage des entrées de villes.

Le déclin des cœurs de ville s’explique à la fois par la dispersion de l’habitat et des activités économiques et commerciales en périphérie, par le développement de la grande distribution et par l’utilisation de la voiture individuelle comme mode de déplacement majoritaire. La présence, dans certains cœurs de villes moyennes, de grands ensembles dégradés – souvent perçus comme peu attractifs – contribue aussi à l’exode urbain et à la périurbanisation autour des villes moyennes : quitte à ne plus pouvoir se passer de leur voiture pour se déplacer, les ménages préfèrent se loger en périphérie dans des maisons individuelles plus spacieuses, entourées d’un jardin et situées dans un environnement plus agréable.

Les centres-villes des villes moyennes sont alors en proie à un sentiment de déclassement, d’abandon et de paupérisation. Source d’une certaine défiance de la population des villes petites et moyennes, ce sentiment est empreint de l’idée que bien davantage que pour les villes moyennes, beaucoup a été fait pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

2.   L’institutionnalisation du problème entre 2014 et 2017

Sous la présidence de François Hollande, des mesures d’accompagnement à la revitalisation des centres-villes des villes petites et moyennes sont adoptées, parmi lesquelles :

 la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises qui, face au problème de l’étalement commercial périphérique anarchique, renforce la place des collectivités locales dans les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC), élargit les possibilités de recours au droit de préemption commercial et crée un contrat de revitalisation artisanale et commerciale ;

 l’appel à manifestation d’intérêt Centres-bourgs (2014) du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), démarche expérimentale d’accompagnement de projets globaux de revitalisation de « bourgs » ruraux ou périurbains ;

 en 2015, la réforme des règles d’accès au fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) et l’instauration, au sein du fonds de soutien à l’investissement local (FSIL), d’une enveloppe spécifiquement dédiée à la revitalisation des centres-villes des villes moyennes ;

 en 2016, l’élaboration de trois rapports remis au Gouvernement ([3]).

Si l’élaboration de ces rapports traduit la volonté d’accompagner les villes moyennes dans la conduite de projets de revitalisation de leur centre-ville, leur portée est néanmoins limitée non seulement parce qu’elle survient en fin de mandat présidentiel mais aussi parce que les politiques d’austérité budgétaire et de métropolisation sont renforcées durant cette période.

3.   Le rôle précurseur de la Caisse des dépôts et consignations : l’instauration d’une offre adaptée aux villes moyennes

Parallèlement à cette inflexion de la réflexion et du discours politiques, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) adapte progressivement son organisation et son offre à destination des villes petites et moyennes, en lien avec l’Institut pour la ville et le commerce et l’Assemblée des communautés de France. Entre 2014 et 2017, elle oriente progressivement son action vers le soutien à l’ingénierie et à l’investissement public local : non seulement elle participe à des dispositifs étatiques comme l’appel à manifestation d’intérêt « centres-bourgs » mais elle se dote aussi de ses propres outils pour accompagner la revitalisation des centres‑villes des villes petites et moyennes à partir de fin 2015, intitulés « Démonstrateurs » (10 villes moyennes), « Centres-villes de demain » et « Centres-bourgs de demain ».

Avec les conventions « Centres-villes de demain », la CDC propose aux villes moyennes des solutions de financement leur permettant d’élaborer ou de concrétiser des projets de redynamisation de leur centre-ville. Cet appui prend la forme de prêts, d’investissements dans des structures de l’économie mixte et de financement ou de cofinancement d’études stratégiques et d’assistance à maîtrise d’ouvrage. En 2017, 53 villes sont déjà signataires d’une convention « Centresvilles de demain » et 16 villes, d’une convention « Centres-bourgs de demain ». À partir de cette date, il est envisagé, en interne, d’élargir le dispositif « Centres-villes de demain » à 120 villes, avec une enveloppe dédiée d’un milliard d’euros. Un travail est réalisé avec l’Institut pour la ville et le commerce pour sélectionner les 120 villes ciblées à partir de la combinaison de différents indicateurs de fragilité : évolution démographique, vacance du logement et commerciale, niveau de chômage, niveau de pauvreté, accès aux soins, part des revenus liés au tourisme. La politique de la ville exerce ainsi une certaine influence dans ce travail de définition d’une géographie prioritaire.

4.   Le lancement du programme Action cœur de ville par le Gouvernement en 2017-2018

L’importance symbolique que revêtent les villes moyennes dans le discours politique sera aisément illustrée par une prise de parole du Président de la République lors de la première conférence des territoires organisée au Sénat le 18 juillet 2017.

Extraits du discours du Président de la République à la conférence des territoires du 18 juillet 2017 au Sénat

« C’est parce que je suis conscient de certains défis de la situation de déclassement des villes moyennes et de leur ruralité que je veux justement que nous puissions nous inspirer de ce qui a été fait en d’autres temps de manière fort à propos pour les villes avec l’ANRU. Cette idée a été portée par d’autres que moi en particulier dans les temps récents de campagne et je pense que c’est une bonne idée de considérer l’opportunité d’une agence nationale de la cohésion des territoires. Cette agence aurait vocation à travailler en lien direct avec les régions parce qu’il ne s’agit pas de recentraliser ce qui a été donné à certaines collectivités et donc ce doit être une agence là aussi d’un type nouveau qui travaille en lien direct avec les régions, qui pense l’appui en particulier en ingénierie publique indispensable dans le rural et dans les territoires les plus périphériques et qui crée une logique de guichet unique et de simplification de projets pour les territoires ruraux, les villes moyennes en difficulté. (…) Pour les villes moyennes, la priorité est de redonner vie aux centres-villes, je souhaite à ce titre que le gouvernement engage une action renforcée et transversale pour relancer l’emploi, le commerce, le logement et remettre des centres-villes au cœur de leur territoire ».

Ce discours fait écho aux discours sur la « fracture » territoriale pointant l’importance des moyens accordés aux banlieues des métropoles au détriment des campagnes et des villes petites et moyennes qualifiées de « périphériques ». Pour la géographe précitée, dans le discours du Président, « la création de l’ANCT implique un rééquilibrage, une correction de ce qui est perçu comme une injustice puisque les villes moyennes et les espaces ruraux vont être dotés de leur propre agence, de la même manière que l’ANRU est l’agence des quartiers prioritaires de la politique de la ville des métropoles. Le discours souligne d’emblée que l’ANCT participera, avec les régions, à structurer une “action renforcée et transversale pour les villes moyennes” ».

Le programme est ensuite annoncé par le Premier ministre lors de la deuxième conférence des territoires à Cahors en décembre 2017 puis lancé en mars 2018 par le ministre de la cohésion des territoires Jacques Mézard, ancien maire d’Aurillac. Une instruction du 10 janvier 2018 précise que les villes bénéficiaires seront des villes moyennes jouant un rôle de pôles d’attractivité, situées en dehors du périmètre des métropoles et dans lesquelles une action de redynamisation du cœur de ville est nécessaire.

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Source : Atlas national Action cœur de ville, 4e trimestre 2024, ANCT (le nombre de villes a, depuis, été ramené à 243).

B.   UNE DÉMARCHE DE PROJET PRÉSENTÉE COMME ASCENDANTE, À LA FOIS DÉCONCENTRÉE ET DÉCENTRALISÉE

Le Gouvernement a conçu le programme Action cœur de ville comme national, transversal, partenarial, décentralisé et déconcentré : il est fondé sur des projets élaborés par chacune des 234 – et désormais 243 ([4]) – villes moyennes et leurs intercommunalités, projets au profit desquels des outils et financements proposés par l’État et trois partenaires peuvent être mobilisés. Le maire est ainsi placé au centre du dispositif. La gestion étatique du programme fait intervenir trois niveaux : le niveau central (ANCT) mais surtout deux niveaux déconcentrés, la région et le département.

1.   Le maire et son équipe au cœur du dispositif

La Cour des comptes le souligne dans son rapport d’évaluation consacré au programme, la gouvernance d’ACV « privilégie l’échelon local ». Ce sont le maire et son équipe municipale qui assurent le pilotage stratégique de chaque projet ACV communal. Ils s’appuient pour ce faire sur un « chef de projet » assurant un pilotage opérationnel et éventuellement sur un « manager de centre-ville » ou « manager de commerce ». L’intercommunalité à laquelle appartient chaque ville ACV est étroitement associée au projet territorial, ce que matérialise l’approbation de la signature de chaque convention ACV par les assemblées délibérantes de la ville et de la structure intercommunale dont la ville fait partie.

a.   Le chef de projet : « chef d’orchestre » ou « couteau suisse », pilote opérationnel du projet communal

Le maire de chaque commune ACV est assisté d’un chef de projet assurant le pilotage opérationnel du projet pour le compte de l’exécutif. Ce chef ou directeur de projet travaille conjointement avec le manager de centre-ville – lorsque ce dernier existe – faute de quoi il peut également jouer ce rôle.

Atout majeur du programme, le financement du poste de chef de projet est assuré annuellement par l’Agence nationale de l’habitat (Anah) à hauteur de 50 %, dans la limite de 80 000 euros de subvention par an, comme le prévoit une instruction de l’Anah relative au financement des chefs de projet.

Le chef de projet peut être fonctionnaire ou contractuel, généralement de niveau bac+4 ou bac+5 selon les informations recueillies par les rapporteurs en auditions ainsi que dans une enquête menée par la mission d’évaluation en avril 2025 auprès d’une vingtaine de villes bénéficiaires du programme. Si la plupart des chefs de projet sont des femmes, leur profil académique est très variable (urbanisme, économie, histoire…).

Cet agent coordonne les différentes thématiques d’intervention définies dans la convention de programme. En phase opérationnelle, il a pour mission de mettre en application et de suivre les partenariats financiers, de mobiliser et d’animer l’ensemble des partenaires opérationnels et des intervenants de l’opération, d’élaborer et d’appliquer une stratégie de concertation avec les habitants, d’assurer une fonction d’appui et de conseil auprès des instances décisionnelles du maître d’ouvrage et, enfin, d’assurer le suivi, le bilan et l’évaluation du projet ACV. Il est ainsi l’interlocuteur privilégié des acteurs du programme, et en particulier des services déconcentrés de l’État. Il rend compte des avancées du projet communal, doit anticiper les difficultés posées par sa mise en application et organise la programmation annuelle des besoins de financement de la commune. Il assure la bonne exécution de la convention ACV conclue par la ville moyenne qui l’emploie. Le chef de projet est ainsi successivement le « chef d’orchestre », le « couteau suisse » et la « cheville ouvrière » du programme.

Il ressort de l’ensemble des auditions et déplacements des rapporteurs que l’instauration des chefs de projet ACV a considérablement augmenté la force de frappe des collectivités même si ces postes sont exigeants, requérant polyvalence et capacité à coordonner les services de la municipalité voire de l’intercommunalité et les partenaires financiers du programme.

b.   Le manager de commerce, responsable du volet commercial du projet

À partir de 2020, dans le cadre du plan de relance pour les commerçants, artisans et indépendants adopté à la suite du premier confinement sanitaire, il a été proposé aux communes ACV le cofinancement d’un poste de manager de commerce pendant deux ans, à hauteur de 20 000 euros par an. Comme le rappelle la Cour des comptes ([5]), « ce poste, inspiré d’expériences menées en Belgique et en Grande-Bretagne, avait déjà commencé à se mettre en place dans certaines communes en France, notamment pour assurer un lien avec les associations de commerçants ou gérer la mise en œuvre d’un programme FISAC ».

Les managers de commerce se voient confier une double mission : l’établissement d’un diagnostic de la situation commerciale de la commune et un rôle d’interface entre les différents acteurs locaux – services de la commune, associations de commerçants, riverains, professionnels de l’immobilier commercial, partenaires financiers, chambres consulaires. Le manager de commerce est ainsi responsable de l’axe « développement économique et commerce » du programme, contribuant à lui donner une plus grande visibilité et à mieux structurer l’action de la commune. Selon l’Association des maires de France, citée par la Cour des comptes, « la plus-value de ce poste est soulignée par une très grande majorité de communes » et « son rôle a également été mis en avant lors des Assises du commerce dans la mesure où il permet d’assurer le pilotage local des mesures du plan de relance (ingénierie, solutions numériques) et des collectivités (aides à l’implantation, opérations foncières) ».

c.   L’implication obligatoire de l’intercommunalité

Les conventions ACV doivent impérativement être signées par l’assemblée délibérante de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dont relève chaque commune ACV.

Dans les faits, ces EPCI sont impliqués dans les projets ACV selon quatre modalités : dans la phase initiale de dialogue entre la commune-centre et sa structure intercommunale d’appartenance en vue d’élaborer un diagnostic de territoire ; dans le cadre de l’ingénierie de projet ; dans celui de la mobilisation de leviers financiers et fiscaux et dans le cadre de l’interaction possible et idéalement, de la synergie – entre Action cœur de ville et d’autres programmes tels que Territoires d’industrie, Petites villes de demain (PVD) ou encore les contrats de relance et de transition écologique.

Le programme Petites villes de demain

Également piloté par l’ANCT, le programme Petites villes de demain (PVD) a été lancé en octobre 2020 afin de soutenir les communes de moins de 20 000 habitants jouant un rôle de « petites centralités » dans la dynamique locale, afin de revitaliser leurs centres‑villes, d’améliorer leur attractivité et leur rayonnement, de renforcer les services aux habitants et d’accompagner les trajectoires de transition écologique des collectivités.

En outre, dans le cadre de l’acte II du programme (2023-2026), qui a élargi le périmètre d’action des projets ACV aux entrées de ville (cf. infra), les élus intercommunaux ont davantage été intégrés à la gouvernance et au pilotage du programme puisque ces entrées de ville – qu’il faudrait plutôt appeler entrées d’agglomération – sont souvent situées en dehors de la ville-centre ACV, dans le périmètre d’une commune membre de l’intercommunalité et qu’intervenir dans ces zones suppose de définir une stratégie d’aménagement à l’échelle du bassin de vie.

2.   L’Agence nationale de la cohésion des territoires, pilote du programme à l’échelon national

À la différence de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), créée ex nihilo pour assurer l’application du programme national de rénovation urbaine (PNRU), l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) est née de la fusion, par la loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019, du CGET, de l’Établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) et de l’Agence du numérique.

L’ANCT est l’opérateur de l’État chargé du pilotage et du suivi des programmes nationaux de revitalisation du territoire, c’est-à-dire non seulement d’Action cœur de ville mais aussi de Petites villes de demain et d’autres politiques nationales. Au sein de l’ANCT, le programme ACV est confié à une équipe resserrée, issue du CGET, chargée de missions de suivi et d’animation des partenariats, du financement, des procédures, du reporting et des évaluations – la gestion même du programme étant déconcentrée. Composée de six personnes, cette équipe de direction de programme coordonne l’application opérationnelle du programme, en assure le suivi et l’évaluation, en lien au niveau national avec les ministères concernés, mais aussi au niveau local avec les élus, les services déconcentrés de l’État et l’ensemble des partenaires. Le directeur de programme réunit bimensuellement un comité de pilotage national ([6]).

L’Agence nationale de la cohésion des territoires

Établissement public créé le 1er janvier 2020, l’ANCT a pour objet de faciliter les projets des collectivités en déployant des dispositifs de l’État en faveur de la cohésion territoriale et en facilitant l’accès des petites collectivités à l’ingénierie. En créant l’ANCT, le Gouvernement affirmait la volonté politique forte d’un retour de l’État sur les territoires et avait pour objectif d’assurer un renouvellement de l’action de l’État en faveur des villes petites et moyennes ainsi que des territoires ruraux. Comme le rappelle la Cour des comptes dans une communication à la commission des finances du Sénat publiée en février 2024 ([7]), il s’agissait d’ « impulser un nouveau mode de conduite de la politique d’aménagement du territoire » partant des projets des collectivités dans une approche ascendante prenant en compte la spécificité des situations locales.

Si l’établissement est issu de la fusion du CGET, de l’Agence du numérique et de l’EPARECA, d’autres entités – telles que l’ANRU, l’Anah, l’Ademe et le Cerema – conservent leur autonomie tout en ayant conclu en 2020 des conventions pluriannuelles avec l’ANCT ([8]).

L’article L. 1231-1 du code général des collectivités territoriales énumère les missions de l’agence (ingénierie, mise en application de programmes nationaux en matière d’aménagement durable et de cohésion des territoires, aide à la conception et au déploiement de projets de territoire, aménagement et restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, coordination de l’utilisation des fonds européens structurels et d’investissement…). Les politiques menées par l’ANCT sont d’une grande diversité, allant du pilotage de la politique de la ville au haut débit et à l’accès numérique en passant par le soutien à la ruralité et aux zones de montagne. L’ANCT est également autorité de coordination pour la gestion des fonds européens.

Véritables « vitrines » de l’agence, les programmes nationaux structurent son organisation : la Cour des comptes souligne que ces programmes fournissent un cadre, une méthode et l’ingénierie nécessaires à des projets territoriaux conçus par les collectivités. Ils visent à concilier des objectifs identifiés à l’échelle nationale avec les priorités propres à chaque territoire et portées par les élus locaux, s’apparentant dès lors à des labels. Les élus locaux ont une bonne connaissance et une vision positive des programmes déployés sans toutefois forcément faire le lien avec l’entité qui les porte.

Les nombreuses politiques animées par l’ANCT nécessitent un accompagnement des collectivités qui ne peut pas être assuré par ses seuls services – compte tenu de leurs effectifs limités. Sa présence territoriale est assurée par les préfets de département, délégués territoriaux de l’agence. Comme le souligne la Cour, l’implication variable des préfets dans cette mission est susceptible d’induire des différences de traitement entre territoires. Aucun moyen spécifique n’a été prévu pour les épauler dans cette mission, hormis 16 chargés de mission territoriaux : or, « la décentralisation et la réforme de l’administration territoriale de l’État ont non seulement entraîné une diminution des capacités des services déconcentrés en matière d’assistance technique et d’ingénierie de projet mais aussi une réduction significative des effectifs de l’État au niveau départemental. Les fonctions confiées au délégué territorial et à son équipe sont pourtant lourdes lorsqu’elles sont pleinement exercées ».

Chaque direction de l’ANCT anime une politique spécifique en lien direct avec chaque cabinet ministériel concerné sans véritable culture commune à l’établissement. En outre, de nouvelles missions sont régulièrement confiées à l’agence sans que les moyens correspondants – budgétaires comme humains  soient systématiquement prévus.

3.   Une gestion étatique déconcentrée

À la différence d’une agence telle que l’ANRU, l’ANCT n’a pas de budget de subventions qu’elle distribuerait aux collectivités bénéficiaires d’Action cœur de ville : cette mission de répartition et de distribution des subventions est confiée aux administrations déconcentrées.

a.   La région

À l’échelon régional, le préfet de région et le secrétaire général aux affaires régionales (SGAR), assistés d’un référent ACV, assurent le suivi du programme et valident les demandes d’octroi de subventions renseignées par le délégué territorial de l’ANCT au sein des préfectures départementales.

b.   Le département

Au niveau départemental, le préfet, délégué territorial de l’ANCT, est signataire, pour le compte de l’État, de la convention-cadre passée avec la commune. Il désigne un référent départemental et s’appuie sur ses services (directions départementales des territoires [DDT] et sous-préfectures) pour apporter aux collectivités ACV l’expertise et le conseil nécessaires. Le référent départemental ACV assure le suivi du programme et l’engagement de certaines subventions d’État.

c.   De nouvelles missions à moyens humains déconcentrés constants

Les rapporteurs relèvent que le suivi du programme ACV est venu s’ajouter aux autres missions dévolues à ces administrations territoriales de l’État sans recrutements supplémentaires pour ce faire. Ils constatent que les ressources humaines mobilisées au sein de l’État, de son principal opérateur et de ses services déconcentrés sont bien plus faibles au profit du programme ACV que du programme national de rénovation urbaine.

4.   Une comitologie à trois niveaux

Les différents niveaux de décision du programme ACV sont chacun associé à des comités réguliers visant à organiser les interactions entre les collectivités, l’État central et local et les différents partenaires du programme :

– au niveau national, un comité exécutif présidé par le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, réunit des représentants des ministères, des partenaires financiers et des associations d’élus. Il définit les orientations générales du programme ainsi que ses modalités de mise en œuvre et de suivi ;

– au niveau régional, des comités régionaux d’engagement présidés par le préfet de région peuvent également être organisés, réunissant les partenaires du programme et les services de l’État ainsi que le conseil régional pour faciliter la mise en œuvre du programme ; non obligatoires, ces comités régionaux n’existent pas dans toutes les régions. En outre, les préfets de département font le point de l’avancement des initiatives locales dans le cadre des comités de l’administration régionale de l’État (CAR) ;

– au niveau local, un comité de pilotage local, parfois appelé « comité local de projet », est institué dans chaque ville ACV. Présidé par le maire, il réunit des élus et représentants de l’intercommunalité, le référent ACV désigné au niveau des services locaux de l’État ainsi que l’ensemble des représentants locaux des signataires de la convention ACV (Banque des Territoires, Action Logement, établissement public foncier le cas échéant, etc.). Pouvant associer, le cas échéant, des représentants des chambres consulaires, des commerçants et des habitants, ce comité local a pour objet de suivre l’avancement du projet local de revitalisation. La fréquence des réunions des comités locaux varie selon les villes et les régions (1 à 4 fois par an). Parallèlement, des comités techniques sont organisés par le chef de projet en fonction des projets et des financements.

Source : Guide du programme national Action cœur de ville.

C.   DES CONVENTIONS TRANSVERSALES ET PARTENARIALES

Les territoires bénéficiaires d’Action cœur de ville se doivent de signer une convention d’une durée de cinq ans, associant la commune, son intercommunalité, l’État, les partenaires financeurs (cf. infra), et, le cas échéant, d’autres acteurs publics et privés venant apporter leur expertise, leurs financements ou leur mobilisation locale.

Chaque convention forme un diptyque, une partie étant dédiée au diagnostic des principaux enjeux rencontrés dans le centre-ville tandis que l’autre expose un projet de revitalisation autour de cinq axes obligatoires. Ce projet s’appuie sur une stratégie de transformation, un plan d’action assorti de « fiches actions » détaillant, pour chacune d’entre elles, les actions envisagées et un calendrier de mise en application du projet et des demandes de financement. La convention précise les moyens de pilotage, de suivi et d’association du public.

En 2020, les conventions ACV ont fait l’objet d’avenants précisant les orientations adoptées et les actions envisagées et fixant un périmètre d’action opérationnel appelé périmètre d’opération de revitalisation de territoire (cf. infra) mono‑site ou multi-sites.

1.   Des thématiques transversales

Chaque projet de territoire doit couvrir les cinq axes de revitalisation définis par l’État :

– l’axe 1 : « De la réhabilitation à la restructuration : vers une offre attractive de l’habitat en centre-ville » ;

– l’axe 2 : « Favoriser un développement économique et commercial équilibré » ;

– l’axe 3 : « Développer l’accessibilité, la mobilité et les connexions » ;

– l’axe 4 : « Mettre en valeur les formes urbaines, l’espace public et le patrimoine » ;

– et l’axe 5 : « Fournir l’accès aux équipements, services publics, à l’offre culturelle et de loisirs ».

 Comme l’indique l’ANCT dans son guide du programme ACV (édition 2021) : chaque projet de territoire ACV est « global », agissant sur tous les axes. Il doit permettre de réhabiliter et requalifier l’habitat privé ancien pour qu’il réponde aux impératifs et attentes d’aujourd’hui et être une alternative soutenable au modèle pavillonnaire ; et de faciliter l’accès au logement des ménages modestes ; enfin, de renforcer l’accompagnement des projets de requalification du bâti.

 Il vise également à structurer le tissu commercial et économique : développement, renouvellement et mixité des activités, traditionnelles comme innovantes (management de centre-ville, appui à la transformation numérique des TPE et PME, développement de nouveaux services aux consommateurs, d’une expérience client particulière, d’une offre de produits de qualité, innovants et originaux, mise en valeur de produits artisanaux locaux, etc.) ; facilitation de la mobilité et du stationnement en centre‑ville ; valorisation des atouts touristiques et culturels ; développement d’une offre de formation initiale et continue corrélée aux besoins locaux.

 Chaque projet de ville doit favoriser la mobilité professionnelle pour développer l’emploi dans les entreprises du territoire : créer une offre locative urbaine attractive et adaptée aux besoins des salariés et notamment des jeunes actifs.

 Un de ces objectifs majeurs est également d’améliorer la qualité de vie : mixité des services au public et des commerces ; facilité des déplacements (modes doux, transports innovants, développement de la « ville intelligente ») ; lien social ; inclusion, services publics et au public ; culture et patrimoine, sport, espaces verts, propreté.

 Enfin, l’ambition du programme est que les projets Action cœur de Ville soutiennent la vie locale : qualifier les espaces publics et offrir un cadre de vie satisfaisant pour la population, assurer une animation des centres, garantir la sécurité en centre-ville, proposer une offre de services adaptée aux demandes mais aussi développer les usages des outils numériques (site internet de produits locaux, services de conciergerie, utilisation des réseaux sociaux pour valoriser des événements locaux, des prestations ou des produits, wifi gratuit en centre-ville, etc.).

 Les cinq axes thématiques doivent être parcourus par une approche transversale en matière d’innovation (sociale, environnementale, économique et commerciale, etc.), de transition énergétique et environnementale, et de promotion de la ville durable et « intelligente » (smart city). Ils s’inscrivent tous dans une exigence globale de concertation citoyenne du projet. Les actions proposées doivent être en cohérence avec le projet d’ensemble.

 L’ANCT précise que « la démarche ACV doit répondre à des objectifs durables » et que les conventions doivent prévoir une évaluation assortie d’indicateurs communs à l’ensemble du programme et d’autres, librement déterminés.

L’un des apports majeurs de l’acte II d’ACV, outre l’extension du périmètre du programme aux entrées de ville et aux quartiers de gare, est l’attention accrue portée aux objectifs de sobriété foncière, d’adaptation au changement climatique, de gestion de l’eau et de préservation de la biodiversité.

2.   Une méthode de financement fondée sur des partenariats

Comme le souligne Julie Chouraqui, « l’architecture d’ACV n’implique pas d’intervention directe de l’État vers les collectivités ciblées, par exemple sous forme de transferts financiers, dans une logique de politique redistributive qui allouerait des volumes financiers aux collectivités selon des critères de péréquation. Cette politique consiste au contraire en la mise à disposition d’outils et de règlements favorables à la diffusion d’une démarche, ici les stratégies locales de revitalisation du centre-ville, ce qui permet de la qualifier de procédurale. L’État se pose donc davantage comme un acteur stratégique qui oriente les politiques locales que comme un acteur qui redistribue ou rééquilibre les disparités entre collectivités locales, dans une posture typique de l’État stratège. » Selon la géographe, c’est bien la contrainte budgétaire, plus qu’un véritable choix de politique publique, qui a dicté la dimension partenariale du programme Action cœur de ville.

Les partenaires financiers d’ACV sont :

– la Banque des Territoires, qui propose des prêts et subventions ;

– Action Logement, qui propose également des prêts et subventions ;

– l’Anah, opérateur de l’État, dont les aides sont certes de droit commun mais néanmoins priorisées dans les villes labellisées « Action cœur de ville » signataires d’une convention dite « OPAH-RU », acronyme désignant les opérations programmées d’amélioration de l’habitat et de renouvellement urbain.

Les rapporteurs reviennent en détail sur le financement du programme ACV dans la deuxième partie du rapport.

D.   UN PROGRAMME PRENANT APPUI SUR DES OUTILS LÉGISLATIFS ET FISCAUX

1.   L’opération de revitalisation de territoire : un outil juridique de requalification des centres-villes

En vertu de l’article L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation, issu de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dite loi ELAN, les opérations de revitalisation de territoire (ORT) ont pour objet la mise en application d’un projet global de territoire destiné à adapter et moderniser le parc de logements et de locaux commerciaux et artisanaux ainsi que le tissu urbain de ce territoire pour améliorer son attractivité, lutter contre la vacance des logements et des locaux commerciaux et artisanaux ainsi que contre l’habitat indigne, réhabiliter l’immobilier de loisir, valoriser le patrimoine bâti et réhabiliter les friches urbaines, dans une perspective de mixité sociale, d’innovation et de développement durable.

Ces opérations donnent lieu à une convention entre l’État, ses établissements publics intéressés, un EPCI à fiscalité propre et tout ou partie de ses communes membres, ainsi que toute personne publique ou tout acteur privé susceptible d’apporter un soutien ou de prendre part à la réalisation des opérations prévues par la convention. La convention définit le projet urbain, économique et social de revitalisation de territoire concerné, favorisant la mixité sociale, le développement durable, la valorisation du patrimoine et l’innovation. Elle délimite le périmètre des secteurs d’intervention, parmi lesquels figure nécessairement le centre‑ville de la ville principale du territoire de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre signataire. Ce périmètre peut également inclure un ou plusieurs centres-villes d’autres communes membres de cet établissement et des parties déjà urbanisées de toute commune membre de cet établissement. La convention précise sa durée, le calendrier, le plan de financement des actions prévues et leur répartition dans les secteurs d’intervention délimités. Elle prévoit également les conditions dans lesquelles ces actions peuvent être déléguées à des opérateurs.

Toute convention ACV peut valoir ORT si elle contient les éléments obligatoires prévus par le II de l’article L. 303-2 précité, à savoir : sa durée, le calendrier, le plan de financement des actions prévues et leur répartition dans les secteurs d’intervention délimités. Elle prévoit également les conditions dans lesquelles ces actions peuvent être déléguées à des opérateurs.

La conclusion d’une convention d’ORT permet aux communes ACV de mobiliser des dispositifs juridiques et fiscaux dans le périmètre ainsi délimité et notamment :

– la dispense d’autorisation d’exploitation commerciale et la possibilité de suspension de projets commerciaux périphériques, afin de renforcer l’attractivité commerciale en centre-ville ;

– l’accès prioritaire aux aides de l’Anah et l’éligibilité au dispositif de défiscalisation Denormandie dans l’ancien, pour favoriser la réhabilitation de l’habitat ;

– des dispositifs expérimentaux tels que le permis d’innover ou le permis d’aménager multisites, pour faciliter les projets d’aménagement et d’urbanisme ;

– le renforcement du droit de préemption urbain et du droit de préemption dans les locaux artisanaux, pour mieux maîtriser le foncier ;

– l’obligation d’information du maire et du président de l’EPCI six mois avant la fermeture d’un service public, pour instaurer un dialogue sur la fermeture de services publics pour tenter d’y remédier ;

– des dispositions relatives aux « hauts d’immeubles » (logements en centre-ville situés au-dessus des commerces), pour favoriser la cohabitation commerces/habitations dans les immeubles de centre-ville.

Les conventions ORT permettent ainsi aux communes de faciliter l’implantation de commerces et de locomotives commerciales en centre-ville ; d’inciter à la rénovation de logements anciens grâce aux aides de l’Anah, à un abattement fiscal sur les plus-values de cession de logements situés dans le périmètre ORT et au Denormandie dans l’ancien ; de limiter l’imposition des commerçants et artisans pour favoriser leur maintien en centre-ville en les exonérant totalement ou partiellement de cotisation foncière des entreprises (CFE), de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; et enfin, de faciliter les projets de construction grâce au permis d’innover et au permis d’aménager multi-sites.

En outre, selon la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, (DHUP), l’ORT est susceptible d’apporter de la cohérence aux projets ACV à l’échelle intercommunale et de permettre à des communes situées en périphérie des villes-centres de « tirer parti de cette dynamique collective et d’y développer des projets structurants, au bénéfice de l’ensemble du territoire intercommunal ». L’outil favorise « une approche en mode projet, mobilisant les acteurs locaux autour d’une initiative fédératrice et transversale. Ce dispositif présente l’avantage d’agir de manière coordonnée sur divers domaines tels que l’habitat, le commerce et l’aménagement, engendrant une véritable dynamique territoriale axée sur des enjeux communs. Environ deux tiers des ORT des villes ACV incluent un volet OPAH-RU ([9]), incluant donc des actions ambitieuses ciblées sur des secteurs prédéfinis. »

Au 4e trimestre 2024, 234 communes ACV étaient dotées d’une ORT, soit un taux de couverture de 96 % :

Source : Atlas national Action cœur de ville, ANCT, 4e trimestre 2024.

2.   L’opération programmée d’amélioration de l’habitat et de renouvellement urbain : outil de massification de la rénovation du bâti ancien dégradé

En vertu de l’article L. 303-1 du code de la construction et de l’habitation, les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) ont pour objet la réhabilitation du parc immobilier bâti. Elles tendent à améliorer l’offre de logements, en particulier locatifs.

Les OPAH de renouvellement urbain, dites OPAH-RU, permettent de traiter les territoires urbains confrontés à de graves dysfonctionnements urbains et sociaux, nécessitant, en sus des incitations et du programme d’actions d’accompagnement propres à toute OPAH, le recours à des dispositifs d’intervention lourds. Ces dispositifs font appel à des interventions foncières et immobilières et à des outils coercitifs de droit public (traitement de l’insalubrité, démolitions, actions foncières, sous déclaration d’utilité publique ou non…). Les OPAH‑RU bénéficient de subventions fortement majorées de l’État pour mener à bien les études pré-opérationnelles et la conduite d’opération. L’Anah y apporte un financement renforcé en faveur des travaux entrepris par les propriétaires occupants.

3.   Le Denormandie : un dispositif d’investissement locatif ad hoc

Créé par la loi de finances pour 2019 sur le modèle du dispositif « Pinel ([10]) » modifié en 2020 et codifié à l’article 199 novovicies I-B-5° du code général des impôts (CGI), le Denormandie dans l’ancien, du nom du ministre chargé du logement qui l’a proposé au Parlement, est un dispositif fiscal visant à inciter à l’investissement locatif dans l’habitat ancien et, ainsi, à accompagner la revitalisation des cœurs de ville. Il consiste en une réduction d’impôt sur le revenu accordée aux particuliers achetant un logement à rénover dans certaines zones, pour le mettre ensuite en location. Sont concernés les logements acquis entre le 28 mars 2019 et le 31 décembre 2027.

Les opérations éligibles sont situées dans les communes ACV et, plus généralement, dans toute commune ayant conclu une opération de revitalisation du territoire (ORT). Depuis 2020, la totalité du territoire d’une commune est désormais éligible à la réduction d’impôt. Le logement concerné doit être ancien et faire l’objet de travaux d’amélioration ([11]). Il peut également s’agir d’un local transformé, à usage d’habitation. Le logement doit être non meublé et loué comme habitation principale pendant six, neuf ou douze ans. Une fois le logement rénové selon les critères éligibles, le loyer mensuel hors charges ne doit pas dépasser un plafond.

Le montant de la réduction d’impôt est calculé à partir du prix de revient net du logement ([12]), par application d’un pourcentage variant en fonction de la durée de location ([13]). La réduction d’impôt « Denormandie » est plafonnée à un investissement maximum de 300 000 euros et de 5 500 m2 de surface habitable.

Le Denormandie n’est pas cumulable avec le dispositif Pinel ni avec Loc’Avantages ([14]). Les aides de droit commun de l’Anah (MaPrimeRénov’, MaPrimeCopro’, voire Ma Prime Logement Décent pour le propriétaire bailleur à certaines conditions) sont cumulables avec le dispositif.

Cet outil de défiscalisation a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2027 par la loi du 9 avril 2024 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement, en cohérence avec les programmes ACV et Petites villes de demain (PVD).

4.   L’objectif de zéro artificialisation nette : moteur de la sobriété foncière

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « climat et résilience », a fixé un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à l’horizon de 2050 et établi un objectif intermédiaire de division par deux de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici à 2030 ([15]) par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020. Cet objectif n’implique pas nécessairement l’arrêt total de l’artificialisation de nouveaux espaces, cette dernière étant subordonnée à la « renaturation », à proportion égale, d’espaces artificialisés.

En application de cet objectif, les règles de délivrance des autorisations d’urbanisme commercial ont été renforcées. Le principe est l’interdiction de nouvelles autorisations commerciales impliquant une artificialisation des sols (des dérogations restent néanmoins possibles en dessous de 10 000 mètres carrés de surface de vente). Quant aux secteurs d’implantation des entrepôts, ils doivent être également définis par rapport aux besoins logistiques des territoires mais aussi par rapport aux objectifs de réduction du rythme d’artificialisation des sols. L’objectif ne commence à s’appliquer qu’à l’issue de la mise en conformité des documents de planification et d’urbanisme (plans locaux d’urbanisme, plans locaux d’urbanisme intercommunaux, cartes communales...).

E.   UNE APPROCHE INNOVANTE ET EXPÉRIMENTALE DES PROJETS URBAINS

1.   Une approche expérimentale en « mode projet »

a.   L’expérimentation des territoires pilotes de sobriété foncière

Afin de contribuer à la revitalisation des cœurs de ville et de mettre un coup d’arrêt à l’étalement urbain, la démarche expérimentale des territoires pilotes de sobriété foncière a été lancée en septembre-octobre 2020 à l’initiative de l’ANCT et du ministère de la transition écologique (DHUP), en lien étroit avec le Plan urbanisme, construction, architecture (PUCA) ([16]). L’objectif est de révéler le potentiel d’espaces fonciers jusqu’alors perçus comme invisibles et d’expérimenter in situ des stratégies de développement adaptées. L’expérimentation s’appuie sur les intercommunalités.

Vingt-cinq EPCI ont candidaté à l’appel à manifestation d’intérêt et sept territoires ont été retenus pour cette expérimentation en mars 2021 : Dreux, Épernay, Louviers, Maubeuge, Poitiers, Sète et Draguignan.

L’objectif est d’expérimenter dans le tissu existant de nouveaux modes d’urbanisation sobres en consommation de foncier, à partir de 4 leviers : « densifier, intensifier, transformer, re-naturer ». Dans un premier temps, il s’agit de révéler le foncier et l’immobilier invisibles à l’échelle de l’EPCI, d’en faire une typologie puis d’identifier une dizaine de sites et d’en qualifier le potentiel. Dans un second temps, il s’agit de réaliser des études pré-opérationnelles sur trois à cinq sites avant de passer à la phase opérationnelle du projet.

Depuis 2023, afin d’élargir l’expérimentation à d’autres régions, l’ANCT accompagne cinq nouveaux territoires pilotes avec le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) ([17]) : Autun, Laval, Le Lamentin (Martinique), Lorient et Tarare.

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Source : Atlas national Action cœur de ville, ANCT, 4e trimestre 2024.

b.   « Réinventons nos cœurs de ville »

« Réinventons nos cœurs de ville » est un programme expérimental visant à allier qualité architecturale et innovation. Toutes les villes ACV ont eu la possibilité de se porter candidates à l’appel à manifestation d’intérêt sur un site emblématique de leur choix situé en centre-ville et dans le périmètre de leur opération de revitalisation territoriale. L’objectif principal de l’expérimentation est d’offrir une seconde vie à ces sites restés trop longtemps vacants ou devenus obsolètes, disqualifiant des quartiers entiers du centre-ville et dont la collectivité seule ne pouvait assumer les coûts de transformation. L’idée du dispositif est donc de permettre aux communes de faire appel à des groupements d’opérateurs privés (concepteurs, promoteurs, bailleurs, acteurs de l’économie sociale et solidaire…).

Selon les informations fournies par le PUCA, cette expérimentation, en s’appuyant sur la procédure des appels à projets urbains innovants (APUI), a permis de créer une dynamique vertueuse de revitalisation et ainsi :

– de « révéler » une diversité de sites allant des petits ensembles de bâti ancien (commerces, logements) au patrimoine emblématique (anciens sites productifs, couvents, gares, casernes, écoles, banques…), en les transformant pour de nouveaux usages ;

– d’attirer des acteurs privés de la promotion et de la construction d’envergure nationale et de mobiliser l’ingénierie des opérateurs institutionnels de l’État déjà présents dans le programme ACV ;

– de contribuer au retour en grâce des villes moyennes et à la fierté de leurs élus et habitants en promouvant dans ces villes une innovation et une excellence architecturale réservées jusque-là aux métropoles.

Si le PUCA a mené cette expérimentation entre 2019 et 2023, c’est désormais sous l’égide de l’ANCT que se poursuit le dispositif « Réinventons nos cœurs de ville 2 ».

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Source : Atlas national Action cœur de ville, ANCT, 4e trimestre 2024.

c.   Un accompagnement renforcé par le Cerema en faveur de la transition écologique

Depuis 2024 ([18]) et ce jusqu’en 2026, 79 villes ACV bénéficient d’un accompagnement renforcé (89 accompagnements au total) du Cerema sur le thème de la transformation écologique, décliné en quatre volets : la sobriété foncière, la nature en ville, l’adaptation au changement climatique et les mobilités décarbonées. Cette offre de service du Cerema est cofinancée à 50 % par l’ANCT et le Cerema et sans reste à charge pour les collectivités.

La carte ci-dessous illustre la localisation des 53 premiers accompagnements offerts par le Cerema.

Source : Cerema.

d.   Mon centre-ville 2030

« Mon centre-ville 2030 » consiste en une expérimentation visant à accompagner cinq villes ACV – Cosne-Cours-sur-Loire, Redon, Angoulême, Mâcon, Douai – afin d’anticiper les évolutions des centres-villes et les transformations des comportements des consommateurs. Selon l’ANCT, « les résultats ont vocation à être partagés avec l’ensemble des villes du réseau lors d’une journée de restitution, également ouverte aux villes PVD ».

e.   Le « design actif »

Le design actif consiste à transformer l’espace, le mobilier et les bâtiments publics pour inciter à l’activité physique et sportive. Au départ, 6 territoires pilotes ont été désignés et désormais, 73 villes ACV bénéficient du dispositif.

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Source : Atlas national Action cœur de ville, ANCT, 4e trimestre 2024.

2.   La mise en réseau des villes ACV et le partage de bonnes pratiques

a.   L’animation nationale, régionale et départementale

Théoriquement assurée par l’État, l’animation du programme ACV prévoit notamment la réunion, une fois par an, des chefs de projet ACV pour leur permettre de recevoir des informations sur les dispositifs et aides mobilisables dans le cadre du programme. Parfois mutualisée avec celle du programme Petites villes de demain, l’animation régionale et départementale permet la mise en réseau et le partage de bonnes pratiques : elle peut être assurée par le SGAR, parfois en lien avec les agences d’urbanisme. La direction de programme assure aussi des webinaires de formation.

b.   Les rencontres nationales et régionales Action cœur de ville

Parallèlement, la Banque des Territoires organise depuis 2018 des rencontres nationales et régionales regroupant élus et services techniques des villes ACV pour donner de la visibilité aux initiatives jugées vertueuses. Ces rencontres favorisent une certaine proximité entre les agents de la CDC et les élus ACV et permettent à la Banque des Territoires de faire connaître son offre.

Organisées annuellement au profit des maires et présidents d’intercommunalités bénéficiaires d’Action cœur de ville, les rencontres nationales Action cœur de ville sont l’occasion de dresser des bilans d’étape et de tracer des perspectives pour la suite du programme.

Ayant pour objectif principal le partage de bonnes pratiques entre pairs à l’échelle régionale, ces rencontres permettent par ailleurs de renforcer la coopération entre territoires d’une même région ainsi que l’échange entre les acteurs des programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain, compte tenu des nombreuses synergies qu’ils partagent. Ces rencontres sont thématiques et permettent ainsi d’évoquer un thème spécifique en plusieurs temps : une intervention d’expert, une table ronde en présence d’élus ACV et PVD, etc.

c.   Le Forum des solutions du PUCA et du GIP EPAU

Développé à l’occasion du lancement de l’appel à projets « Réinventons nos cœurs de villes » par le PUCA, le groupement d’intérêt public Europe des projets architecturaux et urbains (GIP EPAU), la Cité de l’architecture et du patrimoine et l’ANCT, le Forum des solutions est un centre de ressources d’excellence des réalisations dans les villes petites et moyennes. Moteur de l’innovation en dehors des métropoles, il favorise le partage de solutions innovantes au sein de la communauté Action cœur de ville. Le Forum des solutions a bénéficié au total à 2 000 participants et 60 opérations y ont été présentées.

Comme l’a expliqué aux rapporteurs le directeur du GIP EPAU Jean‑Baptiste Marie, les Forums sont perçus comme « une boîte à idées, une ressourcerie, le lieu de partages d’expériences qui donnent des illustrations concrètes pour mener des projets sur son territoire, proposer des actions, réfléchir à des pistes et des méthodologies pour le futur. Ils constituent donc une base de données inédite incarnée par les cinq ouvrages publiés sur le site de l’ANCT et des partenaires. Le défi majeur du passage à l’opérationnel reste toutefois un enjeu important de ce type de dispositif d’animation ». Parmi les expériences évoquées lors du Forum des solutions, Jean-Baptiste Marie a cité la reconquête du centre médiéval de Cahors grâce à une réflexion sur la qualité de vie, un travail sur les friches d’activité dans le Grand Amiénois et une réflexion globale sur les thèmes du cadre de vie et du lien social, du « bien vieillir ensemble », de la production en cœur de ville et de la structuration de filières locales.

F.   DU CŒUR DE VILLE AUX QUARTIERS DE GARE ET AUX ENTRÉES DE VILLE : UN PÉRIMÈTRE D’AMÉNAGEMENT EN COURS D’EXTENSION

Si le centre-ville était la cible de ce qu’on appelle désormais l’acte I (2018‑2022) du programme Action cœur de ville, l’acte II (2023-2026) a étendu le champ d’action du programme aux quartiers de gare et aux entrées de ville.

Sachant que 223 des 243 communes du programme Action cœur de ville comptent une gare ferroviaire ou des emprises ferroviaires en centre-ville, la SNCF a signé en novembre 2023 une charte d’objectifs impliquant deux de ses entités : SNCF Immobilier, d’une part, et, d’autre part, SNCF Gares et connexions. Ces objectifs sont les suivants :

– pour SNCF Immobilier, répondre aux besoins des collectivités en foncier disponible en centre urbain, fiabiliser les conditions foncières nécessaires à la réalisation de projet, présenter aux collectivités l’expertise foncière de la SNCF, structurer le dialogue avec les collectivités par la désignation d’un interlocuteur unique par territoire et accompagner ces dernières dans l’élaboration de leurs projets de transformation foncière ;

– pour SNCF Gares et connexions, contribuer au déploiement du programme ACV, en particulier dans son volet de renforcement de l’intermodalité et de développement de pôles d’échanges multimodaux, mettre à disposition des communes son expertise en matière de construction, d’exploitation et de développement commercial et enfin, déployer le dispositif « Place de la gare » dans les communes ACV.

Dépassant le cadre d’ACV puisqu’il vise « 1001 gares », l’outil « Place de la gare » a pour objet de soutenir le développement économique local des gares. Dans ce cadre, SNCF Gares et connexions se présente comme un « commercialisateur d’intérêt général », les projets favorisant l’installation de crèches, de maisons de santé et de lieux culturels et sportifs, de boutiques valorisant les savoir-faire locaux, de points postaux, de consignes de dépôt et de retrait de colis et de magasins alimentaires.

Les interlocuteurs uniques des communes ACV sont les six directeurs territoriaux de SNCF Immobilier (hors Île-de-France), d’une part, et les directeurs régionaux de Gares et connexions, d’autre part.

Parmi les projets majeurs, la SNCF, auditionnée par la mission d’évaluation, a cité les gares de Libourne et d’Issoire.

Espaces périphériques ayant fragilisé le dynamisme des cœurs de ville, les entrées de ville se caractérisent par le développement de zones monofonctionnelles accordant une place prépondérante à la voiture, sans qu’aient été définies de vision d’ensemble de l’aménagement de l’espace à l’échelle du bassin de vie ni de stratégie d’optimisation du foncier. Estimant que ce modèle n’était plus « soutenable écologiquement, économiquement et socialement », le Gouvernement a décidé dans le cadre de l’acte II (2023-2026) d’ACV de restructurer les entrées de villes urbanisées « en complémentarité avec la redynamisation des centres-villes », selon les termes retenus par l’ANCT dans son guide de présentation du volet « entrées de ville » d’ACV. Il s’agit notamment de limiter les déplacements contraints, de réduire la dépendance à la voiture individuelle, de créer des emplois diversifiés dans ces zones, d’accélérer la rénovation énergétique des bâtiments du parc privé, de « repenser, recycler voire réparer » ces espaces, d’optimiser la densité et de « produire de la qualité architecturale, paysagère et urbaine ».

Les entrées de ville plus particulièrement visées sont celles comportant des zones d’activités économiques obsolescentes et des friches commerciales, des quartiers pavillonnaires marqués par une importante vacance ou des espaces en carence d’équipements publics et peu desservis en transports en commun. La « transformation écologique » des entrées de ville constitue l’un des principaux enjeux, dans la lignée des objectifs nationaux de neutralité carbone et de zéro artificialisation nette d’ici à 2050, de protection forte de 10 % des espaces naturels, de « renaturation des villes », de rénovation énergétique, de réduction de la consommation d’énergie, de réindustrialisation « durable » des territoires et de prévention des risques naturels.

L’extension du périmètre d’ACV aux entrées de ville repose sur quatre objectifs :

– favoriser la sobriété foncière et lutter contre l’artificialisation des sols ;

– améliorer la qualité architecturale, urbaine et paysagère des entrées de ville en veillant à l’impact environnemental des aménagements ;

– accompagner les évolutions du secteur commercial et des modes de consommation futurs ;

– diversifier les fonctions urbaines de ces zones, de la renaturation à la réindustrialisation, en lien avec le programme national Territoires d’industrie.

Parallèlement à ACV 2, le ministre du commerce et de l’artisanat a lancé en septembre un plan de transformation des zones commerciales piloté par la direction générale des entreprises, en lien avec l’ANCT et la DGALN : parmi les 89 villes lauréates de ce plan, 22 sont des villes bénéficiaires du programme ACV. Les projets sélectionnés bénéficient d’un soutien technique et d’aides financières pour réaliser des travaux de requalification des zones commerciales. Ces projets représentent un potentiel de production de plusieurs dizaines de milliers de nouveaux logements ainsi qu’une nouvelle offre commerciale plus adaptée (bureaux, équipements publics, espaces verts, etc.).


II.   UN CIBLAGE LARGE DE VILLES BÉNÉFICIAIRES IMPLIQUANT UNE ADAPTABILITÉ DU PROGRAMME AUX ENJEUX LOCAUX

La détermination des communes bénéficiaires du programme repose sur des critères ayant favorisé un ciblage large, supposant une grande souplesse d’adaptation des outils juridiques et financiers du programme aux enjeux locaux singuliers des villes moyennes.

A.   UNE SÉLECTION TRÈS LARGE DE VILLES-CENTRES DE TAILLE MOYENNE

Selon les informations fournies à la mission d’évaluation, la sélection des villes bénéficiaires d’Action cœur de ville s’est déroulée en plusieurs étapes.

Le ministère de la cohésion des territoires a d’abord demandé au CGET – alors en passe de devenir l’ANCT –, d’établir une liste de villes. Puis, le 10 janvier 2018, une instruction du ministre Jacques Mézard a été adressée aux préfets de région, leur demandant de repérer, selon les modalités de leur choix, des villes susceptibles de bénéficier du programme. Les préfets ont ainsi œuvré de diverses manières, les uns lançant des appels à projets tandis que d’autres procédaient par dossiers de candidature ou lettres d’intention. D’autres encore ont choisi d’intégrer certaines villes dans le programme sans poser de conditions spécifiques.

Ensuite, sur le fondement des rapports établis par les préfets, des typologies des villes moyennes produites par le CGET et le CGEDD et de la liste de 120 communes établie par la Caisse des dépôts et consignations en vue d’étendre sa démarche « Centres-villes de demain », ont été organisés une réunion en comité élargi puis un entretien entre le ministre de la cohésion des territoires et l’association d’élus Villes de France pour finaliser la liste.

Ainsi, le choix des communes ACV a fait intervenir une multiplicité d’acteurs – préfectures, associations d’élus locaux et partenaires financiers du programme – même si, indique la Cour des comptes, « l’association Régions de France, consultée dans le cadre de l’enquête menée par la Cour, relève qu’à aucun moment, les régions comme les départements n’ont été véritablement associés à l’élaboration de ce programme. Cette difficile prise en compte, voire absence dans certains cas, des acteurs territoriaux a conduit à des déséquilibres dans la sélection des communes ».

En 2018, 234 communes signaient une convention ACV pour un total de 222 conventions, certaines villes fonctionnant en binôme. Neuf nouvelles communes ont rejoint le programme en 2023 (Brétigny-sur-Orge, Castelsarrasin, Châteaudun, Hazebrouck, Pontoise, Saint-Gaudens, Saint-Louis, Sélestat et Sin‑le‑Noble) et deux nouvelles en 2024 (Frontignan et Annemasse). Deux communes ont par ailleurs quitté le programme : Rambouillet et Vallauris.

Quels critères ont présidé à cette large sélection de villes moyennes ?

1.   Le choix d’une politique généraliste plutôt que prioritaire

La détermination de la liste des communes bénéficiaires d’ACV a fait apparaître une divergence entre les tenants d’une politique prioritaire et les tenants d’une politique généraliste.

a.   La Caisse des dépôts et consignations et le ministère de la transition écologique, tenants d’une politique ciblée sur les villes les plus fragiles

Précurseur du programme et principal partenaire financier des collectivités ACV, la Caisse des dépôts et consignations aurait plutôt été favorable à l’établissement d’une géographie prioritaire, dans la lignée de son projet d’élargissement de la démarche « Centres-villes de demain » à 120 villes présélectionnées par la combinaison de différents indicateurs. De même, le CGET et le CGEDD ont proposé dès 2016 des indicateurs de fragilité des villes moyennes et réalisé des typologies qui auraient pu être utilisées dans la sélection des villes ACV.

b.   Le ministère de la cohésion des territoires et Action Logement, tenants d’une politique généraliste

À l’inverse, le ministère de la cohésion des territoires, proche des élus locaux, semble, dès le départ, avoir été favorable à une politique généraliste et aurait tranché fermement en ce sens.

Comme l’a reconnu l’association Villes de France, interrogée par la mission d’évaluation, « il aurait été complexe d’expliquer à certaines municipalités qu’elles n’étaient pas suffisamment en difficulté pour bénéficier de cette politique publique alors même que très peu de choses avaient été conduites à ce sujet. » Pour cette association, « l’idée était de prendre à bras-le-corps le sujet des villes moyennes, de l’appréhender dans sa globalité et ainsi de lancer une grande politique publique d’aménagement du territoire au profit d’une strate territoriale dont l’État ne s’était que très peu préoccupé. » Actuel président de Villes de France, Gil Avérous indique que « le choix qui a été fait d’une ouverture large du programme (lui) paraît cohérent et opportun puisque la place des villes moyennes dans l’équilibre territorial, face aux métropoles, d’un côté, et aux petites villes, de l’autre, leur confère des caractéristiques communes et les conduit à connaître des difficultés analogues ».

De même, il semble qu’Action Logement, qui a négocié sa participation financière au programme, ait fortement poussé en faveur d’une politique ciblée sur toutes les villes moyennes et non uniquement sur celles en difficulté. De fait, la proposition de financement d’Action Logement repose sur une stratégie d’investissement.

C’est cette option qui a été retenue, en dépit des risques de saupoudrage budgétaire qu’elle emportait.

2.   Des critères de choix opaques, peu hiérarchisés et sources de déséquilibres régionaux

Interrogée par la mission d’évaluation sur ses critères de sélection des communes ACV, l’ANCT a indiqué que « les collectivités territoriales retenues étaient des villes de taille moyenne exerçant une fonction de centralité dans leur territoire et présentant des premiers signes de difficultés dans leur cœur de ville, par exemple, par la vacance commerciale et le syndrome du “rideau de fer baissé”. Pour la période 2023-2026, seules 11 nouvelles villes ont rejoint le programme ACV. L’identification des villes du programme s’est basée sur une analyse des villes moyennes structurant le territoire national ayant besoin de redynamiser leur centre-ville (cf. l’instruction du 10 janvier 2018). (…) Sur l’approche par strate démographique et le choix des villes, le texte de référence est l’instruction du 14 décembre 2017 du Premier ministre et du ministre de la cohésion des territoires relative au lancement du programme ACV et à l’identification des villes ».

Signée par le ministre Jacques Mézard, l’instruction du 10 janvier 2018 énonce les critères suivants :

– il devait s’agir de villes « pôles d’attractivité » hors périmètre des métropoles dans lesquelles une action de redynamisation du cœur de ville est nécessaire ;

– les bourgs ruraux et les petites villes n’étaient pas la cible première mais certains pouvaient être inclus dans la liste s’ils remplissaient des fonctions de centralité ;

– les villes retenues devaient réunir les conditions nécessaires à la concrétisation rapide des projets.

L’instruction précitée distingue trois catégories de villes : celles dont le projet était abouti au lancement du programme, celles dont le diagnostic et le projet étaient alors partiels et celles disposant d’un diagnostic partiel mais pas encore de projet de territoire.

Il ressort de la lecture de la liste des villes ACV que plusieurs villes moyennes touristiques (Les Sables-d’Olonne, Royan, Arcachon, Saint‑Cyprien, Agde, Fréjus, Menton, Cluse et Salange) ainsi que les villes moyennes frontalières de la Suisse, réputées aisées (Annecy, Annemasse, Saint-Louis), ont été exclues du champ du programme. Cependant, cette logique n’est pas systématique : les villes touristiques de Bayonne, Sète, Bastia, Ajaccio, Fontainebleau, Colmar et Saint‑Malo ont été labellisées ACV.

Sur le fondement d’enquêtes de terrain et d’entretiens menés au sein de l’ANCT et de la Banque des Territoires, Julie Chouraqui qualifie de « chaotique » le processus de choix des villes ACV, évoquant une méthode de sélection découlant « d’ajustements au fil de l’eau plutôt que d’une stratégie établie selon des critères clairs ». Tout en reconnaissant que certains indicateurs aient pu influencer les choix, elle juge les critères retenus « peu identifiables » et souligne qu’ils n’ont été soumis à aucune « règle de hiérarchisation ». En définitive, ce n’est qu’a posteriori que le discours officiel a insisté sur l’idée d’un programme pour toutes les villes moyennes exerçant des choix de centralité : « Ce choix de cibler une géographie catégorielle plutôt que prioritaire révèle les objectifs de cette politique publique qui cherche davantage à produire un effet d’annonce et un discours sur les territoires hors métropoles qu’à accompagner des territoires en difficulté et à corriger des inégalités territoriales », ajoutant que « les objectifs du programme confirment également cette orientation ».

Quant à la Cour des comptes, elle qualifie la répartition régionale des villes ACV de « déséquilibrée ». Elle indique, étude de l’Inspection générale de l’administration (rapport sur l’ANCT) ([19]) à l’appui, que plusieurs régions et départements ayant lancé des programmes de revitalisation de leurs centres‑villes dans le cadre de l’axe « soutien aux centralités » du volet territorial des contrats de plan État-régions auraient souhaité que leur action soit articulée avec le programme ACV mais qu’ils n’ont pu le faire dans la mesure où les communes concernées n’étaient pas éligibles.

La Cour ajoute que dans trois départements d’Île-de-France et en Côte‑d’Or, aucune ville n’a été sélectionnée et qu’une seule ville a été sélectionnée dans le Cantal contre huit communes dans certains départements franciliens et dans le Pas‑de-Calais. Les rapporteurs estiment qu’en Île-de-France, la sélection manque de cohérence : la fonction de centralité est incontestable pour Étampes, Melun et Mantes-la-Jolie, beaucoup moins pour Arpajon, Sartrouville et Poissy, ce qui peut être un facteur expliquant le moindre dynamisme du programme ACV en région parisienne.

3.   Un choix ayant pour conséquence une moindre concentration des crédits sur les villes les plus en difficulté

Le choix d’une politique généraliste couplé à une absence de fléchage ou de priorisation des dotations de l’État aux villes du programme ACV – point sur lequel les rapporteurs reviennent en deuxième partie – a pour conséquence une moindre concentration des crédits disponibles sur des villes-cibles où les enjeux de redynamisation sont plus intenses.

Comme le souligne la Banque des Territoires, « l’approche générique du programme Action cœur de ville a masqué les trajectoires territoriales très diverses des collectivités bénéficiaires : territoires démographiques dynamiques/en régression ; territoires économiquement dynamiques/en décroissance ; territoires d’économie de production/de services (distinction à faire entre les territoires de services à dominante administrative et les territoires touristiques) ; territoires sous influence d’une métropole/rayonnant sur leur hinterland ».

Les villes qui étaient à la fois les plus dynamiques et les mieux préparées au départ – Arras, Dunkerque, Saint-Nazaire, Chambéry – ont rapidement connu des évolutions positives. À partir de ces success stories, le Gouvernement a fait le pari d’un effet d’entraînement positif sur les communes pour lesquelles le programme ACV constituait le point de départ de l’élaboration d’une stratégie de redynamisation du centre-ville.

B.   UNE GRANDE HÉTÉROGÉNÉITÉ DE SITUATIONS MALGRÉ QUELQUES POINTS COMMUNS

Comme le souligne la Cour des comptes dans son évaluation d’ACV ([20]), l’analyse des données démographiques, financières et socio-économiques fait apparaître que les villes bénéficiaires d’ACV « présentent des situations globalement moins favorables que les communes de strates comparables, malgré une fonction de centralité locale ». Au-delà de cette convergence, « les caractéristiques et les dynamiques de ces communes se révèlent très variables ».

1.   Des communes dans une situation globalement plus défavorable que la moyenne nationale

Avant de comparer les villes ACV aux autres villes de la même strate démographique et de mettre en lumière les différences entre villes ACV, les rapporteurs présentent quelques moyennes statistiques permettant de comparer les villes ACV aux moyennes nationales.

a.   11 % de la population nationale

On recense 7,8 millions d’habitants dans les communes Action cœur de ville, soit 11 % de la population nationale. Si l’on envisage ces communes au sein de leurs agglomérations, près de 20 millions d’habitants sont concernés par le programme en tant qu’usagers des services et clients des commerces et activités de ces communes.

Âge des habitants des communes ACV

Âge des habitants

Communes ACV

Niveau national

Moins de 15 ans

17,2 %

17,6 %

15-29 ans

19,5 %

17,5 %

30-44 ans

17,7 %

18,6 %

45-59 ans

18,6 %

19,7 %

60 ans ou plus

27,3 %

26,7 %

Il y a moins de familles dans ces villes moyennes que sur le reste du territoire national : on recense 18,6 % des ménages dans les villes ACV contre 26 % au niveau national.

b.   Une situation socio-économique plus défavorable qu’à l’échelle nationale

La situation socio-économique des villes ACV est moins favorable qu’à l’échelon national :

– le taux de chômage dans les communes ACV est 1,5 fois supérieur à celui enregistré au niveau national ;

– il y a moins de cadres et professions intellectuelles supérieures ;

– le niveau de vie est de 18 % plus faible qu’en France ;

– 42 % des ménages sont imposables contre 51 % en France.

Le tableau ci-dessous fait apparaître que la situation du marché immobilier est globalement moins favorable dans les communes ACV que dans l’ensemble des communes françaises.

Marché immobilier des communes ACV

 

Communes ACV

Niveau national

Taux de logements vacants

10,5 %

8,1 %

Part des résidences principales en logement social

23 %

15 %

Part de propriétaires occupants

44 %

57 %

Part des résidences principales construites entre 1946 et 1970

28 %

21 %

c.   Une situation plus défavorable que les métropoles

Dans une double note d’analyse de 2022 étudiant la situation de 202 villes moyennes et leurs aires urbaines, France Stratégie ([21]) souligne qu’en observant les indicateurs de la démographie, de l’emploi et de l’immobilier, « les villes moyennes ([22]) ont été moins dynamiques que les métropoles sur la décennie d’avant covid. C’est particulièrement vrai pour leurs pôles : baisse de 6,5 % des prix médians de l’immobilier, stagnation de la population, croissance de 3 % de l’emploi alors que pour les métropoles, l’augmentation a été respectivement de 7 %, 5 % et 12 % ».

2.   Quelques caractéristiques communes aux villes ACV

Les rapporteurs recensent plusieurs caractéristiques communes aux villes ACV et en particulier une évolution démographique défavorable et des atouts de centralité comparables.

a.   Une évolution démographique défavorable

La Cour des comptes souligne dans son évaluation du programme ACV que comparées aux près de 1 000 communes (959) comptant entre 10 000 et 100 000 habitants, les 218 collectivités de 10 000 à 100 000 habitants engagées dans le programme ACV présentent un profil d’évolution démographique plus défavorable : « Sur la période 2013-2019, la moitié de ces communes (116) ont connu une diminution ou une stagnation de leur population contre seulement un tiers (334) pour l’ensemble de la strate de 10 000 à 100 000 habitants. » Cela étant, « ce constat doit prendre en compte le fait que les communes moyennes des métropoles, sans fonction de centralité, ont été exclues de la sélection ».

La double étude ([23]) de France Stratégie précitée illustre que si, à l’échelle des communautés d’agglomération, les 202 territoires observés ([24])  ont connu une évolution dynamique plus favorable que la trajectoire nationale sur les plans de la démographie, de l’emploi et des prix de l’immobilier, non seulement cette dynamique est moindre que dans les métropoles, comme on l’a vu précédemment, mais en outre et surtout, les villes moyennes sont beaucoup moins dynamiques que leurs couronnes : 45 % des villes moyennes étudiées par France Stratégie « comme Aurillac, Évreux ou Rochefort ont connu une baisse de population dans leur pôle alors que leur couronne était en croissance ».

b.   Des atouts de centralité comparables

La majeure partie des villes moyennes remplit un rôle politique et administratif – souvent de chef-lieu de département ou d’arrondissement. Ces villes accueillent des composantes des services de l’État, le siège de collectivités territoriales ainsi que d’autres services publics dans une approche de répartition quasi homogène à l’échelle de chaque département, héritage de la Révolution française. Ce rôle politique et administratif a un effet important sur la répartition des emplois publics locaux, qu’ils soient étatiques, locaux ou hospitaliers, par rapport au nombre d’habitants. Dans son étude précitée ([25]), France Stratégie note que « dans les unités urbaines de plus de 20 000 habitants (hors métropoles), le taux d’administration varie entre 7,7 et 8,5, la moyenne nationale s’établissant à 8,8. »

Selon les informations fournies par la SNCF, sur les 243 villes ACV, 223 comptent une gare ferroviaire ou, a minima, des emprises ferroviaires au cœur du centre-ville. En revanche, peu de communes ACV sont desservies par un aéroport ou une ligne à grande vitesse :

– seule une trentaine de villes bénéficie d’une desserte en TGV ([26]) ;

– une petite vingtaine de communes est équipée d’un aéroport de voyageurs ([27]).

Toujours selon le rapport de septembre 2022 de la Cour des comptes ([28]), « les communes ACV disposent d’une meilleure couverture médicale que l’ensemble des communes de 10 000 à 100 000 habitants, avec 5,7 médecins pour 1 000 habitants, contre 3,3. Ce constat atteste quant à lui du maintien d’une certaine vitalité et caractérise la fonction de centralité conservée par les communes du programme ACV, laquelle constitue un critère important pour conforter les actions menées ».

Si les villes moyennes exerçant une fonction de centralité semblent mieux loties à cet égard que l’ensemble des villes moyennes de même strate démographique, elles n’en ont pas moins subi une diminution notable du nombre de lits d’hôpital – public comme privé :

Des enjeux d’accessibilité aux lits d’hôpital

Source : Sophie Baudet-Michel, Christophe Quéva et Julie Chouraqui.

S’appuyant sur l’application d’analyse financière des juridictions financières pour comparer les communes ACV et les communes non ACV comptant entre 10 000 et 100 000 habitants, la Cour des comptes indique ([29]) qu’« en termes de trésorerie disponible ou de capacité de désendettement, les communes faisant partie du programme présentent globalement une moindre aisance financière que les communes comparables ». La Cour rappelle que « la sélection n’a aucunement reposé sur des critères financiers » mais que ce constat de moindre aisance financière « tend néanmoins à valider l’intervention publique à destination des communes retenues ».

Toujours selon la Cour des comptes, sur les 234 communes ciblées par ACV 1, seules 30 villes se trouvent en zone tendue sur le plan immobilier : 22 en zone A (zonage ABC), 19 en zone 1 (zonage 123) et 25 au sens de l’applicabilité de la taxe sur les logements vacants. La Cour des comptes estime ([30]) qu’ « en dépit de la présence de ces communes, qui représentent environ un huitième de l’ensemble, les données de la carte des loyers révèlent des niveaux de loyer modérés ». Elle ajoute que « la comparaison entre les communes du programme ACV et l’ensemble des communes de 10 000 à 100 000 habitants montre un écart significatif, ces prix étant respectivement de 10 euros et de 12,8 euros par mètre carré ».

3.   Des différences néanmoins majeures sur de nombreux aspects…

a.   Des différences assumées par les concepteurs du programme

Les différences existant entre les villes bénéficiaires d’ACV sont assumées par les concepteurs du programme : la Cour des comptes rappelle ([31]) qu’« il est admis par l’instruction du 10 janvier 2018 que les villes sélectionnées puissent se trouver à des degrés de difficulté variables. Certes, le programme s’adresse aux villes en difficulté mais aussi à celles qui connaissent des dynamiques positives, des villes appui qui contribueront à prouver la pertinence de la démarche. Il convient ainsi de privilégier une approche par les atouts et les leviers de développement ».

Trois critères ont été définis par cette instruction : le projet de territoire et la définition préalable des opérations à conduire ; la capacité technique et de maîtrise d’ouvrage de la commune ; le portage politique de la démarche, notamment le degré d’engagement de l’intercommunalité : « Sur ces trois points, les villes sélectionnées peuvent être à des niveaux de réflexion stratégique et d’organisation opérationnelle différents. Il a ainsi été demandé aux préfets de classer les communes susceptibles d’adhérer au programme en trois catégories. L’offre d’accompagnement du programme doit tenir compte de cette hétérogénéité ».

b.   Une diversité d’échelles démographiques

S’appuyant sur les données Insee de population 2019 et d’évolution démographique entre 2013 et 2019, la Cour des comptes indique dans son évaluation d’ACV que 218 communes sur les 234 sélectionnées dans le cadre d’ACV 1 comptent entre 10 000 et 100 000 habitants et environ la moitié, moins de 25 000 habitants : « Par rapport à l’ensemble des communes de 10 000 à 100 000 habitants, auquel elles appartiennent pour la plupart, cette distribution est relativement comparable, avec toutefois une moindre représentation des moins de 10 000 et une surreprésentation des 40 000 à 50 000 habitants », précise la Cour.

Tout en prenant en compte ces observations de la Cour, les rapporteurs soulignent la grande diversité de taille démographique des communes ACV : si la population moyenne des villes ACV est de 31 500 habitants, 18,7 % des communes ont moins de 15 000 habitants, 63,8 % des communes ont entre 15 000 et 50 000 habitants, 13 % ont entre 50 000 et 75 000 habitants et 4,5 % des communes ont plus de 75 000 habitants. Sur les 14 communautés urbaines (250 000 habitants) existant à l’échelle nationale, 8 comprennent une commune bénéficiaire du programme ACV ([32]).

La grille communale de densité de l’Insee au 1er janvier 2024 indique que plus de la moitié des villes ACV (165 communes) sont des centres urbains intermédiaires, que 51 villes ACV sont de grands centres urbains, 25, des petites villes et 2, des ceintures urbaines et une, un bourg rural.

Les rapporteurs notent que le Gouvernement a retenu dans sa sélection des villes des régions Grand Est, Centre-Val de Loire et Occitanie identifiées par les travaux d’Yves Dauge ([33]) qui trouveraient mieux leur place dans le programme Petites villes de demain, compte tenu des enjeux qu’elles présentent. En revanche, d’autres villes de moins de 20 000 habitants sélectionnées, comme Nogent‑le‑Rotrou, Revel, Pontivy ou Manosque présentent des niveaux d’implication et des résultats probants.

c.   Le poids des systèmes territoriaux locaux et du profil fonctionnel propre à chaque ville moyenne

Loin d’être toujours cumulatives, les indéniables difficultés auxquelles sont confrontées les villes moyennes relèvent de logiques, de temporalités et « d’inscriptions spatiales » très variables et il n’y a pas de corrélation entre les géographies de la vacance commerciale et de la vacance résidentielle, des revenus médians des ménages ou de la croissance démographique.

Faisant écho aux travaux d’Aurélien Delpirou et de Francis Beaucire, la Cour des comptes ([34]) constate dans son évaluation d’ACV que « les trajectoires contrastées des 234 communes ne sont pas tant déterminées par leur poids démographique que par des facteurs locaux et régionaux de dynamisme économique, patrimonial, culturel ou touristique et social qui renforcent leur rôle d’articulation interterritoriale et leur diversité fonctionnelle. Leurs caractéristiques principales peuvent être industrielle (Cholet), administrative (Cahors), touristique (SaintMalo, Sète, Bastia, Ajaccio) et culturelle (Avignon), rurale (Guéret, Riom, Auch, Chaumont) ou encore relever de l’économie résidentielle (Béziers). Outremer, les 15 communes retenues (sur les 29 villes moyennes des cinq DROM) se distinguent par des caractéristiques et fragilités exacerbées ».

La typologie des aires urbaines des villes moyennes proposée par France Stratégie

 S’appuyant sur trois indicateurs, la démographie, l’emploi et les prix de l’immobilier, France Stratégie propose une typologie en quatre groupes distinguant les villes moyennes à trajectoire dynamique ([35]), les villes à trajectoire similaire aux tendances nationales ([36]), les villes à trajectoire en retrait ([37]) et les villes aux trajectoires atypiques ([38]). Ces villes atypiques présentent des trajectoires contrastées sur les trois indicateurs précités. Il importe néanmoins de souligner que France Stratégie prend en considération dans son étude les villes et leurs aires urbaines.

 Les villes moyennes confrontées à des difficultés liées à la désindustrialisation sont concentrées dans le quart Nord-Est de la France ([39]). Les taux de chômage et de pauvreté y sont supérieurs à la médiane nationale et les enjeux sociaux y sont importants. La Bourgogne-Franche-Comté ([40]) est aussi un ancien bastion industriel ayant connu des destructions d’emplois considérables entre 2009 et 2014 mais elle connaît une dynamique de rattrapage. Quant au déclin démographique, il est particulièrement marqué dans des villes comme Saint-Dié-des-Vosges ou Chaumont, communes faisant face à un déficit démographique structurel. S’agissant du chômage et de la pauvreté, des villes comme Béziers ou Le Port (La Réunion) se caractérisent par de fortes inégalités sociales. Dans le Sud et les territoires ultramarins, le dynamisme est nuancé par de forts enjeux sociaux ([41]). Selon France Stratégie, « ces villes se distinguent souvent par des taux de chômage et de pauvreté largement supérieurs à la moyenne nationale. Les inégalités de revenus y sont également souvent élevées. »

 Comme le souligne France Stratégie ([42]), « l’insertion des villes moyennes dans des ensembles territoriaux plus larges que ceux de leurs seules aires d’attraction » est essentielle : « la concentration des villes ayant des trajectoires en retrait dans le quart nord-est de la France constitue un exemple d’effet macro-régional ; l’attractivité générale de l’ouest de la France, plus particulièrement des littoraux, peut généralement être observée ainsi que des comportements spécifiques aux zones transfrontalières comme dans les Alpes. D’autre part, la composition de l’environnement territorial est également déterminante : les fonctions remplies par les villes moyennes ne sont pas les mêmes, qu’elles se situent dans un environnement avec plusieurs unités urbaines relativement proches ou qu’elles se trouvent des zones dominées par des espaces ruraux comme dans le centre de la France ». Cependant, les déterminants macro-régionaux n’épuisent pas l’hétérogénéité des villes moyennes : sur le littoral, si des villes moyennes comme Bayonne présentent une trajectoire dynamique sur le plan démographique, elles connaissent aussi une tension sur le marché immobilier en raison d’une part élevée de résidences secondaires – reléguant les populations modestes et les actifs précaires en périphérie. Si l’attractivité résidentielle et touristique des villes moyennes les rend généralement très consommatrices d’espace, ce constat n’est pas généralisable de même qu’à l’inverse, certaines zones en repli démographique sont elles aussi très consommatrices d’espace, à l’instar de Dieppe ou de Dunkerque.

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d.   Des situations de déprise urbaine à géométrie variable

Ayant élaboré une typologie de 166 villes moyennes reposant sur des critères cumulatifs de démographie, de diversité des équipements, de centralité et de nature politique (lien étroit avec les politiques nationales d’aménagement), la géographe Julie Chouraqui ([43]) distingue quant à elle trois profils de déprise urbaine.

Une première catégorie regroupe les villes moyennes caractérisées par les fragilités de la commune-centre (Saint-Brieuc, Fougères, Saintes, Pamiers, Tarbes, Pau, Castres, Millau, Privas, Valence, Romans-sur-Isère, Mâcon, Vierzon, Auxerre, Belfort, etc.) : elles représentent un tiers des 166 villes étudiées. Urbanisée, leur périphérie est marquée par une trajectoire démographique, économique et sociale plus favorable que le centre.

Situées notamment sur les territoires désindustrialisés du Nord et de l’Est (Boulogne-sur-Mer, Douai, Cambrai, Maubeuge, Valenciennes, Longwy, Forbach, Saint‑Dizier, Bar-le-Duc, Verdun…) mais pas uniquement (Bergerac, Le Puy‑en‑Velay, Carcassonne, Villeneuve-sur-Lot, Rochefort, Vichy, Moulins…), les villes moyennes en décroissance urbaine cumulent des trajectoires de déclin démographique, social, immobilier et de l’emploi. Ces difficultés y sont spatialement diffuses.

Enfin, les villes en déprise mixte connaissent à la fois trajectoires de croissance et trajectoires fragiles ou de déclin. Cette catégorie regroupe deux sous‑ensembles : d’une part, les villes moyennes proches du littoral méditerranéen qui connaissent une forte croissance démographique mais sont marquées par des fragilités d’ordre social ou immobilier, comme Perpignan, Narbonne, Béziers, Avignon, Montélimar, etc. ; d’autre part, certaines villes moyennes situées au nord de la Loire, telles que Louviers, Dreux, Épernay, Châlons-en-Champagne, Soissons ou Thionville, qui sont confrontées à un déclin démographique et de l’emploi mais qui ne se heurtent guère à des difficultés sociales ou immobilières.

Source : Julie Chouraqui.

e.   Différents niveaux de « centres d’équipements et de services »

Comme le souligne France Stratégie dans la note d’analyse précitée, l’indicateur de niveau de centres d’équipements et de services (services publics, commerces, offre de santé, d’éducation ou de transport mais aussi offre culturelle) « permet de classer les villes moyennes de France métropolitaine en fonction d’un dénombrement des équipements et services qu’elles accueillent ». Cette note d’analyse illustre la grande diversité des situations dans lesquelles se trouvent les villes ACV au regard de leur niveau d’équipement et de services. S’appuyant sur des catégories définies par l’Insee, France Stratégie distingue les villes moyennes constituant des centres majeurs et celles constituant des centres structurants.

Les centres majeurs, au sens de l’Insee, sont tous des préfectures ([44]) ou des sous-préfectures ([45]) et correspondent aux villes moyennes les plus peuplées. L’offre d’équipements et de services y comprend certaines spécialités médicales hospitalières, des services de l’aide sociale aux personnes fragiles, des tribunaux, des établissements universitaires, de grands équipements sportifs, culturels et de grande distribution – tout comme dans les métropoles.

Les centres structurants correspondent quant à eux aux villes moyennes où l’offre d’équipements et de services est constituée d’une quarantaine d’équipements spécifiques, dont certains sont essentiels sans pour autant qu’il y soit recouru quotidiennement. Il s’agit d’équipements commerciaux spécialisés tels que les librairies, les épiceries, les magasins de chaussures, de sport, d’électroménager ou de meubles, les hôtels, les agences de travail temporaire mais aussi des services de santé plus spécialisés comme les laboratoires d’analyse, les cabinets d’ophtalmologie, de cardiologie ou de gynécologie. On recense dans cette catégorie une quarantaine de sous-préfectures, comme Abbeville, Alès, Dinan, Sedan, etc.

Parmi les villes ACV, seul Poitiers accueillait, en janvier 2022, plus de 20 000 étudiants et trois villes, entre 10 000 et 20 000 étudiants : Besançon, Limoges et Valenciennes.

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f.   La présence de grands ensembles et de quartiers anciens dégradés en rénovation urbaine

On distingue :

– les villes où le périmètre opérationnel ACV recoupe tout ou partie des projets relevant du nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU) ou du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) : 35 villes sont concernées. Sur ces territoires, il est nécessaire de garantir la complémentarité des actions à mener ainsi qu’une bonne coordination des dispositifs d’intervention et des financements ;

– les cas où le périmètre d’intervention de la convention ACV ne recoupe pas celui des projets NPNRU en cours sur d’autres secteurs de l’agglomération : 110 villes sont dans cette situation et ont dû mettre en cohérence leurs projets dans la stratégie de développement du territoire. Elles ont eu la possibilité de mutualiser les études déjà réalisées à l’échelle de l’agglomération, notamment celles relatives au marché de l’habitat, aux mobilités ou au développement économique. Enfin, ces communes peuvent voire doivent reconstituer, au sein du périmètre d’intervention Action cœur de ville, l’offre de logements locatifs sociaux supprimée dans les projets de renouvellement urbain.

S’agissant du PNRQAD, 15 villes retenues au titre d’ACV bénéficient d’un financement au titre de ce programme porté par l’ANRU. Sur les opérations de requalification des îlots dégradés par exemple, l’ANRU va financer le déficit foncier, un financement complémentaire de l’Anah et une intervention d’Action Logement seront possibles dans le cadre d’ACV.

Les communes ACV ne sont donc pas dans la même situation au regard de la présence de grands ensembles en cœur de ville, d’une part, mais aussi, d’autre part, des aides et subventions qu’elles peuvent recevoir au titre de la rénovation de leurs quartiers anciens dégradés.

De nombreuses villes ACV comportent un quartier prioritaire de la ville et 11 villes du programme comprennent un quartier de reconquête républicaine : Angoulême, Besançon, Calais, Creil, Dreux, Forbach, Les Mureaux, Limoges, Lunel, Maubeuge, Pau.

g.   Étude de cas : l’hétérogénéité des situations des 25 villes ACV de la région Occitanie

Dans une étude publiée en 2019, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) souligne que les 25 communes d’Occitanie bénéficiaires d’ACV « présentent des disparités importantes démographiques, géographiques, économiques et sociales » et « ne sont pas confrontées aux mêmes problématiques ». Certaines « sont en perte d’attractivité sur le plan démographique, alors que leur périphérie est dynamique ». D’autres, qui ont une démographie positive et où l’emploi progresse, sont néanmoins marquées par une forte précarité. D’autres, enfin, bénéficient d’un réel dynamisme économique.

L’Insee indique ainsi que selon que ces communes bénéficient ou pas du rayonnement de Toulouse ou de Montpellier, qu’elles se situent sur le littoral, au pied des Pyrénées, sur les contreforts du Massif central ou dans les plaines du Sud-Ouest, « elles présentent des caractéristiques forcément différentes, notamment en matière d’accessibilité ».

Désormais datés, ces éléments chiffrés permettent néanmoins d’illustrer la grande diversité des communes ACV d’Occitanie lors du lancement du programme.

En 2019, l’Insee souligne que le poids démographique des communes ACV occitanes est très inégal. Revel (9 600 habitants) est l’une des communes les moins peuplées du programme ACV au niveau national, alors que Perpignan (121 900 habitants) est la deuxième de France métropolitaine après Limoges. Quatre des 25 communes ont moins de 10 000 habitants, quatre en comptent plus de 50 000.

les 25 communes ACV d’Occitanie : des profils disparates

Source : Insee Flash Occitanie, no 92, octobre 2019.

Les communes ACV d’Occitanie diffèrent aussi beaucoup par leur périphérie – banlieue ou couronne périurbaine – plus ou moins développée. Narbonne est une ville « isolée », sans banlieue, et Bagnols-sur-Cèze n’a pas de couronne périurbaine. Perpignan, au contraire, est au cœur d’une agglomération de 200 000 habitants et d’une aire urbaine de 320 000 habitants. L’étendue de la périphérie dépend de l’importance de la ville-centre, mais aussi de contraintes liées à la géographie : les zones montagneuses (Foix) ou littorales (Sète) limitent l’étalement urbain. A contrario, dans les communes les plus vastes, comme Narbonne et Agde, les zones bâties peuvent s’étendre loin sans déborder sur d’autres communes.

Parmi les 25 communes du programme, cinq profils démographiques se distinguent.

Le premier profil est celui des communes peu dynamiques sur le plan démographique alors que leurs périphéries le sont davantage. L’Insee précise que pour la plupart d’entre elles, entre 2006 et 2016, les villes-centres perdent plus d’habitants qu’elles n’en accueillent, quand c’est le contraire dans leur périphérie, à l’image de Castres ou Rodez. Albi et Auch font exception en gagnant des habitants grâce à l’arrivée d’étudiants. Dans la majorité de ces villes-centres, l’emploi recule aussi alors qu’il progresse sensiblement en périphérie, comme à Cahors ou Rodez. Le constat ne vaut pas pour Albi et Castres, où l’emploi en périphérie n’augmente pas. Cependant, le chômage et la pauvreté sont contenus pour la plupart de ces villes.

L’Insee distingue un deuxième profil, d’autres villes-centres, où population et emploi reculent aussi, sont marquées par le chômage et la pauvreté, comme l’illustre le schéma ci-dessous. Si la périphérie de ces communes attire des habitants, l’emploi « n’est pas toujours au rendez-vous », indique l’Insee. Il augmente autour de Carcassonne et d’Alès, mais il recule beaucoup en périphérie de Lourdes et de Mazamet, où l’emploi productif est important.

Dynamiques de la population et de l’emploi vont souvent de pair

Source : Insee Flash Occitanie, no 92, octobre 2019.

De manière surprenante, il ressort des travaux de l’Insee que certaines communes d’Occitanie, attractives d’un point de vue démographique, et où l’emploi augmente, y compris en périphérie, sont marquées par un niveau de chômage et de pauvreté élevé. Comme le souligne l’Insee, « la contradiction entre un emploi en progression et un chômage élevé n’est qu’apparente : si les nouveaux arrivants sont souvent des actifs en emploi à Montauban, Narbonne ou Lunel, ils sont nombreux à être au chômage à Béziers, Pamiers, Perpignan ou encore Sète. L’emploi peut ainsi progresser, notamment l’emploi présentiel, au service de la population. Mais le chômage aussi, le marché du travail n’arrivant pas à absorber ces nouveaux venus. »

L’Insee présente Agde comme un cas particulier : c’est la plus attractive des 25 communes d’Action cœur de ville : la forte croissance de sa population entre 2006 et 2016 est due uniquement à l’excédent des arrivées sur les départs, notamment de personnes retraitées. Parmi les actifs qui arrivent, les employés sont nombreux, en particulier dans l’hôtellerie et la restauration. Mais, malgré la forte croissance de l’emploi, le chômage reste à un niveau élevé.

Parmi le cinquième et dernier type de communes ACV figurent Figeac et Villefranche-de-Rouergue, situées dans la Mecanic Vallée, et Revel, communes où l’emploi augmente entre 2006 et 2016. Ce dynamisme remarquable s’explique par la forte présence de l’emploi productif, notamment à Figeac (aéronautique) et Revel (agroalimentaire). L’attractivité, mesurée, limite la baisse de population ou soutient la croissance démographique comme à Revel. Dans ce groupe figure aussi Millau, où le chômage reste contenu, bien que l’emploi, fortement présentiel, recule légèrement.

Dans son étude de 2019, l’Insee consacre un point précis au commerce, soulignant que dans la majorité des villes du programme Action cœur de ville en Occitanie, le nombre de commerces de proximité diminue entre 2009 et 2015 aussi bien en centre-ville que dans le reste de l’agglomération, mais la baisse est plus marquée en centre-ville. C’est le cas à Villefranche-de-Rouergue, Bagnols‑sur‑Cèze, Mazamet ou Tarbes. Dans d’autres cas, comme à Pamiers, Montauban ou Auch, cette déprise au cœur des villes s’accompagne d’une augmentation du nombre de commerces de proximité situés à l’extérieur des centres‑villes : centres commerciaux en banlieue, mais aussi commerces diffus dans des quartiers situés à l’écart du centre. Enfin, parfois, les commerces de centre‑ville résistent ou progressent, comme à Agde, dont la forte attractivité est liée aussi au potentiel touristique.

4.   … mais des solutions parfois uniformes

Interrogée par les rapporteurs sur cette hétérogénéité des situations de déprise des villes ACV, l’ANCT a indiqué aux rapporteurs qu’elle était bien prise en compte puisque les projets ACV sont élaborés par chaque commune en partant de ses réalités propres dans une logique ascendante (bottom up), à la différence d’un programme comme le PNRU, par exemple, caractérisé par une démarche verticale descendante (top down) où l’administration centrale décide des projets de renouvellement urbain à déployer.

Il reste qu’au lancement du programme, les projets ACV, peut-être parfois élaborés dans une certaine précipitation en raison du délai très contraint imparti pour signer les conventions, ont pu paraître assez similaires d’une commune à l’autre : les conventions et cahiers des charges des premiers appels d’offres se sont caractérisés par des « copiés-collés » de grilles ministérielles et de solutions clef en main. La différence entre les projets ACV ayant émergé en 2019 ne tient pas aux spécificités géographiques et socio-économiques de ces villes mais plutôt :

– au degré de préparation en amont des équipes politiques et techniques, dépendant des initiatives préexistantes telles que la réalisation préalable de diagnostics précis et ciblés ;

– à la « robustesse des ingénieries locales ([46]) » et leur capacité à « intégrer efficacement les enjeux et les contraintes du dispositif dans les autres champs de l’action publique » ;

– à la plus-value conférée par les équipes d’assistance à maîtrise d’ouvrage dans « la mise en mouvement voire la mise en récit du plan » auprès des élus et des habitants.

Sur base de ces trois facteurs, l’urbaniste Aurélien Delpirou souligne que des « approches novatrices » ont vu le jour telles que l’action culturelle à Bourges, la construction partenariale d’une stratégie d’agglomération à Tulle ou la gratuité des transports en commun à Dunkerque.

5.   Une analyse contrefactuelle quasiment impossible à établir

Une évaluation contrefactuelle ([47]) d’Action cœur de ville, si tant est qu’elle soit possible, aurait pour but de déterminer ce qui se serait passé en l’absence de déploiement du programme. Pour ce faire, il faudrait être en mesure de prendre en considération deux groupes de villes moyennes exerçant des fonctions de centralité : le groupe dit « de traitement » où le programme a été déployé et le groupe dit « de contrôle » où, toutes choses égales par ailleurs, ce programme ne l’a pas été. La mission d’évaluation pourrait alors comparer la situation observée dans les villes bénéficiaires à celle observée dans les villes non bénéficiaires : les deux groupes de villes moyennes étant initialement similaires par ailleurs, toute différence observée dans l’évolution de leur situation de déprise pourrait être imputée au déploiement d’Action cœur de ville dans le premier groupe, relativement à son absence de déploiement dans le second groupe.

La mission d’évaluation estime que le choix d’une politique généraliste rend une telle analyse difficile à réaliser puisque quasiment toutes les villes moyennes exerçant des fonctions de centralité bénéficient du programme, à quelques exceptions près. Les nombreuses villes appartenant à la même strate démographique et ne bénéficiant pas du programme ACV n’exercent pas de fonctions de centralité comparables et relèvent, dans leur grande majorité, de l’aire d’influence d’une métropole.

Les rapporteurs notent que la Cour des comptes a établi des comparaisons entre villes moyennes bénéficiaires du programme ACV et des villes « témoin » dans le cadre d’un rapport thématique consacré au commerce de proximité ([48]).

Cependant, selon les informations fournies par la Cour à la mission d’évaluation, « il ne s’agit pas d’un contrefactuel au sens statistique – il y a effectivement des difficultés à avoir des caractéristiques strictement identiques pour les communes hors programme ACV – mais d’un groupe de villes moyennes (au sens Insee) comparable ». Ont été retenues dans l’étude de la Cour sur le taux de vacance commerciale « les villes de plus de 20 000 habitants et de moins de 150 000 habitants. L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a fourni une base de données contenant les taux de vacance par commune entre 2017 et 2022, sur un panel de communes correspondant, selon le fournisseur de ces données (Codata), à un sous-échantillon des villes de plus de 20 000 habitants. La Cour des comptes a comparé les villes ACV aux autres villes de l’échantillon, en retirant les villes de plus de 150 000 habitants (définition de l’Insee des villes moyennes). L’échantillon n’était donc pas exhaustif mais comportait 210 communes ACV et 218 autres villes moyennes n’appartenant pas au programme ACV. La Cour a par ailleurs comparé les communes du programme ACV entre elles en regardant l’évolution de la vacance dans les 59 communes ACV appartenant à des départements en déprise démographique et les autres villes du programme ACV. »

C.   UNE POSITION INTERMÉDIAIRE DES VILLES ACV DANS L’ARMATURE URBAINE FRANÇAISE À MIEUX APPRÉHENDER

Si, à partir des années 2010, le discours médiatique a pu être dominé par la thématique de la fracture territoriale, l’enjeu des villes moyennes n’est peut-être pas qu’elles aient été véritablement « abandonnées » par le politique : non seulement elles jouissent au Parlement d’une représentativité nettement supérieure à celle des banlieues des grandes agglomérations mais en outre, elles bénéficient de structures intercommunales aux compétences renforcées et de leviers financiers tels que les aides européennes et certains dispositifs fiscaux. Le problème n’est pas tant au stade de l’action qu’à celui de la réflexion stratégique. Les villes moyennes ne donnent peut-être pas suffisamment lieu à une réflexion et à une politique « ad hoc » : pour Aurélien Delpirou, « l’action publique se résume encore souvent à une duplication, en plus petit, des solutions mises en œuvre dans les grandes villes ».

C’est pourquoi les rapporteurs jugent nécessaire qu’en vue de l’acte III d’Action cœur de ville, une réflexion stratégique de fond soit menée sur la place des villes moyennes dans l’armature urbaine française.

1.   Une position intermédiaire entre métropoles et petites villes

Si les métropoles, les villes moyennes et les campagnes sont étroitement enchevêtrées dans des systèmes d’interdépendance complexes, le dépassement des concurrences entre « petites patries » ([49]) paraît essentiel à la conduite d’une politique d’aménagement du territoire qui soit efficace. Les rapporteurs estiment que le déploiement de politiques nationales territorialisées telles qu’Action cœur de ville, Petites villes de demain ou Villages d’avenir doit être l’occasion de réfléchir au rôle de relais que jouent ou devraient jouer les communes ACV.

a.   Les relations entre les villes moyennes et leur environnement régional

Chefs-lieux de département ou d’arrondissement, les villes moyennes ont longtemps incarné un idéal républicain d’égalité grâce au « pavage régulier ([50]) » du territoire national qu’elles constituent. C’est en ce sens qu’elles ont constitué un échelon-clef d’aménagement du territoire dans une logique d’équilibre et de redistribution, à mi-chemin entre les campagnes et les grandes villes. Du côté des régions, le géographe Daniel Béhar note que certaines d’entre elles tendent à appréhender les villes moyennes de manière homogène en tant que strate intermédiaire tandis que d’autres ont adopté une approche différenciée hiérarchisant les territoires en fonction de leur appartenance ou non à de vastes territoires métropolitains.

Dans ce contexte, il paraît indispensable aux rapporteurs que soit conduite une réflexion stratégique sur les liens entre, d’une part, les villes moyennes et les métropoles et, d’autre part, les villes moyennes et les régions. S’agissant des régions, les rapporteurs reviennent en dernière partie sur la nécessité de mieux articuler les programmes ACV et Territoires d’industrie sur les territoires où ils coexistent. Ils jugent également opportun de mieux articuler les actions menées par les régions avec celles des villes moyennes dans les domaines couverts par le programme. Ils notent que les régions n’ont pas été consultées sur l’élaboration du programme ACV.

b.   Les relations entre villes moyennes et bassins de vie

Loin d’être des entités isolées, les villes moyennes entretiennent d’étroites relations avec les territoires qui les entourent ([51]), ce que matérialisent par exemple les déplacements quotidiens des habitants des agglomérations entre leur domicile et leur lieu de travail – même si France Stratégie a analysé avec précision les effets de la crise sanitaire et du développement du télétravail sur ces déplacements pendulaires dans les villes moyennes ([52]). En outre, en exerçant des fonctions de centralité, les villes ACV offrent un accès privilégié aux équipements et services du quotidien, à l’offre médicale spécialisée ainsi qu’à l’offre culturelle. Les villes du programme ne peuvent donc agir qu’en coopération avec les communes et territoires alentour, qu’il s’agisse des métropoles et d’autres villes moyennes de la région ou bien de territoires moins densément peuplés.

C’est pourquoi France Stratégie suggère de réfléchir à l’établissement à l’échelle locale d’une base minimale d’équipements et de services, à la fois en termes de niveau et de qualité, ce afin de répondre aux enjeux d’égalité républicaine et de cohésion territoriale : « Au-delà de la situation économique locale, la perte de services publics et d’équipements, en termes de commerces de proximité mais aussi d’offre culturelle, de santé et de lieux de socialisation, constitue l’un des facteurs clefs du mécontentement des habitants, ainsi qu’un frein probable à l’attractivité économique et résidentielle. Une telle orientation pourrait contribuer à l’augmentation de la capacité de résilience économique du pays face aux mutations futures, en limitant les écarts de services entre territoires et en facilitant ainsi la liberté d’implantation des acteurs économiques et de leurs investissements ». Il s’agit ainsi de s’assurer que « chaque citoyen a accès à un socle minimal de services utiles aux modes de vie contemporains. En ce sens, le maillage territorial formé par les villes moyennes en fait des lieux d’accueil pertinents de ces équipements et services associés ».

La relocalisation des services de la DGFiP dans les villes ACV

 Interrogé sur la relocalisation des services de la DGFiP, le ministère de l’économie et des finances a rappelé que si le programme ACV n’était pas une condition exigée dans les critères retenus pour identifier une ville accueillant un service relocalisé de la DGFiP, il reste que parmi les 67 communes accueillant ce type de service, 55 sont des villes ACV ([53]).

 Pour mémoire, les principaux critères retenus sont les suivants : les critères socio‑économiques, afin de relocaliser les services vers les territoires ruraux ou périurbains en perte de vitesse ; les critères immobiliers qui conduisent à analyser la qualité, le potentiel de l’immobilier disponible dans la commune pour y installer le service, et sa conformité aux normes « environnementales » ; les critères relatifs aux conditions d’accueil des agents de la DGFiP et de leur famille, dans la commune candidate (services scolaires, facilités pour se loger, faculté pour le conjoint de trouver un emploi, équipements, accessibilité des services, etc.) ; une dernière série de critères, pondérée dans une moindre mesure que les précédentes, a consisté à identifier s’il existait d’éventuelles compétences « métiers » DGFiP déjà présentes dans la commune.

2.   Une réflexion inaboutie sur les compétences des intercommunalités concernées par ACV

Dans de nombreuses communes, la dévitalisation, causée par l’étalement urbain, est liée à un manque de coordination entre la politique de la commune-centre et celle de l’intercommunalité. Il est donc regrettable que le programme n’ait pas été l’occasion d’une réflexion sur les documents d’urbanisme intercommunaux.

a.   Un programme qui ne résout pas la question de l’exacerbation des concurrences entre ville-centre et villes périphériques

La gouvernance du programme ACV est avant tout municipale : certes, les conventions ACV doivent obligatoirement être signées par les EPCI mais c’est le maire de la ville-centre qui préside le comité de projet et pilote la réalisation des actions. Ce choix correspond au modèle historique de l’action territoriale française, modèle dans lequel chaque collectivité se comporte comme un Étatnation en modèle réduit. En conséquence, dans les communes où le maire n’est pas simultanément le président de sa structure intercommunale d’appartenance et où il n’y a pas d’entente politique entre ce maire et ledit président, la rivalité entre commune-centre et communes périphériques peut non seulement poser des difficultés d’application du programme mais aussi exacerber les problèmes auxquels ACV tente d’apporter une réponse.

La dévitalisation des villes moyennes s’explique par de nombreux facteurs, tels que la désindustrialisation mais aussi la concurrence entre centres et périphéries dans les domaines fiscal, résidentiel et commercial au sein des bassins de vie. Jusqu’à l’acte II, qui a prévu l’extension du champ du programme aux entrées de ville ([54]), le programme ne prévoyait pas d’agir à une échelle plus large que celle du cœur de ville. En outre, dans les communes ACV où ils ne président pas simultanément l’EPCI, les maires sont contraints de négocier – parfois très difficilement – avec l’intercommunalité mais aussi avec les acteurs publics et privés tels que les promoteurs, les groupes de la grande distribution ou encore les exploitants de cinéma.

C’est pourquoi les rapporteurs jugent indispensable qu’en vue de l’acte III du programme Action cœur de ville, le Gouvernement et le législateur mènent une réflexion stratégique à l’horizon 2035 sur le rôle des villes moyennes visàvis de leur arrière-pays ou hinterland, de même que sur la question centrale de la mobilité au sein des bassins d’habitat et sur la politique foncière à l’échelle intercommunale. L’adoption de l’objectif de zéro artificialisation nette va dans le bon sens même si son application concrète suscite de fortes résistances à l’échelle locale.

Proposition n° 1 : Proroger le programme au-delà de 2026 en menant une réflexion sur la place des villes moyennes dans leur environnement régional.

b.   Une réflexion indispensable sur le statut des structures intercommunales auxquelles appartiennent les villes moyennes

L’une des revendications majeures des élus des villes moyennes avant le lancement du programme Action cœur de ville concernait la coopération intercommunale et les charges de centralité supportées par les municipalités des villes centres de villes moyennes. C’est pourquoi, dans son rapport sur La revitalisation commerciale des centres-villes, le CGEDD suggérait d’envisager la création d’un statut spécifique aux intercommunalités des villes moyennes fondée sur la notion de villes d’envergure régionale dans une logique similaire au statut des métropoles créées par la loi Maptam. Comme le résume Julie Chouraqui, « ce statut dotait les villes moyennes, comme les métropoles, d’un statut d’EPCI particulier et prévoyait d’adapter les règles de fonctionnement de la coopération intercommunale pour les villes moyennes. Il s’agissait de prendre en compte les charges de centralité exercées par la ville-centre dans les finances locales ou de fusionner les communes des unités urbaines des villes moyennes pour accroître leur poids démographique et politique ».

Si cette solution n’a pas été retenue, les rapporteurs notent qu’en 2009, la compétence en matière d’habitat a été transférée aux EPCI mais que les projets en la matière restent souvent portés par les élus municipaux. C’est pourquoi mener à bien des actions en matière d’habitat suppose une bonne coordination entre les services municipaux et les services intercommunaux – coordination qui dépend à la fois des jeux politiques locaux et des élections municipales. Des conflits entre commune-centre et intercommunalité sont susceptibles de ralentir ces actions et la signature de chaque convention ACV par l’EPCI d’appartenance de la ville concernée ne présage en rien cette bonne coordination.

Par ailleurs, les élus communautaires sont censés adopter des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) depuis 2014 mais tel n’est pas le cas de nombre d’intercommunalités des villes moyennes alors même qu’a été décidée l’instauration d’un objectif de zéro artificialisation nette ([55]).

Couverture des territoires ACV
par des documents d’urbanisme intercommunaux

Proposition n° 2 : Inciter les intercommunalités comprenant une commune bénéficiaire du programme Action cœur de ville à adopter un plan local d’urbanisme intercommunal.

Interrogée par les rapporteurs sur la dimension intercommunale des projets de territoire dans les villes moyennes, l’association Intercommunalités de France a indiqué que compte tenu des multiples évolutions en cours – concernant les pratiques de consommation (commerce digital, montée en gamme, commerce de flux), l’allongement des déplacements domicile-travail, le vieillissement de la population de ces villes, la baisse du pouvoir d’achat et la rétractation de la classe moyenne, la diversification des types de logement auxquels aspirent les habitants, entre autres –, « les programmes de redynamisation ciblés tel que ACV (devaient) être pensés à l’échelle du bassin de consommation, d’emplois et, in fine, de vie. Il est impératif que le programme ACV s’articule plus étroitement avec les projets de territoire portés par les intercommunalités, notamment leurs arbitrages en matière de centralités. Il s’agit d’assurer conjointement la cohérence du maillage des services publics et de l’offre culturelle, la viabilité des projets commerciaux et des initiatives privées de réhabilitation de logements, et, plus largement, de générer des effets leviers capables de développer une offre durable et diversifiée dans les quartiers dégradés ou les espaces fragilisés ». L’association « appelle à une pleine reconnaissance de l’échelon intercommunal dans la gouvernance de l’ensemble des programmes nationaux liés à la transformation urbaine, tels qu’Action cœur de ville ou Petites villes de demain », compte tenu de la compétence des intercommunalités en matière d’aménagement, de mobilités et de développement économique.

À titre d’exemple, il ressort d’une enquête, menée par la DHUP en avril 2023 auprès des DDT afin d’évaluer la mobilisation des leviers juridiques des ORT, une relative méconnaissance de ces leviers par les collectivités ainsi que des problèmes de coordination entre communes périphériques, EPCI et communes labellisées ACV. La DHUP estime que ces difficultés cumulées peuvent obérer la cohérence d’un projet de territoire. Par exemple, pour un EPCI donné avec une ville ACV et des villes non labellisées constitué en ORT, le chef de projet est dédié exclusivement à la ville ACV.


  1.   LES APPORTS FINANCIERS DE L’ÉTAT ET DE SES PARTENAIRES EXERCENT UN EFFET ACCÉLÉRATEUR SUR DES PROJETS RESTANT ESSENTIELLEMENT FINANCÉS PAR LES COLLECTIVITÉS LOCALES

Au début du programme Action cœur de ville, la première réaction des élus locaux a consisté à solliciter des subventions, que ce soit de l’État ou de la Caisse des dépôts et consignations : l’annonce initiale d’enveloppes financières pour accompagner les projets a semé une confusion qu’il a fallu lever.

En effet, le programme Action cœur de ville n’est pas prioritairement fondé sur une intervention directe de l’État vers les collectivités ciblées via des transferts financiers – ce qui correspondrait à une politique redistributive fondée sur des critères de péréquation – mais sur la mise à disposition d’outils juridiques et fiscaux ainsi que sur la mobilisation de partenaires investisseurs, dans un contexte de forte contrainte sur les finances publiques.

Si l’apport financier de l’État et de ses partenaires est indispensable à la concrétisation des projets locaux de revitalisation, ces derniers restent majoritairement financés par les communes et leurs groupements (A). En outre, la dimension partenariale des financements induit certains biais de sélection (B).

  1.   DES PROJETS MAJORITAIREMENT FINANCÉS PAR LES COLLECTIVITÉS

L’ANCT évalue la mobilisation financière du programme à travers les contributions des partenaires principaux que sont : l’État et son opérateur, l’Anah, mais aussi Action Logement et la Banque des Territoires. Selon les informations fournies aux rapporteurs en juin 2025, l’engagement cumulé de tous les partenaires depuis le début du programme en 2018 dépasse les 11,5 milliards d’euros, dont 1,5 milliard d’euros de l’État. Le programme allie des financements spécifiques comme ceux d’Action Logement et le fléchage de crédits de droit commun, tels que les aides de l’Anah et les dotations de l’État.

Évolution des engagements financiers ACV depuis 2018

(en euros)

État et partenaires

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

État

101 247 981

248 149 086

334 196 348

409 547 908

618 831 076

1 159 928 764

1 584 676 389

Caisse des dépôts

71 462 990

319 878 000

840 422 000

1 735 577 000

2 555 000 000 ([56])

3 839 094 273

5 032 731 830

Action Logement

17 723 116

227 618 479

552 425 841

1 195 936 939

2 216 142 617

2 505 951 929

2 867 935 402

Anah

102 627 922

238 945 154

373 394 258

519 976 272

685 228 164

889 698 382

2 089 548 405

Total

293 062 010

1 034 590 719

2 100 438 447

3 861 038 119

6 075 201 857

8 394 673 348

11 574 892 026

Source : ANCT/DGDTR/ACV.

Trajectoire des engagements financiers acv depuis 2018

Source : ANCT.

Selon les informations fournies par l’ANCT dans l’Atlas national d’Action cœur de ville :

– au 4e trimestre 2023, les engagements de l’État et de ses trois partenaires s’élevaient à 8,395 milliards d’euros, soit 1 070 euros par habitant ([57])  ;

– au 2e trimestre 2024, à 9,970 milliards d’euros, soit 1 261 euros par habitant ;

– et au 4e trimestre 2024, à 11,575 milliards d’euros, soit 1 464 euros par habitant.

  1.   La Banque des Territoires : des études, des prêts et des investissements

En 2018, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) crée une nouvelle marque sous le nom de Banque des Territoires, à partir d’une direction de réseau et de ses filiales – dont la Société nationale immobilière (SNI) renommée CDC Habitat : ceci constitue une nouvelle étape, à la fois stratégique et symbolique, dans le positionnement de la CDC au profit du soutien à l’investissement public.

Non seulement la Caisse des dépôts a préfiguré le programme Action cœur de ville avec son dispositif « Centres-villes de demain » mais la contribution de la Banque des Territoires au programme est absolument capitale, prenant essentiellement la forme de prêts et d’investissements. Au 31 décembre 2024, la Banque des Territoires avait engagé 5,1 milliards d’euros de crédits au titre du programme Action cœur de ville, dont :

– 89,5 millions d’euros de crédits d’ingénierie. Environ 300 missions d’ingénierie sur 3 000 restent à payer. La majeure partie des crédits engagés sont donc payés ;

– 2,2 milliards d’euros de prêts au secteur public local. Signés, ces prêts correspondent en très grande majorité à des sommes payées ;

– 2,8 milliards d’euros d’investissements engagés, répartis entre 561 millions d’euros de l’établissement public et 2,2 milliards d’euros de CDC Habitat au profit tant de la construction neuve que de la réhabilitation de logements. Il s’agit de sommes payées en grande majorité.

En outre, la Banque des Territoires a financé le secteur HLM pour un montant de 4,4 milliards d’euros au cours de la période 2018-2024 dans le périmètre des villes Action cœur de ville. Au 31 décembre 2024, le total des dépenses de la Banque des Territoires au profit du programme ACV s’élève donc à 9,5 milliards d’euros, si l’on prend en compte le financement du logement social.

Pour la deuxième phase du programme, dite « ACV 2 » (2023-2026), la Banque des Territoires a réservé 90 millions d’euros de crédits d’ingénierie dont 15 millions d’euros sont déjà consommés. Les prêts et les investissements ne sont pas contingentés mais délivrés au fur et à mesure des demandes exprimées.

Source : Banque des Territoires.

Interrogée par les rapporteurs sur la baisse importante des prêts en 2022, la Banque des Territoires a rappelé que l’année 2022 avait été marquée par une très forte inflation ([58]) et une hausse des taux significative. Les collectivités locales ont été fortement affectées par les enjeux de lutte contre l’inflation, en particulier celle des coûts de l’énergie qui a été de plus de 15 % en moyenne. Dans ce contexte économique particulièrement difficile, les collectivités ont ralenti leurs projets d’emprunt. Ces projets se sont concrétisés en 2023 et 2024 en raison de l’effet conjugué d’une stabilisation de la situation économique et de la perspective de fin de mandat électoral. 2022 a été une année de transition pour Action cœur de ville : il s’agit en effet de la dernière année de la première phase du programme et de la seconde année du mandat municipal ayant débuté en 2020. La deuxième année d’un mandat est rarement l’année la plus intense en matière d’emprunt pour les collectivités.

  1.   Les subventions à l’ingénierie, levier essentiel de lancement des projets locaux

En matière d’ingénierie, la Banque des Territoires apporte 50 % de cofinancement aux collectivités pour toute l’ingénierie amont et pré-opérationnelle des projets. Ce taux de cofinancement peut aller jusqu’à 80 % dans les communes ACV ultramarines. En outre, elle peut supporter 100 % du coût de certaines missions pour les collectivités grâce à un accord-cadre spécifique au programme ACV. Durant l’acte I d’Action cœur de ville (2018-2022), la Banque des Territoires a consommé 75 millions d’euros sur une enveloppe de 100 millions d’euros. Un quart de ces crédits ont donné lieu à une prise en charge à 100 %.

La Banque des Territoires a indiqué à la mission d’évaluation avoir accordé une attention particulière au programme Action cœur de ville en y dédiant dans chacune de ses directions régionales un correspondant local par ville bénéficiaire. Depuis 2018, plus de 13 000 rendez-vous ont été répertoriés entre un représentant de la Banque des Territoires et une collectivité ACV, soit, à la fin de l’année 2022, 10 rendez-vous par an et par commune. Les équipes des directions régionales sont par ailleurs soutenues par l’équipe ACV située au siège de l’établissement, composée de 5 personnes. Ce dispositif de suivi, combiné avec la structuration de l’offre de financement d’ingénierie proposée par la Banque des Territoires, apporte une réponse conséquente aux besoins des collectivités. La Banque des Territoires intervient selon deux modalités : soit en cofinançant certaines missions des collectivités dans la limite de 50 % du coût de la mission ; soit en mobilisant des prestations comprises dans un accord-cadre à bons de commande multithématiques comprenant dix lots et proposant des missions d’une durée de 7 à 50 jours d’intervention. Le coût de ces bons de commande est pris en charge à 100 % par la Banque des Territoires. Les cofinancements représentent 70 % du montant des accompagnements Banque des Territoires, les bons de commande 30 %.

Durant la période 2018-2020, la Banque des Territoires a fait porter son effort sur l’accompagnement des collectivités à la structuration de leur stratégie et à la définition de leur plan d’action. Depuis 2020, la Banque des Territoires a réorienté son soutien aux collectivités en matière d’ingénierie opérationnelle. L’ingénierie opérationnelle comprend les études (études de marché, de faisabilité, techniques…) et les missions d’assistance à maîtrise d’ouvrage (aide à la définition d’un cahier des charges, recherche d’investisseurs, définition d’appel à projets, assistance au montage de dossiers de financement…).

Après le premier confinement, la Banque des Territoire a lancé un dispositif ponctuel de soutien à la reprise du commerce. Ce plan de relance du commerce était structuré autour de deux types de missions d’ingénierie en faveur du commerce (aide à la décision en matière de numérisation et prospective sur les risques de défaillance commerciale) et du cofinancement de places de marché numériques et de postes de managers de commerce – points sur lesquels les rapporteurs reviennent en dernière partie de rapport.

Dans le cadre d’ACV 2, la Banque des Territoires a institué un nouveau dispositif d’accompagnement pluriannuel dédié à quatre thématiques : la sobriété foncière, la transformation des quartiers de gare, la transformation des entrées des villes et la renaturation. Intitulé « sites pilotes », ce dispositif permet un apport de 150 000 euros d’ingénierie aux collectivités qui développent un projet sur l’une de ces thématiques. À ce jour une quarantaine de villes ont contractualisé une convention « site pilote ».

Cette volonté de renforcer cette ingénierie opérationnelle se manifeste également dans l’expérimentation d’une offre nouvelle d’appui technique, destinée à renforcer la maîtrise d’ouvrage des collectivités ACV. Cette offre se traduit par la mise à disposition d’un expert opérationnel, mobilisé via un groupement d’employeurs et financé à 75 % par la Banque des Territoires, au sein des collectivités pour permettre la réalisation de missions précises en matière d’aménagement et de requalification urbaine ; 7 collectivités bénéficient aujourd’hui de cet appui.

Les relations des directions régionales de la Banque des Territoires avec les collectivités permettent de détecter les besoins de celles-ci. Ces demandes sont analysées par les directions régionales avec l’appui du siège pour apprécier la plus‑value de la Banque des Territoires et éviter les effets d’aubaine. Ainsi, la Banque des Territoires intervient en particulier quand un appui est nécessaire pour améliorer la définition de la commande ; pour accélérer la commande ; pour augmenter le niveau de qualité des projets ; pour permettre à la collectivité de s’investir dans une démarche d’innovation sur un sujet peu maîtrisé (numérique, adaptation au changement climatique, biodiversité…) ; pour sécuriser le financement d’un projet (contre-expertise, recherche de partenaires…) ou la méthode de déploiement d’un projet (régie/concession…). Le dispositif « sites pilotes » favorise la mobilisation de la Banque des Territoires grâce à un financement pluriannuel couvrant les différentes étapes successives de chaque projet.

Les rapporteurs notent que si, avant le lancement du programme, la Caisse des dépôts et consignations investissait surtout dans les grandes villes, elle a fait évoluer son positionnement, faisant de la Banque des Territoires un véritable acteur du développement public local revendiquant un métier de conseil aux collectivités. D’autre part, si l’offre de subventions de la Banque des Territoires a connu un succès rapide, les relations commerciales permettant d’engager des financements ont mis un certain temps à s’instaurer, ce qui peut s’expliquer par le fait que les élus n’aient pas tous souhaité d’emblée s’endetter et aient, dans un premier temps, privilégié le financement de projets par l’épargne et les subventions. Certains élus ont aussi mis la Banque des Territoires en concurrence avec des banques classiques afin d’obtenir des prêts courts à taux bas ou fixes. La hausse des taux d’intérêt en 2022 a rendu l’offre de la Banque des Territoires plus attractive.

  1.   Des prêts et investissements aux règles de rentabilité assouplies

Les collectivités locales bénéficiaires du programme Action cœur de ville de même que leurs opérateurs – entreprises publiques locales, organismes de logement social – sont éligibles à l’ensemble de la gamme des prêts au secteur public local de la Banque des Territoires pour financer des projets de rénovation énergétique des bâtiments publics, de réseaux d’eau et d’assainissement, d’infrastructures de transports, etc. Les prêts thématiques spécialisés pour l’hébergement spécifique sont également pris en compte pour les opérations réalisées dans les communes ACV, qu’il s’agisse de logements étudiants, de logements « sénior » ou de logements pour jeunes travailleurs.

Les projets réalisés au sein des périmètres ORT sont également éligibles au prêt renouvellement urbain ACV (PRU ACV) qui bénéficie à des acteurs publics et privés – sous réserve de garantie des collectivités locales. Les PRU ACV peuvent financer les projets privés dans lesquels la Banque des Territoires intervient en tant qu’investisseur, par exemple dans des foncières de redynamisation territoriale.

Quant aux investissements de la Banque des Territoires, ils s’adressent à des acteurs économiques – entreprises publiques locales et entreprises privées – qui investissent dans des projets porteurs d’une rentabilité économique. La Banque des Territoires intervient toujours en tant que partenaire minoritaire dans une fourchette classique de 20 % à 40 % des besoins de fonds propres.

Pour les projets réalisés dans le périmètre des ORT, la Banque des Territoires a assoupli sa doctrine d’investissement en matière de règles relatives à la pré-commercialisation, au niveau de rentabilité recherchée et à la répartition entre les fonds propres et le recours à l’emprunt, notamment. Ces règles spécifiques ont été adoptées pour favoriser l’émergence de projets sur des territoires où la rentabilité économique est plus incertaine, entraînant une plus grande rareté et une plus grande prudence des investisseurs. Si la CDC est habituellement actionnaire minoritaire dans les structures dans lesquelles elle capitalise, les investissements réalisés dans le cadre d’ACV peuvent se rapprocher de 50 % et la CDC peut être actionnaire majoritaire si des co-investisseurs sont difficiles à mobiliser. L’assouplissement de la doctrine de la Caisse permet également d’accepter des seuils de rentabilité plus faibles alors que ceux-ci devaient auparavant être plus élevés que la moyenne, pour compenser le risque associé à un investissement en dehors des grandes agglomérations. Depuis 2018, 335 projets ont bénéficié de ces mesures, par exemple un hôtel à Dreux, un cinéma à Dieppe, des foncières de redynamisation à Belfort ou Saint-Brieuc, des immeubles tertiaires à Dunkerque ou Angoulême.

Pour soutenir les projets liés à la transition écologique, la Banque des Territoires propose enfin une offre de service spécifique pour accompagner les collectivités locales dont les villes ACV. À titre d’exemple, sur la préservation et la gestion de la ressource en eau, un dispositif étendu et complet de solutions est proposé, de la phase d’anticipation stratégique à la phase de mise en œuvre des travaux, pour répondre aux enjeux du territoire, sous la forme d’investissements, prêts, ingénierie territoriale, de consignation, et de services bancaires.

Selon Julie Chouraqui, le lancement du programme ACV est allé de pair avec un glissement d’une stratégie commerciale « sélective », s’appuyant sur un nombre réduit d’interventions associées à des financements lourds, vers une « logique d’élargissement ([59]) consistant à financer de nombreux petits projets essaimés sur l’ensemble du territoire national ».

Un certain effet d’entraînement sur les acteurs privés

 Le programme Action cœur de ville a un effet relatif sur les acteurs privés. Par exemple, la démarche « Réinventons nos cœurs de ville », qui a incité les collectivités du programme à lancer des appels à projets auprès d’investisseurs, a permis la sélection d’une cinquantaine de collectivités. ICADE, filiale immobilière de la CDC qui n’intervenait pas dans les villes moyennes avant 2018, a candidaté à 12 appels à projets qui ont contribué à la mobilisation de promoteurs et d’investisseurs locaux, confortant des logiques de développement endogène.

 Alors qu’en 2018, la Banque des Territoires n’avait que 18 projets d’investissement dans les villes ACV, elle a réalisé entre cette date et 2024 335 investissements dans ces mêmes villes et compte actuellement 86 projets en étude. Intervenant toujours de façon minoritaire, la Banque des Territoires a réalisé 555 millions d’euros d’investissement : c’est donc plus d’un milliard d’euros d’investissements privés qui ont irrigué ces villes en cinémas, hôtellerie, hébergement spécialisé pour étudiants, séniors ou jeunes actifs, commerces et locaux d’entreprises.

 Le programme a aussi conduit des opérateurs privés à s’intéresser aux villes moyennes : c’est le cas des opérateurs de vélos en libre-service désormais disponibles à Troyes comme à Laon et dans de nombreuses autres villes du programme.

 Cependant, ces décisions d’implantation sont parfois volatiles lorsqu’il s’agit des stratégies de développement des enseignes nationales, en particulier dans le domaine du commerce. Le développement de l’investissement local constitue une source plus ancrée territorialement et souvent plus pérenne bien qu’elle nécessite un suivi plus fin de partenaires a priori moins sécures que des investisseurs nationaux et internationaux.

  1.   L’Anah : des aides de droit commun fléchées vers les communes ACV

Les aides de l’Anah ont trois finalités : la transition énergétique, la transition démographique et la lutte contre l’habitat dégradé.

Aide de l’Anah

Finalité

Conditions d’octroi

MaPrimeRénov’

 Transition énergétique ;

 Augmenter l’efficacité énergétique des logements ;

→ Soutenir les ménages dans la rénovation énergétique.

• Sans condition de revenu, de statut du propriétaire (bailleur ou occupant) et de taille du logement ;

• Aide majorée ou minorée selon le montant du revenu pour le propriétaire occupant ;

• Vise à obtenir un gain énergétique.

MaPrimeRénov’ Copropriété

 Transition énergétique ;

→ Augmenter l’efficacité énergétique des logements ;

→ Faciliter les décisions de la copropriété prises en assemblée générale pour la rénovation thermique grâce à l’octroi d’une aide financière ;

→ Massifier la rénovation énergétique des parties communes (isolation, chaudière collective, changer les fenêtres, etc.) ;

→ Soutenir les copropriétés dans la rénovation.

• Aide collective, indépendante des ressources et du statut des copropriétaires (bailleurs ou occupants), indépendamment de la taille du logement ;

• Organisée en forfait par logement, représentant un pourcentage des travaux ;

• Toutes les copropriétés peuvent en bénéficier ;

• Si la copropriété est financièrement fragile, l’Anah effectue en premier lieu un redressement avant de financer les travaux ;

• Ne bénéficie pas aux commerces copropriétaires, car ils n’entrent pas dans le champ des bénéficiaires.

MaPrimeAdapt’

 Transition démographique.

• Réservé aux ménages aux revenus modestes.

Ma Prime Logement Décent

 Lutter contre l’habitat indigne.

• Propriétaires occupants ou bailleurs aux revenus modestes ou très modestes ou propriétaires bailleurs sous condition de conventionnement de loyer de leur logement.

Au 4 février 2025, l’Anah avait consacré 1,94 milliard d’euros à la rénovation de 287 927 logements et 23 millions d’euros au financement des chefs de projet de 180 collectivités. Une enveloppe budgétaire complémentaire de 9 millions d’euros a permis à l’agence de financer des études sur le parc locatif privé dans les villes moyennes. La politique de l’aller‑vers, l’ingénierie, le suivi et l’animation de France Rénov’ représentent quant à eux 85 millions d’euros de crédits.

Nature du financement

Crédits en millions d’euros

Rénovation de 287 927 logements

1 942 M€

Ingénierie, aller-vers, suivi et animation du réseau

85,02 M€

Chefs de projet ACV (180 collectivités bénéficiaires)

23,02 M€

Études sur le parc locatif privé

9,19 M€

Source : Anah.

Les conventions d’OPAH-RU conclues entre l’Anah et les collectivités ACV permettent un fléchage des aides de droit commun de l’agence vers ces territoires.

Les crédits de l’agence sont retracés en loi de finances dans le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ». Dès le démarrage du programme en 2019, les projets annuels de performance précisent que l’intervention de l’Anah est « orientée prioritairement » vers les villes ACV mais ce, « dans le strict cadre de budgets annuels d’intervention ». En d’autres termes, les crédits engagés par l’Anah dans le cadre d’ACV ne correspondent pas à un renforcement de son budget par l’État. Pour financer ses interventions dans les villes ACV, l’Anah recourt, d’une part, aux crédits qui lui sont alloués par le programme 135 mais aussi aux recettes fiscales issues de la taxe sur les logements vacants et au produit de mise aux enchères des quotas carbone et de la contribution des fournisseurs d’énergie. Jusqu’à l’adoption du plan de relance et la création du fonds pour le recyclage des friches, dit « fonds friches » ([60]) en 2021, aucun crédit supplémentaire ne semble avoir alimenté le programme 135.

Unanimement saluée, la création au sein des collectivités de postes de chef de projet, dont le financement est assuré à 50 % par l’Anah en cas de conclusion d’une convention OPAH-RU, constitue un apport majeur du programme ACV en ce qu’elle permet de renforcer l’ingénierie des communes et intercommunalités bénéficiaires. À partir de 2020, la Banque des Territoires finance quant à elle un poste de manager de commerce dans les villes ACV.

Si le poste de chef de projet est un atout indéniable pour les collectivités, son influence dépend de sa place dans l’organigramme de la collectivité – place qui n’est pas toujours évidente lorsque le contrat du chef de projet est seulement à durée déterminée – ce qui est laissé au choix des collectivités et a pu être constaté dans les premières années de déploiement du programme – et lorsque ce poste est en rotation régulière. Alors que le chef de projet a par définition une fonction transverse – aussi bien sur le fond que dans la forme –, il est parfois rattaché à un service n’ayant justement pas ce type d’approche. Afin que cet acteur essentiel à l’application des stratégies locales de revitalisation ne soit pas marginalisé mais se sente au contraire pleinement légitime, le soutien et la proximité du maire ou du président d’intercommunalité sont indispensables. Enfin, il ressort des auditions de la mission que les chefs de projet ont des profils très variables d’une commune à l’autre – et pas forcément toujours adaptés à la conduite d’un projet de revitalisation, comme pourrait l’être celui d’un urbaniste. D’ailleurs, le fait même que le poste de chef de projet ne soit pas toujours pérenne, c’est-à-dire en contrat à durée indéterminée, le rend parfois difficile à pourvoir ou conduit parfois à attirer des profils insuffisamment qualifiés pour mener des opérations complexes et transversales d’amélioration du cadre de vie des centres-villes en déprise.

Ce constat d’instabilité vaut encore davantage pour les managers de commerce dont le financement, prévu dans le plan de relance, n’a pas été pérennisé.

Une approche en « mode projet »

 L’un des principaux apports mis en avant par les acteurs auditionnés a trait au choix d’une approche en « mode projet » plutôt que d’une approche fondée sur des critères prédéfinis : les financements ACV viennent répondre à des projets existants ou en cours de définition. Cette évolution, qui a contribué à améliorer le dialogue entre l’État et les collectivités locales, se retrouve dans les programmes Petites villes de demain, Villages d’avenir et les contrats de relance et de transition écologique.

3.    Action Logement, un partenaire apportant une majorité de prêts mais une proportion non négligeable de subventions

Les entreprises du secteur privé et du secteur agricole de plus de 10 salariés versent chaque année une cotisation en fonction de leur masse salariale, la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), pour financer le logement des salariés à revenus modestes. Depuis 1992, le taux de la PEEC est fixé à 0,45 % de la masse salariale. Pour accroître l’efficacité de leurs initiatives en faveur du logement des salariés des entreprises, les partenaires sociaux ont décidé de réformer en profondeur leurs structures. En 2017 est créé Action Logement, qui comprend trois entités : Action Logement Groupe, qui définit la stratégie et mène les relations avec les pouvoirs publics  ; Action Logement Immobilier, la holding qui anime les filiales immobilières présentes sur l’ensemble du territoire  ; Action Logement Services qui collecte la PEEC, finance la construction du logement social et intermédiaire, participe au financement des politiques publiques en faveur du logement (renouvellement urbain, attractivité des territoires) et délivre des aides et services aux particuliers.

Le modèle d’Action Logement repose sur l’accompagnement d’investisseurs demeurant durablement impliqués dans les opérations d’habitat, à la différence des promoteurs : l’organisme octroie des prêts et subventions en échange de quoi il obtient un droit de réservation sur les logements construits ou requalifiés au profit des salariés.

Traditionnellement et avant le lancement du programme Action cœur de ville, Action Logement concentrait son action sur les grandes villes et la construction neuve, en particulier en périphérie des agglomérations, ce qui s’expliquait par le fait que dans le cadre du financement des organismes de logement social, les crédits d’Action Logement soient octroyés forfaitairement en s’appuyant sur des critères de tension des marchés immobiliers locaux. Cette doctrine a entraîné une concentration des investissements du groupe en dehors des territoires les plus fragiles.

Cette approche a été révisée pour le déploiement d’ACV : ces critères de financement ont été modifiés et ouverts à des opérateurs privés, à condition qu’ils s’engagent à rester propriétaires des logements produits et à les louer à des salariés pour neuf ans. Ces évolutions ont impliqué un renforcement des relations avec les collectivités locales. La combinaison de prêts et subventions institués par Action Logement permet le financement de la réhabilitation d’immeubles par des organismes de logements sociaux ou des investisseurs privés. En contrepartie de ces financements, une partie des logements produits est réservée aux salariés des entreprises contribuant à la PEEC.

Dans le cadre du programme Action cœur de ville, Action Logement a diversifié le type de projets susceptibles d’obtenir des financements, favorisant l’investissement dans des opérations de renouvellement urbain.

  1.   Une contribution de 2,5 milliards d’euros

Au 4 février 2025, Action Logement et ses filiales avaient contribué au programme ACV à hauteur de 2,56 milliards d’euros depuis 2018, dont 1,557 milliard pour Action Logement même et 1,04 milliard pour ses filiales. Ces montants ont permis de financer 1 959 opérations pour un total de 28 014 logements. Entre 2018 et 2022, 658 millions d’euros ont été contractualisés avec 73 villes du programme ; 78 autres ont signé une convention immobilière sans réservation de crédits. Ces enveloppes ont donné de la visibilité aux collectivités afin de les inciter à se lancer dans le programme.

Total des engagements hors réservations de crédits

 

Financement ALS en M€

Investissements filiales

Total investissement AL

Nombre opérations

Nombre logements

ACV 1

1 155

795

1 950

1 377

20 386

ACV 2 (2023)

184

106

290

333

3 849

ACV 2 (2024)

223

139

362

258

3 936

annulations 2023-2024

5

 

 

9

157

Total ACV 2

402

245

652

582

7 628

Total ACV 1 + ACV 2

1 557

1 040

2 602

1 959

28 014

Source : Action Logement.

Typologie des logements financés

 

Parc privé

Parc social et intermédiaire

Accession sociale

Part des logements par type

(en % sur la totalité des logements financés depuis 2018)

13 %

82 %

5 %

 

Logements conventionnés

Logements PLS/PLUS/PLAI

 

Source : Action Logement.

Répartition par type de parc

 

Parc privé

Parc social et intermédiaire

Accession sociale

Total

Nombre d’opérations

852

981

96

1 929

 

44 %

51 %

4 %

 

Nombre de logements

3 506

22 490

1 553

27 549

 

13%

82 %

5 %

 

Source : Action Logement

Répartition des logements financés par type d’intervention

 

Acquisition-amélioration

Restructuration lourde parc social

Démolition-reconstruction

Construction neuve

Part

29 %

5 %

28 %

38 %

 

62 %

 

Source : Action Logement.

Répartition des logements financés par zone ([61])

 

A

B1

B2

C

Part

7 %

38 %

35 %

20 %

 

 

 

55 %

Source : Action Logement.

Il ressort du tableau ci-dessus que 55 % des logements financés par Action Logement le sont dans des zones détendues, ne présentant pas de déséquilibre important de l’offre et de la demande de logements.

Pour la période dite « ACV 2 » qui a démarré en 2023, la nouvelle convention quinquennale prévoit une enveloppe d’un milliard d’euros au titre du programme ACV : la visibilité pluriannuelle des financements est ainsi assurée par la déclinaison des crédits accordés dans une convention quinquennale couvrant la période 2023-2027 :

En millions d’euros

Cumul 2023-2027

2023

2024

2025

2026

2027

Subventions

1 000

87

88

70

70

35

Prêts

163

162

130

130

65

Source : Action Logement.

  1.   Une offre de financements en constante adaptation aux besoins des collectivités

Avant le lancement du programme, les financements d’ALS étaient principalement octroyés en prêt dans les zones les plus tendues du territoire en s’appuyant sur un calcul forfaitaire par contrepartie. Le 31 janvier 2019, Action Logement a publié une directive explicitant les nouveaux produits susceptibles d’être mobilisés dans les périmètres ORT des villes ACV : un prêt à court terme de 3 ans dans le parc social ; un financement en prêt sur 30 ou 40 ans couplé à une subvention définis en fonction de l’équilibre de l’opération et du coût des travaux engagés ; un financement dédié à des investisseurs dans le parc privé en prêt et subvention ; une aide dédiée pour des projets d’accession sociale sur ces territoires. Au démarrage du programme et jusqu’en 2024, le financement proposé par Action Logement était plafonné à 1 000 euros le mètre carré, le ratio entre prêt et subvention variant selon les caractéristiques du projet et son équilibre financier.

En 2021, il a été décidé d’élargir le bénéfice du programme aux opérations d’accession.

Avec le lancement de la deuxième phase d’ACV en 2023, Action Logement a pris en compte dans son dispositif les nouvelles règles environnementales applicables à la construction neuve.

Enfin, en 2025, Action Logement a de nouveau fait évoluer sa doctrine pour tenir compte du contexte économique et de l’augmentation du coût des travaux ([62]). Le ratio de financement des travaux de construction et d’acquisition-amélioration peut désormais aller jusqu’à 1 500 euros, au lieu de 1 000, par mètre carré de surface habitable en fonction de la performance environnementale, de la qualité architecturale et de l’équilibre financier des opérations. Cette revalorisation concerne à la fois les opérateurs du parc privé et du parc social et intermédiaire.

Par ailleurs, parce que les opérateurs sont amenés à conduire des opérations de plus en plus complexes nécessitant notamment de démolir partiellement ou complètement des bâtiments anciens ou des friches, Action Logement a également décidé d’intégrer les travaux de démolition dans l’assiette de financement du prêt à long terme « Action cœur de ville ». En effet, les villes moyennes ne disposent pas toujours des outils d’acquisition et de portage d’opérations complexes (SEM, par exemple) ou des moyens financiers pour concrétiser ces opérations en dehors du champ du programme national de rénovation des quartiers anciens dégradés et des opérations de résorption de l’habitat insalubre.

  1.    Des dotations étatiques redéployées

Outre les crédits de l’Anah déjà mentionnés, les dépenses de l’État relatives au programme Action cœur de ville sont citées dans les documents budgétaires ([63]) des programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique du territoire » et 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » des projets annuels de performance dès l’exercice 2019. Cependant, ces programmes n’ont pas bénéficié d’augmentations de crédits avant le plan de relance.

S’agissant du programme 112, le budget alloué au Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) peut être en partie consommé au profit des villes ACV pour soutenir des projets locaux. Les documents budgétaires mentionnent explicitement les villes ACV comme bénéficiaires prioritaires du FNADT – qui vise à soutenir les projets concourant à l’attractivité des territoires, à leur développement durable et à leur cohésion sans augmentation de crédits identifiée. Ces communes y avaient déjà accès avant le lancement d’ACV, depuis sa création en 1995.

Le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire

 La gestion du FNADT est déconcentrée au niveau régional, ce qui laisse la possibilité au préfet de région de couvrir une part importante de la dépense d’investissement d’une ville ACV (études, acquisitions immobilières, travaux de construction et d’amélioration, etc.). Sont couvertes par le fonds les dépenses d’ingénierie facilitant la réalisation d’études et de diagnostics ainsi que les actions en faveur de l’emploi et de l’attractivité des territoires.

Réunissant les dotations de fonctionnement et d’investissement aux collectivités, le programme 119 contribue aussi au financement du programme : la dotation d’équipement aux territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) peuvent notamment servir à financer des projets locaux portés dans des villes ACV. Si la DETR est une subvention de droit commun préexistant au programme ACV, la DSIL a donné lieu à une instruction sur l’éligibilité et la priorisation des demandes de subvention des villes ACV dès 2018 mais la plupart des villes moyennes avaient déjà la faculté de bénéficier de cette subvention avant le lancement du programme. En outre, ces dotations n’ont pas augmenté entre 2018 et 2020 pour soutenir Action cœur de ville – jusqu’au plan de relance de 2020.

Le programme a indiscutablement eu un effet d’entraînement sur les communes bénéficiaires en améliorant le recours à ces financements au profit de stratégies de revitalisation des centres-villes dans des villes moyennes mais il n’a pas d’effet redistributif. Les crédits sont fléchés vers le programme sans majoration de l’enveloppe globale allouée aux deux dotations. Il s’agit, selon la Cour des comptes, de « subventions attribuées de manière discrétionnaire, en fonction d’une contractualisation avec l’État ». Sachant que le ciblage géographique du programme est très large, les rapporteurs s’interrogent quant au risque de saupoudrage des dotations étatiques.

Les rapporteurs notent néanmoins que dans le cadre de projets en faveur de la transition écologique ([64]) et notamment de recyclage foncier et de renaturation des villes, 534 millions d’euros de subventions ont été accordés par le fonds d’accélération de la transition écologique ([65]), dit « fonds vert », au profit de 2 260 projets dans 230 villes ACV ([66]). Ce fonds vise notamment l’adaptation au changement climatique, le recyclage de friches et la rénovation énergétique des bâtiments. En 2025, trois nouvelles priorités ont été fixées à ce fonds : une aide aux maires bâtisseurs de logements neufs dans une logique de densification et de lutte contre l’étalement urbain, le financement des aménagements cyclables et le soutien à la transition écologique maritime.

Source : Atlas national Action cœur de ville, ANCT, 4e trimestre 2024.

Lors de leurs déplacements et auditions, les rapporteurs ont été interpellés sur le manque de visibilité pluriannuelle relative aux engagements financiers de l’État dans le programme. À cet égard, Action cœur de ville se distingue nettement du programme national de rénovation urbaine qui garantit la pluriannualité des engagements financiers des acteurs dans le cadre de conventions quinquennales conclues avec l’ANRU. C’est pourquoi les rapporteurs insistent sur la nécessité d’offrir aux communes ACV cette visibilité pluriannuelle afin de les sécuriser.

Proposition n° 3 : Garantir la visibilité pluriannuelle des engagements financiers de l’État dans les projets ACV des communes et intercommunalités.

  1.   Les communes et EPCI

En dépit des engagements financiers de l’État et de ses partenaires, les projets ACV restent majoritairement financés par les collectivités locales – communes et intercommunalités.

Afin d’apprécier la répartition des montants financiers des projets entre les collectivités, l’État et les partenaires nationaux et locaux du programme, la direction de programme Action cœur de ville de l’ANCT a créé en février 2025 une matrice de suivi financier des projets sur sa plateforme de suivi des projets ACV, appelée « Grist ACV ». En outre, un groupe de travail sur le thème de l’effet de levier financier du programme, dont les sessions se sont déroulées sur le dernier trimestre 2024, a permis de déterminer avec les chefs de projets et les référents ACV de l’État les informations clefs à intégrer à la plateforme de suivi afin de notamment mesurer la contribution des collectivités aux financements des projets. Les saisies des informations financières des projets sont en cours d’actualisation par les chefs de projet ACV.

D’après les premiers éléments complétés, l’ANCT estime que les communes ACV ont pris en charge environ un tiers du montant des projets ACV ayant été livrés ([67]). Plus de 15 % des montants des projets livrés ont été pris en charge par les EPCI ou pôles d’équilibre territorial et rural ([68]). Au total, les collectivités (communes, intercommunalités, départements et régions) ont financé un peu plus de la moitié des montants engagés pour les projets réalisés. Viennent ensuite les financements de l’État, puis les financements privés (environ 10 %). Enfin, viennent les financements des trois partenaires financiers du programme (Anah, Action Logement et Banque des Territoires), à hauteur d’environ 5 %, respectivement. L’ANCT indique que « ces toutes premières estimations sont néanmoins à prendre avec précaution et seront consolidées au cours de l’année 2025 ». Parallèlement, la direction de programme entame des analyses comparées afin de mesurer la capacité des communes ACV (en comparaison de villes non ACV de caractéristiques de centralité et de taille comparable) à avoir mobilisé les dotations et fonds de l’État (notamment DSIL, DETR, fonds vert).

Les rapporteurs notent que ces pourcentages concernent les projets livrés et ne peuvent donc être comparés au montant total des engagements financiers. Les deux exercices sont différents : le montant total des engagements permet de suivre leur évolution au regard de l’objectif initial de 11 milliards d’euros financés par l’État et ses partenaires tandis que les pourcentages permettent de mesurer les différents montants financiers mobilisés (collectivités, partenaires, État, financeurs privés, autres) dans le cadre de chaque projet.

Au terme d’une enquête menée par les rapporteurs sous forme de questionnaire auprès de communes ACV, il ressort que le manque de financements est le principal obstacle au déploiement du programme, pour 13 villes sur les 21 ayant répondu.

Par exemple, à Châtellerault où se sont rendus les rapporteurs, la part des dotations de l’État ne représente que 16 %, contre 40 % pour la collectivité : pour certaines actions, la ville a été accompagnée à 70 % mais pour d’autres, elle n’a reçu aucun financement.

À Dunkerque, autre ville visitée par les rapporteurs, le projet ACV est avant tout financé ([69]) par la communauté urbaine (83,32 millions d’euros), Action Logement (57,5 millions) et la commune (14,85 millions), le département (1,9 million) et la région (1 million) apportant également leur pierre à l’édifice. Pour sa part, l’État contribue au projet à hauteur de 6,5 millions d’euros, la Banque des Territoires pour près d’un million d’euros et l’Anah, à près de 900 000 euros. Les rapporteurs soulignent la contribution majeure d’Action Logement au projet dunkerquois, contribution tout aussi importante à Angoulême via le bailleur social Noalis, dont Action Logement est actionnaire.

Les rapporteurs notent que l’équation financière des opérations de résorption de l’habitat ancien dégradé repose sur les collectivités – dont les ressources financières sont parfois insuffisantes face aux besoins. Il arrive que dans le cadre du financement de la restructuration d’un îlot dégradé assuré grâce à la sélection lors d’un appel à projets, des incertitudes pèsent sur le financement du déficit de l’opération, ce, malgré les subventions de l’Anah et les minorations appliquées par l’EPF. L’équilibre économique des opérations passe alors par le logement social. L’ANCT a bien identifié cette difficulté liée au déficit des opérations de réhabilitation d’habitat ancien dégradé. Dans ce cadre, le fonds friches précité, indépendant du programme, constitue une avancée majeure.

B.   UN BIAIS DE SÉLECTION INDUIT PAR LA DIMENSION « PARTENARIALE » DES FINANCEMENTS

Dans les centres-villes les moins attractifs sur le marché immobilier, concentrant une part importante de population très précaire et enregistrant un niveau élevé de vacance des commerces et des logements, les principes de financement propres à la Banque des Territoires et à Action Logement peuvent avoir été inadaptés lors des premières années du programme – avant que ces deux entités fassent évoluer leurs doctrines respectives –, et les dotations de l’État, insuffisamment orientées vers la résorption de logements vacants dégradés.

Marquées par une forte déprise économique ou un marché immobilier déprimé, certaines communes et intercommunalités n’ont pas de moyens budgétaires suffisants pour proposer des projets. Comme ces villes sont peu attractives pour les investisseurs privés, les règles d’investissement appliquées par la Banque des Territoires lors des premières années de déploiement du programme – avant d’être assouplies par cet organisme – étaient telles que ces collectivités ne pouvaient pas toujours solliciter ces financements en l’absence de coinvestisseurs ([70]), alors même que les critères d’intérêt général sont primordiaux dans l’allocation des financements de la CDC. Quant aux subventions d’Action Logement, elles sont soumises à la prise en charge de l’opération par un investisseur privé ou un acteur du logement social.

En outre, des contrastes dans les pratiques de déploiement de la stratégie commerciale de la Banque des Territoires ont pu être observés en début de programme d’une direction territoriale à une autre : certains agents de l’organisme ont pu se considérer comme de simples financeurs plutôt que comme des conseillers des collectivités, d’autres, souhaitant au contraire développer un potentiel commercial avec les villes du programme.

Le recours aux subventions de l’Anah suppose que les collectivités aient une connaissance et une bonne maîtrise des aides proposées – maîtrise rendue incertaine par les difficultés d’intervention et de coordination des services de l’administration territoriale de l’État. Le cumul de ces difficultés rend stratégique et décisive la mobilisation des ressources des communes et de leurs groupements en faveur de la poursuite de projets de revitalisation.

Autre élément susceptible d’avoir eu un effet sélectif sur les communes ACV, les rapporteurs notent que les partenariats scellés entre Action Logement Services (ALS) et les communes ACV ont d’abord et avant tout été conclus avec les villes ayant identifié des secteurs d’intervention prioritaires ou ayant des ressources foncières déjà acquises pour des projets d’habitat, c’est-à-dire dans les villes où les projets étaient réalisables rapidement. Selon Julie Chouraqui, ces financements sont « défavorables, dans les premiers temps du programme, aux villes peu attractives pour les acteurs privés ou publics de la production de logements ou dont les capacités d’action politique sont faibles ». Cette forme de sélectivité tient aux logiques d’intervention d’ALS, orientées vers l’accélération d’engagements financiers dans l’objectif de loger les salariés plus que vers l’accompagnement des villes. En outre, Action Logement Services a adopté une posture relativement exigeante, estimant que les financements accordés ne devaient pas être « saupoudrés » et que les investissements effectués devaient viser en priorité les biens immobiliers les plus haut de gamme afin de favoriser un retour des actifs en centre-ville ([71]).

Par ailleurs, alors qu’on aurait pu s’attendre à ce qu’Action Logement s’oriente vers les villes ACV situées dans les régions les plus attractives, comme le sud-est ou la vallée de la Loire, celles-ci ont moins bénéficié des financements d’Action Logement Services que les anciennes régions industrielles du nord et de l’est de la France (Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Champagne-Ardenne), bien couvertes. Le critère de choix n’est donc pas pour cet organisme la situation économique ou démographique des communes mais relève plutôt d’une logique de groupe : la présence locale d’organismes de logements sociaux dans lesquels Action Logement est l’actionnaire principal, en particulier ceux d’anciens bassins industriels, facilite l’intervention d’Action Logement Services.

Il ressort de l’ensemble de ces observations que le processus d’attribution des financements par les partenaires financiers du programme, Banque des Territoires et Action Logement, relève de logiques internes à ces deux entités ([72])  et dépend aussi de la capacité des équipes municipales à s’approprier les dispositifs.

La mission d’évaluation note par ailleurs que les financements proposés par ces entités ne bénéficient pas systématiquement aux collectivités et EPCI des villes moyennes : les offres d’Action Logement s’adressent aux organismes de logements sociaux et aux opérateurs et les investissements en fonds propres de la Banque des Territoires visent les structures de l’économie mixte mais aussi des investisseurs privés : « La mobilisation de tels financements dans les villes ACV ne dépend pas seulement de la volonté des élus locaux : elle est aussi tributaire de l’attractivité de ces villes vis-à-vis de ces différents acteurs », explique Julie Chouraqui.

En ce sens, la géographe estime que, dans ses premières années de déploiement, le programme « s’appuie sur une diversification des financements induisant des effets sélectifs inévitables qui sont difficilement compensés par des subventions ou un accompagnement technique de l’État. (…) Les projets et réalisations envisagés risquent de se heurter à des difficultés de financement et à des difficultés techniques auxquelles les villes et EPCI les mieux armés en ressources relationnelles (EPF, SEM, organismes HLM) et institutionnelles seront mieux à même de répondre que les autres. (…) La sélectivité spatiale de cette politique publique semble étroitement liée à sa mise en œuvre qui repose sur un pilotage déconcentré et sur des partenariats. L’analyse de l’intervention des services d’Action Logement et de la Banque des Territoires a en effet montré comment les processus d’intermédiation des politiques publiques pouvaient favoriser l’appropriation des dispositifs par certaines villes – au détriment des autres ».

Les rapporteurs relèvent que si ce programme se présente comme venant en soutien à toutes les villes moyennes, il est fondé sur un principe de diversification des financements difficile à appliquer sur tous les territoires. C’est notamment le cas en Moselle où plusieurs villes ACV sont dans des situations de décroissance urbaine et où l’intervention de la Banque des Territoires a pu paraître insuffisante, à tout le moins dans les premières années du programme, pour permettre un soutien financier aux projets locaux de revitalisation du centre‑ville.

Afin d’assurer un rééquilibrage et un rattrapage – dans une optique d’équité voire de discrimination positive –, les rapporteurs estiment que sur ces territoires en forte déprise et éloignés de l’aire d’attraction des métropoles, les dotations étatiques de soutien à l’investissement public local devraient remplir ce rôle d’impulsion de projets locaux en étant fléchées. Cela concerne notamment les territoires situés dans le quart Nord-Est de la France, identifiés par France Stratégie dans son étude précitée, mais aussi ceux qui se situent dans la « diagonale du vide » ou « diagonale des faibles densités ». Une telle majoration des financements acterait le passage d’une politique de développement de l’attractivité à une politique de rééquilibrage du territoire, c’est-à-dire un retour aux fondamentaux de l’aménagement du territoire.

Proposition n° 4 : Flécher les dotations étatiques vers les villes en forte déprise démographique, économique et immobilière.

D’autre part, les rapporteurs ont constaté que la démultiplication des financements par appels à projets ou appels à manifestation d’intérêt était susceptible d’entraîner une forme d’effet d’aubaine puisque ce sont les collectivités les mieux armées en ingénierie et en moyens humains qui sont les plus à même de déposer un maximum de candidatures. Ces appels à manifestation d’intérêt bénéficient principalement aux collectivités les mieux structurées capables de préparer un dossier de réponse dans un laps de temps contraint. Les rapporteurs notent que le 3 juin dernier au Sénat, dans le cadre d’une audition de la commission d’enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État, le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, François Rebsamen, a critiqué le recours généralisé aux appels à projets émis par les agences, jugés « complexes, chronophages, coûteux et peu efficaces » par les élus locaux, plaidant pour un retour à la contractualisation directe entre l’État et les collectivités.

C’est pourquoi les rapporteurs proposent de réduire le nombre de ces appels à projets ACV.

Proposition n° 5 : Réduire le nombre d’appels à projets et à manifestation d’intérêt.


IV.   DES RÉSULTATS PROMETTEURS, SURTOUT EN MATIÈRE DE LOGEMENT, MAIS UN IMPACT DIFFICILE À ÉVALUER

Ayant fait le choix de cibler leurs travaux sur les deux premiers axes, compte tenu de l’ampleur thématique du programme, les rapporteurs relèvent l’importance des réalisations en matière d’habitat (axe 1) mais des résultats moins probants en matière de commerce (axe 2). Quant à l’impact du programme, il est complexe à évaluer à ce stade mais il semble qu’Action cœur de ville n’ait pas encore permis d’inverser la tendance structurelle au déclin démographique et économique dans les villes en déprise même si de nombreux acteurs soulignent ses apports positifs pour l’image des villes moyennes.

Les objectifs du programme et leur déclinaison soulèvent plusieurs interrogations (A). Les réalisations en matière d’habitat en centre-ville sont notables même si le dispositif Denormandie dans l’ancien n’a pas obtenu le succès escompté (B). En revanche, les résultats en matière commerciale sont plus diffus (C). Si l’impact de ces actions est difficile à évaluer (D), les rapporteurs proposent plusieurs pistes d’approfondissement du programme (E).

A.   UN CADRAGE DU PROGRAMME QUI SOULÈVE DES INTERROGATIONS

L’objectif de « revitalisation » des villes moyennes est assez flou et n’est pas défini par l’ANCT dans ses documents de présentation du programme – ce qui complique la déclinaison d’indicateurs de résultat et d’impact et donc l’évaluation.

  1.   Un objectif relativement flou

Dans le Guide du programme national Action cœur de ville ([73]) publié en 2021, l’ANCT explique que l’objectif d’ACV consiste à « revitaliser les centresvilles des villes moyennes », l’idée étant de « créer les conditions efficientes du renouveau et du développement » des villes moyennes. Il est précisé, dans le paragraphe relatif aux moyens dévolus au programme, que ce dernier « vise dans sa globalité à accompagner les collectivités territoriales dans leur projet de territoire : préparer la transition énergétique et écologique, repenser la densité urbaine, les formes de mobilités, accroître leur attractivité en mettant en valeur les atouts, innovations et pépites locales (patrimoniales, économiques, touristiques, culturels patrimoniaux, sociaux, sportifs, etc.), repenser les complémentarités et coopérations entre le centre et la périphérie mais aussi les liens avec les territoires ruraux et les grandes agglomérations ».

La mission d’évaluation considère que ces éléments de langage correspondent davantage à l’énoncé de généralités – mêlant objectifs finaux, obligations de moyens et aspects méthodologiques – qu’à celui d’objectifs chiffrés précis assortis d’indicateurs. Si l’ANCT estime ne pas être en mesure de fixer d’objectif chiffré global en raison de la multiplicité et de l’hétérogénéité des situations locales ([74]), on peut se demander si le but n’est pas de recueillir le consensus sur la base de formulations générales, laissant la liberté à chaque acteur impliqué dans le programme de les interpréter en fonction de ses propres intérêts. En tout état de cause, cette imprécision ne facilite pas l’évaluation du programme.

  1.   Une logique d’attractivité peu adaptée aux villes moyennes en forte déprise urbaine

Sous couvert d’un objectif de « revitalisation », ce sont en fait des politiques d’attractivité qui ont été décidées, ce qui soulève trois types d’interrogations.

Tout d’abord, est-il pertinent de faire reposer le programme sur une logique d’attractivité empruntée au modèle des métropoles, s’agissant de celles des villes moyennes du programme qui sont en forte déprise urbaine, démographique, économique ou sociale ? Est-il pertinent de mener une politique de montée en gamme du commerce dans un centre-ville marqué par le vieillissement de sa population et la présence importante d’habitants en situation précaire ? Est‑il judicieux de se fixer un objectif de gentrification, c’est-à-dire d’attraction d’une population relevant de catégories socio-professionnelles supérieures, au lieu de se concentrer sur les enjeux propres à la population locale ? À Nogent-le-Rotrou par exemple, les élus, qui projetaient la transformation de l’Hôtel-Dieu en hôtel de luxe, ont finalement abandonné l’idée et opté pour un projet plus conforme aux besoins des habitants en étendant la maison de santé de la ville.

Les rapporteurs se sont interrogés sur le risque de surproduction de logements que recèlent les projets ACV de certaines villes moyennes en déprise démographique continuant à produire de nouveaux logements ou à rénover d’anciens logements pour attirer de nouveaux habitants alors que ce n’est nullement l’offre de logement qui crée la demande. À leur connaissance, aucune réflexion n’a été menée par le Gouvernement quant à l’opportunité de démolir certains bâtiments pour créer des espaces verts. Pourtant, dans la région Grand Est, l’exemple de la commune de Saint-Dizier (23 000 habitants) illustre la faculté qu’ont les élus locaux de partir d’une réalité urbaine caractérisée par une forte décroissance démographique de la ville-centre et un effondrement de l’emploi industriel pour définir une stratégie de rétrécissement urbain et de démolition volontariste de quartiers de logements sociaux : le programme national de rénovation urbaine lancé en 2003 sert à cette commune de cadre à une stratégie de résorption de la vacance résidentielle et de diminution du parc de logement social ([75]). Il ne semble pas que le programme Action cœur de ville offre des outils ou financements permettant la démolition sans reconstruction d’une partie du tissu de logements anciens dégradés dans les villes ayant durablement perdu de la population et présentant un parc de logements surdimensionné. Certaines villes en très forte déprise démographique pourraient pourtant choisir de redimensionner leur offre de logements et ainsi en limiter la vacance tout en améliorant le cadre de vie.

Ensuite, alors que les villes moyennes présentent des formes de fragilité très hétérogènes, le programme Action cœur de ville repose sur une approche généraliste et les villes ne bénéficient pas d’un traitement différencié selon les types de difficultés qu’elles rencontrent.

Enfin, la France entrera bientôt dans une longue phase de décroissance démographique et de vieillissement de la population, perspective qui doit conduire le Gouvernement à revenir sur un paradigme fondé sur l’attractivité en matière d’aménagement du territoire : dans un contexte de baisse de la population, les écarts d’attractivité, s’accroissant entre les territoires les plus dynamiques et les autres, auront des conséquences directes sur le financement des collectivités locales car l’assiette de la dotation globale de fonctionnement repose sur le critère de population et les recettes fiscales locales sont liées à l’attractivité du marché immobilier, lui-même tiré par le dynamisme de la population. Il convient donc d’inventer de nouvelles équations de financement des collectivités sans quoi l’on risque de pénaliser plus fortement les territoires déjà les plus fragilisés.

  1.   L’extension du programme aux entrées de ville : une évolution du sens de l’objectif de revitalisation

L’extension du champ d’application d’un programme intitulé « Action cœur de ville » aux entrées de villes lors de l’acte II de cette politique (2023-2026) induit inévitablement une évolution du sens de l’objectif de revitalisation des villes moyennes – le but étant de mieux tenir compte de l’hétérogénéité des situations de déprise des villes moyennes analysée en première partie de rapport.

L’idée sous-jacente à l’extension du programme aux entrées de ville est qu’il est impératif, pour pouvoir appréhender les enjeux de déprise des villes moyennes dans toute leur complexité et leur diversité – fragilités de la commune-centre, décroissance urbaine ou déprise mixte –, de prendre en compte l’équilibre global de la ville et du bassin de vie et de définir des politiques territoriales garantissant un équilibre entre le centre et la périphérie. Cette extension fait ainsi passer le programme d’une approche des centres-villes à une approche des villes-centres. Sans perdre de vue la question des équilibres entre centre-ville et périphérie, cette nouvelle approche vise à travailler à l’échelle des bassins de vie et d’emploi. Cela étant, cette extension n’est pertinente que si elle implique un renforcement de l’intervention publique sur les questions de stationnement, d’intermodalité et de mobilité durable. Les entrées de ville sont des zones de mixité fonctionnelle supposant une réflexion sur la conversion des friches commerciales, les projets économiques, industriels, de logement et d’équipement.

Proposition n° 6 : Mieux articuler les axes « commerce » et « mobilité » afin de renforcer l’attractivité des centres-villes en facilitant l’accès aux commerces, notamment via le stationnement, les transports en commun, les mobilités douces ainsi que les liaisons avec les couronnes urbaines et périurbaines.

Les entrées de ville sont très hétérogènes d’une ville moyenne à une autre et leur fonction, leur localisation et leur évolution dans le temps influencent fortement les stratégies des intercommunalités : certaines zones commerciales périphériques sont rattrapées par l’urbanisation et repensées comme des espaces hybrides intégrant habitat, commerce et services avec un fort lien avec le centre‑ville. D’autres intercommunalités, telles que Carcassonne, privilégient une reconversion en pôle économique tandis que Montbrison oriente son projet vers une densification et une renaturation sans mixité fonctionnelle. Les projets varient d’un territoire à un autre, justifiant une approche différenciée et adaptée aux spécificités locales.

Depuis la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe ([76]), qui confère aux EPCI la compétence en matière d’aménagement et de gestion des zones d’activités économiques, les intercommunalités sont les acteurs-clefs de la requalification des périphéries commerciales. Les zones commerciales s’étendant souvent sur plusieurs communes, il semble pertinent d’adopter une approche coordonnée à l’échelle du bassin de vie. En ce sens, l’échelon intercommunal facilite la coopération entre les élus du bloc local et permet d’éviter la mise en concurrence entre les communes. Enfin, l’ingénierie intercommunale permet une structuration plus efficace des projets, notamment grâce aux établissements publics fonciers locaux ou à la création de foncières.

Les rapporteurs jugent pertinente l’extension du programme aux entrées de ville mais estiment que requalifier une entrée de ville ne doit pas faire émerger une ville à part entière : les entrées de ville doivent être pensées comme un cheminement vers le cœur de ville, ce qui suppose de créer une offre de mobilité adaptée à ce cheminement et d’éviter que certains habitants ne s’arrêtent à l’entrée de ville. Ils notent d’ailleurs qu’à Châtellerault où ils se sont rendus, l’équipe municipale a fait le choix de ne pas intégrer les entrées de ville dans ses opérations, justement pour ne pas remettre en cause le sens de son action en cœur de ville, son ORT était circonscrite de part et d’autre de la Vienne qui traverse la commune.

C’est dans une optique de complémentarité et de symbiose avec le centre-ville que les projets en entrée de ville doivent être conçus en appréhendant les enjeux de renaturation et d’embellissement de ces « portes d’entrées » des villes comme des gages d’attractivité de l’ensemble du territoire. Les activités localisées en entrée de ville doivent compléter et conforter celles du centre-ville, qu’il s’agisse de logistique, d’ateliers techniques ou de services de mobilité. Les projets commerciaux en entrée de ville doivent viser la constitution d’une offre alternative et distincte – non pas concurrente – à celle présente en centre‑ville, l’idée étant de permettre un développement conjoint de ces différents secteurs.

Les rapporteurs notent que les entrées de ville ne constituent pas un secteur prioritaire d’intervention pour Action Logement qui considère qu’y mener des opérations risquerait de déséquilibrer la dynamique engagée dans les centres‑villes. Néanmoins, les opérations de production nouvelle de logements en entrée de ville peuvent être étudiées au cas par cas, en fonction de leur contribution à la consolidation de l’attractivité de la ville-centre et de leur insertion urbaine. Pour Action Logement, ces opérations doivent impérativement être inscrites dans les périmètres ORT des communes éligibles au programme Action cœur de ville et conforter la continuité urbaine avec les centres-villes.

  1.   Une transversalité à géométrie variable

En audition comme dans la communication gouvernementale, l’un des aspects les plus mis en avant par les acteurs ministériels impliqués dans le programme (ANCT, DHUP et DGE) est le caractère « transversal », voire « holistique » c’est-à-dire intégral, du programme Action cœur de ville : il s’agit pour les élus locaux d’adopter une stratégie « à 360 degrés » pour créer un cercle vertueux d’attractivité plutôt que de travailler secteur par secteur, « en silos ».

ACV présente l’avantage de stimuler, en véritable laboratoire de l’action publique, l’exploration de nouvelles thématiques et, ainsi, de contribuer à enrichir le champ des politiques publiques menées en faveur de la redynamisation des centres-villes. Le programme a ainsi mis au goût du jour les enjeux de sobriété foncière, de nature en ville et l’adaptation au changement climatique. Les rapporteurs saluent également le fait que la Banque des Territoires ait mis à l’ordre du jour de l’action locale des villes et des agglomérations ACV l’enjeu numérique, en particulier au profit du commerce de proximité, en proposant soutien en ingénierie et subventions à la suite de la crise sanitaire, mais également dans le domaine de la nature en ville, en proposant une offre d’ingénierie mettant la nature au cœur des projets de revitalisation (SGREEN et SGREEN +). En matière de transition écologique, le programme ACV a favorisé l’émergence d’un accompagnement spécifique et accéléré les projets en matière de réhabilitation thermique des bâtiments publics, notamment avec le programme « 1 000 écoles » – d’abord décliné dans les communes ACV avant d’être généralisé à l’échelle nationale dans le cadre du programme ÉduRénov.

La transition écologique et la sobriété foncière, fils conducteurs d’ACV 2

 Le Gouvernement présente la transition écologique des territoires comme le « fil conducteur » du programme ACV 2, indiquant que l’ANCT s’attache à promouvoir la sobriété foncière, la renaturation des villes, l’adaptation au changement climatique, la mobilité durable, avec une volonté d’accélération depuis 2023, date du renouvellement du programme. Cependant, les rapporteurs notent que seuls 41 % des habitants des villes ACV (39 % au niveau national) estiment que leur centre-ville ou le centre‑ville qu’ils fréquentent a évolué afin de lutter contre le réchauffement climatique.

 Dans le contexte plus large de la planification écologique, le ministère de la transition écologique vise à ce que soient mieux prises en compte au sein du programme ACV les politiques de l’eau et de la biodiversité. La direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) mène ainsi un travail avec l’ANCT sur la valorisation des actions et des subventions des agences de l’eau en ville ACV, ou soutient des préconisations en matière de préservation de la biodiversité dans les villes moyennes, telles que la promotion du génie écologique, des « territoires engagés pour la nature » de l’Office français de la biodiversité (OFB), ou de la préservation de la trame verte et bleue.

 Selon les données de consommation communale d’espaces naturels agricoles et forestiers fournies par le Cerema, au 1er janvier 2023, les villes ACV s’étaient inscrites dans une trajectoire de sobriété foncière semblable au reste du territoire national, voire légèrement plus performante : depuis le lancement du programme en 2018, la consommation annuelle d’espaces naturels agricoles et forestiers s’est élevée en moyenne à 20 676 hectares par an sur l’ensemble du territoire français ([77]) entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2023, contre 26 341 hectares par an au cours de la période précédant le lancement du programme ACV, entre le 1er janvier 2009 et le 1er janvier 2018. Au niveau national, la consommation annuelle moyenne d’espaces naturels agricoles et forestiers a ainsi diminué de 21,5% entre les deux périodes. Dans le périmètre des 244 villes ACV et au cours de ces mêmes périodes de référence, cet effort est un peu plus important puisque la consommation annuelle d’espaces naturels agricoles et forestiers s’est élevée en moyenne à 964 hectares par an dans les villes ACV entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2023, contre 1 263 hectares par an entre le 1er janvier 2009 et le 1er janvier 2018, soit une baisse de 23,7 %. La part des communes ACV dans la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers au niveau national est ainsi passée de 4,8 % à 4,7 %.

 Quant à l’organisme Action Logement, il estime prendre en compte la transition écologique de plusieurs manières : en soutenant en priorité la rénovation du parc existant, en contribuant à résorber les logements énergivores et peu adaptés au réchauffement climatique et en soutenant la végétalisation des espaces extérieurs des opérations menées. Depuis le lancement de l’acte II d’ACV, Action Logement bonifie les opérations de construction neuve en avance de phase sur la rénovation énergétique 2020 et fixe un objectif minimal d’étiquette C pour l’ensemble des logements rénovés : en 2023, 64 % des financements accordés l’ont été à des logements respectant ces critères ; en 2024, ce chiffre a été porté à 75 %.

D’après les chiffres fournis par l’ANCT aux rapporteurs, les cinq axes du programme occupent des parts comparables dans le programme des collectivités.

Actions livrées

Axe stratégique

Répartition des projets ACV livrés

1. De la réhabilitation à la restructuration : vers une offre attractive de l’habitat

15 %

2. Favoriser un développement économique et commercial équilibré

23 %

3. Développer l’accessibilité et les mobilités décarbonées

18 %

4. Aménager durablement l’espace urbain, mettre en valeur le patrimoine architectural et paysager et gérer durablement les bâtiments publics

22 %

5. Constituer un socle de services dans chaque ville

19 %

Autres : Animation du programme et autres axes transversaux

3 %

Source : ANCT.

Actions en cours de réalisation et financées

Axe stratégique

Répartition des projets ACV livrés et des projets en cours et financés

1. De la réhabilitation à la restructuration : vers une offre attractive de l’habitat

21 %

2. Favoriser un développement économique et commercial équilibré

20 %

3. Développer l’accessibilité et les mobilités décarbonées

15 %

4. Aménager durablement l’espace urbain, mettre en valeur le patrimoine architectural et paysager et gérer durablement les bâtiments publics

22 %

5. Constituer un socle de services dans chaque ville

18 %

Autres : Animation du programme et autres axes transversaux

3 %

Source : ANCT.

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Source : Atlas national Action cœur de ville, ANCT, 4e trimestre 2024.

Il reste que sur le plan budgétaire, Action cœur de ville semble avoir été pensé pour que l’habitat et le commerce soient les deux axes principaux, l’aménagement des espaces publics et services relevant de financements de droit commun et pesant donc directement sur le budget des communes et EPCI.

Enfin, les rapporteurs notent que la thématique du développement économique a le plus souvent été centrée sur la redynamisation commerciale – symptôme le plus évident de la déprise urbaine – au détriment d’autres enjeux économiques et de la question de savoir quelles activités pourraient être développées dans les centres-villes, en dehors du commerce et des services publics administratifs.

  1.   UN PROGRAMME QUI RECUEILLE LA SATISFACTION DES ÉLUS COMME DES HABITANTS

Lors de leurs auditions comme de leurs déplacements, les rapporteurs ont noté que tous les acteurs impliqués saluaient un programme ayant largement contribué à faire évoluer la perception des villes moyennes dans la définition et la mise en application des politiques publiques.

Il ressort de l’ensemble des travaux de la mission que les élus concernés saluent unanimement le programme Action cœur de ville.

Ainsi, pour l’association Villes de France, le programme Action cœur de ville, « aujourd’hui très largement connu des élus des villes moyennes, (…) s’est révélé être un formidable outil à portée des maires pour faire face (à de) multiples défis » et « le bilan du programme ACV est particulièrement positif à bien des égards, notamment par son effet d’entraînement de nombreuses politiques locales ». Cette association voit dans le fait que plusieurs communes non bénéficiaires l’aient sollicitée pour intégrer ACV un gage indéniable de son succès. Le président de Villes de France et maire de Châteauroux, Gil Avérous, souligne que lors de ses déplacements, « les retours sont particulièrement positifs » et que « de nombreux projets n’auraient pas pu être mis en œuvre sans le programme », citant notamment la création de foncières de redynamisation commerciale – sur laquelle les rapporteurs reviennent infra.

De même, l’association Intercommunalités de France estime que « le programme est globalement bien perçu par les élus intercommunaux concernés. Selon une enquête d’Intercommunalités de France réalisée en 2022 auprès de 300 élus et de techniciens d’intercommunalités, ACV et Petites villes de demain (PVD) sont les programmes actuels les mieux notés en termes d’impact économique constaté sur les territoires. Les intercommunalités concernées par les programmes ACV et PVD sont aussi plus nombreuses à disposer d’une stratégie d’attractivité et de marketing territorial : plus 10 % par rapport à la moyenne des répondants. »

Dans une consultation menée en 2022 auprès des élus des villes ACV, l’ANCT avançait des chiffres flatteurs : 91 % des élus se déclaraient satisfaits du programme, dont 26 % étaient très satisfaits ; 95 % estimaient que les axes du programme étaient cohérents avec les réalités du territoire ; 83 % déclaraient que les partenaires financeurs avaient été des facilitateurs dans le déploiement du programme, 66 % des élus estimaient que le programme avait atteint ses objectifs initiaux.

En définitive, de nombreux témoignages soulignent un changement positif dans la relation des élus avec l’État.

Quant aux habitants des villes ACV, ils sont 55 % à connaître le programme et parmi eux, 77 % à le juger utile. Les rapporteurs présentent ci-dessous une synthèse des résultats du 10e baromètre du centre-ville et des commerces de mai 2025 ([78]) :

 

Habitants des communes ACV

France entière

Sont attachés à leur centre-ville :

70 %

64 %

Se rendent en centre-ville au moins une fois par semaine :

73 %

69 %

Pensent que la modernisation de leur centre-ville doit être une priorité pour leur maire :

89 %

85 %

Connaissent le programme :

55 %

/

Jugent le programme utile pour revitaliser les centres‑villes :

77 %

(parmi les 55 % qui le connaissent)

/

Estiment qu’au cours des 10 dernières années, le centre-ville fréquenté le plus souvent a plutôt été en développement :

49 %

42 %

Estiment qu’au cours des 10 dernières années, le centre-ville fréquenté le plus souvent a plutôt été en déclin :

28 %

25 %

Estiment qu’au cours des 10 dernières années, le centre-ville fréquenté le plus souvent n’a été ni en développement ni en déclin :

23 %

33 %

Par rapport à il y a quelques années, disent se rendre plus souvent en centre-ville :

24 %

19 %

Par rapport à il y a quelques années, disent s’y rendre moins souvent :

38 %

35 %

Disent que leurs habitudes n’ont pas changé à cet égard :

38 %

46 %

La vitalité et le dynamisme de leur centre-ville sont un sujet de préoccupation :

67 %

60 %

Considèrent que la revitalisation du centre-ville doit faire partie des priorités dans le cadre des élections municipales de 2026 :

74 %

66 %


 

Habitants des communes ACV

France entière

Estiment qu’au cours des cinq dernières années, des travaux ont été réalisés dans leur centre-ville ou dans le centre-ville qu’ils fréquentent le plus souvent :

91 %

(parmi eux, 65 % considèrent que ces travaux ont contribué à améliorer ledit centre‑ville)

83 %

Se sentent impliqués dans les décisions liées à l’évolution et aux transformations de leur centre-ville :

40 %

(parmi les 60 % qui ne se sentent pas impliqués, 62 % ne souhaitent pas être davantage impliqués)

37 %

L’observatoire des mobilités des villes moyennes ACV note qu’en 2021‑2022, la fréquentation des centres-villes ACV a augmenté de 11 %, que 64 % des habitants des agglomérations incluant un projet ACV se rendent au moins une fois dans le centre-ville de la ville principale et que 61 % des usagers fréquentant les centres-villes proviennent de l’extérieur de la commune ACV en question. En outre, 87 % des centres-villes ACV en France métropolitaine observent une hausse de fréquentation, 79 centres-villes ACV enregistrent en moyenne 1 million de visites par mois, contre 66 en 2021 ; 14 centres-villes ACV ([79]) enregistrent en moyenne 2 millions de visites par mois, contre 7 villes en 2021. On note une hausse d’un million de visiteurs mensuels dans certaines villes ACV d’ÎledeFrance comme Sartrouville, Poissy, Fontainebleau, Mantes-la-Jolie, Meaux ou Évry.

La fréquentation dans les cœurs de villes ACV a augmenté de 11 % ([80]) entre septembre 2020-août 2021 et septembre 2021-août 2022. À l’inverse, les centres‑villes hors ACV ont observé une légère baisse de leur fréquentation (‑5,5 %). Le centre-ville de Carpentras (Provence-Alpes-Côte d’azur) réalise la hausse de fréquentation le plus importante entre les deux périodes analysées avec 550 000 visites par mois en moyenne, au cours des 12 derniers mois.

Pour les années 2022-2023, l’édition de mars 2024 de l’analyse de la fréquentation piétonne effectuée par l’observatoire des mobilités note une augmentation de 8 % de la fréquentation des centres-villes ACV. De plus, cette augmentation de la fréquentation concerne 86 % des villes ACV ; 83 centres‑villes ACV ont enregistré en moyenne un million de visites par mois et 19 centres‑villes ACV ([81]), 2 millions de visites par mois. Entre septembre 2022 et août 2023, 64 % des habitants des EPCI ACV se sont rendus au moins une fois par mois dans le centre-ville de la ville principale et 63 % des usagers fréquentant les centres‑villes provenaient de l’extérieur de la commune ACV en question. Les quatre villes enregistrant la croissance la plus importante du nombre de visiteurs en provenance d’autres territoires au cours de la période 2022-2023 sont Millau, Saint‑Michel-sur-Orge, Revel et Briançon.

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Les rapporteurs notent que l’ANCT n’a pas renouvelé son contrat avec la société MyTraffic, fournisseur des données utilisées par l’observatoire des mobilités. C’est pourquoi aucune donnée de fréquentation n’a été publiée en 2025.

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C.   DES RÉALISATIONS NOTABLES EN MATIÈRE DE RÉHABILiTATION DE L’HABITAT ANCIEN MALGRÉ L’INSUCCÈS DU DISPOSITIF DENORMANDIE

Si la réhabilitation des logements anciens grâce aux financements de l’Anah et d’Action Logement est indéniablement l’une des réussites du programme Action cœur de ville, les rapporteurs ne peuvent en dire autant du dispositif Denormandie qui, pour l’heure, n’a pas « rencontré son public ».

  1.   Une accélération de la réhabilitation de l’habitat ancien dégradé en cœur de ville

Placé en première position et épaulé financièrement par deux partenaires spécialisés – l’Anah et Action Logement –, l’axe « habitat » semble au cœur du dispositif Action cœur de ville. Auparavant, au cours des années 2000 et 2010, l’accent était mis sur le soutien au tissu commercial et à l’aménagement des espaces publics : les actions sur l’habitat sont alors plus ponctuelles car difficiles à mener en raison de l’insuffisance des dispositifs d’incitation à l’amélioration des façades et de la performance énergétique face au degré de dégradation de certains immeubles, souvent vacants. Avec le lancement d’Action cœur de ville, les collectivités ont été conduites à intégrer à leur stratégie de territoire un objectif prépondérant d’amélioration de l’habitat ancien. Que l’acquisition de foncier soit devenue un enjeu central des projets de revitalisation des villes moyennes constitue un véritable changement de paradigme dans l’approche qu’ont ces collectivités de leur territoire.

Le schéma ci-dessous, décrivant la stratégie de la ville de Chambéry en matière d’habitat dans le secteur ancien de la ville, illustre la cohérence entre les outils utilisés par la ville dans le cadre du programme : l’OPAH-RU de Chambéry est ainsi complétée par un dispositif « Pack copro » ([82]), le dispositif « Aide aux façades » ([83]), par un dispositif d’« aide aux copropriétés pour améliorer leur sécurité », auxquels vient s’ajouter l’exonération de taxe foncière décidée par la ville depuis le 1er janvier 2023 en cas de travaux de rénovation énergétique. En complément de l’OPAH-RU, la ville mène une opération de restauration immobilière (ORI).

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Source : Ville de Chambéry.

  1.   L’accroissement du recours aux OPAH-RU

Selon les informations transmises par la DHUP, au 31 décembre 2024, 232 territoires étaient engagés auprès de l’Anah dans la réhabilitation de leurs logements et 165 collectivités ACV étaient couvertes par une OPAH-RU. Le dispositif des OPAH-RU a été utilisé en complément d’autres outils comme les concessions d’aménagement, ce qui a facilité l’intervention des opérateurs publics (SEM, SPL, bailleurs sociaux…) et des partenaires nationaux sur des îlots d’habitat dégradé.

Source : Atlas national Action cœur de ville, ANCT, 4e trimestre 2024.

Agence spécialisée dans l’amélioration de l’habitat, l’Anah ne peut intervenir que sur les logements, ce qui peut poser difficulté dans les rues commerçantes des centres-villes anciens où les locaux sont mixtes : typiquement, les immeubles de ces artères souvent piétonnes sont constitués d’un commerce en pied d’immeuble et d’un logement au premier étage, ayant autrefois hébergé des commerçants. Laissés vacants par les commerçants logeant ailleurs, ces logements, souvent inaccessibles par une autre porte que celle du commerce en rezdechaussée, se dégradent. Or, l’Anah ne peut octroyer MaPrimeRénov’ Copropriété qu’aux propriétaires de logement, par forfait et pour chaque logement de la copropriété. En revanche, l’agence a la faculté, en application d’un décret du 22 mai 2019, de proposer des régimes d’aide à titre expérimental, ce qu’elle a fait à partir d’avril 2021 ([84]) et jusqu’au 31 décembre 2023 pour améliorer qualitativement des immeubles situés en cœur de ville. L’agence a proposé deux dispositifs : l’un permettant l’accompagnement de la rénovation de façades dans des secteurs déterminés où le logement n’est pas par ailleurs trop dégradé pour nécessiter de plus amples travaux, l’autre visant à faciliter la transformation de locaux non affectés à l’usage d’habitation en vue d’y développer des usages communs au bénéfice de l’ensemble de la copropriété – l’objectif étant de lutter contre l’inoccupation de biens tout en rendant ces locaux utiles.

Mener des opérations de requalification d’îlots ou d’immeubles dégradés est chose complexe – un véritable « travail de dentelle » selon l’équipe municipale de Châtellerault – mais les rapporteurs constatent que les dispositifs sont de mieux en mieux connus et maîtrisés et qu’une culture de l’intervention directe se développe au sein des collectivités des villes moyennes : les villes ACV recourent de plus en plus à des opérations d’acquisition par la puissance publique, par voie d’expropriation ou de préemption, de biens immobiliers très dégradés, souvent vacants, pour réhabiliter leur centre-ville. Le périmètre d’ORT leur facilite la tâche en conférant une légitimité à la déclaration d’utilité publique associée aux démarches d’expropriation.

En matière de résorption de l’habitat insalubre (RHI) et dangereux, si, en 2018, 12 communes ACV avaient eu recours à des financements Anah – RHI et traitement de l’habitat insalubre remédiable ou dangereux et des opérations de restauration immobilière, couramment appelé THIRORI – pour un montant de 1,8 million d’euros, en 2024, ce montant a été porté à 6,1 millions d’euros au bénéfice de 16 communes ACV. La DHUP estime que cette évolution témoigne non seulement d’une meilleure appropriation de ces financements par les collectivités ACV mais surtout d’un engagement opérationnel permettant le financement des déficits d’opération au stade « travaux » desdites opérations. La DHUP attribue cette évolution positive à un effet d’entraînement du programme ACV sur les propriétaires et les collectivités.

Cela étant, la mission d’évaluation estime que la subvention de ce type d’opération de renouvellement urbain ne représente qu’une part minime des montants engagés par l’agence dans les communes ACV, la majorité des financements étant consacrée à des aides aux propriétaires et aux syndicats de copropriété pour la réalisation de travaux et au financement d’études. En d’autres termes, le lancement d’ACV a entraîné un recours beaucoup plus important aux aides à l’amélioration de l’habitat privé qu’aux opérations coercitives de résorption de l’habitat très dégradé en cœur de ville.

Le traitement de l’habitat insalubre remédiable ou dangereux
et des opérations de restauration immobilière

 Le traitement de l’habitat insalubre remédiable ou dangereux et des opérations de restauration immobilière (THIRORI) concerne les immeubles insalubres remédiables et les opérations de restauration immobilière (ORI). L’objectif de ce traitement est de réhabiliter des logements dégradés pour améliorer le bâti existant sans démolition : il s’agit à la fois de préserver et de valoriser le patrimoine bâti ; d’éviter la démolition lorsque la réhabilitation est possible ; et, enfin, de renforcer l’attractivité des centres‑villes et des quartiers anciens. Sont concernés les immeubles sous procédure de lutte contre l’habitat indigne (insalubrité remédiable et mise en sécurité ordinaire), les bâtiments inclus dans une ORI, notamment après une déclaration d’utilité publique (DUP), les logements nécessitant une réhabilitation complète mais conservables.

 L’Anah finance jusqu’à 40 % des dépenses pour les opérations de restauration immobilière. Les collectivités ont la possibilité d’obtenir des financements complémentaires via des prêts aidés ([85]) ou des aides locales.

 Pour engager une opération de THIRORI, il est nécessaire de repérer les immeubles éligibles nécessitant une rénovation lourde, de définir le projet de restauration immobilière en termes de travaux à réaliser et d’objectifs urbains, d’obtenir une déclaration d’utilité publique (DUP) ORI si nécessaire et enfin, de déposer un dossier de financement auprès de l’Anah.

 Dans le cadre du THIRORI, la commune ne doit pas nécessairement acquérir le bien. Si le bien est concerné par une déclaration d’utilité publique portant opération de restauration immobilière (plus couramment appelée ORI), la commune peut l’acquérir si les propriétaires ne réalisent pas les travaux exigés mais dans la majorité des cas, les propriétaires restent propriétaires et doivent faire les travaux eux-mêmes, avec un accompagnement et des financements possibles.

 Si le dispositif de résorption de l’habitat insalubre (RHI) est adapté aux immeubles irrécupérables nécessitant une démolition, le THIRORI permet de réhabiliter des logements dégradés mais récupérables.

En définitive, le programme ACV a incontestablement favorisé l’accélération de la lutte contre l’habitat indigne, insalubre, dangereux et dégradé dans les villes moyennes, les collectivités ayant actionné tous les leviers mis à disposition dans le cadre des OPAH-RU, que ce soit en matière d’ingénierie – pour la réalisation d’études et de diagnostics techniques sur des îlots d’habitation, le suivi renforcé de l’animation et la chefferie de projet – ou d’aides incitatives ou coercitives pour la réalisation des travaux (Ma Prime Logement Décent, interventions sur les copropriétés dégradées, transformation d’usage, vente d’immeubles à rénover, dispositif d’intervention immobilière et foncière, travaux d’office, résorption de l’habitat insalubre).

La vente d’immeubles à rénover (VIR) et le dispositif d’intervention immobilière et foncière (DIIF) : deux dispositifs créés en 2020 par l’Anah

 Le DIIF et la VIR sont des outils de requalification des centres-villes permettant de contribuer à la valorisation de biens vacants plus ou moins dégradés et à la dynamisation du marché immobilier local. Ils relèvent d’une approche incitative du traitement du parc privé : pour les propriétaires, ils facilitent la vente à des maîtres d’ouvrage professionnels en valorisant leur bien et prévenant ainsi les risques d’acquisition par des propriétaires indélicats. Ils relèvent aussi d’une approche plus volontariste, par le rachat de biens sous arrêté d’insalubrité ou de péril ou déclaration d’utilité publique d’opération de restauration immobilière, ou ayant déjà fait l’objet de financements de RHI/THIRORI (traitement de l’habitat insalubre remédiable ou dangereux et des opérations de restauration immobilière).

 Le DIIF peut être utilisé dans le périmètre d’une ORT et la VIR, dans le périmètre de l’ORT ou de l’OPAH-RU. La subvention peut atteindre un taux maximal de 25 % pour un plafond de travaux subventionnables de 1 000 euros hors taxe par mètre carré plafonné à 900 000 euros hors taxe par immeuble, soit une subvention maximale de 225 000 euros par immeuble.

 Les opérations doivent porter sur des immeubles entiers et viser la réhabilitation globale d’immeubles vacants ou dégradés avec gain énergétique ([86]). Les bénéficiaires sont les porteurs de projets, tels que les bailleurs sociaux, les SEM, les sociétés publiques locales d’aménagement, les concessionnaires d’aménagement, les établissements publics fonciers, les promoteurs privés, etc.

 Selon l’Anah, les dispositifs n’ont quasiment pas été utilisés par les collectivités (seul un dossier DIIF a été déposé à Béziers pour cinq logements et un dossier VIR à Melun pour six logements) en raison de certains freins opérationnels, notamment en matière de critères d’éligibilité, de conditions au projet de sortie et de montants de subventions pour des opérations réalisées sur des territoires en déprise immobilière et foncière.

b.   Une contribution majeure d’Action Logement

Depuis 2018, 28 014 logements ont été financés grâce à Action Logement dont 82 % dans le parc social intermédiaire, 13 % dans le parc privé et 5 % en accession sociale à la propriété : la majorité des opérations a donc bénéficié aux bailleurs sociaux.

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Source : Atlas national Action cœur de ville, ANCT, 4e trimestre 2024.

Action Logement a décidé d’ouvrir son offre au parc privé qui représente 77 % des logements dans les villes ACV (hors Mayotte), en proposant des financements aux opérateurs privés s’engageant à rester propriétaires des logements et à les louer à des salariés pendant une durée minimale de neuf ans. La stratégie retenue par Action Logement en direction des opérateurs privés vise des opérations de petite échelle, de six logements en moyenne, dans lesquelles les bailleurs sociaux s’engagent rarement puisqu’ils privilégient des opérations de grande ampleur plus faciles à « équilibrer », compte tenu de leur coût structurel. Pour obtenir des financements, les opérateurs privés doivent s’engager à assurer une rénovation globale de l’immeuble afin de modifier de manière significative le tissu ancien du centre‑ville – là où l’Anah aide les propriétaires à l’échelle du lot. 75 % des logements financés doivent être abordables pour les salariés et sont donc conventionnés avec l’Anah ou avec Action Logement. Les publics visés sont de jeunes actifs et des ménages en situation de séparation ou de divorce qui ne peuvent plus faire face à des charges de logement trop élevées.

Les rapporteurs se félicitent de l’effet d’entraînement qu’a la mobilisation des acteurs privés sur la vitalité des projets ACV, ces rénovations étant en cohérence avec les objectifs de revitalisation des centres anciens et de zéro artificialisation nette puisqu’Action Logement priorise ses financements sur les centres-villes et oriente les investisseurs sur ce secteur plutôt qu’en extension urbaine. La réalisation d’opérations emblématiques en centre-ville portant sur du bâti patrimonial constitue un signal envoyé aussi bien aux habitants des centres-villes qu’aux personnes qui le fréquentent régulièrement. Elle vise à signer l’arrêt de la spirale de déclassement de ces secteurs et redonne de la valeur à ces espaces.

Ayant analysé les résultats globaux de son action, Action Logement note que le nombre d’opérations financées par commune est en moyenne plus élevé dans les communes connaissant un recul démographique (de -0,01 à -0,9) que dans les communes ayant connu une évolution démographique positive. Cela peut notamment s’expliquer par le fait qu’existent dans les villes dynamiques des programmes complémentaires, tels que le PNRU, facilitant davantage l’équilibrage financier des opérations et par le fait que l’attractivité résidentielle alimente le marché sans aide spécifique et rende le foncier trop cher, notamment dans le parc privé.

En revanche, si l’on considère le nombre de logements financés par commune – au lieu des opérations –, il apparaît que l’intervention d’Action Logement est plus importante dans les EPCI ayant de forts besoins en logements (supérieurs à 1 500) : de fait, Action Logement finance d’autant plus de logements que la demande salariée de logements est élevée, y compris sur des territoires moins dynamiques en termes d’emploi – tels que les Hauts-de-France – mais caractérisés par de forts besoins sociaux.

  1.   Un rôle accru des établissements publics fonciers

Avec le lancement d’Action cœur de ville, les établissements publics fonciers (EPF) locaux et d’État ont vu leur rôle renforcé dans les projets de revitalisation, notamment dans les opérations d’habitat. Souvent signataires des conventions ACV, les EPF ont adapté leurs modalités d’intervention aux enjeux de l’amélioration de l’habitat ancien dégradé en centre-ville : l’intervention d’un EPF permet la mobilisation de ses compétences en matière de portage foncier, notamment pour les procédures d’acquisition des biens à l’amiable, par préemption ou expropriation puis celle de déconstruction. Les EPF offrent aussi des missions de conseil sur la stratégie à adopter pour faire l’acquisition du foncier et le co‑financement d’études préalables. L’intervention d’un EPF dans une opération en centre‑ville peut également améliorer son bilan financier ([87]).

  1.   Des contraintes réglementaires majeures sur les opérations de réhabilitation de l’habitat privé ancien

L’habitat privé ancien en centre-ville étant très dégradé – et donc très dévalorisé sur le marché immobilier –, sa réhabilitation représente des coûts de travaux très élevés qui dissuadent les investisseurs privés d’intervenir. Elle suppose donc une intervention forte de l’investissement public, souvent bien supérieure aux moyens budgétaires des communes ACV, ainsi qu’une capacité des collectivités à mobiliser des opérateurs en dépit des faibles marges financières qui caractérisent ces projets. Plus encore, mener à bien cette réhabilitation nécessite que les communes aient une fine connaissance des procédures leur permettant d’acquérir des logements vacants, insalubres ou abandonnés. En ce sens, l’étroite collaboration entre communes-centres et agglomérations est indispensable, ces dernières étant souvent mieux dotées techniquement.

Les rapporteurs relèvent plusieurs éléments de contrainte dans le cadre des opérations de revitalisation de territoire comme dans les opérations de réhabilitation d’habitat ancien dégradé comprises dans le périmètre de ces ORT.

Dans le périmètre des ORT, les collectivités ont la faculté de regrouper plusieurs procédures en une seule pour assurer la mise en compatibilité des documents de planification. Or, cette procédure intégrée s’avère complexe à appliquer de sorte que certains territoires préfèrent recourir à d’autres outils de mise en compatibilité qu’ils maîtrisent davantage.

Interrogée par la mission d’évaluation, la DHUP a indiqué ne pas disposer de données chiffrées concernant le recours au droit de préemption renforcé. Si cet instrument offre une vue d’ensemble du marché immobilier dans le centre ancien et permet d’empêcher la vente de lots au sein de copropriétés en difficulté, il reste difficile à utiliser par des collectivités manquant de moyens budgétaires pour préempter des biens présentant un intérêt général.

Une enquête menée par la DHUP en avril 2023 a également mis en lumière que l’ORT ne favorisait pas la mobilisation rapide du droit de préemption renforcé : il est en effet impératif de délibérer en conseil municipal préalablement à son utilisation. En soi, la signature d’une convention ORT ne permet pas de le déclencher de plein droit. Il est donc essentiel d’anticiper le recours à cet instrument.

La procédure de déclaration d’utilité publique (DUP) est incontournable dans certaines opérations d’aménagement dans les centres anciens des villes moyennes, en particulier dans les ORI. Or, elle est relativement longue et complexe : sa durée varie selon la complexité des projets, les contraintes réglementaires et les oppositions rencontrées.

La DUP, en tant que préalable à une expropriation ou à un projet d’intérêt général, suit un processus structuré qui inclut des études préalables (urbanistiques, environnementales, sociales) prenant 6 à 18 mois ; une enquête publique durant d’1 à 3 mois, incluant la consultation des habitants et des parties prenantes ; une instruction administrative (avis des services de l’État, validation préfectorale), durant de 3 à 6 mois. À cela s’ajoutent les contentieux éventuels dont la durée peut s’étendre de 6 mois à plusieurs années. Au total, une DUP sans complications majeures peut prendre 12 à 24 mois, mais dans des contextes urbains sensibles, comme les centres-villes anciens et dégradés, ce délai peut facilement atteindre 3 à 5 ans en raison de facteurs comme les oppositions locales, les contraintes patrimoniales ou les enjeux environnementaux.

Dans les villes moyennes, les élus souhaitant concrétiser des projets d’aménagement en centre-ville ancien sont confrontés à des défis majeurs, sources d’allongement des procédures :

– la présence d’un patrimoine protégé : les centres anciens comportent souvent des bâtiments classés ou situés dans des secteurs sauvegardés, nécessitant des autorisations spécifiques, dont celle de l’architecte des bâtiments de France (ABF), par exemple. Cela peut ajouter plusieurs mois d’études patrimoniales ;

– les oppositions locales : les habitants ou associations peuvent s’opposer aux projets pour préserver l’identité du quartier ou limiter les expropriations, entraînant des recours juridiques ;

– la complexité technique : la réhabilitation de bâtiments dégradés nécessite des diagnostics techniques (amiante, plomb, structure) qui allongent les études préalables.

Ces délais sont d’autant plus longs que certaines villes moyennes manquent de moyens techniques et de ressources juridiques, financières et humaines. En outre, les projets sont assez sensibles dans les centres dégradés, touchant au patrimoine local. Enfin, le cadre réglementaire est parfois assez strict car relevant à la fois des codes de l’urbanisme, du patrimoine et de l’environnement. Ainsi, les ORI sont‑elles beaucoup plus complexes et coûteuses que les OPAH-RU si elles conduisent à appliquer une procédure de DUP et à assurer le relogement temporaire ou définitif des locataires du bien exproprié.

Proposition n° 7 : Simplifier la procédure de déclaration d’utilité publique.

Si les architectes des bâtiments de France (ABF) exercent une mission essentielle de protection du patrimoine paysager, en particulier aux abords des monuments historiques, leurs décisions peuvent susciter certaines incompréhensions et frustrations de la part des porteurs de projets et des élus locaux. Les quatre principaux points de discorde concernent :

– la variabilité des avis, d’un ABF à l’autre ou d’un département à l’autre et le manque de prévisibilité de ceux-ci ;

– des prescriptions trop coûteuses, sachant que la moitié des décisions des ABF sont des accords assortis de prescriptions ;

– un manque de pédagogie des avis, ces derniers n’étant pas toujours motivés ;

– l’absence de prise en compte de la transition écologique : la conciliation des nouvelles normes en matière d’économies d’énergie et de l’impératif de préservation du patrimoine peut s’avérer complexe.

C’est pourquoi le Sénat a adopté une proposition de loi visant notamment à améliorer la prévisibilité et la transparence des décisions rendues par les ABF, en prévoyant la publication systématique de ces décisions sur un registre gratuitement accessible en ligne. Afin de favoriser le règlement des dossiers litigieux en amont des procédures de recours, qui se déroulent à l’échelon régional, la proposition de loi prévoit la possibilité pour le préfet de département de réunir, sur demande du maire, une commission départementale assurant leur examen collégial. Cette commission se penchera notamment sur les avis favorables assortis de prescriptions coûteuses ou techniquement difficiles à mettre en œuvre. Le texte tend enfin à reconnaître la réhabilitation du bâti ancien comme une priorité partagée entre les ABF, les architectes et les services instructeurs des collectivités, en inscrivant cette notion à l’article 1er de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture.

Les rapporteurs sont très favorables à cette proposition de loi, transmise à l’Assemblée nationale le 20 mars dernier.

  1.   Le Denormandie, un dispositif méconnu, complexe et peu attractif

On estime à 881 le nombre de ménages ayant bénéficié du Denormandie en 2024 et à 1 497 ménages au total en 2025. En loi de finances pour 2024, la dépense fiscale était estimée à 10 millions d’euros. Cependant, en 2023, un écart important a été observé entre les prévisions de dépenses (8 millions d’euros) et la dépense effectivement réalisée (3 millions). Le dispositif a donc été moins utilisé que prévu et il est possible que les prévisions de dépenses pour 2024 et 2025 soient également supérieures aux dépenses fiscales effectivement engagées. En tout état de cause, ces chiffres illustrent l’insuccès du Denormandie, qui s’explique non seulement par le fait que sa conception ait fait obstacle à son déploiement (a) mais aussi par le fait que la conjoncture ait freiné les potentiels investisseurs (b).

  1.   Des obstacles structurels au déploiement du dispositif

Le déploiement du Denormandie s’est heurté à plusieurs obstacles structurels : les conditions d’éligibilité du dispositif, une certaine lenteur induite par le délai d’acquisition des biens et la durée des travaux, les contraintes liées au patrimoine ancien, une rentabilité économique incertaine, le lissage de la réduction d’impôt sur plusieurs années et la faible lisibilité de cet outil fiscal.

L’avantage fiscal lié au Denormandie s’échelonne sur plusieurs années selon la durée du bail proposé à la location.

Durée du bail de location

Réduction d’impôt sur le revenu ([88])

6 ans

12 % du prix du bien

9 ans

18 %

12 ans

21 %

Le bénéfice du Denormandie est soumis à de nombreuses conditions d’éligibilité.

Le logement doit être situé dans une des 454 communes éligibles – qu’elles soient labellisées Action cœur de ville ou simplement signataires d’une convention ORT. Le bien investi doit être proposé à la location non meublée pour une durée minimale de 6 ans.

Le logement, ou le local transformé en logement, doit avoir fait l’objet de travaux de rénovation spécifiques, définis par un décret et un arrêté du 26 mars 2019. Les travaux doivent impérativement améliorer la performance énergétique d’au moins 30 %. Sont éligibles au dispositif les travaux de modernisation, d’assainissement et d’aménagement des surfaces habitables nouvelles ; de création de surfaces habitables nouvelles ; de rénovation énergétique afin de réaliser des économies d’énergie ; de rénovation des murs, des toitures ou fenêtres. Les travaux doivent représenter au moins 25 % du coût total de l’opération qui inclut l’achat, les travaux et les frais d’acquisition.

Le logement doit avoir été acheté entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2027. Le niveau du loyer du bien loué et le montant des ressources des locataires ne doivent pas excéder le plafonnement prévu par décret chaque année. Le montant total de l’investissement ne doit pas dépasser 300 000 euros, travaux compris. La réduction d’impôt maximale est de 63 000 euros. Le locataire ne doit pas être membre du foyer fiscal de l’investisseur.

Le délai d’acquisition du bien, qui inclut des démarches administratives, bancaires et notariales et la durée des travaux ralentissent la mobilisation du dispositif.

Le coût des travaux est plus élevé dans les logements anciens. La faible performance énergétique, l’inadaptation des équipements (plomberie, isolation, électricité) à la réglementation ou les techniques spécifiques à la rénovation de l’ancien accroissent le coût des travaux.

Le retour sur investissement n’est pas assuré pour les investisseurs qui doivent tenir compte de l’évolution du prix de l’immobilier, du taux de vacance et du dynamisme économique local : le marché immobilier est particulièrement détendu sur certains territoires, ce qui entraîne un manque structurel d’investisseurs.

Le gain financier du dispositif est lissé sur plusieurs années, empêchant une jouissance immédiate du gain. Par exemple, pour l’achat d’un bien immobilier de 150 000 euros donnant lieu à 50 000 euros de travaux et loué pendant une durée de 9 ans, la réduction d’impôt est de 18 %, soit de 4 000 euros par an.

Quatre sites internet gouvernementaux (service-public.fr, economie.gouv.fr, ecologie.gouv.fr et france-renov.gouv.fr) consacrent une page au dispositif Denormandie, avec des informations disparates et incomplètes, voire contradictoires : ainsi, certains sites, comme celui du ministère chargé de l’écologie, n’ont pas été mis à jour depuis que le dispositif a été prolongé jusqu’en 2027. Cette obsolescence des informations se retrouve sur les sites de certaines banques commerciales. À cela s’ajoute la complexité inhérente à la fiscalité, qui nécessite une bonne maîtrise d’autres dispositifs fiscaux et des mécanismes de réduction d’impôt. Enfin, les collectivités ne savent pas précisément quelles opérations peuvent être menées pour qu’un particulier puisse bénéficier du dispositif : le manque de lisibilité du dispositif pour les communes les empêche de le promouvoir en présentant ses avantages ou des exemples d’opérations.

  1.   Des difficultés conjoncturelles

À ces obstacles structurels s’est ajoutée une conjoncture économique difficile marquée par la crise sanitaire puis la hausse des intérêts d’emprunt et les incertitudes liées au contexte économique et budgétaire.

Tout d’abord, la crise sanitaire a porté préjudice à l’ensemble du secteur du bâtiment et de la construction. Les transactions sur les logements anciens n’ont repris que tardivement en 2021 et le dispositif Denormandie n’a pu être déployé pleinement qu’à la fin de l’année 2021. Ensuite, la hausse des taux d’intérêt d’emprunt a considérablement limité l’achat des biens immobiliers depuis 2022 et, de fait, a limité également le recours au dispositif. Globalement, le contexte économique, financier et géopolitique – marqué par des finances publiques contraintes, une hausse des prélèvements obligatoires, une situation géopolitique dégradée et des politiques monétaires moins accommodantes – est peu propice à l’investissement. Certaines banques alertent même leurs clients en conseillant, sur leur site internet, de ne pas investir dans les quartiers ou les immeubles « trop dégradés ou vétustes » ou dans « les copropriétés en difficulté ». Or, c’est en partie la finalité du dispositif Denormandie qui a été étendu en avril 2024 à ce type de copropriétés.

Enfin, il existe de nombreuses similitudes ([89]) entre les dispositifs Pinel dans l’ancien et Denormandie, s’agissant notamment de l’assiette, du plafond, des taux de réduction d’impôt et de la durée d’engagement de location. Nombre de sites internet proposent de comparer leurs avantages. L’absence d’un opérateur chargé de promouvoir et d’accompagner les ménages dans le déploiement du Denormandie, comme il en existe un pour le Pinel dans son volet investissement en logements neufs, ne favorise pas son déploiement. L’extinction du dispositif Pinel au 31 décembre 2024, devrait favoriser le recours au dispositif Denormandie.

Le dispositif Pinel et ACV

 Le dispositif de réduction d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif intermédiaire « Pinel » est arrivé à échéance au 31 décembre 2024 conformément à son extinction programmée avec une diminution progressive des taux de réduction d’impôt dès la loi de finances pour 2021. Ciblées sur les seules communes classées dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés d’accès au logement sur le parc locatif existant (zonage dit A/B/C actualisé dernièrement en juillet 2024), 118 des communes ACV étaient éligibles au « Pinel », très largement (93 communes) sur les territoires relevant de la zone B1 à l’exemple des communes de Lens, Valenciennes, Quimper, Calais, Boulogne-sur-Mer, Lorient, Perpignan, Carpentras, Cavaillon ou encore Cayenne. À ce titre, l’impact de la mobilisation du « Pinel » sur une éventuelle inversion de la dynamique de déprise des cœurs de ville concernés est délicat à appréhender.

De même, si l’on envisage le dispositif Denormandie du point de vue des investisseurs qui recherchent avant tout la rentabilité de leur investissement locatif, c’est‑à‑dire un équilibre entre risque et rentabilité, il apparaît que les ménages qui s’engagent dans le logement locatif conventionné se tournent plus facilement vers le Loc’Avantages proposé par l’Anah que vers le Denormandie.

Dans un rapport conjoint d’évaluation, l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable ([90]) soulignent que le dispositif est difficile à évaluer en raison de sa complexité, du faible volume d’opérations par territoire, du manque de données disponibles et de la coexistence du Denormandie avec les autres dispositifs fiscaux précités. Les rapporteurs jugent donc indispensable d’améliorer la collecte de données sur ce dispositif.

Les rapporteurs jugent que le Denormandie reste un très bon produit, l’analyse, par le Laboratoire de l’immobilier, des opérations réalisées à ce jour faisant apparaître qu’elles ont été faites sur des territoires où le marché est détendu et l’offre neuve, quasi inexistante : les promoteurs ont délaissé ces territoires depuis des années voire des décennies si bien qu’un appartement rénové, bien isolé et performant sur le plan énergétique sera attractif sur un marché vieillissant. Un autre atout de ce dispositif réside dans le fait qu’il soutient des projets à taille humaine portés par des opérateurs de terrain dans des immeubles en centre-ville, situés dans des quartiers structurés équipés de commerces et services de proximité. Les opérations réalisées à l’aide du Denormandie concernent de petits immeubles intégrés au tissu urbain existant : la taille moyenne des programmes Denormandie est de 18 logements. Plus on s’éloigne des zones tendues, plus les opérations sont modestes. Si l’extinction du dispositif Pinel ne peut qu’être bénéfique au Denormandie, les rapporteurs suggèrent d’améliorer l’attractivité fiscale de cet outil en le simplifiant, en assouplissant ses conditions d’éligibilité, en accroissant sa notoriété et en l’étendant aux locaux commerciaux.

Proposition n° 8 : Réformer le dispositif Denormandie en le simplifiant, en assouplissant ses conditions d’éligibilité et en l’étendant aux locaux commerciaux dans les immeubles mixtes.

  1.   Des résultats difficiles à interpréter

La présentation des résultats du programme s’appuie sur les dernières données disponibles, issues de l’Atlas Action cœur de ville publié par l’ANCT au 4e trimestre 2024 ainsi que les résultats du 5e baromètre de l’immobilier pour 2023, publié par l’ANCT et les Notaires de France en novembre 2024.

Les deux principaux indicateurs retenus par l’ANCT concernant l’axe 1 du programme sont l’évolution du marché immobilier dans les villes du programme et la vacance globale et structurelle des logements du parc privé, mesurée annuellement.

  1.   Un marché immobilier dynamique jusqu’en 2022-2023

 

Villes ACV

Évolution des ventes 2018-2019

+ 10 %

Évolution des ventes 2019-2020

- 5 %

Évolution des ventes 2020-2021

+ 16 %

Évolution des ventes 2021-2022

+ 8 %

Évolution des ventes 2022-2023

- 20 %

(contre - 23 % dans les autres villes)

Taux de croissance des ventes immobilières entre 2018 et 2023

+ 2 % par an

(contre - 1 % au niveau national)

Nombre de ventes en 2022

153 836

Nombre de ventes en 2023

122 770

Évolution du prix des appartements 2022-2023

+ 1,4 %
soit 1 927 euros par mètre carré en moyenne

(contre 0 % dans les autres villes, soit 3 548 euros par mètre carré en moyenne)

Évolution du prix des maisons

- 1,4 % soit 175 000 euros en moyenne

(contre - 1,1 % dans les autres villes, soit 200 000 euros en moyenne)

Source : Notaires de France.

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Source : Atlas national Action cœur de ville du 4e trimestre 2024 et 5e baromètre de l’immobilier,
ANCT et Notaires de France, novembre 2024.

De 2015 à 2021, le volume de transactions de logements anciens a fortement progressé, seulement marqué temporairement par la baisse due à la crise sanitaire. Les raisons de cette hausse sont connues : des taux d’intérêt faibles, un allongement de la durée des prêts, des incitations fiscales ciblées, des prix en province globalement raisonnables et un stock plus important de biens immobiliers mutables. Les volumes ont commencé à baisser en août 2021. Les prix médians des logements ont tendanciellement augmenté entre 2015 et 2024. Le marché des villes de taille moyenne restait classiquement plus accessible, surtout en termes de prix. La baisse des prix de l’immobilier dans les villes moyennes a commencé à se manifester dès la fin de l’année 2022. Cette tendance à la baisse s’est accentuée en 2023, avec des corrections de prix généralisées à travers le pays.

Par ailleurs, la hausse des taux d’intérêt des crédits immobiliers s’est amorcée dès 2022 et s’est accentuée en 2023. Cette augmentation a eu un impact significatif sur le pouvoir d’achat immobilier des ménages, réduisant leur capacité d’emprunt et entraînant une baisse de la production de nouveaux crédits.

Selon le 5e baromètre de l’immobilier dans les villes ACV pour l’année 2023 ([91]), créé par l’ANCT en lien avec les Notaires de France pour comparer la situation des villes ACV aux villes hors programme, entre 2018 et 2023, le taux de croissance des ventes a été de 2 % dans ces villes et 66 % des communes ACV ont une dynamique des ventes en hausse. Ce baromètre met en lumière que la proportion de biens vendus dans les communes ACV en étiquette A et B rattrape celle des autres villes en 2023 ; que le nombre d’acquéreurs extérieurs aux villes ACV a augmenté de 5 % depuis 2018 et que les prix médians des ventes réalisées dans les villes ACV se sont maintenus au cours des deux dernières années.

L’étude des étiquettes énergétiques des biens vendus depuis 2018 est un moyen de mesurer les efforts réalisés concernant l’amélioration de l’isolation énergétique du parc immobilier privé, contribuant ainsi à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à améliorer la qualité de vie des habitants et leurs factures énergétiques. En 2018, les communes ACV connaissaient une situation dégradée par rapport aux autres villes : que ce soit pour les maisons ou les appartements, les logements vendus étaient de classes énergétiques plus basses qu’ailleurs.

Depuis, les logements vendus tendent progressivement et de manière régulière à être de meilleure qualité énergétique : la proportion de biens vendus de catégories A, B, C et D augmente tandis que la proportion de biens de catégorie E ou plus basse diminue.

Évolution annuelle des étiquettes énergétiques des ventes d’appartement dans les villes ACV, comparées aux autres villes françaises

(en pourcentage)

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Source : 5e baromètre de l’immobilier, ANCT et Notaires de France, novembre 2024.

Évolution annuelle des étiquettes énergétiques des ventes de maison
dans les villes ACV, comparées aux autres villes françaises

(en pourcentage)

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Source : 5e baromètre de l’immobilier, ANCT et Notaires de France, novembre 2024.

Il ressort du 5e baromètre que 85 villes du programme ACV sur les 212 analysées – soit seulement 40 %, après 42 % en 2021 et 50 % en 2022 – sont plus dynamiques que le reste de leur EPCI. Parmi ces 85 villes, 10 portent le marché local face à une périphérie qui décroît – soit 5 % des villes du programme. À l’inverse, pour 29 % des villes du programme (61 villes), la périphérie reste plus dynamique que la ville-centre qui se maintient ou voit son marché décroître. Enfin, 57 villes (27 %) ont un développement similaire au reste du territoire de leur EPCI. Les EPCI des villes ACV semblent donc subir de manière légèrement plus conséquente la baisse des ventes de logements. Les villes ACV résistent ainsi un peu mieux à la crise immobilière de 2023 que le reste de leur EPCI.

Au lancement du programme en 2018, les acquéreurs des villes ACV étaient moins susceptibles de provenir d’une autre commune que pour les autres villes de taille comparable. Autrement dit, les villes ACV avaient tendance à être moins attractives pour les acquéreurs extérieurs. Depuis, l’ANCT et les Notaires de France constatent une évolution positive de la proportion d’acquéreurs extérieurs à la commune, interprétée comme un signe de l’attractivité croissance des villes ACV. La proportion d’acquéreurs extérieurs passe ainsi de 54 % en 2018 à 59 % en 2023 (+5 points). Cette tendance est d’autant plus marquante qu’au niveau national, et en particulier pour les villes comparables à des villes ACV entre 20 000 et 100 000 habitants, on constate une augmentation bien plus faible (+2 points). Une analyse similaire au niveau de l’EPCI des villes-centres ACV montre à l’inverse que les acquéreurs sont plus susceptibles d’être originaires de ce même EPCI.

L’ANCT déduit de ces observations que les acquéreurs des villes ACV ont la particularité d’être plutôt originaires des alentours de la commune et que les villes ACV sont donc des pôles d’attractivités locaux.

b.   Un taux de vacance des logements relativement stable entre 2020 et 2023

Il ressort de l’Atlas publié par l’ANCT au 4e trimestre 2024 que le taux de vacance des logements des communes ACV est resté relativement stable entre 2022 (4,6 %) et 2023 (4,7 %). Ce taux était également de 4,7 % en 2020, en diminution de 0,08 % par rapport à 2019.

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Source : Atlas national Action cœur de ville, ANCT, 4e trimestre 2024.

  1.   Des résultats difficiles à interpréter

Les rapporteurs estiment que les données de résultat présentées par l’ANCT dans le 5e baromètre de l’immobilier sont difficiles à interpréter en termes de regain d’attractivité des villes moyennes. S’agissant de l’ancien, le Conseil supérieur du notariat considère ainsi qu’il est impossible de faire la part entre les effets du programme ACV et ceux découlant de tendances sociétales confirmées ou accélérées par les confinements sanitaires de 2020-2021. D’autre part, les indicateurs retenus par l’ANCT ne permettent pas véritablement de mesurer avec précision la plus-value apportée par le programme ACV.

  1.   L’AXE COMMERCIAL : DES RÉSULTATS MITIGÉS

Répondant non seulement aux besoins de la vie courante mais aussi à un désir de sociabilité ainsi qu’à un enjeu d’attractivité des territoires, le commerce de proximité est confronté depuis les années 1990 à des défis économiques, sociaux et territoriaux qui se sont sédimentés au fil des décennies : la concurrence des hypermarchés et de la grande distribution, une déprise démographique ([92]) se cumulant à cette concurrence économique pour engendrer un phénomène de vacance commerciale en centre-ville et, enfin, plus récemment, la concurrence croissante du commerce en ligne (e-commerce ou commerce électronique) et de l’ultra fast fashion ([93]) ainsi que les enjeux écologiques liés à l’étalement urbain et à l’artificialisation des sols. Si l’on est passé d’une concurrence entre commerces de proximité et grande distribution à une concurrence entre commerce physique et commerce digital, la dichotomie entre ces deux modèles est devenue obsolète, les commerces physiques développant désormais une stratégie mixte, « omnicanale » ou « phygitale ». En revanche, le modèle de l’ultra fast fashion constitue un défi aux multiples facettes – non seulement économique mais plus encore écologique et social – qui dépasse d’ailleurs largement le cadre géographique des villes moyennes.

Face à ces défis, la politique de l’État en faveur du commerce de proximité est passée, au tournant des années 2014-2018, d’une logique de soutien économique direct via le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) ([94]) à une logique d’aménagement du territoire, avec les contrats de revitalisation artisanale et commerciale (2014), l’appel à manifestation d’intérêt pour la redynamisation des centres-bourgs, le lancement du projet « Centres-villes de demain » et enfin, les programmes Action cœur de ville puis Petites villes de demain. Cette évolution historique de la politique de l’État dans le secteur commercial s’est matérialisée à l’échelon gouvernemental par le transfert de la gestion de cette politique de la direction générale des entreprises du ministère chargé de l’économie à l’ANCT.

Avant de revenir dans le détail sur les outils institués par le Gouvernement en matière commerciale, les rapporteurs présentent quelques éléments statistiques relatifs aux habitudes de consommation des habitants des villes ACV issus du 10e baromètre du centre-ville et des commerces.

Le 10e baromètre du centre-ville et des commerces : des résultats contrastés

 Selon le 10e baromètre du centre-ville et des commerces, 85 % des habitants des villes ACV ([95]) considèrent le fait de faire ses courses en centre-ville comme un acte citoyen. 61 % des habitants de ces communes font leurs courses en centre-ville quand ils vont s’y promener, 48 %, quand ils ont besoin d’un produit particulier, et 38 % d’entre eux, quand ils doivent offrir un cadeau. Cependant, le centre commercial de périphérie reste le premier choix des Français (75 %) comme des habitants des communes ACV (79 %) pour leurs achats courants, un score en hausse.

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Source : 10e baromètre du centre-ville et des commerces, mai 2025.

Dans les communes ACV, les centres commerciaux de périphérie sont privilégiés pour leur simplicité d’accès en voiture (43 % des personnes interrogées), la garantie d’avoir des prix plus bas qu’en centre-ville (25 %) et la praticité d’avoir tous les magasins au même endroit (19 %) : ces chiffres illustrent l’importance-clef de l’enjeu de mobilité pour les clients des commerces de proximité.

En 2025, 79 % des habitants des communes ACV ont constaté en centre‑ville une baisse des commerces de prêt-à-porter neuf, contre 72 % au niveau national ; 70 % des habitants des villes ACV, contre 60 % de la population nationale, estiment que cette baisse doit être une question prioritaire pour le maire et ses équipes.

Source : 10e baromètre du centre-ville et des commerces, mai 2025.

  1.   Une multiplicité d’outils à disposition des collectivités territoriales
    1.   Un soutien indirect au commerce via des politiques d’habitat et d’aménagement

N’apparaissant qu’en deuxième position parmi les axes du programme Action cœur de ville, le commerce n’y semble pas aussi central que l’habitat : le soutien au commerce est plutôt conçu comme « indirect », résultant des autres volets du programme visant à réinstaller des habitants et à stimuler la fréquentation du centre-ville grâce à la réhabilitation du bâti, à la construction de logements et à la conduite d’opérations d’aménagement. Qui plus est, l’axe commercial du programme ACV ne bénéficie pas de crédits dédiés mais s’appuie principalement sur les opérations de revitalisation de territoire (ORT).

Pour favoriser les implantations commerciales en centre-ville, les conventions d’ORT délimitent un périmètre au sein desquelles les collectivités et le préfet de département sont dotés de prérogatives renforcées, à commencer par le droit de préempter des locaux commerciaux.

En outre, les grandes surfaces souhaitant s’implanter au sein de l’ORT sont dispensées de la procédure d’autorisation d’exploitation commerciale.

Les maires de toutes communes – ACV ou pas – ont aussi la faculté de demander à la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) compétente d’examiner tout projet de création d’un magasin de commerce de détail dont la surface de vente est comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés.

Enfin, en vertu des articles L. 752-1-2, R. 752-29-2 et R. 752-29-3 du code de commerce, le préfet a la faculté de suspendre l’autorisation d’exploitation commerciale d’une grande surface située dans la commune en dehors du périmètre de l’ORT.

Complexe et enserrée dans des délais très contraints ([96]), la procédure de suspension d’exploitation commerciale par le préfet nécessite une très grande réactivité de la part des élus et un consensus politique fort entre eux pour en décider. C’est pourquoi les rapporteurs proposent d’assouplir les délais d’engagement de cette procédure.

Proposition n° 9 : Assouplir les délais d’engagement de la procédure de suspension d’autorisation d’exploitation commerciale.

b.   Les quatre mesures du plan de relance en faveur du commerce dans les communes ACV

Avant la crise sanitaire, le programme Action cœur de ville ne s’accompagnait pas de nouveaux moyens consacrés au commerce. Au contraire, le lancement d’ACV a coïncidé avec l’extinction du FISAC, fonds qui visait à accorder des soutiens directs aux commerces de proximité via des subventions aux collectivités locales pour financer des opérations collectives et des subventions individuelles aux commerces en milieu rural. Au terme d’une décrue progressive de ses crédits, le FISAC a été supprimé par la loi de finances initiale pour 2019. La même année, l’État adoptait une stratégie nationale pour l’artisanat et le commerce de proximité qui ne comprenait pas non plus de moyens financiers supplémentaires en dehors de dispositifs fiscaux.

Cependant, en juin 2020, le plan de relance consécutif à la crise sanitaire a changé la donne avec l’adoption de quatre mesures gérées par la Banque des Territoires : un dispositif d’ingénierie consacré au commerce (étude Shop’in), un dispositif d’accompagnement à la numérisation des commerces et le cofinancement de managers de commerce et de solutions numériques locales. Ces mesures ont d’abord bénéficié aux communes ACV puis aux communes PVD et, à partir de 2021, à toutes les communes de 3 500 à 150 000 habitants.

Le plan de relance a prévu deux dispositifs d’ingénierie au profit du commerce : le diagnostic d’impact de la crise et l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour accompagner les collectivités locales dans la définition du besoin et le choix et la mise en œuvre d’une solution numérique collective. Le second dispositif semble avoir été peu mobilisé, contrairement au premier.

Pour la Cour des comptes, qui s’appuie sur une évaluation de la Banque des Territoires, « le déploiement massif de cette offre d’ingénierie a constitué un atout important pour le programme ACV. Il a permis de faire émerger de nouveaux projets ou de mieux accompagner des projets déjà en préparation dans les collectivités concernées. L’évaluation a toutefois identifié un risque de surconsommation pour atteindre les objectifs fixés, compte tenu des objectifs très ambitieux formalisés sur le volume d’ingénierie à déployer. Elle évoque également des objectifs trop axés sur le quantitatif et pas assez sur le qualitatif. »

Toujours dans le cadre du plan de relance, le financement de managers de commerce, pendant une durée de deux ans et à hauteur de 20 000 euros par an, a été « plébiscité » par les collectivités ACV et PVD. D’après la Cour des comptes, qui a publié en 2023 un rapport thématique sur le commerce de proximité couvrant la période 2017-2022 ([97]), « entre 2020 et 2022 : 118 communes ACV ont sollicité le cofinancement d’un manager de commerce pour un montant de 4,5 millions d’euros ».

D’après la direction générale des entreprises, l’absence de profil type, de formation et de ressources financières a progressivement détourné les managers de commerce de leur mission de contribution à la stratégie de redynamisation commerciale des communes au profit de la structuration et de l’animation de l’action collective au travers d’actions de communication et d’organisation d’événements. Proposée par la Banque des Territoires dans le cadre de séminaires annuels, la formation des managers de commerce, d’une durée de deux jours, paraît trop courte à ses bénéficiaires. Par ailleurs, une convention a été conclue avec le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et un partenariat, avec l’université de Caen, sous l’égide de la Fédération française des associations de commerçants.

Les rapporteurs proposent de pérenniser le financement des managers de commerce.

Proposition n° 10 : Pérenniser le financement des managers de commerce.

Créé en 2018 et géré par la Banque des Territoires, le programme des foncières de redynamisation – foncières à capitaux publics prenant la forme de sociétés d’économie mixte (SEM) ou de sociétés anonymes filiales de SEM – a pour objet de pallier la carence de l’initiative privée et de redynamiser les linéaires commerciaux dans les communes et secteurs en déprise caractérisés par la dégradation de locaux commerciaux requérant une remise aux normes. Les collectivités locales n’étant pas toujours en mesure d’assurer le portage de locaux commerciaux en régie ni la gestion de ces locaux, ces foncières constituent un « véhicule d’investissement public susceptible de porter le foncier commercial sur une durée plus longue que celle des investisseurs privés classiques (10 à 15 ans) afin de parvenir à équilibrer des opérations en dépit des coûts des travaux à réaliser », selon les termes de la Cour des comptes ([98]).

Initialement doté d’une enveloppe de 200 millions d’euros en fonds propres, ce programme a vu sa portée élargie par le plan de relance de 2020 qui a assigné à la Banque des Territoires un objectif de création de 100 foncières pour la réhabilitation de 6 000 commerces ou locaux d’activité à horizon 2024. L’enveloppe allouée au programme a alors été portée à 300 millions d’euros et un instrument financier spécifique, le fonds de restructuration des locaux d’activité (FRLA), a été créé en loi de finances pour 2021. Au 4e trimestre 2024, 89 foncières étaient en activité.

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Source : Atlas national Action cœur de ville, ANCT, 4e trimestre 2024.

La foncière commerciale de Chambéry

 En créant une foncière commerciale portée par le bailleur social Cristal Habitat, la ville de Chambéry a souhaité reconquérir des secteurs commerciaux en déprise (rues d’Italie, Croix d’Or, du Faubourg Montmélian), l’objectif étant de procéder à 27 opérations de rachat de 47 locaux. En mars 2025, 50 % des objectifs avaient été atteints. La ville a retenu une stratégie de spécialisation des rues (galerie d’art, seconde main, made in France) et de reconquête de la Galerie du Théâtre.

La Banque des Territoires a identifié plusieurs obstacles au déploiement du dispositif, considérant que plusieurs foncières avaient eu des difficultés à faire aboutir des opérations, faute d’expertise ou d’appropriation des outils à leur disposition. Cela étant, la Cour des comptes note que « le marché supplante l’intervention des foncières, ce qui montre que la redynamisation est enclenchée ».

Quoi qu’il en soit, le recours à ces foncières de redynamisation traduit l’adaptation des structures de l’économie mixte aux enjeux du renouvellement urbain en centre-ville. En internalisant l’acquisition du foncier, les travaux de déconstruction, de remembrement de locaux commerciaux et de rénovation d’immeubles ainsi que la gestion du portefeuille de biens produits, les foncières de redynamisation visent à résoudre le problème de déficit des opérations de renouvellement urbain. Ces opérations deviennent soutenables à long terme dans la mesure où les coûts engagés pour les travaux sont progressivement compensés par la constitution de recettes de gestion des biens produits. Ces foncières interviennent en outre dans un périmètre élargi afin de pouvoir investir à la fois dans des opérations rentables et déficitaires, ce qui leur permet d’équilibrer leur budget.

Créé en 2021, le fonds de restructuration des locaux d’activité (FRLA) est un outil d’accompagnement financier des foncières menant des projets de réaménagement de l’offre commerciale en centre-ville : le fonds couvre jusqu’à 50 % du déficit d’opérations de restructuration. Géré par l’ANCT et initialement doté de 60 millions d’euros pour rénover 2 000 locaux, le fonds a été entièrement engagé début 2022 et a permis de financer 187 opérations immobilières en l’espace d’un an. À partir de 2023, le fonds a été réabondé de 25 millions d’euros et a été élargi aux projets destinés à accueillir des activités et établissements d’économie sociale et solidaire ou de tourisme, sous réserve qu’ils démontrent leur effet de levier sur le tissu commercial ou artisanal.

Les demandes de subvention à ce fonds devaient porter sur des opérations situées dans une zone géographique à redynamiser en priorité telle qu’une opération de revitalisation de territoire. La Cour des comptes note que « les opérations subventionnées se sont avérées nettement plus coûteuses que ce qui avait été envisagé, ne permettant la rénovation que de 691 locaux au lieu des 1 900 initialement programmés » et que « le FRLA a permis de retenir des opérations qui nécessitaient des travaux plus importants ou généraient des revenus locatifs moindres par rapport à une exigence d’équilibre. Il a également permis aux foncières de financer ces opérations déficitaires sans mobiliser leurs capitaux propres, souvent constitués par des apports des collectivités locales ».

Dans le cadre d’ACV 1 (2018-2022), 164 locaux commerciaux ont été réhabilités, dont 59 par le FRLA. Dans le cadre d’ACV 2, au deuxième trimestre de l’année 2024, 251 ont été subventionnés à hauteur de 25 millions d’euros par le FRLA dans des villes ACV. Enfin, 529 commerces et locaux d’activités ont été restructurés par les foncières dont la Banque des Territoires est actionnaire.

c.   Des dispositifs fiscaux peu utilisés

Compte tenu du renchérissement du coût du foncier en centre-ville, plusieurs dispositifs fiscaux ont été créés mais ont été très peu utilisés.

En 2019, la part des impôts dans la valeur ajoutée du secteur du commerce de détail était de 30 % et le fait que la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom) ne touche que les commerces de plus de 400 mètres carrés procure un avantage fiscal aux commerces de petite taille. Cependant, la Cour des comptes indique dans son rapport précité que la faculté de moduler la taxe, offerte aux EPCI par le législateur, est peu utilisée. De même, les collectivités utilisent très peu deux dispositifs fiscaux à leur main en raison de l’impact qu’ont ces mesures sur les finances locales : la possibilité d’instaurer un abattement de 1 à 15 % sur la base de la taxe foncière sur les propriétés bâties et la possibilité pour les collectivités signataires d’une convention ORT de voter des exonérations de cotisation foncière des entreprises (CFE) et de taxe foncière.

Enfin, pour lutter contre la vacance des locaux commerciaux, les collectivités (communes et EPCI) peuvent instituer une taxe sur les friches commerciales ([99]) vacantes depuis plus de deux ans : le nombre de collectivités appliquant cette taxe a augmenté à partir de 2018 mais reste limité, notamment en raison de la difficulté des collectivités à identifier les friches commerciales imposables et du caractère involontaire de l’inexploitation dans un certain nombre de cas, ce qui permet au propriétaire de s’en exonérer. La Cour des comptes juge la gestion du dispositif complexe et l’impact, limité : tout en reconnaissant la difficulté que représenterait la nécessité de justifier d’une rupture devant les charges publiques fondée sur un motif d’intérêt général, la Cour préconise de prévoir la faculté, pour les collectivités, de n’appliquer la taxe qu’à certains secteurs (ORT) ou à certaines rues, « levier complémentaire dans le cadre d’une stratégie de redynamisation pour envoyer un signal aux propriétaires et les inciter à remettre sur le marché leurs locaux ». Les rapporteurs souscrivent à l’analyse de la Cour des comptes.

Proposition n° 11 : Réformer la taxe sur les friches commerciales en réduisant à six mois le délai à compter duquel elle s’applique et en augmentant son taux ; permettre aux communes et aux EPCI de la restreindre à certains types de locaux ou à certaines parties de leur territoire.

d.   La réglementation des baux commerciaux, un levier insuffisamment utilisé par les pouvoirs publics

La Cour des comptes relève que la réglementation des baux commerciaux est un « levier peu utilisé par les pouvoirs publics pour faciliter l’implantation ou le maintien des commerces de proximité » et qu’elle présente actuellement des « rigidités sources de tensions entre bailleurs et commerçants », qu’il s’agisse de la sous-location interdite, de la restriction des clauses de destination ou d’activité empêchant la diversification, de la cession du fonds de commerce ou de la réalisation de travaux, aujourd’hui subordonnées à l’accord du bailleur. La Cour juge donc souhaitable une évolution de cette réglementation pour offrir davantage de souplesse en centre-ville, accompagner le développement de boutiques éphémères et éviter des désincitations au commerce qui s’expliquent notamment par la rigidité à la baisse des loyers, même en cas de vacance, et par les freins à la reprise-transmission des commerces.

Parmi les pistes de réforme envisagées, les rapporteurs notent la variabilité du loyer en fonction du chiffre d’affaires ou de l’ancienneté du commerçant, l’amélioration de la prévisibilité des charges, la répartition des coûts de mise en conformité, la mensualisation du paiement des loyers et la territorialisation de l’indice des loyers. Les seules réformes adoptées à ce stade sont le plafonnement de l’indice des loyers commerciaux en 2022 et la création en 2023 d’un « bail réel solidaire ».

Les rapporteurs proposent d’expérimenter un mécanisme de régulation des loyers des baux commerciaux à l’échelle communale.

Proposition n° 12 : Expérimenter un mécanisme de régulation des loyers des baux commerciaux à l’échelle communale.

2.   Des éléments de contexte incontournables

a.   L’exigence écologique

Devant être atteint à l’horizon 2050, l’objectif de zéro artificialisation nette est décliné :

– dans le temps sous forme d’une diminution du rythme d’artificialisation des espaces naturels agricoles et forestiers d’ici à 2031 ;

– selon un principe général d’interdiction de délivrance d’autorisation d’exploitation commerciale pour les surfaces commerciales entraînant une artificialisation.

Il est toutefois assorti de dérogations pour les projets inférieurs à 10 000 mètres carrés présentant un intérêt particulier pour le territoire – ORT, secteur identifié dans le SCOT ou zone d’activité commerciale délimitée dans le PLU avant publication de la loi.

Pris en compte dans l’acte II du programme Action cœur de ville, cet objectif renforce la nécessité de lutter contre les friches commerciales et incite à restructurer les espaces commerciaux en déprise, en particulier en périphérie, afin d’économiser du foncier en redonnant aux espaces une mixité fonctionnelle. La Cour des comptes estime que le « ZAN » « mobilise des moyens et des acteurs très différents, ce qui doit conduire à revoir les modalités d’accompagnement et les moyens financiers engagés par l’État ».

Dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone et de la révision de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments, l’amélioration de la performance énergétique des locaux commerciaux s’avère incontournable mais les investissements induits par ces obligations ne sont pas rentables pour les commerces de proximité : la Cour des comptes juge donc qu’« une réflexion sur les moyens d’atteindre les objectifs de décarbonation en limitant les coûts pour les finances publiques s’impose ».

b.   L’impact majeur des confinements sur le développement du commerce électronique

Ayant entraîné la fermeture des commerces et une restriction des déplacements, les confinements décidés par le Gouvernement pendant la crise sanitaire ont considérablement accéléré la transformation des pratiques commerciales, le commerce en ligne faisant un bond de 50 % à l’échelle nationale au cours de la période. Le secteur commercial connaît alors une mutation majeure – conditionnant sa survie et orientée vers une stratégie omnicanale, parfois appelée « phygitale », combinant la vente physique et la vente en ligne. Afin d’aider les commerçants de proximité à rattraper leur retard numérique, l’État, les chambres consulaires et la Banque des Territoires proposent plusieurs dispositifs déployés sur tout le territoire national : le diagnostic numérique, le chèque numérique – aide exceptionnelle à la numérisation, d’un montant forfaitaire de 500 euros – et le soutien aux plateformes locales de vente en ligne (« Ma ville, mon shopping », AchetezA, Utopia, etc.). Jugeant ces dispositifs peu efficaces, la Cour des comptes estime que l’adaptation des commerces de proximité à la concurrence du commerce électronique repose plutôt sur leur capacité à faire connaître leur offre en ligne grâce au référencement et à la communication sur les réseaux sociaux. Les rapporteurs estiment qu’internet peut ainsi être considéré par les commerçants comme une vitrine déportée dont doivent s’équiper les commerçants pour favoriser le contact avec le client et lui proposer un service de click & collect.

L’ultra fast fashion est une évolution de la fast fashion, caractérisée par une production et une commercialisation de vêtements à un rythme effréné, avec des cycles de conception-vente réduits à quelques jours, voire à 24 heures. Elle repose sur la production massive et à bas coût, sur un renouvellement constant allant jusqu’à des milliers de nouveaux modèles par jour ([100]), sur une stratégie numérique et de la vente exclusivement en ligne, sans magasins physiques, sur un marketing agressif via les réseaux sociaux et des algorithmes prédictifs pour anticiper les micro-tendances et, enfin, sur la consommation de vêtements de faible qualité, conçus pour n’être portés que quelques fois avant d’être jetés. Les plateformes d’ultra fast fashion dominent le marché, sans aucune boutique physique, en pratiquant des prix ultra-bas (articles à moins de 5 euros) et un marketing ciblant les jeunes via les réseaux sociaux.

Ces plateformes n’ayant pas de magasins physiques et ne supportant donc ni coûts de loyer ni charges fiscales liées à l’occupation d’un local commercial, elles jouissent d’une distorsion de concurrence massive qui menace la survie économique des commerces de proximité – incapables par ailleurs de vendre à aussi bas prix et contraints de diversifier leur activité en allant jusqu’à servir de points de retrait à ces plateformes pour maintenir leur équilibre économique. L’effet de cette activité sur la baisse de fréquentation des centres-villes est mécanique et délétère : en France, un tiers des livraisons concerne des achats en ligne de vêtements.

C’est pourquoi l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité en mars 2024 une proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile ([101]) . Le Sénat a modifié puis adopté à l’unanimité cette proposition de loi ([102]), transmise le 10 juin dernier à l’Assemblée nationale pour une deuxième lecture.

  1.   Des résultats mitigés sur le commerce de proximité dans les villes ACV

Quels sont les résultats et l’impact de la politique menée par l’État dans le cadre du programme ACV dans le secteur du commerce ?

Le taux de vacance commerciale a fortement progressé entre 2012 et 2020, en particulier dans les centres-villes, et le décrochage est plus marqué dans les centres des villes moyennes de moins de 200 000 habitants. Cela étant, les dynamiques commerciales du centre-ville et de la périphérie ne sont pas toujours corrélées. On observe l’existence de pôles périphériques florissants avec des centres-villes en déprise mais aussi des pôles dynamiques en périphérie et en ville ou encore des évolutions défavorables dans les deux zones. Le taux de vacance semble plutôt lié à l’évolution démographique du bassin de vie.

Source : Atlas national Action cœur de ville, ANCT, 4e trimestre 2024.

Fourni par l’ANCT à la mission d’évaluation, le tableau ci-dessous compare l’évolution du taux de vacance commerciale des villes bénéficiaires du programme à 104 villes non bénéficiaires mais de taille comparable, c’est-à-dire dont la population comprend entre 10 000 et 130 000 habitants.

Tableau comparatif de taux de vacance commerciale dans les villes ACV et non ACV (de taille comparable)

Vacance commerciale

Villes non ACV

Villes ACV

Différence de taux de vacance villes ACV vs. non ACV

2015

6,4 %

9,9 %

3,5 %

2016

7,3 %

10,9 %

3,6 %

2017

7,7 %

11,3 %

3,6 %

2018

8 %

12 %

4 %

2019

8,5 %

12,4 %

3,9 %

2020

9,2 %

12,9 %

3,7 %

2021

8,9 %

12,1 %

3,2 %

2022

8,3 %

11,4 %

3,1 %

2023

8,7 %

12,1 %

3,4 %

Source : Codata 2023, retraitement ACV/DGTR/ANCT.

C’est dans un contexte de forte dégradation de la vacance commerciale depuis plusieurs années sur le territoire national qu’a été lancé le programme Action cœur de ville. D’après les mesures effectuées par l’entreprise Codata, le taux de vacance commerciale est passé de 5,6 % à 9,0 % entre 2011 et 2018. Au lancement du programme en 2018, le taux moyen de vacance commerciale des villes bénéficiaires d’ACV était de 12,0 % contre 8,0 % en moyenne dans des villes non ACV de taille comparable.

En raison d’une tendance globale à la hausse, la vacance commerciale a ensuite continué à se dégrader jusqu’en 2020, un summum de 10,1% ayant été atteint au niveau national. Dans les villes ACV, le taux de vacance commerciale a atteint cette année-là un pic de 12,9 % contre 9,2 % dans les communes non ACV de taille équivalente. Malgré la hausse, les résultats ont cependant été relativement positifs pour les villes ACV puisque sur la période 2018-2020, la vacance commerciale s’est moins dégradée dans les villes ACV que dans les villes non ACV. Autrement dit, l’écart entre le taux de vacance commerciale des villes ACV et non ACV s’est réduit et s’établissait à 3,7 % en 2020 et 4 % en 2018.

La période 2020-2022 a ensuite été marquée par un contexte global de résorption de la vacance commerciale. On observe ainsi à la fois une baisse de la vacance commerciale de 12,9 % en 2020 à 11,4 % en 2022 et une réduction marquée de l’écart entre la vacance commerciale des villes ACV et non ACV, passant de 3,7 % d’écart à 3,1 %. Les progressions observées depuis le début du programme ACV s’achèvent cependant en 2023 avec d’une part, une reprise généralisée de la vacance commerciale dans toute la France (9,7 % de taux de vacance commerciale en 2023 selon Codata et de 9 % en 2018) et d’autre part et pour la première fois depuis le lancement du programme, une situation qui s’est d’autant plus dégradée dans les villes ACV que dans les villes non ACV. On observe ainsi en 2023 un taux de vacance commerciale des villes ACV à 12,1 % alors qu’il n’est que de 8,7% dans les villes non ACV de taille comparable, soit 3,4 % points d’écart. Cette dégradation s’accélère en 2024 avec un taux de vacance commerciale qui atteint 13,4 % dans les communes ACV.

Selon les informations transmises par la direction générale des entreprises aux rapporteurs, les villes ACV ayant enregistré la plus forte baisse de la vacance commerciale entre 2022 et 2023 sont celles de Sedan, passée de 24,8 à 17,7 % ; Béthune-Bruay-la-Buissière, passées de 14,3 à 8,8 %, et Thionville, passée de 22 à 17,3 %. La DGE a également fourni aux rapporteurs un comparatif des évolutions sectorielles du commerce dans les villes ACV et hors ACV :

Secteurs

ACV

Hors ACV

2022

2023

Évolution

2022

2023

Évolution

Alimentation

7,7 %

7,6 %

-0,1

9,3 %

9,3 %

Café-Hôtel-Restaurant

12,8 %

12,9 %

+0,1

18 %

18,3 %

+0,3

Chaussures-Maroquinerie

2,3 %

2,2 %

-0,1

2,6 %

2,6 %

Habillement-Vêtement

12,9 %

12,3 %

-0,6

12,4 %

12,4 %

Loisirs

6 %

5,9 %

-0,1

6,9 %

7 %

+0,1

Parfumerie-Beauté-Soins

12,2 %

12,2 %

10,9 %

11,1 %

+0,2

Source : DGE.

L’étude de ces données au niveau national fait apparaître une relative baisse de la vacance commerciale au cours des deux dernières années avec, cependant, des tendances variables selon les territoires : a été observée une baisse de la vacance commerciale dans les petites villes et villes moyennes, une stabilisation de la vacance dans les grandes villes et une légère augmentation dans les métropoles.

Il ressort d’une analyse menée par la Cour des comptes de l’évolution depuis 2018 du taux de vacance des communes ACV, comparé au taux constaté dans des villes moyennes témoins que, « partant d’une situation plus dégradée en 2017, les villes ACV ont connu une baisse de la vacance un peu plus marquée que celle des autres villes moyennes. Toutefois, l’évolution est très différente selon les territoires. Les taux de vacance des communes situées dans des départements en déprise démographique baissent moins rapidement que dans les autres villes du programme depuis 2020 : en 2022, ils retrouvent seulement leur niveau de 2018, proche de 12 %, supérieur à celui des autres communes ACV ». En 2022, l’activité a augmenté dans l’ensemble du commerce et retrouvé son niveau d’avant la crise dans le commerce de détail. L’activité de service des artisans a progressé en 2022, portée par l’augmentation des prix de certains secteurs (transports). Les coiffeurs et les blanchisseries-pressings ont enregistré une activité quasi stable tandis que les chiffres d’affaires des fleuristes et autres services ont continué à baisser. En 2022, les défaillances des commerces de proximité se sont rapprochées de leur niveau avant crise. Les créations d’entreprise ont quant à elles été bien plus importantes en 2020‑2022.

E.   UN IMPACT DES ACTIONS SUR L’ATTRACTIVITÉ QUI RESTE À ÉVALUER

  1.   Des actions qui restent fortement tributaires de la situation locale
    1.   La situation des communes et intercommunalités

Les actions des communes ACV restent fortement tributaires de la situation politique locale et notamment :

– du volontarisme politique des municipalités ;

– de l’état d’avancement de la réflexion de la municipalité sur la vitalité de son centre-ville au moment du lancement du programme ;

– de la bonne coopération entre maires et présidents d’intercommunalité, en particulier en matière de délivrance des autorisations d’exploitation commerciale en zone périphérique ([103]) ;

– des moyens de la commune, tant financiers qu’humains et techniques (ingénierie de projet) et, partant, de sa capacité à s’approprier le programme, à aller chercher des financements et à candidater lors des nombreux appels à projets du programme.

Les moyens humains et techniques des communes et EPCI facilitent le recours à des procédures complexes permettant d’obtenir des financements, par exemple, pour la résorption de l’habitat insalubre. Si ces ressources techniques et politiques sont souvent étroitement liées aux ressources financières propres à chaque collectivité, les besoins d’investissement sous-jacents aux projets d’aménagement des centres-villes sont souvent si élevés que les acteurs publics locaux sont obligés de trouver des sources de financements supplémentaires : la capacité technique et politique à les capter joue donc un rôle plus important que la capacité de financement de la collectivité en tant que telle.

En définitive, c’est dans les villes où les maires se sont accrochés à l’idée que le programme ACV leur apporterait principalement des subventions à l’investissement que le bilan est le moins probant. À l’inverse, les villes où le programme a été le plus efficace sont celles dont les maires ont su profiter de l’opportunité que représentait le programme pour mettre à exécution leur stratégie de territoire et accélérer les partenariats avec des acteurs publics et privés. Ce sont également celles qui ont su tirer parti de la visibilité accrue de leur ville pour accélérer la transformation de cette dernière : Cahors, Montbrison, Briançon, Saint-Dizier, Morlaix, Saint-Brieuc, Vierzon, Épernay, Bressuire, Saint-Laurent-du-Maroni… L’effectivité de la gouvernance locale a été déterminante.

Il apparaît que certains chefs de projet ont pu se sentir isolés au sein des services de la collectivité d’autant qu’en début de programme, la rotation était importante à ce poste-clef. De fait, l’apport du poste de chef de projet est absolument dépendant du soutien des élus municipaux et communautaires au projet ACV.

Proposition n° 13 : Assurer la pérennité des postes de chef de projet.

  1.   Un manque de coordination entre les acteurs territoriaux de l’État dans certaines zones

Plusieurs experts ont relevé un certain manque de coordination entre les services de l’administration territoriale de l’État dans la gestion et le suivi d’ACV qui, sur certains territoires, ressemblent plutôt à de l’animation de réseau qu’à un véritable suivi. Des tensions ont également pu être observées entre les services déconcentrés régionaux et départementaux. Les services sont confrontés à un effet de ciseaux entre la baisse des effectifs de l’administration territoriale de l’État et l’augmentation du nombre de politiques nationales territorialisées – effet qui limite l’ingénierie des services de l’État disponible pour les collectivités.

À l’échelon régional, l’Anah mène son action par le biais des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et les directions départementales des territoires (DDT). En outre, toujours en matière d’habitat, les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) ont pris part au début du programme ACV, échangeant avec les DDT, mais les agents régionaux se sont progressivement retirés du programme.

À l’échelon départemental, l’ingénierie de l’Anah est présente dans les DDT mais ces dernières n’ont pas de rôle prédéfini dans le suivi d’ACV. Parfois, la DDT est pilote mais sans avoir toujours connaissance des dispositifs de l’Anah.

C’est pourquoi les rapporteurs suggèrent d’assurer une meilleure coordination des services départementaux et régionaux impliqués dans le programme.

Proposition n° 14 : Assurer une meilleure coordination des services déconcentrés départementaux et régionaux impliqués dans le programme.

2.   Des outils d’évaluation perfectibles

a.   Une démarche d’évaluation prévue dès le lancement du programme

Les rapporteurs saluent le fait que le Gouvernement ait prévu dès le lancement du programme une démarche d’évaluation assortie d’une méthodologie et déployée à deux niveaux : national et local.

À l’échelle nationale, l’ANCT assure une mission de suivi du déploiement du programme (conventionnement, engagement financier, ressources humaines, actions locales) via des outils de reporting trimestriel. Quatre questions évaluatives relatives à l’efficacité, la pertinence, l’efficience, la cohérence interne et la cohérence externe guident l’évaluation : elles portent sur la revitalisation des centres-villes, la réponse aux besoins des villes, le rôle des partenariats, et l’optimisation des ressources ([104]).

L’ANCT a fondé son analyse sur trois types d’indicateurs qualifiés d’indicateurs de suivi (évolution des engagements financiers à l’échelle communale), de résultat (réalisations concrètes) et d’impact (effets du programme). Ces indicateurs portent sur l’évolution du marché immobilier, sur l’attractivité et la fréquentation, sur la vacance des logements et des commerces et sur la perception des habitants.

Un comité d’évaluation, créé en 2019, réunit les partenaires (Banque des Territoires, Action Logement, Anah, etc.) pour orienter la démarche.

L’ANCT a publié en juin 2021 un rapport d’évaluation et un bilan à mi-parcours. En juillet 2021, elle a lancé une deuxième phase d’évaluation qualitative fondée sur des entretiens avec les membres du comité d’évaluation, les opérateurs publics et privés associés au programme, les référents locaux de l’État et les directeurs de projet. L’agence a aussi mené deux sondages annuels auprès des habitants des villes moyennes. Le premier, réalisé par l’Ifop avec Villes de France et la Banque des territoires, vise à apprécier la perception qu’ont les habitants des villes moyennes. Le second, effectué par le CSA et l’association Centre-ville en mouvement, tend plus précisément à mesurer leur perception de leurs centres-villes.

Pour mener à bien son évaluation, l’ANCT a créé plusieurs outils, dont les rapporteurs ont d’ailleurs utilisé les résultats :

– un observatoire des mobilités, géré par la société Mytraffic, pour mesurer l’attractivité des centres-villes ;

– une analyse de l’évolution de la vacance commerciale, assurée par l’entreprise Codata ;

– un baromètre de l’immobilier des villes moyennes, coconstruit avec le Conseil supérieur du notariat.

À l’échelle locale, le Gouvernement a demandé aux communes bénéficiaires d’ACV de mener leurs propres évaluations.

S’il est louable d’avoir prévu d’emblée des outils d’évaluation, les rapporteurs les jugent perfectibles. Ainsi, la Cour des comptes estime qu’au cours de la première période du programme (2018-2021), l’outil de reporting utilisé en matière de commerce manquait de fiabilité (a). Les rapporteurs relèvent aussi un manque de véritables indicateurs d’impact (b). À l’échelle locale, les collectivités bénéficiaires sont encouragées à évaluer leurs projets, l’ANCT mettant à leur disposition un kit d’évaluation, mais beaucoup manquent d’expérience en évaluation et se heurtent à des difficultés (c). Les rapporteurs soulignent l’effort d’évaluation accompli par la Banque des Territoires (d) et invitent à décloisonner les démarches d’évaluation (e).

  1.   L’absence d’outil de suivi consolidé des financements concernant le commerce

La Cour des comptes le souligne ([105]), si la direction de programme ACV avance que le soutien au commerce aurait représenté 19 % des moyens engagés au cours de la période 2018-2021, l’outil de reporting utilisé pour faire une telle estimation, consolidant les engagements des différents opérateurs impliqués, manque de fiabilité. Non seulement cet outil intègre des actions ne relevant pas directement du programme mais en outre, il agrège toutes les sources de financement sans distinguer la nature des crédits entre subventions, prises de participation et prêts. Enfin, la Cour estime qu’il ne permet pas une ventilation des engagements selon les cinq axes du programme. Pourtant, les montants engagés par la Caisse des dépôts et consignations peuvent relever de plusieurs axes sans que la direction de programme dispose d’une répartition thématique. De la même façon, l’évaluation du montant des dotations de l’État fléchées vers le programme – dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), DETR, FNADT – transmise par l’État ne permet pas de les ventiler par axe d’intervention. Dans ces conditions, la direction de programme n’est pas en mesure d’évaluer les montants engagés en faveur du commerce de proximité depuis 2018.

Du côté des collectivités territoriales, il est également difficile de retracer les financements en faveur du commerce de proximité, leur nomenclature comptable ne permettant pas d’isoler les montants versés aux entreprises parmi les concours financiers aux personnes privées et la nomenclature sectorielle agrégeant l’industrie, le commerce et l’artisanat.

Seule la Banque des Territoires semble exercer un suivi clair et précis de son soutien au commerce : le financement apporté aux foncières de redynamisation à travers un apport en fonds propres (entrée au capital) ou en quasi‑fonds propres (comptes courants d’associés) s’est élevé, jusqu’en 2021, à 71 millions d’euros dans les villes ACV et, pour les prêts, à 30 millions d’euros pour les communes ACV et PVD.

  1.   Un manque d’indicateurs d’impact

Les rapporteurs notent que les indicateurs de résultat fournis par l’ANCT présentent un décalage dans le temps pouvant aller jusqu’à une année entre la mise à disposition de l’indicateur et le besoin d’information nécessaire en continu pour orienter les acteurs du programme.

D’autre part, les rapporteurs estiment que les indicateurs d’impact sont insuffisants sur les deux axes étudiés.

Les rapporteurs notent que les indicateurs retenus par l’ANCT en matière d’habitat relèvent du résultat davantage que de l’impact, qu’il s’agisse du nombre d’OPAH-RU ou des éléments tirés du baromètre de l’immobilier publié conjointement avec les notaires (volumes de transactions de logements, prix et classement au diagnostic de performance énergétique…). En outre, les données sur la vacance des logements ne concernent que le parc privé.

Toujours concernant les indicateurs de résultat, il pourrait être intéressant de compléter les indicateurs de l’ANCT par celui du niveau des loyers et de créer un indicateur d’habitat dégradé, s’appuyant sur le classement cadastral ou la base sur les logements vacants (LOVAC). Enfin, étant donné qu’Action cœur de ville a également pour but une restructuration du parc, le type de logements (surface, nombre de pièces, etc.) par rapport à la structure locale des ménages (nombre de ménages monoparentaux, nombre moyen de personnes par ménage) pourrait également apporter des éclaircissements.

Dans le cadre de l’évaluation du programme ACV engagée par l’ANCT en 2025, la DGALN a proposé à l’ANCT d’utiliser la méthode statistique de la double différence, tendant à comparer l’évolution de villes limitrophes aux communes ACV avant et après la mise en place du programme. Le principe étant que si ces villes du groupe dit de « contrôle » évoluaient de façon similaire aux communes traitées (les communes ACV) avant la mise en place du programme, la différence d’évolution entre les 2 groupes après la mise en place du programme représente son impact.

Comme pour les autres axes du programme, l’évaluation du volet commercial d’Action cœur de ville par l’ANCT souffre d’un manque criant d’indicateurs : l’unique indicateur retenu est un indicateur de résultat – celui de la baisse du taux de vacance commerciale et non d’impact – comme celui de l’évolution du chiffre d’affaires des commerces. De surcroît, la Cour des comptes rappelle qu’il repose sur une mesure réalisée par un prestataire privé et pose des problèmes de disponibilité puisque les données sont « disponibles une fois par an en janvier n+1 au niveau national mais en juillet n+1 pour les données des communes ACV ». Pire encore, son périmètre de calcul est « contesté par les communes qui privilégient leur propre mesure du taux de vacance, calculé sur des périmètres plus ciblés de centre-ville, mis à jour régulièrement, ou qui retiennent des indicateurs d’attractivité du centre-ville fondés sur l’évaluation de sa fréquentation (données du prestataire Mytraffic avec un soutien financier de la Banque des Territoires au titre du numérique en 2020-2021) ». Les rapporteurs se sont heurtés au même type de difficultés puisqu’ils ont constaté que les chiffres de la vacance commerciale utilisés par l’ANCT n’étaient pas les mêmes que ceux de la direction générale des entreprises, probablement en raison d’une différence de périmètre – ce, alors que les deux entités ont recouru à la même source : l’entreprise Codata.

En tout état de cause, l’indicateur retenu par l’ANCT semble complexe à interpréter : le choix du périmètre de mesure, qui inclut certaines rues du centre-ville mais aussi – parfois mais pas toujours – la périphérie, et le nombre de commerces retenus au dénominateur ont, selon l’analyse de la Cour, « un impact fort sur les résultats » : par exemple, « réduire le nombre de locaux commerciaux en changeant leur destination améliore mécaniquement ce résultat ».

Dans un souci de transparence, la Cour des comptes considère que « l’indicateur de vacance commerciale, qui permet de suivre dans la durée les tendances d’évolution au niveau national et de comparer les territoires et les types de commerces, doit être amélioré pour faire consensus au sein des collectivités concernées. Il doit être complété par des indicateurs permettant de mesurer la vitalité du commerce (évolution du chiffre d’affaires et de la marge), les créations de commerce et leur taux de pérennité à trois ans, et par des informations sur la diversité du commerce qui constitue un enjeu pour nombre de villes moyennes. Sous l’impulsion de la DGE et avec le soutien de l’Insee, l’État devrait se doter d’un appareil statistique permettant de suivre les évolutions du secteur et de piloter la politique de soutien au commerce de proximité avec l’ensemble de ces données ».

● Sur les autres axes

Enfin, s’agissant des autres axes, les rapporteurs relèvent que les données fournies par Mytraffic en matière de fréquentation des centres-villes de même que les questions posées lors des sondages sont qualifiées par la Cour des comptes de trop générales.

Une analyse de l’impact d’Action cœur de ville
à partir des données de carte bancaire

 En 2021, l’Insee a procédé à une analyse de la capacité à évaluer les impacts du programme à partir des données de carte bancaire : l’institut a ainsi comparé les données de consommation dans les commerces des villes du programme au cours de la période 2017‑2021 à celles d’un échantillon d’environ 600 villes moyennes jouant le rôle de témoin. Accessibles quasiment en temps réel, ces données présentent l’avantage d’être territorialisées au niveau des établissements, ce qui peut contribuer à la mesure de l’impact des actions de l’État et de ses partenaires. Si cette analyse n’a pas identifié de différence significative entre les villes ACV et les villes témoin, elle a permis de valider l’intérêt de cette méthode.

d.   Une quasi-absence d’évaluation locale par les communes

S’agissant de l’évaluation locale, un kit d’évaluation ([106]) a été mis à disposition des communes bénéficiaires d’Action cœur de ville afin qu’elles disposent des outils méthodologiques nécessaires.

En décembre 2021, l’ANCT a demandé à l’agence Phare, spécialisée dans l’évaluation de politique publique, de publier une étude sur les démarches et les besoins d’évaluation des collectivités bénéficiaires du programme. Bien que cette étude soit un peu datée, elle a néanmoins l’intérêt de présenter une analyse étayée des pratiques évaluatives des communes ACV en première partie de programme. En lien avec l’ANCT, l’agence Phare a déterminé un échantillon de 21 communes ACV selon 13 critères de différenciation, tout en biaisant volontairement la sélection pour étudier les pratiques évaluatives des communes « bonnes élèves » en matière d’évaluation.

Il ressort de la synthèse des travaux de l’agence Phare qu’au moment de l’étude, les collectivités locales enquêtées évaluaient globalement peu les actions accomplies dans le cadre du programme ACV. Au sein de l’échantillon enquêté, aucune collectivité n’avait adopté de démarche évaluative globale et structurée du programme ACV. Cependant, cela ne veut pas dire que les collectivités ne s’intéressent pas à la réussite de leurs actions mais plutôt que les pratiques des chefs de projet sont disparates et qu’elles se heurtent à des difficultés. Si aucune collectivité enquêtée n’avait adopté à la date de l’étude une démarche évaluative structurée et globale de l’ensemble du programme ACV, l’agence Phare a néanmoins été en mesure d’établir une typologie des pratiques d’évaluation :

Niveaux d’évaluation

Pratiques observées

Niveau « socle » (0)

• Suivi administratif, budgétaire des actions menées ;

• Reporting financier ;

• La collectivité s’est contentée de ce suivi en le considérant suffisant pour constituer une évaluation.

Niveau « Appréhension des effets du programme au ressenti » (1)

• Premier niveau d’évaluation ;

• Perception du territoire et du changement ;

• Couverture des actions menées par la presse quotidienne régionale (PQR) ou locale ;

• Absence d’indicateurs formalisés et d’outils de récolte de données ;

     Par exemple, l’élu se contente des retours positifs de ses électeurs concernant les actions menées.

Niveau « Démarches évaluatives non structurées » (2)

• Construction, « bricolage » d’outils ;

• Présence de quelques indicateurs ;

• Suivi attentif des services de l’État sur le département ;

• Évaluation « légère » ;

• Présence d’indicateurs, toutefois disparates et pas toujours associés à des objectifs et des effets attendus ;

• Récolte de données partielles, pas toujours rigoureuses ;

• Absence de stratégie de manière générale.

Niveau « Évaluations structurées » (3)

• Référentiel d’évaluation ;

• Questions évaluatives ;

• Méthode d’évaluation ;

• Comitologie ;

 Série d’indicateurs structurés par des hypothèses évaluatives, des outils de collecte de données et récolte de données dans le temps ;

• Stratégie d’analyse identifiée.

À partir de ces niveaux d’évaluation de projet, l’agence a déterminé 3 types de villes ACV.

Type évaluatif

Caractéristiques

Villes novices en évaluation

• Niveau 0 à 1 (socle-appréhension au ressenti) ;

• Petite commune (« effet taille »), peu d’habitants ;

• Aucune expérience en matière d’évaluation ;

• Faibles moyens octroyés à l’évaluation ;

 Portage politique fort du programme ACV ;

 Absence d’opposition locale aux actions mises en place.

Villes ACV bricoleuses

• Niveau 2 à 3 (évaluations non structurées et structurées) ;

• Intérêt du chef de projet pour l’évaluation de projet mais insuffisante compétence en matière d’évaluation ;

• Chef de projet demandeur d’appuis/de soutien opérationnel pour réaliser l’évaluation ;

• Appui ponctuel par des acteurs extérieurs (par ex. une agence d’urbanisme) ;

• Sollicitation forte des services déconcentrés de l’État.

Villes ACV sensibilisées à l’évaluation

• Niveau 3 (évaluations structurées) ;

• Allocation de ressources internes (par ex. un observatoire territorial) ou étude externalisée (par ex. par l’assistance à maîtrise d’ouvrage) ;

 Consensus politique moindre à l’égard du projet ACV au sein de la ville.

L’agence souligne qu’il existe un « effet taille » : une grande ville ACV a davantage de chances d’être une collectivité sensibilisée à l’évaluation. La structure des services, le portage politique du programme au sein de la ville et le contexte politico-administratif favorisent également la démarche évaluative des communes.

Comme le souligne l’agence, auditionnée par la mission d’évaluation, cette typologie a permis d’identifier trois types de freins à l’adoption d’une démarche d’évaluation : des freins d’ordre technique qui relèvent d’un manque de compétences dans le domaine de l’évaluation, limitant la capacité des collectivités à impulser des démarches évaluatives ; des freins d’ordre financier qui renvoient au manque de ressources (temps, budget) à allouer à l’évaluation ; enfin, des freins d’ordre politique qui renvoient à une opposition de fond et un blocage par les élus à l’égard des démarches évaluatives perçues comme moins prioritaires que la réalisation des actions.

D’après les informations fournies par l’ANCT en juin 2025, une trentaine de communes ACV ont indiqué avoir réalisé ou être en cours de réalisation d’une évaluation de leur projet local. Toutes ont en revanche réalisé un bilan de leur projet local ACV 1 et ont formalisé des indicateurs de suivi voire de résultat pour chacune des actions inscrites à leur plan d’action. Pour pouvoir évaluer leur projet ACV, certains chefs de projet ont fait part à l’agence de leur besoin de bénéficier d’un retour d’expérience de leurs pairs afin de pouvoir s’en inspirer. La direction de programme a donc prévu d’organiser au second semestre 2025 un webinaire de partage de bonnes pratiques évaluatives qui complétera le kit et les formations proposées par l’agence. Les chefs de projet ont également fait état de l’aspect parfois « chronophage » de la collecte des indicateurs, raison pour laquelle la direction de programme a mis à leur disposition un tableau référençant l’évolution de deux indicateurs (la vacance commerciale et la vacance structurelle de logement) sur l’outil de suivi de projets Grist ACV afin de faciliter l’accès à ces informations.

L’ANCT entend par ailleurs sensibiliser et former les référents de l’État aux enjeux de l’évaluation dans la mesure où, en tant que premiers interlocuteurs de l’État auprès des chefs de projet ACV, ils sont confrontés à des demandes de conseil de leur part sur le thème de l’évaluation. En outre, la direction de programme participe régulièrement à des clubs départementaux ou régionaux Action cœur de ville et Petites villes de demain afin d’animer des sessions sur le thème de l’évaluation auprès des chefs de projet et se rend disponible pour organiser des sessions de travail individuelles avec les chefs de projet ACV sollicitant l’appui de la direction de programme. Enfin, l’ANCT a indiqué aux rapporteurs que le kit d’évaluation d’ACV ferait l’objet d’une mise à jour pour le mois de septembre 2025, afin de le rendre plus opérationnel pour les chefs de projet.

Lors de leurs déplacements, les rapporteurs ont constaté que pour certaines collectivités, il n’était pas forcément stratégique, politiquement, de mener rapidement une évaluation alors qu’un projet d’aménagement urbain s’inscrit par définition dans le temps long d’opérations lourdes, complexes et contraignantes.

Proposition n° 15 : Inciter les communes à évaluer les actions menées dans leurs projets ACV.

e.   Un effort notable d’évaluation de la Banque des Territoires

Les rapporteurs notent que la Banque des Territoires a déjà conduit plusieurs phases d’évaluation de son intervention dans le programme ACV et lance en 2025 l’évaluation d’ACV 2.

La première mission portait sur les modalités d’application du programme par la Banque des Territoires et s’intéressait à la fois à la pertinence, à l’efficacité, à l’efficience et à la cohérence de ses interventions. Réalisée en 2020, cette évaluation ne traitait pas à proprement parler de l’impact des interventions de la Banque des Territoires mais elle a néanmoins permis d’améliorer la mobilisation de l’organisme.

Dans un deuxième temps, les travaux d’évaluation réalisés ont plus spécifiquement porté sur l’analyse de cet impact : s’appuyant sur des études de cas, une évaluation d’impact réalisée en 2021 a permis d’identifier trois grands types d’effets de l’intervention de la Banque des Territoires.

Le premier type d’effet concerne l’émergence des projets : dès la phase de lancement, la Banque des Territoires a contribué à la priorisation des projets, sans nécessairement avoir été à l’origine de ceux-ci. Elle a également joué en rôle clef en réunissant les conditions nécessaires pour s’assurer de la faisabilité de ces projets (identification de leur montage, vérification de leur solidité). Le deuxième type d’effet identifié concerne l’évolution du contenu des projets, à la fois par l’intégration de nouveaux enjeux et de nouvelles thématiques (le numérique ou la nature en ville par exemple), par la mobilisation d’une ingénierie opérationnelle et, enfin, par l’aide à la mobilisation d’investisseurs et à la consolidation des montages financiers. L’ingénierie a ainsi permis de consolider le montage des projets tandis que les financements ont contribué à compléter un « tour de table » et à crédibiliser les projets aux yeux d’autres investisseurs potentiels. Les offres de prêt ont également permis de rééquilibrer les plans de financement, malgré une incidence faible sur le contenu des projets. Enfin, le troisième type d’effet concerne la facilitation de la mise à exécution des projets. La présence de la Banque des Territoires « au tour de table » crédibilise les projets et favorise la mobilisation d’autres partenaires financiers. La Banque des Territoires a également influencé l’opérationnalisation des projets, en contribuant à créer ou à développer des outils d’aménagement.

Sur cette base, l’étude a identifié trois niveaux de contribution de la Banque des Territoires, en fonction de son caractère déterminant à la réalisation du projet. L’étude a également permis d’engager une réflexion sur les indicateurs relatifs à la transformation des territoires mais en a souligné les difficultés méthodologiques : s’il est possible de mesurer la contribution de la Banque des Territoires à un projet, il est beaucoup plus difficile d’attribuer à la Banque des Territoires les transformations à l’œuvre sur un territoire.

Effectué en 2023, un troisième travail, portant sur la mesure de l’empreinte territoriale de la Banque des Territoires au titre du programme Action cœur de ville, s’est appuyé sur l’analyse systématique de l’ensemble des actions (ingénierie et financement) de la Banque des Territoires dans 12 communes. Ce travail a permis de confirmer les différents impacts de l’ingénierie sur les projets des collectivités et d’analyser plus spécifiquement le lien entre ingénierie et financement. Au total, l’étude a montré qu’environ 50 % des missions analysées avaient conduit à la réalisation de projets (sans compter les projets encore en cours de définition) et que 24 % des projets réalisés avaient fait l’objet d’un financement de la Banque des Territoires. Les financements correspondent à 25 % des actions identifiées dans les villes de l’échantillon et 97 % des montants engagés. Un euro d’ingénierie correspond à vingt-cinq euros de financements apportés par la Banque des Territoires. Dix-huit missions ont abouti directement au financement de neuf projets, principalement dans le domaine des foncières de redynamisation et de la rénovation énergétique des bâtiments publics.

3.   Une crise sanitaire inédite aux effets ambigus

Outre les résultats du baromètre du centre-ville et des commerces, des sondages sur l’évolution de la perception des villes moyennes par les Français montrent que leur image s’était améliorée, notamment à la suite de la crise sanitaire, et que 50 % des habitants des grandes villes souhaitaient y vivre. Cependant, les rapporteurs relèvent une certaine difficulté à distinguer entre les effets, sur l’attractivité des villes moyennes :

– des tendances sociétales de long terme ayant pu être confirmées voire amplifiées ou accélérées par les confinements sanitaires ;

– et des actions menées par les collectivités et leurs intercommunalités dans le cadre du programme ACV.

Dans son évaluation du programme, la Cour des comptes souligne cette ambiguïté : « Les effets de la crise sanitaire sur l’attractivité des villes moyennes semblent nuancés, rendant d’autant plus difficile la juste mesure de l’efficacité du programme ACV et de sa valeur ajoutée. Si l’on considère que la pandémie et les confinements ont eu un effet déterminant sur l’attractivité de ces villes et la revitalisation de leurs centres, cela conduit à relativiser la part spécifique prise par le programme ACV dans cette évolution. Si l’on estime au contraire que la crise n’a fait qu’accélérer des tendances préexistantes, le rôle joué par ACV reste déterminant ».

De même, des travaux publiés par l’Insee ([107]) et le groupe « Exode urbain » du PUCA ([108]), analysant l’existence de recompositions des mobilités résidentielles depuis la crise sanitaire, suggèrent un renforcement du déficit migratoire francilien et des régions Hauts-de-France et Grand-Est tandis que d’autres régions attractives avant la crise sanitaire ont vu leur excédent migratoire se renforcer (Bretagne, Corse, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie). L’approche interurbaine par analyse des soldes migratoires estimés des villes selon leur poids démographique suggère un renforcement de l’accroissement migratoire pour les villes moyennes, plus important encore pour les petites villes, alors que le solde migratoire des plus grandes villes se réduit. Cependant, ces mouvements confortent le processus de périurbanisation, ce qui laisse à penser que ces mobilités pourraient renforcer les contrastes centres-périphéries des villes moyennes et donc conforter certaines formes de déprise déjà observées.

L’immobilier illustre bien cette difficulté : si l’on a pu croire à un regain d’intérêt pour les villes moyennes par rapport aux métropoles à la suite des confinements de 2020-2021, le baromètre de l’immobilier publié par les notaires a montré que ce regain ne concernait pas toujours parfois les communes-centres mais aussi les périphéries – avec un intérêt prononcé pour les maisons individuelles avec jardin plutôt que pour les appartements en cœur de ville ancien, parfois dégradé ou déconsidéré. De même, la crise sanitaire a aussi dopé le commerce digital – parfois au détriment du commerce de proximité.

Déjà citée, la double note d’analyse de France Stratégie conduit à relativiser les conséquences de la crise sanitaire, cette instance voyant dans ces conséquences un « révélateur, voire un accélérateur de tendances préexistantes ».

La Cour soulève donc la question suivante : « N’est-ce pas au programme ACV, et non à la pandémie, qu’il faut effectivement attribuer des résultats positifs en matière de logement puisque, comme le souligne France Stratégie, les évolutions favorables avaient commencé avant la crise sanitaire ? Mais ne doit-on pas nuancer en notant que le programme ne permet pas de tempérer suffisamment certaines évolutions sociétales, également confirmées par la crise, et compromettant la revitalisation des centres-villes, comme l’attrait pour la maison individuelle ou le développement de l’e-commerce ? »

  1.   Une analyse d’impact devant prendre en compte un faisceau d’indicateurs

Afin d’assurer une évaluation de l’impact du programme, les rapporteurs estiment nécessaire de prendre en compte :

– l’amélioration de la qualité de vie des habitants ;

– l’augmentation du chiffre d’affaires des commerces de proximité ;

– le renforcement du rôle des villes moyennes comme moteur du développement économique territorial et l’attraction de nouvelles entreprises et de nouveaux investisseurs ;

– la qualité de la collaboration entre les acteurs ;

– l’efficience des financements.

Pour que l’évaluation de l’ANCT soit efficace, elle doit prendre en compte la dimension transversale, c’est-à-dire interministérielle, du dispositif en assurant un décloisonnement des analyses de données menées sur les programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain et celles relatives à l’accès au commerce de proximité.

Proposition n° 16 : Améliorer les outils de suivi du programme ainsi que la pertinence des indicateurs d’impact nationaux et renforcer la coordination des producteurs de données.

F.   UN PROGRAMME À MIEUX COORDONNER ET À COMPLÉTER

  1.   Un programme ACV à mieux articuler avec les autres politiques publiques territorialisées

Les rapporteurs jugent indispensable une bonne coordination entre les élus des communes ACV et des communes alentour, membres de la même structure intercommunale et bénéficiaires du programme Petites villes de demain afin d’assurer un développement local équilibré et prévenir les éventuelles concurrences territoriales entre pôles de centralité.

De même, ils estiment nécessaire la mise en cohérence des projets de revitalisation communaux avec les enjeux environnementaux et climatiques déclinés dans les contrats de relance et de transition écologique. Interrogée sur ce point, l’association Intercommunalités de France défend l’idée d’un contrat transversal intégrateur, voire unique, entre les intercommunalités ou groupements d’intercommunalités et l’État.

De manière globale, l’articulation et la bonne coordination entre les différentes politiques d’aménagement du territoire étatique paraissent indispensables.

S’il est impératif d’articuler entre eux les différents programmes de revitalisation – Action cœur de ville, Petites villes de demain et Villages d’avenir –, il n’est pas moins nécessaire d’articuler Action cœur de ville avec le programme Territoires d’industrie, lorsque les territoires se recoupent.

Le programme Territoires d’industrie

 Le programme Territoires d’industrie a été lancé en 2018 afin d’instituer un cadre coopératif de soutien à l’industrie en dehors des métropoles, autour des villes petites et moyennes et dans les zones rurales – qui comptent de nombreuses entreprises ou unités de production, avec une part de l’industrie dans l’emploi local nettement supérieure au taux national, de l’ordre de 25 %. Le programme a pour objectif de réconcilier la politique industrielle, centrée sur l’innovation et les stratégies de filières, et les objectifs de cohésion du territoire. Il s’agissait d’accompagner les projets locaux de réindustrialisation. Le programme tirait aussi les conséquences de la montée en puissance des collectivités territoriales dans le domaine du développement économique, en particulier des régions et des intercommunalités, et de la réduction simultanée des moyens des administrations déconcentrées de l’État dans un contexte de réorganisation de son action territoriale. Ce programme repose sur trois piliers : la définition de bassins industriels, les 149 – et désormais 183 – territoires d’industrie, regroupant une ou plusieurs intercommunalités ; un panier de services et de financements, géré par les services de l’État et des opérateurs de l’État, en particulier Bpifrance, Business France et la Caisse des dépôts et consignations, auxquels s’est ajoutée, dans un second temps, l’Ademe ; une gouvernance spécifique à trois niveaux : local, régional et national. Le niveau national définit la stratégie d’ensemble, sous la conduite du ministère chargé de l’économie et de celui chargé de la cohésion des territoires.

 Lancée en novembre 2023, la 2e phase du programme devrait durer jusqu’en 2027. Les 183 territoires bénéficient d’un soutien renforcé en ingénierie ainsi que d’une enveloppe de financement accompagnant les projets structurants en faveur de la transition écologique dans le cadre du fonds vert. Le programme comprend un volet « rebond » au profit des territoires connaissant de forts enjeux de mutation industrielle grâce à une ingénierie renforcée.

L’articulation entre politique de revitalisation des centres-villes et politique industrielle pourrait notamment se faire autour de la question de la redynamisation du territoire par l’emploi. Le développement de l’emploi en centre-ville pourrait contribuer à le rendre plus vivant à condition de maîtriser l’étalement urbain et de créer des réseaux de transport en commun efficaces dans les centres-villes. Selon les informations transmises par Action Logement, l’articulation entre les deux dispositifs est variable selon les territoires, Dieppe et Dunkerque constituant des exemples réussis puisque la question du logement y a été posée en amont dans le cadre d’études sur les besoins à venir en conséquence des grands chantiers menés sur le territoire. Cela étant, le logement reste souvent peu abordé voire absent des réflexions menées dans le cadre de Territoires d’industrie. Il importe donc de rendre visibles les besoins à la fois en nature et en volume puis d’apprécier la capacité des territoires à y répondre : Action cœur de ville pourrait alors constituer une partie de la réponse.

Proposition n° 17 : Mieux articuler Action cœur de ville avec les autres programmes d’aménagement du territoire.

  1.   Assurer une meilleure articulation entre les acteurs du commerce
    1.   Garantir un pilotage interministériel de la politique nationale en faveur du commerce de proximité

Avec la suppression du FISAC et le lancement du programme ACV, la politique de soutien au commerce de proximité a connu une évolution majeure de son pilotage ministériel, celui-ci passant de la DGE au ministère chargé des collectivités territoriales puis à l’ANCT. Selon la Cour des comptes, « depuis 2017, le soutien au commerce s’inscrit dans une logique d’aménagement du territoire propre au programme ACV sans que cet axe bénéficie de la même attention que la rénovation des logements ». Parallèlement, le ministère de l’économie a annoncé en 2019 le déploiement d’une stratégie nationale pour l’artisanat et le commerce de proximité, peu articulée avec le programme ACV.

En 2020, le plan de relance a renforcé le soutien au commerce de proximité, la gestion de ce soutien reste partagée entre la Banque des Territoires et le comité de pilotage du FRLA.

Depuis le lancement de l’acte II d’Action cœur de ville, trois dispositifs de subventions ayant pour ambition d’accompagner les projets commerciaux sur les territoires en difficulté ont été institués : le FRLA II (25 millions d’euros), le fonds d’aide aux commerces en zone rurale (12 millions d’euros) et le fonds de requalification des zones commerciales périphériques (24 millions d’euros). Les rapporteurs jugent indispensable d’organiser un pilotage interministériel de ces trois outils et d’inscrire ces derniers dans une stratégie globale et coordonnée afin d’éviter tout chevauchement entre eux et de garantir l’intégration des opérations subventionnées dans un projet territorial cohérent. Les rapporteurs ont souhaité auditionner le Conseil national du commerce, institué en 2023, mais n’y sont pas parvenus : ils se demandent si cette instance est réellement en activité ou s’il s’agit d’une coquille vide – à l’heure où les thématiques censées être étudiées par ce conseil sont cruciales pour le soutien au commerce de proximité dans les villes ACV.

Proposition n° 18 : Assurer un pilotage interministériel du soutien au commerce de proximité dans les villes ACV et inscrire tous les outils financiers de ce soutien dans une stratégie globale et coordonnée.

  1.   Mieux articuler les interventions de l’État et des collectivités

Depuis la loi NOTRe, les compétences en matière de politique locale du commerce et de soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire relèvent des EPCI. La définition de l’intérêt communautaire en matière de soutien au commerce, déterminée par le conseil de l’EPCI à la majorité des deux tiers, varie selon les territoires, ce afin de laisser à la commune des compétences de proximité et d’exercer au niveau de l’intercommunalité les missions qui le requièrent du fait de leur technicité ou des ressources budgétaires à engager.

Par ailleurs, communes et intercommunalités interviennent dans les domaines foncier et de l’immobilier d’entreprise qui incluent l’aménagement foncier et les aides aux travaux des commerçants.

Quant aux aides directement versées aux commerçants, elles relèvent des régions qui exercent une compétence exclusive en matière d’aides aux entreprises – compétence qu’elles peuvent déléguer au bloc communal.

Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport dédié au commerce de proximité, « la clarification des compétences en matière de développement économique par la loi MAPTAM de 2014 et la loi NOTRe de 2015 a été partielle. La Cour a souligné le manque de coordination dans les stratégies de développement économique entre les échelons de collectivités, notamment régions et bloc communal alors que le développement économique va devoir prendre en compte les impacts fonciers de l’objectif de zéro artificialisation nette qui sera apprécié dans chaque région par un inventaire des disponibilités foncières au niveau des EPCI ».

Dans ce contexte de répartition peu claire des compétences entre niveaux de collectivités, le programme Action cœur de ville confère une place centrale au maire. De plus, l’approche que privilégie désormais l’État en matière de soutien au commerce, fondée sur une politique d’aménagement du territoire et non plus sur un soutien direct via un fonds tel que le FISAC, diffère de l’approche par le développement économique, retenue par les régions. La région Centre-Val de Loire a ainsi créé un fonds prenant en charge les déficits fonciers des opérations de foncières de revitalisation, quelques années avant qu’en 2020, l’État crée le FRLA et la Cour des comptes souligne qu’aucun échange n’a eu lieu « en amont avec la région sur les enseignements à en tirer et l’articulation entre les dispositifs ».

Les rapporteurs estiment qu’une approche consolidée et coordonnée du soutien au commerce gagnerait en lisibilité et en efficacité. Il serait utile de repérer les éventuels recoupements et de comparer les critères de sélection retenus par les différentes strates de collectivités afin de faciliter le travail des communes potentiellement bénéficiaires de ces outils de soutien.

La mission d’évaluation juge aussi indispensable d’inciter les collectivités – communes et intercommunalités – à définir une véritable stratégie de redynamisation commerciale appuyée sur un diagnostic de territoire et à se doter d’une structure, pouvant être chapeautée par un manager de commerce et épaulée par un observatoire, chargée d’appliquer cette stratégie. Cette structure pourrait prendre une forme juridique laissée au libre choix de la collectivité. Une telle structure faciliterait la vie des commerçants en leur proposant par exemple de les assister dans leurs démarches administratives ([109]), en aidant à l’installation de nouveaux commerces et à la digitalisation, en réhabilitant les devantures, en mettant ces commerçants en relation avec les acteurs locaux, en apportant de l’information ou en organisant des événements et animations. Sur base d’un diagnostic, cette structure contribuerait à l’élaboration d’une véritable politique foncière commerciale articulant les interventions communale et intercommunale, définirait une programmation, identifierait les acteurs, outils d’urbanisme et financements mobilisables.

Proposition n° 19 : Assurer une coordination entre les actions des communes ACV et celles des régions, chefs de file en matière économique.

 

Proposition n° 20 : Prévoir la participation des associations représentant les régions et les départements au sein des comités de pilotage locaux, régionaux et nationaux du programme.

 

Proposition n° 21 : Assurer une meilleure représentation des acteurs du commerce au sein des comités de pilotage locaux et régionaux.

 

Proposition n° 22 : Inciter les communes ou intercommunalités ACV à définir une stratégie de revitalisation commerciale, éventuellement assortie de la création d’un comité local et d’un observatoire local du commerce.

3.   Intégrer un axe « formation » et « accompagnement social » dans l’acte III du programme

Les rapporteurs estiment que le programme Action cœur de ville gagnerait en cohérence s’il intégrait des thématiques complémentaires, déterminantes pour atténuer le phénomène de déprise des villes moyennes exerçant des fonctions de centralité. Ils songent notamment à la démographie médicale et à l’accès aux soins, à la promotion de l’enseignement supérieur avec l’installation d’antennes universitaires et d’écoles de formation et enfin, d’accompagnement social.

Sur le dernier point, les rapporteurs notent en effet que la question sociale est prégnante dans beaucoup de centres-villes de villes moyennes – où vivent en nombre des familles monoparentales, des personnes âgées, des personnes sans emploi et des personnes d’origine étrangère en situation précaire. Pourtant, on ne relève qu’une seule convention ACV s’inscrivant dans une démarche territoire zéro chômeur de longue durée.

Proposition n° 23 : Compléter le programme par un axe en matière d’accès aux soins, de formation (écoles de formation et antennes universitaires) et d’accompagnement social.

 

 


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   EXAMEN PAR LE COMITÉ

Le Comité a procédé à l’examen du présent rapport d’information lors de sa réunion du mercredi 25 juin 2025 et a autorisé sa publication.

Les débats qui ont eu lieu au cours de cette réunion sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.17189477_685c0ce86fd37.comite-d-evaluation-et-de-controle-des-politiques-publiques--rapport-d-evaluation-du-programme-acti-25-juin-2025

 


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   ANNEXE N° 1 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

1. Auditions :

        M. Frédéric Gibert, responsable du programme Action cœur de ville et du plan commerce à la Banque des Territoires, accompagné de M. Christophe Charenton, conseiller relations institutionnelles, groupe Caisse des dépôts (15 janvier 2025)

        M. Stanislas Bourron, directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), accompagné de M. Éric Étienne, directeur général délégué Territoires et ruralités, et de Mme Dominique Consille, directrice des programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain (15 janvier 2025)

        Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), accompagnée de M. Antonin Valière, responsable des relations institutionnelles (22 janvier 2025)

        M. Jean-Baptiste Marie, directeur général du Groupement d’intérêt public L’Europe des projets architecturaux et urbains (GIP EPAU), accompagné de M. Édouard Lacamp, chargé de mission auprès de la direction générale (22 janvier 2025)

        M. François Cathelineau, cofondateur et président de l’agence Phare (29 janvier 2025)

        Mme Marie de Boissieu, sous-directrice du commerce, de l’artisanat et de la restauration à la direction générale des entreprises (DGE) (29 janvier 2025)

        Mme Sophie Baudet-Michel, maîtresse de conférences, UMR Géographie-cités, Université Paris Cité ; Mme Julie Chouraqui, post-doctorante, Lab’URBA, UMR Géographie-cités, Université Gustave Eiffel ; et M. Christophe Quéva, maître de conférences, UMR Géographie-cités, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (5 février 2025)

        Mme Nadia Bouyer, directrice générale d’Action Logement*, accompagnée de Mme Aline Creignou, directrice des programmes nationaux, et de Mme Akila Mat, responsable des relations institutionnelles (5 février 2025)

        M. Gil Avérous, président de Villes de France, et M. Guillaume Ségala, directeur général, accompagnés de Mme Margaux Beau, conseillère en charge du programme Action cœur de ville, et de M. Antoine Grosset, chargé de communication (12 février 2025)

        M. Benjamin Gallèpe, directeur général de la Fédération des élus des entreprises publiques locales (FedEpl), accompagné de M. Camille Combes, responsable du département Aménagement (12 février 2025)

        M. Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P)*, et M. Pierre Burban, secrétaire général, accompagnés de Mme Thérèse Note, conseillère chargée des relations parlementaires (19 février 2025)

        M. Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM)*, accompagné de Mme Joëlle Goepfert, directrice de cabinet (19 février 2025)

        M. Emmanuel Le Roch, délégué général de la Fédération pour la promotion du commerce spécialisé (Procos)* (5 mars 2025)

        M. Christophe Bazile, président de Loire Forez agglomération, membre de la commission Économie et enseignement supérieur d’Intercommunalités de France, accompagné de M. Clément Baylac, conseiller Économie et attractivité, et Mme Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement d’Intercommunalités de France, et de M. Kévin Brun, collaborateur de cabinet du président de Loire Forez agglomération (5 mars 2025)

        Mme Priscille Caignault, notaire, membre du bureau du Conseil supérieur du notariat (CSN)*, accompagnée de M. François Proost, responsable de l’activité immobilière au département Économie du notariat, et de Mme Camille Stoclin-Mille, directrice des affaires publiques (12 mars 2025)

        Mme Anne-Emmanuelle Ouvrard, adjointe au directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), et M. Régis Hayat, référent ministériel « suivi et coordination des programmes Action coeur de ville et Petites villes de demain » (19 mars 2025)

        Mme Emmanuelle Domrault, directrice de projet Action cœur de ville de la Ville de Chambéry ; M. Didier Escherich, chargé de projet Action cœur de ville de la Ville de Sedan ; Mme Margaux Flouquet-Spiers, responsable du service Cœur de ville en transition de la Ville de Vitré ; Mme Anne Gallois, cheffe de projet Action cœur de ville de la Ville de Montélimar ; et Mmes Léa Retournard, directrice de l’habitat, de l’environnement et du renouvellement urbain, et Hélène Sion, responsable des projets Habitat privé et Renouvellement urbain de la Ville d’Épinal (19 mars 2025)

        M. Christian Beraud, membre du conseil d’administration de l’association Centre-ville en mouvement, président de l’Observatoire du commerce et de l’artisanat, et M. Pierre Creuzet, directeur fondateur de Centre-ville en mouvement (2 avril 2025)

        Mme Fadia Karam, directrice générale d’Espaces ferroviaires, directrice du développement de SNCF Immobilier, et M. Inravi Thiounn, directeur du développement et des projets territoriaux de SNCF Gares & Connexions*, accompagnés de Mmes Laurence Nion, conseillère parlementaire du groupe SNCF*, et Nelly Gaillard, responsable des relations institutionnelles de SNCF Gares & Connexions (2 avril 2025)

        Mme Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH)*, accompagnée de M. Thierry Asselin, directeur des politiques urbaines et sociales, et de M. Antoine Galewski, directeur des relations institutionnelles et parlementaires (9 avril 2025)

        Mme Annabelle Ferry, directrice territoires et ville du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) (9 avril 2025)

        Mme Anne Vigne, chargée de mission auprès du secrétaire permanent du Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA), responsable des programmes Territoires pilotes de sobriété foncière et Réinventons nos cœurs de ville, accompagnée de Mme Laetitia Comito-Bertrand, chargée de mission (9 avril 2025)

        M. Stanislas Bourron, directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), accompagné de M. Éric Étienne, directeur général délégué Territoires et ruralités, et de Mme Dominique Consille, directrice des programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain (14 mai 2025)

2. Déplacements :

        Ville de Châtellerault :

-         M. Jean-Pierre Abelin, maire, président de la communauté d’agglomération Grand Châtellerault

-         Mme Maryse Lavrard, première adjointe au maire, vice-présidente de la communauté d’agglomération Grand Châtellerault

-         M. Thierry Cavin, directeur de cabinet

-         M. Julien Perrin, directeur de l’aménagement du territoire

-         Mme Céline Champagne, directrice du programme Action cœur de ville

-         Mme Nathalie Deranty, chargée de mission Action cœur de ville

-         M. Maxime Renaud, responsable du service Maîtrise d’ouvrage territoriale

        Mme Carole Audouin, secrétaire générale de la sous-préfecture de Châtellerault

        M. Henri Noufel, chef de la mission d’animation territoriale, service de prévention des risques et d’animation territoriale, direction départementale des territoires de la Vienne

        Ville de Cognac :

-         M. Yannick Laurent, premier maire-adjoint, vice-président de Grand Cognac chargé du tourisme

-         M. Bernard Hanus, maire-adjoint délégué à l’urbanisme

-         M. Christophe Texier, directeur de cabinet

-         M. Jérôme Prévoté, directeur général des services

-         M. Frédéric Bardoux, directeur du projet Action cœur de ville

-         M. Éric Souillé, responsable du service Commerce

        Ville d’Angoulême :

-         M. Xavier Bonnefont, maire

-         M. Pascal Monier, adjoint au maire délégué à la politique du climat, à la transition écologique et à l’urbanisme

-         M. Philippe Vergnaud, conseiller municipal au commerce et à l’artisanat

-         M. Alain-Nicolas Di Meo, directeur général adjoint Attractivité et développement du territoire

-         Mme Clarisse Boutrou, directrice des projets urbains

-         Mme Céline Greninger-Lafont, responsable du service Promotion du territoire et direction des projets Action coeur de ville

-         M. Benoît Attagnant, responsable du service Commerce

-         Mme Anaëlle Mondout, chargée de mission Habitat

        Ville de Dunkerque :

-         M. Jean-Pierre Vandaele, adjoint au maire en charge du commerce, de l’artisanat et des PME

-         Mme Virginie Varlet, adjointe au maire en charge de la rénovation urbaine

-         M. Davy Lemaire, maire-adjoint, adjoint de quartier de Dunkerque-centre

-         M. Patrick Vaesken, adjoint au directeur général adjoint Transition écologique des territoires, en charge des grands projets urbains

-         M. Jérémy Innebeer, chef de projet à la direction Ville durable

-         M. Maxime Fradet, chef de projet à la direction Ville durable

-         M. Franck Vandesompèle, chef de service Accompagnement des entreprises et innovation

-         M. Alexandre Desmidt, chef de projet référent unique Espaces publics et mobilités

-         Mme Emmanuelle Vandamme, directrice de la mission Commerce et tourisme de proximité

-         Mme Sophie Meullenet, chargée d’opérations

-         M. Tugdual Delvar, collaborateur de cabinet

        S3DSPAD : M. Christophe Bocquin, directeur général, M. Laurent Batteux, directeur opérationnel, Mme Julie Broeders, responsable d’opérations, et M. Gaël Laurent, chef de projets

        Action Logement* : Mme Marieke Debuisschert, chargée de missions Relations aux territoires

        Flandre Opale Habitat : M. Christophe Vanhersel, directeur général

        BECI : M. Benjamin Vanardois, directeur général délégué

        Docks de la Marine : M. Olivier D’Hondt, promoteur

3. Enquête auprès de chefs de projet Action cœur de ville :

21 communes ont répondu à cette enquête.

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


 

   ANNEXE N° 2 :
DÉPLACEMENTS

Dans le cadre de la mission, les rapporteurs ont visité quatre villes : Châtellerault, Cognac, Angoulême et Dunkerque.

  1.   Châtellerault

Située dans le département de la Vienne et traversée en son centre par le fleuve, la ville de Châtellerault est un pôle industriel majeur : au même titre qu’Angoulême-Cognac, l’agglomération du Grand Châtellerault est l’un des 16 territoires d’industrie de Nouvelle-Aquitaine. Labellisée « pays d’art et d’histoire » depuis 2012, Châtellerault bénéficie d’un patrimoine historique important, incluant un carillon Bollée, une manufacture d’armes, un théâtre à l’italienne, un pont suspendu et des églises classées.

Depuis 1975, la commune subit une baisse régulière de sa population. Après une relative stabilisation de cette baisse dans les années 1990, celle-ci reprend en 2006 et s’accentue avec la crise économique de 2008 : la population est ainsi passée de 34 192 habitants en 1999 à 31 809 en 2015 et la baisse s’est poursuivie jusqu’en 2019. Quant à la population de l’agglomération, elle a d’abord connu une hausse rapide avant de fléchir à partir des années 2010. En 2014, elle atteint les 84 766 habitants, représentant 20 % de la population totale du département. Par ailleurs, la population est vieillissante et marquée en centre-ville par de fortes inégalités socio-économiques. Comme dans nombre de centres de villes moyennes, le cœur de ville de Châtellerault est vétuste, dégradé et paupérisé. L’offre de logements y est peu attrayante pour les étudiants et les jeunes travailleurs. Depuis 2015, le centre-ville relève du zonage de la politique de la ville.

Supérieur de 13 % à la moyenne nationale, le nombre de mètres carrés commerciaux de grandes surfaces alimentaires (35 507 mètres carrés), est en augmentation (+ 11 % depuis 2008 à l’échelle de Grand Châtellerault), au détriment du commerce traditionnel alimentaire de proximité dont le taux est en dessous de la moyenne nationale. En conséquence, la vacance commerciale est importante en centre‑ville, de même que la vétusté et l’obsolescence des cellules commerciales. En 2019, 72 cellules commerciales étaient inoccupées dans le centre-ville soit 29 % des commerces recensés. Cette tendance est en augmentation très rapide depuis 2010 mais tend à s’atténuer. La commune a également subi la fermeture d’une école de gendarmerie, de son tribunal et de ses fonderies.

La gouvernance du territoire est un atout pour le déploiement du programme Action cœur de ville puisque le maire de Châtellerault préside aussi l’agglomération : la ville-centre travaille donc main dans la main avec l’agglomération à la définition de plusieurs politiques, telles que le schéma cyclable ou la politique de l’habitat. L’élaboration du schéma de cohérence territoriale a permis aux deux niveaux de collectivités de définir une vision commune de l’aménagement urbain, notamment dans le domaine commercial, même si subsistent des approches individuelles de la part de certaines communes. L’agglomération a élaboré un PLUi.

En matière d’habitat, l’objectif visé par la ville est de rénover massivement les logements afin de maintenir la population sur le territoire. Couverte par une OPAHRU, la ville accompagne la restructuration d’immeubles stratégiques et leur réhabilitation thermique afin de recréer une offre attractive en centre-ville, aussi bien en location qu’en accession à la propriété : 115 logements ont été remis sur le marché en cœur de ville entre 2020 et 2022, avec des gains énergétiques représentant un minimum de 30 %. Conséquence directe, le taux de logements vacants a diminué d’année en année : alors qu’il s’élevait à 30 % en 2015 en centre‑ville, il était en 2023 de 24,9 %. Le prix du mètre carré locatif est passé de 7 euros en 2018 à 8,80 euros en 2023 pour un T2. Depuis janvier 2020, le nombre d’habitants augmente à nouveau de 4 % par an en cœur de ville. D’ici à la fin de l’année 2026, 97 logements minimum seront remis sur le marché, pouvant héberger 174 habitants, ainsi que deux résidences pour séniors pour 267 logements. Les rapporteurs notent que le territoire reste marqué par d’importantes difficultés sociales dans les quartiers prioritaires de la ville, notamment en raison de la présence numériquement importante de personnes en situation irrégulière.

Dans le domaine commercial, l’objectif que s’est assigné la ville est de recréer les conditions favorables d’un retour des commerces et d’une offre de services diversifiée en cœur de ville. De fait, l’offre commerciale s’y caractérise par une faible diversité (16,3 %) et le commerce de proximité tend à se reporter sur les axes de flux. Le taux de vacance commerciale est élevé, notamment parce qu’il y a dans la ville 30 000 mètres carrés de surface commerciale en trop par rapport au potentiel démographique. Depuis janvier 2021, le taux de fréquentation du cœur de ville est en légère augmentation, de même que le taux d’attractivité du cœur de ville auprès des habitants de l’agglomération. Cependant, la part de visiteurs extérieurs de la ville n’augmente guère (47,75 % fin 2022 contre 47,6 % fin 2021). Le taux de vacance commerciale à l’échelle de la ville est en légère diminution (24,3 % en 2021 contre 25,4 % en 2020) mais a augmenté autour de la place principale (42,30 % en 2022 contre 27 % en 2018).

S’agissant de la mobilité, Châtellerault s’est fixé l’objectif d’améliorer l’accessibilité de la ville sur un territoire, qualifié de « deuxième ville la plus fluide de France » au sens où l’automobile y occupe une place prépondérante L’agglomération développe des interconnexions organisées via la gare SNCF, la gare routière, des aires de covoiturage et une offre de vélos en libre-service. Grâce à une topographie facilitant les circulations douces, le territoire a développé un réseau de pistes cyclables manquant toutefois de continuité. C’est pourquoi depuis 2021, la ville tend à favoriser cette continuité du réseau cyclable et à la prendre en considération dans tous les projets d’aménagement. Quant au stationnement, il a donné lieu à une uniformisation des tarifs et a vu son zonage révisé.

En matière de patrimoine et de cadre de vie, Châtellerault jouit de plusieurs labels : non seulement la ville est classée « pays d’art et d’histoire » mais elle fait aussi partie des « villes et villages fleuris ». L’agglomération a travaillé à la valorisation des trames verte et bleue sur plusieurs tronçons et plusieurs projets de réaménagement ont été menés pour conférer à la ville centre une nouvelle image. Les rapporteurs ont ainsi pu admirer le travail de réaménagement des quais de la Vienne en cœur de ville. Plusieurs éléments de patrimoine public et privé ont également été restaurés, comme l’hôtel Sully et certaines façades.

S’agissant des services publics, de la culture et des loisirs, le Grand Châtellerault bénéficie d’une offre bien fournie – mais méconnue des habitants – en équipements culturels, sportifs, touristiques et éducatifs. En cœur de ville, l’image de certains équipements est assez négative

Par ailleurs, les services de santé sont de moins en moins présents dans l’hyper-centre. Le centre-ville reste un lieu de rencontres, notamment pour les jeunes, mais aucun espace public n’est adapté à leur accueil et il n’y a aucun lieu dédié à la petite enfance dans l’hyper-centre. La dématérialisation de nombreux services publics se développe mais les publics les plus précaires se tiennent éloignés des nouvelles technologies. Depuis janvier 2020, la ville a essayé de maintenir ses services localisés en cœur de ville à la différence de services de l’État comme le commissariat de police ou la caisse d’allocations familiales. Châtellerault n’a plus aucun médecin généraliste implanté en cœur de ville, ce qui fait obstacle à la volonté de la municipalité de renouveler la dimension résidentielle du centre-ville.

Enfin, la ville a complété les cinq axes obligatoires du programme Action cœur de ville par un sixième axe dédié à l’animation et à la promotion du territoire. Si le Grand Châtellerault accueille des emblèmes nationaux et régionaux comme La Roche-Posay, Aigle, Safran, Thales ou Valéo, il souffre d’un déficit d’image, situé qu’il est entre la métropole de Tours et la ville universitaire de Poitiers, ainsi que d’un manque d’animations, de notoriété et, surtout, de fierté identitaire. Depuis janvier 2020, l’agglomération a donc développé une stratégie marketing pour pallier ces manques et maintenir sur le territoire des manifestations populaires.

  1.   Cognac

Commune charentaise jouissant de nombreux atouts, tels qu’une économie locale dynamisée par la production de spiritueux de renommée mondiale ou la proximité d’une base aérienne ([110])  d’où décollent tous les drones armés français et où sont formés tous nos pilotes d’avion de chasse, la ville de Cognac subit cependant de plein fouet la violente crise qui frappe les exportations d’alcool français.

Ces difficultés conjoncturelles viennent s’ajouter aux enjeux plus structurels auxquels s’intéresse la mission d’évaluation. Excentré dans le département de la Charente, Cognac ne profite ni de l’autoroute comme Saintes ni du TGV et de la RN10 comme Angoulême.  Entre 2006 et 2010, la population de la ville a connu une chute brutale, passant de 19 409 à 18 557 habitants avant de remonter lentement jusqu’aux 18 909 habitants en 2022. Outre un taux de logements vacants de 11,5 % sur tout le territoire communal, la ville enregistre un taux de vacance des commerces situés dans le périmètre de l’opération de revitalisation de territoire de 16,7 %, soit 77 cellules vides, ce taux étant de 11 % en dehors de ce périmètre (21 cellules vides). En périphérie de la ville se sont développées trois zones d’activité économique à dominante commerciale gérées par le Grand Cognac – ce développement ayant été freiné par le moratoire décidé en 2018 sur la création de zones commerciales. C’est en raison de l’adoption de plans locaux d’urbanisme peu contraignants à Cognac et à Châteaubernard qu’ont pu librement se développer les commerces de rond-point ou d’entrée de ville, jusqu’à l’adoption et l’application, en 2024, d’un PLU intercommunal comprenant des orientations d’aménagement et de programmation ciblées sur le commerce.

Véritable atout pour le programme, les relations entre la ville-centre et l’agglomération du Grand Cognac ont été qualifiées d’excellentes et fluides par l’équipe municipale auditionnée par la mission d’évaluation : le maire de Cognac est d’ailleurs aussi le premier vice-président de l’agglomération. Il n’y a aucune logique de compétition entre la ville-centre et les pôles secondaires du Grand Cognac, tels que Jarnac : au contraire, l’agglomération bénéficie d’une ORT multisites pour l’application du programme ACV.

Les rapporteurs notent que l’élaboration du projet local ACV n’a pas nécessité le recours à des bureaux d’études, de nombreuses études existant au moment du lancement du programme. En revanche, la population locale a été largement consultée sur ce projet : le programme a notamment été présenté aux conseils de quartiers, a donné lieu à quatre ateliers thématiques de concertation puis à un questionnaire diffusé au grand public. Outre une réunion de travail avec les professionnels de l’immobilier en mai 2019, l’équipe municipale a organisé un atelier final pour évoquer le programme d’actions.

Si la convention ORT de Cognac a été signée en septembre 2019, l’OPAH‑RU a été lancée en 2023. À la date du déplacement des rapporteurs (26 mai 2025), 84 % des actions prévues par le projet ACV de la ville avaient été engagées ou étaient réalisées. Les principales réalisations du projet ACV comprennent un programme de soutien au ravalement de façades, la création d’un centre de santé municipal, la suppression de 3 ronds-points et de 32 feux tricolores, le développement de l’image « Cognac, ville de François 1er », l’extension de l’hôtel de communauté, la création d’une offre de vélo-partage et d’une fête annuelle du vélo, le lancement d’une réplique de « gabare » touristique sur le fleuve, la création d’une aire de camping-cars, la requalification de la place Martell, la réhabilitation et l’ouverture au public des tours de la porte SaintJacques, un plan de désimperméabilisation des cours d’école, un renforcement végétal, la création d’un dispositif de soutien à la rénovation thermique, le développement du photovoltaïque et un programme d’économie d’eau.

La commune vient de lancer sa première opération de restauration immobilière, la réhabilitation des halles de Cognac – l’établissement actuel devant malheureusement être entièrement détruit – et la création d’une nouvelle médiathèque doublée d’un conservatoire. L’agglomération est également en train de créer un pôle économique et de formation.

Sur le plan de la mobilité, la municipalité a créé un réseau de bus 100 % électriques, installé des bornes de recharge électrique et lancé un plan de redynamisation de son port.

  1.   Angoulême

Ville médiévale perchée sur un éperon rocheux, Angoulême est riche d’un patrimoine pluriséculaire avec ses rues pavées étroites, ses remparts, la cathédrale Saint‑Pierre, le Château d’Angoulême et le musée du papier. C’est aussi la ville de la bande dessinée et de l’image, arts pour lesquels elle organise des événements de portée internationale. Si la communauté d’agglomération est labellisée pays d’art et d’histoire depuis 1997, la ville fait partie depuis 2019 du réseau des villes créatives de l’UNESCO au titre de la littérature et la bande dessinée. Cependant, à partir des années 1970, la ville subit le déclin de l’industrie papetière.

Avec 142 000 habitants, la communauté d’agglomération de Grand Angoulême est la septième intercommunalité la plus peuplée de Nouvelle‑Aquitaine. Elle accueille une part plus importante de personnes vulnérables que dans la région – vulnérables au sens où ces personnes encourent un risque plus élevé de précarité économique.

Des disparités de revenu existent entre les communes : Angoulême et la plupart des communes voisines ont un niveau de vie moins élevé tandis que celles de deuxième couronne, comme Garat, Balzac et Trois-Palis, sont plus aisées. Au sein même des communes coexistent des profils variés de ménages et des niveaux de vie différents. Toujours au sein de la communauté d’agglomération, des disparités de revenu existent aussi à l’échelle communale : Angoulême et la plupart des communes voisines ont un niveau de vie moins élevé que la moyenne intercommunale, à l’exception notable de Puymoyen. L’écart est ainsi de 8 000 euros entre le niveau de vie médian de Puymoyen (26 420 euros), commune la plus aisée de l’intercommunalité, et celui de Soyaux (18 030 euros), commune la plus modeste. Au niveau infracommunal, la réalité des communes est plus complexe : des quartiers caractérisés par différents niveaux de vie coexistent au sein d’une même commune. Au sein de la communauté d’agglomération, les personnes seules, les familles monoparentales et les jeunes, notamment « ni en emploi ni en étude », sont plus présents que dans la région. La population vieillit également : trois personnes sur dix ont plus de 60 ans, contre seulement deux personnes sur dix dans les années 1990.

La ville d’Angoulême comptait 41 086 habitants lors du recensement de 2021. La ville se caractérise par une diminution contenue mais régulière de sa population depuis le début des années 1980 – diminution qui diffère selon les quartiers de la ville. La vacance des logements a diminué depuis 2013 mais se maintient à un niveau élevé (11 % contre 8 % dans les villes de même strate), et touche très fortement certains secteurs du centre-ville en particulier. Dans les secteurs ayant bénéficié de constructions de logement, on assiste à un départ des familles au profit des personnes seules. L’évolution de la population s’explique essentiellement par un solde migratoire négatif : les départs d’habitants ont été plus nombreux que les arrivées. La natalité reste dynamique depuis les années 1960, ce qui limite la baisse du nombre d’habitants, mais entre 2013 et 2018, la ville a perdu en moyenne 52 habitants par an, Angoulême reste toutefois un pôle d’attraction majeur.

Au lancement du programme, le taux de vacance des logements s’élevait à 12 % du parc en moyenne dans la commune et à 18 % ou plus suivant les secteurs du cœur de ville. La ville se caractérisait en 2018 par le mauvais état des logements anciens : 1 141 logements étaient potentiellement indignes. Ces logements se concentrent dans les quartiers du Plateau, du Champ de Mars, de Bussatte, de Saint‑Ausone, de Saint-Martin, de L’Houmeau et de Gâtine.

Le secteur commercial est fragilisé du fait de l’étirement de l’axe marchand, avec un taux de vacance moyen de 18 %, mais fluctuant entre 8 % et 33 % suivant les secteurs, des difficultés à maintenir des services, notamment l’offre de soins du fait des caractéristiques immobilières et problématiques d’accessibilité. Angoulême se caractérise par un important turnover des commerces en centre‑ville pour les surfaces petites et moyennes. De grandes enseignes commerciales ont par ailleurs fermé sur les surfaces plus grandes. En revanche, les administrations sont restées en ville et plusieurs entreprises industrielles sont toujours installées au sein de l’agglomération.

S’agissant du volet santé, l’hôpital a des difficultés de recrutement, ce qui conduit à la réduction de capacité de certains services. Globalement, peu médecins et spécialistes s’installent dans la ville, malgré des actions menées auprès des internes en stage sur le territoire tout au long de l’année.

La couverture du territoire par une ORT multi-sites et un PLU intercommunal ont permis à Angoulême de co-construire son projet avec l’agglomération dans une logique de complémentarité et de répartition. La ville a fait appel à des bureaux d’études pour élaborer son projet ACV mais ne bénéficie pas de la présence d’une agence d’urbanisme, ce qu’elle considère comme un manque regrettable.

Quant aux principaux champs d’action du projet, en matière d’habitat, la ville a eu recours à une OPAH-RU pour résorber 17 friches, réhabiliter 236 logements et créer 108 logements locatifs sociaux. Par ailleurs, Action Logement est un partenaire majeur sur le territoire avec 15 projets représentant 237 logements dont l’offre nouvelle de 137 logements et la résorption de 7 friches. La ville a aussi entrepris la restauration de façades.

En matière commerciale, la collectivité applique la taxe sur les friches commerciales à 178 locaux contre 286 en 2019. Elle apporte des aides à la rénovation de devantures, accompagne les porteurs de projet à l’installation grâce à un soutien à l’installation, et soutient des associations pour l’organisation d’événements commerciaux. Dans le cadre d’ACV 2, la ville a conclu un partenariat avec l’agglomération, notamment dans le cadre de l’ORT, pour la création d’un « Pack Commerces » regroupant toutes les aides auprès des commerçants.

Parmi les actions emblématiques d’Angoulême dans le cadre d’ACV, citons, sur les bords de la Charente dans le quartier de L’Houmeau, la reconversion du site d’une ancienne quincaillerie et d’une entreprise de textiles en un îlot moderne consacré à l’informatique (École 42). D’autre part, plusieurs réhabilitations de friches ont bénéficié à des sociétés en lien avec le Pôle image Magelis. Le studio d’animation Hari a quant à lui investi un laboratoire à l’abandon.

En matière d’évaluation du programme, dans le cadre d’ACV 1, Angoulême a établi un bilan chiffré par nombre de projets, précisant les montants investis et les effets sur l’emploi et la venue d’étudiants. L’application du principe de sobriété foncière est en cours d’évaluation grâce à l’institution, en 2024, d’un observatoire de l’habitat.

  1.   Dunkerque

Détruit à plus de 80 % pendant la seconde Guerre mondiale, Dunkerque est une ville de la reconstruction caractérisée par de larges avenues, de grands espaces publics et des immeubles de faible hauteur. La commune compte 46 303 logements, contre 30 751 en 1968, soit une hausse de 51 % en 60 ans.

Lors du recensement de 2021, la commune de Dunkerque comptait 86 788 habitants. Elle a perdu près de 14 000 habitants par rapport à 1982, année de son pic démographique. Depuis 1986, elle est membre de la communauté urbaine de Dunkerque qui comprend 17 communes regroupant 192 635 habitants. Au cours de la même période, sa population a vieilli, son taux de natalité a été divisé par deux, tandis que son taux de mortalité a augmenté de quasi 1 %. Au 1er trimestre 2024, le taux de chômage s’élevait à 8,7 %, contre 9,9 % dans le département. En 2020, 23,1 % de la population occupait un emploi ouvrier, contre 19,6 % au niveau national. Depuis 2009, le nombre de logements vacants a augmenté de façon régulière passant de 5 % à 7 %. Le nombre de créations d’entreprises a connu une baisse de presque 20 % entre 2021 et 2022.

Le développement économique de la ville s’articule essentiellement autour de l’établissement public du grand port maritime de Dunkerque, du terminal des Flandres ainsi que du terminal méthanier. La présence de ce complexe industrialo-portuaire explique la préexistence, avant le lancement du programme, d’une ingénierie locale structurée. En raison de ce projet de redynamisation industrielle est prévue la création de plus de 20 000 emplois en lien avec la décarbonation de l’industrie, ce qui suppose de mener une politique du logement adaptée.

La convention-cadre pluriannuelle ACV de Dunkerque a été signée en septembre 2018. En novembre 2019, cette convention-cadre a été homologuée en tant que convention d’ORT : un arrêté préfectoral définit le périmètre ORT de la commune. En septembre 2021, un avenant à la convention-cadre a été ajouté, valant OPAH‑RU. Enfin, un avenant a été conclu pour couvrir la période 2023-2026. La commune de Dunkerque fait partie des communes les plus peuplées du programme ACV et la communauté urbaine dispose d’une ingénierie lui permettant de faire usage de ses compétences en matière d’urbanisme, d’aménagement, d’habitat, de foncier, de voirie-espaces publics, de mobilité-transport et de développement économique.

Comme le rappelle la chambre régionale des comptes des Hauts-de-France ([111]) d’après le contrat territorial pour la production et la rénovation de logements sociaux 2024-2026, le développement de la plateforme industrialo-portuaire entraîne la création à moyen terme de plus de 24 000 emplois susceptibles et donc d’importants besoins en logement. Ce contrat estime ce besoin à 11 450 logements, au-delà des 7 500 prévus dans le plan local d’urbanisme intercommunal habitat et déplacements (PLUI-HD), auxquelles s’ajoute un besoin de 4 300 places d’habitat temporaire.

La chambre régionale des comptes souligne que dès avant Action cœur de ville, le projet Phoenix, développé à partir de 2014 par la commune de Dunkerque et l’EPCI, promouvait une approche transversale du renouvellement urbain.

Ce projet vise à renforcer à la fois l’aspect commercial, tertiaire, résidentiel et l’embellissement du centre d’agglomération. Il entend également renforcer l’accessibilité du territoire en élargissant l’offre de transport en commun et en créant des pôles d’échanges de transports à proximité de la gare TGV. Il se matérialise par l’instauration de la gratuité des transports publics à Dunkerque en 2018, financée grâce au « prélèvement transports », et du projet « Dk’ Plus de mobilité ». La préexistence du projet Phoenix a permis à Dunkerque d’entrer dans la catégorie de villes d’ACV dont le projet global est considéré comme abouti au sens de la circulaire du 10 janvier 2018. En amont du projet Phoenix, un projet « habitat des quartiers anciens de Dunkerque » avait été mené depuis 2008 par la communauté urbaine. En raison de la préexistence du programme Phoenix, peu d’études de diagnostic complémentaires ont été établies. En outre, les relations entre la commune de Dunkerque et les principaux financeurs du programme ACV préexistaient à la signature de la convention.

Le programme a permis le financement d’un chef de projet habitat-copropriété cœur de ville et d’un développeur de centre-ville animant le réseau de commerçants.

Lancé en août 2018, le programme opérationnel de prévention et d’accompagnement des copropriétés vise à recenser les copropriétés fragiles, à animer un partenariat local et à sensibiliser les copropriétaires et les habitants à l’importance de la rénovation énergétique. L’objectif qui lui a été assigné est d’accompagner une quarantaine de copropriétés sur trois ans. La collectivité a également institué, en lien avec la communauté urbaine, l’Anah et l’agence d’urbanisme Flandres-Dunkerque, un observatoire des copropriétés afin d’améliorer la connaissance des copropriétés sur le territoire. En 2021, la commune a institué une OPAH-RU avec l’objectif de réhabiliter 550 logements entre 2021 et 2026. Enfin, la convention ACV intègre Action Logement et sa filiale Flandre Opale Habitat dans la concession de renouvellement urbain des quartiers d’habitat ancien.

La commune de Dunkerque a noué un partenariat avec la chambre de commerce et d’industrie et l’université Ulco. La première convention, signée avant le déploiement du programme ACV, a été reconduite en 2021 jusqu’en 2023. En outre, la commune a prévu l’extension en dentelle du périmètre de l’opération de revitalisation du territoire aux entrées de ville et abords de la gare. Installés par la commune sur la place Jean Bart, des conteneurs maritimes équipés de cimaises, d’étagères, d’un accueil, de vitrines, de moyens de projection et d’une petite réserve ont permis l’installation d’une boutique et d’un espace d’exposition. À la fin de l’année 2020, la commune a lancé l’application DK So Shopping qui visait 460 commerces susceptibles d’y être rattachés. Elle a été présentée comme une application permettant de connaître les commerces ouverts, offrant le service click & collect pour aboutir à une market place, concurrencer les grandes plateformes internet et favoriser le commerce local.

Les principaux projets présentés aux rapporteurs lors de leur déplacement sont :

– les docks de la Marine, projet qui promeut la construction, au-dessus de nouveaux commerces implantés en rez-de-chaussée, de 150 logements avec un partage entre accession à la propriété en très haut standing et logement social ;

– la passerelle de la gare dont la construction ambitionne le désenclavement du quartier de l’île Jeanty et le rapprochement de Saint-Pol-sur-Mer du centre‑ville de Dunkerque. Piétonne et cyclable, la passerelle doit desservir les quais de la gare SNCF et enjamber le canal de l’île Jeanty.

– les bains dunkerquois, site fermé depuis 50 ans qui comprend l’ancien bâtiment des bains dunkerquois et le bâtiment des prudhommes. Remplissant à l’origine une fonction de bains-douches, piscine et lavoir public, le bâtiment bénéficie d’une identité patrimoniale forte. Le projet retenu dans le dispositif « Réinventons nos cœurs de villes » vise à transformer ce site en une résidence intergénérationnelle inclusive, adossée à un hôtel offrant une possibilité d’hébergement pour les visiteurs des résidents séniors. En complément de cette offre, un restaurant et un espace de cotravail seront installés au rez-de-chaussée.

– la halle alimentaire, projet emblématique de la revitalisation du centre‑ville dont l’objectif est de proposer une offre commerciale nouvelle grâce à l’installation de producteurs locaux, la mise en avant de produits nouveaux, et la préservation de l’offre alimentaire du centre-ville.

Selon la chambre régionale des comptes des Hauts-de-France ([112]), le montant de la participation financière d’Action Logement dans le programme ACV pour la région Hauts-de-France s’élevait, au 31 décembre 2022, à 240 millions d’euros, soit 16,9 % de l’enveloppe nationale. La commune a bénéficié, sur la période 2018‑2022, de 21,5 millions d’euros, montant supérieur à la moyenne régionale (10,4 millions).

 


([1]) Julie Chouraqui, Les villes moyennes françaises, diversité, spécificités et action publique en contexte de déprise urbaine, thèse de doctorat, https://ecm.univ-paris1.fr/nuxeo/site/esupversions/65c011b3-1fea-4e90-9078-4b4f6552dd1c.

([2]) Op. cit.

([3]) Le premier, du CGET, intitulé Regards croisés sur les villes moyennes : des trajectoires diversifiées au sein des systèmes territoriaux, le deuxième, du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection générale des finances, sur La revitalisation commerciale des centres-villes et, le troisième, de l’ancien sénateur et maire de Chinon Yves Dauge, intitulé Plan national en faveur des nouveaux espaces protégés.

([4]) 234 communes ont été sélectionnées lors du lancement du programme en 2018 puis onze supplémentaires en 2023 lors de l’acte II du programme. Depuis, deux communes ont quitté le programme de sorte que 243 communes sont aujourd’hui labellisées Action cœur de ville.

([5]) La politique de l’État en faveur du commerce de proximité, rapport thématique de la Cour des comptes, septembre 2023, p. 31.

([6]) Complétant ce dispositif, un comité d’orientation, dont la composition est analogue au comité exécutif mais qui associe également des fédérations professionnelles et des experts, exerce un rôle plus prospectif, en échangeant sur les mesures nouvelles susceptibles de consolider et d’enrichir le programme et ses perspectives d’évolution.

([7]) https://www.ccomptes.fr/fr/documents/68499 L’Agence nationale de la cohésion des territoires, un outil à consolider, exécution 2020-2022, communication de la Cour des comptes à la commission des finances du Sénat, février 2024.

([8]) Ces documents précisent les conditions dans lesquelles ces opérateurs participent au financement et à la mise en application d’actions sur les territoires où intervient l’ANCT. Cette participation revêt trois aspects : la contribution des partenaires aux programmes nationaux territorialisés, la contribution à l’accompagnement sur mesure des projets des collectivités locales et la diffusion des connaissances. Cependant, ces opérateurs ont une autonomie structurelle et relèvent d’autres ministères que celui qui est chargé de la cohésion des territoires.

([9]) OPAH de renouvellement urbain.

([10]) La réduction d’impôt « Pinel » s’applique aux investissements réalisés depuis le 1er septembre 2014 et jusqu’au 31 décembre 2024.

([11]) Devant représenter au moins 25 % du coût total de l’opération, les travaux à réaliser doivent consister en des travaux améliorant la performance énergétique du logement d’au moins 20 à 30 % selon la nature du logement (arrêté du 26 mars 2019) ; au moins deux types de travaux parmi le changement de chaudière, l’isolation de la toiture, l’isolation des murs, le changement de production d’eau chaude, l’isolation des fenêtres ; la création de surface habitable nouvelle (par exemple : balcon, terrasse ou garage). Les travaux doivent être terminés au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant l’acquisition.

([12]) Ce prix comprend l’ensemble des sommes débloquées pour acquérir le bien, y compris les dépenses de rénovation. L’avantage fiscal est étalé sur la durée de location.

([13]) Pour une période de location de six ans, la réduction d’impôt s’élève à 12 % du prix du bien ; pour une période de location de neuf ans, la réduction d’impôt s’élève à 18 % du prix du bien ; pour une période de location de douze ans : la réduction d’impôt s’élève à 21 % du prix du bien

([14]) Loc’Avantages offre une réduction d’impôt sur le revenu aux bailleurs louant, dans le cadre d’une convention signée avec l’Anah pour une durée minimum de six ans, des logements non meublés et ayant une étiquette énergétique supérieure aux catégories F et G, sous certaines conditions de loyer et de revenu des locataires. Le loyer « Loc1 » est inférieur de 15 % aux loyers du marché, « Loc2 », de 30 % et « Loc3 », de 45 %. Le montant de la réduction d’impôt dépend du montant du loyer demandé au locataire et du recours ou non à une intermédiation locative. Loc’Avantages ne peut être cumulé ni avec le dispositif Pinel ni avec le dispositif Denormandie, sauf pour le seul volet budgétaire de travaux lourds.

([15]) Face aux difficultés et inquiétudes exprimées quant aux contraintes liées à cet objectif, la loi n° 2023‑630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux a prévu des délais supplémentaires pour intégrer les objectifs de réduction de l’artificialisation dans les documents d’urbanisme.

([16]) Service interministériel rattaché aux ministères de l’écologie et cohésion des territoires et associant également les ministères de la recherche et de la culture, le PUCA a pour mission de favoriser l’innovation dans le domaine de la construction.

([17]) Établissement public relevant du ministère de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, du ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, le Cerema accompagne l’État et les collectivités territoriales pour l’élaboration, le déploiement et l’évaluation de politiques publiques d’aménagement et de transport.

([18]) Au lancement du dispositif en 2024, 47 villes étaient bénéficiaires de 53 accompagnements au total.

([19]) Rapport d’évaluation du programme Action cœur de ville, p. 38.

([20]) Op. cit., p. 34.

([21]) La revanche des villes moyennes, vraiment ? Note d’analyse n° 106 de France Stratégie, janvier 2022 ; Les villes moyennes, un pilier durable de l’aménagement du territoire ? Note d’analyse n° 107 de France Stratégie, janvier 2022 ; ces deux notes d’analyse sont assorties d’une annexe méthodologique.

([22]) Il importe de souligner que France Stratégie appréhende ces 202 villes à l’échelle de leurs aires urbaines et non des seules villes centres.

([23]) Op. cit.

([24]) Si le panel retenu est légèrement différent de celui du programme Action cœur de ville, il reste suffisamment proche pour que les rapporteurs jugent pertinent de citer cette étude, comme le fait d’ailleurs la Cour des comptes dans son propre rapport d’évaluation du programme. Le panel de villes considéré dans le cadre de ce travail est construit à partir d’une approche multicritère en actualisant une définition proposée par le CGET (2018). La sélection des communes-centres des villes moyennes est réalisée à partir du croisement des critères suivants : appartient à une unité urbaine (tache urbaine au sens de l’Insee) de plus de 20 000 habitants ; est de catégorie « commune-centre » au sein du zonage en aire d’attraction des villes de l’Insee et compte plus de 10 000 habitants ; est hors de l’aire d’attraction des villes des 22 métropoles institutionnelles. Deux départements (Creuse et Lozère) ne comptant pas d’unité urbaine de plus de 20 000 habitants, leurs chefs-lieux (respectivement Guéret et Mende) sont considérés comme des villes moyennes. Cela conduit à retenir 202 villes moyennes (dont 190 en France métropolitaine).

([25]) Op. cit.

([26]) Agde, Ambérieu-en-Bugey, Angoulême, Annemasse, Arras, Avignon, Bayonne, Belfort, Besançon, Béziers, Blois, Bourg-en-Bresse, Calais, Carcassonne, Chambéry, Chartres, Colmar, Dole, Limoges, Lourdes, Mâcon, Narbonne, Pau, Perpignan, Poitiers, Quimper, Saint-Brieuc, Tarbes et Valence.

([27]) Ajaccio, Aurillac, Bastia, Beauvais, Bergerac, Béziers, Castres, Carcassonne, Dole, Limoges, Lorient, Lourdes, Pau, Perpignan, Poitiers, Quimper, Rodez, Vannes. À cette liste, on peut ajouter les villes situées à proximité d’aéroports de voyageurs, comme Bayonne (aéroport de Biarritz) ; Riom et Issoire (aéroport de Clermont-Ferrand) ; Frontignan, Lunel et Sète (aéroport de Montpellier), etc.

([28]) Op. cit., p. 37.

([29]) Op. cit., p. 36.

([30]) Ibid., p. 37.

([31]) Ibid., p. 27.

([32]) Besançon, Dunkerque, Alençon, Arras, Perpignan, Le Creusot, Poitiers et Limoges.

([33]) Il s’agit du rapport « Expérimentation ville patrimoniale » évoqué en introduction et des villes de Figeac, Lunéville, Gien, Guebwiller ou Villefranche-de-Rouergue, par exemple.

([34]) Op. cit., p. 37.

([35]) Sur le littoral atlantique (Bayonne, Rochefort) ou méditerranéen (Perpignan) et la vallée du Rhône (Valence) et la frontière suisse (Chambéry).

([36]) Belfort, Montbéliard.

([37]) Nevers, Châteauroux, Charleville-Mézières, Épinal, Sedan.

([38]) Troyes, Colmar, Auch, Castres.

([39]) Il s’agit de villes comme Charleville-Mézières, Dieppe et Saint-Dizier.

([40]) Belfort, Montbéliard, Vesoul.

([41]) C’est le cas à Avignon, Béziers, Narbonne et Perpignan ou encore, en outre-mer, à Saint-Louis de La Réunion.

([42]) Op. cit.

([43]) Dans sa thèse de doctorat intitulée Les villes moyennes françaises, diversité, spécificités et action publique en contexte de déprise urbaine : https://ecm.univ-paris1.fr/nuxeo/site/esupversions/65c011b3-1fea-4e90-9078-4b4f6552dd1c, p. 196 à 230.

([44]) Agen, Auxerre, Bastia, Cahors, Le Mans, Saint-Brieuc, Valence…

([45]) Béziers, Calais, Lorient, Saintes…

([46]) Cette analyse est empruntée à l’urbaniste Aurélien Delpirou in Action cœur de ville : une réponse en trompe-l’œil à la crise des villes moyennes ?, Métropolitiques, 28 octobre 2019, https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/pdf_met-delpirou4.pdf

([47]) Sur ce point, cf. Adam Baïz et Anne Revillard, Comment articuler les méthodes qualitatives et quantitatives pour évaluer l’impact des politiques publiques ? Décembre 2022, p. 14.

([48]) La politique de l’État en faveur du commerce de proximité, rapport thématique du 29 septembre 2023.

([49]) Aurélien Delpirou, op. cit.

([50]) Les rapporteurs empruntent la métaphore au géographe Daniel Béhar : https://www.acadie-cooperative.org/publications/txt235.pdf

([51]) Sur ces aspects, cf. https://www.strategie.gouv.fr/files/files/Publications/2021%20SP/2022-01-31%20-%20NA%20106%20-%20Les%20villes%20moyennes/fs-2022-na107-villes-moyennes-janvier.pdf

([52]) Op. cit.

([53]) Les 12 autres communes ayant accueilli un service sont, en général, trop petites pour figurer dans ce programme (exemple : Decazeville, Guingamp, Joigny, Loches, etc.).

([54]) Point sur lequel les rapporteurs reviennent plus en détail en troisième partie.

([55]) La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, a prévu le transfert automatique de la compétence d’élaboration du PLU aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération tout en permettant aux communes membres de s’opposer à ce transfert en activant, dans les trois mois précédant le 1er janvier 2021, une minorité de blocage de 25 % des communes minimum représentant au moins 20 % de la population de l’EPCI. Si le taux de transfert de la compétence PLU aux intercommunalités est modeste, cela est peut-être lié à la crainte de certains maires de perdre la compétence en matière de délivrance des autorisations d’urbanisme alors que les compétences en matière de PLU et d’application du droit des sols sont déconnectées. Même couvertes par un PLUi, les communes restent compétentes en matière d’autorisations d’urbanisme.

Il est à noter par ailleurs que la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, ainsi que la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux prévoient l’intégration, par tranche de dix ans, des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols dans les documents d’urbanisme d’ici au 22 février 2028.

([56]) Chiffre consolidé par la Banque des Territoires en 2024.

([57]) De commune ACV.

([58]) L’inflation est passée de 0,50 % en 2020 à 1,60 % et 2021 et 5,2 % en 2022.

([59]) Cette diversification a été favorisée par des évolutions internes à l’organisme qui a facilité l’investissement en fonds propres pour des sommes de moins d’un million d’euros.

([60]) Dans le cadre du plan de relance, le gouvernement a créé un fonds de 750 M€ couvrant les années 2021‑2022 pour financer des opérations de recyclage des friches et plus généralement de foncier déjà artificialisé. La réhabilitation des friches constitue un enjeu majeur d’aménagement durable des territoires pour répondre aux objectifs croisés de maîtrise de l’étalement urbain, de revitalisation urbaine et, par conséquent, de limitation de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers et de protection des sols contre leur artificialisation.

([61]) Créé en 2003 dans le cadre du dispositif d’investissement locatif dit « Robien », le zonage ABC est notamment utilisé pour le périmètre d’éligibilité et pour les barèmes applicables (plafonds de loyer et de ressources) aux aides relatives à l’investissement locatif (Denormandie, Pinel, Loc’Avantages), à l’accession à la propriété (prêt social location-accession, prêt à taux zéro, TVA à taux réduit en zone ANRU et quartier prioritaire de la ville, bail réel solidaire), ainsi qu’au logement locatif intermédiaire et pour la fixation des plafonds de loyers des logements sociaux financés en PLS. Ce zonage a été refondu depuis, en 2006, 2009 et 2014. Depuis 2014, le zonage a fait l’objet de quatre révisions partielles en 2019, 2022, 2023 et en juillet 2024. Les zones caractérisées par un déséquilibre sont les zones Abis, A, B1 et B2. Le déséquilibre peut être plus ou moins important. Selon les dispositions de l’article 18-0 bis C de l’annexe 4 du code général des impôts, les zones Abis, A et B1 présentent un « déséquilibre important » entre l’offre et la demande de logements. Certains dispositifs comme le dispositif « Pinel », le logement locatif intermédiaire pour les investisseurs institutionnels ainsi que le prêt à taux zéro dans le logement collectif neuf à compter du 1er janvier 2024 restreignent l’éligibilité aux aides de l’État à ces zones particulièrement tendues.

([62]) Entre 2018 et 2024, le coût des travaux et honoraires des opérations de construction neuve a augmenté de 18 % ; celui des opérations d’acquisition-amélioration, de 12 %. Qui plus est, le coût de production d’un logement social neuf dans une commune ACV est plus élevé que la moyenne nationale. En 2024, le coût travaux moyen d’une opération de construction neuve en logement social dans les communes Action cœur de ville s’est élevé à 2 139 €/m2 de surface habitable (SHAB) (57 m2 en moyenne) contre 1 790 €/m2 SU (66 m2 en moyenne). En zone A et B1, le coût moyen a été de 2 265 €/m2 de SHAB. En zone B2 et C, ce coût a été de 2 062 €/m2 de SHAB. Entre 2018 et 2024, le ratio moyen du coût travaux est de 1 720 €/m2 SHAB avec des valeurs allant de 360 € à 6 458 €. Ce ratio dépend du niveau de dégradation du bien et de la capacité d’investissement.

([63]) Chaque année, des circulaires sont également publiées pour clarifier les règles de répartition de ces subventions (DSIL, DETR, FNADT) entre les différentes politiques publiques, dont Action cœur de ville.

([64]) Depuis 2023, l’adoption des deux nouveaux objectifs (sobriété foncière et d’adaptation des villes ACV au changement climatique) par l’acte II du programme inscrit le programme dans la continuité des priorités gouvernementales (France Nation verte, objectif zéro artificialisation nette (ZAN), plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC)). Une instruction du 23 février 2024 a enjoint en ce sens les préfets de département à resserrer les exigences dans l’octroi des dotations et à veiller à ce qu’au moins 30 % des crédits de la DSIL et 20 % des crédits de la DETR soient attribués à des projets favorables à l’environnement.

([65]https://www.legifrance.gouv.fr/circulaire/id/45588?page=1&pageSize=10&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=SIGNATURE_DATE_DESC&tab_selection=circ&typePagination=DEFAULT

([66]) Plus de 9 000 communes au total sont bénéficiaires du fonds.

([67]) L’ANCT a créé un outil de suivi des projets inscrits dans les conventions-cadres ACV pour assurer une supervision des thématiques et des états d’avancement de ceux-ci. Cet outil a été enrichi début 2025 avec des données financières sur le montant des projets. Ainsi, en considérant uniquement les actions livrées et pour lesquelles l’ANCT des informations sur les montants des différents financeurs associés à chaque projet (y compris les collectivités), l’agence estime que les communes ACV ont pris en charge environ un tiers du montant des projets ACV livrés.

([68]) Catégorie d’établissement public créée par la loi « Maptam » et constituée par accord entre plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au sein d’un périmètre d’un seul tenant et sans enclave.

([69]) Les chiffres fournis par la collectivité couvrent la période 2018-2022.

([70]) Julie Chouraqui rappelle en effet que les engagements de la Banque des Territoires pour des investissements en fonds propres dans les villes ACV sont le plus souvent soumis au principe de co-investissement. Elle souligne aussi que le principe de diversification des financements propre au programme ACV est difficile à appliquer sur les territoires en décroissance urbaine.

([71]) Dans son rapport sur l’attractivité résidentielle des centres-villes, Action Logement indique : « Le retour des salariés passe par le développement d’une offre qualitative, durable et atypique de logements dans la villecentre pour les rendre attractifs aux yeux des salariés en recherche d’un nouveau logement et qui auront, dans ce cadre, à arbitrer entre une offre de centre-ville et une offre périurbaine ».

([72]) La Banque des Territoires et le groupe Action Logement ont en effet été laissés libres de déployer leur offre de financements sans que l’État leur impose de contrainte d’organisation particulière.

([73]) https://anct-site-prod.s3.fr-par.scw.cloud/s3fs-public/2021-10/Guide%20programme%20ACV%20-%20septembre%202021%20vf.pdf

([74]) Dans leur rapport du 29 septembre 2022 sur la Revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs : entre enthousiasme et frustrations, les sénateurs Rémy Pointereau, Sonia de La Provôté, Serge Babary et Gilbert‑Luc Devinaz, rapportent une citation de l’ANCT : « De par son caractère décentralisé, il n’était pas pertinent de fixer des objectifs nationaux qui ne correspondraient pas à la réalité locale (...) Des objectifs quantitatifs auraient été en l’espèce artificiels et technocratiques. »

([75]) Ces enjeux sont appréhendés dans les travaux des géographes Yoan Miot et Sylvie Fol.

([76]) La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a inclus le commerce dans les compétences transférées aux communautés de communes et d’agglomération au 1er janvier 2017, tout en laissant aux communes la liberté de déterminer ce qui relève respectivement de la compétence intercommunale et de la compétence de chaque commune membre. Le transfert de compétences résulte de la détermination de l’intérêt communautaire : cet intérêt porte bien sur la politique locale du commerce et le soutien aux activités commerciales. La définition de l’intérêt communautaire est décidée par le conseil de la communauté des communes ou de la communauté d’agglomération à la majorité des deux tiers de ses membres, conformément au IV de l’article L. 5214‑16 et au III de l’article L. 5216‑5 du code général des collectivités territoriales.

([77]) France entière, communes ACV incluses.

([78]) Source : https://www.centre-ville.org/wp-content/uploads/2020/04/2500049-Barometre-du-centre-ville-Vague-10-Rapport-CP-0605-V4.pdf

([79]) Sartrouville, Limoges, Avignon, Chambéry, Perpignan, Pau, Vannes, Poissy, Valence, Colmar, Arras, Boulogne‑sur‑Mer, Valenciennes et Bastia.

([80]) La hausse a été de 149,4 % à Carpentras ; à Mende, de 59,1 % ; à Issoudun, de 47,2 %, à Mazamet, de 45 % et à Vitry-le-François, de 37,1 %.

([81]) Avignon, Bayonne, Besançon, Sartrouville, Limoges, Chambéry, Perpignan, Pau, Vannes, Poissy, Valence, Colmar, Lens, Arras, Valenciennes, Melun, Roanne, Bastia et Troyes.

([82])  Le dispositif ville « Pack Copro » vise à accompagner les copropriétés du centre ancien en difficulté par la mise en place d’un syndic professionnel : aide à la copropriété dans le financement d’un syndic (delta entre le coût de gestion d’une copropriété de 20 lots et le coût de gestion estimé de la copropriété concernée) ; la formation des différents syndics bénévoles accompagnés par l’ADIL 73 dans leur montée en compétence.

([83])  Le dispositif « Aides aux façades » vise à aider financièrement les copropriétés du centre ancien, sur certains travaux de façade et selon certaines conditions, à hauteur de 35 % du coût.

([84]https://www.anah.gouv.fr/sites/default/files/2023-07/Instructions_experimentations_2021_04_12_signees.pdf

([85]) Prêt locatif aidé d’intégration, prêt locatif à usage social, prêt locatif social.

([86]) Saut d’au moins deux étiquettes énergétiques et l’atteinte, après travaux, de l’étiquette énergétique D du DPE, au minimum.

([87]) Comme l’a expliqué Julie Chouraqui, « l’intervention d’un EPF n’a pas de coût direct pour une collectivité : l’acquisition du terrain et le portage foncier ne sont pas facturés comme un service et le terrain est revendu au prix de revient pour les étapes d’aménagement suivantes. Historiquement, le prix de revient du terrain venu par un EPF peut être minoré lorsque l’opération vise à produire des logements sociaux. Concernant les EPF d’État, ces minorations s’appliquent aux secteurs ORT. Elles se cumulent avec les minorations associées à la production de logements sociaux. Enfin, l’assiette de minoration qui correspondait historiquement à un pourcentage du prix du terrain peut être élargie à des dépenses de travaux ».

([88]) L’investissement dans des biens situés en outre-mer permet une bonification de ces taux de 11 %.

([89]) Quant aux différences, elles sont les suivantes : le Pinel ancien réhabilité visait à lutter contre l’habitat insalubre, dégradé ou indigne. 1 837 villes situées dans les zones en tension étaient éligibles au dispositif Pinel tandis que le dispositif Denormandie concerne surtout les villes ACV ou faisant partie d’une ORT.

([90]) https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/les-reductions-d-impot-malraux-et-denormandie-dans-a3865.html

([91]) Publié en novembre 2024.

([92]) L’INSEE a ainsi identifié, entre 2009 et 2015, un décrochage du commerce de centre-ville particulièrement marqué dans les moyennes et petites villes, et en particulier pour celles rassemblant de 50 000 à 200 000 habitants et moins de 50 000 habitants (La déprise du commerce de proximité dans les centres-villes des villes de taille intermédiaire, INSEE Première, 2019).

([93]) L’ultra fast fashion désigne un modèle commercial de l’industrie de la mode caractérisé par une production et une mise sur le marché extrêmement rapides de vêtements, souvent commercialisés à bas prix. Cette stratégie s’appuie sur l’utilisation des réseaux sociaux les plus populaires parmi la « génération Z », principale cible de ce segment de marché. Pour soutenir ce rythme, les marques adoptent des cycles de production accélérés, souvent en réponse directe aux tendances éphémères et aux demandes changeantes des consommateurs. Ce modèle implique des processus de conception, de fabrication et de distribution optimisés pour réduire le temps entre la conception d’un vêtement et sa disponibilité.

([94]) Créé en 1989 et placé en gestion extinctive par la loi de finances initiale pour 2019, le FISAC a financé plus de 17 000 projets grâce à une enveloppe de plus d’un milliard d’euros. La loi NOTRe a conféré aux régions une compétence exclusive en matière de développement économique, ce qui a conduit l’État à réexaminer ses interventions. Par ailleurs, la DGE a indiqué aux rapporteurs que la conception large du dispositif avait pu entraîner des effets d’aubaine. Plusieurs dispositifs publics nationaux plus ciblés ont pris le relais sur des axes précis : le fonds de restructuration des locaux d’activité, le fonds de soutien au commerce rural et le programme de transformation des zones commerciales périphériques.

([95]) La proportion est identique au niveau national.

([96]) La demande de suspension formulée par les élus doit parvenir au préfet au plus tard 21 jours francs après l’enregistrement, par le secrétariat de la CDAC, de la demande d’autorisation d’exploitation commerciale. Le préfet dispose d’un délai de 15 jours pour faire droit ou non à cette demande de suspension. Son silence vaut rejet implicite de la demande. La procédure se déroule donc sur cinq semaines maximum.

([97]) La politique de l’État en faveur du commerce de proximité, rapport thématique de la Cour des comptes, septembre 2023, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-politique-de-letat-en-faveur-du-commerce-de-proximite

([98]) Op. cit.

([99]) Annuelle, la taxe sur les friches commerciales peut être instituée par délibération des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale avant le 1er octobre de l’année N pour une application à compter de l’année suivante (N+1). Elle s’applique aux locaux commerciaux soumis aux conditions cumulatives suivantes : être passible de la taxe foncière sur les propriétés bâties en application de l’article 1498 du code général des impôts (immeubles de bureaux ou utilisés pour une activité commerciale, lieux de dépôt ou de stockage, etc.) ; ne plus être affecté à une activité entrant dans le champ d’application de la cotisation foncière des entreprises ; être inexploité pendant au moins deux ans au 1er janvier de l’année d’imposition et être resté inoccupé au cours de la même période. Cette taxe n’est pas due lorsque l’absence d’exploitation des biens est indépendante de la volonté du contribuable (biens mis en location ou en vente à un prix n’excédant pas celui du marché et ne trouvant pas preneur ou acquéreur, par exemple). L’assiette de cette taxe est constituée par le revenu net servant de base à la taxe foncière sur les propriétés bâties. Son taux est évolutif : 10 % la 1e année d’imposition, 15 % la 2e année, 20 % la 3e année. Les collectivités locales peuvent décider d’augmenter les taux sous réserve de ne pas dépasser le double du montant fixé, soit au maximum 20 %, 30 % et 40 %.

([100]) Certaines marques ajoutent 1,3 million de références par an.

([101])  Ce texte renforce l’information et la sensibilisation du consommateur sur l’impact environnemental de la mode éphémère ainsi que sur les possibilités de réemploi et de réparation des vêtements et accessoires. Il élargit les possibilités de modulation des éco-contributions en fonction de l’impact environnemental du vêtement et interdit la publicité pour les entreprises et les produits relevant de la mode éphémère.

([102]) Le Sénat a précisé les critères de définition de la mode éphémère. Il a notamment précisé les règles spécifiques aux places de marché. Il a également souhaité enrichir le message de sensibilisation, de sorte qu’il informe le consommateur sur l’impact social du produit. Le Sénat a fléché les contributions vers les installations de recyclage situées en France plutôt qu’en direction du financement d’infrastructures de collecte et de recyclage dans des pays non membres de l’Union européenne afin de favoriser le développement de capacités nationales de recyclage. Il a retenu une approche moins punitive en interdisant la promotion des produits de la mode éphémère par les influenceurs, qui constituent aujourd’hui l’un des principaux relais de ces marques et en imposant une information synthétique sur l’impact environnemental des produits de la mode éphémère dans les modalités de publicité.

([103]) Il arrive en effet que les CDAC rendent un avis favorable, malgré l’avis défavorable du maire de la ville‑centre.

([104]) Les quatre questions évaluatives sont les suivantes : « Le programme ACV a-t-il permis de revitaliser les centres-villes des 222 territoires bénéficiaires ? Le programme a-t-il répondu aux besoins exprimés par les villes moyennes ? Dans quelle mesure le partenariat a joué un rôle dans le déploiement du programme ? Les ressources financières, humaines et techniques affectées au programme ont-elles été investies sur cinq ans de manière optimale ? »

([105]) Dans son rapport thématique sur le commerce de proximité, op. cit.

([106]) Selon la Cour des comptes, « destinée à répondre à la question de l’efficacité du programme, cette évaluation repose davantage sur des données qualitatives. Plusieurs villes ont engagé cette démarche, soit en faisant appel à des bureaux d’études (comme Sète par exemple qui vient de mettre en place un observatoire ACV permettant de préparer son évaluation), soit en étant accompagnées plus directement par l’ANCT, dans le cadre du marché d’ingénierie passé avec deux cabinets de consultants (c’est le cas de Niort, de Bressuire et de Tulle) ».

([107]) Migrations résidentielles et crise de la Covid‐19 : vers un exode urbain en France ?, Marie‐Laure Breuillé, Julie Le Gallo et Alexandra Verlhiac.

([108]) https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/l-exode-urbain-petits-flux-grands-effets-les-a2388.html

([109]) Comme poser ou modifier des enseignes, mettre leurs locaux aux normes d’accessibilité en vigueur, déposer des demandes d’autorisation de voirie ou de vente de boissons.

([110]) Située sur le territoire de la commune de Châteaubernard.

([111]) https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2025-02/HFR2025-010_2.pdf

([112]) https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2025-02/HFR2025-010_2.pdf